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P O U R
J E A N - M A R I E BOSREDON.
�MÉMOIRE
P OUR J
e a n
- M arie
BOSREDON
,
détenu dans la maison de Justice près le
Tribunal Criminel du Département du Puyde-Dôme, comme soupçonné d’émigration.
T
ne me suis jamais émigre ; je n’en ai jamais
‘eu l’intention. Je suis chevalier de l’ordre de Malte ;
et depuis le commencement de la révolution, j ’ai
demeuré ou à M a lte , ou sur le territoire français :
cependant je suis détenu depuis le 15 avril dernier,
comme étant; prévenu d'émigration.
Depuis long-temps le tribunal criminel du département
du Puy-de-Dôme m’a renvoyé au directoire du même
,J E
A
�( o
départem ent, pour y faire valoir mes exceptions ,
conformément à l’article L X X X de la loi du 28 mars
1 795. J'a i prouvé aux citoyens administrateurs du
directoire, par l’organe de mes défenseurs, que dans
le fait je n’avois pas été ém igré; que dans le droit,
je ne pouvois l'être, parce qu’ayant été reçu chevalier
de l’ordre de Malte en 17 8 2 , et que n ’ayant pas
abdiqué ce titre, je ne pouvois être considéré comme
citoyen français ; que les lois me privoient tout à-lafois de cette qualité , et des droits qui y sont:
a tta c h é s.
A u moment, où le directoire du département alloit
prononcer sur mon so rt, j ’ai appris qu’il avoit reçu
avis de suspendre, de la part du citoyen ministre
de l ’intérieur, qu’il avoit consulté sur la question,, et
que le citoyen ministre étoit dans l ’intention d’en
référer à la convention nationale.
Pour hâter la cessation d’une détention que je ne
méritai jamais, je vais soumettre au citoyen ministre et
aux comités de législation et de sûreté générale près la
convention , les moyens de défense qui ont été exposés
pour moi au directoire du département. 11 en résultera que
je puis être ju g é , que je dois l’être dam l’état actuel;
qu’il existe des lois qui portent une décision claire sur
mon sort, dont il ne s’agit que de faire l’application;
qu’il n’en faut pas une nouvelle.; d ’ailleurs cette n o u v e l l e
l o i , à laquelle il ne seroit pas juste de donner un
effet rétroactif, ne doit pas plus faire la boussole de
la décision que j ’attends, qu’elle a dû faire la rcg*e
�( 3 )
de ma conduite', puisque je n'aufôis pu me gouverner
pariune loi que, j e - n ’aurciis: pas, connue.
>
-I
■; i
f
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E n 1782 j étant-- en fan t, et étudiant au collège
d ’Effiat, mes. parens me firent recevoir chevalier de
l ’ordre de Malte, Depuis ma réception , je suis allé
à Malte à trois reprises ; j ’y ai plus long-temps résidé
qu’en, France. A ce premier titre de chevalier, j ’ai
réuni celui d ’officier d’infanterie, attaché au service
de l’ordre de Malté.
Apres un long séjour à M a lte , après de longs
voyages sur m er, nécessités par cet état, je me rendis
dans la maison de mon père, qui est sur la municipalité
de Condat, district de Rionu
L e 16 mai 1 7 9 1 , je la quittai pour me rendre à
Malte. J e p ris, le lendemain 1 7 , un passe-port de
la municipalité de R io m , où je déclarai que j ’étois
chevalier de l’ordre de M alte, et que je me rendois
dans cette î l e , en passant par Lyon.
C e n ’est pas là le langage d’un homme qui veut
s’émigrer. J e déclare ma qualité, j ’annonce le pays
où je vais. C e pays n ’éto it point ennemi de la France ( 1 ) .
J e n ’entendois point commettre une action punissable;
et si cela eût été, la municipalité à laquelle je communiquois
mon dessein, auroit dû m’arrêter.
(1)
Je dois observer que le grand-maître de Malte avoit
recommandé à tous les chevaliers de l’ordre , de ne prendre
aucune part aux troubles qui agitoient la France.
A 2
�(
4)
Arrivé à M alte, j'y demeurai jusqu’au mois d’avril
1792 : à cette époque, je m’embarquai paur me rendre
en France ; et j ’arrivai au commencement de juin
suivant à Eoulogne - sur - Mer ; j ’y résidai jusqu’au
mois de février 1793 ; je logeai pendant tout ce temps
chez le citoyen Jean-Louis C lé r e t, vitrier.
L e 2 6 février 1793 , je pris un passe - port de la
municipalité de B o u lo g n e -s u r-M e r , et je me rendis
chez mon père vers le milieu du carême dern ier,
après avoir passé par R o u e n , Versailles et Paris.
Quelque temps après, j ’allai voir un de mes amisà Vernassa!, département de la Haute-Loire : il devoit,
ainsi que m oi, aller à L y o n ; nous fîmes le voyage
ensemble.
C'est dans cette ville que je fus arrêté, le 15 avril
dernier , sous le prétexte que je ne rappcrtois pas
de certificats de résidence. J e fus envoyé, peu de jours
après, en la maison de justice près le tribunal criminel
du département du Puy-de-Dôme , où est le domicile
de mon père.
Interrogé par ce tribunal, j ’ai d it, avec vé rité, que
depuis le commencement de la révolution , je n ’avois
jamais habité qu’en France, ou à Malte -, que d’ailleurs,
comme chevalier de M alte, je ne pouvois être cons ilé r é , dans aucun cas, comme émigré. L e tribunal
ne pouvant juger la validité des exceptions que je
f.iisois valoir, m’a renvoyé au directoire du département,
pour y statuer, conformément à la loi que j ’ai déjà
citée. En rappelant les moyens de défense qui y ont
été déduits pour moi 3 on sera convaincu que le
�. C 5,°
recouvrement de 'ma liberté ne peut- faire la matièr«'
d’un do u te, et que cette décision doit être portés
dès à présent.
Ma défense se divise en deux propositions.
L a première est que je ne suis ni ne puis être émigré-; >
parce qu’ayant continué d ’être chevalier de l’ordre de
M alte, je n’ai pu être considéré comme citoyen français.
L a seconde qui n’est que subsidiaire , et dans la
discussion de laquelle j ’entrerai uniquement pour ne
rien négliger dans une affaire de cette importance , est
q u à supposer que l ’on dût me traiter comme citoyen
français , je ne devrois certainement pas être puni
comme émigré , parce que je suis encore à temps
d’établir que je n e l ’ai point été. P
r e m i è r e
p r o p o s i t
i o
Ni
J e ne suis ni ne purs être' émigré ; je n’ai • jamais •
grossi' les ennemis du pays qui me vit naître : cetta
intention n ’entra jamais dans mon cœur. Mais il ne
s’agit pas ici de juger mes sentimens, il est seulement
question de savoir , si d’après ma-> position , je suis
coupable , ou n o n , d ’avoir négligé de retirer des
certificats de résidence ; s’il n’est pas vrai que la loi
qui prescrivoit cette forme ne pouvoit me lier.
Le-grand maître de Malte est un souverain étranger;
les chevaliers formant l’ordre dont il est le c h e f,
ont toujours été sous sa dépendance ; ils ont été
obligés de marcher sous ses drapeaux, à sa réquisition j
ils ont eu une existence politique qui ne pouvoit se
�e
n
-concilier avec les principes de la révolution : Il ¿toit
donc impossible qu’ils réclamassent la France comme
leur patrie , et que la république les regardât comme
ses enfans, tant qu’ils demeureroient attachés à leur
ordre.
Aussi, cette ségrégation s’est-elle faite sous les deux
rapports de leurs biens et de leurs personnes.
Quant à leurs biens, elle résulte du décret des 14 et
20 avril 1 7 9 0 , sanctionné le 22 , article VIII. L ’article
premier de ce décret confie aux départem ens et districts
l’administration des biens déclarés par le décret du 2
novembre dernier, être à la disposition de la nation;
et l’art. V III excepte, quant à présent, des dispositions
.de l’article premier de ce décret, l’ordre de M a lte , etc.
On retrouve la même idée dans le décret du 25
juin 17 9 0 , article VIII. L e décret du mois d ’avril
précédent que je viens de citer vouloit qu’il fut fait
inventaire du mobilier de toutes les maisons religieuses
et communautés séculières. L ’article VIII du décret du
23 juin 1790 en excepte l’ordre de Malte.
J e conviens que la distinction des biens a cessé dans
la suite , d ’après de nouvelles idées qui n’a voient pas
d ’abord fixé l ’attenlion des législateurs. Cela résulte du
décret du 19 septembre 1792 qui a ordonné la vente des
biens de Malte : mais ce décret même laisse encore des
traces de distinction entre les chevaliers de cet ordre et
les citoyens français qui ont été pensionnas. Les
chevaliers q u i, en cette qualité, avoient des possessions
en France , ont dû avoir les mêmes revenus qu’au
paravant , à l ’exception toute fois des droits 511e les
�7
)
représen'tans de la nation avoient supprimés sans indem
(
nité ; et l’art. X II porte q u e , « quant aux propriétés que
» les langues françaises ont dans les états voisins , ou
» que les langues étrangères ont réciproquement en» F ra n c e , le pouvoir exécutif est chargé de négocier
i» un arrangement
tant avec l'ordre de Malte' y.
» qu’avec les puissances respectives ». L ’article X du
même décret charge aussi le pouvoir exécutif de régleravec l ’ordre de M a lte, sous- l’autorité du corps légis
latif , la somme annuelle pour laquelle la France
contribuera à l ’entretien du port et de l’hôpital de
Malte^ et pour les secours que les vaisseaux de cet ordre
donneront au commerce maritime français: dans la*
JVléliterranée.11 est évident que ce décret considère l ’ordre de'
Malte comme une puissance étrangère. Mais cela n’a pu
ê tre , sans qu’on n ’aiti dû regarder comme membres
.étrangers à la république les individus composant cet
o rd r e , puisqu’il n’y a d’ordre que parce qu’il existe
des. individus qui le composent.
' Dans les décrets dont on vient de parler, quoique'
rendus« pour les b ie n s, on trouve déjà les fondemens
d ’une distinction quant aux personnes ; mais cette
dernière distinction qui est ici la plus essentielle , est;
disertem ent marquée dans le décret du 30 juillet 17 9 1 >
sanctionné le 6 août suivant.
C e ,d é c re t, après avoir supprimé tous les ordres de
chevalerie , ajoute, art. IV et dernier « : Tout Français
» qui demanderont ou obtiendroit l’admission, ou qui
» conserveroit l ’affiliation à un ordre de, c/içvaleriç ou
�'( 8 )
'* a u t r e , ou corporation établie en pays étranger,
* fondée sur des distinctions de naissance, perdra la
•j» qualité et les drdits de citoyen fra n ç a is'».
Dès que j ’ai conservé l ’affiliation -à un ordre de
chevalerie , à une corporation étrangère , fondée sur
•des distinctions de naissance , la conséquence est aisée
-à tirer. J e n ’ai plus existé politiquement comme
-citoyen français. Il n ’y a* pas d ’équivoque sur mon
intention à conserver mon affiliation à M alte, puisque
par-tout j ’ai pris la qualité de chevalier de M a lte , et
notamment dans le -passe-port que la municipalité de
‘Riom m’a délivré le 1 7 mai 1-791 ; que j ’y ai .encore
ajouté que j ’allois à Malte en passant par L y o n , et
que je n’ai cessé d ’y demeurer depuis que j ’ai quitté ma
famille , jusqu’à mon retour en France ( 1 ) .
Vainement voudroit-on distinguer un chevalier
de Malte non p r o ie s , de celui qui le seroit. Cette
distinction ui^est ni dans la raison , ni dans la loi.
E lle n ’est point dans la raison.. Celui qui tient à
un ordre de chevalerie, qui jouit des faveurs qui y
sont attachées, qui par sa persévérance aspire à de
plus grandes, qui a , si l’on veut, la faculté de le quitter,
mais qui ne peut en ctre exclu , est présumé avoir
adopté des principes politiques , trop éloignés de ceux
.qui /ont la ba§e de la xévolution française, pour que
( 1 ) J ’dbserve que je suis âgé de vingt-trois à vingt-quatre ans;
.que je n’ai jamais exercé en France le droit de citoyen; je n’en
conçois pas même la possibilité. Aurois-je pu être noble à M alte,
. et dire en France que je ne pouvois pas le t r e l
�9
(
) '
la république Î’admette au nombre des citoyens: tant
qu’il n’a pas abdiqué le titre de chevalier de M alte, il
est soumis aux lois de son ordre ; il seroit p u n i, s’il les
violoit. On ne pouvoit donc sans contradiction l’obliger
à exécuter tout à-la-fois les lois de M alte, et celles de la
France , soit lorsqu’elle étoit une monarchie consti
tutionnelle , soit lorsqu’elle est devenue une r é p u
blique.
Cette distinction n’est pas non plus dans la loi. E lle
veut simplement que tout Français qui conserveroit
Vaffiliation h un ordre de chevalerie
ou corporation
établie en pays étranger , fondée sur des distinctions de
naissance, perde la qualité et les droits de citoyen'
français. Or , pourroit - on soutenir raisonnablement
qu’un chevalier de M a lte , quoique non proies, ne soit
pas affilié à un ordre de chevalerie y à une corporation
fondée sur des distinctions de naissance ? Le législateur'
s’est déterminé par la seule manifestation de la volonté:il ne faut pas d ’autre engagement.
Mais quelle meilleure interprétation peut-on exiger
pour saisir le sens de cette l o i , que l ’art. II du chap. III'
de la constitution qui va paroître incessamment, et qui
est décrétée en cette partie. Il y est dit que « l’exercice
» des droits de citoyen se perd par la naturalisation en
» pays étranger ; par l'acceptation de fonctions oujaveurs» émanées d'un gouvernement non populaire; par la con» damnation à des peines infamantes ou afflictives ». S i d’après la dernière lo i, des fonctions sans titre, d e '
simples faveurs momentanées qui peuvent subsister, même
abstraction faite de la noblesse , qui peuvent cesser
B
�au gré de celui qui les accepte et de celui qui les donne/
emportent la privation'des droits de citoyen français,
des qu’elles émanent d’un gouvernement non populaire,
pourroir-on dire que le décret du 30 juillet 17 9 1 , n’a
pas voulu prononcer la même exclusion contre des
chevaliers de Malte qui , quoique non p ro fè s, ont
b'ien plus que des faveurs d'un gouvernement non
populaire, qui en tiennent un état qu’ils conservent,
autant qu’ils lé veulent, un état adhérant à la distinction
nobiliaire , absolument incompatible avec les principes
de la révolution ? L e décret du 30 juillet 1 7 9 1 , et
l'article de la constitution se prêtent un secours
mutuel ; ils ne sont que la continuité d ’une même
loi : l’un avoit provisoirement ordonné ce que l ’autre
a érigé en principe constitutionnel : l’un et l’autre
s’appliquent évidemment aux chevaliers de M alte, profès
ou non : l'un les prive de l’exercice des droits de
citoyen , et l’autre leur en avoit fait perdre la qualité.
Ainsi en 17 9 1 , comme à présent, les chevaliers de
M a lte , sans distinction, n ’ont pu être regardés comme
citoyens français.
‘ J e sais que quelques personnes ont pensé qu’un
chevalier de Malte pouvoit être réputé émigré, d'après
l'art. VII du décret du 28 mars 1 7 9 3 , q 11* s’explique
ainsi : » Ne pourra être opposée comme excuse ou
» prétexte d ’absence la résidence à Malte , ou sur le
» territoire de Bouillon, Monaco et autres lieux q u i,
v> quoique limitrophes ou alliés par des traités et
» relations de commerce , ne sont pas partie intégralité
y du U Franco > , etc.
�(II )
C ’est bien niai entendre cette loi que de l’appliqu-er
à un chevalier de Malte.
i ° . Cet article n ’a pas eu en vue ceux qui sont
étrangers à la république : les législateurs n ’y ont été
occupés que des citoyens français auxquels on pourroit
imputer de s’être émigrés ; et pour pouvoir déterminer
les cas d’émigration, ils ont indiqué les lieux où leur
résidence ne seroit pas une excuse , et qui ne font pas
parties intégrantes de la république , par opposition à
ceux qui en font partie : ensorte qu’un citoyen français
qui auroit résidé à Malte , à Bouillon , ou à Monaco , ne
.PfWrpit pas dire qu’il n ’est pas dans le cas de l’émigration.
Mais le chevalier de Malte , déjà mis au rang des
^étrangers , étoit tout autant à l’abri du reproche
d’émigration , que le seroit un habitant de M alte, de
Bouillon , ou de Monaco , et qui ne seroit jamais entré
fsur le_ territoire français.
1
2 ° . Ce qui prouve que les chevaliers de Malte
n’ont pas été l’objet des législateurs, dans cet article ,
c’est l’alliage qui y est fait des trois pays de M a lte ,
Bouillon et Monaco. On ne rappelle pas Malte pour en
faire l’application aux chevaliers ; on en parle comme
^de Bouillon et de. M o n a c o pour les mettre tous
également - dans la classe des pays étrangers à la
République..
3 °. C e qui ne permet pas de douter de la vérité
de< cette interprétation , c’est que cet article ne déroge
point au décret du 30 juillet 17 9 1 , que l’on ne peut pas
le supposer , puisque- ce décret vient d’être confirmé
par un des articles constitutionnels. S ’il est vrai qUC les
B 2
�........................................ (
t O
.chevaliers de Malte aient été mis hors de la classe des
citoyens français , il est également vrai qu’ils sont
étrangers à la république ; et s’ils sont étrangers’, il
devient indubitable que ce n’est pas d ’eux qu’on a
entendu exiger des certificats de résidence, parce que
la nécessité de la résidence dans la république n ’a
pu être imposée à celui qui lui est étranger. Celui
que la nation prive des droits de citoyen, fra n ç a is ,
ne pourroit pas être puni , quand il auroit manqué
aux devoirs qui en sont une 'suite,.
On ne peut 'donc m’opposer que les articles V et V I
d ’un décret du 28 mars 1 7 9 2 , reliatif aux passep o rts;
ils veulent que les Français ou étrangers qui voudront
sortir du royaum e, le déclarent à Ja municipalité de
ileur résidence , et que le passe-port contienne mention
de leur déclaration ; et 1 l ’égard des personnes qui
entreront dans le royaume , qu’elles prennent, à ‘-la
première municipalité frontiere , un passe - port. Or>
on a déjà vu que j ’ai rempli ces formalités.
S
e c o n d e
1
‘
p r o p o s i t i o n
1 '
.
•
*1
r-.;
J e pouvois borner ma défense à l’établissement de
a première proposition. Il n’est pas à présumer que
je sois traité comme citoyen français ; néanmoins il
est dans l’ordre des possibilités, que mes juges décident
le contraire ; et dès que je pourrois établir surabon
damment que je n’ai jamais été émigré, et que je serois
encore à temps de le prouver, il y auroit de l’imprudence
du ma part de supprimer cette discussion sccondaicç.»
1
�( n )
et je sens qu’il est doux à mon cœur de pouvoir m’y
livrer.
L e décret du 28 mars 1795 3 article V I , n ° , 2 ,
'veut qu?on déclare émigré tout Français qui ne justifiera
p a s d a n s la forme prescrite, d ’une résidence sans
¿interruption, en France, depuis le 9 mai 179 2.
J ’ai dit dans mon interrogatoire, que je n ’étois venu
à Boulogne qu’au mois de juin 1792, J e ne connoissois
pas la loi d’après laquelle je pouvois avoir intérêt à
ceique mon arrivée en cette ville remontât à une époque
plus reculée. J ’ai pu me tromper sur les dates ; et il
est très - possible que mon débarquement à Boulogne
soit antérieur. J ’ai eu le malheur de perdre en route
mon porte-feuille qui contenoit des notes qui pouvoient
me retracer exactement les faits. C e n’est aussi qu’après
mon arrestation , que j ’ai reçu de nouveaux extraits de
mon passe-port pris à Riom le 17 mai 1 7 9 1 , et de
celui que m’avoit délivré la municipalité de Boulognes u r - M e r , le 26 février 1793. C ’est à raison de la
-circonstance de la perte de mon porte-feuille, et par
un défaut de mémoire, que j ’ai dit dans mon interroga
t o i r e , que je n’étois parti de Riom qu’en juin 17 9 1 ;
cependant l’extrait que j ’ai fait retirer ensuite, du
passe-port que j ’avois dit devoir se trouver dans les
registres de la municipalité, m’a appris que mon départ
de cette ville étoit du 17 mai précédent.
M ais, supposons encore que mon arrivée à Boulognesur-Mer ne soit que du mois de juin 1 7 9 2 , on ne
pourroit faire valoir contre moi la préfixion de l’époque
du 9 mai précédent, portée par la loi du 28 mars
dernier.
�C 14 )
Pour s’en convaincre , il faut remarquer le motif pour
lequel on a fixé au neuf mai 1792 , la rentrée en
F ra n c e , de ceux qui s’étoient absentés de leur domicile.
C ’est parce que la loi du 8 avril précédent, concernant
•les émigrés, article X X V I , prononçoit seulement la
privation du droit de citoyen actif, pendant deux ans.,
contre les émigrés rentrés en France depuis le 9 février
1 7 9 2 , ou contre ceux qui y rentreroient dans le moi3.
On voit que le délai que la loi accordoit se prolongeoit
au 9 mai suivant ; et celui qui rentroit à cette époque,
sous la sauve-garde J e la lo i, ne pouvoit avoir encouru
d ’autre peine que celle qui y est'portée.
M ais, pourroit-on regarder ce délai comme fatal à
mon é g a rd , dès que j ’étois déjà sur mer , et qu’il
me falloir plus de temps- pour me rendre ? dès que
je suis arrivé de Malte à Boulogne-sur-Mer en juin
1 7 9 2 , il falloit que je fusse sur les côtes de France
avant le 9 mai précédent. Dès-lors je devrais être réputé
avoir exécuté la loi.
;
.
.
E n effet, outre qu’il est dans la justice de distinguer
à cet égard un homme de m er, de celui qui seroit
chez les puissances étrangères, sur les confins de la
république , c ’est que cette distinction est faite par
l’article V I de la mime loi du 8 avril 1792. Cette
loi. excepte de ses propres dispositions entr’autres per
sonnes les gens de mer.
D 'ailleurs, il ne faut pas perdre de vue , que le
mois dans lequel ou pouvoit rentrer, en n’cncoiirant
d’autre peine que la privation du droit de citoyen actif,
fendant deux ans, ne devoit courir, suivant l’art. X X V I
�C 15 }
V
de la loi du 8 avril 17 9 2 , qu’à compter de la pro
mulgation de cette même loi. O r, j ’aurois tout lieu
de soutenir que le mois, à partir de cette promulgation,
dans quelque district que ce puisse être, n ’est expiré
qu’en juin 1792 ( 1 ).
M ais, pourroit-on m’objecter, toujours en me suppo
sant la qualité de citoyen français, il auroit fallu, aux
termes des décrets , que vous eussiez rapporté des
certificats de résidence dans la république. Les articles
X X I I et suivans de la loi du 28 mars dernier, combinés
avec l’article V I , n ° . 2 , exigent que la résidence soit
établie par des certificats revêtus des formes qui y
sont mentionnées.
C e qui annonce mon ingénuité, je ne crains pas
de le dire, c’est l’aveu que j ’ai fait dans mes interro
gatoires , que je n’avois pas cru devoir retirer de
certificats de résidence. M a is, ne peut-il pas y être
suppléé par des renseignemens qui seroient demandés
et constatés authentiquement sur les lieux? Ne suis-je
pas recevable à demander, à cet effet, mon transport
sur les différens endroits où j ’ai séjourné? J e me flatte
d ’établir l’affirmative, à l’aide d ’une foule de moyens.
L a loi veut^bien qu’ on justifie la résidence par
des .certificats revêtus de certaines formes ; mais elle
ne dit pas qu’on doive avoir ces certificats, dans le
( 1 ) Cette observation est d'autant plus décisive, que, bien
U n que la loi du 28 mars 1793 ait dérogé à la loi du 8 avril
en cette partie, elle l’a au contraire confirmée, article M , n°. 1.
�( 1 « )
moment même de l ’arrestation , sous peine d ’être mis
à mort dans vingt - quatre heures. Les législateurs
français n ’ont jamais entendu faire une loi aussi dure.
Il peut arriver, de plusieurs manières, qu’un parti
culier n’ait pas de certificats qui constatent la vérité des
faits qu’il peut cependant établir authentiquement. E t ,
par exemple, un porte-feuille contenant tous les certificats
nécessaires, peut avoir été perdu un jour avant l’arres
tation de celui qui aura été absent quelque temps de
son dom icile, où en seroit-on, s i , malgré l’assertion,
de la perte des certificats, de la part de l ’arrêté, si*
malgré son offre d ’y suppléer par de nouveaux certificats,
il étoit mis à mort sur le champ? N o n , une pareille
loi ne se trouvera jamais dans notre code !
On doit donc dire que la loi veut simplement
l ’attestation de la résidence par des certificats ; mais
que ne s’étant pas autrement expliquée , cela doit
s’entendre par des certificats déjà existans, ou par
des certificats qu’on est à même de se procurer. E t
l ’on doit donner au prévenu le temps nécessaire et
les facilites convenables pour avoir les certificats ou
les attestations équipollentes.
Cela doit d’autant plus avoir li e u , que les lois
précédentes, relatives aux certificats de résidence, ne
les exigeoient p a s , sous peine de mort : elles n ’avoient
trait qu’aux biens.
L e décret du 9 février 1 7 9 2 , mettoit seulement les
biens des émigrés à la disposition de la nation.
Voici les termes de l’article I X du décret du 8 avril
v iv a n t : * Pour éviter, dans la confection des listes,
toute
�( 17 )
» toute/ erreur préjudiciable à des citoyens qui ne
s> seroient pas sortis du royaume , les personnes qui
» ont des biens hors le département où elles font leur
* résidence actuelle, enverront au directoire du dépar
ti tement de la situation de leurs biens un certificat de
» la municipalité du lieu qu’elles habitent, qui consta» tera qu’elles résident actuellement et habituellement
i> depuis six mois dans le royaume ».
L ’article II du décret du 15 septembre 1 7 9 2 , en
demandant l’envoi des certificats de résidence , avec
de nouvelles formes, prononce pour toute peine, faute
d’y satisfaire dans le délai qui y estiporté, l'exécution
des lois concernant le séquestre et L'aliénation des biens
des émigrés.
L a première loi qui parle de mort contre lés émigrés
qui rentreroient, n’est que du 23 octobre 1 7 9 2 , et
elle n ’a été promulguée dans les districts que long-temps après.
J
;
Les lois qui! ont d’abord exigé les certificats de
résidence, n ’étant donc relatives qu’à une privation de
biens, on ne pourroit être puni de mort pour ne les
avoir pas retirés dans le temps. Tel homme qui n ’avoit
aucuns biens;, croyoit n ’encourir aucune peine ; et,
s’il eût été menacé de celle de mort, il sé seroit sans
doute empressé de se^faire délivrer et d’envoyer des
cértificdts de ^résidence. Je me trouve dans ce cas.
Comme fils de famille , je n’avois et je n ’ai encore
aucuns biens ; comme chevalier de Malte , j ’avois
renoncé à toute prétention à la fortune. Je n ’avois donc
xien à conserver. J ’en ai fait l’observation dans mes
C
�( 18 ) .
interrogatoires. Comment pourroit-on donner, en pareil
cas, un effet rétroactif à une nouvelle lo i, et punir de
mort une négligence, toujours réparable, contre laquelle
cette peine n ’étoit pas prononcée, au moment où elle
auroit été commise ?
Mais ce qui .achève de lever toute difficulté sur la
faculté que doit avoir un prévenu d’émigration , de
prouver en tout temps .sa résidence , ce sont les
dispositions des lois des 1 2 . et 15 septembre 1792. L a
première, en imposant u n e ta x e a u x p ères d’enfans
émigrés, leur a accordé un délai de trois semaines,
pour justifier leur.-résidence en France. L a seconde,,
en prononçant la nullité de .certains certificats, accorde
un délai d’un mois pour en envoyer de nouveaux.
Lorsque les législateurs sont uniquement occupés de la
privation des biens, ils accordent un délai pour la réité
ration des formes,.ou pour réparer leur inobservation ;
e t , lorsqu’il s’agit de la v ie , on voudroit dire qu’ils
n’ont pas i entendu a v o ir ’la mOme indulgence ?
A ux dispositions de ces deux lois;, des, 12 et 15
septembre 1 7 9 2 , se réunit cncore l’article X X X I de
la loi du 18 mars dernier : il _donne le délai d ’un
moi-;, à l'effet d’obtenir, de ¡nouveaux .çertificats de
résidence , à ceux qui avouent d'abord rapporté des
Ci-rtiCicats annullés. 11 est parfaitement égal de n'avoir
j-omt de. .ceitihcats, ou d o n . avoir, eu qui ont cte
anmillés.; puisque ce qui est n u l, est aux yeux de
la -loi i, ponime s’il n’eût jamais existé. A la vçr.ne ,
suivant cet article , ce délai d ’un .mois-a dû coyn r,
^ compter d t la proûiulgaiip^i du la loi 3 mais .cette
�19
(
)
disposition ne peut me^nuire. Ma détention remonte
avant
il est bien évident que le délai
n ’a pas couru contre moi , tant que j ’ai été détenu.
Il ne faut donc pas être étonné que des départcmens
aient ordonné le renvoi de certains particuliers prévenus
d ’émigration, sur les lieux où ils disoient avoir résidé,
à ‘l’effet de le faire constater authentiquement, Les
citoyens administrateurs du département du Puy-deDôm e, qui doivent prononcer sur mon sort , ont pris
ce parti relativement au citoyen Chamflour d’AIagnat;
et ceux du département du Gantai ont eu la même
précaution à l’égard du citoyen Castella.
“ Enfin, j ’ai un avantage bien précieux sans doute dans
une affaire de cette nature. C!est que je n’ai jamais été
considéré comme .émigré ; que l’opinion publique ne
s’est jamais élevée contre moi , malgré mon absence
du domicile de mon père ; mon nom n ’a .été inscrit
sur aucune liste d’emigres.
A la vérité , il est fait mention de moi dans une liste
faite contre les pères des enfans émigrés, pour les
contraindre au paiement de la contribution ordonnée
par le décret du 12 septembre dernier. Mais il faut
bien remarquer la manière dont j ’y ai été placé. Cette
liste a été faite au district de R io m , le 51 janvier
1793 / époque à laquelle j ’étois en France. Mon nom
n’y étoit pas d’abord, et les administrateurs ont senti
qu’il étoit de leur justice d ’observer sur un extrait
de la .même liste qui est joint à la procédure instruite
contre moi , que j e n’y avois été inscrit qu’après sa
confection,
urr. simple avis donné dans les bureaux
C 2
�( 20 )
sans renseignemens qui pussent avoir légalement constaté
ma prétendue émigration. Mon père se pourvut d’abord
contre cette indication, même avant mon arrestation,
et il n’a pas encore été statué sur sa demande. E lle
recevra sa décision en même temps que la procédure
criminelle qui a été la suite de mon arrestation ( i ).
J e me flatte donc d ’avoir démontré que ma seule
qualité de chevalier de Malte doit më faire acquitter
( i ) Il est
im p o ssib le
de dire que j'ai été inscrit sur aucune
liste d’émigrés. L a loi n’admet d’autre inscription que celle qui
est faite en conséquence d’un avis ou envoi officiel d’une liste
de la part d’une municipalité.
J e dois remarquer que de ce que mon père s’est pourvu contre
la taxe, il en résulteroit encore, s’il en étoit besoin, un nouveau
moyen pour faire accorder le délai que je ne réclame toujours
que très-subsidiairem ent, et pour ne rien négliger dans m i
défense, puisque, comme chevalier de M alte, je soutiens que
je n’ai jamais eu besoin de prouver ma résidence en France.
L ’article L X III de la loi du 28 mars dernier, porte que « les
» personnes portées sur les listes des émigrés , qui ont réclam é,
» et sur les demandes desquelles il n’a point été statué, et celles
» dont les certificats de résidence sont annullés, seront tenues
» de s’en pourvoir, dans quinze jours, à compter de la promul» gation ds la loi ». Je serois nécessairement dans le cas, ou de
cet article , ou de l’article X X X I que j’ai invoqué dans le mémoire,
qui accorde un mois; et on se rappellera que je serois toujours
dans le délai, parce qu’il n’auroit pu courir pendant nia détention, *
qui remonte avant la
Um/O
«—
�(21)
de l ’accusation y et qu’elle doit déterminer dès à présent
mon élargissement. Mais subsidiairement, et si contre
mon attente, cette proposition pouvoit souffrir difficulté,
si l’on croyoit que j ’ai dû avoir la qualité et les droits
de citoyen français, j ’ai établi que je pouvois prouver
encore que je n’avois jamais manque aux devoirs que
cette qualité commande. Mes preuves partent de lois
claires et précises : il n’en faut point d autres. Hé ! s’il
en falloit une nouvelle, seroit-il possible de ne pas la
voir dans le nouvel article constitutionnel que j ’ai
rapporté dans le développement de mes moyens ?
Qu’il me soit permis d’observer à tous ceux qui
doivent coopérer à mon jugement , que je languis
depuis près de trois mois dans une détention toujours
fâcheuse par elle-même ; mais qui le devient encore
plus par les incommodités dont elle est environnée ( 1 )
que pour me rendre justice , il ne suffit pas de me
ju ger, il faut encore qu’on me juge promptement.
^Fait en la maison de justice, à Riom , le 28 juin
1 7 9 3 , l ’an deux de la république française.
S i gné, J e a n - M a r i e
( 1
BOSREDON.
) Mon mémoire étant à 1 impression, et ma santé s étant
dérangée, j’ai été transféré de la maison de justice dans la maison
d’arrêt, par ordre des citoyens juges du tribunal criminel; je saisis
l'occasion avec empressement pour leur témoigner ma gratitude.
______r
___________
A R I O M , D E L ’ I M P R I M E R I E D E L A N D R I O T , 1793.
�
Dublin Core
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Factums Baron Grenier
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Description
An account of the resource
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Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bosredon, Jean-Marie. 1793]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bosredon
Grenier
Subject
The topic of the resource
émigrés
chevaliers de Malte
prison
citoyenneté française
neutralité politique
certificats de résidence
opinion publique
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jean-Marie Bosredon, détenu dans la maison de justice près le tribunal criminel du département du Puy-De-Dôme, comme soupçonné d'émigration.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1793
1782-1793
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
BCU_Factums_B0136
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Baron-Grenier
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Condat (15054)
Riom (63300)
Lyon (69123)
Rights
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Domaine public
Relation
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certificats de résidence
chevaliers de Malte
citoyenneté française
émigrés
neutralité politique
opinion publique
prison
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Text
|
M
E
M
O
I
R
E
POUR
ftys
-
G
uillau m e
M A IG N O/ L f ils, habitant à Bon-
lieu, canton d’E v au x, appelant ;
c o n t r e
,
A n t o i n e G U I L L A U M E maréchal a P on
taumur, intimé ;
ET
C O N T R E
,
G ilb e r te M A IG N O L , P ie r r e L E G A Y
mari
A n to in e
-
M A IG N O L
, son
G ilb e r te
veuve Paneveyre, et autres, héri
Pierre M a i g n o l , d e Landogne, intimés;
M A IG N O L ,
tiers
EN P R É S E N C E
,
D e G u i l l a u m e M A I G N O L père habitant au
lieu du Cheval-Blanc, commune de Condat, ap
pelé en assistance de cause.
U
n
acte sous seing p r i v é , synallagm atique, est-il nul
s’ il n’a pas été fait double ? Peut-il être opposé à un dona
taire contractuel s’il n ’a de date certaine que postérieure
ment à sa donation ? E n fin quels caractères d ’exécution
A
’
,
�faut-il à cet acte p o u r q u ’il soit obligatoire m algré les
nullités qui le vicient ?
Telles sont les questions que présente cette cause, en
supposant qu ’ un acte sous seing p r i v é , produit par les h é
ritiers M a ig n o l, soit une vente. C a r , en p oin t de fait,
l’appelant démontrera que cet acte n’est qu’un ti^re de
possession,
*
F A I T S . '
. v
'
•
*•
P a r acte du 16 mai 1^ 5 5 , M ic h e l L en o b le donna ¿1 bail *
em pylitéotique à des nomm és C liefd eville, un p ré situé
près de L a n d o g n e , m oyennant 90 francs de rente annuelle.
C ’est ce p ré qui fait
1’objet
de la contestation.
L e m êm e j o u r , L en o b le vendit ladite rente de 90 fr.
îi G uillaum e M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , p o u r le payer
de 1800 francs qu ’il lui devoit.
L e 16 juin 1 7 7 7 , C h efd eville subrogea ledit G uillaum e
M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , audit bail em p yhtéo liq ue ;
de sorte q u ’il lui céda la p ro p riété du pré.
Ce pré étant situé près de L a n d o g n e , étoit désiré beau
coup par le s ie u rP ie rre M a ig n o l, notaire audit lie u ; et il
paroît q u ’il chercha les m oyens d’en devenir propriétaire.
Il étoit créancier dessieui’s L a rfe u il d’une rente de 56 f. ?
au principal de
2800 francs, créée en 1 7 2 0 , due p o u r
m oitié par les héritiers de Jean-Franeois L arfeuil.
L e s L a rfe u il ayant vendu en rente un petit domaine à
Jean Gastier, P ierre M a ig n o l, de L a n d o g n e , avoit obtenu
contre lui une sentence hypothécaire en 1 7 6 6 , portant
permission de se mettre en possession ou faire vendre.
D e son c ô té , G uillau m e M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c
,
�( .3 )
seigneur féodal dudit d o m a in e , et ayant acheté de l’ un des
L arfeu il la m oitié de la rente due par Jean G a s tie r , lA
poursuivoit p our être payé des cens , lods et arréragés de
rente, et se tro u vo it empôclié par ladite sentence de 1 7 6 6 ,
en ce que son vendeur l’avoit chargé de payer à P ie rre
M a ig n o l la p ortion de la rente de 1720.
Cette procédure fournit à ce dernier l ’occasion de faire
des
propositions à G uillau m e
M a i g n o l , du
C h e va l-
Blanc , et de profiter de son ascendant, en lui faisant
entendre que rien n’étoit plus aisé p o u r lui que de de
ve n ir p ropriétaire de ce petit domaine ven du à G a stier,
lequel étoit parfaitement à sa bienséance, puisqu’il jo i—
gnoit ses propriétés du Clieval-Blanc.
Il paroît que P ierre M aign o l proposa à G uillau m e de
faire par ce m oyen un échange de ses droits à ce d o
maine , avec le p ré venu de L e n o b le , assurant sans doute
q u ’il n’y avoit plus qu’à se mettre en possession dudit d o
maine , au m oyen de sa sentence de 1766.
Cependant le sieur M a ig n o l, du C h e v a l - B l a n c , ne
donna pas pleinement dans le piège. Il fut passé un acte
entre les parties, le 2 octobre 1779* M ais cet acte ne
contient pas de v e n t e ; sa contexture m êm e p ro u v e que
le sieur M a ig n o l, du Cheval - B la n c , entendoit stipuler
toute autre chose q u ’ une vente , et ne vo u lo it que
laisser le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e , jouir du p ré
L e n o b l e , jusqu’à ce q u ’il y eût quelque chose de certain
p o u r lui-mêrne au sujet du domaine Gastier. l
E n e f f e t , on lit dans cet acte, du 2 octobre 177 9 ■
>que
P ierre M a i g n o l , de L a n d o g n e , cède à G uillau m e M a i
g n o l la rente de 28 fran cs, au principal de 1400 francs
A
2
�( 4 )
faisant moitié de celle de 1 7 2 0 , due par les héritiers de
Jean - François
L a r f e u i l ,' ensemble les arrérages
éclms
J
O
depuis 1 7 5 8 ; p l u s , il cède audit G uillaum e M a ig n o l ,
du C h e v a l- B la n c , l ’efiet de la sentence de 1 7 6 6 , p ar lui
obtenue contre Gastier.
Le
p r ix dudit transport est fixé
entre
les parties
à 2000 fran cs, p o u r l’acquit de laquelle somme M a ig n o l,
du C h e v a l- B la n c ( propriétaire cependant du p ré L e n o b l e ) , cède seulement à M a ig n o l, de L a n d o g n e , le c o n
trat de renie de 90 francs à lui dû par les héritiers de
P ierre L e n o b le , suivant l ’acte du 16 m ai 1 7 5 5 ; la quelle
rente est -payable, est-il d i t , p a r les jo u is s o n s du p ré
appelé P r é ■■Grand y s u r le q u e l elle e st sp écia lem en t
affectée.
E n co n sé q u e n c e , au m oyen de la rem ise que fera
G uillaum e M a ig n o l des titres co n stitu tifs de ladite rente
de 90 francs, ensemble des titres de créances y énoncés ,
il demeurera quitte de la somm e de 1800 francs: et quant
h la somme de 200 fra n c s, P ie rre M a ig n o l reconnoît
l ’avoir reçue en d élivran ce de promesse de ladite somme.
D e sa p a r t , P ie rre M a ig n o l remet à G uillaum e la sen-*tence de 1 7 6 6 , obtenue contre G astier; et néanmoins il
se réserve le contrat de rente de 1 7 2 0 , p ou r p ou rsu ivre
le payement de la m oitié qui lui re s te , et m ê m e , d it -il,
les arrérages de la m oitié v e n d u e , antérieurs à 17^ 8 ;
enfin les parties se cèdent respectivement les droits rescindans et rescisoires qui peu ven t résulter des contrats cidessus énoncés.
Il paroît aujourd’hui un acte sous seing p riv é , de la
m êm e date que le transport ci - dessus, assez diilicilc à
�( 5 )
accorder avec les clauses dont on vient de rendre com pte,
du moins dans le sens que les adversaires lui d o n n e n t ,
mais qui p rou veroit assez, s’ il étoit réellem ent de cette
date, que le sieur M a ig n o l, de L an d o gn e, n ’avoit cherch é
à extorquer un écrit quelconque du sieur M a i g n o l , du
C h e v a l-B la n c , que p o u r tirer parti un jour de son obscu
rité. Il est néanmoins évident q u ’il ne s’agissoit alors que
de lui laisser les jouissances du pré L e n o b le p o u r 90 fr.
par a n , afin de le payer de l ’intérêt des 1800 francs cidessus stipulés, jusqu’à ce que l’occupation réelle du do
maine Gastier perm ît de faire un échange définitif.
Q u o i q u ’il en soit, et en attendant que cet écrit jus
q u ’à présent inconnu soit mis sous les y e u x d e là c o u r , et
discuté, il s’agit de continuer l ’ordre des faits. L e sieur
M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , eut bientôt à s’ap plaudir de
n ’avoir pas entièrement cédé aux assurances du sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e ; car huit jours après l’acte du 2
octobre 1779 , ayant pris possession notariée du domaine
G astier, en vertu d e l à sentence de 1 7 6 6 , qui venoit de
lui être c é d é e , ledit Gastier loin de se rendre à une
expropriation v o lo n ta ire , c o m m e l’avoit prom is le sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e , alla au contraire traiter avec l’ un
des L a r f e u i l , ses v e n d e u rs, qui offrit de payer le sieur
M a i g n o l , et conclut à ce qu ’il fût déchu de ses demandes.
En e f fe t , par une sentence de la sénéchaussée d ’A u
v e r g n e , au rapport de M . F a y d it , G uillaum e M a ig n o l
fut d é b o u té , à la charge d ’être payé des cens à lui dûs per
so n nellem ent, et seulement de la moitié des arrérages
de rente par lui acquise de L aurent L arfeuil.
Cette sentence ne dit rien de la m oitié de rente cédée
par P ierre M a ig n o l à G uillaum e , q u o iq u ’elle fût de
�(6 )
m a n d ée , et que la sentence de 17 66 en portât condam
nation; de sorte que par le fa it, G uillaum e M a ig n o l, du
C heval-B lanc, n’a pas t o u c h é ,à ce qu ’ il p a ro ît, un denier
de ce qui lui a été vendu par M a ig n o l , de L a n d o g n e ,
le 2 octobre 1779
tandis q u ’on élève la prétention de
s’a p p r o p r ie r , sans bourse d é lier, un p ré q u ’ il n’a pas
vendu.
Cependant P ierre M a ig n o l, de L a n d o g n e , s’étoit mis en
possession dudit p r é , et les fruits devoient lui en rester
p o u r la rente de go francs , suivant la clause du traité, tant
que le sieur M a i g n o l , du C h e v a l - B l a n c , ne préféreroil pas
jo uir lui-m êm e en payant ladite rente.
O n pense bien que le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e ,
s’arrangea p ou r faire'durer cet état de choses encore lo n g
temps , et q u ’il ne manqua pas de rév eille r de loin en
loin l ’espoir de son cousin de devenir p ropriétaire du
petit dom aine G a s tie r , qui étoit si fort à. sa bienséance.
L e sieur M a ig n o l, du C h eval - B l a n c , éloigné du p ré
L e n o b le , ne mettoit pas un grand pi’ix à en jouir lu im êm e , et peut-être lui en exagéroit-on les inconvéniens ;
peut-être aussi le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , sayoit-il
tirer parti d’ une espèce de dépendance dans laquelle il
avoit su tenir son parent.
L es choses restèrent en cet état jusqu’en l ’an 7 , que
le sieur M a i g n o l , fils de G u illa u m e , donataire universel
de son père par son contrat de m ariage, se mit en pos
session de ses biens en cette q u a lité , et demanda à son
père des renseignemens sur le résultat de l’acle de 1 7 7 9 ,
et d e là prise de possession du dom aine G a stier, que son
père lui rernettoit avec d’autres titres. C ’est alors que le
sieur M a ig n o l père expliqua à sou fils que si, à la v é r it é }
�(7 )
il ne jouissoit pas du domaine G a s t ie r , il restoit maître
du p ré L e n o b le , q u ’il reprendrait quand il v o u d r a it , et
que lu i, M a i g n o l p è r e , n’avoit pas encore ré c la m é , parce
q u ’on l ’avoit toujours bercé d’un vain espoir , et parce
q u ’il devoit au sieur M aignol, de L a n d o g n e ,p o u r un procès
de fam ille; ce qui l ’avoit em pêché de le contrarier.
M a ig n o l fils vo u lu t avoir une explication avec le sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e , qui lui refusa toute com m unica
tion sur ce poin t, et ne lui répondit qu ’en pressant le paye
m ent d ’une créance étrangère au procès actuel. M a ig n o l
fils paya le 2
5 nivôse an 9 ,
et se crut dès-lors autorisé à
reco u vrer ses droits.
I/acte de 1779 qui lu i avoit été remis n’énonçoit que
l ’acte de i r/ 5 5 ) lequel ne donnoit la p rop riété du p ré q u ’à
Ch efd eville : il s’agissoit donc de rechercher la vente que
C hefd eville avoit dû faire au sieur M a ig n o l, du C h evalBlanc. Mais l ’acte en avoit été reçu par le sieur M a ig n o l,
de L a n d o g n e , et il étoit difficile de se le p rocurer ; il l’avoit
refusé plusieurs fois. Enfin M a ig n o l fils, étant p arvenu
à trouver la date de l’enregistrem ent, étoit p rêt à p o u r
suivre le sieur M a ig n o l, de J/andogne, lorsqu’il décéda.
A lo r s il demanda une expédition au n o t a ir e , son suc
cesse u r, q u i , en cherchant avec l u i , ne trouva pas la
m inute de l’acte dans la liasse de 1777? n * au répertoire.
A l o r s , p o u r éviter toutes difficultés, M a ig n o l fils p rit le
parti d’acheter du m êm e C h efd eville, le 14 fructidor an 1 1 ,
une ratification de la vente q u ’ il avoit consentie en 1 7 7 7 .
M u n i de cette p ièce , M a ig n o l fils informé que le pos
sesseur du pré L en o h le étoit A n to in e G u illa u m e , de P o n t à u m u r , le fit citer ch désistement, par cédule du 3 ven
démiaire an 12.
�C8)
G uillau m e ne vo u lu t pas plus donner d ’explica lions que
le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , et ne com parut au bureau
de p aix que p o u r o b éir à la loi. Ensuile il se défendit
par des réquisitoires de qualités et de titres ;'et après cela,
il demanda la nullité de l ’e x p lo it , sous p rétexte que les
confins du p ré n’y étoient pas én o n cés, q u o iq u ’ils le fussent dans la cédule.
Il succomba justement sur cette ch ican e, par jugem ent
du 4 pluviôse an 12 , lequel néanmoins réserva les dépens
p o u r y'étre fait d r o it , en statuant au fond.
Enfin il plut à G u i l l a u m e de r é v é l e r q u ’ il étoit acqué
reur du sieur M aig n o l , de I,an dogn e, par acte du 29 ven
tôse an 6 , et il assigna son vendeur en garantie.
L e sieur M a ig n o l, d e L a n d o g n e , étoit décédé dans l ’in
tervalle; ses enfans in t e r v in r e n t , et en rendant com pte
des faits, ils se contentoient d ’abord de dire que leur père
étoit propriétaire en vertu d ’un acte , sans l’indiquer. Ce
pendant il falloit ne pas s’en tenir à des mots ; et les h éri
tiers M a ig n o l produisirent enfin un acte sous seing p r i v é ,
sous la date du 2 octobre 1 7 7 9 , enregistré seulement depuis
le p r o c è s , et ainsi conçu :
« J e soussign é, subroge M e. P ierre M a i g n o l , bailli
« de L a n d o g n e , ù l’effet de la vente du bail em phytéo« tique , appelé P r é - G r a n d , que M e. A n n c t C h efd eville
« m ’a consentie devant M a ig n o l, n o ta ire, le six juin m il
« sept cent so ixa n te-d ix-sep t, p o u r p a r lu i j o u ir dudit
« pré ainsi q u ’ il avisera bon ê tre , m oyennant la somme
« de deux cent quatre-vingts liv r e s , dont deux cents livres
a demeurent compensées avec pareille somme de d e u x
« centslivrescom prise en la cession que ledit sieur M a i g n o l
« m ’a faite d e v a n t A lle y r a t cejourd’h u i , d ’ un cont rat de
« rente
�(
a
cc
a
«
9)
rente sur les sieurs de L a r fe u il, et les quatre-vingts livres
restantes me seront déduites sur les arrérages réservés
par l’acte ci-dessus daté. Fait ce deux octobre m il sept
cent soixante-dix-neuf; et s 'g n é M aignoJ.
« Enregistré à R i o m , le 24 nivôse an 13 : reçu
fr.
5
c e n t ., etc. »
Les héritiers M a ig n o l com prirent bien qu ’ils ne p o u voient pas opposer cet acte à M aign o l fils , com m e ayant
cc 6 0
une date certaine antérieure au procès. E n conséquence,
pou r a vo ir plus de droits vis-à-vis M a ign o l p è r e , ils de
mandèrent sa mise en cause , qui fut ordonnée par juge
ment du 6 therm idor an 12.
XiC sieur M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , ainsi assigné en
garantie par les adversaires, dit en défenses q u ’il reconnoissoit sa signature, mais que l’écrit q u ’on lui représentoit ne contenoit de sa part aucune convention synallagniatique qui l’eût p riv é de la prop riété de son pré.
L a cause en cet état portée à l’audience du tribunal
d ’arrondissement de R i o m , le 23-ventôse an 1 3 , les h éri
tiers M a ign o l s’efforcèrent de jeter de la défaveu r sur
G uillaum e M a ig n o l p è r e ; et le sieur L e g a y , l ’ un d ’e u x ,
qui avoit écrit com m e scribe la m inute de l’acte du 2 oc
tobre 1779 , alla jusqu’à dire, en désespoir de cause, q u ’il
avoit écrit aussi un double du sous-seing p riv é p o u r être
remis au sieur M a i g n o l , du Cheval-Blanc.
Q uelque défiance que dût inspirer au tribunal une mise
en fait de cette im p o rta n c e, venant d’une partie intéressée
à la fin d’ une seconde p la id o ir ie , elle ré u s s it, et le t r i
bunal ordonna la comparoissance-des parties en personne
ppur être questionnées sur ce fait.
B
�( IO )
A l ’audicncc du 6 floréal an 1 3 , tout le m onde com
parut ; le tribunal fit plusieurs questions h M aign ol père
et à M a ig n o l fils. L e sieur L egny lui-m em e fut admis à
rép o n dre sur le fait par lui allégué , et le tout fut consigné
dans le jugement en form e d’interrogatoires.
M . le p rocu reu r im périal fut pleinem ent d ’avis que
l ’acte sous seing p riv é 11’avoit pas eu p ou r objet une vente
qu ’il n’ énonçoit pas, et q u ’il étoit d ’ailleurs nul com m e
n ’étant pas double. Cependant le tribunal y vit une ven te,
et qui plus est, une vente va la b le; en con séq u en ce, il
déboula M a ig n o l iils de ses demandes (1).
(x)
J u g e m e n t
d o n t
e s t
a p p e l
.
Entre Guillaume Maignol fils.......... Antoine Guillaume.............
Marie-Gilberte M aignol, et sieur Pierre L e g a y , son m ari; A n
toine M aignol, Gilberte M a ig n o l, yeuve P a n e v e y re , et autres.. . .
et Guillaume Maignol père.........
Interrogatoire de G uillaum e M a ig n o l pùre.
A lui demandé si à l’époque de l’acte n otarié, du 2 octobre
1 7 7 9 , il a été fait le mémo jo u r, entre les mêmes parties , un
acte sous signature privée. — Répond qu’il y a eu en effet un acte
sous seing privé. — D cm . Par qui les doubles ont été écrits, et
s’il reconnoit le double sous seing privé qui lui est représcnlé
et rapporté par les parties de M c. Mayet. — Rép. que ledit acte
avoit été écrit de sa main. — D em . Qui est-ce qui a dicté les co n
ventions. — Rép. que c ’é lo itle sieur Pierre Maignol. — Dr/n. Si
ledit sieur Pierre Maignol avoit écrit quelque chose. — Rép. que
non , et qu’il est très-mémoralif qu ’il n’y a pas eu d’autre double
écrit du sous-seing privé, que celui qui lui est représenté
D cm . Quel a été le but de cet acte sous seing privé? — Rép.
�L e sieur M a ig n o l fils a interjeté appel de ce jugem en t,
et ses m o y en s, p ou r le faire accueillir , sont fondés sur
les principes les plus constans et sur la plus exacte justice.
que c ’étoit pour céder au sieur Pierre Maignol la jo u issa n ce du
pré dont est question , ju s q u ’il de nouveaux arrangemens entre
eu x. — D em . L e sieur Pierre Maignol ne devoit donc pas avoir
cette jouissance par l’acte notarié ? — Hép. que non ; qu’il n’y
a que l’acte sous seing privé qui la lui délaisse. — A lui demandé
s’il ne fut pas question entr’ eux de chercher à éviter les droits
de lods. — Rép. qu’il ne sait pas ce que le sieur Pierre Maignol
pensoit ; que pour lui ce m otif n’est entré pour rien dans cet
acte. — D em . S ’il a été question de la propriété du pré. — Rép.
que non , que ce n ’étoit pas son intention , et que ce ne pouvoit
être non plus celle du sieur Maignol. — D em . Pourquoi, n ’ayant
été question que de la jouissance, l’acte sous seing privé ne fait
aucune m ention de cette jouissance. — Rép. qu’il a écrit sous
la dictée de M. Maignol. — D em . Si son fils étoit présent à c e t
acte. — Rép. que non ; mais qu’en ayant eu connoissance peu
de temps après , il lui en avoit témoigné son mécontentement.
— D em . Q uel ¿Ige avoit alors votre fils? — Rép. environ seize
ans. — A lui demandé si le sieur Maignol, ayant intention de
se soustraire aux droits de lods , n avoit pas aussi l’intention de
devenir propriétaire au lieu de simple jouissant du pré. — A
répondu que M. Maignol a bien pu avoir cette intention ; mais
qu’il n’a pas été question de la propriété entre les parties. —
D em . Lorsque vous avez fait donation de tous vos biens à votre
fils , aviez-vous alors la jouissance du pré? — Rép. que M. M ai
gnol en jouissoit alors. — D em . Avez-vous donné le pré dont il
s’agit? — Rép. qu’il a donné en général tous les biens qu’il avoit.
_D em . Avez-vous eu connoissance de la vente du p r é , faite
le 29 ventôse an 6 par M. Maignol à Guillaume ? — Rép. que
cet. objet pouvant se re n d ro , il ne s’est pas mis en peine dü
B 2
�( 1* )
M O Y E N S .
L es premiers juges se sont occupés de l’acte sous seing
s’ informer de ce que le sieur Maignol feroit relativement à cette
affaire. — D em . S ’il a^su la vente. — Rep. q u ’il en a eu connoissance quelque temps après ; et ensuite a ajouté affirmati
vem ent qu'il l’avoit sue quatre à cinq mois après. — D em . S ’il
avoit d’autres éclaircissemens à donner. — Rép. qu’ayant appris
la vente du pré par P ierre M aign ol à Antoine G u i lla u m e , il a
voulu se procurer l’acte de vente de 1 7 7 7 , dont la minute étoit
chez ledit sieur Pierre Maignol ; il 11’avoit pu se le procurer
d abord. — D em . Si le sieur L c g a y , notaire, a écrit un autre
double de l’acte sous seing privé. — Rép. que non.
Interrogatoire du sieur M a ig n o l fils .
D em . S ’il avoit eu connoissance des affaires faites par son père
avec le sieur Pierre Maignol, en 1779. — Rép. qu’il n’en a eu co n
noissance que depuis qu’il a été à la tète de la maison ; qu’a
vant , son père lui avoit parlé des arrangemens faits avec le sieur
Pierre M a ig n o l, en lui disant qu’il espéroit rentrer dans le pré.
•— D em . Rappelez-vous ce que vous a dit M. votre père à l’égard
de l’acte notarié et du sous-seing privé. — Rép. qu’il lui a dit
avoir consulté MM . P a g è s , Andraud et Grenier sur l’acte sous
seing p rivé, et qu’on lui avoit dit qu’il étoit n u l , pour n ’avoir
pas été fait double. — D em . M. votre père avoit donc cet acte
alors? — Rép. qu’il ne l’avoit pas, mais qu’il se rappeloit de son
contenu ; que son père lui a toujours dit qu’il n ’ y avoit pas eu
de double de c e t acte. — M. Maignol père i n t e r p e l é s’il est
vrai q u ’ il a consulté les trois jurisconsultes s u s - n o m m é s . — Rép.
qu’o u i, qu’il n ’avoit pas l’a c te ; mais que sur c e qu il en avoit
rapporté, M. Andraud l u i ayoit assuré que la c t é étoit nul. —
�3
( i )
p riv é dont les adversaires font leur titre , com m e si cet
acte étoit souscrit par le demandeur lui-m ém e ; ils ont
D em . à M. Maignol fils, s’il a vu entre les mains de son père
un écrit sous seing privé. — Ré p. n’en avoir pas vu , et que
son père lui a toujours assuré qu’il n’avoit pas été fait de double.
— D em . Si lors de la donation à lui faite par son p ère, celuici lui avoit aussi donné le pré. — Rép. que son père disoit tou
jours qu’il avoit droit de se remettre en possession dudit pré,
mais qu’il lui donrioit pour prétexte q u ’il n’avoit pas le titre
qui établissoit la propriété de ce pré , la minute de ce titre étant
entre les mains de Pierre Maignol. — D em . Avez-vous eu connoissance que M. L e g a y , notaire, eût fait un des doubles du
sous-seing privé de 1779? — Rép. qu’il a ouï dire par son père
que le sieur L egay avoit été le scribe de l’acte notarié, et non
du sous seing privé.
Interrogatoire de M e. A n to in e Bouyon.
D em . A v e z -v o u s eu connoissance qu’il eût été fait un acte
double sous seing privé? — Rép. n’avoir eui,connoissance et
n’avoir entendu parler de cet acte que depuis l’affaire dont
s’agit.
Interrogatoire de M e. P ierre L eg a y.
D em . Avez - vous eu connoissance qu’il eût été fait un acte
double sous seing privé? — Rép. que se trouvant a Landogne,
M. Maignol , de L a n d o g n e , qui étoit dans son cabinet avec
M. M a ig n o l, du Cheval-Blanc , l’appela , et l’invita à écrire un
double sous seing privé , contenant subrogation de rente , et
n o t a m m e n t contenant aussi cession d'un pré de la part du sieur
M aignol, du Cheval-Blanc , .au profit du sieur Pierre M aignol,
de Landogne. — D em . Etes-vous mémoratif si l ’acte que vous
écrivîtes étoit sur papier. timbré ou sur papier libre?,«*- Ilép.
�( I 4 )
confondu les moyens de M a ig n o l fils avec ceux de M a 'g n o l
p è r e , sans donner de motifs de cette résolution princi-
qu’il ne se rappelle pas sur quel papier il écrivit. — D em . Q u e l
qu’un écrivoit il ave c v o u s ? — Rép. qu’il ne s’en rappelle pas
très - positivement ; que néanmoins, sans pouvoir bien le c e r
tifier , il croit que M. M a ig n o l, du Cheval-Blanc , écrivoit avec
l u i , et que M. M a ig n o l, de L a n d o g n e , leur dictoit. — D n n . Lors
que vous eûtes fini d’écrire , qui est ce qui signa? — Rép. qu’il
ne s’en rappelle pas. — D em . S’il n’écrivit qu’un acte , et s’il
n’en écrivit pas deux. — Ilép. qu’il est mémoratif d’en avoir
écrit un seulement. — D em . M. M aignol, de L an d o g n e , écri
vit il en même temps que vous? Rép. que non; que c ’est lui
qui dictoit.
Après ces différens interrogatoires, M. le procureur impérial
a porté la parole ; et après un résumé de l’affaire , il a été d’avis
de déclarer nul l’acte sous seing p r i v é , du 2 octobre 1779»
parce qu’il n’avoit pas £té fait double ; a conclu à ce qu ’Antoine Guillaume fut condamné à se désister du pré dont il s’a g i t ,
en faveur du sieur Guillaume Maignol père , ou quoi que ce soit
Guillaume M aignol, son fils et donataire, avec restitution de
jouissances, et aux dépens. Il a pareillement conclu à ce que
les parties de M ayet fussent tenues de garantir ledit Antoine
Guillaume des condamnations contre lui prononcées.
Les débats terminés , le tribunal a ordonné que les pièces
seroient mises sur le bu reau , pour en être délibéré en la chambre
du conseil.
1 L a cause de nouveau appelée en cette a u d ie n c e , il en est
résulté les questions suivantes à résoudre.
Q
uestions
.
Quels effets doivent avoir les actes des iG mai xjS'j , 6 juin
1)777, l’acte notarié, du ¿1 octobre *779 , et l’acte sous seing
�5
( i )
pnlc ; et cependant ce iféto it pas une m édiocre difficulté
que celle de savoir jusqu’à quel point un fils, donataire
p riv é , du même jour deux octobre 1779} intervenus dans la
famille des Maignol?
L ’acte sous seing privé, du 2 octobre 17 7 9 , n’énonçant pas
qu’il a été fait double , cette irrégularité doit-elle le faire dé
clarer n u l, lorsque cet acte a r e ç u , du consentement de celui
qui veut l’attaquer, une exécution complète pendant plus de
vingt cinq ans?
*:
’
E n ce q u i touche la demande en désistement, formée contre
le nommé Antoine Guillaume', du pré dont il s’a g it;
Attendu que cette demande est subordonnée à l'effet que
doivent avoir différens actes qui ont été consentis entre les
Maignol , relativement au pré en question.
En ce qui touche la validité de ces actes ;
Attendu qu’il est établi que par le contrat du 16 mai 17 5 5 ,
Guillaume Maignol père a acquis la propriété de la rente fon
cière de go francs , assise sur le pré dont il s’a git;
Attendu que par contrat du 6 juin 1777, le même Guillaume
Maignol père étant devenu propriétaire de ce pré , a réuni par con
séquent dans sa main la rente , et le pré qui étoit asservi à cette
rente; que dès-lors il y a eu en sa personne confusion des qua
lités de créancier et de débiteur, ce q u i a opéré nécessairement
l ’extinction de ladite rente ;
Attendu que le contrat du 2 octobre 1779? consenti par G u il
laume Maignol père à Pierre M a ig n o l, so n p arè n t, n’a pu avoir
réellement pour objet la cession de la rente qui n’existoit p l u s ,
et 11e peut se référer qu’à la cession de la propriété du pré;>
Attendu que l ’acte sous seing privé du même jour 2 octobre
jy y g , intervenu entre les mêmes Guillaume Maignol p è r e 1,
et Pierre Maignol, a subrogé ledit Pierre Maignol à la cession
consentie à Guillaume Maignol p a r l e contiat du 6 'juin 17^7;
�(i 6)
par acte authentique , p o u v o it être tenu de l ’effet d’ un
acte sous seing p r i v é , n’ayant de date certaine qu’après sa
donation.
que cette subrogation générale des effets de l’acte de 1777 ,
ne peut s’entendre que de la propriété du pré dont il s’a g i t ,
puisque cet acte de 1777 étoit uniquement translatif de la pro
priété du m êm e pré ;
Attendu que quoique cet acte sous seing privé , du 2 octobre
1779, ne fasse aucune mention qu’il a été fait double entre les
p a r t ie s , G u illa u m e M aignol p è r e , ni G u illa u m e Maignol fils,
ne p euvent, dans,les circonstances où se trouvent les parties,
e xciper de cette omission , parce qu’il résulte des réponses
faites par lesdits Maignol pére et fils, lors de leur comparution
h l ’audience, qu’ils ont connu la possession publique de Pierre
Maignol, et après lu i, du mommé Antoine G u illa u m e, tiers dé
tenteur ; qu’ils ne se sont pas mis en devoir de réclam er contre
cette possession ; qu’ils ne se sont pas mis en devoir non plus
de réclamer contre l’acte du 2 octobre 1779, quoique cet acte
fût présent à leu r esprit , et du fait personnel de Guillaume
JMaignol père ; .
Attendu que cette exécution donnée à cet acte sous seing
p rivé, du 2 octobre 1779» forme une fin de non-recevoir contre
G uillaum e M a ig n o l, d ’après l’article iSaü du Code civil ;
Par ces m o tifs ,
L a tr ib u n a l, p a r ju g em en t en prem ier resso rt, ayant a u
cunem ent égard à ce qui résulte des réponses faites par les
dits Maignol père et fils, lors d e leur comparution à l'audience
dudit jour 6 du présent mois de floréal, déclare G u i l l a u m e et
autre Guillnume Maignol , père et fils , non r e c e v a b l e s dans
l e u r demande en désistement du pré dont il s ’a g i t . Sur le sur
p l u s d e toutes les demandes en recours et contre recours, e t
iiutres demandes, met les parties hors de cause ; compense les
Une
�C *7 )
U ne donation contractuelle ne peut subir aucune dim i
nution ; car c’est sous la foi de cette promesse que deux
familles se sont unies. Q uand la donation contient tous les
biens p résen s, elle doit se composer de toutes les actions
qui résultent des titres remis par le donateur au dona
taire; caries actions sont aussi des meubles ou des im m eu
bles, suivant l ’objet qu ’elles tendent à recouvrer.
Gomment donc admettre que les droits assurés à des
futurs et ù leurs descendans, par leur contrat de m ariage,
puissent être diminués sous aucun prétexte par des sousseing privés , d’ une date à la v é rité a n té rie u re , mais non
constatée par l’enregistrem ent? Il en résulteroit souvent
que deux fam illes, après a vo ir com pté sur une fortune
conséquente et prop o rtio n n ée, sur le vu de plusieurs titres,
n’auroient cependant fait q u ’un calcul in u tile , et que l’ un
des ép o ux se tro u ve ro it, après ses noces, n’avo ir que la
moitié de la fo rtu n e 'q u ’il avoit établie et justifiée en se
mariant.
C ’est p our p réven ir de tels mécomptes que les lois pros
crivent les contre-lettres aux contrats de m a ria g e, et q u e ,
dépens entre ledit Antoine G u illa u m e , ledit Antoine Maignol
et consorts ; et condamne lesdits Guillaume et autre Guillaume
M a ig n o l, père et fils , en tous les dépens faits tant à l’égard
dudit Antoine Maignol et consorts és-dits noms , qu’en c e u x
qui ont été compensés entre lesdits Antoine G u illa u m e , A n
toine Maignol et consorts ; et aux c o û t, expédition et significa
tion du présent jugement.
Fait et prononcé publiquem ent, à l’audience du tribunal civil
de première instance , séant à Iliom , par M M . P a r a d e s , p rési
dent ; D a n i e l , A s t i e h et M a n d o s s e , ju g es , le 18 floréal an i 3.
C
�( 18 )
dans les donations de biens présens et à v e n i r , il est permis
aux ép o ux de s’en tenir aux biens présens, p ou r que leur
contrat ne souffre aucune dim inution dans la fortune alors
p rom ise, et qu ’ils demeurent entièrement hors de la dé
pendance du donateur.
Certes le sieur M a ig n o l fils n’entend en cette cause élever
aucune sorte de soupçon contre la sincérité de l’écrit de
son p è r e ; mais il n ’est ici que le c h e f de sa fam ille, et
il plaide p o u r le maintien d’ une donation qui a saisi aussi
ses descendans. Son contrat de m ariage a été com pté p our
r ie n , et c’étoit l ’acte qui devoit l ’em porter sur toutes les
autres considérations. D e vagues recherches sur l ’ inten
tion des parties, et sur la connoissance que M aign o l fils
avoit pu avo ir à seize ans de l ’existence d’ un sous-seing
p r i v é , ne pou vo ien t conduire les premiers juges que des
hypothèses à l’abstraction , et de l ’abstraction à l’erreur.
A quoi p ou voient tendre en effet les questions faites au
sieur M a ig n o l fils, s’il avoit eu connoissance de l’écrit sous
seing p riv é en 1779 , ù un âge où on n’a que faire de s’oc
cuper des petits détails d’une fortune dont on ne jouit pas ?
L e sieur M a ign o l père avoit dit a son fils qu il avoit signe
un acte nul et non d o u b le , p o u r ceder au sieur M a ig n o l,
de L a n d o g n e , les jo u issa n ce s d’un pré. U ne consultation
d’avocats en porta le mêm e jugem ent; et dès-lors on pense
bien que cette décision qui sans doute tranquillisa le p è re ,
11’ occupa bientôt plus le fils. Il a fallu ensuite l’im por
tance et les débats d’un procès p ou r lui rappeler un fait
presque effacé de son souvenir.
Toutes les précautions q u ’ont prises les prem iers juges
�C r9 )
p ou r chercher la pensée des sienrs M a ig n o l père et fils dans
leurs réponses , et les mettre en défaut par des questions
inattendues, ne p ouvoient donc changer l ’état de la cause.
Il y avoit un point de vue certa in , qui conduisoit à une
simple question de d ro it, et dispensoit de se perdre dans
le vague des conjectures.
Po u v o it-o n opposer à M üignol fils, donataire contrac
tuel en l ’an 7, demandeur en désistement en l’an 11, un acte
sous seing p r iv é , enregistré en l ’an 1 3 ? C e sous-seing p riv é
étoit-il une vente et une vente valable du p ré conten
tieu x? La jouissance dudit p r é , q u ’avoit eue le sieur M a i
g n o l , de L a n d o g u e , supposoit - elle nécessairement une
vente , com m e l ’ont décidé les premiers juges ?
Q uand m êm e il auroit été possible de dim inuer par
une vente sous seing p riv é l ’e0et d ’une donation c o n
tractuelle , au moins au roit-il fallu que cette vente fût
p a rfa ite , et que l’acte duquel on ve u t la faire résulter en
eût tous les caractères et toutes les formes.
A u contraire, on ne vo it dans le sous-seing p r iv é , du 2
octobre 1 7 7 9 , et en le supposant a cette d a te , q u ’ un
acte obscur et é q u iv o q u e , dont l’intention n’a pas m êm e
pu être bien exp liqu ée par ceux qui s’en font un titre.
Si l’on se reporte aux circonstances qui ont p récédé et
accompagné cet a c t e , on est bientôt convaincu que le
sieur M aign o l, du Cheval-Blanc, n’entendoit céder son p ré
L en o b le , que dans l’expectative du domaine Gastier ; et
q u e , jusqu’à ce qu’ il pût être propriétaire lui-m êm e ,
il n’entendoit pas vendre.
Sans cela , com m ent exp liquer cet amalgame d’actes
C 2
�( 2° )
in u tile s, et en quelque sol’te inintelligibles et incompa
tibles ?
M a ig n o l père étoit propriéta ire du pré L e n o b l e , di
sent les adversaires , puisqu’il avoit acquis la rente en
l y S ô , et l ’effet du bail em phytéotique en 1 7 7 7 , par acte
passé devant M a ig n o l, de L a n d o g n e , lui-même.
Cela est certain ; et c’est précisément parce que M aignol,
de L a n d o g n e , étoit le rédacteur de l’acte de 177 7 , q u ’il
ne p ou voit pas ignorer que le sieur M a i g n o l , du ChevalBlanc , propriétaire du domaine utile et direct du pré
I,enoble , n ’avoit qu ’ un mot à dire p our le vendre , sans
u ser d’autant de détours e t de circonlocutions.
Si son intention eût été de v e n d r e V pourcfuoi donc
a uroit-il'ven du une rente de 1755 , qui n’existoit p lu s ,
et q u ’ il créoit sur lui-m êm e en d’autres te rm e s, en don-^
nant une plus ancienne hyp oth èqu e ?
P o u rq u o i auroit-il fait deu x actes au lieu d’ un seul ?
p o u rq u o i a u r o it-il pris des précautions p o u r valider un
acte absolument inutile, et n’en auroit-il pris aucune p ou r
la rédaction du seul acte qui eût un sens et un résultat ?
A qui persuadera-t-on que le sieur M a ig n o l, de L a n
dogne , bailli de sa justice, et notaire intelligent, se fût
contenté de tels actes, s’ il eût voulu devenir réellement
et solidement p rop riétaire? ou p lutôt, qui ne sera pas p er
suadé , à la lecture de ces deux actes du mêm e jour ,
que le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e , a vo ulu enlacer le
sieur M a ig n o l, du C h e va l-B la n c, par des clauses e nt or
tillées et peu intelligibles , qui présentassent au besoin
un sens favorable à l’intention de ce d e rn ie r, lequel dût
en effet s'y laisser prendre.
�C ar ne percions pas de v u e que le sieur M a i g n o l , de
L a n d o g n e, a d icté ( on l’avoue ) l’acte sous seing p riv é ,
du 2 octobre 1779. ^ étoit donc bien le maître de d icter
une vente, si telle étoit l ’intention de M aignol père. D èslors s’il n ’en a pas dicté une claire et non é q u iv o q u e , il
est clair que l ’acte doit être interprété contra eum in
cu ju s potes ta te era t legern apertiùs dicere.
O r , le sieur M a ig n o l , de L a n d o g n e, s’est fait subroger
à l’effet d’une vente de bail em phytéotique d’ un p r é , p o u r
p a r lu i jo u ir d udit p ré ainsi qu ’ il avisera bon ê t r e ,
moyennant 280 francs ; et cela ne ressemble nullem ent
à la vente franche et simple dudit pré.
11 est bien plus clair q u ’il ne s’agissoit que de jouis
sances, et l’acte notarié le p r o u v e ; car la rente de 90 fr.
créée ou renouvelée par M a ig n o l, du C h eval - Blanc ,
étoit payable par les jo u is s a n s du pré. O r , peut-on à
présent se m éprendre à l’intention des parties ? L ’acte
notarié étoit un prem ier pas vers une convention plus
importante. L es parties .prévoyoient que M a ig n o l , du
C h e v a l-B la n c , auroit le domaine Gasticr , et alors tout
auroit été consommé. Jusque-là il devoit une rente ; et
cependant il stipuloil q u ’elle seroit payée par ceux qui
jouiroient du pré.
S’il eût jo u i, il devoit payer lu i-m ê m e ; mais le sieur
M a ig n o l, de L a n d o g n e , devoit j o u i r , et alors il se payoit
par ses mains, d’après la clause, comme jo u is s a n t ; il lui
falloit donc un nouveau titre p o u r jo u ir du p ré : voilà
donc le m otif exact et visible du sous-seing p riv é.
Cette interprétation si facile n’a point échappé aux
�héritiers M a ig n o l, à qui il auroit peut-être été nécessaire
de demander aussi à quoi avoit pu être utile de faire deux
actes p ou r un. Il est vrai qu ’ ils a voient p ré v u l ’objec
tio n , et y avoient répondu d’avan ce; c’é to it, dirent-ils
d 'a b o r d , p o u r éviter les droits d’enregistrement.
M ais , d ’après le tarit'de 1722 , qui étoit suivi en 1 7 7 7 ,
une vente d’ immeubles payoit un droit de 1 fr. p our
les premiers roo f r . , et 10 sous p ou r choque 100 francs
suivans. A in s i , c’étoit 36 sous p ou r 280 francs ; et à
supposer , com m e l’entendent les adversaires , que le p rix
eût été de 2000 fran cs, c’eût été 10 liv. 10 sous; tandis
que Pacte notarié , du 2 octobre 1 7 7 9 , a Pay é un droit
de contrôle de 14 liv. 12 sous; ce qui encore ne dispensoit pas du contrôle du sous-seing p r iv é , quand il y au
roit lieu de le produire.
A u ssi n’est-ce plus là la cause q u ’ont donnée depuis
les adversaires; c’é to it, ont-ils d i t , p ou r éviter le paye
ment des droits de lods.
Sin gulière raison p o u r le bailli de la justice, qui ne
pou voit p is être traité bien rigoureusement en iiscaliLc.
A u reste, le droit le pins ordinaire étoit de 2 sous 6 de
niers p our livre. Ce q u ’il appelle son contrat de vente
portoit un p rix de 280 fr. ; c’étoit donc 35 fr.
q u ’ il
s’ agissoit d’éviter.
Dira-t-on encore que cette somme n’étoit pas le p r ix
réel ? Mais , si le sieur M a i g n o l , de L a n d o g n e , 11e faisoit
un sous-seing p riv é que p o u r ne pas payer des lods , ce
n’étoit donc pas la crainte de ce droit qui lui faisoit dis
simuler le p rix : convenons plutôt que si au lieu du p rix
imaginaire q u ’ il a lait écrire dans ce sous-seing p riv é , il
�( *3 )
avoit inséi'é un p rix ap pro xim atif de la valeur de l ’im
m eu b le, il auroit excité la défiance du sieur M a ig n o l, du
Cheval-B lanc ; et c’est ce q u ’il vo u lo it éviter. R e m a r
quons encore q u ’avec cette version, les adversaires sont
forcés de donner p our prétexte de l’illégalité d’ un acte ,
une fraude que leur père vouloit co m m ettre , et dont
cependant ils veulent s’adjuger le profit.
Com m ent donc v o ir une vente de prop riété dans ce
sous-seing p r i v é ? Com m ent concevoir q u ’il ait une exis
tence com patible avec l’acte notarié du mêm e jo u r ? A u
contraire , en ne vo ya n t dans le sous-seing p riv é qu ’un
p o u v o ir de jo u ir du p ré p ou r la rente de 90 fra n cs, et le
lé g e r supplém ent convenu , on entend alors parfaitement
l ’existence simultanée des deux actes ; et 011 conçoit com
m ent le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , créancier d ’ une
rente payable par les jo u is s a n s du pré , eut besoin d ’un
second litre qui le rendît jo u is s a n t lu i-m ê m e ?
D e cette m a n ière, il n’ étoit plus nécessaire que l ’acte
sous seing p riv é fut double ; car si le sieur M a ig n o l, du
C heval-B lan c , avoit v o u lu demander les jouissances du
p r é , le sieur M a ig n o l, de L an dogne, lui auroit ex h ib é son
é c r it, portant qu ’il avoit eu le droit d’en jouir. Si h son
to u r ce dernier avoit demandé les arrérages de rente ,
l ’autre auroit répondu q u e , comme jo u is s a n t du p r é , il
se les de voit à lui-m êm e.
L a cause est donc claire dans ce sens; mais si on veut
v o ir une vente dans ce sous-seing p r i v é , alors non-seu
lement tout est in e xp lica b le, com m e on vien t de l’o b
s e r v e r, mais encore les_principes s’opposent absolument
à ce que cet acte puisse contenir une v en te va la b le.
�C 24 )
L es actes translatifs de p rop riété sont des actes trop im-
portans à la société, p ou r q u ’on puisse les dispenser avec
trop de légèreté de la rigueur des formes légales. Ce que
la loi a v o u lu , a dû être la règle com m une ; et si quelques
exceptions tolèrent par fois l’arbitraire, dont il faut tou
jours se tenir en défiance, ce ne peut être que p o u r venir
au secours de l ’ignorance qui a traité avec bonne fo i, et
qui ne doit pas en demeurer victime.
M ais un notaire éclairé com m e le sieur M a i g n o l , de
L a n d o g n e , pou vo it-il ig n ç rer que tous les actes synallagmatiques doivent porter m in u te, s’ ils sont notariés, et
doivent être faits do u b les, s’ ils sont faits sous seing p r iv é ?
L a raison le d i r o i t , si les premiers élémens du di’oit ne
l ’enseignoient com m e un principe.
C ’est mêm e la plus usuelle des maximes ; car tous les
jours 011 fait de pareils actes, et les moins expérim entés
n ’oublient pas de v o u lo ir en retenir une copie. Cela arrive
p o u r les actes les plus simples ; et com m ent un notaire
qui eût dicté une vente l’auroit-il oublié p o u r lui-m êm e ?
L a nécessité do rédiger en double écrit les actes synallngma tiques d érive évidem m ent de la nature mêm e de
ces actes ; car si p o u r la validité d ’ un acte de ce genre
il est requis que chacune des parties soit obligée envers
l’autre; si p ou r la validité d ’ une vente il est nécessaire que
l’un consente à ve n d re, et que l’autre consente à acheter,
il faut dès-lors, par une conséquence fo rcé e, que chacun
puisse avoir dans ses mains la p reu ve que l’autre a co n
s e n t i; sans cela , il seroit au p o u v o ir de l’une des parties
de détruire l’acte, ou de contester son existence.
T o u s les auteurs enseignent ces p rincipes, et prou ven t
par
�( 25 3 ,
par une foule d’arrêts, qu ’ils ont été consacrés p a rla juris
prudence la plus constante.
U n arrêt du 6 août 1740 déclara nul un acte par lequel
l ’archevêque de Reim s s’ étoit soumis à acheter l’ hôtel de
Conti m oyennant 450000 fr. L ’acte n ’étoit pas fait double ;
mais les héritiers du prince de Conti opposoient que l’acte
n’avoit pas dû être d o u b le , parce q u ’il n ’étoit obligatoire
que pour l’archevêque qui l ’avoit signé. L a m êm e chose
fut ju gée par arrêt du 29 n o vem bre 1781 , entre le sieur
F o rg et et le duc de G ram m o n t : il y avoit m êm e eu m en
tion de l’acte et réparations commencées ; néanmoins le
sieur F o rg et obtint que les lie u x seroient remis en leur
prem ier é ta t, ou des dom m ages-inlérêts en cas qu'ils ne
pussent se l’établir.
U n autre arrêt du 23 juin 1 7 67 a jugé la rigueur du
principe dans des termes plus lorts encore. D e u x co h é ri
tiers a voient fait un partage sous seing p r iv é , et l’ un d ’eu x
devoit payer p o u r retour de lot à l’autre 240 fr. L ’acte
fut déposé chez le curé du lie u ; chacun jouit de son l o t ;
et dans un contrat de mariage postérieur, un des copartageans se constitua, en présence des autres, le lot à lui échu.
L ’un des coh éritiers, après plusieurs ann ées, demanda
un p a rta g e , et soutint que l’acte q u ’on lui présentoit éloit
nul p ou r n’a vo ir pas été fait double. O n lui opposoit le
dépôt en main tierce , sa prop re exécution pendant six
a n s, et des coupes d ’arbres dans son l o t , sa présence m êm e
au contrat de mariage ci-dessus, et l’adhésion de tous les
autres héritiers,
Ces moyens avoient réussi en prem ière instance en 1764rnais sur l’appel à A m ien s , la force des principes p réD
�( *6 )
valut. U n e sentence de 1766 prononça la nullité de l ’acte,
et ordonna un nouveau partage. Sur appel au parle
m ent, cette sentence fut c o n firm é e, après une plaidoirie
très-d éb a ttu e, dit l’arrêtiste, et l’appel fut mis au néant.
Enfin 011 conuolt l ’arrêt cité par L é p in e de G rainville.
U ne vente avoit été faite en deux doubles; mais il n ’étoit
pas fait mention dans les deux écrits q u ’ils eussent été faits
doubles : ils étoient représentés tous d e u x , et cependant
l’acte fut déclaré nul.
C e u x qui ne veulen t v o ir dans les procès que des cir
constances to u jo u r s variables, et ces apparences fugitives
de bon ou mauvais d r o it, qui s'évanouiroient souvent le
le n d e m a in , si 011 les exam inoit sous un autre point de
v u e , c e u x -là , d iso n s-n o u s , p ou rroien t s’étonner d ’ une
telle jurisprudence, sans songer que si le sum rnum ju s a
par fois ses inconvéniens, l’arbitraire en a m ille fois davan
tage. Ils peu ven t lire dans L é p in e de G ra in ville les motifs
qui engagèrent le parlement à se décider p o u r la nullité
dans l’espèce ci-dessus, et peut-être cesseront-ils de penser
que le juge doit rester le maître de son o p in io n ,q u a n d il
en vo it le d a n g e r , et quand il peut se gu ider par les
principes.
L ’article 1325 du Code civil les rappelle , et devoit
em pêcher les premiers juges de faire autant d'efforts p ou r
rechercher s’ il avoit été fait un double du sous-seing p rivé
du 2 octobre 1779? (l lli ? par son style et son c o n t e x t e ,
p ro u vo it cependant assez par lui-m êm e q u ’il n’avoit pas
dû être fait double.
« L es actes sous seing p r i v é , dit le C o d e ,q u i contien« lient des conventions syuallagmatiques, ne son t valables
�C 27 )
« q u ’autant q u ’ils ont été faits en autant d’originaux qu’il
« y a de parties ayant un intérêt distinct.
« C h a q u e originalàa\\. contenir la m en tion du nom bre
a des originaux qui en ont été faits.
« Néanm oins le défaut de m ention que les o rig in au x
« ont été faits doubles, ne peut être opposé par celui qui
« a exécuté de sa part la convention portée en l ’acte. »
A i n s i , quand il eut été vi*ai que le sieur I-egay eû t
écrit un double sous la dictée du sieur M a i g n o l , de L a n
dogne -, quand il seroit aisé de con cevoir que celui-ci eut
de sa part signé un écrit par lequel il auvoit dit ; J e s o u s
s ig n é
, subroge M e. P ie r r e M a ig n o l ( c’est-à-dire, lui-
même ) , à F e ffe t, ctc. ; quand celte rédaction insensée
sei’oit vraisem blable, un tel acte n’en vaudroit pas m ie u x ,
parce que ch a q u e orig in a l ne contiendroit pas la m en
tion q u ’ il a été fait double.
M a is , s’écrient les héritiers M a ig n o l , au moins êtesvousdans l’exception du Gode que vous citez vous-m êm e;
car vous avez la issé jo u ir le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e :
donc vous avez e x é c u té la vente.
O n pou rro it d ’abord répondre que le Code civil peut
être in v o q u é p ou r le passé , quand il est conform e aux
anciens p rin c ip e s , si Jiempè déclarét jus avtiquum nova
constitutio , mais q u ’il ne faut pns le suivre lorsqu’il s’en
écarte ; que d ’après cela il y avoit lieu de le citer p o u r
le déiaut de mention du m ot fa it double , parce que les
arrêts y étoient conformes ; mais que les arrêts n’atlachoient. aucune im portance à l ’exécution d’ un acte nu]
dans son p rin cip e , com m e on le vo it notamment par l’arrêt
D
21
�(
2
8
)
de 176 7 ; car ce seroit donner un effet rétroactif à la l o i ,
ce qui n’est pas dans l ’intention du Code.
M ais passons encore légèrem ent sur ce moyen, et voyons
s’il y a réellem ent une e xécu tio n de l’acte sous seing p riv é
dans le sens de l’art. 1 3 2 5 , c’est-à-dire, si le sieur M a ig n o l,
du C heval-B lan c , en la issa n t jo u ir le sieur M a ig n o l, de
L a n d o g n e , a nécessairement entendu ex é cu te r un acte
de vente.
Sans doute , si j’achète un p ré et que je paye le p r ix
c o n v e n u , j’exécute la convention ; de m ê m e , si je vends
un p ré dont j’étois en possession h ier , et qu ’après en
avo ir touché le p rix je le liv re dem ain, sans autre cause
de tradition , et sans é q u i v o q u e , j’exécute encore le
m arché. V o ilà bien ce q u ’a vo u lu dire le Code : pas de
difficulté sur ce point.
M a i s , si l’acheteur s’empare de l’objet vendu , ou s’ il
a un autre titre de possession que la v e n t e , alors l’équ i
v o q u e du m ode de possession p roduit l ’éq u iv o q u e du titre,
et le vice du titre renaît dès l’instant q u ’il n’est plus pos
sible d’être convaincu que l'occupation de la chose vendue
soit l’effet n écessa ire de l’acte de v e n te , com m e la preuve
certaine de son exécution.
O r , revenons à la position des parties en 1779. Sans
d o u t e , s’ il n’existoit d’autre acte que le sous-seing p r i v é ,
et si le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , n’étoit en posses
sion qu'en vertu de cet a c t e , il seroit difficile de p ré
tendre q u ’il n’a eu aucune exécution.
M a is , i° . q u ’on supprime tout à fa ille sous-seing p r iv é ,
et on concevra encore d ’après l’acte notarié du 2 octobre
1779 ,q u e le sieur M a ig n o l; de L a n d o g n e , a eu qualité
p o u r jouir.
�( z9 )
E n e ffe t , com m e le disent les adversaires , il fit créer
en sa faveur une rente qui n ’existoit plus. L e sieur M a ig n o l , du Cheval-Blanc , ne stipuloit pas q u ’il la payeroit,
mais il disoit qu’elle seroit payée p a r les jo u is s a n s du
pré. D o n c le sieur M a ig n o l, de L a n d o g n e , ch erchoit un
titre de jouissance, p o u r em pêcher de transporter cette
jouissance à d’autres : donc s’il a joui ensuite, c’est d’après
sa prop re convention p o u r le pa yem en t de sa rente. Sa
jouissance n’est donc pas la p reu ve certaine de V exécu tion
d’ un contrat de vente.
2°. Cette prétendue vente est encore si obscure, que ce
n’est en vérité pas la peine de vio le r une loi p o u r elle.
U n notaire qui veut acheter p o u r être p r o p r ié ta ire , ne
se fait pas subroger à un bail em phytéotique p o u r jo u ir .
U n notaire qui dicte une vente p o u r lui-m êm e, la dicte
com m e celles q u ’il rédige p o u r les a u tre s , et ne fait pas
écrire un b arbo u illage, ou astucieux, ou vide de sens.
M ais enfin les adversaires qui ne veulent v o ir que l ’e x
ception du Code c i v i l , parce qu ’elle leur est fav o ra b le,
et que rien n’a plus de latitude au gré des plaideurs que
les exceptions des lo is ; les adversaires, disons-nous, ne
rem arquent pas qu’ il faut cependant entendre la loi dans
un sens raisonnable ; car c’est bien là au moins l ’inten
tion du législateur.
L a nullité ne peut pas êlre opposée par celui q u i u
e x é c u té de sa p a rt la convention : voilà l’exception du
Code.
P o u r appliquer cette e xce p tio n , fa u t -il une exécution
a c t iv e ? faut-il une exécution en tière ?
J e vends aujourd’hui un im m euble par acte non don-
�( 33 )
Lie , et je le livre. Si au terme on ne me paye p a s , je
ne puis me servir de ma vente , cnr je n’en ai pas. J'aurai
bien une action en désistement qui forcera l ’acheteur à
s’exp liq u e r : mais si la vente lui est onéreuse , il se
désistera ; s’ il la trouve avantageuse, il la produira ; et
je ne pourrai l’em pêcher d’être maître de sa c a u s e , parce
que j’aurai e x é c u té de m a p a ît la convention. A in s i
une convention syn a lla g m a tiq u e m'aura obligé s e u l:
voilà l’abus des interprétations forcées d’ une loi qui n’a
rien voulu de pareil.
L es di fie rentes parties de l’article 1 3 2 6 , doivent s’e x
p liq u er l ’une par l’autre , de manière ù être entendues
e n se m b le , et sans s’entredétruire. L e Code a vo ulu que
V exécu tion fût un m oyen contre le d éfa u t de m en tion
que l ’acte ait été fait double : mais si chacune des parties
est obligée envers l ’a u tr e , il est bien toujours néces
saire que celle qui a encore un in térêt distinct à l'e x é
cu tio n de l’a c te , ait pardevers elle le double qui force
l ’autre à T exécuter de sa part.
Sans d o u te , quand le Code civil ôte toute action à
celui qui a e x é c u té de sa p a r t , c’est lorsque par cette
pleine exécution il n ’a plus un intérêt à l’exécution qui
reste à faire de la part des autres : voilà sans contredit
l ’ unique sens que la loi puisse présenter, en l’expliquant
par scs propres expressions.
A c c i a les adversaires répondent que le sieur M a i g n o l ,
du C h e va l- B la n c , étoit payé , et 11’avoit plus d ’intérêt à
a voir un double.
D ’abord c’esL une erreur de fait. L e sous-seing privtî
�C 31 )
p ro u ve lu i-m êm e le contraire; car si le p r ix supposé à la
vente est de 280 francs , il en resterait dû plus du tiers, dès
que 80 francs dem euraient à im puter sur des arrérages de
rente , dont le prétendu vendeur ne p o u vo it pas de
m ander la compensation sans un double.
20. Les adversaires supposent que le vrai p r ix de la
cession étoit les 2000 francs cédés par la rente des L arfeuil ; mais le sieur A îaignol père , qui a remis les titres
de cette rente à son donataire , lui a attesté n’en a vo ir
jamais touché un denier ; celui-ci n’eu a rien reçu non
plus : il falloit donc un double p o u r réclam er en rem
placem ent un p r ix de v e n t e , ou p our en demander la
résolution.
3 0. Une circonstance non moins sensible p ro u v e encore
la nécessité d’avo ir un double de vente, si c’en étoit une.
L e sieur M a i g n o l , de L a n d o g n c , p ou vo it être é v i n c é , ou
perdre son pré par force m ajeure; alors en supprimant
son double il retrou voit l’acte notarié du m êm e jo u r , et
demandoit au sieur M a ig n o l, du C h e v a l-B la n c , le paye
ment d’ une rente de 90 francs.
V o ilà quelle étoit la position du prétendu v e n d eu r;
et voilà précisément les motifs de cette jurisprudence sé
v è re q u i , en sacrifiant quelques intérêts particuliers , faisoit la leçon aux citoyens, et les préservoit de l’abus de
ces actes p rivés q u i , à l’économ ie p r è s , sont le plus sou
vent une occasion de surprises et une source de procès.
L a cou r doit juger ici la valeur d’un acte équ ivoqu e et
suspect. Si donc la rigueur de la loi fut jamais ap pli
cable , c’est sans doute dans une circonstance où il s’agit
�( 32 )
d’une prétendue v e n te , q u i , qu oique dictée par un no
taire, ne contient aucune des clauses d ’usage, aucune des
formes extrinsèques les plus c o m m u n e s, et à l’égard de
laquelle on ne donne aucune de ces excuses que la bonne
foi fait adm ettre, ou que l’ ignorance fait tolérer.
M e. D E L A P C H I E R ,
avocat.
M e. V E R N I È R E , avoué,
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d rio t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Juin 1806.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Maignol, Guillaume. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Vernières
Subject
The topic of the resource
rentes
ventes
bail emphytéotique
interrogatoires
donations contractuelles
conflit de lois
donations
bail
Description
An account of the resource
Mémoire pour Guillaume Maignol fils, habitant à Bonlieu, canton d'Évaux, appelant ; contre Antoine Guillaume, maréchal à Pontaumur, intimé ; et contre Gilberte Maignol, Pierre Legay, son mari, Antoine Maignol, Gilberte Maignol, veuve Paneveyre, et autres héritiers de Pierre Maignol, de Landogne, intimés ; en présence de Guillaume Maignol père, habitant au lieu du Cheval-Blanc, commune de Condat, appelé, en assistance de cause.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1755-1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0328
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_G1605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontaumur (63283)
Landogne (63186)
Condat (15054)
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