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MÉMOIRE
POUR
L e sieur A U B R E T O N , receveur de l’en
registrement et des domaines en la ville
d’A h u n , défendeur en assistance de cause;
c o n t r e
Le sieur H e n r y - C l a u d e B E R M O N D ,
ancien administrateur des loteries , rentier
demeurant à P a ris, demandeur ;
ETC ON TR E
L o u i s J O R R A N D , notaire impérial, habitant
de la ville d’Ahun, défendeur au principal;
EN
De
PRÉSENCE
B E T - B O U Q U E T , habitant de
la ville d’Auzance, aussi défendeur
G aspard
.
V
i c t i m e depuis dix ans de la duplicité de ceux en
qui j’avois placé ma confiance, j’ai su me résigner à mon
sort, et j’ai vu avec le calme de la probité trompée passer
ma fortune en des mains étrangères. Mais ceux qui s’en
A
�(2 )
disputent les lambeaux se croient autorisés à expliquer ma
conduite , chacun suivant l’intérêt qui le dirige. Si ces
explications sont nécessaires à la justice, elles 11e doivent
émaner que de m oi : je,dois la vérité à des magistrats
q u i, j’ose l’espérer, n’auront pu que me plaindre, sans
me retirer leui^ estime. Je la dois encore à nies c ré a n cie rs ,
en retour de la confiance honorable qu’ils m ’o n t accordée,
en me chargeant moi-même de ma propre liquidation.
; U n concours d’événemens plus imprévus les uns que
les autres, m’a plongé dans un abîme où je veux rester
seul. Mes créanciers ne me reprocheront point d’avoir
rien dissimulé de ma position; je leur dévoilerai ce que
j’ai fait et ce que j’ai eu projet de faire. Si je me suis
ab u sé'p ar des espérances chim ériques, ils savent déjà
que les chances du commerce trompent l ’habiJeté comme
l ’inexpérience; et ils ne demanderont de moi que l’as
surance de ne leur céler ni mes ressources réelles, ni
celles de mes opérations qui tendoient à les augmenter.
Je vais donc leur en rendre un compte fidèle; il attes
tera ma bonne volonté, et la foi que j’aurai, autant que
possible, gardée à mes engagemens.
F A I T S .
Je fis l’entreprise, eu l’an 5 , de fournir cinquante
mille pieds cubes de bois pour la marine. L e m a rch é
en fut passé avec le ministre.
Son excellence me fit avancer une somme de 5o,ooo fc.
pour subvenir aux frais considérables de mes premières
avances; et cette somme devoit m’être retenue sur mes
livraisons; c’est-à-dire, par un tiers sur chacune, ju squ ’à
extinction des 5o,ooo francs.
�(
3 )
Je m’empressai aussitôt d’établir sur divers points les
relations qui m’étoient nécessaires. U n sieur L ia is, ar
mateur de Cherbourg, ayant encore une maison d’affaires
à Paris, me fut indiqué, et il accepta ma correspondance;
il faisoit pour moi les avances de fonds sur mes simples
traites, et recevoit pour mon compte les rescriptions du
gouvernement.
M a spéculation eut bientôt épuisé tous mes fonds
disponibles ; je ne recevois plus du gouvernement que
des valeurs qui perdoient jusqu’à 5o pour 100 : elle ne
me fut donc que très-onéreuse. L ’inobservation des or
donnances pendant la révolution , avoit laissé dévaster
les futaies, et les bois propres à la marine étoient singu
lièrement rares ; les propriétaires qui les vendoient de
gré à gré se prévaloient de ces circonstances.
Cependant il falloit fournir au gouvernement pour
couvrir ses avances. D ’ailleurs on espère toujours que
l ’avenir vaudra mieux que le présent; je continuois donc
de fourn ir, et peu à peu j’épuisois mes ressources.
L e «sieur L ia is , indépendamment de ses recettes, se
mit à découvert ►pour moi de 12,000 f r . , qu’il avança
sur mes simples traites ; mais lorsque j’eus besoin de
nouvelles avances, et qu’il me vit livré à l u i, Liais me
parla un autre langage, et voulut des précautions.
P o u r m’avancer 24,000 f r . , le sieur L i a i s , se confor
mant au formulaire des prêteurs de la capitale, voulut
i° . une obligation notariée, pour avoir une hypothèque
spéciale ; 20. des lettres de change pour la môme somme
et aux mômes échéances.
Il n’y avoit pas à hésiter, puisqu’il s’agissoit de remplir
A 2
�(4)
des engagemens; je fis l’obligation, je iis les lettres de
change; j’exigeai seulement qu’ il fût dit dans l’obligation
que par l’acquit des lettres de change l’obligation demeureroit solue et acquittée; d’où il résulte que je n’avois
pas à payer d’obligation, mais bien des lettres de.change.
La seule chose cependant qui me parut e x tr a o r d in a ir e ,
c’est que le sieur Liais voulut faire faire l’obligation
sous un nom étranger; il donna pour prétexte que ces
fonds n’appartenoient point à sa maison de Cherbourg,
et qu’ il ne vouloit pas s’assujétir à lui en montrer l’ori
gine. Les motifs du sieur Liais ne m’intéressoient pas,
il me suffisoit de n’avoir affaire qu’à lu i; et en effet,
il restoit porteur de l’obligation q u i, y compris les in
térêts pour dix-huit mois, fut consentie pour la somme
de 32,640 francs. J ’ai continué de traiter avec lui.dans
notre correspondance et nos comptes ultérieurs, pour
les intérêts après l’échéance.
.
'
L ’obligation avoit été faite sous le nom d’un* sieur
Caillas , musicien , ami du sieur Liais , et habitant la
même maison.
Les lettres de change furent tirées par le sieur L iais,
sous le nom dé veuve Liais et fils, au profit de Caillas
sur m o i, et j’en fis sur-le-champ acceptation pour payer
à échéance.
L e sieur Liais étoit nanti de ce double g ag e, et ce
pendant je n’a vois pas encore les 24,000 francs; je devois
seulement tirer sur lui successivement pour me remplir
de cette somme ; et ma confiance étoit telle envers cet
armateur , que je ne soupçonnois pas môme que mes
traites pouvoient encore lui faire un titre de plus.
�(5 )
Je tirai sur lui pour 12,000 francs d’effets;'il les laissa
protester, sous prétexte que l’obligation n’étoit pas encore
inscrite ; enfin , et après cette form alité, il les accepta.
Je restai en compte courant avec lui , et il est inutile
que j’en dise les détails : je n’avois encore de lui aucune
défiance, v
Je me trouvai à Paris quelque temps avant l’échéance
de robligation. Liais me fit beaucoup valoir les prétendus
services qu’il m’a voit rendus; il me demanda de lui sous
crire , par obligeance, pour 5o,ooo francs de billets à
ordre, en me promettant de les imputer sur l’obligation,
s’i l ‘ne les: retiroit pas«-.;Cette proposition m’effraya ; je ne cru sp a s devoir y
adhérer. Je me rendis à Rochefort.
; ; ,
L ia is , qui étoit instruit.rde ce v o y a g e , m’écrivit à
R ochefort, le 12 prairial an 1.1 , la lettre ci-après, sous
le couvert des Imbert, mes commissionnaires, avec les
quels il étoit aussi en correspondance.
« J ’ai, lieu d’être étonné, M onsieur, de la manière
«
«
«
«
«
«
dont vous en agissez avec m o i, après tous les procédés
que j’ai eus pour vous : vous ne pouviez vous refuser
à me souscrire les effets que je vous avois demandés.
Je vous le répète, si pari défaut de remise de vous
j’éprouvois quelques désagrémens, je ne manquerois
pas de les faire retomber sur vous; vous auriez perdu
«
«
«
..
ma confiance ; et dès ce moment j’enverrois un exprès
pour vous poursuivre, tant pour ce que; vo u s.m e
devez en co m p te cou ran t, que pour l’ inscription. »
L ’obligation étoit du 27 nivôse a m o , et devoit échoir,
�m
ainsi que les six lettres de change, le 30 messidor an 11.
J ’avois-tout lieu de redouter l’effet de la menace qui
m ’étoit faite : je cédai; j’envoyai les 5o,ooo francs de
traites , en réfléchissant qu’elles couvroient ma dette
hypothécaire de 32,640 francs.
L e 28 messidor, deux jours avant l’échéance de l’obli
gation et des six lettres de change, Liais m ’écrivit :
cc T o u t honneur sera fait à vos traites échéant en fruc« tidor.
« Je suis en pourparler avec quelqu’un pour lui subs« tituer votre obligation , qui seroit payable dans les
« termes que vous demandez ; m ais, avant t o u t , l’on
c< désire avoir un nouveau certificat des hypothèques :
« envoyez-moi ce certificat de suite. » Cette lettre, enre
gistrée le 18 nivôse an 13, étoit d’une adresse remar
quable; car, en m’annonçant que les traites de 5o,ooo fr.
seroient acquittées fidèlement, il est clair que je redevenois débiteur de l’obligation; elle me tranquillisoit sur
l'échéance, tout en me prévenant qu’il p o u rro ity avoir
u n transport ; ce q u i , e n core u n e fo is, m’étoit indifférent,
si les traites étoient acquittées ; et tout étoit combiné
pour m ’en donner pleine confiance.
M a sécurité 11e fut pas longue : on me présenta pour
plus de 20,000 francs de traites tirées par m oi, à valoir
sur les rentrées de la m arine, touchées par Liais pour
mon compte , et à cet effet acceptées par Liais ( indé
pendantes de 5o,ooo francs donnés par obligeance )*
Je n’étois point en mesure pour couvrir une aussi forte
somme, parce que rien n’avoit dû m’y préparer. Il étoit
�(7)
clair que le sieur Liais ar ri voit à une faillite ; mais les .
porteurs d’effets étoient fondés à s’en prendre à moi ;
je ne pou vois pas m’en défendre*
Dans cette conjoncture, partagé entre l ’espoir, qui ne
se perd jamais, de venir à bout de mes affaires, et la né
cessité peut-être urgente de déclarer une suspension à
mes créanciers, j’étois dans cette pénible situation d’un
liomme q u i, ne pouvant tirer aucun parti de la confusion
de ses idées, semble implorer les conseils de tout le monde, •
et cependant craint de les demander.
C ’est ici où commencent mes relations avec le sieur
Jorrand , qui parut prendre intérêt à moi avec une fran
chise si cordiale, que je remerciai la providence de m’en
voyer un sauveur dans l’homme de qui j’aurois peut-être
le moins espéré des consolations.
i J ’étois élevé avec l’opinion que la fortune du sieur
Jorrand devoit son accroissement à la mienne. J ’avois
perdu mon père à l’age de dix ans; celui du sieur Jorrand
fut mon curateur et l’administrateur de mes biens : sans
clientelle et sans fortune apparente , il s’occupoit des
affaires de mon p è r e , et travailloit dans son étude lors
qu’ il venoit dans la ville d’Ahun.
L e sieur Jorrand, devenu après son père notaire et
p ro cu re u r, sembloit devoir être mon protecteur par
reconnoissance. Je fus surnuméraire à l’enregistrement,
pour conserver une place occupée depuis un siècle par mes
ancêtres. La régie vouloit me la conserver, et cependant
le sieur Jorrand l’avoit sollicitée et obtenue. A la vérité
cette conquête ne s’étoit pas consolidée sur la tête de
l’ usurpateur ; la régie avoit eu la bonté de penser que
�(
8 )
les démarches de mon protecteur n’étoient qu’ une perfidie,
et ni’a voit rendu presqu’aussitôt la place de mon p è r e ,
en destituant le sieur Jorrand.
Son procédé, dont j’avois à cette époque exprimé l’in
dignation avec toute la vivacité de mon âge, ne m’avoit
pas, comme on peut le croire, disposé à regarder désor
mais le sieur Jorrand comme un ami bien chaud. Il est
vrai que le temps fait tout oublier. La révolution est
venue encore passer par-dessus ce petit événement. L e
sieur Jorrand a été député à la convention ; il a voulu
depuis être receveur général du département; et ayant
fait le voyage dé Paris pour ses sollicitations, il s’est établi
chez mon frère : en sorte qu’insensiblement, et d’occa
sions en occasions, les rapports s’étoient rétablis entre nous
à l’époque à laquelle je viens de m’arrêter. Ils s’étoient
même rétablis au point que depuis quelques années il
vivoit habituellement chez m o i, il y faisoit son étude,
et je n’avois rien de caché pour lui : il sembloit par ses
prévenances vouloir me faire oublier le passé. 'Dans la
p ro s p é rité momentanée de mes affaires, il m’avoit offert
6es soins, sa bourse et son crédit. Je m’absentois souvent
des mois entiers, il faisoit les affaires du dehors comme du
dedans; je n’avois donc pu avoir rien de caché pour lui.
A l’époque de ma suspension, il paya pour moi 10,000 fr.
a M . Fauchier, montant de deux traites que je ne devois
p a s , mais que j’avois négociées à M . Fauchier ( ce sont
les premières traites acceptées par L ia is, qui sont reve
nues sur moi ). Cette som m e, en y comprenant les intérêts
et quelques autres avances, s’est portée à 14,000 fr. lors
qu’il a rédigé l’état de mon passif.
Son
�■'( 9 ).
Son obligeance ne nie sembla donc pas assez étrange
pour que je dusse m’en défier, dans ma situation. L e sieur
Jorrand ayant singulièrement accru sa fortune par l ’ac
quisition des biens de ra b b a jje,d u ,M o u ler, passant pour
avoir un portefeuille considérable, et,m ’ayant d’ailleurs
l ’obligation de plusieurs services domestiques que je n’ai
nulle envie de lui reprocher , me sem bloit, à poiut
nom m é, l’homme le plus propre à me délivrer de l ’em
barras où m’avoient, jeté les circonstances.
Je donnai donc tète baissée dans; la-proposition qu’il
me fit de ses services ; je rne reprochai même d’avoir
nourri dans mon cœur, pendant ^ingt ans, l’injustice de
le croire un malhonnête hom m e, ne doutant p;js que
son empressement à m’o b lig e r, après m’iivoir n u i , ne
fut un acte honorable de contrition et de grandeur d’âme.
Je crus aussi à la compensation ,du bien et du mal dans
les destinées humaines; et je fus(1dès cet instant résigné
¿1 exécuter avec u n e ,.confiance aveugle^ tout ce que le
r¡sieur Jorrand voudroit me prescrire..
• ■vil se fit d’abord livrer.,tous mes papiers; fit un état
exact de toutes mes ressources; étiqueta de sa main jus
qu’aux'choses les plus minutieuses, même ma commis
sion de yeceveur; il dressa l’état de mes .dettes (q u e je
rapporte écrit ¡de»jsa m ain ) ; et quand-il eut tout v u ,
il concerta le plan de son opération. ;
Il faut, me dit-il, que j’aie un titre ostensible et for
mel pour régir toutes vos affaires, Vous allez donc me
? consentir un bail à ferme pour neuf ans de tous vos
biens. L e prix en sera dit payé, d’avance pour les six
premières années. Tous vos bestiaux me seront vendus;
B
�( ito))
cette vente aussi portera quittance.'Quaïît'a’Vos'marchés
avec le gouvernem ent, vous m’en passerez le transfert
aussitôt! que j’aurai pu comprendre auprès des bureaux
du ministre si je n’ai aucun ‘risque à courir en me
substituant à vous.
T o u t autre qtfe moi eût réfléchi peut - être sur le
danger incalculable 1d ’un dépouillement aussi absolu.
Mais que le lecteur se mette s’il le peut àJla !place d’un
homme qui ayant jusqu’alôrs tenu àjses engagemens avec
h o n n e u r, s e voit à la veille d’y m an q uer, et de ^sup
porter les soupçons injurieux de tous-ceux qui se Soiit
confiés en sa signature.
Si dans une telle situation on est encore blâmable de
n’avoir pas tout p r é v u , j’admirerai’ la force dpâftie(de
ceux qui auroient pu mieux faire; pour moi, je ne vis
que l’obligeance du sieur Jorrand, et je souscrivis à tout.
Un seul point cependant me causoit une légère répu
gnance , c’étoit de donner quittance par anticipation ;
non pas que j’eusse la pensée que le sieur Jorrand en
abuseroit ; elle eût été in co m p a tib le avec ma confiance
absolue en lui : mais il me sembloit que mes créanciers
pouvoient y voir le signe d’une fraude dirigée contre
e u x , et cette simple apparence me révoltoit. L e sieur
Jorrand eut bientôt à cet égard vaincu mes scrupules.
V o tre bail à ferm e, me d it-il, ne sera qu’un épou
vantail pour ces petits récalcitrans, qui dérangent tou
jours les opérations d’une masse de créanciers, en faisant
des saisies et des frais inutiles. Mais j’écrirai moi-même
à vos principaux créanciers que je suis à la tête de vos
affaires, pour les retirer d’un simple engorgement. Vous
�( 11 )
conserverez; la> possession yde. vos propriétés-, où je ne
ferai que puiser annuellement .ce qui sera nécessaire à
votre liquidation. A in sirne vous^ inquiétez'vpas) de; l’ap
parence , lorsque je; serai p r ê t. à déclarer comme v o u s ,
que je n’ai point payé les sommes dont l’acte portera
quittance; d’ailleurs, je ne veu xravoir votre actif que
pour payer tout le mondei
A
r
.
'
r
/
Je n’eus rien à répondre à cette explication , et je
fus rassuré par le fait, en demeurant en possession appa
rente de tous mes< biens, dont je; n’ai retiré cependant
que le peu de denrees necessairèsi ài ma; consommation.
Lorsque la faillite du sieur Liais eut rejeté su r'm o i
toutes mes traites, qui étoient plutôt'les siennes,, je me
rendis à Paris, où habitoient la majeure partie des-créan
ciers qui les avoient fait présenter : là je les convoquai,
pour leur exposer la cause de mes r e t a r d s le u r commu
niquer ma-situation! avec; le sieuxvLiaisi, etrson dernier
arrêté de compte avec moi. J ’eus la satisfaction* de voir
qu’aucun blâme ne me fut imputé
mes créanciers eurent
confiance.en m o i; et'en me donnant umdélai- de trois
ans) pour continuer mes fournitures<au gouvernem ent,
ils m?autoriserent à disposer de la totalité 'de mes fonds.
L e sieur Jorrand ayant assisté à cette convocation', se
fit nommer; syndic ; fonction qui-lui donnoiÉ toutedatitude
pour l’exécution,du p la n ta g e et généreux duquel j’at*.
î
tendois lestplus grands avantages.
: t) t ;
L ’affirmation des créances eut lieu à Guéreb léi 12 ger-i
m inai an 1 2 ; et le sieur Jorrand’ s’y fit’
réserve des
« sommes payées pour moi après le contrat d ’ u n io n .,
« pour déplacement et préparatipn: de bùisi de marine
« étant actuellement à Pontarion. »
�( I2‘ )
Pendant m'es'négocic\tions avec mes'créanciers * “je^visois
à une spéculation plus avantageuse que la -précédente’ ,‘
et je ne doutois jDasr'qu’en ! la faisant réussir je ne vinsse
à bout de mes engagemens sans une diminution notable
dans ma fortuné,
;
r. <>.
'
■ -j
'■•Lie ministrôf(>uvroit'UnrConCo:iirs pour dés fournitures., ■
à faire à la marine dans les ports de l’Ouest.
;*
Les prix s’annonçoient comme infiniment plus avan
tageux aux spéculateurs que dans mes marchés de l’an 5
et de l’an 10 , en ce que le transport des bois devoit être
p a y é p a r lieues; ce qui n’avoit>pas eu lieu dans les mar-r
cliés précédens.
: ’ *i;
Un autre encouragement consistoit à faciliter lesîachats
par la marque des bois propres à la m arine, desquels
alors la destination ne pouvoit plus être détournée.
Mais il m’étoit impossible de faire aucune soumission
en mon nom ,' en ayant déjà une première qui n’étoit
point remplie ; tout onéreuse qu’elle étoit, le ministre
n’auroit souscrit aucun marché nouveau avec m o i, tant
que le premier n’étoit pas pleinement exécuté.
Je ne pou vois donc agir qu’avec un nom emprunté;
et je me fis présenter sous celui du sieur Bet-Bouquet,
mont beau-frère.
Les sieurs Imbert , négocians à R och efort, chargés
de cette négociation, me marquèrent, le 12 messidor
an 1 1 , que ce marché étoit passé, et m ’en annoncèrent
les conditions.
' '
'
‘
Par une autre du 28, ils me demandèrent mon appro
bation pour ce m arché, parce qu’ils savoient bien qu’il
me concernait seul j je ’leur répondis pour donner cette
�( i3 )
approbation et les remercier-, ils m’en accusèrent récep
tion le 17 thermidor an 11.
Ceci se passoit, comme on le v o i t ? peu de jours avant
mon bail a ferme , consenti au sieur Jorrand , et si le
jour même de ce bail il ne se fit pas investir de ce marché,
c’est qu’il n’étoit encore qu’ un projet, jusqu’à ce que la
soumission du sieur Bet-Bouquet fût approuvée par le
ministre.
Cette approbation fut donnée et le transfert fut signé
par Bouquet, à la date du I er. brumaire au 12 , au profit
du sieur Jorrand : il-sait-lui-même qu’à cette époque on
m ’oifroit 30,000 francs de bénéfice sur ce seul marché.
Mais l ’espoir de me récupérer entièrement, m ’empêcha
d’accepter cette négociation : le sieur Jorrand d'ailleurs,
qui me faisoit entrevoir de plus grands bénéfices, m’ob
serva qu’il seroit possible que les traites que l’on m’offroit en payement des 30,000 francs, ne fussent peutêtre pas acquittées. Je gardai donc le marché pour mon
co m pte, sous le nom du sieur Jorrand.
J ’hésitois si peu à mettre sur sa tête ma fortune et mes
ressources, que je voulois encore qu’il prît le transfert
de mon ancien marché de l’an 5 , qui devenoit bien meil
leur par les circonstances, puisque les payemens s’eifectuoient exactement. Ce qui m’engageoit encore à lui faire
ce transfert, c’est que je craignois que le gouvernement,
informé de ma suspension, n’annullât ce marché, et ne^
mît des entraves dans ma liquidation.
T r o p prudent pour accepter ce transfert, sans être
éclairci de toutes les chances à courir, le sieur Jorrand
m ’envoya à Paris pour savoû* si le ministre voudroit
�( r4 )
l’accepter, parce que cette acceptation l’auroit mis hors de
danger pour les suites.
J ’écrivis au sieur Jorrand que cette substitution pouvoit souffrir quelques difficultés ; et mes lettres qu’il n’a
certainement pas perdues, aideront peut-être à éclaircir
mes intentions sur l’un et l’autre marché. Je lui faisois
part des difficultés qu’il y a v o it, et le sollicitois de venir
pour les lever lui-m êm e; il me répondit par une lettre
du 10 pluviôse an 1 2 , datée d’A lm n :
« D ès que tu trouves quelque difficulté aux change« mens proposés pour la fourniture , et que tu as l’espoir
« de la conserver, tout déplacement de ma part devien« droit inutile; presse donc la levée des obstacles, afin
« que Ton puisse mettre en mouvement les bois préparés;
c< fais surtout en sorte d’obtenir des fonds, sans quoi tout
« seroit entravé. T u sais que je suis déjà en avance de
« beaucoup. »
Cependant', et malgré sa lettre, le sieur Jorrand partit
à l’instant pour Paris en, toute, hâte. Le 14 pluviôse an
1 2 , il écrivoit à; ma fem m e, de Paris :
ce Aubretonia bien; traité avec >la grande majorité de(
cc ses créanciers, etc. : quant à lia fourniture, elle pouvoit»
ce se continuer sous 1son nom ; la seule'difficulté est* dej
ce faire lever quelques oppositions à la* trésorerie, afin'
« d’en recevoir les deux tiers-des livraisons faitesr,, au>
« moyen desquelles: on feroit.face aux dépenses des' li-<
c< vraisons à faire. Aubreton espère obtenir bientôt ces*
« mainlevées. Comme’ je ne puis prendre ici aucun
« engagement direct, je neparoîtrai pas, et ne ferai qu’ùH>
« très-court séjour. »
�( i 5 .)
¡Lorsque le sieur .-Jorrand vit qu’il ne pouvoit pas-réunir
les deux marchés sur sa tête, il dirigea tout vers le marché
Bonquet.iJeimis à sa disposition la totalité des Lois de
construction qui étoient déjà préparés pour moi avant
de .marche 'Bouquet ; ce que Jorrand n^ignoroit pas ,
puisqu’il m’en parloit lui-même dans sa lettre du 10
pluviôse.
Ces bois furent.envoyés à A n goulêm e, pour le compte
du."marché Bouquet; mais les.agens de la marine trou
vant de la précipitation à cet envoi, décidèrent queices
bois ne pouvoient être que ma propriété , parce que
Bouquet ne pouvoit pas avoir eu le tem ps d ’en faire
exploiter et mettre en route depuis sa soumission ; en
conséquence il y eut séquestre à Angoulêm e ; mais il
fut bientôt levé à cause des besoins de la m arine, et sur
les représentations que je iis, ainsi que >MM. Im bert,
à l’ingénieur, que M . Jorrand étoit mon mandataire
pour l’un et pour, l’autre marché : la correspondance
de M M . Imbert en fait mention, et les bois furent reçus
sous le nom de Bouquet.
Les envois se sont continués, depuis cette ép oqu e,
toujours pour le compte du marché Bouquet, mais avec
les bois qui m’appartenoient avant l’an 12 , et qui ont
dû produire des rentrées pour plus de 30,000 francs.
Il m’étoit dû des sommes assez considérables d’arriéré
par le gouvernement; j’avois encore pour 10,000 francs
de rescriptions : tout cela fut mis à la disposition du sieur
Jorrand.
Si on joint à ce produit celui de mes biens-fonds ,
valant au moins 2,000 francs par année ; tous mes bes
tiaux, valant à peu près 8,ooo fr.; une créance arriérée
�( 16 )
de 1,000 francs sur mon m étayer, etc., on voit que le
sieur Jorrand a eu toute facilité pour liquider mes dettes
réelles sans bourse d é lié e , et même en commençant à
se mettre à couvert pour la sienne.
J ’ai dit que le sieur Jorrand avoit été nommé syndic
de mes créanciers par le concordat de l’an 12; il demanda
une nouvelle convocation à Aubusson, et sollicita le sieur
Queyrat de s’y faire nommer syndic.
L e concordat me donne six années de délai pour payer,
en m en tio n n a n t toujours que c’étoit pour parachever ma
fourniture avec le gouvernement. L e sieur Jorrand, qui
a signé et dirigé ce concordat, y a bien laissé*entendre
que cette fourniture s’étoit continuée pendant les années
précédentes; et cependant il savoit mieux que moi que
toutes les livraisons avoient été mises sur le compte du
marché Bouquet.
Je ne crois pas que le sieur Jorrand eut alors le projet
bien formé de s’approprier le marché Bouquet; j’en-juge
par les lettres qu’il é c riv o it, et par l’emploi qu’il faisoit
de mes fonds à toutes mes affaires sans distinction.
Dans un projet de lettre qui 111’cst resté de sa main ,
il écrivoit a un de mes créanciers plus' obstiné que les
autres, pour l’engager à adhérer'au concordat; et dans
ses motifs de persuasion il lui disoit : « La situation
« d’Aubreton a pris son principe dans des circonstances
ce qui ne se renouvelleront pas.... Maintenant il a pris
« des arrangemens d’après lesquels son travail sera dirigé
cc par quelqiCun q u i inspire une pleine confiance, et il
« y a tout lieu de croire que le résultat en sera plus
« avantageux. »
Je reviens à Liais , que j’avois laissé en l’an 11 en
�. ( 17)
faillite o u verte, et qui cependant, faisant ressource de
tou t, avoit trouvé un moyen plus funeste que le pre
mier, pour compléter ma ruine.
J ’étois parvenu à obtenir de lui un arrêté de compte
daté de C h erb ourg, du 2 brumaire an 1 2 , qui régloit
toutes nos affaires, et comprenoit les traites postérieures
à mon obligation ; il se trouve soldé en ma faveur par
27,791 francs 88 centimes, en ce que j’acquitterai les
5 o,ooo francs de traites données par obligeance. L ia is ,
au surplus, reconnut par ce même arrêté de c o m p te ,
écrit en entier de sa m a in , que toutes les autres traites
se trouvoient acquittées. ( O n ne doit donc pas perdre
de vue que les 32,640 francs de traites souscrites lors de
l’obligation étant acquittés par m oi, l’obligation devenoit
nulle. )
O n vient de voir que je demeurai chargé d’acquitter
les 5o,ooo francs de traites données d’obligeance; et par
le même arrêté de compte il fut convenu que jusqu’au
parfait acquittement desdites traites, l ’obligation demeureroit en dépôt entre les mains d’un sieur Pothier, à qui
je payerois les intérêts annuels.
Je vis le sieur P oth ier; il me reçut parfaitement; et
après m’avoir laissé parler du sieur L ia is , il captiva ma
confiance, en me montrant une grande indignation contre
sa conduite envers moi : il me marqua beaucoup d’a
m itié, m’ouvrit sa bourse, et m’offrit même 3,000 francs
sans intérêts.
J ’acceptai cette somme : elle a été remboursée en partie
par le sieur Jorrand.
L a fatalité qui m’a poursuivi dans toutes mes affaires
C
�( i 8 ) .
a voulu que ce sieur P o th ier, si obligeant pour m o i, si
courroucé contre L ia is, fût au contraire un intime ami
de Liais et de Caillas, qui tous trois, comme je l’ai su
depuis , étoient associés pour l ’entreprise de la tourbe
carbonisée.
Comme il étoit écrit que chaque dépôt se convertiroit
en transfert, le sieur Potliier s’est trouvé muni d’un
transfert de mon obligation, passé à son profit par Caillas,
prête-nom de L iais, en fructidor an 13.
A in si, et malgré ma correspondance et mon arrêté de
compte avec Liais, qui prouvent sa propriété et ma libé
ration, le tout bien en règle, et enregistré avant le trans
fert d’une obligation éteinte, L i a i s , mon débiteur de
27,791 francs, sans attendre les délais du concordat,
fit mettre mes biens en expropriation , sous le nom de
P o th ier, par-devant le tribunal de Guère t.
L à , le sieur Jorrand se présenta avec mon acte du
28 thermidor an 1 1 , pour revendiquer mes bestiaux
comme sa propriété : mais cet acte fut attaqué de nullité,
comme fait après la cessation de mes payemens ; et le
tribunal de Guéret ordonna une preuve que le sieur
Jorrand n’a point laissé faire.
Il n’étoit point encore aguerri à se dire propriétaire
des dépôts que j’avois confiés à sa bonne fo i, ou peutêtre avoit-il des vues plus grandes.
Quoi qu’il en soit, ce jugement ayant p e u t-ê tre eu
reflet d’éloigner beaucoup d’enchérisseurs, le sieur Jor
rand crut le moment favorable pour acheter à vil prix
les biens de celui qu’il proclamoit son am i, et qui avoit
mis corps et biens sous sa tutelle.
�( !9 )
J ’avois , bien avant cette adjudication, formé contre
Polluer une demande pour faire annuller le transport
de l ’obligation de Liais. Cette procédure fut suivie devant
le tribunal d’A u bu sson , saisi d’une demande en homo-7
logation du concordat ; mais le sieur Pothier déclina
la compétence, et demanda son renvoi à Paris : il l’a
obtenu, sur l’appel, en la Cour de Limoges.
Déjà dupe du sieur Potliier, je ne devois pas laisser
à mes créanciers l’embarras de se dépétrer de ses chicanes.
L a malignité d’autrui m’a donné enfin de l’expérience,
et je l’a i , quoique un peu ta rd , mise en pratique. C ’est
au magistrat de sûreté que je dénonçai les manœuvres
des trois associés de la tourbe carbonisée ; mais le di
recteur du jury jugea à propos de renvoyer les parties
à fins civiles. Je ne perdis pas courage, et une nouvelle
plainte adressée à son excellence le grand -ju ge, avec
les pièces justificatives, eut plus d’efficacité : Caillas fut
arrêté, et dans plusieurs interrogatoires qu’il a subis,
ainsi que Pothier, ils révélèrent sans doute tout ce que
j’avois intérêt de faire connoître, puisque le magistrat de
sûreté ordonna que les papiers du sieur Caillas seroient
saisis. Mais un sieur P é r ie r, gendre du sieur Pothier,
en est instruit; il trouve le moyen de communiquer avec
Caillas, détenu chez le magistrat de sûreté, prend ses
clefs , et va enlever ses papiers, qu’il dépose chez un
agent de change : heureusement il est pris sur le fait,
rendant les clefs à Caillas ; le magistrat de sûreté lui
fait rendre les papiers , les fait déposer au gre ffe, et
décide qu’il y a lieu à instruction criminelle. Je rends
plainte contre le sieur P érier; mais le même directeur
C a
/
�( 20 )
du jury se trouve encore là, et prend sur lui de décider
que me trouvant seul plaignant, il n’y a pas lieu à suivre
le procès quant à présent.
Cette suspension bizarre et arbitraire décidera sans
doute mes créanciers à seconder, mes efforts pour dé
masquer une collusion aussi déhontée; il ne sera peutêtre pas impossible de prouver que des escrocs de Paris
ne sont pas plus invulnérables que d’autres.
C ’est pour parvenir à ces fins, que le sieur Berm ond,
habitant la ville de Paris, a été nommé syndic, et le
sieur Picolet, avocat en la Cour de cassation, conseil
de l’union ; ce dernier, qui a toutes les pièces, a tout
di rigé jusqu’à présen t, même la procédure contre le
sieur Jorrand : l’un et l’autre se sont fait connoître ,
et ont choisi leur avoué à G u é r e t , avec lequel ils sont
en correspondance.
.Pendant que je m’efforçois de lutter contre la dilapi
dation de ma fo rtu n e , le sieur Jorrand étoit en dis
cussion avec les sieurs I m b e rt, mes correspondans de
Kochefort , sur les p rod u its du m a rch é Bouquet. Ce
procès important a laissé des traces précieuses que les
plaideurs des deux parts voudroient bien avoir pu sup
prim er; car aujourd’hui ils colludent, et sans leurs débats
écrits j’en serois réduit à attester la vérité par ma seule
science, les sieurs Imbert m’ayant refusé toute commu
nication depuis leur accord avec le sieur Jorrand.
Je vois par un jugement du tribunal de commerce de
R och efort, du 13 janvier 18 1 0 , que le sieur Jorran d,
comme fondé de pouvoir de Bouquet, avoifc assigné les
sieurs Imbert en 1809, pour lui payer 37,946 fr. 40 cent.
�( 2t )
par eux reçus, du payeur de la marine, sur le marché
Bouquet, et comme commissionaires chargés par ledit
B o u q u et, pour fourniture de bois de construction.
Il offroit déduire 12,000 francs, et 144 fr. payés sur
ses mandats (sans doute pour les frais de séquestre de
l ’an 1 2 ) .
A ce la , les Imbert répondoient qu’ils avoient été les
com m issionnaires cï*Aubreton, am i de J o r r a n d , pour
une fourniture de l’an 10, et que dans le cours de cette
fourniture ils lui avoient endossé pour 8,000 fr. de lettres
de change venues à protêt ; en sorte que leur créance,
suivant e u x , est montée à 12,888 francs 67 centimes. '
Ils ajoutoient « que le sieur Aubreton , se trouvant hors
« d’état de remplir la fourniture de bois qu’il s’étoit
« soumis de faire, et se trouvant encore débiteur envers
« le gouvernemen de vingt et quelques mille francs, pour
« én éviter en apparence la retenue, demanda aux sieurs
« Imbert de faire une nouvelle soumission pour la four« niture de quatre cent quatorze stères, ou douze mille
«
«
«
«
«
et
«
«
«
«
«
pieds cubes de bois de construction, sous un nom em*
prunté, c’est-à-dire, sous le nom du sieur B o u q u et ;
laquelle soumission a eu lieu le 6 messidor an r i , souS
le cautionnement des sieurs Imbert. Cette soumission
ainsi faite et acceptée, le sieur J o rra n d , se mit à la
tête de cette nouvelle fourniture, et fit choix des sieurs
Im bert, pour ses commissionaires en cette v ille ; et
comme il avoit une parfaite connoissance de’ la créance
des sieurs Imbert sur ledit sieur A u b reto n , dont 011 lui
a fourni un double du compte balancé, ledit sieur
Jorran d, indépendamment de la commission d’usage,
�( 32 )
consentit à ce que lesdits sieurs Imbert fissent la retenue
du cinquième du produit net de la fourniture de bois
qui seroit faite sous le nom de B o u qu et, pour se rem
plir de leur créance sur ledit sieur A u breto n ;
« Que peu de temps après des bois furent mis en
et route, et même rendus à Angoulêm e, pour compléter
« la fourniture de Bouquet. L e ministre, jugeant avec
«c raison que les bois expédiés étoient la propriété du
« sieur Aubreton , puisque ledit Bouquet n’avoit pas eu
« le temps d’en faire exploiter et préparer, donna des
c< ordres pour qu’ils fussent séquestrés, pour être livrés
«
«
«
et
« sous le nom du sieur Aubreton ; et ce n’est qu’après
cc de vives sollicitations et les besoins pressans du p o rt,
« que le ministre s’est déterminé à consentir que les
« plançons et bordages fussent reçus sous le nom de
cc B o u q u e t, quoiqu’il fût bien constant que les bois
cc composant la première livraison de ce dernier, étoient
cc la propriété dudit sieur Aubreton. »
A cela le sieur Jorrand ne répondoit qu’en éludant,
et se re n fe rm o it dans son titre. C e p e n d a n t, par une
inconséquence assez inexplicable, il avouoit ( peut-être
à cause de sa correspondance) que sur le marché Bou
q u et, il étoit bien convenu de laisser déduire le cin
quième de la dette d’Au breton ; mais il s’en prenoit aux
Im b e r t, qui par leur retenue des fonds de la m arine,
avoient arrêté les nouvelles expéditions.
L e tribunal de commerce de Rochefort mit la cause
en délibéré, ès-mains de son président; et après a v o ir
entendu un rapport fait sur l’examen des pièces respec
tivement produites 9 il rendit un jugement qui fixe les
�( 23 )
points de faits reconnus constans , avec une précision
dont rien ne doit être omis.
« Considérant, 8°. que le sieur Aubreton vouloit con« tinuer la fourniture sous un autre nom que le sien,
« attendu qu’il avoit encore beaucoup d’autres bois d’achat,
« dont majeure partie étoient exploités et en route, écrivit
« au sieur Imbert de faire en sorte de passer un nouveau
« marché avec la marine, pour la fourniture de quatre
« cent quatorze stères, ou douze mille pieds cubes de
k
«
«
«
bois de construction, sous le nom du sieur B o u q u e t,
lequel marché eut lieu le 6 messidor an i i , au nom
dudit sieur B o u q u e t, et sous le cautionnement des
sieurs Imbert père et fils;
,
c< Considérant, 90. qu’à l’époque de ce m arché, le
« sieur J o r r a n d y fa m i intim e du sieur A u b r e to n , et
« comme chargé d’une procuration générale de Bouquet,
« se mit à la tête de cette fourn iture, et a continué les
« sieurs Imbert père et fils pour ses commissionnaires
c< en cette v ille ;
«
«
«
«
«
«
«
«
« Considérant, io°. que le sieur Jorrand étant parfaitement instruit de la créance des sieurs Imbert père
et fils sur A u b reto n , puisque leur compte balancé se
trouve jo in t ¿1 la production de B o u q u e t, tout en leur
accordant la commission d’usage , consent en outre
qu’ils prélèvent, sur le montant de la fourniture nette
de Bouquet, un cinquième d’ icelle, pour se remplir
du montant de leur créance sur ledit sieur Aubreton;
« Considérant, i i ° . que peu de temps après ce nouveau m arch é, ayant été mis des bois en route pouy
�( 24 )
opérer la fourniture dont il étoit question pour icelui,
le gouvernement les considérant comme étant la propriété du sieur A u b r e to n , avec d’autant plus de raison
que Bouquet n’avoit pas eu le temps d’en faire exploiter
et préparer jusqu’alors, ils furent, en vertu des ordres
du ministre, séquestrés, pour être livrés sous le nom
du sieur A u b reto n ; q u ’il paroît m êm e, d’après une
lettre du sieur Penevert, que le nombre étoit de deux
cent dix-huit pièces ;
« C o n s id é r a n t , 120. que par suite, et sur la repré« sentation qui fut faite des besoins pressans que le port
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
a voit des bois de l'espèce de ceux qui se trou voient
soit en route et rendus à A n go u lê m e, le ministre, par
sa dépêche du 21 messidor an 12 , a consenti que les
bois en plançons et bordages dont il s’agit, q u i f a is oient
partie des bois dûA u b r e to n , quoique passés en vente
sous le nom de ce dernier, fussent distraitsy et reçus
sous le nom de B o u q u et; ce qui fut fait;
c'c Considérant, 130. qu’indépendamment de ce concc s e n le m e n t , il pa ro ît q u e les bois q u i co m p osent la pre« mière fourniture faite par Bouquet étoient la propriété
cc du sieur A u b r e to n , puisque d’après les ordres donnés
« par le sieur Penevert au sieur T r ip o n , contre-maître
« charpentier, ce dernier a fait une recette provisoire,
« en plançons et bordages, de cent cinquante-huit pièces,
cc cubant ensemble deux mille cent quarante-huit pieds
cc cubes, suivant son procès verbal du 6 fructidor an 12,
cc sur le produit desquels les sieurs Imbert père et fils
« paroissoient avoir des droits pour se remplir d’autant
cc de
�( 25 )
« de leur créance sur ledit sieur A u breton , soit en totalité
« ou partie. » (i)
Par ces motifs, le tribunal de Rochefort a réglé la
recette des Imbert à 39,340 fr. 64 ce n t., et leur dépense
à 25,287 fr. 83 ce n t., y compris les 12,000 francs déjà
payés au sieur Jorrand , et le surplus pour droit de
commission et frais de voiture; ce qui constitue les sieurs
Imbert débiteurs de 11,567 francs.
Jorrand a interjeté appel à Poitiers, le 10 février
1810 , à cause des droits de commission accordés , et
pour un article de 960 francs pour voiture : tout quoi,
disoit-il, étoit accordé au mépris des écrits, conventions
et obligations souscrites par les sieurs Im bert.
Mais en même temps le sieur Jorrand ne voulant pas
perdre de temps, a fait un commandement aux sieurs
Imbert de payer les 11,567 fr. accordés par le jugement
qu’il approuvoit en cette partie.
Sur cet appel les parties ont transigé et passé un arrêt
d’expédient à Poitiers. Mais quel qu’il s o it, il ne doit
être que relatif aux griefs d’appel, et il ne peut rien
changer aux faits reconnus constans par le jugement de
Rochefort.
(1) Les sept premiers motifs se rapportent à mon marché per
sonnel antérieur; les quatorzième, quinzième et seizième motifs
sont la fixation des recettes et déduction.
Pour pouvoir se présenter sous le nom de Bouquet, Jorrand
a donné à Bouquet la qualité de marchand patenté première
classe. Cette patente est fausse; le maire a certifié q u e lle
n’existoit pas.
P
�( 2 6 }
J ’ai voulu réclamer auprès des sieurs Imbert les pièces
par elles produites au président de Roehefort. Je leur
ai demandé des explications sur les écrits, conventions
et obligations dont parloit le sieur Jorrand dans son
appel. Je n’ai rien pu obtenir des sieurs lmbert : dès
l’instant qu’ils ont été d’accord avec le sieur J o rra n d ,
ils ont été muets pour moi.
Ils pouvoient avoir cette l'éticence pour mes créan
ciers; car en se payant par leurs mains ils ont senti qu’ils
faisoient tort à la masse, et qu’ils s’exposoient à des re
cherches. Mais, à mon égard, je ne devine pas pourquoi
ils ont voulu me taire la vérité, à moi qui 11’ai donné
à Jorrand l’administration de mes biens et de mes res
sources , qui ne l ’ai chargé de l’exécution de mes mar
chés que pour les payer ainsi que les autres créanciers
( ma correspondance avec les Imbert en fait mention
expresse ). Ce ne peut donc etre que le sieur Jorrand
qui leur a prescrit le silence.
Si c’est pour m’ôter les preuves de propriété du mar
ché B o u q u e t, ils savent bien qu’elles résultent de leur
correspondance do l’an 12 et 1809 ; mais ils auront cru
tous mes papiers au pouvoir du sieur Jorran d , ce qui
étoit très-vraisemblable.
Déjà les créanciers convoqués le 22 juin 1809, pour
la nomination d’ un syndic à la place du sieur Queyrat,
nvoient eu l’œil ouvert sur les démarches du sieur J o r
rand , et avoient chargé le sieur Bermond , nouveau
syndic, de le poursuivre en reddition de ses comptes.
L e sieur Bermond ayant pris le temps d’aller aux
enquêtes, a voit commencé une procédure à Guéret par
�( *7 )
une requête du 14 avril 18 10 , pour demander que le
sieur Jorrand rendît com pte, comme mon associé, et
pour conclure, dans le cas où il ne le seroit p a s , à la
nullité de toutes ventes , baux à ferme , transport de
créances ; de tout quoi le produit seroit rapporté à la
masse des créanciers.
Le syndic ne parle pas, dans cette requête, du marché
.Bouquet, soit qu’il l’ignorât, soit qu’il ne crût pas pou
voir attaquer le sieur Jorrand sur cet article. C ’est le
sieur Bouquet qu’il a assigné le 18 juin 18 10 , pour le
faire condamner à rendre compte du bénéfice des bois
relatifs au marché fait sous son nom.
L e tribunal a ordonné jusqu’à présent trois articles
d’instruction sur cette affaire; i°. que le sieur Bouquet
produiroit le transfert par lui fait à Jorrand; 20. que
Jorrand seroit appelé en cause; 30. que je serois aussi
appelé pour répondre aux interpellations qui me seroient
faites.
Jorrand n’est venu à l’audience que pour se plaindre
de moi ; il a c r u , je n’en doute pas, que celui qui crie
le plus haut fait le plus d’impression ; il a supposé que
des injures lui donneroient une quittance.
Je crois en avoir assez dit pour prouver le contraire :
une reddition de compte, qui tournera au profit de mes
créanciers, ne doit pas m’être indifférente. Si ce compte
est dû il faut qu’il se rende. Les faits que j’ai rapportés
me semblent assez précis pour ne pas douter ; et je me
ibornerai à en tirer quelques conséquences.
D 2
�( *8)
Objections et réponses.
L e sieur Jorrand nie foi’mellement que le marché
Bouquet fasse partie de son mandat; il prétend qu’il en
est sérieusement propriétaire en son nom , par le transfert
du I er. brumaire an 12.
Cela est impossible. Tous ceux qui ont participé à ce
marché et à ses suites lui donnent un démenti formel.
Les sieurs Im b ert, de R och efort, ont constaté par
toute leur correspondance que c’est m oi qui leur ai donné
l ’ordre de faire ce ma relié sous le nom de Bouquet; que
c’est pour m oi qu’ils l’ont fait.
L e sieur Bouquet, dans les actes de procédure éma
nés de lu i, convient ne s’être jamais mêlé de ce marché;
il dit n’avoir été que mon p r ê t e - n o m , pour le f a i r e
tourner en ma fa v eu r ,* et qu’après avoir donné une
procuration à J o rra n d , le I er. brumaire an 12 , parce
que Jorra n d f a is a it alors toutes mes affaires , il en fit
un transfert, pour ne plus figurer nominativement.
Les agens de la marine sont venus compléter ces preuves
en faisant saisir les premiers bois fournis par le marché
B ouquet, en constatant que ces bois étoient les m iens.
Enfin le jugement de Rochefort achève la conviction,
en donnant des détails sur des faits personnels au sieur
Jorrand; et certes le résultat de ce jugement ne peut pas
être suspect pour la cause actuelle; car ni le syndic des
créanciers, ni aucune autre partie intéressée n’y étoit
appelée , et tout s’est révélé entre le sieur Jorrand et
les Imbert.
�( 29 )
Que si aujourd’hui les Imbert nioient des faits articulés
par eux-mêmes, et non contestés par le sieur Jorrand,
leurs lettres restent pour attester que moi seul étoit à
leurs yeux le négociateur et le propriétaire.
M a is, dit le sieur Jorrand, il ne s’agit pas de savoir
quel étoit le propriétaire avant le I er. brumaire an 12,
si je le suis devenu à cette époque.
\
Cette objection ne pourra être écoutée que lorsque le
sieur Jorrand rapportera, i°. sa correspondance avec les
commissionnaires depuis son transfert; 20. les pièces pro
duites par lui au tribunal de Rochefort, ainsi que l’atteste
le jugement; 30. les écrits, conventions et obligations
d’entre lu i et les sieurs Im b e r t, suivant ce qu’il a dit
dans son appel du 10 février 1810 : alors on saura si
véritablement le sieur Jorrand a eu la conscience de sa
propriété dans le marché Bouquet.
En attendant qu’il communique ces pièces essentielles,
011 peut trouver des indices dans quelques lettres des
sieurs Im b e rt, les seuls commissionnaires qui se soient
mêlés des fournitures de Rochefort.
Dans une lettre à mon adresse, du 16 ventôse an 12,
les Irnbert me rendent compte de ce qu’ils ont fait poul
ie marché Bouquet, et ils me disent : « D ’après la levée
« du séquestre apposé sur vos bois, votre ancienne four« niture doit reprendre son cours comme cette dernière
cc que rien ne doit plus arrêter. Nous pensons d’ailleurs
cc qu’il ne dépendra que de vous qu’il y ait une certaine
« quantité de bois destinée pour la remplir, lorsque telle
ce ou telle partie sera marquée ¡)our M . B ouquet. »
�( 3° )
L e 2 prairial an 12, c’est encore à moi qu’ils s'adressent
pour dire : « Nous attendons toujours ,avec impatience
et de vos nouvelles, ainsi que de M . Jo rra n d , pour Ici
«¿fourniture B ou q u et : il,nous tarde bien de recevoir
« des bois pour cette soumission. »
L e 21 du même m ois, ils m’écrivent encore pour se
plaindre de mon silence : « Depuis deux mois que vous
« êtes instruit que toutes les difficultés sont levées, que
c< vous pouvez donner cours à votre marché, ain si qu'à
« celui B o u q u e t, vous ne vous êtes nullement mis en
« mesure pour livrer en ce port. »
Ces lettres sont d’une date postérieure au transfert,
daté du I er. brumaire au 12,
Les sieurs Imbert n’ignoroient pas ce transfert appa
ren t; cependant ils ne parloient de Jorrand que comme
d’un fondé de p o u vo ir, d’un agent, et ils entendoient
toujours ne se mêler du marché Bouquet que pour m oi.
Ils l’ont cru jusqu’à la fin.
L eur lettre du 11 mai 1809 est encore plus expres
sive. J e leur demandois un compte du m a rch é Bouquet;
ils me répondent : « Nous sommes tout prêts à vous
«
«
«
«
«
«
cc
«
fournir un compte exact de toutes les livraisons que
nous avons exécutées sur le marché Bouquet, dès que
nous aurons la garantie formelle que sur leur produit
nous prélèverons tout ce que vous nous devez. Quand
nous serons tous d’accord sur ce point essentiellement
nécessaire à nos intérêts, qui ont bien souffert de cette
créance, nous réglerons avec vous , et rem ettrons
ensuite à qui de droit ce qui pourra rester en nos
�( 31 )
* mains ; jusque-là nous ne nous démunirons pas d’un
« sou. »
Et lorsque le sieur Jorrand s’est présenté à eux sous
le nom de Bouquet , en 1809, pour leur demander des
comptes, ils ont dit à Bouquet comme à Jorrand qu’ils
n’avoient suivi ce marché, depuis son origine, que comme
mes commissionnaires, et pour m oi.
S’ il y avoit du doute vis-à-vis Jorrand, en son nom ,
il n’y en a pas vis-à-vis Jorran d, syndic de mes créan*
ciers.
Celui - ci ne peut prétexter aucune erreur , aucune
croyance d’avoir géré pro suo.
Lorsqu’il a été nommé syndic depuis l’an 12 jusqu’à
1806, lorsqu’il a accepté ce syndicat, Jorrand a con
tracté l’obliga tion de ne rien détourner pour l u i , mais
de rapporter fidèlement à la masse tout ce qui seroit
provenu de ma fortune, de mes ressources, de mes bé
néfices.
O r , le marché Bouquet étoit dans mon actif; le sieur
Jorrand ne l’ignoroit pas : ses bénéfices étoient donc ma
propriété. Quand même il auroit eu seul une correspon
dance pour ce ma relié , et une gestion suivie, tout cela
'se rapportoit à sa qualité de syndic.
A cela il répond que la date du transfert le met à
l’abri de cette comptabilité. Je ne suis syndic, d i t - i l ,
que sous la date du 2 5 nivôse an 12; le transfert Bouquet
est du i«r. brumaire an 12 : donc j’étois propriétaire
avant d’être syndic.
L a loi et les faits repoussent cette objection.
�( 32 )
L e transfert du i er. brumaire an 12 est un acte sous
seing p r iv é , enregistré seulement en 1810.
O r , les actes sous seing privé n’ont de date contre les
tiers que du jour de l’enregistrement ( Code civil, art. 1328 ).
Rien n’autorise donc le sieur Jorrand à montrer cet
acte comme un titre antérieur à son syndicat.
Je ne puis sur cette date précise donner des notions
bien certaines , n’ayant pas la mémoire assez locale sur
un fait auquel je n’attachois alors aucune importance :
mon attestation pour ou contre seroit d’ailleurs inutile
à mes créanciers, qui ne verront que la date légale.
Ils demanderont de plus au sieur Jorrand ce que
veut dire sa réserve insérée dans l’acte d’affirmation de
sa créance, le 12 germinal an 1 2 , ce de ce qu'il a voit
« payé pour A u b r e to n , pour déplacement et préparation
' « des bois de marine qui sont maintenant à Pontarion. »
Ces , bois n’ont pas été livrés sur mon marché de
l’an 5 , sur lequel le sieur Jorrand n’a presque rien
fournis.
Cette livraison n’étoit donc faite que pour le marché
B o u q u e t, et alors le sieur Jorrand n’entendoit avoir
avancé les frais de transport que pour m o i.
Il paroît que ces bois de Pontarion y étoient encore
au 29 thermidor an 1 2 , époque où le sieur T r ip o n , par
une lettre ci Vadresse du sieur Jo rra n d ou du sieur
A u b r e to n , nous écrivoit à l’un ou à l’autre de venir
l’y joindre : preuve ajoutée à toutes les autres, que tous
mes correspondans ne faisoient aucune différence entre
les intérêts de Jorrand et les miens.
Supposons,
�C 33 )
Supposons, si le sieur Jorrand l’aiine m ie u x , que sou
transfert a véritablement la date du ier, brumaire an 12;
il n’en résultera rien de plus avantageux pour lui.
Car à cette d a te, le transfert sera toujours postérieur
à la cessation de mes payemens, qui est de l’an 11. ( L e
concordat de 1806 a rejeté, comme tardive, l ’inscription
du sieur Jorran d, qui est du 4 vendémiaire an 12. )
Suivant la déclaration de 1702, confirmée par le Code
de commerce, ce transfert seroit n u l, quand même il
seroit an térieur, s’il n’avoit précédé cette cessation de
plus de dix jours.
En vain le sieur Jorrand oppose-t-il que le nom Bouquet
lui suffit pour être à couvert. Les matières de fraude
sont remises à la prudence du juge; la loi s’en rapporte
entièrement à lu i, comme le prouvent l’art. 1363 du Code
civil, et l’art 444. du Code de commerce.
.. Ici la nullité seroit de plein droit; ca r, par une cir
constance que le sieur Jorrand n’expliquera jamais , le
transfert est gratuit.
Q u’il explique, s’il sc peut, comment après avoir pris
la peine de suivre une admission de m arch é, près des
commissaires de la m a r in e , et ensuite dans les bureaux
r du ministre, après avoir fait les dépenses nécessaires
pour cette négociation , il seroit concevable qu’on en
laissât gratis tout l’avantage à un nouveau ven u?
Personne n’y croira ; et précisément la résistance du
sieur Jorrand à s’approprier ce marché, aide à convaincre
q u ’ il étoit trop avantageux pour le donner pour rien.
D ’autres en offraient un bénéfice considérable, et cer
tainement je ne m’en serois pas privé pour faire un pur
E
�( 34 )
cadeau au sieur J o r r a n d , trop opulent pour le recevoir.
Quand j’aurois voulu le faire, je ne le pouvois pas;
la loi me défendoit de rien détourner de mes créanciers,
pour en préférer un seul.
Aussi n’en ai-je pas eu la pensée, et nul ne peut m’en
accuser : ma correspondance avec les sieurs Im bert, qui
étoient aussi mes créanciers, le prouve. J ’ai continué
après l’an 12 de me présenter à eux comme propriétaire
du marché B ouquet, et c’est ainsi qu’ils m’ont toujours
considéré jusqu’à 1809, comme l’atteste le jugement de
Rochefort.
Ce transfert, mon bail à ferm e, ma vente de bestiaux,
l ’état de mes dettes de la main du sieur J o rran d , ses
lettres à mes créanciers; cela fait un tout inséparable,
un corps de faits et d?opérations qui se lient mutuelle
m en t, et s’expliquent les uns par les autres.
O n ne croiroit à la mutation sérieuse du marché Bou
q u et, que si on pouvoit croire à celle de mes bestiaux
et de mes récoltes.
O r , le sieur Jorrand n’a pas même osé persister à vou
loir s’approprier mes bestiaux. Il a avoué n’avoir qu’un
titre co lo ré, et une propriété apparente.
D e même il l’a dit pour son bail à ferme; et la preuve
en est qu’il n’en a pas demandé la maintenue lors de
l’expropriation.
A in si il ne faut le juger que comme il s’est jugé lu imême ;
Puisqu’il ne veut pas garder la qualité honorable d’ami
officieux, chargé d’améliorer ma fortune, il faut qu’il
avoue n’avoir voulu que la dévorer.
�( 35 ) .
Mais malgré lui il n’est qu’ un mandataire comptable :
et une triple qualité l’oblige à rendre un compte depuis
la fin de l’an n .
i°. Comme fermier sans avoir rien p a y é , il doit un
compte des récoltes, des bestiaux et de leur cro ît, des
bois coupés et de l’arriéré des fermages.
Et qu’il n’objecte pas que déjà je suis convenu avoir
conservé la possession de mes biens ; cet aveu que je
pou vois dissimuler, puisqu’un bail authentiqua m’en dispensoit, est une preuve de ma véracité. Mais j’ai expliqué
que ma possession avoit consisté à être le maître appa
rent comme par le passé, et à recevoir le blé néces
saire à ma consommation; mais le surplus des denrées,
les bestiaux, les bois, etc., sont restés à la disposition du
sieur J o rra n d , comme je l’ai déjà dit.
Q u’il n’objecte pas non plus qu’étant mon créancier
de 14,000 francs, il a entendu se payer par ses mains,
en prenant quittance des fermages et des bestiaux par
anticipation.
Il ne peut pas le dire a in s i, puisqu’il a affirm é, en
nivôse an 12 , être mon créancier de ces 14,000 fr.
20. Comme mon mandataire général il est comptable,
i ° . de tous les bois préparés à mes frais, qu’il a employés
au marché Bouquet ; 20. des bénéfices de ce même mar
ché ; 30. de 10,000 francs qu’il a touchés pour moi de la
trésorerie, et de toutes autres sommes moins considé
rables que je pourrai justifier.
30. Comme syndic des créanciers, il est encore com p
table de tout ce qu’il a dû faire pour rechercher tout
mon actif ( notamment la créance de 27,791 francs, due
�( 36 )
par L ia is, et celle de 10,000 francs, montant de deux
traites acquittées au sieur F a u c h ie r), faire valoir mes
ressources, et n’en laisser péricliter aucune.
L e sieur Jorrand’veut singulièremet abréger sa respon
sabilité. Il dit qu’il n’a été syndic que pendant l’an 12 ,
l ’an 13 , et partie de l’an 14 ; et même qu’il n’a point
de-comptes à rendre pendant ce délai, parce que les
créanciers m’avoient laissé la gestion de mes affaires.
Il y auroit bien de la mauvaise foi dans cettte objection,
si elle étoit sérieuse; c a r ie sieur Jorrand n’auroit eu un
syndicat de deux ans que pour s’approprier tout ce que
mon actif présentoit d’avantageux, et il auroit accepté
une fonction purement oisive.
Cette prétention choque la loi, qui répute tout syndic
comptable. Elle choque aussi la vérité ; car plusieurs let
tres du sieur Jorrand prouvent qu’ il géroit mon actif,
régloit et recevoit. Ainsi je n’avois conservé la gestion de
mes affaires , que comme marque honorable de confiance
>
■
de mes créanciers; mais par le fait, c’est le sieur Jorrand
qui a tout dirigé , et je ne me suis mêlé que de ce qu’il
m ’abandonnoit, et sous sa tutelle.
Ouant
à la durée du syndicat
du sieur J o rran d ', ce n’est
V
“
pas là ce qui doit borner sa comptabilité; car un bail à
ferme de neuf ans, et le marché Bouquet, d’ une durée in
définie, n’ont rien de compatible avec les deux ans du
syndicat.
Il ne faut pas non plus que le sieur Jorrand prétende
être quitte, pour avoir fait les fournitures des seuls bois
préparés pour mon compte ; il suffit qu’ il ait voulu
prendre sur sa tête le marché Bouquet, pour qu’il doive
�C 37 )
rendre compte du bénéfice dont il étoit susceptible, sans
le régler à sa manière.
T o u t mandataire doit accomplir le mandat, tant qu’ il
en demeure chargé , et répond des dommoges-intérêts
qui pourroient résulter de son inexécution (C o d e civil,
- article 1991 ).
Si cette loi peut quelquefois paroître sévère pour
celui qui est resté chargé du mandat de gré à gré , et
par oubli de s’en départir, ce n’est au moins pas pour
celui qui a voulu le retenir en croyant se l’approprier.
L e sieur Jorrand a dit en plaidant, qu’il devoit ce
procès à l’acquisition qu’il avoit faite de ma maison.
J ’ai pu etre étonné (com m e tout le m o n d e) que
lui Jorrand, déjà propriétaire de trois maisons, dont deux
au Moutier et une à À h u n , en ait acheté une quatrième.
Mais je ne comprends pas trop comment le sieur J o r
rand a pu supposer que je ne lui demandrois compte de
rien, s’il n’a voit pas acheté ma maison. C’eût été faire tort
de 5o,ooo francs à mes créanciers , et le sieur Jorrand a
oublié son rôle en laisant croire que son intention étoit
de les frustrer, en ne rendant compte de rien
L e sieur Jorrand a longuement discuté sur le contrat
d’union du sieur B erm on d, qu’il prétend ne pas etre
dans les formes voulues par les ordonnances.
Il dit « que les sieurs Bermond et Serson ne sont pas
et créanciers , parce qu’ Àubreton avoit suspendu en
« thermidor an 11 , et que leur obligation est du i5
« vendémiaire an 12. » Il ajoute qu’aucun des créanciers
n’a aiïirtrié, et que le contrat n’est pas homologué.
Quoique le sieur Jorrand connoisse à fond cette ma-
�( 38 )
tiè re , tout ce qu’il a dit à ce sujet n’est que mensonge.
Tous les créanciers ont figuré au contrat d’union.
M M . Bermond et Serson sont créanciers, parce que
leur obligation n’est qu’un arrêté de compte, suite d’un
premier titre. Tous ont affirmé leurs créances, et le
sieur Jorrand comme les autres.
Il y a eu jugement d’homologation; les sieurs Bermond
et Serson y sont parties; le sieur Jorrand sa voit tout cela
mieux que m o i , et cependant il le démentoit.
Je n’ai plus qu’un mot à répondre au sieur Jorrand.
IÎ a dit que je l’ai trompé sur l’état de mes dettes, pour
l ’engager dans mes mauvaises affaires ; et sans autre
explication il a pris texte dans ses propres paroles pour
se courroucer contre moi.
Trom per Jorrand eût été un peu difficile ; et je ne
me pique pas de faire des miracles.
Gomment ose-t-il dire que l’état de mes dettes lui étoit
inconnu? c’est lu i qui l’a dressé, et je l’ai encore écrit
de sa main! je le mettrai sous ses yeux , pour qu’il le
reconnoisse, et ne mente plus, au moins sur cet article (i).
Je n’ai pu rien dissimuler à Jorrand, puisqu’il avoit
tout en son p o u vo ir, qu’il cherchoit mes créances où
elles étoieut, et gouvernoit ma fortune comme la sienne.
Lorsqu’on se dit trompé, il faudroit un peu consulter
l’opinion publique pour savoir son secret, et surtout
(1) Le contrat d’union diminue le passif de plus de 80,000 fr.
Plusieurs des créanciers ont été tirés de la liste, notamment le
sieur Q u e y ra t, qui n’a signé le concordat que co m m e -démis
sionnaire.
�( 39 )
il ne faudroit pas s’aveugler au point de dire ce qui
choque l’évidence. Ceux qui compareront l’opulence de
Jorrand et la m ienne, demanderont ce qu’est devenue
ma fortune : on le leur dira ; et alors il est vraisem
blable que je ne passerai plus pour avoir fait une dupe
du sieur Jorrand.
Je crois qu’il faut arrêter là le cours de mes réflexions,
elles me mèneroient peut-être au delà des bornes que je
me suis prescrites; et après avoir dit que j’avois supporté
sans amertume la perte de mes biens, je serois peut-être
inconséquent. D ’ailleurs ma tache a été remplie en ren
dant un compte fidèle de ma conduite depuis l’an n :
je désire que mes créanciers me rendent la justice de
penser que j’ai voulu faire pour le mieux. Si le sieur
Jorrand a l’ infidélité de leur disputer un dépôt qui eût
dû être sacré entre ses mains, il a été de mon devoir
de m’y opposer de tou les mes forces. Maintenant, si les
Liais, les Caillas, les Pothier et les Jorrand triomphent,
je me consolerai en pensant que je n’ai rien à me re
procher, ni dans mes intentions, ni dans mes efforts,
et j’aurai la fierté de dire seul : T o u t est p e rd u , fors
l’honneur.
Signé A U B R E T O N .
Me. D E L A P C H I E R , ancien avocat.
A R IO M , de l’imp. d cT H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire»
rue des T aules, maison L a n d r i ot. — Décembre 1810.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Aubreton. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Subject
The topic of the resource
créances
fraudes
commerce du bois
construction navale
Description
An account of the resource
Mémoire pour le sieur Aubreton, receveur de l'enregistrement et des domaines en la ville d'Ahun, défendeur en assistance de cause ; contre le sieur Henry-Claude Bermond, ancien administrateur des loteries, rentier demeurant à Paris, demandeur ; et contre Louis Jorrand, notaire impérial, habitant de la ville d'Ahun, défendeur au principal ; en présence de Gaspard Bet-Bouquet, habitant de la ville d'Auzance, aussi défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
An 5-1810
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
39 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0425
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ahun (23001)
Auzances (23013)
Paris (75056)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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commerce du bois
construction navale
Créances
fraudes
-
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4dc96f115189065ff50fbcf5b0c5ec97
PDF Text
Text
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M E M O I R E
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INSTRUCTIF
D E la conteftation entre le fieur B O U T A U D ,
Curé d’Ahun ,
ET
le f i eur B O E R Y , Curé de Jarnage.
A
U mois de Juillet 17 6 8 le fieur B o er y ,
Communalifte d’ A h u n , eft pourvu de
la Cure de Jarnage. Le 30 Septembre
fuivant il fait affigner en complainte le
fieur R o u x , qui s’en étoit mis en poffeff ion. L e
2 3 Mars 1 7 7 0 il intervient Sentence d e la Sénéchauffée de Bourges , où le Sr. R o u x eft condamné
aux dépens & à la reftitution des fruits de ladite
C u re : l’un & l’autre tranfigent fur les dépens,
& pour fe conformer à l’Edit de 1 6 8 1 , ils laiffent
à leur Evêque le droit de régler la reftitution des
fruits de Jarn age, afin qu’ils foient remis à qui
il appartiendra.
Quelque temps après le fieur B o ery demande
A
�fà portion delà Communauté d’A liu n , ou il avoit
réfidé & acquitté les fondations pendant la durée
du procès de Jarnage. Les Communaliftes voyant
la juftice de fa demande, veulent lui donner fa
portion comme à l’ordinaire , mais le.fieur B o u
taud, Curé & chef d’icelle, s’y oppofe & fe char
ge feul de la conteftation.
L e fieur B o ë ry , qui venoit d’eiluyer un procès
pour la Cure de Ja rn a g e , emploie toutes fortes
ae moyens pour terminer à l’àmiàble 'avec le
fieur Boutaud , qu i, après bien dés conteftations,
cortfent que l’Evèque de Limoges en foit le juge.
Les Parties lui envoient un compromis en régie
avec des mémoires refpe&ifs. T out férieufement
examiné, il rend un jugement en bonne form e,
qui condamne le fieur Boutaud ,
adjuge iàns
difficulté au fieur Boëry les revenus de la Com
munauté d’Ahun.
Auroit-on trouvé dans le Diocefe un autre Eccléfiaftique après le iieur Boutaud aiîèz téméraire
our refufer de le foumcttre au lufdit jugement?
I avoit été rendu , tous les Vicaires Généraux
ailemblés, l’Evequc à la tete, & cela du confentement du fieur Boutaud, qui avoit donné fa pro
curation en bonne form e, a v e c promefle de s'en
tenir à leur jugement quel qu’il pût être : ce font
les termes du compromis. On peut le voir, il efl:
produit ainfi que la Sentence de l’E v c q u c , qui
cil: munie de fon Sceau, elle mérite une attention
particulière.
f
�Qnancî le fieur B oëry voulut'commnniquer au
fieur Boutaud la fufdite Sentence, il répondit
que le lendemain il fauroit par écrit fes fentiments :
en effet , il lui marque par lettre que l’Evêque
s’eft laiifé corrompre par les follicitations & les
a m is , que d’alleurs une Sentence de fa part ne
fignifie rien , & qu’il veut un A rrêt : la lettre eft
produite, elle contient bien d ’autres inepties qu’il
feroit inutile de rapporter.
T el a été le cas que le fieur Boutaud a fait de
la Sentence de fon Evêque. Cependant il l ’avoit
choifi pour fon Ju g e , il lui avoit donné bonne pro
curation, avec promefïè expreiTe de s’en rapporter
a f i n jugement, quel-qu’il pût être.
E n conféquence de ce refus , le fieur Boëry
fait aiïigner à Gueret le-i 5 Février 1 7 7 1 le fieur
Boutaud à lui remettre par provifion ce qu’il
lui revenoit fur la Communauté d’Ahun. Il inter
vint une première Sentence, qui joint le provifoire au fond ; plus une autre Sentence du 1 1
J a n v i c r i 7 7 i , qui, ayant égard à l’intervention de
quelques Habitants de la ParoiiTe d’A h u n , con
damne le fieur Boëry à reftituer les fruits de la
Communauté à la Fabrique d’Ahun , du jour de
fa prife de pofleflion de Jarnage ÔC aux dépens,
de laquelle Sentence il a fait appel au Confeii
Supérieur de Clermont.
M O Y E N S
D E
D R O I T .
Pourquoi difpute:-t-on au fieur Boëry les reveA x
�nus de la Communauté d’A h un ? c’eft qu’il a , diton , opté ceux de la Cure de Jarnage.
M ai fi l’on parvient à prouver qu’il n’a pas fait
cette option , il faudra néceiTairement conclure
que ceux delà Communauté d’Ahun lui appar
tiennent , c’eft ce qu’on va démontrer évidemment.
L e Jîcur Boëiy n’a pas opté les revenus de la
Cure de Jarnage .
Apres que le fieur Boëry a été nommé à la
Curé de Jarnage , il a fait aifigner le fieur R o u x ,
qui en étoit poilèilèur. Ce Procès a duré plus de
dix-huit mois, pendant tout Îe temps le fieur
Boëry a deiTervi la Commmunauté d’Ahun. Il
étoit fi peu décidé pour les revenus de Jarnage,
qu’il n’en a pas demandé la recréance en com
mençant le Procès, ( c e q u if e pratique toujours)
qu’elle apparence qu’il ait voulu opter alors les
revenus d’un Bénéfice en litige, & par conféquent
fort incertain pour lui? qu’elle apparence au con
traire qu’il eût renoncé aux revenus de la Com
munauté d’ Ahun ,.puifqu’il en étoit paifible poifeiTeur , & qu’il en acquittoit les charges avec
exa&itudc.
L e fieur B o ë r y , par Paifignation en complain
te donnée au fieur R o u x , a conclu, d it - o n ,
à la reftitution des fruits, mais n’eft-cc pas là la
concluiion ordinaire de tous les exploits de cette
efpece ? ôz quoique la Sentence intervenue ait
�condamné le fieur R o u x à ladite reftitution, mê
me envers le iieur B o ë r y , eft-ce a dire pour cela
quelle le force à prendre lefdits revenus ?
Si le iieur Boëry par Ton aiïignation a demande
les revenus de Jarn age, c’eft parce qu’il vouloir
les avoir : fi la Sentence intervenue les lui a
adjugés , c’eft parce qu’on a cru qu’ils devoient
lui appartenir. N e faut-il pas que ces revenus lui
appartiennent pour faire ion option ? Comment
avoir le choix de deux choies, fi elles ne font en
notre libre diipofition ? d’où l’on doit conclure
que fi le fieur Boëry a demandé les revenus de
Jarnage , c’eft qu’il vouloit en être le maître pour
faire ion option quand il feroit temps.
Aufli-tôt que le fieur R o u x s’eft fournis h. la
Sentence de Bourges ( ce qu’il a fait le i Septem
bre 17 7 0 ) le fieur Boëry s’eil accommodé avec
lui pour les dépens ; l’un & l’autre ont laiile à
leur Evêque le droit de régler la reftitution des
fruits, pour être remis a qui ils appavtiendroient.
Ce font1 les termes du compromis, c’eft-à-dire,
au fieur B o ë r y , s’il en faiioit l’option, ou à la
Fabrique de Jarn age, s’il les abandonnoit, parce
que le fieur R o u x n’y pouvoit avoir aucune pré
tention. L ’Evêque, par une fimple lettre, ayant
voulu régler à l’amiable cette reftitution à la iommc de foixante-douze livres, le fieur Boëry refuià
de fe charger de faire agréer une ii modique fom111c à la Fabrique de Jarnage, en conféqucnce, le
5 Janvier 1 7 7 1 , il fait fon départ en régie, &. d<*-
'bii
�w
Vtf
6
clare pardevant un Notaire qu’il renonce aux fruits
de Jarnage pour opter ceux de la Communauté
d’Ahun. I l ajoute, même qu’il n’a pu faire fon
option différemment, attendu que l’E d itd e 1 6 8 1
veut que 1EccUJiaflique , qui a deux Bénéfices
incompatibles , ne puijje percevoir que le revenu
de celui qu’il a dejfeiyi en perfonne.
Après un départ auili authentique fait dans le
temps, conforme à l’Edit de 1 6 8 1 , bien certifié
par une*Sentence de l’Evêque de L im o g es, ne
s’ enfuit-il pas évidemment que le fieur Boëry n’a
pas opté les revenus de Jarnage : voilà ce qu’on
avait à établir & ce qui ne fouffre.pas la moindre
difficulté.
1
Les revenus dé la Communauté d ’Ahun doivent
appartenir au fieur Bo'éiy.
L e fieur Boëry étant Communaliiïe d’Ahun
lors de fa demande en complainte de la Cure de
Jarnage , a continué de réiider en ladite Com
munauté & d’en acquitter les fondations pendant
que la Cure de Jarnage a été en litige il doit
donc en avoir les revenus : beneficium propter
officium.
L ’Edit de 1 6 8 1 , déjà cité,en défendant à un Eccléfiaftique de percevoir les revenus de deux Bénéfi
ces incompatibles , l’oblige en même temps de s’en
tenir au revenu dit Bénéfice qu’il a deilervi en per
fonne \ 6c déclare qu’il lui appartient : le iicur
�B o ëry a deifervi la Communauté d’A h u n , il ne
peut donc en être p rivé, la conféquence effc évi
dente. S ’il a pris ou voulu prendre les revenus de
Ja rn a g e , ceft à la Fabrique de cette Paroiflè à
s’en plaindre <5c à les faire reftituer, ■& non au
fieur Boutaud à lui retenir ceux de la Commu
nauté d’ A h u n , non plus que les Habitants à les
réclamer pour leur Fabrique ; il faut admettre ce
raifonnement ou fupprimer l’Edit de 1 6 8 1 , qui
feul fuffit pour décider la conteftation préfente.
D ’ailleurs quand on fuppoferoit pour un mo
ment que le fieur Boëry a perçu le revenu de ces
deux Bénéfices , jamais on ne peut le priver de
ceux de la Communauté d’A h u n , pourquoi? par
ce qu’une Communauté, telle que celle d’A h u n ,
n ’éft pas un Bénéfice proprement dit : que fait un
Communalifte ? il acquitte des fondations, tk doit
être payé en conféquence félon l’intention des
'Fondateurs; il n’a pas befoin pour cela de nomi
nation, de vifa, ni de prife de poiïeflion ; il quitte
la place & la reprend quand il.v eu t; en un mot,
dès qu’on l’admet à l’acquittement des fondations,
on ne peut l’exclure de la perception des reve
nus , eut-il d’ailleurs pluficurs Bénéfices, même
incompatibles.
Il
faut que le fieur Boutaud fc trouve autant
dépourvu de titres que de bonnes raifons, pour
-avoir fait fignificr en défenfe une lettre du lieur
Jo u a n o t, qui ne mérite pas leulement d’être lue.
Quand on en produiroit d’autres, même du Sei
�8
gneur Evêque, pourroient-elles mériter quelque
attention, Îi on les compare avec les titres les
plus authentiques, produits par le fieur Boëry. L e
départ en régie qu’il a fait des revenus de Jarnage, conforme à l ’E d itd e 1 6 8 1 , la Sentence du Sei
gneur Evêque de Lim oges, rendue avec connoik
iànce de caufe , & en conléquence dudit départ,
c’eft tout ce qu’il faut pour terminer la conteftation préfente.
L e fieur Boutaud, ne fachant plus que dire , a
la témérité d’avancer qu’une Vicairie appellée la
R och e, que pofféde le fieur Boëry, depuis plus
de 15 a ns , eii un Bénéfice-Cure; & pour le prou
ver il produit une ieule préfentation de 1 675 ,
où la Roche eft appellée vicairie perpétuelle.
Quand on fuppoferoit pour un moment que la
Roche a été Cure en 16 7 <5 , ( ce qu’on ne peut
établir par une nomination qui cil même équivo
que ) ce Bénéfice n’auroit-il pas changé de nature
depuis ce temps ? l’on fait que c’eit une maxime
certaine, fuivie dans tout le Royaum e, qu’un Béné
fice-Cure devient iimple , par trois nominations
fuivics de leur effet, avec quarante ans de poiïè£
fion : or la Roche a été poiïcdéc comme Bénéfice
f impl e, non-feulement depuis quarante ans, mais
depuis près de cent ans , comme il paroît par tous
les a&es que produit le fieur Boëry ; rien n’eft
donc fi abfurde que cette prétention du fieur B o u
taud.
D ’ailleurs , s’il veut qu’il y ait une Cure appcllée
�S7S
9
pellée Rupe Rouzil ou la R o c h e , le fieur B o ery
ne la pofféde pas. Ses provifions en Cour de
' Rom e portent qu’il eft pourvu d'un Bénéfice
f imple , appelle de faint Sebaft ien de la Roche ,
f itué dans la Paroif fe de Frameches, Bénéfice ou
ni les anciens titulaires depuis près de 1 0 0 ans
ni le fieur B o ery , depuis plus de 1 5 ans , n’ont
jamais exercé aucunes fonctions curiales, & fe
font contentés d’y célébrer
M e ffes chaque an
née , qui composent toutes les charges de ladite
Vicairie.
. _
Que le fieur Boutaud fubtilife tant qu’il vou
dra , il ne parviendra jamais à affoiblir la demande
du fieur B o ë r y , elle eft établie par les Lo ix &
étayée fur des titres les plus authentiques. Il fupplie
la Cour d’y faire attention, fur-tout à la Sentence
du Seigneur Evêque rendue juridiquement, avec
connoiffance de cau fe, & fu i la procuration
des deux Parties L e mépris que le fieur Boutaud
en a fait ne feroit-il pas l'uffifant pour faire accueil
lir la damande du fieur B o er y ; c’eft ce qu’il efpére,
fondé d’ailleurs fur la bonté de fa caufe & fur la
juftice que la Cour eft très-humblement fuppliée
de lui rendre.
B O E R Y , Curé de Jarnage.
A
C L E R M O N T - F E R R A N D ,
De l’imprimerie de P i e r r e V I A L L A N E S , Imprimeur des D omaines
du R o i, Rue S. Genès , près l'ancien Marché au Bled* 17 7 3 ,
�
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
Factums Godemel
Relation
A related resource
/files/factum-remarquables/BCU_Factums_G0301_0007.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Boutaud. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boëry
Subject
The topic of the resource
curé communaliste
cure
communautés de prêtres
incompatibilité de bénéfices
fabriques
paroissiens
prêtres
Description
An account of the resource
Titre complet : Mémoire instructif de la contestation entre le sieur Boutaud, Curé d'Ahun, et le sieur Boëry, Curé de Jarnage.
Table Godemel : Dîme : 2. deux titulaires réclamaient respectivement les revenus de la communauté d’Ahun, qui avait été adjugée à l’un d’eux par sentence arbitrale de l’évêque diocésain.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Pierre Viallanes (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1768-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
9 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_G0317
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Godemel
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ahun (23001)
Jarnages (23100)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/6/52925/BCU_Factums_G0317.jpg
communautés de prêtres
cure
curé communaliste
fabriques
incompatibilité de bénéfices
paroissiens
prêtres