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dc9aa301f648293b61f9bfc2b57b631b
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W
PRÉCIS
POUR
S rs A n t o i n e - A n g e C H A S S A I G N E - D U B O S T ,
officier de cavalerie; Joseph C H A S S A I G N E ,
docteur en médecine; C l a u d e - J e a n - M a r i e
C H A S S A IG N E , propriétaire; M e. G i l b e r t A n t o i n e - G a b r i e l C H A S S A IG N E , avocat ;
D les C a t h e r i n e et A n n e C H A S S A I G N E , ma
jeures; dame B é n i g n e - A n t o i n e t t e - A u g u s t i n e C H A S S A I G N E , épouse de Sr François
G r i m a r d i a s , de lui autorisée, appelans d’un
jugement rendu au tribunal civil de Thiers,
le 27 août 18 13;
c o n t r e
Sieur G i l b e r t V I D A L D E R O N A T subs
titut du procureur du Roi au tribunal de
1
m
�C 2 )
Tkiersj S'A
n t o in e
dame B é n i g n e
V ID A L D E R O N A T ;
V ID A L
épouse du S r Barthélémy D
DE R O N A T ,
a r r o t - D ulac y
dame Ca t h e r i n e V I D A L D E R O N A T ,
épouse du sieur Joseph-Gilbert D
arrot;
dame M a r i e - A n n e V I D A L D E R O N A T ,
épouse du S rA
rnaud y
dame A
nne
V ID A L
D E R O N A T y épouse du sieur D am ien
M a l m e n a id e
j
intimés .
X-JES enfans Chassaigne, par représentation de feue
M arie-A n toin ette Vidal de Ronat, leur m ère, sont
héritiers de défunt Claude Vidal de R onat, leur aïeul
maternel, décédé en 1811.
L a dame de Ronat, leur m ère, avoit été mariée sous
l’empire de la coutume, père et mère vivans; elle devoit
être forclose; elle n’a point été dotée par ses père et
mère, mais elle a été instituée en certains biens par un
sieur Cottier, son grand-oncle; et cette institution devoit
lui tenir lieu de sa légitime de droit dans les successions
de ses père et m ère, auxquelles elle renonçoit.
L a succession du sieur Cottier étoit étrangère au sieur
V idal de Ronat père; le sieur Cottier étoit un grandoncle maternel de la dame Chassaigne.
L e sieur Vidal de Ronat est mort en 1811 : les enfans
Chassaigne ont incontestablement le droit de venir à la
�(
3)
Z(C4
succession de leur aïeul, dès que toute forclusion est
abolie.
L e sieur Vidal père a légué en préciput à ses deux
enfans mâles le quart de ses biens. Les enfans sont au
nombre de sept ; ils amendent un septième des trois
quarts.
Pour recueillir cette portion, les enfans Cliassaigne
seront-ils tenus de rapporter à la succession de leur aïeul
la portion que leur mère a reçue de son grand-oncle
maternel ?
Dans le cas où la Cour penseroit que cette dot aventive ( dos adventitia quœ à quovis aîio data f u i t ) fût
sujette à rapport, ne devroit-on pas établir une diffé
rence entre la légitime de droit à laquelle elle a renoncé,
q u i n’étoit alors que d’un quatorzième, et la légitime
d ’aujourd’h u i , qui est plus c o n si d é r a b l e ?
Telles sont les deux questions que la Cour aura à exa
miner. La seconde n’est que subsidiaire; la première est
fort importante, et demande une discussion approfondie.
Mais avant tout, il est nécessaire de rendre'compte des
faits de la cause, et d’analiser les règlemens de famille.
F A I T S .
L e sieur Cottier-Dubost, célibataire, avoit deux nièces;
l’ une avoit épousé le sieur Guillem ot, l’autre le sieur
Vidal de Ronat.
Par le contrat de cette dernière, qui est du 8 février
*7^7, le sieur Cottier lit donation à sa nièce de tous ses
biens de coutum e, sous la réserve du quart.
1 *
^
4 jfA
�C4 )
Sept enfans sont provenus du mariage de la dame de
Lots avec le sieur Vidal de Ronat.
Marie-Antoinette V id al, l’aînée de ces enfans, réunit
toutes les affections de son grand-oncle; il la maria dans
sa maison, avec le sieur Chassaigne, le 17 octobre 1776.
Ses père et mère ne comparoissent au contrat que pour
l ’autoriser, et lui constituer un trousseau consistant aux
habits, linge et dorures à l’usage de leur fille.
« Et en dot, il est dit, est intervenu aux présentes
« messire Antoine Cottier, écuyer, seigneur du Bost,
« chevalier de l’ordre royal et militaire de Saint-Louis,
« mestre de camp de cavalerie, grand-oncle de la demoi« selle future épouse, lequel, de son g r é , a fait, créé,
« nommé et institué la demoiselle M arie-Antoinette
« Vidal de Ronat, pour son héritière universelle de tous
« et un chacun ses biens situés en droit écrit, consistant
« actuellement au fief et seigneurie du Bost, domaine en
« dépendant, directe, rentes et dîmes aussi en dépen« dant, situés en la paroisse de M ontvianeix, et domaine
« de la Boutière, situé en la paroisse de Saint-Victor,
« province du Forez ; de la comprise de laquelle ins« titution d’héritier seront tous les meubles meublans,
« ustensiles de maison, bestiaux et autres effets mobiliers
« qui sont et se trouveront au décès de l’instituant, dans
« lesdits lieux et domaines du Bost, de la Boutière, et
« le cliateau dudit lieu; sous la réserve que fait le sieur
« instituant d’une somme de 20,000 francs à prendre sur
« le domaine de lu Boutière, pour en disposer en faveur
« que bon lui semblera, et par tel acte qu’il jugera à
« propos et dans le cas où il n’eu auroit disposé à. son
’3
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(5)
«
«
«
«
’«
«
«
«
«
«
«
«
décès, la somme réservée sei’a et demeurera comprise
dans l’institution d’héritier ci-dessus, et fera partie
d’icelle ; et encore à.la charge que la 'présente institution d'héritier tiendra lieu de légitime de d ro it,
tant paternelle que m aternelle, à ladite demoiselle
future épouse, laquelle, en conséquence, renonce à.
tout ce qu’elle pourroit espérer et prétendre dans les
successions de ses dits père et m è re, tout ainsi et de
môme que si la donation eût été faite par ses père et
mère; à l’exception toutefois des successiojis collatéraies desdits estoc et ligne, que les père et mère de
la future lu i réservent expressément.
« Veut et entend que la demoiselle future épouse ne
« puisse disposer du bénéfice de l’institution d’héritier
« ci-dessus, et des biens qui en feront partie, qu’en
« faveur de ses enfans ; et que dans le cas où la demoi- te selle future épouse v iendroit à dé céde r sans enfans,
« ou iceux sans descendans, les biens compris dans la
« présente institution retournent à l ’estoc et ligne du
« sieur Cottier, et pour raison de ce , à la dame mère
« de la future, ou après elle à ses descendans et à ceux
«
«
«
«
«
«
«
de défunte dame Guillemot, et ce par égale portion
à chacune des deux branches, nonobstant la proximité
de degré plus ou moins éloigné ; à l’exception néanmoins d’une somme de 10,000 francs à prendre sur
les biens de l’institution , dont la demoiselle future
aura la pleine et entière disposition en faveur de qui
bon lui semblera, et par tel acte qu’elle avisera. »
Il n ’est peut-être pas inutile d’observer que deux ans
après, et par acte authentique du 10 janvier i77^> siciu^
�( 6 ) ,
Coitier fit donation dntre-vifs, à sa petite-nièce, et sans
aucune condition, du quart des biens de coutume qu’il
s’étoit réservé par le contrat de la dame de llonat mère,
du 8 février 1757.
L e sieur Cotlier-Dubost n’a survécu qu’un an à cette
dernière donation ; il est mort en 1779. La dame Chassaigne, sa petite-nièce, a elle-même prédécédé son père,
qui a vécu jusqu’en 18 11; il a laissé un testament olo
graphe, sous la date du 7 janvier 1806, par lequel il
lègue à Gilbert et à Antoine Vidal de llo n at, ses deux
fils, par préciput et avantage, le quart de ses biens, qui
est la quotité disponible, d’après l’article 913 du Gode
civil.
L e 14 février 18 12, les enfans Chassaigne ont formé
contre les héritiers de Rouât la demande en partage de
la succession de leur aïeul maternel, pour leur en être
attribuée leur portion afférente, avec restitution de jouis
sances ainsi que de droit.
Les héritiers de Rouât ont soutenu qu’au moyen de la
clause stipulée au contrat de mariage de la dame Chas
saigne, ses enfans étoient non recevables dans leur de
m a n de en partage ; qu’ils revenoient contre un pacte de
famille qui n’avoit rien d’illicite, et devoit être exécuté,
à moins que les enfans Chassaigne ne voulussent rapporter
à la succession de leur aïeul ce que leur mère avoit reçu
de son grand-oncle maternel.
La cause portée au tribunal de Thiers, le 27 août 1813,
les héritiers Chassaigne ont été déclarés purement et sim
plement non recevables dans leur demande, et condamnés
aux dépens.
�( 7 )
.. Les premiers juges ont exposé dans leurs motifs,
« I o. Que les contrats de mariage sont susceptibles
« de toute sorte de conventions, et que tout donateur
« peut rendre son bienfait conditionnel, ou le limiter
« à son gré.
« 2°. Pour juger de l’effet d’un engagement, on doit
« consulter la loi qui régissoit au moment où il fut cou-r
« senti : la condition de renoncer à une succession à
« échoir ne présente rien de contraire aux lois et aux
« mœurs, lorsque la renonciation est faite en présence
« de celui de la succession duquel il s’agit.
« 3°. Par le contrat du 17 octobre 1 7 7 6 , le sieur
« Cottier Dubost a institué sa petite-nièce son héritière,
« à la charge que l’institution lui tiendroit lieu de légi« time de d roit, tant paternelle que maternelle; et elle
« renonce en conséquence a tout ce q u ’elle p o ur r o i t
« espérer et prétendre dans la succession de ses père
« et m ère, tout ainsi et de même que si la donation
« eût été faite par les père et mère présens.
« 4°. La stipulation à la charge expresse de cette re
te nonciation étoit inséparable de l’institution ; le pacte
« étoit indivisible, et l’institué ne peut profiter du don
« irrévocable qui lui est acquis, et se dégager par sou
« fait personnel de l’accomplissement de la condition.
« °. Ce qui est donné par donation, contemplatione
« p a tris, est une dot profectice , et regardée comme
« provenue des père et mère, au nom de qui elle a été
« constituée ; et les héritiers Chassaigne se refusent à
« tout rapport de cette donation. »
Les héritiers Chassaigne ont interjeté appel de ce juge-
5
�h V.
( 8 \
ment, dont les motifs, loin d’être convaincans, ne ren
ferment que des erreurs, et prouvent que la question
n’a pas été approfondie.
Elle est cependant fort importante. L e contrat de ma
riage de la dame Chassaigne, passé dans une coutume
d’exclu sion , ne présente qu’ une forclusion ordinaire,
telle qu’elle étoit prononcée par l’article 2 du titre 12
de la coutume. La dame Chassaigne étoit mariée père
et -mère vivans, par conséquent forclose. L ’institution
que son grand-oncle faisoit en sa faveur ne la retenoit
pas dans la maison paternelle. L ’instituant ne pouvoit
que lui réserver sa propre succession, ainsi qu’il résulte
de l’article 28 du même titre; mais il n’avoit ni le droit
ni le pouvoir de lui réserver, une part dans les succes
sions directes ; elle en étoit exclue malgré lui par la
5
force de la loi.
Sa renonciation conventionnelle exprimée au contrat
n’étoit que surérogatoire, pour se servir des termes de
l ’article 9 de la loi du 18 pluviôse an , dès qu’il y
avoit exclusion coutum ière, et n’ajoutoit rien à la for
clusion. La renonciation, comme la forclusion, ne pou
voit profiter qu'aux m âles, conformément à l’article 29
du titre 12 de la coutume, pour la forclusion, et d’après
la doctrine des auteurs et la jurisprudence des arrêts,
pour la renonciation en pays de droit écrit.
Il est impossible de contester ce principe. C’étoit une
exception à la règle qui veut que toutes renonciations
à succession future soient prohibées, comme immorales
et illicites, votum exspectandcu rnortis • et cette excep
tion ne fut admise pour les filles en faveur des m aies,
que
5
�( 9 ) ..
que par des considérations politiques, pour conserver
le lustre et la fortune des familles, ainsi que l’honneur
du nom.
Ce n’est pas sans étonnement que l’on voit dans les
motifs du jugement, que ces renonciations aux succes
sions à échoir étoient permises dans tous les cas, lors
qu’elles étoient faites en présence et du consentement des
personnes de la succession desquelles il s’agissoit, d’après
la loi Quam çis , cod. 30 , D e pactis. O11 sait que la
modification de la loi n’avoit pas été adoptée en France,
comme on l’établira dans la suite, et que les pactes de
cette nature étoient toujours considérés comme illicites.
Mais si elles étoient autorisées pour les filles, les mâles
en proiitoient exclusivement : voilà un point incontes
table.
Lors du contrat de mariage de la dame Chassaigne,
ses père et mère, c o m m e l’instituant, ne p o u v a n t ignorer
la loi, n’avoient donc en v u e que l ’intérêt et la faveur
des mâles; tout annonce que l’intention des père et mère
étoit de doter leurs filles : tel étoit l’empire de l’usage,
la force de la lo i, qu’elle faisoit souvent taire les affec
tions de la nature.
La révolution a fait naître d’autres idées, et a failli
bouleverser l’ordre social par des innovations dange
reuses, et des opinions d’égalité également chimériques.
Mais ces te m p s intermédiaires, qui fuient loin de nous,
ne peuvent rien changer aux anciens principes; et en
se reportant à l’époque du contrat, la forclusion ou la
renonciation de la dame Chassaigne étoit tout en faveur
de ses frères, et De cliangeoit rien au sort de ses sœurs.
�0 10 )
O r , on supposera que la succession du père se fût
ouverte lorsque la forclusion étoit encore en vigueur,
il n’est pas douteux que les frères auroient pris exclu
sivement toute la portion qui seroit avenue à leur sœur,
et qu’il falloit compter, quoique forclose, pour former
la légitime.
La loi n’attribue exclusivement aux mâles la portion
des filles forcloses, qu’en conférant leurs dots; mais cette
collation ou ce rapport ne s’entend que de la dot cons
tituée par le père, et non de celle qui a été constituée
par un tiers. Les frères auroient été dispensés de tout
rapport, dans l’espèce, dès que le père n’avoit rien donné»
Cependant les frères n’auroient pris la portion héré
ditaire de leur sœur que comme la représentant et exer
çant ses droits ; et s’ils eussent été dispensés de conférer
la dot que le sieur Cottier avoit donnée h sa nièce, quelle
seroit donc la raison ou le motif de faire rapporter par
la sœur tout ce qu’elle a reçu de son oncle, aujourd’hui
qu’elle Tentre dans tous ses di*oits, qu’elle est rappelée
dans la maison paternelle par le bénéfice de la loi ?
D e quel droit ses autres sœurs viendroient- elles aussi
profiter de son exhérédation, ou la contraindre au rapport
de ce qu’elle a reçu d’un parent maternel, absolument
étranger au père commun?
Les objections qu’on propose n’ont pas même le mérite
d’être spécieuses. O n dit, en premier lieu, que la dame
Chassaigne n’a été instituée que sous la condition qu’elle
r e n o n c e r o it aux successions de ses père et mère ; et ou
ajoute qu’il dépend de celui qui donne d’imposer à ses
libéralités les conditions qu’il lui plaît.
�Mais d’abord il faudrait, avant tout, que ces condi
tions fussent licites ; et jamais une transaction sur une
succession future n’a été permise. La disposition de la loi
dernière, au code D e p a c tis , n’étoit pas suivie en vente
d’hérédité, o u , ce qui est la même chose, pour une re
nonciation aliquo dato. Prœm atura est hœc species colïationis cum adhuc viçatis de eu ju s bonis quarta de~
ie tu r : irnprobum esse Julianus existim at eum qu i
solîicitus est de vivi Jiœreditate. I/. 3 , §. Interdum de
vulg. et pupill. substit.; L . i re. , D e hœred. vel act. vend,
Louet, lettre H , somm. , rapporte un arrêt du mois
de janvier 1530, rendu dans la cause d’entre Antoine
Lacouture et Louis Blanchefort, qui a jugé que la vente
d’une hérédité, bien qu’elle fût faite du consentement de
celui de euju s Jiœreditate agebatur, étoit nulle, et les
letti’es de rescision furent entérinées. Louet cite tous les
textes de droit sur lesquels on s’étoit fondé ; il rappelle
l’autorité de Cujas, sur la loi 26, in fin e , D e verb. obi.,
qui appelle un marché de ce genre corvinam convenu
tionem , et en prononce la nullité, même avec le con
sentement de la personne. La modification de la loi 30
6
n’étoit adoptée que lorsqu’il s’agissoit d’une convention
qui n’annonçoit pas le désir de succéder; et, par exemple,
lorsque le fils de famille s’obligeoit de payer une dette
quand la succession de ses père et mère lui seroit échue,
si les père et mère n’étoient pas présens à la convention,
elle étoit nulle; mais s’ils y donnoient leur consentement,
elle étoit valable. C’est encore ce que nous dit Louet à
l’endroit cité. Et il est aisé de concevoir cette différence,
parce que toutes les fois qu’on s’oblige de payer, on ne
�désire pas de voir arriver le terme du payement, et
qu’alors il n’y a pas le votum exspectandœ morlis.
Ainsi , point de doute que les transactions sur les
successions futures étoient réprouvées par l’ancien droit
comme dans le nouveau , même avec le consentement
de celui de la succession duquel il s’agissoit, et qu’il
n ’y a voit d’exception que pour la renonciation des filles
en faveur des mâles.
Cela est si v r a i, qu’on n’a jamais mis en question la
nullité d’une renonciation faite par un mâle, même en
présence du père. L e second motif du jugement dont
est appel n’est donc qu’une erreur en point de droit.
En point de fa it, que voit-on dans le contrat de
mariage de la dame Chassaigne ? Il y est dit que la
présente institution d’héritier tiendra lieu de légitime
de d ro it, tant paternelle que maternelle; c’est ensuite
la dame Chassaigne q u i , de son propre mouvement,
renonce à tout ce qu’elle pourroit prétendre dans les
successions paternelle et maternelle , tout ainsi et de
même que si la donation eût été faite par les père et
m ère, qui lui réservent expressément les successions
collatérales.
Cette renonciation est évidemment surérogatoirc, et
il n’y a ici qu’une forclusion coutumière \ la réserve
des successions collatérales en est la preuve , parce qu’en
effet, aux termes de la coutume, elle étoit même exclue
de ces successions, sans une réserve expresse.
Tout est en faveur des mâles, qui seuls pou voient
profiter de cette exclusion, et qui n’auroient été tenus
à aucun r a p p o r t d è s que le père n’avoit pas doté;
�Gomment concevoir alors que les sœurs puissent s’op
poser au retour de la dame Chassaigne ou de ses enfans
à la succession de leur a ïe u l, lorsque les sœurs sont
étrangères à la clause du contrat, lorsqu’il ne pouvoit
rien leur en revenir, qu’elles ne pouvoient en espérer
aucun bénéfice.
A l’égard des frères, et toujours dans l’hypollièse que
la succession se fût ouverte sous l’empire des anciennes
lo is , on convient qu’ils auroient profité de l’exclusion
de la dame Chassaigne.
Mais est-il bien certain que la dame Chassaigne, sous
les anciennes lois , n’eût pas eu le droit de requérir
d’être dotée par son p è r e , à raison de l’institution faite
à son profit par son grand-oncle maternel ? Les premiers
juges ont parlé, sans trop s’entendre, d’une dot proj fectice ; et qu’est-ce qu’une dot profècticc ? D ’après le
jurisconsulte U lpien, et après lui d ’après F u r g o l , ques
tion 4 2 , la dot profectice est celle qui est constituée
par le père. D o s à pâtre profecía. D o s profectitia ¿Li
citar , id est, quam pater mulieris dédit. D o s dicitur adventitia, id e s t , ea quœ à quovis alio data est. La dot
profectice est sujette au droit de retour en faveur du
père, d’après la loi Jure succursum , 6. ff. D e jur. dot.
D o s à pâtre profecía ad patrern revertitur, La dot
aventive, celle qui a été constituée par un tiers, n’a
pas la même faveur : adventilia aulem dos semper
pcmes mariturn renianet. Il n’y a donc pas, dans l’espèce-,,
de dot profectice, dès que le père n’a rien donné; et
l’institution du grand-oncle maternel ne peut être con
sidérée que comme une dot aventive..
�C 14 )
- D ’après l ’article 36 du titre 12 , la fille forclose
qui n’a pas été dotée par le p è r e , peut requérir être
dotée selon que les filles de la maison l’ont été ; et
s’il n’y en a pas qui aient été dotées, d’après l’avis de
parens , eu égard aux constitutions des mariages du
lie u , et voisins de semblable qualité.
La coutume s’arrête à ce p o in t, et ne prévoit pas
le cas où la fille auroit été dotée par un tiers. Basmaison,
sur cet article, dit seulement que si à ladite fille avoit
été constituée dot par un tiers, si c’est en faveur du
p è r e , et pour le relever, telle dot sera réputée profectice et comme provenant des biens du père.
L e dernier commentateur a embrassé cette opinion,
en distinguant cependant ; car il exige que la dot qui
a été constituée à la fille par un parent ou un étranger,
l ’ait été en contemplation du père , comme pour ac
quitter sa dette et l’aider, eu égard k la modicité de sa
fortune et au grand nombre d’enfans qu’il peut avoir. Il
est remarquable que ces deux auteurs ne citent aucuns
préjugés à l’appui de leur opinion; le dernier commen
tateur, au contraire, décide que la fille qui auroit suc
cédé à sa m è re , pourroit tout de même requérir être
dotée par le p è re , parce que son office est de doter.
P e u t - o n dire, dans l’espèce , que le sieur Coltier,
grand-oncle maternel, ait voulu doter sa petite-nièce
en contemplation du père qui lui étoit étranger ; qu’il
soit venu à son secours, eu égard à la modicité de sa
fortune, tandis que le sieur Vidal de Ronnt pouvoit passer
pour opulent? Et ne doit-on pas conclure au contraire
du silence de la loi, de l’avis même des commentateurs,
�( i5 )
que nonobstant l’institution du sieur Cottier , la dame
Chassaigne, sous les anciens principes , auroit pu re
quérir une dot, sauf ensuite aux frères à la conférer,
lorsqu’ils auroient profité de son exclusion.
Cette conséquence devient plus évidente, d’après les
inductions qu’on doit tirer des termes du contrat de
mariage.
y est dit que la dame Chassaigne ne pourra
disposer des biens compris en l’institution qu’au profit
de ses enfans; et dans le cas où elle viendroit à décéder
sans enfans, ou iceux sans descendans, les biens doivent
retourner à l’estoc et ligne de l’instituant, et pour raison
de ce, à la mère de la future, ou après elle à ses des
cendans et à ceux de feue dame Catherine de L ots, nièce
de l’instituant, femme Guillemot, et ce par égale por
tion à chacune des deux branches.
Si l’instituant ordonne impérieusement le retour des
biens à son estoc et lign e, il ne les a donc pas donnés
en contemplation du p ère, ni à sa décharge, puisque le
père étoit étranger au donateur; et cette clause posté
rieure est contradictoire avec la première.
Mais ici s’ouvre une nouvelle carrière, un droit nou
veau. La succession du père n’est ouverte qu’après le
11
Code civil; les forclusion, renonciation conventionelle,
tout ce qui résultoit de la différence des sexes ou du
droit de masculinité, est aboli ; tous les enfans sont
rappelés indistinctement aux successions de leurs ascendans; les libéralités sont limitées, en ligne directe, au
quart des biens, lorsqu’il y a plus de deux enfans.
Quels sont les rapports dont les enfans peuvent être
�Cl6 )
tenus en venant à la succession du père? Pour fixer nos
idées sur ce p o in t, il ne s’agit que d’ouvrir le Gode,
au titre des rapports.
Dans les articles 843 et suivans, on y voit que tout
héritier, même bénéficiaire, venant à une succession,
doit rapporter î\ ses cohéritiers tout ce qu’il a reçu du
défunt directement ou indirectement; qu’il ne peut retenir
les dons et legs à lui faits par le défunt, à moins,que les
dons et legs rie lui aient été faits expressément en préciput ; il ne peut même retenir les dons en préciput,
qu’autant qu’ils n’excéderoient pas la quotité disponible.
• Les dons et legs faits au fils du successible sont tou
jours réputés faits avec dispense de rapport; le rapport
ne se fait qu’à la succession du donateur ,• pas un seul
mot qui assujettisse au rapport les constitutions faites par
des tiers.
E t comment auroit-on pu assujettir au rapport une
constitution faite par un étranger, qui fut le prix d’une
forclusion-qui n’existe plus? comment soutenir que cette
forclusion fut la condition de l’institution , lorsque la
dame Chassaigne auroit été forclose par la seule force de
la l o i , indépendamment de la volonté de l’instituant,
qui n’avoit pas le droit de la retenir dans la maison du
père ?
Comment donner quelqu’eflet à une renonciation surerogatoire, dans les pays d’exclusion, qui d’ailleurs est
elle-même proscrite par les lois des 11 brumaire et 17
nivôse an 2 ?
11 semble que ce système bizarre répugne à tous les
principes
�7
( i )
principes de la nouvelle législation ; que la succession du ¿ 3 $
sieur c}e Ronat père doit être régie par le Code, et qu’au?
trement ce seroit vouloir confondre deux législations,
h
ce qui seroit absurde.
En un m ot, d’après le Gode, il n’existe ni forclusion,
ni i-enonciation; la fille qui revient à la succession de sort
père n’est tenue de rapporter que ce qu’elle a reçu de
lu i, de ce qui provient de sa substance, ex substantia
patris. II est impossible de forcer les enfans Chassaigne
de rapporter ù une succession directe une succession col
latérale qui ne vient pas du même estoc. Les sœurs ne
peuvent avoir aucune qualité pour demander ce rapport,
puisque, dans aucun temps, elles n’ont pu profiter de la
renonciation de la dame Chassaigne. A l’égard des mules,
tout droit d’accroissement est anéanti du moment que les
exclusions des filles ont été proscrites. Dès-lors les enfans
Chassaigne doivent être admis, o u , pour mieux dire,
rappelés à la succession de leur aïeul ; et les premiers
juges, en les repoussant, ont ouvertement violé les dis
positions du Code, et se sont écartés de tous les principes
de justice et d’équité.
Les appelans, devant les premiers juges comme en la
C our, ont cru, à toutes fins, devoir examiner une ques
tion subsidiaire.
S i , par impossible, on vouloit considérer la renon
ciation de la dame Chassaigne comme une condition li
cite; si on vouloit encore donner quelqu’efiet ù une for
clusion coutumière qui a disparu devant les nouvelles
lois, faudroit-il au moins reconnoitre que la condition
3
�( 18 )
du bienfait avoit ses bornes, et ne pourroit être étendue
à la portion entière de la dame Chassaigne dans la suc
cession paternelle.
Dans le contrat de mariage de 1776 , on n’y voit autre
chose , sinon que l’institution de son oncle lui tiendra
lieu de sa légitime de droit; c’est la seule privation qu’on
lui impose; et dans les actes entre-vifs, les expressions
dans lesquelles ils sont conçus doivent être prises dans
leur sens rigoureux, et sans extension : verba tantum
valent quantum sonant.
A l’époque du contrat de mariage de la dame Chas
saigne, la légitime de droit se régloit par l’authentique
tríente et semisse; c’étoit le tiers ou la moitié de ce qu’on
auroit eu dans la succession , si elle se fût ouverte ab
intestat, suivant le nombre des enfans. Il y avoit sept
enfans provenus du mariage du sieur Vidal de Ronatsuivant les règlemens de l’authentique, la légitime de
droit eût été d’un quatorzième.
Ce n’est donc qu’à ce quatorzième, en prenant la clause
dans toute sa rigueur, que la dame de Ronat, femme
Chassaigne, auroit renoncé.
Mais le sieur de Ronat n’ayant fait aucune institution
sous les anciennes lois, n’a pu, conformément à l’art. 913
du Code, disposer au préjudice des enfans que d’un quart
en préciput; ce qu’ il a fait par testament, en faveur de
ses deux enfans mâles. La réserve de la lo i, ou, ce qui
est la même chose, la légitime des enfans, est aujourd’hui
d’un septième dans les trois quarts des biens : dès-lors il
ne pourroit y avoir aucun prétexte de priver les enfans
�*9
(
)
. . . .
Q 'à S
Chassaigne de cet excédant ou de cette ampliation dé la
légitime; c’est-à-dire, qu’on devroit au moins leur faire
raison de la différence qui se trouve entre le quatorzième
et le septième des trois quarts, ce qui fait un tiers eu sus.
Ceci deviendra plus sensible par un thème. On sup
posera une masse de 14,000 fr. à partager.; dans l’ancien
ordre, la légitime de droit eût été de 1,000 fr. ; suivant
le nouveau m o d e , eu faisant distraction du quart, qui
e^t. de 3,5oo francs , il reste i o , oo fr. à partager entre
sêjîi ;Vce ^uMïîit i , t t r f r . «poui^-chacun. I)#irê' c e t t e v
pothèse , il reviendroit toujours aux .frufaos^Chassaigae f
la moitié de ce qu^ïïs auroient eu si leur mère n’avoit
pas renoncé.
Mais cette partie de la cause n’est que très-subsidiaire,
et pour ne rien négliger; car il paroît démontré que
les frères et sœurs de la dame Chassaigne ne peuvent
pas exiger de leurs n e v e u x le rapport du bénéfice de
l ’institution du sieur Cottier.
Dans le droit com m un, l’héritier n’est tenu de rap
porter que ce qu’il a reçu du défunt. La dame Chassaigne
n’a rien reçu du défunt; elle a reçu du sieur Cottier,
son grand-oncle : ce qui lui a été donné par son grand-
5
5
oncle n’a rien de commun avec la succession de son
p ère, qui n’étoit pas successible du sieur Cottier.
La condition imposée dans son contrat, ou qu’on veut
en faire résulter, disparoit avec la forclusion. Il ne faut
considérer cette condition que comme un pacte sur
une succession future, que les lois ont regardé c o m me
illicite et immoral , comme une convention inutile,
+ &
�(C V
( 20)
puisque, sans elle, la forclusion n’en auroit pas moins
eu lie u ; et, sous tous les rapports, les enfans Chasssaigne
sont appelés au partage de la succession de leur aïeul %
pour y prendre une portion égale dans les trois quarts»
M e. P A G E S ancien avocat,
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M e. B R E S C H A R D , avoué .
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A RIO M , de l’imp. de T H IB A U D , imprimeur de la Cour royale, et libraire,
rue des Taules, maison Landriot. — Août 1814,
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chassaigne-Dubost, Antoine-Ange. 1814]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Breschard
Subject
The topic of the resource
donations contractuelles
renonciation à succession
contrats de mariage
pays de droit écrit
forclusion
dot
successions
donations d'un collatéral
coutume du Bourbonnais
partage
conflit de lois
donations
Description
An account of the resource
Titre complet : Précis pour Sieurs Antoine-Ange Chassaigne-Dubost, officier de cavalerie ; Joseph Chassaigne, docteur en médecine ; Claude-Jean-Marie Chassaigne, propriétaire ; Maître Gilberte-Antoine-Gabriel Chassaigne, avocat ; demoiselles Catherine et Anne Chassaigne, majeures ; dame Bénigne-Antoinette-Augustine Chassaigne, épouse de sieur François Grimardias, de lui autorisée, appelans d'un jugement rendu au tribunal civil de Thiers, le 27 août 1813 ; contre sieur Gilbert Vidal de Ronat, substitut du procureur du Roi au tribunal de Thiers ; sieur Antoine Vidal de Ronat ; dame Bénigne Vidal de Ronat, épouse du sieur Barthélemy Darrot-Dulac ; dame Catherine Vival de Ronat, épouse du sieur Joseph-Gilbert darrot ; dame Marie-Anne Vidal de Ronat, épouse du sieur Arnaud ; dame Anne Vidal de Ronat, épouse du sieur Damien Malmenaide, intimés.
note manuscrite « Le 20 août 1814, arrêt confirmatif, pour les motifs exprimés au jugement ».
Table Godemel : Institution d'héritier : 10. une institution contractuelle grevée d’une condition (celle de renoncer, pour l’institué, à tous droits dans les successions de ses père et mère), doit-elle être exécutée ? le donataire, après avoir accepté l’institution, peut-il refuser de remplir la condition, quoiqu’il prétende retenir tout l’effet de l’institution ? cette condition est-elle contraire aux lois et aux bonnes mœurs ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1814
1776-1814
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2113
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2112
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53409/BCU_Factums_G2113.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint-Victor-Montvianeix (63402)
La Boutière (domaine de)
Bost (seigneurie du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
contrats de mariage
coutume du Bourbonnais
donations
donations contractuelles
donations d'un collatéral
dot
forclusion
partage
pays de droit écrit
renonciation à succession
Successions