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-«O »-
EN
DEFENSE
POU R
La Dame
BOIROT et le sieur
LAPLANCHE, son m ari,
S o p h ie -M a t h il d e
dE
G il b e r t
ca x T M ir .
Le sieur L o u is -P ierre B O I R O T .
Une adoption consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être
attaquée par les tiers ?
L’adoption d ’un enfant naturel reconnu est-elle prohibée par
le Code civil?
Telles sont les questions que la cause présente à juger.
La Cour royale de Riom a résolu la seconde par la négative, le 14
mai 1838.
M. Boirot attaque c e t a rrêt à l’aide d ’a rg u m ens q u ’il prétend
puiser dans le texte de la loi et dans les considérations morales.
C' est aussi avec la morale et la loi que nous allons le défendre,
après avoir exposé en peu de mots les faits qui ont donné lieu
au procès , et après avoir discuté la première question.
F A IT S .
Le 27 mai 1798, Anne-Pétronille Boirot, l i b r e a l o r s , donna le jo u r
à une fille qui fut inscrite à Riom comme née de père et mère in
connus, reçut les noms de Sophie Gordon, et, plus tard, fut connue
sous ceux de Sophie-M athilde Boirot.
�V
— 2 —
En ISOi, Pétronille Boirot épousa en secondes noces le sieur
Duval.
Dans le contrai qui contenait les conventions civiles de ce ma
riage, contrat passé en présence de plusieurs parens et amis, et.
entre autres, du sieur Jean-Jacques Boirot de la Ruas, père du
d em andeur en cassation, il fut dit que la jeune Mathilde, désignée
d ’ailleurs comme fille de la future épouse, et dem eurant avec elle,
aurait dans la succession de sa m ère les mêmes droits que les enfans à naître de l’union projetée. Du reste, aucun enfant n’est
issu de-'cé mariage.
En 1816, et s u r la dem ande de la dame Boirot, alors femme
Duval, le tribunal de Riom ordonna la rectification de l’acte de
naissance de la je u n e Mathilde. Les parens fu rent mis en cause;
le sieur Jean-Jacques Boirot était du nombre : ils déclarèrent tous
que Mathilde Boirot était bien la même que celle qui avait été in
scrite à R iom , le 28 mai 1798, sous les noms de Sophie Gordon. —
L 'acte de naissance fut donc rectifié en vertu d ’un ju g e m en t, et
Mathilde Boirot lut légalement re c o n n u e pou r fille naturelle de
Pétronille Boirot, épouse du sieur Duval.
Au mois de février 1817, Mathilde Boirot épousa le sieur Gilbert
de Laplanche. P a r son con trat de mariage, dans lequel on la qua
lifia fille naturelle de Pétronille Boirot, elle lut instituée héritière
universelle de tous les biens meubles et immeubles qui com pose
raient la succession de sa m ère.— La famille entière applaudit à cet
acte. M. Jean-Jacques Boirot de la Ruas, qui était présent à la pas
sation du contrat, y apposa sa signature.
La dame Duval, voyant avec peine que la voie de la légitimation
avait été fermée à sa fille par des circonstances indépendantes de
sa volonté, crut de son devoir de lui conférer au moins l’ado p
tion.
�Après l’accomplissement des formes prescrites par le C o d e , le
tribunal de Gannat déclara qu’il y avait lieu à adoption, et, le 14
mai, la Cour royale de Riom confirma le jugem ent du tribunal de
Gannat.
Ce jugem ent et cet arrêt fu ren t rendus su r les conclusions con
formes du ministère public, qui n ’ignorait pas plus que les juges la
filiation de l ’adoptée, puisque cette filiation était rappelée dans
tous les actes mis sous les yeux des magistrats appelés à prononcer
sur l’adoption.
Peu de temps après l’adoption, la dame Duval d é c é d a ; sa fille ,
la dame de Laplanche, se mit en possession de l’universalité de ¡a
succession, et liquida amiablement les droits du sieur Duval.
Mais, par exploit du 10 septembre 1835, Boirot d e l à Ruas as
signa les époux de Laplanche devant le tribunal civil de G an nat,
pou r se voir condam ner à faire le délaissement, soit de la totalité
de la succession de la dame Duval, pour être procédé plus tard à
la délivrance de ce qui pourrait revenir à la dame de L aplanche,
comme fille naturelle de la dame Duval ; soit, s'ils l’aimaient mieux,
au délaissement, en faveur du sieur Boirot de la Ruas, du huitième
de ladite.succession mobilière et immobilière qui lui appartenait,
disait-il, aux term es d u d r o it, avec restitution des fruits et jouis
sances, a com pter du jo u r d u décès de ladite dame Duval.
Les époux de Laplanche répondirent que ce n'était pas comme
en fan t naturel reconnu par sa mère q u e la dam e de Laplanche
avait recueilli l’universalité de la succession de la dame D u v a l,
mais bien en vertu de l’adoption qui lui avait été conférée par cette
dernière, adoption admise et consacrée par ju gem ent et arrêt irré
vocables.
Le sieur Boirot de la Ruas so u tin t alors que l’adoption conférée
à madame de Laplanche par la dame D uval n ’avait pas pu lui at
tribuer l i qualité d ’héritière universelle de sa mère adoptive, parce
�que, comme fille naturelle de celte dernière, elle ne p o u v a it, aux
termes de la loi, am ender que les trois q u a rts de la succession.
Plus lard, il demanda la nullité de l’adoption, en soutenant qu'il
m anquait à la dame Duval une des six conditions voulues par la
loif c’est-à-dire la jouissance d’une bonne réputation, pour être
apte à adopter sa fille naturelle reconnue, ou l’enfant d’autrui.
La dam e de Laplanche opposa d ’ab o rd l'autorité de la cliose j u
gée, résultant de l’a rrêt d’adoption.
Puis, elle soutint lu validité de l’adoption.
Ce fut en cet étal q u ’intervint, le <7 juillet 1837, au tribunal de
G a n n a t , un jugement q u i, sans avoir égard à la fin «Je non-recevoir, rejeta, au fond, les injustes prétentions du sieur Boirot.
On y lit les motifs suivans :
« E n ce qui touche la demande en nullité de l’adoption de la dame
« de Lâplancke pour inobservation des formalités prescrites par les
« art. 343 et suivans du Code civil, et notamment de celles exigées
« par l ’art. 355 :
« Attendu qu’il a été re c o n n u par le tribunal et par la Cour
« royale de Riom que toutes les formalités imposées à l’adoptant
« au tit. 8 du Code civil, sur l’adoption, avaient été remplies; que,
« par suite de cette reconnaissance, l’adoption de la dame de La« planche a été accueillie;
« Attendu que le sieur Boirot ne reproduit, à l’appui de sa de« mande, d'autres faits que ceux qui existaient avant l’adoption,
« faits qui ont été appréciés soit par le tribunal, soit par la C our
« royale, que dès lors une telle demande, faite sans intérêt, a eu
o évidemment pour but de calomnier la mémoire de l ’adoptante, lors« qu’au contraire il est de notoriété publique que ladite dame, depuis
« son second mariage, s’est toujours comportée de manière à m ériter
* Caffection de son m ari et l ’estime publique.
« lin ^ce qui touche la fin de n o n-recevoir, opposée à la de?.
�6*°)
y
o -« mande principale sur le fondement que l’arrêt d’adoption a ac« quis l'autorité de la chose jugée;
« Attendu que cet arrêt, rendu hors la présence des parties in
et téressées, peut être contesté comme tout a u tre contrat ; que I’ac« tion en nullité reste entière et doit être introduite par la voie or« dinaire, ainsi que l’ont décidé plusieurs arrêts de Cours royales
« et de C o ur de cassation ;
« E n ce qui touche la nullité soulevée contre l’adoption d’un enfant
« naturel reconnu;
« Attendu que l’adoption des enfans naturels reconnus n ’est pas
« défendue par la loi ; q u ’on ne trouve dans le Code civil aucune
« disposition dont on puisse conclure que l’intention du législateur
« ail été de la prohiber.
« Attendu q u o n ne peut pas créer des exceptions qui ne sont pas
a dans la loi, d’où naît l’application de ce principe, que ce qui
« n ’est pas défendu est permis ;
« Attendu q u ’en se reportant à l’opinion des auteiirs, qui ont
« écrit sur la matière et à la jurisprudence la plus m odern e su r
« l’adoption des enfans naturels reconnus, notam m ent à deux
« derniers arrêts de la Cour royale de Paris, la question cesse
« d’être douteuse et se résout en faveur de l’adoption des enfans
« naturels, surto ut d'après l’avis de M. Dalloz qui a écrit le der« nier et qui se trouvait en position de voir sous toutes les faces
« une question si souviint d é b attu e, et qui a déduit les raisons noino breuses qui militent en faveur de l’adoption avec une force irré« sistible. »
Ce jugem ent, frappé d ’appel par le sieur Boirot, a été confirmé,
en audience solennelle et sous la présidence de M. Brion, par a rrê t
de la Cour royale de Riom , du 14 mai 1838, conçu en ces term es :
*
Considérant que l’on ne trouve dans le Code civil, au litre de
« l’adoption ni ailleurs, aucune disposition prohibitive de la faculté*
�— 6 —
« d ’adopter les enfans naturels par le père et la mère qui les ont
« reconnus;
« Que l’on ne pourrait donc déclarer que celte faculté a été inter« dite, qu’en adm ettant une incapacité et une défense qui n ’o nt
« point été prononcées par la loi ;
« Considérant que c’est inutilement que l’on prétend, pour établir
« cette incapacité, que les principes qui déterm inent la n atu re de
« l’adoption s’opposent à ce que les enfans naturels reconnus
« puissent en recevoir le bénéfice;
« Q ue l’on ne retro uv e dans le Code civil, ni les règles, ni les
« défenses du droit romaVp, et q u 'o n y chercherait vainement les
« conditions qui établiraient q u ’on a voulu faire de l’adoption une
® imitation exacte de la n atu re ;
« Que, d’après les dispositions q u ’il renferme, loin de s’identifier
« avec la famille nouvelle dans laquelle il est admis, de manière à
« devenir étranger à celle qu’il avait, l’adopié reste au contraire
« dans cette dernière, y conserve tous ses anciens droits, et ne
« fait q u ’ajouter le nom de l’adoptant à celui qu’il avait déjà;
« Q u’il n’est pas exact de dire que l’adoption ne confère à l ’enfant
a natu rel rien de plus que ce que lui avait donné la reconnaissance
* faite par son père;
« Que les liens qui l’unissent à ce dernier après l’adoption, sont
« et plus étendus et plus resserrés en môme temps ; qu’à la place d’une
« filiation naturelle, il s’est établi une filiation nouvelle, plus avan« tageuse et plus honorable aux yeux de la société, et que, dès
« lors, au lieu d ’être indiqué dans les actes de l’état civil et dans
« les relations ordinaires de la vie sous le nom de fils naturel, il
« ne le sera plus que sous celui de fils adoptif;
a Considérant q u ’on ne peut invoquer les art. 346, 347 et 348
« du même Code, pour en induire la conséquence que si la défense
« d ’adopter les enfans naturels reconnus n ’a pas été faite au père
�« ou à la mère de ces enfans d’une manière expresse, elle se trouve
« du moins implicitement dans la loi;
« Que les expressions dans lesquelles ces articles sont conçus
« n ’ont rien d’exclusif des personnes qui n ’y seraient pas indi« quées ;
« Que la loi, qui n’était pas uniquement faite po ur les enfans
« naturels, n’a d û s’y occuper que des cas ordinaires, laissant sous
« l’empire du droit commun et de ses dispositions générales ceux
• qu’elle n’a pas désignés ;
*
Qu’on ne p o u rrait donc conclure de la maniere d o n t elle s’est
« exprimée, q u ’elle a défendu l’adoption des enfans naturels, à
« moins d’établir q u ’elle a créé une exception toute particulière
« contre cette classe d’individus;
« Considérant que la défense d'adopter les enfans naturels re« co nn us n’existe pas davantage dans les dispositions du Code
« civil su r la légitimation;
« Qu’il y a des différences essentielles et capitales e n tre les
« effets de l’adoption et ceux de la légitimation, qui ne permet«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
tent pas de confondre l’une avec l’a u tre ; q u e s i , pour la prem ière, l’enfant reçoit une vie nouvelle et des avantages qu’il
n ’avait pas a u p ara v an t, les rapports civils et les droits q u ’il acq u ie rt sont cependant bornés à u n cercle étroit, dans lequel la
loi n’a pas restreint l’enfant légitimé, qui est considéré par elle
com m e l’enfant légitime et traite comme tel ;
« Que l ’adoption ne conférant ni les droits, ni le titre d’enfant
légitime, on doit nécessairem ent en conclure q u ’elle ne se confond point avec la légitimation, et que, par là même, elle n'est
pas un m oyen détourné d’appeler l’enfant naturel aux avantages
d ’une légitimation, qui ne peuvent lui être assurés que par le
mariage de ses père et mère ;
« Considérant que l’adoption ayant p our but principal et direct
�de créer un étatcivil entre l’adoptant eLl’adopté, en les unissant
par des rapports de parenté et de famille, et les droits de successlbilité réciproque qui en dérivent n ’en étant q u ’une consé
quence nécessaire, c’est le titre du Code civil qui a déterminé
le» règles de cet état eL la successibilité même qui en résulte,
q u ’il faut interroger p o u r savoir quels so nt ceux qui peuvent
être adoptés ;
« Que dès que l’incapacité q u ’on oppose au x enfans naturels
reconn us ne s ’y trouve ni d ’une m an ière expresse, ni d ’une
manière implicite, on ne peu t la ch e rc h e r dans les art. 75G,
757, 908 et autres sur les successions, qui n ’ont staLué sur la
dévolution des biens que d ’après les principes e t les règles pré
cédemment établis s u r l'état des personnes, sans aucun r e to u r
sur ces principes et ces règles auxquels le législateur n’a pas
songé à to uch er;
« Que les dispositions invoquées uniquem ent relatives aux enfans naturels, comme celle de l’art. 338, ne se sont point occu
pées des enfans qui auraient été adoptés; q u ’ainsi, p o u r les e n
tendre, et les appliquer sainement, il ne faut pas les séparer de
la qualité des personnes p o u r lesquelles elles ont été faites;
que c'est pour les enfans naturels reconnus, mais restés tels,
q u ’elles ont été créées; que si elles son t prohibitives, ce n ’est
évidemment que des droits qui dépasseraient, en faveur de ces
enfans, ceux q u ’elles leur accordent, et non des droits dont elles
ne parlent pas et qui seraient la conséquence d ’u n e qualité ou
d’u n titre sur lesquels elles n ’avaient pas à s’expliquer ;
« Que ce serait donc manifestement en éten dre l'application et
les effets à des personnes et à des cas auxquels elles n 'o n t pas
pensé, que d'y voir la défense d ’adopter les enfans naturels recon
nus, et de leur donner p ar là les droits de s u c c e s s ib ilit é que con
féré l’adoption ;
�« Considérant q u ’on ne pourrait adm ettre que les dispositions du
Code civil, qui bornent les droits des enfans naturels sur la suc
cession du père et de la mère qui les ont reco n n u s, renferm ent
la défense à ces derniers de les adopter, q u ’autant q u ’il existerait
e n tre l’état d ’enfant naturel reconnu e tc e lu id ’enfantadoptif, une
opposition diamétrale, qui ne perm ettrait pas de les confondre en
passant du premier au second ;
« Que celte opposition n ’existe pas ; q u ’il ne répugne ni à la n a
t u r e , n i a la raison, n ià la loi, que des liens de famille plus étroits,
que des rapports civils plus intimes et plus étendus s’établissent
entre le père et le (ils naturel ; q u ’en u sant du bénéfice de l’adop
tion, le père fait plus q u ’il n'avait fait par la reconnaissance,
mais qu’il ne fait rien de contradictoire à ce p rem ier acte qui ne
pouv ait avoir p o u r effet de l’en ch a în er si irrévocablement, qu'il
lui fût défendu d ’améliorer, par les moyens que la loi indique
elle-mème, l’état de son enfant;
« Considérant encore, sur les arl icles relatifs aux droits des enfans
naturels s u r la succession de leur père et mère, que la loi leur ac
corde, dans le cas où il n ’y a ni enfans légitimes, ni ascendans,
ni h éritiers collatéraux, tous les biens de cette succession ;
« Q u’alors l’incapacité q u ’on fait principalement résulter contre
eux, pour l’adoption, de la restriction apportée à leurs droits sur
ce point, devrait nécessairement disparaître, puisque la base fon
damentale donnée à cette incapacité n ’existerait plus;
« Qu’il faut donc conclure de cette application de la loi d o n t la
justesse ne peut être contestée, que des prohibitions, qui ne sont
ni générales, ni absolues, ne peuvent renfermer la défense que l’on
veut en faire résu lter;
« Considérant que l’argumentation que l’on a tirée, contre l’adop2
�« lion des enfans naturels reconnus, de l’art. 911 du Code civil, ne
« p ré s e n te , p o u r raison de décider, que la question même q u ’il s’a« git de résoudre ;
«
«
«
«
« Qu’en adm ettant, en effet, q u ’on p ût faire l’application des dispositions qu’il renferm e à un co n tra t aussi solennel que l’adoption, il faudrait toujours dém ontrer l’incapacité de l'enfant naturel reconnu à être admis au bénéfice de l’adoption p ar ses père
et m ère;
« Considérant que l’art. 36G du Code civil, qu’on a également in« voqué, en le rapprochant des art. 908 et 9 11, établit, dans le cas
« to u t particulier q u ’il prévoit, non une manière nouvelle de dont n e r ou de transm ettre par testam ent les biens de l’adoptant à l’a« dopté, mais bien un mode nouveau d’adoption que réclamaient
» l’intérêt de l’enfant et la position dans laquelle pouvait se trouver
« placé celui qui voudrait l'ado pter ; que si, alors, l’enfant acquiert
c des droits de snccessibilité sur les biens de ce dernier, c'est p ar
« une suite naturelle etnécessaire de l’adoplion exceptionnelle dont
t il a été l’objet, et non pas parce que le testament où elle se trouve
« renferme en sa faveur une disposition de scs biens ;
t Qu’on ne pourrait donc lui appliquer les dispositions des art.
« 908 et 911, et que ce serait encore la question de savoir s’il a pu
« être adopté ;
«
■
«
«
t
c Considérant, en fin, que si, malgré le silence de la loi et la généralité de ses dispositions, on proscrivait l’adoption des enfans naturelspar le père ella mère q u i les ont reco nnu s, on n'aurait aucun
moyen, sauf le pouvoir discrétionnairedestribunaux, de prévenir
celle des enfans naturels non reconnus, ou celle d e s enfans adultérins et incestueux, dont l’origine ne serait pas aitcstcc par des
■ faits incontestables ;
« Que s'il était immoral, cependant, de permettre l’adoption des
�c enfans naturels reconnus, il ne le serait pas moins de laisser la li*
«yb^rté d ’appeler, par des moyens détournés, ceux qui n ’ont pas
<r été reconnus, ou ceux qui ont une origine plus vicieuse, au béné« fifte de l'adoption, et qu’il serait tout h la fois inconséquent et
« injuste de repousser sur ce point les premiers, parce que leur
« naissance est connue, et d’accueillir les seconds parce que la leur
a est ignorée ;
« Qu’on ne peutopposer, pour justifier une semblable distinction,
« que les enfans naturels n o n reconnus sont, dans le sens légal,
« des étrangers aux yeux de la loi et de la justice;
« Que le vice de leur naissance n’en est pas moins réel pour n ’a« voir pas été révélé ;
« Que c’est, non d e l'ignorance où l’on peut être de cette ori« gine, mais de son existence même, que l ’incapacité q u ’on en fait
« résu lter dépend ;
«
«
«
*
« Q u’il arrivera néanmoins journellement que les enfans qui en
sont frappés éluderont les dispositions prohibitives de la loi, par
cela seul que le secret de leur naissance aura été soigneusement
caché, tandis q u e ceux qu’on aura reconnus en subiront toutes
les rigueurs;
« Q u ’un système qui se prêterait si aisément à la violation de
« la loi et qui consacrerait des effets si contraires à la raison et à
« une exacte justice, ne peut être admis;
« Adoptant au surplus, et sur les autres questions q u ’a présen« tées la contestation, les motifs des premiers juges ;
« La cour a mis cl met l’appellation au néant; ordonne que le ju* gement dont est appel sortira son plein et entier effet, et con« damne l’appelant à l’amende et aux dépens. »
Tel est l’arrêt q u ’attaque le sieur Boirot, et que n o us défen
dons.
�DISCUSSION.
Nous diviserons noire discussion en deux paragraphes.
Dans l’un nous traiterons la question de recevabilité de l’action
des tiers en m atière d’adoption.
Dans l’autre nous réfuterons le moyen invoqué par le d em an
deur à l’appui de son pourvoi.
§ I".
NON-RECEVABILITÉ DE l/ACTlON.
Une adoption consommée avec les solennités prescrites par la
loi, p en d an t la vie de l’adoptant, est-elle attaquable par les tiers
après la m o rt de celui-ci ? Les tiers peuvent-ils contester l’état qui
en résulte?
Si celte question paraît, h la Cour comme h no us, devoir être ré
solue négativem ent, il est manifeste que le dispositif de l’arrèl at
taqué, qui rejette la demande du sieu r Boirot, devra être maintenu,
puisqu’il se trouvera conforme d la loi, q u e lq u e soit, d’ailleurs, le
m érite des motifs donnés par la c o u r de Riom à l ’appui de sa déci
sion.
O r, ou nous nous abusons fort, ou le législateur n ’a entendu
so um ettre à aucun recours, à aucun examen ultérieur le» actcs
solennels qui autorisent l’adoption, après q u ’ils ont clé consom
més du vivant de l’ad o p tan t.
Sans doute, au premier aperçu, les m agistrats et les ju r is c o n
sultes, préoccupés d e l à maxime rcs itilcr nliosjuih'cata vcl acta,
�— 13 —
aliis nec nocçre, nec prodesse polest, sont portés à adopter l’opi
nion contraire, qui nous avait d’abord séduit nous-même.
Mais nous croyons q u ’un examen approfondi de l’esprit et des
termes de la loi doit conduire à reconnaître que le législateur a
voulu interdire to ute action aux liers dans la matière spéciale qui
nous occupe.
Cette interdiction ne tient ni à la chose jugée, ni à un défaut de
qualité; mais à un o rd re d ’idées plus élévé; à la nature de l’acte, qui
n’a de judiciaire que les formes; aux exigences de l’institution qui
exige, pour ne pas être frappée de stérilité, u n secret incompatible
avec la procédure ordinaire, et qui, p ou r qu’un acte de bienfai
sance ne devienne pas une cause de diffamation, renferm e lout
dans les mystères de la cham bre d u conseil, n ’admet de confldens
que les magistrats, de co ntradicteu r que le ministère public rep ré
sentant la société entière.
Le Conseil d’Etat,en discutant le titre de l’adoption, avait voulu,
dans le principe, confier les déclarations d ’adoption, soit au pou
voir législatif, soit au gouvernement.
Certes, s'il eût persisté dans cette pensée, il ne fût venu à l’idée
de personne q u ’un pareil acte eut été susceptible d ’un recours
quelconque devant les trib u n a u x !
La n atu re de l’acte a-t-elle changé, parce que des raisons tirées
de ce que les tribunaux auraient plus de facilité pour se p ro cu rer
des renscignemens, et seraient plus aisément abordables que le pou
voir législatif et le gouvernem ent, o nt fait préférer à ces deux
pouvoirs l’autorité judiciaire ? .
Evidemment non.
o
La déclaration d ’adoption n ’en est pas moins restée ce q u ’elle
devait être dès l’origine, un acte souverain, un acte administratif
�d’une nature particulière, re n d u en connaissance de cause, avec le
ministère public, représentant les intérêts de tous, et sous la ga
rantie d ’un double examen parles magistrats les mieux placés pour
apprécier la moralité et l'intérêt social de l'adoption.
Une fois constituée par l'arrêt d’adoption et l’inscription sur les
registres de l’E lat civil, la nouvelle famille, composée de l’adoptant
et de l’adopté, ne devait donc avoir rien à craindre des héritiers de
l’adoptant, pas plus que celle que crée un acte de reconnaissance
d’enfant naturel ou l’absence de désaveu d’un enfant contre lequel
le désaveu eut été possible.
Vainement l’héritier vient-il dire que l’adoption le lèse, q u ’il
n'a pas été partie dans le contrat, et que l'adoption reste à son égard
res inter alios acta.
L a reconnaissance d’u n enfant n aturel lèse aussi les intérêts des
ascendans d o n t elle diminue la réserve, des collatéraux ou des lé
gataires auxquels elle enlève une partie de la succession ; le défaut
de désaveu, dans les circonstances où la preuve exigée par la loi
peut être faite, diminue aussi la part héréditaire et la réserve des
autres enfans légitimes ; et cependant qui oserait prétendre que la
reconnaissance ou la déclaration de paternité peuvent être a tta
quées par les héritiers lésés, sous prétexte q u ’elles s o n t res inter
alios acta ?
Personne assurément, parce que la constitution des familles est
protégée par des règles spéciales qui la mettent à l’abri des actions
ordinaires fondées sur de simples intérêts d’argent, et ne la sou
m ettent q u ’aux seules actions expressément et textuellement ou
vertes contre elles par le législateur.
C’est ainsi que le chapitre 4 du titre du mariage a spécifié les seu
les causes qui donneraient ouverture à l’action en nullité.
La loi a été plus sévère encor« pour Ica déclarations de pater.
nilé.
�Elle a refusé aux héritiers du père tout droit de contester comme
mensongère la reconnaissance émanée de lui, ou de désavouer
l’enfant qu’il a u rait avoué par son silence.
Elle a fait de même p o u r l'adoption opérce suivant les formes
prescrites. Elle y trouvait des garanties bien autrem ent rassuran
tes que celles résultant des formalités qui précèdent le mariage.
Au lieu de l’intervention d ’un simple ofiicier de l’état civil, elle avait
appelé sur l’adoption l’investigation du ministère public, et un dou
ble examen de la p a rt des magistrats ; elle a vu dans cette accumulalion de précautions, un gage suffisant pour l’intérêt social q u i do
mine et fait taire tous les autres, et, en conséquence, elle a ren d u
l’acte d’adoption aussi inattaquable po ur les héritiers de l’adoptant
que la reconnaissance d ’un enfant naturel ou la déclaration de pa
ternité dans l’acte de naissance d’un enfant légitime.
L ’adoption est donc to u t autre chose qu’un jug em ent, quJnn
contrat; c ’est un acte de l’autorité souveraine déléguée exception
nellement à l’autorité judiciaire.
Combien cette volonté d u législateur ne devient-elle pas plus
manifeste encore, lorsqu’on songe aux conséquences q u ’aurait
l’action en n u llité, si elle était ouverte aux tiers.
Toute l’économie de la loi serait bouleversée.
Elle a voulu que l’instruction fût secrète, co m prenant bien que
personne ne voudrait plus adop ter, si, pour être autorisé à faire
un acte de bienfaisance, il fallait s’exposer à voir toute sa vie fouil
lée par la malveillance, et toutes ses actions livrées aux apprécia
tions scandaleuses d’héritiers cupides et mécontens!
O r, le système qu’on veut faire prévaloir aurait pour effet in
évitable de rend re publique toute cette discussion de moralité que le
législateur a renfermée dans le secret de la chambre d u conseil!
Ce danger, certes, n ’a rien de chim érique, et l’exemple n ’est
�pas loin; car, dans l’espèce même, M. Boirol a c ru pouvoir livrer
au scandale d ’une discussion publique la mémoire de celle dont il
dem an dait l’hérilage! E trange système que celui qui prête au lé
gislateur celte immorale pensée de n’accord er à l’héritier la succes
sion qu’il convoite, qu’à la condition de déshonorer son auteur.
La moralité de l'adoptant trouvée suffisante aujourd’hui par le
ministère public, le tribunal c l la Cour royale, pou rrait être d is
cutée de nouveau dans cinquante ans ; c a r , une lois ouvert, le rc-cours rem ettrait en question toutes les conditions de l’adoption ,
puisque nulle limite tic serait (ixée par le législateur; et alors, en
l’absence de l’adoptant décédé, en l’absence des preuves cl des ex
plications que lui seul pouvait fournir, la justification de la m o ra
lité serait peul-elre jugée incomplète ! L’adoptant se trouverait
puni par la (lélrissurc souvent injuste, qui ¡¿’attacherait, par la pu
blicité, ii sa mémoire, des sentimens généreux qui l’auraient animé
pendant sa vie. — El to u t ec qui se serait fait pendant ce demisièclc sur la foi de l'adoption, les m ariages, les arrangem ens de
famille, les p a r t a g e s , to u t serait anéanti; et l’adopté n’aurait pas
même la ressource de réclamer po ur lui et sa famille le bénéfice de
la bonne foi, q u e la loi n’accorde q u ’à l’époux et à scs descen
dais !
Evidemment il faut reculer devant de pareilles conséquences!
ÎS'on, l’adoption ne peut pas être attaquée, après la sanction
qu'elle a reçue du Tribunal de première instance cl de la Cour
royale, su r les conclusions du m inistère public.
Kcgulicr en la forme, le lilre fait présumer l'accomplissement de
lontcs les conditions ; c ’est là une présomption ju r is et de ju r e ,
qui n’adinel aucune preuve contraire.
Par son te x te , la loi n'adinct l'intervention des héritiers
ijnYit un leul c a s , celui où l’iulopi-mt m eurt avant que le* tri
�bunaux aient définitivement p r o n o n c é ; et dans ce cas même, £lle
n ’autorise les héritiers qu’à remettre des mémoires et des observa*
#
t
»
lions au procureur,du roi. (A rt. 3G0 C. civ. )
Si le législateur n’eût pas entendu proscrire l'action des tiers,
après l'adoption consommée, concevrait-on qu’il n ’eût pas orga
nisé une procédure spéciale; qu’il n 'e û t pas exigé le sccrel des discus
sions, indiqué les tiers auxquels le recours sérail ouvert, les con
ditions, les restrictions sous lesquelles ils pourraient en user, les
délais dans lesquels ils devraient l’exerccr!
Le législateur aurait-il donc permis de livrer à la publicité,
après la vie de l’adoptant, les débals plus ou moins diffamatoires
que des collatéraux avides ne sc feraient aucun scrupule de susciter,
alors surtout que les preuves manqueraient pour leur ré p o n d re ,
lui qui avait exige le sccrel, alors même que l’adoptant était là pour
détruire les allégations mensongères?
Aurait-il admis" l'intervention des collatéraux après l’adoption
consommée, lui qui n’avait pas cru devoir l’adm ettre avant la sanc
tion des T ribun au x, parce qu e, disait-on dans la discussion au
Conseil d ’Étal, leur intérêt d ’arg en t ne devait être d ’a u c u n e considéiation en pareille circonstance ?
Aurait-il voulu laisser l’état des adoptés incertain pendant un
temps illimité ? et le livrer non seulem ent aux collatéraux, mais
encore à tous les tiers, donataires, débiteurs ou a u tre s, qui auraient
in térêt à contester la validité de l’adoption?
S’il en était ainsi, qu e de familles dont la position serait en sus
pens ou compromise, et dont les auteurs auraient à subir des actions
qu'on hasarderait souvent, 11e fût-ce que pour obtenir des sacrifices
par crainte d’un scandale public.
�— 18 —
Jusqu’à présent l’opinion générale a protégé les intérêts de toute
nature, engagés dans l’adoption, parce que généralement on a r e
gardé les actes qui la consacraient comme étant hors de toute a t
teinte.
Que la Cour ouvre la brèche et l’on verra à l’instant la foule s’y
précipiter, non par amour d e là morale, mais par 1111 sentiment qui
se devine assez à une époque où la cupidité semble avoir re m
placé tout autre mobile !
L’adoption, d ’abord objet de préventions, a été bientôt mieux coin
prise.
Elle a pris racines en France, où elle produit d ’heureux ef
fets.
Les actes d'adoption se sont fort multipliés depuis trente ans.
Des milliers de familles ont contracté des alliances, des engagemens sous la foi de le u r irrévocabilité.
Ces familles seront-elles trompées pour avoir placé leur co n
fiance dans la logique, la raison, le texte et l’esprit de la loi ?
Nous ne pouvons le craindre, car nous connaissons la sagesse
de la Cour.
Au surplus, si nous avons insisté sur l’inviolabilité des adoptions
consommées, c'est plutôt dans l’inlcrct général que pour le besoin
de la cause de la daine de Laplanche ; car il nous sera facile de
prouver qu’au fond l’arrêt de la Cour de ltiom repose s u r des motifs
conformes to u t à la fois à la loi et à la morale.
�— 19 —
rt
§2.
RÉFUTATION DU MOYEN DE CASSATION.
Suivant le dem andeur en cassation, la cour de Riom aurait, par
cet arrêt, violé les art. 757 et 908 du Code civil, et faussement ap
pliqué l’art 343 du même Code.
P ou r justifier ce rep ro c h e , il a examiné la législation romaine,
celle qui en France a précédé le Code civil, et enfin la législation
qu i nous régit aujourd’hui.
Nous suivrons le même o rd re de discussion.
D roit romain.
P our bien com prendre ce que pouvait être à Rome l’adoption
des enfans naturels, il faut se rappeler qu’elle était dans l’ancien
droit romain la constitution de la famille.
Les enfans d’un même père pouvaient se trouver dans deux posi
tions distinctes; — ou bien sous sa puissance, ou bien hors de sa
puissance.
Il ne pouvait évidemment être question d’adoption q u ’en ce qui
concernait ces derniers ; — les fils de familles, jouissant de toutes
les prérogatives de la légitimité, n ’en avaient pas besoin.
Les enfans placés hors de la puissance de leur père, — pouvaient
se trouver dans cette position par trois causes différentes:
1° Lorsque, nés sous sa puissance, ils en étaient sorti», soit par
émancipation, soit parce q u ’il les avait donnés en adoption ;
2° Lorsqu’ils étaient issus de l’union nomm ée chez les Romains
concubinat, — ils étaient alors appelés filiinaturales par opposition
�> o L r \
~
20 —
aux jilii fa m ilia s, et naissaient sui ju ris et chefs de famille euxmêmes ;
3° Enfin lorsqu’ils étaient nés pendant l’esclavage de leur père,
— quœsiti in servitute patris. Le père esclave, ne jouissant d'aucun
droit civil, n ’avait pas la puissance paternelle; l’unique effet de la
paternité, dans ce cas, était d’interdire entre le père esclave et sa
fille le contubernium tant q u ’ils étaient esclaves, et le mariage, si plus
lard ils devenaient affranchis.
Hors de ces cas, les enfans, n ’ayant pas de père connu, ou en
ayant un que les lois ne permettaient pas d ’avouer, c’est-à-dire un
père adultérin ou incestueux, étaienl nom m és vulgo eoncepti,et la
paternité restait dans ce cas toujours incertaine; — nam nec hipatrem
habere intclliguntur, cum his el etiam (pater) est incertus. (Institutos,
de nuptiis, § 12.)
Des trois classes d ’enfans placés hors de la puissance d e leur
père, il n ’en était pas une dans laquelle celui-ci ne put aller c h e r
c h e r des enfans adoptifs.
Q uanta ceux qui étaienl nés sous sa puissance, el qui en étaienl
sortis, ils y pouvaient re n tre r par l’adoption. Qui patria poteslate
liberatus est, dit Ulpien (1. 12, ff. de A dop.), el postea in potestatem
honeste revertí non polest, nisi adoptione.
Q uant aux enfans natu rels issus du co ncu binat, inviti filii na
turales vel emancipati, dit Modestin (I. 11. § de his qui sui), non rediguntur in patriam potestatem . Divers modes de légitimation, in
dépendam m ent du mariage s u b s é q u e n t, les faisaient passer de
l ’état d ’enfans naturels à celui d’enfans légitimes, el conslituaicnl
à vrai dire, non pas des légitimations dans le sens actuel de ce
mot, mais de véritables adoptions. (C. de N aturalibns liberis. Nov.
12, cap. 4. Nov. 74, cap. 1 cl 2. Nov. 89, cap. 9 cl 10.)
Q u a n ta l’enfant né pendant l’esclavage de son père, la loi 4G,
�fil de Adoptionibus, s’exprim e ainsi : In servitut'e mea quœsitus mihi
filius in potestatem m eam redigi bénéficia principis potest ; libertinnm cum manere non dubitatar.
•
*
« A ssurém ent, dit AI. D uranton, t. 3, p. 284, l’enfant né pendant
« l’esclavage de son père était u n enfant n a tu re l; et cependant
« après l’affranchissement du père, il a pu être adopté par re s e n t
« du prince, c ’est-à-dire adrogé. »
Et, plus bas, le même auteur ajoute que l’adrogation. seul mode r
d ’adoption qui fût compatible avec la qualité de personnes su iju ris.'
qui appartenait aux enfans naturels, était très fréquente du père
naturel à son enfant.
k ces textes si positifs q u ’oppose-t-on ?
1° La maxime quod meurn est, amplius m eum jleri non polest. Le
père naturel, dit-on, ne peut pas devenir par l ’adoplion plus père
q u ’il n e l’est déjà.
L ’argument prouve trop ; car s’il est applicable à l’adoption, il le
sera à la légitimation. Et cependant on ne niera pas que le père
naturel ne put', à Rome aussi bien que chez nous, devenir plus père
par celte voie. '
'
2° La loi 37 au Digeste, de Adoptionibus, laquelle déclare q u ’on
ne pourra pas adopter de nouveau l'enfant adoptif q u ’on aura
émancipé ou donné en adoption à un autre.
Le simple énoncé de cette loi dém ontre q u ’elle est com plète
ment étran gère à la question qui nous occupe. Il n ’y a donc pas
lieu de s’y arrêter.
3° La loi 23, If. de Lib. et<posth., dans laquelle on lit : In omni
ju r e sic observari convenit ut veri patris adoptione filius m n q u a m
inlelligatur, ne imagine naturœ veritas adumbretur.
�— 22 —
Mais il suffit de lire les dix lignes dont se compose cette loi pour
s'apercevoir qu’on prend pour une règle générale ce que Papinien
entend appliquer seulement à un cas particulier. 11 s’agit, en effet,
dans cette loi, de savoir si l’exhérédation formulée contre le fils
de famille, par son père, devra être considérée comme anéantie,
si, depuis, ce fils de famille a été émancipé par son père, puis est
ren tré par l’adrogation sous sa puissance.— Non, répond Papinien ;
car l'adoption ne peut pas diminuer les droits qu ’il a comme enfant
légitime ; il n'a pas acquis un état nouveau, c’est son ancien état
qu’il a repris; videlicel^ ajoute-t-il, pour lever tous les doutes ,
quod non translatus, sed reddilus videretar.
L ’adage que l’on cite veut donc dire que la fiction ne peut rien
enlever à l’enfaut des droits que la réalité lui donne, et nullement
que la fiction ne puisse rien ajouter à ces droits, ce qui est tout
autre chose.
Ce texte doit donc être encore écarté comme les précédens.
Ainsi, dans l’ancien droit romain, il est hors de doute que l’exis
tence du lien naturel ne mettait obstacle ni à l’adoption , ni à la
légitimation même par une autre voie que par mariage subséquent;
ce qui n’élait, à vrai dire, que l’adoption telle que nous l’entendons
aujourd’hui, adoption créée spécialement à Rome p o u r les enfans
naturels.
Mais la question changea de face et acquit un intérêt tout n o u
veau quand l’influence du christianisme eût fait proscrire le concu
binage, et enlevé ainsi aux enfans naturels les droits civils que leur
assurait l’ancienne législation.
La législation sur l’adoption des enfans naturels subit alors de
fréquentes variations.
�— 23 —
,
On voit, en effet, dans la loi 6, au Code de N aturalibus libcris
l’em pereur Anastase donner aux enfans naturels adrogés tous les
droits d ’enfans légitimes, et notam m ent la faculté de recevoir par
donation, par testament, et meme üb intestat, les biens de leurs
pères naturels.
Puis, dans la loi 7 (ibid), l’empereur Ju stin interpréter cette loi
d’une manière restrictive pour le passé, et l’abroger po ur l’avenir.
Puis, Justinien (dans sa Novelle 89, ch. 7), se prononcer contre
l’opinion d’Anastase, quœ naturelles adoptare contribuit, et pour
celle de Justin quœ adoptiones naturalium prohibuit. Justinien re
connaît au reste (Novelle 74, ch. 3 de Legitimatione per adoptionem), que l’ancienne législation était favorable à ces sortes d ’adop
tions. E t nos non latuit, dit-il en effet, quia etiam adoptionis modus
erat antiquités ante nos imperatoribus super naturales ad legüimos
transferendos non improbabilis existim atus
.
Et lui -même, comme le fait observer Godefroy sur la loi 6, au
Code, de Naturalibus liberis, revient plus tard, par voie indirecte,
à l’opinion d’Anastase, lorsque, par sa Novelle 117, il déclare légitime
l’enfant que le père avait appelé son enfant dans un acte public ou
privé, sans ajouter la qualification de naturel.
Nous ferons observer au surplus que la différence entre les ef
fets que l’adoption produisait chez les Romains, et ceux q u ’elle
produit chez nous, ôte presque tout son intérêt à l’examen histo
rique des variations que la législation sur l’adoption des enfans na
turels a pu subir dans le droit romain. Un des résultats principaux
de l’adoption était en effet de conférer à l’adopté les droits d’agnat
dans la famille de l’adoptant, et l’on conçoit sans peine combien le
caractère politique de l ’agnalion a du exercer d’influence sur les
conditions de capacité exigées de l’adopté aux diverses époques.
�-■"’S ■
—
24“ ^-
-
Lé droit romain ne fournit donc rien de décisif su r la questiôn;
et nous ne nous y arrêterons pas davantage, le dem andeur n ’ayant
pas nié lui-même les tergiversations de la loi romaine s u r ce point,
et le peu d ’influence qu’elle doit exercer sur la solution de la dif
ficulté.
Législation intermédiaire.
*-
Avant la révolution de 1789, l’adoption proprement dite était
inconnue en F rance. Ce n ’est que le 18 ja n v ie r 1792 q u ’elle fui
introd uite dans la législation par un décret de l’assemblée législa
tive, qui ordonnait de c o m p re n d re dans le plan général des lois
civiles celles relatives à Yadoption.
Le principe se trouvait ainsi posé.
II fut consacré de nouveau :
P a r la constitution de 1793, qui déclarait « citoyen tout homme
qui adoptait u n enfant. »
P a r le décret de la Convention d u 7 mars 17J3, * qui chargeait
« le com ité de législation de lui p résen te r un proji t de loi s u r les
« enfans appelés naturels et sur Y adoption. »
«
«
«
«
«
Par le décret du 4-6 juin 1793, qui posait en principe que « les
enfans nés hors mariage succéderaient à leurs père et m ère dans
la forme qui serait déterm inée, et ajournait la discussion sur ce
point ju s q u ’a ce que la convention eût e n te n d u son comité de
législation, tant sur le mode d’adoption qu e sur lessuccessions
en général. »
Par le décret du 15-1G frimaire an III, qui réglait provisoirem ent
les effets des adoptions faites antérieurem ent h la promulgation dû
Code civil, q u ’on croyait alors prochaine.
r
�Edfin, par l’a rrê té du gouvernement du 10 floréal an V III, dont
Tari. 10 prescrivait au ministre de l’intérieur d ’envoyer aux pré
fets, po ur les faire passer aux maires, des modèles, conformes à ceux
annexés à l’arrêté, des atctes de naissances, décès, mariages, d iv o r
ces et adoptions, p our assurer l’uniformilé des actes de l’état cjvil
dans to u te la république.
En attendant la loi organique annoncée par tous ces actes .légis
latifs, un grand nombre d ’adoptions eurent lieu. En l’absence de
toute règle légale, on se contentait de déclarer, par acte authen ti
que, qu'on adoptait tel individu pour son enfant, et cette adoption
produisait effet.
Lorsque le titre du Code civil s u r l’adoption eût été prom ulgué,
le 2 germinal an X I, il suscita de graves inquiétudes chez ceux dont
l’adoplion antérieure au Code ne satisfaisait pas aux conditions.qu’il
était v e n u e x ig é r. C'est pour calmer ces inquiétudes que fut ren
due la loi du 29 germinal an X I, don t l’art. Ier est ainsi conçu :
« Toutes adoptions faites par acte authentique, depuis le 17 jan« vier 1792 jusqu’à la publication d u Code civij,, relatives à l’a• doption, seron t valables quand .^elles n ’auraient été accompa« gnées d’aucune des conditions depuis exigées pour adopter,et
« être adopté. »
.i
De 1792 à 1803, il s’était fait un grand nombre d ’adoptions
d ’^nfans naturels. La yalidité.de ces adoptions ne pouvait être d o u
teuse ; l’esprit de la „législation, tout favorable pendant cette
période aux eniàns naturels, ne permettait même pas que la ques
tion fut soulevée. La loi du 25 germinal an XI vint encore confir
mer ces adoptions. Aussi la Cour de cassation déclara-t-elle valables
les adoptions d ’enfans naturels faites avant le Code civil , par
q u a tre arrêts des :
•24 novembre 1806. (Sirey 6,1 ; 586.)
J? ^
/
A
�f
24 juillet 1811. (Sirey 11, 1 ,3 2 9 .)
12 novembre 1811. (Sirey 13, l *j424.)
E t 9 février 1824. (Sirey 24, 1, 195.)
Ainsi, nul doute q u ’au moment de la promulgation d u Codet
l’adoption des enfans naturels ne fut permise par la loi.
1 C’est donc l’abrogation de la loi antérieure que les demandeurs
en cassation ont à faire ressortir du Code civil.
Prononce-t-il en effet cette abrogation ? C’est là ce qu’il nous
reste à exam iner. '
:f!’
' '•
i
f
i
Droit actuel.
R em arquons, avant tout, com m ent la question se présentedevant
la C o u r suprêm e.
Elle n’a pas à exam iner si, dans telles ou telles circonstances,
l’adoption ne doit pas être interdite plutôt que permise au père
naturel.
1
Les considérations d ’espèces ne peuvent être pesées e t appréciées
que par les'Cours royales.
- P ar cela seul qu’ici deux arrêts de Cour royale o nt c ru devoir
l’un autoriser'l’a u tre maintenir l’adoption, il est manifeste que les
circonstances de l’espècc étaient favorables.
L'arrêt attaqué ne pourra donc être cassé q u ’au tan t qu'on devra
poser, dans ses termes les plus absolus, ce principe de droit q ue,
par cela seul q u u ti enfant naturel a été reconnu, il ne peut dans
aucun cas, et quelles que soient les circonstances, être adopté par
celui ou celle de qui émane la reconnaissance.
O r, ce système absolu et tranché nous 'parait en' contradiction
directe a r e c le texte e t l’esprit de la loi.
En principe, tout individu peut adopter et être adopté.
�Ainsi, l’incapacité ne peut résulter que d’une prohibition spé
ciale de la loi.
Celte prohibition existc-t-elle contre l’enfant n atu re l?
Elle n ’est pas écrite dans le texte ; on en convient. Le Code,
dans les articles 340 h 3 4 6 , énum ère toutes les incapacités ; celle
résultant de la filiation naturelle n ’y figure pas.
C’est donc dans l'esprit de la loi qu’il faut l’aller cherch er. ,
Mais d ’abord, en matière d’incapacités, de prohibitions, de pei
n e s , il n ’est point permis de suppléer au silence du texte par des
déductions tirées de l’esprit.de la loi.
Ensuite peut-on prétendre1q u e l’esprit du Code civil repousse
l’adoption des enfans naturels?
Il suffira, p o u r répondre à cette qu estio n , de rappeler ce qui
s ’est passé1dans la/discussion du conseil d ’Etat su r le titre de l’a
doption:1
Lorsqu’on ne connaissait encore de cette discussion que ce qu i
en avait été imprimé dans le recueil des procès-verbaux, il était pos
sible d ’élever des doutes sur l’intention du législateur. Il semblait,
en effet,, que la question ne l'adoption des enlans naturels eût été
seulement effleurée en quelques mots, et q u ’elle n’eût été l’objet
ni d ’un examen sérieux, ni d ’une solution précise. On pouvait s’é
tonner q u ’une question de cette importance e û t été traitée avec
tant de légèreté, et'que les deux partis qui, dans le conseil, soute
naient et com battaient l’adoption en général, se fussent en quelque
sorte entendus pour négliger, ceux-ci leur objection la plus grave,
ceux-là leu r m eilleur argument. L’explication de l’énigme a été
donnée par M. Locré, lors de la publication d u 4me'vohihie dé son
livre sur l’Esprit du Code civil. Ce n ’élait pas la discussion qui
avait été in c o m p lè te , c’était le recueil imprimé des procès-ver
baux qui avait été tronqué. La lacune se trouvait comblée par des
�procès-verbaux dont M. Locré donnait le texte, et qui levaient
toutes difficultés sur la solution adoptée par le conseil.
Voici, en effet, ce qu'on lit dans ces procès-verbaux (voir Locré,
E sprit du Code civil, nouvelle éd itio n , tome 5, page 379):
« Dans la séance du 6 frimaire an X, un article fut mis en dis« cussion, qu i réglait les mesures à prendre préalablement à l’adop« lion d’un enfant qui n aurait pas de parensconnus; que M. Tron« chet attaquü cette disposition comme facilitant l’adoption des
« b âtard s, faisanl'remârquér qu'il ne suffirait p a s , p o u r prévenir
« cet in c o n v én ien t, de ne perm ettre l’adoption que des enfans
« nés de père et de mère inconnus, parce qu’il n é dépendait que
« du père de se ménager la facilité d’adopter son enfant n a t u r e l ,
« en s’abstenant de le reconnaître.
. "i <•
« Le prem ier consul répondit que cependant l’article était
• avantageux sous le point de vue que considérait JM.Tronchet.
« Il répugne à la bonne morale qu’un père, line mère, m êm e pau« vres, se dépouillent de leur qualité et fassent passer leur en« fànt dans une famille étrangère ; mais c ’est au contraire une
• conception heureuse de venir par l'adoption au secours d’un en« fant abandonné, et de l’arraclier à la, dépravation à laquelle son
« .état d ’abandon l ’expose. Mais, d it-o n, il faut craindre de faciliter
« l’adoption des bâtards. Il serait au con traire heureux que l’injus« tice de l’homme qui, par ses déréglemens, a fa it naître un enfant
* dans la honte, pût être réparée sans que les mœurs fussent bles« sées. ,
«
«
*
«
a M. T ronchel répondit q u e les principes de la saine morale
ont fait exclure les bâtards des successions ; q u ’il y aurait de
l’inconséquence à leur imprimer, d ’un côté, cette incapacité, et
à placer, de l ’autre, un moyen de l’éluder. . t,¡ ... .
« Le premier consul dit q u ’il pensait aussi que d o n n er aux bâtards la capacité de succéder, ce serait offenser les mœ urs; mais i
�«
«
«
«
«
«
«
que les m œurs ne sont plus outragées si celle capacité leur est
rendue indirectement par l’adoption. La loi, en les privant du
droit de succéder, n’a pas voulu punir ces infortunés des fautes
de leur père : elle n ’a voulu que faire respecter les m œurs et la
dignité du mariage. Le moyen, ingénieux de les faire succéder
comme tnfans adoptifs, et non comme bâtards, concilie don c
la ju stice et l'intérêt des m œ urs. '
« M. Réal rappelle à Tappuj de ce que vient de dire le premier
« consul que, dans une discussion précédente, le conseil a été plus
« sévère sur les reconnaissances d’enfant , dans la supposition
« que le préjudice q ue les dispositions sur cetté matière pourraient
« causer aux enfans n atu re ls, serait réparé par l’adoption.
« M. Ti;prichet ayant insisté s u r la contradiction q u ’il y aurait
« entre la faculté d’adopter les enfans naturels et la limitation de
< la faculté de disposer à leur égard, M. Bérenger dit que c’était
« dans l’intérêt de la morale q u ’il appuyait l'adoption des bâ« tards.
La discussion se prolongea s u r d ’autres points, et l’article pro
posé fut en définitive adopté.
La question se représenta in terminis quelques jours après.
La section de législation avait p résen té, dans , la séance du
14 frimaire au X, un article ainsi conçu : ;j.
•
..« Celui qui a reconnu, dans les form es établies par la loi, un
* enfant né hors mariage nk peut l’adopter, ni lui conférer d’autres
« droits que ceux qui ré s u lte n t,d e son acte de naissance.; mais,
« hors ce cas, il ne sera admis aucune action tendant à prouver,
•< que l’enfant ad opté est l’enfant naturel de l’adoptant. »
Cet article fut soumis à la discussion, le 16 frimaire an X , et le
procès-verbal de cette séance reud compte de cette discussion en
ces term es:
'
« M. Marmont dit que cette disposition peut com prom ettre l’é-
�\
— 30 —
«
«
«
«
tat dès enfans naturels. Il pourrait arriver, en effet, que, pour
se ménager la faculté de les adopter, leur père différât de les
reconnaître, et que cependant il mourut sans les avoir ni adoptes, ni reconnus.
« M .'Berlier (rapporteur) convient que cet article est trop sé« vère ; le motif qui l’à fait adop ter à la section a été la crainte de
« co n tred ire le projet de loi qui né donne aux enfans naturels
« reco n n u s qu'une créance sur lés biens de leur père.
« M. Em m ery o b s e r v e qu e la créance est le droit com m un, et
« l’adoption le cas particulier. Il dem ande la suppression de
* l’article.
« M. Regnauld, de Saint-Jean d’Angely, dit que la disposition
« rappelée par M. Berlier n 'a p o u r objet que de détruire la légist lation antérieure qui d o n n a it’aux enfanà illégitimes des d ro its
« beaucoup plus' étendus q u ’une simple créaticé.
« L’article est supprimé. »
Aucun doute n ’est possible en présence de cette discussion.'En
p rovoquant la suppression d e l'article qui prohibait l’adoption de
l ’enfant naturel, M. Em m ery a soin d ’expliquer sa pensée : c’est
la prohibition elle-même q u ’il entend repousser; l’in ten tio n du
conseil, en supprim ant l'article, n ’a d o n c rien d ’équivoque. Il a
voulu autoriser l'adoption tout à l a ’fois dans la crain te d’em p ê
ch er, s’il la p r o h ib a it, la reconnaissance des enfans naturels, et
dan's l’intérêt de la justice e t'd e s mœurs.
Aussi, lorsque ces procès-verbaux e u re n t été publiés, presque
tous ceux des jurisconsultes'qui s'étaient jusque-là prononcés con
tre la v a l i d i t é dfe l’adoption1, s’empressèrent-ils de revenir sur une
opinion si évidemment, repoussée par le législateur.
O n'lit dans le Traité d e ' l’Adoptiôn, de M .'Grenier, que lors
q u ’on connaissait seulem ent la discussion telle qu’elle avait été
impriméci^les raisons ne manquaient pas pour repousser l’adop-
�—
31
—
tion ; mais que, depuis la publication faite par M. Locré, ce qui
y est contenu sur' l’adoption a fait les plus vives impressions, le
rejet de l’article proposé par la section de législation prouvant
que la loi a été conçue en ce sens qu’elle n’emportait pas une p ro
hibition textuelle d ’adopter un en fan t naturel q u ’on aurait légale
ment reconnu.
11 '
M. Merlin, avant la publication de l’Esprit d u Code civil, s’é
tait prononcé contre l'adoptioB. Mais la question de la validité
d ’une adoption antérieure au Code civil s’étant présentée le 24 no
vembre 1806 à la Cour de cassation , il saisit cette occasion pou r
r' déclarer q u ’i/ revenait sur sa première opinion, ei que le silence du
Code se trou vant désormais expliqué par le retranchem en t d ’u n
article prohibitif, il ne croyait plus permis de reg arder la recon*
naissance d ’un enfant naturel comme faisant obstacle à l ’adop
tion (voir D alloz, 1806, 1 ,6 7 2 ). Il reproduisit la même opinion
dans l’édition q u ’il d o nn a de son R épertoire, èn 1812. Après
avoir, en effet, rappelé (v° Adoption, § 4) les raisons 'qui avaient
motivé son prem ier avis, il rendit compte des discussions du con
seil d’E lat, publiées par M. L ocré, et ajouta : « Cette partie du
« procès-verbal du Code N apoléon, qui n ’est pas imprimée, ré« pond, comme on le voit, de la manière la plità tranchante', à to u « tes les raisons q u i, du premier ab o rd ,'sem b laien t ap p u y e r l'o« pinion adoptée par les qu atre arrêts ci-dessus rappelés ; et l’on
« doit croire que, si elle e u t été connue plus tôt, ces quatre arrêts
« auraient admis les ad options qu’ils o n t rejetées. »
'
.
11. Merlin, à la vérité, est revenu depuis à cette opinion, qu’en
1812 il trouvait repoussée de la m anière la plus tranchante ; nous
examinerons to u t à l’heure les motifs de ce retour.
Ainsi l’enfant natu re l reco n n u peut être adopté.
Ce droit ne résulte pas seulement pour lui du principe général
�*^=..'32 —
qui l’accorde à tous ceux que la loi n’en a pas 'expressément dé
pouillés.
ûr?f , .1
■
Il résulte encore de rintcntion'ispëcialement manifestée par le
législateur de lui laisser ce droit.
*
' ' ’
11 '
'•
Le silence du législateur aurait suffi ; mais le législateur ne s’est
pas contenté de com prendre d ’un e manière générale l’adoption
des enfans naturels au nom bre de celles q u ’il n ’entendait pas in
terdire ; il en a fait l’objet d ’une discussion particulière, et il a
repoussé la prohibition demandée, en s’appuyant sur les principes
du droit et s u r l’intérêt de la justice et des mœurs.
C e p e n d a n t, en présence du principe général, en présence d e la
discussion du conseil d ’É l a t , o n ù’a pas désespéré de p arv en ir à
faire créer par les tribunaux une incapacité d ’adoption contre l’e n
fant naturel; et, p o u r y arriv er, on a cherché d ’abord à ébranler
l’autorité de cette discussion; puis, supposant l'intention du légis
la te u r incertaine, on a tenté de faire ressortir la prohibition de
l’ensemble des dispositions du C o de, à l’aide d ’une prétendue in
compatibilité entre elles et l’adoption de l'enfant naturel; enfin, on
a essayé de justifier par des considérations de morale et d ’ordre
public cette prohibition si laborieusement établie.
Nous suivrons l’objection dans chacune de ses branches et nous
d ém ontrerons q u ’elle n’est pas plus fondée en fait q u ’en -d ro it, en
droit qu’en morale.
Et d ’a b o r d , quant à l’autorité de la discussion que nous avons
rappelée.
.
•
.)■
.
"
•
O n dit :
1° Rien ne garantit l’authenticité des procès-verbaux rapportés
par Al. Locré ; •
r'
*•2° Dans tous les cas, la séance où fut'repoussé l’article pro
�hibitif de l’adoption des enfans naturels n’était qu'une 'petite séance;
3° Plusieurs faits te n d e n t’à d é m o n tre r que le conseil serait re
venu depuis sur sa première opinion;
4° Enfin, le corps législatif n’ayant connu que les procès-verbaux
imprimés, a dû voter la loi en lui donnant le sens que ces procèsverbaux semblaient lui attribuer.
. Quant au p rétendu défaut d’authenticité : il nous suffit de répon-,
dre que les m inutes de ces procès-verbaux sont aux archives du
conseil d'Etat, où chacun peut les vérifier; elles sont revêtues de
la signature de M. Locré, alors secrétaire-général.
La seconde objection, qui distingue les séances du conseil d ’É lal
en grandes et. petites séances', appartient à M. le procureur-géné
ral Mourre. C ’est lui q u i , le 14 novembre 1815, ayant, à donner *
des conclusions sur un pourvoi forme contre un a rrê t non motivé,
qui avait refusé d’autoriser une adoption d’enfant »naturel, saisit,
cette occasion pour attaquer la validité de ces adoptions, et prétendit-que, quatre membres seulement ayant pris la parole dans la
séance du 16 frimaire an X , c’était bien ce que l’on pouvait appeler
une petite séance.
Nous ferons d 'ab o rd r e m a rq u e r , avec M. Merlin ( Additions
au Répertoire publiées en 1824, voir Adoption), « q u ’il ne résulte
« pas de ce que q u atre membres du conseil d ’Etat seulement ont
« parlé à cette séance s u r la question, que cette séance lut moins
« nombreuse que les autres; encore moins qu’il ne s’y trouvât que
« quatre conseillers d ’E tat, nom bre infiniment au dessous de,cel:ii
« qui était nécessaire pour qu’une délibération pût s’établir. »
Nous ajouterons que la lecture du procès-verbal auth entiq ue de
la séance dont il s’agit, prouve clairement que dix-huit m e m b re s '
au moins y assistaient, puisque dix-huit personnes y ont pris la pa-'"
rôle sur les diverses questions qu’on y a traitées.
•
�M. Mourre s’est donc trom pé et en fait et en droit.
La troisième objection consiste h dire que le conseil d ’Etat serait
revenu, en l ’an XI, sur l’opinion favorable à l’adoption des enfans
naturels q u ’il avait manifestée au commencement de l’a n X , et, pour
établir ce changement d’opinion, on invoque:
1° La circonstance que les procès-verbaux qui constataient l’o
pinion favorable aux enfans naturels o n t été supprimés du Recueil
officiel;
*2° Quelques mots prononcés par M. Treilhard dans la séance du
2 7 brum aire an XI ;
3° Une phrase de l’exposé des motifs présenté par M. Berlier.
Cette objection, plus spécieuse que les autres, lorsqu’on ne l’ap
profondit pas, ne résiste point à un examen attentif.
Quant à Vomission des procès-verbaux : alors même qu’elle n'au
rait porté que s u r ceux qui traitaient spécialement de l’adoption
des enfans naturels, on serait encore peu fondéà y voir une preuve
d ’un changement d ’opinion du conseil. C’est en elfet un procédé
assez inusité dans les assemblées délibérantes, pour constater un
changement d ’opinion, que d’om ettre certains procès-verbaux dans
le Recueil imprimé. L’usage et la raison veulentque ccchangement
soit constaté par les procès-verbaux de la séance où il s’est
manifesté.
Mais l’ob ection tombe complètement devant ce fait qu’on a omis
dans le Recueil, n o n ,p as spécialement les quatre procès-verbaux
relatifs à l ’adoption des enfans naturels; mais vingt et un procès-ver
baux relatifs à toutes les matières du prem ier livre du Code civil
sans d is tin c tio n , c’est-à-dire les procès-verbaux de toutes les
séances tenues par le conseil d ’É tat depuis le 24 brumaire an X ,
jo u r où l’on décida que tous les procès-verbaux antérieurs seraient
imprimés, ju s q u ’au 22 fructidor an X, jo u r où l’on reprit la discus
sion du Code civil après les conférences avec le tribunal.
�M. Locré explique (dans sa législation civile et commerciale,
t. 1er, p. 91), les causes de cette lacune. — D’une part, Napoléon
craignit, surtout après la levée de boucliers du tribunal qui avait
amené la suspension des discussions du Code civil, de livrer aux
commentaires du public les paroles par lesquelles il av ait, dans la
discussion s u r le divorce et sur Je principe de l’adoption, laissé
percer, devant les membres du conseil d ’É ta t, ses préoccupations
sur l’avenir de sa dynastie; — d’a u tre part, ce but même se fut trop
clairement révélé, si les seuls procès-verbaux relatifs au divorce et
à l’adoption eussent été omis ; et, en conséquence, on prit prétexte
de la révision a laquelle donnaient lieu les prem ières conférences
avec le trib u n at, pour ne faire partir l’impression du 2me vol. du
recueil que du procès-verbal de la séance du 22 fructidorvan X ,
•dans laquelle celte révision avait été commencée.
On voit que la mesure était générale, et n’avait nullem ent pour
cause un changement d’opinion du conseil sur telle ou telle ques
tion spéciale.
Mais il y a p lu s; en ce qui concerne l ’adoption, la discussion im
primée a cela de particulier qu’elle se réfère de la manière la plus
formelle à la discussion inédite.
Un effet, le procès-verbal du 27 brumaire an XI (lequel est im prim é), s’ouvre par la présentation du titre de l’adoption par
Berlier, rapporteur. Aucun article prohibitif de l’adoption des enfans naturels reconnus ne figure dans cette rédaction, conformé
ment à la décision prise dans la séance du 1G Irimairc an X.
« Le citoyen Berlier fait o b server, ajoute le procès-verbal, que
« cette rédaction a paru à la section de législation rendre assez
« exactem ent les idées résultant de la discussion établie sur celte
m atière d a n s je s séances des (i, 14 e t . IG f r i m a i r e , et 4 nivôse
« d e r n ie r . »
,,,
,
Il est donc bien évident que loin de vouloir effacer les discussions
i
i
�antérieures sur l’adoption, la section de législation s’était appliquée
à en reproduire l’esprit.
Ce premier argument esl donc complètement dénué de fonde
ment.
Q uant aux paroles de M. Treilhard, une courte explication suf
fira pour réduire à leur ju s te valeur les inductions que l’on
prétend en tirer.
Dans la séance du 27 brum aire an X I, M. T reilhard, répondant à
une objection q u ’on avait souvent faite à l’infetitution du divorce ,■
mais qui ne se reproduisait p l u s ‘dans le sein d u conseil d’E t a t,
parce q u ’elle y avait été Pôbjet d'une discussion, spéciale et d’une
solution définitive, s’exprima ainsi : « L ’inconvénient d é c o u v r i r
« les avantages q u 'u n père veut faire à ses enfans naturels n’a rien
«
«
€
•
de réel. En effet si les enfans sont re c o n n u s , ils ne peuvent être
adoptés; s’il ne le sont pas, le u r origine est incertaine. Pourquoi d’ailleurs l ’auteur de leurs jo u rs serait-il privé de réparer
a i quelque m anière le vice de leur naissance?»
Le regret q u ’exprim ait M. Treilhard de ce que la reconnaissance
mettait obstacle à l’ad o p tio n , s’explique par cette circonstance que
M. Treilhard n’était entré au conseil d ’E tat que le 22 fructidor
an X , et q u ’il ign orait, comme le fait rem arquer M. M erlin, ce
qui s’y était passé dans lé mois de frimaire de la même annce. Mais
la discussion ne pouvait plus s’engager s u r ce point; la question
était épuisée et résolue. Aussi personne, dans cette séance du 27
brum aire an X I, n ’avait fait l’objection à laquelle M. Treilhard ré
pondait, et il y eut comme un accord tacite po ur ne pas le suivre
sur le terrain où il croyait devoir porter le débat. Il aurait suffi d’un
m o t pour le m ettre au fait de ce qui c’était passé avant son entrée
au conseil, et pour lui faire connaître que le désir q u ’il avait ex«
■ primé se trouvait déjà satisfait.
' Il n’y fci donc là q u 'u n incident de discussion, comme il s’en
�-
31
_
prod uirai souvent” clans toutes les assemblées délibérantes.* Si le"
conseil avait eu l’intention de ¡revenir sur sa première décision,
certes les paroles de M. Treilhard lui fournissaient l’occasion de
s’en exp liquer; si personne ne les a relevées, ni dans un sens , ni
dans l’autre, c’est que tout le m onde savait, excepté lui, que la
question était résolue.
Arrivons m aintenant à la troisième objection, prise des paroles
de M. Berlier.
On lit dans l’exposé des motifs du titre de l’adoption : « Cette
« ôondition des services préalables (rendus à l’adopté pendant sa
« minorité' a paru si essentielle dans le principe du co n tra t, et si
« heureuse dans ses effets, q u ’on n ’a pas cru devoir en dispenser
« l’oncle vis-à-vis du n e v e u , comme cela était demandé par quel«• ques personnes. »
Comment a d m e ttre , dit-on, q u ’on n ’ait pas reclamé en faveur
du père ou de la m ère, à l’égard de leur enfant, la dispense quron
réclamait en faveur de l’oncle ?
5‘ La' réponse est bien simple: c’est que les: motifs qui pouvaient
exister en faveur de l’oncle, n ’existaient pas en faveur-du père
naturel.
■
L’oncle, en effet, n ’a légalement aucune obligation à remplir'envers son neveu, su rto u t si celui-ci a conservé son père et sa mère.
On ne peut donc pas, lorsqu’il se présente pour adopter son neveu
devenu majeur, lui faire un reproche de ce qu’il ne lui aurait pas
rendu pendant sa minorité des services dont celui-ci peut-être n’a
vait pas besoin. Mais en est-il ainsi du père et de la mère naturels?"
Le premier et le plus sacré de leurs devoirs, n ’est-il pas de su r
veiller, de nourrir, de protéger leur enfant, surtout pendant la
période de sa vie où il a le plus besoin de leurs secours et de leur
surveillance? De quel droit, s’ils ont manqué à ce devoir, vien
draient-ils demander à la justice la faveur d’être admis à l’adopter?
�Parmi les partisans de l'adoption des enfans natu rels, il n ’est per
sonne qui prétende faire de cette adoption un droit pour le père ou
la mère. Cette adoption perdrait son caractère d ’utilité et de m o
ralité, si elle cessait d ’être une faveur accordée seulement en ré
compense de l’accomplissement de tous les devoirs. Que la recon
naissance soit un droit, rien de plus simple, elle ne fait que constater
un fait dont la vérité est indépendante du plus ou moins de mora
lité des individus. Mais l’adoption n ’est un droit pour personne.
La loi n e la perm et qu’à celui q u i , par sa conduite, a donné des
gages à la société; qui, par ses bienfaits, a donné des gages à l’en
fant. Si donc quelqu’un devait être rigoureusement astreint à la
condition des services préalables , c’était le père ou la mère natu
rels ; de leur p a rt, ces services ne sont pas un bienfait, mais le
paiement d’une dette. Les en dispenser, c’eut été les dispenser
d ’accomplir un devoir.
Ainsi, le trib u n a ta p u , sans inconséquence, réclam er pour l’oncle
une faveur qu’il ne pouvait pas réclam er pour le père naturel.
L’argum ent q u ’on tire des paroles de Berlier dans l’exposé des
motifs, pèche donc p a r sa base.
« Reste cnün la quatrième objection, tirée de ce que le défaut de
« publicité des procès-verbaux relatifs à l’adoption des enfans natu« rels n ’a permis au corps législatif de voir le titr e d e l’adoption que
« tel q u ’il était conçu; que par conséquent il a dû le considérer comme
<t renferm ant, de la part du conseil d’état, des indices non équivoques
« de l’intention de ne pas p erm ettre l’adoption des enfans naturels ;
« et que des lors rien ne garantit q u ’il l’eùt décrété, s ’il l ’eut cru ré« digé dans un au tre sens, «
Cette objection appartient à M. Merlin, et elle seule a motivé son
changem en t d ’opinion en 18 2 i. (Açldit. au Répertoire, v°Adopiion.)
.. Mais com m ent adm ettre que, su rto u ta p rè s les conférences du tri.
Inmat avec la s e c tio n n e législation du conseil d ’Elat, les membres
�— 39 —
du corps legislalif aient pu ignorer la solution donnée par le conseil
à la plus importante des questions que soulevait le titre soumis à son
examen? Et, quand même on l’adm eltrait, comment penser que le
corps législatif ait pu croire qu’il proscrivait l'adoption des enfans
naturels en votant un titre qui posait en principe général la fa
culté d ’ad o p tio n , et ne faisait pour eux aucune exception au droit
commun ?
Ainsi, l’au torité des discussions que nous avons rapportées reste
entière; rien n ’appuie l’opinion que le conseil d ’Etat soit revenu su r
sa première décision toute favorable à l’adoption des enfans naturels;
tout dém ontre, au contraire, q u e , reg ard an t ce point comme défini
tivement résolu, il n’a pas voulu le soumettre à une nouvelle discus
sion.
Aussi n o us sera-t-il aisé d ’établir (et nous entrons ici dans la
seconde partie de l’objection), que rien n ’est plus chimérique que
la prétendue incompatibilité que l’on croit voir entre l’adoption des
enfans naturels et quelques dispositions du Code civil.
Cette incompatibilité, on la cherche dans deux ordres de disposi
tions :
I o Celles relatives aux enfans naturels;
2° Celles relatives à l’adoption.
Occupons-nous d ’abord des premières.
L’objection que l’on prétend tirer de ces dispositions consiste à
dire que l’adoption de l’enfant naturel aurait p o u r résu ltat d ’é lu
der à la fois, et celles qui ont p ou r bu t de placer l’enfant natu rel
dans une position inférieure à celle qu’il aurait eue s’il eût été légi
time, elles prohibitions par lesquelles le lé g islateu rav o u lu leréd u ire
à une position moins favorable que la position même d’u n étranger.
En effet, dit-on, quant à la différence entre l’enfant légitime et
l’enfant, naturel, elle se trouve établie par les art. 3 3 8 ,7 5 6 et 757.
�L’art* 33§ porte : « L’enfant natu rel reconnu ne pourra réclame^
« les droits d’enfant légitime. Les droits des enfans naturels seront
« réglés au titre des successions. »
On trouve ensuite, au titre des s u c c e s io n s , les art. 756 et .757 r
d o n t le premier p o rte: « Les enfans natu rels ne son t point héri■ tiers ; la loi. ne leur accorde de droits s u r les biens de leurs père et
« mère décédés que lo rsqu’ils o n t été légalement reconnus. Elle ne
« leur accorde aucun droit su r les biens des parens de leurs père et
« mère. » E t dont le secoqd règle à, une p a r t moindre que celle de
l'enfant légitime, la p a rt de l’enfant naturel dans la succession du.
père ou de la mère qui l’ont reconnu.
.
j,
>D’autre part, d ’après l’article 908, l’enfant n a tu re l’« ne peut par
« donation e n tre vifs ou par testament, rien recevoir au delà de ce
« qui lui est accordé au litre des successions. •
r *Or, ajoute-t-on, l’adoptioir ayant pour effet de rendre l'enfant
naturel héritier de son père et de lui co nférer capacité pour recevoir
tout ce qui po urrait ê tre donné, soit à un enfant légitime, soit à un
étranger, le do ub le but de la loi se trouve m anqué, si le père n a tu
rel peut adopter son enfant. Ou l’adoption viole l’art. 908, si elle est
un con trat à titre g ra tu il;o u bien,elle l'élude, si elleest un contrat
à titre onéreux. Dans l’un et l’a u tre cas, l'art. 911 la frappe de
nullité.
Nous répondrons à la foisaux deux parties de l’objeelion.
Nous laissons de côlé les argumens que pourraient fournir les
textes mêmes q u ’on invoque. Nous ne voulons pas faire rem arquer
que l’adoption n ’est ni une donation entre vifs, ni un testam ent, et
q u ’elle n ’a pas pour effet de conférer les droits d ’enfant légitim e,
puisqu’elle ne donne q u ’un père ou une mère, sans donner une fa
mille, comme le ferait'la légitimation.
Nous ne voulons pas davantage faire rem a rq u er que ce n ’est pas
dans les lois qui n ’ont pour but que de régler la dévolution des’
�Biens q.i’il faudrait aller chercher, à l’aide d ’inductions, une prohi
bition relative à un changement d 'é t a t , et que si elle n’est pas écrite
dans les lois sur les personnes, c’est qu’en réalité elle n ’existe pas.
Deux réponses plus catégoriques nous paraissent pouvoir être
faites à l’objection.
1° Cette objection ne s’appliquerait qu’à u ne partie seulement
des enfans naturels.
En effet, certains enfans naturels ont capacité pour recevoir,
soit par surcession, soit par donation entre vifs, soit par testament,
la totalité des biens de leur père ou de leur mère; ce sont ceux qui
ne se trouvent en présence d’aucun parent au de£ré successiblc. A
ceux-là, bien évidemment, on ne pourrait pas opposer que les p r o
hibitions légale^ vont être indirectement éludées par l’ad o p tio n ,
p u isq u ’aucurie prohibition légale n e pèse s u r eux. Si donc la ques
tion d ’adoption devait, comme on le prétend, être résolue d ’après les
articles dont on cherche h se prévaloir, il faudrait adm ettre que cer
tains enfans naturels peuvent être adoptés quoique reco n n u s, et
que d ’autres ne le peuvent pas, et que l’incapacité dépendra de la
qualité des parens de leur auteur. A coup sur nos adversaires, qui
prétendent étayer l e u r système par des considérations de morale et
d ’ordre public, repousseraient eux-mêmes cette singulière transac
tion. Donc les argumens tirés des prohibitions relatives à la dévolu
tion des biens, manquent de portée, et ne peuvent servir à r é
soudre la question de princip e, p uisq u’ils ne s’appliqueraient qu’à
certains cas spéciaux.
,
La successibilité, d ’ailleurs, n’est qu’un des effets de radoptiojq,
et ne saurait être confondue avec l’adoption elle-même. Cela est
si vrai que l’adoption peut être interdite, même dans des cas où la
successibilité existerait ; comme l’a décidé la C o ur de cassation en
jugeant, le 5 août 1823 et le 7 ju in 1826, q u ’un étran g er ne peut
jamais être adopté p ar un Français, quoiqùe admis à lui succéder
depuis l’abolition du droit d’aubaine.
6
/
�— 42 —
2° Les articles q u ’on veut opposer n’onl nullem ent le sens qu’on
leur prête.
.
,
,
Sans doute, l’enfant naturel, tant qu il garde ce titre, reste frappé
des prohibitions portées par les art. 767 et 908, et toutes les fois
q u ’il invoquera ses droits d'enfant naturel il les tro uv era restreints
par ces prohibitions.
Mais ces prohibitions q u i limitent les droits dans un certain état
l'empêchent-elles d’acquérir un état nouveau qui lui confère dési
droits plus étendus?
Voilà la véritable question.
O r, cette question est positivement résolue par la loi elle-même.
Non, le vice de naissance de l’enfant naturel n’est pas indélébile;
— non, la loi ne s’oppose pas à ce q u e de l'état d'enfant naturel il
passe à un état plus clev é; — non les prohibitions des a rt. 757 et
908 ne l’em pêchent pas de devenir héritier et de recueillir tous les
biens de ses auteurs, soit par succession, soit par donation, dès
qu’il ne les recueille plus à l’état d ’enfant naturel. — C’est ce qu e
le'C ode répond lui-même à la question posée, en perm ettant la
légitimation.
Ainsi, l’enfanl naturel n ’est pas irrévocablement attach é à son
état d’enfant naturel ; — ainsi, il peut acquérir un état nou
veau; — ainsi d a n s ce nouvel état il est dégagé des re s tric
tions et des incapacités qu'il subissait dans son étal d ’enfant
naturel, sans q u ’on ait îi se dem ander si la légitimation con
stitue u n co n tra t à litre gratuit ou à titre o n éreux , et si elle viole
ou élude des prohibitions q u ’en réalité elle ne viole ni n ’élude, par
la raison q u ’elle les anéantit de plein droit.
C ’est là la différence essentielle et radicale qui sépare l’enfant
naturel de l’en fan t adultérin et in cestueux, à qu i l’a rt. 331 refuse
�— 43 —
la faculté de légitimation, q u ’il accorde au contraire à l’enfant na
turel, interdisant ainsi à l’un une sorte de réhabilitation dont ¡1
ouvre l’accès à l’autre.
Cela posé, il est manifeste que, lorsque l’enfant naturel voudra
s'élever de cet état à im état plus honorable, on ne sera pas admis
à lui opposer que l’état auquel il aspire dev an t avoir p o u r effet de
lever les prohibitions dont il é tait frappé dans son élat d ’enfant
n a tu re l, ces proh ib itions m e tten t obstacle à un changem ent de
position. Il répondrait avec raison q ue si celle objection était fon
dée, elle s ’opposerait à la légitimation tout aussi bien q u ’à l'adop
tion, l’une ayant, to u t com me l ’autre, pour résu ltat de le sous
traire à ces prohibitions ; et q u ’une fois établi que ces prohibitions
disparaissent devant un changem ent d ’état, il ne s’agit'plus que de
savoir si d ’autres raisons s’o pposent à ce changem ent d'état^, —
mais q u ’évidemment ce n ’est pas dans les prohibitions elles-mêmes
q u ’il faut chercher la raison de re n v e rs e r l’état d o n t elles ne sont
q u ’une conséquence.
■’
!1,
. *>if’L
Au surplus, l’enfant naturel, en raiso nn ant a in s;, ne ferait que
r é c la m e r'l’applicalion du principe général qui permet de se rele
ver par un changem ent d ’é la t des incapacités do nt on^peut être
frappé. La Cour suprêm e a fait l’application réitérée de ce prin
cipe, en décidant le 11 janvier 1820(Dalloz, 20, 1, 65), et le
21 août 1822 (Dalloz, 22, 1, 482), .quelle médecin qui épouse
sa malade p en d a n t le cours de sa d ernière maladie, se relève, par
ce ch an g em en td ’état, de l'incapacité dont il est frappé par Kart.909
du Code civil, el devient ainsi capable de recevoir de sa malade
une donation à titre universel. Le médecin à la vérité n ’est re
levé q u ’a u tan t que le ch a n g e m e n t d’étal, n’a pas élé opéré par
lui dan9 le but unique d ’éch a p p er a la prohibition, mais on co m
prend que, devant la C o u r su p rêm e, cette question ne peut pas
�même être soulevée en ce qui concerne l'enfant naturel, le motif
qui a fait dem ander l’adoption étan t-p résu m é légilime, par cela
seul que la Cour royale, qui seule était appelée à l'a p p ré c ie r, a
cru devoir autoriser l’adoption.
Que si, m aintenant, on oppose que la légitimation a été permise
p^r une disposition expresse delà loi,— et q u ’il n ’en est pas de même
.de l’adoption, — nous répondrons par celte raison bien simple que
la légitimation ne pouvant s'appliquer q u ’aux enfans naturels ex
clusivement, il fallait bien q u ’une disposition spéciale vint l’auto
riser pour eux, tandis que l’adoption pouvant s'appliquer et à eux
e t à d’autres, il suffisait q u ’ils ne fussent pas exclus de la disposi
tion générale p o u r qu'ils y fussent com pris.
Que si l’on objecte que les motifs qui ont pu décider le législa
te u r à p erm ettre à ,l’enfant naturel d’a rriv e r à un m eilleur état par
la roie,de la légitimation, ne militaient pas en faveur de l’adoption,
— nous répondrons que le débat sur ce p o in t appartient à l’o r
d re des considérations morales que nous allons examiner tout à
l’heure, et que, q u ant à présent, ne répondant qu’à l’objection
puisée dans les dispositions du Code qui restreignent les droits
des enfans naturels, il nous suffit d ’avoir dém ontré q u ’en principe
ces restrictions ne s’opposent pas à un changem ent d’état, et que
c’est ailleurs, par conséquent, q u ’il faut aller ch e rc h e r les raisons
qui pourraient mettre obstacle à l’acquisition de tel état en parti
culier.
En résumé sur ce point, l’objection tirée dés art. 767 et 908 est
sans p o rté e , et comme applicable à certains enfans naturels seule
m e n t, et comme n’attaq u an t q u ’un des effets de l’adoption au lieu
d’attaq u er l’adoption elle-même, et, de plus, elle est sans fonde
m e n t, comme opposant à un changement d ’état des restrictions
q u e la loi fait disparaître avec l’état ancien d o n t elles étaient la
conséquence.
�Ainsi aucune incompatibilité entre ces restrictions attachées à
l’état de l’enfant n atu re l, et le changem ent d'état qui doit l’y sous
traire.
Abordons maintenant la deuxièm e partie de l’objeclion, — celle,
qui prétend tro u v er une incompatibilité entre l’adoption de l’en
fant naturel et les dispositions du Code civil relatives à l’adop
tion en général.
Celte incompatibilité résulterait, suivant nos adversaires, —
1° des conditions de l’adoption; — 2° des effets que la loi y attache.
Quant a u x conditions : com m ent ad m ettre , dit-on, que la loi
n ’ait pas dispensé'le père natu rel des conditions d’âge, de services
préalables, de moralité q u ’elle imposait aux autres adoptans ?
Nous avons déjà répondu en discutant les paroles de M. Berlier
au corps législatif. Non seulement le législateur, posant les c o n
ditions générales de l’adoption, n ’a pas vu de motifs suffisans pour
en dispenser le père n atu rel,— mais il a vu des raisons particulières
pour l'y soumettre. Il n’a pas voulu faire de l’adoption un d ro it,
mais une récompense.
Quant aux effets de l’adoption: ils sont presque to u s, dit-on, ac
quis à l’enfant naturel par le seul fait de la reconnaissance. Le nom ,
il le porte; les aiimens, il les doit; les prohibitions de mariage , elles
existent. Le seul effet que l’adoption puisse produire , c’est donc la
successibilité.
Nous répondront que dans l’énumération des effets produits par
l’adoption, on oublie le plus important de to u s , et le plus précieux,
sans aucun doute, pour l’enfant naturel ; c’est-à-dire, le passage d’un
étal réprouvé et flétri par la loi à un état honorable el respecté. La
successibilité elle-même peut être acquise à l’enfant naturel avant
l’adoplion; c’est ce qui aura lieu toutes les fois que son père n’aura
pas de parens au degré successible. Qui oserait dire que, dans ce cas,
l'adoption serait sans-intérêt pour l’enfant naturel ?
�— 46 -
L ’argument qu’on prétend tirer contre l’adoption de ce q u ’une
partie de ses effets se trouve acquise par avance, argument déjà si
faible par lui-même, pèche donc par sa base et manque en fait. L ’a
doption a pour l’enfant naturel un intérêt de plus que pour tout
autre ; un intérêt qui subsiste alors même qu’il n ’a pas besoin de l’a
doption pour acquérir la successibilité.
Les prétendues incompatibilités entre l’adoption de Tentant na
turel et les dispositions du Code civil, relatives soit aux droits des
enfans naturels , soit aux conditions et aux effets de l’adoption en gé
néral , sont donc purement imaginaires. Ces dispositions n’ont rien
qui ne se concilie parfaitement avec l’intention manifestée par le lé
gislateur de permettre celte adoption,el nulle inconséquence ne s a u
rait lui être imputée.
Nous pourrions nous arrêter là ; car, après avoir démontré que i’adoption des enfans naturels a pour elle, et le droit commun , et la vo
lonté spécialement manifestée du législateur, nous avons suffisam
ment justifié le rejet du pourvoi.
¡Mais nous ne voulons pas laisser peser sur l’adoption des enfans
naturels le reproche d’immoralité q u ’on lui adresse.
Ce reproche peut se formuler ainsi :
La possibilité pour le père naturel d’adopter son enfant, aura ce
triple résultat :
1° De pousser au désordre par la perspective d ’une réparation fa
cile el assurée ; ;
j
2° La faute une fois commise, de détourner du mariage et même
de la légitimation, par l’espoir d ’avoir les jouissances de la famille
sans en supporter les charges;
■ 3° Enfin , l’adoption une fois faite, de porter atteinte à l’institution
uième du mariage, en m ontrant à tous l’enfant naturel placé sur le
même rang , jouissant des mêmes prérogatives que reniant légitime.
Nous n’hésitons pas à dire que rien n’est moins fonde que ce triple
�reproche, el que la morale, loin de condamner l’adoption des enfans
naturels, y est au contraire toulè favorable.
■ i!
■ i
Elle encouragerait le désordre, dit-on, par la perspective d’une
réparation facile et assurée?
Peut-être concevrions-nous ce reproche, si, au lieu de s’adresser à
la disposition de la loi qui permet au père naturel d’adopter son en
fant, il s’adressait à celle qui'lui permet de le légitimer.
1
Peut-être alors, en effel, serait-on en droit de dire que le désordre
pourra naître de la possibilité même de le réparer sur-le-champ; que
quiconque reculera devant un lien indissoluble, ou même rencon
trera un obstacle momentané à un mariage désiré, formera provisoi
rement une union illégitime q u ’il dépendra toujours de lui de régu
lariser ; que le fils auquel le consentement paternel aura élé refusé,
pourra , s’il peut se flatter de réhab ilitera son gré des relations con
damnées par la loi, vouloir attendre dans le concubinage l’âge où la
loi lui permettra de se passer de ce consentement ; et que le désordre
amenant le d é g o û t, la légitimation ne viendra pas rép arer le mal que
la perspective de la légitimation aura produit.
Nous concevrions ces reproches adressés à la légitimation. Pour
quoi ? C’est que, là, la réparation peut venir immédiatement après la
faute ; c’csl que ceux qui vivent dans le désordre peuvent se dire que
d em ain , aujourd’h u i , s’il leur p la ît, leur position sera régula
risée par leur volonté seule, et sans que personne y puisse mettre
obstacle. C’est, enfin, que cette pensée peut entraîner aisément à
des désordres qui n’emportent avec eux (le conséquences fâcheuses
qu’auLuil q u ’on veut bien accepter ces conséquences.
C ’est précisément cette facilité de réparation el la crainte du d a n
ger q u ’elle entraîne qui a déterminé le législateur à interdire au père
naturel l’espoir de réparer sa faule par des libéralités envers son
enfant.
Mais le danger q u ’aurait présenté la faculté pour le père de donner
�—
48
—
tous ses biens à son enfant n a tu re l, et qui la lui a fait interdire ; ce
danger q u ’offrait la perspective de la légitimation, et qui cependant
n’a pas empêché le législateur de la perm ettre, existe-t-il dans la
perspective de l’adoption ?
N on, évidemment. Quel est l’h o m m e, en effet, qui se senti
rait encouragé au désordre par la perspective si lointaine d ’une
adoption soumise à des conditions si rigoureuses? Cette adoption,
il ne sera peut-être pas en son pouvoir de la consom m er; car les
conditions légales l’assujettissent à des éventualités de plus d’une
nature; à l'autorisation des tribunaux, dont le pouvoir discrétionnaire
peut l’interdire sans même motiver ce refus; aux délais nécessaires
pour que l’adoptant ait 50 a n s , et que l’adopté soit majeur, ce qui
met au minimum à peu près 22 ans entre la réparation et la faute!
On objecte que le père emploiera la voie de la tutelle officieuse,
et pourra ainsi conférer à l’enfant l’adoption par testament même
''
pendant sa minorité.
Mais, p our dem ander la tutelle officieuse de son en fan t, il fau
drait que le père attendît d’avoir lui-même 50 a n s , et q u ’à ce mo
ment, l’enfant n ’eut pas encore atteint 15 ans (art. 3 6 f et 3 6 4 );
il faudrait, de plus, que le père attendît encore 5 ans après le jo u r
où la tutelle lui aurait été conférée, pour adopter l’enfant par acte
testamentaire (art. 366). Et tout cela pourquoi? P o ur rester encore
ju sq u ’à la majorité de l’enfant, non pas dans la position d’un pèré
adoptif, mais dans la position d’un tuteur officieux, qui a bien con
tracté des obligations envers son pupille, mais qui n’a acquis sur lui
aucun d r o it, puisqu’il suffit d’un caprice de l’enfant, à sa majorité,
pour repousser l’adoption , objet de tant de soins et de sacrifices!
De bonne foi, est-ce bien dans cette perspective si lointaine, sou
mise à tant d ’éventualités et d’inquiétudes, au pouvoir discrétion
naire des tribunaux , au caprice de l’en fan t, qu’on prétend trouver
un encouragement au d é s o r d r e ?
�— 49 —
Non , sans doule ; celte perspective préviendrait la faute au lieu
d ’y pousser, si les passions pouvaient prévoir et calculer.
Nous avons donc le droit de dire que l’éloignemenl et la diffi
culté de l’adoption sont plus faits p o u r détourner de la faute que
pour encourager au désordre. L’affection du père s’effraiera plus,
sans aucun doute, des épreuves et des éventualités de l’avenir
q u ’elle ne se rassurera par l’espérance de réaliser un acte soumis à
tant de chances.
Ainsi le danger auquel la prohibition veut parer n ’existe pas.
Mais nous ajoutons q ue, si le danger existait, il faudrait y c h e r
cher un autre remède que la défense d ’adopter les enfans naturels
reconnus.
Le système des adversaires, en effet, frappe h côté du b u t q u ’il
veut atteindre.
Si la possibilité d ’adopter son enfant naturel doit multiplier le
nombre des naissances hors mariage, c’est cette possibilité qu’il
f’auL faire disparaître de la loi.
Mais pour arriver à ce but quel moyen prendre ?
Est-ce, comme on le propose, de proscrire l’adoption de ceux
des enfans naturels qui auraient été reconnus antérieurement par
l’a d o p ta n t?
Evidemment n o n ; le moyen d’éluder la loi serait tro p simple;
pour se conserver la possibilité de l’adoption, on rie ferait pas la
reconnaissance.
Cela fut compris par tout le monde au conseil d’Etal. Aussi un
ou deux orateurs, plus conséquens que nos adversaires avec le
principe d’où ils parlaient, proposèrent-ils de défendre l’adoption
de tout enfant dont le père et la inèrc ne seraient pas connus. C’est
là, en réalité, le seul moyen d ’em pècherun père naturel d ’adopter
son en fan t; c ’est, par conséquent, le seul moyen de décourager le
désordre qu’exciterait, dit-on, la perspective de l’adoption.
Proscrire seulement l’adoption des enfans reconnus, c ’est per7
�— 50 —
mettre l’adoption ap père n aturel, à la condition q u ’il ne reconnaî. tra pas son enfant; c ’est punir la reconnaissance quand on voulait
.punir la paternité elle-même; c’est, en un m ot, laisser à la faute la
perspective qui l’encQurage, en frappant à coté d’elle l’acte de ré
paration c|u’on devrait seul encourager!
Mais ce système, s’il était conséquenlvavec lui-mème, avait le tort
d ’être en contradiction directe avec deux principes qu’admettait
la majorité du conseil d ’état. D’une part, en effet, c'était précisé
ment l ’adoption des enfans sans parens connus qu’elle voulait fa
voriser et propager; d ’a u tre part, loin de voir u n inconvénient et
un danger dans la possibilité pour un père naturel d ’adopter son
enfant, elle n’hésitait pas h y voir un acte digne d’encouragement
et de faveur. « Il serait heureux, disait Napoléon, que l’injustice
« de l’homme qui, par ses déréglemens, à fait naître u n enfant
« dans la honte, p u t être réparée sans que les m œ urs fussent bles« sées ; le moyen ingénieux de les faire succéder comme enfans
« adoptifs, et non comme bâtards, concilie la ju stice et l'intérêt
« des m œurs.» Aussi la majorité se récria-t-elle contre la proposi
tion qui fut en conséquence repoussée.
Le législateur a témoigné par là q u ’il désirait, loin de la crain
dre, l’adoption des enfans naturels par leur père, et q u ’il y voyait,
au lieu d ’un encouragem ent au désordre, la réparation d ’une in
justice.
La morale q u ’invoquent les adversaires est donc précisément cv
qui co n d am n e leur système.
Abordons maintenant le deuxième reproche.
La faute u n e fois commise, dit-on, la faculté d’adopter son e n
fant naturel aura pour résultat de détourner et du mariage, cl
même de la légitimation?
D’abord, en ce qui concerne le mariage, nous dem anderons si
la société doit d ésirer q u ’un homme qui a déjà un en fan t naturel
�cherche à co ntracter un mariage qui le placera entre la nécessité
d ’exclure cet enfant de sa maison, et le danger de le faire asseoir à ,
sa table avec sa femme et ses enfans légitimes.
Quant à la légitimation, de deux choses l’une :
On bien la légitimation sera possible, et alors les tribunaux n’au
toriseront pas l’adoption.
O u bien, la légitimation sera devenue impossible par la m'ort ou
par le mariage soit du père, soit de la mère, ou dangereuse par l’inconduile de l’un o u d e l ’autre ; alors la voie de l’adoption resieseule,
et dans toutes ces circonstances l’objection est sans fondement.
Reste, enfin, le troisième reproche, q u i consiste à dire que ce se
rait porter atleinle à l’institution même du mariage, que de pré
senter à la société un enfan t naturel élevé au rang et investi des
prérogatives de l’en fan t légitime.
’ ’ 1‘
Nous avons déjà signalé dans le co urs de la discussion la co n
fusion dans laquelle on tombe ici.
O n semble croire que la tache de la naissance est indélébile,
et on oublie que la loi elle-même perm et d e ^ ’effacer par la voie de
la légitimation, et d ’élever ainsi réellement les enfans naturels au
ra n g d’enfans légitimes, en leur donnant une famille, avantage,,
(pie n’a pas l’adoption.
O u i, dit-on, mais la légitimation elle-même est un hommag^
rendu à l’institution du m ariage, tandis que l’adoption est un
moyen de s’y soustraire en se donnant pourtant toutes les jo u is
sances de la paternité.
,
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« . •
i t i r • j < I i i *i
Nous avons ré p o n d u : Toutes les foi$ que la légitimation sera
possible, l’adoption sera refusée.
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A ces argumens qui tro uv ent leur réfutation dans la loi
même, nous pouvons opposer une considération qui a été aussi* si
gnalée au conseil d’Elat, et qui suffirait, suivant nous, p p u r(rç1
'IMll
h".
• . l l l l l ! » 1|||
)
�pousser le système que nous com batlons; c'est qu’il au rait po ur
conséquence d’em pêcher les reconnaissances d ’enfans naturels.
La défense d ’ado pter son en fan t se trouvant, en eiîet, dans ce
système, devenir la peine de la reconnaissance, on ne reconnaîtra
pas l’enfant, afin de se réserver la chance de l’adoption.
Cependant, l’o rd re public est intéressé de près à ce que le plus
grand nom bre possible d’enfans naturels soit reconnu.
L’enfant, qui n ’a point de parens, est exposé à tous les dangers
et à tous les vices; personne n ’a intérêt à le défendre et à le guid er,
car ses m alheurs et ses fautes n’atteignent et ne com prom ettent
que lui.
Mais l’enfant que son père a reconnu et qui porte son nom, a un
guide intéressé à surveiller sa conduite. La reconnaissance a le
double effet de le m ettre à l’abri de la misère, qui conduit au vice;
e t de lui assurer une éducation et des conseils, qui le préservent des
fautes d o n t la h o n te réjaillirait sur le nom de son père.
C’est là, pour l’ordre public, une' puissante garantie que le légis
lateur ne pouvait pas négliger. Tout ce qui peut te n d re à maintenir
les enfans naturels dans l’état d ’isolement et d ’abandon o ù les
laisserait le système que nous c o m b atto n s, doit être considéré
comme essentiellement contraire à l’esprit de la loi.
O n p art d'un faux principe quand on suppose qne le législateur
a pu vouloir rendre inabordables p ou r les enfans naturels les p o
sitions régulières et normales de la société. Il n ’en est rien, et
c’est le contraire qui est vrai; son vœu est et doit être q u ’il y ait le
moins possible dans le pays de ces positions équivoques, qui sont
toujours plus ou moins menaçantes p our l’o rd re public. Aussi se
montre-t-il en toute occasion plus empressé de rég ulariser une de
ces positions anormales que de punir la faute qui l’a créée. C’est
p o u r cela q u ’il veut que l’enfant né hors mariage soit légitimé,
quand il p eut l’ê t r e ; qu e si la légitimation est impossible, il soitj
adopte; et q u ’enfin, dans tous leseas, il soit re c o n n u .
'
�Voilà les devoirs que la loi et la morale imposent. Il n ’est pas p er
mis de dire q u ’on viole l’u n e ou l’a u tre en les accomplissant.
Ainsi, soit q u ’on veuille consulter le droit strict, soit q u ’on
s’attache aux considérations générales qui ont dû déterm iner le
législateur à ne pas créer d’exception, à ne pas exclure de l’adop
tion les enfans naturels, on arrive à ce résultat, que le législateur
a perm is l’adoption des enfans naturels.
Il nous reste maintenant un mol à dire de la doctrine et dè la
jurisprudence.
Les auteurs les plus recommandables ont traité la question, et
ils se sont divisés en deux camps.
L ’adoption des enfans naturels est com b attue par MM. Malleville,
Delvincourl, Favard de Langlade et Chabot. Il faut aujourd’hui
ajouter à ces noms ceux de MM. Merlin et Toullier.
. Nous avons eu occasion, dans le cours de la discussion, de r e
lever les changemens d’opinion de M. Merlin. Nous n ’y reviendrons
pas; nous ferons seulement rem arquer que ce jurisconsulte semble
p lutôt émellre des d o u te s, indiquer des difficultés qu’adopter un
avis bien arrêté.
M. Toullier, en fondant su r deux faits , qui se trouvent tous
d e u x erronés, son re to u r s u r l’opinion q u ’il avait d’abord pro
fessée, nous donne le droit d ’écarter d u débat l’autorité o rd in ai
rem ent si grave de son nom.
Il motive ainsi, en effet, son ch an gem ent d’opinion (t. 2, page
260). «L’adoption des enfans par leurs pères et mères naturels étant
« aussi contraire aux principes de l’adoption q u ’à la m orale et aux
« dispositions bien entendues du Code, a été rejetée et proscrite
« par l’a rrê t de la C o u r de cassation du 14 novem bre 1815, sur
« le s conclusions que d o n n a M. Merlin à cette occasion ; elles s o n t
« avec l’arrêt, rapportées par Sirey, t. 16, 1, 45. »
�M. M erlin, dans les Additions h son l\ép erloire, qui o nl paru
en 1824, signale la confusion dans laquelle tombe M. T o u llie r:
« 11 y a , dit-il, dans ce passage deux erreurs de fait : « 1° l’arrêt
« d e l à G o u r d e cassation du 14 novembre 1815, ne proscrit pas
« celte opinion; il déclare au contraire formellement, q u ’il est
« inutile de s’occu p e r de la question, parce que l’a rrê t attaqué
* n ’était ni ne devait être molivé; 2° je n ’étais plus au parquet de
« la Cour de cassation le 14 novembre 1815. »
Qui peut assurer que M. Toullier e û t changé d ’opinion, s’il
avait su que l’opinion nouvelle q u ’il embrassait, s u r la foi de la
Cour suprêm e et de M. Merlin, n’avait eu en réalité p our elle, ni
M. Merlin, ni la C our su p rêm e?
A l’autorité des noms que nous venons de citer, nous avons à
opposer celle de MM. Grenier (n. 85j, D uranton (t. 3, p. 381 ,
Proudhon (Cours de droit civil, t. 2, p. 139), Locré (Esprit d u
Code civil, t. 4, p. 310), Rolland de Villorgnes (Trailé des enfans
naturels, édition de 1811, n. 145 et 14G), L oiscau(Trailédes enfans
naturels), et D alloz (Jurisprudence générale, t. 1er, p. 293 et 294).
Nous appelons surtout l ’attention de la Cour sur l'opinion déve
loppée par ces trois derniers auleurs.
O n lit en outre dans le Dictionnaire des arrêts m odernes, p u
blié en 1814 (V° Adoption): « M. Locré ayant donné l’analyse
« exacte de tonies les discussions du conseil d’E lat su r les enfans
a naturels, il a été dém ontré qu'il n ’était conform e, ni à l’esprit du
« législateur, ni au texte de ses dispositions, de prohiber l’adop« tion des enfans naturels reconnus. »
Quant à la ju risp ru d en ce, celle des Cours royales est presque
unanime en faveur de l’adoption.
Les arrêts des C ours royales, en matière d ’adoption, se parta
gent en deux classes, suivant q u ’ils sont ou non motivés.
Parmi les arrêts non motivés , ceux qui autorisent l’adoption
�d ’un enfan t par son père n atu re l, manifestent, de la part d e l à
Cour dont ils émanent, une opinion nécessairement favorable à
l’adoption desenfans naturels.
(.eux, au contraire, qui relusenl d’autoriser une pareille adop
tion, ne prouvent rien. Nous l’avons déjà dit, l’adoption d ’un e n
fanl par son père naturel n ’est pas un droit, c ’est une récompense
que celui-ci doit avoir méritée par sa conduite ; c’est de plus une
faveur qui ne doit jamais lui être accordée quand la légitimation
est possible et désirable p our l’enfant. Rejeter sans motifs une de
mande .d'adoption formée p a r un père naturel, ce n ’est donc nulle
ment en contester la légalité, c'est refuser d ’appliquer le principe
à une espèce donnée.
Il ne faut donc com pter comme opposées au principe même
de l’adoption des enfans naturels, que les Cours qui oru rendu
des arrêts motivés su r la question de validité d ’adoptions déjà fai
tes. La seule qui se soil ainsi prononcée à n o tre connaissance est
la C our d’Angers, le 21 août 1839.
L'adoplion des enfans naturels a pou r elle, au contraire,
1° Des arrêts non motivés des Cours de Lyon, Rennes, Poitiers,
Bordeaux, G renoble, D ouai, C aen, R o u en , Bruxelles, cités daus
le Dictionnaire général d ’Armand Dalloz, v° Adoption, n» 31, aux
quels nous ajouterons ceux des Cours d ’O rléans (Dalloz, 1839, 2,
205), de Bordeaux (Dalloz, 38, 2, 10G), et la jurisprudence déjà
ancienne et aujourd’hui bien iixéc de la Cour de Paris ;
2° L’a rrê t si bien motivé de la C our de Riom, qui fait l’objet du
pourvoi que nous discutons.
Quant à la Cour suprême, elle n'a jamais été appelée à fo rm u
ler son opinion sur la question d ’une manière positive. Mais s’il
est permis de tirer quelques inductions des décisions qu’elle a
ren du es en matière d’adoption d ’en fans naturels, peut-être sera-ton autorisé à penser que son opinion est favorable à c ettea d o p tio n .
�Le 24 novem bre 1806, en effet, la Cour de cassation avait à
Statuer su r un pourvoi dirigé contre un arrêt qui avait déclaré va
lable une adoption d ’enfant naturel antérieure au Code civil. M. Mer
lin avait conclu au rejet, en se fondant, e n tre au tre s motifs, sur
ce que cette adoption était perm ise, même sous le Code civil; le si
lence du Code et le rejet de l’article prohibitif proposé au conseil
d’E tat ne permettant pas le doute sur l’in tention du législateur. La
Cour n ’avait pas besoin, pour justifier le rejet du pourvoi, d'invo
q u er les dispositions du Code civil, la loi transitoire du 25 germ i
nal an XI lui suffisait. Cependant elle ne voulut pas laisser échap
per celte occasion de manifester sa pensée s u r l’adoption des enfans natu re ls ; et, aux motifs de son arrêt, puisés dans la loi tran
sitoire, elle en ajouta un ainsi co n çu :
'
« Considérant que la loi qui réduit l’enfant naturel à une por« tion de l’hérédité, et porte q u ’il ne pourra, par donation entre
«
<
«
«
vifs ou par testam ent, rien recevoir au delà de ce qui lui est
accordé à titre de s u ccessio n , n empêcherait pas qu’il ne pût
être plus avantagé par l ’effet de l’adoption si elle a lieu , q u ’ainsi
l’a rrê t a ttaq u é n ’a violé aucune loi ; — Rejette. »
31. Denevers qui, à cette ép o q u e, était greffier de la sec
tion civile de la Cour de cassation , en rapportant cet a rrêt
(1806, 1, 672), déclare, dans une note, que plusieurs membres de
la Cour, et notam m en t le r a p p o rte u r , M Lasaudadc, lui on t
assuré q u e la grande majo rité partageait la nouvelle opinion de
M . le procureur-général M e rlin , et que la C our aurait consacré
cette opinion s’il avait été question d ’une adoption postérieure au
Code civil.
Celte disposition de la Cour peut seule expliquer, en effet, l'in
sertion dans l’arrêt du motif que nous venons de rapporter. On ne
concevrait pas a u tre m e n t le soin que prend la C our suprém p
�de réfuter Ja seule objection spécieuse q u ’on oppose à l’adoption
des enfans naturels sous l’empire d u Code.
Au surplus, et c ’est par là que nous term inons, la Cour s’était
formelli-ment prononcée, même a v a n t les discussions du conseil
d ’E tat, pour l'adoption des enfans naturels.
La commission chargée par le gouvernement de rédiger le pro
jet de Code civil, n ’y avait pas fait figurer, comme on sait, le titre
de l’adoption. Le projet fut ainsi soumis à l’examen du tribunal
de cassation et des Cours d'appel.
Le tribunal de cassation choisit dans son sein u-ne commission
q u ’il chargea de rédiger ses observations s u r le projet présenté.
Ce fui celte commission qui proposa d ’ajouter au titre de la
paternité et de la filiation un chapitre 4, intitulé: des Enfans
adoptifs. Le chapitre se composait des articles 34 à 50 du titre
de la paternité. Le 37e fixait l’âge au dessus duquel on ne pourrait
plus être adopté ; puis il ajoutait : « S o n t exceptés, 1° les enfans,
« abandonnés on sans famille co n n u e; 2» les enfans naturels
« des adoptans par eux re c o n n u s ; 3° ceux q ui sont adoptés
« conjointement par deux époux. Les individus compris dans
« ces trois exceptions peuvent être adoptés à quelque âge q u ’ils
« soient p arvenus, pourvu, dans ce cas, que le père ou la mère
« adoplans aient fourni aux frais de leur éducation, nourriture et
« entretien, au moins pendant les cinq ans qui ont immédiatement
« précédé l’adoption, ce qu i sera constaté par un acte de noto« riété, etc. »
Ainsi, c’est au tribunal de cassation q u ’apparlient l’initiative de ,
la proposition de consacrer, non seulement l’adoption en général,
mais encore l’adoption des enfans naturels en particulier.
L ’enfant naturel r e c o n n u , dans le système du tribunal de cas
sation, pouvait également être adopté, soit par son père,, soit
par sa m ère, et passer ainsi de l’état d’enfant naturel à l’étax
8,
�'
_
58 —
. d'enfant a d o p tif, malgré la prohibition de recevoir qui se tro u
vait déjà dans l’article 13 du titre des Donations, prohibition repro
duite dans l’article 908 du Code civil. La portée de cette p ro
hibition n’est pas là ju g é e par la C o u rs u p rê m e comme nous l’a
vons jugée nous-mêmes, et la présence des deux dispositions dans
le même Code ne fait-elle pas justice de leur prétendue incompati
bilité?
'
'
Ainsi, les seuls précédens de la Cour suprême, sur cette qu es
tion, sont : 1° la proposition de permettre l'adoption des enfans
naturels, en accordan t même à cette adoption une faveur p a r ti
culière, la dispense de la condition d ’âge imposée à toute autre
adoption ; 2° un e réfutation, dans l’arrêt du 2 4 novem bre 1805, de
l’argum ent par lequel on cherchait à établir q u e, depuis le Code
civil, l’adoption des enfans naturels reconnus était interdite.
Nous sommes donc en droit d 'esp érer que ce qui lui a paru moral
autrefois lui paraîtra moral aujourd’hui ; que ce q u ’elle a trouvé
légal, en 1806, ne lui semblera pas prohibé an 1840.
En'résnm é l'adoption n’est pas un droit pour le père ou la mère
aaturels qui veulent l’e x e rc e r ;
Mais elle ne leur est pas interdite.
C ’est aux tribunaux qu’il appartient d ’apprécier les circ o n sta n
ces, et d ’autoriser ou de refuser l’adoption, suivant que l’intérêt
de» m œ u rs, l’intérêt de la société, l’intérêt de l’enfant lui paraîtront
devoir faire pencher la balance d ’un côté ou de l’autre.
C’est assez dire que l’adoption sera refusée toutes les fois que la
légitimation sera possiblë'ou désirable ; m a is q u ’elle devra être p e r
mise toutes les fois que, par sa conduite, le père a u ra mérité cette
faveur.
1f"
�La loi, en effet, conséquente avec elle-même, après avoir
frappé la faute du père dans son affection p o u r l’enfant, a bien com
pris qu’elle pouvait se servir de cette affection même pour obtenir
du père la réparation de ses torts envers la société. La réhabilitation de l’en fan t, offerte comme récom pense à la bonne conduite
du père pendant de longues années, atteignait ce but. Les inca
pacités dont la loi frappe l’e n f a n t'n a tu r e l, et la permission de
l’adopter à des conditions sévères, procèdent donc du même
principe.
Q uant aux objections co n tre l’adoption des enfans naturels re
connus, elles se rangent en deux classes :
1° Les prohibitions formulées par la loi contre l’enfant n atu re l ;
Mais elles,tombent toutes, on est forcé d 'e n convenir, d ev an t un
changement d ’E ta t ; elles s’attachent p ar conséquent au titre d ’en
fant naturel et ne su bsistent q u 'a u ta n t que lui. Elles sont, en un
mot, la punition de celui q u i n’a pas voulu ré p a re r sa faute envers
la société, soit en légitimant son en fan t, soit en m éritant d ’être
admis à l'adopter.
2» Les prétendus dangers de l’adoption ;
Nous avons dém ontré q u ’ils sont chim ériques, et que, d ’ailleurs,
s’ils pouvaient exister, le pouvoir discrétionnaire laissé aux trib u
naux en matière d’adoption d'enfans naturels aurait p o u r infail
lible résu ltat de les p révenir.
Il
faut donc reconnaître que, dans la pensée du législateur, le
p r e m i e r devoir q u ’impose la morale à celui qui a donné le jour à
un enfant naturel, c’est de d o n n e r à son enfant la position la plus
régulière, la plus norm ale qu'il soit possible de lui conférer ; que,
s’il peut le légitimer, il doit le faire ; que, si la légitimation n’est
pas possible, il doil l’ad o p te r; qu’enfin, et dans tous les cas, il
do it le reconnaître.
est l’intérêt de la société to u t aussi bien que celui de la
morale.
�j
Cette pensée du législateur, elle s'est manifestée, soit d an s les
discussions préparatoires du Code civil, par le rejet d'une exception
proposée au principe général qui perm et à tous l’adoption, soit
dans le texte de la loi, par la permission donnée, d ’une m anière
spéciale, de légitimer les enfans naturels, et d’une manière géné
rale, de les adopter, différence qui s’explique par cette considéra
tion que la légitimation ne s’applique qu’à eux seuls, tandis que
l’adoption s’applique à tous. -'i
‘
L’adoption des enfans naturels est donc permise, sinon encou
ragée, par la loi.
i
|
Aussi les exposans et et tous ceux, en fort grand nom bre, qui
se trouvent dans la même position, ne do utent-ils point que la Cour
n e maintienne l’arrêt qui consacre la validité d ’une telle adoption.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boirot, Sophie-Mathilde. ?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux-Vertamy
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en défense pour la dame Sophie-Mathilde Boirot et le sieur Gilbert de Laplanche, son mari, contre le sieur Louis-Pierre Boirot.
Annotations manuscrites.
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie et lithographie de Maulte et Renou (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1842
1798-1842
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2821
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2818
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2820
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53577/BCU_Factums_G2821.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
adoption
adultères
divorces
doctrine
enfants adultérins
enfants naturels
généalogie
Pater is est
Successions
successions collatérales
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53576/BCU_Factums_G2820.pdf
3756d33791b77191c5add45e999d57f8
PDF Text
Text
COUR DE CASSATION.
rO •*
\o
chambre des requetes,
M. L E B E A U ,
MÉMOIRE
POUR
L o u is - P ie r r e
B O I R O T D E L A R U A S , p ro p riéta ire ;
CONTRE
D am e S o p iiie - M a t h i l d e B O I R O T , et le sieur G I L B E R T
DE L A P L A N C I I E , son m a r i ; ladite dam e B o iro t,
fille n atu relle et adoptive de demoiselle P étro n ille
B o ir o t, décédée épouse Duval.
Q U ESTIO N .
L ’enfant naturel, antérieurement reconnu par sa mère, peut-il
être, dans la suite, par elle adopté?
La Cour royale de R iom, dans l’arrêt dénoncé à la Cour, s’est
prononcée pour l’aff irmativc. Félicitons-nous que cette importante
question, objet de si vives controverses, soit destinée cette fois à
recevoir une solution, qui fixera les incertitudes de la jurispru
c o n s e ille r r a p p o r t e u r
�(2)
dence, car elle ne pouvait se présenter à la Cour posée dans des
ternies plus explicites.
Les faits de la cause sont, du reste, fort simples.
FAITS.
Dix mois environ après un divorce prononcé pour incompatibilité
d’humeur, Anne-Pétronille Boirot donna le jour à une fille qui fut
inscrite, aux actes de l’état civil, sous le faux nom de Sophie
G ordon, née de père et mère inconnus.
Cet enfant,
d ’abord
élevé clandestinement, f u t , quatre ans
après sa naissance, placé dans la maison de sa m ère, et reçut le
nouveau nom de M alhilde.
En 1804, Pétronille' Boirot épousa en secondes noces le sieur
Duval. Dans le contrat, réglant les conventions civiles de ce ma
r ia g e , il est d it, entre autres choses, que la jeune Mathilde,
désignée d’ailleurs comme fd le de Pétronille Boirot, aura, dans la
succession de sa m è r e , les mêmes droits que les enfans à naître
de Vunion projetée.
E n 1 8 1 6 , jugement du tribunal de lliom q u i, sur la demande de
Pétronille Boirot, pour lors épouse Duval, ordonne la rectification
de l’acte (le naissance de la jeune Mathilde, et qu’aux noms de
Sophie Gordon restent substitués ceux de M athilde Boirot.
En 1817, mariage de Mathilde Doirotavcc le sieur de Laplanche.
Mathilde reçoit de nouveau la qualification de fille naturelle; puis
clic est gratifiée d ’une institution générale (l’héritier, par sa mère,
'
la dame D u v a l, née Boirot.
Il devait en être de cette institution comme de la clause du
contrat de mariage de i8o/j; la dame Duval avait sans doute ce
�(5)
pressentiment, quand elle s’est décidée à aviser à un dernier expé
dient, dans le but d’assurer à sa fille la pleine transmission de scs
biens.
L e 9,5 avril i 834 , elle s’est présentée devant le ju ge de paix de
son domicile, et y a déclaré vouloir adopter Mathilde Boirot, sa
fille naturelle. Un ju gem ent, depuis confirmé par la Cour royale de
K iom , a accueilli cette adoption. Dans ces deux actes on attribue
formellement à l’adoptée le titre de fille naturelle de l’adoptante.
L e décès de la dame Uuval est survenu peu de temps après. La
prétendue fille adoptive s’est mise en possession des biens dépen
dant de la succession, évalués, dit-on , à 400,000 fr. environ.
Le sieur Pierre Boirot de L a r u a s , héritier du côté paternel, a
cru devoir réclamer la part de la succession revenant à cette ligne ;
de là la question du procès.
Le tribunal de Gannat a résolu cette question en faveur de l ’en
fant naturel. L a Cour de Riom a embrassé la même doctrine. Nous
nous bornerons donc à donner le texte de cet arrêt. Il porte :
« Considérant que l’on ne trouve dans le Code c i v i l, au titre de
« l’adoption, ni ailleurs, aucune disposition prohibitive de la fa « cuité d’adopter les enfans naturels par le père et la mère qui les
« ont reconnus; — • Que l’on ne pourrait donc déclarer que cette
« faculté a été interdite qu’en admettant une incapacité et une dé
te fensequi n’ont point été prononcées par la loi;
11 Considérant que c ’est inutilement que l’on prétend, pour éta*’
11 blir cette incapacité, que les principes qui déterminent la nature
h
de l’adoption s’opposent à ce que les enfans naturels reconnus
« puissent en recevoir le bénéfice; — ■Q ue l ’on ne retrouve dans le
« Code civil ni les règles ni les défenstís du droit romain, et qu’on
« y chercherait vainement les conditions qui établissaient q u ’on
« a voulu faire de l'adoption une imitation exacte de la n a t u r e ; _
h
Q u e , d’après les dispositions q u ’il renferme, loin de s’identifier
�6
( )
« avec la Camille nouvelle dans laquelle il est admis de manière à
« devenir étranger à celle qu’il avait, l’adopté reste, au contraire,
« dans cette dernière, y conserve tous ses anciens droits, et ne fait
« q u ’ajouter le nom de l’adoptant à celui q u ’il avait déjà : — Qu’il
« n’est pas exact de dire que l’adoption ne confère à l ’enfant na« turel rien de pfus que ce que lui avait donné la reconnaissance
« faite par son père; que les liens qui l’unissent h ce dernier après
« l'adoption, sont et plus étendus et plus resserrés en même temps;
« — Q u ’à la place d'une filiation naturelle, il s’est établi une filiation
« nouvelle, plus avantageuse et plus honorable aux yeux de la so« cié ié , et que, dès lors, an lieu d’être indiqué dans les actes de
« l’état civil et dans les relations ordinaires de la vie sous le nom
« de (ils naturel, l’adopté ne le sera plus que sous celui de fils
« adoptif;
« Considérant qu’on ne peut invoquer les articles 546 , 347 et
u 348 du même Code pour en induire la conséquence que si la
« défense d ’adopter les enfans naturels reconnus, n’a pas été faite
« au père ou à la mère de ces enfans d’une manière expresse, elle
« sc trouve du moins implicitement dans la loi; — Que les expres« sions dans lesquelles ces articles sont conçus n’ont rien qui soit
« exclusif des personnes qui n’y seraient pas indiquées; — Que la
« lo i, qui n’était pas uniquement faite pour les enfans naturels,
k n’a dû s’y occuper que des cas ordinaires, laissant sous l’empire
« du droit commun et de ces dispositions générales, ceux q u ’elle
<> n’a pas désignés ; — Q u’on ne pourrait donc conclure de la ma« nicre dont elle s’est exprimée, q u ’elle a défendu l’adoption des
« enfans naturels, à moins d ’élablir qu’elle a créé une ex ception
« toute particulière contre cette classe d ’individus;
« Considérant que la défense d’adopter les enfans naturels re« connus n’existe pas davantage dans les dispositions du Code civil
« sur la légitimation, qui ne permettent pas de c o n fo n d r e l’une
« avec l’autre; que si, par la première, l’enfant reçoit une vie nou-
�( s )
« vellc et des avantages qu’il n’avait pas auparavant, les rapports
« civils et les droits qu’il acquiert sont cependant bornés à un
« cercle étroit dans lequel la loi n’a pas restreint l’enfant légitim é,
« qui est considéré par elle comme l’enfant légitime et traité comme
« tel; — Que l’adoption ne conférant ni les droits ni le titre d’en« fant légitime, on doit nécessairement en conclure q u ’elle ne se
« confond point avec la légitimation, et que, par là même, elle n’est
« pas un moyen détourné d ’appeler l’enfant naturel aux avantages
« d ’une légitimation qui ne peuvent lui être assurés que par le ma« riage de ses père et mère ;
a Considérant que l’adoption ayant pour but principal et direct
« de créer un état civil entre l’adoptant et l’adopté, en les unissant
« par des rapports de parenté et de famille, et les droits de succes« sibilité réciproque qui en dérivent n’en étant q u ’une conséquence
» nécessaire, c’est le Code civ il, qui a déterminé les règles de cet
« état et de la successibilité même qui en résulte, qu’il faut inter« roger pour savoir quels sont ceux qui peuvent être adoptés ; —
« Que, dès que l ’incapacité que l’on oppose aux enfans naturels
tf reconnus ne s’y trouve ni d ’une manière expresse ni d’une raa« nière implicite, on ne peut la chercher dans les articles j 56 ,
a 7 5 7 , 908 et autres sur les successions qui n’ont statué sur la
« dévolution des biens que d ’après les principes et les règles pré« cédemment établis sur l’état des personnes, sans aucun retour
« sur ces principes et ces règles auxquels la législation n ’a pas
« songé à toucher; — Que les dispositions invoquées, uniquement
« relatives aux enfans naturels comme celles de l ’article 558 , 11c se
« sont point occupés des enfans qui auraient été adoptés; qu’ainsi,
« pour les entendre et les appliquer sainem ent, il ne faut pas les
« séparer de la qualité des personnes pour lesquelles elles ont été
« faites; que c’est pour les enfans naturels r e c o n n u s , mais restés
h tels, qu’elles ont été créées; que si elles sont prohibitives, ce n’est
h évidemment que des droits qui dépasseraient en faveur de ces
�(6)
<t eniàns ceux qu ’elles leur accordent, et non des droits dont elles
« ne parlent pas et qui seraient la conséquence d ’une qualité ou
« d ’un titre sur lequel elles n ’avaient pas à s’expliquer; — Que ce
« serait donc manifestement en étendre l’application et les eiï’ets à
u des personnes et h des cas auxquels elles n’ont pas p en sé, que
« d’y voir la défense d ’adopter les enfans naturels reconnus, et de
« leur donner par là les droits de successibilité que confère
« l’adoption ;
« Considérant qu’on ne pourrait admettre que les dispositions
« du Code civil qui bornent les droits des enfans naturels sur la
« succession du père qui les a reconnus, renferment la défense, à
u ce dernier, de les adopter q u ’autanr q u ’il existerait entre l’état
« d’enfant naturel reconnu et celui d’enfant adoptif, une opposition
« q u i ne permettrait pas de les confondre en passant du premier
« au second ; — Que cette opposition n’existe pas; qu’il ne répugne
« ni à la nature, ni à la raison, ni h la loi que des liens de famille
« plus étroits, que des rapports civils plus intimes et plus étendus
« s’établissent entre le père et le fils naturel ; qu’en usant du béné« fice de l’adoption, le père fait plus q u ’il n’avait fait par la recon« naissance; mais q u ’il ne fait rien de contradictoire à ce premier
« acte qui ne pourrait avoir pour cllet de l’enchaîner si irrévoca« bleinent, qu’il lui fût défendu d’améliorer, par les moyens que la
« loi indique elle-même, l’élat de son enfant;
(( Considérant encore, sur les articles relatifs aux droits des enfans
if naturels sur la succession de leurs père et m ère, que la loi leur
n accorde dans le cas où il n’y a ni enfans légitimes ni héritiers
« collatéraux, tous les biens de cette succession; — Qu’alors l’inca« pacité, q u ’on fait principalement résulter contre eux, pour l’adop« (ion, de la restriction apportée h leurs droits sur ce point, devrait
« nécessairement disparaître, puisque la base fondamentale donner
(f it cette incapacité n’existerait p lu s ; — Qu’il faut donc conclure
<t de cette application de la loi , dont la justesse ne peut être con-
�(7)
« testée, que des prohibitions, qui ne sont ni générales ni abso« lues, ne peuvent renfermer la défense que l’on veut en faire
« résulter;
« Considérant que l’argumentation que l’on a tirée contre l’a« doption des enfans naturels reconnus, de l’article 9 11 du Code
« civil, ne présente pour raison de décider que la question même
« q u ’il s’agit de résoudre ; — Qu’en admettant, en effet, q u ’on pût
« faire l’application des dispositions q u ’il renferme h un contrat
« aussi solennel que l’adoption, il faudrait toujours démontrer l’in« capacité de l’enfant naturel reconnu à être admis au bénéfice de
« l’adoption par ses père et mère;
« Considérant que l’article 366 du Code civil qu ’on a également
« invoqué en le rapprochant des articles 90S et 9 1 1 , établit dans le
« cas tout particulier qu’il prévoit, non une manière nouvelle de
«
«
«
«
donner ou de transmettre par testament les biens de l’adoptant à
l’adopté, mais bien un mode nouveau d ’adoption que réclamaient
l’intérêt de l’enfant et la position dans laquelle pouvait se trouver
placé celui qui voudrait l’adopter; que si, alors, l’enfant acquiert
t( des droits de successibilité sur les biens de ce d ern ier, c’est par
« une suite naturelle et nécessaire de l’adoption exceptionnelle
« dont il a été l’objet, et non parce que le testament où elle se
<( trouve renferme en sa faveur une disposition de ces biens; —
« Qu’on ne pourrait donc lui appliquer les dispositions des ar« ticles 908 et 9 1 1 , et que ce serait encore la question de savoir
« s’il a pu être adopté ;
« Considérant enfin que s i , malgré le silence de la loi et la g é « péralité de scs dispositions , on proscrivait l’adoption des enfans
« naturels par le père et la mère qui les ont reconnus , on n ’aurait
« aucun moyen, sauf le pouvoir discrétionnaire des tribunaux, de
« prévenir celle des enfans naturels non reconnus, ou celle des
w enfans adultérins, incestueux, dont l’origine ne serait pas attestée
�(8)
« par des faits incontestables; — Que s’il était immoral cependant
(f de permettre l’adoption des enfans naturels reconnus , il ne le se« rait pas moins de laisser la liberté d’appeler, par des moyens dé« tournés, ceux qui n ’ont pas été reconnus ou même ceux qui ont
« une origine plus vicieuse, au bénéfice de l’adoption, et q u ’il
« serait tout à la fois inconséquent et injuste de repousser sur ce
« point les premiers, parce que leur naissance est connue, et d ’ac« cueillir les seconds, parce que la leur est ignorée; — Q u’on ne
« peut opposer, pour justifier une semblable distinction, que les
« enfans naturels non reconnus sont dans le sens légal des étrau« gers aux yeux de la loi et de la justice ; — Que le vice de leur
« naissance n’est pas moins réel, pour n’avoir pas ci'- révélé ; —
« Que c’est non de l’ignorance où l'on peut être de c lie origine ,
« niais de son existence même que l’incapacité q u ’on en fait ré« sulter, dépend; — Q u’il arrivera néanmoins journellement que
« les enfans qui en sont frappés éluderont les dispositions prolii—
« bitives de la loi, par cela seul que le secret de leur naissance
« aura été soigneusement cach é, tandis que ceux qu’on aura re« reconnus en subiront toutes les rigueurs ; — Q u ’un système qui
« se prêterait si aisément à la violation de la loi et qui consacrerait
« des effets si contraires à la raison et à une exacte justice ne peut
« être admis ;
« Adoptant au surplus et sur les autres questions qu ’a présentées
« la contestation les motifs des premiers juges ;
« La Cour a mis et met l’appellation au néant; ordonne que le
« jugem ent dont est appel sortira son plein et entier effet, et cono damne l’appelant à l’amende et aux dépens. »
Cet a rrê t, suivant nous, a faussement appliqué l’art. 5/|S du
Code c i v i l, et il a formellement contrevenu aux d is p o sitio n s des
art. ? 5 y et y o 8 du même Code. Telles sont les deux propositions
que nous avons à justifier.
�(9)
DISCUSSION.
On a dit de l’adoption qu’elle était une imitation de la nature.
Nous répondons hardiment qu’elle en est à coup sîir une imitation
pâle et décolorée. Elle se glissa dans nos lois en 1792. Nous
n'avons pas à en rechercher la raison; mais on peut dire qu’assez
étrangère à nos moeurs, elle a fini par se trouver réduite h ce qu’elle
doit être le don ‘irrévocable de la succession. L ’adoption n’est
rien de plus, selon nous, quant au fond des choses, et pour peu
qu’on veuille écarter la magie des mots.
Assurément nous n’entreprendrons pas de Caire l’historique de
celte instituton appliquée au peuple de Rome. Toutefois, puis
qu'elle a été présentée parmi nous comme ayant sa principale source
dans les lois rom aines, nous croyons utile de mettre sous les yeux
des magistrats un exposé sommaire de cette législation , relative
ment au point de vue qui nous occupe.
La question de savoir si l’enfant naturel pouvait être adopté par
ses père et mère fut agitée et diversement résolue sous la législation
romaine.
L'adoption , chez les Romains, était une imitation de la nature.
« Klle a été imaginée , dit Théophile, comme un moyen de con
solation pour ceux auxquels la nature a refusé le bonheur d’avoir
des
en fans, ou qui ont eu le malheur de les perdre. »
De cette idée semblaient découler deux conséquences :
La première, que celui qui avait déjà une postérité, soit civile,
suit naturelle, mais néanmoins constante, ne pouvait pas adopter ;
la loi romaine cependant n’allait pas jusque-là; seulement elle di
sait : N on (lebet (juis p/ures adrngare nisi ea jdsta causa (D. de
sfdopt. y 1. ‘ 5 . § 3).
�( ‘10 )
La deuxième conséquence était que le père ou la mère ne pou»
vait pas adopter, soit un fils légitime, soit un fils naturel} car
l’adoption était destinée à suppléer la nature, irais nullement à
resserrer des liens que la nature aurait déjà formés.
Ce dernier point nous paraît avoir été positivement admis par
le droit romain ; on trouve au Digeste des textes qui prouvent
celte vérité. A in s i, la loi 57 de A doplionibus dispose : eum quem
quis adoptant, em ancipatum vel in adoptionem datum non potest
adoptare.
Aucun autre texte à notre connaissance ne contredit celui de
la loi ci-dessus.
On a prétendu le contraire. M. Duranton, tom. 3 , n. 293, a émis
l’opinion que la loi romaine permettait d’adopter son fils n a tu re l,
et ce jurisconsulte s’est fondé sur la loi 46, au Digeste de Adoplio~
nibus, ainsi conçue :
l n servitale mea quœsitus m i/iifdius in poteslatem meam redigi
beneficio principis p o test, libertinum tamen eum m anere non
dubitatur.
On peut se demander si ce n’est pas de l’adoption p er légitima-*
lionem q u ’il est question dans cette loi. L ’aflîrmativc, soutenue
par M. le procureur général près la Cour de cassation, dans une
cause où il combattait l'adoption de l’enfant naturel, est encore
corroborée par le texte des Novelles 74 et 89.
Mais il est une autre réponse à faire à l’argument tiré de la
loi 4 6 , au D. de A d o p t. Si l’esclave, devenu libre, peut, d ’après
cette loi, légitimer ou même adopter le fils q u ’il a eu dans l’escla
vage, c ’est que la loi romaine ne considérait pas l’esclave c o m m e
père; elle ne reconnaissait point la paternité servile : le père esclave
était à peu de chose près réputé étranger.
Donc, suivant la législation du Digeste, un père ne pouvait adopter
ion fils naturel quand la paternité cl la filiation étaient légalement
�( «
)
consentes. Ces principes ont-ils été modifiés par la législation du
Code et des Novelles? 11 est facile de s’assurer que non.
Des auteurs ont prétendu que l’empereur Anastase avait d’une
manière générale autorisé l’adoption des enfans naturels. Cette
assertion n’est q u ’une e rreu r, et voici les faits qui ont pu l'accré
diter.
De telles adoptions avaient eu lieu dans des temps antérieurs à
Anastase, et elles avaient été confirmées par l’empereur Zénon
(JSovelle 82, quibus moclis naturalis ejficiantur sui).
Anastase ( Cocl. de nciluralibus Liberis) avait décidé que ceux
q u i, n’ayant pas d ’enfans légitimes, vivaient dans le concubinage,
avaient ou auraient à l’avenir des enfans issus de ce commerce,
les auraient sous leur puissance comme siens, et pourraient les
investir de leurs biens, par dernière volonté, par donation, ou
par tout autre mode de la loi. Il avait étendu le bénéfice de cette
constitution aux fils et filles déjà adoptés par leurs pères.
E11 ce qui concernait ces d erniers, la constitution avait pour
objet de respecter des laits accomplis, beaucoup plus que d’auto
riser de telles adoptions pour l’avenir. Cependant elle fut inter
prétée dans ce dernier sens, et il est vrai de dire que depuis la
constitution d’Anastase comme antérieurem ent, on avait vu des
pères adopter leurs enfans naturels.
L ’empereur Jullien voulut arrêter ce désordre, et ramener à
des principes plus sains : par la loi 7, C od. de naturahbus, il
confirma d ’une manière générale
la constitution d ’Anastase en
ce qui concernait les droits acquis. Il excepta seulement du bé n é
fice de ses dispositions les fruits de l’inceste et de. l’adultère ,
nefarium et infeslum conjugium . Quant aux simples enfans na
turels, il déclara maintenir de telles adoptions, touché, disait-il,
«l’une compassion dont n’étaient pas indignes qui vitio non suo
faborabant.
�(1*2)
T o u t e f o i s il eut soin d ’a jo u t e r : l a posleruni vero sciant om nest
légitimés malrimoniis legilim am sibi posteritatem quærendam , non
adrogationum vel adoptionum p relextu s y quæ u l t e r i u s minime
fèrendæ sunt.
O n peut lire cette consti t uti on. L e s t e rme s en sont r e m a r q u a b l e s ;
l’e m p e r e u r a p p u i e ses p r e s c r i p t i on s , non pas s u r les pr i nci pes qui
r ég i ss a ie nt la famil l e r o m a i n e , et q u i , n ou s en c o n v e n o n s , ne sont
pas t ous a ppl ic abl es d e nos j o u r s ; mai s il les a p p u i e s u r les règl es
d e la . mor a l e, et celles-là sont ét ernel l es. Il ne veut pas q u e par un
s u b t e r f u g e b l â m a b l e 011 p r e n n e la q u a li té d e p è r e , l o r sq u e la loi
s ’y r efuse.
L ’e m p e r e u r Ju st ini en ( Nove lie 7 4 , cap. 3 , de Légitima tione
p er adaptioneni) d écl ar a e x p r e s s é m e n t m a in t e ni r la constitution
qui précède.
N é a n m o i n s , c o m m e l’e m p e r e u r Just i n (N ovelle 8 9 ) , il c o n s e r v a ,
s e u l e m e n t p o u r le passé, la cons ti tuti on d e l’e m p e r e u r Z e n o n , ut illos
quibus ea fo r te constitutio prodest, non hac utilitate privaremus ;
il a gi t d e m ê m e et par d e s e mb l a bl e s mot i fs à l’é g a r d d e celle d e
l’e m p e r e u r A n u s t a s c , d éc l ar ant au s u r p l us a p p r o u v e r la constitution
d e son p èr e adopt i f.
N o n c ont ent d e ces d isposi tions si f o r m e l l e s , il a j oute : N ovelle 8 i ) ,
Quibus rnodis naturales cfficiuntur su i, e t c . , ca p. X I , § a ;
adoptionis autern modum qui f u i t olim a quibusdam ante nos
im peratoribus super naturalibus probatus non improbus > inve
nientes., secundum
paternas constitutonis virtutem, et nos sicuti
dictum e s t , encladim us , quoniam castitatem non perfecto consideravit cl nqn erit dolc/is ut quæ b e n b e x c l u s a , s u ï s t , in rem p u
blica ni rursus introducán tur.
Tel
est,
n ou s
le c r o y o n s
du
moins,
l ' h i st or i qu e (idèle de
la législation r o m a i n e s u r la qu es ti o n s o u m i s e en ce m o m e n t
à
la C o u r ; c ’est au n o m d e la m o r a l e , .au nom d e la d é c e n c e , q u e
�( 13 )
les empereurs Justin cl Justinicn ont proscrit l'adoption des eufans
naturels; ils n’ont pas voulu q u ’elle pût devenir un prétexte pour
introduire des étrangers dans la famille ; enfin ils n’ont pas voulu
qu’on couronnât, par une adoption q u ’ils vont ju sq u ’à qualifier
d'absurde , des désordres qu ’ils appelaient flag ilia .
Peut-on établir que lorsque l’adoption a été admise dans notre
droit, il y ait eu la moindre pensée de dérogation aux règles qui
p ré c è d e n t ? C ’est ce que nous devons rechercher. Dans une question
de cette gravité, On nous permettra de jeter un coup d ’œil sur
l’historique de cette institution parmi
nous. L es magistrats de la
Cour ne verront, nous l’espérons, dans ce soin, que le simple
désir de ne rien omettre.
On sait à quel propos l’adoption fut tirée du droit romain pour
prendre place dans nos lois.
L e 18 janvier 1 7 9 2 , l’assemblée législative avait décrété que
son comité de législation comprendrait dans son plan général des
lois civiles, celles relatives à l'adoption.
Le 16 frimaire an 5 , la Convention nationale, à l’occasion d’une
difficulté qui lui était soumise par un ju ge de paix, déclara que l’a
doption avait été solennellement consacrée, et q u ’elle assurait un
droit dans la succession de l’adoptant. Voilà tout ce qui fut fait à
cctle époque, nous négligeons les détails inutiles.
Les lois du temps avaient admis le principe de
l’adoption ;
mais elles n’étaient pas allées plus loin ; aussi lorsque les rédac
teurs du Code civil abordèrent cette matière, ils n’avaient d’autre
précédent, on peut le d i r e , que les constitutions des empereurs
Justin et Justinicn. Ces constitutions,on lésait, prohibaient, comme
a bsu rd e, indécente et im m orale, l’adoption des enfans naturels par
leurs père et mère.
Un premier projet d'adoption fut présenté au conseil, le 6 frimaire
an 10; on y agita la question de savoir si l’adoption serait une
�I"
( \h )
institution politique, une faveur accordée par exception h la loi
co m m u n e ,« titre de récompense, aux citoyens qui auraient rendu
de grands services à l’E tat, ou si elle serait au contraire une insti
tution de droit commun : ce dernier parti obtint la préférence.
Le projet présenté fut l’objet de nombreuses critiques; on lui
reprochait, notamment, de ne pas interdire l’adoption des enf'ans
naturels, de l’autoriser par le silence, et d ’éluder ainsi les dispo
sitions de la lo i , qui réduisaient cette classe d ’enfans à une simple
créance sur la succession de leurs père et mère.
Ces objections reproduisaient le fond des idées de la loi romaine.
INI. L o c r é , qui était, à ce q u ’il paraît, contraire à la prohibition,
a produit plus tard , il l’appui de sa propre opinion, de prétendus
procès-verbaux non imprimés des séances du conseil d’Etat, et il
a induit de la teneur de ces documens qu’il n’y avait eu de prohi
bition convenue qu ’à l ’égard des seuls célibataires; mais q u e, pour
l’homme marié, la prohibition ne lui serait point applicable. C’était
une singulière distinction à notre avis. M. Locré a soutenu néan
moins qu’elle avait été ainsi comprise.
Enfin, a-t-il dit, une rédaction nouvelle fut présentée le 1 4 fri
maire; elle contenait un article ainsi conçu : « Celui qui a reconnu
« dans les termes établis par la loi un enfant né hors mariage,
« ne peut l’adopter ni lui conférer d ’autres droits que ceux qui ré« sultent de cette reconnaissance; mais, hors ce ca s, il ne sera
« admis aucune action tendant à prouver que l’enfant adopté est
« l’enfant naturel de l’adoptant. »
Or,
cet article, qui interdisait,
ajoute-t-on, implicitement du moins, l’adoption des enfans
naturels
reconnus, ayant été repoussé, il est permis de conclure que de
telles adoptions sont restées permises.
T el est le fond du système de AI. Locré. Nous n’en parlons q u ’à
cause du crédit qu’a pu lui prêter la position toute spéciale de son
�( «
)
auteur. Nous repondons à ce système q u ’en admettant l’existence
très contestable de ces procès-verbaux, en admettant même leur
force probante, ce qui est encore très contestable, on est toujours
en droit de se demander d'où vient que l'article en question a été
repoussé. E s t -c e
comme trop rigoureux, ainsi que le prétend
INI. L o c r é ? Est-ce tout simplement comme superflu, ainsi que le
soutient RI. Favard de Langlade?
Cette dernière opinion nous parait la plus admissible.
Quoi q u ’il en soit, le premier projet avait clé critiq u é, parce
q u ’il gardait le silence sur l’adoption des enfans naturels reconnus.
Les critiques furent renouvelées; le 4 nivôse, M. Tronchet fit la
proposition formelle d’exclure de l’adoption les enfans naturels re
connus; M. Portalis proposa de garder le silence sur ces adop
tions, et l’on doit convenir que le silence ici était très suffisant.
Les travaux furent suspendus et repris le 27 brumaire an 11 ;
les divers projets furent de nouveau débattus, et, dans cette même
séance,M . T reilh a rd , au sujet des enfans naturels,fit entendre ces
paroles remarquables : S 'ils sont reco n n u s , ils ne peuvent être
adoptés; s’ ils ne le sont p a s 3 leur origine est incertaine.
Celte opinion ne fut combattue par personne ; elle fut pleine
ment embrassée par M. Malleville : Je suis convaincu, ajouta ce
judicieux magistrat, que si la paternité a été reconnue , les ju g e s
ne peuvent n i ne doivent adm ettre Vadoption. (Favard de Lan
glade, Répertoire de législation, v° Adoption, section 2 , § 1 " . )
Après de longues discussions, dans lesquelles des opinions sou
vent opposées se croisèrent et se com battirent, opinions dont
nous n’avons dû produire que le court a b r é g é , la loi du 29 g e r
minal an 1 1 , lit. 8 du liv. 1 " du Code civil, sur l’Adoption, fut
adoptée et publiée le 12 du même mois. Les assertions de M. Locré
tombent, à notre avis, devant ces explications comme aussi devant
l’cconomic de la loi, car elle organise l'adoption de manière à la
�f 16 )
rendre incompatible avec les dispositions qui règlent le sort de
l’enfant naturel reconnu.
Observons q u e , depuis le 18 janvier 1792 jusqu’au 12 germinal
an 1 1 , un grand nombre d ’adoptions avaient eu lieu , avec des
formes et dans des conditions diverses, sans régularité, capri
cieusement, comme dans les temps antérieurs aux empereurs Justin
et Justinien. Il fallait régler le sort de ces adoptions. Ce fut l’objet
de la loi des 25 germ inal, 5 floréal an 1 1.
Cette loi, dans son article premier, dispose : « Toutes adop« tions faites par actes authentiques, depuis le 18 janvier 1 7 9 2 ,
* ju squ’à la publication des dispositions du Code civil relatives à
« l’adoption, seront valables, quand elles n ’auraient été accompa« gnées d’aucune des conditions imposées depuis |>our adopter et
« être adopté. »
Elle peut être comparée aux constitutions des empereurs Justin
et Justinien; celles-ci maintenaient les adoptions faites avant ou
depuis les constitutions de Zenon et d’Anastase, par respect pour
des droits acquis, et tout en flétrissant l’origine des droits q u ’elles
conféraient. L a loi des 25 germ inal, 5 floréal an 1 1 , maintint de
même les adoptions faites depuis le 18 janvier 179 2, par respect
aussi pour des droits acquis, et sans méconnaître que l’origine de
ces droits se trouvait en opposition avec les principes du nouveau
Code. Ce point est tellement incontestable, q u ’une jurisprudence,
à peu de chose près un iform e, déclara, par la suite, valables,
comme faites depuis le 18 ja n vier 1792 : i° l’adoption d ’un enfant
naturel reconnu; 20 l’adoption par un individu ayant des enfans
légitimes; 3° l’adoption d ’un enfant adultérin par son père ou sa
mère. Cour de cassation, 24 novembre 1806, — ¡¿4 juillet 1 8 1 1 , —
2 3 décembre 1 8 1 6 , — 9 février 1824.
Toutefois la législation devait tendre à s’épurer, et le nouveau
Code devait, à l’instar des constitutions de Justin et Justinien,
tendre à faire cesser le désordre; pour cela, il (allait repousser, du
�(17)
moins, form a negandi l’adoption des enfans naturels reconnus.
C est, selon nous, ce qui a eu lieu.
Tel a été, pour noire législation, le résumé historique de l’adop
lion; quant aux enfans naturels reconnus, nous avons cherché à
le donner avec le plus de concision possible, tout en désirant
néanmoins le présenter complet.
Passons maintenant à l’examen des textes de la loi, c’est-à-dire
aux moyens de cassation.
Les auteurs qui ont embrassé la doctrine de l’arrêt de Riom ont
été subjugués, on peut le dire, par celle idée unique, q u ’aucune
disposition, dans le Code civil ou ailleurs, ne prohibant l’adop
tion, admettre celte prohibition, serait établir une incapacité qui
pourtant n’est prononcée nulle part. C’est là tout le fond de leur
système.
Nous convenons que nulle part on ne rencontre une disposition
qui interdise littéralement l’adoption des enfans naturels; mais
est-il vrai qu’on puisse affirmer, d’une manière absolue, que les
actes qui ne sonl pas littéralement défendus par la loi sont par
cela même permis? A in si, pour ne pas prendre des exemples en
dehors de notre sujet, la loi n a sûrement dit nulle part que les
enfans incestueux ou adultérins ne pourront être adoptés, et ce
pendant les auteurs, sans exception, ne décident-ils pas qu ’ une
telle prohibition est plus qu’évidente? C’est que la loi se borne h
indiquer la règle et à poser les principes; ensuite elle laisse à ses
interprètes le soin d’en déduire les justes conséquences. Comme le
dit avec raison, sur ce p o in t, l’arrêt de R iom , la loi s’occupe des
cas ordinaires, puis elle laisse sous l’empire du droit commun et
de ses dispositions générales ceux q u ’elle n’a pas pris la peine de
spécifier.
Cela posé, si l’on parvient à démontrer que le but de l’adoption
et les principes qui la régissent, que le droit commun et les dispo3
�( '18 )
sitions générales du Code en celte matière répugnent h (’adoption
de l’eniánt naturel recon nu, si l’on rencontre enfin dans le Code
d’autres dispositions tout-à-fait inconciliables avec l’idée d ’une
pareille adoption, il faudra décider que la prohibition existe, tout
aussi bien que si elle était littéralement écrite dans le Code; car
tenir alors pour la prohibition, c’est tout simplement demeurci'
fidèle à l’esprit de la législation * et s’incliner devant Fniitorité de
la maxime si souvent appliquée, pro expressis habenlur qaœ ne*
cessario descendant ab expressis.
Jet ons u n c o u p d ’œi l s u r q u e l q u e s disposi tions g é né r al e s .
On a répété pour le Code civil, d ’après le droit romain : L ’adop
tion est une imitation de la nature, sinon complète, au moins aussi
exacte q u ’il a été permis de 1imaginer. Partant de ces idées, l’a
doptant doit être plus âgé que l’adopté; en principe, il doit avoir
quinze ans de plus (C o d e c iv il, art. 343 , 345) , c ’est-à-dire l’âge
rigoureux de la puberté. De même, nul ne peut être adopté par
plusieurs personnes; ces dispositions sont calquées sur les lois de
la nature sur le développement de la puberté, sur les conditions
physiques requises pour être père cl m ère, eniin sur celles de la
paternité et de la filiation qui sont une et indivisible.
Dans le Code civil comme dans le droit romain, l’adoption es!
envisagée comme une consolation offerte à ceux qui n’ont jamais eu
d’enfans, ont perdu les enfans q u ’ils avaient et n’ont plus l’espoir
d’en avoir d ’autres. L e but de l’adoption est de suppléer au défaut
de la nature, bien plus encore que de créer* ainsi que l’a prétendu
la Cour royale de Iliom , un état qui lie l’adoptant à l’adoptéi en les
unissant par des rapports de parenté et de famille.
Cela est si vrai que les art. 5 4 3 et 5 6 1 du Code civil d é c la re n t
q u e, soit pour adopter,, soit pour être tuteur ollicicux, il faut n’a
voir ni enfans ni descendans légitimes. A la vérité, la loi se sert
des mots cni'am légitimes t expression qui, d ’une p art, necontredil
�( <9 )
nullement l’adoption de l’enfant naturel reconnu, et qui, de l’autre,
semble autoriser le fait d’adoption envers un étranger en cas
d ’existence d’ un enfant naturel, issu de celui qui veut adopter.
Cependant il est douteux qu’une adoption quelconque pût être
permise à celui qui a déjà un enfant naturel reconnu. M. Rerlier, lors
de la présentation au corps législatif du titre de l’adoption, se servit
simplement du mot e n fa n t, sans ajouter de qualification; il est
donc permis de penser que les mots enfans légitimes, dans les ar
ticles précités, signifient enfans dont la filiation est constante ;
d’ailleurs personne n’oserait dire que ceux qui n’ont q u ’un enfant
naturel reconnu aient besoin de demander à la loi la consolation
d’une paternité fictive. Quant à la question d ’adoption par rapport
à l’enfant naturel, nous dirons que M. Dclvincourt, t. 1, p. 99 et
, définit l’adoption : un acte civil qui établit entre deux per
sonnes des rapports de parenté et de filiation qui n’existaient pas
naturellement; que M. Favard d c L a n g la d c , Répert. de législ., 1"
Adoption, f° 2, § 1, la définit : le choix pour enfant de celui qui
n’est pas tel par la nature.
La Cour royale de Riotn objecte que, d ’après les dispositions du
Code civ il, loin de s’identifier avec la famille nouvelle dans la
quelle il est admis, l’adopté reste, au contraire, dans sa famille
naturelle, y conserve scs droits, et ne fait q u ’en acquérir de nou
veaux, qu’il ajoute à ceux q u ’il possédait déjà.
Cela est v r a i , sans d o u t e ; mai s le Code civil n ’en s u p p o s e pas
m o i n s q u e l’a d o p t é a d éj à sa p r o p r e f a mi l l e ; q u e sa fami l le 11 est
pas la m ê m e q u e cel l e o ù l’adopt i on va le l ai re e n t r e r ;
le C o d e
parle d e p èr e et m è r e n a t u r e l s , et i mpos e l ’obli gati on d e r a p p o r t e r
l e u r co ns e nt e me n t à l’ado pt ion ( a r t .
3 /|6 ) ; d e plus il d i s po s e q u e le
nom d e l ’a do pt é vi e n dr a se j o i n d r e à celui d e l’a d o pt an t ( a r t . ^ 7 ) ;
enlin q u e l ’a do pt é restera d a n s sa famille na t urel le, et y c o n s e r v e r a
,$es droits.
�( 20 )
Si on essaie d'appliquer ces diverses dispositions à l’adoption
d’un enfant naturel déjà reconnu, on trouvera i° que la mère qui
doit consentir à l’adoption est la même que celle qui demande
à adopter; 20 que le nom de l’adopté est précisément celui q u ’il a
reçu de la personne môme qui va l'adopter; 3° que le nom d ’adop
tion est celui de la famille à laquelle appartient l’adopté, et que
cette famille, où il est déjà, est encore celle où pourtant l’adoption
a pour objet de le faire entrer. Ainsi la mère naturelle va devenir
la mère adoptive ; le nom de famille que l’on porte déjà deviendra
un nom d ’adoption, et la famille où l’on est déjà aussi va se trans
former en famille d’adoption. L e Code a-t-il voulu consacrer de
pareilles anomalies? Une adoption, faite dans de telles conditions,
ne présente-t-elle pas, légalement parlant, une véritable confusion,
une sorte de monstruosité, niullam absurditatem h a ben s, comme
disait Justinien? N’est—il pas permis de conclure que si les rédac
teurs du Code civil ont supprimé un article qui avait pour unique
objet de repousser de pareilles étrangetés, c ’est qu ’ils trouvaient
dans l’ensemble de la loi, au titre des successions, tout ce qui était
nécessaire pour les réputer proscrites?
On fait valoir q u ’en proscrivant l’adoption des enfans naturels, à
cause du fait antérieur de sa reconnaissance, on enlève le moyen
d ’empêcher l’adoption des enfans naturels non reconnus, fussent-ils
des enfans adultérins ou incestueux, et l’on ajoute que s’il est con
traire a la morale que l’adoption des enfans naturels reconnus soit
autorisée, il l’est bien plus assurément de laisser une telle latitude
a 1 égard des enfans non reconnus, qui ne seraient pas suscep
tibles d ’être avoués. Enfin qu’il y a de l’inconséquence à repousser
l’adoption pour les uns, parce que leur origine est constante, quand
on l’admet par rapport aux autres, par cela seul que la leur est
incertaine.
On ajoute encore q u ’il ne suffit pas, pour justifier une pareille
distinction faite entre personnes d ’une origine également vicieuse,
�(21 )
d ’alléguer que l’enfant naturel non reconnu est, dans le,sçns légal,
un étranger h sa famille; que le vice de la naissance n’en est pas
moins réel, quoique non révélé; que ce n’est pas de l’ignorançe
où l’on peut être des rapports qui lient l’enfant et le père naturel
que naît l’incapacité, si cette incapacité existe, mais q u ’elle tient au
fond des choses; d’où il suit que l’adoption de l’enfant non reconnu
n’est ni plus ni moins vicieuse que celle de l’enfant reconnu, et
que si l’on ne peut arriver à proscrire l’une, on ne doit pas tenter
de proscrire l’autre?
De tout quoi on conclut q u ’un système qui se prêterait si aisé
ment, à de telles contradictions, et consacrerait des résultats à la
fois si contraires à la raison et à la justice, ne peut manquer d e tre
repoussé.
La réponse à toutes ces espèces d ’objections se trouve dans ce peu
de mots prononcés par M. Treilhard à la séance du 27 brumaire
an i i : Les enfans n a turels , s’ils sont reconnus, ne peuvent être
a dop tés; s’ ils ne le sont p a s , leur origine est incertaine.
A insi, l’enfant naturel reconnu ne peut être adopté par celui
qui l ’a reconnu, précisément h cause de cette reconnaissance,
précisément parce q u ’à cause d ’elle la parenté et la filiation sont,
aux yeux de la loi, devenues constantes, d’ignorées qu'elles étaient.
Voilà pourquoi, dans un tel cas, les magistrats peuvent se refuser
et doivent le faire, à consacrer une adoption qui établirait une
double paternité, une double maternité, une double filiation entre
les mêmes personnes.
Il n ’en est pas de même quand il s’agit d’enfans naturels non
reconnus. Aux yeux de la loi, leurs père et mère sont incertains.
Eux-m êm c sont, par rapport à la famille à laquelle ils appartien
nent, réputés étrangers, advenæy comme disait Justinien, ce
q u ’admet sans doute le Code civil, qui ne leur accorde en pareil
cas aucun droit successif, pas même un droit aux alimens.
�Voilà tout le secret de ces prétendues inconséquences, de cette
injustice et de cette immoralité qui semblent offusquer si vivement
les magistrats de la Cour royale de Riom. Dans un cas, il y a ori
gine avouée reconnue par la loi. D ’un côté, il y a un enfant naturel,
de l’autre le père naturel, le père reconnu et avoué de ce même
enfant. Dans l’hypothèse contraire, la filiation est incertaine; il n’v
a de certain que le fait de bâtardise; quant à savoir quel est le
père de l’enfant, légalement parlant, il est inconnu.
Il est donc certain que l’enfant naturel reconnu ne peut passer
de cet état 'a celui d ’enfant adoptif. Ces deux qualités s’entrecho
qu en t, et rien n’autorise à penser qu ’il ait été dans l’esprit du lé
gislateur q u ’elles aient pu se confondre dans la même personne.
Il y a mieux ; il répugne à la raison, il répugne à la loi, que
des liens de famille plus étroits, que des rapports civils plus in
times qu’une filiation à un nouveau titre puissent s’établir entre
la mère et l’enfant reconnu. Disons même qu’en appelant à son aide
l’expédient de l’adoption, la mère qui a précédemment reconnu
l’enfant naturel q u ’elle veut s’attacher à titre d ’adoptante, fait quel
que chose de visiblement contradictoire avec son premier a c t e , et
ce premier acte, elle ne peut cependant le révoquer.
Poursuivons le cours de la discussion.
L ’adoption a pour objet, dit-o n, de conférer à l’enfant naturel
quelque chose de plus que ce que lui avait donné la simple re
connaissance; les liens qui l’unissaient à sa mère vont devenir
plus étendus et lui créer de nouveaux droits; à la place d’une
filiation naturelle, il va s’établir une filiation différente, plus avan
tageuse aux intérêts de l’adopté. C’est le langage île ia Cour r o y al e
de Riom ; elle aurait pu ajouter que cette filiation va c o n fé re r a
l’adopté l’aptitude à succéder, aptitude que sa qualité d ’enfant na
turel semblait exclure à jamais, sauf le cas de légitimation.
Puis la Cour ajoute que l’adoption n’est point une voie de Irans-
�( 23 )
mission des biens, niais au contraire un acte qui change I état
civil de l’enfant naturel et le place dans une condition sociale plus
élevée; qu ’à la vérité cet acte exerce une influence sur les droits de ,
successibilité en faveur de l’adopté, mais que c ’est un effet secon-*
daire qui ne peut altérer le caractère principal de l’adoption, en
core moins la faire proscrire à l’égard de l’enfant naturel quand un
pareil changement d ’état n’est prohibé par aucune disposition de loi.
A cette théorie, suivant nous purement subtile, nous ferons les
réponses suivantes. L ’adoption a quatre principaux effets :
i° Elle confère à l’adopté le nom de l’adoptant. C. civ., 547 *
Or l’adopté, c’est-à-dire l'enfant naturel reconnu* porte déjà le
nom q u ’il va être question de lui concéder.
2° L ’adoption établit entre l’adoptant et l’adopté l’obligation de
se fournir des alimens. C. civ., 34gOr cette obligation existe déjà du père à l’enfant naturel, par lé
àeul fait de la reconnaissance; l’adoption, sur ce point, n’ajoute
rien de plus, et ne diminue rien au caractère de l’obligation.
3° L ’adoption rend tout mariage prohibé entre l’adoptant et l’a
dopté. C. civ., 348 .
Ce t te p r oh i b i t i o n e xi st ant d é j à , il est i nu t il e d e la c r é e r .
Reste le quatrième et dernier effet de l’adoption. Elle rend l’a
dopté habile à succéder à l’adoptant aussi pleinement que s’il
était né en mariage. C. civ., 3'5o.
Nous convenons, par exem ple, que cette capacité n'existait pas
au profit de l’enfant .naturel avant l’adoption, et nous ajoutons
même que la loijveillait activement à ce q u ’elle île lui fût point con
férée par des voies indirectes.
Voyons si tel n’a pas été cependant le but et l'effet de l’adoption.
E lle , q u i, dans les cas ordinaires, est destinée à produire
xjualre effets principaux, n’en produira ici qu’un seul, et c’est
justement celui que la loi prohibe avec le plus de sévérité, purs-
�( 24 )
qu’elle porte ses prohibitions jusques sur les institutions directes,
indirectes, ou par interpositions de personnes.
On se borne à dire qu’en cas d ’adoption, la transmission des
biéhs ne dôit plus être considérée que comme un effet secondaire,
lequel ne peut influer s ù r la cause qui l’a produit, c’est-à-dire sur
l'adoption. Nous répondons que la cause et l’effet se touchent par
les côtés les plus intimes; et si le résultat que l'adoption amène à
sa suite est inadmissible, c’est que la cause elle-même l’est aussi.
En f a it , l’adoption n ’a dans ce cas spécial d’autre but que d’as
surer là transmission des biens; c’est, au surplus, en général, son
caractère dominant. -Le premier consul, après avoir échoué dans
son projet d ’assimiler l’adoption à la nature, au point que l’adopté
devînt étranger à sa propre fam ille, proposait de ne donner à l’a
doption d ’autre effet que celui d ’opérer une addition de nom cl une
transmission de biens, sans déranger les rapports formés par la na
ture entre l’adopté et sa famille naturelle. C ’est là, suivant nous,
l’idée qui a prévalu?
Ici l’adoption de l’enfant naturel doit donc être envisagée eu égard
au seul effet qu’elle a produit, le seul d ’ailleurs q u ’on ait voulu
obtenir; et, en revenant sur les faits de la cause, on peut ajouter
que c’est vers ce but unique que la dame Boirot a marché obsti
nément.
Ce but, c’était la transmission de ses biens. L a loi autorisaitelle cette transmission? Voilà toute la question. Un autre coup
d’œil jeté sur quelques autres dispositions du Code suffira pour
compléter la démonstration.
Le Code régie avec soin le sort des enfans naturels; il prend un
terme moyen entre une'sévérité ou une indulgence excessives;
il refuse aux enfans naturels la qualité d ’héritiers, et ne
accorde de droits que sur les biens d e leurs père et mère décédés.
Ces droits, sans changer de nature, varient de quotité, selon que
�(25)
les héritiers légitimes sont à un degré plus ou moins éloigné ;
enfin, ils s’élèvent à la totalité des biens s’il arrive que les père
et mère de reniant naturel ne laissent aucun parent au degré successible.
L e législateur croyait avoir assez fait pour cette classe de per
sonnes; il n’ignorait pas que souvent les fruits d ’un commerce illi
cite usurpent dans l’affection de leurs père et mère une place qui
ne doit point leur appartenir. Il a donc pris de sages mesures pour
comprimer les effets d’une générosité exercée en fraude de la fa
mille. V oilà pourquoi ont été établie^ mais q u ’on pent ne pas at
teindre ^ S c s l u n i t e s q u i l e n i n t ê r m t de dépasser.
Ainsi il a été admis que l’enfant naturel ou ses descendans se
raient tenus d ’imputer, sur les droits qui peuvent leur revenir, tout
cc qu’ils ont reçu de leurs père et mère (C. civ., art. 760) ;
Que les enfans naturels susceptibles, sous certaines conditions,
d’être réduits au-dessous de la part réglée par la loi, ne pourraient
néanmoins dans aucun cas recevoir, soit par donation entre-vifs,
soit par testament, rien au-delà de cette portion fixe ;
Enfin que toute disposition au profit d ’un incapable serait nulle,
soit q u ’on la déguisât sous la forme d ’un contrat onéreux, soit
qu ’on la fit sous le nom de personnes interposées (C. civ., art. 9 1 1 ) .
De telles dispositions sont sévères; mais elles étaient commandées
par le besoin d ’assurer la prééminence due au mariage. Elles ont
été admises dans ce but. En tout cas, elles révèlent l’esprit dans le
quel est conçue la législation.
Cela posé, voyons où l’on arrive par l’adoption faite au prolit
d’un enfant naturel reconnu. Il était simple successeur a titre sin
gulier d’une partie des biens; l’adoption en fait un héritier dans
toute l’étendue du mot. 11 recueillera la totalité du patrimoine, et
il exclura ni plus, ni moins, ni autrement que ne le ferait l’enfant
légitime, les héritiers du sang 011 l’héritier institué. Avec un tel
4
�systèm e, que deviennent les art. 767 et 908 du Gode civil? Que
devient l’art, g n qui déclare nulle toute disposition faite au profit
d ’un incapable, quel que soit le subterfuge em ployé, et quelle que
soit la dénomination q u ’on ait donnée à la libéralité ? — Revenons
donc aux vrais principes. L ’enfant naturel était-il incapable de
recevoir? Son incapacité, si elle existait, ne tenait-elle pas h son
origin e? en un mol au vice de sa naissance? Si telles étaient les
causes, ce double accident a-t-il été effacé par l’adoption?En est-il
moins un enfant naturel ? est-il enfant légitimé ? Voilà toujours à
quoi il faut en revenir.
Sou tiendrai t-on que l’adoption a ici un but plus élev^ÿ q u ’une
simple et matérielle transmission de patrimoine? Mais q u ’on y
prenne ga rd e, déjà il porte le nom de la personne qui l’a adopté,
déjà il est membre de la famille , déjà il est pour sa mère une
consolation à laquelle l’adoption n’ajoutera
certainement rien ;
seulement il n était pas héritier de sa mère , et partie du patrimoine
de celle-ci devait aller à la famille légitime.
Et voilà ce q u ’on a
voulu empêcher.
On le pouvait à l’aide d’une légitimation par mariage subséquent.
On a rejeté et on rejette cette voie. C ’est à l’adoption q u ’on s’ar
rête, et pourquoi à une adoption ? Parce que cet expédient assure,
avec moins de gêne personnelle pour l’adoptant, une aussi pleine
transmission de son hérédité que le ferail| une légitimation par
mariage subséquent. A vrai dire, elle n’a d ’autre objet que cette
transmission. N ’est-elle pas dès-lors une donation déguisée? Et que
servira d ’avoir prohibé les autres, si 011 tolère celle-ci?
La Cour royale de Riom fait à cet égard une distinction qui
est un pur sophisme. Suivant elle : « Les expressions dans les« quelles les articles 7 56 , 757 et y 58 sont conçus n’ont rien qui
« soit exclusif des personnes qui n ’y sont pas indiquées. Les dis« positions de ces articles sont uniquement relatives aux enfans
« naturels qui auraient été adoptés ; pour les entendre et les ap-
�(27)
« pliquer sainement, il ne faut pas les séparer de la qualité des
« personnes pour lesquelles elles ont été faites, c ’est-à-dire pour
« les enfans naturels reconnus, mais restés tels : si elles sont pro« hibitives, ce n’est évidemment que des droits qui dépasseraient
« en faveur de ces enfans ceux q u ’elles leur accordent, et non des
« droits dont elles ne parlent pas, et qui seraient la conséquence
« d’un titre sur lequel elles n’avaient pas à s’expliquer. »
Ce raisonnement, comme les précédens, repose sur une véritable
pétition de principes; il ne s’agit pas de savoir si l’on devra faire
application des articles précités à une adoption préjugée valable.
Il ne s’agit pas davantage de disserter sur l'étendue des droits de
l’enfant adoptif en thèse générale; l’unique question, au contraire,
est de savoir si l’enfant naturel est apte à devenir enfant adoptif,
et si une semblable adoption n ’est pas, dans l’exactitude du mot,
un moyen détourné dont le but est d’investir l’adopté de droits
qu’une qualité indélébile le rendait incapable de recueillir.
Est-il besoin de s’arrêter à cette objection, que si la prohibition
eût été dans les prévisions de la loi, on n ’eût pas mariqué!de la
placer au titre même de l’adoption, tandis que c ’est par la simple
voie des inductions qu’on l’a fait résulter de la combinaison des
art. 756, 757 et 908 au titre des Successions, où il n’y a de réglé
que la dévolution des biens?
Nous répondons que le Code civ il, dans le titre sur l’état des
personnes, se borne à régler la capacité des enfans naturels sans
distinction; et, quant aux droits qui leur appartiennent, il renvoie
à un autre titre, celui relatif aux différentes manières d’acquérir
la propriété; et c’est justement dans ce titre que se trouvent et les
art. 7 5 6 , 75 7, 768 et les art. 908 et 9 1 1 . L a Cour royale de Riom
feint toujours de délibérer sur les effets habituels de l’adoption,
quand, au contraire, le point mis en question était celui de savoir si
l’adoption dont il s’agit avait été une adoption valable.
Il reste, pour compléter celte discussion, peut-être déjà trop
�( 28 )
prolongée, à examiner un dernier argument reproduit également
dans l ’arrêt.
La Cour de Riom prétend que la défense d ’adopter l’enfant na
turel reconnu ne résulterait pas davantage des dispositions du
Code, touchant la légitimation ; q u ’il y a des différences telles, entre
les effets de l’adoption et ceux de la légitimation, qu’il n’est pas
possible de confondre l’une avec l’autre.
Que, comme l’adoption ne confère ni les droits ni le titre d’enfant
légitime, on devait en conclure q u ’elle ne se confond point avec
la légitimation, et que, par là même, elle n’est pas un moyen dé
tourné d ’appeler l’enfant naturel aux avantages d’une légitimation
qui ne peuvent lui être assurés que par le mariage de ses père et
mère.
Ce raisonnement, qui prouve peu de choses en soi, nous fournit
l’occasion d ’une remarque qui a son importance.
La loi, pour maintenir la faveur due au m ariage, déclare que
les enfans naturels, autres que les incestueux ou adultérins, pour
ront être légitimés par mariage subséquent, lorsqu’ ils auront été
légalement reconnus' avant le m a r ia g e , ou qu ils le seront dans
l’acte même de célébration.
Elle ajoute que les enfans légitimés par le mariage subséquent
auront les mêmes droits que s’ils étaient nés de cc mariage.
Il résulte de ces articles et de ceux qui suivent q u ’on ne peut
compter que quatre classes d’enfans naturels, ni plus ni moins :
i° Les enfans incestueux ou adultérins;
2° Les enfans naturels non reconnus;
5° Les enfans naturels reconnus, mais non légitimés;
4° Enfin les enfans naturels reconnus et puis légitimés par le ma
riage subséquent de leurs père et mère.
Voilà la nomenclature; mais, ni dans ces articles, ni ailleurs, il
n’est dit q u ’il y aura une cinquième classe d ’en fans naturels, classe
�(29)
qu i, avec le système que nous combattons, deviendrait peut*être
plus nombreuse que celle des enfans légitim es, tant les adoptions
deviendraient alors fréquentes, classe mixte qui prendra place entre
les enfans reconnus et les enfans légitimés, pour recueillir des avan
tages plus étendus que les premiers, quoique au-dessous de ceux at
tribués aux enfans légitimés. La loi n’a rien prévu de semblable,
et même à titre d ’induction, rien de pareil ne résulte de ses dispo
sitions.
Est-ce bien sérieusement, d'ailleurs, que l’on prétend établir une
différence entre l’adoption et la légitimation , quant au fait de trans
mission des biens paternels ou maternels? Les effets de l’une et
de l’autre sont, au contraire, à cet égard, pleinement identiques.
L ’eflet principal de la légitimation, c’est de réparer le vice de nais
sance et de rendre l’enfant légitimé apte à hériter de ses père e l
m ère, tout aussi bien que s'il était légitime; l’effet principal, et,
disons m ieux, l’efFet à peu près unique de l’adoption appliquée à
l’enfant naturel, c’est de le rendre apte à recueillir, dans la succes
sion de scs père et mère, les mêmes droits que s’il était légitime.
Par la légitimation et par l’adoption, c ’est donc toujours à une
question de transmission qu’on arrive.
Concluons : L’enfant légitime,
L ’ enfant lé g itim é ,
L’enfant adoptif recueillent égalem ent. la succession de leurs
père et m è r e ; l’enfant naturel reconnu est, au contraire, formel
lement exclu de cette faveur.
i
.
‘¡t »..*
L ’en investir par la voie détournée d ’une adoption, c ’est mettre a
la merci du père naturel le p o u v o ir d’effacer, quand il lui plaît,
dans la personne de son fils, et le vice de naissance et ^incapacité,
légale que de hautes considérations de décence publique ont fait
attacher à ce v ice ; c ’est rendre,pour l’avenir presque sans objet,
le titre de la légitimation par mariage subséquent. Pour assurer le
�sort de l’enfant n a tu re l, au lieu de le légitimer et de subir ainsi le
jo u g pesant d ’ une union mal assortie, on conférera l’adoption 011
l’on attendra pour la conférer qu’il y ait survenance quelcon
que d ’impossibilités au mariage subséquent. Ajoutons que s’il est
admis par la Cour suprême q u fil est licite d ’adopter son enfant
naturel quoique reconnu; q u ’ainsi l’a voulu et entendu le Code
civil, c’est q u ’alors de telles adoptions deviendront une règle com
m u n e , et les magistrats q u i , en cette m atière, sont investis d ’ un
pouvoir discrétionnaire, ne pourront même en user, dans de telles
circonstances, que de la manière la plus restreinte. Il suffira que le
père naturel vienne étaler ses titres pour que la toute-puissance
du magistrat soitcontrainte de s’humilier. Conçoit-on, en effet, que
sous l’empire d ’une loi qui serait déclarée avoir formellement au
torisé l’adoption de l’enfant naturel, un magistrat pût prendre sur
lui de priver le père et l’enfant d’un bénéfice q u ’ils tiennent de la
lo i? Ce serait une véritable sentence d’exhérédation.
- Quant à nous, nous le disons avec sincérité, notre conviction est
intime. L e Code a proscrit l’adoption des enfans naturels; mais si
le contraire était d é cid é , nous n’hésiterions pas à penser que pas
ijme seule de ces adoptions puisse être refusée. Sous quel pjrétexte le
serait-elle, dès q u ’il serait admis que l’adoption peut être revendi
quée par le père, comme l’exercice d’un droit et même l’accomplis
sement d ’un devoir? Avec un tel système que vont devenir, nous
ne dirbns pas la légitimation par mariage subséquent, mais même
l’institution sacrée du mariage ? — La Cour, nous osons l’espérer,
nc^fMüdra point aojisacrer une doctrine aussi funeste à la morale.
Elle n’a point eu h se prononcer jusqu’ici d ’ une manière déci
sive. L ors de l’arrêt du a/| novembre i 8 i 5 (Sirey, t. 16, t, p. 45),
' il's’a g issa itd ’un refus d’adoptiôn. On s’était pourvu contre l’arrêt
qui constatait ce refus. La Cour déclara le pourvoi non
recevablc,
•et fit très bien selon nous, car il in’y . avait nulle nécessité d’antici
per sur la solution du fond.
�( 51 >
La Cour y était cependant vivement sollicitée parle savant et digne
ch ef du parquet. « Cette audience serait à jamais mémorable* d i« sait ce magistrat, si la Cour pouvait placer du moins incidem« ment ou hypothétiquement dans ses motifs la déclaration du
« principe dont elle est animée. Quel beau jour pour la société!
« quel triomphe pour la morale! etc., etc. »
M. le procureur-général, après avoir rappelé q u e , lors de la dis
cussion du Code au sein du,,conseil d'Etat, le ch ef du gouverne
ment, le second consul, MM. Tronchet et Portalis s’étaient élevés
avec force contre l’adoption des enfans naturels,(ajoute ces propres
paroles : « D e u x conseillers d’Etat, MM. Treilhard et Jaubert,
« in’ont souvent dit : Soutenez, soutenez, celte opinion, elle finira
« par triompher devant tous les tribunaux. »
Son savant prédécesseur, M. Merlin, après s’être élevé de même
contre la doctrine aujourd’hui admise par la Cour de R i o m , ter
mine la lumineuse discussion qui se trouve au Répertoire (v° Adoption) , , p » » i ù u â l ^ r J f e r a n d
_^
é to f^ ç jr ie ijt^ '^ u t^ jjlljj)
sem ble, comme « r e g r e t , humilier sa raison sous le' joug d’y ne
nécessité mystérieuse.
-'
».v '
f
'
« Voilà, je c’r o is, tout ce q u ’on peut dire deVplus fort pour justi« fier les arrêts ci-dessus cités des Ç ^ iy^ d ’appel (^c^ari^^de
« et de Besançon. Il ne manquenflP inffhe rien, M ? ur j u s t i f i S m S \ \
a complète, s’il était bien constant que, dans la discussion du projet
"
Ic^ onAci,i ^
iV | ^
re3^ 2 jÉ \
« laissé entrevoie l’intention de-ne-pas autoriser l’allopnon l e s en« fans naturels Ifou bm ^it recqn iÿs.
. -• <
■
't.r
« Mais, sur ce point, on 1mmWgbrat^va*iri dmen t le recueil inti« tu 16 : Proccs-vcrbal de la discussion du projet d e C od e civil au
« conseil d 'J ït a t..»
Voilà devant quels prétextes s’incline M® M erlin, après avoir,
• v
�& «sb
( 32 )
nous osons le d ire, fait justice complète des argumens que nous
combattons avec lui.
Enfin la majorité, nous dirions presque l’unanimité des auteurs
c o n n u s, ont proscrit l’adoption des enfans naturels reconnus. De
nombreux arrêts aussi sont intervenus sur la question, et ils sont,
il est v r a i , en sens contraire; mais ceux q u ’on peut nous opposer
ont été rendus particulièrement depuis que le silence de la Cour
suprême a été expliqué comme favorable à l’adoption. Ces arrêts
se multiplient. Il est temps qu’un remède soit apporté, et ce re
m ède, nous l’implorons avec confiance de la sagesse de la Cour.
MANDAROUX V E R T A M Y ,
%
Avocat à la C ou r de cassation.
e u m li n i \
ff . do. Ajujdc' à
A "“*" (A ,
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l£ M V M
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IMPR IME RIE DE
M AD AM E POUSSIN RUE
MI GNO N, 2 .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Godemel
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boirot De Laruas, Louis-Pierre. 1841?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandaroux-Vertamy
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Louis-Pierre Boirot de Laruas, propriétaire ; contre dame Sophie-Mathilde Boirot, et le sieur Gilbert de Laplanche, son mari ; ladite dame Boirot, fille naturelle et adoptive de demoiselle Pétronille Boirot, décédée épouse Duval.
Annotations manuscrites. « 28 avril 1841, arrêt de la Cour de Cassation, chambre civile, rejette le pourvoi. Journal de la Magistrature et du Barreau, tome 9, p. 290. Sirey, tome 41, p. 273. 16 mars 1843. Arrêt contraire de la chambre civile, après partage. Sirey, 1843-1-177 ».
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Madame Poussin (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1841
1798-1841
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2820
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2818
BCU_Factums_G2821
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2821
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53576/BCU_Factums_G2820.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
Rights
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adoption
adultères
divorces
doctrine
enfants adultérins
enfants naturels
généalogie
Pater is est
Successions
successions collatérales
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07c5ea67f5e53dc9e814536e74a8c0cb
PDF Text
Text
COUR DE CASSATION.
CHAMBRË
MÉMOIRE
POUR
L ouis- P ierre BOIROT DE LARUAS, propriétaire;
CONTRE
Dame S ophie-M athilde B O IR O T , et le sieur GILBERT
DE L A PLA N C IIE, son m ari; ladite dame Boirot,
fille naturelle et adoptive de demoiselle Pétronille
Boirot, décédée épouse Duval.
QUESTION.
L ’enfant naturel, antérieurement reconnu par sa mère, peut-il
être, dans la suite, par elle adopté?
La Cour royale de R iom, dans l’arrêt dénoncé à la Cour, s’est
prononcée pour l’aff irmative . Félicitons-nous que cette importante
question , objet de si vives controverses, soit destinée cette fois à
recevoir une solution, qui fixera les incertitudes de la jurispru
DKS
REQUETES.
M. L E B E A U ,
C onseiller-R apporteur.
�( 2)
dence, car elle ne pouvait se présenter à la Cour posée dans des
ternies plus explicites.
Les laits de la cause sont, du reste, fort simples.
FAITS.
Dix mois environ après un divorce prononcé pour incompatibilité
d ’humeur, Anne-Pétronille Boirot donna le jour à une fille qui fut
inscrite, aux actes de l’état civil, sous le faux nom de Sophie
G ordon, née de père et mère inconnus.
Cet e n fa n t, d ’abord
élevé clandestinement, f u t , quatre ans
après sa naissance, placé dans la maison de sa m ère, et reçut le
nouveau nom de Mcilhilcle.
En 1804, Pétronille Boirot épousa en secondes noces le sieur
Duval. Dans le contrat, réglant les conventions civiles de ce ma
r ia g e , il est d it, entre autres choses,
que la jeune Mathilde,
désignée d’ailleurs comme fd le de Pétronille Boirot, aura, dans la
succession de sa m è r e , les mêmes droits que les erifans à naître
de l ’union projetée.
En 1 8 1 6 , jugement du tribunal de Riom q u i, sur la demande de
Pétronille Boirot, pour lors épouse Duval, ordonne la rectification
de l’acte de naissance de la jeune Malhilde, et qu’aux noms de
Sophie Gordon restent substitués ceux de M athilde Boirot.
J En 1817, mariage de Mathilde lîoirotavec le sieur de Laplanche.
Mathilde reçoit de nouveau la qualification de fille naturelle; puis
elle est gratifiée d ’une institution générale d’héritier, par sa mère,
la dame D u v a l, née Boirot.
Il devait en être de cette institution comme de la clause du
contrat de mariage de i8o/|; la dame Duval avait sans doute ce
�(5 )
pressentiment, quand elle s’est décidée à aviser à un dernier expé
dient, dans le but d’assurer à sa fille la pleine transmission de ses
biens.
L e 9.5 avril i
834 , elle s’est présentée devant
le juge de paix de
son domicile, et y a déclaré vouloir adopter Mathilde Boirot, sa
fille naturelle. Un ju gem ent, depuis confirmé par la Cour royale de
llio m , a accueilli cette adoption. Dans ces deux actes.on attribue
formellement à l’adoptée le titre de fille naturelle de l’adoptante.
L e décès de la dame Duval est survenu peu de temps après. La
prétendue fille adoptive s'est mise en possession des biens dépen
dant de la succession, évalués, dit-on , à /¡oo.ooo fr. environ.
Le sieur Pierre Boirot de L a r u a s , héritier du côté paternel, a
cru devoir réclamer la part de la succession revenant à cette ligne ;
de là la question du procès.
Le tribunal de Gannat a résolu celte question en faveur de l’e n
fant naturel. L a Cour de Riom a embrassé la même doctrine. Nous
nous bornerons donc à donner le texte fie cet arrêt. 11 porte :
« Considérant que l’on ne trouve dans le Code civil, au titre de
« l’adoption, ni ailleurs, aucune disposition prohibitive de la fa « culté d’adopter les enfans naturels par le père et la mère qui les
<( ont reconnus; —
Que l’on ne pourrait donc déclarer que cette
<* faculté a été interdite qu’en admettant une incapacité et une dé
fi fense qui n’ont point été prononcées par la loi ;
« Considérant que c ’est inutilement que l’on prétend, pour éta-« blir cette incapacité, (pie les principes qui déterminent la nature
« de l’adoption s’opposent à ce (pie les enfans naturels reconnus
k puissent en recevoir le bénéfice; — Que l ’on ne retrouve dans le
« Code civil ni les règles ni les défenses du droit romain, et q u ’on
« y chercherait vainement les conditions qui établissaient q u ’on
« a voulu faire de l’adoption une imilation exacte de la nature; —
« Q u e , d’après les dispositions q u ’il renferme, loin de s’identifier
�(*
)
« avec la famille nouvelle dans laquelle il est admis de manière à
« devenir étranger à celle qu’il avait, l’adopté reste, au contraire,
« dans cette dernière, y conserve tous scs anciens droits, et ne l'ait
« q u ’ajouter le nom de l’adoptant à celui q u ’il avait déjà : — Qu’il
n’est pas exact de dire que l’adoption ne confère à l’enfant wa
tt turel rien de plus que ce que lui avait donné la reconnaissance
« faite par son père; que les liens qui l’unissent à ce dernier après
« l'adoption, sont et plus étendus et plus resserrés en même temps;
« — Q u ’à la place d'une filiation naturelle, il s’est établi une filiation
« nouvelle, plus avantageuse et plus honorable aux yeux de la so
rt c i é î é , et que, dès lors, au lieu d’être indiqué dans les actes de
« l’état civil et dans les relations ordinaires de la vie sous le nom
r< de fils naturel, l’adopté ne le sera plus que sous celui de fils
« adoptif;
(t Considérant qu’on ne peut invoquer les articles
((
548
5/|6 , 347
et
du même Code pour en induire la conséquence que si la
« défense d ’adopter les enfans naturels reconnus, n’a pas été faite
« au père ou à la mère de ces enfans d’ une manière expresse, elle
<< se trouve du moins implicitement dans la loi; — Que les expres« sions dans lesquelles ces articles sont conçus n’ont rien qui soit
« exclusif des personnes qui n’y seraient pas indiquées; — Que la
« lo i, qui n’était pas uniquement faite pour les enfans naturels,
« n’a dû s’y occuper que des cas ordinaires, laissant sous l’empire
« du droit commun et de ces dispositions générales, ceux q u ’elle
v n’a pas désignés ; — ■
Q u ’on 11e pourrait donc conclure de la ma« nière dont elle s’est exprim ée, q u ’elle a défendu l’adoption des
« enfans naturels, à moins d ’établir qu’elle a créé une exception
« toute particulière contre celte classe d ’ individus;
«■Considérant que la défense d’adopter les enfans naturels re« connus n’existe pas davantage dans les dispositions du Code civil
« sur la légitimation, qui ne permettent pas de c o n f o n d r e l’une
« avec l’autre; que si, par la première, l’enfant reçoit une vie nou-
�( s )
« velle et des avantages qu’ il n’avait pas auparavant, les rapports
« civils et les droits q u ’il acquiert sont cependant bornés à un
« cercle étroit dans lequel la loi n’a pas restreint l’enfant légitimé,
« qui est considéré par elle comme l’enfant légitime et traité comme
« tel ; — Que l'adoption ne conférant ni les droits ni le titre d’en« fant légitime, on doit nécessairement en conclure q u ’elle ne se
« confond point avec la légitimation, et que, par là même, elle n’est
« pas un moyen détourné d ’appeler l’enfant naturel aux avantages
« d ’une légitimation qui ne peuvent lui être assurés que par le nia
it
riage de ses père et mère ;
« Considérant que l’adoption ayant pour but principal et direct
« de créer un état civil entre l’adoptant et l’adopté, en les unissant
« par des rapports de parenté et de famille, et les droits de succes« sibilité réciproque qui en dérivent n’en étant q u ’une conséquence
* « nécessaire, c’est le Code civil, qui a déterminé les règles de cet
« état et de la successibilité même qui en résulte, qu’ il faut inter« roger pour savoir quels sont ceux qui peuvent être adoptés; —
« Que, dès que l ’incapacité que l’on oppose aux enfans naturels
(( reconnus ne s’y trouve ni d ’une manière expresse ni d’une m a« nière implicite, on ne peut la chercher dans les articles 7 5 6 ,
« 7 5 7 , 908 et autres sur les successions qui n’ont statué sur la
« dévolution des biens que d ’après les principes et les règles pré« cédemment établis sur l’état des personnes, sans aucun retour
« sur ces principes et ces règles auxquels la législation n ’a pas
« songé à toucher; — Que les dispositions invoquées, uniquement
« relatives aux enfans naturels comme celles de l ’article
538 , 11e se
« sont point occupés des enfans qui auraient été adoptés; qu’ainsi,
« pour les entendre et les appliquer sainem ent, il ne faut pas les
« séparer de la qualité des personnes pour lesquelles elles ont été
« faites; que c ’est pour les enfans naturels r e c o n n u s , mais restés
« t e l s , qu’elles ont été créées; que si elles sont prohibitives, ce n’est
« évidemment que des droits qui dépasseraient en faveur de ces
�( « )
enfans ceux qu’elles leur accordent, et non des droits dont elles
ne parlent pas et qui seraient la conséquence d ’une qualité ou
d ’un litre sur lequel elles n ’avaient pas h s’expliquer; — Que ce
serait donc manifestement en étendre l’application et les effets à
des personnes et à des cas auxquels elles n’ont pas pensé, que
d’y voir la défense d ’adopter les enfans naturels reconnus, et de
leur donner par là les droits de successibilité que confère
l’adoption ;
« Considérant qu’on ne pourrait admettre que les dispositions
du Code civil qui bornent les droits des enfans naturels sur la
succession du père qui les a reconnus, renferment la défense, à
ce dernier, de les adopter qu'autant q u ’il existerait entre l’état
d’enfant naturel reconnu et celui d’enfant adoptif, une opposition
qui ne permettrait pas de les confondre en passant du premier
au second ; — Que cette opposilion n’ existe pas; qu’il ne répugne *
ni à la nature, ni à la raison, ni à la loi que des liens de famille
plus étroits, que des rapports civils plus intimes et plus étendus
s’établissent entre le père et le (ils naturel; qu’en usant du béné
fice de l’adoption, le père fait plus q u ’il n’avait fait par la recon
naissance; mais q u ’il ne fait rien de contradictoire à cc premier
acte qui ne pourrait avoir pour effet de l’enchaîner si irrévoca
blement, qu’il lui fût défendu d’améliorer, par les moyens que la
loi indique elle-même, l’état de son enfant;
« Considérant encore, sur les articles relatifs aux droits des enfans
naturels sur la succession de leurs père et m ère, que la loi leur
accorde dons le cas où il n’y a ni enfans légitimes ni héritiers
collatéraux, tons les biens de cette succession ; — Qu’alors l’ inca
pacité, q u ’on fait principalement résulter contre eux, pour l’adop
tion, de la restriction apportée h leurs droits sur ce point, d e v r a i t
nécessairement disparaître, puisque la base fondamentale donnee
à cette incapacité n’existerait p l u s ; — Qu’il faut donc conclure
de cette application de la loi , dont la justesse n e peut être con-
�(7 )
« tcslée, que des prohibitions, qui ne sont ni générales ni abso« lues, ne peuvent renfermer la défense que l’on veut en faire
« résulter;
« Considérant que l’argumentation que l’on a tirée contre l’a« doption des enfans naturels reconnus, de l’article 9 11 du Code
« civil, 11e présente pour raison de décider que la question même
t( q u ’il s’agit de résoudre ; — Qu’en admettant, en effet, q u ’on pût
« faire l'application des dispositions q u ’il renferme à un contrat
« aussi solennel que l’adoption, il faudrait toujours démontrer l’in« capacité de l’enfant naturel reconnu h être admis au bénéfice de
« l’adoption par ses père et mère ;
« Considérant que l'article
366 du
Code civil qu ’on a également
<t invoqué en le rapprochant des articles 90S et g i 1, établit dans le
« cas tout particulier qu’il prévoit, non une manière nouvelle de
« donner ou de transmettre par testament les biens de l’adoptant à
« l’adopté, mais bien un mode nouveau d’adoption que réclamaient
« l’intérêt de l’enfant et la position dans laquelle pouvait se trouver
« placé celui qui voudrait l’adopter; que si, alors, l’enfant acquiert
« des droits de successibilité sur les biens de ce d ern ier, c’est par
« une suite naturelle et nécessaire de l’adoption exceptionnelle
« dont il a été l’objet, et non parce que le testament où elle se
« trouve renferme en sa faveur une disposition de ces biens; —
« Qu’on ne pourrait donc lui appliquer les dispositions des ar« ticles 908 et 9 1 1 , et que ce serait encore la question de savoir
« s’il a pu être adopté ;
« Considérant enfin q u e s i , m algré le silence de la loi et la g é « néralité de ses dispositions , on proscrivait l’adoption des enfans
« naturels par le père et la m ère q ui les ont re c o n n u s , on n ’aurait
« aucun m o ye n , s a u f le pouvoir discrétionnaire des tr ib u n a u x , de
« prévenir celle des enfans naturels non re co n n u s, ou celle des
« enfans adultérins, in c e s tu e u x , dont l’origine ne serait pas attestée
�(8)
« par des faits incontestables; — Que s’il était immoral cependant
u de permettre l’adoption des enfans naturels reconnus , il ne le so« rait pas moins de laisser la liberté d ’appeler, par des moyens dé« tournés , ceux qui n ’ont pas été reconnus ou même ceux qui ont
« une origine plus vicieuse, au bénéfice de l’adoption, et q u ’il
« serait tout à la fois inconséquent et injuste de repousser sur ce
« point les premiers, parce que leur naissance est connue, et d ’ac« cueillir les seconds, parce que la leur est ignoi’ée; — Q u’on ne
« peut opposer, pour justifier une semblable distinction, que les
« enfans naturels non reconnus sont dans le sens légal des étran« gers aux yeux de la loi et de la justice ; — Que le vice de leur
u naissance n’est pas moins réel, pour n’avoir pas été révélé; —
« Que c’est non de l’ignorance où l’on peut être de cette origine ,
k niais de son existence même que l’incapacité qu ’on en fait ré« sulter, dépend; — Q u ’il arrivera néanmoins journellement que
« les enfans qui en sont frappés éluderont les dispositions probi« bitives de la lo i, par cela seul que le secret de leur naissance
« aura été soigneusement c a c h é , tandis que ceux qu’on aura re« reconnus en subiront toutes les rigueurs ; — Q u ’un système qui
« se prêterait si aisément à la violation de la loi et qui consacrerait
« des effets si contraires h la raison et à une exacte justice ne peut
« être admis ;
« Adoptant au surplus et sur les autres questions q u ’a présentées
« la contestation les motifs des premiers juges ;
« L a Cour a mis et met l’appellation au néant; ordonne que le
« jugem ent dont est appel sortira son plein et entier effet, et cou« damne l’appelant à l’amende et aux dépens. »
Cet a rrê t, suivant nous, a faussement appliqué l’art.
5/|3
du
Code c i v i l , et il a formellement contrevenu aux dispositions des
art. 757 cl yo8 du même Code. Telles sont les deux propositions
que nous avons à justifier.
�(9)
DISCUSSION.
On a dit de l’adoption q u ’elle était une imitation de la nature.
Nous répondons hard im ent q u ’elle en est à coup sûr une imitation
pâle et décolorée. Elle se glissa dans nos lois en 17 9 2. Nous
n’avons pas à en re ch e rch e r la raison ; mais on peut dire q u ’asse/.
étrangère à nos m œ u rs, elle a fini par se trouver réduite à ce q u ’elle
doit être
le don irrévocable de la succession.
L ’adoption n’est
rien de plus, selon n o u s , q u a n t au fond des ch ose s, et pour peu
q u ’on veuille écarter la m agie des mots.
Assurém ent nous n’entreprendron s pas de faire l’historique de
celte instituton appliquée au p eup le de R o m e . T o u te fo is , p u is
qu'elle a été présentée parm i nous com m e ayant sa principale source
dans les lois r o m a in e s , nous croyons utile de m ettre sous les yeu x
des m agistrats un exposé som m aire d e celte législation , relative
ment au point de vue q ui nous occupe.
L a question de savoir si l’enfant naturel pouvait être adopté par
ses père et m ère fut agitée et diversem ent résolue sous la législation
romaine.
L’adoption , ch ez les R o m a in s, était une imitation de la nature.
u Elle a clé im a g in é e , dit T h é o p h ile , com m e un m o ye n de con
s o l a t i o n p our ceux auxquels la nature a refusé le b onh eu r d’avoir
des t-ulans, ou q ui ont eu le m alh eur d e les perdre. »
De cette idée semblaient décou ler deux conséquences :
La p r e m iè r e , que celui qui avait déjà une postérité, soit c iv ile ,
soit naturelle, m;us néanmoins constante, 11e pouvait pas a d o p te r;
la loi romaine cependant n ’allait pas j u s q u e -là ; seulement elle d i
sait : N on débet quis p lu ies adrogarc nisi ea ju s ta causa (D. de
5
J d o p t . , I. * , §
5).
2
�( 10 )
La deuxième conséquence était que le père ou la mère ne pou
vait pas adopter, soit un (ils légitime, soit un fils naturel; cai
l’adoption était destinée à suppléer la nature, :r>ais nullement :•
resserrer des liens que la nature aurait déjà formés.
Ce dernier [joint nous paraît avoir été positivement admis par
le droit romain ; on trouve au Digeste des textes qui prouvent
cette vérité. Ainsi , la loi
de Adopdonibus dispose : eurri quem
qv.is adoptant t em ancipatum v eiia adoptionem datum non potest
adopiare.
Aucun autre lexte à notre connaissance ne contredit celui de
la loi ci-dessus.
On a prétendu le contraire. INI. Duranlon, tom.
3 , n. 293, a émis
l’opinion que la loi romaine permettait d’adopter son lils naturel,
et ce jurisconsulte s’est fondé sur la loi 46, au Digeste de ddoptionibus, ainsi conçue :
[ n seivitute me a qucesitu.s m iki fdius in polestalem m eam rédige
beneficio principis p o test, liberlinum t'ameri eam manere non
dubitatur.
On peut se demander si ce n’est pas de l’adoption p er legilimationem q u ’il est question dans cette loi. L ’aiTirmative, soutenue
par M. le procureur général près la Cour lie cassation, dans une
cause 011 il combattait l ’adoption de i’enfant naturel, est encore
corroborée par le texte des Novclles "/| et 8g.
Mais il est une autre réponse a faire à l’argument tiré de la
loi 4 6 , au D- de A d op t. Si l’esclave, devenu libre, peut, d ’après
cette loi, légitimer ou même adopter le fils qu’ il a eu dans l’escla
vage, c ’est que la loi romaine ne considérait pas l’esclave c o m m e
père; elle 11e reconnaissait point la paternité servile : le
père
e s c l a ve
était à peu de chose près réputé étranger.
Donc, suivant la législation du Digeste, un père ne pouvait adopter
son fils naturel quand la paternité et la filiation étaient légalement
�( U
)
constantes. ' Ces principes ont-ils été modifiés par la législation du
Code et des Novelles? Il est facile de s’assurer que non.
Des auteurs ont prétendu que l’empereur Anastnse avait d ’une
manière générale autorisé l’adoption des enfans naturels. Cette
assertion n’est q u ’une erreu r, et voici les faits qui ont pu l’accré
diter.
De telles adoptions avaient eu lieu dans des temps antérieurs à
An aslase, et elles avaient été confirmées p r l'empereur Zénun
(N Welle 8 a, quibus mollis naluralis ejftciantur m i).
Anastase (Cad. de naturalibus Liberis) avait décidé que ceux
q u i, n’ayant pas d ’erfans légitimes, vivaient dans le concubinage,
avaient 011 auraient à l’avenir des enfans issus de ce commerce,
les auraient sous leur puissance comme siens 3 et pourraient les
investir de leurs biens, par dernière volonté, par donation, ou
par tout autre mode de la loi. Il avait étendu le bénéfice de cette
constitution aux fils et filles déjà adoptés par leurs pères.
En ce qui concernait ces derniers, la constitution avait pour
objet de respecter des faits accomplis, beaucoup plus que d’auto
riser de telles adoptions pour l’avenir. Cependant elle fut inter
prétée dans ce dernier sens, et il est vrai de dire que depuis la
constitution d’Anastase comme antérieurement, on avait vu des
pères adopter leurs enfans naturels.
L ’empereur JuMicn voulut arrêter ce désordre, et ramener à
les principes plus sains : par la loi 7, Cod. de naturalibus, il
îonfirma d ’une manière générale
la constitution d ’Anastase en
'.c qui concernait les droits acquis. Il excepta seulement du bénéice de ses dispositions les fruits de l’inceste et de l’adultère ,
lefarium et infestum conjugium . Quant aux simples enfans na
turels, il déclara maintenir de telles adoptions, touché, disait-il,
d’une compassion dont n’étaient pas indignes qui vitio non suo
�( 12 )
Toutefois il eut soin d’ajouter : i n posterum vero sciant omnes,
legitimis matrimoniis legitim am sibiposteritatem quæ rendam , non
adrogationum vel adoptionum pretextus ; quæ u l t e r i u s minime
feren d œ sunl.
On peut lire cette constitution. Les termes en sont remarquables;
l’empereur appuie ses prescriptions, non pas sur les principes qui
régissaient la famille rom aine, et qui, nous en convenons, ne sont
pas tous applicables de nos jours; mais il les appuie sur les règles
de la m orale, et celles-là sont éternelles. Il ne veut pas que par un
subterfuge blâmable on prenne la qualité de père, lorsque la loi
s’y refuse.
3
L ’empereur Justinien ( Novelle 7 4 , ca p.
, de Legilim alione
p e r a d a p lio n em ) déclara expressément maintenir la constitution
qui précède.
8
Néanmoins, comme l’empereur Justin ( JSovelle g ) , il conserva,
seulement pour le passé, la constitution de l’empereur Zenon, ut. illos
quibus ea forte constitutio prodest, non h a c utilitate privaremus ;
il agit de même et par de semblables motifs h l’égard de celle de
l’empereur Anastase, déclarant au surplus approuver la constitution
de son père adoptif.
Non content de ces dispositions si formelles, il ajoute : N ovellc 89 ,
Quibus modis naturales cfficiuntur s u i, e t c . , cap. X I , § 2 ;
adoptionis aulem modum qu i f u i t olim a quibusdam ante nos
im peratoribus super naturalibus probatus non improbus t inve
nientes, secundum
paterna constitutonis virtutem, et nos sicuti
dictum e s t , encladim us , quoniam castitatem non perfecte consideravit et non erit dolens ut quæ
bene
e x c lu sa
su in t
, in rempu-
blicam rursus introducantur.
T el e s t , nous
le croyons du moins , l’historique fidèle de
la législation romaine sur la question soumise en ce moment ¡1
la Cour ; c ’est au nom de la morale, au nom de la décence, que
�( 13 )
les empereurs Justin cl Justinien ont proscrit l’adoption des milans
naturels; ils n’ont pas voulu q u ’elle pût devenir un prétexte pour
introduire des étrangers dans la famille ; enfin ils n’ont pas voulu
qu’on couronnât, par une adoption q u ’ils vont ju sq u ’à qualifier
A'absurde , des désordres qu’ils appelaient fla g itia .
Peut-on établir que lorsque l ’adoption a é t é admise dans noire
droit, il y ait eu la moindre pensée de dérogation aux règles qui
p r é c è d e n t ? C ’est ce que nous devons rechercher. Dans une question
de celte gravité, on nous permettra de jeter un coup d ’œil sur
l’historique de cette institution parmi nous. L es magistrats de la
Cour ne verront, nous l’espérons, dans ce soin, que le simple
désir de ne rien omettre.
On sait à quel propos l ’adoption fut tirée du droit romain pour
prendre place dans nos lois.
L e 18 janvier 1 7 9 2 , l’assemblée législative avait décrété que
son comité de législation comprendrait dans son plan général des
lois civiles* celles relatives à l’adoption.
Le 16 frimaire an
5,
la Convention nationale, à l’occasion d’une
difficulté qui lui était soumise par un ju ge de paix, déclara que l’a
doption avait été solennellement consacrée, et q u ’elle assurait un
droit dans la succession de l’adoptant. Voilà tout ce qui fut fait à
cette époque, nous négligeons les détails inutiles.
Les lois du temps avaient admis le principe de
l’adoption ;
mais elles n ’étaient pas allées plus loin ; aussi lorsque les rédac
teurs du Code civil abordèrent cette matière, ils n’avaient d’autre
précédent, on peut le d i r e , que les constitutions des empereurs
Justinet Justinien. Ces constitutions, on le sait, prohibaient, comme
a b su rd e, indécente et im m orale, l’adoption des enfans naturels par
leurs père et mère.
Un premier projet d'adoption fut présenté au conseil, le 6 frimaire
<m 10 ; 011 y agita la question de savoir si l ’adoption serait une
�i f {S
( 14 )
institut ion politique, une faveur accordée par exception à la loi
commune,;» titre de récompense, aux citoyens qui auraient rendu
de grands services à l’E t a t , ou si elle serait au contraire une insti
tution de droit commun : ce dernier parti obtint la préférence.
Le projet présenté fut l’objet de nombreuses critiques; on lui
reprochait, notamment, de ne pas interdire l’adoption des enfans
naturels, de l’autoriser p a rle silence, et d ’éluder ainsi les dispo
sitions de la lo i , qui réduisaient cette classe d ’enfans h une simple
créance sur la succession de leurs père et mère.
Ces objections reproduisaient le fond des idées de la loi romaine.
iVl. L o c r é , qui était, à ce q u ’il paraît, contraire à la prohibition,
a produit plus lard , à l’appui de sa propre opinion, de prétendus
procès-verbaux non imprimés des séances du conseil d’Etat, et il
a induit de la teneur de ces documeiïs qu'il n ’y avait eu de prohi
bition convenue qu'à l’égard des seuls célibataires; mais q u e , pour
l’homme marié, la prohibition ne lui serait point applicable. C’était
une singulière distinction à notre avis. ¡VI. Locré a soutenu néan
moins qu ’elle avail été ainsi comprise.
E nfin, a-t-il dit, une rédaction nouvelle fut présentée le ] f\ fri
maire; elle contenait un article ainsi conçu : « Celui qui a reconnu
i< dans les termes établis par
la loi un enfant né hors mariage.
*
O ’
« ne peut l’adopter ni lui conférer d ’autres droits que ceux qui ré« sultent de celte reconnaissance; mais, hors ce ca s, il ne sera
« admis aucune action tendant à prouver que l'enfant adopté est
« l’enfant naturel de l’adoptant. » O r, cet article, qui interdisait,
ajoute-t-on, implicitement du moins, l'adoption des enfans naturels
reconnus,, ayant été repoussé, il est permis de conclure que de
telles adoptions sont restées permises.
Tel est le fond du système de M. Locré. Nous n’en parlons q u a
cause du crédit qu’a pu lui prêter la position toute spéciale de son
�( '«5 )
auteur. Nous répondons à ce système q u ’en admettant l’existence
très contestable de ces procès-verbaux , en admettant mênii' leur
lbrce probante, ce qui est encore très contestable, on est toujours
en droit de se demander d où vient que 1 article en question a été
repoussé. E s t-c e
comme trop rigoureux, ainsi que le prétend
M. L o c r é ? Est-ce tout simplement comme superllu, ainsi que le
soutient M. Favard de Langlade?
Cette dernière opinion nous paraît la plus admissible.
Quoi qu’ il en soit, le premier projet avait été critiq u é, parce
q u ’ il gardait le silence sur l’adoption des enfans naturels reconnus.
Les critiques furent renouvelées; le l\ nivôse, M. Tronchet fil la
proposition formelle d’exclure de l’adoption les eafans naturels re
connus; M. Portalis proposa de garder le silence sur ces adop
tions, et l’on doit convenir que le silence ici était très suffisant.
Les travaux furent suspendus et repris le 27 brumaire an 11 ;
les divers projets fnrent de nouveau débattus, et, dans cette même
séance, M. Treilhard , au sujet des enfans naturels, fit entendre ces
paroles remarquables : S 'ils sont reconnus , ils ne peuvent être
adoptés; s'ils ne le sont p a s, leur origine est incertaine.
Cette opinion ne fut combattue par personne ; elle fut pleine
ment embrassée par M. Mallcville : J e suis convaincu, ajouta ce
judicieux magistrat, que si la paternité a été reconnue, les ju g e s
ne peuvent n i ne doivent admettre l'adoption. (Favard de Langlade, Répertoire de législation, v° Adoption, section 2 , § i ,r.)
Après de iongues discussions, dans lesquelles des opinions sou
vent opposées se croisèrent et se com battirent, opinions dont
nous n’avons dû produire que le court a b r é g é , la loi du 29 ger¡niiii.i an 1 1, tit. 8 du liv. 1 " du Code civil, sur l’Adoplion, fut
adoptée et publiée le 12 du même mois. Les assertions de M. Locré
tombent, à notre avis, devant ces explications comme aussi devant
l’économie de la loi, car elle organise l’adoption de manière à la
�( ™ )
rendre incompatible avec les dispositions qui règlent le sort de
l’enfant naturel reconnu.
Observons q u e , depuis le 18 janvier 1792 jusqu’au 12 germinal
an 11 , un grand nombre d ’adoptions avaient eu lieu , avec des
formes et dans des conditions diverses, sans régularité, capri
cieusement, comme dans les temps antérieurs aux empereurs Justin
et Justinien. Il fallait régler le sort de ces adoptions. Ce fut l’objet
de la loi des a
5 germinal, 5 floréal an
11.
Celte loi, dans son article premier, dispose : « Toutes adop« tions faites par actes authentiques, depuis le 18 janvier 1792 ,
« ju squ’à la publication des dispositions du Code civil relatives à
« l’adoption, seront valables, quand elles n ’auraient été accompa« gnées d’aucune des conditions imposées depuis pour adopter et
« être adopté. •
Elle peut êlre comparée aux constitutions des empereurs Justin
et Justinien; celles-ci maintenaient les adoptions faites avant ou
depuis les constitutions de Zénon et d’Anastase, par respect pour
des droits acquis, et tout en flétrissant l’origine des droits q u ’elles
conféraient. La loi des a
5 germ inal, 5 floréal an
1 1 , maintint de
même les adoptions faites depuis le 18 janvier 179 2 , par respect
aussi pour des droits acquis, et sans méconnaître que l’origine de
ces droits se trouvait en opposition avec les principes du nouveau
Code. Ce point est tellement incontestable, q u ’une jurisprudence,
à peu de chose près un iform e, déclara, par la suite, valables,
comme faites depuis le 18 ja n vier 1792 : i° l'adoption d ’un enfant
naturel reconnu; 2° l’adoption par un individu ayant des enfans
légitimes;
3° l’adoption d ’un enfant adultérin
par son père ou sa
mère. Cour de cassation, 24 novembre 1 8 0 6 ,— 24 juillet 1 8 1 1 , —
3
2 décembre 1 8 1 6 , — 9 février 1824.
Toutefois la législation devait tendre à s’épurer, et le nouveau
Code devait, à l’instar des constitutions de Justin et Justinien,
tendre h faire cesser le désordre; pour cela, il fallait repousser, d u
�Cw
)
moins, form a negandi l’adoption des enfans naturels reconnus.
G est, selon nous, ce qui a eu lieu.
Tel a été, pour noire législation, le résumé historique de l’adop
tion; quant aux enfans naturels reconnus, nous avons cherché à
le donner avec le plus de concision possible, tout en désirant
néanmoins le présenter complet.
Passons maintenant h l'examen des textes de la loi, c’est-à-dire
aux moyens de cassation.
Les auteurs qui ont embrassé la doctrine de l’arrêt de Riom ont
été subjugués, on peut le dire, par celte idée unique, q u ’aucune
disposition, dans le Code civil ou ailleurs, ne prohibant l’adop
tion, admettre cette prohibition, serait établir une incapacité qui
pourtant n’est prononcée nulle part. C’est là tout le fond de leur
système.
Nous convenons que nulle part on ne rencontre une disposition
qui interdise littéralement l'adoption des enfans naturels ; mais
est-il vrai qu’on puisse affirmer, d’une manière absolue, que les
actes qui ne sont pas littéralement défendus par la loi sont par
cela même permis? A in si, pour ne pas prendre des exemples en
dehors de notre sujet, la loi n’ a sûrement dit nulle part que les
enfans incestueux ou adultérins ne pourront être adoptés, et ce
pendant les auteurs, sans exception, ne décident-ils pas q u ’une
telle prohibition est plus qu’évidente? C’est que la loi se borne à
indiquer la règle et à poser les principes ; ensuite elle laisse à ses
interprètes le soin d’en déduire les justes conséquences. Comme le
dit avec raison, sur ce point, l’arrêt de R iom , la loi s’occupe des
cas ordinaires, puis elle laisse sous l’empire du droit commun et
de ses dispositions générales ceux q u ’elle n’a pas pris la peine de
spécifier.
Cela posé, si l’on parvient à démontrer que le but de l’adoption
et les principes qui la régissent, que le droit commun et les dispo
�sitions générales du Code en celte matière répugnent à l'adoption
de l’enf’ant naturel reconnu, si l’on rencontre enfin dans le Code
d’autres dispositions tout-à-fait inconciliables avec l’idée d ’une
pareille adoption, il faudra décider que la prohibition existe, tout
aussi bien que si elle était littéralement écrite dans le Code; car
tenir alors pour la prohibition, c’est tout simplement demeurer
fidèle à l’esprit de la législation, et s’incliner devant l’autorité de
la maxime si souvent appliquée, p ro erpressis habentur qnœ ne*
eessario descendant ah expressis.
Jetons un coup d’œil sur quelques dispositions générales.
On a répété pour le Code civil, d ’après le droit romain : L ’adop
tion est une imitation de la nature, sinon complète, au moins aussi
exacte qu'il a été permis de l’imaginer. Partant de ces idées, l'a
doptant doit être plus âgé que l’adopté; en principe, il doit avoir
quinze ans de plus (C o d e c i v i l , art. /f ,
), c ’est-à-dire l’âge
5 3 345
rigoureux de la puberté. De même, nul ne peut être adopté par
plusieurs personnes; ces dispositions sont calquées sur les lois de
la nature sur le développement de la puberté, sur les conditions
physiques requises pour être père et m ère, enfin sur celles de la
paternité et de la filiation qui sont une et indivisible.
Dans le Code civil comme dans le droit romain, l’adoption est
envisagée comme une consolation offerte à ceux qui n’ont jamais eu
d’enfans, ont perdu les enf’ans q u ’ils avaient et n'ont plus l’espoir
d’en avoir d ’autres. L e but de l’adoption est de suppléer au défaut
de la nature, bien plus encore que de créer, ainsi que l’a prétendu
la Cour royale de Uiom , un état qui lie l’adoptant à l’adopté, en les
unissant par des rapports de parenté et de famille.
Cela est si vrai que les art.
345 et 56 1
du Code civil d é c l a r e n t
q u e, soit pour adopter, soit pour être tuteur oflicieux, il faut u’avoir ni enfaus ni descerulans légitimes. A la vérité, la loi se sert
des mots enfans légitim es, expression qui, d ’une part, ne contredit
�( -19 )
nullement l'adoption de l’enfant naturel reconnu, et qui, de l’autre,
semble autoriser le fait d’adoption envers un étranger en cas
d ’existence d’ un enfant naturel, issu de celui qui veut adopter.
Cependant il est douteux qu ’une adoption quelconque pût être
permise à celui qui a déjà un enfant naturel reconnu. M. Berlier, lors
de la présentation au corps législatif du titre de l’adoption, se servit
simplement du mot e n ja n t, sans ajouter de qualification; il est
donc permis de penser que les mots enfans légitimes, dans les ar
ticles précités, signifient enfans dont la filiation est constante ;
d’ailleurs personne n’oserait dire que ceux qui n’ont q u ’un enfant
naturel reconnu aient besoin de demander à la loi la consolation
d’ une paternité fictive. Quant à la question d ’adoption par rapport
à ]’e::fant naturel, nous dirons que M. Delvincourt, t. 1, p. 99 et
5
ü a , définit l’adoption : un acte civil qui établit entre deux per
sonnes des rapports de parenté et de filiation qui n’existaient pas
naturellement; que M. Favard d e L a n g la d e , Répert. de législ., \°
Adoption, f° 2, § 1, la définit : le choix pour enfant de celui qui
n’est pas tel par la nature.
La C o u r royale de R iom objecte q u e , d ’après les dispositions du
Code c i v i l , loin de s’identifier avec la famille nouvelle dans la
quelle il est a d m is, l’adopté re ste, au contraire, dans sa famille
naturelle, y conserve scs d ro its , et ne fait q u ’en a cq u érir de nou
veaux, q u ’il ajoute à ceux q u ’il possédait déjà.
Cela est v r a i, sans doute; mais le Code civil n’en suppose pas
moins que l’adopté a déjà sa propre famille; que sa famille n’est
pas la même que celle où l’adoption va le faire entrer; le Code
parle de père et mère naturels, et impose l’obligation de rapporter
leur consentement à l'adoption (art.
546 );
de plus il dispose que le
nom de l’adopté viendra se joindre à celui de l’adoptant (art. 5 4 7 );
enfin que l'adopté restera dans sa famille naturelle, et y conservera
fses droits.
�( 20 )
Si on essaie d’appliquer ces diverses dispositions à l’adoplion
d’un enfant naturel déjà reconnu, on trouvera i° que la mère qui
doit consentir à l’adoption est la même que celle qui demande
à adopter; 20 que le nom de l’adopté est précisément celui qu’ il a
reçu de la personne même qui va l’adopter;
3° que
le nom d ’adop
tion est celui de la famille à laquelle appartient l’adopté, et. que
cette famille, où il est déjà, est encore celle où pourtant l’adoption
a pour objet de le faire entrer. Ainsi la mère naturelle va devenir
la mère adoptive; le nom de famille que l’on porte déjà deviendra
un nom d’adoption, et la famille où l’on est déjà aussi va se trans
former en famille d’adoption. L e Code a-t-il voulu consacrer de
pareilles anomalies? Une adoption, faite dans de telles conditions,
ne présente-t-elle pas, légalement parlant, une véritable confusion,
une sorte de monstruosité, m ultam absurditatem h aben s, comme
disait Justinien ? N’est-il pas permis de conclure que si les rédac
teurs du Code civil ont supprimé un article qui avait pour unique
objet de repousser de pareilles étrangetés, c’est q u ’ils trouvaient,
dans l’ensemble de la loi, au titre des successions, tout ce qui était
nécessaire pour les réputer proscrites ?
On fait valoir q u ’en proscrivant l’adoption des enfans naturels, à
cause du.fait antérieur de sa reconnaissance, on enlève le moyen
d ’empêcher l’adoption des eniàns naturels non reconnus, fussent-ils
des enfans adultérins ou incestueux, et l ’on ajoute que s’il est con
traire à la morale que l’adoption des enfans naturels reconnus soit
autorisée, il l’est bien plus assurément de laisser une telle latitude
à l’égard des enfans non reconnus, qui ne seraient pas suscep
tibles d ’être avoués. Enfin qu’il y a de l’inconséquence à repousser
l’adoption pour les uns, parce que leur origine est constante, quand
on l’admet par rapport aux autres, par cela seul que la leur est
incertaine.
On ajoute encore q u ’il ne suflit pas, pour justifier une pareille
distinction faite entre personnes d’une origine é g a l e m e n t vicieuse,
�(21 )
d ’iilléguer que l’enfant naturel non reconnu est, dans le sens légal,
un étranger h sa famille; que le vice de la naissance n’en est pas
moins réel, quoique non révélé; que ce n’est pas de l’ignorance
où l’on peut être des rapports qui lient l’enfant et le père naturel
que naît l’incapacité, si cette incapacité existe, mais q u ’elle tient au
fond des choses; d’où il suit que l’adoption de l’enfant non reconnu
n'est ni plus ni moins vicieuse que celle de l’enfant reconnu, et
que si l’on ne peut arriver à proscrire l’une, on ne doit pas tenter
de proscrire l’autre Í
De tout quoi on conclut q u ’un système qui se prêterait si aisé
ment à de telles contradictions, et consacrerait des résultats à la
fois si contraires h la raison et à la justice, ne peut manquer d ’être
repoussé.
La réponse à toutes ces espèces d ’objections se trouve dans ce peu
de mots prononcés par M. Treilhard à la séance du 27 brumaire
an 11 : Les enfans naturels, s'ils sont reconnus, ne peuvent être
a dop tés y s’ ils ne le sont p a s , leur origine est incertaine.
A in si, l’enfant naturel reconnu ne peut être adopté par celui
qui l’a reconnu, précisément à cause de cette reconnaissance,
précisément parce qu’à cause d’elle la parenté et la filiation sont,
aux yeux de la loi, devenues constantes, d’ignorées qivelles étaient.
Voilà pourquoi, dans un tel cas, les magistrats peuvent se refuser
et doivent le faire, à consacrer une adoption qui établirait une
double paternité, une double maternité, une double filiation entre
les mêmes personnes.
Il n’en est pas de même quand il s’agit d’enfans naturels non
reconnus. Aux yeux de la loi, leurs père et mère sont incertains.
Eux-m ême sont, par rapport à la famille à laquelle ils appartien
nent, réputés étrangers, advenœ, comme disait Justinien, ce
q u ’admet sans doute le Code civil, qui ne leur accorde en pareil
«as aucun droit successif, pas même un droit aux alimens.
�4A :"\
( 22)
Voilà tout le secret de ces prétendues inconséquences, de celle
injustice et de cette immoralité qui semblent offusquer si vivement
les magistrats de la Cour royale de Riom. Dans un cas, il y a ori
gine avouée reconnue par la loi. D ’un côté, il y a un enfant naturel,
de l'autre le père naturel, le père reconnu et avoué de ce même
enfant. Dans l’hypothèse contraire, la filiation est incertaine; il n'v
a de certain que le fait de bâtardise; quant à savoir quel est le
père de l’enfant, légalement parlant, il est inconnu.
Il est donc certain que l’enfant naturel reconnu ne peut passer
de cet état à celui d ’enfant adoptif. Ces deux qualités s’entrecho
quen t, et rien n’autorise à penser qu’il ait été dans l’esprit du lé
gislateur q u ’elles aient pu se confondre dans la même personne.
Il y a mieux ; il répugne à la ra iso n , il répugne à la lo i, que
des liens de famille plus étroits, que des rapports civils plus in
times qu’une filiation à un nouveau titre puissent s’établir entre
la mère et l’enfant reconnu. Disons même qu’en appelant à son aide
l’expédient de l’adoption, la mère qui a précédemment reconnu
l’enfant naturel q u ’elle veut s’attacher à titre d ’adoptante, fait quel
que chose de visiblement contradictoire avec son premier a c te , et
ce premier acte, elle ne peut cependant le révoquer.
Poursuivons le cours de la discussion.
L ’adoption a pour objet, dit-o n , de conférer à l’enfant naturel
quelque chose de plus que ce que lui avait donné la simple re
connaissance; les liens qui l’unissaient à sa mère vont devenir
plus étendus et lui créer de nouveaux droits; à la place d ’une
filiation naturelle, il va s’établir une filiation différente, plus avan
tageuse aux intérêts de l’adopté. C’est le langage de la Cour royale
de Riom ; elle aurait pu ajouter que celle filiation va conférer à
l’adopté l’aptitude à succéder, aptitude que sa qualité d ’ e n f a n t na
turel semblait exclure à jamais, sauf le cas de légitimation.
Puis la Cour ajoute que l’adoption n’est point une voie de Irans*
�(23)
mission des biens, mais au contraire un acte qui change l'état
civil de l’enfant naturel et le place dans une condition sociale plus
élevée; qu’à la vérité cet acte exerce une influence sur les droits de
successibilité en faveur de l’adopté, mais que c’est un effet secon*
«faire qui ne peut altérer le caractère principal de l’adoption, en
core moins la faire proscrire à l’égard de l’enfant naturel quand un
pareil changement d ’étal n'est prohibé par aucune disposition de loi.
A cette théorie, suivant nous purement subtile, nous ferons les
réponses suivantes. L ’adoption a quatre principaux effets :
i° Elle confère à l’adopté le nom de l’adoptant. C. civ., 347.
Or l'adopté, c ’esl-à-dire l'enfant naturel reconnu, porte déjà le
nom q u ’il va être question de lui concéder.
y.° L ’adoption établit entre l’adoptant et l’adopté l’obligation de
se fournir des alimeiib. C. civ.,
349-
Or cette obligation existe déjà du père à l’enfant naturel, par le
seul fait de la reconnaissance; l’adoption, sur ce point, n’ajoute
rien «le plus, et ne diminue rien au caractère île l’obligation.
3° L ’adoption
rend tout mariage prohibé entre l’adoptant et l’a
dopté. C. civ., 348.
Cette prohibition existant déjà, d est inutile de la créer.
Reste le quatrième et dernier effet de l’adoption. Elle rend l’a
dopté habile à succéder à l’adoptant aussi pleinement que s’il
était né en mariage. C. c i v . ,
35o.
Nous convenons, par exem ple, que celte capacité n’existait pas
au profit de l’enfant naturel avant l’adoption, et nous a j o u t o n s
même que la foi ¿veillait activement à ce qu’elle 11e lui fût point con
férée par des voies indirectes.
Voyons si tel n’a pas été cependant le but et l’eflet de l’adoption.
E lle, q u i , dans les cas ordinaires, est destinée a produire
quatre effets principaux, n’en produira ici qu’un seul, et e’esl
justement celui que la loi prohibe avec le plus de sévérité, puis-
�qu’elle porte ses prohibitions jusques sur les institutions directes,
indirectes, ou par interpositions de personnes.
On se borne à dire qu’en cas d ’adoption, la transmission des
biens ne doit plus être considérée que comme un effet secondaire,
lequel ne peut influer sur la cause qui l’a produit, c’est-à-dire sur
l’adoption. Nous répondons que la cause et l’effet se touchent par
les côtés les plus intimes; et si le résultat que l'adoption amène à
sa suite est inadmissible, c'est que la cause elle-même l’est aussi.
En fait , l’adoption n ’a dans ce cas spécial d’autre but que d’as
surer la transmission des biens; c’est, au surplus, en général, son
caractère dominant. Le premier c o n su l, après avoir échoué dans
son projet d’assimiler l’adoption à la nature, au point que l’adopté
devînt étranger à sa propre famille, proposait de ne donner à l’a
doption d ’autre effet que celui d ’opérer une addition de nom et une
transmission de biens, sans déranger les rapports formés par la na
ture entre l’adopté et sa. famille naturelle. C ’est l à , suivant nous,
l ’idée qui a prévalu?
Ici l’adoption de l’enfant naturel doit donc être envisagée eu égard
au seul effet qu’elle a produit , le seul d ’ailleurs q u ’on ait voulu
obtenir; et, en revenant sur les faits de la cause, on peut ajouter
que c’est vers ce but unique que la dame Boirot a marché obsti
nément.
Ce b u t, c’était la transmission de ses biens. L a loi autorisaitelle cette transmission? Voilà toute la question. Un autre coup
d’œil jeté sur quelques autres dispositions du Code suffira pour
compléter la démonstration.
Le Code régie avec soin le sort des enfans naturels; il prend un
terme moyen entre une sévérité ou une indulgence e x c e s s i v e s ;
il refuse aux enfans naturels la qualité d ’héritiers, et ne leur
accorde de droits (pie sur les biens de leurs père et mère décédés.
Ces d ro its, sans changer de nature, varient de quotité, selon que
�( 25 )
les héritiers légitimes sont à un degré plus ou moins éloigné ;
enfin, ils s’élèvent à la totalité des biens s'il arrive que les père
et mère de l’enfant naturel ne laissent aucun parent au degré successible.
L e législateur croyait avoir assez fait pour cette classe de per
sonnes; il n’ignorait pas que souvent les fruits d ’un commerce illi
cite usurpent dans l'affection de leurs père et mère une place qui
ne doit point leur appartenir. Il a donc pris de sages mesures pour
comprimer les effets d'une générosité exercée en fraude de la fa
mille. Voilà pourquoi ont été établies/mais qu ’on peut ne pas at
teindre, ^ e sjim ite sc p ^ ilje stir^ rd it de dépasser^
Ainsi il a été admis que l’enfant naturel ou ses descendans seraient tenus d ’imputer, sur les droits qui peuvent leur revenir, tout
ce qu’ils ont reçu de leurs père et mère (C. civ\, art. 760) ;
Que les enfans naturels susceptibles, sous certaines conditions ,
d’être réduits au-dessous de la part réglée par la loi, ne pourraient
néanmoins dans aucun cas recevoir, soit par donation entre-vifs
soit par testament, rien au-delà de celte portion fixe;
Enfin que toute disposition au profit d ’un incapable serait nulle,
soit q u ’on la déguisât sous la forme d ’un contrat onéreux, soi
qu'on la fit sous le nom de personnes interposées (C. civ., art. g i 1)
De telles dispositions sont sévères; mais elles étaient commandée;
par le besoin d ’assurer la prééminence due au mariage. Elles oui
été admises dans ce but. En tout cas, elles révèlent l’esprit dans le
quel est conçue la législation.
Cela posé, voyons où l’on arrive par l’adoption faite au prolit
d'un enfant naturel reconnu. Il était simple successeur à titre sin
gulier d’une partie des biens; l’adoption en fait un héritier dans
toute l’étendue du mot. Il recueillera la totalité du patrimoine, et
il exclura ni plus, ni moins, ni autrement que ne le ferait l’enfant
légitime, les héritiers du sang 011 l’héritier institué. Avec un tel
4
�( 26)
système, que deviennent les art. '¡S'] et 908 du Code civil? Que
devient l’art, g i 1 qui déclare nulle toute disposition faite au profit
d ’un incapable, quel que soit le subterfuge em ployé, et quelle que
soit la dénomination q u ’on ait donnée à la libéralité i — Revenons
donc aux vrais principes. L ’enfant naturel était-il incapable de
recevoir? Son incapacité, si elle existait, ne tenait-elle pas à son
origine? en un mot au vice de sa naissance? Si telles étaient les
causes, ce double accident a-t-il été effacé par l’adoption? En est-il
moins un enfant naturel ? est-il enfant légitimé ? Voilà toujours à
quoi il faut en revenir.
-
------
Soutiendrait-on'^p.ic.l’adoption a-ici un but plus élevé q u ’une
simple et matérielle transmission de patrimoine? Mais q u ’on y
prenne g ard e, déjà il porte le nom de la personne qui l’a adopté,
déjà il est membre de la famille , déjà il est pour sa mère une
consolation à laquelle l’adoption n’ajoutera certainement rien ;
seulement il n’était pas héritier de sa m è re , et partie du patrimoine
de celle-ci devait aller à la famille légitime. Et voilà ce q u ’on a
voulu empêcher.
On le pouvait à l’aide d’une légitimation par mariage subséquent.
On a rejeté et on rejette cette voie. C ’est à l’adoption q u ’on s’ar
rête, et pourquoi à une adoption? Parce que cet expédient assure,
avec moins de gêne personnelle pour l’adoptant, une aussi pleine
transmission de son hérédité que le ferait] une légitimation par
mariage subséquent. A vrai dire, elle n’a d ’autre objet que cette
transmission. N ’est-elle pas dès-lors une donation déguisée? Et que
servira d ’avoir prohibé les autres, si on tolère celle-ci?
La Cour royale de Riom fait à cet égard une distinction qui
est un pur sophisme. Suivant elle : « Les expressions dans les« quelles les articles
756 , ^5^ et
758 sont conçus n’ont rien qui
« soit exclusif des personnes qui n ’y sont pas indiquées. Les dis« positions de ces articles sont uniquement relatives aux enfans
« naturels qui auraient été adoptés ; pour les entendre et les ap-
�(27)
« pliquer sainement, il ne faut pas les séparer de la qualité des
« personnes pour lesquelles elles ont été faites, c’est-à-dire pour
« les enfans naturels recon n us, mais restés tels : si elles sont pro« hibitives, ce n’est évidemment que des droits qui dépasseraient
« en faveur de ces enfans ceux q u ’elles leur accordent, et non des
« droits dont elles ne parlent pas, et qui seraient la conséquence
« d’un titre sur lequel elles n’avaient pas à s’expliquer. »
Ce raisonnement, comme les précédens,repose sur une véritable
pétition de principes ; il ne s’agit pas de savoir si l’on devra faire
application des articles précités à une adoption préjugée valable.
Il ne s’agit pas davantage de disserter sur l’étendue des droits de
l’enfant adoptif en thèse générale; l’unique question, au contraire,
est de savoir si l’enfant naturel est apte à devenir enfant adoptif,
et si une semblable adoption n ’est pas, dans l’exactitude du mot,
un moyen détourné dont le but est d’investir l’adopté de droits
qu’une qualité indélébile le rendait incapable de recueillir.
Est-il besoin de s’arrêter à cette objection, que si la prohibition
eût été dans les prévisions de la loi, on n’eût pas manqué de la
placer au titre même de l’adoption, tandis que c ’est par la simple
voie des inductions qu’on l’a fait irésulter de la combinaison des
art. 756, 757 et 908 au titre des Successions, où il n’y a de réglé
que la dévolution des biens?
Nous répondons que le Code civil, dans le titre sur l’état des
personnes, se borne à régler la capacité des enfans naturels sans
distinction; et, quant aux droits qui leur appartiennent, il renvoie
à un autre titre, celui relatif aux différentes manières d’acquérir
la propriété; et c’est justement dans ce titre que se trouvent et les
56 , 757,
art. ^
758 et les art. 908 et 9 1 1 . L a Cour royale de Riom
feint toujours de délibérer sur les effets habituels de l’adoption,
quand, au contraire, le point mis en question était celui de savoir si
l’adoption dont il s’agit avait été une adoption valable.
Il reste, pour compléter cette discussion, peut-être déjà trop
�( 28 )
prolongée, à examiner un dernier argument reproduit également
dans l ’arrêt.
La Cour de Riom prétend que la défense d ’adopter l’enfant na
turel reconnu ne résulterait pas davantage des dispositions du
Code, touchant la légitimation ; q u ’il y a des différences telles, entre
les effets de l’adoption et ceux de la légitimation, qu’il n’est pas
possible de confondre l’une avec l’autre.
Que, comme l’adoption ne confère ni les droits ni le titre d'enfant
légitime, on devait en conclure q u ’elle ne se confond point avec
la légitimation, et qu e, par là même, elle n’est pas un moyen dé
tourné d ’appeler l’enfant naturel aux avantages d’une légitimation
qui ne peuvent lui être assurés que par le mariage de ses père et
mère.
Ce raisonnement, qui prouve peu de choses en soi, nous fournit
l’occasion d ’une remarque qui a son importance.
La loi, pour maintenir la faveur due au m ariage, déclare que
les enfans naturels, autres que les incestueux ou adultérins, pour
ront être légitimés par mariage subséquent, lorsqu’ils auront été
légalement reconnus avant le m a ria g e , ou qu’ils le seront dans
l’acte même de célébration.
Elle ajoute que les enfans légitimés par le nlariage subséquent .
auront les mêmes droits que s’ils étaient nés de ce mariage.
Il résulte de ces articles et de ceux qui suivent q u ’on rie peut
compter que quatre classes d’enfans naturels, ni plus ni moins :
i° Les enfans incestueux ou adultérins;
2° L es enfans naturels non reconnus;
3° Les enfans naturels reconnus, mais non légitimés;
4 ° Enfin les enfans naturels reconnus et puis légitimés par le ma
riage subséquent de leurs père et mère.
Voilà la nomenclature; mais, ni dans ces articles, ni ailleurs, il
n’est dit q u ’il y aura une cinquième classe d ’enfans naturels, classe
�(29)
qu i, avec le système que nous combattons, deviendrait peut-être
plus nombreuse que celle des cnfans légitim es, tant les adoptions
deviendraient alors fréquentes, classe mixte qui prendra place entre
les enfans reconnus et les enfans légitimés, pour recueillir des avan
tages plus étendus que les premiers, quoique au-dessous de ceux at
tribués aux enfans légitimés. La loi n ’a rien prévu de semblable,
et même à titre d ’inductiou, rien de pareil ne résulte de ses dispo
sitions.
Est ce bien sérieusement, d ’ailleurs, que l’on prétend établir une
différence entre l’adoption et la légitimation, quant au fait de trans
mission des biens paternels ou maternels ? Les eflets de l’une et
de l’autre sont, au contraire, à cet égard, pleinement identiques.
L ’eflet principal de la légitimation, c’est de réparer le vice de nais
sance et de rendre l’enfant légitimé apte à hériter de ses père e l
m ère, tout aussi bien que s’il était légitime; l’effet principal, et,
disons m ieux, l’efFet à peu près unique de l’adoption appliquée à
l’enfant naturel, c’est de le rendre apte à recueillir, dans la succes
sion de ses père et mère, les mêmes droits que s’il était légitime.
Par la légitimation et par l’adoption, c ’est donc toujours à une
question de transmission qu’on arrive:
Concluons : L ’enfant légitim e,
L ’ enfant lé g itim é,
L’enfant adoptif recueillent également la succession de leurs
père et m è r e ; l’enfant naturel reconnu est, au contraire, formel
lement exclu de cette faveur.
L ’en investir par la voie détournée d ’une adoption, c’est mettre à
la merci du père naturel le pouvoir d’effacer, quand il lui plaît,
dans la personne de son fils, et le vice de naissance et l’incapacité
légale que de hautes considérations de décence publique ont fait
attacher à ce vice ; c ’est rendre pour l’avenir presque sans objet,
le titre de la légitimation par mariage subséquent. Pour assurer le
�V x f\
(30)
sort de l’enfant n aturel, au lieu de le légitimer cl de subir ainsi le
jo u g pesant d ’ une union mal assortie, on conférera l’adoption 011
l’on attendra
pour la conférer qu’ il y ait survenance quelcon
que d ’impossibilités au mariage subséquent. Ajoutons que s’il est
admis par la Cour suprême q u ’il est licite d ’adopter son enfant
naturel quoique reconnu; q u ’ainsi la voulu et entendu le Code
civil, c’est qu ’alors de telles adoptions deviendront une règle com
m u n e , et les magistrats q u i , en cette m atière, sont investis d ’un
pouvoir discrétionnaire, ne pourront même en user, dans de telles
circonstances, que de la manière la plus restreinte. II suffira que le
s*1 *
•'
• 1:
•
père naturel vienne étaler ses titres pour que la toute-puissance
du magistrat soit contrainte de s’humilier. Conçoit-on, en effet, que
sous l'empire d ’une loi qui serait déclarée avoir formellement au
torisé l’adoption de l'enfant naturel, un magistrat pût prendre sur
lui de priver le père et l’enfant d ’ u n bénéfice q u ’ils tiennent de la
loi? Ce serait une véritable sentence d’exhérédation.
Quant à nous, nous le disons avec sincérité, notre conviction est
intime. Le Code a proscrit l’adoption des enfans naturels; mais si
le contraire était d écid é, nous n’hésiterions pas à penser que pas
une seule de ces adoptions puisse être refusée. Sous quel prétexte le
serait-elle, des q u ’il serait admis que l’adoption peut être revendi
quée par le père, comme l’exercice d’un droit et même l’accomplis
sement d ’un devoir? Avec un tel système que vont devenir, nous
ne dirons pas la légitimation par mariage subséquent, mais même
l’institution sacrée du mariage ? — La Cour, nous osons l’espérer,
ne voudra point consacrer une doctrine aussi funeste à la morale.
Elle n’a point eu à se prononcer jusqu’ ici d ’une manière déci
8 5 (Sirey, t.
sive. Lors de l’arrêt du i(\ novembre i i
16, 1, p.
45),
il s’agissait d’un refus d’adpption. On s’était pourvu contre l’arrêt
qui constatait ce refus. La Cour déclara le pourvoi non recevable,
et fit très bien selon nous, car il n’y avait nulle nécessité d’antici
per sur la solution du fond.
�La Cour y était cependant vivement sollicitée parle savant et digne
ch e f du parquet. « Cette audience serait à jamais mémorablé, d i« sait ce magistrat, si la Cour pouvait placer du moins ineîdem« ment ou hypothétiquement dans ses motifs la déclaration du
« principe dont elle est animée. Quel beau jour pour la société!
« quel triomphe pour la morale! etc., etc. »
M. le procureur-général, après avoir rappelé q u e , lors de ià dis
cussion du Code au sein du “conseil d’Etat, le ch ef (fu gouverne
ment, le second consul, MM. Tronchet et Portalis s’étaient élevés
avec force contre l’adoption des enfans naturels, ajoute ces propres
paroles : « Deux conseillers d ’Etat, MM. Treilhard et Jaubert,
« m’ont souvent dit : Soutenez * soutenez cette opinion, elle finira
« par triompher devant tous les tribunaux. »
Son savant prédécesseur, M. Merlin, après s’être élevé de même
contre la doctrine aujourd’hui admise par la Cour de R io m , ter
mine la lumineuse discussion qui seHrouve au Répertoire (v° Adop
tio n ), par ce passage o ù , à notre grand étonnement, l’auteur
se m b le , comme à r e g r e t , humilier sa raison sous le joug d’une
nécessité mystérieuse.
Voici comment s’exprime M. Merlin :
« Voilà, je c r o is, tout ce q u ’on peut dire de plus fort pour justi« fier les arrêts ci-dessus cités des Cours d ’appel de Paris, de Nîmes
« et de Besançon. Il ne manquerait même rien à leur justification
(f complète, s’il était bien constant que, dans la discussion du projet
« de Code civil, le conseil d ’Etat eût, sinon manifesté, du moins
« laissé entrevoir l’intention de ne pas autoriser l’adoption des cn« fans naturels légalement reconnus.
« Mais, sur ce point, on interrogerait vainement le recued inti« tulé : Procès-verbal de la discussion du projet de C ode civil au
« conseil d 'E ta t. u
Voilà devant quels prétextes s’incline Me Merlin, après avoir,
�( 32 )
nous osons le d ire, fait justice complète des argumens que nous
combattons avec lui.
Enfin la majorité, nous dirions presque l’unanimité des auteurs
co nnu s, ont proscrit l’adoption des enfans naturels reconnus. De
nombreux arrêts aussi sont intervenus sur la question, et ils sont,
il est v r a i , en sens contraire; mais ceux q u ’on peut nous opposer
ont été rendus particulièrement depuis que le silence de la Cour
suprême a été expliqué comme favorable à l’adoption. Ces arrêts
se multiplient. Il est temps qu’un remède soit apporté, et ce re
mède, nous l’implorons avec confiance de la sagesse de la Cour.
M A N D ARO U X V E R T A M Y ,
A v o c a t à la C o u r d e c a s s a t io n .
IM PRIM ERIE D E
MADAME
PO U SSIN ,
RUE
M IGN O N ,
2.
�
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[Factum. Boirot De Laruas, Louis-Pierre. 1841?]
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Mandaroux-Vertamy
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour Louis-Pierre Boirot de Laruas, propriétaire ; contre dame Sophie-Mathilde Boirot, et le sieur Gilbert de Laplanche, son mari ; ladite dame Boirot, fille naturelle et adoptive de demoiselle Pétronille Boirot, décédée épouse Duval.
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
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Imprimerie de Madame Poussin (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1841
1798-1841
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
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32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2819
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
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BCU_Factums_G2818
BCU_Factums_G2820
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BCU_Factums_G2820
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
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accouchement
adoption
adultères
divorces
doctrine
enfants adultérins
enfants naturels
généalogie
Pater is est
Successions
successions collatérales
-
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115c84b6bbb1a3de273139fa48ce271c
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MÉMOIRE
A L’APPUI D E LA
DU
LOUIS-PIERRE
DEMANDE
SIE U R
BOIROT
DE
LARUAS,
PROPRIÉTAIRE, MAIRE DE LA COMMUNE DE THENEUILLE
CONTRE
1 ° dam e
S o p h ie -M a th ild e
s i o n , É P O U S E D U S IE U R G
DEM EURANT
AVEC
LUI
BOIROT , s a n s p r o f e s
i l b e r t DELAPLANCÏIE ,
AU
C H E F -L IE U
DE
LA
CO M
m une d e B e l l e n a v e s
2°
e t
le
p r ié ta ir e
s ie u r
G ilb e r t
e n L A D IT E
PERSONNEL QUE POUR
■I
DELAPLANCHE,
COM M U N E ,
T A N T EN
p ro
SO N NOM
A U T O R IS E R SON É P O U S E .
lt«®«<c=rri-n ■
C e n’est qu’après avoir épuisé tous les moyens possibles de concilia
tion que le sieur Boirot de Laruas se voit réduit à la pénible
néces-
sité de demander aux tribunaux la justice qu’ils ne sauraient lui refuser.
�C'est en vain q u e, pour
ne pas faire retentir clans le public des dis
cussions qui n’auraient pas dii sortir du sein de la fam ille, il a offert
de terminer h l’am iable, an prix d’immenses sacrifices de sa p a rt, au
prix de l’abandon d’une immense partie de scs droits, une contestation
fâcheuse; c'est en vain qu’il a offert de remettre la décision dune affaire
aussi importante, où son bon droit est évident, à des arbitres nommés
avec plein pouvoir de décider, non-seulement d’après les règles rigoureuses
du droit, mais encore de l’équité.
Toutes ces offres de conciliation o n télé repoussées d’une manière in
jurieuse : les époux Delaplanclie ont exigé du sieur Boirot de Laruas tous
les sacrifices et n’ont voulu en faire aucun. Ils ont refusé constamment
d’acccder h toute proposition d’un arrangement amiable. L e sieur Boirot
de Laruas avait espéré que la réflexion, que des conseils plus sages les
amèneraient à sentir combien ses propositions étaient conciliantes et qu’elles
devaient être acceptées avec empressement; mais le temps n’a rien chan
gé à leur première détermination : ils veulent absolument plaider; ils veu
lent absolument que la malignité publique ait à s’occuper de détails qui
auraient du rester oubliés : ils seront satisfaits.
F A I T S ET G E N E A L O G I E
DES
PARTIES.
L a dame Anne-Pétronille B oirot, épouse en secondes noces de M . Louis
D u ra i, est décédée le n
juin
i 83 /{, laissant une fortune considérable,
tjui peut être évaluée à quatre cents mille francs. Aucun enfant n’est issu
de son premier ni de- son second mariage ; seulement elle a laissé une Jtîle
naturelle qu'elle a légalement reconnue : c'est la dame Sopliic-Matliilde
B o iro t, épouse dit sieur G ilbert Delaplanclie , fils aîné.
�Aux termes de l’article 757 (1) du~code c iv il, la dame Sophie-Mathilde
B o iro t, épouse Delaplanclie, n’a pu recueillir que les trois quarts de la suc
cession de sa m ère, l’autre q u ait a été dévolu, pour m oitié, à la ligne
paternelle de feue madame D u v a l, représentée par le sieur Louis-Pierre
Boirot de L aru as, demandeur, et pour l’autre moitié à la ligne maternelle
de ladite dame.
Les époux Delaplanclie se sont emparés de l’entière succession de feue
madame D u v al. Ji&ur échapper à la prescription de la lo i, et priver le
sieur Boirot de Laruas d’un droit dont maintes fois ils avaient été les
premiers à reconnaître la légimité ; ils ont imaginé de se faire délivrer
par leur m ère, à son lit de m o it , un acte d’adoption q u i, loin de changer
leur position d’une manière favorable, n’aura fait que l’aggraver.
tyfais revenons ¡.uix faits :
De Pierre Boirot de Laruas sont descendues, en ligne directe, les parties
au procès.
( ' ) « Art. 7 5 7 . Le d r o it d e V e n fa n l n a tu rel , sur le s L ien s'd o ses père ou m ère d é c c J è s , est
« r ég lé ainsi qu’il su it : — Si le père ou la m ère a laissé des descendants lé g itim e s , ce droit est
* d ’un tiers d e là portion héréd itaire que V en fa n t n a tu re l a u ra it eue s’il eut été lé g itim e ; il est
“ de la m o itié lorsque le s père ou m ère n e laissent pas d e d escen d an ts, mais bien des ascendants,
* ou des frères ou sœurs ; il est d es tro is q u a rts lorsq ue le s père ou m ère no laissent n i d escen « d a n ts, ni ascend ants, ni frères, ni sœ urs. »
OBSERVATION. L'enfant naturel n’étant p o in t h é r itie r , aux term es d e l'article 7 5 6 du cod e
Clv* l, il n’a qu’un droit r é e l , ju s in r i , à la succession d e scs père ou m ère ; c ’e st-à -d ir e , un
droit qui pèse sur la
p o rtio n due à l ’enfant naturel et dont il est propriélaire du m om ent o ù la
«ucccssion »'ouvre. Mais com m e il n’a pas la sa isin e lé g a le , sa lvo j u r e , il doit aux term es d e l ’artic ,e 7 2 1 du co d e c i v i l , se faire envoyer en possession d e la portion qui lu i revien t dans la su ccès, parce quo la possession d u défunt ne se continue
I enfant naturel.
^
plein droit dans la personne d®
�PIERRE B01R0T
de
jean - jacques
B O IR O T DE L A R U A S ,
marié à élisabetii P E R R IN ,
LARUAS.
c i.aude B O I R O T , marié
à mahie F O U S S A T .
Louis-riERRE B O IR O T de L A R U A S ,
demandeur.
a n n e - fé to o n ille B O IR O T ,
de Cujus.
: r
soriiiE- imatiiilde B O IR O T , fille
naturelle , épouse du sieur G ilb e rt
J
D E L A P L A N C IIE , fils aîné.
Louis-Pierre Boirot de Laruns, demandeur, est fils de Jean-Jacques ,
et petit-fils de P ierre. Anne Pélronille B o iro t, décédée épouse D u v a l, de
C u ju s ,é tait aussi petite-fille de P ie r r e , et fille de Claude.
Il
résulte de cet aperçu que Louis-Pierre Boirot de L aru as, deman
deur , est le seul représentant de la ligne paternelle qui ait des droits dans
la succession de feue Annc-Pétronille Boirot.
Anne-Petronille Boirot se m aria, en premières noces, le I er floréal an
IV (20 avril 17 9 6 ), avec le sieur G ilbert
Esmelin-Deuxaigues. Unique
héritière de Claude , décédé, jouissant de scs droits palerne's, à la
tele
d’une belle foi tune et ayant encore de belles espérances, elle se m ariait, à
l’âge de vingt et un an , avec le fils du premier magistrat de la contrée ,
jeune et liclic comme elle. Ayant reçu une éducation conforme à sa for
tune, connaissant l’imporlance du lien sacré
q uelle allait contracter et
l ’époux auquel elle s’unissait, elle avait (ouïes les chances de bonheur
que peut présenter un mariage bien assorti.
Cependant de tristes divisions ne tardèrent pas à éclater entre les deux
époux. Q uel est celui qui y donne lieu ? La conduite de la dame Esm elinDeuxaigues fut-elle irréprochable? C ’est ce qu'expliqueront les faits suivants.
Quinze mois s’étaient h peine écoulés et les choses en étaient venues
au point qu’ils eurent recours au divorce. Ce fut la dame Esmelin-D< u xaigues qui en poursuivit la demande, sous prétexte d incompatibilité
d’humeur cl de caractère. En exécution de la loi du 20 décembre 1793 >
et par défaut contre le sieur Esm elin-Deuxaigues , l’oilicier de l’état
�civil de la commune de Bellenaves, prononça le 26 messidor, a n V , ( 1 4
juillet 1 7 9 7 ) , la dissolution d’un nuriage contracté quinze mois aupara
va n t, sous des auspices si heureux. (1)
(1 ) Lorsque la dame A m e -P é tr o iiille B o ir o t, épouse du sieu r E sm elin-D euxaigues a déclaré
1
l agent num icipal, faisant fonction d ’officier pu blic d e la com m une de B e llen a v es, par uu acte
d e J a cq u e s, huissier à M ontluçon en date du 11 n ïv o s e , an V , enregistré à C h a m e lle , le 15 du
’«enie m o is , qu’e lle avait provoqué devant lui une a ssem b lée de fam ille sur la dem ande en di"
'vorce avec le sieur G ilbert E sm elin -D eu xaigu es, demeurant à B e lle n a v e s , pour incom patibilité
<1 humeur et de caractère, la dam e E sm elin-D euxaigues qu oiqu’ayant son d o n ic ilc à B e lleu a v es*
habitait alors publiquem ent la v ille de M ontlu ron, avec l'instigateur d e son divorce.
I-. assem blée de faniiile eut lieu en c lfe t, et le divorce
fut prononcé en l ’absence du sieur
E sm elin-D euxaigues, c ’eU -à -d ire p a r d i f a u t , quoiqu’il ait é té sjm m é par acte de
Martin , hu is
s ie r , enregistré à C h a n teile, le 17 m e ssid o r, an V , de «2 trouver le t d m e ssid o r, an Y , à la
m aison com m une de B ellen a v es, pour voir prononcer la dissolution de son mariage.
Mais il im porté de remarquer i c i , que le sieur J a c q u e s , huissier à Montluçon , n’avait pas le
droit d ’i istruïnenter dans l'arrondissem ent de C annai. Ce droit do:it était d ép o u illé son m inistère
a donc dû imprimer à l’acte civil d e divorcé un caractère de n u llit é , ainsi qu’on va le prouver.
« La déclaration du U o i, du prem ier mars 1751 , restreint les huissiers à n’exercer leurs fonc“ lion s que dans l’étendue d e s juridictions où ils sont im m a tr ic u lé s, à p e in e de n u llité et de
“ 5 0 0 livres d'am ande. »
K T rois arrêts de
la cour
de cassation
du
16
floréal , an I X ,
li
vendém iaire
et
12
” nivose an X , ont déclaré nuls d es e x p lo its fait par des hu issiers hors de leurs arrondissement'.
” En c e l a , la cour de cassation a consacré le principe formulé dans la déclaration du R oi. »
Or 1 il résulte bien évidem m ent que d ’après cette déclaralio.l du U o i, le sieur J a cq u e s, liu isSler à M outluçon, n’avait pas le droit d ’exercer ses fonctions dans l ’étendue de la juridiction
de G annat, o ù il n’était pat im m a tricu lé, m ais seu lem en t da:<s la juridiction de M a n tlu çjn , où
était im m atriculé. 11 faut donc en tirer cette conséq uence vraie que son acte du 11 nivose»
1111 V , donné à l ’agent m unicipal de B elle Javes , est radicalem ent nul.
^ y a eucore d eux argum ents à tirer de c e tte circonstance saillante :
k e p re m ie r , c ’est que les huissiers de
Montlùçon , n'ayant pas a lo r s , pas plus qu’aujourd’hui»
t droit d'instrumenter à B e lle n a v e s, c ’est-à -d iro dans le ressort de G annat, l'acte de divorce
Cst nul de pleiu d r o it, parce que le sieur Jucqucs n’avait pas le caractère néceisairo pour venir
déclarer dam son acte du 11 nivose , an V ,
à l’agent m unicipal de la com m une d e B ellenaves >
tI'lc la d a m i E sin elin-D euxaigàes avait p r o v o q u é, devant l u i , une assem b lée
d e fam ille sur sa
da"wa,fc ell ,Jlï01.,a
**u m om ent où l ’acte de divorcé e st nul par c i fa it, le m ariage n’ayant pas cessé d e s u la islc r * on doit eu c o n c lu r e , rationnellem ent, que la naissance
0 |r o t, c sl a u i uuj ll8 culac|^.e d 'a d u l'é r in ité , pour 11e pas
de m ad em oiselle
dire p lu s , ce
Sop hie-M athilde
qui est uti obstacle
Vlllc|l ’le à ce q u ’e lle puisse être adop tée.
^ Lo second a rg u m en t, c ’est la co-inciden.:e singulière de la résidence de l ’h u isû er
de M ont-
’ ayec le fait que la dam e E sm elin-D euxaigucs avait quitté le dom icile conjugal et s ’était
c ,|fuie, avant le divorce pronon cé, avec l'instigateur de sou d iv o ic e , au dom icile de ce d ernier
4 M nitluçou. Cc'tle circnnsin'icc grftvc ex p liq u e
’
pourquoi
la dam e E sm elin-D euxaigucs
rv' ’ ^ uu hu issier de M outluçon et non d ’uu huissier du ressort de Gauuat.
ü’i'Xt
�~G~
'
Anne - Pétronille B o iro t, devint a in si, une fois encore, libre de sa
jœrsonnc, à un Age où l’expérience d'un premier mariage malheureux ,
( elle avait près de a3 ans) , devait lui donner de graves sujets de ré
flexion ,
et la délivrer de] toutes les illu sion s, de toutes les fautes
excusables , jusqu’à un certain p o in t, dans une jeune fdle , mais qui ne
le sont pas chez une femme de 23 ans, sortie des liens d'un premier
mariage , par le divorce. Avec sa fortune et dans sa position sociale ,
elle pouvait faire choix d’un époux digne d’elle , et en remplissant re
ligieusement les devoirs d'épouse et de mère , elle aurait imposé silence à la
*nédisance et prouvé que si son union avec le sieur Esmelin-Deuxaigues,
n’avait pas été heureuse , la faute ne devait pas lui en être attribuée.
Cependant il n’en fut rien. L ibre qu’elle était de tous liens du ma
ria g e , elle devint bientôt m ère. Le 9 p rairial, an v i , (29 mai 1798)5
c’est-à-dire dix mois et quatorze jours, seulement, après son divo rce,
elle accoucha clandestinement, à R io m , dans la maison du sieur V iclo r
D u c h e r , officier de santé, d’un enfant du sexe fém inin, auquel furent
donnés les noms de Sophie Cordon. L e
sieur D uché, qui présenta
l’enfant à l’officier de l'état c iv il, déclara
que Sophie Cordon , était
née d’une fille à lui inconnue , venue depuis quelques temps chez lui.
Sans doute , en quittant son pays , en se rendant sous un nom in
connu dans la ville de R iom , en cachant sous un nom
su p p o sé
l'enfant
à qui elle venait de donner le jour , la dame Anne-Pétronille Boirot avait
pour but de cach er, autant que possible, et son inconduite et sa honte;
niais ce n'était pas son seul but.
L a loi du 20 septembre 1792 , qui avait permis le divorce , p a r con
sentement mutuel , n’avait rien statué sur le sort des enfans qui naî
traient dans un temps plus ou moins rapproché du divorce. En l'absence
de toutes dispositions nouvelles, les règles de l 'a n c i e n n e législation et
de la jurisprudence des parlemens , continuaient à régir leur état. O r ,
dans l'application de ce grand principe : P a ler is e s t , il n’y avait pas ,
comme
aujourd’h u i, une présomption dillég ilim ilè mathématiquement
fixée pour l’enfant , né trois cents jours, ( d ix mois ) , après la dis
�solution du mariage (A rticles 3 i2 et 3 i,5 dit code civ il) ( i) . Suivant les
circonstances les parlements de'claraient légitimes , adultc'rins on naturels,
les enfants ne's de neuf à douze mois après la dissolution du mariage.
L e sieur Esmelin-Deuxaigues pouvait réclam er, comme étant son en
fant le'gitime, sous l’ancienne législation ( i l le pourrait même sons le codé
c iv il) , l’enfant dont la femme divorcée venait d’accoucher clandestinement
V
f
à R io m ,d ix mois et quatorze jours après le divorce. P ar un jugement
contraire sans répliqué, si 1^ naissance lui eut été' connue, il pouvait le
faire déclarer adultérin, et c’est aussi sans doute la crainte d’exposer elle
et son enfant à une action de cette natu re, de la part du sieur EsmelinDeuxaigues , qui détermina la dame Anne-Pétronille Boirot à accoucher
clandestinem ent, et à cacher le nom et le lieu de la naissance^ de sa fille.
, Q uoiqu’il en soit, l’enfant né à Riom le 9 prairial an V I ( 29-mai 1798),
fut mis en nourrice à Bcauregard-Vendon, et élevé par les soins de sa
mère. Bientôt sa mère fit plus encoie : lorsque l’enfant eut atteint l’âge de
quatre ans , elle le retira chez elle, l’avoua et l’éleva publiquement sous le
nom de M aihilde.
L e 12 pluviôse ah X I (2 février 1804 ) , la dame Anne-Pétronille Boirot,
qui avait abandonné celui que l’opinion publiqu eetla dame Anne-Pétronille
Boi rot elle-même déclaraient le père de son enfant, qui était libre et cé
libataire, convola en secondes noces avec le sieur D uval. C ’est ainsi que
volontairement elle s’enleva tous les moyens de légitimer sa fille , et de
réparer une faute désormais irréparable. Dans son contrat de m ariage,
eIle reconnut solennellement Sophie Gordon , élevée par elle sous le nom
de M alhilde , pour sa fille nalurelle.
0 ) A r t . 3 12 du code civ il, « L ’enfant conçu pendant le m ariage a pou», p ir e le m .iri. N éan* •noms cclui-ci pourra désavouer l'enfant s ’il prouve q u e , pendant le temps q u ia couru depuis Ja
* trou c e n t im e ju sq u ’au cent quatre-vingtièm e jou r »vaut la naissance
de cet enfant, il était,-
"Sou pour cause d 'é lo ig n em eiit, soit pnr l'effet de quelque accidunt, dans l'im possibilité p h ysiq ue do
* ro liabilcr avec sa fem m e. »
Art. 3 15 du co d é civ il. « L a 'lé g itim ité de l’en fa n t, né trois cents jours après la dissnlnlion du
"•ai¡lige, l’ourra être contestée. »
�'^ E n 18 16 , Sophie Gordon ^r ou plutôt M alhilde Boirot,:tnv ait atteint
1âge de 18 ans. L ’dfFection de sa m è re , qui n’avait pas eu d’enfant de son
second mariage, dut nécessairement, quoique un peu ta rd , se concentrer
toute entière sur elle. On songea sérieusement à son établissement, mais
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Sophie Gordon avait été nourrie et élevée sous le nom de Màthiidc ;
'elle était co n n u ?d an s'le‘ monde que sous ce'd ern ier nom1.1 Commént la
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|
qualifier rlans'un acte p u b lic, dans un acte de mariage ? Ceci n’étàit sans
doute qu’une difficulté de formén: on pouvait recourir h'un acte de noto
riété en négligeant l’acte de naissance' de Sophie Gordon. Màis ‘ce qui
eïait plus grave, c'est q'ü’on savait dans le public , et mieux encore dans
la Camille de la dame Arine-Pétrônille B oirot. épouse D u v a l, tous les
'détails clë*la naissance de M a îh ild è , sà 'fille : 011 savait qu'elle était née
a Rióni; que sa naissance et le nom de sa mère avaient été soigneuse
ment cachés ; on savait que cette naissance avait eu lieu dans un 'temps
si rapproche1’d u 'd ivo rce, que plus1 tard une contestation sérieuse, sur
v
1 état de Sophie Gordon , pouvait s’élevér, notamment"de la part des pa
rents au degré successible de la dame Anne-Pétronillc Boirot, épouse
D u v a l, qui viendraient peut-être un jour lui disputer l’entière succession
de cette dame , en prétendant q uelle n’avait droit qu’à des aliments comme
enfanLadullérin, Alorsjon résolut de couper court a jo u te s craintes ul
térieures sous ce rapport , soit dans l’intérêt positif de la demoiselle
M alhilde D o ir o l , soit pour rassurer ceux qui auraient l’intention de de
mander sa main,
,
* On connaissait les bonnes dispositions des parcntsl patcrhels les plus in
téressés , principalement de M . Jcan-Jacques Boirot de L a r u a s , chez le
quel madame Anne-Pétronillc B o iro t, sa nièce, avait t r o u v é un asyle dans
les temps les plus orageux de sa vit*. On s a v a i t que ce respectable vieil
lard tenait à cœur de donner, autant qu’il s e r a i t en l u i , un nom et une
/ainillc à mademoiselle M aihilde Boirot.
Pour parvenir au but que l’on sc proposait, on
, ,
pensa qu il
fallait
faire rectifier l’ncte de naissance du 9 prairial an V I (2 9 mai 1798)5
�On présenta donc requête , à cet ciTet, au tribunal de Hiom. Dans celte
icquête la dame Anne-Petronillc Boirot exposait toutes les circonstances
de la naissance de sa fille, disait comment, dans l’acte de naissance de cette
enfant, le sieur D uclier avait déclaré q uelle était née chez lui d’une
mère inconnue, et lui avait donné le nom de Sophie Gordon . E lle disait
comment elle l’avait fait nourrir et gardée ensuite chez elle; comment
elle Tarait reconnue solennellement pour sa fille naturelle dans son con
t â t de mariage avec le sieur Louis D u rai. E lle demandait enfin que
dans l’acte de naissance du 9 prairial, an , V I , les noms de Sophie-M a-
thildc B o iro t , fussent substitués à ceux de Sophie Gordon , et qu'il fut
dit que Sophie -M a iliild e B oirot , avait pour mère Anne - P et rouille
Boirot.
L e tribunal de Riom rendit un premier jugement par lequel il ordonna
fjue toutes les parties intéressées à contester la rectification seraient mises
cn cause. Parm i ers parties intéressés, devait nécessairement figurer le
s*eur Jcan-Jacqucs Boirot de L aru as, (père du demandeur au procès).
^ intervint, e t, dans les conclusions qu’il prit avec les autres parents
appelés, il dit que toutes les particularités de la naissance, «le l'éducahon de Sophie Gordon , étaient à sa connaissance et déclara « consentir
expressément à ce qu'il f u t dit 'que ladite demoiselle est jille natii3> relle de ladite dame D urai née B o iro t , cl qu'il lui soit donné le
)J prénom de M athilde et le nom de B o ir o t , afin de pouvoir jouir
)} des noms , droits , qualités en résultant , reconnaissant formellement
J> 1l‘ e ladite demoiselle M athilde est l individu né à Riom de la dame
3> I^uval le f) prairial , an V I. »
^ arso n jugement du 28 septembre 181G, le tribunal de ïiioiu ayant *
*811rd aux dires et consentement des tiers intéressés mis en ca u se, et
disant droit à la requête présentée, ordonne que l’acte de naissance du
9 prairial an V I, constatant la naissance d'un enfant du sexe féminin»
c°Wnic né d'une fille inconnue, auquel le sicnr D u ch er, avait donné le
l)lénom tic SQpfrif. C( lu surnom de Gordon , sera rectifié ainsi qu’il suit:
” i° L a Mère de cette fille est Anne-Pétronille B o iro t , fille majeure
d« feu Claude , et de dame Marie-Thér esc F oussat ; 20 Au prénom
de Sophie , on ajoutera celui de M athilde, 3 ° Le surnom de Guidon
cst changé pour le nom de Boirot. Ainsi, la fille naturelle de la partie:
........ s'appellera sophie-Malhildc Boirot, »
�Peu de temps après que l’état de la demoiselle M alhildç B o ir o l , eut
été ainsi fixé d’une manière irrévocable, elle ne tarda pas h se m arier,
avec le sieur G ilbert Delaplanclie, fils aîné. — Les conventions civiles
du mariage furent reçues le 18 février 18 17, par M e Giraudet, notaire
h Bellenaves.
Pendant longues années, la dame D uval, sa fille et son gendre, se mon
trèrent reconnaissants envers le sieur Jean-Jacques Boirot de L aru as, da
cç.qu'i.1 avait donné les mains à assurer l’état et la fortune de la demoi
selle M alhildç Boirot. Aussi, dans toutes les circonstances, soit pendant
la vjedcce respectable vieillard, soit aprèsson décès, ils disaientet répétaient
et à Jacques Boirot et à son fils, (demandeur au procès): « Vous avez
» droit à un huitième dans la succession de madame D urai, nous fa
» savons bien ; nous sçmmes les premiers à le reconnritre; soyez bien
» assurés qu'il n'y aura jam ais de difficulté entre nous à cet égard,
” tout s arrangera ¿1 l amiable et comme vous tentendez . »
Mais lorsque le moment est venu de mettre à exécution ces intentions
,
conciliantes, les époux Delaplanclie oubliant leurs promesses, et surtout
les actes et les événements qui ne changent pas comme les intentions, ont
vou,lu enlever au sieur Boirot de Laruas, la part qui lui revenait dans la suc
cession de la dame D uval. Pour parvenir h ce b u t, ils ont imaginé de
faire adopter par la dame D u val, à son lit de m ort, sa Jillc naturelle •
L e projet, une fois arrêté, à été exécuté avec une incioyable rapidité et
dans le plus profond silence, tant on craignait que le sieur Boirot ins
truit de ce qui se machinait contre lu i, ne portât la lumière jusque dans
la conscience des magistrats.
Le 20 avril 1 834 » l’acte d’adoption fut dresse par monsieur le juge
de paix du canton d'K hreuil, q u i se transporta au domicile de la dame
Annc-Pétronillc B oirot, épouse D uval, alors mourante. L'homologation
de cet acte d’adoption fut surprise h la religion du tribunal de Gannat
Je 2 mai i 83 /j , et de la 'c o u r royale de Riom le
du même mois.
,
�---II —
-A in si en moins de vingt jo u r s , fut consomme devant trois juridictions
différentes, cet acte <jui ne soutiendra pas un seul instant les regards de
t ..^ .................. _
la justice mieux éclairée. ( i)
( I ) II j a , à cet é g a rd , und Irèmarque î:ii[>oila:ite à :ai:e sur la différence qu i e xiste elitre
les résultats d ’un ju gem en t contradictoire
prononcé a jr è s la plaidoirie d es parties et ceu x d'un
jugem ent prononcé sur sim p le req uête.
f-n e ffe t, il arrive qu elq ue fois qu’une partie o’ lient sur requête et sans appeler
p e r so n n e ,
jugem ent qui préjudicie à une autre partie. Far exem p le : un jugem ent qui accorde mal à
propos .la recti'ication d ’un acte d e l ’état civil d ’après l ’ariicle 0 9 du c o d e civil ; uu jugem ent
4 U1» sur l ’allégation fausse de l ’aLseuce d ’une p e is o n h e , non absente , ordonne que d ’après l’ar *
tlcle 112 du c o d j civil et l ’article 8 5 0 du code de procédure c iv ile , qu’il sera pourvu à l ’ad
ministration de scs b ie n s , ou d ’après l ’article 1 1 5 (lu co d e ci vil , q u ’il sera com m is un notaire
r°u r la représenter dans un in v en ta ire, c o m p te, partage ou liq u id a tio n , ou d ’après l ’arlicle 120
*^u c °d e c iv il qiii accorde l ’elivoi en possession.
Sous l’em pire du l'ordonnance de tü ü 7 , la partie qui voulait faire révoquer un jugem ent rendu
Sjr r e q u ê te , devait y former opposition , suivant l ’a n ic le 2 du titre 5 5 . Mais ce m ode d ’action
n C it pas nécessaires a u jo u rd 'h u i, puisque le code c iv il eu obrogeant l'ordonnance (le 1GG7, à
- W i c elte voie et n’en a établi aucune pour ce cas.
Il
faut donc reconnaître quo fi la code de procédure à institué la ti^ c e -o p p o s itio n , c’est en
fjV(-'ur de ceu x qui sont lé sé s par un jugem ent rendu entre d ’autres personnes sur contestation
l'Htre e l l e s , com m e on le voit dans l’a r tù lc
471 du
co d e de procédure civile et v o n p o u r cîux
l ' ù so n t h'scs p a r un ju g e m e n t sur rvquc'tc.
Au surplus Tarliclo 1 0 0 du code c iv i l , ayant d écid é dans une dos esp èces c i-d e s s u s , quo le
j11 geniejit derecliG cation ne peut dans aucun te m p s, ciré opp osé aux parties iu tércs.écs qui c e
d u r a ie n t jo in t r e q u is , ou qui n’y auraient pas été a p p e lé e s, il résu lte évidem m ent q u e , dans ce
CJs> la partie lé sé e peut faire valoir sc9 droiîspar
une sim p le d e m a h d e , eans attaquer le ju g e -
n,ci|t i lequel est r e g a r d é , à son é g a r d , com m e non a v e n u , et l’on d o i t , p u r m ia lo y ie , appli"
'l"ei la m im e d écisio n aux a u ties cas ci-d essas spécifiés , t t ù to u t c e u x oit il a rtc rendu jti./‘-'»iî'uî su r rcqHa C' — A in s i, on pourra dans ces divers c a s , former une dem ande tendante ou
•X'talil.ft.emont d s l'acte dan» «on [rein ier é t a t , ou à la n u llité d e tout t e qui a été fa it, en
C U cu l|oti d» jugem ent rendu dai.s la lautsa supposltiou d'ûLscnce; le tout sans j a ilcr de ce
Juoe» ie u t, ni nK'm e y fui mer opposition.
0an" ,ln jugement q'ii liomologuu 111 acte d'adoption ,• il iljit eu être tic m êm e, c a r t e ju g e
a n t ii é ta u pas contradictoire, puisqu’ il est rendu sur simple requ ête,
les pai lies qui ont un
fr'teiot réel « conte ter l'adoption n’étaiil point eii cd eie non p lu s , 11e peuvent former la sim ple
t l'l>,‘Silion ,
ni |a t>ue-opi'<>itiuu à ce m ’ inc ju gem en t, pareeque «¡icoi-o une fo is, ce j igemoiH
l,c l’eut |,as être op p jsé à d 'S parties qui n'y ont |>.is été appelées. 11 s’ ensuit dé» lors que
!Mr une sf,r(L. d 'cxiep lio li au code de pro céd u re, ces
mêmes
parties n'ayant
|l,rnier tierce opposition , t e jugotnent est à leur ég nd comme »'il
pas lu s J .i d ’y
n’existait p a s, c l à [dus
J,ll? raison, ne so i! e'L-s paî dam l’ uMigation d’ en appeler.
11
est évident qu'il
n’en est p is .a i.iîi des
j igem eus contradictoires,- car on in r p e i t dans
aUUU-‘ caJ former d'opposition à d e Ici 1 jn gem en s : b'ils sont injustes 011 peut en dem ander la
tror"iatiun par a p p e l, s'ils sont en prem ier rcs e u t , et la rétraction ja r req u é;e ciw lo ou c a s|(J.|
,
» s ils s m t en dt'i'nîer itsm rl.
Cette doctrine que la raison d'sccrnc , s.-ulem eut analysée ic i, c il c u s e ij'îc e 'par d eux ju ri» uu*,'iltes c é l é l r c s , I ^ e a u et U o y o u .
�L a dam e-Duval est décédée le onze juin 1834 , et les fe'poux Delaplanche se sont emparés de son entière succession. De nombreuses tentati
ves de rapprochement ont été faites parle sieur Boirotde Laruas; elles ont
été repoussées. C ’est alors qu’après avoir rembli les préliminaires de la con
ciliation qui n’a pu s’opérer, il h fait assigner par acte du 10 septembre
1 835 , les époux Delaplanche devant le tiibunal de Gannat, aux fins de
se voir condamner à lui fuira le délaissement d’un huitième de l’entière
succession mobilière et immobilière de la dame D uval, dont ils se sont
indûment emparés à son préjudice, avec restitution de fiuits et jouissance
|
depuis, le décès de ladite dame.
|
Tels sont les faits , dont l’exactitude sur aucun point ne pourra être
i
|
révoquée en doute , car ils sont tous consignés dans des actes a u t h e n t i q u e s
émanés des adversaires, ou de leurs a u teu rs, ou de jugemens
dans
lesquels ils ont figurés.
Nous allons maintenant examiner les questions qui se présentent na
turellement à juger. Elles se résumentdans lesqua'.rc propositionssuivantes:
i ° L a clio n du sieur Boirol de Laruas est régulière, li a v u la lle m c n l
saisi le tribunal de Gannat de sa demande en délaissement contre lcs
époux Delaplanche. On ne peut lui opposer l'exception tirée de
laulorite de la chose jugée.
a 0 L a loi ne permet pas l'adoption
de l'enfant naturel par le5
père cl mère qui l'ont reconnu. P a r suite est nulle l'adoption fa ilc
le a 5 avril i 834 , au profit de. Iépouse Delaplanche.
3 ° Dans le cas où en thèse générale , ladoption de l'enfant na
turel par les père et mère qui l'ont reconnu , serait perm ise , H n'y a
pas lieu, darrs l'espèce , à l adoption de la dame M athilde B o iro t ,
épouse Delaplanche par sa mère la dame Duval.
4° Enfin , / adoption de lenfant naturel serait i Ue permise et y
aurait il lieu , dans lespèce, « ladoption de la dame Delaplanche ,
le sieur Boirot de L.aruas n'en aurait pas moins droit au huitième
de la succession de la dame Duval.
P R E M IE R E
P R O P O S IT IO N
.,
(
Lj'action du sieur Boirot de Taruas est réguliere. — Il a valablement
saisi le tribunal de Cannai de sa demande en délaissement contre les
époux
Delaplanche. — On ne peut lui opposer l exception tirée df
f fiulorilé de la chose jugée.
fr*
�—-13 —=
Sans
doute les époux Dclaplanchc n’ont pas
fait dresser un aci*
(l’adoption pour ne pas s’en servir. Cependant s’ils ont change d’avis ,
si mieux éclairés sur leurs véritables intérêts , ils ne l’opposent pas au sieur
Boirotde L aru as, alors point de difficulté ; celui-ci est appelé par la loi à
recueillir le huitième d elà succession de la dame Duval; ses conclusions doi
vent nécessairement être accueillies. Le sieur Boirot de L aru as ignorant
et devant ignorer si les époux Dclaplanchc veulent ou non user de cet
acte d’adoption, qui lui est entièrement étranger, et qu'aux termes du
<lroit, il est même censé ne pas connaître , n’a pas dû l’attaquer directe
ment , mais attendre qu’on le lui opposât pour en discuter le mérité.
Pour agir prudemment il s’est borné à dem ander, par action principale,
le délaissement du huitième de la succession de la dame Duval , que la
loi lui attribue.
Ainsi l’action du sieur Boirot de Laruas est régulière dans son principe.
Q ue si les époux Dclaplanchc opposent h ses prétentions l’acte iVadoption du
avril 1 834 î alors le sieur Boirotde L a ru a s, avantde se faire attribuer
la part de la succession de la dame D uval qu’il prétend lui revenir, se mettra
en devoir de faire déclarer accessoirement à l'action principale, ladop
tion nulle et non aeenuc , quant à lu i, de même que dans toute action
en délaissement d’immeubles on en partage , le demandeur connaissant
■ou no connaissant pas , ( peu importe ) , un testament préjudiciable ù
scs in térêts, intente son action principale, comme si le testament n'eXîstait pas , sauf ensuite à demander incidemment devant le tribunal saisi
de son action prim itive, la nullité du testament lorsque cet acte lui est
réellement opposé.
C ’est donc ici que se présente la question de savoir, dans le cas où l'acte
^adoption du n’j
avril i 83 /j, serait sérieusement opposé, si le tribunal
*1° Cannât qui a homologué cet acte d'adoption, peut décider aujour(lh u i qu'il n’y a pas lieu à adoption, après avoir décidé avec la cour
loyale de Ilium qu’il y avait lieu. En d’autres termes: il s’agit de savoir
Ion peut opposer au sieur
Boirot de Laruas l'exception tirée
de
1Hutorité de lr.chose ju g ée, non seulement par le tribunal de Gannat ,
111
rûs encore pur la cour royale de Ilium.
ttn thèse générale, il est de principe incontestable , qu’un tribunal ne
l'eut se réformer lui m êm e, et encore moins réformer un an et d’un
hibunul ou d une cour supérieure; mais ce principe ne reçoit ici aucune
�' application. Les jugemens qui interviennent lors de l ’adoption appar
tiennent à une juridiction toute volontaire , toute gracieuse , qui n’a
pas besoin d’être motivée , et qui est sollicitée et obtenue par ceux-là
seuls qui ont intérêt à l’invoquer en l’absence de tout contradicteur. Ces
jugeiriens ne
terminent aucun p ro cès, aucune contestation , puisqu’il
n’en existe pas ; il ne font que mettre le sceau- légal à l'adoption sans
rien statuer sur sa validité ; ils ne jugent véritablement
rien. Aussi
dès que ces jugemens ne statuent sur aucune contestation ; dès que ces
jugemens ne jugent rien , on ne peut opposer aux tieis qui y sont en
tièrement étrangers , et qui ont intérêt à quereller l'acte d’adoption,
l ’exception de la chose jugée.
Ces principes professés par M e G ren ier, (traité de l'adoption,page G29),
ont été consacrés de la manière la plus formelle , par la jurisprudence
de trois cours royales et do la cour de cassation, notammeut dans la
cause de Sander C . Dugicd , ou la contestation sur la validité de l’adop
tion s’engagea de la même manière que dans l’espèce.
Ces arrêts des cours royales de Colm ar et de D ijon, et lés deux de
la cour de cassation sont rapportés par Dalloz en son
îèpertoire au
mot adoption , page a 8 i , et ail volume de l'année 182G * page 8. —
Ceux de la cour de cassation sont à la date du 5 août 1 8 a 3 et 22 no
vembre i 8 s 5 . E nfin, celui de la cour royale de Nancy , à la date du
i 3 juin 18 2 6 , et rapporté par D a llo z , année 182G, page 200.
Après avoir ainsi établi que rien ne s’oppose à ce que le tribunal de
G an n a t, soit appelé à apprécier la validité de l'acte d’adoption d o n t il
s’a g it, et même que toute autre manièie de procéder eut été i r r é g u l i è r e ,
nous allons passer à l’exapien de notre seconde proposition.
a e P R O P O S IT IO N .
La loi ne permet pas l adoption de îen fan t naturel par les père et
mere qui lotit reconnu. - - P a r suite est nulle ladoption fa ite l^ ¡¿5
avril 1 834 , au profit de la dame Delaplanche.
Quoique celte question ait déjà été résolue dans 1111 sens contraire par
ie tribunal de Gannat et par la cour royale de Ilioin , il est utile de
�— 15*—
l’examiner de nouveau. Grande est la différence de l’examen que font
les magistrats les plus éclairés, les plus consciencieux , d’uns question
discutée dans des intérêts opposés, ou d’ une question qui n’est pas en
d éb ats, qui n’excitent aucune contradiction , et dont la solution no
leur est demandée que comme un acte de juridiction gracieuse.
Dans ce dernier cas , les magistrats ne voyant aucun préjudice à
causer à qui que ce soit, et désireux do renvoyer satisfaits ceux qui
s adressent plutôtàleu r bienveillance qu'à leur justice, se laissent facilement
entraîner à faire fléchir la rigueur des principes en faveur des personnes.
C ’est ce qui explique pourquoi le tribunal de G an n a t, pourquoi la
cour royale de Tîiom , n’ont pas déjà d éclaré, lorsquela question leur a été
£oumise qu'il n’y avait pas lieu à adoption ; c’est ce qui explique pour-:
c[uoi l’on découvre dans les recueils de jurisprudence , un certain nombre
de jugemens et d’arrêts qui ont consacré cette opinion que l'adoption
de lenfant na turel , par le père ou la mère qui l’ont reconnu , est per
mise. Celte observation est si v ra ie ,q u ’on ne,trouve pas un seul exemple,
dans aucun de ces jugemens ou a rrê ts ,d ’une adoption denfant naturel,
par scs père ou m ère, prononcée et maintenue malgré la contradiction,
des tiers intéressés à conte.iter.
Mais l’examen des magistrats est bien différent lorsqu’ils s’agit d’une
Huestion, dont la solution entraîne pour l'une et pour l’autre des parties
contondante, la perte ou le gain d'une somme plus ou-moins considé
rable. On h beau dire que quelle que soit la somme en contestation»
Huellcs que soient les personnes; qu'il y ait ou non des intérêts opposés
Ctl présence, les. principe.) sont toujours les. mêmes; icela)est: vrai sans
doute. M ais lorsqu’ils; ne s’agit que d’accorder une faveur sans aùcuu
Préjudice possible, pour qui q u i ce soit, quoique les principes soient^
^cs mêmes, on ne peut en l’abscncc de toute contradiction:,: en Üabsencc
des parties argumentant d'intérêts opposés, en faire une ctiulci aussinapr
Profondie et une application aussi sévère, que lprsqu'aprcj une discussion
^ clle de personnes et d intérêts, le m agistrat, sait que sa décision va
necessairement enlever à l'une des parties, tout co q uelle attribuera à
‘ autre. 11 ne s’agit ¡dus alors de faveur sans préjudice possible; il ne
Sngit plus de juridiction gracieuse; d s’agit de justice; il s’agit de la
et le jugement n’est rendu qu'après un jugement aussi consciencieux
(111 éclairé.
�— 16 —
Que si l'on prétendait qu'il y à présomption Je la part du sieur Boirot
de Laruas de vouloir faire changer l'opinion du tribunal de G anuat, sur
une question qu’il à déjà décidée, il serait facile de répondre que la cour su
prême a donné plus d’une fois l'exemple d'un pareil changement; qu’il
en est de même pour les auteurs les plus rccommandables, et pour n’en
citer que d eu x, et sur la question même en discussion, (au moins on ne
niera pas l'a-propos) , nous voulons parler de deux jurisconsultes les plus
savants et les plus profonds que notre siècle ait produit. M M . Merlin
et T o u lie r , lorsque la question s’est présentée pour la première fois r
étaient d'avis que l adoption de l'enfant naturel par les père et mère
qui lo n t reconnu était permise. E t cependant, ils sont revenus à une
opinion diamétralement opposée, et même M . Merlin après avoir sou
tenu d’abord l’opinion que nous deflendons, l’avait abandonnée pour re
venir en définitive à sa première manière de voir.
( T o u lie r , 2e édition N ° 988. — M erlin, à son répertoire, toin. 16..
E t D alloz, au mot adoption, page 293. )
Après ces quelques réflexions , examinons la question en elle même :
elle n'est pas neuve ; presque tout a été dit pour ou contre. Aussi tous
nos arguments n'auront pas le mérite d'être présentés pour la première fois,
On
sait que l'adoption qui était en usage chez le peuple romain ,
mais avec des formes et des conditions
qui ne convenaient pas à nos
mœurs et h nos usages, a été introduite, en principe général, dans notre
législation le 18 janvier 1792 par l’assemblée législative. Cette assemblée
célèbre décréta seulement que l’adoption aurait lieu
tracer aucune des règles qui devaient régir la
principe général eut
en F ran ce,
sans
matière» Dès que ce
été in tro d u it, jusques à la promulgation du code
c iv il, grâce à l’anarchie qui , des lois, était passée dans leur application
et surtout dans les m œ u rs, les tribunaux sans consulter la loi romaine
qui ne permettait l’adoption ni des enfans naturels ni des cnftns adul
térins, consacraient, dans presque tous les. cas, la validité de pareilles
adoplioas,.
t
' ''1
,
t
/
,
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u
�- 1 7 -
Cc scandale eut un terme. L e code civil parut et sans donner une
définition de l’adoption , il permit en g én éral, ( art. 343 et 3{5 , C . C . )
l’adoption aux personnes âgées déplus de 5 o ans, qui n’auraient ni enfants
ni descendants légitimes, en faiveurde l’individu à qui l'adoptant aurait
pendant six ans au m oins, fourni des secours et des soins non inter
rompus , ou encore en faveur de l’individu qui aurait sauvé la vie de
l’adoptant, ( i)
Dans tout le code, les partisans de l’opinion contraire h la nôtre ne
voulurent voir que les articles 343 et 345 ; ils s’emparèrent de ces deux
articles, et soutinrent que si l'enfant naturel et le père qui l’avait re
connu réunissaient les conditions exigées par ces deux a rticles, rien no
s opposait à l'adoption .
En effet, voici le raisonnement que font M M . G ren ier, Dalloz et Dur anton, qui sont les seuls auteurs qui pensent que ladoption de lenfant
naturel par les père
et mère qui l’ont reconnu, est permise: ils sou
tiennent qu’aucune prohibition absolue, qu’aucune exception n’étant faile
dans les articles 343 et 345 , ni ailleurs, à l’égard de l’enfant naturel
%
ct que la loi permettant tout ce qu'elle ne prohibe pas expressément, si
celui qui veut adopter son enfant naturel, a cinquante ans, s’il a donné
Pendant six ans des soins non interrompus h son enfant naturel, si celui-ci
a quinze ans de moins que l'adoptant, rien ne s’oppose à l’adoption.
T el est le seul argument un peu spécieux de ce système, argument
doit découlent plusieurs autres arguments secondaires.
Nous ne voyons pas que ces mêmes articles 343 , 345 et autres, ex
priment formellement que ladoption de ienfant adultérin par ses père
(*) Ar|.
C. C. « I.’adoption n’est perm ise qu’aux personnes J e l’un ou île l ’autre sexe ig é e »
* l'Ius de cinquante ans , qui 11 auront , A I ép o q u e de l'adoption , ni enfants ni descendants lé g i—
1 et qui auront ati m oins quinze ans de plus qu e les individus qu’e lle s se proposent
* d'adopter, ..
d 15 c - C- •• I.a faculté d'adop'cr ne pourra être e x er c é 3 qu’envers l'individu à qui l'on
a"r a > dans sa m inorité et pendant six ans au m o iin , fourni d e s fccours et donné des soin»
10n '" lor>,ompus , ou envers celui qui aurait sauvé la vie à l'adoptant soit dans un c o m b a t,
S°H on *° •■font dos dam mes ou des (lots. — 11 suffira, dans ce d eu xièm e c m , que l'adoptant
0lt ,n:'ic,,,'> plus Agé que l ’a d o p té , sans e n fa n ts, ni descendant» lé g it im e s , et s’il est m arié»
1 UC ,o n c “"joint consente A l ’adoption. »
�_ _ I fr
et m ère, est défendue, pas1plus que pour l'enfant naturel, et cependant
M M . G renier, Dalloz et Duranton sont unanimes pour repousser cette
espèce d’adoption; ils proclament que lenfant adultérin ne peut cire
adopté.
Pourquoi celle différence?'La loi n'est-elle pas aussi muelte pour l’adop
tion de îenfant adultérin , quô pour l'adoption de l'enfant naturels
Pourquoi admettre que l’une de ces adoptions est permise, tandis que
l’autre ne l'est pas ?'
‘ M ais, dit M . D alloz, l’argument d'ànalbgie est essentiellement vicieux:
les erifans'adultérins ne peuvent jamais être légitim és, tandis que les
enfans naturels peuvent l’être-, ( A rt. 33 1 , C . C . ) , ( i) . On reconnaît
donc que ce n’est pas seulement au titre de ladoption , qu’il faut s’ar
rê te r , et que ce n’est pas lh que l’on trouve la raison de décider !... E li !
quoi ! parce que les enfans adultérins ne peuvent être légitimés , ils ne
pourraient être adoptés , et parce que les enfans naturels peuvent être
légitim és, ils pourraient être adoptés !... Mais est-ce que l’adoption et
la légitimaliori sont' choses identiques ? — E st-ce que l’adoption et la
légitimation donnent les mêmes droits ? — Q ue devient donc ce grand prin
cipe que la loi permet tout ce quelle ne défend pas expressément ? Est-
ce que la loi a déclaré tacitement ou expressément que tous ceux qui
pourraient être légitim és, ou ceux-là seuls qui pourraient être légitim és,
pourraient être adoptés ? Il n’en est rien.
Quand on argumente du silence de la loi en faveur des enfans naturels
pourquoi argumenter de ce silence contre les enfans adultérins ? Cela
prouve seulement qu’il’ est impossble aux partisans de ce système d’êtro
conséquents avec eux-mêmes , et qu’il faut admettre ou rejeter ensemble
ces deux sortes d'adoptions. Les adm ettre, cela est impossible. Il ne s’est
pas élevé encore une seule voix en faveur des enfans adultérins .
Il
nous paraît donc démontré que le silence gardé par le législateur
ou chapitre de l'adoption , n’est pas plus prohibitif pour tenfant aduh
( | ) Voy. l'article 331 ci-conlrc , j>agc 19.
�ièrin , que pour l'enfant naturel ", il nous paraît démontré que ce n’est
pas , dans tous les cas ,
au
chapitre seul de l adoption , qu’il faut
s’arrêter pour trouver des motifs tranchants de solution ; mais bien dans
les dispositions spéciales où le législateur a tracé toutes les règles ap
plicables à l’état des en/ans naturels et des enfans adultérins , com
binées avec celles relatives à l'adoption.
E n effet, avant le titre de ladop tion , qu’avait déjà prescrit le légis
lateur pour les enfants adultérins ? Q u ’ils ne pourraient être reconnus
(A rt. 335 , C . C .) ( i) qu’ils ne pourraient être légitimés (A rt. 3 3 1 ,
C* C .) (2) et postérieurement au chapitre des successions irrégulières
qui leur est commun avec les enfans naturels , qu’ils n’auront droit qu’à
des aliments. (A rt. 762 et 7 6 3 , C . C .) . ( 3)
Q u ’avait déjà prescrit le législateur, avant le titre de [adoption^ pour
les enfants naturels, aux mêmes chapitres particuliers et sous les mêmes
rubriques que pour les enfans adultérins? qu’ils ne pourraient être lé
gitimés que par mariage subséquent et antérieurement au m ariage, (A rt.
33 1 et 3 3 3 , C . C .) ( 4) qu’ils ne pourraient être reconnus que par acte
authentique, (A rt. 3 3 4 5 C . C .) ( 5) que reconnus q a ils seraient, ils ne
pourraient réclamer les droits denfants légitim es’, que leurs droits sc-
( I ) Art. 3 3 5 . - - « Cette reconnaissance ne pourra avoir lie u au profit d e s enfans nés d'un
* com m erce incestueux ou adultérin. »
( i ) Art. 3 3 1 . — « I.C8 e iitin i nés hors, m a r ia g e , autres que ceu x nés J ’uu com m erce in ees* tueux ou adultérin , pourront être légitim é» par le m ariage subséquent do leurs père et m è r e
* lorsque ceu x -ci le s auront légalem ent reconnus avant leur m ariage, ou qu’il» le s reconnaîtront
* dans l’acte m ém o d e céléb ration. »
(3 ) Art. 7G2. — » L es dispositions des articles 7 5 7 et 7 3 8 ne sont pas
applicables aux cir:
* fcuis adullérius et incestueux. — I.a lo i ne leur accorde qu e des alim ents. »
Art 7fi3 . _
a Ces alim ents sont r é g l é s , en égard aux facultés du père ou île la m è r e , au
» nom bre et à la qualité des héritiers lé g itim es. »
(* ) Art. 333 . — « L es etifan» Iégilinics par le mariage subséquent auront les m éw cs droits qno
* » ils étaien t nés de ce m ariage. »
(ï>) A it. 3 3 t . -
« J.a reconnaissance d ’un enfant naturel fora faite par un aci« au th en tiq u e,
l lorsq u'elle ue l’aura pas é té dans sou «(.te d e naissance, »
�f r'
— û o—
raient réglés au titre des successions (A rt. 338 , C . C .) ( i ) et enfin,
au chapitre des successions irrégulières , qu’ils ne sont point héritiers
qu’ils n’ont qu’un droit qu’à une quote-part de'termine'e sur les biens des
père et mère qui les ont reconnus, (A rt. 756 et 7 3 7 , C . C .) (a) et qu’ils
ne peuvent par donation ou testament rien recevoir au-delà de ce qui
leur est accordé au titre des successions. (A rt. 908, C . C .) ( 3)
Dans toutes ces despositions, placées parallèlement dans les mêmes
chapitres spéciaux, et pour les en/ans naturels et pour les enfans adul
térins , pas un mot pour les enfans naturels, ni pour les enfans adulté
rins , à l’égard de l’adoption. Ce silence n’indique-t-il pas évidemment
pour les unes et pour les autres, que le législateur s’étant
longuement
occupé , dans des chapitres particuliers et avant celui de l’adoption , de
l ’état des enfans naturels , et des enfans adultérins, et des droits que
les uns et lçs autres pourraient avoir sur la succession de leurs parents,
il a tracé des règles particulières exceptionnelles pour eux, et que par con
séquent les autres règles générales qui régissent l’état des personnes et
leurs droits aux successions de leurs auteurs, ne sont point applicables
ni aux enfans adultérins , ni aux enfans naturels. E n effet, tout est
cxccptionel pour les enfans ncs hors mariage : leur naissance, leur c t a t ,
Jours droits , comme les règles qui régissent le tout.
(1 ) Art. Ï 3 8 . — « l ’enfant naturel reconnu no pourra réclam er les droits d ’enfant légitim e.
» Los droits des enfants naturels seront réglés au titre des successions. »
(2 ) Art. 7 5 0 .
« Los enfants naturels no sont point héritiers ; la loi ne leur accorde de droit
« sur les biens do leur père ou m ère d é c é d é s , que lorsqu’ils ont été légalem ent reconnus. Ello
» ne leur accorde aucun droit sur le» liions d es parents de leur père ou m ére. »
Art 7 5 7 . — « Le droit de l’enfant naturel sur les liiens du scs père ou more d écéd és est rég!»
»• ainsi (|ii il suit : — Si le péro ou la méro a laissé d es descendants légitim es , ce droit est d ’un
» tiers d e la portion héréditaire que l’enfaüt naturel 'aurait eue s ’il *‘ut été légitim e ; il rst do
»
la m oitié lorsque les péro ou piére ne laissent pas de
d e s c e n d a n ts,
m;üs hic» de« ascendants ou
» des frères ou sœurs ; il est des troiw quarts lorsque les père ou inére no laissent ni descendants
» ni ascen d a n ts, ni frères ni scrur*. a
(3 ) Art. 908* — >< I.cs enfans natm els no pourront par donation entre-vifs ou
ff rien recevoir au-delù do co qui leur est accordé au titre des successions* y
par testament j
�0r
tn
— 2 1 —'
M a is, dit encore M . Dalloz : si le législateur avait voulu prohiber
l’adoption des enfans naturels par les père et mère qui les ont reconnus,
il l’aurait fa it, non pas d’une manière indirecte aux litres des successions,
par l’article 908 , C . C .. , qui est inapplicable à l’enfant naturel adopte,
qui a changé d’état, qui cesse d'être enfant n atu rel; mais au titre des
Personnes , par une disposition spéciale.
La réponse à toutes ses objections est facile: nous disons d’abord
que tous les arguments qu’on présente en faveur de l'enfant naturel,
°n peut aussi les faire dans l’intérêt de lenfant adultérin. L e législateur,
au titre des personnes , ne prohibe en aucune façon l’adoption des en-
fa n s adultérins ; ce 11’est qu’au titre des successions que les articles
762 et 76 3 , leurs accordent des aliments, comme les articles 75G, 767 et
9o8, (1) n’accordent qu’une quotité restreinte dans l’hérédité de leurs
auteurs aux enfans naturels reconnus.
Pourquoi, si lenfant adultérin était adopté ne cesserait-il pas, comme
lenfant naturel , d’êlrc enfant adultérin aux yeux de la lo i? Pourquoi
s°n étal ayant changé, ne recevrail-il pas au lieu d’aliments seulement,
la portion qui revient à l’enfant adopté? la raison de décider est abso
lument la même: on résout la question par la question, voilh tout. On
aj°ute en vain que les enfants adultérins ne peuvent jamais devenir lé
s â m e s ; que leur état, leurs droits sont fixés d’une manière irrévocable.
Mais ils sont fixes de la même manière que pour les enfants naturels, dans
les mêmes chapitres spéciaux, sous les mêmes rubriques. Seulement ces
prohibitions sont plus sévères pour les enfants adultérins; seulement ces
prohibitions sont moins étendues pour les enfants naturels, que pour les
enfants adultérins. Le législateur a élé plus favorable aux uns qu’aux
autres, en raison de leur origine plus ou moins scandaleuse, plus ou
moins attentatoire aux bonnes mœurs, et h la sainteté et à la paix du
mariage. Mais quoique moins étendues , ces prohibitions ne sont pas
moins aussi formelles, pour les enfans naturels, que pour les enfanls adul
térins, et l’on ne doit porter atteinte à aucune.
(*) V oy, Ica articles 7 0 2 , 7G 3, 7 5 0 , 7 5 7 et 0 0 8 C. C. pages 1D et 2 3 .
�—22—:
Sous ce premier point de v u e , il y a complète analogie entre les
enfants adultérins et les enfants naturels, et admettre les uns au bénéfice
de l'adoption et rejetter les autres, c’est commettre une erreur qui tient
presque du caprice; c ’est se montrer tout-s-fait inconséquent.
E st-il bien vrai ensuite, que ce soit au titre des successions seule
ment , qu’il y ait prohibition pour l’enfant naturel de rien recevoir audelà de ce que les articles 75G , 757 et 908 (1) lui accordent, et que cette
prohibition ne soit faite que pour l’enfant naturel reconnu , mais non
adopté ? Est-il bien vrai que l’enfant naturel adopté change d’état et
cesse d’être enfant naturel ?
Il
suffit de lire l’article 338 du code c iv il, qui dispose que , « l’en-
» fant naturel reconnu ne pourra réclamer les droits d’enfant légitime ,
» et qui ajoute que ces droits seront réglés au titre des successions , »
pour se convaincre que c’est au titre des personnes que la prohibition
formelle de rien recevoir au-delà de ce qui est attribué par les articles
7 5 6 , 757 et 908 j prend son origine, et est exprimée de la manière la
plus expresse. (1)
L a prohibition frappe do^nc , sans distinction aucune , l'enfant natu
rel reconnu , et s’attache a sa personne. Il suffit encore de lire l’ar
ticle 348 , (2) pour se convaincre qu’alors mèinc l’enfant naturel reconnu
serait adopté, il ne changerait pas d’état, parce que cet article dispose
que l’adopté reste dans sa fa m ille naturelle. S ’il conserve tous scs droits
dans sa famille naturelle, l'enfant naturel , adopté qu'il serait , ne ces
serait doue pas d etre enfant naturel reconnu , mais il ajouterait à cette
première q u a lité, celle denfant adoptif. Les articles 338 , 756 , 7 ^7 1
et 908 ne cesseraient donc pas de lui être applicables, avec d’autant
plus de raison que la prohibition faite à lenfant naturel re c o n n u , de
rien recevoir au-delà de la portion restreinte qui lui est accordée et au
titre des personnes et au litre des successions , a paru- si formelle au
législateur, que quoiqu’il eut disposé (A rt, 3 3 1 et 33 a , C . G . ) , q u e / f« -
fa n t naturel pouvail être légitimé par ^mariage subséquent, lorsqu il
aurait été reconnu, pour éviter l'application des articles 3 3 8 , 75 (J, 757
et 908 à l'enfant naturel reconnu qui a u r a it été légitim é , le législateur
disons nous, a cru dc"voir ajouter, art. 333 , C , C . , que les enfans légi
times par mariage subséquent, auraient les mêmes droits que s ils étaient
nés de ce mariage, (1)
(1 ) Yoy» les art. 331 t 3jt2 y 33*> * 3 3 3 *
(2)
Art.
3(9
j ¿->7 i*t 0 0 4 t
«L 'aibpLo rcslcra dans ta lam illc u alu rcllu .
C, |*0£Cs lij * l ■ t'I
y c o a sc n c r a toiu scs d a / l s ; eter»;
�-23Ce soin si extraordinaire du législateur à régler dans les moindres
détails, tout ce qui touche à la personne et aux droits de succession
conférés aux enfans naturels, rie prouve-t-il pas d’abord que s’il eut été
dans l’intention du législatéur de crée r, outre la reconnaissance et la lé
gitim ation, un troisième moyen en faveur de l'enfant naturel pour acquérir
Un état, une famille et des droits successifs qui lui appartiennent, non
par l'effet seu l, de sa naissance, mais accidenfellement, il eut déclaré
formellement que lès enfants naturels pouvaient être adoptés? Ne prouve-t-il
pas encore qu’alors même que le législateur eut tacitement souffert que
les enfants naturels rentrassent dans leur famille par la porte de l’adoptio n , il n’a pas eu l’intention, dans ce cas, d'attribuer d’autres droits aux
enfcinis naturels reconnus et adoptés , qu’aux enfans naturels reconnus
non adoptés , parccqu'il n’eut pas manqué de cléclàrer, comme pour les
enfants naturels reconnus et légitimés ^que ces enfants naturels adoptés,
auraient sur la succession de l’adoptant, les mêmes droits que s'ils n’étaient
Pas enfants naturels reconnus.
Il
n’eut pas manqué de déclarér que pour eu x, il y avait éxe^ptioti
aux articles 338 , 908 (1) et autres du code civ il, et certes cette déclaratiôii
l’absence de toute prescription de la l o i , autorisant l’adoption des
enfants naturels, était bien plus nécessaire, que dans le cas de la lé
gitimation, où la loi trace elle même les règles de cette légitim ation, q uelle
favorise, q uelle autorise de la manière la plus formelle.
Tou t concourt donc à établir que jamais il n’est entré dans l'intention
du législateur de permettre qué les enfants naturels reconnus, pas plus
que les enfants adultérins, puissent être adoptés. Le silence seul du législa
teur à l'égard des uns et deS autres, au titre de l'adoption , nous semble
décisif.
Les enfantfe nés hors mariage sont dans une position toute exception
nelle: ils n’ont pas de fam ille; ils n’ont aucun droit à la succession de
‘lui que ce soit; ils n’ont pas d’état, nec fam iliam , nec gcnlcm liaient ;
ds ne peuvent sortir de cette position toute exceptionnelle, toute parti
culière, qu'e de la manière formellement prévue, formellement exprimée
par le législateur, Par le fait seul de leur naissance hors m ariage, ils
lle sont pas, comme les enfants légitim es, saisis |de plein droit d'une fa
i l l e ; au contraire, ils sont exclus de toute famille. Pour y rentrer il
�- 24leur faut la permission expresse du législateur, réunie à la volonté aussi
expresse de leurs parents; il leur faut le concours formel et simultané
des parents et du législateur. Le législateur n’a ouvert en faveur des
enfants naturels, eu égard à leurs auteurs, que la reconnaissance et la
légitimation ; il n’a pas parlé de ladoption', les deux premières voies
leur sont ouvertes, l’adoption leur est interdite.
M ais, est-il bien vrai de dire que la loi soit silencieuse, et quelle ne
prohibe pas expressément et littéralement l’adoption des enfans naturels
reconnus. A cet é g a rd , il suffit pour se convaincre du contraire de lire
la loi avec attention , et d’en rapprocher les différentes expressions.
Lorsque le législateur a permis l’adoption , et qu’il a dit que celte
ndoption ne pourrait être faite que par des personnes âgées de cinquante
ans qui n’auraient ni enfants ni descendants légitimes, n’a-t-il pas clai
rement exprim é, suivant l’inlention d e là loi rom aine, suivant la défini
tion de C u ja s , qu’il voulait donner une consolation aux vieillards qui
n’auraient pas eu le bonlicur d’avoir et de conserver des enfants légi
tim es , par le bienfait d’une paternité factice, en l’absence d'une pater
nité réelle. ( L e législateur a dit légitimes , pareeque s'ils sont naturels
il les considère comme n’ayant aucune existence.) En prescrivant que
cette adoption ne pourrait avoir lieu qu’en faveur d’individus auxquels
l'adoptant aurait fourni des soins pendant six ans au moins, ou parce
que sa vie aurait été sauvée, soit dans un com bat, soit dans les flammes,
soit dans les eaux, n’a -t-il pas voulu autant que possible remplacer l’af
fection naturelle qui provient des liens du sang, par celle qui nait de
l'habitude ou de la reconnaissance ?
Ces différentes expressions »'indiquent-elles pas q u e, dans la pensée
du législateu r, l'adoption ne peut avoir lieu qu’entre personnes complè.
tement étrangères l’une envers l’autre, aux liens de la paternité et de la
filiation, comme le prescrivait le dernier état de la législation romaine?
N ’indiqucnt-cllc pas, suivant cet axiome de droit: quod rneum est non
amplius rneum fie r i p o test , que c’est faire jurer les idées et bouleverser
les simples notions du bon sens, que dc«supposcr que celui qui a un fils
naturel légalement reconnu, peut faire absorber, au moyen d’une fiction,
cette qualité de fils naturel , par celle de fils adoptif , et peut ajouter
l'une de ces qualités h l’autre?
�L -a5Est-il besoin de donner une démonstration mathém atique, que telle a
été la volonté bien expresse, l'intention bien formelle du législateur?
Q u’on jette les yeux sur les articles 346 , 347 et 348 du code civil ( i ) ,
on y verra que l’adopté est tenu de rapporter le consentement donné h l’a
doption par ses père et m ère, ou le survivant, ou de requérir leur conseil;
°n y verra que l’adoption confère le nom de l’adoptant à l’adopté en l’ajou
tant au nom propre de ce dernier; que l'adopté reste dans sa famille natu
relle et y conserve tous ses droits; qu’enfin, l’adoplion n’est permise qu’à ce
lui qui jouit ci’une bonne réputation.
S i le législateur n’avait pas entendu que l'adoption ne pourrait avoir lieu
qu’entre personnes complètement étrangères entr’elles, aux qualités de fils
et de père, toutes les prescriptions de la loi seraient ridicules, absurdes j
et d’une application impossible entre l’adoptant et son fils naturel reconnu.
Com m ent, en effet, l’enfant naturel déjà reconnu pourra-t-àl rapporter
le consentement ou le conseil des père ou mère qui l’ontrreconnu, puisqu il n’en a d’autre que l’adoptant? L e père ou la mère qui voudra adopter
sou enfant naturel, jouerait donc dans l’adoption deux rôles différents,
comme 1c cuisinier-cocher dans lA va re de M olière? Comment l’enfant
*1;*turel pourra-t-il ajouter à son nom le nom de l’adoptant,puisque la recon
naissance le hii a déjà conféré ? Comment restera-t-il dans sa famille natu
relle et y conservera-t-il scs droits, puisqu'il n’a d'autre famille que celle
de l’adoptant? Comment pourra-t-il rester à la fois enfant naturil recon-
nn •>et devenir enfant a d op tif du même p ère, les droits dè l’un et de
1autre étant tout-à-fait différents, tou tàfait contradictoires? Comment
Çnfiu le père et surtout la mère de l’enfant naturel, d'un,enfant conçu
^ * 6 . — » I* adoption ne pou rra, en aucun c a s , avoir listi avanl la m ojorité de l'adopté,
^ a lo p iü # ayant encore scs pere et m ò re, ou l ’un des d e u x , n'a point accom pli sa vingtT ninfe a n n é e , il sofa lenii de rapporter le consentem ent donné A l'adoption
par «es père
è ' e , ou par le su r v iv a n t} e t , s il est majeur dû vingt-i'inq a n s , de requérir teur c o n s e il.n 1' ■
3 4 7 . — « Ij’adoption conférera le nom dé l’adoptant à PadoJjté, en rajoutant au non» propre
" d e c e dern ier.»
^ r1, ^ 4 8 . — « 1,’adopté resiera dans sa fam ille naturelle, et y conservera tous scs droits : néan,n , > le mariage est proliilié entre l’adoptant , l’adopté et scs descendants ; entro le s enfants
p i.» du nivino in d iv id u , entro l’adopté et les enfants nui pourraient survenir à l’ilo p ta n t •
" l ’a i
81 “l’1“ c l 1° conjoint de l ’adoptant, et réciproquem ent entre l ’adoptant et le conjoint de
�lidrs m ariage, peuvent* ils jouir d’une bonne réputation? car il ne s’agit
pas ici (l'une réputation de.'probité^ mais de réputation de moeurs pures
et à l’abri de toute espèce de soupçons ; car ce'n’est qu’à des vieillards de
mœurs pures, et dont la vie n’a été marquée , sous ce rapport, par au
cune tâche , que le législateur n voulu'conférer le bienfait de l’adoption .
ce n’est qu’à eux qu’il a voulu confier des enfants que la nature ne leur
- avait >pas donnes!..',..
A insi, quand oh veut examiner les conséquences du principe professé
p a rle s partisans de l’adoption des enfants naturels, on arrive à l’impossi
bilité, e lle législateur n’a pas voulu exprimer des choses impossibles. Pour
faire toucher du doigt l’impossibilité qu’il faudrait nécessairement imputer
aux prescriptions du législateur, si l’on admettait qu’il a permis l’adoption
.des enfants naturels , nous terminerons ^ sur'cette question , par deux rap
prochements bien simples.
Le législateur .a voulu que l’adopté reste dans sa famille naturelle et
y conserve
tous' scs di-oils': si l’adopté est un enfant naturel reconnu , et
qu’a u x ’ termes de l’article 348 du code civil , ril conserve tous ses droits
dans sa'fam ille naturelle, il ne pourra, par suite des combinaisons des
articles 338, 348 et 908, réclam er, dans aucun cas, les droits d’enfant
légitim é, et obtenir , par la donation ou le testament du pète qui l’aura re
connu, rien'àu-delà de ce qui lui est accordé au titre des successions !...
Cependant aux termes de l’article 35o , l’adopté a , sur la succession de
l’adoptant, lès mêmes droits que ceux qui compèteraient à l’enfant né du
mariage ; de telle so rte, que d’un côté l’erifànt naturel reconnu e t 1adopté ne
pourrait obtenir les droits d’cilfant légitim e, et *jue'de 'l’autre ‘il anrait*los
droits d’un enfunt légitime.
L article 35o est donc matériellement inconciliable dans le sens où l’a
doption des enfants naturels serait permise avec les articles 338, 348 et
908 combinés; et qu’on ne vienne pas dire que l’article 35o dérogea l’ar
ticle 908 dans ce cas spécial.
\
Il
ne s agit pas seulement
de dérogation à l’article 9°8 qui est au
litre des successions , mais aux articles 338 et 348 qui sont au litre des
personnes , et à celui même de / adoption (O* IJ'on scra‘ l donc obligé de
soutenir que les dispositions concernant l'adoption ne sont pas co-rcla*
Y oy. les art. 3 3 3 et 9 0 3 r a8 ° 2 0 , l ’art. 3 4 8 page 2 3 , c l l ’art. 3 3 0 page 2 7 .
�— p , i y -r-
- tivos, nd sont pas, Ofjgées;simultanémentet sont-.destructives les nnes djcs
' auti-es ,.[ce qui^n’e s t pas lpgique ; mais ce qui le, serait, encoie-m oins ,
c’est que si ledégislateur permettait Tadoplion de l’enfant naturel reconnu,
i'il détruirait complètement l’esprit et la conséquence des articles, 33 1 et 33 a.
' Ces [articles ne -permettent la légitimation des enfants naturels que parole
mariage ! subséquent, «t: par l'acte ■
m ôme-de 'célébration dm mariage tics
père et m èie qui les ont reconnus, et nonf postérieurement. O r , si l’adop
tion de l’enfant naturel était permiso et qu'ellei lui donnât les droits d’en■fknt légitim e (ni t. 35 o C . C . ) , ( 0 on pourrait donc, autrement .que. par
l,n mariage subséquent et postérieurement à. ce m ariage, rendre légitim e,
Par l'adoption * celui qu’il ne serait plus permis de'rendre légitime par la
légitimation /seule voie que le code a ouverte, ce; qui est une contradic
tion manifeste à ajouter' h tant d’autres.
A rriver à. celte conclusion c’est avoir établi que jamais il n’est entré
dans l’cspiit du législateur, comme dans l’expression de sa volonté, de
permettre l’adoption de l’enfant naturel, par les pèreiou mère qui l’ont re
connu.
Si l’on veut examiner la question d’un peu plus haut sans s'arrêter* au
texte de tel ou te l-a rticle, on voit que le législateur sYst(occupé , dans
chapitre sp écial, de tous les enfants nés hors m ariage;'qu’il a indiqué
dans. une série de dispositions.'bicn précises, bien formelles, les seuls mo
yens qui ne s’appliquent qu’à eux d’acquérir, de trouver une famille
(i” e leur naissance ne leur donnait pas; que: placés ainsi hors du.droit
c°innuiri , hors rdc toute fam ille, les enfants nés hors mariage sont plus
01,1 moins favorisés: par la d o i, eu égard à leu n naissance, plus- ou moins
,8Çn*KUlensc ; ,que‘ cette loi-est moins sévère pour les enfants1 naturels
pour les enfants adultérins; m ais-qu'elle.est égide.pour tous en ce
s<,nsv quc ces prohibitions, que ces exceptions sont aussi formelles pour les
'mscjuq pour les autres; en ce sens que, dans cette position toute excop'^onndlpj les e n fa n ts adultérins ne peuvent jamais obU nir que des aliments,
et.. l'is Qiifmls naturbls la reconnaissance et la, It;gil ¡million, seulement
Ui,1>s les formes; et'oux conditions- indiquées , prescrites, par la lo i , et, ja-
(1) .A n . 3 S 0 . « I.'adopté ri’oc piorra aucun «lroil île sudcéflsli.iU té'siir t w 't t c n s : .! « - p a r e u »
" 1 "'lopirim ;
do
il aura im- la *ueriiSioi», <V 1’ddoptmit ics.‘im>n'Jps droits Irjur ce iv q i ’y .« ir a it
" 1 « fa u t né on m a r â g e , iniimc .<pond il y îmniit d a u !rcs eitfo n li'd c t c 'lc . dotujcrr • q u a lité , nùj
“■'Jojmis l'ailijp'ion. »
�-
28-
înais l'adoption, parce que non-seulement le législateur n’a pas dit expres
sément que cette voie leur est ouverte ( ce qui était indispensable dans la
position toute exceptionnelle où se trouvent les enfants hors m ariage),
• mais encore parce qu’il résulte d’une foule de dispositions que nous avons
énumérées, que l’adoption de l’enfant naturel par les père et inèrc qui l’ont
reconnu est interdite de la manière la plus formelle. Notre législateuia proscrit cette espèce d’adoption, parce qu’elle encouragerait la dé
pravation des mœurs, et tendrait à augmenter, d’une manière effrayante,
le nombre des enfants nés hors m ariage, déjà si considérable, et qui fini
rait par envahir tous les rangs de la société.
S i, de l’examen de la question en elle-m ême, nous passons aux autorités
qui ont appuyé l’une et l’autre opinion, nous voyons d’un côté, et pour l’a
doption : MM. Grenier et Duranton qui s’expliquent plutôt d’une ma
nière dubitative que positive, e tM . Dalloz ; tandis que nous voyons de
l’autre, et contre l’adoption : M M . T o u lier, M erlin, M alleville v Delvincourt, Loiseau, C h a b o t, Favard de l’Anglade, Rogron ; enfin, tous ceux
qui ont écrit ou exprimé leur opinion sur la m atière, mais notamment
M . Magnin ,dont le traité spécial est tout récent.
M . Favard de l’Anglade, qui traite la question avec quelque étendue
au mot adoption, en son répertoire , rapporte l’opinion de M M . Treilhard
et M alleville, attaché à la commission chargée de rédiger le code civil,
et de laquelle il résulte,de la manière la plus positive, que «les rédac« leurs du code civil n’ont jamais entendu autoriser l’adoption des enfants
« naturels par les père et mère qui les auraient reconnus. » E t, chose re
m arquable, c’est un prétendu p rocès-verbal, découvert par M. L ocré, pro
cès-verbal qui pouvait faire supposer une opinion contraire de la part des
lédactcurs du code c iv il, qui a entraîné, en faveur de l’adoption des enfants
naturels, MM. Merlin, Toulier, Grenier etun grand nombre de cours royales,
unanimes contre eux avant celle découverte. Aujourd’hui que MM. Favard
de l’Anglade, Treilhard et M alleville; M erlin, et T ou lier, et M. le pro
cureur-général Mourre ont fait justice de ce prétendu procès-verbal , les
cours et tribunaux feront comme Toulier et M erlin, et reviendront à leu*'
première unanimité.
Si, de l’opinion des auteurs nouspassonsà la jurisprudence, nous trouvons
un assez grand nombre de cours royales «lui ont consacré l’un et l’auti0
système : les cours de Paris, Nismes , Besançon, Pau, B ourges, Amiens ,
ont constamment refusé d’admettre l adoption des enfants naturels r t '
�_ 2 9-
connus. Les cours de Grenoble , C aën , D ou ai, Rennes , Poitiers, L yo n ,
o n t, aucontraire, admis que celte adoption pouvait avoir lieu. Mais il y
a cela de remarquable que dans aucun des arrêts qui ont admis l’adop
tion , cette adoption n’e'tait contestée par des tiers intéressés. D’où il est
permis d’inférer que la question n’a pas été sérieusement agitée, et que
les cours ont fait acte de juridiction gracieuse, plutôt qu’application des
principes sévères.
Une seule fois la cour de cassation a été saisie d e ’ cette question: on
lui déférait un arrêt de la cour de Nismes qui avait refusé d’admettre
l’adoption. E lle x-ejeta le pourvoi parce que l’arrêt n’étant pas m otivé, et
ne pouvant pas l’être, la cour de Nismes avait pu être déterminée par
les circonstances spécifiées dans l’article 355 du code c iv il, et non parce
que l’adopté était un enfant naturel reconnu. D ’où elle tira la conséquence
qu’il était inutile de s’occuper de la question en elle-même. Cet arrêt.:
est rapporté par MM. F avard d e l’Ànglade et D allozen leurs répertoires
au mot: adoption. Il est h la date du
i 4 novembre i 8 i 5 . M. Boslon-
Castellam oute, conseiller rapporteur dans cette affaire, exprima dans son
rapport une opinion contraire à l’adoption de l’enfant naturel, et M . Fa*
Vard de l’A nglade, président de cliambre à la cour de cassation, qui
devait connaître l’opinion de ses collègues, après avoir rapporté cet arrêt,
ajoute que la décision de la cour de cassation autorise à penser que
l’arrêt d’une cour royale q u i, dans ce cas, approuverait l’adoption, ne
pourrait échapper à la cassation, comme contraire à l’esprit et à la lettre
de la loi.
Nous pensons qu’il est inutile d’insister d’avantage sur cette question:
elle mérite toute l’attention du tribunal; elle a besoin d’être longuement
méditée, car ce n’est qu’après plusieurs années de discussion que M M . Toulier et Merlin qui étaient d’abord d’un avis favorable à l'adoption , ont
passé à une opinion contraire. Le tribunal de G annat, si sa conviction
l’y appelle ne reculera pas devant un pareil exemple donné par de pareils
hom m es!,...
�3mc PROPOSITION.
Dans le cas oh en thcze générale l'adoption de l'enfant n a tu r tt
par les pcre et mère qui lo n t reconnu serait perm ise , il n'y à pas
lieu dans l'espèce à l'adoption de la dame Sophie-M athilde B o ir o t ,
épouse Delaplanche , par sa m ère , la dame B u val.
Nos adversaires, par leur refus obstine de toute conciliation nous ont
amené sur un terrain où la discussion touche directement aux personnes.
Q u’ils s’en prennent donc à eux-mêm es, à eux seuls, si nous invoquons
des souvenirs et des actes, dont la mémoire de leur mère pourrait être
offensée!'.... Quelque pénible que soit la tâche qu’ils nous ont imposée,
nous ne reculerons pas. Mais en nous rappelant que l’on ne doit aux morts
que la vérité, nous nous rappelerons que nous nous devons à nous, d’être
calmes et réserves dans notre langage, même en présence d’injustes adver
saires. Les magistrats sauront apprécier notre modération et jusques à
notre silence.
Tou s les auteurs qui soutiennent que l’adoption de l'enfant naturel par
les père et mère qui l’ont reconnu, est permise, sont les premiers à pro
clamer qu’il faut mettre dans l’application de ce principe de justes ternpéramment. C ’est ainsi que M. Grenier fait des vœux pour que les exem
ples de ces adoptions ne se présentent jamais; c’cst ainsi que M . Dalloz
désire que l’adoption ne soit permise que lorsque les magistrats sont con
vaincus de l'impossibilité de la légitimation par mariage subséquent ; c’est
ainsi que ce dernier auteur pense que l’adoption des enfants naturels ne
Saurait causer de vives alarmes pour les mœurs, puisque les tribunaux >
dispensés, en cette m atière, dém otiver leurs jugements, se trouvent in
vestis par la loi du pouvoir d’empêcher les exemples de ces adoptions de se multiplier aux dépens de la morale publique, et que le pouvoir sa
lutaire et illimité qui leur a été 1ém is-par le législateur, est dénaturé h '
prévenir tous les dangers et à faire cesser toutes les craintes. C ’est encore
ainsi que M M . Grenier et Dalloz s’accordent à proscrire toute adoption !
en faveur de l'enfant entaché d’adultère.
Si jamais ce pouvoir discrétionnaire, illim ité ,
sans motifs à expri
mer comme sans contrôle, fut facile à exercer; si jamais la conscience
�a fait un devoir aux magistrats de déclarer qu’il n’y a pas lieu à adop
tion, certes, c’est dans l’espèce qui est soumise à leur appréciation. Nous
ne craignons pas de dire que si lorsque la familleDelaplanclie voulutemporter
au pas de course , l'homologation de cet acte d’adoption ( arraché à l’a
gonie de leur mère , et qu’elle leur aurait refusé si elle avait conservé le
libre usage de ses facultés et de ses souvenirs ) , les faits avaient été ex
posés fidèlement, tels qu’ils ressortent des actes authentiques, la religion
du tribunal n’aurait pas été surprise d’une manière si étrange.
O n conçoit qu’il est des positions tellement intéressantes, que la rigeur des principes doit en leur faveur faire quelques concessions. Ainsi
une jeune fille de mœurs pures , d’une éducation peu avancée, aura dans
un âge et dans une position où la crédulité est si facile à se laisser en*
traîner , cédé aux solicitations d’un séducteur, riche et adroit , elle aura
cru dans son inexpérience aux promesses si souvent répétées d'une union
prochaine. Mais bientôt elle est détrompée; le séducteur meurt ou l'aban
donne, et il ne reste à la pauvre fille de toutes ses brillantes illusions que
la honte et un malheureux enfant ? ... Q ue si elle remplit alors avec une
noble résignation tous ses devoirs de m ère; que si à force de vertu elle répare
Sa
faute en consacrant sa vie entière, son affection, sa fortune sans, aucun
partage à l’enfant qui fait tour-à-tour sa honte et son bonheur; que si
elle repousse tout autre hymen que celui qui peut légitimer son enfant,
c ’est alors qu’après des épreuves aussi certaines, les magistrats bien con
vaincus qu'il y a eu faute, mais qu’il n’y a pas eu v ic e , qu’il n’y a pas
eu crim e; bien convaincus que cette faute a été réparée, a été expiée
autant que possible, peuvent déclarer qu’il y a lieu à adoption.
Mais ici rien de semblable :
C ’est une femme âgée de vingt-trois ar»s, riche, d’une éducation et
■
d’un rang élevés, qui f.»il prononcer après quinze mois d’un premier malla ge contracté sous les auspices les plus heureux, avec un jeune homme
d u n rang et d une fortune égaux aux siens, un divorce qu’elle poursuit
dans des intentions faciles a ap précier!... C ’est une femme qui n’allcnd
l )ns que ce divorce soit prononcé pour quitter son domicile , et aller
s'établir dans une ville voisine avec l’instigateur du divorce et vivre pu
diquem ent avec celui-ci dans sa m aison!... C ’est une femme qui dix
iinois et quatorze jours seulement après le divorce, met au monde un
�enfant dont elle cache la naissance et ie nom , parce que 'sa conception
ayant pu avoir lieu pendant l’existence du premier m ariage, elle est exposée
à voir déclarer cet enfant, adultérin , aux ternies d*s anciennes lois et
de la jurispiudence des parlements, tant sur les poursuites du sieur Esmelin-D euxaigues, son premier m ari, que sur celles de ses propres parents
intéressés h le repousser de sa fam ille!... C e st une femme qui sentant
combien cette tâche d’adultérinité est difficile à détruire, soit aux yeux
de la lo i, soit aux yeux du p ub lic, fait intervenir plus tard devant les
tribunaux ses parenls, et les fait consentir expressément à ce qu'il soit
dit que cet enfant est son enfant naturel !... C ’est une femme qui dé
laisse l’instigateur de son divorce, celui avec qui pendant l’action en d i
vorce, elle avait fui de son dom icile; celui qu’elle avait déclaré être le
père de son enfant1, qui le délaisse, quoiqu’il fut resté célibataire, quoiqu’il
soit mort postérieurement célibataire, ou qui délaissée par lu i, elle jeune,
riche et belle songe à une autre hym en!... C ’est une femme qui convole
après sept ans d’une liberté dont elle avait si mal profité, en secondes
noces avec le sieur D uval, et renonce ainsi volontairement, d’elle-m êm e,
à toutes les voies qui lui étaient ouvertes pour réparer le vice de la nais
sance de sa fille. C ’est elle qui renonce à la légitimation par mariage
subséquent,puisqu’en épousant un autre que le père de sa fille, elle renonce
à l’adoption, et qu’en outre elle ne se mariait avec le sieur Duval qu’avec
l’espérance d’avoir des enfants légitim es!... C ’est une femme qui n’a fait
aucune espèce de sacrifice, h ses goûts, à ses passions, h ses désirs pour ré
parer sa faute, et qui n’a été ramenée h une tendresse exclusive pour sa
fille que par l’âge et par le hazard !......
A insi, divorce, fuite de l’epouse divorcée avec l’instigateur du divorce,
naissance cachée , naissance d ix mois cl quatorze jours seulement après
le divorce , d’un enfant entaché d'adultérinité, et d’une manière indélébile,
reconnaissance de cet enfant, renonciation volontaire h le faire légitime ,
et même h pouvoir l’adopter , par un convoi en secondes noces avec un
autre que le père de cet enfant, resté célibataire. 'J elles sont les cir
constances accumulées que présente la
cause,
et dont une seule suffit aux
yeux des auteurs pai lisants de l’adoption des enfants naturels pour faire
déclarer, dans l’espèce, cette adoption impossible.
�— 33—
E n présence de pareils faits , et tous ces faits sont prouve's par actes au
thentiques, excepté un seul, celui d e là fuite delà dam cEsmelin-Deuxaigues
avec son séducteur; En présence des articles 355 et 356 du code c i v i l , estil possible de déclarer qu’il y a lieu à adoption , de la part de la dame
D u v al, nous ne disons pas en faveur de la dame Delaplanche, son en
fant n a tu re l, mais en faveur d’utv étranger, en faveur de qui que ce
soit ? E st-il possible de décider que le législateur ait voulu conférer le
bénéfice de l’adoption à celui dont la vie aurait été signalée par de pareils
actes, et qui aurait de pareils préceptes, de pareils exemples à léguer
à son enfant adop tif? Non jamais les magistrats ne consentiront à
porter une pareille atteinte aux lois , aux mœurs et à leur conscience !...
4e PROPOSITION.
l!adoption de lenfant naturel reconnu serait elle perm ise , et y
aurai t - il lieu dans lesp èce, à l'adoption de la dame Delaplanche , le
sieur Doirot de Laruas n'en aurait pas moins droit au huitième ùe la
succession de la dame D ut al.
On doit sentir que nous n’examinons celte proposition que pour épuiser
entièrement la matière* d’autant plus que nous l’avons déjà agitée inci
demment.
Nous avons dit et nous soutenons que l’article 338 , C . C . combiné
*vec les articles 756 , 757 et 908 contiennent une prohibition absolue,
indélébile, attachée h la personne des enfants naturels reconnus , de rien
Recevoir au-delà de ce qui leur est attribué au titre des successions.
Nous avons dit que celte prohibition demeure adhérente à l ’enfant
naturel reconnu, comme la robe de Nessus, h- moins que la main du lé -
8'slateur ne vienne l’ai rad ier !....
Nous avons dit que cette prohibition n’était pas détruite par l’articlo
35 o qui confère à l’adopté les mêmes droits dans la succession de l’adop*ant, que ceux qu’y aurait l’enfant né du m ariage, parce que cet article
^5o est en contradiction formelle avec les
articles 348 cl 3 3 8 , et par
suitc avec les articles 7 5 6 , 757 et 908 du code c iv il, desquels derniers
^ ticles, il résulte que l’adopté ne change pas d’état, veste dans sa famille
naturelle et y conserve tous ses droits.
Nous avons dit que dans celte contradiction palpable entre deux textes
lo i, il était impossible de supposer que les articles 3 4 8 , 3 3 8 , 756 ,
257 et 908 fussent absorbés par l’article 35 o ; qu’il faut donc s’en teniv
�■à la prohibition expressément faite à l’enfant naturel reconnu de rien re
cevoir au-delà de ce que la loi lui accorde, qu’il soit ou nom adopté;
que cela est si rationnel, si positif, que cette prohibition est tellement
adhérente à l a personnne de l’enfant naturel r e c o n n u qu’il faut une excep
tion écrite et formelle du législateur pour l’en débarrasser.
E n effet, le législateur ayant disposé art. 3 3 1 et 332 du code c iv il, que
l’enfant naturel reconnu pouvait être légitimé par mariage subséquent, a
ajouté pour éviter l’application desdits articles 338 , 756 , 757 et 908, à
l’enfant naturel reconnu qui aurait été légitim é, que les enfants légitimés
par mariage subséquent auraient les mêmes droits que s’ils étaient nés
de ce mariage.
Q u ’ainsi pour attribuer, contrairement aux articles p ré cité s, à l’enfant
naturel reconnu, la portion qui revient à l’enfant adopté qui n’est pas
naturel, il faudrait que le législateur eût dit comme pour l’enfant légitimé:
« l 'e nfant naturel reconnu et adopté aura sur la succession de l'adop 3) ta n t , les mêmes droits que s'il n'était pas enfant naturel reconnu. »
Inutile d’insister d’avantage sur cette dernière question. Nous finirons
par une seule réflexion: c’est que dans la moitié de la F ran ce; c ’est-àd ire, dans le ressort des cours royales de P aris, Bourges etc, etc, le procès
actuel n’aurait pas même eu l’occasion de naître. Le sieur Boirot a donc
la conviction que quoiqu’il se trouve justiciable de cette partie de la F ran ce
où un pareil procès a pu commencer, il n’aura d’autre désagrément, que
celui d’avoir été obligé de demander justice.
Par ces différents motifs, le tribunal de Gannat ne fera aucune dif
ficulté de condamner les époux Delaplanche à délaisser au sieur Boirot
de L aru as, le huitième de la succession mobilière et im m obilière de feue
la dame D u val, dont ils se sont indûment em parés, avec restitution de
fruits et de jouissances, à compter du jour du décès et aux dépens.
BOIROT
de
LARUAS.
Me B. P E IG U E , avocat.
• Me GODEMEL avoué.
GANNAT , IMPRIMERIE DE GONINFAURE -A RTHAUD,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
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/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boirot de Laruas. 1840?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
B. Peigue
Godemel
Subject
The topic of the resource
successions
adoption
enfants naturels
successions collatérales
généalogie
divorces
Pater is est
accouchement
enfants adultérins
doctrine
adultères
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire a l'appui de la demande du sieur Louis-Pierre Boirot de Laruas, propriétaire, maire de la commune de Theneuille, contre 1° dame Sophie-Mathilde Boirot, sans profession, épouse du sieur Gilbert Delaplanche, demeurant avec lui au chef-lieu de la commune de Bellenaves ; 2° et le sieur Gilbert Delaplanche, propriétaire en ladite commune, tant en son nom personnel que pour autoriser son épouse.
Annotations manuscrites.
Arbre généalogique.
Table Godemel : Adoption : consommée du vivant de l’adoptant peut-elle être attaquée par des tiers ? l’enfant naturel antérieurement reconnu par sa mère, peut-il, dans la suite, être adopté par elle ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Imprimerie de Goninfaure-Arthaud (Gannat)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1840
1798-1840
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
1830-1848 : Monarchie de Juillet
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2818
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2819
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2821
BCU_Factums_G2820
BCU_Factums_G2821
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53574/BCU_Factums_G2818.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Theneuille (03282)
Bellenaves (03022)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
adoption
adultères
divorces
doctrine
enfants adultérins
enfants naturels
généalogie
Pater is est
Successions
successions collatérales
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/6/53473/BCU_Factums_G2419.pdf
b2ed3ad80bfbd84fe22aaa154e1462e8
PDF Text
Text
MÉMOIRE EN REPONSE
COUR ROY ALE
A R E Q U Ê T E D E P R O D U C T IO N
SIGNIFIÉE LE DIX JUILLET MIL HUIT CENT DIX-HUIT ,
POUR
L e Sieur P i e r r e - A n t o i n e B O Y R O N , ancien M ilita ire ,
et Propriétaire, h abitant en la commune de B ro u t;
Dam e M a rie -M a g d e l a in e - T h é r é se B O Y R O N , et
Sieur F rançois B U R E A U D E S E S T I V A U X , son
m a ri, qui l ’autorise, P r o p r i é t a i r e , habitan t de la
commune de C h a u m o n t, arrondissement de SaintA m a n d , département du C h e r ; Dam e C la u d in e
B O Y R O N , et Sieur J e a n - B a p t i s t e L E G O Y , son
m ari, de lu i autorisée, Orfèvre-bijoutier, habitan t
la V ille de C lerm ont-Ferrand; lesdits Sieur et Dames
B o y r o n agissant en qualité d ’ héritiers de feu A n t o i n e
B o y r o n , leur p è r e , intim és, et demandeurs en re p r is e
d ’instance, ayan t pour Avoué en C o u r M e Im bert;
CONTRE
A n n e A U P I E R R E et G i l b e r t B L A N Z A T , son
m a ri; M a r i e B L A N Z A T , et M a r c - A n t o i n e
A U P I E R R E le je u n e ic e lle s autorisées en ju s tic e
D E R IO M .
PREMIÈRE CHAMBRE,
rilO C È S P A R É C R IT .
�( 2 )
A U P I E R R E 3 père 3 et autres ,
représentant J e a n L a b u s s i è r e 3 appeïans et d é
fen d eu rs en reprise ayant pour A v o u é M e Doniol •
M a r c - A n t o in e
E t contre D am e A L L E M A N D 3 veuve et commune
de Sieur P i e r r e T R E F O U X 3 et son héritière 3
Propriétaire 3 habitante de la commune de B ellenave 3 aussi défenderesse en reprise d ’instance y~
comparant p ar M e Marie ;
E t contre G e r v a i s A L L I G I E R , M eunier au lieu
de Roche 3 commune de B ellen ave/ S i m o n A L L I
G I E R 3 M eunier à B ordereaux 3 même commune 3
aussi défendeurs j comparans par M e Devèze }
E t enfin contre J e a n T I I T J R Y C u ltiv a te u r > habitant
de la commune de B a y e t / e t E t i e n n e T H U R Y 3
Vigneron et C hereil, assignés en assistance de cause 3
et d éfa illon s fa u te de comparoir.
D e p u i s plus de quarante a n s, Jean Labussière ou:
ses héritiers sont p a rv e n u s, à force d ’incidens ,
de
subterfuges et de mauvaise fo i, à éluder le paiement
du prix d ’une vente considérable de bois d ’ouvrage y
q u i leur ont été délivrés, et dont ils ont d is p o s é eu
très-grande partie. V a i n e m e n t une s e n t e n c e par d éfau t,
du 8 octobre 1 7 7 8 , a déclaré exécutoire contre eux
l ’acte constatant les conventions, en les condamnant
à p a y e r , en deniers ou q uittan ces, le prix de ces bois 5
vainem ent cette disposition a-t-elle été confirmée par
un arrêt du P a rle m e n t5 les adversaires, favorisés par
les circonstances, o n t , ju s q u ’à présent, rendu in u tiles
�(3
)
toutes ces condamnations. Mais comme il est un terme
à t o u t , les exposans voient enfin arriver le moment
qui doit faire cesser une lutte vraiment scandaleuse.
L ’arrêt de la Cour apprendra aux représentans Labussière que des engagemens synallagmatiques ne sont
point des chimères, et que la justice a une force coactive pour les faire exécuter par ceux qui les oublient
ou qui ne veulent point les respecter.
Une analyse des faits suffira pour mettre la Cour à.
même d ’apprécier les moyens que produisent les appelans.
FA IT S E T P R O C É D U R E .
E n 1 7 7 0, Antoine Boyron D uchàteau, et autre
Antoine-Gilbert Boyron, n o t a i r e à B illy , se rendirent
adjudicataires des coupes de bois de futaie de la Trouça y et B oulangers sis paroisse de Fleuriel.
^ Ils en firent l ’exploitation , et vidèrent les lieux
dans les délais convenus. Pour tirer de ces bois un
meilleur p a rti, ils les firent travailler , transporter et
empiler en différens endroits.
L ’éloignement de leur domicile ne leur permettant
pas de suivre avantageusement les ventes en détail ,
q u ’ils avaient commencées, ils résolurent de s’en dé
faire -en bloc.
Jean Labussière fut u n de ceux qui se présentèrent
pour cet achat. Le- marché conclu avcc lui., il «mani
festa le désir de le constater par acte saus seing privé.,
�(4)
pour éviter le paiement des droits du fisc. Mais comme
il ne savait écrire ni signer, il autorisa, par procura
tion notariée, du 5 novembre 1 7 7 2 , Pierre Trefoux ,
huissier, à acheter en son nom , des associés Boyron ,
par acte authentique ou sous signature privée, et aux
prix et conditions q u ’il jugerait convenables, les bois
de charpente de tout échantillon, et autres, à eux.
appartenant.
E n vertu de ce pouvoir, il fut passé acte sous signature
privée, le 12 du même mois, par lequel le sieur Boyron.
D uchâteîiu, faisant tant pour lui que pour son associé,
vendit à Jean Labussière tous les bois cle c h a r p e n t e
tant en s o liv e s p o t e a u x 3 que chevrons' qui restaient
à vendre, sans en rien réserver, si ce n ’est les parties
vendues jusqu’au
5 du présent mois (jour de la con
clusion du m arché), à raison de 24 livres chaque cent
de toises, sans aucun r e b u t, et tout ainsi et de même
q u ’il est façonné; lequel bois, fut-il di t , sera compté
incessamment à moi Trefoux, pour ledit Jean Labussière
qui en pourra disposer comme il le jugera convenable.
Il fut convenu, en ou tre, i° Que Labussière serait
tenu d ’avoir un livre-journal pour inscrire tou les les
ventes q u ’il ferait dudit bois , jour par jour 5 lequel
livre serait côté et paraphé tant par ledit Boyron que
par les officiers de la maîtrise de M ont-M araulj q u ’il
paierait le montant dudit bois au f ur e t a mesure q u ’il le
vendrait, et q u ’il délivrerait le prix au sieur Boyron,
sans en rien toucher 3 jusqu’au paiement final de la
somme à laquelle se porterait le bois vendu ;
�661
(5)
2° Que le surplus de l ’argent, provenant de la vente
du b o is, serait partagé entre Boyron et Labussière,
après néanmoins que ce dernier aurait retiré les dépenses
avancées par lu i, soit pour la conduite dudit bois, soit
pour les façons q u ’il aura fait donner aux b o is , s’il le
juge à propos j lesquelles dépenses seraient portées sur
le registre.
Par une dernière clause, et pour l ’exécution des
dispositions ci-devant transcrites, il fut arrêté que
Trefoux, fondé de pouvoir de Labussière, ferait la
recette des bois qui se vendraient, et ce sur le livre dudit
Labussière, aux frais communs des deux parties; et
Trefoux s’obligea, de son côté, à rendre compte de
la recette tous les six mois, sauf la retenue de deux
sous pour livre à son profit.
Cette convention ne tarda point à recevoir son exé
cution complète, puisque les bois furent comptés et
délivrés conformément au contenu en l ’acte de vente.
On lit e n effet au pied de cet acte l'énonciation suivante :
« Je certifie, q u ’après le compte des bois énoncés
« ci-dessus, il s’en est trouvé trente-sept mille deux
« cents toises qui demeurent à la charge de Labussière,
« dénommé au sous seing ci-dessus. Fait ce 9 jan« vier 1773. Signé Trefoux , fo n d é de procuration. »
Ainsi la délivrance des objets vendus se trouve
formellement constatée,
D après le compte du bois et le prix fixé par les
parties, Labussière fut donc constitué débiteur des
sieurs Boyron, d ’une somme de 8928 livres, plus de
�( 6 )
la moitié du bénéfice, q u ’il s’était réservée après la
vente intégrale.
Pour éluder l ’effet des engagemens contractés par
Labussière, ses représentans avaient im aginé, devant
la Cour, de dénaturer la convention, et de ne la con
sidérer que comme une simple association en faveur
de Labussière. Mais les termes et les clauses de l ’acte
repoussent cette équivoque\ ils constituent une vente
parfaite qui rendait Labussière propriétaire et maître
des bois, moyennant un prix fixé.
L ’interprétation faite par les héritiers Labussière
a été victorieusement C o m b a t t u e par M. l ’ a v o c a t gé
néral portant la parole à Faudience où l ’affaire a été
déjà rapportée. On ne pense pas q u ’ils la reproduisent.
Les adversaires sont obligés de reconnaître que leur
auteur avait fait une spéculation très-avantageuse ; en
effet, il n ’était tenu à aucune avance; les sieurs Boyron
n ’avaient exigé de lui d ’autre sûreté que celle de payer
le prix au fur et à mesure des ventes q u ’il ferait. Ils
avaient poussé lia confiiatice jusqu’au point de ne pas
fixer de délai poïif la vente intégrale des bois, dans la
persuasion que Labussière y mettrait de l ’a ctivité ,
puisqu il y était personnellement intéressé par la pers
pective du partage d’ un bénéfice certain.
Mais il n ’en fu t point ainsi : Labussière,ne tarda
point à se jouer de ses engagement. ï l m it de la négli
gence dans le déb it; éloigné de deux lieues des différons
d ép ô ts, il n ’indiqua aùcun jour fixe pour les ventes;
il n ’eut point la précaution d ’établir sur les lieux des
�6 6 <*
( 7 )
commis pour veiller h. la garde du bois, et en faire la
vente ; les particuliers allaient eux-mêmes choisir et
prendre les bois dont ils avaient besoin; et ce n’était
que par leur propre déclaration, et quelquefois même
par le bruit p u b lic, q u ’on en était in stru it, et q u ’on
en écrivait le montant sur le livre-journal. Quelle
perte a du produire une négligence aussi déplorable !
De plus, Labussière, ayant acheté plusieurs autres
parties de bois, tant en taillis q u ’en futaie, et s’étant
obligé à faire les paiemens à. des termes rapprochés ,
s’occupa principalement de l ’exploitation de ces nou
velles acquisitions, pour solder aux échéances. Il laissa
languir l ’exécution du marché contracté avec les sieurs
B o y r o n , et ne se mit point en peine de faire verser
entre leurs mains le prix des ventes q u ’il avait faites.;
ce prix reçut sans doute u n e a u t r e d e s t i n a t i o n .
A défaut de délai convenu, l ’usage en cette p a rtie,
et la raison elle-même indiquaient à L a b u s s i è r e ses
obligations : il ne pouvait dépendre de lui de se dis
penser
de solder le prix de son achat. Les sieurs Boyron
devaient être entièrement désintéressés, au moins après
un laps de deux ou trois ans.
Déjà T refo u x, lassé de la négligence de Labussière,
avait demandé et obtenu sa décharge du sieur Boyron
Duchàtea.u; celui-ci, intéressé à surveiller les ventes
faites par Labussière, substitua à Trefoux le sieur G uiliomet, à l ’effet de continuer la recette des bois vendus,
conformément à l ’acte sous seing privé. Il paraît que
Guillomct reçut de Trefoux le l i v r e - j o u r n a l et une
�•*A
( » )
somme de 1689 livres 9 sous (sur laquelle il fut déduit
2 sous pour liv re ), p our le montant total des ventes
q u i avaient eu lieu depuis le 12 décembre 1 7 7 2 j
c’est-à-dire pendant cinq ans.
A u moyen de ces remises, et suivant le dire des
adversaires, G uillom et, par acte sous signature privée,
du 12 novembre 1 7 7 7 , déchargea Trefoux du compte,
jusqu’à concurrence de la somme qui lui était remise.
On verra, dans la discussion, si les inductions que
les héritiers Labussière prétendent tirer de ces actes
doivent être admises.
Cependant, après six ans d ’attente, et malgré leurs
nombreuses sollicitations, les sieurs Boyron n ’avaient
pu obtenir de Labussière ni le paiement du prix prin
cipal, ni le compte du bénéfice q u ’ils s’étaient réservé;
ils avaient acquis la certitude que, par suite de la con
duite répréhensible de Labussière, les bois avaient
éprouvé des avaries considérables, soit par le pillage,
soit par la corruption
provenant de l ’intemperie des
saisons. Ils eurent dès-lors recours à la justice pour
obtenir ce qui leur était légitimement du.
Par exploit du 24 août 1778, ils firent assigner,
devant le juge de C h a n te lle , jugeant consulairement,
Trefoux et Labussière; le premier, pour reconnaître ses
écriture et signature apposées en l ’acte du 12 novembre
1 7 7 2 ; et le second, pour voir déclarer l ’acte exécu
toire, et être condamné consulairement, et par corps,
à p a y e r, en deniers ou quittances, le prix des trentesept mille deux cents toises de bois, à raison de 2/1 livres
�le cent; à leur compter la moitié des bénéfices faits
dans les reventes, suivant le livre-journal, q u ’il sera
tenu de rapporter à cet effet, et de déposer au greffe
dans les trois jours; aux intérêts desdites sommes, et
aux dépens.
S i , comme les adversaires osent le soutenir, l ’acte
de 1772 avait été résilié de concert; s’il était vrai que
Boyron etGuillom et se fussent, à titre de propriétaires,
mis, depuis une année, en possession des bois; q u ’ils
les eussent vendus, et q u ’ils en eussent touché le prix,
la défense de Labussière devait être aussi simple que
péremptoire, puisqu’alors ces faits, tout récens, eussent
été faciles à prouver.
Mais on n ’avait pas encore imaginé un système de
défense auquel la distance des époques a pu donner
depuis quelque degré de vraisemblance. Labussière,
loin d ’opposer ces moyens d écisifs, s’ils eussent été
fondés, se borna à proposer des fins déclimitoires, et
à demander son renvoi devant les officiers de la maî
trise des eaux et forêts, sous des prétextes futiles et sur
les allégations de la plus mauvaise foi. Il ne craignit
pas de soutenir que les bois qui lui avaient été vendus
étaient encore en fe u ille s et dans les fo rets. Les termes
de l ’acte lui donnaient un démenti formel : aussi futil débouté de son déclinatoire par sentence contradic
toire du 3 septembre 1778.
L e 24 du même mois, Labussière, qui ne comptait
p a s sur ses moyens au fon d , en interjeta appel.
Une sentence par défaut, faute de plaider, rendue
2
�( 10 )
le 8 octobre su iv a n t, adjugea aux sieurs Boyron les
conclusions par eux prises sur le fond.
Sur la signification de cette sentence, Labussière
présenta , le 23 du même mois, requête en la séné
chaussée de Moulins, où il obtint une ordonnance qui
reçut son appel, lui permit d ’intimer sur icelui les
sieurs Bbyron, et fit défense de passer outre à l ’exé
cution de la sentence.
Il est important de faire connaître les moyens q u ’il
employait alors.
i° Le traité de 1772 ne l ’obligeant q u ’à délivrer les
deniers provenant des ventes, au fur et à mesure q u ’il
les faisait, et n ’y ayant ni termes fixés pour les paiemens, ni délai pour les ventes, les sieurs Boyron
n'avaient p u le faire assigner en paiement du prix
avant d avoir constaté la quantité de bois vendu par
lui Labussière, les sommes qui avaient été touchées
par Trefoux , établi receveur , celles qui ont été reçues
par G u illo m e t, qui est en son lieu et p la c e } et celles
qui restent à recevoir.
20 L a sentence n’avait pas dû le condamner à payer
la totalité du prix des trente-sept mille deux cents toises,
d’une part, parce que Trefoux, receveur, avait reçu
unepartie du prix des revenies; q u e G uillom et en avait
reçu après lui 5 q u e , même depuis le mois de novembre
1777 , il avait vendu des bois, et que le sieur Boyron
de la Villefranchc s était emparé d ’une quantité des
mêmes boisj
d autre p art, parce que la p lu s grande
partie des bois était encore sur place, et non ven d u e,
�3 ° La demande des sieurs Boyron était non receVable, selon lu i, parce q u ’ayant eux-mêmes, par la
dernière disposition du traité de 1 7 7 3 , nommé Trefoux pour tenir un livre-journal des ventes et en rece
voir le prix, ce n ’était que contre ce receveur q u ’ils
avaient le droit d ’agir, etc. etc.
Ces moyens étaient pitoyables. L e défaut ^de ternie
pour les paiemens ne pouvait devenir, pour Labus
sière, un m otif de s'affranchir d’une manière absolue
de sesengagemens. On distinguait mal-à-propos Trefoux
de Labussière, puisque le premier n’agissait point dans
le traité en son nom propre, mais comme fondé de
pouvoir du second. L a sentence, ne condamnant à payer
le prix du bois vendu, q u ’e/j deniers ou quittances,
laissait à Labussière la faculté d’obtenir toutes déduc
tions légitimes. E n f i n les a l l é g a t i o n s sur les ventes
prétendues faites par G u illom et, et sur l'enlèvement,
par Boyron , de certaine quantité de bois , é t a i e n t
évidemment des assertions préparées pour donner une
couleur favorable à la cause. Ces faits, eussent-ils été
constans, ne pouvaient d’ailleurs influer sur la position
des parties , puisqu’ils auraient été étrangers aux
vendeurs.
Ou trouve néanmoins dans cette requête des aveux
précieux; on y voi t , i ° que Labussière r e c o n n a î t avoir
vendu des bois depuis le marché de 1772 ]usc[\\ aloi's;
2° qu il connaissait la décharge donnée à Trefoux par
Boyron, le 20 octobre 1 7 7 7 , et ce^e délivrée par
Guillom et, le ia novembre suivan t, dont on prétend
�( 12 )
aujourd’hui tirer un si grand parti-,
3° q u ’il savait que
Guillomet avait succédé à Trefoux en qualité de re
ceveu r; 4° cIue
majeure partie des bois était encore
à sa disposition; 5° enfin, q u ’il plaidait moins pour
faire anéantir les condamnations portées contre lu i,
que pour les faire modifier ou pour en éloigner l ’exé
cution jusqu’après la vente de la totalité du bois.
Cependant la sénéchaussée de Moulins était incom
pétente pour connaître des appels de sentence rendue
en matière consulaire : le sieur Boyron de B illy , fai
sant tant pour lui que pour son associé, interjeta appel
au Parlement, de l ’ordonnance du sénéchal de Moulins.
U n arrêt par d éfa u t, du P a rle m e n t, rendu le i g
mai 1779? dit q u ’il avait été mal jugé par cette or
donnance , et ordonna l ’exécution de la sentence du
juge de Chantelle,
Labussière y forma opposition par acte du
4 juin.
Un arrêt du lendemain ayant appointé les parties à
mettre entre les mains de l ’un des conseillers de la
C our,
il paraît que Labussière fit signifier, le
23 ,
une requête de production dans laquelle, en persistant
dans son déclinatoire, il reproduisit les moyens q u ’il
avait déjà avancés. Il prétendit, de plus, que le sieur
Boyron ayant déchargé Trefoux de son compte, après
sa révocation , et ce dernier ayant versé entre les
mains de Guillomet les deniers provenus de la vente,
lui Labussière se trouvait pleinement déchargé; q u ’au
surplus, Guillomet et Boyron de Yillefranche (q u ’il
dit être aux
droits
de Boyron Duclutteau) se sont
�emparés du bois; que le premier, chargé du registre,
fait seul la recette et vend journellement, et que dèslors le juge de Chantelle l ’a mal-à-propos condamné à
faire le rapport de ce registre.
Par une requête en réponse, du 6 juillet suivant,
le sieurBoyron, vendeur, après avoir facilement écarté
le moyen d ’incompétence, s’expliqua sur le fond de
'l’aflaire avec la plus grande bonne foi. Il convint q u ’il
avait révoqué Trefoux, et q u ’il avait reçu du sieur
G u illo m et, chargé de recevoir le compte de Trefoux ,
la somme de 1689 livres, mais que cette somme étant
bien inférieure au prix de la vente portée par le traité
de 1 7 7 2 , qui faisait un objet de 8928 francs,
non
compris la moitié du bénéfice des reventes, il avait le
droit de réclamer le surplus, en offrant de déduire tous
autres paiemensqui s e r a i e n t justifiés lui avoir été faits
soit par Labussière, soit par Trefoux , son fondé de
pouvoirs $
Q u ’à l ’égard de la remise du livre-journal q u ’il pré
tendait avoir été faite à G u illo m e t, il avait à s’imputer
de ne pas l ’avoir déclaré, ou de n ’avoir pas dénoncé ce
chef de demande à Guillomet ;
Q u ’en fin , il était de toute fausseté que lui Boyron
se fût emparé d ’aucune partie des bois, et qu ’il en
eut vendu à qui que ce fû t, depuis le traité de 1772;
qu ’il n aurait point été assez imprudent pour disposer
d ’une chose qui ne lui appartenait plus, au m o y e n de
la vente q u ’il lui en avait faite5 et que Labussière ne
�C4 )
justifiait, par aucun titre, q u ’il fut libéré de ses engagemens.
De son côté, le sieur G u illo m e t, instruit des im
putations mensongères que s’était permises à son égard
Labussière , crut devoir intervenir au procès. Par
requête du 8 du même mois de ju ille t , il demanda acte
de son intervention et de la déclaration q u ’il faisait;
i° Que le 12 novembre 1777, Trefoux lui a rendu le
livre-journal, et q u ’il est prêt et offre de le remettre,
soit au sieur Boyron, soit à tous au tres, en lui donnant
décharge; 20 que le même jo u r, Trefoux lui a aussi
remis une somme de 1689 ü vres 9 sols, provenant de
lávente des b o i s q u ’ i l a d e p u i s d o n n é e au sieur 13oy l’on;
3 ° q u ’il dénie form ellem ent s’être jamais emparé d ’au
cuns des bois dont il s’a git, pour vendre ni livrer à
qui que ce fut; que, seulement, lorsqu’il s’est présenté
des acquéreurs, il leur a indiqué le lieu où était le
bois, q u ’il y est allé une seule fo is pour le faire voir
à un de ses amis qui en avait besoin, après q u o i, il
l ’a renvoyé audit Labussière, tant pour en fixer le prix
que pour en faire la délivrance; q u ’il a seulement reçu
333 livres sept sols, q u ’il a remis audit B oyron, ou
au porteur de son mandement.
Ces explications et dénégations, tant de la part du.
sieur Boyron que du sieur G u illom et, étaient aussi
franches que formelles; mais Labussière, dans l ’inten
tion d’éloigner la fin d’ un procès dont il prévoyait le
résultat, ne craignit point de recourir à des moyens
désespérés.Par requête du 9 ju ille t, il articula et offrit
�(
-5 )
de" prouver, tant par titres que par témoins, i° Que
les bois en question étaient, pour la plus grande partie,
sous f e u ille s , et empiles dans les forets de la Tronçay
et Boulanger; 20 q u e , depuis la remise du registre et
du
du
lui
ses
produit des ventes, Antoine Boyron s’est emparé
bois dont il s’agit, sans les avoir fait constater avec
Labussièrc; 3 ° que ledit Antoine Boyron a céd é
droits aux sieurs Boyron de Villefranclie et G u il
lóme t , lesquels font journellem ent la vente desdits
bois.
Pour donner à ce dernier fait une apparence de
réalité, il produisit un e x tra it, sous la date du 6 dé
cembre 1777, du registre d ’un nommé B a u d r e u x ,
menuisier, contenant état détaillé des b o is, q u ’il pré
tendait avoir été vendus à celui-ci, par les sieurs Boyron
de Villefranclie et Guillom et.
Il était facile aux intimés de faire disparaître tour
cet échaffaudage d’allégations. L e premier fait était
dém enti, soit par les termes du traité du 12 no
vembre 1 7 7 2, soit par le compte et la délivrance des
bois, du g janvier 1 7 7 3 , constatant vente de bois de
charpente tant en solives} p o tea u x que chevrons, ce
qui ne permettait pas de les supposer sous fe u ille s .
L e second fait, repoussé par son invraisemblance,
avait été formellement dénié; le troisième ne pouvait
être admis en preuve, puisqu’on le supposant établi,
il ne changeait rien a la position de Labussière, auquel
il devait etre indiffèrent de rendre compte au sieur
Antoine B o yro n , ou a des céclataires; enfin, le dernier
�fait qui avait été précédemment dénié, était présenté
de bien mauvaise grâce ; d ’une part, il était absurde
de faire croire q u e , pendant la durée du p ro cès, on
se permît de faire des actes destructifs des condamna
tions dont on sollicitait la confirmation; en second
lieu, Labussière qui osait prétendre que les sieurs
Guillom et et Boyron de Villefranche, avaient vendu
et vendaient journellem ent des bois depuis la remise
du livre-journal(20 novembre 177 7), 11’avaitpuindiquer
q u ’un seul individu (le nommé Baudreux) auquel,
selon lu i, ils en avaient vendu; cette circonstance enle
vait tout crédit à son assertion; troisièmement, le fait
unique de la vente à Baudt'eujc fut démontré être
controuvé, puisque ce menuisier certifia, par un écrit
daté du 27 juillet 1 7 7 9 , et qu i f u t produit au p rocès,
que le bois dont il avait délivré l ’é t a t , ne lui avait
point été vendu par les sieurs Guillomet et Boyron ;
q u ’ils lui avaieut dit seulement de l ’aller prendre;
q u ’il ne lui coûterait que dix sols, attendu que Labussière
ne le vendait pas plus cher.
Telle fat la réponse que fit le sieur Boyron Ducliâteau, tant pour lui que pour son associé, dans une
requête du 18 août 1770II paraît que T re fo u x , de sa part, avait fait signifier
des défenses, dans lesquelles il soutenait q u ’ayant remis
son registre et les fonds qu il avait en m a in s,
on
n ’avait rien à lui demander, et q u ’il ne pouvait rester
en cause.
On lui répondait q u ’il n’avait point rendu de compte
�( !7
)
définitif; que sa décharge n ’était relative q u ’à la re
mise des fonds q u ’il avait versés entre les mains de
Guillom et, et q u e, d ’ailleurs, sa présence était néces
saire dans la cause.
E n cet é ta t, et le 18 août 1 7 7 9 , intervint arrêt
contradictoire du parlement, qui appointa les parties
au conseil et sur les demandes en droit, et joignit toutes
les demandes.
Après une procédure considérable, l ’aifaire était sur
le point de recevoir décision, lorsque la suppression du
parlement fut décrétée. Les parties sont respectivement
décédées. Les orages de la révolution et la minorité des
héritiers Boyron, qui n’ont connu l ’existence du procès,
que par les demandes de paiement de frais, qui leur ont
été faites par le sieur B ertran d , procureur de leur père
au parlem ent, ont arrêté la p o u r s u i t e du procès.
Il a été repris en la Cour, à la requête des héritiers
Boyron, contre les héritiers Labussière et T refoux,
par exploit du 21 septembre 181 o, et autres subséquens.
Les parties ayant comparu par le ministère de différens avoués, les héritiers Labussière, qui avaient pris
communication de toutes les pièces, ont voulu profiter
de la longueur du tems qui s’est écoulé depuis le marché
conclu en 1 7 7 2 , pour changer l ’état de la cause et se
créer des moyens de défense. Dans une production par
eux signifiée, sous la date du 19 juillet 1817? ils ont
prétendu que l ’acte de vente du 1 2 n o v e m b r e 1 7 7 2
■
riavait ja m a is été e x é c u té y q u e , n o n o b s t a n t la v e n t e
q u ’il en avait faite à Labussière, ie sieur Boyron se
3
1
�( i 8 ■)
maintint en possession de tous les bais; q u ’il en prit
une assez grande quantité pour lui-mêm e, et q u ’il
'vendit chaque jo u r le surplus à tous les individus qui
en avaient besoin; que Labussière ne s ’immisça en
aucune manière dans la vente desdits b o is, et q u ’il
regarda comme anéantis les actes q u ’il avait faits avec
le sieur Boyron ; que ce dernier les considéra si bien
comme tels, q u ’il s’associa à un sieur Guillomet de
Chantelle, et q u ’ils vendirent conjointement ou sépa
rément tous les bois en question (i). E n conséquence,
ils conclurent au mal jugé de la sentence de Chantelle,
et subsidiairement offrirent de prouver, tant par titres
que par t é m o i n s , q u e , bien loin d ’exécu ter l ’acte
du 12 novembre 1 7 72, les sieurs Boyron et leurs agens,
postérieurement audit acte > vendirent eux-mêmes la
plus grande partie des bois dont est question, et q u ’ils
en ont touché le prix.
Les héritiers B o y r o n , s’en référant aux moyens qui
avaient été déduits dans les différentes requêtes signifiées
au parlem ent, ne crurent point devoir combattre un
nouveau système de défense qui se détruisait lui-même,
puisqu’il était en opposition formelle avec tous les faits
q u i, jusqu’alors, avaient été avoués par Labussière, et
tenus pour constans entre les parties.
L e 3 o du même mois de ju ille t, et après le rapport
fait par M. M arch et, conseiller, la Couç rendit arrêt
qui fit justice du declinatoire et des moyens d ’incom
pétence, proposés par Labussière, en mettant au néant
(1) Voyez larc<juôte, 6erôle, v°; ’j ” rôle, r°;.gerôle, v°;
rôle, v° et vV
�(
»9
)
son appellation quant à ce. Sur le fond. , la C o u r ,
prenant sa!nâ doute en considération les assertions si
légèrement hasardées, que l ’acte de 1772 n’avait reçu
aucune exécution 3 et que Labussière ne s ’était jam ais
im m iscé dans la vente des bois y ordonna , avant faire
droit , que les héritiers Labussière feraient preuve *
tant par titres que par témoins, « q u e ; postérieure-*
« ment au traité passé entre les parties, soUs la data
« du 12 novembre 1772 , les héritiers Boyrbn ônt pris
« et rétiré, vendu ou fait vendre^ pour leur compte
« personnel, soit par le sieur G uillom et, soit par tous
« autres , les bois compris dans le traité dûdit jour
« 12 novembre 1772 , sauf auxditsrhéritiers Boyron la
« preuve contraire. »
.
E n exécution de cet a rr ê t, des enquêtes ont été
respectivement faites et signifiées.
L e 18 juin 1818 , les héritiers Labussière ont
imaginé de faire notifier copie, comme d ’une nouvelle
découverte , des actes de décharge , des 20 octobre
et 12 novembre 17775 dont il avait été excipé dans
toutes les écritures de leur auteur. Ils y ont ajouté
copie d’un procès-verbal d ’enquête à f u t u r dressé par
un notaire, sur la réquisition de Labussière, et dans
l ’absence des parties intéressées, sous les dates des 21
et 22 octobre 1 7 7 9 , et q u ’ils font paraître, pour la
première fois, en m il huit cent d ix -h u it. •
■
Apres avoir ainsi disposé leurs batteries, ils ont fait
signifier, le 10 juillet dernier, une requête de profcéMivo^
d*H?e , dans laquelle ils s’efforcent d ’établir que',
�( 20 )
nonobstant la vente du 12 novembre 1 7 7 2 , le sieur
Boyron de B illy a revendu , en 1777 , à Boyron de
Yillefranchè et à G u illo m e t, les bois non vendus ;
que ces derniers se les sont appropriés ; q u ’ils en ont
vendu pendant un an consécutif, et q u ’ils en ont
touché le p r ix 5 q u e , par suite de ces faits, Labussière
a été déchargé de l ’exécution de ses propres engagemens;
que la remise du livre-journal, par Trefoux à Guillomet,
opère l ’anéantissement total de toutes les stipulations
portées en l ’acte du 12 novembre* 1772 ; que dès-lors
Labussière était libéré de toute espèce d ’obligations,
soit relativement aux bois vendus par lu i, soit à l ’égard
de ceux qui ont péri par l ’eifet des avaries ou du
pillage.
Ces moyens ne peuvent faire fortune : ils sont en
opposition avec la teneur des actes; ils reposent sur
des faits supposés ou non établis; ils découlent de
raisonnemens vicieux; ils sont même l’epoussés par les
enquêtes.
;
• .
.
D IS C U SS IO N .
L a Cour ayant écarte, p a r son arrêt, les questions
d ’ incompétence si longiiement débattues au parlement,
l ’affaire se simplifie singulièrement. Elle se réduit au
point de savoir s il a etc bien 011 mal jugé par la sen
tence du juge' de G hantelle, du 8 octobre 1778 , qui
,+"J-C o n d a m n e Labussière à payer aux sieurs Boyron ,. en
Corners où-quittances, lè prix de trente-kept mille de«*
�cents toises de bois de charpente, à raison de a 4 liv.
le cent de toises, et à leur compter la moitié du béné
fice des reventes , suivant le livre-journal q u ’il sera
tenu de rapporter à cet effet, avec les intérêts desdites
sommes.
• E n droit ÿ rien de plus respectable et de plus sacré'
que les conventions : leur exécution maintient l ’ordre
de la société , et assure les droits de chacun de scs
membres. Elles tiennent lieu de lois à ceux qui les ont
faites; legem contractas declit ( L .
ju r is j et art.
23 } j f . D e regulis
1134 du Code civil). Elles doivent être
exécutées de bonne fo i, et ne peuvent être révoquées
que du consentement mutuel des parties, ou pour les
causes que la loi autorise.
E n fa it, il est constaté, par l ’acte du 12 novembre
1 7 7 2 , que les sieurs Boyron , associés , ont f ai t , au*
profit de Labussière, stipulant par Trefoux, son fondé
de pouvoir, une vente de bois travadlés > moyennant
un prix détermine, et, en outre, sous la réserve de la'
moitié du bénéfice, après la revente de la totalité des
bois.
Il est de plus établi, par rénonciation mise au pied
de l’acte , et signée par le fondé de pouvoir, que les
vendus ont été comptés ; q u ’ils se sont portés à
trente-sept mille deux cents toises; q u ’ils ont été déli
vres, et mis au pouvoir de Labussière.
b o is
E n fin , indépendamment des preuves qui résultent
des actes et des enquêtes, il a été avoué par ce dernier,
dans sa requête du a 3 octobre 1 7 7 8, et autres posté2
�"^A
s
( 22 )
rieures, q u ’immédiatement après le traité du 12 no
vembre 1 7 7 2, il avait disposé des bois comme proprié
taire , et q u ’il en avait vendu au moins pendant
cinq ans.
C e concours de circonstances positives établit incon
testablement l ’exécution pleine et entière du: m arché,
de la part des sieurs Boyron,
Labussière devait aussi remplir scrupuleusement ses
propres engagemens, soit en soldant à ses vendeurs le
prix intégral des trente-sept mille deux cents toises de
bois, soit en leur faisant compte de la moitié du
bénéfice dans le surplus des reventes, conformément
au traité.
C e q u ’il n’a pas f a it , et ce q u ’il ne pouvait se dis
penser de faire, la sentence du 8 octobre 1778 l ’a
ordonné,
en maintenant purement et simplement
l ’exécution des conventions énoncées en l ’acte de 1772.
Comment les adversaires pourraient-ils se plaindre
des dispositions de la sentence de Chantelle?
Les condamnations sont fondées sur les clauses
écrites dans l ’acte.
Il est reconnu pftr eux que Labussière, loin d ’avoir
été lésé, avait fuit une spéculation très-avantageuse,
puisqu’il achetait, à raison de 24 liv. le cent de toises,
des bois travaillés, q u ’il a revendus ensuite bien plus
cher, savoir : le cent de chevrons,
36 francs; les po
teaux, Go francs, et les fdières, 80 francs.
Ces prix sont établis par le livre de vente qui fut
communiqué dans les tems; et-l’assertion qui en a ét<î
�( ^
)
faite , dans les écritures des sieurs B oyron, n’a jamais
été démentie.
Le marché conclu en 1772 eut été très-profitable,
soit à Labussière, soit aux sieurs B o y r o n , à cause du
partage du bénéfice ( après le paiement du prix ) , si
Labussière eut porté de l ’activité dans les reventes*
Mais , loin de là : il mit la plus grande négligence
dans le débit 5 il n ’indiqua point, selon l ’usage, de
jour fixe pour les ventes ; il n’établit sur les lieux
aucun agent auquel on pût s’adresser pour les marchés
et la délivrance des bois; il fit lui-m êm e, à cette
époque, plusieurs spéculations sur les bois , soit en
société, soit pour son compte particulier, pour des
prix exigibles à des termes fixes et rapprochés, et il y
employa les. produits des ventes des bois acquis des
Boyron , qui furent ainsi détournés de leur destination ;
enfin il négligea tellement les ventes, que les particu
liers, qui avaient besoin de bois; les choisissaient eùxmêmes, et les enlevaient du chantier, sans être assistés
de personne : ils ne payaient ensuite que sur leur dé
claration de la quantité et qualité. Ces faits n ’ont
jamais été déniés par Labussière , quoiqu’ils aient été
articulés dans tous les écrits des sieurs Boyron.
L a raison et l ’équité enseignent que le sieur Boyron
ou ses héritiers , ne peuvent souffrir des pertes occa
sionnées par la négligence ou l ’incurie de Lab u ssière.
Ce dernier doit exécuter les obligations qu il a conj
tractées : il n a pu s’y soustraire en ne vendant point.
On n ’a jamais
yu
q u ’une partie ait puisé
un
moyen de
�-
X
*4
)
libération.dans l ’inexécution de ses propres engagemens.
Il est donc de toute justice que Labussière paye,
i° le prix de la vente, à raison de la quantité de bois
délivrée le 9 janvier 1773 , sauf déduction des sommes
q u ’il justifiera avoir payées; 30 la moitié du bénéfice
q u ’il aurait pu et dû faire.
E n laissant même de côté la responsabilité résul
tant de la négligence ou de la mauvaise foi qui ont
arrêté les ventes, il est facile de déterminer s’il y a du
bénéfice, et d ’en calculer le quantum.
L e prix des ventes faites par Labussière est connu :
il est fixé par le livre-journal. L a quantité des bois
vendus est de t r e n t e - s e p t mille deux ccnts toises : -il ne
s’agit que de calculer la 'valeur du tout 3 d ’après les
mêmes bases.
Les héritiers Labussière ne pourront se plaindre de
cette base, puisque celui q u ’ils représentent a réglé
lui -même les prix. Au surplus, en cas de contestation,
une expertise déterminera la valeur présumée du
bénéfice.
Examinons maintenant les moyens q u ’emploient les
adversaires, pour combattre la sentence de C hantelle,
et pour se soustraire à son exécution.
>
—
P remièiie
objection
.
Les héritiers Boyron, qui sont
en qualité au procès, n ’y ont aucun intérêt : les véri
tables parties so n t, disent-ils , les sieurs Boyron de
Yillefranche et
Guillomet
( et actuellement leurs
�6«'
(»5 )
héritiers), qui plaident sous leurs noms. Ils induisent
des expressions énoncées dans la décharge donnée le 20
octobre 1 7 7 7 , par Antoine Boyron à T refou x, que le
premier avait vendu à Boyron de Villefranche et
G u illo m et, les mêmes lo is q u ’il avait vendus à
Labussière j et ils en tirent la conséquence que les
héritiers de Boyron Duchàteau étant absolument sans
intérêt, leur action est non-recevable.
R éponse.
Tout ici est inexact : les faits, l ’interpré
tation des actes, et les conséquences q u ’011 en déduit.
Suivant le traité du 12 novembre 1 7 7 2 , les sieurs
Boyron devaient être payés du montant des trentesept mille deux cents toises de bois, sur le prix des
ventes qui en seraient faites par Labussière, tenu de
les inscrire sur un l i v r e - j o u r n a l , sa n s e n détourner
aucune portion. Ils avaient donc intérêt à surveiller
ces ventes et l ’emploi des fonds : aussi, par le même
acte, Trefoux, chargé de faire la recette sur le livrejournal de Labussière, fut-il astreint à rendre compte
de la recette tous les s ix mois.
Trefoux ,
dégoûté par
l ’insouciance extrême
de
Labussière, et par la lenteur des rentrées, qui devait
en être la su ite, demanda sa décharge : le sieur Boyron,
qui ne pouvait s’y refuser, fut bien obligé de remplacer
ce receveur, pour continuer la recette, et surveiller les
ventes que pourrait faire Labussière. Il donna sa con
fiance à G u illom et, q u ’il autorisa à recevoir, conjoin
tement avec le sieur Boyron de Villefranche, des mains
�(»6 )
de T refou x, soit le livre-journal, soit les deniers pro
venant des ventes faites jusqu’alors par Labussière,
déduction faite des deux sous pour livre que ledit
- Trefoux avait droit de retenir.
Cela fut ainsi,
effectué du consentement de Labusy
sière : Trefoux remit le livre-journal, et une somme
de 1,689 ^v * 9 sous> dont il lui fut donné décharge,
jusqu’à concurrence de ladite somme.
Y a - t - i l dans cela quelque chose de surprenant?
N ’était-ce pas maintenir l ’exécution de l ’acte de 1772 ,
que de remplacer l ’agent chargé de la recette ? Y avait-il
de l ’inconvénient à faire tomber ce choix sur Guillomet,
plutôt que sur tout autre, sur-tout lorsqu’on voit, par
la requête de Labussière, du 2 3 octobre 1 7 7 8, q u ’il
était instruit que Guillomet avait succédé à T refo u x,
en qu a lité de receveur?
N ’y a-t-il pas plus que de la légèreté, de la part des
adversaires, lorsqu’en relevant les expressions suivantes,
que le sieur Boyron Duchâteau a insérées dans la dé
charge du 20 octobre 1777 : « Le tout sans préjudice
« aux traités particuliers que j ’ai avec lesdits Boyron
«1 de Villefranche et Guillom et : la présente décharge
« n ’étant que pour faciliter leurs arrangemens », ils
tro u ve n t, dans cette, énonciation, la preuve que ce
sieur Boyron avait vendu, k celui de Villefranche et à
G u illo m e t, les mêmes bois qui avaient fait l ’objet du
traité souscrit avec Labussière en 1772?
Rien dans la cause ne justifie cette induction, et ne
la rend même vraisemblable.
�(2 7 )
L e sieur Boyron ne pouvait disposer des bois vendus
à Labussière, au préjudice de ce dernier qui en était
saisi, et q u i, depuis plus de cinq ans, les vendait
comme propriétaire : l ’eût-il f a it , Labussière n’aurait
pas manqué de s’opposer à toute m ain-m ise, en faisant
valoir son titre de propriété. L e traité de 1772 n’a
jamais été annulé ni résilié*, l ’énonciation contenue en
l ’acte du 20 octobre 1777 est bien loin de constater
une ven te, de la part de B oyron , des mêmes bois dont
il avait disposé antérieurement au profit de Labussière*,
elle établit seulement q u ’il y avait eu des arrangemens
avec Boyron de Villefranche, fils et héritier d ’AntoineG ilbert, associé, et par conséquent intéressé dans l ’acte
du 12 octobre 1 7 72; q u ’il y en avait même, si l ’on
v e u t , avec G u illo m et, relativement aux remises qui
lu i seraient faites sur les recettes. Mais quand on irait
jusqu’à croire, en donnant aux expressions ci-devant
rappelées l ’interprétation la plus la rg e , q u ’elles prouvent
que Boyron Duchàteau a cédé à Boyron de Villefranche
et à G u illo m e t, les droits résultant, en sa faveur, du
traité passé avec Labussière : cette négociation, fut-elle
constatée, serait encore parfaitement étrangère à Labussière et à ses héritiers, puisqu’elle ne changerait rien à
leur position. Peu importe, en effet, q u ’ils soient les
débiteurs de Boyron D u c h à te a u , ou de tiers qui
auraient acquis ses droits : dans l ’u n , comme dans
l ’autre cas., les règles de décision sont uniformes.
v
A u surplus, pour faire cesser toute controverse à
cet égard, les héritiers de Boyron Duchâteau déclarent
�6^
( a8 )'
qu ’ils ne sont les prête-noms de personne, et qu ’ils
agissent dans leur propre in té rê t, comme représen
tant leur auteur.
S econde
objection
.
Les héritiers Labussière faisant
eux-mêmes justice de ce premier moyen, l ’abandonnent
pour soutenir que Labussière avait été dégagé de toutes
les obligations personnelles résultant dudit traité du
12 novembre 1772 , par la remise du livre-journ al
tenu par Trefoux, à G uillom et, pour le compte de
B o y r o n , en novembre 1777. Ils disent, i° que cette
remise emportait convention tacite entre Boyron et
Labussière, d ’anéantir le traité de 17725 20 que ce
registre étant le titre des deux parties, sa privation;
1 impossibilité de continuel?'
avait place Labussière dans
les ventes*
\
R éponse.
Si l ’on adoptait la doctrine des adversairesr
les conventions synallagmatiques ne seraient plus que
de frêles liens, dont on pourrait se dégager sous les
prétextes les plus futiles *
Que deviendrait ce principe fondamental, sur lequel
repose la fortune des particuliers, que les obligations
se détruisent de la même manière qu'elles ont été
contractées j
s il ctait permis a. une partie sommée
d ’exécuter ses engagemens d ’opposer q u ’elle en a été
déliée par une convention tacit.e? Contractus codent
modo dissolvuntui'j quo colU gali su n t, dit la loi 35,,
�( 29 )
f f . D e regulis ju r is . Labussière est o b lig é , par uiï
traité contracté par écrit ; ce n ’est point par de vaines
allégations
ni par
des raisonnemens captieux q u ’il
pourra se libérer ; mais en établissant p a r écrit l ’anéan
tissement de ses obligations.
Hé q u o i! les héritiers L abussière espéraient trouver
une résiliation efficace de leurs engagemens, dans la
circonstance q u ’un livre-journal a passé, après cinq
ans de l ’exécution de l ’a c te , des mains d ’un agent
dans celle d ’un autre a g e n t, q u i lu i a succédé en cette
qualité ! C e tte prétention est absurde.
Quel tort Labussière a-t-il éprouvé par suite de la
remise du registre à Guillom et? Ce livre de recette ne
pouvait être tenu par lui ; il ne savait point écrire :
d ailleurs le traité de 1772 ne l ’y autorisait pas. L a
faculté de vendre les bois n ’était donc pas attachée à
la possession du livre-journal, mais au droit de pro
priété, qui résultait, en sa faveur, de la convention.
Que Guillomet ou Trefoux fussent chargés de constater
les ventes et les recettes, cela était absolument indiffé
rent à Labussière : il a pu vendre avant comme après
la remise du registre à Guillom et ; e t , de f a i t , il a
réellement vendu. L a tenue du livre-journal, pour cons
les recettes, étant principalement dans l ’intérêt
des sieurs B o y r o n , vendeurs, soit pour t o u c h e r le pro
duit des reventes jusqu’au paiement intégral du p rix,
soit pour faire connaître le bénéfice, ils a v a i e n t dû veiller
ci I exécution de cetite disposition précise du marche.
Les adversaires ne prétendront pas „.sans doute, que
tater
�(
3o 5
Labussière a été privé du registre, et q u ’on l ’a retenu
à son préjudice : jamais il n ’en a demandé la représen
tation , ni à T refoux, ni à G u illo m e t, q u ’il savait être
le successeur du premier. Pendant le cours de l ’ins
tance, et par requête du 8 juillet 1 7 7 9 , G uillom et,
en repoussant avec force des imputations hasardées, a
offert de remettre le livre-journal, en recevant dé
charge. Si Labussière ne s’est point empressé d ’accepter
cette offre ; si même il n’a pas jugé k propos d ’appeler
en cause les héritiers de G u illom et, pour faire la re
présentation du registre, c’est parce q u ’il savait que
ce registre établirait que les produits des ventes ont été
détournés à son profit, et q u ’il a voulu se ménager le
moyen ridicule q u ’il ose proposer devant la Cour.
E n fin , la décharge donnée par Guillomet à Trefoux,
du livre-journal et de la somme de 1689 livres 9 sous,
montant des ventes qui y étaient constatées, était ,
pour Labussière lui-même qui l ’a produite au procès,
un titre de sûreté, puisqu’il lu i donnait le moyen de
forcer Guillom et à la représentation du registre et de
tout ce q u ’il avait reçu de T refoux, en supposant
qu il voulût s’y refuser.
On ne peut donc admettre les singulières consé
quences que les adversaires déduisent de la remise du.
livre-journal.
T roisièm e
objection
.
Pour dernière ressource, les
adversaires se retranchent dans l ’interlocutoire ordonné
�(3-)'
par la C o u r; ils prétendent que Boyron D*ichâteau
n ’a point rempli ses propres engagemens; que l ’acte
du 12 novembre 1 7 7 3 n a Pas été exécuté; que Boyron
de Yillefranche et Guillom et ( q u ’ils considèrent tou
jours comme acquéreurs des bois) se sont mis en pos
session des bois qu i restaient à ven d re, immédiatement
après la décharge de novembre 1 7 7 7 ; q u ’ils en ont
vendu comme chose à eux appartenant, et q u ’ils eu
ont touché le prix.
*
Après s’être péniblement ingéniés pour trouver la
preuve de ces faits dans les enquêtes et dans un
procès-verbal q u ’ils ont dicté eux-mêmes, ils concluent
au rejet de la demande des héritiers Boyron.
R é p o n s e . Ces moyens, qui paraissent avoir une certaine
importance, s’évanouissent à la lueur de la plus légère
discussion.
Avant de rechercher le résultat des enquêtes, il est
nécessaire de s’arrêter à quelques considérations d ’une
grande influence dans la cause*
i° L ’arrêt de la Cour ne préjuge rien sur le fond
de l ’affaire; il ne lie point les juges sur la nature des
¿lémens qui doivent former leur conviction : toutes les
voies sont encore ouvertes à la vérité, pour parvenir
jusqu au sanctuaire de la justice.
Si la C our a ordonné un interlocutoire, c’est parce
que les héritiers Labussière, en dénaturant les faits
de la cause , ont a rtic u lé , dans leur p r o d u c t i o n ,
du 19 juillet 1817 , q Ue l ’acte du 12 novembre
�(■3* )
t 773
ja m a is été exécu té; q u e, nonobstant la
vente faite à Labussière, le sieur Boyron s’était main
tenu en possession des bois ; q u ’il en avait pris pour
lui-même une assez grande quantité, et q u ’il vendit
chaque jour le surplus; que Labussière ne s'im m isça
en aucune manière dans la vente des b o is, et q u ’enfin,
Boyron de Villefranche et G u illo m e t, substitués à
Boyron du C h â te a u , avaient aussi vendu les b o is ,
conjointement ou séparément.
Ces assertions sont répandues avec assurance dans
toutes les pages, de cette écriture.
Mais si l ’on eiit pu faire remarquer à la Cour qn immé
diatement après le marché du 12 novembre 1 7 7 2 , les
bois vendus avaient étc comptés et mis au pouvoir de
Labussière
que la délivrance en est constatée par un
écrit signé de son fondé de pouvoir; q u e , de son aveu
m êm e, il a disposé des bois, à titre de propriétaire,
et q u ’il en a vendu pendant plus de cinq ans. Si tous
ces faits, disons-nous, eussent été rappelés, il est plus
que douteux que la Cour eût considéré, comme per
tinentes et admissibles en preuve, quelques allégations
qui, même établies, ne pourraient avoir l ’effet d ’anéantir
un acte synallagm atiqué, sanctionné par une longue
exécution.
Pour ne point s’égarer dans l ’appréciation des en
quêtes , il ne faut pas perdre de vue l ’esprit dans lequel
l ’arrêt admet les adversaires à prouver q u e , postérieu
rement au traité, les sieurs Boyron ont pris, retiré,
yendu ou fait vendre des bois compris en icelui.
�( 33 )
2° Les héritiers Labussière espèrent éluder une
condamnation, au moyen d 'u n e con fusion d'époques
q u ’on doit relever.
Il est de fait que les sieurs Boyron et leurs agens
ont vendu des bois et touché le prix des ventes ,
d ep u is 1770., époque de leu r a d ju d ica tio n , ju s q u ’en
novembre 1772 j date de la vente à Labussière. Le
traité passé entr’eux le constate même, puisque les
Boyron font réserve des bois vendus par eux ou leurs
agens, ju s q u 'a u 5 novembre.
Pour satisfaire à l ’interlocutoire de la Cour , les
héritiers Labussière sont donc tenus de prouver, nonseulement le f a i t de la ven te des b o is, de la part des
sieurs Boyron ou de leurs agens, mais encore l ’époque
précise à laquelle ces ventes auraient eu lieu : c’est par
le concours de ces deux circonstances, q u ’on pourra
reconnaître si elles ont précédé ou suivi le marché fait
avec Labussière, le 12 novembre 1772.
Cette explication était essentielle.
3° Pour reconnaître combien sont chimériques ces
imputations faites aux sieurs B o y ro n , d’avoir vendu
des bois au préjudice de l ’aliénation q u ’ils en avaient
faite à Labussière , il suffit de rappeler ce qui est
constaté dans les pièces de la procédure.
On prétend aujourd’h u i , en abandonnant les asser
tions étranges, énoncées en la requête du 19 juillet
1817 , que les ventes faites par les Boyron et Guillomet
ont eu lieu après la rem ise, par Trefoux, du livrejournal à Guillomet.
�C
34 )
Ce fait est repoussé par son invraisemblance. L a
■cchar-ge donnée par Guillomet à Trefoux est du 20
novembre 1777 ; l ’assignation des Boyron , contre
Labussière, en paiement cki prix de vente et de la
moitié du bénéfice , est du 24 août 1778 : ne serait-il
pas absurde de penser q u ’À! la v e ille cVun procès , et
pendant Sa durée 3 les sieurs Boyron se fussent permis
des actes destructifs de leur propre demande?
Labussière avait d it , dans une écriture du 9 juillet
1 7 7 9 , et on le répète devant la C o u r , que les sieurs
Boyron de Villefranche et Guillomet vendaient jo u r
nellement des bois depuis la remise du livre-journal 5
et il ne put alors, c’est-à-dirè à une époque où il avait
journellem ent la faculté de prendre, pour ainsi d ire,
ses adversaires en Jlagran t d é lit ,
dénommer q u ’zm
seul individu } auquel il soutenait q u ’ils avaient vendu
<les bois.
D ’une p a rt, cette désignation isolée prouve que
l ’assertion est au moins hyperbolique.
E n second lie u , ce fa it, même constant, ne pouvait
avoir l ’effet d ’anéantir un acte com mutatif et p l e i n e
ment exécuté. Labussière n ’aurait eu cl’autre action
que celle en répétition du prix des objets enlevés.
Troisièmement, il fut prouvé que le fait lui-même
était controuvc , par la déclaration de cet individu,
(le nommé Baudreux , menuisier) , qui certifia que les
bois, dont il avait remis un état à Labussière, ne lu i
avaient point été vendus par les sieurs Boyron et
G uillom et. C e certificat, daté du 27 juillet 1 7 7 9 , fut
�-t0^
( 35 )
produit au procès : il est rappelé dans une requête
du 18 août de la même année.
Ainsi , les exposans ont l ’avantage de trouver, dans
les pièces de la procédure, des armes tranchantes pour
détruire un système enfanté par l ’imagination et la
mauvaise foi.
Ils n ’ont pas h. craindre d ’entrer avec les adversaires
dans l ’examen des déclarations des témoins.
L a lecture de l ’enquête directe, faite par les héritiers
Labussière, a dû leur apprendre q u ’il était plus aisé
d ’articuler des faits que de les prouver. E n effet, de
n e u f déclarations dont elle se compose, les adversaires
sont obligés d’en abandonner c in q ; e t , malgré leurs
pénibles efforts, ils ne trouvent aucune ressource dans
les quatre autres.
L e premier témoin , âgé de quatre-vingts ans * et.
parent des héritiers Labussière, rappelle l ’adjudication
faite au sieur Boyrcm, à laquelle il était présent : il en
fixe néanmoins l ’époque, ainsi que les deux témoins
subséquens, à quarante-deux ou quarante-trois ans y
quoique cette adjudication de 1770 remonte à quarantehuit ans. Il parle de^la vente faite à Labussière, dont
il fut le m édiateur, et q u ’il dit avoir été 'verbale.
Il apprend ensuite deux faits essentiels : le premier,
que le marché ne resta point en simple projet, puisque
Labussiere se mit en possession des bois, q u ’i l les fit
travailler, et q u ’il en vendit une partie ; le second,
q u e , nonobstant la disposition précise du traité, qui
ne permettait à Labussière de toucher à aucun produit
�(
36 )
des ventes, jusqu’après le paiement intégral du prix de
la vente, celui-ci avait détourné ces produits de leur
destination , en employant une partie cle Vargent h
payer ses ouvriers. Cette infidélité , constatée par le
tém oin, rend plus que vraisemblable l ’assertion des
sieurs B o yro n ,. que Labussière avait employé le prix
des ventes à ses propres affaires, au lieu de se libérer
envers e u x , comme il le d evait, aux termes de la vente.
L e témoin ajoute « q u e , le sieur B oyron , ne rece« vant de Labussière aucune som m e, céda ses droits
«
«
«
«
aux sieurs Boyron et G u illo m e t, notaires, qui le lui
ont d i t , et qui se mirent en possession des objets.
Il a ouï dire q u ’ils avaient vendu du bois, et en
avaient emporté chez eux. Labussière lui a dit avoir
« remis à Guillomet le livre-journal, et que c’était
« par cette raison q u ’il ne se mêlait plus de la vente. »
Les adversaires invoquent ces dernières expressions,
q u ’ils trouvent concluantes; mais quand le témoin ne
serait pas suspect par son grand âge, et à raison de sa
parenté avec Labussière, qui a motivé le reproche
q u ’on en a f a it , sa déclaration, sans conséquence par
son isolement, est elle-même insignifiante.
E n effet, le témoin, en parlant de la prétendue
cession du sieur B o y r o n , ne sait point si elle a été
écrite, ni q u ’elle en fut l ’époque. Il n ’indique point
comment et quand Guillomet et Boyron se mirent en
possession : 1 epoque etait-clle antérieure ou postérieure
au marché fait avec Labussière? Ce point doit être
nécessairement démontré. Il ne donne aucune certitude
�4i
( 37 )
sur les ventes faites par eux : il a seulement o u ï dire
q u ’ils avaient vendu. L a déclaration que lui a faite
Labussière ne prouve rien autre chose, si ce n’est q u ’il
a connu et approuvé la remise ' du livre-journal à ‘
Guillomet.
.
O11 imitera les adversaires , qui gardent le silence
sur les 3e, 3 e, 4 e? 8e et 9e dépositions. L e m otif Je
leur discrétion, à cet égard, n ’est pas difficile à
deviner.
ils ne sont pas de bonne foi dans les inductions q u ’ils
prétendent tirer des dépositions des autres témoins.
Le cinquième dit q u ’il a vu les bois déposés en p lu
sieurs endroits de la commune de F le u r ie l, il y a
environ 4 1 o u , 42 ans; q u ’à cette même époque, le
sieur Boyron vendait de ce même bois, et que l ui ,
déposant, en a acheté. .
.x,
Ne v.oit-ou pas clairement, par les termes de cette
déclaration, q u ’elle se rapporte à l ’époque où le sieur
Duchâteau-, après s’être rendu adjudicataire
des bois, les vendait en d étail, ainsi que Boyron, son
B oyron
associé, pendant les années 1.770, 1771 et 1 7 7 2 , qui
ont précédé l’acquisition en gros de Labussière? L ’époque
dé 4.1 à 42 ans , indiquée .par le témoin , ne peut être
considérée,comme,,précise, ni tirer à conséquence, si
Ion, l ai t attention que le premier témoin a fixé à 42
ou 44 . ans la d:\te de l ’adjudication elle-même , à
laquelle il avait assisté ; et que les d e u x témoins suivans
n ’ont lait remonter q u ’à /jo, 43 ou 44 ar,s J’«l,0fiue
des transports des bois , laits par le sieur Boyron
v
�^
tfp~è
(38)
D u ch ite au , dans difïerens endroits de la commune de
Fleuriel ; tandis q u ’il est constant, dans la cause, que
ces transports de bois sont antérieurs au traité fait avec
Làbussière, qui a 46 ans de date.
Les adversaires donnent donc un sens forcé à cette
déclaration, quand ils y trouvent la preuve que Boyron
de Villefranche (d on t le témoin ne parle pas) a vendu
des bois postérieurement à l ’achat de Làbussière.
Il en faut dire autant des sixième et septième dé
clarations, relatives k des ventes de bois, attribuées aux
sieurs Boyron et G uillom et, il y a entour 37 à 40 ans,
suivant l ’un des tém oins, et
le second.
3 g à 42 ans > suivant
Tel est le tableau, très-peu concluant, de l ’enquête
des adversaires.- & enquête contraire met dans le plus
grand jour leur mauvaise foi.
Il en résulte la preuve la plus complète que Labussièré, q u ’on- disait ne s'être point im m iscé dans la
vente des’bois portés en l ’acte du 12 novembre 1 7 7 2,
l ’avait au contraire pleinement exécutée.
Les premier, deuxième et quatrième témoins attestent
avoir v u lus bois provenant de la Tronçay déposés à
Fleuriel, et que la commune renommée indiquait
Làbussière comme en étant le propriétaire. Il y venait
souvent. L e second témoin ajoute que ce bois était en
partie avarié, e t 'q u ’oit en vo la it journellem ent.
Le troisième a, en qualité de charpentier, aidé à
construire beaucoup de M tim ens, dans les années
1774 et suivantes, pour différens particuliers q u ’il
�(39)
' désigne : tous les bois nécessaires le u r ont été vendus
p a r Labussière > qui les avait achetés des sieurs Boyron :
lni-même a assisté à différens mes.urages faits -en pré
sence de Trefoux et de Labussière.
La déposition du cinquième témoin conduit à ap
précier sainement les déclarations.faites dans l ’enquête
directe, relativement à Guillom et. Il a ouï dire que
celui-ci avait vendu des bois pendant q u ’ils étaient
encore dans la fo r e t} c’est-à-dire l)ien antérieurement
à l ’achat de Labussière.
•{ . . ,
Il résulte de la déclaration du sixième témoin<, que
lui-même a co n d u it, ^dans les années m il's e p t'c e n t
soixante-quatorze et m il sept cent soixante-quinze ,
pour le compte de plusieurs particuliers , des bois
équarris provenant de la forêt de laTronçay , et <jjiù lu i
étaient délivrés p ar T refoiuc, com m is de Labussière.
Ces bois appartenaient à Labussière.
())
L e septième témoin atteste avoir vu Labussière vendre
des mêmes bois en m il sept cent soixante-treize j m ilsept
c e n t soixante-quatorze et m ilsept cent soixante-quinze.
L e huitième a travaillé à F le u rie l, et pour le compte
d’un sieur Fournier, du bois vendu par Labussière.
L ’époque de cette vente remonte à quarante ans; enfin
le dernier a vu Trefoux aller à F le u rie l, il y a 43 ou
44 ans.
Que peuvent maintenant ■espérer les adversaires, du
résultat de ces enquêtes? Ne démontrent-elles pas jus
qu’à l ’évidence (ce qui est déjà établi par les nctes et
pièces de la procédure), que le traité du 12 noVembre
�( 4° )
l'I 'ji a été" ponctuellement exécuté par les sieurs
Boyron, vendeurs; que Labussière s’est immédiate
ment mis en possession des bois; q u ’il en a délivré
comme propriétaire ; q u ’il les a vendus en grande partie;
q u ’il s’est approprié au moins une portion des pro
duits, et qu e, par son incurie, il a laissé avarier ou
voler le surplus du bois ?
L a conséquence la plus naturelle de tous ces faits
est q u ’il doit être tenu de satisfaire à ses engagemens,
et d ’obéir aux dispositions de la sentence de C h an telle,
qui ordonne l'exécution pure et simple du traité.
E n vain les héritiers Labussière osent-ils, en déses
poir de cause, s o u t e n i r q u e le traité de 1772 a été
tacitement résilié par la mise en possession des sieurs
Boyron de Villefranche et Guillom et, postérieurement
à la décharge de Trefoux, du 20 novembre 1 7 7 7 , et
par les ventes q u ’ils ont faites, pendant une année, de
ces mêmes bois.
» On leur répond, i° q u ’il ne leur est plus permis de
reproduire ce m o yen , puisque les faits ne sont point
justifiés, et q u ’ils n’ont point satisfait à l ’arrêt inter
locutoire de la Cour.
Les époques des ventes attribuées à Boyron et
Guillomet ne sont point précisées ; rien ne prouve
qu en les supposant rcelles, elles fussent postérieures
au traité. Loin de là : les déclarations des témoins
qui en parlent, les placent à une époque antérieure,
C e point est décisif.
a 0 On ne justifie pas, ainsi que le prescrit l ’arrêt,
�(
4-
)
que les ventes aient été faites pour le compte des sreurs
Boyron, vendeurs, ni q u ’ils en aient touché le prix.
Ces deux conditions étaient néanmoins indispensables;
car la Cour a bien senti q u ’en l ’absence et du con
sentement de Labussière, les sieurs Boyron auraient
p u , sans préjudicier à leurs di’oits, vendre eux-mêmes
une portion des bois, pour augmenter, dans l ’intérêt
de toutes les parties, le bénéfice des reventes , dans
lequel ils avaient moitié.
3 ° Plusieurs témoins des deux enquêtes attestent
que Labussière n ’a jamais cessé d ’exploiter et de vendre
les bois depuis son acquisition. L e huitième de l ’en
quête contraire déclare positivement que Labussière
en a vendu à un sieur F ou rnier, il y a quarante ans 3
c’est-à-dire en m il sept cent soixa n te-d ix-h u it, et
postérieurement à la d é c h a r g e d e T i e f o u x . Ces faits
détruisent de fond en comble le système des adversaires,
et complettent les preuves administi'ées p a r les r e p r é
sentant Boyron.
4° Il est hors de toute vraisemblance que Labussière,
q u i, de son propre aveu , se considérait comme pro
priétaire des bois, eût souffert que les sieurs Boyron
de Villefranche et Guillom ct se fussent emparés de
ces mêmes objets, sans recevoir d’eux, ou de ses ven
deurs, un titre légal de libération. Son intérêt per
sonnel lui prescrivait de s’opposer à une m a i n - m i s e si
préjudiciable pour lui. I l n’est pas m o i n s invraisem
blable de penser que les sieurs Boyron eux-mêmes, ou,
si l ’on veut, leurs cedataix’es, eussent c o n s e n t i à anéantir
6
�(
42 )
le traité du 12 novembre 1 7 7 2, sans exiger préalable
ment de Labussière un compte exact du produit des
ventes q u ’il avait faites pendant six années consécu
tives. On n’annulle pas ainsi, sans formalités ni pré
cautions , un acte important qui a reçu une aussi
longue exécution.
Pour suppléer au vide de leur enquête, les héritiers
Labussière ont imaginé de sortir de la poussière un
procès-verbal dressé par un notaire, à leur requête,
les 2i et 22 octobre 1 7 7 9 , constatant de prétendues
déclarations faites par six individus, aux domiciles
desquels le notaire et Labussière se sont successivement
transportés pour les recevoir.
Quand les appelans n ’auraient pas fait eux-mêmes,
justice de cette pièce, q u ’ils ont tenue cachée depuis
*779 >
qu üs ne produisent que pour ne point
abandonner une partie désespérée , il serait facile de
l ’écarter.
Personne n ’ignore que l ’usage des enquêtes ¿1 fu tu r
a été aboli, 'a cause des graves inconvéniens qui en
résultaient. Quelle confiance peuvent inspirer des dé
clarations mendiées , dictées par la complaisance ou
par la corruption, qui n ’offrent pas même la garantie'
du serment, et qui sont faites en l ’absence des parties’
intéressées ?
Les adversaires, qui apprécient cos objections, ré
pondent qn ils 11 excipent deceprocesrverbal que comme
renseignement. Mais alors on pouvait se dispenser de
le produire, puisqu il lie fait ni titre ni preuve. Cetle
�(
43 )
pièce, qui est leur propre ouvrage, n’a pas plus de
valeur que les documens particuliers q u ’ils ont trans
mis à leurs défenseurs.
Pour l ’honneur des règles, on ne descendra pas dans
l ’examen des différentes déclarations q u i, au surplus,
établissent, de la part de Labussière, l ’exécution com
plète du traité de i 7 7 2.
E n dernière analyse, il est constant, dans la cause,
q u ’une vente de bois a été consentie, eu 1 7 7 2, par
les sieurs Boyron à Labussière; que le compte et la„
délivrance des bois ont eu lieu; que Labussière s’en
est mis en possession ; q u ’il en a disposé comme pro
priétaire; q u ’il en a vendu la plus grande partie; q u ’il
n ’a point rendu compte des produits , dont il a fait
emploi pour so n propre compte; q u e , par sa négligence
et son i n c u r i e , il a laissé a v a r i e r ou v o l e r le surplus
des bois non vendus; que, dans cet é t a t , il doit compte
du prix de la vente en deniers ou quittances, et de la
moitié des bénéfices q u ’il a faits ou dù faire ; que dèslors les dispositions de la sentence de Chantelle, qui le
condamne à satisfaire à ces obligations, doivent recevoir
leur effet.
11 n ’y a plus qu ’un mot à dire relativement aux
autres parties en cause.
Les héritiers Trefoux, parties de Mc Marie, assignés
en reprise d’instance, n ’ont point fourni de défenses.
Leur silence prouve q u ’ils n ’ont rien de raisonnable
à opposer. E11 effet, Trefoux ayant , comme fondé de
�(
44
)
pouvoir de Labussicre, consenti et signé l ’acte du
13 novembre 1 7 7 2 , ayant tenu le livre -jo u rn a l, et
reçu ou dù recevoir le produit des ventes, il est évii
dent q u ’il y avait nécessité de l ’assigner, i° pour re
connaître ses écriture et signature apposées au traité
de 1772; 3 ° pour rendre seul, ou conjointement avec
Làbussière, le compte de sa gestion; 3 ° pour représenter
le livre-journal constatant les ventes, ou justifier de
la remise q u ’il prétend en avoir faite.
Par suite , l ’arrêt à intervenir doit être déclaré
commun avec lu i , ainsi que le porte la sentence dont
est appel.
À l ’égard des sieurs Alligier, parties de Me Devèze,
ils ont prétendu,
dans une écriture signifiée le 36
juillet 1 8 1 7 , q u ’ils n ’appartenaient point à la famille
Làbussière; q u ’ils n’étaient point les héritiers de Labussière , et q u ’ils n ’auraient pas dù être mis en
cause.
Sur ce point, les héritiers Boyron répondent q u ’ils
les ont assignés sur la demande et sur la désignation
faite par les parties de Me D o n io l, dans un acte du
27 juillet 1816 ;
Que le déliât doit s’ouvrir entre eux pour justifier
la qua lité qui leur.a été attribuée;
Que les héritiers lioyron ont fait ce q u ’ils devaient
faire en les appelant en cause, et q u ’ils sont à l ’abri
du toute condamnation à leur égard ;
�(
45)
Q u ’enfin ayant été indiqués comme héritiers de
Labussière, ils peuvent être condamnés en cette qua
lit é , sauf, de la part des exposans, la justification
ultérieure de leur filiation, si elle n’est point suffi
samment établie par les parties de Doniol.
D a n s ces
circonstances , les intim és, pleins de con
fiance dans les lumières et la justice de la C o u r, se
croient bien fondés à conclure,
A ce q u ’il lui plaise,
Attendu que les conventions tiennent lieu de lois
aux parties qui les ont faites; q u ’elles doivent être
exécutées de bonne foi , et q u ’elles ne peuvent être'
révoquées que du consentement mutuel des parties ,
ou pour les causes que la loi a u t o r i s e ;
Attendu que, par acte du 12 novembre 1772, L a
bussière, stipulant par Trefoux, son fondé de pouvoir,
a acquis des sieurs Boyron, associés, trente-sept mille
deux cents toises de bois travaille, a raison de 2^. livres
le cent de toises, e t , en outre, à la charge de les faire
participer à la moitié du bénéfice qui proviendrait des
reventes des mêmes bois, après le paiement du prix
intégral, et déduction faite des dépenses et frais de
conduite ;
Attendu qu il résulte de l ’écrit signé par le fondé
de pouvoir de Labussière, et mis au pied du traité,
que, par suite des conventions, les bois ont été comptés,
et délivrés audit Labussière;
�(40)
Attendu q u ’il résulte également, soit des pièces de
la procédure, soit des aveux faits par Labussière, dans
ses requêtes des 23 octobre 1779 et 18 juillet 1 81 8,
soit des déclarations des témoins des deux enquêtes ,
que ledit Labussière a, immédiatement après la dé
livrance, disposé des bois, comme propriétaire, et q u ’il
en a vendu pendant plusieurs années consécutives •,
Attendu que la négligence de Labussière à suivre la
continuation des ven tes, et son in curie, en laissant
les bois exposés en plein air à l’intempérie des saisons,
ont causé la perte des bois non vendus, soit par avarie,
soit par la dilapidation qui en a été faite ;
Attendu que, dans cet état de choses, il est de toute
justice que Labussière (ou ses représentans) soient te
nus de remplir ses engagemens et de supporter les pertes
occasionnées par sa faute ;
Attendu que la sentence de Chantelle, du 8 octobre
1 7 7 8 , en condamnant Labussière à payer en deniers
ou quittances, aux sieurs Boyron, le prix de la vente,
à raison de la quantité des bois délivrés , et à leur
compter la moitié du bénéfice, a fait une juste appli
cation des principes du droit aux faits de la cause;
Attendu que les héritiers Labussière ne peuvent se
soustraire à l’eiTet de ces condamnations, sous le pré
texte q u ’en 1 7 7 7 , les sieurs Boyron de Yillefranche
et Guillom,et, qu ils qualifient de cedataires du sieur
Boyron, se seraient mis en possession des bois, et q u ’ilç
en auraient vendu pendant une année ;
D ’une part, parce que les tribunaux ne peuvent
�admettre la révocation tacite d'u ne convention synallagmatique constatée p a r é c rit s a n s v ioler, la règle qui
veut que les obligations se détruisent de la même ma
nière qu' elles ont été contractées ?
Secondem ent, parce que les faits allégués sont invraisem blables , no n. p ro u vés , et m êm e démentis par
les déclarations des témoins ;
•
E t enfin, parce qu ’ils n ’ont point satisfait a l ’arrêt
interlocutoire du 3 o juillet 1 8 1 7 ;
Attendu que les autres moyens des héritiers Lab ussière sont controuvés ou însignifia n s ,
Dire bien jugé par la sentence de Chantelle, mal
et sans cause appelé ;
ordonner que ladite sentence
sortira son plein et entier effe t et condamner tant
les parties de Me Doniol q u e celles de Me Marie et
de Me Devèze, ainsi, .que les défaillans, et solidaire
ment aux- qualités dans. lesquelles elles sont respecti
vement prises
en l ’amende et en tous les dépens ,
même en ceux réservés par l ’arret interlocutoire d u
3 o juillet 1817, et déclarer l ’a r r ê t à intervenir commun
avec les défaillans.
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M . M a r c h e t r a pporteur,
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G O D E M E L , Moc'aC.
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B E R T , Avoué-.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boyron, Pierre-Antoine. 1819?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marchet
Godemel
Imbert
Subject
The topic of the resource
ventes
bois
exploitations forestières
fraudes
fisc
bijoutiers
livres-journaux
paiement différé
actes sous seing privé
juridiction consulaire
négligence
longues procédures
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire en réponse à requête de production signifiée le dix juillet mil huit cent dix-huit, pour Le Sieur Pierre-Antoine Boyron, ancien Militaire, et Propriétaire, habitant en la commune de Brout; Dame Marie-Magdeleine-Thérèse Boyron, et Sieur François Bureau des Estivaux, son mari, qui l’autorise, Propriétaire, habitant de la commune de Chaumont, arrondissement de Saint-Amand, département du Cher; Dame Claudine Boyron, et Sieur Jean-Baptiste Legoy, son mari, de lui autorisée, Orfévre-bijoutier, habitant la Ville de Clermont-Ferrand; lesdits Sieur et Dames Boyron agissant en qualité d’héritiers de feu Antoine Boyron , leur père , intimés, et demandeurs en reprise d’instance, ayant pour Avoué en Cour Maître Imbert; contre Anne Aupierre et Gilbert Blanzat, son mari; Marie Blanzat, et Marc-Antoine Aupierre le jeune, icelles autorisées en justice ; Marc-Antoine Aupierre, père, et autres, représentant Jean Labussière, appelans et défendeurs en reprise, ayant pour Avoué maître Doniol ; et contre dame Allemand, veuve et commune de sieur Pierre Trefoux, et son héritière, propriétaire, habitante de la commune de Bellenave, aussi défenderesse en reprise d'instance, comparant par Maître Marie ; et contre Gervais Alligier, meunier au lieu de Roche, commune de Bellenave, Simon Alligier, meunier à Bordereaux, même commune, aussi défendeurs, comparans par Maître Devèze ; et enfin contre Jean Thury, cultivateur, habitant de la commune de Bayet ; et Etienne Thury, vigneron à Chereil, assignés en assistance de cause, et défaillans faute de comparoir
note manuscrite. Arrêt complet du 3 octobre 1819, 1ére chambre.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1819
1770-1819
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1804-1814 : 1er Empire
1814-1830 : Restauration
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
47 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G2419
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Broût-Vernet (03043)
Bellenaves (03022)
Clermont-Ferrand (63113)
Chaumont (18060)
Bayet (03018)
Chareil-Cintrat (03059)
Fleuriel (03115)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/53473/BCU_Factums_G2419.jpg
actes sous seing privé
bijoutiers
bois
exploitations forestières
fisc
fraudes
juridiction consulaire
livres-journaux
longues procédures
négligence
paiement différé
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53cbdbebcacd0362499facc3df8df587
PDF Text
Text
MÉMOIRE
Pour
R ené
E SM E L IN
G ilb e r t
A I G U E S , C la u d e- A m able
d e l e in e
E S M E L IN
E S M E L IN
L A P E L I N , et M a r i e - M a g -
, son épouse ,
G A R D E -D E L A V IL E N N E
son épouse ; M a r i e - A
-D E U X -
d é l a ïd e
J e a n - F r a n ç o is L A -
, et T h é r è s e
E S M E L IN ,
E S M E L IN
, veuve D e -
b ard , intimés
Contre G
e n e v iè v e
E S M E L I N , veuve r/Amable D
e c iia m p s ,
ex-religieuse, appelante $
E n présence de
P rocule
E S M E X il N , ejc-religieuse y
E l encore en présence de J a c q u e s - M
a r ie - P ie r r e
L O ISE L -
G U I L L O I S , tuteur de ses enf ans , héritiers d 'Agnès
E s m e l i n , leur aïeule m aternelle, aussi intimés.
L
A. dame Dechamps dénonce aux tribunaux un traité de fa
mille , rédigé sous ses yeux par d ’anciens jurisconsultes de son
c hoix ( * ) , qu ’elle a signé, exécuté, qu’elle approuve et exécute
journellement.
(*) MM. Bergier et Boirot.
A
�5«v
v ,> .
( O
C e traité de famille a été dicté par la nécessité.
Il a été dicté par la sagesse.
E n ce qui la concerne, il a été dicté,par la générosité.
Il lui assure un patrimoine d ’environ
Elle se dit lésée.
5oooo f r . , dettes payées.
.
E t il ne lui revenoit pas une obole.
Etienne Esmelin a contracté mariage avec M a rie -A n n e -B a rth é lem y G ib o n , le 29 février iy ô ô .
Ils se sont unis sous le régime de la co m m u n a u té, avec clause
expresse que « pour y acquérir d r o i t , chacune des parties y con» fondroit 600 f r .; et le surplus de leurs biens, avec ce qui leur
h
éclierroit par succession, donation , sortiroit nature de propre-
» fonds. »
Ils n ’avoient q u ’une fortune m édiocre; elle s'est grossie par de
nombreuses successions qui se sont accumulées sur leurs tê t e s ,
spécialement du c h e f de la dam e Esmelin.
L a première qui est échue de cet estoc , a été celle du sieur
Jean-Baptiste île Lachaussée, son o n cle , décédé à Moulins en 17 6 4 .
L a seconde, celle de G ilbert de L a c h a u ss é e , aussi son o n cle ,
négociant à M o u lin s , décédé en 1 7 66.
L a troisième, celle de Jacques de L achaussée, frère des précé
dons, administrateur de l’ H ôtel-D ieu de P a ris, décédé en 1787.
Il avoit fait un testament suivi de codicille , par lequel il avoit
no m m é pour ses légataires universels, M arie F a r jo n n e l, sa m è r e ;
An toin ette de Lachaussée , veuve Lafeuillant ; Elisabeth de
L a c h a u s s é e , fem m e Laplanche ; Catherine de L a c h a u ss é e , fille
majeure ;
E t les en fans et desccndans de M a rie de Lachaussée, décédée
fem m e Gibon.
L ’inventaire de cette succession enportoit l’a ctif à deux millions
soixante mille livres.
Il fut fait un premier partage provisionnel d ’une som m e de
�(
3 )
1179500 fr. d ’effels r o y a u x , devant L a ro clio , notaire au châtelet
de. P a ris , le 29 avril 17 8 8 , qui constate que le sieur Esmelin
toucha pour sa fem m e un premier à-compte sur cette succession ,
de i 685oo fr.
M a rie F a rjo n n e l, aïeule de la dame Esmelin , qui avoit touché
un pareil à-compte de i 685oo fr. par ce partage pro visionn el,
m ourut peu de temps après.
L a dame Esmelin mourut ensuite au mois de novembre 1789.
L e sieur G ibon , son frère , directeur des aides à ChâteauT h i e r r y , mourut au mois de juillet 1790.
11 laissa encore une succession très-opulente, qui étoit divisible
en trois portions égales, entre les en fans E sm e lin , le sieur G i b o n ,
de M o ulin s, leur o n c le , et le sieur G ib on -M ontgon , leur cousin
germain.
L e sieur G ilbert G ib o n , père de la dame E sm elin , mourut en 1792.
Enfin Elisabeth E sm e lin -D u c lu so r, l ’une des filles des sieur et
dam e Esmelin , m ourut aussi sans postérité dans le courant de la
m êm e année.
Etienne Esmelin père resta en possession de toutes ces successions.
Il avoit marié q u e lq u e s-u n s de ses enfans avant la mort de
M arie-A nne-Barthélem y Gibon , son épouse.
Il en a marié d'autres d epuis, et il avoit fait aux uns et aux
autres des avancemens d ’hoirie.
D e u x de scs filles , Procule et Geneviève E sm e lin , avoient pris
le parti du cloitre, et avoient fait profession avant la mort de leur
mère.
M ais les lois des
5 brumaire et 17 nivôse an 2 ayant aboli leurs
v œ u x , elles furent rappelées à toutes ces successions.
Bientôt le refus de Procule Esmelin de prêter s e r m e n t, attira
sur elle des persécutions que chaque jour pouvoit rendre plus graves.
L e sieur Esmelin crut devoir prendre la précaution de se faire
céder ses droits, dans toutes ces successions , pour se m e t t r e , à
toutes fins , ainsi que ses enfans, à l’abri des recherches nationales. ;
Geneviève Esmelin avoit pris un parti tout opposé ; non-sculeA 2
�ment elle avoit prêté se r m e n t, mais elle ne dissitnuloit pas l ’in
tention où elle étoit de se m arier; et le sieur Esmelin crut encore
prudent de se faire céder ses droits m atern els, pour garantir sa
fam ille des recherches futures de ce gendre inconnu dont il étoit
menacé.
L e rapport de l ’effet rétroactif des lois des
5 brumaire et 17
nivôse ne tarda pas à rendre ces précautions inutiles.
M ais , dans le même t e m p s , le sieur Esmelin père étoit forcé
d ’en prendre de semblables avec d ’autres de ses en fans.
L e sieur D ebard étoit inscrit sur la liste des ém igrés, et A d é
laïde E s m e lin , son épouse, étoit en réclusion ; elle étoit menacée
du séquestre sur tous ses biens. Il fallut encore avoir recours à la
cession de ses droits maternels. Elle consentit cette cession à son
p è r e , le 1 " germinal an 2. Mais com m e elle n ’étoit que simulée,
il lui en donna une contre-lettre.
L ’inscription du sieur E s m e lin -D e u x -A ig u ë s,su r la liste fatale,
força encore le sieur Esmelin père de faire avec lui des actes simulés,
pour se soustraire, com m e ascendant d ’é m ig ré , aux persécutions
des agens du fisc.
T o u s ces actes ont disparu avec les causes qui les avoient fait
naître; et la darne D echam ps, qui en abuse aujourd’h ui, sait m ieux
que personne q u ’ils n ’ont jamais eu de réalité.
Les orages révolutionnaires s’étant c a lm é s , plusieurs des enfans
E.smelin, la dame Lapelin , le sieur E sm e lin -D e u x -A ig u e s, et les
mineurs L o is e l, ont cru devoir rechercher leurs droits maternels.
L e sieur Esmelin a terminé avec la dame Lap elin, en lui donnant
un à-compte sur
11 succession de R e n é Gibon ;
Avec le sieur Esm elin-Deux-Aigues , en s’en référant à l'arbi
trage de M. L u c a s , président du tribunal de G a n n a t, leur parent,
q u ia dicté la transaction passée cntr\nix au moisdeger111in.il an i5 .
Q uan t aux mineurs L o ise l, la contestation est restée indécise.
Ces actions éloient justes en elles-mêmes; et le sieur Esmelin se
soroit sans doute empressé de les prévenir , s’il n ’avoil pas été
arrêté p,ir les difficultés insurmontables q u ’il IrouYoit u distinguer
aa fortune personnelle de celle de ses enfans.
�( 5 3
M ais la dame D ech a m p s, subjuguée par un conseil pervers, qui
avoit voué au sieur Esmelin une haine implacable en échange des
services signalés qu ’il en avoit reçus, a dirigé contre lui des actions
d ’un autre genre, qui tendoient à compromettre sa délicatesse et
qui l’ont abreuvé d ’amertume.
Bientôt la perspective effrayante du mauvais état de ses affaires
est venue m ettre le comble aux chagrins dont il étoit dévoré.
Il avoit fait imprudemment une affaire de finance avec la dame
L e b lo n d , A m é r ica in e , qui , privée de ses revenus des île s, dont
la rentrée étoit suspendue par la guerre maritime avec l’A n g le
terre, avoit obtenu de sa facilité des avances én o rm e s, au point
qu ’il se trouvoit son créancier de plus de 160000 fr. sans la plus
légère sûreté, et à peu près sans espoir de les recouvrer.
L e sieur Esmelin n ’avoit pu faire d ’aussi grosses avances qu ’en
puisant dans les caisses des banquiers de Moulins et de C lerm ont.
Chaque jour ses dettes alloient en cro issa n t, par le taux élevé
des intérêts qui s’accumuloient.
D éjà son crédit étoit épuisé chez les banquiers de C le rm o n t, qui
ne consentoient à renouveler ses effets qu ’avec l’endossement du
sieur R ené Esm elin, son fils aîné (*), et il ne pouvoit se dissimuler
qu'il couroit à grands pas à sa r u in e .
L ’âme flétrie par les outrages de la dame Dccliamps , et ne pou
vant supporter l’idée du renversement de sa fo rtu n e , il est tombé
malade dans les premiers jours de décembre i 8o 5 , et il e*st mort
le 19 du même mois.
L es scellés ont été apposés de suite par le juge de paix des lieux.
Quelque temps après, il a été procédé à un inventaire en form e,
en présence de tous lçs intéressés, et spécialement de la dame
D ech am p s, qui a assisté à toutes les séances.
Indépendamment de l’a ctif bon qui fut porté dans cet inven-
(*) Le sieur Esmelin aîné avoit <léj?i cautionné pour 60000 fr. d’eiïets do son
père à son décès; il est porteur de ses lettres , par lesquelles il le prioit do lui
donner sa signature.
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. ( G )
tairo, il fut fait un état particulier des créances mauvaises ou dou
teuses , montant à 267600 f r . , qui fut signé par tous les héritiers,
et spécialement par la clame Dechamps.
L a dam e Decham ps dit dans son mém oire , page
4 , que pen
dant cet inventaire ses frères furent p o lis, caressons. Ces expres
sions sont trop foibles ; elle auroit dû dire qu ’ils la comblèrent de
témoignages de tendresse, q u ’ils ne négligèrent rien pour gagner
sa confiance, et pour la soustraire à la maligne influence du per
fide conseil qui l ’éloignoit de sa fa m ille , et la conduisoit à sa perte;
Que leur ayant paru avoir des besoins, ils lui remirent la somme
de 1000 fr. qui étoit provenue des premières ventes des denrées
de la succession ;
Q u ’elle prit différens effets mobiliers qui étoient à sa conve
n a n c e, sur la prisée de l’inventaire ;
Que dans le partage qui fut fait en nature d ’une partie du m o
b i li e r , ils l ’admirent pour un h u itiè m e , quoiqu’il ne lui en tevînt
q u ’un seizième ;
Qu'enfin ils ne cessèrent de lui prodiguer les égarTls et les bons
procédés.
Instruite par elle-même de l ’état des affaires de son père ; de
plus de iSo oo o fr. de dettes de banque sur lettres de change qui
venoient chaque jour à échéance, dont plusieurs étoient déjà pro
testées, et dont les porteurs pouvoient consom m er en frais tous les
biens de la succession ;
D é p l u s de Go,000 liv. d ’autres dettes par b ille ts, ob ligations,
rentes viagères 011 constituées ;
T é m o in de l ’état de dégradation et de désordre absolu, dans
lequel se trouvoient tous les biens co m m u n s, au point que sur 24
ou a 5 do m aines, il n ’y en avoit pas un seul dont les bûtimens ne
fussent en ru in e , les granges écroulées , et hors d ’état de contenir
la. récolte prochaine.
Plus pressée d ’ailleurs de jouir de son lot q u ’aucun de s?s co
h éritiers, ù raison de sa position, clic a été la première à désirer
le partage.
�*
i i
3
( '7 )
O n est convenu de faire estimer préalablement tous les Liens
qui devoient en être l’objet.
O n a nom m é pour experts les sieurs Pienaudet et F e rrier, connus
trop avantageusement dans l ’opinion publique pour ne pas réunir
les suffrages de tous les cohéritiers; et ils ont été si agréables à la
dame D echam ps , qu'ils ont vécu et logé chez elle pendant tout le
temps q u ’ils ont travaillé à l ’estimation de la terre du B ouis, qui
joint son habitation.
Cette opération term in ée, tous les copartageans sont unanim e
ment convenus de s’en référer, sur le règlement de leurs droits res
pectifs, à la décision de deux anciens jurisconsultes de C le r m o n t ,
dont l ’un éloit grand oncle maternel à la mode de Bretagne des
mineurs Loisel.
Ils se sont tous rendus à Clerm ont avec les deux e xperts, R e naudet et F e r rie r , dans les derniers jours de mars 1806, et tous
y ont séjourné sans interruption jusqu’au 21 avril suivant.
Chaque jour ils se sont réunis chez les arbitres.
L à , chacun des intéressés a fait valoir ses droits ou ses préten
tions.
T o u t a été v u , exam iné, discuté en leur présence par les arbii
très.
M ais com m e de tous les frères et sœurs Esrnclin, six seulement
avoient des droits dans les biens maternels , à raison de la m ort
civile de Procule et de G eneviève; que tous au contraire éloient
copartageans dans les biens paternels; le premier pas & faire élo it,
de distinguer les biens paternels et maternels, pour en form er deux
masses séparées.
L es arbitres ont tenté ce travail; mais ils n ’ont pu y réussir.
11 étoit impossible de retrouver les élémens de la plupart des
successions échues aux sieur et daine Esinelin, à défaut d ’inven
taires et de partages.
Il existoit à la vérité des inventaires des deux principales, celles
de Jacques de Lachaussée et de R e n é -B a rth é lém y G ib o n ; m a i s
les héritiers Esmelin ne les avoient pas en leur possession ;
n ’ùtoicnt pas en état de les représenter.
et ils
�( 8 )
Ils n’ avoient pas des notions exactes de la nature et de la consis
tance des effets dont ces successions étoient composées.
Us ignoroient ce qui en avoit été touché par leur père , en nu
méraire ou en papier-monnoie , et les différentes époques aux
quelles ces sommes avoient été versées dans ses mains.
L e s arbitres avoient d ’ailleurs sous les yeu x une expédition fa u
tive du contrat de mariage des sieur et dam e Esmelin , qui contenoit la stipulation pure et simple de la com m unauté , sans la
clause subséquente qui portoit que «pour y acquérir droit, chacune
» des parties y confondroit 600 fr. ; et le surplus de leurs b ie n s ,
» avec ce qui leur écherroit par succession , do nation, sortiroit
» nature de propre-fonds (*). »
D e sorte que les sieur et dame Esmelin paroissoient n’avoir con
tracté q u ’une com m unauté légale et conform e à l’article 276 de
la coutum e de B ourbonnais; d ’où il sembloit résulter que tout
ce qui étoit de nature mobilière dans les successions échues aux
deux époux , avoit été confondu dans la co m m u n a u té, et appartenoit par moitié à chacun d ’eux ; ce qui frappoit spécialement sur la
succession de Jacques de Lachaussée, presque toute composée d ’ac
tions de la compagnie des Indes, ou autres effets royaux payables
au porteur.
L e s arbitres, au milieu de cette o b scu rité, crurent apercevoir
une lueur de justice dans le plan simple de diviser la masse entière
des biens et des dettes en deux portions égales, dont l’une seroit
censée m a tern elle, et l’autre censée paternelle; ce qui donnoit aux
deux religieuses un seizième chacune de la masse réelle des biens,
et les chargeoit d ’un seizième des dettes (**).
(*) Cette expédition inexacte a été représentée par Proculc Esmelin , qui
l ’avoit trouvéo dans les papiers de la succession.
Elle paroissoit mériter d’autunt plus do confiance, quelle étoit écrite en entier
do la main de Barthélém y, notairo, dépositaire de la minute.
(**) La masse totalo do l’actif bon étoit de 5f)85<)5 fr.
Les créances actives mauvaises ou douteuses, do 2G7Ü30 fr.
Les dettes passives connues lors du partage, étoient du so 5y 5G fr.
Celles découvertes depuis s’élèvent à environ 20000 fr.
Les
�(o)
L es arbitres ne se dissimulèrent p as, et ne dissimulèrent pas à
tous les cohéritiers que ce plan éloit trop favorable à Procule et
Geneviève Esmelin , même sous le point de vue de la com m unauté
légale des père et mère communs , com m e elle paroissoit l’tHre
d ’après l’expédition fautive de leur contrat de mariage.
- M a i s , d ’une p a r t , il étoit urgent de prendre un parti pour satis
faire les créanciers , dont les poursuites pouvoient à chaque ins
tant porter partout l’incendie et la dévastation.
D ’autre p a r t , il falloit par-dessus tout éviter , pour l’intérêt de
tou s, d ’en venir à des discussions juridiques, qui présenloient un
abîme sans fond et sans rives, prêt a engloutir toute la fortune
des copartageans.
On ne considérait d ’ailleurs la portion que devoit recueillir P ro
cule E sm elin , que comme un dépôt confié à la vertu, qui devoit un
jour revenir à la famille.
E t à l’égard de la dame Decham ps , tous ses cohéritiers regardoient l’avantage q u ’elle pou voit retirer de ce mode de partage,
comme un sacrifice fait à sa position et à sa qualité de mère de
famille.
Q uant aux mineurs L o i s e l , indépendamment que l’acquiesce
m ent de leur père à cette mesure étoit suffisamment justifié par
l ’exemple de tous ses copartageans majeurs , grands oncles et
grand’ tantes de ses mineurs , qui avoient le même intérêt qu'eux ,
on eut soin de les dédommager amplement de la perte que ce plan
pouvoit leur occasionner, comme on le verra dans la suite.
C e mode de partage une fois adopté par tous les cohéritiers, on
vit bientôt disparoitre la majeure partie des difficultés qui divisoient
la famille Esmelin.
11 en restoit cependant encore, qui donnèrent lieu à quelques
débats entre les cohéritiers.
L a principale étoit relative au sieur Esm elin-Deux-Aigues.
A p rès sa radiation de la liste des émigrés , il avoit traduit son
père en justice, pour obtenir de lui le règlement de ses droits ma
ternels.
�<<<
( 10 )
L e sieur E sm clin , qui connoissoit m ieux que personne les inconvéniens et les dangers de soumettre celte discussion aux tribunaux,
consentit de s’en référer à l’arbitrage de M . L u c a s , président du
tribunal de G a n n a t , leur parent.
M . L u c a s , après avoir entendu les sieurs E s m c lin , père et fils,
pendant plusieurs séa n ces, et avoir examiné leurs mémoires res
pectifs, crut devoir fixer le débet du père envers son fils, pour tous
ses droits'maternels directs et collatéraux, à
5 y j 5 o f r a n c s , dont
42760 francs pour les cap itaux, et i 5 ooo francs pour les intérêts
ou jouissances; et ce fut d ’après cet aperçu que les parties traitè
r e n t , sous sa dictée, devant H u e , notaire à G a n n a t, le 17 ger
m inal an i 5 (*).
T o u s les cohéritiers du sieur Esm elin-Deux-Aigues connoissoient
parfaitement la sincérité de ce traité; et la médiation de M . L u c a s ,
prouvée par sa sig n a tu re , ne permettoit pas d ’élever le plus léger
doute à cet égard. M ais co m m e il sembloit en résulter quelque
avantage en sa fa v e u r , ils prétendoient q u ’il devoit s’en départir
pour se mettre à leur niveau.
L e sieur Esm elin-D eux-A igues insistoit sur l’exécution de cet
a c te , com m e étant un traité à f o r f a it , convenu de bonne f o i, sur
des droits successifs dont la quotité étoit absolum ent incertaine.
11 ajoutoit que l’avantage q u ’on prétendoit résulter de ce tra ité ,
n ’étoit rien moins que réel; q u ’il étoit plus que co m p en sé, par la
circonstance q u e , dans le plan du partage proposé, il n ’avoit à pré
tendre q u ’un seizième dans les créances actives paternelles, dont il
lui seroit revenu un huitièm e, si on n ’en avoit pas confondu la
moitié dans la masse maternelle, dont il étoit exclu au moyen de
l ’exécution de ce traité.
Il ajoutoit encore q u ’en supposant que ce traité produisit quelqn’avantage en sa faveur, cet avantage ne pouvoit être c r itiq u é ,
parce q u ’il étoit bien loin d ’absorber les réserves disponibles que
(*) I.a transaction fait mention expresso qu’ollo a clé pasjéo en prdscnco et
par la médiation de INI. L u ca s, <jui l’a signéo.
�/ / /
( "
)
s’étoit faites le père com m un par les différens contrats de ma
riage de ses en fans (*).
D ’après ces considérations , il fut arrêté que le sieur E sm clinD eux-A igu ës prélèveroit, avant tout partage, le montant de ce traité.
M ais le mode de ce prélèvement n ’étoit pas sans difficultés.
D ’une p a r t , le capital des droits successifs du sieur Esm elin.
Deux-tVigues devoit être prélevé sur la masse maternelle.
D ’autre p a r t, les jouissances, et le prétendu avantage qui pouvoit résulter de ce traité en sa f a v e u r , devoient être prélevés sur la
masse paternelle.
O n prit le parti d ’en faire le prélèvement sur la masse entière,
et ce parti étoit d ’autant plus raisonnable , que la masse paternelle
étant avantagée par le plan du partage, en faisant frapper ce pré
lèvement par égalité sur les deux masses , on se rapprochoit de
plus en plus du point de justice auquel les arbitres et les parties
se proposoient de parvenir.
C e t obstacle a p p la n i, il en restoit encore quelques autres, mais
qui éprouvèrent moins de difficultés.
L e sieur R e n é Esmelin aîné avoit des prétentions de plus d ’un
genre
La
de la
avant
contre la succession de son père.
principale résultoit de la donation que lui avoit faite son père
terre de B o u is, par acte du 2 mars 1 7 9 3 , immédiatement
les lois de l’égalité ; donation qui prenoit sa source dans la
réserve que s’éloit faite le sieur Esmelin , par les différens contrats
de mariage de ses enfans, de disposer de celte terre au profit de tel
d ’entr’eux qu’ il jugeroil à propos.
C ette circonstance formoit exception aux dispositions prohibi
tives de la Cou tu m e de Bourbonnais, qui interdisoit les avantages
entre enfans, autrement que par contrat de mariage.
(*) Les parties raisonnoient d’après l’expédition inexacte du contrat de ma
riage de 17 5 6 , qui rendoit communes aux doux époux toutes les successions
mobilières.
E11 raisonnant d’après la clause insérée dans ce contraído mariage, qui les ren
doit propres à chaque estoc, le sieur Esmelin-Deux-Aigues étoit évidemment lésé.
lia
�V I
( i*
)
L e sieur Esmelin père n ’étant d ’ailleurs décédé que sous l ’empire
du nouveau C o d e , tous les avantages antérieurs pouvoient être
considérés com m e légitimes , jusqu’à concurrence de la portion
disponible.
M ais le sieur René Esmelin n ’altendit pas q u ’on lui en dem andât
le sacrifice; il fut le premier à l’offrir à ses frères et sœurs; il n ’y
mit q u ’une seule condition, celle de l’union et de la c o n c o r d e , et
que tout se terminât à l ’amiable.
L a dame D e b a r d , de son c ô t é , élevoit des réclamations d'un
intérêt m a je u r , qui prenoient leur source dans une donation entre
vifs qui lui avoit été faite par les dames Delagoutte et G u d e ve rt,
le
5 mai 1 7 7 6 , de certains biens dont le sieur Esmelin étoit m ort
en possession , q u ’elle prétendoit avoir droit de prélever en nature
sur sa succession, indépendamment d ’un grand nombre d ’années
de jouissances de ces mêm es b i e n s , q u ’elle réclamoit à litre de
créancière.
L a dame D eb ard en fit généreusement le sacrifice, sans autre
indemnité q u ’une somme de 1200 francs à prendre sur les créances
douteuses , et sans y mettre d ’autres conditions que celles q u ’y
avoit mises son frè re , l ’union et la concorde, et que tout se ter
minât à l’amiable.
Enfin, le sieur D elav ilen n e , stipulant pour sa f e m m e , dont il
étoit fondé de p o u v o ir , fit aussi le sacrifice d ’une somme de 1000 fr.
qui formoit l’objet d ’une donation q u ’il prétendoit avoir été mal à
propos confondue dans la dot qui lui avoit été constituée par sou
conlr.it de mariage.
T o u s ces obstacles applanis ,
il fut question de procéder au
partage.
On fit un premier traité pour en fixer les bases.
C ’est dans ce premier traité que se trouvent tout le moral de l’opéra lio ti , les motifs qui l ’ont déterminée, les circonstances impérieuses
qui la rendoient nécessaire, les sacrifices généreux faits par plu
sieurs des cohéritiers pour assurer la paix et l’union dans la famille.
On en lit un second pour y traiter quelques objets particuliers,
�que tous les cohéritiers croyoient devoir être renfermés dans le sein
de la famille.
E t enfin un troisième, qui contenoit le partage.
Il étoit impossible d ’employer dans ce partage la voie du sort.
L e s rapports étoient tous in é g a u x , et varioient depuis
jusqu’à
5oo fr.
35ooo fr.
L e tirage au sort n ’eût pu sc faire sans être répété jusqu’à sept
à huit fois.
Les morcellemens qui en seroient résulté eussent été tels, que
chaque dom ain e, chaque arpent de terre eût été divisé en plus de
cent poriions , contre le texte de la loi et le Yceu de la raison.
On prit donc le seul parti proposable, celui de faire des lots do
convenance.
Mais les frères et sœurs de la dame Decham ps, toujours fidèles
à leur plan de la combler d ’égards et de bons procédés, eurent l’at
tention de lui laisser le choix de celui qui lui seroit le plus agréable.
Elle choisit des biens de la terre du B o u i s , qui étoient situés
dans la même commune que ceux de scs m ineurs, qui les joignoicnt
de toutes parts, et dont l’estimation lui étoit d ’autant moins sus
pecte, qu’elle avoit été faite-sous ses y e u x , et par des experts logés
et nourris chez elle pendant loul le temps de leur opération.
On usa avec elle des mêmes procédés pour le seizième des dettes
dont son lot d e v o it ‘être ch a rg é; on lui laissa le choix de celles
dont les intérêts étoient le moins o n é r e u x , et des créanciers sur la
complaisance desquels 011 pouvoit le plus compter.
Ces différentes opérations term inées, tous les héritiers Esmelin
retournèrent dans leurs fo y e r s , en bénissant leurs arbitres, et en
se félicitant de l’union et de la concorde qu'ils regardoient com m e
rétablies e n tre u x d ’une manière inaltérable.
M ais le bonheur de la famille Esmelin 11c fut pas de longue durée.
L a dame D e c h a m p s , rentrée dans ses foyers , y retrouva le
démon de la discorde, le misérable qui avoit conduit son père au
tom beau, et qui m é d i l o i t la ruine de sa famille.
D ès ce premier m o m e n t , il fut arrêté entr’eux de tenter, par
�t 'U .
( 4
)
toutes sortes de vo ies, l’anéantissement de tous les arrangemens
faits à C lerm o n t.
A v a n t de rien entreprendre, elle eut soin de s'installer dans
son l o t , de l’ai ferm er pour plusieurs a n n é e s, de se faire payer
d ’avance du prix du b a il, et surtout de laisser à ses frères et sœurs
toutes les charges de la succession dont jusqu’ici elle n ’a pas payé
une o b o le , et qu ’ils acquittent journellement pour elle.
A près avoir ainsi pris ses p récau tion s, et le 18 juin 1 8 0 6 , la
dam e Decham ps a fait citer tous ses cohéritiers en conciliation ,
pour venir à division et partage de tous les biens meubles et im
meubles délaissés par le père c o m m u n , sans avoir égard à tous
projets de partage , qui seroient regardés com m e non avenus.
C e tte citation a été suivie d ’un procès verbal de non concilia
tion , en date du g juillet.
Le
25 du m êm e m o is , la dame Decham ps a présenté requête au
tribunal d ’arrondissement de G a n n a t, tendante au fond à ce q u ’il
lui fu t permis d ’assigner ses cohéritiers , sur la dem ande en par
ta g e , dans les délais ordinaires , et à la première au d ien ce, sur sa
demande provisoire, tendante à ce qu ’ il fût sursis à la coupe et
exploitation des difierens bois de haute f u t a i e , et tous autres dépendans de la succession du père com m un.
E lle d e m a n d o it en m êm e temps q u ’il lui fu t permis de faire pro
céder à la visite et état de tous ces bois par e x p e r t s , à l’e ffe t de
constater tous ceux qui avoient été coupés et tous ceux qui étoient
sur pied, et d ’en fixer le nom bre et la v a le u r , p o u r , après ce rap
p o r t, être pris par elle telles conclusions qu'elle aviseroit.
C e lte demande provisoire cachoit une insigne perfidie. L a dam e
D echam ps savoil q u ’il existoit, au décès du père com m u n , plus de
i 5oooo fr. de lettres de ch a n g e, toutes éch u es, proteslées 011 re
nouvelées par ses frères et sœ u rs, non compris plus de 60000 fr.
de dettes ordinaires, dont les créanciers n ’éloient pas moins im
patiens.
Elle savoit que chacun de ses cohéritiers n ’avoit d ’autres res
sources, pour luire honneur aux cngagenicns les plus u rg en s, que
�3 ( j\
dans le prix de ces b o i s , qu’ils se hàtoient de vendre et d ’exploiter.
Son projet étoit de rendre leur libération impossible, de voir leur
liberté compromise, et tous les biens livrés à l’expropriation forcée.
C e p ro je t, d ir a -t-o n , étoit insensé; elle ne pouvoit elle-même
manquer d ’en devenir victime : cela est vrai ; mais fa u t-il nier
l’évidence, parce qu’elle passe les bornes ordinaires de la vraisem
blance et de la perversité humaine ? A - t- o n oublié le vœu de
Cornélie dans les Horaces i
Quoi q u ’il en so it, le tribunal de G annat a repoussé, avec indi
gnation, cette action provisoire, par son jugement du i 5 décembre
1806, rendu d'après les conclusions motivées de M . le commissaire
impérial.
Pendant que la dame Decham ps vexoit ainsi ses frères et soeurs,
et tentoit d ’arrêter par toutes sortes de moyens l’exécution des
arrangemens faits entr’eux, ses cohéritiers cherchoient à les conso
lider et à les régulariser à l’égard des mineurs Loisel.
L e sieur Loisel avoit été assigné depuis le
5 juin , en sa qualité
de père, tuteur et légitime administrateur de ses enfans, pour en
voir ordonner l’exécution ; mais il avoit cru devoir suspendre toutes
espèces de démarches jusqu’à la décision de l ’incident élevé par
la dame Dechamps.
C e t incident term iné, le sieur Loisel a convoqué un conseil de
famille le 24 décembre 1806.
C e conseil, composé du grand-père maternel des m in eurs, de
plusieurs de leurs oncles et de leurs plus proches p a re n s, après
avoir pris communication de la transaction du i 5 a v r i l, l’a ap
prouvée dans tout son contenu , et a autorisé le sieur Loisel à se
retirer auprès de M . le commissaire impérial, qui seroit invité à
désigner trois jurisconsultes pour examiner ce traité, et en dire
leur a v is, conformément à l’article 4G7 du C od e civil.
Le
5 i décem bre, sur la requête qui lui a été présentée par le
su u r L o is e l, M . le commissaire impérial a désigné trois anciens
jurisconsultes près la cour d ’appel, également recommandables par
leur expérience et leurs lumières, M M . A n d r a u d , B o ry e et PagesVerny.
:çà (
�K *.
( iG )
. Sur l’avis de ces trois jurisconsultes, les héritiers Esmelin , à l ’e:oception de la dam e D e c h a m p s , ont demandé l ’homologation de la
transaction du i 5 avril.
L a dame D e c h a m p s,fid è le à son plan de c o n t r a d ic t io n ,n ’a pas
m anqué de s ’y opposer.
M ais sans avoir égard à son opposition , dont elle a été déboutée
avec dépens, la transaction a été hom ologuée, sur les conclusions
de M . le commissaire im périal, par jugement du 21 février 1806.
L e 21 mars, nouvelle assemblée du conseil de fam ille des mineurs
Loisel ;
Approbation du partage fait sur les bases de la transaction ho
mologuée ;
Requête du sieur Loisel à M . le commissaire im p érial, pour l ’in
viter à désigner trois jurisconsultes auxquels seroit soumis l’examen
du partage ;
Désignation de M M . A n d r a u d , B o ry e et P a g è s - V e r n y ;
A v is de ces trois jurisconsultes pour l’approbation et la pleine
et entière exécution du partage.
L a dame D echam ps en a au contraire dem andé la n u llité, fo n
dée sur le ^défaut d ’observation des formes voulues par la l o i , et
subsidiairetnent la réformation pour cause de lésion;
E t par jugem ent contradictoire du 2 mai d ern ier, rendu sur les
conclusions de M . le commissaire im p érial, elle a été déboutée de
toutes ses d e m a n d e s, et le tribunal a ordonné que le partage seroit
exécuté selon sa ¿orm e et teneur.
Appel de la dame D echam ps des trois jugemons des i 3 décembre
18 0 6 , a i février et 2 mai 1807.
Scs moyens en cause d ’appel sont les mêmes qu'en cause prin
cip a le; nullité tic la transaction et du partage, lésion résultante do
l’une et de l ’autre.
L a réponse des intimés sc divise en trois paragraphes.
Ils établiront, dans le p rem ier, que la dame D echam ps n ’est ni
rccovable, ni fondée à opposer les prétendues nullités dont clic
cx.cipc.
D an s
�D an s le second, que loin d’être lésée par les bases adoptées dans
la transaction du i 5 avril, et par le partage fait d ’après ces bases,
elle y est avantagée du tout au tout.
D ans le troisièm e, que si les intérêts des mineurs Loisel paroissent avoir été lésés par le traité du i 5 avril , en ce qu’on y a gra
tifié la dame Dechamps et Procule Esmelin au préjudice de la suc
cession m atern elle, ils en ont été amplement dédommagés.
SI".
L a dame Dechamps n’ est ni recevable , ni fondée h opposer les
prétendues nullités dont elle excipe.
T o u te s les nullités qu’invoque la dame Decliamps , contre le
traité et le partage des i 5 et 20 a vril, ont leur source dans de pré
tendus vices de formes.
O r la loi ne connoit point de vices de forme pour les majeurs ,
ils peuvent traiter de leurs intérêts à leur g r é , et leur signature
suffit pour rendre leurs engagemens irréfragables.
Ici, la dame Dechamps a signé les actes des i 5 et 20 avril.
A la vérité elle dit les avoir signés aveuglément, page 4 de son
m ém oire, sans en avoir entendu la lecture , page 14.
Mais elle a signé si peu aveuglém en t, et elle en a si bien entendu
la lecture, qu’elle nous dit elle-m êm e, page i 5 , que de retour dans
ses foyers elle a voulu se mettre en possession des articles attri
bués à son lot.
E t de f a i t , elle s’en est de suite mise en possession, en les affer
m ant par un bail qui est enregistré.
Elle n'a cessé d ’en jouir depuis , sans avoir été troublée par per
sonne ; et dans ce moment elle vient de quitter son ancienne habi
tation , qui appartenoit à ses m ineurs, pour venir habiter dans sa
propre m a ison , qui fait partie de son lot.
A i n s i , non seulement la dame Dechamps a approuvé ce partage
dans les premiers instans; mais elle n ’a cessé de l’approuver de
puis, et de l’exécuter pendant le procès.
C
�E t le fait d ’approbation le plus caractérisé, c’est ce changement
d ’h ab itation , cette translation clans sa propre m a iso n , dans le
m om ent où elle remplit l ’air de ses cris contre ce partage , q u ’elle
dit avoir signé aveuglément, et sans en prendre lecture.
L a circonstance qu ’il y a des mineurs intéressés dans ce par
t a g e , ne change rien à celte première fin de non*recevoir.
L a loi a prescrit des formes pour garantir les mineurs de la
f r a u d e , d e l à facilité ou de l ’insouciance de leurs tuteurs, et de
leur propre inexpérience lorsqu’ils sont émancipés.
M ais ils ont seuls le droi* de se plaindre de la violation de tes
fo r m e s, et il n ’est pas permis aux majeurs d ’en exciper.
C ’est ainsi que le décide l ’article i i 25 du C od e c iv il, qui porte
que u les personnes capables de s’engager , ne peuvent opposer
Vincapacité du mineur , de l’interdit ou de la fem m e m ariée, avec
lesquelles elles ont contracté.
Cette loi doit s ’appliquer avec d ’autant plus de rigueur à l’espèce,
que les parties ont prévu le cas , et en ont fait une clause expresse
de leurs conventions, en stipulant críele partage sera irrévocable
en ce qui concerne chacun des majeurs.
L a loi seroit m uette, que la convention seroit une loi écrite dont
il ne seroit pas permis de s’écarter.
C ’est en .vain que la dame Decham ps prétend excepter de cette
règle générale les partages faits avec des mineurs.
Q uand il seroit dans le texte ou dans l’esprit de la loi d ’excepter
du principe général les partages faits avec des m ineurs, la conven
tion particulière, que le partage dont il s’agit seroit irrévocable,
rn ce'qu i concerne chacun des majeurs, feroit cesser cette excep
tion , parce que la disposition de l ’hom m e fait cesser celle de la
lo i, et que celte convention n ’a rien d ’illicite et de contraire a u x '
bonnes mœurs.
M a is, d ’une par’, ce texte est clair, précis, d ’un n égatif absolu, ne
peuvent, ce qui écarte toute espèce d ’interprétation et d ’exception.
D ’aulre p art, celte loi n ’a fait que consacrer les anciens princi
pes, qui nous sont attestés par L e b r u u , dans son T r a i t é des Suc-
�( '9 )
cessions, liv. 4 , chap. i " , n°2 4 , où, parlan t du partage p rovisionnel,
il dit que le m in e u r a le droit d e s ’y tenir s ’il lui est a v a n t a g e u x ,
ou d ’y reno ncer s ’il n ’y trouve pas son co m p te ; et q ue pour rendre
cette fa c u lté r é c ip r o q u e , il fa u t qualifier le partage de sim ple pro
v i s i o n n e l , et stipuler, p ar u n e clause précise , q u ’il sera p e r m is , tant
a u x m ajeurs q u ’aux m in e u r s , de d e m a n d e r un partage d éfin itif •
« a u tr e m e n t, le m in e u r pourra se tenir au partage , si le bien q ui
» lui a été don né est plus c o m m o d e , et la faculté ne sera pas re-
» ciproque pour les majeurs.
L e m ê m e principe est rappelé par R ousseau de L a c o m b e , au
m o t P a r t a g e , sect.
3 , n* g.
Q u ’auroient donc dit ces auteurs, s i,c o m m e dans l’espèce, ilavoit
été question d ’un partage, non pas simplement provisionnel, mais
définitif; et si , au lieu du silence sur la réciprocité de la faculté
de revenir contre ce partage, il y eût été form ellem ent expliqué
q u ’il seroit irrévocable en ce qui concerne chacun des majeurs ?
M a is dans tout ce q u ’on vien t de d i r e , on a sup p osé, avec la
d a m e D e c h a m p s , que les actes q u ’elle attaqu e sont infectés de tous
les vices q u ’elle le u r sup p ose, résultans d e la violation d e to u le s
les fo rm e s voulues par la l o i , p o u r les transactions et les partages
da n s lesquels des m in e u rs s o n t intéressés ; et 011 a vu que dans c< tte
h yp oth èse elle n ’a pas le droit de les c e n s u r e r , soit parce q u e la loi
lui en interdit la f a c u l t é , soit parce q u ’elle se l ’est interdite ellem ê m e , par une convention fo rm e lle fa ite e n t r ’elle et tous ses c o
héritiers m ajeurs.
M a is cette hyp oth èse est p u r e m e n t gratuite , et toutes les f o r
m es prescrites par les lois pour la garantie des m in e u r s , o n t été
s cru p u leu se m en t observées dans l ’espèce.
O11 ne peut nier que l ’acte d u i 5 avril ne f û t une transaction
telle que la définit l’article 2044 du C o d e civil , « un co n tra t par
» lequel les parties te rm in e n t u n e co n te sta tio n n é e , ou prévien»
nent une contestation à naître. «
11 s’ agissoit déré g le r les d roitsles plus c o m p liq u e s, entre une m u l
titu de d ’héritiers , su r quatorze successions , qui présentoient de&
C
2
�♦x'i<
( 20 )
questions sans n o m b re , qui pouvoient donner lieu à des discussions
interminables.
Q u ’cxigeoit la loi pour rendre valable un pareil acte ? L 'au tori
sation du conseil de fam ille, l ’avis de trois jurisconsultes désignés
par le commissaire du G ou v e rn e m e n t, et l’homologalion du tri
b u n a l, après avoir entendu le commissaire impérial.
O r , on a vu dans le récit des faits, que toutes ces formalités ont
été exactement observées.
A la vérité, la transaction étoit rédigée avant l ’autorisation du
conseil de fa m ille , et la dam e D ecbam ps croit pouvoir y trouver
un prétexte de chicane.
Mais- ce traité, qui pour les majeurs éteit irrévocable en ce
qui conCernoit chacun d ’e u x , n'étoit qu ’un projet pour les m i
neurs , jusqu'à ce qu ’il eût été autorisé par le conseil de fa m ille ,
et par l ’avis des trois jurisconsultes, désignés par le commissaire
du G ou v e rn e m e n t; ce qui étoit prévu par l’acte m ê m e , dans le
quel on lit q u ’il ne sera passe en form e authentique, que lorsque
le sieur Loisel aura rempli pour ses mineurs les formalités pres
crites par la loi , pour en assurer la validité.
N ’est-il pas évident, d ’ailleurs, que le meilleur m o yen d ’éclairer
le conseil de famille et les jurisconsultes qui devoient donner leur
avis, étoit de leur présenter le traité tel qu'il avoit été co n ve n u ,
et q u ’il devoit être exécuté entre toutes les parties, s’il leur paroissoit dans l ’intérêt des mineurs ?
V ainem en t le tuteur auroit rendu compte à la famille assemblée
des projets d ’arrangeinens qui étoient proposés entre tous les cohé
ritiers Esm elin; vainement on auroit fait part d e ce s mêmes projets
aux trois jurisconsultes désignés par le commissaire du G ouverne
m ent pour donner leur avis; rien n ’étoit plus propre à diriger
leur opinion que le traité m ê m e , qui n ’étoil pas encore obligatoire
pour 1rs m in e u r s, et (pii ne pouvoit le devenir que par l'assentiment
de la famille assemblée , et l’avis des jurisconsultes désignés.
C ette circonstance de la préexistence du traité du i 5 a v r il, à
l’assemblée du conseil de famille c l ù l ’avis des jurisconsultes.
�n ’est donc qu’ un m oyen de plus en faveur de ce traité, parce
q u ’il en résulte que, soit l’approbation de la fam ille, soit celle des
jurisconsultes, ont été données en bien plus grande connoissance
de cause que si elles avoient précédé la rédaction de ce traité.
C ’est encore une pointillerie bien m isérable, que la critique que
fait la dame Dechamps des qualités de ce traité, dans lesquelles on
suppose les formalités remplies par le tuteur avec les dates en blanc.
O n l’a déjà d i t , pour les mineurs ce traité n ’étoit qu ’un pro
je t, qui ne devoit être passé en forme authentique et avoir d ’exé
cution qu'autant que le tuteur auroit rempli les formalités néces
saires pour le rendre valable.
Il étoit donc tout simple que les dates des actes qui devoient
constater l’observation des formes prescrites par la loi fussent en
b la n c ; les qualités étoient telles qu’elles devoient être dans l ’acte
authentique; et en passant cet acte authentique, on devoit remplir
les dates du conseil de famille et de l’avis des jurisconsultes.
Q uant au traité secondaire du m êm e jour i 5 avril, il étoit en
tièrement dans l ’intérêt des mineurs L oisel, puisque c ’est ce traité
qui leur assure la succession de René G ib o n , dont ils étoient exclus
par la loi.
Il ne peut donc y avoir ni m o tifs, ni prétexte de le censurer.
. L e partage du 20 avril, qui n’étoit que la conséquence et l’exécu
tion de la transaction, n ’étoit encore qu ’un projet pour les m ineurs,
jusqu’à ce qu’ il devînt obligatoire à leur égard, comme à l'égard
des majeurs, par l’observation des formes.
Elles ont été observées com m e pour la transaction: le conseil de
fam ille, assemblé pour la seconde f o is , l’a autorisé ; les trois ju
risconsultes désignés par le commissaire impérial , consultés de
rechef, l’ont approuvé; le tribunal l’a homologué.
A in s i, indépendamment que la dame Dechamps n ’est pas recevable à critiquer sous le point de vue de l’inobservation des for
m e s, soit ce partage, soit le traité qui l’a précédé, on voit que
sa critique seroit sans fondement, et que le sieur Loisel n’a m an
qué pour ses mineurs à aucune des précautions qu’exigeoit la loi
�«'t • *
C 22 )
pour les garantir de toute surprise , et s’assurer que leurs intérêt«
étoient ménagés jusqu’au scrupule.
§ II.
L a dame D echam ps, loin d ’étre lésée par les bases adoptées
dans la transaction du 1 5 avril, et par le partage fa it d’ après
ces bases, y est avantagée du tout au tout.
Cette proposition pouvoit paroître incertaine à l’époque du traité
du i 5 avril; aujourd’h u i, elle est démontrée mathématiquement.
O n étoit alors dans la confiance que toutes les successions échues
de l ’estoc maternel avant le décès de la dame Esmelin étoient con
fondues dans la communauté.
C e tte confiance étoit fondée sur l’expédition du contrat de m a
riage de 1 7 ^ 6 , dans laquelle on avoit omis d ’ insérer la clause que
chacun des futurs confondroit la somme de 600 liv. pour avoir
droit dans la com m unauté , et que le surplus des biens des fu tu rs,
ainsi que ceux qui leur écherroient par succession ou d o n a tio n ,
leur sortiroienl nature de propre.
C e tte erreur se trouvant rectifiée par une expédition plus exacte,
il est évident que toutes ces successions doivent être prélevées au
profit des héritiers maternels.
Il faut cependant distinguer dans ces successions celles qui sont
échues avant le décès de la darne Esmelin , de celles qui sont échues
depuis.
T o u t ce qui a été touché sur les premières de ces successions par
le sieur Esmelin , doit être prélevé sur la co m m u n auté, qu ’ il faut
considérer com m e interrompue au décès de la dame E sm elin , ar
rivé au mois do novem bre 1 7 8 9 , d'après la faculté q u ’en ont les
intimés et les mineurs Loisel par l’article 370 de la C ou tu m e de
Bourbonnais.
L e s successions échues depuis le décès de la dame E s m e lin , et
tout cc qui a été touché pur le sieur Esmelin sur les .successions
�(
S fo
23 )
antérieures depuis la même époque, doivent être prélevés sur sa
succession et sur ses biens personnels.
A in s i, on doit prélever sur la co m m u n a u té, i° ce que le sieur
Esmelin a louché sur la succession de Jean-Baptistc de
décédé à M oulins en 1764;
Lachaussée,
20 C e qu’il a touché de la succession de Gilbert de L ach aussée,
aussi décédé à Moulins en 1766;
5° L a somme de i 68 , 5o o liv. qu ’il a touchée à compte sur la suc
cession de Jacques de Lachaussée, par le partage provisionnel passé
devant L aro ch e, notaire à P aris, le 29 avril 1788 ;
4° C e qu ’il a dû toucher de la succession de M arie Ç a r jo n n e l,
jjisaïeule des enfans Esmelin , décédée en 1 7 8 8 , l’une des léga
taires universelles de Jacques de Lachaussée, qui avoit aussi touché
1 6 8 ,5oo liv. par le partage provisionnel de 1788.
E t 011 doit prélever sur la masse de sa succession, composée
soit de sa portion de la co m m u n a u té , déduction faite des prélcvemens, soit de ses biens personnels,
i° L a somme de i 88 , 55o liv. 16 s. qu ’il a reçue de la succes
sion du sieur René-B arthélem y Gibon , soit en 1790, soit pendant
les premières années des assignats, ce qui est établi par un état
écrit de sa main , que les intimés rapportent.
2°. C e q u ’il a dû toucher, pour le compte do scs enfans, de la
somme d ’environ 900,000 livres, restée indivise, de la succession
de Jacques de Lachaussée, après ce partage provisionnel ;
5°. C e qu ’il a dû loucher de cette même s o m m e , soit com m e
représentant Elizabeth de Lachaussée , fem m e Laplanche , soit
c o m m e représentant Catherine de Lachaussée, dont il avoit acquis
somme
les droils, qui étoient d ’un cinquième chacune de cette
de 900,000 liv. ; ce q u ’il n ’avoit pu faire que pour le compte de
ses enfans , à raison de l’indivision de ces droits avec eux ;
4“. C e qu ’il a dû toucher de la succession de G ilberl-B arlhélem y
G ibon , aïeul de ses enfans, soit directement, soit par l ’effet dea
cessions de droils de leurs cohéritiers dans cette succession.
On trouvera déjà une masse énorme qui suffiroit pour
la succession du sieur Esmelin.
absorber
�Mais que sera-ce, si on y joint les jouissances ou les intérêts
des capitaux, à com pter du m om ent du décès de la dam e E sm elin,
attendu q u ’aux termes de l’article 174 de la C o u tu m e de Bour
b o n n a is , l’usufruit des pères cesse de plein d ro it, à 14 ans pour
les filles, et à 18 ans pour les m i le s ?
. Si on y joint pour
5o
mille francs de ventes de bois de la com
m u n a u té , faites par le sieur Esm elin, après le décès de sa fe m m e ,
toutes établies par preuves écrites?
Pou r pareille som m e, au m o in s, de dégradations commises dans
les biens d e là co m m u n auté, depuis la mêm e épo que?
Q ue sera-ce e n fin , si on y joint plus de 225,000 l i v . d e d e tte s ,
connues lors du p artage, ou découvertes depuis, que les intimés
ont payées , ou payent journellement pour leur compte et pour
celui de la dam e D e ch a m p s?
N on compris les prétentions de la dame de B a r d , qui ont été
éteintes par le traité du i 5 avril.
N on compris encore les réclamations qui s’élèvent de toutes
parts contre cette succession, qui sont connues de la dam e D e cliamps , et qu ’on se dispensera de relever, dans la crainte de les
accréditer.
Il résulte évidemm ent de ce tableau, q u e , la succession du sieur
Esmelin fût-elle d'un million ( et elle est à peine du tie rs) , elle
seroit insuffisante pour faire face au passif dont elle est grevée.
E t il ne faut pas perdre de vue, d ’une p a rt, que la presque uni
versalité des acquisitions est antérieure au décès de la dame
Esmelin ; ce qui donne aux héritiers maternels droit
h
la moitié
de tous ces biens acquis, sans autres charges que celle de la m oitié
des reprises qui existoient alors.
D ’autre p a r t , q u e sur les 225,000 livres de dettes passives, il
y
en a pour environ 200,000 livres , qui sont du fait seul du sieur
E sm elin , et n ’ont été contractées que depuis le décès de la daine
Esm elin; ce qui les f.iit uniquement frapper sur sa succession.
D ’autre part enfin, que les 267,550 livres de dettes actives dou
teuses, qui forment un des principaux objets de cettle succession,
no
�(
( ^
r
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)
Ü -
ne doivent être comptées que pour le cinq uièm e, au plus, de leur
valeur numérique ; les intimés en offrant l ’abandon à 80 pour
100 de perte.
C ’est vainement que la dame Decham ps croit pouvoir affoiblir ce tableau, en cherchant à tirer avantage du testament de la
darne Esmelin , qui contient, d it-e lle , legs du quart de tous ses
biens, au profit de son mari.
C e testament n ’est pas rapporté, et il y a lieu de croire q u ’il ne
le sera jamais ;
Il est olograph e, et il n ’est pas écrit en entier de la main de la
dame Esmelin ;
C e n ’est pas sans de bonnes raisons qu ’on n’en a parlé que vague
m ent dans le traité du i 5 avril;
C e testament n’est pas d ’ailleurs tel que le suppose la dame
Decham ps ;
Il porte legs de l'u s u f r u i t , ou du quart en propriété, au choix
du sieur Esmelin;
E t le sieur Esmelin seroit censé, par le f a i t , avoir opté l’usu
fruit , puisqu’il n’ a cessé de jouir des biens de ses en fans, jusqu'à
sa m ort. Encore faudroit-il distraire de cette jouissance la succes
sion de René G i b o n , qui n ’est échue à ses enfans qu'après le décès
de leur m ère, et à la qu elle, par co nséqu en t, ce testament ne peut
avoir d ’application.
Il est évident, d ’après ce qu ’on vient de dire, que si par l’effet
de l’anéantissement de la transaction du i 5 a v r i l , que la dame
Dechamps a l’imprudence de solliciter, chacun des cohéritiers
rentre dans son premier état , l’a ctif de la succession du sieur
Esmelin étant plus q u ’absorbé par le p assif, la daine Dechamps
ne p eut, en sa qualité d ’héritière, espérer d ’en retirer une o b o le ?
Il importe peu, d ’après cela, d ’examiner s’il y a , ou non , lésion
dans l ’estimation proportionnelle des biens dont le partage est
composé, comme le prétend la dame Dechamps.
T o u t e f o i s , pour ne rien laisser à désirer sur cette prétendue
lésion secondaire, les intimés rappelleront à la daine D echam ps,
D
�( aG )
que les b ie n s -fo n d s qui composent son lot ont été choisis par
elle ;
Q u ’ils sont pour la plupart mêlés avec ceux de ses m in e u rs, et
par conséquent parfaitement h sa convenance;
Q u ’ils ont été estimés par des experts nommés par e lle , logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
Ils lui diront enfin q u e, malgré la baisse des biens-fonds, sur
venue depuis le partage, ils offrent de prendre pour leur compte
tous ceux qui se trouvent dans son lot, pour le sixième en sus de
l'estimation et du prix pour lequel ils sont entrés dans ce partage.
C ’en est assez, ou plutôt c ’en est trop, sur cette prétendue lésion;
car les intimés n ’ont que trop bien prouvé q u e , loin que la dam e
Decham ps soit lésée et dans les bases et dans les résultats du par
tage du 20 a v r i l , elle a été traitée par ses cohéritiers avec une gé
nérosité sans exemple ; que tout ce q u ’elle t i e n t , tout ce q u ’elle
possède de la succession de son p è r e , elle ne le tient que de leur
libéralité, elle ne le possède que p arle u rs bienfaits.
O n dit que ce fait est trop bien p ro u vé , parce que cette géné
rosité excessive semble nuire aux intérêts des mineurs Loisel.
Cependant on verra bientôt q u ’on leur a rendu toute la justice
q u ’ils pouvoient désirer.
§ III,
R ela tif aux mineurs L oisel.
O n ne peut se dissimuler que plus on a gratifié la dam e D echam ps
et Procule E s m c lin , plus les héritiers maternels ont dû faire de
sacrifices.
Ces sacrifices seroient faciles à justifier pour les mineurs Loisel.
O n pourroil dire que des mineurs ne sont jamais lésés quand ils
marchent sur les traces de leurs cohéritiers m a je u rs, qui ont le
m êm e intérêt q u ’e u x , surtout quand de six cohéritiers cinq sont
m ajeurs, et reconnus pour être parfaitement capables de stipuler
leurs droits et de veiller ù leurs intérêts.
O n pourroil dire enco re, com m e l ’ont fait les trois anciens ju ris
�( »7 )
consultes désignés par M . le commissaire im périal, pour donner
leur avis, que « tous les héritiers avoient le plus grand intérêt
» à ce que le partage n ’éprouvàt pas de retard. T o u s les bâtimens
>> des domaines étoient en ruine. 11 étoit dû des sommes considé» rables , qui exposoient les cohéritiers à des poursuites ruineuses,
» et qui pouvoient absorber une grande partie des biens.
« La minorité des enfans Loisel rendoit ces poursuites pres» qu'inévitables, et chacun des cohéritiers pouvoit se voir expro» prier de ses biens propres, par la circonstance q u ’il se trouvoit
» des mineurs parmi les cohéritiers.
» Il s’élevoit des contestations sur la composition des masses, et
m
la division entre les lignes paternelle et m aternelle........................
» sur les réclamations de plusieurs des héritiers , et il'cto it impos» sible de prévoir la fin de ces discussions, et les suites funestes
» qu ’elles pourroient avoir.
» L a transaction qui termine toutes ces contestations sans fr a is ,
» et dans l’espace de quelques jours qui avoient été employés à la
» préparer, o ffr o it à toutes les parties des avantages qu’on ne sau» roit trop apprécier. »
Mais ce qui tranche toute difficulté , c ’est l ’indemnité que tous
les cohéritiers majeurs ont assurée aux mineurs L o ise l, pour les
désintéresser et consolider leur ouvrage.
Il existoit dans la famille une succession dont les religieuses
étoient exclues par leurs v œ u x , et la mère des mineurs L o is e l,
parce q u ’elle étoit hors des termes de représentation.
C ’éloit celle de René G ib o n , décédé au mois de juillet 1790.
Il a été convenu par les art. 8 et 9 du traité particulier , du i 5
avril 1806, que les mineurs Loisel seroient associés pour un sixième
dans cette succession, et qu’ils commenceroiejit par prélever 5280 fr.
Us ont à partager, entr’autres objets, près de 3ooo francs de rentes
inscrites sur le grand livre, connues sous le nom de tiers consolidé ,
dont la liquidation est terminée depuis le mois de décembre der
nier, et dont la valeur, au cours, approche dans ce m om ent du ni
veau de leur capital.
D 2
�fc..\ <
(
*3 )
Ils onl, par suite de cette association, une portion dans le domaine
de L a r o c h e , provenu de cette m êm e succession.
11 a été en outre arrêté que le sieur Loisel préleveroit sur les pre
miers recouvremens 2000 f r . , pour les frais de l’instance intentée
au nom de ses mineurs au sieur Esmelin ; frais qui eussent été
compensés et perdus pour ses m in e u rs, sans cette convention par
ticulière.
D e sorte que l ’indemnité accordée aux mineurs Loisel, par leurs
cohéritiers m a je u r s , pour les dédommager des sacrifices q u ’ils pou
rvoient faire au bien de la p a ix , par leur acquiescement au traité
du
i 5 a v r il, peut être évaluée à environ
14 à i 5o o o f r . ; tandis
q u e , dans le calcul le plus rigoureux, et en regardant com m e un
bienfait absolu de la part des héritiers maternels les deux lots de
Procule et de G eneviève Esmelin , ce sacrifice ne pouvoit jamais
excéder 10000 f r . , form ant le sixième de Goooo fr.
Q u an t à la prétendue lésion résultante du défaut de proportion
dans l’estimation des biens qui composent leur l o t , comparée aux
lots de leurs cohéritiers, c ’est une inculpation gratuite faite aux
experts , dénuée de vérité com m e de vraisemblance , et qui ne
prouve a u tr e chose , si ce n ’est l’habitude où est la dam e Dechamps
de tout hasarder.
C e seroit une tâche trop pénible et trop dégoûtante, que celle de
relever tous les faits faux et calom nieux dont le mém oire île la dam e
D echam ps est rem p li; il faudroit écrire des volum es, et surcharger
une contestation qui l’est déjà trop par elle-même.
Il suffira de rappeler quelques-uns de ceux qui ont une liaison
immédiate avec les objets en litig e , pour se faire une idée de sa
vé ra cité , de sa bonne J’oi sur tous.
P a r e x em p le, 011 l i t, page i 5, que lorsqu’elle a voulu se mettre
011 possession des objets attribués à son lo t, « ù peine le foin du pré
>♦.lu domaine de Cliirat a-t-il été c o u p é , que René Esmelin l’aîné
* <l D e u x -A igu es sont venus avec une troupe de bouviers s’en einj> parer à force o u verte, en l ’accablant d ’injures et de menaces. »
�( 29 )
Oublions cette prétendue force ouverte employée contre une
femme , ces injures, ces menaces dont elle orne sa narration, pour
en venir au fait.
L e pré dont il s’agit faisoit partie de la réserve de B o u is , qui est
entrée dans le lot du sieur René Esmelin.
C e pré est nom m ém ent compris dans ce lo t, q u i , com m e tous
les autres, a été formé par les experts.
C ’est un fait prouvé par leur rapport, qui sera mis sous les y e u x
de la cour , et qui est de la parfaite connoissance de la dame
Dechamps :
A b uno disce omnes.
« Ses cohéritiers se sont emparés du bois C h a b r o l, q u ’ils font
M exploiter journellement par le sieur Gillot. »
C e bois Chabrol fait partie du lot de la dame Dechamps ; il y
est porté pour i 320 fr.
Mais c’est uniquement le fonds qui lui appartient.
L e s arbres en étoient vendus au sieur G illot, par le sieur E sm elin ,
depuis plus de trois ans avant sa m o r t , à raison de 7 fr. le pied;
ce qui portoit la vente de ce bois Chabrol à 16000 fr.
Pourra-t-on se persuader que ce soit sérieusement que la dame
D e ch a m p s, à qui 011 a donné le bois Chabrol pour i 520 fr. , en
réclame tout à la lois le fonds , qui vaut au moins 2 4 °°
et Ie
bra n lan t, qui avoit été vendu 1G000 i r . , et dont la majeure partie
étoit déjà exploitée lors du partage.
A b uno disce omnes.
« Ils ont poussé l’injustice jusqu’à usurper un autre bois contigu,
» qui appartient particulièrement à ses m ineurs, du chef de M . De» champs , leur père, et que le sieur Gillot exploite aussi. » M êm e
page i 3.
Mais la dame D echam ps nous apprend e l l e - m ê m e q u ’il y a
procès pour les limites de ce bois : il n ’y a donc , jusqu’à la dé
cision , ni injustice , ni usurpation. Sub jitdice lis est.
« (j. Il y a lésion , en ce que Renc E sm e lin , fils a în é , n ’a point
,
�t
(3 ° )
)> rapporté à la masse les terres du B e y r a t , de la Presle, la Sou-
» b r a u t, L a ro c h e , le L o g is , etc. valant plus de 200000 fra n cs, et
» qui ont été achetés et payés sous le nom de ce fils, indûm ent
» avantagé par le sieur Esmelin père. » Page 62.
L e sieur Esmelin a acheté par acte authentique, le 12 février
1792 , étant encore avec son père, un domaine appelé la Soub rau t,
une maison , des vignes, pour la s o m m e , réduite à l’éch elle, de
i 25oo fr.
L a vérité est qup celte som m e a été payée par le sieur Esm elin
père. L e sieur R ené Esmelin en a fait le rapport à la masse lors
tlu partage.
'• .
Si le père avo'it-voulu avantager son fils, d ’une manière indirecte,
de.cette acquisition, rien n ’eût été plus fa c ile ; il suffisoit de lui
donner quittance de ces i 25oo fr. qu ’il avoit payés pour^ui.
Ces fraudes ne sont pas r a r e s , et les tribunaux peuvent diffici
lement les atteindre.
L e sieur René Esmelin s ’est m a r ié , et a quitté la maison pater
nelle le 8 frim aire an
3.
Sa fem m e lui a porté le revenu d ’une dot de
a conservé l'usufruit après son décès.
45 ooo f r . , donl il
II a acquis en l’an g le bien de la P r e s le , par acte au th e n tiq u e ,
au prix de 2 {000 fr. dont 10000 fr. exigibles, et 14000 fr. en rente
viagère, à raison de 1400 fr. par a n ;
il 11’a déboursé pour cet
objet que 10000 f r . , c i .............................................................
10000 fr.
11 a a cq u is, le 2 germ inal an 1 1 , toujours par acte
authentique, le bien du Beyrat, 60000 f r . , dont Soooofr,
en délégations de co n tra ts, et
5oooo fr . en délégations
e x ig ib les, c i ..................................................................................
Soooo
L e 28 prairial an 1 2 , il a acquis e n c o r e , par acte
authentique , la locaterie du L u t ou des Chaises Gooo fr.
e i ........................................................................................................
T o t a l ......................................................
Gooo
/,G o o o fr.
�(
3i
f t ^
)
11 a revendu , par acle authentique, une portion de la locaterie
du L u t au sieur Louis Lurzat 2900 f r . , c i ........................
2900 fr.
Par acte du 21 messidor an i 3 , il a vendu au sieur
Claude Esmelin la maison et le logis situés à B ellen ave,
10000 f r . , c i ................... .......................................................... 10000
11 a revendu en détail le bien de la Presle, par différens actes authentiques, 24000 f r . , c i ............................... 24000
Il a vendu au sieur Gillot le bois delà Soubraut 3o o o f r .,
c i .....................................................................................................
Il a reçu de son père, à compte sur la succession du
3ooo
sieur René G i b o n , 2600 f r . , dont il lui a fourni quit
tance, c i ........................................................................................
T o t a l « . .................................................
A in si la différence est de
2600
42000 fr.
35oo fr.
C e n ’est pas qu’il ne reste au sieur Rend Esmelin quelque for
tune personnelle ; m ais, outre que cette fortune est grevée de
rentes viagères ou constituées, il la doit à l’heureuse circonstance
d ’avoir acheté bon m a r c h é , et d ’avoir revendu cher ;
A l’extinction de quelques viagers;
A une bonne administration ; à de grandes améliorations; à son
industrie.
L oin q u ’il ait puisé pour ces acquisitions dans la bourse de son
p ère, qui é to it, comme on l’a v u , dans un tel état de gêne que
sa liberté étoit compromise à chaque instant par l'échéance des
lettres de changes, le sieur Esmelin p ère , dans un pressant be
soin , avoit to u c h é , peu de temps avant sa m o r t,
6553 liv. prix
d ’une vente de bois qui appartenoit à son fils.
C o m m e ce fait étoit notoire dans la fam ille, il n ’est venu en
idée à aucun de ses cohéritiers de lui contester celle somme de
6553 liv. qui fait partie des dettes passives de la succession.
Il n ’y a pas un fait avancé par la dame D ech am ps, auquel il ne
fû t facile de faire une réponse aussi satisfaisante, si le temps et
la patience pcrmettoicnt de les relever tous.
�II rosie à dire un mot de deux objets dont se plaint la dame
D ech anips, et sur lesquels les intimés sont prêts à lui rendre justice.
L 'u n est rela tif à ses créances contre la succession du père co m
m un , qui dérivent de sa dot moniale et d ’arrérages de pension
q u ’elle prétend ne pas avoir été liquidées exactement.
L es intimés rapportent cette liquidation faite par M . Bergier,
et écrite de sa m a in ; ils sont convaincus que cette liquidation est
exacte. A u surplus , ils offrent de revenir à com pte avec elle sur
cet o b je t, ou devant tel commissaire q u ’il plaira à la C o u r de nom
m e r, ou devant les premiers juges.
L e second est relatif à la somme de
d d i s son lot.
4 i i 5 Iiv. de mobilier porté
E lle prétend que son lot est trop chargé de cette nature de
b ie n s , et en ce la , ses plaintes sont évidemm ent indiscrètes; car il
y a , y compris les rapports, au moins i 5 o,ooo liv. de mobilier
dans la succession , et sa quotité proportionnelle seroit d ’environ
ioo oo liv.
Elle se plaint aussi de n ’avoir pas reçu cette som m e ;
Elle n ’e u 'a reçu en effet q u ’une partie.
U n e autre partie a été payée en son acquit pour dépenses com
munes.
U n e autre partie est encore en n a tu re, n o ta m m e n t les bois de
sciage.
E nfin, il y a un déficit dans le m obilier, à raison des distrac
tions qui en ont été faites en nature ou en deniers, auquel il
doit être pourvu de la manière convenue par le traité particulier
du i 5 avril.
T o u t cela exigeoit des rapprocliemens entre la dam e Decliam ps
et le sieur Uené Esmelin a în é, que les contestations pendantes
entr’rux ont rendus impraticables.
Mais le sieur René Esmelin est toujours prêt à lui rendre justice
sur ce point , qui dépend d'un compte q u ’il offre encore de iaire
(levant tel commissaire qu'il plaira à la cour de n o m m e r , ou de
vant les premiers juges.
E n c o ïc
�S n
i
( 33 )
Encore un m ot :
L e sort de la dame Dechamps est dans l es mains des intimés.
S ’ils acquiescent à ses dem andes, elle est perdue.
S ’ils lui résistent, c ’est par pitié pour e lle , c ’est pour l’arrêter,
la malheureuse, au bord du précipice qu ’elle creuse sous ses pas.
Quant aux mineurs L o i s e l , leurs intérêts sont à couvert.
Ils sont amplement dédommagés dans la succession de René
G ib o n , des sacrifices qu’ ils font au bien de la paix.
D ’ailleurs, les traités et le partage des 1 5 et 20 avril ont eu
l ’assentiment de leur p ère, de leur aïeul m aternel, leur subrogé
tuteu r, de leur famille deux fois assemblée pour en prendre connoissance, des anciens jurisconsultes deux fois désignés par le com
missaire im périal, du commissaire impérial lui-m êm e, enfin des
juges du tribunal d e G a n n a t, q u i , parfaitement instruits des f a it s ,
des circonstances et des localités , se sont empressés de les h om o
loguer et d ’en ordonner l ’exécution.
T a n t d ’autorités réunies n e permettent pas de douter de l'uti
lité, de la sagesse, de la nécessité de ces traités pour les mineurs
com m e pour les m a jeu rs, et les intimés espèrent que la C o u r voudra
bien , en les consacrant par son a r r ê t , m ettre la dam e Decham ps
dans l’impuissance de se nuire à e lle-m ê m e , et de nuire désormais
à sa famille.
Signé
René Esmelin,
G ilbert
Esmelin - D e u x - A i g u es ,
C l a u d e - A m a b l e L a p e l i n , M a r i e - M a g d e l e i n e E s
m e l i n - L a pe l i n , J e a n - F r a n ç o i s L a g a r d e - D e l a v i Qn
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len n e , T h e r è s e Esmelin-Lavilenne , M a r ie-Ade-
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veuve D ebar,
B O I R O T , ancien jurisconsulte.
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E sm elin,
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H U G U E T , avoué.
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A C L E R M O N T , de l’imprimerie de L andriot, imprimeur de la Préfecture.
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N . . . Delachaussée.
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Gabriel Delachaussée. *j*
Marie Farjonel,
morte en 1788.
Ont eu n eu f cnüms.
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JNT.
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N...
J. Bapt. Delachaussée,
drapier à M oulins,
mort en 1768.
N . ..
"t
Jacques Delachaussée,
administrateur de
l ’Hôtel-Dieu de Paris,
m ort en 1787.
Gilbert Delachaussée,
négociant à Moulins/
m ort en 1760.
«J*
Louis Esmelin. + +
Thérèse L u cat, *J*
morte après 1756.
Ont eu trois enfans.
Gilbert G ibon, -p
mort en 1792
M arie-Catherine Delachaussée.
§SiH
Réné G ib o n ,
directeur des aides
à ChAteau-Tlnerry,
mort en 1790.
f
a s
j® r
ISS'jï
Marie-Magdeleine Esmelin.
Gilbert Gibon.
M arie-Anne G ib o n ,
morte en 1789.
Etienne Esmelin, *J»
mort en i 8o 5.
Ont eu n e u f enfans.
.VF3
K_►
'X'Xî'«4‘. H
Françoise Esm elin ,
morte en 1
Còme G ibon, vivant.
\
Agnès Esmelin.
N . . . Barathon.
1
Elizabeth Esmelin-Ducluzort,*J*
m orte en 1792.
___________ /V____________
Réné Esmelin.
Gilbert Esmelin-Deux-Aigues.
Thérèse Esmelin.
J. F. Lagarde-Lavilenne,
Marie-Adelaïde Esmelin.
Hugues Debar.
v
—
—
Marie-Magdeleine Esmelin.
Claude-Antoine Lapelin.
>-------
Intimés réunis.
Agnès-Gilberte Barathon.
Jacques-Marie-Pierre LoiseL
j
Procule Esmelin,
religieuse.
Geneviève Esmelin.
Amable Dechamps.
Intimée.
Appelante.
P
'
'
g ra sg b
K o l a . i ° . L e s ig n e -f-{- in d iq u e le s s u c c e s s io n s o u v e rte s a v a n t le m a ria g e d ’E tie n n e E s m e l i n , p è re d e s p a r t ie s , e n 17 6 6 .
w
S ° . L e s ig n e •}• in d iq u e le s s u c c e s s io n s o u v e r t e s ap rè s c e m a ria g e .
w i] Etienne-Eugène,
Agnès-Gilberte,
------- —
------ ------------------------ h
mineurs représentés par leur père.
S
3 ° . P r o c u le e t G e n e v i è v e E s m e l i n , m o r te s c i v i l e m e n t , e t ra p p e lé e s p a r l a lo i d u
5
b r u m a ir e a n 2 , n ’o n t p art q u ’à l a s u cc e ssio n d ’E t ie n n e E s m e l i n , le u r p è r e ; m a is e lle s o n t p a r t , d e so n c h e f ,
s u r s u c c e s s io n s o u v e r t e s à so n p r o fit.
K
&
^
ÉffiRËI
Intimés.
r ra rp x x cræ rŒ a
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W Ê m I
A R I O M,
\ D e l'im p r im e r ie d e T i i i b
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a u d
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a n d r i o t
,
im p r im e u r d e la C o u r d ’a p p e l.
rn o cm o m ao y
ru su j j s
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Esmelin, René. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Huguet
Subject
The topic of the resource
successions
traités de familles
coutume du Bourbonnais
vie monastique
religieuses
rétroactivité de la loi
émigrés
minorité
négoce avec les Amériques
banques
experts
arbitrages
donations
généalogie
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire pour René Esmelin, Gilbert Esmelin-Deux-Aigues, Claude-Amable Lapelin, et Marie-Magdeleine Esmelin, son épouse ; Jean-François Lagarde-Delavilenne, et Thérèse Esmelin, son épouse ; Marie-Adelaïde Esmelin, veuve Debard, intimé ; contre Geneviève Esmelin, veuve d'Amable Dechamps, ex-religieuse, appelante ; en présence de Procule Esmelin, ex-religieuse ; et encore en présence de Jacques-Marie-Pierre Loisel-Guillois, tuteur de ses enfants, héritiers d'Agnès Esmelin, leur aïeule maternelle aussi intimés.
Particularités : notation manuscrite : « 28 mars 1808, 1ére section, adopte les motifs du jugement du 13 octobre 1806, 21 février et 2 mai 1807, confirmé. »
Table Godemel : Transaction : 5. le majeur qui a traité avec des mineurs sur des intérêts respectifs et sur un partage, est-il recevable à demander la nullité de l’acte, pour vice de forme résultant de leur propre incapacité ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'Imprimerie de Landriot (Clermont)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1764-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
33 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G1723
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Clermont-Ferrand (63113)
Chirat-l'Eglise (3077)
Bouis (terre du)
Chirat (domaine de)
Bellenaves (03022)
Beyrat (terre du)
La Presel (terre de)
La Soubraut (terre de)
Laroche (terre de)
Le Logis (terre de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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arbitrages
banques
coutume du Bourbonnais
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experts
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Successions
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