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100
298
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1c9f62570528e7de10218e2c43199e65
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Factums Marie
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[Table des matières collection factums Marie]
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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CONSULTATION.
L
E C O N S E I L S O U S S I G N E , qui a v u le mémoire imprimé
,
répandu par M ich el-A m able U rio n , ancien magistrat, demeu
rant à R i o m , appelant d ’un jugement rendu par le tribunal de
police correctionnelle de C le r m o n t, le 3 fructidor an 10 ;
Contre M agdelaine C h a b r illa t, m archande de la ville de
Clerm ont-F e r ra n d , intimée ;
E t les pièces relatives à cette affaire, qui lui ont été com m u
niquées;
que la plainte rendue par le citoyen U r i o n ,
contre M agdelaine C h a b rilla t, est une algarade qui ne serait
E st
d
’AVIS
que ridicule, si elle n’était pas une diffamation atroce. L e tribunal
correctionnel de Clerm ont en a fait ju s tic e , et elle n ’aura pas
un meilleur sort au tribunal d’a p p e l, quand même la fatalité
des circonstances réduirait ladite Chabrillat à l ’impossibilité de
faire entendre sa défense : car l’absence évidente de tout d é lit,
dans les négociations q u ’elle a exécutées par commission pour
le plaignant, lui garantissent la confirmation du jugement qui
l ' a acquittée, avec
3oo
francs de dommages-intérêts. Les trib u -
naux ne s’arment pas contre des chim ères, lors même q u ’ils
prononcent par contumace.
A
�(O
A P E R Ç* U
SO M M A IR E
DES
F0A I T S .
D e quoi s’a g i t - i l dans cette affaire? U n ancien m agistrat,
ruiné par des spéculations m al c o n ç u es, sans être guéri de sa
m anie, spécule aujourd’hui sur les tracasseries judiciaires et les
procès, pour réparer sa fortune délabrée. E n essayant de vendre
le repos de ceux que leur malheureuse étoile a mis en relations
d ’intérêts avec l u i , le citoyen Urion a marché d ’un pas rapide
vers sa ruine, par des spéculations.
Sur le commerce des immeubles , par lequel il espérait arriver
à la fortune sans a v a n c e s , il spéculait sur les rêveries acadé
miques des agriculteurs de ca b in ets, qui l ’ont souvent laissé à
découvert de ses mises de fonds , loin de tripler ses r e v e n u s ,
com m e il s’en était flatté ; il spéculait sur la lo te rie , qui lu i
promettait des m illio n s , et ne lui a valu que des regrets,
Sa seule ressource, pour alipienfer des spéculations si rui
neuses , a été celle des emprunts.
'*
A in s i, il emprunte jusqu’aux frais de contrats pour ses acqui
sitions; il emprunte pour les premiers paiemens à courts délais;
il emprunte pour cultiver dans le genre systématique ; ij em
prunte enfin pour se mettre à la poursuite des ternes et des quaternes,
E t comment emprunte-t-il? Il n ’y a pas deux manières aujour
d ’hui : lettres de change à trois ou quatre mois de date; signa
tures multipliées; agiot immodéré.
II jetait d o n c , sur la p l a c e , des lettres de change à courte
échéance , endossées, tantôt par la demoiselle A r n o u x , sa bellesœ ur, tantôt par le citoyen Girard - Labatisse , son be au -frè re ;
o u , dans les premiers teins, avec sa simple signature : toujours
le nom du porteur en blanc. T r o u v e z - m o i de l ’argent à tout
prix sur ces effets, d is a it-il à la Ch abrillat, lorsqu’il voulait
les négocier i'i Clerinonf.
L a Clmbrillat remplissait ses v u e s , moyennant un droit de
�(3 )
commission convenu, et souvent elle donnait sa signature, pour
la tranquillité des prêteurs : à l ’é c h é a n c e i l fallait, ou p a y e r,
ou renouveler, ou faire des revireinens avec de nouveaux prê
teurs, et rassasier l ’agiot. Rarem ent le citoyen Urion avait des
fonds à sa disposition pour ses opérations ; et d ’ailleurs des
besoins renaissans commandaient de nouveaux emprunts : nou
velle émission d’effets négociables , nouvel agiot , nouveaux
frais de commission. L a boule grossissait à mesure, ainsi qu’elle
roulait sur l’agiot ; et en deux années et quelques mois de tem s,
depuis vendémiaire an 7 jusqu’en pluviôse an 9 , elle fut si
c h a r g é e , q u ’elle s’arrêta dans sa course.
L a catastrophe approche ; l’embarras des affaires de l ’em
prunteur Urion s’a nnonce; les protêts, faute de paiement ou
d ’acceptation, se multiplient : alors il faut en venir aux remèdes
extrêmes. L e s créanciers sont assemblés ; le bilan est déroulé :
le dénouement fut un traité d’aterm oiement, ’s igné avec le plus
grand nombre des créanciers, le 19 germinal an 9 , et homo
logué avec les refusans, le
suivant.
L à nous voyons le tableau de la situation du citoyen Urion :
la masse de ses dettes est grave ; mais il s’ en faut bien qu’elles
aient toutes été créées par l’entremise de la Ghabrillat. On n ’en
trouve
dans cette origine que pour 98,110 livres en capital, inté
rêts et frais. Urion les a toutes reconnues légitimes; et il est re
marquable que la Ghabrillat ne figure dans l’état que pour une
niodique somme de
5oo
liv re s, résultat d’un arrêté général de
c o m p te , par lequel il lui fut souscrit un effet au terme de sa
mission , le 2 pluviôse an 9. T out paraissait terminé entr’elle
et le citoyen U rio n , par le jugement d’homologation du traité
d ’atermoiement que provoqua contr’elle ce débiteur , pour la
forcer à s’y soumettre; cependant son esprit inquiet ne la laissa
pas long-tems en repos. L e
25
frimaire an 10 , il imagina de se
présenter à la justice, comme une victime de l’escroquerie la plus
effrénée de cette commissionnaire, et rendit plainte contr’elle :
mais l’impossibilité de donner du corps à des fantômes de délits
A z
�(O
que son imagination avait créés, fit bientôt abandonner cetfepremière attaque; et il essaya de se venger de ses échecs, en faisant
un procès civil à la G habrillat, au sujet de deux lettres de change,
montant ensemble à 10,000 livres, dont il voulut la rendre ga
rante envers le cit. G e r m a ix , prêteur; il succomba au tribunal
de commerce, il succomba encore au tribunal d ’appel.
L a défaite l’irrita : il jura de nouveau la perte de la Ghabrillat,
et il revient à sa plainte du mois de frim aire, q u ’il renouvelle
l e *24 messidor. L ’instruction criminelle est faite; l ’affaire est ré
glée et renvoyée à la police correctionnelle ; on en vient à l’au
dience; une nuée de témoins paraît sur l’ horison ; mais point de
charges : en conséquence un jugement du
de la plainte avec
3 oo
3
fructidor la renvoie
livres de dommages-intérêts applicables
aux pauvres, de son consentement. T e l est le jugement dont la
révision est soumise au tribunal crim inel, com m e juge d’appel
des tribunaux correctionnels; mais quelle sera l’issue des nou
veaux efforts de l’appelant ? la honte d’une nouvelle défaite.
Nous avons d i t , que dans cette bruyante affaire, il 11’y a que
de vaines déclamations , et point de délits : nous allons le
prouver.
:
§• T.”
P oin t d'escroqucric.
L a loi du 7 frimaire an 2 , qui contient une rédaction nouvelle
de l’article 3 5 , section 4 de celle du 22 juillet 1 7 9 1 , définit
l ’escroquerie, et nous y voyons qu’elle est le crime de ceux qui
• par dol , et à l’aide de faux noms, pris verbalement et sans
» signature ;
« Ou de fausses entreprises,
» Ou d’ 1111 crédit imaginaire ;
» Ou d’espérances ou de craintes chimériques ;
* » auraient abusé de la crédulité de quelques personnes, et eacroquü tout ou partie de leur fortune ».
�( s ;
O r , qu’ont de commun de pareilles manœuvres de la ruse,’
de la duplicité et de la charlatanerie, avec Magdelaine Chabrillat ? Elle a été l'intermédiaire entre les prêteurs d’argent et
l’emprunteur Urion , pour lui procurer des fonds; et elle n’a été
que, cela. Ce n’ est pas à l ’aide d’un faux nom qu’elle a surpris la
confiance; ce n’est pas non plus en alléguant de fausses entre
p r is e s ,n i un crédit imaginaire. Quel crédit faut-il pour trouver
de l’argent avec de bonnes signalures, et un intérêt au cours de
la place? Il ne s’agit pas de remuer des puissances; et certes,
si le crédit qui procure de l’argent n’avait été qu’ une jactance
imaginaire dans la bouche de la C habrillat, elle n’aurait pas à
se justifier aujourd’ hui; car elle n’aurait pas placé les effets de
l ’emprunteur Urion.
Est-elle allée le chercher à R iom , pour lui soutirer ses effets
à l’aide d’espérances ou de craintes chimériques? Non; c’est lui
qui est venu la c h e r c h e r à Clermont, pour employer son active
entremise auprès des prêteurs d ’argent. Il n’y a v a i t d a n s u n e
négociation de ce genre, ni espérances, ni craintes chimériques
à mettre en jeu.
O u me faisait espérer , dit-il , qu’en échange de mes effets ,
j ’obtiendrais de l’argent. Cette espérance n’était pas chimérique ,
et n’a pas été trompée.
On me faisait craindre , lorsque mes effets étaient échus, que
j’allais être vivement poursuivi, si je ne me pressais pas de renou
veler ou de couvrir la même dette par un nouvel emprunt. Certes,
ces craintes n’étaient pas une chimère non plus , car les porteurs
de lettres de change ne s’endorment pas au terme.
Concluons donc, que rien ne ressemble moins à /’escroquerie
que les relations de la Chabrillat avec A niable Urion.
A
3
�C 6 )
§ H.
P oin t de vol ni d'infidélité.
Des vols ! L a Chabrillat aurait-elle donc enlevé -furtivement
la bourse d’A m a b le Urion , ou son porte-feuille? N o n , on n’a
garde de lui imputer de telles bassesses. Mais A m a b le Urion lui
dit : L o rs du renouvellem ent, c’est-à-dire, lors de l’échange des
anciens effets que j ’avais souscrits, contre de nouveaux, vous avez
retiré les anciens, vous les avez gardés , vous vous les êtes ap
propriés sous des noms empruntés; double emploi de ci’éance
pour le même prêt, vol manifeste: V o ilà une imputation atroce
par sa fausseté , et par la mauvaise foi avec laquelle elle est faite.
1.° L es anciens effets , tirés par le cit. U rio n , n’ont pas été
retenus par la Chabrillat , puisque Urion a déclaré lui-même,
dans les mémoires manuscrits joints à sa production, q u ’il est
porteur de 74,55o liv. de ces elfets anciens, retirés en payant
ou en renouvelant; et que dans le nombre il y en a poui’ 40,35o
liv. endossés, et conséquemment officieusement cautionnés par
D u p ic et par la Chabrillat ;
2.° L a Chabrillat n’aurait pas p u , quand elle l’aurait v o u l u ,
faire tourner les effets anciens à son profit , en les reten ant ,
puisqu’ils étaient remplis des noms des prêteurs;
3 .°
Elle n’ en a pas profité de fa it , ni directement, ni indi
rectem ent, puisque de tous les créanciers qui ont pa ru , soit au
traité d’atermoiement, soit dans le jugement d’hom ologation, il
n ’en est aucun qui soit porteur d ’aucun effet, et qu’ils fondaient
tous leurs créances sur des lettres de change ou récemment échues,
ou qui nu l’étaient pas e n c o re , et n’avaient été protestées q u ’à
défaut d’acceptation. Comment retenir son indignation à la vue
d’une imputation , dont la calomnie artificieuse et réfléchie , est
si victorieusement démentie par le fait et par le témoignage
propre de celui qui se l’est permise ?
�(7)
Ce n’ est pas avec plus de réflexion ni de fondement , qu’on
reproche à la Chabrillat un second genre d’infidélité. A entendre
A m a b le U r io n , il délivrait des effets par torrens pour se pro
curer du numéraire ; et il ne relirait de l’argent en retour que
goutte à goutte. A peine a-t-il touché 24 à 26 milles fr. effectifs,
sur le produit de n o ou 112 milles fr. d’effets actifs ou passifs,
qu’il a négociés par l’entremise de la C h a b rilla t, dans le courant
des années 7 et 8. L a Chabrillat a retenu le reste, c’est-à-dire,
qu’elle a retenu plus des trois quarts de la recette.
On ne veut pas être cru quand on exagère de cette force ; mais
aussi A m a b le Urion ne prétend-il pas qu’on ajoute foi à ses fables,
lorsqu’il dément son mémoire public par ses mémoires manuscrits
joints au procès. T ous les effets qu’il avait mis en circulation,
en l’an 7 et en l’an 8 , avaient du être renouvelés et même plu?
sieurs fois pour la plupart ; aussi il nous apprend qu’il en a en
ses mains p o u r 74,550 liv. ; qu’il en a égaré pour 6,000 livres
retirés de Guiot - Gauthier ; et il eu r é c l a m e p o u r 1 0 , 0 0 0 livres,
encore que la Chabrillat était, dit-il, en retard de lui remettre.
O r , qui croira qu’il eût retiré ou renouvelé cett.e masse d’effets,
sans demander compte à la Chabrillat de leur produit , s’il ne
l’avait pas reçu à mesure q u ’ils avaient été négociés? Qui croiia
qu’il eût fourni de nouveaux effets pour renouveler les anciens,
ou des fonds pour les retirer , si la Chabrillat avait retenu les
trois quarts et davantage , des sommes dont les effets anciens le
constituaient débiteur? N ’aurait-il pas rompu avec elle, et jeté
les hauts cris ? Bien loin de là , le 2 pluviôse an 9 , au terme
de toutes les négociations, il compte avec elle ; il se reconnaît
débiteur de
5oo
fr. pour solde , et il souscrit un effet de cette
somme, et il fait déclarer l’atermoiemept général fait avec les
trois quarts des créanciers, commun ave c elle pour cette créance
par le jugement d’homologation.
E n voilà trop pour confondre la calomnie et pour détruire
jusqu’au soupçon des infidélités absurdes, dont elle a tissu son
roman injurieux.
�C « )
§.
III.
Usure.
•Apparemment qu’A m a lîle U rio n , quand il parle d’ usure, vent
parler de l'intérêt excessif que les prêteurs exigent des emprun
te u r s , depuis la disparution du papier-monnaie, et le retour du
n um éraire; mais sur ce point-là, qu’il s’en prenne donc aux
créanciers avec lesquels il a atermoyé , ave c lesquels il a fait
homologuer le contrat d’atermoiement ; car ce sont eux qui ont
exigé et reçu l’intérêt exorbitant qui excite sa vocifération. Quant
à la C h a b rilla t, elle n’a été que l’agent intermédiaire des négo
ciations. A propos de quoi la punirait-on de la cupidité des prê
teurs , si elle était criminelle; mais d ’ailleurs les prêteurs ne sont
pas plus à punir que la commissionnaire, quoique puisse dire
A rnable Urion. L ’argent est toujours marc handise en ce sens que
le taux de l’intérêt est absolument librej et dépend uniquement
des conventions. C ’est un malheur p u b lic , sans doute, que la
cupidité en abuse , mais la loi permet et ne punit point.
On cite à pure perle au reste, et d ’.iilleurs à contre-sens, les
décrets du 11 avril 1793, 2 prairial an 3 , et i 3 fructidor suivant.
Ces lois 11’ont d ’application qu’à la vente du numéraire m étal
lique contre assignats, qui étaient tombés alors dans un discrédit
total; et elles n’ont aucune sorte de rapport à l’intérêt ni de l’ar
gent , ni des assignats.
D ’ailleurs, ce fut la loi du 2I) vendémiaire an 4 , qui finit In
dernier étal del à législation commerciale, sur la vente du num é
raire contre assignats , et ce commerce 11e fut pas prohibé , il
fut seulement régularisé.
A u resle, ce sont là des recherches et des souvenirs purement
cpisowiquo.s, et totalement étrangers an W.nx de l’intérêl. Oublions
donc encore l'accusation d’usuro que l’on cherche à clayer sur
du» lois , et passons au dernier chef d’inculpation.
�(
9 .),
)
i :!
i
V
'
)
D éjaut de registres des négociations. Contravention aux lois
sur tâchât et la vente du numéraire.
V o u s avez exercé les fonctions d’agent de change , puisque
vous avez négocié des effets de co m m e rce , dit-on, encore à la
Chabrillat: vous deviez donc en remjjlir les obligations-, et tenir
.registre de toutes les négociations qui s’opèrent par leur entre
mise: vous n’en avez tenu a u c u n , de votre propre a v e u , vous
voilà donc coupable.
1
i’
i
.. *
Plusieurs Réponses:
y' ' ' .
i
i.° C e ne sont point des fonctions d’agent de change que la
Chabrillat a faites, car les fonctions des a^ens de change ne
sont pas de procurer des prêteurs sur lettres de change à un
intérêt convenu ; elles consistent uniquement dans les places de
co m m erce, où il y en a d’établis, ainsi qu’à des bourses, comme
à Paris , L y o n , Bordeaux, Marseille , ;etc., à faire les négocia
tions des lettres de change sur l’étranger. On peut s’en convaincre
en lisant la loi du 28 vendémiaire an 4 , invoquée par A m able
Urion. Ce n ’est que par extensionqu’o n y ajoute les négociationsdes leltres de change de place en place, dans l’intérieur, sur
les villes de commerce où il y a bourse. L e but de ce règlement
de police commerciale est de iixer le cours du change pour
chaque pays et pour chaque place , mais sans aucun rapport
quelconqueanx prêts d’argent, qui se font sur leltres de change,
tirées par remprunteur. Or , c’est uniquement de ce dernier
genre de négociation que la Chabrillat s’est mêlée; d’où il suit
que les réglemens relatifs aux agens de change, lui sont com
plètement étrangers.
a .0 Q u’011 lise et qu’on relise la loi cité e , on 11e verra dans
�aucun de ses articles, l ’obligation imposée aux agens de change
qu’elle c r é a , en supprimant leurs prédécesseurs, de tenir in
dividuellement aucun registre des négociations qui s’opéraient
par leur entrem ise, sous aucune peine quelconque; la loi avait
pourvu par d’autres m o y e n s , à la sûreté des négociations.
E n fin le citoyen Urion ne s’entend pas lui-même lorsqu’ il
reproche à la C h a b rilla t, com m e un d é l i t , de l’avoir s e r v i,
dans l ’échangé de ses effets contre du numéraire : et c’est un
c r im e , à ses y e u x , qui mérite la peine des fers. P our toute
r é p o n s e , nous le renverrons au x lois q u ’il invoque , et nottam m ent à celle du 28 vendémiaire an 4 , qui est la dernière
de toutes. Q u ’il les lise et les relise, il y verra que la vente
de l ’argent contre des assignats était réputée a g io ta g e , lors
q u ’elle se faisait à terme ou à 'prime. Il y verra q u ’aucune
,
vente de ce genre ne pourrait avoir lieu qu'au c o m p ta n t
sou s les peines les plus sévères. M ais q u ’a cette sévérité de
com m un , encore une fo is , avec les emprunts faits par la
C habrillat, sur lettres de c h a n g e , pour le compte du citoyen
U rion ?
,v n
'
x
A in si s’évanouissent tous les délits imaginaires dont A m able
r
Urion a vo u lu noircir la réputation de la Chabrillat. Son in
nocence de tout crime caractérisé tel par la l oi , reste; et par
conséquent la confirmation du jugem ent du
3
fru c tid o r, qui
l ’a p ro c la m é e , ne saurait faire la matière d’un doute.
D élibéré à C lerm ont-F erran d , par les jurisconsultes sous
signés, le premier nivôse , an onze.
BERGIER,
A
ABRAHAM.
RIOM, DE L ’IMPRIMERIE DU PALAIS, CHEZ J.-C. SALLES.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Chabrillat, Magdelaine. An 11]
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Bergier
Abraham
Subject
The topic of the resource
diffamation
créances
agiotage
escroqueries
usure
lettres de change
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Consultation [Michel-Amable Urion contre Magdelaine Chabrillat]
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De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
Circa An 9-An 11
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
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BCU_Factums_M0743
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Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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Clermont-Ferrand (63113)
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agiotage
Créances
diffamation
escroqueries
lettres de change
Usure
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f9f4909c7da0dee44b5860151503591f
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Text
PRECIS
COUR
D ’A P P E L
POUR
DE RIOM.
La dame D E M A R I O L , et les sieurs D E
V É N Y et D E R I B E Y R E , cnfans et
héritiers de la dame d e V i l l e m o n t , appelans;
C O N T R E
L e sieur R I X A I N , intime.
L e sieur Rixain, fermier de la dame de Villem ont, lui avoit
fait souscrire, en l’an 2 , une obligation de 26000 fr. Légitime
ou n o n , cet engagement auroit été respecté par les appelans,
si le sieur Rixain se fût borné à suivre le sort de son propre
titre : mais l’obligation étant en assignats, le sieur Rixain a pré
tendu q uelle avoit une cause antérieure à leur émission ; e t ,
pour le prouver, il a fallu qu’il reproduisit tous ses payemens
A
�r 2 )
et objets de répétition. Ce nouveau compte établit clairement
aujourd’hui que le sieur Rixain n’a payé que quatre années de
ferme au lieu de six ; et les héritiers de Villem ont réclament les
deux années qu’il doit. Voilà ce qui semble au sieur Rixain ex
trêmement injuste. Il ne prouve pas cependant qu’il ait payé ; mais
il se retranche sur l’acte de l’an 2 , qui n’expliquoit rien , et q u i,
expliqué et dénaturé par son fait, n’est plus un titre pour lui-méme.
FA IT S .
L e 26 mai 1787, la dame de Villem ont donna à ferme au
sieur R ixain , pour n eu f ans à compter du i er. mars 1788,
les trois terres de V illem ont, T e ix et Montrodès, moyennant
17600 francs.
L e même jour il fut d it, par une contre-lettre , que la dame
de Villem ont résilieroit le bail de la terre de Villem ont si scs
enfans lui payoient ses reprises, et que l ’indemnité seroit de
1200 fr. par chaque année à courir.
L e i 5 avril 1789, le bail fut résilié pour la terre de T e ix , et
il fut dit que Villem ont resteroit affermé 8000 fr. et Montrodès
pour 4000 francs.
Le 26 février 179 3 , la dame de V illem ont, remboursée par
ses enfans, signifia un congé au sieur Rixain , et lui offrit
4800 fr. pour l’indemnité de quatre ans.
Les parties com prom irent; et par jugement du 7 juin 1793,
les arbitres , jugeant le congé venu à tard, déclarèrent le bail
résilié au i cr. mars 1794» et condamnèrent la dame de Villemont à payer 56oo fr. pour trois années de non-jouissance ; ils
ordonnèrent une plus ample contestation sur des demandes contre
le sieur R ixain , pour dîm es, dégradations, e t c . , dues à la dame
de Mariol et au sieur de Teix.
Ce jugement fut signifié au sieur Rixain , avec commande
ment de payer à la dame de Mariol et au sieur de Theix.
Le 23 ventôse an 2 , le sieur Rixain fit à la dame yeuve de
�(3 )
Villemont sommation de payer la somme de 36oo fr. , et ré
clama de plus 28632 liv. 2 sous 5 den. par lui surpayés, dit-il,
après avoir payé les six années de sa ferme ; total, 32262 liv.
2 sous 5 deniers.
Le 4 messidor an 2, il fut fait arrêté de compte dans lequel
on fait dire à la dame de Villemont qu’après avoir examiné le
dit co m p te, et discuté tant à raison du dédommagement par
elle dû des objets supprimés par les décrets qu’autrement, elle
a trouvé un excédant de 6262 liv. 2 sous 5 deniers.
En conséquence de quoi la dame de Villemont se reconnut
débitrice de 26000 fr. pour solde de tout compte.
Il fut ajouté qu’elle avoit fait compte à Rixain de la nonjouissance de Montrodès pour trois ans , et q u e , comme ses
sous-fermiers refusoient, dit-il, de payer, à cause des suppres
sions féodales, il étoit autorisé à faire avec eux des ventilations,
après quoi il se payeroit par ses mains de sa créan ce, en rece
vant de ces so u s-ferm ie r« ce qu’ils devroient.
Cette dernière clause annonçoit assez com bien la dame de
Villemont se mêloit peu elle-méme des comptes du sieur R ixain,
et le laissoit maître de tout régler lui-même. Quoi qu’il en soit,
le sieur Rixain dit ayoir traité avec ces sous-fermiers, et reçu
4972 francs.
La dame de Villemont étant décédée en l’an 4 , le sieur Rixain
assigna, en l’an 6, ses héritiers en payement des 26000 francs,
montant de l’obligation , et des arbitres furent nommés. Ils ren
dirent un jugement arbitral le 21 pluviôse an 6. Comme il est
la base du procès a c tu e l, il est important d’en connoltre les
détails et les dispositions.
Les héritiers de Villem ont, voyant un règlement fait par leur
jnère, contenant obligation, à la date de l’an 2 , en demandoient
la réduction.
Le sieur Rixain répondit que tout ce qu’il avoit payé étoit
antérieur aux assignats , et qu’il étoit prêt à l’établir par les
anciens comptes et pièces qui étoient en son pouvoir.
A 3
�(4)
En conséquence, et cTaprás sa réclam ation, les arbitres re
viennent à un compte général sur le vu de trois comptes des
i er. ju illet, 20 décembre 1790, et 2 janvier 1791; et le nouveau
compte donna le résultat suivant :
i°. Le sieur Rixain a payé, d’après ces trois états, 62263 f. 46 c.Sur quoi il deyoit, pour quatre ans de ferm e
alors échus.......................................................................48000
»
D onc il étoit alors créancier de.........................14263
20. Il a payé,depuis ladite époque de janvier 1791
jusques au mois de mai 1793 , 804$ fr.
Ces 8045 fr. sont réductibles, et valent............... 5 g 8a
46
■>*
3 °. Il reste, pour atteindre l’obligation, 5691 fr.
Cette somme est rédu ctib le, et vaut.....................
T o t a l de c e qui est dû au sieur Rixain . . . . .
—
1x10
35
a i 355
81
i-.w
Sur quoi il a reçu des fermiers 4972 fr. , et il a payé 258 fr;.
au n otaire, pour frais de l’obligation de l’an 2.
Et d’après ce compte nouveau, les arbitres, n’ayant à juger
que l’obligation , condamnent les héritiers Villem ont à payer
cette somme de 2i555 fr. 81 cent. , et néanmoins à déduire
4972 fr. imputables sur les intérêts et sur les 268 fr. payés au
notaire.
Le sieur Rixain interjeta appel de ce jugement ; m a is, sur
l’a p p e l, le jugement arbitral fut confirmé le i 5 pluviôse an 8,
Le 29 ventôse su iva n t, les héritiers de Villem ont firent si
gnifier ces jugemens , et , en se reconnoissant débiteurs de
¡21355 f r . , ils dirent que cette somme étoit compensée et au
d elà, i°. avec les 4972 fr. reçus par Rixain; 20. avec 24000 fr.
par lui dûs pour deux années de sa ferme , non comprises au
compte ; et lui firent sommation de payer l’excédant.
Néanmoins le sieur Rixain jugea à propos, le 6 nivôse an 10,
<le faire aux héritiers Villem ont un commandement d’expro
priation. Ils en demandèrent la n u llité, de même que la main-
�( 5y
levée d’une inscription par lui faite en l’an. 7 , de 34200 francs.
Par jugement du tribunal de Riom , du 6 floréal an 12, con
tradictoire seulement avec deux d’entr’ê u x , ils furent déboutés
de leur demande.
M O Y E N S ,
L e sieur Rixain n’en a <ju’un s e u l, et il le reproduit sous
toutes les faces possibles : c ’est aussi sa réponse à toutes les
objections.
J’a i , d it-il, ime quittance finale du 4 inessidor an 2.
Cela est v ra i, ou plutôt cela étoit vrai. Mais il l’a lui-méme
annullée en exigeant un nouveau compte.
Sans doute il pouvoit s’en prévaloir ; et quoique ce fût un
acte d’aveuglem ent, né de l’aspérité des tem ps, il auroit eu
le droit de se prévaloir de son obscurité même , et de réclamer
26000 fr. , s il se iYit borné à les vouloir à l’éclielle.
Mais le désir d’avoir davantage l ra rbrce à représenter toutes
ses pièces comptables pour vérifier les époques de tous ses payejnens et objets de répétition quelconques : et alors les arbitres,
mentionnant ce qu’ils ont v u , transcrivant le résultat de ses
propres com ptes, ont écrit qu’il n’avoit payé en total que 62263 fr.
dans tout le temps de sa ferme.
D ’après cela il est aisé de savoir si les six années de cette ferme
ont été payées. Les arbitres ont très-clairement porté en compte
quatre années, et s’ils en avoient porté deux autres, on les trou
verait également.
Il faudroit sans difficulté que ces deux années fussent com
prises dans les 8046 francs ou dans les 36g i francs; mais cela
est impossible. Dans la première somme sont les 56oo francs
portés par le jugement arbitral du 7 janvier 1793 :■le sieur Rixain
l ’avoue ; il dit avoir payé le surplus.
Quand il l’auroit p a y é , ce ne pouvoit être qu’à compte des
deux années de sa ferme. C a r , quoi qu’il puisse d ire , il faut
�b ie n , dans un compte où il porte tout ce qu’il a p a y é , tout
ce qu’il a à répéter , à quelque titre que ce soit, qu’on trouve
tout ce qu’il devoit.
O r, on voit que la masse de ses payemens et autres objets,
est composée de trois articles ; et on ne voit sur le total qu’une
seule déduction de 48000 francs pour quatre années de ferme ;
donc deux années sont oubliées.
M ais, dit le sieur R ixain , si les arbitres n’ont pas dit que ces
deux ans sont p a y é s, ils n’ont pas dit non plus qu’ils ne sont
pas payés.
Ce n’est là qu’un jeu de mots ; car un fermier qui devoit six
ans de ferme , et qui porte en compte tout ce qu’il a payé en
six ans, tout ce qu’il prétendoit réclam er d’ailleurs, devoit dé
duire les six ans de sa ferme avant de se dire créancier. -S’il
n’en a déduit que quatre, il n’en a payé que quatre ; et par con
séquent c ’est avoir dit suffisamment qu ’il en doit deux.
A c e t t i démonstration le sieur Rixain objecte que les arbitres,
en déduisant les 48000 fra n c s, n’ont parlé que des quatre ans
échus en 1791.
Mais qu’importe l’échéance, lorsque les deux années suivantes
ne se trouvent pas mentionnées. C a r , encore une fo is , si elles
11e sont pas comprises au co m p te, le sieur Rixain les doit.
Le sieur Rixain , qui ne s’est pas dissimulé la nécessité de
retrouver ces deux années, veut les laisser apercevoir dans une
prétendue indemnité dont le compte des arbitres 11e parle pas,
et avec raison.
J’a i , d it-il, açquité ces deux années par compensation avec
les indemnités qui m’étoient dues pour 1791, 1792 et 1793. E t,
pour établir quelques données sur ce moyen , le sieur Rixain
calcule quelques produits des terres de Villemont et Montrodès.
En un seul mot l’obscurité qu’il a voulu jeter sur cette partie
se dissipe : il devoit 12000 fr. par a n ; qu’il suive son propre
calcul, et il verra qu’il est encore loin d’avoir payé deux ans
pa r compensation.
�f .7 )
Au fait, cette indemnité a’étoit presque rien. Villemont devo't
beaucoup de cens, et le sieur Rixain les a gagnés. En 1791 il
n’a perdu que les banalités s’il y en a v o it, car les autres droits
féodaux n’ont été supprimés qu’en 1792. Il avoit même été
formé contre lu i, en 179J, une demande en indemnité de la
dim e, fondée sur la loi du 14 avril 1791.
En l’an 2 il a déclaré avoir été payé de l’indemnité pour
Montrodès ; et il est de principe que les déclarations contenues
en un acte annullé subsistent.
Au lieu de prendre tant de peine pour persuader <jue les
deux années omises sont dans le compte ai'bitral, sans qu’on
les y aperçoive , le sieur Rixain n’avoit qu’une chose à faire ,
c ’étoit de reproduire ses acquits de 1791 à *795. Car il a tout
exhibé aux arbitres , et il est encore nanti de ce qui peut
prouver qu’il a payé. Un galant homme doit toujours être prêt
à revenir à compte.
Forcé d’avouer que 1« juCement arbitral de l’an 6 est au
jourd’hui le seul titre de la cause 7~Te sieur Ilixaln y cherche
encore une objection; il dit aux héritiers de Villemont : Si vous
étiez créanciers, pourquoi vous borniez-vous à demander une
réduction à l’échelle?
Mais ce n’est-là qu’un cercle vicieux pour remonter à l’acte
de l’an 2. O r, on le répète au sieur Rixain , c’étoit à lui à
adopter cette restriction ; et s’il a couru le hasard de vouloir
un nouveau compte , il ne peut s’emparer de deux chances ,
et revenir à ce qu’il il détruit.
Quand les arbitres ont lu ses pièces et refait un compte ,
les sieurs de Villemont ne pouvoient qu’en attendre le résultat,
et n’avoient pas le droit de se mêler à la délibération des ar
bitres, pour prendre des conclusions sur le résultat même de
leur jugement.
Mais aussitôt qu’ils ont vu , par ce jugem ent, que le compte
nouveau ne portoit en compte que quatre ans de ferm e, ils
�( 8)
ont réclamé les deux ans restans, par la signification m ême du
jugement confirmatif.
Rien n’est donc mieux établi que leur droit de s’opposer à
une expropriation commencée pro non debito. Il est de prin
cipe qu’après un compte les omissions donnent droit à une ré
clamation postérieure, sans qu’il soit besoin d’attaquer le pre
m ier compte qui contient l’omission. ( V . la loi 1ere. ff. quæ
sent, sine appell . , et l’article 21 du titre 29 de l’ordonnance
de 1667. )
La compensation s’est opérée de plein droit avec la créance
du sieur Rixain. Son bail est exécutoire contre lu i, et il n’a pas
fallu former une demande judiciaire.
Quant au com m andem ent, il est nul en la forme contre la
dame de M ariol, qui n’avoit de domicile de droit que celui de
son m ari, à M ariol, et q u i , assignée à C l e r m o n t , n e l’a été
à personne ou domicile.
L ’arrét de cassation invoqué pour éluder cette nullité , ne s’y
applique pas. Un cohéritier, poursuivi seul, ne pouvoit exciper
du droit d’autrui ; et c ’est pour cela que l’expropriation faite
contre lui fut jugée valable. Mais ici on a mis en cause la
dame de Mariol ; et dès-lors elle a droit de se prévaloir des
nullités qui la concernent.
M e. D E L A P C H I E R ,
Me. G O U R B E Y R E ,
avocat.
avoué.
A R IO M , de l'imprimerie de L a n drio t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Janvier 1 8 0 6
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. De Mariol. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Gourbeyre
Subject
The topic of the resource
bail
contre-lettre
indemnité pour congés
ferme
assignats
Description
An account of the resource
Précis pour La dame de Mariol, et les sieurs de Vény et de Ribeyre, enfans et héritiers de la la dame de Villemont, appelans ; contre le sieur Rixain
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1787-1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0742
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0327
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Orcines (63263)
Villemont (terre de)
Teix (terre de)
Montrodeix (terre de)
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bail
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ferme
indemnité pour congés
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M É M O I R E E N RÉPONSE
POUR
A n t o i n e V A R A G N E , et a u t r e s , in t i m é s;
CONTRE
P l E R R E - I S RAEL R O L A N D
Toi n e t t e -G a b r ie lle
R O L A N D , e t le sieur G R O S son m a ri} appelans.
L e
père du sieur Roland avait trompé les mineurs
V ara gne et les avait dépouillés de tout leur patrimoine;
l e sieur Roland et la dam e Gros se plaignent aujourd’hui
de ce qu’ un Varagne les a trompés à son tour pendant
q u ’ils étaient mineurs, et a re p ri s ses biens. Si cela était
v r a i , il faudrait remonter à la source et ne tromper
personne; mais ce n ’est pas ainsi que les adversaires l’en
tendent; ils veulent bien rétrograder jusques avant la 2.0
époque, mais non jusqu’à la première, c ’est-à-dire, q u ’ils
veulent retenir ce que leur père avait pris. A la vérité
ils sont obligés de convenir que son usurpation n ’était
A
�(
2
)
pas la cliose du inonde la plus solide; mais au m o y e n
de quelques prescriptions et péremptions ils espèrent la
légitimer. 11 faut croire au contraire q u ’une oeuvre d'ini
quité et de ténèbres ne prévaudra pas contre une transac
tion sage et prudente qui en effaçait la turpitude; et la
publicité m ê m e que les héritiers Roland ont voulu
m et tre à celte cause, ne prouvera que m ie ux à la C o u r
q u ’ils n’avaient pas m ûrem en t r é f l é c h i , quand ils ont
voulu blâmer ce q u ’avait délibéré leur famille, pour co u
vrir le passé et leur rendre justice.
FAITS.
L e 18 septembre 1747» le sieur Pierre Roland avait
v e n d u à Géraud V a ragn e un domaine appelé de F l e u r a c , m oy e n n a n t 12,000 francs. Il fut dit que V a ragn e
demeurait quitte du prix, au m o y e n de ce qu'il créait
et constituait au profit du sieur Roland une rente do
5 oo fr. par a n n é e , paya ble en deu x termes, jusques au
remboursement des 12,000 fr.
G éra u d Varagn e mourut en 1 7 6 2 , laissant trois enfans
m in e u r s , A n t o in e , M aria n ne et Sébaslien.
11 avait pa yé la rente de 5 oo fr. a v e c la plus grande
e x a c tit u d e , et on serait hors d ’élal d ’é l a b l i r q u ’il eût
laissé pour un sou de dettes. Ses enfans devaient donc
être à l ’abri de l'inquiétude.
Mais le sieur Roland 1 egretIait singulièrement le
domaine de Fleurac qu'il avait vendu , disail-il, à trop
bas prix , et que le b o n étal où l ’avail mis l ’acquéreur
�( 3 3
lui faisait encore envier davantage. L a mort de cet ac
quéreur lui fournit le prétexte de se remettre en pos
session en expulsant ses enfans. Abandonnés d e t o u t l e
m o n d e , ils ne pouvaient l ’ en em pêclier, et d ’ailleurs ils
n'ont jamais été informés des diligences q u ’il pouvait
faire; c est seulement après sa mort et par la remise
qu on leur a faite de ses procédures^ q u ’ils ont connu
celles dont ils vont rendre compte.
L e sieur Roland fit n om m er un tuteur aux d eu x
puinés; et c o m m e A n toin e Var agn e avait déjà 16 ans,
il le fit ém an cip er, c ’es t-à-dire, on présenta sous son
nom une requête au juge de Fleurac , le 20 décembre
1 7 5 2 , pour demander son émancipation (1).
Ap rè s ce la , le 16 février 1 7 5 3 , le sieur R ol and as
signa ledit A n t o in e V a ra gn e et le tu te u r de ses frère et
sœur , pour lui p aye r 2 5 o f r . , la seule som m e à lui due
pour le terme d ’ une dem i-a nn ée de sa r e n t e , échu e
depuis la mort de Gér a 11d Varagne.
Une sentence par dé fa ut , obtenue le i . er mars 1 76 3,
adjugea ces conclusions, et condamna les mineurs à dé
clarer de suite s’ils entendaient ou non être héritiers
de leur père.
Cette sentence était sans doute bien inutile pour m o
tiver l’ usurpation du d o m a i n e , et le sieur Roland le
sentit bien. Il chercha à persuader A ntoin e Va ra gne
( 1 ) A i n s i il n’était p a s m a r i é a v a n t la m o r t de son p o re
et
é m a n c i p é p a r le m a r i a g e , c o m m e le disent les a d v e r s a ir e s à la
fin d e la p a g e 1 7 d e le u r m é m o ir e .
À 2
�v
A ( 4 )
qu'il n’avait pas d ’ intérêt à conserver un bien où il pas
serait sa jeunesse pour partager ensuite son industrie
a v e c d eu x enfans en bas âge ; un jeune h o m m e de
dix-sept ans n ’est pas bien difficile à séduire. D e u x cents
francs que le sieur Roland lui pr om it, achevèrent de lui
tourner la tô le: il promit tout ce q u ’on voulut.
E n conséquence le 24 mars 17 5 3 , le sieur Roland
assembla cinq cultivateurs sous le titre d’ une assemblée
de païen s, auxquels le jeune V a r a g n e représenta, à ce
qui y est d i t , que le domaine de Fleu rac lui serail plus
onér eu x que p r o iit a b l e , que son père l ’avait acheté
trop c h e r , n ’avait pas m ê m e pu pa ye r les droits de lods ,
q u ’à la vérité il avait acquitté la r e n t e , mais que c ’était
en contractant plusieurs dettes passives, et que son père
en avait conçu un v if ch a g rin , q u ’il croyait avoir été
cause de sa m ort, que m ê m e , en m o u ra n t, il lu i avait
conseillé de supplier le sieur R o la n d de reprendre son
d o m a in e- d ’après quoi il voulait suivre ce conseil, et
renoncer a la succession de sondil père.
a i Drès
cet acte de piété liliale, dans lequel le souf
fleur se fait assez r e m a r q u e r , il était question de pren
dre l'avis de trois païens paternels et trois maternels
qui avaient été assignés la veille 5 leur délibération ne
doit pas être passée sous silence.
L e s trois pareils maternels volent pour tout ce qui
est d e m a n d é , c ’est-à-dire, l ’abandon et la ré pudiation,
quoique l ’ un fût
l'opposé de l’autre ; mais le sieur
Roland avait voulu tout prévoir.
D e s trois pareils pate rn el s, l ’un ne vint pas, parce
�( 5
q u e , dil-on , il était malade;
de ce qui se passait, et ne
l ’expoliation de leur n e v e u
)
les autres d e u x , indignés
voulant pas participer à
, déclarèient q u ils ri en
tendaient pas q u 'il abandonnât, le dom aine , n i q u U
répudiât. C e l l e réponse est consignée en l ’acfe.
Cependant le j u g e , considérant que les parens m a
ternels étaient en plus grand n o m b r e , homologua la
délibération desdits trois parens maternels, el h o m o
logua m êm e celle du curateur qui n ’avait rien dit.
C o m m e An to ine Vara gn e avait bien rempli, son
rôle , le sieur Roland lui donna le lendemain , non
pas précisément la somme promise, mais un billet de
200 francs, payable da n s h u it ans s e u lem e n t, c ’esti'i-dire , à sa majorité , aiin que si alors il voulait
se p ou rv oir , le sieur Roland p û t au moins sauver
l ’argent.
M u n i de cette hom olo ga tion, le sieur Roland crut
en avoir assez fait pour mettre son usurpation en évi
dence , et par acte du 27 avril 1 7 5 3 , il donna à ferme
à un étranger le domaine de Fleurac ; e t , s’il faut en
croire les adversaires, il poussa le nim.ia precautio jus
q u ’à faire signer com m e tém o in s, le curateur et le
mineur de dix-sept ans.
Cependant, le sieur Roland ne pouvait se dissimu
ler q u ’il avait fait une mauvaise pro cé du re , et que
les pupilles V a r a g n e , n ’étant pas m ê m e nommés dans
l ’avis des trois p ar en s, auraient un jour à réclamer
contre lui des restitutions de jouissances; il s’agissait
donc de porter remède à ce danger. Depuis plus de
�(
6
)
trois ans il était en possession du d o m a in e , et avait
tr ouvé
fout en bon état ; mais un e vieille grange
lui sembla un prétexte suffisant pour ce q u ’ il avait à
faire.
L e tuteur étant m o r t , le sieur R o la n d en fit n o m
m e r un second le 24 mars 1 7 5 6 , et présenta une r e
quête dans laquelle il exposa que les enfans V a r a g n e ,
a y a n t déserté le domaine , avaient laissé Le tout en
très-mauvais état ; qu'il avait été forcé de préposer
des gens pour la c u l t u r e , afin d ’éviter le dépérisse
ment ; que Le nouveau tuteur ne prenait non p lu s a u cu n
soin pour jouir du domaine.
E n conséquence il dem anda permission d ’assigner
A n t o i n e V ara gn e et le t u t e u r , savoir au provisoire
p o u r faire constater Yétat de La g ra n g e, procé der au
bail à rabais des réparations, et au f o n d s , pour v o i r
dire que la ven te de 1 7 4 7 serait rés iliée, et q u ’i l serait
autorisé a reprendre la propriété d u d it dom aine , et
aussi pou r être conda m nés à payer la rente de 5oo f ,
ju s q u ’ à ce q u ’ il sera rentré en ladite propriété.
L e 5 mai il obtint une sentence provisoire qui lui
permit de faire constater les ré p a r a t i o n s - e t aussi p r o
digue de formalités pour c e l l e inutile précaution , q u ’il
en avait été avare en s'emparant de to ut, on co m p t e
d ix -ne u f pièces de p r o c é d u r e , affiches ou exploits entre
sa requ ê te , et u n e sentence du i . er juin qui adjugea
le rabais à 1,246 fr.
Ces réparations, c o m m e on le v o i t , n’avaient été
nécessaires que pou r un seul des b â l i m e n s , et il était
�( 7 )
singulier q u ’après trois ans d ’usurpation, le sieur R o l a n d
s’avisât de s’en prendre aux V a ragn e qui n’avaient joui
que de 1 7 4 7 à 1762.
Q uoiq u’il en soit, après celt e sentence provisoire,
le sieur Roland en obtint une seconde le 29 s e p t e m
bre 1 7 5 6 , q u i, adjugeant les singulières conclusions
de sa r e q u ê t e , déclara La vente de 1 7 4 7 résolue, lui
permit de rentrer dans la pr op riété , et condamna le^
Varagn e au paiement des arrérages j u s q u à sa rentrée.
Cependant les collecteurs, plus justes que l u i , s’obs
tinaient à ne pas vouloir changer la cote d ’impositions,
malgré son bail à ferme et sa nouvelle procédure; en
c o n s é q u e n c e , avant de laisser terminer le répai lement
de 1 7 5 7 , le sieur Roland présenta une requête à l ’ i n
tendance pour se p lai ndre de cette insubordination ;
et c o m m e il avait une charge à privilèges, il demanda
nne cote d ’office, m odérée suivant le produit du b ie n ,
qui à peine s’élevait, disait-il, d ’après son b a i l , à cinq
cent cinquante fran cs : a v e u , q ui, çn matière de sur
ta u x , où on n’exagère pa s, fuit assez voir co m bie n
peu V a r a g n e , cultivant par ses m a i n s , avait dû être
grévé en payant 5 oo fr.
Sans d o u t e , Antoine V a r a g n e , de ve nu m aj e u r , ne
vo ulut pas accéder aux propositions qui lui furent
faites; car le 23 décembre de la m ê m e a n n é e , le
sieur Roland le lit assigner, ainsi que le tu te u r, pour
voir déclarer les sentences du i . er mars
1 7 5 3 et 29
septembre 1766 rendues con tre eu x -m ê m e s, en con
séquence, e s t - il
d i t , se voir condamner à p a y e r ,
�(S )
1.° s 5 o fr. portés p a r l a p r e m i è r e , et 33 fr. de dix ièm e;
2.° 1,246 fr. pour le montant du bail à rabais. L e 20
fé vrier 1768 , il surprit une sentence adjudicative.
V a ra g n e en interjeta appel.
C et acte im p r évu dut déconcerter le sieur R o l a n d ,
qui sans doute chercha à renouer l ’a c c o m m o d e m e n t ,
et à gagner du tems. C e qui le p r o u v e , c ’est que na
turellement le plus pressé, parce q u ’il était créancier
et d e m a n d e u r , il se contenta de se présenter le 19
avril 1 7 6 8 , et garda le silence pendant trois ans.
Ap rès cette é p o q u e , il dressa le 18 juin 1 7 7 1 un
exploit de demande en pé rem ption , et il est démontré
par écrit q u ’il n ’y eut pas de copie re m is e , ou si on
v e u t que l ’huissier ne la donna pas. Aussi ne fut-il
pas difficile au sieur R ola nd , de surprendre , le 28
août 1 7 7 2 , une sentence par défaut qui déclara l ’ap
pel périmé. Mais cette p é r e m p t i o n , c o m m e on vo it,
était peu i m p o r t a n t e , puisque la sentence de 1768
n e portait que des condamnations pécuniaires , et
ne disait rien de la ré s o l u ti o n , déjà prononcée en
1756.
A peine Ma rg ue ri te V a ra gn e fut-elle m a j e u r e , que
le sieur Roland , toujours inquiet sur sa p r o c é d u r e ,
chercha ;'i obtenir d ’elle un acquiescement aux sen
te nc es, et par acte du 16 février 1 7 7 3 , il paraiL q u ’il
lui extorqua cet acqui esc em ent, sans prix.
l i e sieur Roland mourut le 3 i juillet de la m ê m e
a n n é e , et toute la peine q u ’il avait prise pour êlre
riche
�C9 )
riche n e Fempêcha p a s , à ce que disenl les a d v e r
saires, de laisser des delles. I l avait fail un teslament
par lequel il instituait celui de ses enlans qui serait
é lu par un conseil de famille.
Ant oine Varagne ne redoutant plus le sieur Roland
niort, avait déjà annoncé q u ’il allait interjeter appel
de la' sentence
de 1 7 5 6 , s’inscrire en faux contre
l'exploit de 1 7 7 1 , et réclamer les restitutions de jouis
sances de vingt-un ans, tant de son c h e f que c o m m e
cédataire de Sébastien son frère, et m êm e du c h e f
de Marianne sa sœur , en se faisant subroger.
C e l le réclamation était si pe u difficultueuse , que
le conseil de famille, composé des hommes les plus
éclairés, 11e trouva rien plus expédient que de rendre
le domaine , et de
jouissances.
tâcher d ’obtenir la remise des
E n conséquence , An toin e Varagne traita le 3 o oc
tobre 17 7 3 avec le tuteur des enfans R o l a n d , auto
risé du conseil de famille. Après l ’exposé de ses pré
tentions , l ’acte porte
q u’il reprendra le
domaine
vendu en 1 7 4 7 , et que le prix principal d e l à vente ( i)
demeure fixé c o m m e ’alors à 12,000 francs et 72 fr.
d etrennes. Varagne pa ya de suite 2,472 fr. , et le
surplus fut dit payable à termes annuels de 1,600 fr.
et de 1,000 fr. sauf l’intérêt jusqu’au paiement. A u
m o y e n de quoi le tuteur remit à Vara gn e les pr o-
( 1 ) L e s a p p e l a n s a v a ie n t dit renie, p a g . 8 d e le u r m é m o i r e :
e r r e u r q u i influerait s u r les m o y e n s d e ré so lu tio n .
B
�C 10 )
cédnres et se nten ce s, et le subrogea à l ’acte passé le
16 février précéd en t a véc Ma ri a nne V a r a g n e , à ses
risques et périls. Et c o m m e le sieur Roland pouvait
a v o ir déjà d ém em b r é le d o m à in é , le conseil de famille,
toujours p r é v o y a n t , fit stipuler, pour év iter les recours,
que s’il y avait des ventes au-dessous de 3 oo francs,
V a r a g n e n ’aurait rien à d e m a n d e r ; m a i s 'q u e si elles
excédaient celt e som m e , il répéterait le surplus du
' prix seulement.
E n vertu de cet a c t e , A n l o i n e V a r a g n e se mit in conlinent en possession de son dom aine , et pa y a ré
gulièrement d eu x à -co m p t e s au t u t e u r ; dès la pre
m ière q u il t a n c e , on vérifia quelles ventes le sieur
R ola nd avaient passées, et elles se trouvèrent d ’ un
pré de trois j o u r n a u x , et de partie d’ un autre pré.
C o m m e les d eu x actes ne portaient de prix que 778 f.
A n t o in e V a r a g n e , suivant sa c o n v e n t i o n , n ’eut qne
478 fr. à déduire.
Bientôt le sieur P i e r r e - I s r a ë l R ola n d devi nt m a
j e u r , et ( c e q u ’il ne disait pas jusqu’à ce que les V a
ragne l ’aient d é c o u v e r t) le m ê m e conseil de famille
s’assembla le 4 déc em b re 1 7 7 7 pour l ’élire hérilier
universel de son p è r e , à la charge de p a y e r les légi
times portées par son testament.
L e d it sieur R ol and prit des arrangemens avec ses
frères et sœurs, en se mettant en possession de toute
la succession ; il s’obligea vraisemblablement à p a y e r
leur légitime qui était assez considérable, et il avo ue
aujourd’hui q u ’il les représente tous à l ’exception do
la damo Gros.
�( ” )
E n 1 7 7 7 , il éiait échu un terme de 1,000 fr. sur
le traité de 1 7 7 3 ; et le sieur R o l a n d , aussitôt q u ’il fut
h éritie r, n'avait pas m a n q u é , à ce q u ’il p a r aî t, de
prendre connaissance de cet acte. Car non-seulement
il demanda à V a ra g n e le terme échu , mais il l ’e n
gagea m ô m e à avancer le terme s u iv a n t , pressé sans
doute d’acquitter les légitimes.
E n effet on voit par quittance du 27 juillet 1 7 7 8 ,
que le sieur Pierre - Israël R ola nd , avocat en parle
m en t, reçut d’Antoine V a ra gn e 2,000 f r a n c s , savoir
1,000 fr. pour le terme échu à la Toussaint de 1777»
et 1,000 fr. par anticipation 'pour le terme à
échoir
à la T oussaint de 1 7 8 8 , porté au traité passé devant
le notaire s o u s s i g n é , entre son tu teu r} les conseillers à
la tutelle et ledit V a r a g n e .
Dira-t-on que c ’était Vara gne qui s’empressait d ’a
voir une ratification d ’un majeur ; mais elle n ’est pas
la seule ?
Quatre ans après, et lorsque le sieur Roland eut eu
le loisir de méditer l ’act if et le passif de la succession
de son p è r e , le surplus des 12,000 fr. était é c h u , et
Varagne p a y a par quittance du i r juin 1 7 8 2 , a u d it
sieur R o la n d , avocat, la somme de 4,000 fr a n c s pour
tout reste et f in a l paiement d u p r ix de la ve nte et
délaissement du domaine de Fleurac ayant appartenu
a u x auteurs d u d it sieur R o la n d , et délaissé audit
Varagne par traité reçu par le notaire soussigné, de
laquelle dite somme de 4,000 fr. ensemble d u p r ix
entier de ladite vente, ledit sieur R o la n d a promis le,
fa ir e tenir quitte envers et contre tous.
�( 12 )
A n t o in e V a ra gn e m o u r u t , après avoii’ ainsi liquidé
sa fo rtu n e; il laissait sa v e u v e tu tr ice; et l ’ un de ses
fils, ayant ele marié , laissait aussi une v e u v e tutrice,
le sieur Roland trouvait là une bien belle occasion
po u r marcher sur les traces de son p è r e , et r e p r e n
dre ce qui nq lui appartenait plus. I.a crainte de trouver
de 1 obslacle en son nom seul lui fît
em prunter le
nom de ses frères et sœurs pour former sa d e m a n d e ,
et cacher soigneusement la qualité d ’hérilier universel,
dont il avait cependant usé en prenant tout le prix
de la ven le.
E n c o n s é q u e n c e , par requê te du 2& fév ri er 1 7 8 8 ,
il fut fo rm é demande devant le juge de Salers, en
nullité du traité de 1 7 7 3 , et désistement, à la requê te
des sieurs Pi er re -I sr ael R o l a n d , a v o c a t , J e a n - M a r i e
Roland , curé de Salers , G u y Roland . prêtre c o m m u n a l i s l e , Louis -I sr aël R o l a n d , prêtre, et T oinelfe Gabrielle
Roland , contre
Catherine L a p e y r e ,
qualité de tutrice des enfans d ’An toin e
V aragn e
en
père
son mari, Marguerite Chau nie il, aussi tutrice des e n
fans d ’A n toin e V a ragn e fils son m a r i ,
Tagne
et J ean V a -
iils.
L e s V a r a g n e qui ne voulaient pas p l a i d e r a Salers,
se laissèrent condam ner par défaut le 10 juin 1 7 8 8 ,
et inleijetèrent appel en la sénéchaussée d ’ A u ve rg n e.
L a cause fut appointée au conse il, et le sieur R o
land comprenant assez que son système d ’envahissenient n ’y ferait pas fortune , voulut se rendre un
p e u moins défavorable. 11 reconnut q u ’il avait mal
�à propos
( i3 )
demandé le désistement total , et que Sé
bastien Vara gn e aurait eu droit de rentrer dans le
do main e; en conséquence il se départit de sa demande
pour un tiers. A l ’égard des deux autre s, il soutint
que son tuteur avait été tromp é, et q u’après le traité
de février 1 7 7 3 , et les sentences de 1768 et 1 7 7 2 ,
M a ria n ne et A n t o in e V a ra gn e avaient perdu toute
p r o p r i é té , de sorte que le traité de nove m bre 17 7 3
contenait une aliénation de biens de mineurs contre
laquelle ses frères et lui pouvaient réclamer pendant
trente ans.
Mais les tutrices V a r a g n e , pourrepousser ces moyens,
firent des recherches dans les éludes de n o t a i r e s , et
■trouvèrent les quittances de 1778 et -1782 , le testa¡mçnt du sieur Roland pc-rc, et l ’élection de 1777Ces pièce s, jointes aux circonstances de l ’acte de
1 7 7 3 , étaient si décisives que la sénéchaussée d ’ A u
v e r g n e , par sentence rendue au rapport d e M . r Bidon,
le 3 septembre 1790 , n ’hésita pas à infirmer celle par
défaut de Salers , et à débouler les sieurs Roland de
leur demande.
A leur tour les sieurs Roland ont interjeté appel
de celle sentence au parlement de Paris; ce n’est
q u ’en l’an 10 q u’ils en ont repiis les poursuites de
vant la Cour.
Il ne reste plus q u ’à rendre compte
des moyens respectifs el à répondre à ceux proposés
par les appelans dans leurs écritures et leur mémoire.
�(
*4
)
M O Y E N
S.
«
i
,
1■
L e s y s t è m e des appelons es t, c o m m e on le p r é v o i t
sans peine , fondé tout entier sur l ’état des choses
subsistant avarft la transaction de 1 7 7 3 ; alors disentils aux V a ra gn e , votre expropriation était lé galem ent
c o n s o m m é e , vous devi ez une rente foncière que vous
n e p a y e z p a s , ainsi il y avait lieu à résolution ; vous
a v e z dégu erpi les biens, et vous le p o u v i e z , quoique
m i n e u r s , a vec le décret du juge. Ainsi rien n ’était
plus légitim e que les sentences de
1 7 5 3 , 1 7 5 6 [et
17685 d ’ailleurs c ’était chose jugée à cause de la p é
r em pt ion prononcée en 1 7 7 2 contre A n t o in e V a r a g n e ,
et quant à M ari an ne elle avait tout app ro uvé par u n
traité contre lequel il n ’y avait pas lieu à re t ra it , dès
q u ’il ne s’agissait que de résolution; ni à subrogation
l é g a l e , puisque ce traité acquérait au sieur R o l a n d
rem sib i necessariam.
Si d o n c , disent les adversaires, nous étions p r o p rié
taires incommutables en 1 7 7 3 , notre tuteur n ’a pu
aliéner notre propriété sans formes et sans nécessité.
N o u s nous sommes pourvus dans le te m s, et les quit
tances du prix ne sont pas une approbation.
Quo iq ue cet ordre de moyens soit une inversion de
questions, et que naturellement la première chose à
ex a m in e r dût être la fin de non r e c e v o i r , ce pendant
les intimés suivront cette série des m oyens présentés
p a r le s adversaires, puisque leur but est d ’y répondre.
Ils examineront donc z . ° si le sieur Roland avait rc-
�( i5 )
couvré la propriété du domaine de F l e u r a c , lorsqu’il
s’eu empara en 176 3 ; 2.° si au cas qu’il ne fut pas alors
propriétaire, il Test deve nu par les sentences de 1 7 5 3 ,
1 7 5 6 , 1768 et 17 7 2 , et si elles étaient chose jugée
en 1 7 7 3 , tant contre A n t o in e que contre Marie V a
ragne; 3 .° si la transaction du 3 o octobre 1 7 7 3 était
une aliénation des biens des mineurs Roland ; 4.0 si,
en ce cas , les adversaires se sont pourvus en tems utile;
5 .° enfin si les quittances de 1 77 8 et 1782 produisent
une fin de non recevoir.
P r e m iè r e
q u e s t i o n
.
L e sieur R o la n d pere a va it-il recouvré la propriété
du dom aine de F 'leurac , lorsqu’il s’en empara m 1 7 5 3 ?
L e sieur Roland avait vendu ce domaine en 1 7 4 7 ;
ainsi sans difficulté Geraud Varagne en était proprié
taire à son décès en 1752.
Mais quelle était la nature de cet acte de 1 7 4 7 ? car
de cet examen préalable dépend la discussion relative
a u x moyens proposés de déguerpissement et de réso
lution.
Souvenons-nous q u ’en 174 7 le sieur Roland ava it
vendu un domaine m oyen nan t 12,000 fr. , p o u rla qu elle
somme l ’acquéreur avait constitué une rente de 5 oo fr.
Ainsi d ’après les principes celte rente n’était pas pure
ment foncière; c ’était une simple rente constituée,
assise sur un immeuble ave c privilège spécial.
�C 1 6 .)
P a r conséquent le bailleur n ’avait pas retenu le d o . mai ne direct jdèslors c ’était une aliénai ion pure et simple
de sa p a r t , ce qui changeait totalement le droit q u ’il
s’est arrogé de s’emparer du f o n d s , c o m m e s’il n ’eût
délaissé que la propriété utile.
C e l te différence à faire entre les ventes à charge de
re nie cons titué e, o u ï e s b a ux à renie foncière , nous
est enseignée par les auteurs du nouveau Denizart au
m ol cirréf âges : «U n h é r i t a g e , disent-ils, peut être vendu
« m oyen n a n t une rente de telle s o m m e , ou bien le prix
« de l ’héritage peut être fixé d ’abord à telle s o m m e ,
« et ensuite les parties convenir par le m ê m e acte que
« la som m e formera le capital d ’une r e n t e ^ o u siil u é e
« entre les mains de l ’a c qué re u r. D an s le premier cas
« nul doute que la rente nesoit foncière ; mais au second,
« la reni e renferme une véritable constitution de rente
c< à prix d ’argent ».
• Sans doute cette opinion ne sera pas taxée d'innova
tion; car on la retrouve dans Lo3’seau en son traité du
déguer pi ss em ent .« Tout efois , d i t - i l , e n toutes ces rentes
foncières, il y a une signalée précaution, et une r e * marque*de grande im p o r ta n c e , c ’est quesi lecontrat
« est fait en forme de vente , auquel le prix soil parti« cularisé et s p é c i f ié , pour lequel prix soit constitué
«• renie à la suite du m êm e c o n t r a t, alors, à bien e n « t e n d r e , telle rente ne doit pas être estimée foncière,
« mais simple rente constituée, (f. i. ch. 5 . n.° i 4 e t 17).
l i e m ê m e principe est enseigné par Basnage sur l’ar
ticle
de N o r m a n d ie , par l ’ othier au traité du coutrat
-
�( *7 )
trat de constitution de r e n t e , n.° i 3 3 , par divers, arrêt s
de cassation de l ’an 9 et l ’an n , et par un arrêt de
la Cour de l ’an i 3 .
Cela posé, on ne voit plus où s’appuient les deux
mo}^ens des adversaires, fondés sur ce que les enfans
Varagne avaient pu déguerpir le domain e, pour ne pas
p a y e r la re nte, et sur ce q u e , ne payant pas la re nte,
la résolution était de plein droit après trois ans.
, X-e premier m o y e n ne semblait pas trop raisonnable,
parce que dans les faits ci-dessus rapportés, on ne voit
rien qui ait beaucoup d ’analogie av ec un déguerpisse
ment. Mais les adversaires prétendent que le simple
fait d’abandon du domaine équivaut dans l ’espèce à
un déguerpissement, par la r a i s o n , ,disent-ils, que d ’a
près L o yse au , les m in e u rs peuv en t aussi déguerpir
pou rvu q u’il intervienne décret du juge pour le leur
p erm ett re, après un avis de parens. O r , ajoutent-ils,
cette autorisation judiciaire se trouve dans la délibé
ration des parens qui avaient autorisé les mineurs à
abandonner le domaine et m ê m e à répudier la suc
cession.
Erreur dans le fait et dans le droit.
Dans le fait ; car cette délibération n’autorisait pas
les m ineurs, mais l’émancipé seul; et loin d'être co m
plet te, 011 voit que les parens paternels eurent l ’énergie
de s’indigner hautement de ce qu’on méditait contre
un e n f a n t, et que les parens maternels accédèrent seuls
à ce qui é t a i t. demandé.
Dans le droit ; car ce n ’est pas cette délibération
C
�( i8 )
q u i aurait pr od ui t un d é g u e r p i s s e m e n t , elle y a u t o
risait seu le m en t l ' é m a n a p ë , et c e p e n d a n t il s’en est
tenu à c e l t e d é m a r c h e ,
dé jà m ô m e le sieur R o l a n d
s’était e m p a r é du d o m a i n e ; et q u a n d il sollicitait u ne
r é p u d i a t i o n , il est clair q u ’il ex i g e a i t d e u x choses c o n
t r a d i c t o i r e s , p a r c e q u ’ un d é g u e r p i s s e m e n t était u n e
a d i lio n d ’hé rédité.
U n dé gue rp is se m en t n ’ est pas un a cte t el le m e nt sans
c o n s é q u e n c e q u ’il puisse a v o i r lieu p a r a c c o r d v e r b a l ,
c ar il est u n e a l ié n a ti o n , et n on n u d is p a c t is d om iriia
t ra n s f e r u n tu r.
D ’a bo rd il n ’est pas trè s- c er ta in q u ’u n tel a cte soit
p e rm is à des tu te ur s, m ê m e a v e c le dé cre t du j u g e ;
la loi s’y
op p o se f o r m e l l e m e n t ; prœ d ia ven du ,
vel
j p s j s c a r e r e p e rm ilti n on d c b e t, et s i p erm issu n i s i t ,
•nuUa est v e n d itio , nuLLunique decretum . ( L . si æs. if.
de reb. eor. etc. )
C e p e n d a n t a d m e t t o n s q u ’ un t u t e u r puisse d é g u e r p i r
a v e c l e ' d é c r e t du j u g e ; au moi ns fa u t -i l , q u a n d le
d é c r e t est in t e r v e n u , q u ’il y ait un d é gu e rp i ss em en t
for m el.
Loj's ea u , in v o q u é par les a d ver sa ii es, dit que le
déguerpissement doit être fait en ju g e m e n t, et pour
q u ’on ne confonde pas c e ll e exp ression, il a j o u t e ,
cest-à-dire en i'audience de ju s t ic e , les p la id s tenant ,*
«■ca r, continue cet a u t e u r , le respect ,1 a majesté du
« lieu où la justice csl e x e r c é e , la présence des m a « gislrals, la fréquence des assislans donne à cet acte
« plus d ’nutorilé , parce que le déguerpissement est
a un acte d'importance. ( Liv . 5 .)
�( i9 )
Si donc il y avait eu lieu à déguerpissement, les
adversaires ne pourraient en invoquer aucun , car il
n ’y en a d ’aucune espèce. Mais ce n ’élait pas le cas
dès que la rente n ’élait pas foncière. C a r, connue dit
Chopin sur l'art. 109 de la coutume de Pari s, « en
« rente rachetable sous un principal e x p r i m é , n ’y a
ci lieu à déguerpissement, cum sit potiàs emptor> quàm
« conductor pretii vectigalis ».
Opposera-t-on qne ces principes sont en faveur du
bailleur et non contre lui : mais dès que le dégu er
pissement est une aliénation, il faut que le contrat
soit bilatéral ou synallagmatique, et jamais il ne sera
possible de penser que des mineurs sur-tout aient fait
un déguerpissement valab le , 'sans aucun a c t e , m ê m e
hors j u g e m e n t , et par le seul fait de l e u r dépossession.
Quant à la résolution, faute de paiement par trois
ans, elle n ’avait pas lieu en rente constituée; mais
ce serait devancer les adversaires
que d'ex amin er
ici celte question, car ils ont été forcés de recon
naître q u e , d ’après leur propre syst èm e, il n ’y avait
pas lieu à résolution quand leur père s’empara du
domaine en iy' 5 3 , parce que la sentence du 1.” mars
de ladite année ne portait condamnation que d ’ uu
demi-terme de la rente de 5 oo francs, échu encore
depuis la mort de G érau d Varagne.
A i n s i , sur cette première q ue stion, il est constant
que sous aucun point de vue , le sieur Roland n ’é
tait propriétaire du domaine de Flenrac lorsqu'il s’en
e m p a r a , et le donna à ferme le 25 avril 1-763.
C 2
�( 20 )
DEUXIÈME
QUESTION.
t
L e s Leur R o la n d e s t-il devenu propriétaire d u do
m aine de F leurac par les sentences de 1 7 5 3 , 1 7 ^ 6 ,
1768 et 1 7 7 2 ?
Ces sentences étaient-elles passées en fo r c e de chose
ju g é e en 1 7 7 3 , tant contre A n to in e
V a ra g n e que
contre M a ria n n e sa sœ ur?
L a sentence de 1 7 5 3 ne signifie rien pour la p r o
p r ié t é , cela est c o n v e n u ; elle n ’était q u ’ un a c h e m i
nem en t aux autres, et eût été e l l e - m ê m e irrégulière,
puisque le sieur R o la n d a dit G ér aud V a r a g n e mort
en n o v e m b r e 1 7 5 2 , et que depuis cette époqu e ju s
q u ’après les trois mois et quarante jours il n ’avait pas
d ’a c t i o n , d'après l ’ord on na nce de
par le Code civil.
,
1 6 6 7 , re n ou velée
,
E n 1 7 5 6 , il y eut deux sentences, mais la première
ne parle que de bail à rabais et non de propriété •
c'est la seconde s e u l e m e n t , du 29 s e p t e m b r e , qui p r o
n o n ce la résolution de l ’acte de 1 7 4 7 .
On ne peut pas douter que le juge n ’ait été sur
pris lors de cette sentence , puisque l ’exposé de la
r e q u ê t e , sur laquelle elle est r e n d u e , suppose que le
sieur Roland n ’clait pas encore en possession du d o
maine de Fleurac. Il demandait ju s q u e s -là les arré
rages de la renie de 5 oo f r . , et certes c ’était abuser
étrangement du silence forcé des mineurs V a ragn e ;
car s’ il eut confessé au j u g e , que depuis plus de trois
�( ai )
ans il percevait les fruits du d om a in e, sur lequel la
dite rente était assise, le juge au lieu de lui adjuger
sa d e m a n d e , . l'aurait éconduil , quoique par défaut.
Cette sentence , il est v r a i , quelque mauvaise q u ’elle
fût, disposait de la propriété du do main e; mais elle
était susceptible d ’appel pendant trente ans d’après la
jurisprude nce5 et dès-lors en 1 7 7 3 , elle pouvait être
attaquée.
C e n’est pas ainsi, h la vé rité, que les adversaires le
supposent. Ils soutiennent, au contr aire, q u’il y avait
chose jugée en 1 7 7 3 , et que tout espoir de retour était
ôlé contre la procédure p r é c é d e n t e , sauf néanmoins
les droits de Sébastien Va ra gn e qu’ils reconnaissent
entiers. A l ’égard des deux autres, ils séparent A n toin e
V a ra gn e de Marianne sa sœur.
Antoine V a r a g n e , dirent - i l s , avait bien interjeté
appel de la sentence de 1 7 6 8 ; mais cet appel avait
été déclaré péri , et la péremption emportait le bien
jugé de ce lle s e n t e n c e , et dès-lors de celle du 29
septembre 1756.
Mais les sieurs Roland confondent aujourd’hui ces
sentences, qui avaient un objet très-distinct en 1772.
La
sentence de 1768 n'avait
pas pour objet de
faire déclarer les précédentes exécutoires contre les
V aragn e
, puisqu’elles étaient rendues contre e u x -
mêmes y si le mot y fui em plo yé ce n ’était que par un
vice de style; car le but très-clair de la dem ande était
d ’obtenir le paiement de 1,246 fr. prix apparent du
�( 22 )
bail à rabais, donI l e S .r Roland n ’avait p a s e n c o r e o b l e n i i
de condamnalions. On voit en effet p a r l a leclure de la
senlen ce de 1 7 6 8 , q u ’elle ne porte que des co ndam na
tions pécuniaires, el ne dit pas un mot de la résolu liou.
L a senlence de 1 7 7 2 prononce la pé re m plio n de
l ’appel de celle de 1768, el est encore plus étrangère que
toutes les autres à la propriété du dom aine de F l e u r a c ;
c a r , quand la péremption serait ir ré vo cable, l ’effet de
la sentence de 1768 ne s’étendrait pas a u - d e l à des
condam nations q u ’elle prononce.
A i n s i , quand les sentences de 1768 et 1 7 7 2 a ur ai en t
passé en force de chose jugée en 1 7 7 3 , au moins la
se nlence du 29 septembre 1 7 6 6 , la seule qui pr onon
çât la résolution d e l à vente de 1 74 7? était-elle é v i d e m
ment susceptible d ’appel en 1 7 7 3 .
Mais si, par impossible, la C o u r pouvait considérer
dans la sentence de 1768 , une résolution que c e tte s e n 1ence ne prononce pas , c o m m e alors celle de 1 7 7 2 au-,
rait une plus grande influence, c ’est alors le cas d ’e x a
miner la validité de l'exploit de 1 7 7 1 , sur lequel cette
senlence a été surprise.
11 est démontré que la copie de cet exploit a été souf
flée. L a leclure de l ’original le prouve. Et en vain les
adversaires ont-ils ouvert une longue discussion sur des
mots écrits 011 a jo u t é s , on voit clairement que leur
pè re , 011 le rédacteur de l ’exploit a eu deux pensées
l ’une après l ’a u t r e , el que la de u xiè m e a corrigé la
première ; mais ce n’est là disputer q u e sur le genre
d'infidélité j car les adversaires sont obligés d ’avoue r q u ’il
�( a3 )
y en a une. L ’huissier au moins n ’a pas porté la copie;
l ’assigné, qui ne l’a pas reç ue, soutient l ’exploit nul, et il
l ’est sans dilliculté. Si donc il n ’y avait pas de demande
en pérem ptio n, il n’y avait pas de péremption ; alors
l ’appel était recevable en 1773. T o u t e la faveur eut été
pour cet app el, et toute la défaveur pour une péremp
tion ext orquée par un faux évident.
D u c h e f d e M a r i a n n e V a r a g n e , An to ine eût été, disentils, moins reccvable e n c o r e , puisqu’ elle avait tout a p
prouv é p a r l e traité du 16 février 1 7 7 3 , ainsi personne
ne pouvait réclamer pour elle.
Pourquoi donc ses frères n’auraient-ils pas eu d ’action
en subrogation l é g a l e , si Marianne avait cédé un droit
litigieux et universel ? C e l t e p r é f e n l io n paraît choquer
lesadversaires; mais c ’est q u’ils partent toujours de cet te
idée fausse, que leur père avait conservé la propriété
directe du d o m a i n e , et alors ils se croient »dans l ’e x
ception d e là loi excep Lis cessionibus quas is q u i p o ssi-
det pro tuitione sutî accipU.
Cela est très-bien quand , a v e c un titre lég i tim e p o u r
u n e partie , on possède t o u t , et q u e , p o u r c on fir me r sa
possession , on ac he tt e rem necessariam.
Mais quand on n ’a que la portion d ’ un cohéritier par
us ur p at io n, il est clair q u’on ne cherche pas à y rester
p o u r éviter un procès; mais q u ’on se prépare à en sou
tenir un contre les cohéritiers.
Suivant le système des a d v e r s a i r e s , et e n i n te rp ré t a n t
j u d a ï q u e m e n l l ’e x c e p t i o n - d e la l o i ; rien ne serait plus
�, (24)
facile que de l’éluder. L ’acq uére ur d ’ un droit de copro
priété ou d ’ un droit successif se mettrait d ’ava nc e en
possession d ’ un objet, et ensuite il en serait quitte pour
dire q u ’il est dans l ’exception de la l o i , parce que
p o ssid etis, pro tuitione accepit.
•
Po u rq u oi encore les frères de Marianne V a r a g n e
n ’auraient-ils pas eu une action en retrait; car s’il est
certain que le domaine de Fleurac a resté dans la famille
V a r a g n e , il est clair que Ma ri a nne Varagne était p r o
priétaire d ’u n ep orti on , par la règle Le mort sa isit le v ifm
M a is, disent-ils, un retrait n ’a lieu q u ’en matière de
vente ou d ’acte équipolent à vente.
L ’objection m ê m e les con dam n e; car dès q u e l ’acte
de 1 7 4 7 était une vente, M a r i a n n e Varagne, propriétaire,
n ’a pu s’en départir que par unac-teéquipolent à vente.
E n vain opp ose-t-on q u ’elle a cédé son droit par une
transaction. U n e transaction n’est q u ’ un acte indéfini
qui admet toutes les espèces de co n v e n t io n s , et qui
dèslors retient e lle -m ê m e le nom le plus analogue à
son objet principal. Ainsi quand , par l ’efiet d ’ une
transaction, l ’im m eu b le d ’ un contractant passe à un
autre , l ’acte est toujours une v e n t e , puisqu’il en a les
caractères; car la qualité des actes ne doit pas se juger
par les noms q u ’on leur d o n n e , mais par leur substance.
Si Mari an ne Vara gne n’avait eu que j u s a d rem , il
est possible que la transaction ne fût pas considérée
c o m m e une v e n t e , dès q u ’elle n’aurait cédé q u ’ une
simple prétention litigieuse ; mais il est clair q u ’elle
avilit j u s i/L r ey et q u ’élanl propriétaire au décès de
son
�( 25 )
son p è r e , a u $ m acte ne lui avait ôlé ce lle propriété.
Son abandon était donc une ve n te pure et simple.
O r , sans se jeter dans un long examen sur les cas
où le retrait était admissible, les adversaires ne nie
ront pas q u’en vente d’ immeubles il ne fût admissible
au profit d’un frère.
Ils ne nieront pas encore q u’il n ’eût été m êm e ad
missible quand Marianne n ’aurait abandonné que J u s
a d rem ; car il est de principe enseigné par Polhier
d ’après D u m o u l i n , Duplessis et autres auteurs, que la
vente
d ’u n d roit
réputé p ou r héritage suffit pour
donner ouverture au retrait.
L e m êm e auteur dit plus clairement à la page p r é
cédente j que la créance q u ’on a pour se faire livrer
un héritage, est sujette à retra it si elle est c é d é e : et
cette doctrine n’est q u’une conséquence du principe
que a c lio , quœ ten d it a d a liq u id im m o b ile , est i/nm obilis.
Dans la circonstance su r- to u t, et après la conduite
du sieur Roland p è r e , lorsqu’il venait d ’y mettre la
dernière main en ôtant le patrimoine d ’une jeu ne fille
sous prétexte des
dangers d’ un pr ocè s, il n ’est pas
de tribunal qui eût refusé d ’admettre un retrait q u’a u
rait exercé Antoine ou Sébastien Varagne ; parce que
c ’était la voie la plus légitime pour tout rétablir qn.
son premier état, et q u’il ne s’agissait que d’arrêter
une usurpation.
Mais, objectent encore les adversaires, q u’aurait pu
faire An to ine V a r a g n e , tant pour lui que
D
pou r sa
�( ^6 )
s œ u r , quand il aurait p u exer ce r les droits de l ’un
et de V autre , et interjeter appel de la sentence de
1 7 6 6 ? cet appel aurait été non rec ev ab le au fo nds ,
parce q u ’une résolution prononcé e est inattaquable.
Sans d o u t e , une résolution Légale est inattaquable,,
et il était inutile de rappeler tout ce que dit sur c e ll e
question M . r Chabrol : car ce n ’est pas le principe que
contesteront les V a r a g n e , mais bien l’application, qui
est vé ritablem en t choquante sous toutes les faces.
D ’abord M . r Chabrol parle des rentes foncières , et
ici il ne s’agit que de rente constituée.
, 11 aurait fallu cinq ans d ’arrérages dans ce dernier
c a s ; il eiAit fallu trois ans, si c ’eût été une rente fon
cière. O r , ici il n ’y avait que six mois d ’arrérages.
P o u r que la résolution soit légale , il faut que la
sentence, qui condam ne au p a i e m e n t, porte 1111 délai,
sinon la dem eu re peut toujours être purgée. L a sen
tence de 1 7 5 6 n ’en portait aucun.
C e n ’est q u’après la sentence et le délai que le
bailleur peut se mettre en possession; i c i , le vend eur
usurpait depuis trois ans. L e m o t i f de résolution e m
p l o y é par le sieur R ol an d était m ê m e m al-l io nn êt e:
loin d ’y parler d ’un abandon inutile fait par des pu
pilles chassés du d o m a in e , il prenait pour prétexte le
défaut de paiement des arrérages. Il trompait donc
la ju s ti ce, car il demandait ces arré rages, et ce p en
dant il jouissait : il avait ôté par son propre fait aux
mineurs Vara gn e toute possibilité de les payer.
�(
27
TROISIÈME
)
QUESTION.
L a transaction du, 3 o octobre 1 7 7 3
é ta it- e lle une
aliénation des biens des mineurs R o la n d ?
L e s cilalions des adversaires, pour montrer q u ’on
ne peut vendre sans formalités le bien des m i n e u r s ,
ne sont pas plus applicables, que n’est fondé le re
proche fait à la sénéchaussée d’A u v e rg n e de les avoir
méconnues.
Il est très-vrai que le tuteur ne peut de gré à gré
et sans nécessité vendre le's immeubles de ses mineurs.
Mais ici, ce que cédait le tuteur n ’était pas un i m
meu ble de ses mineurs; et il y avait nécessité.
Ce n’était pas un i m m e u b l e des mineurs R o l a n d ,
puisque leur père l ’avait vendu ; que l’acte de 1 747
n ’étant pas un bail à r e n t e , il s’était déparli de la
propriété utile et directe , puisqu’enfin il n ’y avait
eu ni pu y avoir de résolution valable.
I l y avait néce ssi té, puisque les parties allaient e n
trer en p r o c è s , et q u e ce procès ne pou vai t pas être
d ’une solution difficile.
Car des mineurs dont un seul avait trenle-cinq ans,
se plaignant d ’un mode d ’usurpation qui eût crié v en
geance j n ’avaient pas à craindre une résistance bien
sérieuse.
Q u a n d ’le faux de l ’exploit de 1 7 7 1 n’eût pas fait
lomber la pé re m pti on , elle ne se fût rapportée q u ’à
la sentence de 1 7 6 8 , et le pis-aller eût été de payer
D 2
�(
2
8
}
mal à propos 1,246 fr., si les liéritiers Roland avaient
établi avoir e m p l o y é ce ll e somme. Mais de sa p a r t,
A n t o i n e V ara gne aurait eu à répéter les jouissances
de vi ng t- un ans à dire d ’experts.
O r , les adversaires ont prétendu que le dom aine
valait 3 o,ooo fr. ; et en ne fixant les fruits q u ’à 1,000 fr.
par a n , ils eussent été débiteurs de 21,000 fr.
A
la vérité il eût
fallu déduire moitié pour la
rente de 5 00 fr. plus les 283 fr. de la sentence de
i y 5 3 , et si on veu t les 1,246 francs; m a i s , c o m m e
on voit 3 les mineurs Roland auraient toujours été reliquataires de 9,000 fr.
Ils avaient donc.plus d ’intérêt à traiter que V a r a g n e ,
puisqu’ils obtenaient le sacrifice de cette s o m m e , au
lieu de faire e u x -m êm es celui des réparations, c o m m e
ils essayent de le persuader.
L e u r tuteur avait sans difficulté le droit de transiger,
puisqu’il ne s’agissait que de terminer un procès. E n
vain dirait-on que ce procès n ’était pas c o m m e n c é ;
car il est de principe que tr a n s a c tio 'fit de Lite m o tâ ,
a u t movendâ.
L ’exposé de la transaction pr ouve les difficultés qui
allaient naître : au lieu d ’assigner et de plaider, on
transigea.
Si quel que chose devait ajouter à la fa ve ur due à
un acte aussi respectable q u ’ une transaction, ce serait
de connaître les personnes qui composaient le conseil
do famille et qui en ont été les auteurs.
Car que
M a i g u c , tuteur, fût ou non un chapelier et un liommo
�( 2Ç, )
peu intelligent., l’acte n ’élait pas purement de son fait,
il était le résultat des réflexions d ’une famille distin
g u é e , à laquelle les adversaires devaient plutôt d e l à
reconnaissance que des reproches ; reproches d'ailleurs
d ’autant plus aisés à multiplier, que les intimés n ’ont
aucun intérêt d’en vérifier la sincérité.
QUATRIÈME
QUESTI ON" .
L e s appelans se so n t-ils pourvus en tems utile contre
La transaction de 1 7 7 3 ?
O u i , disent-ils, par deu x motifs ; le premier c ’est
qu’ elle n ’a été passée que par notre tuteur; le second
c ’est que vous a v e z retenu les pièces, et que le délai
pour nous pourvoir ne c o u ri que de leur remise.
L a réponse à ce premier m o t i f pourrait être ren
v o y é e à la question suivante, parce q u ’au moins les
quittances de 1778 et 1782 ne sont pas du fait du
tuteur; mais pour suivre exactement les moyens des
adversaires, il suffit q u a n t a présent de leur rappeler
ces quittances.
Il est aisé de voir le but de la distinction à faire entre
les actes des mineurs, et ce ux de leur tuteur.
Souvent il serait injuste de les déclarer non recevables
après 10 ans, à l’égard de ces derniers actes, parce que
peut-être ils en auraient ignoré l ’existence; et la pres
cription n ’est q u ’ une peine imposéè par la loi à celui
qui néglige d’agir.
Mais toutes les fois qu’il est certain que le mineur a
�( 3° )
connu l ’acte , toutes les Ibis sur-tout q u ’il l’a a d o p t é ,
c ’est alors que le fait du tuteur étant le sien, le m i
neur a à s’im pu te r de ne pas se pourvoir.
O r , par cela seul que le sieur Israël R o l a n d , liérilier de son pè re , a connu et adopté en 177 8 l ’acte de
1 7 7 3 , et sans examiner l’eilét de son app robation, il
a dû se pourvoir.
C o m m e , dès 1 7 7 8 , il connaissait la date de ce traité
de 1 7 7 3 , il devait savoir q u’à supposer q u ’il eût droit
de l’attaqu er , il ne le pouvait que jusqu’en 1 7 8 3 , parce
q u ’il se l ’était approprié ; cependant il n ’a fo rm é d e
m an d e q u’en 1788.
A lo rs non-seulement il y avait plus de dix ans d e
puis le traité de 1 7 7 3 , mais le sieur Israël Roland avait
plus de trente-cinq ans.
L e deu xièm e m o y e n des adversaires sur celte ques
tion annonce l’embarras d ’en proposer de meilleurs.
C a r , contre quel acte devaient-ils se p ou rvoir ?
Est-ce contre la transaclion? Est- ce contre les pièces
y visées ?
Sans doute ce n ’est pas contre les sentences y énon
cées, puisqu’ils en excipent. C ’est donc contre la transac
tion; mais ils n’articulent pas sans doute que V a ragn e
l ’ait retenue.
A v e c un système c o m m e celui q u ’ils hasardent, il
faudrait dire que tout IraiIé d’après lequel 011 aura
remis des pièces à une partie (c e qui arrive tous les
jours) sera attaquable à perpétuité; et, c o m m e dit D u
moulin pour les choses précaires, e lia m per m ille antios.
�c 3 1 }
.
D ’abord les adversaires pouvaient très-bien voir dans
la transaction , que leur père avait vendu un do m ain e,
et l’avait ôlé ensuite à des mineurs par abus de leur
faiblesse, mais que ces mineurs l ’avaient repris ; c ’était
là tout le secret des pièces remises à Varagne.
O r , co m m e la transaction n’était pas r e t e n u e , si
les adversaires voulaient se p o u r v o ir , rien ne les en
empêchait; et alors, com m e aujourd’hui, ils auraient
redemandé toutes ces p i è c e s q u ’on ne leur cache pas.
O u t r e la faiblesse de ce m o y e n , il n ’a de p ré t e x t e
q u e la m a uv ai se f o i ; car les adversaires ont p ré te n d u
qu e les sentences de n o v e m b r e 1 7 6 6 et de 1 7 7 2 n ’é laient pas én o nc ée s dans le traité de 1 7 7 3 , de m ê m e
q u e le traité du 16 f é v r i e r , p o u r leu r en c a c h e r l’ exis
tence. C e t t e allégation leu r a m ê m e pa ru si i m p o r
tante qu'ils y ont e m p l o y é les pages 7 ., 8 , 4 9 , 5 o , 53
et 5 4 de leu r mém oir e.
L ’omission supposée de la sentence de novem bre
1756 n'est qu’ une misérable équivoque. L a sentence
de novembre 175 6 était au moins visée et énoncée
dans celle de 1 7 6 8 , puisque les adversaires préten
dent que cette dernière renouvelait en entier celle
de 1756.
En second lieu , on voit à la fin des dires de V a
ragne au traité, que parmi ses moyens contre la pro
cédure il disait q u’il était recevable à tenir les en ga gemens de son père dans La circonstance s u r -to u t
que LA SENTENCE QUI ORDONNE LA RÉSOLUTION DE
�( 3* )
LA v e n t e ti enlève cette fa c u lté q u ’après 3 o a n s: etc.
O r , où est donc cette sentence , si ce n ’est celle
du 29 n o v e m b r e 1 7 5 6 ?
O11 n ’a donc pas caché a u x mineurs q u ’il existait
un e sentence prononçant une résolution.
Quant à la sentence de 1 7 7 2 , l ’équi vo qu e est e n
core plus sensible ; on nous a c a c h é , disent les adver
saires, q u ’il y eût une sentence prononçant la p é r e m p
tion (pag. 8 et 9).
M a i s , en parlant de la sentence de 1768 ^ on ajoute
que V a ra g n e s’était rendu a ppelan t, m ais que la sen
tence avait passé en force de chose ju g é e comme n a jja n t
pas f a i t diligence sur son appel pendant trois ans con
sécu tifs.
N ’est-ce donc pas se faire des moyens de tout que
de ne pas voir là le synonime d ’ une péremption ; et
que les expressions ci-dessus expliquaient m ê m e m ieux
le droit des mineurs: dès-lors on ne voulait pas écarter
ce qui leur aurait donné trop de lumières.
Enfin à l ’égard du traité ave c Ma rianne V a r a g n e ,
co m m e n t les adversaires ont-ils encore osé dire q u ’011
le leur avait caché.
L a transaction porte que le sieur R o la n d , par acte
reçu V a le t t e , notaire, le 16 février dernier, contrôlé
le 2 5 , a réglé avec M a rian n e V a ra g n e , sœ ur d u d it
A n to in e.
Plus l o i n , A n toin e dit q u ’à l’égard de l ’acte passé
avec
�( 33 )
Marianne V a r a g n e , il était dans le cas de demander
la subrogation.
L ’acle est donc énon cé , visé et dalé. L e règlement
avec la sœur ne peut supposer q u ’ une cession de sa
pa rt, puisque le frère veu t s’y faire subroger.
Ainsi les adversaires sont obligés d’en imposer à la
Cour pour se rendre favorables, et il est de la plus
grande évidence que rien ne s’opposait à ce q u’ils ré
clamassent dans les dix ans contre le traité de i j y S f
s’ils croyaient y être recevables, ce qui va être enfin
examiné.
CINQUIÈME
QUESTION.
L e s qu ittan ces de 1 7 7 8 et 1782 p ro d u ise n t-e lles une
J i n de non recevoir contre La d em a n d e ?
venait d ’être élu liérilier
universel de son père en 1 7 7 7 , lorsqu’il reçut le prix do
P
ie r r e -Israel
R
oland
la vente de 1 7 4 7 , en vertu de la transaction de 177 3.
Si l ’ouverture de la succession n’était pas en droit
écrit, au moins le domaine de F l e u r a c y était-il situé;
Israël Roland était donc seul maître du procès y re
latif. D ’ailleurs, en coutume co m m e en droit é c r i t ,
les légataires sont les maîtres d’accepter le legs porté
p a r l e testament; o r , le sieur Roland ne s’est pas mis
en peine d ’établir que ses frères et sœurs aient répudié
leur legs pour réclamer leur légitime, q uo iqu’on lui
ait fait souvent celte interpellation.
Antoine Varagne ne pouvait donc s’adresser q u’à
E
�( 3V
lui seul pou r p a y e r , el la Cour a bien remarqué que
le sieur Israël Roland agissait aussi c o m m e seul héritier
puisqu’il reçut la première fois tout le terme é c h u , et
la seconde fois la totalité aussi des quatre termes reslans.
M a i s , dit le sieur R o l a n d , forcé p a r l a conséquence
de son propre fait , l ’approbation d ’ un acte nul ne le
valide pas, parce que q u i confirm ât n ih il clat d ’après
u m o u l i n , en second lieu je serais re le vé c o m m e
m in eu r initio inspecto, puisque, l’acte étant co m m en cé
pendant ma m in o rit é , ce que j ’ai fait en majorité n ’en
est q u ’ une suite.
L a première objection n ’est fondée que sur des prin
cipes absolument inapplicables. L e passage de D u m o u
lin ne s’applique q u ’aux actes radicalement nuls , et
non à ce ux simplement sujets à restitution.
O r , ce serait pour la première lois q u ’on soutien
drait que la transaction faite par un tuteur, m ê m e ave c
aliénation, fût nulle d ’ une nullité ra d ica le, et ne fût
pas susceptible d ’une simple ratification de la part du
m in eu r devenu majeur.
A u lieu de citer la loi s i sine decreto qui ne peut
s’appliquer que par argument à contrario, les adver
saires eussent dû voir la loi 10 au iH de rebus eoruni
q u i sub tu le la su n t sine decreto non a lien a nd is , dont
la disposition expresse décide la difficulté dans les plus
forts termes. Cm* après avoir prohibé les ventes'du bien
dos pupilles, faites sans décret du j u g e , cotte loi dit
que si néanmoins le tuteur eu a e m p lo y é le prix dans
�( 35 )
son c o m p t e , et que le mineur l’ait reçu en majorité, il
ne peut plus revendiquer l ’héritage vendu. P r œ d io p u p i li Illicite v e n u n d a to , œ stiniatione s o iu tâ , çin d ica tio
p rœ d ii e x œ quitate in kibetur. A quoi la glose ajoule non
tani aspere tra cta n d u m est j u s prolubitœ a lien a tio n is
prœ dioruni p u p ila r io r u m , u t et soiu tâ œ stiniatione à
tu tore in emptorem p u p ilu s sum m o ju r e experiatur.
A plus forte raison quand le mineur reçoit directe
ment le prix du débiteur l u i- m ê m e , e t , c o m m e le dit
le profond Voétius sur la m êm e loi, le pai em ent, m ê m e
la dem a n d e, m ê m e encore la simple approbation du
prix après la majorité empêch ent la réclamation. S i
sine decreto a lien ata ponerentur tninoris bona , tune
eriim su bsccu ta p o st m ajoren nitatem inipletam soLutio,
Çel CXaCtlO , vel p etltio , vel a ccep ta ilo c c stim a tio n is,
necessariam tacitœ ra tih a b iù o n is in d u c it con jecturan t.
Userait difficile de rien ajouter à des autorités aussi
claires, et c'est d’ailleurs un principe universellement
reconnu que l’on approuve une vente quand on en
reçoit le prix.
D ’après cela il est inutile de peser les expressions
em ployées dans les quittances de 177 8 et 1 7 8 2 , puis
q u ’il ne s’agissait pas de confirmer un acte radicale
ment nul. D ’ailleurs, en lisant les quittances, on no
peut pas douter que le sieur Roland ne con nût la
transaction aussi bien que V a r a g n e , puisqu’il savait le
montant de chaque te rm e , leur é c h é a n c e , et ce qui
restait à payer. Il savait que c ’était pour le domaine
de Fleurac, et il savait encore que ce domaine prove-
�3
6
^
naif de ses auteurs. Son consentement à recevoir le
(
}
prix d ’ an domaine transmis par ses auteurs à Var agn e
aurait donc valu seul une vente nouve ll e, car on y
tr ouve res, consensus et pretium. Ajou to n s que c ’était
un avocat qui traitait a v e c un cultivateur.
L e second m o ye n des adversaires est tiré du para
graphe scio qui , c o m m e le dit L e b r u n , a fait errer
plus de jurisconsultes que la m er n’a égaré de pilotes.
Mais cette loi a aujourd’hui un sens bien d é t e r m i n é ,
et n ’égare que ce u x qui veulent lutter contre la j u
risprudence.
L e m in e u r , qui a im prudem m e nt accepté une suc
cession à la veille de sa
m ajorité,
ne renonce pas tou
jours aussitôt qu'il est m ajeur; et co m m e chaq ue jour en
ce cas il continue de faire acte d'héritier ,1a loi examine
si ces actes ne sont q u ’une suite de ce q u ’il a c o m
m e n c é en m i n o r i t é , et alors elle l ’en relève.
L a difficulté de distinguer la nature de ces actes
donne lieu à tous les m a j e u r s , qui se trouvent dans
ce c a s , de prétendre que ce q u ’ils ont fait est une
suite de la première immixtion. M a i s o n examine tou
jours si le mineur était obligé de faire l’acte n o u v e a u ,
ou s’il pouvait s'en empêcher.
« C a r , si le m in eu r , dit L e b r u n , pouvait s’ex em pter
r de mettre la dernière main à l’a t l a i i e ; en ce c a s ,
« après l'avoir ach ev ée en majorité, il ne pourra pas
" être relevé. »
L e s adversaires s’ emparent d ’une partie de ce pas-
�( 37 )
sage, et disent aussitôt que la transaction était c o m
plète pendant leur minorité., et que L eb ru n a été mal
appliqué.
Mais un peu plus loin ils eussent trouvé que L e
brun l u i ' m ê m e enseigne que le cas seul où le nouvel
a d e ne produit pas une fin de non r e c e v o i r , est seu
lement quand ce nouvel acte a une conséquence né
cessaire ave c ce qui s’est fait en minorité , et préci
sément L eb ru n prend pour exemple quand L'affaire
ayant été
acco m plie
en m inorité se confirm e en m a
jo r it é par quelque nouvel acte.
Remarquons que pour
em ploye r ce m o y e n , les
adversaires s’approprient la transaction de 1 7 7 3 , co m m e
étant de leur fait par le m oyen de leur tuteur, et c ’est
de leur part une inconséquence qui marqu e assez leur
embarras.
D ’ailleurs, en quelque position qu’ils se placent, ils
n e peuvent invoque r Yinitio inspecto, puisque les quit
tances ne sont certes pas une suite nécessaire d ’un acte
qu'ils disent nul, et sur-tout d’un acte qui n ’était pas
de leur propre laif.
JSec si/enlio prœ tenm ttendum , dit encore Voetius sur
le m êm e titre du digeste, alienationes illas,quœ
jnspecto
in itio
nullæ erant, tanquani contra senatuscon-
sultum fa ctœ , subinde est post fa c to conjirm ari posse,
presser Cnn s i m inor ja m
m ajor f a c tu s alienatione/n
ratam h a b iten t, sive expresse
sive
tacitè.
L a question de l’initio inspecto s’est présentée de
�( 38 )
vant la Cour dans une espèce bien plus favorable po u r
le réclamant.
U n mineu r ayant fait acte d ’héritier
était poursuivi pour une rente ; à peine majeur ( d e
21 ans se ulem ent) le créancier lui fit faire une rati
fication. Il se pourvut presqu’aussilôt après, et fit v a
loir son ignorance absolue des forccs de la succession,
aj^ant eu un tuteur encore c o m p t a b le , et il exposa que
l ’aditioii d ’hérédité emportait nécessairement le devoir
de p a y e r les renies; mais par arrêt du 4 floréal an 1 0 ,
la C o u r proscrivit sa p r éten t io n , attendu que sa rati
fication n ’était pas une suite nécessaire de l ’adiliori
d ’héréd ité.
L e s adversaires ne se dissimulent pas la faiblesse do
leurs moye ns contre la fin de non r e c e v o i r , et en
désespoir de cause ils observent que la dame Gros ne
peut en être v i c ti m e , n ’ayant pas donné ces quittances.
D é j à les Vara gn e ont répondu à ce m o y e n par le
défi d ’établir q u ’aucun des puînés R ola n d ait répudié
le legs du testament de leur père pour demander leur
légitime. U n e autre réponse va se trouver dans ui;
arrêt de lu C o u r de cassation.
En
1 79 1 , M a rie B or den ave fille a î n é e , avait été
instituée héritière par le testament de sa mère.
Elle vendit un domaine en minorité en 1 7 9 3 , en.
v er tu d ’autorisation ; et après des oflres r ée ll es , elle
reç ut partie du prix en majorité.
Elle dem anda la nullité en l ’an 4 , et ses sœurs so
�; ( % )
joignirent a elle. L e tribunal de P a u avait adjugé la
d em a n de; mais, sur l’appel, celui des Haules-Pyrénées
avait déclaré M a ri e B or den ave non recevable à cause
de sa quittance, et ses sœurs aussi non recevables parce
q u ’elles pouvaient réclamer leurs droits sur les autres
biens.
Sur le pourvoi des trois sœurs, la Cou r de cassation
a rejeté la demande par arrêt du 4 thermidor an 9 ,
par ce seul m o t if qui embrasse tout ; « A t te n d u que
« Marie B o r d e n a v e , héritière universelle, a ratifié la« dite ve n te par la quittance q u’elle a donnée en m a f<- jo ri l é , de la portion qui restait à paye r à l’époque à
« laquelle elle est devenue majeure.
Il semble que ce m o t i f soit fait exprès pour la cause;
la fin de non recevoir des deux adversaires y est écrite,
sans q u ’il soit besoin d ’y changer un seul mot.
Les fins de non recevoir sont souvent odieuses parce
q u’elles tendent à priver une partie d’ user de son droit.
Mais ic i, il est difficile d’en proposer une plus favorable;
car elle n ’a pas pour but de priver le sieur Roland do
ses moyens au fonds, mais bien de l ’em pêc her lui-même
d’opposer d’autres fins de non recevoir plus odieuses.
Ce n’est pas que tous ses arrière-moyens fussent très
à craindre , parce que son père , trop pressé d ’usurper
n ’a rien fait de bo n; mais il est toujours agréable de
vaincre un adversaire ave c ses propres a r m e s , et de
neutraliser une injuste attaque. A u reste le m o yen prin-
\
�( 40 )
cipal de la cause n ’est pas une simple fin de non r e
c e v o i r et n ’en a que le nom. Car le procès a été éteint
p a r une transaction; le sieur Roland en l ’adoptant a
voulu aussi éteindre le procès, et a vér itablement fait
u n e transaction nouve ll e, contre laquelle il ne doit pas
être admis à se pourvoir.
M . r T I O L I E R , Rapporteur.
M . e D E L A P C H I E R , A v o ca t.
M e T A R D I F , L icen cié-A v o u é.
A
R I O M ,
D e l ’im p r im e rie du P a l a i s , ch ez J. - C. S
a l l e s
,
�
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Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Varagne, Antoine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Tiolier
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
abus de tutelle
conseils de famille
fraudes
tutelle
créances
abandon
bail à rentes
déguerpissement
droit écrit
fermage
minorité
prescription
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Antoine Varagne, et autres ; intimés ; contre Pierre-Israël Roland, Toinette-Gabrielle Roland, et le sieur Gros son mari, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1747-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0741
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0409
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53936/BCU_Factums_M0741.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ydes (15265)
Fleurac (domaine de)
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abandon
Abus de tutelle
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conseils de famille
Créances
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minorité
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tutelle
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53935/BCU_Factums_M0740.pdf
6a026dbf1d91e84c45913b4e9d727948
PDF Text
Text
MEMOIRE
SUR
UNE
CONTESTATION
RELATIVE
A LA POSSESSION
ET
PROPRIÉTÉ
DE M I N E S A CHARBON.
A RIOM,
d e
l ’im p r im e r ie
im p rim e u r
de
de
l a
LANDRIOT,
c o u r
Août 1804.
d ’a p p e l .
s e u l
�MEMOIRE
C OUR
D ’AP P E L
EN RÉPONSE,
SÉANTE
A RIOM.
POUR
P i e r r e - J e a n -B a p t i s t e
TREICH
LA
P L E N E , appelant;
CONTRE
T R E I C H - D E S F A R G E S , veuve
Lachaud
Jean
C O U D E R , et L éo n a r d C H A D E N I E R , intimés.
M a rie
A V E C des titres de propriété , et la garantie des lo is,
le sieur Treich a été jusqu’à présent à la merci de tout
le monde. Un ancien vendeur qui se croyoit intéressé
A
�( 2 ^
à lui faire un procès y associa deux autres individus
absolument étrangers à ce débat ; et pendant que les tri
bunaux en étoient occupés, pendant l’appel d’une sen
tence qui n’a besoin que d’être lue pour être condamnée,
un intendant disposa du sujet de la querelle au profit
d’un inconnu. Bientôt c e lu i-ci trouva en son che
min la révolution , qui lui ôta sa p ro ie, et la remit
aux mains du possesseur, sous la surveillance adminis
trative. M ais, dans la rapide succession des surveillans,
ceux du lendemain détruisirent la volonté de ceux de
la veille; et, après uncalios d’arrêtés administratifs con
tradictoires , la confusion alloit devenir d’autant plus
grande, que le procès sur la propriété étoit encore en
suspens devant les tribunaux. Une cour d’appel pro
nonça sur cette propriété : m ais, comme si c’étoit un
attentat d’avoir éclairci la difficulté , on fit un crime à
son arrêt d’avoir confondu l’accessoire avec le principal;
et, ce qui doit le plus étonner, la cour de cassation, étourdie
sans doute par cette Babel de décisions et d’incohé
rences , a adopté ce système et cassé l’arrêt comme in
compétent , non pas quant au jugement de la propriété,
mais quant à celui de la possession , qui néanmoins étoit
aussi en litige. Quoi qu’il en soit, cette multitude d’ar, fêtés ne peut plus aujourd’hui embarrasser la cause;
le ministre de l’intérieur les en a écartés ; et il s’agit
simplement de savoir si le vendeur d’une mine, qui l’a
vu exploiter pendant 45 ans sans y rien prétendre,
a p u , après ce long espace, et sous prétexte que dans
sa vente il existoit une réserve dont il n’a jamais fait
usage , réclamer une copropriété contre un tiers déten-
�C3 )
teur ; si encore il le p e u t, après avoir vendu le surplus
de ses droits sans aucune mention de ceux qu’il veut
faire revivre. Comme cette cause est tout entière dans
les faits; que les intimés nient aujourd’hui une posses
sion qu’ils ont avouée dans d’autres temps ; et qu’ils se
fondent sur un seul acte qui est détruit par plusieurs
auti-es actes et circonstances , l’appelant est obligé de pré
senter ces mornes faits avec un certain détail absolument
nécessaire à l’intelligence de ses moyens.
F A I T S .
A u village de la P le a u , dans le département de la
Corrèze , sont des mines de houille ou charbon de
terre appartenantes à divers particuliers. Jean Treicli ,
père de l’appelant, en étoit le principal propriétaire.
En 1747 ? il acquit de Pierre Beynes sa portion dans
la terre appelée improprement le communal de la Pleau,
parce qu’elle appartenoit à quatre propriétaires.
L e 2 5 mars 1755 , il acquit du même Pierre Beynes
tout le terrein où étoient ses mines et carrières à charbon,
dans lequel fut comprise la terre appelée la Gharoulièra
qui fait l’objet de la contestation. Ledit héritage vendu,
est-il d i t , tant pour ce qui concerne les mines et car
rières à charbon , que pour les bois , terres et buges qui
sont au-dessus, moyennant 3000 th. Il fut dit que l’ac
quéreur entretiendroit un marché fait avec le maréchal du
lieu pour sa provision de charbon , et que le vendeur
auroit lui-même sa provision annuelle dans les carrières
vendues,
■
■
A 2
�C 4; )
Cette terre de la Charoulière, qui a en surface trois
septerées , avoit été vendue audit Pierre Beynes par
François Beynes, aïeul d’Antoinette, femme Chadenier;
savoir, deux septerées avant 1736 , par un acte qu*î
l’on ne connoîtpas; l’autre septerée fut vendue avec une
autre terre par acte du 1er. décembre 1736* et cette
septerée vendue y est ccmjlnée de jou r avec autre partie
de la même terre, ci-devant délaissée par ledit vendeur
audit acquéreur.
On y remarque encore la clause suivante : « Sous
« la réserve expresse que fait ledit vendeur, du consen« tement dudit acquéreur, de la moitié de tout le cliar« bon qui pourra se creuser dans ladite t e r r e appelée la
« Charoulière, u n e d e s d e u x c i-d e s s u s vendue, à la charge
« que les frais et dépens qui conviendront faire pour
« le déterrement du charbon , se répartiront également
« entre ledit vendeur et ledit acquéreur. »
Mais tout prouve que cette charge fut rédimée bientôt
après, indépendamment encore de ce qui résulte de l’acte
ci-dessus de i j 55.
Antoine Beynes , fils et héritier dudit François, tant en
son nom que comme céda taire de ses frères et sœurs, vendit
à Marianne la Plène , veuve dudit Jean Trcich (mère de
l’appelant ), par acte du 29 août 1768 , un terrein appelé
Chazalas, « confrontant de toutes parts avec le chemin
« dé T u lle s, les carrières communes dudit village de la
« Pleau, avec autres carrières et lerrein de ladite de« moiselle la P lèn e, etc.; ensemble les carrières à char« bon de pierre, pratiquées et à pratiquer dans ladite
« pièce de terrein, etc. ; comme aussi a vendu a ladite
�5 )
a demoiselle la Plène la part et portion appartenante
« audit vendeur, èsdites qualités ^sur les carrières situées
« dans le communal de Pleau, etc. -, sans par le vendeur
a se faire aucune réserve de sa portion dans ledit com« m unal, etc. ; demeure chargée ladite acquéreuse d’exé« cuter les conventions portées au contrat du 29_septem« bre 17 66., etc.; de même aussi sera obligée ladite ac
te quéreuse, de délivrer au vendeur et aux siens la quan« tité de soixante quartes de cliai’bon annuellem ent
« tant et si longuement qu’il se recueillera du charbon
a dans lesdites camères ci-dessus vendues, à la charge
« que le vendeur ou les siens seront tenus de les creuser
« eux-mêmes ou faire creuser à leurs dépens, etc. »
Cet acte de 1766 (lequel seul Antoine Beynes voulut
rappeler) étoit un traité par lui fait.avec Bernard Dodet
pour- extiaire le chai’bon do ladite terre. Chazalas, con
frontant, disoit-il lui - même audit acte, ¡d’une part la
charbonnière commune , et d’autre part la charbonnière
des héritiers, du J eu sieur Treich le .cadet.
Antoine Beynes n’avoit guère d’autre ressource que sa.
rente de :soixante quai’tes de charbon, qu’il fit valoir
quelque temps, sans avoir garde de réclamer aucun autre
droit en vertu de l’acte de 1736. Il la vendit le 0 janvier
1771 , et Marianne la Plène la remboursa par acte du 27
du inème mois.
Tout se réunissoit donc à séparer entièrement les in
térêts de Marianne, la Plène d’a,vçc,’ceux dudit Beynes,:
lorsque Marie Treich-Desfarges, par jalousie de voisi
nage , à cause de la charbonnière du communal dont elle
ayoit acquis une partie depuis quelque temps, après avoir
(
�m
essayé de faire à Marianne la P lè n e ,c n 1 7 7 5 , un pro
cès criminel qu’elle fut forcée d’abandonner, découvrit
l’acte de 1736, e t, ne pouvant en user elle-m êm e, elle
èut recours à un moyen jusqu’alors inconnu pour chi
caner un voisin. Elle se fit associer par ledit Beynes ,
en 1777? avec Jean Couder, à la ¿faculté de creuser
dans la terre de la Charoulière en entier, et en échange
on associa ledit Beynes au charbon à recueillir dans le
communal.
A la vérité on ne supposa pas tout à fait que le droit
de Beynes fût bien certain ; car il fut ditque si ledit Beynes
lïa v o it pas ce droit de creuser dans la terre de la Cha
roulière, la société ( évaluée à 4 ) n ’a u r o it aucun effet.
Les trois a s s o c ié s se m ir e n t e n œuvre au mois d’août
1781 , firent une fouille dans le communal, où la veuve
Desfarges avoit une portion, et de là ils poussèrent leurs
travaux sous la terre de la Charoulière, qui domine ce
communal.
Maiùe la Plène aussitôt présenta une requête, de
m a n d a le transport du juge de Saint-A n gel, lequel fit sur
les lieu x, le 8 août 178 1, un procès verbal qui fixa les
prétentions des parties, et qu’il est essentiel d’analiser,
parce que les intimés feignent d’ignorer comment le
premier juge a constaté des dires qu’ils désavouent à.
présent.
__
r
Les Desfarges, Beynes et Couder, qui d’abord ne sembloient se défendre qu’en soutenant que leur fouille
n’a voit pas pénétré sous la Charoulière, essayèrent néan
moins le ton offensif, et déclarèrent audit procès verbal
qu’ils prenoicnl les démarches de la veuve la Plène pour
�t 7 )
un trouble à leur propriété ; que les causes dont se servoit et «y'était ci-devant servie ladite demoiselle la Plène,
pour tirer du charbon de la terre de ïa Charouliere,
portoient un préjudice notable audit Beyrîes et autres, au
droit de retirer du cliai’bon de ladite terre, et que ladite
demoiselle la Plène ne pouvoit s’empêcher de leur faire
compte de la moitié de ce chai'bon depuis le temps qu'elle
avoit acquis.
Ils ajoutèrent la demande qu’il leur fût donné acte de
leurs réquisitions et réclamations , sous réserve, de la
restitution de la m oitié du charbon ci-devant retiré de
la Charouliere par la demoiselle la Plene depuis son
acquisition , et autres que de droit.
D e son côté, la demoiselle la Plène se plaignit de ce
qu’on-avoit fait un chemin souterrein, pour venir, par cette
feinte adioite, dans sa charbonnière o u v e r t ,* mais qu’on
ne pouvoit s’aider du titre de 1736, parce qu’il n’avoitpas
d’application, et que d’ailleurs il étoit doublement
prescrit.
Pendant cette première diligence les intimés ne se hâtoient pas moins de fouiller le charbon ; ils avancèrent si
rapidement, et avec si peu de précautions, qu’ils pensèrent
se trouver pris sous la galerie de la veuve la P lèn e,
parce qu’ils ne se donnoient pas la peine de mettre des
étais. La veuve Desfarges crut faire une heureuse diver
sion en rendant plainte.
La veuve la Plène et ses ouvriers furent décrétés de
soit ouï, et interrogés; mais la veuve Desfarges en fut
pour sa tentative, et la procédure fut civilisée.
On continua le procès civil, et les intimés prirent, le
�c8).
20 novembre 1781, les conclusions qu’ils avoient annon
cées lors du procès verbal, c’est-à-dire, i°. qu à Vavenir
le charbon fût partagé par moitié ; 20. que pour le passé
la demoiselle la Plène fût condamnée à leur restituer
6000 cartes du charbon qu'elle a retiré é t j a i t creuser
sous le champ de la Charoulière, et ce pour leur
m oitié, à quoi ils se restreignent ; 30. à la moitié dudit
charbon retiré de ladite terre depuis Vinstance ,* 40. en
2.000'^ de dommages-intérets.
L e 17 mai Ï782 intervint la sentence du premier juge,
qui déclare les intimés propriétaires de moitié des car
rières de charbon qui sont dans la terre de la Charou
lière , et de moitié de celles du communal de la Pleau
(qui n’étoient pas en litige)-, m a is , attendu, est-il dit, que
les intimés n’ont pas réclamé dans le temps contre Yexploitation de charbon faite avant Vinstance par la demoisèlle la P lè n e , publiquement et ouvertement, en
vertu de' son contrat de i j 55 , au vu et su dudit Beyjies et
de ses associés, sans réclamations, la veuve la Plène est
r e n v o y é e de la demande en d é c h a r g e de tout compte du
charbon extrait, et ils sont renvoyés eux-mêmes de toute
demande. Le surplus de cette sentence règle le mode
d’exploitation pour l’avenir.
Les Beynes, Couder et veuve Desfarges n’ont point
attaqué ce jugement.
La veuve la Plène en interjeta appel en 1782. Cet appel
fut instruit en la sénéchaussée de T u lle : elle étoit sur
le point d’obtenir justice.
M ais, Sic vos non n obis, un nommé Saint-Victour
profita de ces querelles pour persuader que l’exploitation
de
�(9)
de ces mines étoit en mauvaises mains ; il en obtint
d’abord de l’intendant de Limoges la concession pour
un an ; puis il fit valoir ses dépenses, l’excellence de son
administration, son utilité, etc. Il obtint en 1783 une
concession de quinze ans.
■
La loi du 28 juillet 1791 expulsa ce, Saint-V ictour,
qui néanmoins ne fut pas découragé j et q u i, dans touteSj
les phases de la révolution, se tint aux avenues des
administrations et des ministères, pour solliciter quelquesuns des arrêtés ci-après, et en venir de longue main à
réussir.
Les mines étant seulement sous la surveillance admi
nistrative , les propriétaires de Pleau obtinrent , le
6 novembre 17 9 1, un arrêté du département de la Corrèze, qui les remettoit en possession de leurs carrières.
Saint-Victour in tr ig u a et prétendit que lui seul a voit mis
les charbonnières en état de produit; il- fallut des enquêtes
pour le vaincre. Enfin, en 1793, il parut céder, et fit
faire par Bettinger, son associé, un traité avec PierreJean Treich appelant, lequel concédoit, à prix fixe,
a u d it Bettinger, l’exploitation de ses mines pendant vingt
ans. L e département homologua ce traité le 19 juin 1793.
D ’autres changemens amenèrent d’autres intrigues. On
fit écrire au ministre de l’intérieur par le ministre de la
marine , pour les mines de Pleau ; on eut des avis de la,
commission des mines, d’autres de celle des travaux pu
blics. On fit ordonner que les propriétaires exploiteroient en commun.
L e département de la Corrèze prit, les 5 et i 5 plu
viôse an 5 , deux arrêtés qu’il crut être en conformité
B
�C 10 )
de ces règlemens ; mais ils furent cassés par lé ministre
de l’intérieur, le 8 floréal an 5.
Les propriétaires des mines se réunirent, le 24 nivôse
an 6, pour organiser une exploitation en commun, sous
la direction de Mazaud. O n pressent que Treich appe
lant, et principal propriétaire, ne pouvoit y participer à
cause du traité qu’il.avoit fait avec Bettinger.
Un autre obstacle s’opposoit à cette union. Les arrêtés
des 6 novembre 1791 et 19 juin 1793 subsistoient
en core, et étoient exécutés.
Mais le bien général ne permit pas sans doute à l’ad
ministration de la Corrèze de se laisser guider servile
ment par des décisions sous la foi desquelles on a v o it
traité , et de se laisser m a îtr is e r p a r des considérations
particulières. L e plus difficile ne fut donc pas de vaincre
ce léger empêchement :
D iru it, œdificat, mutât quadrata rotimdis.
L e département de l’an 6 cassa, le 23 ventôse, les
arrêtés du département ou plutôt des départemens
de 1791 et de 1793. L ’union de la compagnie Mazaud
fut homologuée, et il fut enjoint à Treich de déclarer
sous quinzaine s’il entendoit s’y réu n ir, sinon il étoit
censé avoir renoncé à son droit.
Treich se pourvut près des autorités supérieures ; il
osa même élever sa voix jusqu’au chef de l’état ; et
bientôt nous verrons qu’il n’a pas supplié en vain.
Cependant cet arrêté de l’an 6 étoit le dernier état
des choses, lorsque l’appel de T re ic h , fils et héritier
de M a r ie la P lèn e, fut porté à T u lles, comme tribunal
choisi par les parties : il fut ensuite dévolu à la cour
d’uppel de Limoges.
�( ri )
Les adversaires , forts de la décision administrative,
contestèrent d’abord la compétence judiciaire : mais
comment un arrêté a u ro it-il pu suspendre un appel
pendant ? D ’ailleurs l’arrêté ne régloit rien sur la pro
priété des parties : la cour de Limoges retint donc la
contestation.
Les parties plaidèrent au fond ; et le 28 germinal
an 9 intervint l’arrêt suivant :
« Considérant qu’il résulte du contrat du i^r. décern-;
« bre 1736 une vente pure , simple et parfaite de
« l’entier fonds de la portion de la terre la Cliaroulière,
« qui fut vendue par cet acte ; que la réserve énoncée
a à la suite de cet acte , même du consentement de
« l’acquéreur, n’y est apposée que comme un supplé
er ment du prix déjà stipulé ; qu’ainsi cette clause n’avoit
« point fait retenir au v e n d e u r - la propriété de la
« moitié de la mine de charbon existante sous le ter« rein aliéné ; qu’il n’en dérivoit contre l’acquéreur
a qu’ une simple action en réclamation de cette moitié
« de charbon ; que cette action en soi est prescriptible
« comme toutes les autres , par le laps de trente années ;
a que les intimés ont avoué et soutenu ¡ au procès, que
ce n i François B e y n e s, auteur d'Antoine , n i ledit
« Antoine lui-m ém e, n av oient jam ais jo u i de la mine
« à charbon , depuis ledit contrat de 1736 , jusqu'en
c 1780; ce qui embrasse un espace de quarante-quatre
a ans , plus que suffisant pour prescrire ;
« Considérant que cette action est prescrite par le
« non-usage; que Jean Beynes, premier acquéreur,
« Jean Treich, père de l’appelant ; et l’appelant lui-même,
B 2
�( 12 )
« ont possédé ladite moitié de m ine, avec titre suffisant
« pour en acquérir la propriété avec bonne foi et sans
« interruption pendant plus de trente ans; qu’ainsi cette
« prescription se trouve acquise en faveur de l’acqué« reur ; que dès-lors l’examen et la solution des autres
« questions agitées au procès deviennent inutiles, etc.
« L e tribunal dit qu’il a été mal ju g é ;.... garde et
« maintient l’appelant au droit et possession de jouir
« des mines à charbon existantes dans la terre la Cha« roulière ; ... le relaxe de l’accusation et plainte;...
« condamne les intimés à lui rendre le charbon par
« eux perçu dans ladite terre ,... depuis le trouble jus
te qu’au jour.... de l’arrêté du 23 ventôse a n 6 ,... et
« 100 ^ de d o m m a g e s - in t é r ô t s ,.... sans préjudice à la
« restitution en temps et lie u , s’il y éch et, du charbon
« perçu depuis ledit jour 23 ventôse an 6 , etc. »
Les intimés se pourvurent en cassation sur quatre
moyens. Celui de l’incompétence fut rejeté à l’unanimité
en la section des requêtes. L e prétexte de la minorité de
Beynes , qu’il ne prouvoit encore pas régulièrem ent,
fit réussir l’admission. La section civile rejeta à son
tour ce moyen , et s’attacha a l’incompétence : il en est
résulté que l’avis de huit juges l’a emporté sur celui de
vingt-trois.
Quoi qu’il en soit, les deux arrêts de Limoges ont été cas
sés le 14 nivôse a n n , pour avoir statué sur la possession
en même temps que sur la p ropriété, parce q u e , dit
l’arrêt, la possession déi’ivoit de l’arrêté du 23 ventôse
an 6 ;... et cependant cet arrêté avoit été respecté à Lim o
ges comme une barrière insurmontable. Les parties sont
.
�C 13 )
,
renvoyées à faire statuer sur leur appel en celte cour.
Les intimés se figurèrent que cet arrêt de cassation étoit
un triomphe définitif, et ils allèrent de suite se mettre en
possession des mines de Cliaroulière : ils y disposent
aujourd’hui en maîtres.
Mais bientôt les plaintes que Treicli avoit portées au
pied du trône ont été fructueuses. L e ministre a donné
ordre au préfet de la Corrèze de casser l’arrêté du 23 ven
tôse an 6. Cela a été effectué par arrêté du 27 floréal
an 12 , qui permet pour un an à Treich et autres d’ex
ploiter chacun dans sa propriété , à la charge de s’expli
quer dans ce délai pour régler le mode d’extraction à
venir.
N ’y aj^ant donc plus d’empêchemens administratifs,
Fappel a été suivi e n la cour. Les intimés ne voudroient
y plaider que sur la propriété ; ils p r é t e n d e n t que le u r
droit est imprescriptible, et qu’il ne s’est pas écoulé de'
prescription , soit à cause de la clandestinité , soit quant
au délai suffisant pour prescrire.
M O Y E N S .
Ce n’est pas un très-grand malheur qu’une bonne cause
s o it remise en jugement après avoir été gagnée en der
nier ressort, lorsque la cour suprême n’a blâmé cette
décision que dans un très-petit accessoire. Mais ou ne
peut s’empêcher de s’étonner grandement que 'l’arrêt1
d’une cour d’appel, reconnue compétente pour le fond
du procès et pour la majeure partie des accessoires, ait
été pleinement cassé, sans que cet arrêt, au fond, soit
suspect d’aucun vice.
f
�( 1 4 }
A u reste, le sieur T reicli se consolera aisément de
cette vicissitude , q u i, en jugement comme en adminis
tration , n’épargne pas les choses les plus irréfragables ;
car si son arrêt do Limoges a été cassé, il a au moins
l’avantage que le moyen de non-prescription, sur lequel
les intimés a voient insisté davantage, n’a pu être accueilli
ni à la section des requêtes , ni à la section civile , et
que l’arrêt de la cour de cassation, dans tous ses motifs,
n’attaque aucunement l’arrêt de Limoges dans les ques
tions de la propriété, et même dç la possession antérieure
à l’an 6 , mais seulement pour s’être mis en opposition
à l’arrêté du département, du 23 ventôse an 6.
Les motifs de cassation font naître une idée bien na
turelle : car ils s o n t f o n d é s , n o n pas sur le droit qu’avoit
la c o m p a g n ie Mazaud à la possession, mais sur la pos~
sibilité qu’elle y eût droit, quand le gouvernement auroit
ratifié l’arrêté de l’an 6,
O r , Mazaud n’ayant plus ni arrêté ni expectative , ne
faudroit-il pas dire que sublatâ sausâ tollitur effectus ?
et que la cassation étant fondée sur une condition nonsuivie d’événement, il n’y a aucun obstacle à ce que l’arrêt
de Limoges subsiste,
On répondra qu’il y a chose jugée; mais 011 se <Jemanderoit laquelle ? et cette réponse même nous con
duira au moins à être persuadés que c’est bien sans
nécessité, et surtout sans motifs existans , que le droit
des parties est remis en litige.
D ’Argentrédéploroitla misère des plaideurs et l’éternité
des procès: M iseri lit!gantes ! de quibus n ih il certi est
constitution, et qubd ab arbitrio eujusque et opinqtione
potiùs peudet, quàni àçertis regulis, Mais q u ’ a uroit-il dit
�C l5 )
si, outre les tribunaux, il eût fallu parcourir un cercle d’ad
ministrations sans être plus certain le lendemain que la veil
le , et sans que ces administrations le fussent elles-mêmes?
Quoi qu’il en soit, supposons, car il faut bien le sup
poser , que les choses sont au même état que lors de la
cassation, et par conséquent qu’il existe un arrêté du
23 ventôse an 6.
Si cet arrêté subsistoit aujourd’hui, la cour auroit à exa
miner encore la même question de compétence relative
ment à la possession des mines; et il seroit bien difficile,
on ose le d ire , qu’elle se conformât mieux que la cour
de Limoges à la démarcation des pouvoirs; car pourroitelle faire plus, que d’arrêter ses condamnations à l’époque
où l’administration avoit disposé de l’avenir ?
M a is , dans tous les sens possibles, le passé étôit dans
le domaine judiciaire ; le s jo u is s a n c e s de 1781 à 1791
étoient en litige par la sentence de S ain t-A n gel, et par
l’appel de la veuve Treich.
' Les jouissances de 1791 à l ’a n 6 étoient encore l’objet
de l’appel, et on ne peut pas invoquer l ’a rt. I er. de la
loi du 28 juillet 1791 ; car s’il place les mines sous la
s u r v e illa n c e administrative, il n’ôte pas le fait de la pos
s e ssio n , et d’ailleurs elle étoit autorisée par deux arrêtés
de 1791 et de 1793
Ces deux arrêtés n’ont été rapportés que le 23 ventôse
an 6 ; mais jusque-là ils avoient eu leur exécution , et ce
dernier arrêté ne les rapporte aussi que pour l’avenir.
' Ainsi Lim oges, loin d’être en opposition h des arrêtés
administratifs, s’y étoit au contraire entièrement con
formé : ainsi la cour ; en statuant de même ; s’y conformeroit encore.
*
�c
1
6
}
Mais elle n’a pas même l’empêchement de cet arrêté
de l’an 6 ; e t , quoi qu’en disent les intim és, rien ne
s’oppose aujourd’hui à sa pleine compétence ; car l’arrêté
du préfet, en cassant celui de l’an 6 par ordre du mi
nistre, n’a pas borné cette infirmation à un seul chef,
comme ils le supposent. L ’arrêté ekt cassé.
-Au reste , il est toujours vrai que la compagnie Mazaud
n’a plus le privilège exclusif. L e droit d’exploiter est
rendu à chaque propriétaire, au moins.provisoirement;
et d’ailleurs encore il est véritablement oiseux de recher
cher quel reste d’existence a l’arrêté de l’an 6 ; car si les
intimés ont joui avant l’an 6 , ils ne doivent rien à la
compagnie Mazaud , qui n’existoit pas, mais à T r e ic h ,
qui avoit le droit de jouir. L a question de propriété
emporte donc avec elle la question des jouissances.
A in s i, bien loin de se restreindre à moins que n’a jugé
L im oges, il semble que la cour n’a aucun empêchement
à adjuger même les jouissances postérieures à l’an 6 ;
car la compagnie Mazaud n’a jamais eu de droit ni de
possession sur les propriétés de l’appelant, seulement elle
yt avoit une expectative au cas que Treich ne réussît pas
dans sa réclamation auprès du ministère. Mais l’arrêté de
l’an 6 n’est plus. La compagnie Mazaud , d’après mémo
les intimés ( page 14 de leur mémoire ) , n’a plus do
droits ; et s’il est vrai que la possession des mines ait
besoin d’une autorisation , le sieur Treich l’a encore
obtenue. Ainsi l’efFet le plus immédiat de celte obten
tion doit être que ceux qui posséderont dans ses pro
priétés malgré lui , doivent lui rendre compte»
A u reste, il s’agit ici de compétence, et par c o n s é
quent
�(> 7 )
quent d’ordre publie : la-cour y statuera dans sa sagesse.
Il suffit à l’appelant de rentrer dans ses propriétés; et
il n’y voit d’autre obstacle que l’obstination de ses
adversaires.
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i. J I :
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*.
. Soit que là cour juge toute la possession, ou seule
ment une partie de la possession, «il est aii moins cer
tain qu’il n’y a de vrai litige que sur la propriété.
D ’après cela, si l’arrêt de Limoges est cassé, même pour j
ce qu’il avoit compétemmènt jugé , le sieur Treich ne
sera pas plus embarrassé de prouver à Riom qu’à
Limoges qu’il est seul propriétaire de la Charoulière
et des mines qui en dépendent. Ses preuves à cet égard
ne sont pas équivoques.
i° . Il tient cette propriété de Pierre Beynes. Elle
est vendue sans charges.
2°. Son titre est fortifié par le fait même du pre
mier vendeur , q u i, achevant d’aliéner ses propriétés
adjacentes et droits de mines , ne s’est fait aucune
espèce de réserve.
3°. Il a joui plus de io ans avec titre et bonne foi :
il a joui même plus de 30 ans sans trouble ni récla
mation.
4°. Cette jouissance est constante au procès.
Les intimés ne se sont pas dissimulés toute la puis
sance de ce dernier moyen ; aussi ils s’eiforcent de la
diminuer par des négations.
Ils n’ont jamais avoué, disent-ils, que Marie la Plène,
�C(i 8 0 '
veu veT reich , ait jou i, et ils-ne trouvent aucunes traces de
cet aveu ; et l’appelant, au contraire, a toujours d it,
suivant e u x , au bureau de paix , et dans ses écritures,
n’avoir ouvert de carrière dans la terre de la Charoulière que depuis dix-huit mois.
A u bureau de paix ? lès parties n’y sont jamais allées.
Dans les écritures de l’appelant ? il a toujours d it, ab
ovo , qu’il y avoit jouissance et prescription. C’est donc
dans les interrogatoires? Mais de quel interrogatoire a-t-on
V o u lu parler ? est-ce de celui de 1776? est-ce de celui de
1781 ? car la veuve Desfarges est armée de deux procès
criminels qu’elle a soin de produire avec son procès civil.
L e premier interrogatoire est vraiment une pièce
curieuse; et, s’il faut juger la sentence de 1782 par les
interrogats de 177^ , la comparaison ne sera pas trèsavantageuse par la sentence. L e juge demande à la veuve
la Plène s’il n’est pas vrai qu’elle est propriétaire de
moitié du communal, et autres carrières ; .....s’il n’est pas
vrai qu’elle tient sous son joug les habitans du v illa g e ;...
s’il 11’est pas vrai qu’elle a coutume de lasser les parti
culiers qui ont essayé de creuser du charbon, etc. Elle
répond qu’elle est propriétaire^ de moitié du communal,
et de plusieurs autres carrières ’p articulières ; ...qu’elle
n’empêclie pas les particuliers de creuser ou ils ont droit,
mais qu’elle a toujours fait ses efforts pour les empêcher
de creuser dans ses fonds.
Ce ne sont là que des pauvretés , cela est vrai; mais,
au lieu d’y trouver une preuve que la veuve la Plène
ne jouissoit p as, on y voit au contraire qu’elle entenr
doit très-bien jouir seule de scs carrières, envers et contre
tous ; elle ne s’en défendoit pas.
�( r9 0
Sont-ce les interrogatoires de 1781 ? Car il est parlé
de dix-huit mois dans l’interrogatoire de Martin Beynes
et dans celui de sa femme, qui Ont rendu compte de la
d e r n ie r e excavation qui donnoit lieu à la plainte. Mais la
veuve la Plène explique, dans son interrogatoire du
même jo u r, que cette carrière n’est -qu’une continua
tion de creusement ; et plus ¡loin elle parle encore de
ce nouveau creusement.
C o m m e n t la veuve la Plène auroit-elle, en effet, menti
à. la vérité contre elle-même , lorsqu’on lit dans les écri
tures de ce même pi’ocès de 1781 , qu’elle a,toujours
joui. « Les contrats de vente , dit-elle ( dans la requête
« copiée à la suite de ces interrogatoires dans les pièces
« des intimés ) , ont toujours été suivis d'exécution
« par la jouissance paisible et tranquille que la sup« pliante a eue seule des fo n d s y mentionnés, notam« ment de la terre de la Charoulière , à l’exclusion de
k tous autres, et sans opposition. »
;
Non-seulement la veuve la Plène a parlé de sa pos
s e s s i o n constante , mais les intimés ne l’ont jamais désa
vouée eu première instance. Leurs réquisitions au procès
v e r b a l du 8 août 1781 , leurs conclusions dans la l’eqiiête
du 20 novembre suivant, qui en font le complément,
ne laissent aucun doute à cet égard. L ’appelant ne les
rappellera pas, parce que la cour a dû se convaincre, par
le seul récit des faits, que ce point de jouissance exclu
sive étoit constant dans la cause.
Qu’y a-t-il encore de plus exprès et de plus concluant
que la fin de la sentence de 1782, pour prouver que cette
G a
�(2°)
possession a eu lieu au vu et su des adversaires, publi
quement et sa?is réclamation.
Ils n’ont pas interjeté appel de cette sentence; donc le
débouté, motivé sur la jouissance exclusive à leur vu et su,
demeure inattaquable : le motif et le dispositif ne peuvent
se séparer. Enfin, peut-on douter de la possession constante
de T reich , après avoir vil les aveux faits devant la cour
de Lim oges, et rappelés dans les motifs de son arrêt? Ainsi la jouissance des Treich est constante; ainsi les
Beynes n’ont jamais joui ni fait de réclamation de la
réserve qui se trouve au contrat de 173^. O r , avec ces
points de fait, il sera aisé de prouverique l’appelant
doit être tranquille par la prescription , indépendam
ment des moyens qui i*ésultent des a c te s de 1768, 1769
et 1771.
>
V e u t-o n considérer Antoine Beynes isolément, et
comme s’il plaidoit contre Pierre Beynes son acquéreur?
alors, à la vérité, il faudroit une prescription de trente ans.
O r, cette prescription s’y trouve, car Antoine Beynes
n’a jamais articulé avoir joui ; et , de l’époque de sa
vente en 1736 jusqu’à 1781, il y a prescription, comme
l ’a jugé la cour de Lim oges, car il y a quarante-quatre
ans.
Les intimés essayent d’en diminuer la durée en disant
qu’Antoine Beynes étoit mineur. D ’abord, outre qu’il
n’étoit pas seul héritier du vendeur, il n’y pas moins
trente-deux ans utiles sur sa tête; et si les intimés, dans
leur mémoire ( png. 1 1 ) , veulent trouver neuf ans de
moins, c’est qu’ils ne comptent pas l’intervalle de 1736
i\ 1755.
�(
21
)
Pour justifier cette déduction, ils disent que c’est en
iy55 s e u le m e n t que la cause de la possession a été changée.
Mais il n’est pas nécessaire de changer la cause d’une pos
session pour prescrire par trente ans; car cette prescrip
tion n’exige aucune autre condition que la possession à
titre de propriétaire; neque bona fuies requiritur, sedsola
possessio per tricennium. Le Gode civil encore rappelle
sur ce point les anciens principes.
« On peut prescrire contre son titre, en ce sens que
« l’on prescrit la libération de l’obligation que l’on a
« contractée. » (A rt. 2241.)
Nous avons considéré la prescription du côté de Beynes
vendeur, et elle est acquise par trente ans; mais il reste à la
considérer du côté de Treich acquéreur en 1755; et, sous
ce point de vue, il suffit de dix ans de prescription;
La loi comprend expressément dans la prescription de
dix ans les charges auxquelles le fonds est asservi, et
personne né doute que, dans la plupart des pays de droit
écrit, cette prescription n’ait été constamment admise.
Le parlement de Bordeaux, d’où il paroît que l'essortissoit l’ancien Limousin , admettoit la prescription de dix
ans en faveur du tiers possesseur, ainsi que l’enseigne
Lapeyrère, lettre P , n». 83.
A la vérité , son annotateur inconnu prétend que Bor
deaux n’admet que la prescription de trente ans. Mais la
cour jugera lequel des deux mérite d’être préféré, au
cas qu’il y eût lieu d’aborder cette question secondaire.
I/npeyrère avoit d i t , au n°. 60, q u e la prescription
s’a c q u é r o it par dix ans au tiers possesseur, suivant arrêt
de règlement de 1626.
�( 22 )
Mais , au reste , deux moyens prouvent qu’elle doit
avoir lieu dans la cause.
i ° . Tous les parlemens qui ont refusé d’admettre la
prescription de dix ans se fondent sur l’Authentique M alœ
J id e i, et en tirent l’induction que la bonne foi ne se
pi*ésume pas conti'e le propriétaire, parce qu’on ne peut
pas présumer qu’il ait connu son droit et n’ait pas réclamé.
Cessât longi temporis preescriptio, si verus dorainus ignoret ju s suum et aliénationem facta?n. Dans ce
cas il n’y a que la prescx’iption de trente ans.
Mais comment ne pas voir qu’Antoine Beynes n’est
point dans le cas de cette lo i? Il n’a pas ignoré son droit,
puisque riiéritage vient de lui-m êm e, puisque ce droit
est porté par un titre de son fait.
Il n’a pas même ignoré la vente de 17^5 , car en 1766
et en 1768 il reconnoissoit les héritiers Treich pour
propriétaires des carrieres voisines et du ténementde la
Charoulièx’e.
En second lieu , l’Authentique Malos fidei ne se rap
porte qu’à la vente d’un immeuble; et les parlemens qui
la reçoivent ont néanmoins continué d’adopter la pos
session de dix ans quant aux charges et hypothèques
dont l’immeuble lui-même est grevé, et que D unodm et
sur la même ligne quant à la prescription de dix ans.
O r , la réserve de partager le charbon à extraire,
énoncée en l’acte de 1736, qu’est-elle autre chose qu’une
charge, une servitude, un droit h des fruits temporaires?
E t n’étoit-il pas ridicule que le juge de Saint-Angel
appelât ce droit une propriété, et jugeât que les intimes,
même Couder et la veuve Dosfarges, étoient propriétaires
�( 23 )
pour moitié', comme si après une vente le vendeur demeuroit propriétaire ; et comme si dans un fonds il y avoit
deux propriétés, l’une du tréfonds et l’autre delà super
ficie.
M ais, dans tous les cas, il est superflu de remonter à
cette réserve de 1736, parce que Jean Treich ayant acquis
çn 1755 , sans qu’elle fût mentionnée, a joui avec bonne
foi, au vu et su du vendeur, qui connoissoit son droit;
ainsi l’appelant a prescription suffisante.
.. Les intimés répondent que la prescription n’a couru
dans l’espèce par aucun laps de temps; d’abord, parce que
c’est un droit de pure faculté ; en second lieu , parce que
s’agissant de possession sous la terre, il y a clandestinité,
, Autant vaudroit avoir dit etiam per mille a n n o s,
comme le dit Dumoulin sur le Titre vicieux. Cependant,
il faut en convenir, il seroit un peu dur de songer que
de vieux titres portant réserve d’un droit peuvent tom
ber des nues à la vingtième génération, et dessaisir ceuxlà môme qui ont pour eux le titre et la bonne foi sans
s’attendre à aucun trouble.
L ’espèce de Cancérius,rapportée par D unod, parmi les
exemples qu’il donne des droits de pure faculté, est déjà
contraire à l’un des faits principaux de la cause ; c’est quo
si le propriétaire d’un château ruiné n’a pas perdu la fa
culté de le faire réparer par les habitans, c’est parce qu’il
pe l’a pas réparé sans eux; sans quoi le droit seroit pres
crit. O r , ici Beynes avoue qu’on a joui sans lui.
M ais, à la page su ivan te, D un oc] explique la cause d’une
manière à épargner à rappelant une discussion plus éten
due sur les droits de pure faculté.
�( H )
a II faut distinguer entre la pure faculté, qui a son
« fondement dans la nature, dans le droit public commun
« à tous ou à plusieurs d’une même société, et dans la
« liberté de faire ou de ne pas faire certaines choses,
« sans aucune préexistence ou mélange de titre , de
« convention ou d’action; et celle qui vient d’un titre,
« qu i tire son origine iVun contrat , qui est propre à
« celui qui a le titre, qui résulte d’un droit form é, qui
« produit une action , et qui peut être déduite en ju« gement.
’ « La première de ces facultés n’est pas sujette à la pres« cription, tant qu’elle n’est pas intervertie. M ais la se« conde se prescrit sans interversion , parce qu’elle dé« rive d’une convention et d’une action qui sont pres« criptibles et dans le commerce ordinaire, à moins
a qu’elle ne tombe sur des choses qui sont d’une condi« tion à ne pouvoir être prescrites. » (D unod, pag. 90.)
Ces principes s’appliquent sans effort à la cause. L e
vendeur de 1736 avoit son droit dans son propre titre;
il a pu le faire valoir ; il avoit une action : donc sa ré
serve étoit prcsci’iptible, comme l’avoit jugé la cour d’appel
de Limoges.
Remarquons d’ailleurs qu’en cette partie les moyens
des intimés s’entredétruisent. Ils prétendent que Beynes
a eu le droit, non pas seulement à?attendre qu’on creusât
pour partager, mais de creuser lui-même.
La preuve, c’est qu’il a associé pour creuser ; la preuve,
c’est qu’on a creusé soi-m ême, et plaidé pour soutenir
qu’on en avoit le droit.
L a preuve enfin, c’est que la sentence de 1782 adjuge
ce
�25 >
cc droit; c’est qu’elle déclare les intimés propriétaires de
la moitié de la mine.
Une propriété n’est donc pas une pure faculté ; et
conçoit-on un propriétaire qui conserve son droit sans
prescription, quand un autre en jouit d’après lui-même
exclusivement ?
(
Mais cette jouissance, dit-on, a été clandestine.
A cela il n y auroit qu’un mot à répondre ; c’est
que la sentence de 1782 dit que la jouissance a eu lieu
au vu et su d’Antoine Beynes. O r , cette sentence n’est
pas attaquée par les intimés. Dira-t-on que cette sentence
est annullée par l’appel ? Mais il n’y a appel nécessaire
ment par celui qui perd son procès, que pour la partie où
il le perd.
^ D ailleurs, il est de principe que le s aveux consignés
dans un acte subsistent malgré son annulation , comme
1 enseigne Cochin, tome 5 , page 274, et comme 1,’a jugé
la cour de cassation le 29 floréal an 7.
°
Ce qui vient d’être dit s’applique à l’arrêt de Limoges
qui mentionne l’aveu de la possession.
’*
Mais l’appelant ne veut pas écarter ce moyen de clan
destinité seulement par une fin de non-recevoir. Car ici
les parties sont loin de ce qu’on peut appeler une posses
sion clandestine : il n’y en a ni dans le fait ni dans le droit
Dans le fait, aucun habitant de la Pleau n’a mieux su
que Beynes tous les tours et détours des charbonnières *
.et quand il se fait un moyen de ce que la, Ch.aroulière
n’a pas eu d’excavation verticale, il sait bien qu’à la Pleau
D
�(26)
'
on n’a jamais/comme* en F lan d re, exploité ces mines
par des puits.
La montagne où est la houille est en cône régulier ;
par conséquent, pour creuser dans une surface, il faut
creuser par une tranchée horizontale au pied du plan
incliné. Par ce m oyen, qui est le seul usité à la Pleau, rien
n’indique mieux où se dirige la fo u ille, et il est impos
sible de s’y tromper.
La procédure prouve d’ailleurs que c’est dans un tertre
de la Charoulière que se trouve l’une des ouvertures ;
d’autres sont au com m unal, mais au pied de la Charou
lière , et en direction de cette mine.
A u x termes du d ro it, une possession clandestine sup
pose le d o l, c’est-à-dire , l’intention de cacher ce qu’on
fait à celui qui a intérêt de le savoir. JIl n’est pas besoin,
pour l’établir, d’aller rechercher d’autres principes que
ceux-là même consignés au mémoire des intimés :
Clàrn possidere eum dicim us, qui f u r t i v e ingressus
est possessionem , i g n o r a n t e eo quern sibi contro
versia mjactarurrt s u s p i c a b a t u r , etn éju ceret t i m è Jb a t . L . 6 , iT. D e acq. P o ss.
Voilà donc trois choses qu’il faut regarder commfc
constantes: i°. que Marie la Plène ait joui furtivem ent',
2°. qu’elle ait craint une action de la part d’Antoine
Bi’yiies', 30. qu’Antoine Bey nés ^ait ignore la possession.
’ La sentence de 1782 répond à tous ces faits, ch disant
qiie Mïirifc' la Plèiie 'a j’ô i^publiquem ent. La plainte de
1775 prouve aus^i qu’elle‘ne craiguoît pas les m a u v a is e s
�( 27
)
contestations ; et enfin les écritures des intimés, ci-dessus
rappelées, côntiennent la meilleure réponse à leur moyen.
- Mais quand tout cela n’existeroit p a s, vit-on jamais
appeler clandestine la possession de celui qui a un titre ?
Ha clandestinité n’est réprouvée que pour celui qui a
voulu prescrire par le ,seul secours de la possession , et
parce que sans possession publique il n’a vraiment pas
de possession.
Mais celui qui a un titre n’a besoin d’avertir per
sonne qu’il jouit ; car c’est en vertu de son titre qu’il pos
sède , et lé vice dé clandestinité ne lui est point appli
cable.
• '-*■•* i
vi
t
Dunôd , invoqué par les intimés, après avoir cité la
loi 6 , dit à la page suivante : « Celui qui a joui en veriu
? « d’un titre ne peut être regardé comme possesseur clan« destin , son titre le fa isa n t s u p p o s e r d e b o n n e f o i dans
cc le commencement; ce qui suffit pour prescrire suivant
« le droit civil. »
V/ t
; ’
t Le Gode civil répète que la bonne fo i, quand il y a
un titre, est toujours présum ée, et que c’est à celui qui
allègue.la mauvaise foi àila prouvçr,. ( Art. 226$,.),^.
Les intimés disent qu’on devoit avertir Beynes pour
- fouiller le charbon; m aisjls;conviennent au moins que
■
l’usage n’étoit pas de le faire par écrit : et d’ailleurs, on
- le répète , ils se sont dits copropriétaires..
Il
n’y a donc aucun obstacle à;jce; que la prescription
-ait eu son cours; et Treich ayant.un titre et bonne foi
- depuis 1755, a valablement prescrit contre les entreprises
des associés de 1777.
.
; Ce n’est pas que la prescription lui soit un moyen néD 2
�( 2 8 }
cessaire *, car, indépendamment de la présomption bien
fon d ée, que la réserve de 1736 a dû être rachetée comme
l’a été celle de 1768, par un acte que Treich avoit dés
espéré de trouver ; il doit deineui’e r , ce semble , pour
chose absolument évidente, qu’Antoine Beynes a renoncé
à cette réserve de 1736 par tous les actes qu’il a passés
ensuite.
Com m ent, en effet, Antoine Beynes, qui â. toujours
habité le village de la P leau, qui a passé sa vie dans les
mines de l’endroit ( et on peut en offrir la preu ve) ;
Antoine Beynes, qui en 1766 faisoit un traité pour ex
traire du charbon dans ses propriétés, auroit-il manqué
d’y comprendre la- Charoulière , s’il y avoit eu le même
droit d’extraction ?
Comment Antoine Beynes, qui vendoit en 1768 tous
ses droits aux mines, en se réservant du charbon, n’auroit-il pas rappelé l’ancienne réserve ? T out prouve donc
qu’elle n’existoit plus, ou qu’il y renonçoit.
L ’appelant avoit proposé un subsidiaire à L im oges,
et il étoit fondé ; c’est q u e , dans tous les cas , n’y ayant
qu’une septerée de la Charoulière, vendue en 1736 , et
celte terre ayant trois septerées, la réserve ne pouvoit
frapper que sur la terre alors vendue, et non sur celle
qui l’avoit été depuis long-temps : car les conventions ne
se réfèrent qu’à l’acte présent, s’il n’y a stipulation con
traire ; e t , dans le doute , l’interprétation se fcroit contre
le vendeur, in euju s poteslate f u i t legern apertiiis dicere. La sentence de Saint-Angel étoit donc encore vi
cieuse, même sous ce rapport.
Cette défense se résume en peu de mots. La p r o p r i é t é
�2 9
de la Charoulière est sans difïiculté à Jean Treich. Les
actes qu’il a passés avec les Beynes , prouvent que cette
propriété est affranchie de toutes charges. Il est constant
d’ailleurs qu’Antoine Beynes n’a jamais joui , depuis
1736 , du droit qu’il réclame. Il est constant que Treich
et Marie la Plène ont joui exclusivement et publique
ment , au vu et su dudit Beynes, sans réclamation de
charges ni de copropriété.
Ainsi Beynes a perdu son d ro it, soit contre son acqué
reur , soit contre le tiers-détenteur, par une possession
de trente ans.
Ainsi Treich a acquis la franchise de la terre la Châroulière, p ar la possession de dix ans entre présens, comme
acquéreur ; et même surabondamment, en ajoutant sa
possession à celle de son vendeur , comme il a droit de
le faire, il peut invoquer la p r e s c r ip t io n de tr e n te an s.
Conséquemment, sous tous les points de vue possibles,
la prétention des intimés n’est qu’une tracasserie , et la
sentence de Saint-Angel avoit été justement infirmée par
la cour de Limoges.
M . B A R R E T - D U C O U D E R T , rapporteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. M A R I E , licencié-avoué.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Treich la Pleine, Pierre-Jean-Baptiste. 1804]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Barret-Ducoudert
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
mines
charbonnière communale
charbonnière privée
propriété du sol
concession d'exploitation
charbon
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Pierre-Jean-Baptiste Treich La Plène, appelant ; contre Marie Treich-Desfarges, veuve Lachaud, Jean Couder, et Léonard Chadenier, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1804
1747-1804
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0740
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0407
BCU_Factums_M0249
BCU_Factums_G1306
BCU_Factums_G1307
BCU_Factums_G1308
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charbon
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charbonnière privée
concession d'exploitation
Mines
propriété du sol
-
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e50c93a8f8f870cf94c31a3960d1dc8e
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Text
M
É
M
O
I
R
E
P O U R A lex is V E Y S S E T , ayant repris au
lieu de défunte M a r ie S E R T IL H A N G E S ,
sa mère , qui étoit héritière de M ichel
S E R T I L H A N G E S , son père , demandeur.
C O N T R E M i c h e l B E R T R A N D , Notaire,
demeurant à Laqueuille, défendeur.
contestation soumise aux lumières du tribunal
embrasse deux questions : la première est de savoir,
L
A
si la vente d ’im m eu b les, faite sous seing p r iv é , mais
point double , et dont l e prix a été payé com ptant
est valable.
L a seconde , si la prescription a pu courir contre
Marie Sertilhanges pendant, son m a ria g e , malgré que
A
�( O
.
..
ces immeubles fissent partie de l ’institution d ’héritière
qui lui avoit été faite par son contrat de .m a r ia g e ,
que rien n e lui en annonçât la vente , ni même
q u ’ils eussent appartenu à sa famille , et qu ’elle n ’eût
contre son m ari, tout aussi ignorant qu ’e l l e , ou contre
ses héritiers , aucun recours à exercer.
L e demandeur se flatte d ’établir la n ég a tive de ces
deux propositions.
A
F A I T S .
-,
M i c h e l Sertilhanges , a yeu l maternel du sieur
V e ÿ s s e t , Tétoit propriétaire de trois h é r ita g e s , situés
dans le lieu des Granges de G aure , l ’un en terre
labourable de cinq' septérées , u n autre en nature
de^pré à f^ire dix chars d e foin , et le troisième
en pacage , d ’environ six septérées.
En. 1743
il ‘les
donna à rente à R e n é B a u d e t ,
m oyennant 4 0 ^ et une paire de poulets par année.
Ils étoient alors en valeur de plus de 3,000^ ; mais
M ichel Sertilhanges qui habitoit le lieu de T a l a n d e ,
à huit lieues de distance du hameau des Granges
d e G aure , pouvoit ignorer cette valeur ; il n ’y avoit
d ’ailleurs aux Granges de Gaure que ‘deux h a b itan s,
R e n é Baudet e t le sieur Bertrand ; la situation'devenoit
par conséquent une loi impérieuse, et le sieur Sértilhangfes
,é'toit obligé de recevoir ce qui lui étoit offert.
M algré l’avantage que R ené B audet devoit y trouver,
b&il-à renier ¡ne subsista" pas-long"- temps;' R ené Baudet
&é£aï.titcle 18 août 1748, et voici quel en'fut le motif.
�C v )
.
.
L e sieur Bertrand étoit créancier d e R ené B aud et ;
jaloux d ’accroître ses possessions et d ’écarter un voisin
incom m ode , lorsqu’on est ambitieux , il fit saisir, en
• 174 7 ,
justice
les biens dè R ené B audet e n la c i - d e v a n t
de Laqueuille. L ’on conçoit bien qu ’il fut
seul enchérisseur, puisqu’il étoit seul habitant ; qu’il
étoit d ’ailleurs procureur d ’office de Laqueuille :
l ’adjudication lui fut faite à vil prix. L e demandeur
c r o i t 1même qu’il regne en ce moment au tribunal
«une instance à ce sujet entre les enfans B aud et et le
-sieur Bertrand.
'
‘
-
R ené B audet qui
‘ obligé
se vit alors sans ressourcé , fut
d e*-s’expatrier ,
'de chercher
un "’ciel ’plus
^favorable , et d ’abandonn'er la rentè.
.
.'i.
Dans cette circonstance , Michel. Sertilhangés d onn a
une procuration à son f il s , le 21 juillet 1 7 4 8 , pour
disposer des rhéritages à titre de fe r m e , de rente ou
°de vente/ '•*u
‘
^ .
............. 1
L e sieur Bertrand les obtint au prix qü’il les vo u lu t;
j-
f ^
,
<
*
A,
îlà' v e n te lui en fut faite le 16 avril 1 7 4 9 , m oyen n an t
,57û'tt‘ qui furent payées c o m p t a n t , à la charge , par
<léf ’sieur Bertrand de p a yer le s 'c e n s des ^nn éeS i 7 4 7
• e t ^1 7 4 8 ,
pendant
"sans a u cu n
le s q u e lle s il a v o it
j o à i ! i l e s rih é ï i t a g é s
titre , e t s e u le m e n t p a r c e q u e R e n é ’ B a u d è t
les avoit abandonnés.
‘
1
L ’acte fut fait sous seing privé , signé seulement du
sieur ’S ertilh a n ges, filsr, ef ne' fu t1 point faij double.
f
-Il ’• n ’est vlp'éût - être
.....
•)
pas1 inutile
..
-
clé1“ prévenir une
' • t■
- ?'■,. 1 y f
m a u v a is e o b je c t io n q u e l e - s i e u r ’B ë r t r â n d p o ù r r ô it fa ir e .
A
2
�( 4 )
L a procuration d onn ée - p a r le sieur Sertilhanges ,
p è r e , à son fils, est du 21 juillet 1 7 4 8 , et le départe
m ent de la rente ne fut consenti par René Baudet
que
le
18
août
suivant.
Le
sieur
Bertrand
diroit
peut-être que le sieur Sertilanges avoit le projet de
vendre ; que c ’est lui qui chercha le désistement de
la vente , et qu’il fut fait librement par R e n é Baudet.
Mais , aussi-tôt que le sieur Bertrand eut dépouillé
R ené
B aud et
de
toutes
ses
propriétés ,
sans
en
excepter même sa m a is o n , R ené B audet fut contraint,
com m e on l ’a dit plus h a u t , de déserter le lieu des
Granges d e Gaure ; la preuve est qu’il n e put pas
cultiver en 174 7 et 1748 , et voilà pourquoi on était
déjà assuré de son consentem ent à la résiliation du
bail à rente.
En
sieur
1752 ,
Marie
V eysset ,
Sertilhanges fut mariée avec le
père
héritière par son
. étoit décédé.
du
père ,
demandeur ,
et
instituée
Sertilhanges fils 3 son frère
M ichel Sertilhanges mourut en 17 5 7 . Sa fille ignoroit
c e qui s’étoit passé p endant sa vie ; elle n ’avoit connoissance ni du contrat de r e n t e , ni de la résiliation,
ni de la ven te j elle n ’avoit jamais su que ces héri
tages
eussent appartenu à son père ; elle n ’en
fut
instruite que par les discussions qui s’élevèrent entre
le sieur Bertrand et les enfans de R ené Baudet.
En
1 78 7 ,
les
enfans
parvinrent à découvrir le
contrat de rente de 1743 , et crurent pouvoir réclamer
les biens qui y étoient compris contre le sieur Bertrand
�(5)
qui en jouissoit ; ils ne
avoit été a n é a n t i,
et
savoient
leur
pas que cet acte
minorité paroissoit avoir
conservé leurs droits; Ils firent en conséquence assigner
le sieur Bertrand en la ci-devan t sénéchaussée d ’A u
vergne -, le 29 novem bre 1 7 8 7 , pour se voir condamner
à leur délaisser la possession des fonds dont il s’a g it,
et a restituer les jouissances depuis sa détention.
L e sieur Bertrand produisit l ’acte , par le m oyen
duquel les biens avoient cessé d ’appartenir à la famille
B a u d e t , et leur réclamation fut alors sans fondement.
L a mère du dem andeur, informée de cette contestation
et des moyens respectifs , vit q u ’on se disputoit une
-propriété qui n ’appartenoit ni aux r e p r é s e n t a i de R e n é
B a u d e t, ni au sieur B e rtra n d ; que celui-ci n ’excipoit
, que d e son droit ; elle intervint en conséquence dans
l ’instance , par requ ête du 5 avril 1789 , et conclut
à ce que les Baudet et le sieur B e rtra n d fussent
tenus de lui délaisser les h é r ita g e s, et demanda en
même temps au sieur Bertrand la restitution des
jouissances.
L es enfans B audet n e p ouvoient pas opposer de
.moyens solides ; ils avoient argumenté du contrat de
ren te;m ais dès que c e titre n ’existoit plus , la cause étoit
•ju gée à leur é g a rd ; aussi se rendirent-ils à l ’évidence:
leur défenseur annonça lors de sa plaidoirie , qu ’ils
s’en remettoient à la prudence du tribunal.
L e sieur Bertrand s’est seul en g a g é au combat.
<
U paroissoit d’abord se renfermer dans: sa possession;
il soutenoit que Marie Scrtilhanges n ’étoit pas recevable*
�C (K ')
jp a rc e q u ’il avoit joui p e n d a n t ’ îplus de trente ans.
L a mère du demandeur répondoit qu’elle avoit été
sous la puissance maritale depuis 1752 jusqu’en 1 7 7 2 ;
q u ’il falloit.r'dédùire c e t intervalle de~la jouissance du
1
sieur Bertrand
et
q u ’alors
ori
ne
trouvoit pas les
tírente années requises pour former la prescription.
L e sieur Bertrand r é p liq u o it, qu ’ayan t commencé de
rjouir avanü/le mariage de là demoiselle -Sertilhanges, la
p rescrip tio n .¡n’ávoit, pas iété ->sU pendue pendant H vie
5
.du sieur^Veyssetc<,'r. sôiil mari : ^ une sentence de la
x i - d e v a n t sénéchaussée d ’A u v e rg n e avoit condam né
ccette; opinion "en
1773 jî'M a rie Sertilhanges invoquoit
icetté ^jurisprudence eti'leiiSëntim ent du dernier corajxnentatêur i -de-' ínotre1rcoütumtfi >il
!tI <
L e sieuf-^BertraTicl , fo rc é .” de'rendre"! hommage à ces
„principes-, cfit cônnoître? la ven te du
16 avril 1749 ,
.qui ¿toit l e fondem ent « ¡de sa possession. L a mère
;du demandeur f observa - l e s ! vicesj de c e t ‘'a cte y et
adëmontra;:qu’il ¿ío it^ n ú l^ -í j
u
/,
&■
L e sieur Bertrand prétendit que le prix5 ayant é tà
.-payés la évente séto’ir v a l a b l e , quoique l ’acte n ’eût
qjas .été^-fait. do'ubleJ;¿ il Jdit. q u ’iL rn ez -contenoit pas
jdiengagemefati.réqip.’Pííqua Ví parce oqu’il nie ..restpit pas
d/’ac tib h ^ c o n tre -l’acqu'éreurri, ilorsqu:il'rayaitr acquitté Le
.pirihc. ç oi"--*' iîiiq t.z '/}
r-'rior^n
■‘
> -il
Il ajouta.'que la'prescriptièn .aurôit effacé les défauts
de,'la!rventoç qitandaoài supposirbitr/qu’élle n ’iétoitpas
iégulièrer,fd3uisr.r 1efiprLadpe ^¡et -qù’il ii ’étoit ^plus permis
l ?âttaqueit
vnr.:/! o u ? n.. - , . : I,
�'jU e Æreur iV e y s s e t va •établir 'les^ d eux pFoproitiofos
contraires
il va faire voir ,
i®.
que
la vente >e s t
nulle de plein droit ; que le sieur Bertrand se faitillusion! sur les principes.
¿-rr ;*• j 1 ol:- ‘ i! .•jî|' L
,i2 ° .* Q u e la prescription n e garantit pa$ cétte vehtedes "reproches'! q u ’elle ‘ mérite», e t que l ’on fait :d e *
efforts inVpuissans pour les éluder.
, PRE MIÈREn P R O P O S I T I O N .
A_
*>' — •
"J .
' r.l ■ f
■
g ;-r-:.i, ' N u llit é de la vente du 1 6 avril 1 7 4 9 .’ ■ 7 ■i
^ I l faut examiner la nature du ^contrat de vente T
pour 0sa v o i r , s’il doit être fait d o u b l e , lorsqu’il s’agit
de l ’aliénation d ’un immeuble^. et si l ’acquéreur qu r
a p a ye le prix a rempli* ses engagem ensi, de telle
manière qu'il n e soit plus nécessaire d ’avoir un titrecontre .lui.
, ? . I(. v J<; .
. ,^
Si l ’on p a rvien t à fair,ec :voir( que les. suites de ce,
contrat .peuvent' intéresser le v e n d e u r , ,quoique • les,
deniers, de la v:ente aient été payés , on n e doutera
pas que l ’acte doit être -fait d o u b le , ou passé d e v a n t
notaire,^et porter minute,, parce, q u ’il faut que^chacune
des parties; prisse eji demander l ’exécution.
r 1®, E n ' général,,la. vente; produit
réciproques j le
de^ obligation^
vendeur doit délivrer la chose ,
et
celui,, qui. achejt,ç çUm acquitter, le prix t voilà’ l ’effet
l e ' plus ¡apparentr,du;i contrat ,,jcelui,«jui^SA m anifeste
au,mpjnçijt 4e$s convçi>riçns_:
il, n ’est, .pas' le seul.
�(8 )
L e v e n d e u r , par une suite de la d é liv ra n c e , doit
garantir les évictions que pourroit souffrir l ’acquéreur,
e t assurer l ’exécution d e l ’acte en tout ce qui peut
dépendre de lui ; ses engagem ens sont indéfinis dans
leur
étendue
et
dans leur durée
à c e t égard.
En
quelque tem p s, et pour quelque cause que l’acquéreur
soit troublé , si l ’action dérive du fait du v e n d e u r ,
¡ ’acheteur a un recours indubitable contre lui.
A son tour , l ’acquéreur doit supporter les événem ens
qui seroient une suite de la
v e n t e , et en garantir
le vendeur ; il faut que ses engagem ens soient iné
vitables , e t que celui qui a vendu ait toujours une
assurance parfaite ,
que quoi q u ’il puisse a r r i v e r ,
l'acte sera exécuté ; que des ré v o lu tio n s qui pourroient
lu i faire q u e lq u e préjudice , s’il conservoit encore la
propriété de la chose , n e le concerneront pas.
A i n s i , par exem ple , si on a ven d u une maison ,
q u e peu de jours après elle s’écroule , et que la chûte
occasionne aux voisins un dommage qui peut surpasser
de beaucoup le prix qui en aura été r e tir é , il n e
faut pas que l ’acquéreur puisse faire tomber la perte
sur le v e n d e u r ; le contrat qui avoit reçu sa perfection
doit faire réjaillir cet accident sur celui qui étoit le
m aître dans ce moment : il faut donc que l ’acquéreur
ait eu
en
son pouvoir l’acte
pour empêcher qu ’on
élude son exécution.
A in si,
par exem ple
encore ,
je suppose
que je
yous aie vendu un héritage proche de la rivière , et
asservi à une
rente
considérable ,
avec
la
clause
de
�( ? )
v a lo ir ,
de fou rn ir et fa ir e
ou
d ’autres
conditions
qui n e permettaient pas de ■
*refuser l ’acquittement
et de déguerpir. Je n ’ai retiré qu’un prix modique
d e la v e n t e , parce que la charge^absorboit presque
la valeur du fonds.
U n débordem ent en a emporté
presque les trois quarts , et la redevance subsiste
cependant entière : cet événem ent doit vous regarder,
res périt domino ; o r , s’il vous étoit permis d ’anéantir
l’acte dont vous êtes ' seul dépositaire , et que je
fusse obligé de reprendre
red evance ,
vous
me
l ’héritage
feriez
et de p a yer la
essuyer ’ une
injustice
évidente ; vous blesseriez tous les p rin c ip e s ; c a r , si
Phéritage eût été accru par l ’e a u , vous auriez profité
de cet avantage. L ’équité exige donc que votre sort
soit irrévocablem ent fixé , et que je puisse vous
contraindre à respecter nos conventions : Secundùm
naturam est , eum sequi commoda , cujuscumque rei
quem sequntur incommoda.
O n peut développer ainsi cet exem ple : l ’héritage
que vous avez acquis étoit assujetti .à une rente fon
cière de ioo'*' par année , avec la clause que l ’on n e
pourroit pas déguerpir. L e prix de la ven te n ’a : eté
que de 400^ , parce que vous d eviez acquitter la
rente et m ’en garantir.
Il ne reste q u ’une petite partie du fonds 5 les eaux
en ont enlevé les
quatre cinquièmes , et il peut à
peine produire 20 ou
j ’ai reçu à la vérité 400^ ;
mais si vous pouvez supprimer et abandonner l’héri
tage , je serai obligé de p ayer
ioo'**’ par a n n é e , et
B
�j ’éprouverai
C 10 )
un préjudice évident.
Or ,
il y
a un
principe que l ’on vient d'annoncer , et que personne
ne j eut contester : je dois être privé de l'accroisse
ment qui surviendra à l’objet : l'acte que vous conservez
contre moi ne me laisse aucun espoir de participer
au bénéfice ; je dois donc avoir de mon côté l'as
surance que je n e serois pas exposé aux dangers qui
vous m enacent. Si je
ne puis pas vivre dans cette
sécurité , les conventions que nous avons faites sont
contraires à toutes les rè g le s: c a r , si je n e suis pas
à l ’abri du péril , et si je n ’ai pas dans mes mains
la preuve des engagem ens que vous avez contractés,
l ’acte ne méritera jamais l ’accueil de la ju s tic e ; il sera
proscrit dans tous les tribunaux.
C n pourroit imaginer une foule d ’espèces semblables
qui feroient voir que ce n ’est pas seulem ent dans le
paiem ent du prix que résident toutes les obligations
de l ’acheteur ; mais il suffit que l ’on apperçoive
clairement dans ces deux cas que l ’une des parties
pou rroit re n d re la vente sans effet , si chacune d ’elle
n ’avoit pas l ’acte en son p o u v o ir , pour dire qu ’il n e
peut pas subsister , s’il n ’a pas été fait double. L a loi
qui ne peut jamais approuver des in ju stices, *ne peut
pas autoriser un acte semblable.
2 °.
On
peut considérer la
point de vue ;
ven te
c ’est un contrat
sous un
de
bonne
autre
foi , et
l ’équité doit en être la b a s e , comme elle est celle de
toutes
les
conventions
7 engagement de
sans
l ’acheteur
réserve. « L e
envers
le
principal
v e n d e u r , dit
�( 11 )
t D om aty est celui d e l ’humanité et de la loi natu*
i> relie qui l ’oblige à ne pas se prévaloir de la nécessité
» du vendeur pour acheter à vil prix.
C ’est de-là que dérive la loi 2 , cod. de rescind,
vendit, qui conserve au vendeur la faculté de
réformer la ven te ,
si elle
faire
renferme une lésion qui
excède la moitié du prix. C e tte loi a été adoptée
par les ordonnances du royaum e qui ont prorogé
jusqu’à dix ans le temps de la restitution ; enfin sa
faveur n e permet pas d ’y déroger , soit par une
renonciation fo rm e lle , soit par des clauses in d ire ctes,
telles qu ’une
donation
d ’une
partie
du prix 3 etc.
c ’est la doctrine des auteurs, D a u to m n e , de P o t h ie r ,
d e L acom be et d ’une foules d ’autres cités par ce
dernier. O r , si l ’acte n ’a pas été d o u b l e , ou reçu
par un notaire , com bien ne sera-t-il pas facile d eluder
la disposition de la loi. L e vendeur peut lui-m êm e
oublier la vente ou les conditions qui l ’ont accom pagnée,
et être retenu dans le silence par ce m otif : c ’est de,
la connoissance de son d ro it, lorsque l ’acte est toujours
sous ses y e u x , et ne cesse de l ’avertir du préjudice
qu’il a souffert, qu ’on induit une fin de non recevoir,
ou une approbation de la vente après les dix années.
Q u e l ’on suppose aussi que le ven deu r vienne à
d é c é d e r, les héritiers qui pourroient exercer le même
d ro it, en seront infailliblement p r iv é s ,
s’il ne reste
pas de vestiges de la vente. D es mineurs en bas âge
seront encore moins instruits de ce qui s’est passé j
et plus ils seront favorables aux y e u x d e j a l o i , moins
~ B 2
�« i . y
elle pourra les protéger contre des
aura faites à elle-m êm e.
surprises
qu’on
Mais q u ’on suppose que la mort du vendeur arrive
à la neuvième année de la vente ; que l ’héritier informé
que l ’objet a fait partie des biens du défu n t, veuille
sé p o u rvo ir, et fasse assigner l ’acquéreur en désiste
ment ; car il ne pourra
puisqu’il
pas former d ’autre a c t io n ,
ignorera l ’aliénation qui
aura été faite ; il
sera aisé d e proroger l ’instance pendant une a n n ée ,
et d ’arriver au terme fatal après lequel l ’acte qui sera
produit ne pourra plus être attaqué par la voie des
lettres. Ainsi l’héritier sera débouté et privé d ’un droit
légitime.
C ’est ainsi que l ’injustice triomphera. L a loi aura
été sage, mais elle aura manqué de prévoyance : cet
acte aura échappé à sa vigila n ce, et on ne parviendra
jamais-à le faire rentrer sous son empire.
E s t - i l permis de croire qu’elle puisse tolérer ces
abus; qu ’elle souffre que l ’on fasse usage de ces détours
pour éluder sa décision ; q u ’elle n ’a été faite que contre
ceux qui contracteroient de bonne f o i , et avec simpli
cité ; qu ’elle ne désapprouve pas que l ’on cherche à
l ’éluder èt ’à se faire un jeu de ce qu ’elle ordonne?'
G e seroit renverser toutes lefc idées que d ’adopter une
pareille opinion ; ce seroit faire l ’outrage le plus sensible'
à la loi et à la raison.
L e v e n d e u r J a intérêt d ’avoir
preuve de
en
son
pouvoir la
l’injustice qùi liii a été faite , puisque la
loi lui a promis qu ’elle
seroit
réparée ; il
faut que
�O 3 )
l ’acte existe
pour les
héritiers qui doivent avoir le-
même droit. L ’acquéreur a contracté une obligation
inviolable de suppléer ce qui manquoit au juste p rix ,
ou de vendre la c h o s e , et cet engagem ent est d ’autant
plus strict qu’il émane de la loi qui est la souveraine
ju s t ic e , et q u ’elle le supplée dans toutes les ven tes.'
Ajoutons que ces principes reço iven t une application
im m édiate, dans l ’espèce. L a ven te du 16 avril 1749
contenoit une lésion de plus des trois quarts : le prix
fut de 5 7 0 ^ , et les héritages étoient en valeur de
plus de
3,000'*' ;
ils seroient
estimés
aujourd’hui
9,000^ au moins. L ’inspection de l ’acte suffit presque
pour en convaincre : les
trois
héritages qui y sont
compris forment plus de seize septérées de bon terrein.
L e père du demandeur eût infailliblement exercé
l ’action en restitution après la mort de Michel Sertilhanges,
son b e a u -p ère , arrivée en 1 7 5 7 ; il avoit encore près
de deux ans pour obtenir des lettres ; il étoit d ’ailleurs
en état de rendre facilement le prix , si l ’acquéreur
n ’avoit pas suppléé pour conserver les biens. M a is ,
la vente a été ig n o r é e , parce qu’il ne s’en trouva
aucune trace dans la succession du sieur Sertilhanges.
E n f i n , les principes que l ’on vien t d ’exposer sont
confirmés par la
jurisprudence
du
tribunal
et par
celle des arrêts : la question n ’est pas n o u v e lle , elle
s’est présentée à l ’audience du 30 juillet 1783, dans
cette espèce.
L e sieur Eesson étoit propriétaire de plusieurs
maisons dans la ville de Chaudes - A igu ës ; il en
�C 14 )
vendit une en 1 7 5 4 , à Jacques C o u lo m b , m oyennant
1 2 0 ^ qui furent payées dans l ’instant d e la vente ;
l ’acte fut fait sous seing p r i v é , mais n on double.
En
1 7 8 3 , v in g t-n e u f ans après la v e n t e , le sieur
B e s s o n , fils , forma une demande en désistement de
la maison. Guillaum e Coulom b , fils d e l ’acquéreu r,
éle v a des contestations et produisit la ven te consentie
à son père. O n soutint que l’acte étoit nul : Coulom b
prétendit qu’il étoit v a la b l e , parce que le prix avoit
é té acquitté; il disoit qu ’il n ’étoit pas nécessaire q u ’il
eût été fait double.
O n répondoit que la ve n te d ’un immeuble doit
être é c r i t e , lorsqu’il s’agit d ’un objet a u - d e s s u s d e
1 00"**", parce que l ’ordonnance de 1667 défend la
preuve
testimoniale
en
matière
de
conventions qui
excèden t cette somme.
O n d iso it, comme on l ’a observé, que le propriétaire
.d’une maison peut devenir garant envers ses voisins
d ’un incendie et d ’autres événemens ; que l ’acquéreur,
muni seul de l ’acte, peut altérer sa date pour éviter la
jescision bornée à un certain espace de temps.
Il n e se présentoit d ’autre
différence entre cette
espèce , et celle dont il s’agit aujourd’h u i , si ce n ’est
que la maison étoit située en pays d e droit é c r i t ,
et l ’on tiroit un argument de ce que les arrérages de
cens pouvoient s’accumuler de vin g t-n eu f àns ; mais
c e n ’étoit pas un m oyen bien
décisif ;
car le prix
qui avoit été reçu pouvoit dédommager le v e n d e u r ,
si la maison avoit été remise en son pouvoir par cette
raison.
\
�( «5 )
L e véritable m otif du jugem ent se tira de ce que
le vendeur et ses héritiers avoient pu être privés du
bénéfice de la loi 2 , cod. de rescind, vendit, de la
nécessité que les lois aient leur exécution ; que toutes
les conventions , tous les actes soient soumis à leurs
dispositions , et de prévenir les
abus que l ’injustice
et la cupidité p eu ven t imaginer. C ’est par ses consi
dérations que la sentence prononça la nullité de la
vente.
!
O n citoit deux sentences p réc éd en tes, qui avoient
déjà jugé la q u e s tio n , l ’une au rapport du
c ito ye n
F a y d i t , l ’autre à celui du citoyen Lafarge , et dont
l ’une avoit été confirmée par arrêt en 1782.
L a question ne doit donc plus être proposée, et c’est
une témérité du sieur B e rtra n d , d e vouloir en faire
un problème ; mais , tel est l ’esprit de vertige des
plaideurs : une vérité claire et évidente est toujours
équivoque à leurs yeu x ; une décision authentique et
formelle laisse toujours des doutes et de l’espoir ; ils
se flattent que le poids et la mesure changeront ; que
la balance peut pencher indifféremment d ’un côté ou
de l ’autre. L ’in térêt, le p'ere du m ensonge , produit
ces idées monstrueuses, et conduit ainsi au bord du
précipice. Il faut que le sieur Bertrand soit enfin désabusé,
S E C O N D E
P R O P O S I T I O N .
O n ne peut pas invoquer de prescription.
L e sieur Bertrand objecte qu’il a joui depuis 1749 ;
mais , il feut observer que Marie
Sertilhanges fut
�( iO
mariée en 1752 , et instituée héritière par son père j
q u ’elle demeura vingt ans sous la puissance
de
son
mari. II s’agit de s a v o ir , si dans cette c irc o n s ta n c e ,
la prescription a pu s’opérer en faveur du sieur Bertrand.
Il cite l’art. V du tit. X V I I de notre cout. et prétend
que la possession ayant com m encé avant le mariage
d e la mère du d e m a n d e u r, et le sieur V e y s s e t , son
m a r i, étant solvable au temps de sa m o r t , la pres
cription a pu s’accomplir p endant la durée du mariage.
Essayons de prouver que le sieur Bertrand est dans
l ’erreur , tâchons de pénétrer le véritable sens de
l ’article dont „il v e u t faire usage. L a jurisprudence
du tribunal l’a déjà fixé , et on lutteroit inutilement
contre cette autorité
Il n e faut pas perdre de vue dans cette explication,
la disposition de l ’article III du tit. X I V : l’article V du
tit. X V I I n ’en
concilier pour
L e premier
la fe m m e , et
est qu ’une modification , et il faut les
connoître l ’esprit de la coutume.
d éfen d l ’aliénation des biens dotaux de
il est conçu en termes si clairs et si
généraux, qu’il n ’est pas possible de lui donner atteinte
et de l ’éluder.
«. L e mari ni la femme conjointem ent ou séparém ent,
y> y est-il d i t , constant le mariage 011 fia n ç a ille s, ne
•» peu ven t a lié n e r , p e r m u te r , ni autrement disposer
» des biens
dotaux
* d ’icelle , et
sont
de
ladite femme , au
telles
préjudice
dispositions et-aliénations
■
p nulles et de nul effet et valeu r» .
O r , ce qui est inaliénable, ne p eu t pas être prescrit,
suivant
�< 17
)
suivant la loi 28 , f f . de verhor. signif. qui regarde
la prescription comme une vraie aliénation :-ialienaitionis
yerhum etiam usucapionem .continet* )c v ix est enirn 31 ut
non videatur alienare , qui patitur usuçapi^
• . L ’art; V du tit. X V I I paroît^cependant autoriser la
prescription des biens, dotaux , et il n ’est ni moins
fo r m e l,,n i moins général qu,e le premier.
« Les^ biens dotaux de -la-,femme, dit c e l u i - c i , se
^ peuvent prescrire par le laps vet espace de trente
.» a n s , etiam pendant et constant le mariage ; si c c
» n ’est que le mari ou ses héritiers ne fussent splvables
» pour ré p o n d re kd e ,la négligence faite à la poursuite
» desdits biens ».
L a coutume n ’a considéré ,"en cet e n d r o it , que le
m a r i; c ’est contre lui seul qu ’elle f a i t yrejaillir sa dis
position par 1 indemnité q u ’elle assure, à la femme ;
car ce n ’est qu’à cette c o n d it io n , q u ’elle a permis
que les biens dotaux , dont elle entend parler en
cet article , fussent assujettis à la prescription. L a
lettre
de
ces deux
textes présente
cep end ant
une
contradiction ; mais ce n ’est pas seulement dans la
coutume que nous trouvons cette imperfection ; elle
a puisé ces dispositions dans les lois 4 et 16 , f f . de
fîindo d otait, où l ’on apperçoit la même opposition.
L a première avoit indéfiniment défendu l ’aliénation
du bien dotal de la femme. L a seconde décide q u ’il
peut se prescrire^ m^is .elle exige non seu lem en t, en
ce c a s , que la possession] ait pris naissance avanti le
m a ria g e , mais
encore
q u e v>la femme
s e , s o it-p a r ù -
C
1
�08
)
feulierement constitue l ’héritage en dot : 'S i fundiïm . . .
millier ut suum marito dédit in dotem ; elle rend dans
ce cas , l e Hiari responsable de la perte qu'elle-Ȏprouve:
voici ses terpies;-^
'
'*-■
' * S i fiindum , quem\ Titius possidebat bohâ jld-è\ longi
temporis possessione poterat sibi qaœrere, mülier ùt sùum
viarito dédit in
dotem , eumque petere neglexerit v i r ,
cùm i d Jacere posset : rem sut-'periculi j e ci t. JVam ,
ajoute la lo i, licet le x J u lia quœLvetat jïiridum dotaient
alièn a ri, pertineat etiam lad kujusmet acqinsitionem3 non
tdmen interpellât eam possessionem ,
qucc per longum
tempus f i t , si \antéquam cotistituetur fo n d u s dotalis
ja m cœperat.
L e m o tif de cette distinction est fondé en raison.
L a prescription suppose un titre légitim e , et l ’on
peut présumer
qu ’il existe ,
lorsque la jouissance a
précédé le m a ria g e , et que le mari n ’a fait
aucune
diligence , quoiqu’il fût averti que l ’héritage
appar-
ten o k à sa fem m e; au lieu que depuis la célébratio n ,
on ne peut pas faire de supposition se m b la b le , parce
que les biens dotaux ne p eu ven t pas être aliénés.
E n ajoutant à l ’art. V du tit. X V I I de notre coutum e,
qui n ’a pas été assez d é v e lo p p é , la modification que
l’on trouve dans cette l o i , l’on parvient à faire cesser
en partie la contrariété qu’on observe entre cet article
et le troisième du titre X I V .
L a loi ib. j fjf. de fundo d o ta li, n ’est pas la seule qui
parle de la prescription des biens dotaux ; on en trouve’
plusieurs au f f . tit. de ju r e dotali > qui paroisseht con-
�( ï9 )
tenir la même d é c isio n ; telles- isont <en ’particulier les
lois 17 et 33 ; mais il faut encore remarquer qu’elles
ne reçoivent d ’application , que lorsqu’il s’agit d ’uno
dot-constituée en meubles ou en d e n ie r s ; et la diffi
culté cesse dans ce cas , parce que le mari pouvant
disposer de ces o b je ts , la prescription doit être admise :
preescribens similis est solvcnti.
L es auteurs ont pourtant été divisés sur l ’interpré
tation de ces lois , et la jurisprudence a participé
à la diversité des opinions ; elle a varié dans les différens tribunaux , et a éprouvé souvent des révolutions.
M azuer , ancien co'utumier de notre p rov in ce, avoit
prévu la question ; il avoit dit que si la dot consistait
en argent ou en effets mobiliers , et que le mari fût
solvable , la prescription avoit lieu pendant le mariage ;
il avoit élevé des doutes relativem ent aux im m eubles,
et avoit cependant fini par décider q u ’elle p ou voit
s’accomplir , si la femme n ’étoit pas mariée , lorsque
la jouissance avoit com m encé. Mais il n ’est pas éton
nant que M azuer admît la prescription dans c e cas ;
car contre tous les principes , il l ’admettoit- aussi
pendant le m ariage, en faveur de l ’acquéreur du fonds
d o ta l, vendu conjointem ent par le mari et la[ femme :
son langage n e
peut donc être d ’aucun poids. Balb.
( de prescript, pag. 489 ) n ’a fait que transcrire l’opinion
de Mazuer.
L a coutume de Bourbonnois (a rt. X X F i l ),établit que
les im m eubles dotaux de la femme sont imprescriptibles:
les commentateurs ont enseigné 'q u ’il falloit suivre1 la
G- 2 "
•
�( =0 )
distinction introduite par la loi I 6 , de fiï/ido- dotait.
L a coutume de Berri ( lit. X I I , art. JT/"/■), rejette
aussi indéfiniment la prescription des bjens dotaux.
- C atelan a soutenir q u ’elle peuvoit avoir lieu, quoique
le mari fût in so lva b le; il a recueilli plusieurs arrêts du
parlem ent de Toulouse. Cambolas a cité les arrêts
contraires , et a combattu le sentiment de C a tela n :
il suffiroit d'opposer à ce dernier les termes de l ’art. V
du tit. X V I I de notre c o u tu m e ; tous les préjugés se
briseroient contre cet écueil.
C atelan a mis au jour une erreur non, moins insour
tenable > lorsqu’il a prétendu que la prescription, com
mencée avant l;e. m ariage, devoit continuer contre les
mineurs en puissance du père. D unod a réfuté cette
opinion , et il suffiroit encore pour la détruire , de
rappeler l ’art. III du tit. X V I I de la c o u tu m e , qui est
iin-.-principe de droit commun..
D u p é rie r, auteur profond et ju d ic ie u x , s’est attaché
pariiculièrem ent à cette question ; il l ’a traitée en p lu
sieurs endroits de ses ouvrages ; il a examiné avec la
sagacité et 1 érudition qui le caractérisoient la loi 1 6
ff. de furido dotali , et il
enseigne
qu’elle ne peut
s’appliquer que dans le c a s , où la femme s’est constitué
en dot un héritage particulier qui étoit déjà possédé
par un tiers ; il observe que les lois M a r ia et JVupta,
f f . solut. matrim. la loi 20 de pactis , et toutes celles
<que l ’on peut
réunir ,
sont
dans la même espèce :
voici comment il s’exprime ,
et il dit que la juris
p rudence et tous les ; jurisconsultes
ainsi cette loi.
avoient
entendu
�C 2f >
^1*11 est yfa i yi'Ç’est lui qui,lpa!rle ,;iquetTesJarrêtsjcUi
ï> la cour ont jugé que la prescription’ des diioits. d o ta u x
» c o u r t pendant la vie du m a r i, p a r c e . que la Tfemine
» peut prendre son indemnité-sur ses biensi^ .niais ,jàl
„ est vrai que» ; pour être, aux termes de ctftie: rigou* 'reuse maxime .appuyée sur. la lo i, S i furidMrmv il-fau.t.
s que la négligen ce du mari soit t e lle , que la femme
^ ait le droit de lui en faire porter la perte ; ce qui
» n ’a, jamais l i e u , -quand la constitution est en termes
» généraux de tous ses droitsH«^-.v• ■ . y.
« T o u t e s les l o i s , continue D u p é rie r, qui rejetten t
* la prescription ou l ’insolvabilité du débiteur du droit
» dotal , sur le m a r i , parlent d ’un droit qui lui avoit
» été expressément et particulièrement constitué0en d o t ,
v> et il n ’a pas été au pouvoir des avocats qui ont
* écrit pour C a m p e , d ’en alléguer une seule qui parle
» d'une dot constituée en termes généraux ».
D unod ( de prœscrlpt. part. 3 , chap. 3 ) , a enseigné,,
comme D u p é rie r, que le mari n ’étoit pas garant de
l ’action, lorsqu’il avoit p u ,ignorer le droit qui appartenoit à sa femme.
Morgues ( pag. 4 3 4 )5 sur les statuts de Proven ce,,
a dit la même chose.
O r , dans ce cas , la disposition particulière d e notre,
coutume ne permet pas de douter que la prescription
n ’a pas l i e u , puisque ce n ’est que contre le m ari
p erson n ellem en t qu’elle est introduite.
L ’annotateur de Dupérier a. confirmé ses principes,,
e t a: observé que la jurisprudence a rejeté en d e rn ie r
�<r * * }
la'prescription: contre la femme dans tous-les c a s , ainsi
q u e ’ nous le dirons, dans un instant.
r
RigaltiuS' ( d e prœscript. pag. 2 5 3 ) ,
dont l’autorité
est-si précieuse parmi'Jnous, a enseigné" 'd ’abord-quei
le fonds; dotal n e p eu t pas- êtrè p r e s c r it , ;;pàrce q u 'il
ne
p eu t pas
être
aliéné.'- 'M oribus nostris
ut nullo
modo fundus dotalis alienari potest- à marito . . . .
S ic
neque præscribi, licet-maritus sit solvendo, càm indistincte
le x nostra) prohibeat alienationem Jîindi dotalis j et perconsequens prccscriptionem. Il: js’est rapproché ensuite de la
décision * d e - la loi- S i fu n d u m ;
mais: il parie égale
m ent d ’un héritage particulier qui avoit formé la dot
d e la femme : Idem dicendum , dit-il , ( p a g . 2 5 9 ) dé
fiin d o dotali a pâtre mulieris, aut à muliere sucs potestatis,
maritb in dotem- constituto et prom isso, et ante matrimonium a tertio possesso ; nam si . . . . per trieennium
peter e^neglexerit . . . . rem periculi sui fa c it maritus , si
sit solvendo ; s ï ver6 solvendo non. s i t , ajoute l’a u teu r,
actio posi mariti obitum super est m ulièri, totumque tempus
pen lente matrimonio emersum m.ulieri reintegratur.
L e langage de Rigaltius e s t , comme l ’on v o i t ,
conforme à celui de D upérier. L e
dernier com m en
tateur de la coutume a cependant paru dire que'Rigaltius
avoit pensé que-*lé fondis d o t a l, dans une constitution
g é n é r a le , pbuvôit, être prescrit, s’if étoit déjà possède
par un tiers au’ moment du mariage ; il s’est trompé :
le passage que nous venons de rapporter fidellem ent
p r o u v e le: contraire : l’ auteur y parle d ’un' objet singu
lier e t'd é te rm in é 1, comme avoit fa it'D u p é rie r, et il n ’a
point entendu autrement la loi S i fundum .
�(
23 )
E n fin , f ’aïinôtateurnde- Du péri er'notrs'apprend; qire
?■'
l à '1jurisprudence "du, p â rl< ^ ei.u d eo P rovenu e; aîcn? jeté la
^ôntinuation -dè *t e l t e a îpre sprüpîioi} ^indéfinini e m , 1
cil
renvoie à B on iface, tome 4 , liv. 9 , d v ^ fiiù Æ o n ^ iiffiU ^
j ugërtièns?2li'rdit?^U-’o n 0a •errdbrâssé ia décisipiiccie la
lo i 30, c o d ïd e ju r . dot. que:-plusieurs auteurs, ont d it
avoir abrogé1la loi Sifiin du rn . ;C ette loi p a r o î t ,‘en:.effet,
tir-anclianteJd a h sl.toas l6&-câS‘^ 'e lle arrête t o u t e sorte, de
prescription fcontré les femmesi-en puissance de-m ari::
Omnis âuterh iènïporàlis exceptio n sive per usucapionem
inducta ^-sive per decem, sive per v 'tg in tia n n eru m curric u la , sive'-per triginta yel qiiàdraginta' .annôrum meta&r
sive ex alïo quàcurnqüe* tempore ^majore Vêt minore ^ 'sit
întroductà : ea muiiefibus e x eo temporë opponalicr^- e x
<fuo possirit acùoiies movere ; id est y opulentis 'quid'em
maritis constitiitis , ■post'dissolutmn matrïmoniam : minus
autem 'idoneis, ex quo Infortuhiiim e'is illatuni esse -d a m en t,
L à J*ci - clevaiitr sénéchàlissée jd-Au\fergne adopta ces
principes-par'ürié sëntencfe dû-<26' âpftt 1 1773 y rapportée
par le dernier commentateur de notre coütutnte ( tom .‘ 2 ,
page 748 ) , ëntffe' les'nommcs Gautier et V ig ie r d ’Espinchal. A la vérité, la vente avoit été faite par un premier
mari ; màiS ;lâ prë'Sfc'ription'' ' s’étoit opérée pëndàrit la
viduité cife' la fémrïié1,^ oü{Cdepüfë'->son -j'convoL- II..n e
s’agissoit qlié’ 'de juger si'là possession avoit pu produire
Son effet d é p u is 'ld second iriariage.
'
L ’auteiir , 0:aÿ>rès:;‘ÉÎV'i>irî‘; observé leà ! opinions sur I5
distirittion d u 1temps oii là rjbüisSancÔi-avoit comafencé^
ou sur l’état de la fortune du m ari, ann on ceiqü’oh -ïejeta
�( ?4 )
ctoutés^les e x c e p t i o n s ,’ et rqu ’bn ‘ ju gea
què les biens
imméubles dotaux ne .peuvent être ^ ïqsqûis jen ^ u cu n cas
pen dan t 1er mariage soit ¡que le^mari rfut so lv a b le, ou
¿qu’i l ne:; le .fût pas.
. r
::r. .1
/ $*.- , i
r r ;L a qùèsti’o n n e doit donc paS” êtrè.mise^çn problème.
L a jurisprudence ;• qui est le .véritable interprète de la
cou tu m e, a déterminé.le;sens de l ’article V du tit. X V I I ;
rjét,‘j co m m e .n o u s.l’avons déjà, an n o n c é ,fil ne doit' s'en
tendre:, que des ;droits .mobiliers de la ; fem me j et c ’est
■-par ce m o y en qu ’on écarte la->coritradiction q u ’il paroî-troit' présenter «avec, d ’autres. L e savant auteur du
commentaire observe que l ’esprit d e la coutume et la
jurisprudence sont le fondem ent de cette distinction,
v ., L e sieur Bertrand ,a objecté que. l ’action étoit entiere
au décès du sieur VeySset-, mari de la Sertilhanges ;
que le m om ent fatal de la prescription n ’est arrivé
.que plusieurs,, années aprè.Sv, e t qu’il ..falloit réunir le
iem ps qui-s’est^.écoulé,' pendant J e .m a ria g e à celui qui
a précédé çt suiyi;i;q.u’ajnsi l ’on n ’ept pas dansées, termes
jde l ’art. III du tit. X I V de la coutume , puisque la
-prescription ne s’est pas. effectuée pendant la vie du
m a r i.. • nu
jijiov;,
• ;-v iu
- : >* . ;
C e tte difficulté attaque de-frpnt ;tpu5 le? principes que
noué'avons .établis y car ;$i, commernous l ’avqns.démontré,
il. est vrai que la prescription'rie peut pas courir pour
les biens dotaux pendant la durée ’ dû m a ria g e , la
possession;-^ t inutile ¿ ç ,’estj(un£<cpnséquence fo rç é e , et
.quei i ’o» neicpeut pas attaquer > ¡lorsqu’on fis.ti obligé
A d m e t t r e l e . principe;, -
uj r.. ;,i-.0ï s.\ 'd- î..vV: m s no,
Au
�Au
,( 2 5 )
r e s t e , veut-on -en réponse la loi elle-même ? Il
est facile de trouver une disposition expresse., r ^ ,
L ’article III du tit. rX I V de la coutume,, qui défend
l ’aliénation des immeubles dotaux,,[en défend aussi la
prescription. C e tte loi est conçue en termes-prohibitifs ;
et qui ignore que tout ce qui arrive contre la volonté
de la lo i, doit être regardé comme s’il n ’existoit^pas?
Écoutons com m ent s’énonce à c e t égard la l.oji célèbre,
cod. de legibus : Jsfullum factum , nullam conventionem^
niillum contraction inter eos viderï volumus subsecutum,
qui contra/iunt lege prohibente...............y hoc e s t, ut ea
quœ lege fier i {prokibentiir, si Jucrint f a c t a , non solùm
inutilia, sed etiam pro/infçc/i$ [habeanLur. -n ;
C ’est ainsi , par
exem ple , q u e - l a .prescription n e
court pas contre les mineurs, et que jusqu’à la m ajorité,
il n ’y a pas i,in seul instant d ’utile.; . . ;•
C ’est ainsi égalem en t, que dans notre c o u tu m e,p lu
sieurs droits^abplis par les décrets., n ’étoient'pas. sujets
à la prescrijnion ; tels; qvie jle droit de ta ille , à cause
de la ju stice, celui de fief entre le seigneur et le vassal,
les corvées et manoeuvres} personnelles, que} le droit^de
pacage ne l ’est, pas ; e t , . dans. de ,pareil .c a s , la l o i ,
qu i
veille
toujours et qui
résiste sans c e ) s e , efface
toutes les parties et çous1 les momens de la possession:
Jnficit possessiqnem nedum prasçriptionem disoit^ éner
giquement .le^ savant Dupioulin.^ ;ii
;
M ais, pour rendre le ridicule de cet,te objection plus
sensible , :suppOspns .que le m a r i n e , a duré ¿vingt-huit
ans ;
et
que
la jouissance,, avoit commencé
y .’j j i
. /t.
1, i
ü i 'i - v
Ç
un an
i , .-•/
o jj
�(
26
)
auparavant. Oseroit-on dire que la prescription se seroit
opérée dans la première année de la viduité ; c ’est-àdire,' par line possession libre de deux années seulement?
O n seroit confus de proposer un pareil système.
L a loi 30, au code de ju re dotium , assimile la femme
en puissance de mari à ceux qui ne peuvent pas exercer
leurs droits ; elle dit qu ’elle n ’acquiert la liberté d ’a g ir,
que par la dissolution du mariage. ’ . . . mulieribus ex
'eo tempore opponatur, e x qua possint actiones movere ;
id est y opulentis quïdem maritis constituas ^post dissolutum
matrimonium.
• •
O r , c ’est une règle certain e, que la prescription n ’a
pas lieu contre celui-qui ne peut pas former son action.
L ’art. III du tit. X V I I c o n tie n t ce principe.
Mais on se reproche de s’arrêter si lo n g -te m p s à
cette
objection ; elle ne
méritoit
pas
de
réfutation
sérieuse. O n attaquereit e n uvairi les principes ; ils sont
t r o p ’ évidens pour que l ’on puisse y déroger.
L e sieur Bertrand avoit enfin allégué que Marie
Sertilhanges étoit sans qualité ; que ce ' n ’étoit pas elle
qui agissoit, mais bien les B audet sous son nom. Il
supposoit q u ’elle avoit vendu ses droits m oyennant 99^3 '
•par acte soû's seing p riv é , dit mois de février1dernier',
:ét il produisoit poj.ir preuve de cette assertion menson
gère ,
un
extrait
du
contrôle
qui
annonce
qu ’une
demoiselle Sertilhanges- a vendu^ q ù elqü e'héritage aux
B a u d e t , dans le lieu d e L aqueuille.
ir j
J M a i$ i7i ° . il 11e s’agit p a s rde d r o its ;dans cet extrait ;
•¡et Marie Sertilhanges avoit feu sans contredit la liberté
de vendre des biens qui lui appartenoient.
�C 27 )
2°. Q u a n d il seroit vrai que les héritages qui sont
l ’objet des discussions, seroient ceux qui ont été vendus
aux B aud et, et q u ’ils devroient leur appartenir un jo u r,
le sieur Bertrand pourroit-il les en dépouiller? E s t - il
permis de faire des injustices à quelqu’u n , et plutôt
aux Baudet qu’à Marie Sertilhanges, ou quoi que cer
so it, à ses héritiers ? O n avoit cru jusqu’ici qu ’il ne
falloit pas faire de distinction des personnes dans le
sanctuaire des lois. L e sieur Bertrand veut-il établir
des principes différens ? E s t - c e parce que la famille
Baudet se plaint de ses injustices depuis long-tem ps,
qu’il se croiroit autorisé à en commettre de nouvelles
envers elle ? . . . .
,>
. Il n e s’agit que de savoir si l ’action de Marie Serti
lhanges a été fo n d é e , voilà toute la question.
Mais comment pourroit-on croire q u ’elle eût v e n d u ,
m oyennant 9 9 ^ , des héritages en v a le u r 'd e 9,000 ^
au moins ? Marie Sertilhanges doutoit peut-être de son
d ro it, d it-o n ; elle auroit eu tort : son droit étoit aussi
évident que l’objection est ridicule.
Observons encore que les héritages réclamés sont
situés dans le village d es Granges de G a u r e , paroisse,
de S a in t - J u lie n , et que l ’extrait du contrôle parle de;
fonds dans le lieu de L a q u e u ille , où Marie Sertilhanges
en possédoit effectivement.
'
?■'
E n fin , nous nous flattons d ’avoir rempli n o trertâ ch e,
d ’avoir prouvé, i ° . q u e toute vente de biens im m eubles,
faite sous signature privée , ¡doit êire nécessairement’
d o u b le , et que par conséquent celle du . 1 6 ' a v r i r . ^ ^ y
produite par le sieur B ertran d , est nulle.
�í.2 °.
((*8 . )
Q u e , suivant la disposition de notre coutume
et la jurisprudence formelle de la ci-devant sénéchaussée
d 'A u v e r g n e , les biens im m eu bles. dotaux sont impres
criptibles p endant le mariage , quoique la jouissance
eût ^commencé ava n t, lorsque^ comme dans l ’e s p è c e ,
la femme n'a aucun recours à exercer contre son mari
ou ses héritiers; et qu ’ainsi l’action de Marie Sertilhanges
¿.tp^ entiere, lorsqu’elle l’a intentée; et nous n e pensons¡
pas; qtje ; l e ;j sieur Bertrand entreprenne de résister à
ces; p r i n c i p e ^ oy . -, ,0 _
^
‘L e C itoy en 3 R O 'U G I E R , Rapporteur.
OJ . .
0
-! -:0°
r
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L e C ito y e n M U R O L ,
uh rtr !: ./!
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L e C it o y e n ;C
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J
l* j , j '
L E tCO Ñ SEIL
x.
Homme, de L o i.
oste
, A vou é.
J /.
SO U SSIGNÉ,
qui a attentive
ment examiné le mémoire ci-dessus, est d ’avis que les
principes» qui y sont développés sont e x a c ts , soit sur
la nécessité d ’un .acte double dans toute vente de
biens im m eubles, (faite par acte sous signature p riv ée,
so if sur j ’im prescriptibilité.des biens immeubles d o ta u x ,
durant lq m à riâ g e¿ quoique la prescription eût commencé
a v a n t^ '.e t. eût continué - après ; lo rs q u e , comme dans’
l ’es p è c e , la femme n ’a aucun' recours à exercer contre
le mari ou ses héritiers.
c II n ’est pas douteux: que la veuve S ertilhan ges, à
laquelle la prescription est o p p o sée, n ’a aucun reproche
4 e négligen ce à faire à son m ari, pour n ’avoir pas recher-
�.
( a9 )
ché des biens~ dont rien ne lui apprenoit que sa femme
avoit la propriété. L ’acte de v e n t e , consenti par son
b e au -p ère , n ’étant pas fa it double, il ne p o u v o i t ê t r e
instruit ni de la nullité de son expropriation, qui en
résultoit, ni même de sa propriété antérieure que rien
ne lui annonçoit. O n n ’a donc ni reproche à lui faire,,
pour n ’avoir pas a g i, ni indemnité à prétendre contre
sa succession, à raison de cette inaction. C epen dan t il
est bien évidemment dans l ’esprit de la c o u tu m e , que
la femme ne puisse jamais perdre sa propriété iramobiliaire par la prescription, pendant son m a ria g e, lors
qu’elle n ’en peut pas retrouver l ’indemnité sur la succes
sion de son mari ; par conséquent, quelqu’opinion que
l ’on embrassât sur la question générale de savoir si la
prescription dù bien d o ta l, com m encée avant le m ariage,
peut continuer de courir pendant le m a ria g e , lorsque
la femme a un recours utile sur le mari, responsable de
sa négligence à poursuivre les actions d o ta le s , on ne.
pourroit jamais d o u t e r , dans le cas particulier, où ce
recours, seul principe de la prescriptibilité, d ’après le
texte de la coutume , n ’existe point ; on n e pourroit
jamais douter, disons-nous, que la prescription eût dormi
p e n d a n t la durée du mariage.
.
Délibéré à C le rm o n t-F e rra n d , le 19 février 1792.
BER G
1E R .
L E S O U S S I G N E , qui a pris lecture du mémoire
et de la consultation ci-dessus,
_ .
- E s t i m e , sur les d e u x questions p ro p o sé es, i ° .
�( 3° )
n ’y a pas de doute qu ’une vSîlte sous seing privé doit
être faite d o u b l e , et que cette omission en entraîne
la nullité absolue.
,
Q u o iq u e le prix de l ’immeuble ven d u ait été p ayé
c o m p t a n t , la vente n e contient pas moins des engagem ens réciproques entre L’acquéreur et le v e n d e u r; il
est toujours nécessaire que le ven deu r connoisse l ’acte
en vertu duquel l ’acquéreur jouit : par e x e m p le , s’il
vouloit exercer l ’action en restitution pour cause d e
lésion d ’outre m o i t ié , si un lignager avoit voulu exercer
le retrait, avant que les retraits, fussent supprimés.
L orsqu ’il étoit dû des cen s, si l ’acquéreur n ’avoit
pas été exact à les p a yer', le seigneur n ’auroit pu se
pourvoir que contre le vendeur ; et ne falloit-il pas quÊ
le vendeur eût en son pouvoir l ’acte de vente q u ’il avoit
c o n s e n t i, pour exercer sa garantie contre l ’acquéreur.
O n pourroit citer une foule d ’autres exemples qui
dém ontrent combien il est essentiel qu ’un acte contenant
v e n te d ’im m eubles, soit fait double ; mais on évitera de
donner de plus grands développemens pour ne pas
répéter ce qui a déjà été dit dans le m ém oire; il suffira
d ’observer que sur les motifs qu ’on vient d ’exp o ser, la
question a été solennellement ju g é e par une sentence
du c i - d e v a n t présidial de Riom , du
30 juillet 1 7 8 5 ,
dans la cause du sieur Besson contre Coulom b. L ’espèce
¿toit absolument semblable : le prix de la vente avoit
été p a y é com p tan t, et néanmoins la vente fut déclarée
nulle : le soussigné assistoit à la plaidoirie de la c a u s e ,
et a note le ju gem en t qui paroît avoir fixé la jurispru
dence sur ce
point.
S
�(30
2 °. Il est encore certain q u ’un immeuble dotal n e
peut pa| se prescrire dans notre coutume pendant là
durée du mariage. C e tte question plusieurs fois renou
v e lé e , a toujours été décidée d ’une manière uniforme.
T o us les jurisconsultes conviennent que l ’art. V du
tit. X V I I de la loi m unicipale, ne doit s’entendre que
de la prescription des effets mobiliers : le dernier com
m entateur, sur cet article, n ’ a jamais décidé de question
plus affirmativement ; t il distingue les biens meubles
d ’avec les immeubles. « Les prem iers, d i t - i l , sont sujets
* à la prescription , et les derniers en sont exempts
* pendant la durée du mariage » : il se fonde sur l ’esprit
de la c o u tu m e , sur l’avis de Rigaltius qui dit i.Fundus
dotalis non potest alienari à ma rit o , sic t rien prœscribl,
licet sic solvendo; et enfin, sur la jurisprudence de la
ici-devant sénéch aussée, il cite la sentence du 1 6 août
1 7 7 3 , rendue au rapport de M. V i s s a c , qui a jugé en
thèse que la prescription de l ’immeuble dotal ne pouvoit
courir pendant le mariage.
A toutes ces autorités, le soussigné ajoute une sen
tence rendue sur sa plaidoirie en la c i - d e v a n t séné
chaussée, le 14 mai 1 7 9 0 , dans la cause de Serre contre
B o y e r , qui a jugé conformément.
Il est vrai que quelques auteurs, en convenant du
principe de l ’imprescriptibilité de l’immeuble d o tal, pen
dant et constant le m ariage, ont distingué si la pres
cription avoit commencé avant le m a ria g e , et ont pensé
que dans ce c a s , elle pouvoit continuer de cou rir, sauf
l’action” en garantie de la femme sûflës"bieïïS'‘dinirarTa
lorsque celui-ci ¿toit solvable.
-i!-' r -
�( 32 )
C e t t e distinction n ’est que subtile, et ne peut recevoir
d ’application à l ’e s p è c e , parce q u e , pour pouvoir se
placer dans cette e xce p tio n , il faudroit au moins que
le mari eût connu le vice de l ’acte q u ’on attaque aujour
d ’h u i, et qu’il eût pu former la dem ande en désistem ent;
c a r , dans aucun c a s , la femme n e peut perdre son
bien dotal ; elle n ’a de recours contre son m a r i, que
lorsqu’il a été n é g lig e n t ;
et ici on ne p eu t pas lui
faire un reproche de n é g lig e n c e , puisqu’il a absolument
ignoré la vente ; ,qu’il ne l ’a pas eue en son pouvoir,
dès q u ’elle n ’étoit pas faite double ; par c o n séq u en t,
l ’action de la femme- est e n tiè re , et le défendeur n e
p e u t éviter le désistement.
,D
élibéré à R i o m , le 25 août 1793.
P A G É S.
A RIOM, DE L’IMPRIMERIE DE LANDRIOT,1793
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Veysset, Alexis. 1793]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rougier
Murol
Coste
Bergier
Pagès
Subject
The topic of the resource
ventes
immeubles
nullité
imprescriptibilité des biens dotaux
droit coutumier
ventes
actes sous seing privé
prescription
dégâts des eaux
Description
An account of the resource
Mémoire pour Alexis Veysset, ayant repris au lieu de défunte Marie Sertilhanges, sa mère, qui était héritière de Michel Sertilhanges, son père, demandeur. Contre Michel Bertrand, notaire, demeurant à Laqueuille, défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1793
1743-1793
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0739
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Laqueuille (63189)
Chaudes-Aigues (15045)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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actes sous seing privé
dégâts des eaux
Droit coutumier
immeubles
imprescriptibilité des biens dotaux
nullité
prescription
ventes
-
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225748c35ab2cd62c74963a4bb897cb0
PDF Text
Text
QUESTIONS
SUR
DU
LA
V A L I D I T É
MARIAGE
D'UN
MOINE,
E T D E LA D O N A T I O N
FAITE
E N SA FAVEUR
EN
1788.
Cette cause sera rapportée mercredi 2 brumaire an 13.
�P R E C I S
P O U R les Sieurs d’AV R I L L Y ,
et de
la B E R A R D I E R E , Demandeurs ;
C O N T R E le Sieur J
e a n
-
Ba ptiste
S P I E S S Défendeur.
Q U E S T I O N S
S ur la v a lid ité du m a ria g e
et
en
de
la
d o n a tio n f a ite
d
en
' un M
o in e
,
sa f a v e u r
1 7 88.
eC
n’est
pas la première fois que la Cour de Cassation
se trouve saisie du litige qui existe entre les Parties.
Déjà; par Son arrêt solennel du 1 2 prairial de l’an 1 1 ,
la Cour a décidé que le mariage contracté par le sieur
Spiess pendant s a m o r t c i v i l e étoit vicié d’une nullité
absolue.
A
�( a )
L a validité de la donation faite lors de ce'mariage a
aussi été l’objet de la controverse \ et sur ce point la
Cour a jugé form a negandi que la donation étoit égale
ment infestée d’une nullité radicale.
Cependant la Cour d’Appel de Rouen a méconnu
ces décisions }
Elle a ainsi attaqué les principes du droit public ,
qui défendoient le mariage des moines ] elle a donné
aux loix un effet rétroactif ;
Elle a créé desfin s de non-recevoir jusqu’alors incon
nues ;
Enün elle a donné la vie à une~tlonalion que la loi
dès sa naissance avoit irrévocablement condamnée.
Tels sont en résultat les justes motifs de la cassation
demandée.
Yoici maintenant l’analyse des faits..
F A I T S ]
Jean-Baptiste Spiess fit des. vœux solennels dans.
l’ordre des Prémontrés.
Promu a la prêtrise, il fut nommé curé près Montoire.
Il prétend que la D lle d’A vrilly, qui étoit en pension
dans un couvent de celte ville, l’a séduit j mais tout le
monde saille contraire^
Ce qui est certain, c’est que le sieur Spioss, rappelé
dans son couvent à cause de ses mœurs trop exem
plaires , refusa d’obéir. Il sortit de France, se retira en
Allemagne, et y lit arriver la D lle. d’Avrilly.
En 17 8 2 , il passa en Suisse, y appela l’objet de sa
séduction.
�.•
C3 )
Xt
" Ils ont vécu ensemble jusqu’en 1788.
A cette époque , le moine Spiess prit la résolution
'd'épouser là D llc. d’Avrilly.
i ■Il tenta à cet effet de surprendre le consentement des
parens, et pour réussir, il se donna un nom étranger;
mais il ne reçut point de réponse.
r II n’en réalisa pas moins son projet, et en cacliant au
notaire qu’il étoit mort civilement , et au pasteur qu’il
étoit lié par des vœux solennels et par la prêtrise, il
surprit leur bonne foi.
Le 9 juin 1788 , il souscrivit un contrat de mariage
avec la D lle. d’Avrilly.
Il se fit faire , par la victime de sa passion, une do
nation de tous ses biens , pour en jouir en toute pro
priété , du jour même du mariage.
Le 1 x juin , il affirma devant le curé qu’il étoit libre ,
et il feignit de se croire marié à la D 1Ie. d’Avrilly. '
Ce mariage , et le contrat qui l’avoit précédé , faits
par un moine mort civilement, étaient nuls d'unè nul
lité absolue , et ne pouvoient produire aucun effet.
Le sieur Spiess en étoit convaincu. Rentré en France,
en 1793 , il tenta d’en réparer le vice.
Il se présenta , le 2/f brumaire an 2 , devant l'officier
de l’état civil de la commune d’Ampuis , avec la D lle.
d’Avrilly.
Ils lui déclarèrent qu’ils confirmoient, en tant que de
besoin , leur mariage.
L ’officier de l’état civil leur donna acte de cette dé
claration , et les unit.
~
Le sieur Spiess se rendit à Paris le 28 frimaire an 2.
A 2
�(4)
Jusqu’ alors la D !le. d’Avrilly avoit perçu par ellemême ses revenus.
Le sieur Spiess, pour se procurer des actes de reconnoissance de son mariage, tira , en son nom seul , une
lettre-de-cliange sur le sieur d’Avrilly.
La traite fut protestée,
,
Le moine, déjoué ; devint furieux j il écrivit une lettre
remplie des menaces les plus violentes et les plus
atroces.
J.
La craiule de les voir effectuer força le sieur d’Avrilly
à payer.
Ces paiemens se sont continués jusqu'à la mort de sa
sœur, arrivée en l’an 7.
Alors le sieur Spiess , se prétendant propriétaire des
Liens de la D 1Ie. d’Avrilly , forma dos saisies-arrêts
entre les mains des débiteurs des sieurs dA vrilly et de la
Eérardiere»
. ■•
,'
i -1
Sur la demande en main-levée, formée au tribunal de
première instance de Caën, il intervint deux jugemens,
les 26 brumaire et 12 nivôse an 8 , qui déclarèrent nuls
les actes de mariage et la donation des 9 } 1 1 juin 1788 3
et celui du 2/j. brumaire an 2.
Ils prononcèrent en conséquence la main-levée des
saisies-arrèls.
^
Les juges se déterminèrent, par les grands principes,
sur l’incapacité d’un moinç mort civilement.
Ils considérèrent la déclaration du 24 brumaire an 2
comme une simple ratification qui ne pouvoit avoir
l’effet de donner de la consistance ù des actes radicale-*
ment nuls.
�( 5 }
■ Ces deux jugemens furent confirmés par celui rendu
au tribunal de la même ville, le 27 germinal an g.
Le sieur Spiess demanda en la Cour la cassation de ce
jugement.
Les moyens qu’il faisoit valoir avoient pour objet de
justifier tout-à-la-fois et son mariage de 1788 , et la do
nation qui 1 avoit accompagné. Il youloit aussi que la
ratiücation du 24 brumaire an 2 eût eu l'effet de valider
1 un et 1 autre } il les regardoit comme inséparables.
La Cour a prononcé sur ce pourvoi par arrêt du 12
prairial an 1 1 .
_ Mais de tous les moyens proposés par le sieur Spiess ,
elle n’ en a admis qu’un seul.
Elle a décidé que l’acte du 24 brumaire an 2 devoit
être considéré comme un nouveau mariage.
C est par ce m olif qu’elle a cassé l’arrêt du 29 gei'~
minai an 9.
En même-temps elle a décidé que cet acte, comme
ratification y ri avoit point réparé la nullité a b s o l u e du
Tnariage contracté en Suisse en 1788.
Ce sont les expressions de l’arrêt.
Enfin on remarque qu’en suivant la même consé
quence , la cour n’a point réformé le jugement de Caen;
sur ce qu’il auroit annulé une donation confirmée par
•la prétendue ratification du 24 brumaire an 2.
Ainsi la Cour a formellement jugé que les loix civiles
.reçues parmi nous avoient encore leur plein et entier
effet, et qu’ un moine mort civilement nepouvoitpas
contracter , ni recevoir de donation.
On lit en effet à la page 109 du tome G du Recueil des
�(6 )
Questions de Droit dont M. le procureur-général enri
chit la jurisprudence , qu’il a été reçu pour constant
fjueles mariages des prêtres et des moines étoient nuls
avant la révolution, même quant aux e f f e t s c i v i l s .
Depuis , les Parties ont été renvoyées au tribunal d’ap
pel de Rouen.
1
Le sieur Spiess y a renouvelé les systèmes que la Cour
avoit rejetés , et il a eu l’avantage de les voir accueillir
par un arrêt du 24 prairial dernier.
Le tribunal d’appel de Rouen a déclaré les sieurs
d’Avrilly et de la Berardiere non-recevables dans leurs
demandes en nullité , tant du mariage que de la do
nation.
11 a ordonné l’exécution de la donation , et autorisé
le sieur Spiess a donner suite à ses oppositions.
Ses motifs sont précisément ceux que la Cour avoit
rejetés.
Les juges ont été d’avis , i°. que des parens collaté
raux ne pouvoient être reçus à opposer une nullité qui
ne troubloit point l’ordre public actuel.
20. Tout en convenant que le mariage contracté en
Suisse étoit originairement n u l, par défaut de capacité
civile de l’un des contractant,
Ils ont pensé qu’il ne présentoit qu’une nullité acci
dentelle qui avoit cessé par l’eflet des loix nouvelles.
3 °. Que la donation du 9 juin 17 8 8 , faisant partie
des conventions matrimoniales , n’avoit pas besoin
d’être renouvelée lors de la réhabilitation du mariage
fait le a/j. brumaire an 2, parce que les stipulations sub
sistent tant qu’elles ne sont pas révoquées.
�(
7)
4°. Que cette donation étoit à cause de m ort, et que
c’étoit au décès du premier mourant qu ilfalloit consi
dérer la capacité des contractans, pour régler les droits
qui en résultaient.
Les sieurs d’Avrilly et de la Berardiere demandent la'
cassation de ce jugement, qui viole si ouvertement les
loix.
Ils analyseront dans trois -paragraphes tous leurs>
moyens de cassation.
M O Y E N S .
S- Ier;
Violation des lo ix de l'é g lise , des loix civiles et de la
jurisprudence. — N u llité du mariage et de la
donation de 1788.
Le mariage des évêques, des prêtres et des moines
étoit impérieusement défendu avant la révolution.Les canons déclaroient que , dans leur union , il n'y
Lois
lY glue.
avoit point de mariage , mais un véritable concubinage,
non matrimonium sed contubernium.
Conciles de Latran , de 1 1 23 , 1 1 3q , canonsi et 7.
Celui de Trente, session 24 canon 9 , prononçoit
jnême l’anatliême contre celui qui soutenoit que les'
moines et les prêtres pouvoient contracter des mariages *
valables.
Boniface V III et Alexandre I II renouvelèrent cesdéfenses.
d»
�(8
)
Ces principes étoient proclamés dans les Cours sou
veraines; par les avocats-généraux chargés spécialement de conserver la pureté de nos maximes.
M. Bignon soutenoit, dans deux affaires jugées les
26 juin 1G29, et 10 février iG 32 , que les vœux solennels
étoient des cmpêchemens dirimans , en telle sorte que
le mariage d'un religieux p ro f es ne subsistoit pas même
un seul instant,
jurisptadecce.
Le parlement a constamment adopté cette nullité
pour les mai’iages des moines et des prêtres.
Fevret, en son Traité de l’Abus , cite trois arrêts
rendus en iGoG, 162G et 164.0.
Bardet , livre 3 , clia p ..n 5 en rapporte un quatrième
du 17 juillet i 63 o.
La maxime étoit si certaine que le Parlem ent, par un
arrêt de règlement, du 16 juillet 1G88 , rapporté au
Journal des Audiences, après avoir prononcé la nul
lité du mariage fait par une religieuse, ût défense d’en
contracter avec des personnes qui auroient fa it des
vœ ux . . . . à peine de la vie contre l'un et Vautre
des contrevenans.
M. Pothier rapporte l’arrêt de 1640 , en son traité
du contrat de mariage, part. 3 , cliap. a , art. 5 , n°. 112 ,
et donne le motif de celte jurisprudence.
Il y déclare que la discipline de l’église , sur le
mariage des prêtres et des moines , ayant été reçue et
adoptée en France par la puissance séculière, la dé
fense du mariage de ces personnes, à peine de nullité,
étoit une loi de l’état.
Loît civile«.
Le religieux étoit , en quelque sorle; frappé d’une
nullité
�(-0 )
nullité plus étendue. Mort civilement , il étoit incapable
d’exercer aucun des droits civils.
L ’art. 28 de l’ ordonnance de Blois de 1579, et l’art. 9
de celle de 16 29 , et les différentes lois municipales, les
excluoient, pendant leur mort civile, de toutes succes
sions, donation et contrats.
Aux termes de l’art. 4.1 de l’ordonnance de 1735 sur
les testamens , ils ne pouvoient même servir de témoins
dans un acte, civil.
La Cour de cassation a consacré toutes ces maximes,
par son arrêt du 12 prairial an 1 1 .
La coui4d’appel de Rouen les a toutes anéanties par
son arrêt du 24 prairial an 12.
Le sieur Spiess avoit émis des vœux solennels, dans
l’ordi’e des Erémontrés *, il étoit incapable de contracter
mariage et de recevoir une donation.
En validant la donation et le mariage du siour Spiess
et de la D Ue. d’Avrillyen 1788 , le tribunal de Rouen a
violé les loix de l’église et celles de l’état.
• Il est impossible de présenter un moyen de cassation
plus évident.
S-
I I-
.
Contravention a la maxime de la non rétroactivité des
loix. — E x c è s de pouvoir.
C’est en voulant éluder le premier moyen que nous
venons de développer , que la Cour d’appel de Rouen
a commis d’autres infractions.
f ‘
L ’art. 2 du Code civil en exprimant le principe que
B
�{ 1° )
les loix n’étoient données que pour l’avenir, et qu’ elles
ne pouvoicnt avoir d’eiî’et rétroactif, a confirmé une
disposition consacrée par toutes les loix antérieures.
La cour d’appel de Rouen s’est placée au-dessus de
celte règle, dans l’arrêt du 24 prairial an 12.
Elle a jugé que l’incapacité du sieur Spiess de con
tracter, mariage cl de recevoir des donations , avoit
cessé même pour les temps antérieurs , par l’eiïet des
loix nouvelles et de la constitution de 17 9 1.
>
Ainsi elle a fait rétrogradera 1788 une loi rendue en
17 9 t.
'
n
1
Celle disposition esl une violation manifeste de toute
législation ; mais spécialement dé la législation française
sur les effets rétroatifs. .
; cu'ny-i -n :■ ;
A la vérité , on objectoit potix* le sieur Spiéss que 1art.
17 de la constitution de 17 9 1 portoit en lui-même un
caractère de rétroactivité.
ij.ric"
7 îj-’Ï
Mais celte..idée , que la cour dé cassation avoit'déjà
rejetée est une.monstruosité^, ,r> ’ r 5 Mr>r ‘ '
!)’
i a. Il est hors de* l'atteinte de la puissance humaine
d’empêclier un état de choses qui a existé.
E t sous ce rapport, la loi de 17 9 1 ne pouvoit pas faire
que le mariage et la donation‘ de 1788 , faits trois ans
auparavant, iraient eu lieu sous l’empire des loix qui en
avoient prononcé l’annihilation.
20. La loi ne porte point qu’elle aura un effet rétro
grade.,
r
3 °. Loin d’adopter cette rétroactivité en 17 9 1 5 on
voit, au contraire , que les loix d’alors laissent-,les reli
gieux frappés d'une sorte de m orl.civile, puisque,celles
�( 11 )
des 20 février , 19 , 20, aG Mars 17 9 1 lesécartoient des
successions échues et de celles a échoir.
La loi du 17 nivôse an 1 1 laissoit encore subsister cet
état de choses, en appelant seulement aux successions a
échoir ceux des religieux qui avoient fait profession
avant l’âgé prescrit.
Ce n’est que postérieurement que tous les moines ,
sans distinction, sont devenus capables d’appréhender
les successions à échoir.
Cependant ils auroient eu cette capacité, même pour
les autres successions, si la constitution de 17 9 1 eut dû
avoir des eiTels rétroactifs.
Mais elle 11e contient pas dépareillés dispositions }
elle veu t, au contraire, que les loix antérieures à la
révolution aient leurs eilets pour tout ce qui s’étoit passé
sous leur empire.
L infraction de la rétroactivité reste donc dans toute
sa force.
Pour colorer cette infraction, la Cour d’Appel de
Rouen a encore établi en principes , » que des parens
» collatéraux ne pouvoient être recevables à opposer
» une nullité qui ne trouble point Vordre public a c t u e l ,
)> et contre laquelle ne réclame aucune loi existante
» qui puisse être le titre d’une légitime contestation » .
11 y a dans ce raisonnement une confusion d’idées au
milieu de laquelle on découvre cependant un excès de
pouvoir et une fausse application des principes sur les
lins de non-recevoir.
)
D'abord e x c è s d e rouvom . Il est évident que l’arrêt
décide que pour les collatéraux, les loix actuellement
La
�existantes ont un effet rétroactif^, puisque l’arrét dit que
même pour des cas antérieurs ils ne peuvent exciperque
des loix actuelles.
M ais, d’un coté, les principes sur l’effet rétroactif ue
font point cette distinction} et en la créant, la Cour
d’Appel forme un droit nouveau, une Législation parti
culière.
r,
'
E t c’est-là véritablement un excès de pouvoir.
En second lieu, en établissant, pour .principe que les "
parens collatéraux ne sont recevables à opposer les nul
lités qu’autant que l’objet trouble l’ordre public actuel>
le tribunal de Rouen a fait aussi une fausse application,
des principes sur les fins de non-recevoir qui peuvent
être opposés aux collatéraux.
•
■>
Les monurnens de la jurisprudence attestent que les
collatéraux ont été admis à attaquer les mariages de
leurs parens , lorsqu’ils ont exercé l’action en nullité
dans le Lcmps utile.
Les arrêts cités par F e vre t, par B ard et, et rappor
tés dans le premier paragraphe-, sont rendus en faveur
de collatéraux.
L ’auteur de la Collection de Jurisprudence , au mot
m ariage, en rappelle deux autres des 21 août 1723 et
i er. février 1 7 5 5 , qui ont rejeté la même iiu.de nonrecevoir que le Tribunal d’Appel de Rouen a
adopté.
M. d’Aguesseau, en son 57e. plaidoyer, en indique•
plusieurs , et il lit confirmer ce principe par un arrêt du
5 janvier 1700.
Dans cette m atière, dit Polluer, on tient pour»
�( î 3 )'
constant , « que toutes les personnes qui ont un intérêt
» né à faire déclarer nul un mariaee,
O ' sont recevables à
» l’attaquer». Cet avis;- de Pothier est converti en loi
dans
les articles i8/| et 187* du code.
%
Au surplus, notre jurisprudence n’a jamais admis
que deux sortes de fins de non-recevoir : celles résultant
soit du défaut d’intérêt des demandeurs; soit de la
reconnoissance du mariage, faite dans un temps où les
parens avoient intérêt à contester.
La première fin de non-recevoir avoit lieu quand le
collatéral attaquoit le mariage pendant la vie de son
parent.
Dans ce cas , comme le collatéral n’étoit point l’hé
ritier de celui dont il’ attaquoit le mariage , et qu'il
pouvoit même le prédécéder, alors on le déclaroit uonrecevable par le défaut d’intérêt.
La seconde fin de non-recevoir se prononeoit contre
le collatéral qui, ayant un intérêt ouvert à contester le
mariage, l’avoit reconnu et approuvé.
Mais-il falloit que la reconnoissance fût faite après
la mort du parent.
r
Donnée pendant sa v ie , elle ne l’engageait pas.
P otliier; cont. mar. , n°. 448 ; cite deux arrêts de
1707 et de 1755.
Les sieurs d’Avrilly et de la Bérardière n’étoient dans
l’une ni dans l’autre de ces hypothèses.
i° . La D 1Ie. d’A vrilly, leur parente, étoit décédée
lors de leur demande en nullité de son mariage ayec le
sieur Spiess.
20. Ils n’ ont donné; depuis sa m ort, aucune appro
bation à son mariage.
�( i4 )
Le Tribunal d’appel de Rouen ne pouvoit donc pro
noncer de lin de non recevoir contre cette demande en
nullité.
Quelques collatéraux de la D llc. d’Avrilly avoient, à
la vérité, donné au sieur Spiess la qualité de parent,
dans les réponses qu’ ils firent à ses lettres.
Mais ces lettres sont étrangères aux sieurs d’Avrilly et
de la Berardiere.
2°. Elles sont antérieui’es au décès de la Demoiselle
d’Avrilly.
3 °. Elles sont TeiTet de la crainte occasionnée par les
menaces violentes du sieur Spiess.
Elles sont l’effet de cette lettre du
frimaire an 2 ,
qui, par sa violence, devoit exciter la frayeur dans l’amc
la plus forte.
L a Fran ce se purge, mandoitle sieur Spiess au sieur
d’A vrilly........; je le fe ra i observer les lo is , et tu verras
comment les républicains savent les fa ire observer aux
aristocrates.
Une reconnoissance arrachée par la crainte d’une
menace aussi forte, ne peut pas être regardée comme
une approbation, ni former une fin de non recevoir.
Ainsi, en voulant éluder leprincipede la non-rétroacti
vité des lois, on voit que l’arrêt attaqué a commis d’au
tres erreurs, d’autres infractions qu’il faut se hâter de
réprimer.
�§
1 1
I-
L e nouveau, mariage du 24 brumaire de Van 2 , n’a pu
fa ire revivre le contrat de 1788. — N ouvelle viola
tion des lo ix qui en pvononçoient la n u llité, et des
ordonnances sur les donations.
L ’arrêt attaqué du 24 prairial de l’an 1 2 , ne devoit
pas considérer la donation de 1788 comme susceptible
d’être continuée, même par un nouveau mariage.
Il y a deux raisons de cette décision ,
La première parce que la nullité absolue dont les loix
du temps avoient frappé cet acte par rapport à l’incapa
cité et à la mort civile de l’un des donataires et des
contractans, avoit détruit, suivant la juste'expression
de M. l’avocat général Bignon , jusqu’à l’existence dé
l’acte même.
IL n’y avoit pas d’acte réciproque et bilatéral conte
nant donation mutuelle en 1788 , alors que l’un des con
tractans étoit mort civilement, et qu’ainsi il 11e pouvoit
ni donner, ni acter, ni recevoir.
Etentin comme il s’agissoitlà d’une nullité puisée dans
les loix d’ordre public, et par conséquent d’une nullité
r a d ic a le et
a b s o l u e , la ratification , la continuation
subséquente ne pouvoient lui donner de la consistance.
Ce point de droit proclamé dans nos anciennes ordonnances, dans tous les monumens de notre jurisprudence,
rappelé dans l’art. i 3 3 9
Cmle civil, a été ainsi for
mellement decide dans le motif de l’arrêt de la cour de
cassation qui porte « que la cour d’appel séant à Caen;
�—
i ït r y -
a pu et dû considérer l’acte du
brumaire de l’an 2 ,‘
comme un nouvel acte de mariage qui n’a point réparé
la nullité absolue du mariage qui a été contracté en
Suisse en 1788 ».
Sous ce point de vue , il y a , dans l’arrêt attaqué ,
violation expresse des dispositions des loix sur lesquelles
ces maximes sont établies.
Le sieur Spiess étoit mort civilement en 1788.
Il n’a acquis la vie civile que postérieurement ; en
1790.
Mort civilement, il n’a pu ni contracter ni recevoir de
donation ; la donation mutuelle de la D llc. d’Avrilly étoit
radicalement nulle, ou plutôt elle n’existoit p as5 elle
n’avoit pas par conséquent besoin d’être révoquée.
Avoir adopté des, maximes contraires, c’est avoir
renversé les monumens les plus respectables de notre
législation.
En second lieu l’acte du 24 brumaire de l’an 2 ne
pouvoit pas être considéré comme une donation nou
velle et valable.
Les dispositions de l’ordonnance de 1781 exigent
pour la validité d’une donation ,
i°. Que l’acte en soit passé devant notaire et qu’il en
reste minuîe ;
2°. Qu’il soit fait dans la forme ordinaire des conti'ats , et qu’on y observe toutes les formalités relatives
à ces actes.
Sur ce point l’ordonnance de 1 7 31 ne fait que rap
peler ce qui existoit dans les loix anciennes.
Toutes prononcent la nullité des donations, même
des
�1*71
des dons mutuels , dans lesquels ces formes n'ont point
été observées.
a;;Dans l ’espèce, l’acte du 24 brumaire de l’an 2 ne
contient aucune de ces formes si expresséméht voulues.
i° . Il est reçu par l’ officier civil de la commune d’Ampuis, et non par un notaire.
a0. Il n’est pas non plus dans la forme des actes
passés devant notaire.
■
3 °. L ’acte passé devant notaire en Suisse ne ponVoit être regardé parmi nous que comme un acte sous
seing privé.
4 °. Cet acte de 1788 , tout vicieux qu’ il étoit, n’étoit
pas même représenté à l’officier civil.
Il est impossible d’accumuler plus de moyens contre
la disposition d’un arrêt.
L ’arrêt attaqué objecte cependant que cette donation
mutuelle pourroit être considérée de la part de la de
moiselle d’Avrilly comme une donation à cause de mortr
et que dès lors il faudroitappi’écier la capacité au temp&
du décès du prémourant.
Contre celte objection se présentent tous les moyens
déjà développés.
1°. On ne pourra toujours le faire sortir de la classe
des actes bi-latéraux et réciproques, et sous ce rapport
il faut bien l’apprécier au temps de sa création , et lui
appliquer nécessairement ces dispositions de la loi qui
prononcent d’une manière si formelle sa nullité , que
l’existence en est détruite.
r
»<>. La donation ne seïoit pas 'également exeinpfed<î
y
�( 18 )
l a nullité prononcée par le défaut d’authenticité de l’acte
qui la contient.
3 . S’il falloit apprécier cet acte par les dispositions
de la coutume de Paris où est décédée la D Ile. d’Avrilly on verroit bientôt que l’arrêt attaqué a renversé ce
droit municipal.
A insi, tous ces m otifs, qui tendent à donner l’exis
tence à un corps mort en dénaturant les actes, sont im«
puissans pour éluder la cassation.
L es sieurs d’A vrilly et de la Berardiere doivent attendre
avec confiance le succès de leur demande.
M onsieur C A S S A I G N E , rapporteur
Monsieur M E R L IN , procureur-général-impérial.
B E C Q U E Y B E A U P R É , Avocat.
i " î<De l’imprimerie de X HROUET, rue des Moineaux, n°. 423
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. D'Avrilly. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cassaigne
Merlin
Becquey
Beaupré
Subject
The topic of the resource
communication
mort civile
donations
mariage d'un prêtre
nullité du mariage
Description
An account of the resource
Précis pour les sieurs d'Avrilly, et de la Berardière, demandeurs ; contre le sieur Jean-Baptiste Spiess, défendeur. Questions sur la validité du mariage d'un moine et de la donation faite en sa faveur en 1788.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Xhrouet (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1788-Circa An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0738
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montoir-sur-le-Loir (41149)
Ampuis (69007)
Rights
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Domaine public
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donations
mariage d'un prêtre
mort civile
nullité du mariage
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I
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I
POUR
L é o n a r d R I X A I N , propriétaire, habitant de la
ville de Clermont-Ferrand, appelant;
C O N T R E
A n to in e
R I X A I N , propriétaire, habitant de la
ville de M a u r ia c , intim é;
E T
C O N T R E
D E L M A S , propriétaire, habitant de
la ville de M a u r ia c , aussi intimé.
A n to in e
L es juges, dont est appel, paroissent avoir méconnu,
dans cette cause, les principes de droit les plus familiers,
les plus incontestables.
•
A
�c 2 )
F A I T S .
D u mariage de Jacques Rixain et Thérèse-André de
L o u vert, père et mère communs , sont issus cinq enfans,
Antoine, Germain-Gaspard, Thérèse, Marie, et Léonard.
A n to in ei l’aîné, a été marié à la maison.
Par son contrat de mariage, du 6 juin 1764, les père
et mère l’instituèrent leur héritier général et universel,
sous la réserve d’une somme de 28000 francs pour former
la légitime des autres quatre enfans ; savoir, 24000 fr.
de la part du père, et 4000 francs de la part de la mère.,
Thérèse entra en religion : les père et mère lui consti
tuèrent, pour sa dot religieuse, une somme de 25 oo fr .,
dont 2400 francs du chef du père, et 100 francs du chef
de la mère. Elle est décédée du vivant des père et mère.
M arie a contracté mariage le 10 janvier 1774 , avec
le sieur Delmas : de ce mariage est issu Antoine Delmas
qui figure dans la contestation comme représentant sa
mère décédée en 1780.
Germ ain-Gaspard se dévoua à l’état ecclésiastique.
L e i 5 février 1775, le père voulant, est-il dit, régler et
fixer la légitime paternelle dudit Germain son fils, lui
donna par donation entre-vifs et irrévocable,
Un four bannal ( 1 ) avec une chambre, boutique et
( 1) Il ne faut pas induire de ce mot bannal, qu’il y eût un droit
de bannalité attaché. On l’appeloit bannal, parce qu’il ne servoit
pas uniquement pour l’usage de la m aison; qu’il servoit pour le
public, pour tous ceux qui volontairement y venoient faire cuire,
moyennant une petite rétribution.
�( 3)
grenier y attenant, situés dans la ville de Mauriac ;
Une terre et petit pré attenant, situés au terroir de
la Bizette ;
A utre terre située au terroir Delfraissi.
Il se réserva, durant sa vie et celle de son épouse, l’usu
fruit des objets donnés.
Cette donation n’a point été insinuée.
lie i 5 juillet 17 7 7 , le père a fixé également la légitime
de Léonard R ixain; il lui a cédé et délaissé, du consen
tement de l’aîné présent à l’acte, pour tout droit de légi
time paternelle, une somme de 9000 francs à prendre
sur un contrat de 12000 francs , dû par le sieur Dorcet,«
et les intérêts qui pourroient être dûs dudit contrat,
lesquels intérêts formoient un objet d’environ 1000 francs.
A u moyen de ce transport, Léonard Rixain a été satis
fait de ses droits paternels.
L e II janvier I 779 >Léonai-d Rixain a contracté mariage
avec la demoiselle Raimond. Il est inutile de rappeler'
les différentes clauses du contrat de mariage ; on ne rappel
lera que celle relative à la contestation.
cc En même faveur du mariage, est-il d it, R ixain,
« prêtre , donne de son chef au futur époux son frè re ,
« à titre de donation entre-vifs et irrévocable, la moitié
« des biens fonds qui ont été donnés audit donateur, au
« même litre de donation entre-vifs, par le sieur Rixain
a père.
Suit le détail des héritages.
« Sans néanmoins, est-il ajouté , aucune garantie que
« des faits et promesses dudit Rixain, prêtre, donateur,
« et avec subrogation au profit du fu t u r époux, à la
A 2
y
�( 4 }
<* moitié de tous les droits de légitime et autres dudit.
« R ix a in , prêtre , du c h e f paternel.
« L u i donne en outre la moitié des biens qui lui échoi« ront à titre de légitime ou institution , dans la suc« cession de la mère.
« Lesdites donations ainsi faites à la charge de l’usu« fruit et de la jouissance, envers lesdits père et m ère,
« et au dernier vivant. »
Cette donation a été insinuée au registre de form e,
le 27 avril suivant.
La mère est décédée en 1788 , et le père en 1789, sans
avoir fait d’autres dispositions que celles ci-dessus.
L e père a laissé des propriétés d’une valeur considé
rable. La fortune de la mère étoit mobilière : elle consistoit uniquement dans «la somme de 4656 francs qui lui
avoit été constituée par son contrat de mariage.
Ptixain, prêtre , est décédé en 17 9 1, sans avoir pareil
lement fait de dispositions. Sa succession a été à partager
par tiers entre ses deux frères, et Delmas, son neveu, fils
de Marie , sa sœur , prédécédée.
Nous disons par tiers. La donation faite par R ixain,
prêtre, a L éo n ard , quoiqu’il n’ait pas été dit qu’elle
étoit faite par précipu t, n’étoit pas un obstacle h ce que
celui-ci vînt à la succession. On sait qu’en pays de droit
écrit, et sous l’empire des anciennes lois, les donations
n’étoient sujettes à rapport qu’en ligne directe ; qu’on
pouvoit en collatéi’ale cumuler la qualité d’héritier et de
donataire.
E11 cet état, quels étoient les droits du sieur Rixain ,
autres que ses droits directs paternels ?
�((5)j
* Il aVoit a prétendre,
i-,
•: D a n s la succession de la mère , consistant en la somme
de 4656 fr. par elle-"apportée en dot ,>
'*
i°. Un douzième de ¡son ch ef,. mon tant de sa légitime
de rigueur;
T
2°. Comme donataire de la moitié des droits maternels
de R ixain , prêtre, la moitié d’un pareil douzième;
3°, Comme héritier du même R ixain , p rêtre, pour
un tiers, le tiers dans l’autre moitié d’un pareil douzième :
D an s les biens 'du père, du chef dudit R ix a in , p rêtre,
aux mêmes qualités,
La moitié des fonds donnés par le père audit R ixain,
prêtre, et dont celui-ci avoit disposé en faveur de son
frère par son contrat de m ariage, et un tiers dans l’autre
moitié.
E t en cas de difficulté, la moitié de la légitim e de
rigueur dudit Rixain , prêtre , à laquelle il avoit été
subrogé, et un tiers dans l’autre moitié.
Par exploit du 23. ventôse an 1 2 , il a formé demande
de ces divers droits.
. >
Il a fait citer au tribunal d’arrondissement de M auriac,
après avoir épuisé la voie [de la conciliation^ ; Rixain
aîné, détenteur de tous les biens , et Antoiüc.iD clm as,
son neveu', r " i-' • ■'! ri
•
" jvV; ui' j- î r ■
Il a conclu 'contre Rixain a în é , à ce qu7il fût con
damné à lu r payer le douzième qu’il amendoit de sou
chef dans la-somme de 4666 fr. montant dé la dot de
la mère , et du chef de R ixain, prêtre y.la moitié , et un
tiers dans l’autrp'moitié de pareil■
d o u ziëm b avec intérêts,
depuis le décès dû père ;
i- ’ •'* J
»
�(6)
A ce qu’il fût condamné à venir à division et par
tage des biens donnés .par. le père à R ixain , prêtre-, par
l’acte de donation du i6< février 1775 /pour lui en être
délaissé»la m oitié, et un tiers dans l’autre moitié: .
Et où les juges y feroient quelque difficulté, il fût con
damné à venir ù division et partage de tous les »biens
meubles et immeubles dépendans dé la succession du père
commun , pour en être distrait un douzième formant la
légitime, de.droit de R ixain , prêtre, et ledit douzième
distrait, ,être divisé pour lui en être délaissé la moitié et
le tiers dans la moitié ;
t A vec restitution des jouissances et des dégradations des
objets qui lui Iseroient attribués depuis le décès du père.
' E t contre Antoine D elm as, cohéritier par représen
tation de sa mère dudit Rixain , p rêtre, à ce que le
jugement à intervenir fût déclaré commun avec lui.
ù Sur cette demande, jugement contradictoire est inter
venu, le 23 messidor an 12 ,'dont.les motifs sont la trans
cription dès délensès des parties adverses.
Ce jugement est ainsi conçu:
‘
« Attendu que par le contrat de mariage d’Antoine
k R ixain , défendeur, du 6 juin 176 4, ses père et mère
« l’ont'institué lèui ^héritier général et universel, sous
« la seule réserve de disposer de la part du père, d’une
cc somme dé 24000 francs, et de la part de la m ère, d’une
« somme de 4000 francs ;
• k Attendu» que, par ces mêmes réserves , les père et
« m'ère'.düdit Antoine iRixain sé sont imposés des bornes
et àr'liiurLlibéralitéjiqu’Jis u’ont -pu. oulre-passer , et que
a conséquemment ledit Rixain père n’a p u , au préju-
1
�C7 )
clice de ladite institution, donner à Germain-Gaspard
Rixain des immeubles faisant partie de ladite insti
tution; .
,
« Attendu d’ailleurs que la donation qu’il a faite de
ces immeubles, par acte du i5 février 177$ , est nulle
faute d’avoir été insinuée, aux termes de l’ordonnance
de 1731 ;
)\
^
|
« Attendu q u e , d’après cela, ledit Germain Bixain ,
p rêtre, n’a pu donner valablement à Léonard R ixain ,
son frère, dans son contrat de mariage du 26 janvier
1779, les immeubles à lui donnés par son p ère, puisque
la donation faite par celui-ci étoit nulle ;
,
«l Attendu que ledit Rixain.,
prêtre,
n’a
pu donner
• • 1
• .I
«
non plus dans le même contrat de mariage, du 26 janvier 17 7 9 , et du vivant de ses père et'm ère, qui ne
sont décédés qu’en 1788 et 1789 , les droits légitimaires
qu il pouvoit alors espérer dans les successions à échoir
de ses père et m ère, parce que tçut pacte sur la suc
cession d’une personne vivante est n u l, et contre les
bonnes mœurs ;
» Attendu que ledit R ix a in , défendeur , a» toujours
offert de payer audit R ixain, demandeur , son douzième
dans la succession maternelle, et sou tiers dans le
douzième des légitimes paternelles et maternelles, de
R ixain , p rêtre, leur frère commun , après un compte
à faire entr’eu x, et de plusieurs sommes réclamées par
ledit Rixain u défendeur , et que ledit Rixain , deman
d e u r , ne^s’cs.tpas expliqué sur les prétentions du déVfcndçur,;'
; ;.o!!
,
_
, « L e tribunal, sans avoir égard à la donation faite par feu
�«
«'
«
t
«
«
( 8)
r*^ /•'
r^
.
Rixain père , ù Germain-Gaspard R ixain , p lâ tre , au
profit de'Lébrinrd Rixain , des objets compris*en ladite
donation de 1770, qu’il déclare de nul effet, cette pre#
^
*
»{ •r
mière donation , étant nulle , saris s’arrêter non plus
à la donation également faite par le riiemé contrat de
« mariage de 177 9 , par ledit R ix a in , prêtre , au profit
« çludit L éo n a rd R i x a i n , de la m oitié de sêd légitimes
^‘ 'patbrnélle et maternelle- qui nb lui étaient pas alors
W’acqûlses, puisque :ses père et mèi’e étoient encore
« ’ viÿans , e t’qu’il ne pouvoit faire aucune convention
« Jsi1l; leur future succession qu’il ne pouvait pas re« cueillir ; déclare aussi lesdiies donations nulles ; donne
« ^icüe aiitllt Aütüïriô^Rixraîn'j'défendeur, des offres qu’il
CC a filït^ de payer ntidit Léonard Rixain son douzième
c/ dè ‘ia‘ siicccslton m obilière de T h é r è s e - A n d r é , m ère
cc coriimmifej de liii piiVer aussi son tiers du douzième
« forma ril jÎîVlêgitiïne maternelle d üdi t G ermui n-Gaspa rd
c7 Rixàinr^ et'^’aulre'tiôts’ audits .Delmas , et de venir à
r olfi
j
, é •.
t ?
«■'partagé avcêiiti et ledit' Delmas dù douzième dans les
« Liens du père commun , revenant audit Germain-G as• , * • ’ t/. v c 1 . r
, .*V
’ . ’
1
« para RixJiiti pôiii" sa légitime paternëlle, pour en ôlre
« 'clefaîsse uu tife^a’hüdit Luonard Rixain , mi autre tiers
k * nuefit
Inclinas, et îe •dernier tiers au d éfen deu r, auquel
<i * 11• *’ '
!
*
« \leineurent1réservé^ toûs 'sieis moyens de compensation,
«" exceptions ; finâ cîB non-i-éceVoir, et défenses demeu« Aant^'éserveës' auclif LéoiiVircl-Riicafn à l’eiîct de quoi
«1 iis:conlesfcro^t’ pliisü«Viin^VenVMït', dépèns'réservéà!^
* L é o n a r d Rïi'a'iii a1, interjeté'*app6V do c e ^ j u g e m e h t ^ et
c’est sur çe.t a p p e l q u e les parties a tt end en t fci* decfisi'oir
s6uvcrtiirio'clerla Coitr.
u ’
.
iJ
~>
M O Y E N S.
�(9)^
M O Y E N .S. . .
La contestation présente les questions suivantes:
L e père commun a-t-ril p u , s’étant réservé ,seulement
une somme de 24000 fr. à disposerren.,argent,, .fixer la
légitime de Rixain;, .pretre, (en fonds ? L a donation du
i 5 février 1776 est-elle nulle sous ce-rapport?
Cette donation e s t-e lle n ulle, comme (n’ayant point
été insinuée? (
^ t ^
^
Les intim és, héritiers chacun pour une portion de
) Jlü- 7
.
1
! ‘r
Rixain , p r ê t r e é t a n t en cette qualité tenus, pour la
part qu’ils amendent dans la succession, des engagemens
dudit Rixain qui a transmis à l’appelant partie de cette
donation, peuvent-ils exciper du défaut d’insinuation? (
Dans tous les cas, la donatiop faite par Rixain, prêtre ,
à l’appelant, dé la moitié de ses droits paternels, est-elle
valable ? doit-elle avoir son effet ?
L ’appelant, indépendamment de là donation à lui faite
par R ixain, prêtre, soit de la moitié des objets particuliers
compris dans la donation du 1 5 février 177 5, soit de la moi
tié de ses droits légitim ants, a - t - i l droit comme cohé
ritier à une portion dans le surplus des biens dudit
R ixain , prêtre, décédé sans avoir fait d’autres disposi
tions? En d’autres termes, p e u t-il cumuler la qualité
de donataire et d’héritier?
Telles sont les questions sur lesquelles la cour a à
prononcer.
B
�( 10 )
P R E M I-ÈRE!
Q U E S T I O N .
Les-juges dont est appel ont jugé que le père s’étant
réservé uniquement- uné; somme en : argent à disposer,
n’avôit1 pu donner des fonds’en payement de la légitime.
G’est une erreur , et une erreur que le pltts simple rai
sonnement va rendre sensible.
1
Celui qui fait une institution , avec réserve d’une
somm e, n’a pas ordinairement cette somme en. ses mains.
Il ne peut se la réserver à prendre sur les deniers qu’il n’a
pas ; il ne peut se la réserver à prentlré que'sur ce qui
compose la succession. Il a donc le droit de disposer des
fonds de la succession, des immeubles comme des.meu
bles, jusqu’à concurrence de la'somme réservée : tout ce
que l’héritier institué peut e x ig e r, c’ies^ qu’il né dispose
point au delà!
••>
- f
' )■ . I
’il. . •
,
■
* '
Celui qui fait une .institution , avec-réserve d’une
somme, ne promet pas,que sa succession-sera composée
de tels ou.-de tels fonds ; il promet seulement sa succes
sion ^ moins la .sonnrjej ,ou la valeur représentative de la
somme■
s’est
ilqu’il
1 HÎ f"
) réservée.,
•) . •
•;*
I c i, la disposition du père est d’autant plus à l’abri de
toute ¡cri,tique., que les.-fonds donnés à R ixain, prêtre,
ont été donnés en payement de sa-légitime; en payement
d’une dette sacrée, d’mie^dette que la loi lui imposoit,
d’une dette qui étoit en môme temps celle de .l’héritier ,
d’une dette que l’héritier n’auroit pu se dispenser d’ac-
�quitter lui-même en .fonds ; l e légitim aire ayant le droit
<l’exiger)sa portion en „corps héréditaires, sv) t
L ’instituant, n’a point îles ¡mains rtÜllementliëes.par'l-ins!titution , iqu’il ne tpuisse disposer ides -fonds [de^la 'succes
sion , vendre et •aliéner., ^pourviu^querce nè-soit point en
fraude de l’institution ; et ce n’est point ien !fraude de
•l’institution:, lorsqu’il m’excède ipoint;,le montant dé k
réserve -, lorsqu’il dispose pour acquitter.autaiit ria'detto
d el’héritïerque là sienne-•loi’sqa’i.l'di&pose paur aéqiuifter
en fonds, une dette due en>fafrds!’,'unextefèe:c|ue h é r itie r
n’auroit pu>se dispenser,.comme', an vient de l ’observer,
d’acquitter -lui-même ten .fonds.- j . ;n', :
* ‘ L ’héritier ne .-pourroiti se .'plaindre jqu’mitant que les
•fonds donnés seroient,de phis ^grande valeur. Mais c’est
.un 'cas particulier ; ’ on présumeroit.alôrs quTii1 .y a fraude-:,
-et le cas'de fraiidé)est toujours excepté. ..
o Gem’est point pin* .cermbtif que les juges dont .est appel
se sont décidés. Ils ont jugéienidroit què;le père s’étant
•réservé i.une isorhme .en »argent rà disposer., n’a voit pu
attribuer des fonds ren jpDyèmentjde. la.légitime. On e^t
loin d’adopter leur système.
Rixain aîrié dira-t-il que les fonds donnés excèdent
la légitime ?)qu’ils excèdent la Iréserve?
<
Peu importeroit d’abord qu’ils excédassent la légitime ,
.pourvu q u ’ i l s n’excédassent point la réserve; et on va dé- '
montrer, par le calcul le plus sim ple, qu’il s’en faut qu’ils
excèdent ¡la réserve, i . jr
L e p è r e commun s’est réservéïune somme .de 24000 fu.
Sur cette somme, il a disposé cü faveur de Thérèse-,
B 2
�X^ )
lors de son entrée en religion, d’une somme de 2400 f.;
ensuite, en faveur de M a rie, dans son contrat de ma
riage avec Delm as, d’unei sommé de 379^ francs;\il a
disposé, en ^dernier lieu, en faveuride l’appelant, d’une
somme d’environ 10000 francs, ; £es sommes réunies s’élè
vent à celle de 16195 francs; il restoit donc'libre, en ses
mains , avant d’avoir épuisé la réserve, f une somme
de 7805 francs. '
-, /- > j .
.1 ■• .
Quels sont les objets compris dans la donation ? Un
four. Ce four s’affermoit 130 ou i 5o francs: Que Rixain
aîné produise les baux à ferme. Les autres héritages sont
une terre et petit pré, consistant, est-il d it, en dix septe.rées de terre, et une autre terre de la contenue de dix
quartelées ; en tout onze septerées et demie. Il estr à ob
server que la septëréé à M auriac, comme à Aurilla’c ,
n’est que de 400 toises. La septerée de la meilleure qua
lité ne se .vendoit pas, ayant la révolution, au delà de
i 5 oirancs. Qu’on jugéjmaintenant.i
.
ii<j Peu im porteroit, avons-nous d it, que le père eût excédé
la légitime , pourvu qu’il n’ait point excédé la- réserve ;
et réciproquement nous dirons : Peu importeroit qu’il ait
excédé la réserve, pourvu qu’il n’ait point excédé la
légitime de droit. La légitime 'est une portion que la
loi réservé aux çnfans, qu’elle retranche des biens du
-père*' même malgré Ife^père : c’est une réserve légale,
qui est indépendante de la réserve conventionnelle.
Rixain aîné auroit donc à prouver que les fonds donnés
.cxcédoicnt., et la légitime , et la réserve. Il n’aura garde
<de 's’engager dans cette vériiication. , •
^ a
,
�( 13 )
Enfin, excéder oient-ils, la donation n’auroit point été
nulle pour cela ; elle sëroit seulement sujette à retran
chement : ce qui prouve de plus en plus le mal jugé du
jugement.
S E C O NDE
Q U E S T I O N . '
On ne peut dissimuler que la donation du 1 5 février
1775 n’a point été insinuée du.vivant du p è re , et que
dès-lors elle est n u lle , aux termes de l’ordonnance de
1731. Mais les intimés peuvent-ils se prévaloir de cette
nullité dérivant du fait du défunt, dont ils sont héritiers
pour une portion ? C’est ce qu’il s’agit d’examiner.
:
i . ’‘
i .
)
T R O I S I È M E
QUESTION.
.. Les adversaires ne manqueront point d’objecter que le
donateur n’est point garant de la chose donnée; que son
obligation, à cet égard, est différente de celle du vendeur ;
qu’il est censé ne donner la chose que telle, et autant
qu’il l’a ; qu’il seroit injuste qu’on pût s’armer contre le
bienfaiteur , de son bienfait.
Cette proposition est vraie en général, mais elle de
mande d’être expliquée. L e donateur n’est point garant
de la chose donnée, c’est-à-dire, qu’il n’est point garant
que la chose donnée lui appartient ; mais il est garant
de ses faits et promesses. Il n’est point garant que la chose
donnée lui appartient ; mais il ne faut pas que ce soit
par son fait que la chose ne lui a point appartenu, ou
�\
.
. ( 14 3
a cessé de lui appartenir; autrement il faudrait dire qu’il
dépend du donateur-de révoquer la donation-, contre la
maxime, donner et retenir ne vaut.
A -t-il été au pouvoir de R ixain , prêtre, en ne satis
faisant point au vœu de l’ordonnance, d’annuller la
donation qu’il avoit faite lui-même à son frè re , et en
vue de laquelle le mariage a été contracté?
L e père vivôit à l’épôqüe du‘mariage-; 'ila vécur encore
plusieurs années depuis. L ’afrticle 26‘de ^ordonnance de
*731 porte, que ‘les donations'-pourront être insinuées,
après le délai de quatre mois, même après le décès du
donataire, pOitrvu que le donateur soit encore vivant;
elle apporte seulemënt cette modification , que la donation
n’aura alors effet que du jour de l’insinuation. Pendant
que le père a existé , et ipendalnt plusieurs années après
le mariage, il a tenu à R ixain , prêtre, de valider son titre,
'de s’assüret’iincomitiütablèirieiitjla^pi-rtpviétéid'ê's objets par
lui donnés.^A-t-il ptiyen n e 1sôftîsfiiïâafüt point à' ia for
malité prescrite par ;Î’o'rdbtiriariCe , ^nnuller ses’propres
engagemens ?
Il aürôit donc -fait à l’appelant un avantage illusoire!
Celui qui donne , est maître de do'ntier, oüide ne pas
donner. Mais , lorsqu’il a donné, ’il rie peut rien faire
directement, ni^iïdiréc'tertiënt qui puisée porter atteinte
à la donation, qui püisâe enfreindre le principe de l’irré'vocabilitë /caractère essentiel de'-toute donation entre vifs.
’L e'd ü tlateü r/co rrittie Celui qu i v e n d , est toujours ga1rant dé ses'faits!iét promesses.
Si l’dbbé ‘Rixain vivoit ; si rappûla'rit'réelamoit'cOlltrè
lui l’exécution de la donation, l’abbé Rixain pourroit-il
�( i5 )
ge défendre de l’exécuter, eu disant que la donation à
lui faite, par le père commun , n’a point été insinuée,
et qu’il n’a pu donner ce qui ne lui appartenoit pas. On
lui répôndroit, avec avantage , que c’est par son fait
qu’elle n’a point été insinuée.
Mais le doute, s’il pouvoiten exister,est levé parla clause
même du contrat de mariage. L e contrat de mariage porte:
Sans a^itre garantie que de ses f a it s et promesses. 11 a
donc garanti ses faits et promesses: cette obligation de
garantie a passé à ses héritiers. Les adversaires sont donc
garans eux-m êm es, au moins pour la part et portion
pour laquelle ils sont héritiers-, de la nullité qu’ils
opposent.
Q U A T R I È ME
QUESTION.
Par le contrat de mariage de l’appelant, R ixain, prêtre,
commence par lui donner la moitié des objets compris
dans la donation du i 5 février 1775. Subsidiairement,
il lui a transmis la moitié de ses droits légitimaires pa
ternels. Les juges, dont est appel, ont déclaré cette dona
tion subsidiaii'C également nulle, comme contenant un
pacte sur une succession future. C’est le motif qu’ils ont
donné de leur décision.
Si ce motif n’étoit point consigné dans un jugement,
on auroit peine à penser qu’il fût sérieux.
Est-ce ici un marché-odieux sur la succession du père?
Est-ce ici un pacte moyennant un p rix ? Peut-on assi
miler la donation dont il s’agit à un pacte par lequel
l’un vend et l’autre achète, à vil prix, des droits sur
�( i6 )
une succession future qu’on est impatient de dévorer? La
loi a proscrit ces conventions, comme renfermant le vœu
inhumain de la mort d’autrui. Ce vœu respire dans le
vendeur et dans l’acheteur ; dans le vendeur q u i, trou
vant la mort de celui dont il attend la succession trop
lente , cède à fo rfa it, ét cède à un prix d’autant plus
modique , qu’il vend un droit incertain, un droit qui
peut même devenir caduc, par son prédécès ;_dans l’ache
teur qui a à désirer, non-seulement de bénéficier, mais
de n’être pas en perte. La clause dont il s’agit renfermet-elle rien de semblable ? Que reçoit Rixain donateur ?
Que donne Rixain donataire ? Absolument, rien. On
ne voit qu’un bienfait d’une p a rt, et l’acceptation de ce
bienfait de l’autre. Est-il défendu d’exercer et d’accepter
une libéralité ?
Si R ixain, prêtre, avoit donné tous ses biens à venir,
la donation auroit bien sans doute été valable; elle auroit
cependant bien compris les droits légitimaires à recueillir
dans la succession du père.
La donation n’est pas principalement, principaliter,
des droits légitimaires à échoir. L a donation commence
par des objets fixes et certains ; le donateur commence
par donner les héritages particuliers compris dans la
donation à lui faite par le p è re , et dont celui-ci étoit
saisi; donation, à la vérité,’ non - insinuée , mais qui
pouvoit l’être, tant que le père vivoit. La donation des
droits légitimaires n’est que sécondaire , et à défaut
d’exécution de la première ; c’est une sûreté, une garantie
que le frère a voulu donner sur les biens A venir. Et
quelle loi alors défendoit d’engager les biens à venir ?
Mais
�C 17 )
r Mais tout pacte sur la succession future: étoit-il in
terdit ? La lo i, au code Quamvis de pactis, permettait
les conventions sur successions futures, entre majeurs,
pourvu que ce fût du consentement de celui de eufus.
Cette lo i a été suivie en France; on peut voir ce que
dît à cet égard Lebrun.. Ici la-donation, a été. faite en
présence du, père, ou de son fondé de ¡pouvoir; elle a été
faite par contrat de mariage, en 'vu e de;Rétablissement
de l’appelant ; et l’on sait que les contrats de mariage
so n t susceptibles de toutes sortes de clauses.
. '.b .r
••
.
;;c • :
.. ' ?:] * )
i
C I N Q U I È M E Ï Q Ü E S' Î I O liif
‘
-[O' ! -,
Cette question est subordonnée à la décision des pré-r
cédentes. Il n’y auroit pas lieu , si la cour se déterminoit
à. déclarer les deux donations htilltis il ne-¿’agirait point
Alors d’examiner si rappelant'peut réunir la double qua^
lité de donataire et d’héritier; mais si f comme on le
présume, la cour se détermine à infirmer le jugement
qui a;déclaré lés deux donations nulles, l’appelant, pour
venir à la succession, poui* avoir droit' au partage des
biens dont R ix a in , prêtre , n’a point disposé, sera-t-il
obligé de-'rapporter ia donation? On soutient avec con
fiance la négative.
.
.
. ■
Les parties sont régies par le droit écrit , et aucun
jurisconsulte n’ignore qu’en pays de droit écrit le rapport
n’avoit lieu qu’en directe, et non en ligne collatérale.
L ’appelant réclame l’exécution; de son contrat de:m ariage ; il réclame les avantages qui lui ont été assurés
C
�( 18 )
par son frèret Devoit - il s’attendre à éprouver de la
contradiction?
t -Nous terminerons par une dernière observation.
L e jugement dont est appel réserve à Rixain tous
m oyen s de compensation. Il est ajouté, à la v é rité ,
exceptions f in de non-recevoir et défenses réservées
au contraire à l’effet d e q u o i, est-il. d it les parties
contesteront plus amplement;
E t à raison de cette plus ample contestation, réserve
les dépens.
Quels sont ces moyens de compensation ? L e sieur
Rixain auroit dû les expliquer, les établir ; il auroit dû
au moins en former demande : il ne l’a point fait. Dans
aucune de ses reqüêtes il n’a pris aucunes conclusions à
cet égard ; il s’est contenté de dire vaguement que l’ap
pelant lui doit que l’abbé Rixain devoit à la succession
du père commun ; mais il n’a point formé de demande.
Les juges dont est appel ont ordonné une plus ample
contestation su r, des demandes non formées.
S’il lui est dû par l’appelant, qu’il l’établisse : l’applant offre de le payer sur le champ.
I.
M e. P A G È S - M E Y M A C , jurisconsulte.
M e, M A L L E T ,
avoué.
H
A R IO M , de l’imprimerie de
L
, seul imprimeur dela
Cour d’appel.
a n d rio t
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Rixain, Léonard. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Mallet
Subject
The topic of the resource
successions
héritier universel
four banal
pays de droit écrit
contrats de mariage
donations
Description
An account of the resource
Mémoire pour Léonard Rixain, propriétaire, habitant de la ville de Clermont-Ferrand, appelant ; contre Antoine Rixain, propriétaire, habitant de la ville de Mauriac, intimé ; et contre Antoine Delmas, propriétaire, habitant de la ville de Mauriac, aussi intimé
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1764-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0737
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G1025
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53932/BCU_Factums_M0737.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mauriac (15120)
La Bizette (terroir de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contrats de mariage
donations
four banal
héritier universel
pays de droit écrit
Successions
-
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485cc24e6501c6dfa1cf569dde1789fa
PDF Text
Text
PRÉCIS SUR DÉLIBÉRÉ
D ’A P P E L
cour
P O U R
SÉANT
A RIOM.
F r a n ç o i s
RO CH E,
appelant ;
C O N T R E
A n to in e
FAU RE
,
Jo se p h
M A N D E T
P IT O U
,
et B e n o i t
in tim é s.'
U n propriétaire téduit à la mendicité par une friponnerie,
fait un dernier effort pour inspirer, en faveur de ses malheureux
e n fan s, un intérêt qu’il ne réclame pas pour lui-m êm e, et que
les circonstances de sa cause forcent assez de sentir.
T o u s les élémens de la résistance semblent conjurés contre sa
m isère; e t, chose inouie peut-être, c’est après avoir prouvé clai
rement qu'il étoit volé , que pour la première fois il doute du
succès de sa réclam ation.
E t d u t, cet aveu , paroitre étrange lui-m êm e, il n’en contras
tera que davantage avec la conviction intime de cette foule de
témoins appelés par la cour pour l’instruire de la vérité.
R och e, forcé par un enchaînement de faits connus de la cour
A
�(
2
)
3
de vendre sous un nom em prunté, consentit, le i messidor
an 1 0 , nne vente simulée de tous ses b ien s, sans exception,
à F a u re , moyennant 16000 fra n c s, à employer à ses dettes; et
il fut fait une contre-lettre portant que F au re , en les revendant,
auroit pour indemnité de ses engagemens ooo francs de bénéfice,
moyennant q u o i, et après le prélèvement des 19000 francs et
des frais , tout l’excédant appartiendroit â Roche.
C et homme infidèle, se voyant maître d’abuser de la confiance
d ’un a m i, proposa à scs beaux-frères d ’acheter ces biens à vil p rix ,
à condition de l’associer lui-même dans le bénéfice; mais ils reje
tèrent celle offre avec indignation. V oyan t qu’il n ’y avoit pas de
fripons dans sa fam ille, il fit la proposition à d ’autres qui refu
sèrent encore : enfin, la totalité des biens de Roche a été vendue,
le
brumaire an 1 1 (*), aux sieurs Pitou de Billom , et M andet
de Doniaise
par u n 'a c te passé dans une auberge de Billom
devant un notaire de Saint - D ie r , et un notaire de Cunlhat,
m oyennant 20400 f . , qui couvrent assez exactement les igooo f,
3
,
,
et les frais et faux frais ; de sorte que Uexcédant revenant à Roche
se réduit à zéro.
L e s deux acquéreurs, à qui la contre-lettre étoit connue, comme
la cour n ’en doute p lu s, semblèrent d ’abord ne vouloir pas lutter
contre l’indignation publique, et se contester d ’un bénéfice. Ton
bien t’appartient, dirent-ils à R o c h e , nous nous arrangerons :
mais ils vouloient 6000 fra n c s; Roche offrit 100 lo u is, puis 2 0 0 ;
toutes les personnes honnêtes du pays s’intéressèrent à cet arran
gem en t: les acquéreurs 11e se relâchèrent pas.
Ils avoient mieux connu la valeur des biens. Un domaine à
la V ale tte , dont Faure lui-même avoit offert 24000 fran cs; des
biens à la Chapelle-A igucn, pour plus de 20000 fran cs, tout cela
biens patrim oniaux, leur paroissoit une assez belle proie. Ils signi
fièrent leur vente à R o ch e, qui notifia une protestation ; mais en
vertu d ’une ordonnance il fallut déguerpir.
Roche a donc été obligé de plaider contre cette usurpation. L e
( * ) L e jour rucme où. ou fut preveuu que Hoche arrivoit de i^aris, et où il arriva en effet.
�3
(
)
-,
tribunal de Clermont lui a refusé la preuve du dol ; mais malgré
tous les efforts des Faure et consorts, pour soutenir que cette
preuve n'etoit pas adm issible, la cour n ’a pas pensé que les lois in
terdissent l ’éclaircissement de lafrau d e , et la preuve a été ordonnée.
; Cette preuve consistoit à établir, i°. que Faure avoit toujours
dit n etre pas sincèrement acquéreur de Roche , mais prête-nom ;
2 . qu il avoit offert lui-même 24000 francs du seul domaine de
la Valette ;
. que lors de la vente faite à Faure , il proposoit un
prix de
ooo fra n c s, que Roche vouloit réduire à 16000 f r . ;
4°. qu’il avoit proposé à ses beaux-frères de leur vendre et les as
socier au bénéfice des reventes , malgré sa contre-lettre; 5°. queles
sieurs Pitou et Mandet avoient eu connoissance de cette contrelettre; enfin qu’il avoit tenu le propos qu’ils étoient trois associés,
ayant chacun 8000 francs à gagner.
35
3
T ro is enquêtes ont été respectivement faites; et dans une ma
tière o ù , comme le dit C oquille, tout est occulte , où les parties
s’ étudient avec soin ¿t cacher la fraude sous les apparences de
la vérité ; dans une matière où la loi se contente de simples pré
som ptions, ces trois enquêtes prouvent, certes, bien plus que la
cour ne pouVoit s’y attendre.
L a vérité ne s’y cache p a s , on y voit sans détour et sans
ambiguité tout ce qu’ il faut savoir. Jam ais peut-être un abus de
confiance n’a été plus à découvert. U n fourbe consommé rougiroit de n’ avoir pas su rendre sa fraude plus occulte ; mais de bons
Auvergnats ne sont improbes qu’en se faisant violence, et le
naturel perce malgré eux: ce qui prouve combien ¡lest aisé d ’éviter
la contagion de l’exemple par une sévérité bien entendue.
C e F a u re , qui se disoit obligé de vendre, le lendemain de la
foire de C lerm ont, parce que Roche avoit fui à Paris , qu’il de
voit à la veuve Cossandois , et que lu i, F a u r e , étaut sans res
sources, alloit être arrêté pour les dettes de R o ch e.... ce Faure
cependant savoit du sieur Nicolas que Roche arrivoit. ( V . les
20*. et 12 e. témoins.) Roche ne devoit pas un sou à la veuve Cos
sandois ; le eieur F ra d ie r, à qui il devoit, venoit de donner du
A
2
�(
4)
temps , et Fau re venoit d’em prunter, pour le compte dé R o c h e r
7000 francs le jour même de la vente. ( V , les i en et 2<\ témoins
de l’enquête Pitou. )
C e F a u re , qui prétend avoir été acquéreur légitime, et avoir eu
la faculté de vendre ou de ne pas v en d re , a dit à qui a voulu
l'entendre, qu ’il n’ étoit que le prête-nom de Roche. ( V . les \ ,
1 0 ° . , 12 e. , i e. et i e. témoins de Venquête , et le 2?. de la
continuation. ) A d'autres il a dit qu’il étoit le maître de le d u p er;
3
6
5
qu’ il le tenoit.
Faure avo it, d iso it-il, acheté les biens par une vente sin cère,
et à toute leur v a le u r, pour 16000 fra n c s; et il a cependant
offert lui-m êm e 24000 francs du seul domaine de la Valette»
( V . les 7S. , j ". , 22e. témoins de Venquête directe; le 2e.
de la continuation. ) C e domaine se u l, ont dit plusieurs tém oins,
valoit plus de oooo fra n cs; et son impôt le prouve. L e bail
à ferm e actuel v a , en denrée ou argent, à 9 ^ ° fran cs, sans les
impositions. Les biens de la C hapelle, vendus ou à ven dre, iront
5
3
à plus de 18000 francs.
L e troisième fait interloqué est prouvé de m êm e. Lors de la
vente fictive de l’an 10 , F au re proposoit un prix fictif de
ooo f . ,
et Roche ne vouloît qu’un prix de 10000 fran cs, puisque, disoit-il,
il ne s’agissoitpas de vendre. ( V . les témoins Roche et Laverroux
Fau re, qui devoit vendre pour des prix d ’accord avec Roche ,
( V . la déposition du sieur P radier.) qui ne devoit avoir que o o o f.
et laisser à Roche tout l’excédant ; Faure cherchoit à vendre
à bas prix et à se faire associer par l’ acquéreur dans les
bénéfices des reventes : il l’a proposé à trois personnes avant de
vendre aux sieurs Pitou et M andet. ( V. les 2e. , i <\ , i ®*>
17 ®. témoins de l’ enquête directe; les 1 et ae. de la continuation,
35
3
3
le
5
4
.« témoin de Venquête Pitou.)
Qui donc pourra douter de bonne foi de l’ infidélité de ce F a u re t
q u i, sachant ce que valent les biens de R o c h e , s’ arrange pour
vendre de manière à ne rien laisser- de cet e x cé d a n t convenu, et
cherche des complices jusqu'à ce qu ’il en ait trouvé?
�(
5)
T o u t cela semble étranger aux sieurs Pilou et M an d et, q u i,
moins parleurs que F a u re , n ’ont pas fait autant de confidences ,
et qui se retranchent à dire qu’ ils ont acquis de bonne foi parce
qu’ ils ont une vente.
L a cour se rappelle qu’à la prem ière audience ils soutinrent
n’avoir vu que la vente consentie à F a u re , et n ’avoir jamais connu
la contre-lettre; la copie de cette contre-lettre m êm e, disoit Fau te
pour leur prêter son secours, n ’étoit sortie de chez le notaire que
depuis le procès.
T o u t cela est m ensonge; le clerc qui écrivit la contre-lettre en
fit à l’instant deuæ copies. On a voulu équivoquer sur leur desti
nation ; mais plusieurs témoins disent que Fau re éloit nanti de la
sienne long-temps avant la seconde vente. ( V . les i o * ., 14’ . , i 5 \ ,
18*. , tém. de l’enq. directe, et le 2'. de l’enq. P ito u .)
D ’autres témoins attestent avoir parlé eux-mêmes de la contrelettre au sieur M a n d e t, avant celte vente. L ’un des notaires qui
l’a reçue déclare qu’il en fut question. ( V . les i/j*. èt 18'* tenu ).
Quand on est surpris à m en tir, on fait bonne contenance: les
sieurs Pilou et M andet disent aujourd'hui que la connoissance de
celle conlre-leltre ne les rend pas de mauvaise foi. A qui croientils donc en im poser? Com m ent auront-ils pu v o ir, dans celle
contre-lettre, qu’ après avoir prélevé 19000 francs et les frais , tout
l’excédant appartiendra à Roche , sans croire qu'il dût y avoir un
excédant? comment auront-ils pensé que Roche faiso ità Fau re un
don de 5ooo fra n c s, pour vendre ses biens de manière à ne pas
lui laisser un s o u ? ont-ils pu.lire la contre-lettre sans voir qu’il
étoit impossible de voir dans celle vente une mutation sincère?
L e s sieurs Pitou et M andet prétendent être tout à fa it exempts
de collusion , parce qu’elle n ’est pas, disent-ils, clairement prouvée.
M ais comment expliqueront-ils ce propos de F a u re : Nous sommes
trois , et c'est pour nous un bénéfice de 8000 francs chacun ?
( V . les 17". et 2 i p. tém. de l’enq . , et le 1 " . de la continuation.)
Comment se débarrasseront-ils de cette déposition de V ach ie r,
leur propre n o taire, q u i, au moment de la v en te , et quand on
�(
6
)
connoît la contre-lettre, rappelle Yullimatum de F a u re ? J e v e u x
que le p rix couvre les 5 ooo francs qui nie reviennent, avec les frais
et fa u x frais ; et en eifet 20400 francs couvroient tout cela exac
tement.
Com m ent expliqueront-ils ce hasard ¿ton n an t, qu ’un homme
de Tours vende à deux personnes de Billom et de Dornaise, des
biens situes à Oliergues et à la Chapelle-sîignon, par-devant un
notaire de S t.-D ie r et un notaire de Cunlhat, quoique la réunion
eut lieu dans une ville populeuse V
'
Quel sens donneront-ils à ce propos de l’un d’e u x , à R o c h e ,
après la vente : Ton bien t’appartient ? avoient-ils donc la con
viction d'être acquéreurs sérieusement et de bonne fo i?
N o n , il faut le dire avec cette profonde conviction que la vérité
in sp ire, tout cela n’est pas de la bonne foi. D e tels actes ne sont
“pas des conventions sincères, et que la loi doive protéger.
II n’y a de prouvé, dit-on , que le consilium fraudis : y a-t-on
bien réfléchi, et n ’est-ce pas une sorte d’ironie contre un malheu
reux dépouillé de tou t? et certes, si quelque chose est clair, c’est
Veventus fraudis plutôt même que le consiliwn. L ’un est l’effet ou
le résultat ; car le dépouillement existe. L ’autre en est la cause
présumée. Si donc on avoue qu ’elle existe, comment séparer l ’effet
de la cause ?
Faure étoit forcé de vendre, d it - o n ; des huissiers le poursuivoient pour les créances de Roche. Ce n ’étoit que pour ses propres
créances, car c’étoit la Cossandois, créancière de F au re, et qui
a donné un certificat de ne l’avoir jam ais été de Roche. P rad ier,
seul créancier de celui-ci, avoit donné du temps. Fau re savoit
que Roche étoit en ro u te; et il arriva en effet le même jour de
la vente. Fau re venoil d ’emprunter 7000 francs pour Roche : il
ne vendoit donc pas par nécessité, mais par suite de ses recher
ches d’associés, avec leisquels il partagea la dépouille de Rocho.
V oilà ce qui étoit plus évident que tant de présomptions de bonne
foi qu’il faut chercher dans la charité chrétienne, et non dans les
•enquêtes, où l ’on ne voitiju e dol et mauvaise foi a toutes les lignes.
�(
7
)
[ 'L a cour les a voulues, ces 'enquêtes; seroît-il possible qu?elle leç
comptât pour rien , quand leurs frais.considérables on t. achevé,
d’épuiser un malheureux qui eût appelé^ toute isa_ contrée en
masse pou r'tou t expliquer et dire aux magistrats que ses enne
mis même partagent encore, l’indigwation générale^contre ses,
spoliateurs?
U ne“ seule chose est aujourd’hui à exam iner. Résulte-t-il des
enquêtes^que Roche est v o lé ?T
Ôn ne peut douter alors que les sieurs Pilou et M andet ont
colludé avec F a u re ; et il seroit dès-lors injuste de leur laisser
une propriété qui ne fut jam ais celle de leur vendeur.
M ais s’il étoit possible que ces acquéreurs fussent m aintenus,
est il même douteux que Faure dût être tenu à indemniser R o ch e,
lui qui cherchoit des associés au vol qu’il m éditoit, lui qui est
démontré fourbe par tant de tém oins? L a seule idée de son impu
nité révolte; et cependant il est aussi sur les rangs pour partager
la dépouille de R oche, et recevoir la récompense de son infidélité.
En résultat, les sieurs Pitou et IVlandet auroient pour 20400 fr.
deux corps de bien qui valen t, suivant les tém oins, 5oooo francs.
Quand ils ont voulu traiter de gré à g ré, ils off'roient 18000 fr.
de p lu s; ils avoient même payé un à-compte et accepté une quit
tance avec réserves: ils en conviennent, et cependant ils n’ont eu
garde de la représenter.
M ais on dit à Roche que l ’acte par lui consenti donne tout pouvoir
à F a u re , et que F a u re « pu se considérer comme propriétaire , et
vendre; tout cela étoit le moyen qui devoit empêcher les enquêtes;
la cour a jugé que le droit de Faure dépendoit de F intention des
parties, et non de la simulation de l’acte.
Cette décision de la cour étoit pleine de moralité et de justice :
la rèj^le générale que les conventions des hommes font leur loi ,
n ’est exacte que par la supposition préexistante d ’un consentement
libre et d'une intention conforme aux clauses. M ais quelle loi pourroit dire à celui q u i , dupe de son imprudence, s’est exposé
à manquer de tout : cela sera parce que vous l’ avez voulu? L a
�(8)
loi, qui n'a pu prévenir cette imprudence, le protège encore, s’il
réclame son secours. Jamais l’être qui se noie n’a été repoussé du
rivage; et quand il a été jeté au malheureux Roche une planche
dans son naufrage, quand elle lui a été si utile , est-il proposable
de l’avoir appelé au port pour le rejeter dans l ’abime .
,
- r
M*. D E L A P C H I E R , avocat.
r.
M'. MARIE, licenciéavoué.
. -f
A , R IO M , de l ’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Fructidor an 1 .
3
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Roche, François. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
contre-lettre
prête-nom
ventes
domaines agricoles
Description
An account of the resource
Précis sur délibéré pour François Roche, appelant ; contre Antoine Faure, Joseph Pitou, et Benoit Mandet, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1802-An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0736
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0402
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Billom (63040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Contre-lettre
domaines agricoles
prête-nom
ventes
-
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5a1b0cd39ed617c68c5b59e34cd13dcc
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Text
î
OBSERVATIONS
POUR
TRIHUNA]
l e s Q U A Y R U T , T H O M A S et V I L L E M A U D , intimés;
CONTRE
A n t o i n e
Q U A Y R UT,
appelant.
C h a r l es Q u a y r u t a-t-il été com ptable envers A n to in e , M arie et M agdeleine
Q u a y r u t , ses frère et sœ urs?
A n t o in e , qui soutient aujourd’hui q u ’il ne l ’étoit pas , a dit le contraire deux
fois ; 1°. par un exploit du
nivôse an ; 2°. par l’exploit m êm e de sa demande.
A u jo u r d ’hui il objecte que C h a r le s, n ’étant pas m ajeur au décès de son p ère,
n ’a pas été protuteur ni comptable , d ’après la jurisprudence d ’un jugem ent
d u 1 3 nivôse an 1o ; que;ses sœurs ont reconnu en majorité avoir perçu leur por
tion de mobilier à l ’échéance de chaque succession, avoir donné leur consente
m ent aux actes passés par C h a rles, et avoir joui chaque année en c o m m u n ;
q u ’ainsi elles ne peuvent s’élever contre leur f a i t ; qu ’enfin Charles les a ins
t r u i t e s suffisam ment lors de leurs cessions d e 1789 et de l’an 6.
C e qu ’il y auroit de. plus fo rt dans ces objections seroit la jurisprudence du
trib un al, si elle étoit applicable:.
Mais; le jugement opposé étoit dans une autre espèce : c ’étoient des frères: et
sœurs qui avoient habité ensem ble, et il n ’y avoit pas d ’actes faits par un seul
pour tous; il n ’y avoit que la présomption de jouissance exclusive par l’aîn é, à
cause de son âge plus avancé.
A ussi les motifs du tribunal s o n t assez précis, pour q u ’on ne puisse pas abuser
de sa. jurisprudence : « A ttendu, est-il d it, qu’ il n’y a pas de preuve de gestion
exclusive . » L e dernier m o tif prouve aussi q u ’il ne s,’agissoit que de simple
jouissance
;
,
L e tribunal a si peu entendu fixer, pour jurisprudence q u ’il falloit être indiqué
pour tuteur par la co u tu m e , au moment du décès du père, pour être protuteur
e t com ptable, qu’il a jugé depuis, le 18 ventôse an 10, dans la cause des R e y et
R o u g ie r , qu'un b e a u - h è r e , demeurant dans la m aison, avoit été com ptable
envers les frères de sa fe m m e , mineurs au décès du p ère , par cela seul q u ’étant
mineurs quand il étoit m ajeur, il étoit présumé avoir joui pour eux. L a cession
q u ’ils lui avoient consentie, et mêm e-une ratification, ont été déclarées nulles
co m m e non précédées d ’un compte.
C om m e n t donc Antoine Q u ay ru t ait-il osé prétendre qu e, par un renversement
total de la jurisprudence constante et des principes, le tribunal vouloit à l ’avenir
25
5
D'appel
de R io m .
�adopter des actes suspects de fr a u d e , contre le texte précis des ordonnances de
ï q et de 16G7 ?
Il n ’y a eu diversité d ’opinions que sur la question des dix ans, combattue
entre l’ordonnance de i c) et les maximes de l ’arrêt de 1706; maximes adoptées
par le parlement tant q u ’il a régné. L a jurisprudence en est revenue aux dix
ans; mais les principes sur l’incapacité des comptables n ’ont reçu aucune atteinte.
Personne ne conteste que la première règle dans les ventes est de savoir ce
q u ’on v e n d ; que dans le cas môme où la chose -vendue étoit distincte, il y avoit
l ’action rescisoire; et que dans le cas où elle n ’étoit pas distincte, com m e dans les
droits successifs, il falloit que l'acheteur et le vendeur eussent fait 1ajactum relis,
c ’est-à-dire, que l’un n ’eût pas su plus que l ’autre ce q u ’il y avoit dans le filet.
H o rs de cela il y a frau de, on n ’en a jamais d o u té ; et ja d is, dans ce c a s ,
les cessions faites étoient nulles : aujourd’hui encore le C od e civil ne valide que
celles qui sont sans fraude. ( L iv . III, art. C L X X I X . )
C o m m e n t donc contester de bonne foi que Charles Q u ayru t ait été com ptable,
depuis 1778 jusqu’à l’époque des cessions qu’il s’est fait consentir? tous les actes
écrits de la gestion des affaires sont de son fait.
C o m m e n t concevoir que ses sœ u rs, et mêm e A n to in e , partie adverse, aient
joui et géré en c o m m u n , co m m e on le leur a fait déclarer, lorsque dans tous
les actes, les traités, les ventes et acquisitions, on ne voit toujours que Charles
Q u a y r u t seu l?
V eu t-o n dire que c ’étoit pour éviter les frais d'une procuration ? mais les actes
faits dans le lieu même n ’en avoient pas besoin; il falloit appeler les sœ u rs, si
on les comptoit pour quelque choso.
Charles Q u a y r u t , allant en A n jo u acheter les droits de son oncle contre la
succession co m m u n e , étoit chargé de payer 200 francs à ses soeurs : il ne leur
en a jamais dit un mot. Il y a là deux procédés d ’infidélité et de fraude.
Il a traité en 1782 sur la succession personnelle de cet on cle; il n ’a jamais
dit à ses sœurs le résultat de ce traité : cela seul annulleroit la cession faite. C a r
co m m e n t o n t - e l l e s pu connoîtrc la chose ve n d u e , même par approximation?
S ’il y a fraude et nullité quant à la succession de l ’o n cle , il y a nullité pour le
t o u t ; car ki vente est pour un seul prix.
D ans la cession de 1789 il n ’a ; ien dit de la créance M andon ( / p liv. i/j s. ).
D a n s le traité de l ’an 6 il Pa réduite à 2^0 francs en principal et intérêts.
J n ’a parlé dans l ’une ni dans l’autre d ’ un traité fait avec les T h o m a s , en
17 8 8 , portant établissement d ’une servitude pour i o francs qu ’il a reçus.
L ’inventaire, fait après son décès, m entionn e, i°. un échange q u ’il a fait en
1 7 7 8 ; 2“. plusieurs ventes d'immeubles à son profil; “. u n e sentence consulaire
par lui obtenue en Ï 7 7 9 ; 4°’ ,ino procédure suivie en son nom dans le même
temps; 5°. une quittance par lui donnée en 1781 ; f>°. une o b l i g a t i o n de 178 6 , etc.
Ces actes, connus de l ’adversaire seul qui en e s t dépositaire, et qui s’est tout
approprie au décès du frère c o m m u n , ach evait de ¡trouver tout ù la fois que
Charles Q u ayrut g é ro it, plaidoit et recevoit s e u l , sans que ses sœurs fussent
jamais comptées pour r ie n , même dans les procès; ils prouvent encore ou®
Charles Q u a y ru t, en faisant les affaires de la m aison, les («isoit au moins t r is l)ien pour son c o m p te , puisqu’il adictoit des irnnueuble&; même avant sa n ia -
53
53
5
1
5
5
�jorité, tandis que scs sœurs n ’ont e u , en se m arian t, que ce q u ’il a bien voulu
leur donner. E t qui croira que des filles, généralement plus économes que des
jeunes g e n s, n ’eussent fait aucune épargne, si elles eussent pris la moindre part
dans les jouissances, le m obilier, les achats, les ventes des bestiaux, etc.?
D a n s tous les procès où des cessions étoient attaquées, on n ’a p e u t - ê t r e
jamais réuni autant de preuves écrites cl’une gestion exclusive.
M a is, dit l’adversaire, vous avez reconnu, en majorité, avoir joui en c o m m u n ,
avoir pris le mobilier à chaque ouverture de succession, avoir consenti à ces actes.
Rem arquons d ’abord que si l’acte pèche en lui-même par le défaut d ’un corrtpte,
toutes les déclarations pèchent aussi. Elles étoient en effet une précaution néces
saire, l'ouvrage du comptable plutôt que celui du cédant, com m e dit Chabrol.
( T o m . i , pag. X * ) Et avant de mériter une pleine cro ya n ce, le comptable
devoit instruire, et non exiger des déclarations tendantes a la décharge implicite
tlu compte, pour nous servir des expressions littérales d ’un jugem ent du tribunal
de cassation, rendu en semblable espèce.
messidor an 4» b u l l . )
C o m m e n t ici encore, ajouter foi à ces déclarations, lorsqu’ elles sont démenties
par des faits évidens , et d'un genre absurde?
Dém enties par les faits. Depuis 1778 jusqu’aux cessions, on voit Charles dans
tous les actes co n n u s, on ne voit pas une seule fois ses sœurs. Charles stipuloit
pour tous ses cohéritiers sans les appeler, donc il n ’y avoit pas geslion com m une.
A in si la fausseté de la déclaration contraire est prouvée par écrit.
D ’un genre absurde. En effet les deux sœurs ont dit avoir pris leur portion
de mobilier , à l’échéance de chaque succession. O r au décès du père ( 1 7 7 2 ) ,
l’ une avoit trois ans et 1 autre huit : au décès de la mère ( 1 7 7 5 ) , l ’une avoit
six ans et l’autre onze. Elles ont dit avoir consenti à l’acte important de 178 5 ,
où Charles ratifioit une cession de sa mère , après un procès gagné , après un
jugem ent qui annulloit cette cession ; mais alors elles étoient m ineures, la cadette
avoit quinze .ans et demi. O r qui croira qu ’on ait cherché le consentement de
deux filles mineures pour une vente d ’immeubles ? E t en quoi ce consentement
oi t-il de la valeur ?
T o u t se réunit à vicier les deux cessions de 1789 et de l’an G, malgré les
fausses déclarations y insérées par le notaire , hom m e de confiance des frères
Q u a y ru t, à tel point qu ’il s’est attaché aux audiences du trib unal, sur la cause
af tuelle, pendant presque deux semaines entières; malgré encore sa précaution
de faire ratifier un exploit son ouvrage, donné par une des cédantes, la veille
du traité de 1 7 8 9 , parce q u ’il y avoit énoncé aussi l’aveu d ’une jouissance
commune.
Charles Q u ayrut a été évidemment comptable envers scs sœurs , co m m e
envers son fr è r e , quoiqu’il ne le prétende plus aussi positivem ent; il l’a été au
titre d'administrateur ou protuteur, et de negoliorunf gestor.
11 a été administrateur, ayant 011 n ’ayant pas le consentement de ses sœurs;
ca r, dans les actes qu ’il a passes, il s’est fait fo rt pour elles; il a promis leur
luire agréer et ratifier.
Ainsi dans les actes qu ’il a commencés en m a jo rité , il n 'a plus d’initio ins
pecta à invo quer, ces actes n ’étoient plus une suite nécessaire «le sa gestion en
m in o rité; il g é ro it, m a jeu r, pour des sœurs m ineures, non cmuncipees.
44
(3
�Désigné p a r la coutum e, com m e le premier dans l ’ordre des tutelles, c'est lui
qui auroit été no m m é s’il eût convoqué la fam ille ; il a mieux aimé gérer et passer
des actes importans , sans mêm e faire émanciper ses sœurs ; donc l’obligation
q u ’il a contractée en se faisant fort pour scs sœ urs, est une obligation de comp
tab le , de protuteur-( f f . qui pro tutore gerunt).
C e m oy en paroit p u issa n t, et ne se détruit par aucun des faits de la cause
L e premier acte des filles devenues majeures a été de vendre, sans q u ’elles aient
pu connoître un seul instant ce q u ’elles vendoient.
Charles Q u a y ru t a été negotiorum gestor, puisqu’il n ’ avoit pas de procuration
é crite , et q u ’il ne pouvoit pas mêm e en avoir de ses sœurs non émancipées.
O r le negotionmi gestor est tenu de l ’action en reddition de com pte, comme
le tuteur ; il d o it, com m e le tuteu r, actus sui rationes reddere, s u i v a n t . les
expressions de la loi qui s o n t , com m e on v o i t , les mêmes: que pour le tu te u r
( L . 2 , ff. Neg. gest. ) Il doit les rendre ad eacactissimam diligentium. ( Inst. de
o b l. quæ ex quasi contr. nasc. )
L ’ordonnance de 1 6 6 7 déclare tout administrateur c o m p t a b l e ; l ’ordonnance
de 1539 défend toutes dispositions au profit des tuteurs et administrateurs, avant
q u ’ils aient rendu le compte q u ’ils doivent; et c’est sur le m o tif de cette ordon
nan ce, que le tribunal de cassation, se co nform ant en cela à une jurisprudence
de deux siècles, a annullé une cession faite à un c o m p t a b l e , qui cependant n ’étoit
pas tuteur , par cela seul q u ’il y trouvoit la décharge implicite de son compte.
L ’arrêt m êm e de 1706 étoit dans les termes de la cause ; c ’étoit un fond é de
p o u v o ir, étranger, qui encore avoit rendu un c o m p te , mais qui n ’y avoit pas
donné assez de détail; il fu t jugé que n ’ayant pas suffisamment instruit ceux à qui
il devoit ce compte , il n ’ avoit pu valablem ent traiter avec eux sur ce qu'ils ne
connoissoient pas aussi-bien que lui. A in si ubi eadem ratio, etc. ■
C e que demandent les intimés ne tend pas à obtenir une r e d d i t i o n de c o m p t e
coûteuse et difficile ; c ’est au contraire pour empêcher q u ’il n ’en so it rendu un
à l’appelant qui l e dem ande, quoiqu’il sé soit ingéré dans les affaires ,domine
cela est prouvé par quelques quittances. A n to in e Q u a y ru t ne s’est absenté que
pendant cinq à six a n s , et pour quelques mois seulement. A son retour il participoit aux a ffa ires, quand ses sœurs gardoient les troupeaux. C e q u ’il v e u t
obtenir laisseroit les parties dans un long procès , tandis que la demande des
intimés ne tend q u ’à obtenir un égal d r o i t , pour tout confondre et c o m p e n s e r
dans la succession de Charles Q u a y r u t , dont chaque partie est héritière, et A la
quelle il s ’agira seulement d ’ajouter en rapport le s sommes reçues par chaque
cohéritier.
A in si les premiers juges ont été conduits par la loi, et par un m oyen p u i s s a n t
de considération à adopter un mode de juger qui amèhe la fin des p r o c è s entre
les parties, et qui tend à l ’égalité, considérée de t o u t temps com m e l’âme des
partages.
D E L A P C H I E R , , homme dé loi .
.
M ANDET je u n e a v o u é
A R I O M , de l ' i m p r i m e r i e d e L a n d r i o t , s e u l i m p r i m e u r d u T r i b u n a l d'appel«
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Quayrut. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
tutelle
conflit de lois
coutume d'Auvergne
Description
An account of the resource
Observations pour les Quayrut, Thomas et Villemaud, intimés ; contre Antoine Quayrut, appelant
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1785-Circa An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0735
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0241
BCU_Factums_M0333
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Giat (63165)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
coutume d'Auvergne
Successions
tutelle
-
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834f84acf1e7366248f8e751dfa15f59
PDF Text
Text
CONSULTATION.
L e
CONSEIL SOUSSIGNÉ, qui a vu et exa
miné les pièces et procédures relatives à la demande en
restitution , pour cause de lésion , formée par Gilbert
Patier contre Joseph et Etienne Chambon , l’acte de
vente du 27 ventôse an 3 , les rapports des trois experts,
la copie de la requête signifiée par le cit. Patier le 28
germinal an 1 1 , la copie des conclusions prises à l’au
dience par l’avoué du cit. Patier , la cession consentie
pnr Gilbert Patier, au profit d’Antoine et M ichelle Debard, frère et sœur, le 6 prairial an 11, et généralement
tous les titres et documens qui ont été remis respecti
vement par les parties aux experts ;
qu’il y a contradiction entre les conclusions
prises par le cit. Patier lors de sa requête du 28 germinal
an 1 1 et celles qu’il a déposées sur le bureau de l’audience
lors de la plaidoirie de la cause.
Estim e
A
�( 2 )
Dans les premières, il conclut expressément à un amen
dement de rapport; et, en dernier lieu , mettant de côté
cette demande en amendement, il conclut à la nullité des
rapports.
Il s’agit de prouver que l ’une et l’autre de ces demandes
sont sans fondement ; d’où résultera la conséquence que le
cit. Patier doit être débouté de sa demande en restitution.
Les actions de ce genre n’ont plus aujourd’hui la même
faveur. L ’émission du papier - monnoie fut un grand
malheur sans doute, et a bouleversé un grand nombre de
fortunes : mais il faut enfin cicatriser la plaie. Dans le pre
mier moment de la disparution des assignats, on étoit
ingénieux à attaquer les transactions faites pendant ces
temps de troubles, et on le fit so u v e n t avec succès. A u
jourd’hui l’esprit et le cœur sont également lassés des
recherches de ce gen re, et malheur à ceux qui n’ont pas
été assez diligens pour les faire terminer dans un temps
opportun. On examine tout de sang froid et avec des vues
politiques et plus élevées. 11 importe de jeter enfin un voile
sur ces transactions commerciales qu’on ne pouvoit arrêter
alors , et où chacun eut peut-être des torts respectifs.
L ’un vendoit à raison de la progression, pour acquitter des
dettes plus anciennes, et pour lesquelles la valeur réelle
de la propriété n’auroit pas suffi. C’est avec une valeur
imaginaire qu’on a acquitté une valeur réelle. L ’autre achetoit parce qu’il avoit reçu des remboursemens de capitaux
anciens -, il s’estimoit heureux de pouvoir les placer, et ne
calculoit pas sur le p rix , pourvu, qu’il pût employer ses
assignats.
P o u rro it-o n donc faire des reproches fondés à tous
�y
('3
ceux qui ont transigé ou acquis à cette époque ? chacun
n’avoit-il pas des hasards à courir ? chacun ne contractai til pas sous la foi publique, et avec le seul signe qui étoit
alors représentatif de la propriété?
P e u t-o n prendre pour base les échelles de réduction
des départemens, après la suppression des assignats? n’estil pas constant et avéré que les assignats en circulation,
même dans les temps du plus grand discrédit, avoient
encore plus de valeur que celle qu’on leur a donnée
arbitrairement par les échelles de réduction ?
Aussi n’est-ce pas sur une valeur réduite qu’on doit
calculer la valeur des immeubles. L a loi du 19 floréal
an 6 n’a aucune considération pour les échelles des dépar
temens : ce n’est pas d’après la réduction qu’elle veut faire
estimer les biens ; c’est assignats contre assignats, eu égard
à l’état et au produit de l’immeuble ven du, en comparant
les ventes qui peuvent avoir été faites dans la même
contrée et aux mêmes époques, et aux facilités ou avan
tages résultans des termes accoi’dés pour le payement.
D ’après ces idées préliminaires, et en jetant un coup
d’œil rapide sur la contestation qui s’élève entre les par
ties, on voit que le 27 ventôse an 3 Gilbert Patier a
vendu à Etienne et Joseph Chambon un domaine situé
en la commune de Cognac, au labourage de quatre paires
de bœ ufs, moyennant la somme de 120,000 francs. Les
acquéreurs constituent une rente rachetable de 6,000 fr.
sans retenue, jusqu’au remboursement qu’ils pourront
faire en trois payemens égau x, chacùil de la somme de
40,000 francs, en avertissant deux mois à l’avance pour
chaque remboursement.
A 2
�4
(
)
Ce remboursement fut fait en totalité bientôt après au
citoyen Patier, qui en fournit quittance pardevant no
taire, le i fructidor an 3.
Demande en restitution contre cette vente au ci-devant
tribunal civil de M oulins, par exploit du 21 floréal an 6.
L e 11 prairial an 6, jugement interlocutoire qui ordonne
une expertise à l’effet de vérifier s’il y a lésion d’outre
m oitié, conformément à la loi. Experts nommés de part
et d’autre, Chambrolty pour le demandeur, Rollat pour
les défendeurs. Chambrotty a porté la valeur du domaine,
en assignats , à 260,10g francs ; Rollat l’a évalué à la
somme de 190,500 francs ; le tiers-expert Culhat .l’a esti
mé à 222,000 francs.
Il ne se rencontre donc pas de lésion dans la vente,
d’après le rapport du tiers-expert; et les défendeurs ont
demandé l’homologation de ce rapport.
On passera sous silence les incidens de procédure qui
se sont élevés sur cette demande, qui ont donné lieu
à des discussions considérables, même au tribunal d’appel,
et dans lesquelles Gilbert Patier a succombé.
On doit cependant observer que l’importance que
l’on met à la cause diminue singulièrement d’après un
acte du 6 prairial an 11 ; on vo it, par cet acte, que
Gilbert Patier a ven d u ,,à Antoine et M ichelle Debard,
frère et sœur , le droit de lésion qu’il a à prétendre
contre la vente dont il s’a g it, moyennant la somme de
i o francs.
' On peut apprécier, par la modicité du pi’ix de cette
vente, quelle confiance Gilbert P a tie r avoit dans sa de
mande , et le degré d’intérêt que doivent inspirer les
cédataires.
5
5
�( 5 )
On pourrait remarquer encore que la vente d’ une ac
tion en restitution est une cession de droits litigieux, et
qu’en vertu des lois P er divers as et A b Anastasio , les
défendeurs seroient fondés à exercer la subrogation d’ac
tion.
Quoi qu’il en soit, le tribunal va prononcer sur la de
mande en homologation, qui est aujourd’hui dégagée de
toutes entraves. L e rapport du tiers-expert est-il con
forme à la loi du 19 floréal an 6 ? Rem plit-il le vœu
du jugement interlocutoire ? C’est ce qu’il est aisé de
vérifier,
Il résulte de ce rapport que le tiers-expert s’est entiè
rement conformé à la disposition de la loi : il a apprécié
avec sagesse la véritable valeur du domaine à l’époque
de la vente; il en a calculé le produit annuel, et, pour
le produit a l’époque de la ven te, il avoit sous les yeux
un bail de ferme fait la veille de la vente, qui faisoit
bien mieux conrroître le produit actuel, que les calculs
souvent arbitraires d’un étranger, parce que le proprié
taire est toujours censé mieux connoître le produit de
ses immeubles, que tout autre..
L e tie rs-ex p e rt a aussi pris pour pièces de comparai
son une foule de ventes faites aux mômes époques, et
dans la même contrée ; il a fait dans son rapport l’ex
trait de toutes ces ventes, dont plusieurs ont été consen
ties par. le vendeur lu i-m ê m e , et dans le même temps,
et d’autres par des propriétaires voisins.
C’étoit là des bases certaines ; c’étoit la véi'itable bous
sole , le moyen le plus sûr d’avoir des idées exactes sur
les valeurs, et enfin le moyen le plus expressément re
commandé par la loi.
�m
Il paroîl Lien extraordinaire que l’expert Chambrotty
ait écarté tous ces actes, et n’ait pas voulu s’en servir. Il
donne sur ce point les motifs les plus pitoyables : celles
consenties par le vendeur lui-même ne peuvent donner
aucune lum ière, parce qu’il peut avoir les mêmes raisons
de s’en plaindre, quoiqu’il ne s’en plaigne pas. Cependant
dès que le vendeur ne s’est pas pourvu contre ces actes,
il reconnoît donc que ses intérêts ne sont pas blessés,
et qu’il y a suffisance dans le prix : par conséquent elles
devoient être la règle des experts,
Chambrotty éloigne encore les ventes partielles, parce
q u e , suivant l u i , la vente d’un héritage particulier ne
peut être mise en comparaison avec la ve n te d’un domaine.
Mais cet expert ne devroit-il pas savoir mieux qu’un autre,
que la vente d’un seul héritage d’une petite étendue est
toujours d’un prix plus considérable qu’un corps de do
maine ? Un héritage particulier a un bien plus grand
nombre de concurrens, il peut convenir à plusieurs;
tandis qu’un corps de domaine ne peut être recherché
que par quelques-uns, La comparaison auroit donc été à
l ’avantage du vendeur dont il vouloit défendre les inté
rêts , et en éloignant les titres il s’est écarté de la lettre et
de l’ospi’it delà loi. Le tiers-expert, plus sage, en a raisonné
avec impartialité , en a tiré toutes les inductions qui pou*»
voient éclairer la religion du magistrat ; et son rapport,
parfaitement raisonné, doit faire la base du jugement.
L e demandeur, par sa requête du 28 gei’minal an 11 f
s’étoit contenté de demander l’amendement de rapport.
Plaidant dans le département de l’A llier, il comptoit sans
doute sur la disposition de l’article Ô2i de la coutume de
�C7 )
Bourbonnais, où l’amendement de rapport est de droit,
et où il est ordonné lorsqu’il est requis. M ais, malheu
reusement pour le vendeur, le domaine est situé sous
l’-empire de la ci-devant coutume d’A uvergne, où l’amen
dement de rapport est à l’arbitrage du ju g e, et surtout
rarement ordonné. Il importe que les procès aient une
fin; et pour obtenir un amendement de rapport, il faut
nécessairement qu’il y ait erreur, ignorance ou partialité
de la part des experts. P otest ju d e x , a dit le savant D u
m oulin, ex officio supplere, s i fortè rationes ( du rap
p ort) non concludunt vel suspectas slmt.
Ce principe, que l’amendement de rapport est à l’arbi
trage du juge, est de droit commun dans toute la France,
sauf l’exception particulière de quelques coutumes; et le
vendeur a été bien mal inform é, s’il a cru ou feint de
croire que d’après la ju risp ru d e n c e d u tribunal d’appel
on ne refusoit point l’amendement de rapport. Les sous^.
signés, qui connoissent bien mieux la jurisprudence du
tribunal d’appel, peuvent certifier au contraire que ce
tribunal s’y refuse constamment. Il a même infirmé plu-;
sieurs jugemens qui l’avoient ordonné, et notamment
sur la plaidoirie de l ’un des soussignés- Dans la foule des
demandes de ce genre, qui se multiplient tons les joui’s,
on pourroit à peine citer deux ou trois exemples, soit
parce que les erreurs étoient évidentes, soit parce que
depuis il a voit été découvert des titres qui pouvoient
faire changer l’opinion.
A l’égard du jugement rendu dans la cause de la dame
Chardon, contre la dame la Chaise, et dont on paroît
vouloir argumenter, l’amendement ne pouvoit être' re-
�V " .
f 8 )
fusé , puisqu’il s’agissoit d’une demande en restitution
contre la vente de deux maisons situées à M oulins, dèslors sous l’empire de la coutume de Bourbonnais.
L e vendeur a encore mal choisi en invoquant la dispo
sition de l’article C L X X X I V de la coutume de Paris. Ce
statut local, qui ne peut s’étendre au delà de son terri-?
toire, est directement contraire à la prétention du deman-?
d eu r, puisqu’il défend impérativement d’ordonner un
amendement de rapport.
A in si, dès qu’il est constant qu’en coutume d’Auvergne
l’amendement n’est pas de d ro it, le premier système du
demandeur s’écroule de lu i-m êm e : on va voir s’il sera
plus heureux sur la demande en nullité du rapport, qu’il
a formée par ses conclusions p rises à l’audience.
Il prétend que ce rapport est irrégulier, i°. en ce qu’il
ne constate pas le véritable état de l’immeuble compris
en l’acte de vente du 27 ventôse an 3, au moment où elle a
eu lieu ;
2°. En ce que les l’evenus de cet immeuble sont estimés
sur le produit d’une année commune, au lieu de l’être
sur celui de l’année de la vente ;
30. En ce que ce même rapport ne donne point de
renseignemens sur les immeubles de même nature dans
les lieux les plus voisins ;
40. Eu ce que le tiera-expert n’a pas pris en considération les Facilités pour les payemens, accoi’dées aux acqué
reurs.
La première objection n’est pas de bonne foi. Le rap
port du tiers-expert constate qu’il a pris toutes les pré
cautions , toutes les instructions possibles pour coijnoître
�C9 )
le véritable état de l’immeuble à l’époque de la vente. Il a
interrogé des indicateurs ; il a noté les changemens qui
avoient été faits à une grange et à d’autres immeubles.
Dès-lox-s le tiers-expert s’est conformé en tous points à la
disposition de la loi quant
ce premier article.
L e second reproche n’est pas plus raisonnable. Il est
vrai que le tiers-expert, pour donner de plus grandes
lumières, a estimé le produit année commune. Mais il a
satisfait a la loi relativement à l’état et au produit de l’im
meuble à l’époque de la vente, puisqu’il a argumenté du
bail du 26 ventôse an 3 , veille de la vente qui avoit été
consentie par Gilbert. Patier, moyennant 2,200 francs, et
à la charge de payer les impositions.
Les acquéreurs sont expressément chargés d’exécuter
ce bail : dès-lors le prix de ce même bail faisoit néces
sairement eonnoître le produit de l’immeuble à l’époque
de la vente. Le tiers-expert auroit môme pu se dispenser
de calculer le produit année commune; cette opération
surabondante est toute à l’avantage du vendeur.
L e troisième reproche est également futile, La loi de
mande des renseignemens sur la valeur des immeubles
de même nature, dans les lieux les plus voisins; elle dit
que c’est la valeur contre assignats qu’avoient ces im
meubles dans la contrée. O r on ne peut eonnoître cette
valeur contre assignats que par les mutations qui ont eu
lieu à la même époque de la vente ou aux époques les
plus rapprochées. L e tiers-expert en conséquence a pris
pour pièces de comparaison d ix-sept contrats de. vente,
pude ferme, qui ont eu lieu dans la contrée au même
B
�( )
10
temps de la vente; c’est d’après ces différens contrats qu’il
a fait ses calculs, qu’il a comparé avec beaucoup de soin
les unes et les autres. C’est donc sans réflexion et contre
la vérité que le vendeur a proposé un semblable moyen.
M ais, dit-on, le tiers-expert n’a pas eu égard à la faci
lité des payemens, accordée auxdits Chambón. On a eu
jusqu’ici des idées bien fausses sur ce motif de considé
ration indiqué par la loi. La loi n’a pas voulu dire,
disoit le citoyen G renier, lors d’un rapport fait au con
seil des cinq-cents, le 28 vendémiaire an 7 , qu’on cal
culera, pour la composition du p r ix , le décroissement
des assignats survenu dans l’intervalle de la vente au paye
ment. C’est abstraction faite de toute v a ria tio n dans la
valeur des assignats, que ces facilités o n t dû être un objet
de considération pour les experts. Suivant le rapporteur,
il faut toujours partir du jour de la vente, sans mettre
en balance la diminution de la valeur des assignats aux
époques des payeinens.
Les experts ne doivent considérer autre chose que les
facilités et avantages; et, par exemple, dit-il, il y a faeililé et avantage, lox-sque la vente est faite à longs termes,
avec stipulation que ce seroit sans intérêts. Il y a facilité
seulement lorsque le prix est stipulé payable à longs termes :
or, dans la vente dont il s’agit, y avoit-il facilité ou avantage?
Il est bien évident que non. En eiïct, les acquéreurs, sans
aucune stipulation de long terme, sont obligés de payer
6,000 fr. de rente, sans aucune retenue, lorsque pendant
neuf ans ils ne doivent touchbr que 2,200 fr. pnr année.
Ils ont à la vérité le droit de rembourser quand bon
/•
�( 11 )
leur semblera. Mais cette faculté, loin d’être une facilité
pour les acquéreurs, étoit toute à l’avantage du vendeur :
ce n’étoit pas lui qui avoit intérêt ù recevoir le rembour
sement, puisqu’il touchoit un revenu net de 6,000 francs,
tandis que, s’il 11’avoit pas vendu, il-n’auroit touché que
le prix du bail. Les acquéreurs seuls avoient intérêt à
rembourser le plus promptement possible. Ainsi la faculté
qui leur étoit laissée n’étoit pas une facilité pour eux ;
ils n’y avoient aucun avantage : dès-lors les experts n’ont
dû avoir aucune Considération pour un mode de paye
ment bien plus onéreux que facile.
En résumant, le rapport du tiers-expert est parfaite
ment conforme au vœu de la lo i; il remplit également
le but du jugement interlocutoire; il ne laisse aucun
doute, aucune incertitude sur la véritable valeur du do
maine vendu. S i, d’après l’éclielle de réduction, les assi
gnats ne représentent pas une valeur en numéi*aire égale
à celle du domaine, c’est un malheur qu’il faut attribuer
au temps et aux circonstances i mais ce n’est pas là ce qui
doit occuper les experts et les magistrats. Les parties ont
contracté en assignats : la valeur contre assignats est donc
la boussole, la règle unique des opérations; le reste ne
peut être regardé que comme de vaines considérations,
dont un si grand nombre de citoyens a été victim e, qu’il
faudroit en lin l’oublier. Il n’y a pas lieu à amendement,
puisqu’il n’y a ni erreur ni partialité dans le rapport
du tiers-expert. Il n’y a pas lieu à n ullité, des que ce
rapport est régulier et conforme à la loi; et il importe
�(
12
)
surtout à l’ordre public que les procès ne soient pas
éternels.
■
. . . . . .
par les anciens avocats soussignés, à R iom ,
le 15 ventôse an 12.
D
Î
é l ib é r é
P A G E S ( de Riom ),
AN D R A U D , TOÜTTÉE,
L, F. DELAPCHIER.
A R I O M , de l’imprimerie de
L a n d r io t ,
T rib u n al d'appel, — A n 12.
seul imprimeur du
1
�
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Factums Marie
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[Factum. Chambon, Joseph. An 12]
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Pagès
Andraud
Toutée
Delapchier
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restitution pour cause de lésion
assignats
estimation
experts
coutume du Bourbonnais
coutume d'Auvergne
échelles de réduction
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Consultation [Gilbert Patier contre Joseph et Etienne Chambon]
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Date
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An 12
1795-An 12
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
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Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0734
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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A language of the resource
fre
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Cognac (16102)
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coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
échelles de réduction
estimation
experts
restitution pour cause de lésion
-
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P O U R
M e.
P ie rre
P A G E S - M E I M A C , avocat en la
cour d’appel de Ri o m ’
C O N T R E
E tie n n e -A n d r é
SA R R E T ,
propriétaire.
Q u o iq u ’ i l ne s’agisse que de compétence, il est cepen
dant nécessaire d ’e x p o s e r en entier les faits.
F A I T S .
J
‘
. Joseph Sarret-Fàbrègues sur les biens duquel l’exposant
poursuit le payement de sa créance, s’est marié en 1745,
a.vec. G e n e v i è v e d e B r o s s in h a c .
Par le.contrat de mariage, les deux époux firent dona
tion de la moitié de leurs biens présens et à venir à celui
des enfans à naître qu’ils choisiroient.
D e ce mariage sont issus cinq enfans, Sarret-Nozières,
François-X avier Sarret-Saint-M am et, Etienne-André'.
Sarret-Saint-Cernin, Marianne et Geneviève.
Sarret-Nozières a prédécédé ses père et: m è re , sans
laisser d’enfans.
1
A
�c o
Marianne a contracté mariage le 8 septembre 1 7 7 7 ,
avec Gabriel Mainard.
G eneviève, avec Découquans de Lacam.
Il fut constitué à chacune 36000 francs du chef du
père, et i 5ooo francs du chef de la mère. L e contrat de
mariage de l’une et de l’autre porte renonciation à la suc
cession future.
Par acte du 14 avril 17 9 1, les pèi’e et mère décla
rèrent qu’ils choisissoient François-Xavier Sarret-SaintMamet, devenu l’aîné par le prédécès de Sarret-Nozières,
pour recueillir l’eifet de la donation de moitié biens pré
sens et à ven ir, portée par leur contrat de mariage.
Par le môme acte ils l u i firent d o n a t io n de l’autre
moitié des b ie n s p ré se n s . Ils n e p o u v o i e n t lui donner
l’autre moitié des biens à venir, parce que ce n’étoit
point par contrat de mariage.
i°. Sous la réserve de l’usufruit.
20. Sous la réserve d’un6 somme de 100000 francs à
disposer, savoir, par le premier d’e?/v ’eux qui viendx-oit
à décéder, de 20000 fr., et par le survivant, de 80000 fr.
3°. A la charge de payer à E tienne-A ndré SarretSaint-Cernin, pour sa légitim e, la somme de 36000 fr.
du chef paternel, et i 5ooo fr. du chef maternel.
40. -4 la charge de payer 200000 f r . de dettes tant
,
chirographaires qu'hypothécaires.
L e père commun est décédé le 31 août 179 2 , avant
,
la mère qui a survécu plusieurs années.
François-Xavier Sarret-Saint-Mamet, donataire, ayant
été porté sur la liste des ém igrés, la nation a mis le
séquestre sur ses biens.
�(
3
)
Bientôt est intervenue la loi du 17 nivôse an 2 , qui
annulloit toutes les dispositions faites par personnes dé
cédées depuis le 14 juillet 1789.
En vertu de cette l o i , les deux sœurs qui avoient
renonce, et E tien n e-A n dré Sarret - Saint - Cernin , ont
provoque contre la nation le partage par égalité.
Ce partage a été ordonné , et les légitimaires mis en
possession de leur lot.
L ’effet rétroactif de la loi ayant été rapporté, le com
missaire du pouvoir exécutif près l’administration cen
trale du département a fait citer les dames Mainard et
de Lacam , et Etienne-André Sarret, au tribunal civil du
Cantal, en nullité du partage, et pour se voir condamner
à se désister des immeubles éclius à leur lo t, avec res
titution des jouissances depuis la publication do la loi
du 5 floréal an 3.
E tienne-A ndré Sarret, et les dames Mainard et de
L acam , n’ont point contesté la nullité du partage.
Etienne-André Sarret a demandé qu’il fût ordonné,
conformément aux lois des 3 vendémiaire an 4 et 18 plu
viôse an 5, qu’il se retiendroit, des biens échus à son lot,
ju s q u ’à concurrence, i°. de la somme de 35000 francs,
à lui destinée pour sa légitime paternelle, qu’il acceptoit
pour éviter à contestation ; a°. de celle de 20000 francs ,
montant de la réserve faite par le père par la donation;
Que Marianne et Geneviève Sarret fussent débou
tées de leur prétention à fin do partage de la réserve
de 20000 francs, à lui attribuée en seul, d’après les dis**
positions des articles 8, 9 et 10 de la loi du 18 pluviôse
an 5 , à raison de la renonciation conventionnelle par elles
A a
�(4)
J o in t au x pièces.
faite dans leur contrat de mariage en pays de non ex
clusion.
Les dames Mainard et deLacam offrirent également de
se désister des héritages échus à leur lot ; mais elles deman
dèrent à être autorisées à se retenir des fonds en paye*
ment de partie de la constitution de dot qu’elles préten
dirent leur être due. Elles demandèrent aussi à être auto
risées à se retenir des fonds en payement chacune d’un
tiers de la réserve de 20000 francs, à laquelle elles pré
tendirent avoir droit, nonobstant leur renonciation.
Jugement du tribunal civil du Cantal, du 20 ventôse
an 6 , qui annulle le partage fait en exécution de la loi
du 17 nivôse ;
Condamne les partageans déchus à se désister des héri
tages à eux attribués par le partage annullé, avec resti
tution des jouissances perçues depuis la publication de la
loi du 5 floréal an 3;
Autorise Etienne-André Sarret à se retenir des fonds
en payement de la somme de 36000 francs, montant de
la destination parternelle.
E t en ce qui concerne la réserve,
A tten du , est-il d it, que, suivant l’article 2 de la loi
du 18 pluviôse an 5 , les réserves faites par les donateurs
ou auteurs des institutions contractuelles, font partie de
la succession a b i n t e s t a t , pour être partagées entre
les héritiers autres que les donataires ou institués;
Attendu que l’effet des renonciations des filles, est de
les foi'clore de la succession , tant q u ’ il y a maie ou des
cendant de maie héritant ; q u e les filles forcloses son t
reiranchécs de la famille, et q u e les mâles seuls viennent
�(5)
à la succession tant en leur propre nom qu’en celui des
filles forcloses;
Attendu qu’il résulte de l’arrêté de l’administration
centrale du département, du 1 4 ventôse an 4 , que lesdites Marianne et( Geneviève Sarret avoient été anté
rieurement payées des dots à elles constituées, puisque
cet arrêté les soumet à en faire le rapport, et que bien
loin de réclamer contre cette disposition, elles ont exé
cuté volontairement cet arrêté contenant partage, en se
mettant en possession des lots à elles attribués par ce
même arrêté ; qu’au surplus le tribunal seroit incom
pétent pour annuller ou modifier cet arrêté;
Déclare lesdites Marianne et Geneviève Sarret non
recevables dans leur demande en retenue de fonds pour
leur; légitime paternelle ;
. Les déclare pareillement non recevables dans leur de
mande en partage de la réserve ;
t Adjuge à Etienne-André Sarret l’entière somme de'
20000 francs, et l’autorise pareillement à retenir des fonds
en payement.
En exécution de ce jugement, il a été procédé à un
nouveau rapport pour expédier audit Sarret des fonds
en payement, et de la légitim e, et de la réserve.
Ce rapport a été homologué par arrêté de l’adminis
tration , du 21 fructidor an 6.
^
Etienne-André Sarret avoit en même temps soumis
sionné , dès les 2 4 et 2 0 floréal an 4 , le surplus des biens
qui étoient échus à son lot par le premier partage.
L e même arrêté du département, du 2 1 fructidor an 6 , Joint aux pièce»,
porte eu conséquence qu'il lui en scrajxiit vente, comme
�( 6
-Join » a u x pièce».
)
,
Voyant soum issionné, coiiformément à la loi du 28 ven
tôse
prix porté par l’estimation des experts.
L e 2 thermidor ah 8 , autre arrêté.
Cet arrêté commence par viser l’invitation faite par
lettre audit Etienne-André Sarret, par le président de
l’administration, de venir prendre communication au
secrétariat des titres de créances déposés par les créan
ciers de la succession, et proposer ses moyens contre ces
titres.
2°. La réponse faite par Sarret, que, quoiqu’il ait pris
partie des biens en payement de la réserve de 20000 francs,
la république ne doit pas moins faire face aux dettes de
son p ère, et qu’il n’est tenu , sous aucun rapport, d’y
contribuer, attendu que la donation qui contient cette
réserve chargeoit le donataire d’acquitter les dettes.
30. Le relevé des titres de créances déposés à l’adminis
tration, montant à la somme principale de 139549 livres
4 sous, y compris une obligation du 27 septembre 1791,
et non compris trois créances litigieuses.
V i e n t a p r è s l ’a r r ê té .
Considérant, est-il d it , que les dettes énoncées audit
re le v é , et contractées, tant par ledit Sarret-Fabrègues
père , que par Sarret-Saint-Mamet fils, ne peuvent être
à la charge dudit Etienne - André S arret, puisque les
titres qui les établissènt sont tous d’une date antérieure
à la donation , excepté seulement l’obligation précitée
du 27 septembre 1791 ; que la somme principale de
139549 liv. 4 sous, montant de ces dettes , est au-dessous
de celle de 200000 francs que ledit Sarret, ém igré, étoit
chargé de payer par ladite donation ; et que la somme
�(7)
de 20000 francs que Sarret père s’étoit réservée , et qui
a été adjugée audit E tienne-A ndré Sarret, ne peut être
affectée au payement de ces dettes ; arrête :
A rt. i er. Les créances donL les titres sont dans ce
moment déposés au secrétariat de la préfecture du Cantal,
sur l’emigré Sarret-Saint-Mamet, sont reconnues et décla
rées etre en totalité à la charge de la nation , comme
représentant cet émigré ; et la liquidation doit en être
faite conformément aux lois qui y sont relatives.
A rt. 2. Sarret-Saint-Cernin ne peut être en conséquence
tenu au payement de ces créances.
C’est sur cet arrêté qu’on fonde le conflit de juridiction.
Par le jugement du tribunal civil du Cantal, dont on
a rendu com pte, Marianne Sarret, épouse Mainard ,
avoit été déboutée de sa demande en retenue de fonds'
pour payement de partie de sa dot qu’elle soutenoit ne
lui avoir pas été payée ; elle a interjeté appel de ce chef.
Cet appel porté en la cour d’appel de Riom , arrêt
q u i, attendu que la contestation intéressoit la nation ,
renvoie devant le conseil de préfecture.
Premier arrrêté du conseil de préfecture, du 28 mes- Joint au* pièces,
sidor an 10, q u i, considérant que l’arrêté du 14 ventôse
an 3 > sur lequel le tribunal civil du Cantal avoit fondé
sa disposition, contenoit une erreur de fait évidente, rap
portant cet arrêté, ordonne qu’il sera délaissé à ladite
Marianne Sarret des fonds , valeur de 1790, jusqu’à con
currence de la somme de 27222 liv. 4 sous 5 deniers, à elle
restée due de ses droits légitimaires paternels, et du mon
tant des intérêts de ladite somme à elle dûs, conformément
à son contrat de m ariage, sous la déduction de la somme
�(S)
Joînt aux pièces.
#
de 600 francs, valeur représentative de la somme de 5ooo
francs, montant d’une boutique dépendante de la succes
sion , et qu’elle avoit vendue en assignats, dans l’inter
valle du partage au rapport de l’effet rétroactif de la loi
du 17 nivôse.
Second arrêté du 18 thermidor an 10 , qui liquide les
droits de ladite Marianne Sarret, en capital, à la susdite
somme de 27222 liv. 4 sous 5 deniers , et les intérêts
dûs depuis l’échéance des termes portés par le contrat
de m ariage, jusqu’au jour, à. 22863 francs ; en total, 5oo 85
liv. 9 sous 9 deniers, sur quoi déduisant la somme de 600 f.
prix de la boutique, et autres deux modiques sommes,
il est déclaré rester dû 48230 liv. 6 so us 1 denier.
En payement il lui est délaissé le domaine de Braqueville, montagne et bestiaux en dépendant, pour la
somme de 46649 livres 1 sou 7 deniers, d’après l’esti
mation des experts ; et elle est autorisée à se pourvoir
à la liquidation générale, pour la somme de i 58 i livres
4 sous 6 deniers restante.
O u connoît la loi du 9 floréal an 3, qui a ordonné le
partage par anticipation des biens des pères et mères viyans
d’émigrés.
lia mère étoit alors vivante, et a encore survécu plu
sieurs années.
Il a été , conformément h cette lo i, procédé au.partage
de sa succession.
Pour procéder ¿1 ce partage, il a fallu liquider son
patrimoine.
D e ce patrimoine faisoient partie les reprises qu’elle
avoit à exercer sur les biens de son mari.
Ces
�, , liquidées
. ( 9 ) par un premier arrêté
Ces reprises ont été
du 19 germinal an 5 (produit par e x tra it), et par un
second arrêté du 21 brumaire an 10 , modiiicatif du pre
mier (également joint aux p ièces), à 33523 francs.
Sur cette somme, il a été délaissé, pour les quatre cin
quièmes x'evenant à la m ère, et aux trois enfans vivans
non ém igrés, la somme de 29711 liv. 16 sous 4 deniers;
ils ont été autorisés à se pourvoir à la liquidation géné
rale pour cette somme.
La nation s’est retenu, pour le cinquième revenant à l’émi
gré , avec d’autres biens, la somme de 3811 1. 3 s. 7 deniers.
L ’émigré Sarret est depuis ren tré, et a été amnistié.
Etienne-André Sarret, en demandant à être autorisé
à prendre le montant de la destination de légitime à lui
faite, en corps h é r é d i t a i r e s , et h prendre la réserve, n’avoit
pas réfléchi qu’il s’exposoit à l ’a c t i o n , soit personnelle,
soit hypothécaire, des créanciers.
Les enfans de ,Me. L am b ert, ci-devant procureur au
parlement de P aris, ont agi contre lui les premiers. Ils
l ’ont attaqué personnellement comme héritier. Cette
demande a fait l’objet d’une instance au tribunal d’arron
dissement du département de la Seine, troisième section.
Etienne-André Sarret s’est défendu principalement sur
l’arrêté de l’administration centrale du département, du
21 thermidor an 8, qu’on a rappelé plus haut, qui avoit
déclaré que toutes les dettes dont les titres avoient été
déposés au secrétariat, montant à 139549 fr., du nombre
desquelles étoitla créance réclamée par les héritiers Lam ' b e r t, étoient à la charge de la nation, et que lui E tienneA ndré Sarret ne pouvoit en être tenu.
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Ce système a été accueilli.
Jugement du tribunal de la Seine, du 27 frimaire an 1 1 ,
q u i, attendu que François Lambert s’est adressé h l’ad
ministration du Cantal, et a produit les titres de créance ;
que par arrêté du 21 thermidor an 8, contradictoire avec
Sarret de Saint-Cernin, l’administration centrale a décidé
que les créances dont il s’agit étoient à la charge de la
république , sans que Sarret-Saint-Cernin puisse en être
tenu ; qu’ainsi l’objet de la demande des héritiers Lambert
est décidé administrativement; les déclare non recevables
dans leur demande, avec dépens.
Depuis est intervenu l’arrêté du gouvernement, du 3
floréal an n , qui auroit fait disparoître la difficulté.
Il est à observer que cet arrêté n’a point été inséré,
par oubli sans d oute, dans le bulletin des lois ; il se
tro u ve, avec l’instruction du ministre des finances , dans
les instructions générales sur l’enregistrement, an 1 1 ,
n°. 146, page 122, tome. 2.
L ’article 11 de cet arrêté porte :
« Tout créancier d’ém igré, rayé, éliminé ou amnistié,
« qui voudra exercer ses droits contre son débiteur,
« pourra réclamer ses titres, s’il les avoit déposés; ils
« lui seront rendus, à moins qu’il n’ait donné quittance,
« et reçu son titre de liquidation définitive. »
L ’exposantjpourévitertoutedifïiculté,pournepasm ême
sc jeter dans la question de savoir si Etienne-André Sarret,
fajsanj. adjuger la réserve, avoit fait acte d’héritier, a
pris la voie hypothécaire, sans entendre cependant se dé
partir de Vaction personnelle, résultante de la qualité
d"héritier. Cette voie étoit autorisée et indiquée par deux
�( II )
arrêts de la cour de cassation, un du 14 nivôse an 10,
rapporté dans le journal de Sircy ; et l’autre du 5 nivôse
an 13 , x'apporté au journal de Denevers, sixième caliier
de l’an 1 3 , page 270.
Il a fait une inscription au bureau des hypothèques,
sur tous les biens adjugés audit Etienne-André Sarret,
pour le payement de sa légitime et pour le payement
de la réserve , et généralement sur tous les biens dépen
dais de la succession dudit Sarret père, autres que ceux
rendus par la nation par soumission ou autrement.
Avant lui d’autres créanciers avoient également fait
inscrire •,
L e tuteur du mineur Roque-M aurel, pour une créance
exigible de 47690 francs;
I.e sieur Cappelle, d’Aurillac , pour 6000 francs ;
La nation, pour une somme de 9600 francs, résultante
d’un contrat de constitution de rente.
On observe que toutes ces sommes ne font point partie
de celles reconnues et déclarées être à la charge dç la
nation, par l’arrêté du 2.1 thermidor an 8.
On joint ici l’extrait des inscriptions.
L ’expnsant, après avoir fait inscrire, a fait citer,^a con
ciliation épuisée, au tribunal d’arrondissement d’Aurillnc,
ledit Etienne-André Sarret, pour voir déclarer les héri
tages par lui jouis, autres que ceux vendus par la nation
par soumission ou autrement, affectés et hypothéqués à sa
créance; en conséquence, se voir condamner à se désister,
si mieux il n’aimoit payer l’entière créance.
D e p u i s , M e. Rnm pon, a v o u é ; Clinpsal, Lathélise^
N o u v e a u , Lagrange, ont également attaqué ledit Etienne-
B 2
�( 12 )
A ndré Sarï'et : ceux-ci ont suivi la même marche que les
enfans Lambert; ils l’ont attaqué personnellement comme
héritier, et comme seul héritier du père.
H éritier, comme s’étant fait adjuger la réserve;
. Seul héritier ; la nation, comme représentant l’aîné, émi
gré, ayant renoncé à la succession pour s’en tenir à la do
nation , et les deux sœurs ayant renoncé par contrat de
mariage : renonciation annullée par la loi du 17 nivôse
an 2, et validée ensuite, en pays de non exclusion, aux
termes de la loi du 18 pluviôse an 5 .
En cet état, arrêté du conseil de préfecture, sur péti
tio n non communiquée d ’E t i e n n e - A r i d r é S a r r e t , q u i,
a p rè s a v o i r r a p p e lé l ’a r r ê t é du 2,1 thermidor an 8 ,
déclare q u ’i l y a conflit de juridiction , et invite le pro
cureur impérial près le tribunal d’Aurillac à requérir
le renvoi de toutes ces demandes , même de la demande
hypothécaire de l’exposant, au conseil de préfecture.
Les motifs sont:
« C o n s id é r a n t que les biens de Joseph Sarret père ont
« passé à la république, par représentation de François« X avier Sarret-Saint-Mamet, grevés de toutes les dettes
« et charges portées par l’acte de donation du 14 avril 1791;
« Qu’il a été reconnu par l’arrêté du conseil de prê
te fecture, du 21 thermidor an 8, que les dettes de Joseph
« Sarret sont à la charge de la nation. ( On auroit dû
« ajouter, jusqu’à concurrence seulement de 200000 f r .,
« ainsi que l’arrêté lui-même du 21 t h e r m i d o r le porte. )
« Q u e de ce nombre sont n o t a m m e n t celles des sieurs
« Rampon , Chapsal, N ouveau, Lathélise et Lagrange;
« que les instances qu’ils ont introduites devant le tribu-
�( 1 3 )'
« nal d’Aurillac ne tendroient qu’à éluder les dispositions
« des lois concernant la liquidation des créances sur l’état,
« et à détruire l’effet de l’arrêté de l’administration cen« traie, du 21 fructidor an 6 , et de celui du conseil de
cc préfecture, du 22 thermidor an 8, qui ont affranchi le
« pétitionnaire du payement de ces dettes;
« Que si ces demandes étoient admises, le tribunal
ce auroit aussi à prononcer sur celle en garantie que le
cc pétitionnaire a formée par sa pétition contre la républi« que, q u i, garante de droit, comme détentrice des biens
cc de l’émigré Sarret, devroit suivre le sort de la garantie,
cc et deviendroit ainsi justiciable du trib u n al, dans une
« matière purement administrative, puisqu’il s’agit de
« régler les créances d’un émigré ;
« Qu’on doit dire la même chose de la demande liy« pothécaire du sieur Pagès-Meimac, q u o i q u e sa créance
ce n’ait.point été soumise à la liquidation, parce que cette
cc demande tend aux mêmes fins , qui est la garantie de
« la république envers le pétitionnaire. »
Ou voit que dans cet arrêté on a cumulé et confondu v
la demande de l’exposant avec celles des autres créan- <
ciers, quoique formées par exploits séparés, et quoique les
conclusions soient entièrement distinctes.
Les motifs sur lesquels l’arrêté est basé s’écartent fu-;°
cilement.
M O Y E N S .
. D é jà , relativement au premier considérant, à l’arrêté
du 21 thermidor an 8, on ne peut l’opposer à l’exposant.
Cet arrêté ne comprend que les créanciers qui ayoient
�( i4 )
déposé leurs titres au secrétariat. La dame Cam bfort,
dont l'exposant est héritier, soit négligence, soit autre
raison , n’avoit point déposé les siens : c’est ce qui est
attesté par le certificat délivré par le secrétaire général,
du 12 frimaire an 13 (joint aux pièces). Cet arrêté n’a
point été rendu avec elle ; il lui est étranger : E s t res
inter alios acta.
20. Eût-elle déposé ses titres , on opposeroit à l’arrêté
de l’administration l’arrêté du gouvernement, du 3 floréal
an 1 1 , sans doute plus fort, qui, par l’article 11 transcrit
plus h au t, autorise t(3tit créancier qui même auroit dé
posé ses titres, à les retirer, à agir contre le débiteur, à
moins qu’il n’ait donné quittance , et x’eçu son titre de
liquidation définitive.
30. Quelque effet qu’on veuille donner à l’arrêté de
l’administration, du 21 thermidor an 8 , il ne peut s’en
tendre que de l’action personnelle, et non de l’action
hypothécaire. L ’administration n’â pu ni iu ger, ni en-
an
10, i"ipporté au jo u r n a l d e Sii’e y , et celui du 5 n i
v ô s e an 1 3 , r a p p o r t é au j o i m i a l d e D e n e v e r s .
�(
^
O n se contentera de transcrire les aUaudus de ce
dernier.
« V u , est-il d it, les articles n et 112 de la loi du
« I er. floréal an 3,
« Considérant qu’il est incontestable , d’après le droit
« commun et d’après la jurisprudence , que le créancier
« hypothécaire est fondé à diriger son action contre le
« possesseur des biens affectés au payement de sa créance;
« Que le possesseur de ces biens est incontestablement
« tenu, par l’effet de l’action hypothécaire , de payer la
« totalité de la créance , ou de délaisser les biens soumis
« à l’hypothèque;
cc Considérant qu e, par l’article 11 de ladite l o i , la
« nation , en se déclarant débitrice des créanciers des
« émigrés , n’a pas altéré l’action hypothécaire qui corn
et pète au créancier sur les Liens possédés par le codé
es biteur non émigré ; qu’il résulte , au contraire , de
« l’article 112 de ladite lo i, que la république n’a éteint
« que dans son unique intérêt l’action en solidarité , à
« raison des créances sur les émigrés ;
« Que la législation est d’autant plus positive sur ce
« point, que le conseil des anciens a rejeté, dans le temps,
cc des résolutions qui tendoient ù faire affranchir indis« tincteinent de la solidarité, les copropriétaires de biens
« d’ém igrés, les débiteurs et les cautions ; qu’on n’a pu
« par conséquent appliquer à des particuliers les dispo« sitions d’une loi qui a eu l’intérêt exclusif de la nation
ce pour objet ; casse. »
L ’exposant seroit même sans action contre la nation
faute d’avoir déposé scs titres,
�S 16 >
L ’article 34 de la loi du 24 frimaire an 6 , n«. 168
du bulletin , avoit révoqué les lois antérieures qui prononçoient la déchéance contre les créanciers qui n’avoient
point déposé leurs titres dans le délai fixé , et les avoit
admis à les produire de nouveau.
Mais la loi du 9 frimaire an 7 , n°. 245 du bulletin,
a prononcé de nouveau la déchéance contre les créan
ciers qui n’auroient point produit leurs titres au 1e1'. ger
minal lors prochain.
Cette loi paroît d’abord ne concerner, par son inti
tulé même , que les créanciers des neuf départemens
réunis ; mais il n’y a qu’à lire l’errata mis au bas du
n°. 2Ô2 du bulletin, où l’on avertit q u ’au lieu des mots,
de la dette des n e iif départemens réun is, qui se trou
vent dans l’intitulé de la loi du 9 frim aire, il faut subs
tituer , de la dette -publique ; ce qui alors a généralisé la
disposition de cette loi.
La pétition d’Etienne-André Sarret tendroit donc à
faire perdre à l’exposant sa créance.
Et qu’on n’objecte pas que l’exposant a h s’imputer
de n’avoir point produit ses titres ; car ce n’est que dans
l’intérêt de la république que la loi a fixé successive
ment diiï'érens délais pour la production des titres, mais
non pour priver les créanciers des droits qu’ils étaient
dans le cas d’exei'cer contre tous ceux qui pouvoient êli*e
tenus de la dette hypothécairement ou autrement. L ’ex
posant étoit d’autant moins tenu de déposer ses titres,
qu’il 11’est pas créancier direct de l’ém igré; qu’il ne l’est
qu’indirectement, à raison de la charge imposée par la
donation, de payer jusqu’àcxjncurrcnce de 200000 francs
de
�( 17 )
de dettes; que le véritable débiteur, le seul qu’il étoit
obligé de connoître, étoit la succession, à laquelle la natiou
a renoncé pour s’en tenir à la donation.
^ “
L e conseil de préfecture donne pour second motif que
ce seroit porter atteinte à l’arrêté du 21 fructidor an 6.
Quel est cet arrêté ? c’est celui qui maintient EtienneA ndré Sarret dans la possession de partie des héritages
à lui échus par le premier partage pour le remplir de
la légitime et de la l’éserve. Mais la nation n’a pu les lui
délaisser que tels qu’ils étoient dans les mains du père ;
c’est-à-dire , grevés des dettes auxquelles ils étoient hypo
théqués. On ne s’oppose pas à ce qu’il jouisse ; mais s’il
veut jouir des biens dépendons de la succession, il faut
qu’il paye.
I.e troisième considérant , pris dans l’intérêt de la
nation par suite de la garantie qu’Etienne-André Sarret
pourroit exercer et a exercée piir sa pétition , n’est pas
plus fondé : il tombe par lef a it .
< On a vu que , par la donation , l’émigré Sarret
n’a été chargé que dé 200000 francs de dettes. La nation
n’est donc tenue que jusqu’à concurrence de 200000 fr.,
et elle doit 200000 francs,
Et ces 200000 francs sont déjà épuisés.
Par l’arrêté du 21 therm idor, la nation a reconnu et
a déclaré être à sa charge 139549 francs en capital de
dettes, dont les titres avoient été déposés : on ne parle
point des intérêts.
A cette somme il faut ajouter celle de 33000 francs
à laquelle ont été liquidées les reprises de Geneviève
Brossinhac , veuve de Sarret-Fdbrègues, sur les biens de
C
�_ ( *8 )
son m a ri, et par conséquent faisant partie de ses dettes.
Il
faut ajouter celle de 27222 francs, que Marianne
S arret, épouse M ain ard, a dit lui rester due de sa
constitution de dot en capital, et les intérêts de cette
somme depuis l’échéance des termes portés par le con
trat de mariage qui remonte à 1777.
Ces intérêts ont été liquidés jusqu’au jour de l’arrêté
par elle obtenu , qui lui a adjugé en payement le do
maine de Braqueville, montagne et cheptel en dépen
dant, à 22863 francs.
Sur ces intérêts il faut déduire ceux échus depuis
la mort du père, arrivée le 31 août 1792. On dit depuis
le décès du p è re , et non depuis la donation ; le père
s’étant réservé l’usufruit des biens donnés, et les inté
rêts pendant la durée d’icelui étant à sa charge.
Quand on déduiroit pour raison de ces intérêts échus
depuis le décès du père , 12000 francs , les intérêts anté
rieurs s’éleveroient encore à plus de 10000 francs; ce
qui porteroit la créance de la dame Mainard, à la charge
de la succession, à plus de 37000 fr.
Cette somme de 37000 fr. d’une p a r t, et 33000 fr.
d’autre, jointe à celle de 139549 f r . , absorbe et au delà
les 200000 fr.
Qu’on ne dise pas que ces deux sommes font partie de
celle de 139549 fr. Pour prévenir cette objection, on a
pris le relevé des dettes qui ont concouru à former celle
de 139549 francs. Ce relevé monte à 162844 francs; mais
la nation a sans doute rejeté celles qui n’ont pas paru
suiïisamment établies. Il est certifié sincère par le secrétaire
général. Et dans ce n o m b r e ne sont point les deux liqui-
�( 19 )
dations ci-dessus ; ce qui est attesté à la suite par le secré
taire général.
L e recours d’Etien n e-A n d ré Sarret contre la nation,
à raison de la demande hypothécaire de l’exposant, est
donc une chimère.
On ne peut pas môme dire que la nation est intéressée
à la liquidation de la créance ; elle n’a pas à craindre qu’on
porte les dettes à plus de 200000 francs : cela lui seroit
indifférent, puisqu’elle ne peut jamais être tenue que
jusqu’à concurrence des 200000 francs ; elle ne peut pas
craindre non 'plus qu’on les enfle pour les porter à la
somme de 200000 francs, puisque déjà elle-m ôm e a re
connu pour plus.
Ce n’est pas comme si la garantie de la nation étoiti/zdéjîme , comme si l’émigré Sarret avoit été indistincte
ment chargé de toutes les dettes existantes à l’époque de
la donation. Il n’a été grevé que de 200000 francs; la na
tion doit 200000 francs, et ne doit pas au delà (*).
En supposantquela nation n’aitpoint rempliles 200000 f.,
c’est à Etienne-André SaiTet à se pourvoir à la liquida' ( * ) Il est à observer que le produit de toutes les ventes des biens
de S a r r e t - Fabrègues ne s’élève, valeur réduite en n u m é r a ir e ,
d ’après l’époque des différens versemens , q u ’à
59566
fr.
55
c .,
suivant l'état délivré par le receveur des domaines nationaux ( joint
aux pièces). A cette somme il faut ajouter celle de 46649 livres
1 s. 7 d . , pour laquelle le domaine de Braqueville et montagne
en dépendant, ont été délaissés à M arianne S a r r e t, et celle de
600 f r . , prix de la boutique par elle vendue ; en t o u t , 106815 fr.
60 centimes ; en sorte que la nation n ’a pas reçu réellement de quoi
3 549 francs.
faire face même' à la somme de 1 q
�( 20 )
tion pour le remboursement de ce qu’il se trouvera avoir
été condamné à payer, au delà de la somme à la charge
de la nation. Il n’y a pas même lieu à litige. La nation ne
doit que 200000 f.; et elle doit 200000 f.; il n’a pas non plus
à craindre qu’on lui oppose la déchéance : son titre pour la
garantie ést la donation qui est le titre même de la nation.
Il
ne devoit pas même tant attendre; il devoit veiller
dès le principe à la conservation de sa garantie.
Mais il ne possède pas moins les héritages affectés à la
créance de l’exposant; il n’est pas moins sujet à la solida
rité : car, comme dit M. M erlin, au mot ém igré, en
traitant cette question, l’hypothèque est solidaire, puis
qu'elle est tota in toto , et tota in qualibet partefu n d i,
sauf le recours.
Une telle action ne peut être du ressort de l’adminis
tration.
Etienne - André Sarret ne peut pas plus se distraire
de la juridiction des tribunaux ordinaires, qu’il ne peut
p a r e r à la d e m a n d e m ê m e .
En ce qui concerne les demandes des autres créanciers,
l’exposant n’y prend point de part : sa cause n’est point
jointe à la leur; sa demande est même différente, puis
qu’ils ont agi par action personnelle, et l’exposant par
action hypothécaire.
P A G È S -M E IM A C .
A R I O M , d e l ’im p rim erie d e L a n d r i o t , seul im p rim eu r d e l a
C o u r d ’appel. — B r u m a ir e an 14,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Pagès-Meimac, Pierre. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Subject
The topic of the resource
émigrés
successions
rétroactivité de la loi
séquestre
créances
Description
An account of the resource
Mémoire pour Maître Pierre Pagès-Meimac, avocat en la Cour d'appel de Riom ; contre Etienne-André Sarret, propriétaire.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1745-An 14
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0733
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0621
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53928/BCU_Factums_M0733.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
émigrés
rétroactivité de la loi
séquestre
Successions
-
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c54c441429f36c89108895088f3bd801
PDF Text
Text
�GENEALOGIE
DES
PARTIES.
M ercier.
-A
Michel
Mercier jeune,
M ichel
\
* Môr’ctôr ain'é ;
meûnier,
à
A lix Charriéi^j«,
Marre ÎVicgge. •*
M agdeleine,
Laurent
M ercier,
à
Léger Gendraud,
décédé le
* Secondes noces,
à
Francois
Broquin.
J ean ,
décédé le 7 août 1718 ,
à
A nn e Chardon,
décédée le 24 m ai 1730,
prêtre.
23 ju illet
1742.
L a u re n t,
27 avril >735,
à
À n loin etteM allet*,
décédé le
décédée le 16 juin 17R7.
4
M arie,
née le igavr. 1689,
Catherine,
née le 9 sept. 1699,
à
Pierre
M égem ont,
le Gfévr. 1718.
A nnet Sarty,
le 20févr. 1715.
Jacqueline,
née le 22avril 1719,
à
A ntoine M u râ t,
décédé le ôdéccm. 1762.
M a rie ,
A n to in e ,
h
né le 3 août 1745.
Etienne
Prugnard.
•
Catherine,
à
Michel
Labonne.
M arie,
Dec le 16juin
1736,
décédé en octob.
1780,
i\
M a rie ,
née le 16février
1748,
u
Etienne
Fournier.
Jean-Bapt.
G ra n e t,
Je 21 mai 1763.
Françoise,
décédée tant poitérité.
6
2
à
,
à
Jeanne
H enoux,
le i5avril 17^.5.
Joseph,
né le 28févr. 1736,
à
M arie
Audanson ,
le 7 octob. 1762.
P ie rre ,
né le 37 sept. 1721,
à
M arie
Descœur,
le i6nov. 1745.
M a rie ,
née lo i4)anv. 1756,
vivante.
!
P ierre ,
né le 29nov. 1766,
vivant.
P ierre
né le 17 jan. 1753,
vivant.
Pierre,
Claude.
,
Catherine.
A n to in e ,
nélc2i mars 1702,
à
Catherine
M cgge,
le 26 févr. 1732.
M agdeleine,
A ntoine,
néole 1niars 1735, né le 19juil. 1747,
ont répudié la nuccculon do leur péro.
�1
r
MÉMOIRE
COUR
D ’A P P E L
EN R É P O N S E ,
SÉANTE
A RIOM.
POUR
G R A N E T , a p p e l a n t ; et
AU D I G IE R , notaire p u b l i c , d e m a n
J e a n - B a p t i s t e
P ie rre
deur
en intervention ;
C O N T R E
P R U G N A R D , et M a r i e
M U R A T sa femme, intimés et défen
E t i e n n e
DE
deurs.
D
prés adjugés judiciairem ent au sieur G ranet
sont convoités par les intimés : ces prés ont été vendus
dans la suite, par l’adjudicataire, au sieur A u d ig ie re u x
et cette vente a nécessité l’intervention de l’acquéreur
Granet et son acquéreur ne sont point épargnés par les,
A
�c o
intimés : suivant eux ,1e prem ier est un cohéritier avide,
un administrateur infidèle, qui n’a pu acquérir pour son
com pte, et qui doit le rapport de ces immeubles à Ici
succession ; le second est traité de cessionnaire de droits
litigieux , quoiqu’il ait acquis avec pleine et entière
g a r a n tie, de la part de son vendeur , des objets qui
étoient à sa convenance.
Cette déclaration suffit pour justifier ,A u d igier d’ une
im putation calomnieuse. O n va dém ontrer que Granet
est seulement tenu d’une restitution de deniers ; mais
qu’ il est propriétaire incommutable des immeubles ad
jugés par la sentence du 31 août 1780.
F A I T S .
D eu x frères, du nom de M ercier, tous deux appelés
M ichel , acquirent conjointem ent, à titre de re n te ,
un m oulin fa rin ië r, appelé m oulin d e 'B o t t e , avec
deux jard in s, le tout situé au lieu de Hochefort. La
portion de M ich el l’aîné fut de deux cinquièm es, et
celle de M ichel le jeune, qu’on distingue avec la quali
fication de m eû n ier, fut des trois autres cinquièmes.
Ce m oulin provenoit d’un sieur Chabanes-Curton; la
rente fut constituée à son profit , et devoit être payée
par les deux frè re s , dans la proportion de leur amen
dement.
P a r un bail de ferm e, qui remonte à l’année i 65() ,
M ic h e l, dit Je m e û n ie r, fut chargé de faire valoir le
m oulin , d’acquitter la totalité de la rente , et de payer
en outre annuellement à son fr è r e , pour ses deux cin-
�( 3 )
quièm es, deux setiers de b lé -se ig le , mesure de R ochefort , et 10 sous argent.
M ichel M ercier aîné , de son mariage avec M arie
M egge , avoit laissé deux enfans, L au ren t, qui fut prêtre
et cu ré, et M agd elein e, mariée à L ég er Gendraud.
A p rès la m ort de M ich el M ercier aîn é, M arie M egge
forma le titre clérical de Laurent son fils, et lui délaissa
entr’autres objets les deux cinquièmes sur le m oulin de
Botte et dépendances.
O n v o it, par une transaction du 14 août 1692 , que
Laurent M ercier , prêtre , reçut de Jean M e r c ie r, fils
de M ic h e l, dit le m eu n ier, trois années d’arrérages qui
lu i étoient dues pour le prix de la ferme des deux
cinquièmes du m o u lin , et qu’il afferme de nouveau à
Jean M e rc ie r, faisant tant pour lui que pour Claude
son fr è r e , ce môme m oulin , et aux mêmes conditions.
Ce moulin étoit alors en très-mauvais état : il est con
venu que les réparations seront faites à frais communs.
L e 22 décembre 172 6 , Laurent M ercie r, p rê tre , fit
donation à M agdeleine M e r c ie r, femme G en d rau d , sa
sœur , de tout ce qui lui avoit été constitué pour sou
titre clérical.
D u mariage de M agdeleine M ercier avec L éger G en
draud est issu un fils , Laurent Gendraud , marié à
Antoinette M allet ; et ce même Laurent a eu trois filles:
J a c q u e l i n e , mariée à Antoine M nrat ; Catherine, mariée
à M ichel L abonne; et M a rie , épouse de Jean-Baptiste
G ra n e t, appelant.
D e Jacqueline-Laurent et d’Antoine M u r â t, sont issus
trois enfans : M a rie , femme d’JÏÏlienne Prugnard ( ce sont
A z
�(4 )
les intimes ) ; A n to in e , qui a cédé ses droits à Prugnard;
M arie , femme d’Etienne F ou rn ier, qui a cédé ses droits
à Jean-Baptiste Granet.
Il n’est pas inutile d’observer qu1Antoinette M a lle t,
femme de Laurent Gendraud , belle-m ère de Jean-Bap
tiste G r a n e t, et aieule des intimés , a voit contracté un
second mariage avec François Broquin.
L o rs de ce m ariage, qui eut lieu en 1 7 3 6 , L éger
Gendraud , beau-père d’ Antoinette M a lle t, étoit encore
vivant, II maria sa belle-fille dans sa maison :y François
j
Broquin y porta un m o b ilie r, et avoit notamment des
clic vaux pour son commerce. Il fit donation de tous scs
biens à son épouse.
Broquin n’a vécu que jusqu’en 1741 , et a encore pré
décédé L é g e r G e n d ra u d , avec lequel il coliabitoit,
puisque ce dernier n’est m ort que le 23 juillet 1742.
A cette époque Jacqueline Gendraud , m ère des in
tim és, étoit m ariée avec A n toin e M u r â t, depuis le
9 mai 1741 j elle cohabitoit avec L é g e r Gendraud , son
gran d -p ère, et continua de dem eurer avec Antoinette
M allet : do sorte qu1A n toin e M urât et Jacqueline G en
draud ont seuls administré concurremm ent avec A n to i
nette M allet leur m è re , et ont disposé du m obilier de
G en d rau d , ainsi que de celui de Broquin.
,
M arie G endraud, femme G ra n e t, a toujours été étran
gère à cette administration. E lle n ’étoit âgée que de
seize ans lors du décès de son grand-père , puisqu’elle
étoit née le 16 juin 1726 : elle étoit déjà en service. E t
com m ent seroit-il possible qu’elle pût être comptable
d’un m obilier qu’elle n ’a jamais co n n u , qui étoit entiè
�(5)
rement à la disposition d’A n toin e M u râ t, mari de Jac
queline Gendraud ? Cette observation trouvera sa place
dans la suite.
O n passe maintenant à la descendance de Jean M er
cier , fils de M ic h e l, dit le m eunier. Jean M ercier avoit
un frere appelé Claude , et pour lequel il avoit traité
en 1692. O n ne vo it pas ce qu’est devenu ce Claude ;
niais Jean , mai’ie à A n n e C h a rd o n , a laissé plusieurs
enfans. Il a plu aux intimés de ne parler que de deux 5
cependant il est prouvé au procès qu’ils étoient au nombre
de six : savoir , L o u is , M arie , M agdeleine, C ath erin e,
autre C ath erin e, et Antoine. M a r ie , femme d’A n n et
S a rty , eut des enfans dont la postérité existe encore. 11
en est de même de Catherine prem ière , mariée avec
Pierre M égem ont : P ie r r e , son p e t it - f ils , est encore
vivant. A n to in e , marié a Catherine M egge , a laissé
deux enfans qui ont répudié à la succession de leur père. ;
La descendance une fois co n n u e, et en continuant la
suite des faits, on vo it que le 26 mars 1727 M agdeleine
M ercier et L ég e r G en d im id , en vertu de la donation
de Laurent M ercier , leur frère et beau-frère , firent
assigner la femme C h ard on, veuve de Jean M ercie r, fils
de M ich e l, dit le m eü n ier, et en ¡qualité de tutrice de
leurs enfans m in eurs, pour être condamnée à payer les
arrérages de la ferme des deux cinquièmes du m oulin
de B o tte , 'depuis et.com pris 16 9 7 , jusques et compris
1727. Ils demandoient aussi qu’A n n e Chardon fut tenue
de rapporter quittance de la rente constituée sur le
m oulin et dépendances , et que Jean M ercier deyoit
acquitter en totalité»
�,( 6)
Cette instance se perpétua jusqu’en 1766, époque où
Jean-Baptiste G ranet avoit épousé M arie Geudraucl. Son
contrat de mariage est du 21 mars 1763.
Les intimés ont fait un roman sur M arie Gendraud.
Suivant eux , cette fille avoit couru le inonde, avoit eu
des aventures et acquis de l’expérience. O n lui prête
surtout des vues très-étendues pour s’approprier la for
tune et les Liens des M e r c ie r , au préjudice de ses ne
veu x et nièces, qui avoient le même droit qu’elle.
Cependant, d’après les intimés eux-mêmes , ces biens
devoient être d’une très-petite valeur , puisque M arie
Gendraud n’uvoit pu vivre dans la m aison, et avoit été
obligée de servir chez M . de CJhazerat et chez M . de
Linières.
L e m oulin de Botte surtout ne pouvoit plus offrir
aucune ressource. Ce m oulin avoit cessé d’exister dejwis
17 3 9 , et fut sacrifié à l’établissement du grand chem in,
tracé sur le béai de ce m oulin, Il fut même abandonné
par les propriétaires.
.. L a rente étoit onéreuse ; e t , à défaut de payem ent,
M . de Chabanes s’en m it en possession. Il vendit bientôt
après les masures à L ouis M ercier, par acte du 29 juillet
1748 : L ouis M ercier les ; rev en d it, par acte du 5 mars
1749 , à Pierre M egge , aïeul de Piei're Lassalas.
M arie Gendraud ne vint donc chez A ntoinette M a lle t,
sa mère , que pour lui porter des secours, à raison de
son grand âge. En e ffe t, le prem ier acte qu’elle fit fut
de répudier à la succession de son p è re ; et comme la
maison étoit habitée par la m è r e , elle s’en fit consentir
ua fyail à loyer. Dans la suite , lorsqu’elle épousa Jean-
�f 7 )
Baptiste G ra n e t, elle donna la jouissance de ses biens à
Son mari en cas de survie , à la charge par lui de nourrir
et entretenir la m ère de son épouse ; ce qui annonce
qu’il n’y avoit aucune espèce de ressource dans la fam ille,
et prouve au moins que cette M arie G en d rau d , quoi
qu’elle eût vu le m o n d e, avoit pour sa m ère les sentiinens de tendresse et de respect qu’on doit à ses ascendans.
Granet et sa femme n’ont cohabité qu’une année avec
Antoinette M allet. Granet acheta, à titre de re n te , une
maison en 17 6 4 , dans laquelle il se retira; et bientôt,
placé dans les gabelles , il quitta le lieu de R o c h e f o r t
en 176 6 , pour aller exercer son em ploi à Esbreul.
Cependant , le 14 juin 1 7 6 6 , M arie Gendraud et
Jean-Baptiste G ran et, pour éviter la prescription, repri
rent l’instance commencée en 1727 contre Ma'gdeleine
M ercier et Antoine M e r c ie r, enfans d’autre A n toine et
de Catherine M egge , en leur qualité d’héritiers de Jean
M ercier leur aïeul. C eux-ci justifièrent d’une répudia
tion à la succession d’A n toine M ercier leur père , et
de Louis M ercier.leur oncle. A lo rs Jean-Baptiste Granet
et sa fem m e, ne se croyant pas obligés de rechercher
toute la descendance des M e rc ie r, firent créer un cura
teur à la succession vacante de Jean M ercier, et obtin
rent contre ce curateur , le 3 septembre 1767 , une
sentence qui ordonna le partage du m oulin dont il n’existoit alors que des vestiges, et permit à Ç-ranet et à sa femme
de se mettre en possession des immeubles dépendans de
la branche de M ercier jeune , pour en jouir jusqu’au
payement de leurs créances, si m ieux ils n’aimoient les
.faire saisir et vendre sur simple placard.
�C8 )
Mais bientôt ils furent informés que tous les biens
provenus de la branclie de M ercier, le m eu n ier, étoient
possédés et jouis par le marquis de Chabanes-Curton.
M . de Chabanes avoit acquis ces biens d’A n n et Juge ,
•curateur à la succession répudiée de Louis M e rcie r, fils
•de Jean , par acte du 21 février 17 6 9 , et s’étoit retenu
le p rix de la vente pour les sommes qui lui étoient d u es,
provenantes des arrérages d’une rente de 26 setiers se ig le,
assise' sur un autre m oulin à'ppelé de C liam bize, par lui
concédé à M icliel M e rc ie r, dit le rneûnier, en 1677.
G ranet et sa femme firent assigner le marquis de
Chabanes, d’abord en déclaration d’hypothèque, et ensuite
en partage. Il faut b ie n a p p r e n d r e a u x intimés ce qui
obligea Granet et’ sa femme de conclure au partage en
1769 : c’est parce que L ouis M ercie r, débiteur de M . de
Chabanes , amendoit un sixième dans les immeubles
provenus de Jean M ercier. Aussi la sentence qui fut
rendue le 6 septembre 1769 ordonna-t-elle le partage
de ces biens , pour en être délaissé un sixième à M . de
Chahanes-Curton, et cinq sixièmes à Granet et sa fem m e,
avec restitution de jouissances de ces cinq sixièmes
depuis 1759.
M . de Chabanes interjeta appel de cette sentence au
parlement de Paris , où , après un procès très-long et
très-dispendieux , il intervint , le 6 février 1777 , un
arrêt coniirmatif.
M . de Chabanes exécuta cet arrêt. Il se désista des
cinq sixièmes des biens M e rcie r; les jouissances furent
réglées à. l’amiable à la somme de 1,426 t1~, qui furent
comptées à l’appelant, sous la déduction de 569 ,f~, que.
M.,
�( 9 )
M . de Chabanes se retint pour cens , tailles et vingtièm es.
Ce payement et la déduction sont établis par une quit
tance mise en marge de la grosse en parchemin de la
sentence de la sénéchaussée.: elle est produiteyainsi que
l’arrêt confirmatif.
Cette deduction n’est donc pas une simple assertion,
comme voudraient le faire entendre les intimés ? Il ne
reçut aussi qu’une somme de 240
pour les frais ; il lui
est encore dû une somme de 754
suivant son état.
Granet poursuivit ensuite la liquidation contre le cura
teur à la succession vacante. L e procès verbal de liqui
d atio n , du 24 avril 178 0 , fixe les arrérages à la somme
de 408
13^ 6 ^ ; les dépens furent taxés à la somme
de 246
18^ 4 ^ : ce qui donne un total de 655 ***
1 1 J io S v .
P ou r parvenir au payement de ces différentes sommes 7
Gi*anet fit saisir, par procès verbal recordé, du 16 juin
1780 , pour être ensuite vendu sur simple placard , difïerens héritages dont il est inutile de donner le détail ,
puisque les intimés ont pris la peine de les rappeler. On
remarque que le m oulin n’y est pas com pris, parce qu’en
effet il n’existoit plus.
Les héritages saisis furent adjugés par sentence de la
sénéchaussée, du 31 août 17 8 0 , au sieur A clio n ,
procureur pour lui ou son m ieux ; et ce dernier fit
une déclaration de m ieux au profit de Jean-Baptiste
Granet , pour lui seul et en son nom propre et privé.
L e 20 septembre 178 0 , Granet se mit en »possession
des héritages qui avoient été adjugés, à l’exception
toutefois des deux derniers articles, qui avoient été
par erreur com pris dans la vente ,sur p la ca rd , parce
I
�C 10 )
q u’ ils appartenoient en propre à Marie Gendraud , sa
femme.
L ’appelant a également o b ten u , le ier. décembre 1780,
des lettres de ratification, toujours en son nom propre
et privé , sur les héritages qui lui a voient été adjugés.
Jean-Baptiste Grariet et sa femme avoient aussi, dès
le 16 décembre 1 7 7 6 , form é une demande en partage,
contre les intimés , de tous les biens meubles et immeu
bles provenus de Laurent G endraud, auteur commun,'
pour en être délaissé à chacune des parties leur part
afférente , avec restitution de jouissances, ainsi que de
droit.
M arie Gendraud étant décédée peu de temps après
la sentence d’adjudication , Jean-Baptiste G ranet,com m e
père et lé g ’time administrateur de Françoise sa iille
reprit cette instance.
Les intimés fournirent des défenses le 30 mai 1781.
Ils dirent que l’appelant n’a voit fait que les p réven ir,
qu’ils vouloient aussi form er cette demande : mais que
l’appelant s’étoit emparé de tous les effets, titres et
papiers de la succession ; qu’il s’étoit,fait payer de toutes
les créances, sans leur en faire' p a r t, et q u’il étoit tenu
d’en faire le rapport. A u su rp lu s, ils ne possédoient
rien de la succession ; e t, par cette x’aison , il leur étoit
impossible de restituer des jouissances qu’ils n’a v o k r’f
p is perçues.
Il s’engagea sur ces prétentions respectives une ins
tance-considérable ; ¡et, après un appointement en droit,
on ne saitrpàr quelle fatalité l’appelant fut condamné
par forclusion , le 2 juillet 1783. Cette sentence ordonne
le partage des biens meubles efe immeubles des succès-
�( 11 )
sions de L é g e r G e n d ra u d , M agdeleine M e r c ie r , et
L aurent Gendraud , auteurs communs. Jean-Baptiste
Granet est condamné , en qualité de père et légitim e
administrateur , à rapporter au partage le m obilier et
les effets de ces successions , suivant l’inventaire ou la
valeur par commune renom m ée; à rapporter également
les jouissances des immeubles , et la valeur des dégrada
tions, avec les intérêts depuis l’ouverture de chaque suc
cession , quoique M arie Gendraud ne fût âgée que de
seize ans à l’ouverture de la dernière, et que Granet ne
soit entré dans la fam ille qu’en 176 3 , vingt-un ans après.
Enfin il est ordonné que Granet sera tenu de faire pro
céder au partage dans le m o is, d’en avancer les frais ;
e t , faute de ce faire , ou en cas d’a p p e l, il est fait pro
vision à M arie de M urât d’une somme de 300 fr,
Granet est condamné en tous les dép en s, et au coût de
la sentence.
L e sieur Granet interjeta appel de cette sentence
au parlement. Les intimés remarquent que , dans les
premières écritures qui furent faites , Granet prétendoit
ne devoir ni m obilier ni jouissances; mais qu’il offroit
le rapport des biens adjugés en 1780 , à la charge d’être
indemnisé de ses irais et faux frais : il concluoit même
au partage de ces im m eubles, lorsqu’une main infidèle
.et amie des p ro cès, d is e n t- ils , avoit bâtonné , tant
dans les griefs que dans la req uête, tout ce qui avoit
rapport à cette offre de partage.
A la v é r it é , on trouve différentes ratures que les
intimés ont cherché à déchiffrer avec affectation, eu
se permettant d’écrire au-dessus les mots qu’ils suppo
saient effacés.
B 2
�( 12 )
IVIais, en admettant qu’il y eût en effet des corrections,
où a-t-on trou vé qu’une partie n’avoit pas le droit de
corriger les erreurs qui pouvoient se trouver dans sa
défense ? O n ne pourroit s’en plaindre qu’autant que
la correction seroit faite après la signification • car jusquelà on est maître de rectifier et de changer sa défense.
O r , la preuve que les corrections, si elles existen t, ont
été faites avant la signification , résulte de ce qu’on ne
trouve point dans les copies ce que les intimés v o u droient trouver dans les ratures ; et fcettê observation
m inutieuse, cette espèce d’inquisition , est sans o b je t,
et ne valoit pas la peine qu’on a prise pour chercher à
deviner ce qui étoit effacé.
Dans tous les ca s, quelles qu’aient été les offres dans
le prin cipe, quelque chose qu’on ait voulu mettre dans
les écritures, il n’y a point eu d’acceptation de la part
des in tim és, et les conclusions de l’appelant ont été
rectifiées les choses étant toujours entières.
Pendant l’instance au p arlem en t, Granet produisit
vin acte du 9 juin 1782 , qu’il avoit passé avec Etienne
Fourn ier et Antoinette de M urât , sœur de M arie
de M u r â t, femme Priignard. O n v o i t , par cet acte,
qu’on ne connoissoit dans la famille aucuns biens pro
venus originairement des Gendraud ; que tout provenoit de l’estoc de M agdeleine M e r c ie r, donataire de
son fr è r e , prêtre.
Étienne Fournier et Antoinette de M urât reconnoissent qü’Antoinette M a llet, veuve de Laurent G endraud,
qui étoit encore vivante lors de cet acte, avoit toujours
i-esté et étoit encore en possession de tout. Ce t o u t ,
•en m obilier comme en immeubles > étoit fort peu de
�( 13 )
chose, sauf la créance contre les M ercie r, m eûniers,
dont Granet et sa femme avoient poursuivi le payement.
L a créance , en principal, intérêts ou frais , se trouvoit
m o n te r, le jour de la transaction, à la somme de
1, 4.56
13^.
Granet , par considération pou r Fournier et sa
le m m e , et à leur égard seulem ent, se restreignoit,
pour toutes ses rep rises, à la somme de 8 5 6 *^ 13^;
savoir : 5eo tf', pour les faux frais des diflerens procès
qu’il avoit soutenus pour le recouvrem ent de cette
‘créance*, 2 4 0 ^ , pour une dette payée à des nommés
Epinard , en l’acquit de la famille -, et 116 ^ 1 3 / , pour
rép a ra tio n , entretien, arrérages, c e n s, frais de nou
velles reconnoissances, et intérêts du tout.
î
Les 1,456 tf" 13 ^ , montant de la créance M e rc ie r,
-se trouvoient donc réduits à 600 ■#*, dont trois sixièmes
faisant moitié devoient revenir à Granet pour sa iille ,
et les autres trois sixièmes appartenoient aux enfarts
d’Antoine de M urât , prem ier du nom ; ce qui faisoit
un sixième pour la femme Fournier , par consé
quent 100
L ’appelant paye cette somme de 100
; au moyen
de quoi Fournier et sa femme donnent m ain-levée de
l’opposition par eux formée aux lettres de ratifi
cation de l’adjudication sur placard. Ils se départent
de toutes prétentions, et ne réservent que leur part
dans les deux cinquièmes du m oulin de Botte , dont
ils pourroient faire faire le partage , tant avec leurs
cohéritiers qu’avec le nommé Lassalas., à q u i G r a n d
■et sa fe m m e avoient vendu (ï cet égard les droits de
.cette dernière ; et., pour le surplus des successions,
�( *4 )
Fournier et sa femme oITrent de se joindre à Granet
pour eri faire ordonner le partage.
D e son c ô té , Granet se réserve toutes ses «réances,.
et celles de sa fille conü’e Antoinette M a lle t, veuve
de Laurent G endraud, et contre la succession d’A n toin e
de M urât , prem ier du nom , mais seulement pour les
portions que devoient supporter les deux cohéritiers
de la femme Fournier
savoir : la femme Prugnard T
in tim ée, et A n to in e de M u r â t, second du n om ,' dont
les intimés disent avoir les droits.
L ’appelant ,, après avoir fait cette prod u ction , régla
ses griefs , et demanda que la sentence fût infirmée T
i ° . en ce qu’elle a voit condamné G r a n e t à l’apporter
le m obilier et les effets des successions suivant l’inven
taire , ou suivant la preuve par commune renom m ée,
attendu qu’il n’avoit perçu aucun m o b ilie r, et que tout
étoit resté entre les mains d’A ntoinette M a lle t , avec
laquelle Granet avoit cessé de cohabiter depuis 1764;
2°. E n ce que G ranet est condamné à rapporter des
jouissances qu’il n?avoit pas perçues , et des dégrada-*
tions qu’il ne pouvoit avoir commises ;
3°. E n ce qu’il est dit que Granet seroit tenu de
-faire procéder au partage dans le mois et à ses frais,
et en ce qu’il étoit condamné en 300 if~ de p ro visio n ,
qu’il avoit en çifet p ayées, et dont il demandoit la
restitution ;
4 0. En ce qu’ il avoit été condamné aux dépens et
au coût et expédition de la sentence.
Il demanda à . être déchargé de ces différentes con
damnations , et consentit à venir à division et partage
de la totalité de la créance dont il avoit p oursuivi
�( 15 3 .
le remboursement su r les M e r c ie r , tant en principal
qiû intérêts ; et ce , suivant la liquidation qui en avoit
•été faite par la transaction de' 1782 , si m ieux les
intimés n’aiinoient suivant celle qui en seroit faite
avec eux ; à la charge par les intimés de lui p ayer,
dans la proportion de leur am endem ent, les frais et
faux frais par lui faits , et ce , tant sur les quittances
qu’ il en rapporterait, que sur sa déclaration pour les
objets non susceptibles d’être établis par des quittances;
comme aussi à la charge, par les in tim és, de lui payer,
dans la même proportion , les créances qui peuvent
lui être dues en principal et intérêts, suivant la liqui
dation en la manière ordinaire. .
L ’appelant conclut encore à ce qu’ il fût autorisé à
retenir par ses mains, sur ce qui reviendrait aux intimés
dans la créance M ercier , le montant de ses créances
personnelles, jusqu’à du<3 concurrence, si tant pouvoit
abonder; et qu’en cas d’ insuffisance , il fût autorisé à
prélever ces créances sur les autres b ien s, tant meubles
qu’ immeubles des successions dont il s’agit.
Les intimés s’ étonnent de ne plus entendre parler ,
dans cette longue procédure , des deux cinquièmes du
m o u l i n B otte; mais on a déjà dit plus haut, et le fait est
étab li, que ce moulin avoit été détruit dès 1739 , qu’il
n’en restoit que l’em placem ent, dont M . de Chabanes
s’étoit emparé. M . de Chabanes l’avoit vendu au nomm é
M (‘g g e , beau-père de Lassalas : ce dernier avoit édifié
sur cet emplacement ; et comme il aurait fallu payer à
Lassalas le montant de ses réparations , la demande en
désistement devenoit sans o b je t, ou eût été onéreuse;
il eût fallu se charger de servir la rente : Granet et sa
�c i5 )
femme aimèrent m ieux céder la portion qui revenoit
à cette dernière , sur un emplacement qui étoit sans
intérêt.
L e traité de 178 2, passé avec F ou rn ier, et produit par
l ’appelant,, apprend aux intimés qu’il avoit vendu à
Lassalas la portion qui pouvoit revenir à sa femme sur
cet emplacement.
Ce procès, devenu si long et si dispendieux, n’a point
reçu de décision au parlement.
L e 25 prairial an 2 , Jean-Baptiste Granet a vendu à
Pierre A u d ig ie r, et avec promesse de garantir yf o u r n ir
et fa ir e v a lo ir , deux prés désignés et confinés en cette
v e n te , et qui avoient été adjugés par la sentence de 1780.
Cette vente est faite moyennant la somme de 1,700
payée com ptant; e t, en o u tre, à la charge par l’acqué
reur de payer, en l ’acquit du vendeur, à Etienne Prugnard
et à M arie de M urât sa fem m e, ee qui reste à payer du
tiers de la créance M e r c ie r, dont Granet est débiteur
envers les in tim és, et qui a donné lieu à la vente judi
ciaire des biens.
Il est ajouté : « E t attendu que pour raison de la
» créan ce, et autres prétentions respectives, il y a con» testa tion entre P ru g n a rd , sa femme et G i’a n et, ce der» nier subroge par ces présentes l’a cq u éreu r, tant à
» l’effet du procès qui en a été la su ite, qu’à tous les
» droits en résultans pour l u i , exceptions et défenses
» par lui opposées, et payement de p r o v is io n déjà p;ir
» lui fait,.sans aucune réaeçve, » E n c o n s é q u e n c e , Granet
a remis à A u d igier partie des pièces et titres dont il étoit
saisi, et a promis, lui remettre le surplus des litres daiis
quinzaine, ù l ’effet par lui A u d igier d’çn reprendre les
poursuites,
�C *7 )
poursuites, et faire prononcer sur le tout ainsi que de
raison.
C ’est cet acte que les intimés se permettent de qualifier
de cession litigieuse. O n ne voit cependant rien dans cette
vente qui puisse blesser la délicatesse d’un officier public. Il
achète un objet certain et déterm iné , avec pleine g a
rantie : le vendeur est tenu de le faire jouir : mais, comme
il avoit une contestation sur le montant de la créance
M e r c ie r , dont le recouvrem ent avoit nécessité la vente
de ces mêmes b ie n s, il est assez naturel que le vendeur
ait chargé son acquéreur de payer ce qui pou voit être
dû ; et comme le montant étoit encore incertain , il falloit bien subroger l’acquéreur à ses droits, pour qu’il pût
faire liquider la créance.
Aussi A u d ig ier est-il intervenu en l’instance, concur
remment avec Granet : et qu’im porte qu’il ait plus ou
moins offert, qu’il ait varié dans ses offres et dans ses
calculs, que Granet en ait fait à son tou r! ces variations
ne peuvent influer sur le sort du p ro cès, ni en changer
la nature : il ne s’agit que d’exam iner si Granet a été
bien fondé dans son ap p el, et principalem ent s’il doit
ou non le rappoi’t des biens qui lui ont été adjuges par
la sentence de 1780. O n vo it bien que c’est là la question
principale , le nœud de toute la cause. Les intimés trouv.eroient fort commode d’enlever à A u d igier les deux
prés qu’il a acquis ; ils devoient bien commencer par
jeter sur lui toute la défaveur d’un çessionnaire de droits
litigieux : et quels efforts n’ont-ils pas faits ensuite , p'our
établir que Granet n’étoit devenu adjudicataire que pour
et au nom de sa fem m e?
O n suivra , dans la discussion des m oyen s, le même
C
�(
1
8
}
ordre et la même marche des in tim és, pour évitei toute
confusion clans une cause déjà trop surchargée d’incidens
et de procédures.
§. I er»
G ranet n 'estp a s tenu de rapporter les héritages adjugés
en 1 7 8 0 ; i l ne doit que le rapport du m ontant de
la créance M ercier.
L es principes sont constans en cette matière : celui qui
achète des deniers d’autrui acquiert pour son compte ,
et non pour le maître des deniei's. T e lle est la disposition
de la loi 6 , au C od e, livre 3 , titre 3 2 , D e rei vindic. : S i
e x câ pecuniâ quam deposueras , is apud quern collocata
j'it é r a i, sibi possessiones co m p a ra vit, ipsique traditœ
s uni ' tib i val omnes tr a d i, v tl quasdam ex /¿is cornpensationis causa ab invito eo in te tra n sferri, injuria sum est.
'
Lorsque le m ari achète avec les deniers dotaux de sa
femme ? il acquiert pour lui et non pour sa fem m e, à
qui il ne doit jamais que la restitution des deniers.
L ’adjudication des im m eubles, faite en justice, ne peut
appartenir qu’à l’adjudicataire ; et enfin le mari n’achète
u xorio n o m in e , que lorsqu’il achète des biens indivis’
des cohéritiers de sa femme.
O u se contente d’énoncer ces p rin cip es, parce qu’ils
ne sont pas contestés par les intimés ; que d’ailleurs ils ont
reçu un plus grand développem ent dans une c o n s u lta tio n
qui a été précédemment donnée en faveur de l’appelant.
Les intimés aussi ne veulent pas faire dépendre la
question du point de d r o it, mais du fait et des circon
stances.
;
r
�(
1 9
)
Ils prétendent que la demande en partage étoit pen
dante depuis quatre ans , lorsque le citoyen Granet fit
siisir les biens M ercier , dit le m eûnier, sur le curateur
à la succession vacante.
.
Mais la demande en partage form ée par Granet lu imeine ne concernoit pas les biens de M ercie r, dit le
m eûnier ; il ne s’agissoit que dé la succession de M agdeleine M ercier etide: L é g er Gendraud. Q u ’à voit à pré
tendre M agdeleine M ercier , femme G en d rau d , sur lés
bienfe de M erciçr., m e û n ie r? des deniers, et rien que
des deniers. Sans doute qu’un des cohéritiers a bien le
droit d’exercer des actions m obilières pour toute la suc
cession ; iljconserve lesiintérêts de to u s, ;et il ne doit
rapporter à la masse q u e c e qui revient à la succession,
les créances qu’il a recouvrées , ou. les objets q u’il a fait
rentrer. Q u’avoit à recouvrer Gi*anet dans les poursuites
auxquelles il s’étoit subrogé ? une créance due à la suc
cession : il ne doit donc rapporter qu’une créance ; il
f a u t, en e ffe t, que tout soit réciproque.
On suppose que G ra n e t, en se rendant adjudicataire
des biens des débiteurs, eût acquis ces objets à trop haut
p r i x , qu’il eût fait une opération ruineuse au lieu d’ôtre
lucrative ;.on demandets’il pourrait forcer ses cohéritiers
à >recevoir les immeubles< par 'lui acquis. C eux-ci n’au
raient-ils pas le droit dé lui»:{lire: V ous avez pris sur
votre compte d’acquérir des biens qui nous seraient' onére u k ; ce n’est point des immeubles que nous avions à
réclamer , mais bien des deniers ; vous n’avez reçu de
noustaucun pouvoir de vous rendre adjudicataire ; nous,
refusons de prendre les biens que vous voulez rapporter,
et .nous nous en tenons aux sommes qui doivent nous
C 2
�(
20
)
revenu-; vo u s, comme adjudicataire, vous êtes devenu
notre débiteur; payez-nous la portion des sommes que
nous avons à réclam er?
Granet p o u rro it-il se refuser à cette demande ? Ne
seroit-il pas tenu de rapporter la créan ce, et de garder
pour son compte les immeubles adjugés ? O n ne peut
pas raisonnablement soutenir le contraire. O r , parce que
Granet s’est rendu adjudicataire en son nom de quelques
im m eubles, devenus précieux par des réparations ou par
la progression survenue dans les b ien s, des cohéritiers,
qui n’ont à demander et à prétendre qu’ une créan ce,
auroient le droit de s’enrichir aux dépens de l’adjudica
ta ire , et de le forcer de rapporter les im m e u b le s qu’il
a acquis ? Cette prétention r é p u g n e à toutes les idées
de justice et d’équité. D e m êm e, dit Despeisses, tome i ,
page 5o o , nombre n , q u’il n’est pas au pouvoir de la
femme de contraindre son m a r i, ou ses h éritiers, de
lui rendre le fonds acheté de ses deniers ; p areillem en t,
il n’est pas au p o u vo ir du m ari de bailler ledit fonds
contre la volonté de sa femme m ê m e .
M ais , disent les in tim és, la sentence de 1767 , qui
ordonnoit le partage du m oulin B o tte , et permettoit de
se mettre en possession des biens M ercier , étoit un
accessoire inséparable dé la demande eh partage. L es
condamnations obtenues étôiént tout à la fois une chose
héréditaire et sous la main de la justice.
/
Les intimés ne veulent donc pas s’apercevoir que
cette mise en possession n’étoit qu’une joüissance pigno
rative , jouissance p réca ire, qui n’est pas lu cra tiv e, et qui
d’ailleurs n’étoit que de simple f a c u l t é , puisque la sen
tence perm ettoit de jouir pîgnorativem ent, si m ieux on
�0 *0
n’airnoit faire saisir et vendre. Ce n’est pas faire sa con
dition m eilleure aux dépeps de .la.!chose comipune ,
ce n’est pas d étournera son p ro fit'l’ciïet d’une sentence
lucrative pour la succession, que de préfei’er la voie de
la vente sur simple placard^, .plutôt que. de se payer à
la longue par des jouissanceç tjont. il faut toujours rendre
compte. ;
^
.. >i; •• !:
0iJ . .
7 ,
Les intimés icrojent répondre/i jtçut,, en d,isanj: quç.paï
la répudiation des etifans. d’-Antqine M qrçier , xiL y âvoit
défaillance de toute ,1a ilignej^.Migheljj^Vlerp^ei’ , meu
n ier , et qu’alors les seuls:¡héritiers Ldu sang étaient les
jGendraud , . descçjadans ,de. ]V^ichel.M ercier a^né, indi
qués ipar la , lo i‘,cpniïïiQi suRceçsih^es/-paij la(Jrèglç ede la
représentation. Quqiqne^cette objection nouvelle^ne soit
pas, expliquée ;Jfort /claiç^ment/jcfles, intimés vpudroient
sans doute faire, entendre que la succession, de M ei’çjer,
le m eû n ier, n’a jamais été vacante , parce que la répu
diation des en fans M e rcie r a voit faij: place à la branche
Gendraud.o .
-j. -*1*
• , ¡j
M a is , d’abord^la,trflr)che,Genf3,raaidn’aiiroit pas voulu
recueillir une sucç<îssiqn obérée ,, qui ne leur étoit point
dévolue , et qu’ils n’ont rpqs i-eclierchée. C ’eût été d’ail
leurs fort ;•inutilem ent j,içarU)^es0;intimés ,, pour faire
échoir céttie succession ;à0lajbran9h^;Gcndraud , ont été
obligés, de soutenir que Jean^M ercier et A n n e Chardon
n’avoient laissé, que deux: enfansr„ Louis et A n to in e :
mais l’appelant établit , avec les titres à la main , qu’ il
est issu plusieurs autres enfans dont^les des,cendans sont
encore vivans. Il prQdüit]notammjent le contrat, de ma
riage de,,M arie M e r ç je r, fille de défunt Jean.jet A n n e
C h ard on , avec A n n et S a rty , en date du
février 1725 ;
�l ’actc de baptcme dé Joséph1 Sarty , fils d’A n n e t et de
ÎVIh'rie MéVcier , d u '28 fé v rie r 1735 ; l’actè de publica
tion d ém êlage! de Piferirë'Sârty /fils d’A hnet et de M arie
M ercier1,1' aVec Jéamië R è ù o ü ît, du i 5 avril 1765 ; l’acte
tte‘ naissance-'de0M arié Sârty^'*fiUe! 4e':Pieri*e et de Jeanne
ïlé n o u x y'dir i 5 janvier 1756 ^laquelle M arie est encore
v iv a n te ; l’acte de publication de mariage d e . Joseph
Sarty /^fils^d’Arïnet'''et ^ ë ^ M â ïiV M ercier ; avfcc M arie
Aùc/iirteciiii, ;du'r7 bciëbi^é-^ôa ; et l’acte de'naissance dé
^ ¿ r ïj^ ^ l^ ë ë '
fèt*àe,:M drie; A ù d a n so ii, du
29 novem bre T^ôG/'ïr^piVklmt., de p lu s , le contrat de
mariage de’ Catherine ^MereiW, avec Pierre-»Mégemont 4
âL. 16 janViei^ ïjtiQ ^l°&'CÎê:)(fe;‘1il hi ssa nc?e'' d’antre ;P ierre
M^égèihdfit’,' iâàÜ d ë !ëc tïiiîiriiigë',''du 27 septembre 172 1 ;
Fàcté 'dé'.iiVarïdge de ¿ë 'Pierrë^a^ec M arie ©escœurs, du
i ^ 1nove,'mbrefi ,y45'
l’acte, tië naissance d'autre Pierre
M é g ’é m bnt?,!' fils r<ïes «préicédënâ ^qui'fest encore existant.
ü ,r(ih'iÿ a;)ainHi?s 'eli ^ ré p u d ia tio n » de la branche'Sarty:
il n’y en a pas eu également de la bi’anche de. Catherine
iitiaViée-1¿>lTl&it'è;Î\iégëmc/nt-, et cfont les des¿ëridaris Sbnt ëticb^eVivansi 'ÎJès' Gendraud dès1lors n’ont
donc jtm ais été successibles’';dë la1 branche M ercier ,
‘ù ikûnivr j l e t cjuc' diévietiîierif àldrs les: argumens des intiHiBs^lorscpi^ls ^ étW h dèn t^ üeA ’appelant a fait vendre
d é s h é r it a is advieiiïïsJ’à' iine'^ùccësisi'ôilicôfnmune, tandis
que'cette suèces^fVn'leur;h tô'ùjôiiï’s été étrangère? 1
r
Bientôt après ils fo:n t ‘figurer rappelant comme protuteur , lüi ’qu'P riya jiihihis<^éré'), et*'¿fui n’a fait que tout
cë q u’tiit cbïierit?ér,a'lë di'oit'dé fa ire , on poursui vantée
pKycmeiit^riine'créancë^lfe'fit il aîttondoit la ;plus-grande
partie. Griiiiët H V rié n détourné ni dénaturé ; jamais-la
�( 23 -}
buccession Gendraud n’a. été ni. pu être propriétaire dps
héritages vendus : cette succession étoit uniquement
créancière de deniers. O n ne, lui fait donc aucun to rt,
en rapportant ces mômes deniers que G ra n e t, par ses
soins , ci conservés , puisqu’il a empêché de prescrire
par ses diligences...
L es intimés reconnoissent le principe , qu’on ne peut
forcer l’acquéreur ù donner communication d’une acqui
sition qu’ il a faite , même avec des deniers communs.
Mais ils en reviennent à dire que c’est au nom de la
succession qu’il poursuivoit la ^vente judiciaire ; qu’il a
conduit la procédure comme protuteur ou au moins
comme negotiorum g esto r’ que ce qu’il s’est fait adjuger
étoit des immeubles de la succession Gendraud , dont il
a pu se mettre en possession , soit à titre d’héritier
soit d’après la sentence de 1767 ; qu’il.en étoit réellem ent
en possession lui-m êm e d’après la sentence de 1 7 7 8 , etc.
O n a déjà vu que Granet ne pouvoit être considéré
comme protuteur , puisqu’Antoinette M a lle t, sa bellem ère, étoit encore vivante lo n g tem p s après l’adjudica
tion -, qu’elle seule a jo u i des biens de Laux*ent G endraud ;
que Granet n’a pas resté un an à sa com pagnie , puis
qu’il s’étoit marié en 1 7 6 3 , et qu’il a quitté sa helle-mère
en 1764.
Antoinette M allet a vécu jusqu’au .16 juin 1787 ; elle
a survécu à deux de scs enfans, et a géré tous les biens
conjointement avec A ntoine M urât.
G ranet n’étoit point negqtiQrum gestor ; il a poursuivi
le payement d’ une créance comme coh éritier, ainsi qu’il
avo it le droit de le faire.' Il ne pouvoit se m ettre en
possession des immeubles <^ui. n’appartenoient pas. à la
�.
( 2 4 } ,
succession Gendraud ; il ne devoit pas , et n’a pas voulu
en jouir pign orativem en t, parce qu’il n’étoit pas tenu de
se constituer comptable de jouissances. Il est faux qu’il
se soit jamais mis en possession en vertu de la sentence
du 10 décembre 1778 , et on défie d’établir qu’il ait
joui d’aucun des biens. Ce n’est donc que sur des allé
gations sans fondement , que les intimés ont bâti leur
plan de défense ; et dès-lors l’autorité de L e p r ê tre , la
disposition de la loi au fF. F a m iliœ ersiscundœ , restent
absolument sans application.
L es intim és, revenant ensuite sur la question de savoir
si le sieur Granet a acquis uxorio n o m in e, voudroient
se prévaloir de l ’acte de prise de possession des objets
ad jugés, où il est dit que Granet prend possession tant
en son nom qu’en qualité de mari.
Cette énonciation , qui paroît singulière au prem ier
coup d’œil , s’explique aisément. D ’aboi’d on voit dans
la déclai’ation du p rocureur, pour son m ie u x , que l’adju
dication étoit faite au nom de Granet seul et exclusive
ment. L es lettres de ratification qui confirment la pro
priété , sont obtenues également en son nom ; l’assigna
tion pour prendre la possession , est aussi donnée à sa
requête et pour lui seul ; et si le notaire , dans la prise
de possession, y a mis le nom de la femme G ra n e t, ce ,,
n’est qu’ une erreur du n o taire, qui a copié les qualités
prises par les parties dans la sentence d’adjudication
qu’il avoit sous les yeux. A u surplus cette énonciation
est absolument indifférente , et n’a pu c h a n g e r la nature
de la possession ni de la propriété. Gx*anet n auroit pu
contraindre sa femme d’accepter ces héritages pour sii
dot ; dès-lors on ne peut pas l’obliger k les rapporter
au partage des biens G e n d r a u d .
�( *5 )
................................................
L e principe invoqué par les intimés , qu'ils font ré
sulter de la loi au fi. F a mil, ersisc. , est absolument
étranger à la cause. Les héritiers ne se doivent de com
munication enti’’eu x , que dans le cas où l’ un d’eux auroit
pris cession ou ti’ansport d’une dette litigieuse , ou auroit
obtenu modération et bénéfice sur des créances passives
de la succession. Ic i, point de transport, point cle inodé-,
ration dans les créances. L a succession Gendraud étoit
créancière et non pas débitrice. T o u t ce qu’et fait G ranet,
relativement à la créance contre les M e rcie r, c’est d’en
poursuivre le recouvrem ent en sa qualité de mari ou
de père d’ un coh éritier, de la faire liquider et payer par
le moyen de la vente judiciaire des.Biens du débiteur.
Il ne s’est pas rendu adjudicataire dans la rajême qualité
qu’il étoit poursuivant; il poursuivoit comme m ari, ou
du moins sa femme sous son autorité. Il s’est rendu
adjudicataire comme tout é tr a n g e r ¿mroit pu le faire :
c’est pour lui personnellem ent, et en son nom propre
et p riv é , que la vente judiciaire a été faite ; et c’est, violer*
ouvertem ent tous les principes, que de vouloir contrain-'
dre Granet à rapporter ces im m eubles à la succession.
Sans doute, lors d’une licitation d’un objet in divis, le
mari ne change pas de qualité loi\squ’ il se rend adjudic a t a i r e . , G o c h i n , à l’endroit cité , n’a fait que rappeler la
doctrine de M . l’avocat général B ig n o n , lors. de l’arrêt,
du 22 décembre 1639 , rapporté par Bardet. Il s’agissoit,
dans l’espèce de cet, arrêt , d e là licitation d’une maison
indivise erçtre la fen^me et ses cohéritiers ; et l’arret
décida que.Je, nii\p .^dj^dicatairç avoit acquis au,nom de
sa femme. Mais ici l’objet n’étoit pas indivis entre les
coliéritiers.j^il- étoit étranger à la succession ; par consé-'
D
1
�(26) '
quelli Granet n’a pu acquérir ni pour ses cohéritiers ,
ni pour sa femme , et doit seul en profiter.
Cette question principale une fois résolu e, le reste ne
présente pas un grand intérêt. Les intimés divisent le surplus
de leurs défenses en plusieurs propositions. Ils examinent
quels x*apports devroit le citoyen Granet , hors les
biens fonds des M e r c ie r , pour en tenir lieu : c’est là
le u r seconde proposition ; elle n’est pas trop intelligible.
Ils prétendent que Granet oiTroit le p rix de l’adjudi
cation en 1784, puis la créance M ercier en 1785; mais qu’il
a tout revu et corrigé en Tan 11. Ils reprochent à A u d igier
les mêmes variations. A cet égai’d , il ne peut y avoir de
difficultés sur ce point. L e montant de la cré a n ce est la
seule chose dont Granet doive le r a p p o r t ; cette créance
est liquidée par le traité de 1782 avec Etienne Fournier.
Laurent Gendraud , à qui revenoit la totalité de la
créan ce, a eu trois en fan s, dont l’une est l’épouse de
Jean - Baptiste Granet ; l’autre est Jacqueline , m ère
des intimés ; et la troisième est C ath erin e, femme à
M ich el Labonne.
L a succession de Laurent Gendraud étant ouverte
ab in testa t, il est clair qu’il revient un tiers de la
créance à chacune de ses filles.
Jacquelin e, m ère des intim és, ayant laissé trois enfans,
le tiers qui lui revenoit fait un neuvièm e pour chacun
d’eux. L ’u n e, femme F o u rn ie r, a vendu ses droits à
l’appelant; l’a u tre, A n to in e , a vendu ses droits à la
femme Prugnard : il revient donc à M arie , femme
Prugnard , deux neuvièmes de cette créance ; et c’est
ù quoi se bornent tous ses droits.
M ais les intimés reviennent alors sur leur question
�C 27 )
de protutelle. Ils disent que Granet est p ro tu teu r,
puisqu’il étoit majeur au décès du père de la femme
Prugnard. Mais Antoinette M allet, sa grand’mère , a vécu
jusqu’en 1 7 8 7 ; elle est m orte en possession de tous les
biens Gendraud : Granet ne pouvoit donc être protuteur.
S’il n’etoit pas p ro tu teu r, disent les in tim es, il étoit
au moins negotiorum gestor : pas plus l’un que l’autre;
il n’étoit qu’un co h é ritie r, qui a exercé une action de la
succession. D è s-lo rs cessent toutes les objections des
intimés. Pourquoi Granet n’a-t-il pas obtenu la con
damnation des arrérages jusqu’en 1 7 6 7 ? Pourquoi ne
les a - t - i l pas demandés en 17 8 0 ? Il est mandataire
infidèle ; il est tenu de la faute légère , etc.
G ra n e t, n’étant point mandataire de ses cohéritiers,
n’est responsable en aucune m anière de ces arrérages.
O n a déjà dit que depuis la m ort de Jean M e r c ie r,
cette famille n’avoit plus joui du m oulin de Botte ;
que ce moulin u’existoit plus lorsque la demande en
partage a été fo rm ée, il avoit été détruit depuis 1739:
d è s-lo rs il n’avoit point de jouissances postérieures à
réclamer.
La demande en p artage, form ée contre M . de Cliaban es, n’étoit pas l’exercice des droits successifs des
M ercier. Granet poursuivoit la vente des immeubles
comme créancier. Mais M . de Chabanes avoit acquis
la portion de Louis M ercie r, qui étoit un sixièm e,
et qu’il devoit retenir : il falloit donç bien faire faire
le partage avant de pouvoir procéder à l’adjudication.
A u surplus , et quoiqu’il soit bien évident que sur
cet objet l’appelant ne doive autre chose que le rap
port de la créance ,
pour éviter toutes
difficultés
D 2
�C*8)
Granet et A u d igier , chacun en ce qui les concerne,
'offriront de rapporter au partage , i° . les 1,200 ti', p rix
de son adjudication, 'avec, l’intérêt depuis la ven te;
2°. la somme de 856
qu’il a touchée de M . de Chahanes,
avec l’intérêt depuis le payem ent, mais sous la répé
tition de la somme de 7 6 4 ^ de frais et faux frais
p a r 'lu i faits', ainsi que des frais de vente par criées,
qui ne sont pas â la charge de l ’adjudicataire, si m ieux
les intimés n’aiment s’en tenir au montant de la créan ce,
ainsi qu’elle a été liquidée par le traité de 1782 , ou
la faire liquider par les experts qui procéderont au
partage.
* 1! .
:
>
■ 1
Mais il est ridicule de demander le rapport fictif des
deux cinquièmes du m oulin , parce que ce m oulin
ayant péri par force m ajeure, les deux cinquièmes ont
dû périr pour la succession.
' M ais les immeubles qu’il a acquis ne doivent point
êti’e hypothéqués !au fpayement des jouissances de ce
même, moulin , puisqu’il ne les a perçues ni pu per
cevoir dès qu’il a été détruit.
. . . . . .
.
§, u i .
,
■
Q u i doit Je rapport du m obilier et des jou issa n ces?
Quant au m obilier, il est reconnu, par le traité de 1782
avec Fournier , qu’après la m ort de Laurent G e n d r a u d ,
Antoinette M a lle t, sa veuve , resta en possession de
tous les biens, tant meubles qu’im m eubles, délaissés
par lui et par ses père e t.m è re , et que ces biensétoient
de très-peü de valeur ; il est e n c o r e m ieux é ta b li, par
les faits, que M arie G en d rau d , femme G ran et, n’avoit
pu disposer de ce m o b ilie r, puisqu’elle n’avoit que
�(
29 )
6 ans lors de l’ouverture, de la ' succession de L éger
Geudraud. Et certes ,• s’il y avoit eu de quoi fournir à
la nourriture et à l’entretien des enfans M a lle t, M arie
Granet n’auroit pas été dans la nécessité de se mettre
en service dans les villes voisines. *Le détail du m obi
lie r , qu’ ont donné les intim és, et qui ne tend qu’à
prouver sa m odicité , consiste en une ju m e n t, treize ou
quatorze brebis , une petite boutique de mercerie. Tous
ces objets devoient appartenir ù François Broquin ,
second mari d’Antoinette M allet ; et il est ridicule de
prétendre que Granet a : em porté à Esbreul cette
boutique de .mercerie. Il avoit quitté la maison de sa
belle-mère en 1764 ; et on sait qu’il n’a fait aucune
espèce de commerce à E sb re u l, où. il fut habiter pour
l’exercice de son nouvel emploi.
A l’égard des jouissances des immeubles , Prugnarcl
eu doit seul le rapport. Il doit notamment rapporter
les jouissances des deux terres qu’il a obtenues de la
commune de R o ch efo rt, depuis 17 8 9 , puisque c’est à
cette époque qu’il a fait prononcer le désistement : la
sentence est produite au procès. Il doit aussi les jouis
sances de la maison qu’il a vendue en 1790.
Pru^nard voudroit-il être le negotiorurn gestor de
la succession, pour avoir obtenu ce désistement ? Il
a bien agi comme le citoyen Granet ; il s’est bien
permis d’exercer seul une action de la succession; il a
bien vendu la maison qui en dépendoit : il a donc fait
plus que Granet ; et tous les arguinens qu’ il a fait valoir
se rétorquent avec avantage contre l u i , puisqu’il a luiï
mêine géré et administré des biens communs et indivis.
A l ’ égard des jouissances réclamées sur l’héritage dont
�C 30 )
le désistement avoit été demandé par Granet et Giraud ,
Granet met
fait que l’héritage ne provenoit ni des
M e r c ie r, ni des Gendraud ; c’étoit un terrein in c u lte ,
appartenant à M . de Chabanes . et dépendant de son
m o u l i n de Chim aine. La nation a fait vendre ce terrein
comme propriété de M . de Chabanes, ém igré.
§.
iv .
Prelèvem ent réclam é par les sieurs G ranet et A u d ig ier.
O n a fait un article séparé de cet o b jet, qui ne valoit
pas trop la peine d’une discussion. Les intimés contestent
les faux frais em ployés dans les poursuites des procès. Ils
trouvent bizarre que Granet veuille être payé pour des
affaires dont il ne veut pas com m uniquer le bénéfice ;
ils offrent cependant de contribuer au payement de ces
fr a is , si Granet rapporte les immeubles adjugés : mais
c’est toujours revenir par le m ême chemin. G ra n e t,
comme adjudicataire, est étranger à la succession; comme
poursuivant le recouvrem ent d’une créance com m une,
ses cohéritiers ne peuvent partager le produit de ses
poursuites qu’en lui rem boursant, dans la proportion
de leur amendement, les frais et faux frais qu’il a été
obligé de faire pour y parvenir.
A l’égard des autres prélèvem ens, comme la créance
Epinard , les réparations qu’il a faites à la maison , il
établit le p ayem en t, et rapporte le devis : il n’y a donc
pas de difficulté. Les intimés allouent le prélèvem ent de
la provision de 3 0 0 ^ , la créance de 1 2 0 ^ payée à
Joseph G iron ; et à l ’égard de la dette payée à B a ttu t,
c’est aux intimés à établir que cette dette étoit person
nelle à la femme Granet.
�C 31 )
§. v.
F orm e du partage.
Il n’y a difficulté pour les objets qui doivent composer
la masse de la succession, par rapport aux im m eubles,
que quant aux héritages portés par la sentence d’adjudi
cation , du 3 ° août 1780. O n a établi que ces héritages
ne devoient pas faire partie de la succession. R elative
ment au m o b ilie r, on a également établi que Granet ne
devoit aucun rapport à cet égard : mais pour la form e
du partage, on adopte le mode de division proposé par
les intimés.
Sur la portion attribuée à la branche J a cq u e lin e, les
intimés y prennent deux p ortio n s, l’une de leur ch e f,
l’autre comme cédalaires d’A ntoine M urât ; la troisième
revient à G ranet, comme cédataire de la femme Fournier,
§.
V I
ET
DERNIER,
Q u i doit les dépens ?
Il est in o u ï, en matière de partage, qu’on condamne
un cohéritier aux dépens , lo r s q u e c’est lui surtout qui
provoque ce partage. Ces dépens sont toujours employés
en frais de partage , pour être supportés par chaque
cohéritier, dans la proportion de son amendement. L a
sénéchaussée avoit donc mal jugé en condamnant G ra n e t,
aux dépens; pu isque, loin de contester le p artage, il
l’a voit lui-mêm e provoqué. Les prétentions exagérées
des intimés le forcèrent à interjeter appel ; et il y étoit
fo n d é , soit pour se dispenser du rapport des héritagesadjugés 7 soit pour se dispenser d’un rapport de mobilier
�C 32 )
qu’il n’a jamais eu en sa puissance , et d’un rapport de
jouissances qu’il n’avoit jamais perçues.
L e tiers qui est intervenu dans la cause n’a eu d’autre
objet que de simplifier la contestation , en payant le mon
tant d’une créance qui faisoit partie du p rix de son
acquisition.
Ce n’est point une cession de droits litigieux que s’est
fait consentir A u d ig ie r , c’est l’acquisition d’immeubles
certains, avec -pleine et entière garantie. L a l o i , loin
de réprouver ces sortes de m utations, veut au contraire
les faciliter. O n pourroit même aller jusqu’à soutenir, en
point de d ro it, que quand il seroit vrai que Granet avoit
acquis uxorio nom ine , il n’auroit pas m o in s v e n d u vala
blement. Les intimés a u r o ie n t dû aussi épargner ces vaines
déclamations contre un officier public , qui a toujours
m érité la confiance dans l’exercice de sa profession, et
dont la délicatesse ne lui auroit pas permis d’acheter des
droits litigieux , dont la vente est surtout rigoureusement
prohibée à ceux qui exercent sa p rofession. Toutes les
considérations d’é q u ité , comme les m o y e n s de d ro it, se
réunissent en faveur de Granet et d’A u d igier , tandis
que les procédés des intimés dégénèrent en vexations.
M . M A N D E T , rapporteur.
P ar conseil, P A G E S (d e R io m ), ancien avocat,
D E V È Z E et V A Z E I L L E , avoués.
A R I O M , de l’imprimerie de L A N D R IO T , seul imprimeur de.
la C our d ’appel, — A n 12,
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Granet, Jean-Baptiste. An 12]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandet
Pagès
Devèze
Vazeille
Subject
The topic of the resource
successions
partage
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Jean-Baptiste Granet, appelant ; et Pierre Audigier, notaire public, demandeur en intervention ; contre Etienne Prugnard et Marie de Murat sa femme, intimés et défendeurs.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 12
1659-An 12
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0732
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0731
BCU_Factums_M0238
BCU_Factums_M0239
BCU_Factums_G1405
BCU_Factums_G1406
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Rochefort-Montagne (63305)
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-
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3f6724d8dfd3525f6b9b75295ec520c7
PDF Text
Text
CONSULTATIONS.
�CONSULTATIONS.
L
e
c o n se il s o u s s ig n é
, qui a pris lecture
du mémoire consulter pour le citoyen Pierre A u d ig ie r,
notaire public, habitant de la commune de R ochefort,
Contre Etienne Prugnard , et Marie Demurat ? sa
fe m m e ,
E s t i m e que le citoyen Audigier doit seulement res
tituer les deniers dont Granet est débiteur envers les héri
tiers de sa femme, conformément à son contrat de vente;
et que la propriété des immeubles adjugés par sentence
du 3 1 août 178 0 , appartient incontestablement au citoyen
Audigier , subrogé aux droits de Granet.
Quel seroit donc le prétexte d’Étienne Prugnard, et
de Marie Demurat, sa femme, pour faire rapporter ces
héritages à la succession de Laurent Gendraud ? Seroit-ce
parce qu’ils voudraient prétendre que l’adjudication a été
A 2
�( 4)
faite avec les deniers dotaux de Marie Gendi’aud ? Mais
on sait que l’acquisition, faite par le mari avec les deniers
dotaux de la femme, n’est pas dotale à la femme, et
qu’elle ne peut réclamer que les deniers.
Seroit-ce parce que la créance qui a conduit à l’adju
dication étoit une créance commune aux héritiers de
Je a n Gendraud, père de Marie , femme Granet ? Mais
l’adjudication a été faite à Jean-Baptiste Granet, en son
nom et pour lui. L e mari n’achète uxorio nom ine , qu’au
tant qu'il acquiert une portion indivise dans les biens
de sa fem m e, ou par la voie de la licitation, ou à titre
de cession. I c i, il n’y a d’indivis que des deniers ; le m ari,
qui a acheté avec ces deniers, ne doit autre chose que
la restitution des deniers. E n fin , le mari a vendu ces
memes immeubles qui lui avoient été adjugés; et, quand
il auroit acquis uxorio nom ine , il auroit toujours eu la
faculté d’aliéner.
L a prétention d’Etienne Prugnard et de Marie Demurat est donc une véritable chimère. On va le démon
trer , en rappelant quelques principes de la matière, et
en analisant succinctement les faits qui donnent lieu à la
question.
Il paroît que Laurent Gendraud avoit trois filles : Marie
Gendraud, mariée à Jean-Baptiste Granet, représentée
aujourd’ hui par le citoyen A u d igier; Jacqueline Gen
drau d, femme D em u rat, d’où est issue Marie Dem urat,
épouse d’ Etienne P ru g n ard \ et Catherine Gendraud, ma
riée à Michel Labonne.
La succession de Laurent Gendraud étoit créancière
d'Antoine Mercier. Ce dernier mourut sans avoir payé
�. ( 5 ?
les sommes dont il étoit débiteur ; et sa succession fut
répudiée. Jcan-Baptiste Granet fit liquider et adjuger la
créance due à la succession de Laurent Gendraud, contre
le curateur à la succession répudiée d’Antoine M ercier;
il en poursuivit le recouvrement , et fut obligé de passer
la saisie et vente des biens de la succession débitrice.
L e 3 1 août 17 8 0 , sentence de la ci-devant sénéchaussée
d A u v erg n e, qui fait étrousse et adjudication des immeu
bles saisis, à M. A ch on , procureur, pour lui ou son m ieux,
moyennant la somme de 1.200 francs. L e même jour de
la sentence d’adjudication, Achon fait sa déclaration de
m ieux, au profit de Jean-Baptiste G ra n e t, en son nom.
Granet notifia la sentence d’adjudication , toujours eji
son nom ; la déposa au bureau des hypothèques, et obtint
personnellement des lettres de ratification.
L e i 5 septembre 17 8 0 , Marie Gendraud, et Granet,
son mari , formèrent contre Marie De mura t , fille de
Jacqueline Gendraud, la demande en partage des biens
de Laurent Gendraud, père et aïeul commun ; et ceux-ci
imaginèrent de demander le rapport au partage, des biens
vendus sur le curateur à l’hoirie M ercier, et adjugés à
Granet.
Granet soutint qu’il n’étoit pas tenu à ce rapport; qu’il
ne devoit autre chose à ses cohéritiers que le prix de son
adjudication. Il y eut même erreur en ce poin t, parce
que la créance due à la succession de Gendraud étoit infé
rieure au prix de l’adjudication ; et il ne devoit que le
rapport du montant de la créance.
Les choses ont resté en cet état : m ais, le 25 prairial
an 2 Granet a vendu au citoyen Audigier les héritages
A
3
�( 63
qui lui avoient été adjugés, provenans de l’hoirie M er
cier. Cette vente a été faite moyennant la somme de 1,700 f.
et, en outre , « A la cliai’ge par l’acquéreur, de payer en
« l’acquit du vendeur, à Etienne Prugnard et à Marie
« D e m u r a t , sa femme, ce qui restoit dû du tiers seule« m ent de la créance dont Granet est débiteur envers
« les ci-dessus dénommés , et qui a donné lieu à la vente
« judiciaire des biens. Et attendu, est-il d it, qu’il y a
« contestation pour x’aison de cette créance et autres pré« tentions, Granet subroge Audigier , tant à l’effet du
« procès, qu’à tous les droits en résultant pour lui. Audi« gier est chargé d’en reprendre les poursuites, et de faire
« prononcer sur le tout. »
C ’est Marie Demurat et Prugnard qui ont repris les
poursuites. Audigier est intervenu , et a offert,ainsi que
l’avoit fait G ran et, de rapporter 1,200 francs, prix de
l’adjudication des biens Mercier. Mais Prugnard et sa
femme ont refusé ces offres; et, comme Marie Gendraud,
femme Granet, et Françoise Granet, sa fille, sont décé
dées; que Marie D e m u ra t leur a succédé; elle insiste sur
le désistement des immeubles adjugés à Granet.
Il s’agit de prouver que cette prétention est sans fon
dement.
On établira, i°. Que l’acquisition, faite p a rle mari
avec des deniers dotaux, n’est pas dotale à la fem m e, et
qu’elle ne peut réclamer que les deniers ; 20. que l’ad
judication étant faite en justice appartient au mari seul ;
3 0. que le mari, dans l’espèce, ne peut avoir acquis uxorio
nominc.
�( 7 ')
PREMIÈRE
PROPOSITION.
Il est de principe généralement reconnu , que celui qui
achète des deniers d’autrui, acquiert pour son compte, et
non pour le maître des deniers. F a b e v , sur le code ,
livre I V , titre S i quis alteri vel sib i, def. X , dit même
que quoique la chose achetée ait été livrée à celui qui a
fourni les deniers , il n’en est pas moins tenu de rendre
tous les fruits qu’il a perçus, à l’acquéreur. Mazuer, au
titre D e vendit, nomb. 23 et 3 8 , enseigne également que
la chose achetée appartient ù celui au nom duquel l’acqui
sition a été faite, et non à celui qui a fourni les deniers de
la vente. Telle est la disposition de la loi S i ea pecunia , V I,
au code D e rei vendit.
P ar une suite de ce principe, lorsque le mari achète
avec les deniers dotaux de sa femme, il acquiert pour lui,
et non pour sa femme, à qui il n’est jamais dû que la resti
tution des deniers. C’est ce qu’enseigne Bacquet, traité des
droits de justice, tome I er. chap. 2 1 , n°. 302 et suivans,
et M. d’Aguesseau dans ses plaidoyers, tome 2 , page 643,
Despeisses, tome
page 5oo,nom b. 1 1 , s’exprime ainsi :
a Lorsque la dot a été constituée en deniers, bien que
« desdits deniers le mari en ait acheté un fonds, néan« moins elle doit etre rendue en deniers. Il n’est pas au
« pouvoir de la femme de contraindre son mari ou ses
« héritiers de lui rendre le fonds acheté de ses deniers,
« puisqu’il n’est pas dotal. Pareillement, continue De>« peisses, il n'est pas au pouvoir du mari de bailler
« ledit fonds, contre la volonté de sa femme même.
�«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
«
«
( 8 )
Bien que par le même contrat de mariage, par lequel
la constitution de dota été faite en deniers, il soit dit
qu’en payement des deniers constitués, le mari a pris du
père de sa femme certains fonds évalués à la somme
constituée; néanmoins le mari ou ses héritiers, après la
dissolution du mariage, ne sont pas recevables à vouloir
contraindre la femme à reprendre ledit fonds : mais ils
sont tenus de lui bailler lesdits deniers, ainsi que cela a
été jugé par un arrêt du 30 mars 1635. Toujours la
même raison demeure, que les deniers ont été constitués
en dot, et non pas un fonds : et si le mari a voulu prendre
en payement un fonds, il doit imputer cela à sa facilité,
qui ne doit pas être préjudiciable à sa femme. »
D ’après ces différentes autorités, qui sont encore dans
la raison, Marie Demurat et son mari ne peuvent réclamer
les immeubles adjugés à G ran et, quand bien même ils
auroient été acquis avec les deniers dotaux de la femme
Granet, puisque Granet a aclieté pour lui et en son nom ;
qu’il ne pourroit contraindre sa femme ou scs héritiers à
prendre ce fonds en payem en t. Il est donc juste alors qu'il
soit autorisé à conserver celte propriété.
On ne peut pas même dire, dans l'espèce particulière,
que Granet a employé exclusivement les deniers dotaux
de sa femme à cette acquisition. L a créance duc à l’hoirie
Mercier appartenoit à la succession Gendraud; la femme
Granet n’en amendoit qu’une portion; le prix de 1 adjudi
cation excède le montant de la créance : dès lors Granet a
employé à l’acquisition partie des deniers dotaux, partie
des deniers d’autrui, et partie des siens propres; ce qui est
une raison de plus pour que les immeubles adjugés lui
�(
9)
appartiennent, et qu’il ne soit pas tenu de les rapporter
au partage, ou de les restituer aux héritiers de sa femme. Il
ne doit autre chose que les deniers; sous ce point de v u e ,
la prétention de Marie Demurat et de son mari est donc
inadmissible.
SECONDE
PROPOSITION.
L ’adjudication des immeubles, ayant été faite en justice,
ne peut appartenir qu’à l’adjudicataire.
S’il n’a jamais été interdit au mari d’acheter pour lui avec
les deniers dotaux de sa femme, on doit, à plus forte
raison, regarder une adjudication judiciaire comme propre
au mari. On sait qu’il est interdit aux tuteurs et curateurs
d acquérir les biens de ceux dont ils ont l’administration.
Telle est la disposition de la loi In emptiojie, IV , §. Tutor
itli. au ff. D e contrahenda empt. S’il en étoit autrement, il
y auroit à craindre que bientôt les pupilles seroient op
primés par leurs tuteurs, qui s’empareroient, à vil p r i x ,
de tons les biens de leurs mineurs. Cependant si les biens
des mineurs se vendent en justice et aux enchères, alors le
tuteur peut s’en rendre adjudicataire, parce que, dans ce
cas, tout soupçon de fraude cesse, et qu’il est utile aux
pupilles qu’il y ait plusieurs enchérisseurs. C ’est ce qui
a élé jugé par un arrêt du 12 janvier 16 2 0 , rapporté par
T r o n ç3o n ,y sur Paris,* titre X V I , des criées, article C G G L IX .
O r, si le tuteur peut se rendre adjudicataire, en justice,
des biens de scs mineurs , à plus forte raison le mari, dont
l ’administration n’est pas aussi rigoureuse. Et ici le mari
ne s’est pas même rendu adjudicataire d’un bien apparie-
�( IO )
nant à sa fem m e, mais seulement de quelques immeubles
affectés et hypothéqués à une créance indivise entre sa
femme et ses cohéritiers. Il est donc personnellement adju
dicataire et propriétaire incoinmutable des immeubles
adjugés, sans autre charge que d’être tenu de rendre
compte de la créance, soit à sa femme, soit à scs cohéritiers.
TROISIÈME
PROPOSITION.
L e mari n’a pas acquis uxorio nom ine .
On dit communément au palais , et 011 tient comme
vérité certaine, que le mari qui achète une portion de biens
indivise avec sa femme, acquiert uxorio nom m e , cest-àd ir e , pour le compte de sa femme , et qu’il ne peut
réclamer autre chose que les deniers qu’il a fournis, pour
l’acquisition. Quoique personne ne semble douter de ce
principe, lorsqu’on veut remonter à la source, on trouve
un très-pelit nombre d’autorités pour l’appuyer. On p eu t,
à la vérité, l’induire de la disposition de la loi unique, au
code Tie rei uxoriœ actione , qui, expliquant tous les cas
de restitution de dot, semble dire qu'un fonds commua
entre la femme et un autre, ayant été licité et adjugé au
m a r i, celui-ci est obligé de le restituer tout entier à sa
femme. Dumoulin, tome I er. titre I ur. des fiefs, page 3 0 3 ,
glose ï ere. nombre 48, examine si le retrait féodal, exercé
par le mari à cause de sa femme, est un conquèt de commu
nauté, ou s’il doit appartenir i\ la femme. Il décide qu’il
appartient exclusivement à la femme.
nota , quod
j'eu d w n ^ u re et ¡ío test a te fc od a l i à viro retentuw, 7ion cenaîtitr inter conqueslus vel acquestus , ncc ejjficitur com-
�( 11 )
mune inter conjuges , sed proprium solius uxoris à
cujus propriis dependet. Quoniam v i retractus feodalis
unitur et incorporatur m en sœ fiu d i dominantis , nec in
eo habel maritus n isi usumfructam et adm inistrationem, sicut in rehquis propriis uxoris. Tamen soluto
mcitrimonio media p a rsp retii est legalium impensarum
solutarwn à marito , debent ipsi vel cjus hceredibus
restitui.
Il résulte de cette autorité, que lorsque la femme est
propriétaire du fief dominant, et que le mari exerce le
retrait féodal, ce qu’il a acquis par la voie de ce retrait
appartient à la femme et non à lui, et que le mari ou ses
héritiers ne peuvent réclamer que la moitié du prix dans
le pays de communauté.
C’est en raisonnant par analogie, et d’après cette opinion,
qu’on a introduit dans notre droit la maxime que le m ari,
qui achetoit une portion indivise dans les biens de sa
femme , acquéroit pour la femme et non pour lui. C’est
ainsi que l’a expliqué M r. l’avocat général Bignon, lors
d’un arrêt du 22 décembre 16 3 9 , rapporté dans Bardet,
tome 2. Dans l’espèce de cet arrêt, une femme étoit pro
priétaire du quart d’ une maison située à Paris. L e mari
avoit acquis les autres trois quarts à titre de licitation et de
cession. Après la mort de la mère, le fils exerça le retrait
des trois quarts acquis par son père. L e père soutenoit avoir
agi pour lui, et prétendoit d’ailleurs que le fils étoit non
recevable à exercer le retrait, parce que le délai en étoit
expiré. Mais, sans examiner ce point, M r. l’avocat général
établit qu’un fonds commun entre la femme et un autre,
ayant été licité et vendu au m ari, il étoit obligé de le resti-
�( 12 )
lucr tout entier à sa femme. Cette maxime, ajoute-t-il, fit
dii-e autrefois à un empereur quel’on sollicitoit de répudier
sa femme dont il tenoit l’empire : S i diniittamus u xorem ,
reddamus et imperium. En conséquence la maison fut
adjugée en entier au fils.
M ais, en partant de ce principe, on voit cjue le mari
n’achète pour sa fem m e, qu’autant qu’il acquiert une por
tion indivise avec les cohéritiers, parla voie de la licitation
ou autrement. Ici les immeubles adjugés ne proviennent
pas de la femme ni d’une succession indivise; ce sont des
immeubles étrangers à la succession. Granet n’a fait autre
chose que poui’suivre le recouvrement d’une créance com
mune, Pour y parvenir , il s’est vu obligé de faire saisir et
vendre les biens du débiteur ; il s’en est rendu adjudicataire
personnellement ; il a fait, en cela, le bien de la succession ,
en faisant rentrer la créance; il a rempli son objet; mais il
n’est pas tenu de rendre l’immeuble qu’il a acquis. Il n’est
ici qu'un acquéreur étranger; il n’a fait que ce que tout
autre enchérisseur auroit pu faire : et comme on ne pourroi t pas demander à un enchérisseur étranger la restitution
des immeubles adjugés, de même 011 ne peut les demander
au mari q u i, en ce point, est étranger à la succession de sa
femme.
On ne peut pas étendre une maxime rigoureuse. Pour
que le mari acquière uxorio nom ine , il faut lui en sup
poser l’ intention ou la nécessité. Celte intention ou cette
nécessité ne peut se présumer que lo rsq u ’il s’agit d’un
bien indivis entre sa femme ou ses cohéritiers. Aucune
de ces circonstances ne se rencontre dans l'espèce particu
lière: point d’indivision d’immeubles, inlenlion bien ma-
�( 1 3 )
nifestée par le mari d’acquérir pour lu i, adjudication en
son nom personnel ; signification, dépôt, obtention de
lettres de ratification, toujours en son nom personnel :
donc il n’a acquis que pour lu i, et non pour sa femme.
Il a donc pu transmettre cette propriété à un tiers, puis
qu’il n’a achete que pour lui. Eût - il acquis uxorio nomine , il eût môme été le maître de vendre. D ès-lors,
le citoyen Audigier, subrogé aux droits de Granet, n’a
rien à redouter de la demande de Marie Demurat et son
mari : leur prétention est exagérée, et contraire à tous
les principes du droit.
Délibéré par les anciens jurisconsultes soussignés, à
Riom, le 25 ventôse an n .
PAGES.
ANDRAUD.
L E S O U S S IG N É , qui a vu la consultation ci-dessus,
et des autres parts, EST ABSOLUMENT DU MÊME A v i s ,
et par les mêmes raisons.
L a demande formée par la femme P rugnard, est d’au
tant plus déplacée, qu’en supposant qu’il eût acheté les
immeubles dont il s’ag it, uxorio n o m in e , ce qui n’est
Pas, il n’y a pas de sens de prétendre qu’il a acheté pour
sa belle-sœur.
D élib éré à Clermont-Ferrand , le I er. germ inal an n .
B
0
IR
0
T.
�C *4 )
L E J U R I S C O N S U L T E A N C IE N , S O U S S I G N É ,
e s t d u MÊME A v i s , et par les mêmes raisons.
L a i ere. section du tribunal civil de Riom , présidée
par le citoyen Bonarm e, a poussé plus loin la rigueur des
principes en cette matière ; car elle a jugé en principe,
en messidor au 4 , ainsi que l’a rapporté le défenseur
officieux de l’une des parties, que le mari qui achetait
des biens indivis avec sa fem m e, n’acquéfoit pas uxorio
nom ine, à moins que l’acte ne le portât expressément,
mais bien pour son compte personnel. On auroit de la
peine à adopter cette ju risp ru d en ce qui est contraire aux
principes; m a i s , dans l’espèce des parties, il ne peut y
avoir de doute que l’adjudication dont il s’agit ne doive
profiter à l’adjudicataire.
Délibéré à Clermont-Ferrand, le I er. germinal an 1 1 .
D A R TIS-M A R CILLAT.
L E J U R I S C O N S U L T E S O U S S IG N É e s t d u m ê m e
A V IS , par les mêmes raisons ; et il ne voit pas com
ment il seroit possible de dire rien de raisonnable pour
l’opinion contraire.
Délibéré a Clermont-Ferrand, le 4 germinal an n BERG IER.
�( i5 )
L E C O N S E IL S O U S S IG N É , en adoptant les principes
ci-dessus développés, n’y ajoutera qu’une réilexion. A u
moment de la mort de Laurent Gendraud, père commun
de la mère de la femme Prugnard et de la femme Granet,
il n’existoit dans sa succession, outre ses biens immeubiesj qu’une créance de 1,200 fr. due par Mercier.
En se mariant, les filles de Gendraud se sont consti
tué cette créance. Il n’y a donc jamais eu que cette somme
qui fût dotale. Les poursuites, et l’adjudication pronon
cée au profit de Granet, n’ont pu avoir la force d’im
primer le caractère de dotalité i\ des immeubles acquis
par G ranet, en son nom personnel ; pour opérer la dotaü t é , il auroit fallu, ou que les immeubles eussent fait
Partie de la succession du père commun , ou qu’ils eussent
été acquis en remplacement d’un fonds dotal aliéné.
O r , dans l'espèce, les immeubles ne proviennent ni
de la succession de Laurent Gendraud, ni ne servent au
remplacement d’un fonds dotal aliéné.
Que doit Granet, adjudicataire? le rajiport du prix de
l’héritage affecté à cette créance. En supposant qu’il se fût
trouvé plusieurs créanciers hypothécaires, et que quel
ques-uns eussent primé les héritières de Laurent Gendraud,
dira-t-on que l’adjudicataire auroit dû le rapport du prix
aux créanciers premiers en hypothéqué; et qu a 1 égard
des filles Gendraud, il étoit tenu au rapport de la chose.
Son sort ne sauroit s’aggraver par la qualité de mari; e t,
�( 16 )
dans tous les cas, il ne doit, comme tout autre adju
dicataire , que le prix devenu le gage de cette créance.
Délibéré à Clerm ont-Ferrand, le
5
germinal an 1 1 .
MAUGUE,
A. R I O M ; de ¡’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel. — A n 1 1 .
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Audigier, Pierre. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Andraud
Pagès
Boirot
Dartis-Marcillat
Bergier
Maugue
Subject
The topic of the resource
successions
créances
immeubles acquis uxorio nomine
Description
An account of the resource
Consultations. [Citoyen Pierre Audigier, notaire public, habitant de la commune de Rochefort, contre Étienne Prugnard, et Marie Demurat, sa femme]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1780-An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0731
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0732
BCU_Factums_M0238
BCU_Factums_M0239
BCU_Factums_G1405
BCU_Factums_G1406
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The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochefort-Montagne (63305)
Rights
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Domaine public
Créances
immeubles acquis uxorio nomine
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MÉ M O I R E
P O U R
L e citoyen M E U N I E R , médecin , accusé.
L E public paroît
les détails
d’une accusation qui frappe sur un homme connu par
les services qu’il rend à l’humanité souffrante.
impatient de connoître
O n veut bien lui accorder des talens dans la profes
sion qu’il exerce; il reçoit tous les jours de nouveaux
témoignages de la reconnoissance de ceux qu’il a soignés;
on rend justice à sa droiture et à sa probité ; on se loue
de la douceur de ses m œ urs, de ses attentions obligeantes,
de sa sensibilité m êm e, qui n’est pas toujours la vertu
des médecins ; on s’étonne que ce citoyen, adonné sans
relâche à l’étude et à la pratique de la m édecine, puisse
avoir quelque chose à démêler avec un homme proscrit
dans l ’o p in io n , flétri par des jugemens publics, en u n
m o t, un v il intrigant.
D é p a rtcra cn t
d e l 'a l l i e r
spécial.
.
�( 2 3
l , e citoyen M eunier est bien plus étonné encore de
subir tout l’appareil d’une instruction crim inelle, dans
une affaire qu’ il ne comprend pas, dont il n’a que des
notions imparfaites , et qu’il lui est bien difficile d’ex
pliquer.
T o u t est pour lui d’une obscurité im pénétrable : com
promis par un homme qu’il connoît à peine, avec leq u el
il n’a aucunes liaisons, il examine par quelle fatalité il a
été nommé par L a fo n t-B ra m a n t; comment il peut avoir
quelque chose de commun avec ce particulier ; comment
il peut être accusé de fa u x , lui qui n’a fa it, ni su faire
en sa vie aucune affaire d’intérêts, et ne s’est occupé que
de son état.
Cependant l’accusation est sérieuse: elle estaccompagnée
de circonstances si extraordinaires,.si invraisem blables,
qu’ il devient nécessaire de lui donner une grande publi
cité; et le cit. M eunier sortira triomphant de ce labyrinthe
d’iniquités et d’horreurs*
L e cit. M eunier a eu occasion de connoître le citoyen
S u b e rt, ferm ier de la terre de Bonnefer, située dans le
département de la N ièvre.
L ’accusé jouissoit alors de cette propriété ; Subert faisoit un commerce assez considérable, et avoit la répu
tation de courir à la fortune.
L e citoyen M e u n ie r, naturellement obligeant, sefaisoit
iin plaisir d’aider Subert de ses m oyens, et lui avoit fait
différons prêts, sans nulle pi’écaulion , n é g l i g e a n t même
de prendre les assurances les plus o r d in a ir e s .
T e lle est la manie du citoyen M eunier, de croire à la
probité de tous ceux avec lesquels il a des relations; et
�m
il n’en est pas encore c o rrig é , quoiqu’il ait été souvent
la cîupc de cette extrêm e confiance.'
Il fallut cependant venir à compte avec Subert; et ce
dei’nier souscrivit au profit du citoyen M eunier, le 16
flo réa l an 8 ( la date est essentielle), un billet de 4,800 ir.
dont rfroitie payable en ventôse lors proch ain , et l’autre
m oitié quatre ans après, avec intérêts à cinq pour cent.
O n fit apercevoir à jYXeuuicr, qu’il 11’auroit pas dû
se contenter, pour une somme aussi considérable, d’un
simple billet souscrit sur papier m ort : un commerçant
étoit sujet à beaucoup d’événemens; il étoit utile d’avoir
un titre authentique, avec un bordereau d’inscriptions;
et M eunier en p révin t Subert.
Il fut arrêté qu’011 se rëndroit chez un n otaire, pour
y souscrire une obligation : m ais, dans le môme instant,
M eunier avoit le billet à la main;- Subert le dem ande,
et le met en p ièces, en disant que le billet devenoit
in u tile, puisqu’il alloit consentir une obligation.
L e citoyen M eu n ier, fort mécontent de cette conduite,
en fit des reproches à Subert. C e lu i- c i proposa de se
rendre sur le champ chez le notaii’e: on sort. E n ch em in,
on se rappelle qu’il est temps de déjeuner ; Subert p ro
pose d’entrer au café de la R é g e n ce , pour y prendre
du chocolat : m ais, au moment où il est servi, Subert
feint un besoin, so rt, disparoit, et se fait encoie atteii-1
dre pour aller chez le notaire.
M eunier est assez heureux pour avoir conservé les
m orceaux du billet lacéré ; il les a réunis comme il a
pu avec de la cire \ il le représentera dans cet état au
tribunal.
A 2
�U )
L e nommé Lafont-Bi'am ant, qui joue un grand rôle
dans toute cette affaire, étoit de la connoissanee de Subert:
ce L a f o n t - B r a m a n t est natif de D u n , département de la
C reuse; M eunier est né à Chesnier, même département.
S u b e rt, pendant son séjour à P a ris , visitoit fréquem
m en t M eunier. Il dit ù Lafont-Bram ant, qu’il connoît
un médecin de son pays. L afon t-B ram an t tém oigne à
Subert le désir de faire connoissanee avec un compa
triote dont il a entendu parler. Subert l ’introduit chez
M eunier. V o ilà l ’origine des légers rapports que M eunier
a eus, potir son m a lh e u r , avec ce v il intrigant.
T o u t se passe d’abord en complimens. Bientôt LafontBramant fait l’honneur à M eunier de lui emprunter de
l ’argent ; et celui-ci a la facilité de céder à. ses instances.
Q uelq ue temps après , L afon t-B ram an t se présente
chez M eunier. Il étoit accompagné d’un p articu lier, à
qui il donne le nom de C hâtelain, qu’il dit être agent
de change : et tous les deux racontent à M e u n ie r, qu’ils
ont fait une affaire avec Subert; que celui-ci a souscrit
un billet au p o rte u r, d’une somme assez considérable.
Ils demandent à M eunier si le débiteur est so lvab le, s’il
connoît la signature de Subert. O n lui m ontre la signa
ture seulement , sans lui faire vo ir le corps du billet.
Sur la réporfse affirmative de M e u n ie r, les deux per
sonnages se retirent; et depuis il n’a eu aucune autre
relation avec ces particuliers.
11 est difficile d’indiquer la date précise de cette fatale
visite ; tout ce que sait M eu n ier, qui ne Croyoit pas
être intéressé ù prendre note d’une circonstance indif
férente en elle-m êm e, c’est que ces faits se sont passés
�C O
avant que M eunier eût fait son compte avec Subert.
Plus d’un an se passe avant que M eunier ait entendu
parler de S u b e rt, de L afont et de Châtelain ; il étoit
dans la plus parfaite sécurité relativem ent à ces deux
derniers , avec lesquels il n’auroit pas imaginé avoir
rien à démêler.
T o u t a co u p , en therm idor an 9 , Lafont-Bram ant se
présente à M o u lin s, ayant en ses mains un effet au por
te u r, souscrit par S u b ert, le 16 p ra iria l an 8 , pour
une somme de 14,800 francs.
X ’huissier à qui L afon t veut confier ce billet pour le
faire p ro tester, et en poursuivre l’exécu tio n , aperçoit
plusieurs altérations ; il conçoit des soupçons, engage
L afon t à com m uniquer cet effet au citoyen Cordez ,
b a n q u ier, pour le lui faire examiner. Cordez remarque
comme lu i ces altérations, et conseille à Lafont de ne
pas produire ce b ille t, qui peut lui attirer de fâcheuses
affaires.
L a fo n t, familiarisé avec les accusations, poursuit, et
donne des ordres à l’huissier d’aller en avant.
Subert poursuivi rend plainte le 2.3 therm idor an 9 ,
devant le commissaire du gouvernem ent près le tribunal
crim inel. Il expose q u e, dans le courant de l’an 8 , il
souscrivit un billet de la somme de 4?^°° francs au
profit du citoyen M eu n ier, médecin à P a ris; que ce
billet étoit payable moitié en ventôse an 9 , et le sur
plus quatre ans après.
Il ajoute que depuis il a acquitté la totalité de cette
somme au citoyen M eun ier; que celui-ci lu i en a donné
une décharge le 12 prairial an 9 , attendu qu’à cette
�( 6 )
époque M eunier déclara n’avoir point l’ob ligation ,
mais qu’il prom it la lui rapporter sous deux mois.
Subert observe que ce billet ne lui a point été remis ;
mais q u ’a u j o u r d ’ h u i ( 2 3 thermidor ) il lui a été fait
présentation, par un huissier de cette ville , du même
billet de 4,800 francs ; qu’il a remarqué , i°. qu’au
lieu et place des mots M eun ier m édecin, au profit du
quel il avoit consenti l’effet , on a substitué ceux - c i ,
au p o rteu r, pour rendre l’elle t négociable; 20. qu’au
m ot qua tre, précédant ceux de m ille huit cents liv re s,
On a mis celui de q u a to rze -, 3 0. q u ’au m o t a n , précédé
d e q u a tre, on a substitué celui de ?nois\ 4 0. qu’après,
les mots valeur reçu e, au lieu de ceu x-ci, p a r solde ,
on a mis celui-ci, com ptant; 5 °. qu’en avant du chiffre
mis entre deux b arres, formant la somme de 4,800 ,
on y a ajouté le chiffre 1 , apparemment pour faire 14.
Subert expose que, d’après toutes ces rem arques, il
est convaincu que cet acte avoit été falsifié ; qu’il a
déclaré à l ’huissier , porteur , qu’il éloit décidé à le
laisser protester , et même à le faire saisir entre ses
mains lors du protêt.
Subert ajoute encore que V id il , huissier , l ’assura
qu’il étoit chargé de lui faire le protêt pour un effet
de 14,800 francs , et qu’il lui a aussi présenté un écrit
Irès-m inuté , sur un tr è s -p e tit p a p ier, au bas duquel
est la signature de lui S u b ert, qui aura été coupée au
bas de quelque écrit ou lettx’e par lui signé; p«1' lequel
é crit, visiblem ent fait expi’ès, et en caractères très-fins,
d’une main à lui inconnue, 011 semble lui faire approuver
l’effet de 4,800, pour 14,800 francs, et le faire obliger
�nu payement de cette dernière somme , qu’il ne doit
point en tout ou en partie. -? = . .
'
Sur cette plain te, dont Subert s’est départi, mais qui
a été prise pour dénonciation par le.m inistère public ,
mandat d’arrêt contre Lafont-Braniant, comme prévenu
d’êlrc auteur ou com plice du faux de l’effet que Bramant
a présenté à plusieurs personnes.
Lafont-Bram ant est arrêté et mis au secret. L e procès
verbal de visite de ses papiers constate qu’il a été tr o u v é ,
i° . un projet de citation écrit de 1,1 main de B ram an t,
tendant à faire assigner Subert pour être condam né-,
même par c o rp s, à lui payer la somme de 14,800 fr.
qu’il lui doi t p o u r vente et délivrance de m archandises,
qui lui a }été faite pour <son commerce,, le 16 y ra iria l
an 8, ainsi qu’il en sera justifié en cas de déni de. sa part.
20. U n m orceau de papier sur lequel est écirit l’adresse
suivante : M . M e u n ie r, rue Sain t-T h om as-du-L ouvre,
vis-à-vis le. v a u d e v ille , liôtel de G enève.
O n joint aussi aux pièces le billet dont il s’agit., dont
l’huissier V id il a fait la remise ; et il est d it , dans le
procès vex’b a l, que rhuissier étoit chargé d’en poursuivre
le recouvrem ent, suivant la procuration que L a fo n tlu i,
avoit donnée le 23 therm idor an 9 , à 'l ’effet d’en faire
le protêt.
>
L e billet et la procuration sont reconnus., par L a fo n t,
pour être les mêmes que ceux qu’il avôit remis à rhuis
sier, ain si que les altérations qui existent sur le billet; *
O11 procède ensuite à' l’interrogatoire de Lafont-Bra
mant. 11 est intéressant de conïioitre ce prem ier interro
gatoire. O n lu i demande, d’abord, ç’il est propriétaire
�es )
de l’effet de 14,800 fran cs, souscrit par Subert le jeune,
le 16 prairial an 8. Il répond affirmativement : il dit
qu’il en a fourni la valeur au citoyen Châtelain, qui en
a passé l’ordre au porteur le 10 vendém iaire an 9 , et
qu’il n’a accepté l ’ordre de cet effet qu’avec la garantie
de Châtelain.
O n lui demande de représenter ce billet de garantie ;
mais il l’a laissé chez lui.
A -t-il payé à Châtelain la somme de 14,800 francs
pou r laquelle le billet paroît avoir été consenti ? Il
r é p o n d que o u i , qu’il en a. fait le payem ent en ai’gent
ou effets sur différens particuliers.
Interrogé s’il connoît Châtelain qui lui a passé l’ordre
de ce b ille t, et où il demeure : il répond qu’il le con
noît peu ; mais qu’il s’est dit agent de ch an ge, et qu’il
demeure rue du faubourg Saint-Marceau.
O n lu i demande d’où proviennent les altérations qui
paroissent sur le b illet, notamment sur les mots porteur,
qua torze et comptant.
Il ne sait d’où proviennent ces altérations; il les .a
remarquées lorsque Châtelain lui fit la remise de l’effet,
et c’est ce qui le détermina à prendre la garantie qu’il
a en son pouvoir.
Interrogé par qui a été écrite la reconnoissance qui
est sur un petit m orceau de papier lib re , au bas de
laquelle est la signature Subert jeu n e : à cet égard, il
ignore par qui a été écrite cette r e c o n n o i s s a n c e ; elle lui
fut remise par Châtelain , avec le b ille t , e t , sur la foi
de cette reconnoissance, il se détermina a accepter l’effet.
O n ne voit p a s, dans cet interrogatoire, 1111 seul mot
qui
�( 9 )
qui puisse concerner le citoyen M eu n ier; jusqu’ici il
est absolument étranger à l ’accusation, et son nom ne
se trouve que sur une adresse glissée dans les papiers
de Lafont.
Mais une circonstance rem arquable, c’est que Subert,
lors de sa p la in te, a remis une reconnoissance que l’on
dit écrite et signée de M eu n ier, et sur papier tim bré, et
sous la date du 12 prairial an 9 , par laquelle il déclare
qu’il a reçu de Subert le montant d’une obligation q u ’il
avoit consentie à son profit, écrite de sa m ain , à P aris,
dans le courant du mois de floréal an 8 , d’une somme
de 4,800 fran cs, dont moitié étoit payable au mois de
ventôse, lors d ernier, et le sui’plus quatre ans après,
avec intérêts. Il est a jo u té , d it-o n , ces mots : « N e me
» tro u vant pas ladite obligation sur m o i, l ’ayant chez
» m o i, à Chesnier , laquelle est annullée par la p résente,
» je promets de la remettre au citoyen Su b ert, sous
» deux mois au plus ta r d , h com pter de ce jour ; dé33 clarant que c’est la seule obligation que le citoyen
» Subert m ’ait consentie pour la somme de 4,800 fr. »
Cette pièce est une des plus singulières du procès ;
elle est en des termes inusités. Il paroît extraordinaire
qu’on ait exigé de M eunier la déclaration que cette obli
gation étoit la seule qui lui eût été consentie par Subert.
A quoi bon cette déclaration , si en effet le citoyen
M eunier n’en avoit pas d’autre ?
M ais , au surplus , le citoyen M eunier désavoue avoir
donné cette quittance à Subert ; elle n’est écrite ni signée
de lui ; c’est une pièce fabriquée dans les ténèbres, d’une
maladresse qui dévoile le crime. E t certes il faudroit
B
�C
^
°
)
..............................................................................................................................................
■supposer le citoyen M eunier bien stupide, s’il étoit vrai
q u ’il eût donné cette quittance, d’avoir osé , en même
temps , faire circuler un billet de S u b ert, puisqu’on lui
fait dire que l’obligation de 4,800 francs est la seule qui
lu i ait été consentie, et qu’il reconnoît en avoir reçu le
payement.
U n autre fait bien im portant, c’est qu’il ne faut pas
perdre de vue que l’obligation de 4,800 francs, souscrite
par Su b ert, au profit de M e u n ie r, est du 16 floréal
an 8. L e billet présenté par L afont n’est que du 16 pi*air i a l s u i v a n t . Ce ne peut donc pas être le môme b ille t,
et la preuve que ce n?est pas en effet le m êm e, résulte
de ce que le citoyen M eunier est en état de représenter
le billet de 4,800 francs, qui fut souscrit par S u b e rt, ou
du moins les morceaux qui en ont été c o llé s, après que
Subert eut lacéré malhonnêtement ce même billet. Ces
observations recevront plus de développem ent dans la
suite.
O n raconte encore , qu’au m oment de l’aiTestation de
L a fo n t-B ra m a n t, un gendarme arracha de ses mains
un projet de lettre qu’ il feignoit de d éch irer, et qu’il
écrivoit de M o u lin s, le 23 therm idor an 9 , au citoyen
M e u n ie r.il annonce, par cette lettre, « Q u e Subert s’est
» rendu à M oulins hier au soir ; que ce matin le citoyen
» Corde/, est venu à son auberge, et lui a dit que ce
» billet étoil faux: , que c’étoit une coquineriequ 011 vou» loit faire à S ub ert, qui ne p a y e r o itq u e par la force
» d elà justice ». IL ajoute, par cette même lettre : « Nous
» avons examiné scrupuleusement le billet. M . Cordez
■
» m’a fait rem arquer qu’au mot quatorze il y avoit
�( " )
» quatre', qu’à ceux: porteur de billet, étoit le nom de
5) celui à qui il l’avoit consenti; qu’au mot m o is , il ÿ
» avoit an. M ais que Subert avoit la quittance bien cony> ditionnée de 4,800 francs ; qu’il prouvcroit même le
» faux du b illet; qu’au surplus , après ces m ots, le billet
» étoit écrit et signé de sa main ; qu’il vouloit s’inscrire
» en faux ; qu’il ne payeroit pas un so u , et qu’il man» geroit volontiers la m oitié de sa fortune pour faire
» punir le coquin qui a fait le faux.
» Qu|à l’égard de la déclaration donnée à CliiUelain}
» c’étoit bien la signature de Subert ; mais qu’elle avoit
» été enlevée de quelque écrit ou lettre; qu’au surplus
» une déclaration d’une somme aussi forte se seroit mise
» sur papier timbré.'»
» J ’ai été frappé !, continue L a fo n t, de toutes ces obser» v a lio n s, et je iié puis vous dissimuler que je recon» nois maintenant la contrefactfoh du billet. Je me
» trouve fort embarrassé pour diriger Une action : qui ne
» sait rien , ne doute de rien : m a is, dans tous les ca s,
» vous ne serez pas com prom is; on m’a prononcé votre
» n o m , et je les ai portés à cent lieues de vous ».
Ce p ro jet, écrit sur une dem i-feu ille de p a p ie r, et
qui fut saisi par le gendarm e, fait une des pièces du
procès. Les gendarmes entendus en déposition, n’appren
nent autre cliose, sinon que L a lo n t, lors de son arres
tation , leva une c o u r t e -pointe qui étoit dans le tiroir
d’une commode , en sortit une demi - feuille de papier
écrite qu’il vouloit soustraire, et qu’on lui arraclia.
L afon t-Bramiln t reconnoît ce papier pour etre le m em e
qui lui a été arraché.
B 2
�( *1 3
L a seule induction qui pourvoit résulter de ce projet
de lettre,, seroit que L afo n t-B ra m a n t étoit en corres
pondance avec M eunier. O n verra cependant bientôt
L afon t - B ram ant déclarer qu’il ne connoît pas même
l’écriture du citoyen M eunier.
V id il , huissier, entendu comme té m o in , a déclaré
que le 25 thermidor an 9 , le citoyen Lafont lui porta
un billet de 14,800 francs, souscrit par le citoyen Subert
le je u n e, pour en faire le protêt ; qu’à ce billet étoit
* •
»i
*i
•
jointe une reconnoissance sur un petit morceau de p ap ier,
égalem ent sigrvée Subert. L ’huissier fit envisager à L afont
que ce billet n’é toit pas sur un timbre proportionnel, qu’il
seroit dû une amende, qu’au surplus il a llo itle présenter
a Subert qui se trouvoit k M oulins. Il rencontra effecti
vem ent Subert chez le • citoyen- Cordez. Il lui demanda
s’il, vouloit acquitter le billet : mais celui-ci, après l’avoir
exam iné, déclara qu’il étoit falsifié. Subert convint effec
tivem ent avoir souscrit un billet au profit du citoyen
M eu n ier , d’une somme de 4,800 francs ; mais il dit
qu’il en avtoit la quittance dans sa poche. L ’huissier se
retira. Sur les cinq heures du soir, Lafont revint chez
l u i , et lui donna une procuration pour, faire le recou
vrem ent dé la somme: énoncée au b illet, lui laissa même
le bille(t et la petite reconnoissance; mais peu après le
citoyen l'a llie r . entra dans le cabinet de l’huissier , p r|'a
L afon t de sortir, et l’emmena. Sur les sept heures du soir,
l ’huissier fut invité de se rendre à l ’auberge de la dame
Bourgeois , et y déposa le b ille t, la reconnoissance et
la procuration à lui donnée par Lafont.
¿ a n s une affaire aussi extraordinaire, les plus petites
�C *3 )
circonstances ne laissent pas de frapper. Il paroît surtout
étonnant que S u b e r t, qui habite le département de la
N iè v r e , tjui certes ne devoit pas se douter des pour
suites qu’on vouloit diriger contre lu i, pour un billet
qu’il dit ne pas avoir fa it, se trouve à point nommé ci
M oulins , au moment de l’arrivée de L a fo n t, et qu’il
ait surtout dans sa poche la prétendue quittance qu’il
dit lui avoir été donnée pai* M^eunier , le 12 prairial
an 9. Il n’est pas ordinaire de porter en v o y a g e , et
d’avoir dans sa poche , à point n o m m é, la quittance
d’un b ille t, surtout lorsque cette quittance remonte déjà
à une époque assez reculée ; cette précaution manque
au moins de vraisemblance.
Jacques Cordez , b an qu ier, est aussi entendu comme
tém oin. Il dépose que le 21 du mois de therm idor, i\
cinq heures du so ir, I,afont se présenta chez lui p o u f
lui demander des renseignemens - sur la solvabilité et
situation de Subert. Sur l’assurance que donna le témoin
de la solvabilité et de la m oralité de S u b e r t, L afont
lui présenta une reconnoissance payable au p o rte u r, et
souscrite par Subert , de la somme de 14,800 fran cs,
échue. L afont se (lit propriétaire de cette som m e, et
annonce être venu exprès pour en faire le recouvre
ment. Il dit même au citoyen Cordez, qu’il alloit remettre
cette reconnoissance à un huissier pour faire les pour
suites. Ce dernier l’invite à présenter, avant to u t, celte
reconnoissance au d éb iteur, et de se rendre en consé
quence à la Ferté. Lafont ne voulut y consentir. Il fu t
cependant convenu que lu i, C ord ez, écriroit à Subert
pour l’engager à venir à M oulins , pour s’expliquer
�( i4 )
iivec Lafont. L e lendemain Subert eut une conférence
avec C o rd ez, et Subert soutint n’avoir jamais souscrit
une pareille rcconnoissance. Il fut arrêté que lu i, Cordez ,
verroit le lendemain L a fon t, à l’effet de vérifier le billet.
Cordez se rendit effectivement cliez la fem m e-Bourgeois,
où étoit logé L afo n t; e t, en présence du cit. L a v a le tte ,
il se fit représenter le b ille t, témoigna à L afon t des
motifs de suspicion qui s’élevoient sur la validité de cette
rcconnoissance. L afont répondit qu’en ayant donné la
v a le u r, il vouloit en être payé. Cordez retourne auprès
de Subert, qu i lu i exh ib e xme quittance souscrite dans le
temps par le citoyen M eu n ier, au profit duquel il avoit
originairement consenti la rcconnoissance de 4,800 liv.
Cordez , à la vue de cette quittance , soupçonna que
l ’effet présenté par L afont avoit été falsifié et surchargé.
P o u r s’en assurer, il revient auprès de L a fo n t, et l ’invite
de nouveau à lui fuire vo ir l ’effet dont il étoit porteur.
L afont le lui exhibe : Cordez lui fait rem arquer les mots
qui avoien t été surchargés ou changés , et lui repré
sente que , tenant à. une famille honnête , il courroit
risque de se faire une affaire qui ne lui feroit pas hon
neur. L afon t insiste , observe qu’il étoit obligé de faire
la prem ière pou rsu ite, et qu’à défaut de payem ent, il
cxerceroit une garantie contre celui de qui il tenoit l’effet.
Les autres témoins sont absolument insignifians. Mais
bientôt la scène va changer. Jusqu’ici L a l’o ut-Bramant
n’a voit pas parlé de M eunier. Dans son prem ier inter
rogatoire, il tenoit cet effet d’un nommé Châtelain, qu’il
dit agent de change; il a même pris un billet de garantie
de ce Châtelain , qu’à la v ér ité il avoit laissé chez lui :
�C iS )
mais Subert avoit mis en avant M e u n ie r, parce qu’il
étoit bien aise de faire croire que le billet dont on
lui demandoit le payement , étoit le même que celui
qu’il avoit, souscrit au profit de M eunier. Lafont-B ramant imagine un nouveau système de défense. O n lui
fait subir un second interrogatoire.
O n lui demande ce qu’il est venu faire à M oulins.
Il répond qu’il est venu pour faire le recouvrem ent d’un
billet de la somme de 14,800 fr. souscrit par Subert
le jeune ; et il convient avoir présenté ce billet à diffé
rentes personnes.
Interrogé si l’huissier V id il et le citoyen C ordez ne
lu i avoient pas fait rem arquer que le billet dont il étoit
p o rte u r, étoit altéré et surchargé en différons endroits :
il convient du f a it , et avoue que lui-même avoit fait
pareille rem arque; et que si ces altérations ne l ’a voient pas
frappé aussi fortement que les observations de Cordez
et V id il, c’est parce qu’étoit jointe au billet une décla
ration signée S u b ert, qui approuvoit et ratifioit tous ces
viccs.
Il avoue également que ces altérations et surcharges
existoient lorsque l ’effet lui a été remis. Il ne connoît
pas l’auteur des altérations et surcharges; mais lorsque
le billet lui a été rem is, il étoit dans le même état que
lorsqu’il l’a présenté.
O n lui demande s’il est réellement propriétaire du
billet de 14,800 fr. et s’il en a fourni la valeur à Châ
telain qui en a passé l’ordre , le 10 vendémiaire an 9.
Il r é p o n d que comme ces billets sont payables au
p o rte u r, qu’ils sont présumés appartenir à ceux entre
�(
i6)
les mains de qui ils se trouvent 3 et que celui-ci étant
endossé par Châtelain , il a cru d’abord ne pouvoir se
dispenser de déclarer à l’officier de police qu’il lui apparteu oit, qu’il le tenoit de Châtelain, auquel il en avoit
remboursé le montant : m ais, ayant considéré qu’ un
p orteur de billet lie doit pas être astreint à cette décla
ration , et q u e , dans tous les cas, l’honnête liom me se
doit à la v é r ité , il va la dire tout entière.
E n conséquence, il déclare qu’en rectifiant la réponse
qu’il avoit faite le 23 du même mois de th erm idor, qui
n’a été dictée que par un sentiment d’humanité , il tient
le billet d’un nommé M eunier, se qualifiant de m édecin,
originaire de la commune de Cliesnier, ayant demeuré
long-tem ps à Sain t-P ierre-le-M ou tier, où il a dit avoir
des propriétés , actuellement demeurant h P a ris, logo
grande maison de G en ève, rue Saint-Thom as-du-Louv rc , vis-à-vis le vaudeville.
IL reconnoît qu’il n’a point remboursé le p rix de cet
effet ¿\ M eu n ier; il prétend seulement avo ir été chargé
par lui d’en poursuivre le remboursement. Il en a donné
sa reconnoissance par écrit; et comme cette reconnoissance est au pou voir et entre les mains de M eu n ier,
qu’elle fait mention de la remise d’un effet de
14,800 francs , Lafont-Bram ant invite le directeur du
juri à prendre des mesures convenables et promptes pour
faire apposer les scellés s u j ? les papiers de M eunier.
Lafont-Bram ant a jo u te, que par cette déclaration il
est d i t , que les deux effets sont la p r o p r i é t é de M eu
nier; que dans le cas de r e m b o u r s e m e n t du b illet, M eu
nier se restreint à. la gomme de 12,000 francs l’excédant
devant
,
�C i7 l
-devant appartenu' à L a fo n t, poux- faire face aux frais et
'faux fra is; niais, dans le cas de non-rem boursem ent,
L afont étoit obligé de remettre l ’effet à M eunier.
O n demande à Lafont s i, lorsque M eunier lui fit la
•remise-de ces effets, il ne lui fit pas des observations
isur les1 altérations et falsifications que lui-même avoit ’
remarquées dans ce billet. Lafont ne manque pas de -i'épondre affirmativement : mais alors M eunier lui répon
dit que* ¿ é to it des ,taches d’e a u , et la m auvaise qua
lité dé T 'a n c r e q u i a voient produit cet effet - qu’au .s u r
plus , Subert avoit donné une déclaration à Châtelain,
qui cdüVroit ¡¿tous les vices. Lafont-Bram ànt ne manqua J
pas de demander cette'déclaration', mais M eunier rép on -:'
•dit qu’elle étoit entre les mains de Châtelain, et qu’il se
la procureroit. E n e ffe t, M eunier rapporta à L afont
cette déclaration, telle qu’elle est jointe à la procédure.
I/afont prétend encore avoir fait des observations
•sur la forme de cette déclaration ; mais,-sur la certitude
,h lui donnée par M eunier , qu’elle étoit sincère, il lui
dit qu’il ne voyoit pas d’inconvéniens à ce que M eunier
ou Châtelain poursuivissent le remboursement de l ’effet. >
M eunier lüi répond qii’il avoit eu plusieurs affaires avec
.S ub ert, qui étoit un chicaneur, .qui le feroit plaider h
ne plus en fin ir, qu’il ne vouloit pas avoir affaire avec
lu i, qu’il n e vouloit pas même que son nom fût prononcé.
O n demande à Lafont , si l’ordre qui est au dos du
■billet dont il est p o rte u r, a été mis en sa présence. Il
'répond négativement,, et que la preuve de ce qu’il avance
se tire de ses précédentes réponses.
¡Interrogé si cet ordre n’a pas'été écrit de la main de
C
�(
1
8
} '
M eunier ; iï répond , q u 'il ne connoit n i Técriture d&
M e u n ie r , n i celle de Châtelain.
O n lui demande alors si C hâtelain, qui paroît avoir
passé l’ordre de ce billet , n’est pas un être supposéLafont répond , qu’il demanda à M eunier ce que c’étoit.
que Châtelain dont la signature étoit au dos ’du billet
s’il étoit solvable. M eunier lui dit que c’étôit un agent
de change , qui dem euroit au faubourg de Saint-M arceau
ou de Saint-A ntoine ; mais , qu’il fût solvable ou non
que Subert p ajero it bien l’effet aussitôt qu’il lui seroit pré
senté ; que ees effets provenoÎGnt de la succession de sa
défunte femme ; que c’étoit à peu; près tout l’avoir d’une
fille qu’iL üvoit euô de son mariage avec elle ; et termina;
par recommander à L afont de ne. pas le nommer»
D ’après, cela , l’officieux Lafont prétend avoir écrit
d e u x 'le ttre s, de P a ris, à S u b e r t, les 26 et 27 messidor
an g y par lesquelles il lui disoit qu’il étoit porteur
d’un effet de 14,800 francs, qu’il avoit pins pour com p
tant ; qu’il espéroit qu’il 11’aurôit pas à s’en rep en tir,
quoique ne le connoissant pas. Ces deux lettres ont
demeuré sans réponse.
Q uel tissu d’invraisemblances et de faussetés t quelle
contradiction entre le prem ier et le second interrogatoire !
D ans le prem ier , L afont soutient être propriétaire de
l’effet de 14,800 francs ; il en a fourni la v aleu r h
Châtelain, qui lui en a passé l’ordre; il n’a accepté l’ordre
qu’avcc la garantie de Châtelain ; cette garantie est en sa
possession , mais il ne peut la représenter, parce qu’il
l ’a laissée chez lui ; il a fait le payement du montant du
b ille t, en argent ou effets sur diüércns particuliers; il
�( 19 D
connoît p e u , à la v é rité , C h âtelain, mai à il s’est clit
agent de change , demeurant rue du faubourg SaintM arceau ; il a rem arqué les altérations du billet , et
c ’est ce qui lui a fait prendre la garantie de Châtelain ;
enfin la reconnoissance jointe au billet,- qui en rectifie les
*vices, lui a été aussi remise par Châtelain.
Dans le second inteiTogaloire, il ne connoît pas Châ
telain; il ne sait s’il demeure faubourg Saint-M arceau ou
Saint-Antoine ; ce n’est plus Châtelain qui lui a remis le
billet et la reconnoissance, c’est M eu n ier; il fait dire à
M eunier que les altérations sont produites par des taches
(Peau, ou la m auvaise qualité de Vencre, c’est-à-dire,
qu’il distribue un brevet de stupidité à M eunier.
A -t-o n jamais donné de semblables raisons? Les taches
d’eau seroient-elles tombées précisém ent sur l’endroit fal
sifié , ou la mauvaise qualité de l ’encre n’auroit-elle pra-iluit d’effet que sur ces mômes falsifications ? T ou s ces
dires sont d’une absurdité choquante.
- Ce n’est pas tout : -Lafont-Bram ant n’a pu -payer le
montant du billet ; il n’a pas même de garantie ; il n’est
-qu’un simple com m issionnaire, qu’un officieux h. gages ,
iqui se charge de poursuivre le recouvrem ent d’un billet
qu’il reconnoît falsifié, qui en.court tous les risques pour
un homme qüi ne veut pas se nom m er; qui ne craint
;pas même l’appareil d’une instruction crim inelle., pou r
un modique salaire.
Ce qu’il y a de plus extraordinaire encore, c’est que
Lafont accepte une commission d’un homme avec lequel
il n’a aucun rapport , dont il ne com ioît pas même
t l écriture. I l faut.surtout observer que L a fo n t, dans son
,C .2
�( 20 )
second interrogatoire, a dit que M eunier se contcnteroit
de la somme de 12,000 francs, si le billet étoit payé :
de sorte qu’à cc compte L afont devoit avoir 2,800 ïir.
pour lui ; et cependant, dans un précis im prim é qu’il
a fait répandre , oubliant ce qu’il avoit dit dans son
in terrogatoire, il prétend avoir f a it , avec M eunier r
un marché à raison de 12 francs p a r jour. Que doit-on
croire au milieu de toutes ces contradictions ? Les asser
tions mensongères d’un v il escroc , condamné comme
te l, qui s’est vu plusieurs fois sous la main de la justice,,
qui n’a obtenu sa lib e llé qu’à la faveur d’une amnistie
générale, ainsi que cela est p rou vé par des pièces authen
tiques jointes au procès , poui’roient-ellcs influer sur le
sort dTun homme honnête qui exerce une profession
libérale"? L a déclaration d’un faussaire reconnu peutelle compromet ire la liberté et l ’honneur d’un citoyen
estimable ?
M ais tout est inconcevable et nouveau dans cette cruelle
affaire. C e second interrogatoire de L afont donne lieu
à un mandat d’amener contre M eunier. O n fait perqui
sition de sa personne à G hesnicr, lieu de son dom icile
d’origine. Ce ne sont pas les gendarmes de l’arrondisse
m ent, à qui 011 confie cette mission : les gendarmes do
D u n se transportent dans la maison des père et m ère
de M eunier. Parm i ces gendarmes se tro u ve n t l ’un fe
ue veu et l’antre le filleul de Bramant. O n demande <\
entrer dans une chambre où M eunier n’a voit pas couché
depuis plus de quinze jours. C e premier procès verb al,
en date du 17 fructidor an 9 , ne contient rien de remar
quable: on a tr o u v é , dans la chambre ou M eunier avoit
�( 21 )
co u ch é, des papiers insignifians, un arrêté de compte
bà tonné , signé veuve Filhon.
1-e 2 vendém iaire an d ix , nouvelle perquisition des
mômes gendarmes. L e neveu et le filleul de Lafont s’introüuiscnt seuls dans cette cham bre, écartent, sous diffé
rons pretextes , le troisième gendarme qu’ils envoient
au grenier pour y faire perquisition , et empocher que
M eu n ier ne puisse s’évader.
' D ans cette cham bre,, le gendarme , neveu de L a fo n t,
prétend avoir trouvé sous le lit un portefeuille lié avec
line ficelle; portefeuille extrêm em ent com m u n , et qui
ne pou voit être ù. l’usage du citoyen M eunier.
L e pèi’e et la m ère, instruits de cette prétendue décou
verte , s’écrient qùe ce portefeuille n’est pas à leur fils
qu’il n’a point couelio dans cotte chambre depuis douze
jours. L a m ère, dans un m oment de trouble, d it, d’après
le récit des gendarm es, que le portefeuille lui appar
tien t: on la mène chez le juge de paix pour faire l’ouverture du portefeuille, et il s’y trouve précisément la
reconnoissance donnée par L a fo n t-B ram an t, du billet
de la somme de 14,800 francs ; une lettre adressée à
M eunier par Lafont , en date du 29 messidor an 9 ,
datée de Paris; une autre lettre adressée aussi par M eu n ier
h L a fo n t, du 11 therm idor suivant, et une adresse du
citoven G aud ouin , marchand bijoutier à Paris.
L e piège étoit trop grossier pour faire illusion. Com
ment se fa it- il qu’il ne se soit trouvé dans ce porte
feuille que ces seules pièces , qu’il n’y ait pas d’autres
papiers ? Comment se fait-il encore,, qu’il ne paroisse
que des lettres écrites par Lafont à M eunier; que L afon t
�( 22 •)
i?en ait produit aucune de Meunier«; qu'il 72e-connaisse
pas même son écriture , ainsi qu’il l’a déclaré dans son
interrosiatoire ?
N ’est-il pas évident que ce portefeuille ri’a été placé
sous le lit que par les gendarmes,, et que tout est l’œuvre
de Lafont-Bram ant?
L e citoyen M eunier est en état d’établir, par une foule
d etém o in s, i° . qu’il n’avoit pas couché dans ce lit depuis
quinze jours; que la nuit qui a précédé la perquisition,
ùn étranger avoit couché dans ce l i t , y avoit oublié
sa tabatière , qü’il vint la chei-cher le lendemain avant
l ’arrivée des gendarm es, la trouva sous le l it , et n’y
aperçut aucun portefeuille.
20. Que la dom estique, deux ou trois jours avant ,,
nvoit enlevé les couches et la paillasse de ce lit, pour les
porter à la fen être, et n’avoit point v u le portefeuille.
3^. Q u’une des roulettes de ce même lits ’étant dérangée,
le serrurier fut a p p e lé, renversa le lit pour rétablir la
r o u le tte , et n’y aperçut.aucun portefeuille.
Les jH’opos qu’on attribue à la m è r e , h qui on fait
reconnoîti’e ce portefeuille comme étant le sien, ne sont
p o in t légalement établis , puisqu’elle n’a pas signé le
procès verbal., et n’a pas même été requise de le signez*.
Ces propos, fussent-ils vrais, ne seroient d’aucune con
séquence ; ils auroient échappé dans un m o m ent de
trouble et d’e fir o i, et 11e prouveroient rien contre le
citoyen M eunier.
O n se demande encore comment il est possible qu’il
aie se trouve que des lettres écrites par L a io n tà M eu n ier,
-lorsque la prem ière lettre parle d’une écrite par Meunier.,
�# C a3 ) '
et par laquelle il pressoit Lafont-Bram ant de poursuivre'
le recouvrement de l’effet de 14,800 francs. Pourquoi
L afont ne représen te-t-il pas cette lettre ? comment se
f a i t - i l qu’il ne connaisse pas Vécriture de M eun ier r
lo rsq u e , d’après lu i- m ô m e , ils étoient en correspon
dance ?
C ’est ici une bien grande fatalité ; mais Lafont-Bram ant
n’est étranger à aucun genre de perfidies. Poursuivi
comme escroc, amnistié comme t e l, familiarisé avec le
crim e, on ne doit pas être surpris de ce genre d’adresse
et de ruse.
Q uoi qu’il en so it, Lafont-Bram ant, mis en accusation,
et avant que la cause fût réglée au tribunal sp écial, use
du droit que lui accorde la l o i , de récuser le tribunal
crim inel de la ville i où siège le- directeur du jury qui a
dressé l ’acte d’accusation.
R envoyé au tribunal crim inel de R io m , la procédure
est examinée et déclarée nulle pour défaut de forme. Il
est traduit devant le directeur du jury de C lerm ont, et,,
le 18 ventôse an d ix , il est assez.heureux pour obtenir
une ordonnance de mise en liberté, du directeur du ju r y ,
sans autre examen. Cette mise en liberté est suivie d’un
mandat d’amener contre M eunier; et ce qui paroît avoirdéterm iné le directeur du j u r y , avec trop peu de
réflexion ( on doit le dire ) , « c’est qu’il paroissoit
« q u e L afont n’étoit que le fondé de pouvoir de M eunier >
« q u’il avoit même donné à ce dernier une reconnois« sance du billet dont il s’agit, reconnoissance tro u vée
’ « -chez .M eunier par les gendarmes.. .
1
�'( H )
L ’accusation pèse donc .en entier . sur Meunier¡r X-e'
tribunal spécial examinera sans >.doute , si lü‘)directeur
du jury de Clerm ont n’a pas été trop léger dans fea 1
^conduite; s i, dans une affaire aussi g ra v e , il ne dévoit
]>as prendre ^de plus grandes informations ; s’il pouvoit
p river M eunier du droit de paroître devant son adver
saire , et de le confondre.
.
L e tribunal spécial saura p ren d re, dans sa sagesse,
l e parti qu’il croira le plus convenable; il verra sur
tout s’il 11’est pas indispensable de prendre, des j mesures
rigoureuses contre L afon t-B ram an t.
T e l est le détail de cette affaire siicruelle , èt en même
•temps si extraordinaire.. Il peut avoir échappé quelque )
in exactitude, à raison de Pim possibilité où 011 se trouve
d ’avoir une connoissance parfaite de la procédure; mais
moins on n’a rien omis d’intéressant..
Q uel doit en être le-résultat ? • ■
' » . >■, id
1 °. Il est démontré que le billet de 14,800 francs n’est
pas le même que celui de 4,800 francs , que Subert reconn o î t avoir souscrit au profit du citoyen M eunier. Il y a ;l
différence dans la date. L e billet de Subert est du 16'flo- r
vîiu
réal ; -celui présenté par Lafont-Bram ant est du \i6 prai
rial : et on n’a jamais prétendu qii’il y eût surcharge
•sur la date. L ’ un-est au profit de M eu n ier; l’autre est
■tiré au porteur. Il n’y a donc ideritité ni pour la pei'sonne,
n i pour la. somme,) rirp o u n la \datcj ' -»'Vc
>
2°. Ce ne peut pas être le mêmei'billet!, puisque M e u - v)
nier représente celui de 4,800 francs tsousèrit par Subert, >
oit qu’il avoit lacéré. Les.m orceaux] scuirouvcnt ra&sem- >’
Jtjlés
�( 25 ) '
blés et c o llé s, de manière à ne laisser aucun doute.
3 °. L a quittance que Subert prétend lui avoir été
donnée, est absolument fausse; M eunier désavoue l’avoir
fournie. M al à propos m êm e il auroit dit qu’il n’avoit
pas d’autre billet de Subert : ce dernier en avoit souscrit
antérieurement plusieurs autres , que rapporte encore
M eunier. L a mention qu’on prétend avoir été faite, seroit
extraordinaire et inusitée. E n fin , si M eunier avoit donné
une semblable quittance, à moins de le supposer abso
lum ent in ep te, il se seroit bien gardé de faire circuler
d’autres effets de Subert.
4 °. N ulle relation d’amitié ou d’intérêt entre M eu
nier et Bramant. Im posture''de) Bramant dans ses inter
rogatoires. Dans le p re m ie r, il n?eat m ention que de
Châtelain : c’est avec Châtelain, seul, que Bramant a eu
affaire ; c’est à lui q u ’il a fourrii :lés fonds d u 1billet dont
il demande le recouvrem ent ; c’est de Châtelain qu’il, a
pris une garantie de l’e ffe t, pour' saMsûreté. —
" Ce n?est que dans son second interrogatoire qu’il juge à
propos de com promettre M eühiér :-et alors ce n’est plus un
•billet de garantie'qu’il a voulu prendre ; c:’est une reconnoissonce qu’il-a ' 'donnée-, reednnoissnncè qui contient
des engrtgemens réciproques1.1E t croira-t-on qu’un notaire
exercé ait donné une reconnoissance pour un acte aussi
im portan t, une' somme aussi considérable, sur papier
•moi-fc , et- sans que l’acte fut fdit ^double ¿ntre M eunier
et Bramant1? 1delà seroit d’autant plus étonnant, qu’on
assure que cbtte''reconnoissance contient une note écrite
par B ram an t, par laquelle’ il dit q u 'il seroit à propos
"qu elle f û t f a i t e double. O n peut tirer 'de cette note' la
. -doïl..
■■
■
’ •<*
; D
�C 26 )
conséquence, que cette reconnoissance n’a pas été donnée
en présence, comme le prétend Bram ant; qu’il 11e l’a
faite qu’après cou p, et pour la glisser dans ce fa m e u x
portefeuille.
Quelle confiance peut m ériter un notaire qui s’expose
a un remboursement de 14,800 francs , sans avoir
aucune action pour répéter ses frais, ouïes sommes qu’il
devoit avoir cites pour bénéfice, s’il parvient à faire ren
trer les fonds ?
Bramant n’a-t-il pas d it, dans son interrogatoire, que
M eu n ier se contentoit de 12,000 francs, et que lui devoit
.a v o ir 2,800 francs de bénéfice ?
- r " -■
j Dans son m ém oire, qu’il a fait ¡répandre, 11’a-t-il pas
d i t , au contraire, que ses vacations étoient réglées ù
raison de 12 livres par jour ? Ne voit-on pas-, k chaque
instant, Bramant tomber dans des .^contradictions, cho
q u an tes ?
»¡-, -y •
-l.-tni” '
Bram ant n’a-t-i\,pfls d it ,, dans son interrogatoire-,•qu’il
n e connoissoit, pas l ’écriture.de M eunier ? S’il ne çonnoît pas son écritu re, comment répond-il à ses lettres ?
. pourquoi ne représente-t-il pas celle à laquelle il répond?
Comment se fait-il qu’on ne. trouve précisém ent, dans
.ce fam eux p o rtefeu ille, que JUi reconnoissance donnée
par L a fo n t, et ses lettres écrites de Paris? Si elles sont
. écrites de P a ris, on doit y trouver le timbre de la poste;
et le procès verbal des gendarmes n’en fait/meunemention.
N ’cst-il pas ridicule de faire dire à ‘M eunier, que les
surcharges ou falsifications remarquées sur le b illet, sont
des taches d’eau ou l’effet d’une mauvaise çncçq, et que
ces taches d’eau ou cette mauvaise encre se trouvent pré
cisément aux endroits les plus essentiels ?
�Pourra-t-on jamais croire qu’un médecin connu, qui
a dans ses mains ses certificats d’études dans les écoles
de Paris et de M on tpellier, qui exerce sa profession
avec succès, jouit d’une fortune h on n ête, appartient à
une famille estimable, ait pu s’accoler avec un v il intri
gant, un fripon m aladroit, pour escroquer des sommes
ù un commerçant qui jusqu’ici n’a point eu à se plaindre
de M eu n ier, n ’en a reçu que des services, et a cherchó
lui-m êine c\ le trom per ?
T o u s ceux qui connoissent le citoyen M eu n ier, sont
convaincus qu’il est plutôt fait pour être dupe en affaires
d ’in térêts, que pour être un faussaire ou un escroc. L a
douceur de ses mœurs et de ses habitudes éloigne toute
idée de ce genre.
O n n’aperçoit qu’invraisemblance et confusion. L a
prétendue découverte du portefeuille est d’une gros
sièreté et d’une maladresse si frappante, que, loin d’aiFoib lir les moyens du citoyen M eunier, elle détruit tout le
soupçon, et fait rejaillir la honte sur son auteur.
T Æ C O N S E IL S O U S S IG N É ,. qui a vu les pièces et
le m ém oire du citoyen M eu n ier, ensemble le billet de
4,800 francs souscrit par Subert au profit dudit Meunier.,
le 16 floréal an 8 ;
'
ESTIM E
que l’accusation ne présente rien d’alarmant
pour le citoyen M eu n ier, et que sa justification est com
piè Le.
�(28 )
L a circonstance du rapport du billet souscrit par Subert,
est surtout déterminante , et fait tomber la plainte de
Subert.
Ce billet ne peut pas être le même que celui de
14,800 francs, qu’on présente comme falsifié : différence
dans la d a te , puisque le billet argué de faux n’est que
du 16 p rairial; et point de surcharge sur la date.
Si ce billet n’est pas le même que celui dont parle
Subert dans sa p la in te, la falsification ou les surcliai*gcs
ne peuvent être du fait de M eunier. L e billet est con
senti au profit de tout autre, puisque Subert insiste sur
un point essentiel à relev er, qu’z/
ji’ îi J'ciit
qit’un seul
billet au profit de M eunier.
L a quittance qu’il annonce est désavouée par M eu n ier;
et ou cette quittance est fausse, ou elle est sincère. Si
elle est fausse, Subert est aussi coupable que Lafon tBram ant : ce seroit un concert pratiqué entr’eux pour
com promettre M eu n ier; le prem ier pour se libérer de
ce qu’il doit à M eu n ier, le second pour se faire ren
vo yer de l ’accusation, et en faire supporter tout le poids
à M eunier.
A ussi rem arque-t-on, dans le prem ier interrogatoire
de L afon t - B ram an t, qu’il ne fait aucune, mention de
M eu n ier; qu’il ne parle que de C hâtelain, dont il dit
avoir pris un billet de garantie : et ce n’est que quand
�( 29 ) ■
il a connoissance de la plainte de Subert, des explica
tions qu’il donne contre M e u n ie r, qu’alors Lafont-Bra
mant entrevoit la possibilité de se.tirer d’affaire en com
promettant M e u n ie r, et qu’il change de batterie dans
son second interrogatoire.
S i , au con traire, la quittance est sincère, il n’est pas
possible de présum er que M eunier eût eu la gaucherie
de faire ch’culer un billet de S u b e rt, ni qu’il ait pu
espérer que Subert payeroit sans exam en , et qu’il ne
seroit pas nom m é par Lafont-Bram ant.
A in s i, invraisemblance, impossibilité que le billet dont
il s’agit provienne de M eu n ier, surtout dès qu’il rapporte
le prem ier de 4,800 francs.
R ien n’établit que le projet de lettre, arraché par les
gendarmes lors de l’arrestation de B ram ant, fût adressé
à M eu n ier; ce projet, qui n’étoit écrit qu’à m o itié, n’a
ni adresse ni d ate, et n’a pas même le nom de M eunier.
L a déclaration de Bramant ne prouve pas ce fait :
son affectation de cacher cet écrit, en présence des gen
darm es, apprend assez qu’il se préparoit à l’avance des
moyens contre qui il appartiendroit.
L e portefeuille, qui se trouve si à propos sous un lit
où M eunier n’avoit pas couché depuis quinze jours, est
une jonglerie bien cruelle, inventée par Bram ant, exé
cutée par un gendarme son ueYCU ; (l Lù ne peut influer
�. ( 30 )
sur le sort de l’ affaire. Q uelle apparence que M eunier
eût porté sur l u i , en v o y a g e , des pièces de ce g e n re ,
lorsqu’il étoit instruit de l’arrestation de B ram ant, et
des poursuites rigoureuses qu’on exerçoit contre lu i? se
s c r o it-il muni des pièces de conviction qu’il auroit eu
un si grand intérêt de cacher? Quelle noirceur! quelle
perfidie ! Ce n’est pas ainsi qu’on peut en imposer aux
hom m es, qu’on peut trom per des magistrats éclairés qui
savent découvrir le crim e et venger l’innocence.
Il
est sans doute bien m alheureux que Lafont-Bram ant
ait été mis en liberté aussi légèrem ent; avec quelle facilité
on pourroit le confondre, s’il étoit présent! M ais, dans
tous les cas, le citoyen M eunier ne doit pas douter de
la loyauté et de la justice des magistrats chargés de pro
noncer sur son sort. Il ne s’est élevé contre lui que de
simples soupçons, sur la plainte de Subert : il les détruit
par le rapport du billet de ce dernier-, il ne doit donc
pas redouter l’événement.
D
é l ib é r é
par le jurisconsulte an cien , soussigné,
à
R io m , le 24 nivôse an 11 de la république.
P A G E S ( de Ri o m ).
A R I O M , de l’imprimerie de
L
a n d r i o t
du tribunal d ’appel.
,
seul imprimeur
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Meunier. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Subject
The topic of the resource
créances
papier mort
billets
falsification
corruption
Description
An account of the resource
Mémoire pour le citoyen Meunier, médecin, accusé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1800-Circa An 11
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0730
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Bonnefer (terre de)
Paris (75056)
Chéniers (23062)
Rights
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PDF Text
Text
M E M O I R E EN R É P O N S E ,
y
Pour
C
a t h e r in e
M O L I N , et les S.r et dame V E N D R I E Z
et B O R N E , intimés ;
CON TRE
Jean et autre Jean CHO U V E N C 3 appelans.
Q U E S T I O N S .
1 ° L a procédure des a ppelans a -t-elle é té périm ée de p le in
droit dans le ressort du parlem ent de T o u lo u se ?
; 2 ° S i e lle n 'est p a s p é r im é e , p e u v e n t-ils, com m e tiers a cqué
reurs, repousser l'a ctio n des in tim és p ar la p rescrip tio n de
d ix a n s , dans le m êm e parlem ent ?
3 .° S 'il n 'y a p as p rescription , les a ppelans so n t-ils recevables en la dite q u a lité d'acquéreurs d'un c o h éritier, à fo rm er
tierce op p osition à des ju g em en s en dernier r e sso r t, rendus
sur a p p o in tem en t, entre leu r vendeur et ses autres coh éritiers
pour le règlem ent de leurs droits resp ectifs à la su ccessio n
com m un e ?
4.0
Thérèse M o lin a -t-e lle eu 10 ou
3 o ans p ou r se p o u rv o ir
c o n tre une renonciation surprise en m in o rité p a r des p rotuteurs,
dans l ’ignorance de ses droits et sans être in fo rm ée que les testamens de ses père et mère étaient n u ls ?
C ette question d o it-elle être décidée par une ju r isp ru d e n ce
autre que ce lle du parlem ent de T o u lo u se ?
5 .° C atherine M o lin a -t-elle p e r d u , p a r la p rescrip tio n de 3o
A
�(*)
a n s, le droit de dem ander le p a rta g e, pendant sa coh a b ita tio n
dans la m aison p a tern elle ?
6.° L e testam ent de Catherine F e r r a p ie , sa ns s ig n a tu r e ,
ou déclaration nég a tiv e de la te sta tr ice, et sans lecture à la dite
testa trice , e s t-il v a la b le? Q u e ré su lte -t-il p o u r ou contre sa
v a lid ité de c e q u 'il est antérieur à la p u b lica tio n de Cordon
na nce de 1735 ?
7 .0
L a prem ière su b stitu tion q u 'il c o n t ie n t , e st-e lle J id é icom m issaire o u jid u c ia ir e ? L a seconde est-elle une su b stitu tion
p u p illa ire ? E st e lle v a la b le? A - t- e lle transm is la succession à
M arie M olin , dernière appelée ?
8.“ L e testam ent de P ie rre M o lin , q u i a sim plem ent lé g u é
un e légitim e à ses enfa n s p u in es , e st-il n u l p o u r v ice de prétériu o n ?
T .L L .S
sont les questions importantes et nombreuses qui
divisent les parties et qui ont occupé la C o u r pendant plusieurs
audiences. Une expédition infidelle du testament de Catherine
F e rra p ie , rapportée par les Chouvenc , contenait deux expres
sions, dont ils abusaient en faveur de leur cause. L a Cour s’est
vu e forcée d ’ordonner une collation vidimée de la minute de cet
a c t e ; aujourd’hui la nouvelle expédition est 1apportée, et les
intimés se verront enfin en possession de leurs droits successifs,
après avoir plaidé 22 ans , et s u b i , pour faire juger un simple
p a rta g e, quatre degrés de juridiction.
F A I T S .
Pierre M olin a v a it , dit-on, pour frères M a rc e lin , Biaise , et
Ignace Molin. Tous , excepté le dernier , sont inutiles à la
cause; et pour ne pas l’em bro uiller, les intimés se contentent
d’en rappeler les noms , pour passer à la descendance de Pierre,
marié ù Catherine Ferrapie. Ils ont eu six enfans.
�(
3 )
P ierre M olin , mort en 1743.
Catherine F e r ra p ie , morie en i y 35.
!
M arie M olin.
M arguerite ,
Pierre ,
i.e r m a r i,
N .. Cliam barliac.
m orte s. p.
né le 2 m ai
en 1741.
1731 ;
,
2.e m a r i
N ... D e jo u ï.
3 .e m a r i,
C la u d e-L a m b ert
L acro isiire.
■ 1
Catherine , Jea n n e ,
intim ée.
m. s. p.
eu 1770.
m ort s. p.
le 3 noyemb.
1748.
Jeanne B o rn e ,
L ou is V e n d r ie z ,
intimé«.
L e 2u m ars i y 35 , Catherine F errapie fit son testament. E lle
légua à ses six enfans leur légitim e de droit, à titre d’institution.
.V oici les dispositions et la form e de ce testam ent:
Catherine Ferrapie institue pour ses héritiers universels Ig n a c e
M olin* curé de C h a m b o n , son beau-frère, et Pierre B o ye r, son
o n cle , « à la charged e rem ettre, quand bon leur sem blera, ladite
« hérédité à P ie r r e , fils de la testatrice, et au cas que ledit Pierre
a M olin vint à mourir sans p o u v o ir disposer, ou sans avoir
« recu eilli ladite hérédité, elle lui substitue M arie. Ladite testa
it trice fait ladite institution sans d ista ctio n de quarte et sans
« qu’ils soient obligés de rendre aucun com pte des fr u it s de
a ladite héréd ité, et à la charge de faire entretenir et élever ses
« e n fa n s .... Fait et récité audit T e n c e , dans la maison d’autré
« sieur Pierre M o lin , en présence d e ..............témoins soussignés.
« L adite testatrice ille de ce enquise et requise............. »
L e 20 mai 1743 , Pierre Molin père, fit son testament : « ¡1
« institue pour son héritier Pierre M olin son fils. . . . Il donne
« et lèg u e à ses cinq autres enfans leur légitime de droit;
« et attendu le bas âge de son héritier, il prie Ig n a c e M olin
« curé de Chambon , son frère , et M a r ie , sa fille , de ré ‘n r et
« administrer ses biens , jusqu’à ce que son héritier soit en état
A 2
�;
( 4 )
« de le faire..........Fait et récité à T en ce , maison du testateur »;
Pierre M olin mourut le 21 du même mois de mai 1743. A lo rs
Marie Molin , m a je u re , et mariée dans la maison paternelle ,
s’empara des deux successions. Ignace Molin était curé de Gham bon , Pierre Boyer était mort en 1740; et Pierre Molin , appelé
aux deux successions, s’engagea aussitôt qu’il en eut l ’âge. Il
mourut à L ille le
3 novembre 174O, et 011 fut long-tems dans la
famille à douter de sa mort.'
Quelques années apiès, 011 trouva l'occasion de marier la plus
jeune sœur, Thérèse M o lin , avec le sieur Borne , d ’ une province
étrangère, moins capable par conséquent d’avoir l ’œil aux affaires
de la maison , et par le contrat de mariage du 5 juin 1755 , le
sieur Gliambarliac lui constitua 1,900 IV. de dot, en bien expri
mant que c’était pour les successions du p è re , de la m ère, de
la sœur d é cé d é e, et même on ajouta celle du lrère , quoiqu’on
n ’eût pas de nouvelles de la mort. Thérèse M olin, m in eu re, re
nonça à toutes successions, et s’obligea de la confirm er et rati
f i e r à sa majorité. On ne s’ est jamais avisé de lui demander celte
ratification. Mais , indépendamment de cela , malgré son éloi
gnement, elle aurait cherché à se pourvoir, sans l’ap ithie du sieur
Borne son m a ri, et si encore sa famille, flattée de l’alliance du
sieur C h a m b a r lia c , 11’eût toujours persuadé que M ir ie Molin
était l’héritière de ses père et n ère. Quand le sieur C h am barliac décéda, elle passa en de secondes noces avec le sieur Déjouv,
puis en de troisièmes, avec le sieur L a m b e r t- L a c r o i s i è r e , qu’elle
institua héritier universel , et qui acheva , à peu de chose p rè s,
de dissiper la succession.
Thérèse M o li n , veuve, revint habiter près de sa fam ille, et
11e connut qu’alors l ’étendue du sacrifice qu’on avait extorqué
de son inexpérience. L e 22 janvier 1783, elle a s s i g n a Marie Molin
et Lacroisière, son troisième m a r i, en partage des successions
de ses p ère, m ère, frère et sœurs, pour lui être délaissé sa p o r
tion rffïorante.
Après cette dem ande, elle fit donation de ses biens à la dame
�( 5 )
...
V e n d rie z , sa iilîe , qui intervint. L e procès fut appointé a T e m ’e ,
et le 2 novembre 1 7 8 4 , il intervint sentence qui ordonna le par
tage du c h e f de Jeanne seulement ; et avant faire droit sur le sur
p lu s, ordonna une estimation préalable des biens des père et
mère communs.
L e s druir parties interjetèrent appel'dé cette sentence ; les pro
cédures se continuèrent en-procès par écrit jusqu’à la révolution.
L e tribunal du district du Puy fut choisi pour connaître de cet
appel.
C e tribunal rendit son jugement le 26 janvier 1 7 cj3 , sur pro
ductions respectives, cl jugea dans ses motifs :
i.° Que le testament du père était nul par prétérition; 2.0 cjue
la substitution, portée d;:ns celui de la mère, avait s'isi Pierre
Mniin de la success on , et que ledit M olin étant mort après
quatorze ans, les substitutions s’étaient alors éteintes ; 3,° que
la rcnouuicition de Thérèse Molin était nulle , comme n’étant
dhigee nu profit de personne , comme faite par une mineure ,
avec i-o'ivent on dr ratification non effectuée, et comme dirio-ée
au pr<ur d’ une pioîutru-c , et que l’action avait duré trente ans.
E n conséquence , ce tribunal ordonna le partagé desdites suc
cessions, |iour etre délaissé à la dame Vendriez sa portion, expli
quée et calculée audit jugement.
I)c son côté, (.atlu-rine M o lin , sortie de la maison paternelle
à la mort de sa sœ u r, en 1 o8ii , avait assigné L am bert-L acroisière, son héritier, le ¿17 novembre de la même année pour venir
à partage, et lui expédier un cinquième du ch e f de son p è re , et
seulement un douzièm e, du chel de sa mère, parce qu’elle avait
aussi vécu dans la cro yan ce, que. Marie M olin était héritière
par dés testamens qu’elle n’avait jamais^vus ; elle demanda éga
lement les successions collaterciles.
: U ne sentence du 17 août 1790 ordonna c o p a rta g e , pour être
expédié un douzième des biens de la m è r e , un dixième des biens
du p è ra , et dans lus mêmes proporlions pour les successions col
latérales.
�,
( 6 )
*_es ueux parties interjetèrent encore appel ; Catherine M olin
alors ayant eu connaissance du testament de sa m ère, rectifia
ses conclusions, et demanda un seizième du c h e f maternel.
L e P u y ¿tait aussi saisi de cet appel qui s’instruisit en
procès par écrit par plusieurs écritures, et il était sur le point
de recevoir sa décision, lorsque fut rendu le jugement ci dessus,
du 26 janvier 179^*
O n présume sans peine que Lacroisière, succombant vis-à-vis
M a r ie - T h é r è s e M o l i n , en dernier ressort , n’avait garde de
plaider plus long-tems contre C a th erin e , devant le même tri
bunal. Il demanda accommodement ; les parties traitèrent, le
19 février 1 7 9 3 , et comme on le voit , en grande connaissance
de cause.
Lacroisière, par cet acte , dit qu’il adhère au jugem ent , en
dernier re sso rt, du 26 janvier , et consent que des experts fassent
le partage des portions revenant à T hérèze Molin.
Il y consent aussi vis-à-vis Catherine Molin , mais avec con
vention qu’ elle ne réclamera les jouissances que depuis 1788.
Il est convenu que les experts expédieront d’abord la maison
q u ’il occupe , un domaine et’un jard in, et déduiront les créances
q u ’ila'acquittées envers Jean-Antoine M o lin , à la déchai’gedetous.
E t comme évidemment ces biens ne suffisaient p a s, il apprend
qu’il a vendu aux nommés C houvenc , I r a is s e , C u o q , lio y e r ,
D e lé a g e , et laisse à Catherine et Thérèse M o lin , à se pourvoir
contre e u x , ainsi qu ’elles aviseront.
E n f i n , celles-ci font le sacrifice de tous leurs dépens, tant des
causes principales que d ’appel.
L e 26 février 1 7 9 3 , les i n t i m é s signifient à ces tiers acquéreurs,
uon-seulement ce traité, mais encore le jugement du 26 ja n v ie r,
pour qu’ils l ’attaquent s’ils s’y croient fondés.
L e 11 a v r il, ils les assignent tous en désistement et jugement
commun ; la plupart acquiescent à la deinaude. Le moyen des
Chouvenc n’était pns alors d’attaquer le jugement du 26 janvier
1790 , mais de dire qu’ils avaient des lettres de ratification.
�C7 )
L e 19 prairial on 3 , un jugem ent ordonne le désistement en
expliquant que les intimés épuiseront, i .° les biens lib res, z.° ceux
abandonnés par les acquéreurs , qui ont acquiescés avant d ’en
venir a u x Chouvenc. Ils sont condamnés à rapporter les jouis
sances , seulem ent depuis la demande comme acquéreurs de
bonne foi.
Depuis cette époque le tem<? de la péremption s’accomplit : ce
n ’ est que le 9 vendémiaire an
3 , que les C h ou v en c signifient l’ex
ploit de l’an 4 a Catherine Molin s e u le , pour assister en la cause.
1 L e 16 germinal an 9 , les intimés on» assigné les C h ouvenc en
lu cour, pour se voir démettre de leur nppèl.
('/est en la cour , seulement pour la première fois , que les
Chouvenc ont inviginé d ’attaquer le jugement du 26 janvier 1793,
par tierce opposition. Leur résistance soutenue est fondée sur
leur nrétenduo bonne foi : t-ppendant ils ont acquis d’une cohén iic te qui avait une pcput dans la m aison, ils ont fait p lu s, ils lui
ont paye le prix de la vente, quand elle était séparée de biens.
M O Y E N S .
S i, quand les intimés ont plaidé avec le sieur L a c ro isière , ils
avaient eu le moindre soupçon de la vente fa îte a u x C h o u v e n c ,
le même procès aurait tout term iné: et certes, en voyant toute
la résistance du sieur Taci-oisière e t combien le tribunal du P u y
a approfondi les questions de ce procès , il est aisé de v o ir que les
moyens des Chouvenc n’auraient rien changé i sa déc ision. Quand
ils ont été appelés devant les tribunaux de la Haute-Loire et de
L ’A r d ê ih e , l’idée ne leur est pas même venue d ’attaquer le j u
gement du 26 janvier 1793 , et de faire rejuger un procès qui
leur était étranger ,
et
dont l’issue eut indubitablement été la
même- mais à R i o m , une d iv ersité , ou plutôt une innovation
d e j u r i s p r u d e n c e a changé leur plan. L e s Chouvenc veulent a u
jourd’hui faire tout remettre en question; mais avant d’aborder
le fonds , ils sont arrêtés par des questions préalables qu’ il
s’agit d’examiner.
�C3 )
P R E M I È R E
' QUE S T I ON.
L a procédure des* appelons est-elle périm ée?
‘
L a loi Properandwn et
i
...
1’ordonnance de Boussülon veulent
que tous les procès soient promptement jugés ou entretenus par
des procédures, sinon l’instance est d-îclarée périe.
L e parlement de Paris avait modifié ces lois par un arrêt de
règlement de 1692 , qui, voulait que la. péremption n’eût lieu
qu’après une demande ; mais cet arrit n’a eu d’eiiet que dans son
ressort. A u parlement d e .T o u lo u s e , au contraire, l’ordonnance
de Roussillon était suivie à la rigueur; la question de savoir si la
procédure avait été entretenue sans discontinuation , était même
devenue un formulaire dans le dispositif des senteuces; la pé
remption y a toujours eu lieu de plein droit, et le juge la suppleiiit
si on ne la demandait pas.
?
Cette jurisprudence a dû se maintenir, et s’est maintenue en
effet en la Cour. Quand des questions de péremption se sont pré
sentées pour l’ancien ressort de Toiilolise, la Cour a ju g é , notam
m ent les 18 pluviôse an.r 1 et 12.nivôse an 12 , que la péremption
avait eu lieu de plein droit, même pendant la révolution , et la
suppression des avoués.
On objecte que les intimés ont couvert la péremption en anti
cipant le 16 germinal an 9.
Mais i.° cet exploit assigne lés Chouvenc pour se voir démettre
de leur a p p e l, et cette expression générale et indéterminée com
prenait toutes les voies légales qui pouvaient conduire ¿1 cette
démission d’appel; il serait dpnc bizarre de dire que celui-là ap
prouve u n 'a p p e l, qui assigne l’appelant aux lins de s’en voir
déihetlre. Il faut bien que la péremption même soit prononcée
en justice, et personne n’osera exiger que celui qui la prétend
acquise, soit oblige de s’en tenir à ce rn jyen seul; car en Cour
d’appel il n’y a pas d'exceptions sur lesquelles,il faut statuer préa
lablement) connue l’exige, en première instance, l’ordonnance ’
de
�(9)
de 1667.. On sait assez qu’il faut, en
Cour
souveraine, proposer
tons ses moyens à la fois.
2 .0
Cette question a été discutée par M . r le procureur géné
ral M e r li n , en ses nouvelles questions de droit , v.° a p p e l, §. 9,
avec sa profondeur ordinaire, et il décide que d’après le systeme
de l’ancienne et de la nouvelle législation, la péremption est un
moyen de droit puhlijj tendant à l’abréviation des parties , et
qui ne se couvre pas. L es ordonnances , dit-il, le veulent a in s i,
les anciens arrêts y sont conformes, et la loi du 14 octobre 1790»
qui s’est occupée de la procédure des justices de paix, dit qu’a
près quatre m o is , C in sta n ce sera p érim ée de droit et V action
étein te ; donc, a jo u t e - t - i l, le juge doit déclarer la péremption
acquise, lors même que la partie intéressée n’y conclurait pas.
M , r Merlin , en sa discussion , ne s’occupe p a s , comme 011
pourrait le croire , des péremptions de quatre m o is, qu’il ne cite
que pour comparaison. L ’ordonnance de Pvoussillon lui sem ble
aussi c la ir e , toutes in sta n ces disco n tin u ées pendant trois ans
sont éteintes et péries. A va n t son arrêt de 1692 , le parlement
de Paris le jugeait ainsi. On trouve deux arrêts précis des 27
juillet 1604, et 27 août 1610. Menelet et Bouchel enseignent les
mêmes principes.
« L a péremption, dit B o u c h e l, une fois acquise, ne se couvre
« point par une procédure volontaire , depuis faite en l’instance
«
«
«
«
périe, ensorte que nonobstant qu'on ait repris cette in sta n ce
on peut faire juger la péremption................ L ’ordonnance de
Roussillon porte que toutes instances sont éteintes et péries.
C ’est un droit p u b lic auquel 011 ne peut déroger».
Par une fatalité attachée aux lois humaines , les auteurs con
temporains les trouvent ordinairement très-décisives et sur-tout
t r è s
- respectables ; mais à la longue ce respect s’afiaiblit singu
lièrement. De là vient que les auteurs du 16.e siècle voyaient, dans
l ’ordonnance de 149.3, ce que nous ne voulons pas y voir; tandis
que par une inconséquence bizarre, nous trouvons la loi du 14
octobre tiès-impérative, quoique ces deux lois disent positive
ment la même chose.
U
�( 10 )
A u reste, il s’agit ici de suivre la jurisprudence du parlement
de T oulouse; la péremption y était jugée de p lein d r o it, et c’est
dire assez qu’elle y était un moyeu de droit public.
L es Chouvenc ont cru trouver une interruption dans le chan
gement de personnes; mais c’est un rêve de dire que Jeanne
Borne n ’ait pas été en cause avant l’an 8; elle était en qualilé dans
le jugem ent de 1793. Quant à Chouvenc fils , il lui a plu d’inter
ve n ir comme donataire, sur l’appel, mais son père est toujours
en cause, et s’il a laissé accomplir la pérem ption, elle n’en est
pas moins bien acquise contre le légitime contradicteur.
DEUXIÈME
QUESTION.
I
L e s appelons , tiers acquéreurs , p eu v en t-ils in v o q u er, à T o u
lo u s e , la prescription de d ix a n s ?
L e s Chouvenc font des efforts incroyables pour
1établir, et
pour forcer à être de leur avis les auteurs même du parlement
de Toulouse qu i, sans exception, sont d’un avis contraire.
Cependant les Chouvenc débutent par convenir (p ag. 9 de leur
m é m o ire ), que M arie M olin ne p o u v a it p as vendre la p o rtio n
de ses coh éritiers, q u ’ i l est CERTAIN que ces cohéritiers avaient
TRENTE ANS u t i l e s p our réclam er contre / o m / c v e n t e f a i t e par
l'u n d'eux.
M a is, continuent-ils, la question con cern e T acquéreur ; on
leur demandera d’abord comment il est possible d’avoir trente
ans pour se pourvoir contre les v e n te s, et de ne pas les avoir
con tre l'acquéreur ; comme ce serait inexplicable , il vaut m ieux
dire que les Chouvenc ont été forcés-de reconnaître l ’évidence
du principe.
A u reste , en examinant la question en e lle - m ê m e , ce n’est
pas dans le Code civil qu’il faut la chercher, cardans une grande
partie de ses articles, et notamment sur les prescriptions, il a
adopté tantôt le pur droit ro m a in , et tantôt la Coutume de Paris.
Mais pour 11e pas faire de confusion à l ’a v e n ir, et respecter le
�£•
( ii )
passé, l ’art. 2281 lermine le Code par dire que les prescriptions
com m encées seront réglées conformément aux lois anciennes.
11 faut donc chercher ailleurs que dans le Code, s’il y a lieu
a la prescription de dix ans; et même si nous trouvions de l’obscurite dans les lois romaines qui régissaient les parties , il fau
drait dire avec la Cour de cassation que l’ usage est VinterprèLc
le p lu s sur des lo is , et s’en référer à ce qui a été jugé de tout
tems sur ce point par le parlement de Toulouse.
Mais la loi n’est nullement o b s c u r e , el si on trouve au
Code une loi qui établit la prescription de dix ans en faveur
du tiers possesseur , on voit aussitôt après l’authentique m alæ
f u le i qui l ’ explique et la com m ente, en déclarant que les dix
ans n’ont lieu que quand le vendeur a été de bonne foi. Malce
J îd e i possessore a lié n a n te , cessât lon g i tem poris prescrip tio\
s i verus dom in us ig n oret j u s suum et a lienationem fa cta m .
Si ce commentaire de la loi elle-même ne paraît pas assez clair,
si comme les Chouvenc le disent, il y avait moyen d’en torturer
le sens en présum ant que les intimés ont connu la vente, nous
trouverons la suite der l'authentique dans la novelle d’où elle est
tirée, et il sera très-clair alors que ce n ’est que la bonne foi du
vendeur qu’il faut considérer. S i autem ig n orâ t verus a lien a ta rum rerurn dom in us, non a liter hune e x c lu d i n isi p er tricn n a lem prescriptioneni : non valente dicere eo qu i res h oc m odo
p ossid et quia ipse bond fid e p o ssid et, quandb ip se à m ald Jid e
p ossidente hoc a ccep it. Novell. 1 1 9 , ch. 7.
Puisque la loi est si claire et si positive, il faudrait donc s’é
tonner que le parlement de Paris jugeât pour la prescription de
dix ans, en faveur de l’acquéreur, si nous 11e savions que la C o u
tume de Paris en a une disposition expresse, et que dans les moin
dres doutes, elle était la règle pour ce parlement.
Quant
au parlement de Toulouse, tous les auteurs de son res
sort attestent, sans exception , que la prescription de dix ans n’y
est admise que pour l’hypothèque, et que le tiers possesseur ne
prescrit que par trente ans.
B 2
�C 12 )
Boutaric , page 182 , a , sur ce s u j e t , une discussion très-ap
profondie. Serres, page 137 annonce la seide prescription de
trente ans comme un principe non contesté. Graverol et Larocheflavin , p.
5 io ; Catelan , p. 507, disent « que le parlement
« de Toulouse n ’a pas reçu cette usucapion de dix a n s , que
« Justinicn même avait transformée en prescription de trente
« ans; q u ’ainsi le tiers acquéreur purge l’action hypothécaire
« par dix ans , et non le droit de propriété pour lequel il faut
« trente ans ».
Furgole , en son traité des testam ens, tom.
3 , pag. 4 1 7 , s’ex
plique ainsi : « A u parlement de Toulouse , ou ne connaît d’autre
« prescription pour l’acquisition ou la perte des droits person« nels 011 réels que celle de trente ans. Ainsi un héritier pourra
« demander pendant trente an s, même ¿1 celui qui possède avec
« un titre, lequel 11’est pas capable de lui attribuer la propriété,
« com m e ayant été consenti à non dom ino.
Ces principes sont élémentaires dans les parlemens de T o u
lo use, A i x , Bordeaux et Grenoble. O n peut consulter là dessus
encore Catelan , livre 7 , chap. 21 ; Lnpeÿrère , lettre P , n.°
83 ;
M ontvalon , page i o 5 ; D econnis , tom. 2 , col. 589 ; Bretonier ,
v.° prescription ; M . r M e r lin , v .° hypothèque , § . i 3 , et la
m axim e est tellement devenue triviale d;ms les parlemens du
droit écrit, que suivant D upérier , » la prescription de dix a n s,
« en ce c a s, n ’est plus maintenant que pour les écoles».
Cela peut paraître étrange dans un parlement qui 11e s’y con
formait p a s; le docte D om at y avait réfléchi lui-m êm e, et ne
s’en étonnait pas : « L es lois, disait-il, qui marquent le tems des
« prescriptions ne sont (pie des lois arbitraires, car la nature 11e
« fixe pas quel tems il faut pour prescrire. . . . Il se règle difïe« reniaient en diverses provinces , et il y a même de celles qui
« se régissent par le droit écrit où l’on n’observe pas les divers
« tems de prescription du droit romain. Il y en a ou elles ont été
« réduites
à
une seule prescription de treille ans. »
N ous verrons sur la 4.« q u estio n , que la C our de cassation a
�( iS )
consacré, p a r trois arrêts, la necessitò de sui vr e la j u ri sp rud enc e
d u p ar le me nt de T o u l o u s e , et expresse'ment sur la matière des
prescriptions.
C o n c l u o n s "donc q u e les C h o u v e n c ne p eu ve nt i n vo q ue r la pres
cri pt ion de d i x ans , dans u n ressort où on ne citerait pas un seul
arrêt ou j u g e m e n t q u i , en s e mb la bl e cas , l ’ ait jamai s admi se.
D a n s leur propre système , il faudrait les suppose r de b o nn e l o i ,
et il est i mpossible q u ’ ils le fussent.
L a l o i , au r este, n ’est n u l le me n t en l eur f a v e u r , et ce n ’est
q u e sur ab o nd a mm en t q u ’ il y a lieu d ’i n v o q u e r l ’i nva ri ab il it é
de la jurisprudence.
T ROI S I ÈME
QUESTION.
L a tierce op p o silion des appelans, e s l-e lle re ce v a h le ?
« P o u r être reçu tiers o p p o s a n t , disent les a u t e u r s , il ne suffit
« pas d ’ avoir intérêt de l’a t t a q u e r , il faut a voir élé partie n éces« sairc dans le procès j u »
L e s i . l i o u v r n c étaient - ils donc pnrlies nécessaires da ns le
procès d ’entre les intimés et le sieur Lucroi si ère , de q u o i s’ugissait-il ? d’ un p a r t a g e .
M a i s un partage :1c succession ne p ouvai t être fait q n V n f r e
cohéritiers. A c lio fam ihœ ercisciuniœ solis hœredibus cotn-
pelit.
L e s questions d ’un p ar tag e sont tellement étrangères à tous
a ut re s , q u e q u a n d un li.u-s achète la porti on d ’un cohéri ti er ,
les autres p eu v en t l ’ex pul se r en le r embo ur sa nt , p o u r l ’e m p ê
cher de pénétrer les secrets de la famille. Au ssi en d r o i t , l ' a c
tion en 'partage e s t - e l l e , p a r sa seule d é fi n i t i o n , e x c lu s i v e de
toute admission étrangère : A c lio familiev crciscimdœ est aclio
ci vi lis qnâ cohœredcs i n t e R î>e agunl de com muni hœreditaie
dividundâ.
J u s q u e - l à u n a c qu é re ur n ’est pas partie nécessaire d a ns n n
p a r t ag e ; il a suivi la foi de son v e n d e u r , et q u a n d la n o v e l l e
1 1 9 le réputé a cq u é r e ur de m au v a i s e f o i , p a r cela se ul cple ac
�(H)
_
cep it à m a lâ J îd e p ossid en te, il est bien plus difficile encore de
supposer que deux cohéritiers ont
nullement et inutilement
procédé pour avoir omis d ’appeler un tiers possesseur, quand
toutes les affaires de la maison leur étaient inconnues.
L es Chouvenc n ’ont pas dû être assignés nécessairem ent’'
L ’ordonnance de 1667 d'ailleurs 11e donne pas la faculté de
tierce opposition à ceux qui ont été condamnés par eux-mêmes,
ou leurs ayant-cause.
O r comment expliquer l’étendue de ce mot ayant c a u s e , ce
sont, disent les auteurs, ceux qui représentent le condamné à
titre universel ou à titre singulier, pour la chose litigieuse. A in s i,
dit R o d ie r, un c réa n cier, un acquéreur sont des ayant cause.
Nons allons voir encore que le Droit romain les place sur la
même ligne.
A u if. des appels et au code des évictions , les lois entendent
si bien que le créancier et l’acquéreur soient des ayant cause du
propriétaire ou vendeur, et qu’il a pu être condamné hors leur
présence, qu’elles luiacecordenl le droit d’interjeter a p p el, comme
condamnés eux-mêmes en sa personne
S ie m p to r de proprietate v iclu s e s t , eo c e ss a n te , auctor eju s
appeliare poterit y item s i auctor egerit et v iclu s s i t , non est
deneganda em ptori appellandi fa cilita s. . . . l d que ità co n slitutuin est in persond creditoris. L . 4. ( f ■de appellat.
L ’acquéreur et le créancier sont donc identifiés avec le procès
du vendeur; et quand celui-ci a lui-même interjeté a p p e l , la loi,
toujours juste , permet encore à l’acquéreur d’intervenir au
procès , si le vendeur paraissait suspect dans les moyens qu’il
propose. Q uiu cliant si auctor appcLlaverit , deindù in causai
d ejen sion e suspectas v is u s e s t, pertndù dc/ensio caitsœ einj.tori
com m iltcnda e s t , atijue si ipse appeliasset. L . ead.
L e ( ’ode civil s’est conformé à ces principes,
sur-tout
en ma
tière de partage, et bien loin de vouloir que des cohéritiers soient
passibles d’aucune résistance étrangère , après le partage con
sommé , il n’admet les créanciers qu’à intervenirà leurs fr a is ,
�C 15 )
sans pouvoir ensuite attaquer le partage autrement que s’il y avait
été statué au préjudice cl’une opposition par eux formée (art. 882).
Il y a plus ; car si , par l’eflet du partage , un seul cohéritier
avait obtenu tout l'immeuble commun , à titre de licitation ,
envain tons acquéreurs ou créanciers des autres cosuccesibles
tenteraient de l’é v in c e r, l’art.
883 lui répondrait « que chaque
« cohéritier est censé avoir succédé seul et immédiatement à tous
« les effets compris en son l o t , ou à lui échus par licitation. »
Ainsi Thérèse et Catherine M olin o n t , dans la portion qui
leur est attribuée par un jugement en dernier ressort, une pro
priété qui leur est transmise ex causa antiquâ, et qui est réputée
leur appartenir depuis l'ouverture des successions. Ainsi les
C h o u ve n c, qui n’étaient pas parties nécessaires au procès relatif
au p a rta g e , mais qui pouvaient seulement y intervenir , trouvent
aujourd’hui un mur d’airain dans la chose ju g é e , et ne peuvent
plus faire juger avec eux seuls une demande en partage , de
successions qui leur sont étrangères.
S i, après s’être pénétré de toute la puissance de ces principes,
il fallait en venir à la jurisprudence, les arrêts abondent en fa veu r
des intim ées, et on n ’en citerait pas un seul qui fût favo rab le
aux Chouvenc.
Parm i le grand nombre d ’arrêts qui se trouvent dans tous les
liv re s , nous 11e puiserons que dans des sources indubitables ,
pour qu’on ne puisse pas même présumer que l ’espèce de lad écicision n ’a pas bien été saisie.
1.0 M . r C o ch in , en ses notes alphabétiques, tom.
dit ; « jugé par arrêt du
5 , pag, 5 2 7 ,
3 i mai 1726, en faveur des sieur et dame
« Massol contre M .r le président Am elot et le comte de T avan es,
que le tiers détenteur , assigné en déclaration d ’hypothèque
« par ceux qui ont obtenu des arrêts contradictoires contre sou
« v e n d e u r , ne peut y former tierce opposition, q u oiqu e son
« acquisition y soit antérieure. »
2.0 M . r Merlin , au répertoire, v.° tierce opposition , c jtc
deux arrêts. Par le premier, « la dame de Conllans était en procès
�(i6)
« avec un seigneur voisin pour m ouvance de fief. . . elle vendit
« sa terre. . . . on continua de plaider avec elle. . . . elle perdit
« son procès par arrêt de 1728 . . . son acquéreur ayant réclamé
« des droits seigneuriaux, l’autre seigneur lui opposa cet a rrê t. . .
« l’acquéreur y forma tierce opposition , 011 lui répondit qu’il
« devait s’imputer de n ’être pas intervenu : par arrêt du 3 i
« mai 1742, il fut déclaré non recevable dans sa tierce opposition. »
P a r le 2.° arrêt, « le marquis de L usignau vendit , en 1720 ,
« des (erres au sieur Dauriac. . . . L es héritiers de.la dame de
« Monriquet liront, en 17 2 7 , confirmer , sur a p p e l, une sentence
« de 1718 , contre le marquis de L usignan seul. M . r .Dauriac
« soutint q u ’on aurait dû l’appeler, et forma tierce o p p o sitio n ....
« O n lui répondit q u ’ il devait intervenir. . . . q u ’il était censé
« avoir été partie dans l’arrêt j)ur son v e n d e u r, q u ’en celte
« partie il était Vayant cause du marquis de Lusignan. Par arrêt
« du 6 septembre i~5o , il lut déclare non recevable. »
3 .° L e B u lletin o[ficiel de cassation rapporte un arrêt du 12
fructidor an 9 , dans lequel , pendant un bail à ferme , de
forges, moyennant 122,400 f. , le s.r Forestier se lit envoyer en
possession de ces forges, par jugement en dernier ressort cl par
défaut du
3 janvier 1792. . . G o d et, créancier, forma tierce oppo
sition , et dit que cette dépossession était le finit d ’une collusion.
Néanmoins l’arrêt, « vu les art. 5 et 11 du titre 27 de l ’ordonv nancc de 1667, et l’art. i . cr du litre
35 . . . • Attendu que la
« reserve du droit des tierces personnes , ne concerne que celles
« qui n’ont pas été parlies appelées ni représentées.. .. que le
« sieur Godet , comme créancier de Lessart , était à cet égard
« son ayant cause. . . . que Lessart a éléappelé. . • . que Godet,
« en qualité de son ayant cause , n ’aurait pû être recevable a
« a lla q u e rc e jugem ent, q u ’aulant q u ’il eût élé juslifié que Lcs« sai t atiK’ il été lui-même admissible à se pourvoir.
que les
« juges do Can , en admettant la tierce opposition du cit. G o d e t,
« oui violé l ’arl.
5 de l'ordonnance concernant l'a u to rité de la
« Chose ju g é e , et oui contrevenu ibmicllement a l’art. i . cr du
litre
�« titre
( *7 )
35 , qui ne perm et de rétracter, autrem ent que par requête
« c iv il e , les jugem ens rendus en dernier ressort , avec ceu x
« qui y ont été p a rties, ou leurs ayant cause...................Casse
« et annulle etc. »
V o ilà donc la pleine confirm ation de la loi 4 iï. de a p p ella tion ib u s et du code civil. L ’acquéreur ou le créancier peuvent
intervenir s’ils suspectent ; ils peuvent m êm e attaquer la chose
ju g é e , par la voie de l’a p p e l, aux risques et périls du vendeur ,
si le jugem ent est en prem ier ressort; par la requête civile , s’il
est en dernier ressort.
T o u t cela encore ne serait pas accordé contre un partage , s’il
n’y avait eu fraude évidente. A u cu n s de ces arrêts ne sont dans
' l ’espèce d’ uu procès de succession. S o lis hœredibus cornpetït.
D e u x autres m oyens résistent à l ’admission de la tierce oppo
sition des appelan». i°. L es tierces personnes ne sont admises in
définim ent à s’opposer, d’après l’ordonnance, que par la raison
bien naturelle qu’ils ne connaissent pas le jugem ent. M ais il a
été signifié aux C h ouvenc en 1798; et ils n’ont form é tierce op
position qu’après dix ans. z ° . D ans les circonstances d e là cause,
c’était de leur part une action p rincip ale, et ils devaient épuiser
les voies de conciliation.
L es Chouvenc objectent qu’ils ignoraient le procès. C epen
dant ils veulent que les intimés aient connu leur vente, bien plus
occulte sans doute qu’un procès , qui a duré depuis 1783 à 1793,
dans une petite com m une. Quand ils voyaient C ath erin e M o lin
dans la maison p atern elle, pouvaient-ils bien acheter de bonne
foi sans sa participation? quand ils l’en ont vu so rtir; quand
Thérèse est revenue de l’A rd èch e dans son pays n atal, 11’ont-ils
pas dû présumer qu’elles allaient intenter un pro cès, ont-ils pu
se défendre de l ’inquiétude naturelle à celui qui a acquis une
chose indivise, et q u riu r-to u t en a payé le prix capital à une
, fem m e séparée de biens.
,
A u re ste , s’il y a de l’inconvénient pour un acquéreur d’être
condam né sans être en cause, n’y en aurait-il pas un plus grand
G
�c
1 8
)
e n co re , d’ exîgèr en règle générale, que tout cohéritier dûf sa
voir s’il y a des acquéreurs , avant d e re ch e ich e r ses droits, cVstà-dirè fût tenu de connaître lès forces de la succession , lors
q u ’au contraire il a le droit de les puiser dans un inventaire, ou
dans une preuve de commune renommée.
Si les acquéreurs étaient parties nécessaires dans une action da
partage , serait-ce donc pour en discuter toutes les questions et
tous les actes de la famille? Une telle prétention résiste à toutes
les notions reçues ?
Q U A T R I È M E
Q U E S T I ON.
T hérèse M o lin avait-elle d ix ans ou trente ans p o u r se pour*
voir contre sa renoncia tion ?
C ette question doit-elle être décidée p ar u n e ju risp ru d en ce
autre que c e lle du parlem ent de T o u lo u se ?
L a nécessité de discuter ces deux points ne m arque que plus
fortement tout le danger qu’il y aurait d’admettre les Chouveric
à pénétrer, par une voie d’intrusion, dansune famille étrangère,
pour dire à des cohéritiers : vous avez péniblement obtenu un
règlement de vos droits, on a annullé'deux testamens: J e m 'y
o p p o se ; je veux faire rejuger tout c e la ; je veux scruter vos
testamens, vos contrats de m ariage, tout ce qui s’est passé dans
votre maison depuis i y 35 jusqu’en 1793. V o s cohéritiers n’y
seront pas même a p p e lé s, car il y a chose jugée avec eux , et
c’ est inoi seul qui veux faire r é g l e r , avec vous tous , vos droits
successifs, je suis à présent, dans la succession de vos ancêtres,
la seule partie légitime..
Si ce système des Ch ouvenc, qui cependant est toute la base
du procès a c t u e l , ne révolte pas au premier aperçu ; s’il faut
trouver en eux le seul légitim e contradicteur, v oy ons donc par
quelle jurisprudence la chose ju g ée et remise en litige doit être
rejugée .
T hérèse M o lin s’était pourvue en 178 3 , contre une renoncïa-
�C 19 >
tíon de 1755. E lle y a été re ce va b le , parce que dans tout le par
lement de T o u lo u s e , et pendant plusieurs siècles, on n’a pas un
seul exemple que les actions en nullité aient été prescriptibles par
moins de
3 o ans. Nous avons vu sur la 2.e question que toutes les
actio n s y étaient réglées à cette d urée, à la seule exception de
l ’action hypothécaire.
L e s Chouvenc ayant leur procès en cette C o u r , ont été séduits
par une innovation de jurisprudence , qui n ’a m ême pris quelque
consistance que depuis le Code civil et pa r induction de l’un de
ses articles; jusques là , la Cour d ’appel ne s’était pas prononcée
et on trouverait m ême dans l ’un de ses arrêts que les anciens prin
cipes en celte matière n’étaient pas oubliés.
Mais quand cela serait autrem ent, n’est-ce pas une folie des
Chouvenc de penser que la Cour d’a p p e l, par un nivellement
désastreux, ramènera à sa jurisprudence , même la chose jugée ,
m êm e des questions nées en 1783 , dans un parlement étran ger,
et à une époque où la Cour d’appel aurait indubitablement jugé
com m e lui.
Qui donc ne verrait pas le danger incalculable qui eu serait la
suite, et non-seulement dans le cas de la chose déjà ju g é e , mais
encore quand elle serait pleinement en litige ? Soumettre brus
quement un vaste pays à une jurisprudence qui jusqu’alors lui
était in con n ue, serait sans doute porter le trouble dans des
familles, dérouter tous les gens d’affaires qui n’auraient plus désor
mais que des conseils vagues à donner aux autres, et une m arche
incertaine à tenir pour eux mêmes.
Les lois ne sont pas un ordre donné au peuple ; elles sont
réputées être émanées de l u i , par le pouvoir que ïeg e regid
i l en a donné au prince. E n les exécutant, il les e xp liq u e, et la
manière
d’après
d’expliquer
un
les
lois
par
l ’usage ,
dit
V in n iu s ,
auteur la tin , vaut m ieux que ce qu’on lit dans la loi
elle-même. P lu s valere leges c/uce m oribus com probatee surit
quant ques scripto c o n sta n t, vérité bien plus marquée encore
j>ar la maxime si co n n u e , que la jurisdrudeace est le m eilleur
�( 20 )
interprète des lois. C onsuetudo est legurn optim a interpres.
L a jurisprudence en effet qui n’est pas seulement un mode de
ju g e r , mais d ’après la définition de Vinnius , J u s litiœ ha b ita s
p ra cticu s , n’a pas cessé d’êlre une espèce de législation impérative, depuis que les anciens ressorts des Cours sont confondus.
Quand R om e n’avait pour règle que la loi des 12 tables, les dé
cisions des jurisconsultes responsa prudenlum fixaient la m a
nière de les interpréter, et cette jurisprudence devint une législa
tion additionnelle; et lorsque des Proconsuls et des Préfets furent
envoyés dans les provinces, il leur était prescrifcde soumettre les lois
à la jurisprudence et de respecter les usages. Prœ ses p ro v in ciœ ,
probatis h is quœ in o p p id o , frcquenter in eodem controversiœ
g e n e r e , scrvata s u n t , cauàd cog n ild statu it. L . 1. cod. quœ s.
long. con s.
L a Cour d ’appel donne tous les jours cet exem p le, en décla
rant dans ses arrêts qu’elle est déterminée par la jurisprudence
du parlement de Toulouse.
L a Cour de cassation que l’on pourrait c ro ire , par le but de
son inslitulion , plus attachée à la lettre de la loi qu’aux diverses
jurisprudences, s’est souvent prononcée de la manière la plus for
m elle sur la question qui nous occupe.
« Considérant ( porte un i . er arrêt du 2 messidor an n ) , que
« les dispositions du droit romain 11e fon,t loi dans les pays même
« q u ’elles régissent, que dans les points et selon le sens qui ont
« été adoptés par la ju risp ru d en ce ; qu’il est constant q u e , par
« une longue suite d’arrêls sem b lab les, le parlem ent de T o u « lo ù se a j u g é , ètc. » (S irey , page 3 0 9 ).
2.0
Dans une autre cause, du
5 floréal an 1 2 , la Cour de cas
sation a dit: « Considérant que quoique en général on puisse par
« le droit romain acquérir les servitudes par 10 ans entre pré« sens, et 20 ans entre absens ; c e p e n d a n t, dCaprès la ¡u risp ru « dence du parlem ent de T ou lo u se constatée par divers arrêts,
« les servitudes discontinues ne pouvaient s acquérir que par la
« possession im m ém o riale, et que c est a in si qu i l a entendu l(X
« lo i , etc. casse et aunuile, clc. » (B u lle tin , n.° 9 2 ),
�( 21 )
3 .° U n arrêt du 2Z du m êm e mois a jugé de m êm e, « que la
« jurisprudence des arrêts rendus par une Cour souveraine, non
« étrangère au pouvoir lé g isla tif, pouvait être considérée com m e
«c fixant le sens des dispositions législatives. » ( S ir e y , p. 2 6 7 ).
Si donc la C our adm et les Chouvenc à discuter les questions
qui ont été agitées au P u y avec L a cro isière , elle ne les jugera
évidem m ent que par la jurisprudence du parlem ent de T oulouse.
Thérèse M olin a renoncé en 1 7 5 5 , cela est v ra i; m ais, i.° elle
était m ineure , et la convention porte q u ’elle sera tenue de co n
firm er et ratifier à sa majorité. E lle n’en à rien fait. Il n’y a donc
pas de partage final là où il y a lieu de le confix-mer en m ajorité;
ce n’est jam ais qu’ une m esure provisionnelle.
2.0
O n fit renoncer Thérèse M olin à tous droits et sup p lém ent.
I l est évident qu’on lui fit entendre en m inorité qu’ elle n’avait
qu’ une légitim e de rigueur. D o n c on la trom pait. Sa renoncia
tion d’ailleurs n’est dirigée au profit de personne.
3 .° Si on suppose qu’elle a approuvé les testam ens, une appro
bation tacite ne suffisait pas; car il fallait les connaître. C elui-là
seul prescrit le droit de réclam er contre une destination de légi
tim e , qu i agnovit ju d ic iu m defu n cti. T e ls sont les principes
invariables com m e la C our l’a souvent ju g é , et notam m ent les
31 therm idor an 8 , et 4 pluviôse an 10.
4.0
L e testament de 1735 a été expédié par le n otaire, avec
des expressions qui en changeaient le sens. C ’était donc induire en
erreur les parties intéressées. Thérèse M olin pouvait croire M arie
M olin substituée, puisque la condition du décès de P ie r r e , sans
avoir rem is, était rem plie , tandis que celle de son décès, sans
avoir r e c u e illi, ne l’était pas. O r , non videnlur qu i errant c o n sentire , et la prescription ne court que du jo u r de la découverte
de la vérité.
5 .° Thérèse M o lin , née en 17 3 3 , avait deux ans au décès de sa
m è r e , et dix ans au décès de son père en 1743. M arie M o iin
alors avait vingt-cinq ans ; car elle était née au m ois de février
�C 22 )
1718. L e père l ’avait chargée de régir et adm inistrer conjoinletement avec Ignace M o lin , curé de C ham bon; et les Chouvenc
qui connaissent plus d’actes de la famille que les intimés n’en ont
jamais c o n n u s , nous apprennent que ledit Ignace Molin parle,
dans son testament de ses droits légitimaires sur les biens de ses
père et m è r e , don t jo u is s a it M arie M o lin .
L a voilà donc évidemment protutrice , ou au moins c o m p ta
ble depuis 1 7 4 3 , envers une sœur de dix ans, qui naturellement
ne pouvait se mêler des affaires de la maison. L e frère n ’avait
que douze a n s, et s’absenta quand il put s’enrôler. L a chance
était donc bien in ég a le, lorsqu’il fut traité en 1755 , entre M arie
M o lin q u i, pendant douze ans, avait connu toutes les forces de
la succession et le vice des testamens, et Thérèse M olin qui
ignorait tout.
O r , le parlement de Toulouse n ’a jamais hésité d’admettre eu
pareil cas le renonçant non v isis ta b u h s , a se pourvoir pen
dant trente ans. Q u ’on consulte M a y n a r d , liv. 2 , chap.' 99 et
100 ; D o liv e , liv. 4 , chap. 16; C atelan , liv . 8 ; Bretonuier, v .°
restitu tio n ; ou plutôt qu ’on parcoure tous les auteurs de cè
p a r le m e n t, ou ceux qui mentionnent sa jurisprudence , on ne
trouvera nulle part que l'art. i 34 de l ’ordonnance dé i 53g ait
été jamais appliqué à celte espèce.
L e parlement de P a r is , après l ’ordonnance de i539 , jugea
lo n g -te m s, comme le parlement de T oulouse a toujours ju g é
L e s auteurs du tems même de cette ordonnance , notamment
M . r D u v a l , de rebus dubiis , enseignaient q u ’il n ’y a contre les
actions en nullité que l ’action Irentenaire. Quarante ans après f
le parlement de Paris ohangca sa jurisprudence!, mais enfin il la
changea de nouveau après l'ordonnance dé 1667 ; et il a inva?
riablement jugé depuis que l’art. 134 de l’ordonnance de i o 3g
ne s ’appliquait q u ’aux actions rescisoires.
C e lle jurisprudence constante s’est mainlenue jusqu’au Code
civil. O n a vu encore, dans les disoussions sur ce Code, les .efforts
des sections réunies de la Cour d’appel de Paris, ¡pour faire main-
�......................... '( 2 3 )
.
tenir l ’action de trente a n s , et on n ’y voit d’opposition que dans
les deux Cours d ’Orléans et de L iège.
L e tribunal civil du P u y-d e-D ô m e commença par suivre les
anciens principes. I l jugea le
28 pluviôse an 4 , entre lés
Cham pom ier et S e z e l, que l ’action en nullité avait duré trente
a n s, en floréal an
5 , à la vérité il changea de jurisprudence.
Cependant la Cour de cassation ne lu i donnait pas cet exemple;
elle avait ju g é en thèse le
3 messidor an 4 , que Gilberte Laporte
avait été recevable pendant trente ans à se pourvoir contre sa
renonciation faite par son contrat de m a ria g e, en faveur de son
beau-frère, et voici les motifs bien précis de son arrêt.
« Attendu que l ’art. i 3 i de l’ordonnance de 1 5 3 9 , déclare
« nulles toutes dispositions en faveur des tuteurs ou administra« teurs. etc. directement ou ind irectem ent, avant le compte
« r e n d u , et q u ’une vente , faitë par une mineure en faveur d ’une
« personne qui administrait ses b ie n s , présente un avantage
« indirect ;
« Attendu q u ’en pareil cas l ’action subsiste pendant trente ans,
« parce que suivant l’art.
tit. 29 de l’ordonnance de 16 6 7 ,
« le comptable ne cessant de l ’être que par la reddition de son
-« com pte, c’est le compte seul qui peut éclairer le m ineur sur
« ses intérêts ;
« Attendu que l ’art. 184 de l ’ordonnance de i 53g qui restreint
« le délai à dix ans , n ’est relatif qu ’aux actions rescisoires,
« qui n’ont rien de com m un avec celles en nullité qui durent
« trente a n s , et pour lesquelles il n’était pas besoin de lettres ,
« casse et annulle , etc. »
Il est même remarquable que le Bulletin officiel ju s q u 'à e t
jo u r ne mentionne aucun arrêt qui contrarie le précédent.
L a Cour d ’appel de R io m ne s’est prononcée, pour les d ix
ans , pour la première f o is , que le 18 prairial an 11 , c’est-àd ire, depuis le Code c iv il , et par induction de l’article 475. O u
verrait m ê m e , dans un arrêt du
25 nivôse an 10 , que la pre
m ière section avait admis une fem m e pendant trente a n s, et jug<r
�( H )
encore que l ’action n’avait couru q u ’après le décès du p è re , q u i
avait constitué la dot m aternelle par le contrat attaqué. M ais si
cet arrêt ne ju g e pas la question isolém ent et en thèse, il paraît
au moins certain que la C our n’a jam ais ju g é en faveur de d ix
a n s, avant le Gode civ il.
Com m ent donc concevoir que la Cour pût infirm er le ju g e
m ent du P u y qui a adm is Thérèse M o lin , après d ix ans , lors
que ce tribunal a ju g é com m e son parlem ent , com m e le par
lem ent de Paris , com m e la C our de casation elle-m êm e.
C I N Q U I È M E
Q U E S T I O N .
L 'a c tio n de Catherine M o lin est-elle ‘p rescrite p ar trente ans ,
q u o iq u 'elle ait co h a b ité la m aison p a tern elle ?
L e s Chouvenc se sont attachés singulièrement à établir cette
prescription par des citations qui n ’ont pas la moindre analogie.
i.o
D argentré q u ’ils invoquent sur l’art. 276 de Bretagne , ne
s'occupe pas de la question. D o m a t, au tit. 7 du liv.
3 ne s’en
occupe pas davantage. L e Code c i v i l , art. 2243 se contente de
dire q u ’il y a interruption naturelle, quand ce possesseur est
privé pendant un an de la jouissance de la chose. E n f i n , L a peyrère , bien loin de vouloir la p rescription, ♦lit expressément
ce ciui suit : « T a n t que les enfans sont nourris sur les biens de
« l ’hérédité, la prescription de la légitim e ne court point contre
« eux ». Son annotateur ajoute « id e m , en matière départagé »;
et il se fonde sur Coquille , en la question z 5().
M a is , outre L a p e y r è r e , on ne voit pas d ’auteurs qui aient
traité la question , s’être expliqués autrem ent, et si on en cite
plusieurs a u tre s , c’est seulement pour convaincre les Chouvenc
q u ’ils n ’ont pas vo u lu chercher la question où ils 1 auraient
trouvée.
D o liv c en fait une question expresse au chap.
3 i du liv. 5 ,
et décide que « si les enfans vi v e n t en com m un sur les biens de
« l’Jiériidité , celte prescription ne court pas contre eux , en cette
« rencontre,
�( »5 )
f< rencontre, depuis la mort de leur père , mais depuis seule« ment q u ’ils ont cessé d’être nourris sur ses biens , parce que
« recevant journellement leur nourriture sur le patrimoine du
« d é fu n t , ils sont censés être en possession. »
D o liv e cite deux arrêts des xo janvier i 63o et 26 août i 636 .
Cette opinion est encore enseignée par V e d e l , liv. 2 , chap.
36 ;
S erres, pag. 294 ; D unod , p. }io i ; Despeisses , tom. 2 , p. 0 1 3 ;
et L e b r u n , liv.
3 , des successions. C ’est aujourd’hui un principe
incontestable, dont la raison et la justice prescriraient l’observa
tion , si les auteurs ne l’enseignaient pas.
L a Cour d’appel vient très-récemment de p i'ononcer, dans
un arrêt du i 3 ventôse an i 3 , le m o tif suivant :
« A l tendu que l’habitation d’Antoine et Pierre V e sch am b e ,
« dans la maison paternelle , a constamment réclam é la con
te servation de leurs droits. »
A in si Catherine M olin qui a habité la maison paternelle jus
q u ’en 1788; qui n’en est sortie que pour former la d e m a n d e ,
n'u pas un instant de prescription à redouter. Ce fait a été éclairci
dans le procès contre Lacroisière, qui soutenait alors, com m e les
Chouvenc le font aujourd’hui , que la cohabitation n ’avait pas
empêché de prescrire.
r
L es Chouvenc veulent que cette prescription ait couru à
leur égard ? quand elle n’aurait pas couru contre Lacroisière ,
il est difficile de concevoir sous quel prétexte, à moins que ce ne
soit pour en revenir à la prescription de dix ans , qui a déjà été
démontrée être sans application dans la cause.
Il est plus difficile de concevoir encore sur quoi serait fondée
la différence q u ’ils veulent établir entre les portions de Catherine
et J e a n n e , et celles de Marguerite et de Pierre M o lin ; car l’a c
tion d ’ un cohéritier se compose de tous les droits partiels , q U 'h
ad hœreditatem veniunt ; et comme les portions advenues à
Catherine Molin par le décès de ses sœurs , se sont accrues à
la sienne , aussitôt leurs décès, en vertu de la rè"le 1p ». ,
7
#
#
o >
m ort
fü is it le v if , Catherine M o lin a é t é , dès cette é p o q u e , p ro
�C 26 )
priétaire d’une quotité plus considérable , et n’en a pas plu»
perdu une fraction que la totalité.
S i x i è m e
Q u e s t i o n .
L e testam eut de Catherine Férrap te e s t-il v a la b le?
« U n testament, dit R ic a r d , est un acte dont toute la valeur
« est dans sa solennité, et dont toute la solennité est dans ses
« foi mes. »
E n e f f e t , dans cet acte si im p o r ta n t, il faut que toutes les
formalités aient été ostensiblement remplies : elles sont toutes
de rigueur d ’après les ordonnances.
L e testament de 1785 est vicié par deux nullités textuelles : i .°
il est dit f a i t e l ré cité en la m aison de P ierre M o lin ; mais rien
ne constate que la lecture ait été faite à la testatrice.Cependant
la loi l ’exige impérieusement; et il est bien indispensable q u ’ un
testament soit lu à celui qui l’a d ic té , pour qu'il soit certain
que ce sont là ses véritables intentions;
2.0
Il n ’est fait aucune mention de la signature de la testa
trice ou de sa déclaration de n ’avoir su ou pu signer , car on y
lit seulement : « L a d ite testa trice i l l e de ce enquise. »
O r , l’ordonnance de 1735 dit que « les notaires écriront les
« dernières volontés du testateur, et lu i en feront ensuite lec« ture , de laquelle il sera fait une mention expresse.... Après
« quoi le testament sera signé par le testateur , le notaire et les
« témoins ; et en cas que le testateur déclare q u ’il ne sait ou ne
«. peut sig n e r, il en sera fait mention ( a r t . 2 3 ) à peine de
« nullité ( art. 47 ). »
M iis , disent les Chouvenc , le
testament de Catherine
Ferrapie est antérieur à l’ordonnance de 17.35 : cela est vrai.
Mais cette ordonnance ne fait que répéter eu cette partie les
dispositions des ordonnances d ’Orléans et de Blois.
« Et en cas que les parties ou témoins ne sauront point
« signer , les notaires fe r o n t m ention de la réquisition par eux
�( 27 ) _
« faite aux parties ou témoins de s i g n e r , et de leu r réponse
« q u ’ils ne savent signer. » Ordonnance d’Orléans , art. 84 ;
ordonnance de Blois , art. i 65 .
Ces ordonnances exigent donc du testament une réponse
d ’une manière plus expresse encore que celle de xy 35 .
E t les auteurs qui ont écrit avant l ’ordonnance de i y 35 r
enseignent que cette réponse né peut être suppléée par ce que
dit le notaire en son nom. ( L e M aitre , sur Paris , article 14»
chapitre i . e r ; R a v i o t , question 164; M aillart , sur A r t o is ,
art. 74 )•
O n cite souvent R icard, comme ayant rapporté un arrêt de i 65 z
validant un testament où il était dit : « L e q u e l n ’a p u signer ,
« interpellé de le faire. » M ais on pourrait voir que R ica rd le
d ésappro uve, en disant que cela est un peu subtil , et qu’il y a
grande apparence^que la faveur des dispositions dont il s’agissait
contribua à faire rendre cet arrêt.
A u ssi R ic a r d , n.° 15 2 6 , citant un arrêt
ment où le testateur a déclaré ne savoir
notaire eût dit l’avoir interpellé , ajoute :
« fois autrement , si le notaire déclarait
qui validait un testa
signer , sans que 1^
« Il en serait toutede son nom que le
« testateur n ’a pu signer , parce q u ’encore le testament ne fait
« foi , ni de l’interpellation du notaire , ni de la réponse d u
« testateur.... Car le n o ta ire , dit R icard , au n.° i 568 , ne doit
« contribuer d ’autre chose que de son oreille et dé sa m ain ,
« dans la rédaction du testament. »
L a jurisprudence s’est conformée à cette rigueur; et on trouve
dans Denizart un arrêt du
3 septembre 1768, qui a annullé un
testament du Bourbonnais , dans lequel il était dit que le tes
tateur n 'a va it pu sig n er à cause de sa fa ib le sse , de ce en qu is.
Le
tribunal civil du Puy-d e-D ôm e a ju g é deux fois de la
m êm e m a n i è r e , le 17 ventôse an 6 , sur appel du C antal , et
le
23 pluviôse an 7 , entre les héritiers V a c h i e r , cl’A ria n e .
L a question ne paraît pas s’être encore présentée en la C o u r î
mais l’art. 973 du Code civil veut aussi que si le testateur déD 2
�.
, ( ? 8 )
clarc ne savolr'slgner, il soit fait m ention expresse de sa d écla
ration ; ainsi la loi n ’a pas change , et lu cause actuelle fixera
sur ce point la jurisprudence.
L e s Chouvonc se sont imaginé qfie les ordonnances d ’Orléans
et de Blois n ’avaient pas été enregistrées au parlement de T o u
louse ; mais on leur demanderait comment il se fait ([ne tous
les auteurs de ce parlement s’y réfèrent et les citent comme lois,
s m s dire mille part que leur parlement ne les adopte pas.
i
A la vérité l) jlive dit que de son tems on n’était pas rigo u
reux sur les signatures de testamens , et que même on n’exan i n it pas si le testateur avait signé ; mais Serres, Boutaric
et Furgole ne disent rien de pareil. F u rg ole dit au contraire
que les fo rm a lités que les lo is prescrivent, p ou r la v a lid ité des
testam ens , so n t de droit p u b lic , et q u ’un testament doit porter
la preuve avec lui-m êm e; que toutes les formalités de la loi ont
été religieusement
observées.
O
D ans le testament de Catherine F e r r a p le , il n’y a pas même
la preuve que le notaire ait parlé des causes de la non signature
de la testatrice ; car le mot ille ne signifie rien. Les Chouvenc
se sont efforcés de persuader q u 'ille veut dire HUtéré , puis
(\u H 'itéré veut dire ne sait écrire, puis enfin que les mots ne
sa it écrire équivalent à la réponse ou déclaration voulue par
les ordonnances.
M ais d ’abord quand cette pénible graduation pourrait mener
à quelque chose , il y aurait toujours une antre irrégularité ,
en ce q u ’une formalité rigoureuse aurait été substituée par une
simple abréviation.
U n arrêt de règlement de i 685 défend aux notaires d’ user
d ’aucune abréviation ou interligne dans toute espèce d’actes. Si
elles ne touchent pas il l’essence de l’a c te , elles sont seulement
elles-mêmes considérées comme nulles.
V in n iu s et la loi nous apprennent que dans les testamens sur
tout , qui sont testa tio m e n tis , il iaut écrire en toutes lettres
et d ’une manière intelligible sans user de siniples notes ou abré-
�( 29)
vial ions. Cœterum litteris iisq u e u sita tis et legibilibus scri
be n du m esse p la c u it , non s ig n is , obscurisve n o t is , /.
6 , § . u/t.
de bon. p oss.
L e mot illit é r é , au reste , ne se trouve , ni dans le diction
naire de l’A cad ém ie, ni dans le dictionnaire de pratique de Ferr iè r e , ni dans le glossaire de Delaurière ; on trouve au diction
naire de T rév o u x le mot illé tr é , signifiant celui qui ne connaît
pas les belles lettres. A u reste quand ce mot signifierait quelque
chose , il n’y a pas dans le testament il lit é r é , il y a i l l e , et par
conséquent ce serait mépriser évidemment la loi que de trouver
dans ce mot bizarre, une déclaration de la testatrice, qu’elle n ’a
pu ou su signer. Allon s plus loin même , le m ot illité r é ne la
remplacerait pas.
S E P T I È M E
Q U E S T I O N .
Q u e lle est la nature de la su b stitu tion du testam ent de 1-735?
a -t-elle transm is la su ccession à M arie M o lin ?
Q u a nd ce testament serait valable en la forme , il ne produi
rait pas encore l’eiFet de réduire Thérèse et Catherine M o lin à
une légitime de rigueur.
Car le système des Chouvenc à cet é g a r d , est fondé unique
ment sur une erreur de principes, qu’ ils accréditaient encore plus
par une expression infidelle de l’expédition, q u ’ils avaient d’abord
produite, de ce testament.
L es héritiers institués, disaient ils , étaient Ignace M o lin et
pierre Boyer. Ils étaient chargés de rendre la succession à Pierre
Molin quand bon leur semblerait. Pierre M olin est mort en 1 7 4 8 ,
et Marie M olin était appelée à la substitution , dans le cas ou
ledit Pierre M olin décéderait sans avoir rem is la succession ; or
il est décédé sans l’avoir remise , donc , en vertu de la m axim e
substitutus substituto est substitutus in stitu to , M arie M o lin a
recueilli l’hérédité directement des deux héritiers institués.
D ’abord il est prouvé par l'extrait vidim é du testament de
�( 3° )
1735 , fait en exécution de l’arrêt de la Cour , qu'au lieu du
mot remis il y a recu eilli. Cela pose', voyons maintenant quel
est le sens de la substitution ?
L e testament d ’une mère qui , ayant des enfans , instituerait
des étrangers , serait évidemment inofficieux et susceptible de
contradiction ; mais les principes y ont pourvu en faisant une dif
férence entre la substitution Rdéiconnnissaire et la substitution
fiduciaire.
L a pi’emière fait passer réellement la succession sur la tête d a
grévé : l’autre ne lui transmet qu ’un dépôt à titre de confiance,
et le grevé d’un fiduce ne compte pour rien dans les degrés de
la substitution.
Pérégrinus , qui a fait un traité sur les fidéicomrnis, le définit
ainsi. F id u cia riu s est hœres q u i, non s u î con tcm p la tio n e scd
alterius gratiâ in stitu tu s , eidem restituerc hcreditalem ,p o s t
diem certam v el incertain , rogatus propom tur.
« Ces, substitutions, disent Henrys et Bretonier, sont com « munes dans les pays de droit é c r i t , sur-tout en faveur du sur
it vivant des époux , pour maintenir les enfans dans le respect
« et l’obéissance h o c co n silio ut p arenti obsequerentur..........
k Q uoique le tems de la restitution, continuent-ils , ne soit pa3
« marqué dans le testam ent, néanmoins on doit présumer que
« son intention a été que le survivant ferait bon usage de cette
« lib e rté , et n ’attendrait pas jusqu’à sa mort pour en faire la res*
« titution. . . .
. « O n doit penser, dit ailleurs le même au te u r, q u ’un père
« chérit plus ses enfans que leur mère ; q u ’il vise plutôt à leur
« u tilité , et ne l’avantage q u ’à leur considération ; qu ’ainsi il ne
« l’a instituée que par la nécessité de leur bas â g e , non ut f ili is
m inoribus o b e s s e t, sed. p o tiu s ut eis consuleret. » ( hem\ t.
i , c r , p. 736 , L 3 , p. 69 ).
T ous les auteurs ont adopté cette distinction , et donnent
d’autres signes du fiduce, q u ’on retrouve tous dans le testament
de 1735.
�(
3i )
i.° Calherine Ferrapie avait un fils et des filles; cependant
elle paraissait instituer deux oncles ;
2-o Ferrapie chargeait ces oncles de remettre l ’hérédité à son
fils, sans distraction de quarte. Ces prétendus héritiers n’avaient
donc l’espoir d'aucun droit , de leur c h e f , à la succession ; car
tout héritier grevé de fidéicoinmis a le droit de retenir la quarte
trébellianique ( 1. i . « § . 5 } ad treb. ) ;
3 °. E n remettant l ’hérédité à Pierre , ils élaient dispensés par
la testatrice de rendre aucun compte des fruits. Si donc ils eussent
été de véritables héritiers , jouissant pro suo , les fruits leur
eussent appartenu de plein droit , sur leur propre c h o s e , sans
aucune stipulation ;
4.0
Enfin ils étaient institués à la charge d’élever les enfans :
le but de la testatrice était donc de maintenir seulement ses
enfans dans l’obéissance envers deux oncles , u t p arentibus
obsequerentur. A cela p r è s , elle exigeait les mêmes soins pour
eu x, que si elle eût été vivante , sed p o tiu s ut eis consuleret.
A in si disparaissent Pierre B o j e r et Ignace Molin , simples
dépositaires, pour faire place à Pierre M olin , impubère , véri
table héritier en premier degré de la succession de Catherine
Ferrapie.
Pierre M olin , propriétaire de la succession, l’ayant recueillie
dès 1735, était à la vérité grévé lui-mèine de substitution envers
Marie Molin , mais seulement au cas q u 'il v în t à m ourir sans
p o u v o ir disposer y ou sans a v o ir r e c u e illi la d ite hérédité.
On voit dans cette clause tous les caractères de la substitution
pupillaire , qui consistent comme on sait à faire soi-même le
testament de l’enfant impubère , s i non e x tite r it h œ resJ iliu s ,
aut s i irnpubes decesserit ( instit. ).
Pierre Molin n’est pas mort sans p o u v o ir disposer ,* car
en p a j s de droit écrit le mineur avait testam enti ja ctio n em .
aussitôt q u ’ il avait atteint sa puberté. O r , Pierre M olin , né
en 1781 , était p u ! ère en 174s , et il n ’est décédé q u ’en 1748.
S i ce m o je n n ’était pas pérem ptoire , on opposerait aux
�,
c 3 2 }
Chouvenc que la mère ne pouvait pas faire une substitution
pupillaire ; car il faut pour cela avoir la puissance paternelle ,
com m e l ’enseignent les institutes , is subslituere p o te st liberis
im puberibus
quos in p o t e s t a t e
iiâbet,
cùm eju s œ tatis sin t
in quâ ip si tcstam entum fa cere non p ossu n t.
Il
ne reste donc que l ’institution de Pierre Molin , sans charge
de substitution envers Marie. A u surplus elle serait éloignée
encore par le principe enseigné par Cujas sur celte matière ;
c’est que la règle substiluLus su b slilu to n’a pas lieu en la subs- ,
titution p u p illaire , et le substitué au pupille n ’est pas censé
l ’héritier du testateur. ( C u j a s , ad I. 41. de vul. et pup. su b .)
A insi le testament de i y 35 , valable ou non , a transmis la
succession maternelle toute entière ù Pierre Molin. Il est mort
pubère ; il est mort ab intestat-, donc ses sœurs lui ont succédé
par égalité , et ont de son ch e f recueilli cette succession.
H U I T I È M E
Q U E S T I O N .
L e testam ent de 1743 e s t- il n u l ?
Il
est évidemment n u l, mais cette nullité ne change rien à
l ’ordre de succéder dans les biens paternels ; et on ne s’en occupe
que parce qu ’elle a été agitée lors du jugement de 1793.
Pierre M olin père a institué son fils héritier , et a seulement
légué une légitime à ses filles ; or les institutes nous disent que le
père de famille doit instituer tous ses enfans héritiers, ou les
exhéréder nominativement, aut hæredem in s titu â t, aut exhœ redem norninatim f a c i a t , a lioquin in u tiliter testabitur.
Cette disposition a élé répétée dans l’art. 5o de l’ordonnance
de 1 7 3 5 , qui dit q u e , dans les pays de droit écrit, ceux qui ont
droit de légitime , seront institués héritiers , au moins en ce que
le testateur leur donnera.
M ais l’héritier, institue par le testament de 174^ j étant décédé
ab in te s ta t, il importe peu que scs sœurs viennent de son ch e f
�.
(
3
3
)
ou ju r e suo , h la succession de leur p è r e , il n’est pas moins vrai
de dire q u ’elle doit être partagée entr’elles par égalité.
L es Chouvenc terminent leur mémoire par d em an der, x.°
q u ’on estime les biens de la succession M olin ; 2.0 q u ’on accorde
à Marie M olin leur venderesse , les prélèvemens q u ’elle aurait a.
faire, notamment trois q u ’ils indiquent; 3.° q u ’ils leur soit ac
cordé un compulsoire pour chercher des quittances * s’il en existe.
A l’égard des deux premiers articles, le jugem ent dont est
ap p el, y a fait droit , en ordonnant que tous les biens seraient
épuisés pour former le lot des intim és, avant d’en venir aux
Chouvenc.
A in si les Chouvenc assisteront à la formation des lots pour
veiller à leurs intérêts ; c’était tout ce que les premiers juges
devaient et pouvaient fa ire , pour conserver l’intérêt de toutes
les parties ; ce que demandent les Chouvenc appartient donc à
à l ’exécution du jugem ent dont est appel.
Alors , seulement ils pourront s’occuper des prélèvemens et de
l ’estimation des biens, sans laquelle le partage serait impossible.
Quant au compulsoire , c’est encore à cette époque qu’ils a u
ront droit et intérêt d ’en re q u é rir, s’il y a lieu , et il ne leur
sera pas refusé ; mais leur réclamation actuelle n ’est q u ’une
inquiétude tracassière , fondée sur une simple possibilité Je
fraude q u ’ils n’ont pas le droit de soupçonner sans m otif; car
la fraude ne se présume pas.
T o ut prouve dans cette cause que c’est Lacroisière qui souille
encore un troisième procès , après en avoir perdu deux , et les
exclamations des C h o u ven c, pour crier a la collusion , ne sont
q u ’ une finesse de plus ; ils sont venus à l ’audience avec une
foule de papiers de la famille M olin , q u ’ils ne pouvaient tenir
que de lui. T o ut ce q u ’ils ont expliqué sur celte famille avec
tant de détails, ne peut être de leur science personnelle, et il
st remarquable q u ’ils n’on t jamais demande en com m unicat ion
E
�(34)
les pièces du procès par écrit jugé en 1793 , quoiqu’il soit le
siège principal des difficultés q u ’ils elevent.
M ais tel est le résultat Fréquent des tierces oppositions for
mées par les ayant cause; elles ne sont q u ’un piège tendu a u x
tribunaux et une voie tortueuse de la chicane pour éprouver la
•variation des jurisprudences. A u reste , si la Cour veu t statuer
sur les questions d ’un partage, avec l’acquéreur d’un cohéritier;
si elle veut examiner le bien ju g é du jugem ent en dernier res
sort de 1 7 9 3 , elle reconnaîtra que les dispositions de ce ju g e
ment étaient sages et lé g a le s , et n ’y trouvera rien qui mérite
censure et réformation.
M e D E L A P C H I E R , avocat.
M e D A U D E , avoué.
A
R I O M ,
De l’imprimerie du Palais, chez J.-C. SA LLES. (An XIII).
�
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Factums Marie
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Description
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Text
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Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Molin, Catherine. An 13]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Daude
Subject
The topic of the resource
tutelle
successions
testaments
jurisprudence
prétérition
prescription
coutume de Paris
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Molin, et les sieur et dame Vendriez et Borne, intimés ; contre Jean et autre Jean Chouvenc, appelans.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 13
1735-An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0729
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0624
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53924/BCU_Factums_M0729.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Chambon-sur-Lignon (43051)
Tence (43244)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
coutume de Paris
jurisprudence
prescription
prétérition
Successions
testaments
tutelle
-
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b3938df7294df846f1f07d1adb6bfde9
PDF Text
Text
«i,
»
-
' MEMOIRE SIGNIFIE,
POUR
M a r i e - G e n e v i e v e
L a u r e n t
Laboureur demeurant
Paroiffe de Prunay fous A b lis , Appellante.
C h a r l e s
C O N T R E
M a r s i l l e ,
T
hom a s
G
u y o t
, &
de
Prefle ,
, veuve
à
Conforts Intimés-.
;
N E fille dont la m ere e ft accouch ée onze mois v in g tquatre jours après la m ort de fon mari , fera-t-elle réputée
illégitim e , com m e fi le term e des enfantemens ne p o u vo it
être extraordinaire, fans qu’ils euffent une caufe étrangère &
| Criminelle ?
C e tte queftion finguliere n’ eft poin t illuftrée par les noms & qualités
des Parties ; elle ne fe form e point dans le Palais d'un Grand du m o n d e ,
dans le fein des richeffes & de l’opulence , mais dans le centre d’un
V illa g e , & fous la chaumiere d'un Laboureur où l’inn ocence habite
Communément avec la pauvreté ; un tel point de v ue eft très im p o rtant
à
faifir dans une pareille affaire laquelle débarraffée de toutes inquifitions
[ délicates & incertaines fur la conduite & les mœurs -, ne peut être fixée
& décidée que par la co n n o iffance des opérations p o ffibles de
nature >
& par les exem ples qu’e lle donne quelquefois aux plus profonds M é d e
c in s, aux plus habiles Jurifcon fultes, aux Juges les plus éclairés de fes
bifarreries & de fes prod iges
F A
I
T
Charles M arfille a ép o u fé le 1 7 F é v rie r 1 7 4 9 , M arie -G enevièv e L au
rent , fille mineure de C an tien n e A la is , & de G abriel Laurent ; leur C o n
trat de mariage contient une ftipulation de communauté fuivant la C o u
tume de M ontfort-la-M aury ; un douaire préfix de 4 50 livres à une fois
payer, & un preciput de 100 liv. en faveur de la future qui apporte en
dot la fom m e de 900 liv. en argent c o m p ta n t, hardes , meubles & trouffeau ; le bien de Charles M arfille eft déclaré confifter en une fom m e de
15 0 0 livres.
L es nouveaux mariés s'étoient établis dans la ferme
P r e f le , & y
demeuroient avec la mere de M arie-G en evieve L a u ren t Charles M ar
fille en partit au com m encem ent d’A v r il 1 7 4 9 , difant à fa fem m e qu’il
alloit faire fes Pâques ; quatre jours d’une abfence qui devoit être de vin gtquatre heures, allarmerent la jeune E poufe , qui écrivit 1 1 ce tte lettre
a u pere & à la m ere de Charles Marfille. « M on pere et ma mère je prends
A
Seconde
Chambre des
Enquêtes.
/
�n
» la liberté de vous écrire au iujet de Charles M arfiile mon mari #fçavoi* (i
» s’il eft ch ez vous . parce que j’en fuis en peine , où il a été Jeudi au
» matin qu’il partit pour aller faire Tes Pâques , & je ne fçai là où il eft;
» il fallo it bien m ieux ne fe pas marier pour aller faire des tours comme
» çà ; il fait paiTer par la m édifance du m onde. » Charles M arfiile revint
le 1 6 a vec le levain funefte d’une maladie dont il m ourut le 2 3 , après ,
avoir fait u n T eftam en t pardevant N otaires., dont la difpofition principal v
eft la preuve la plus co m p lette de la con co rd e m aritale : E t pour la bonne
amitié q u il a pour Marie-Genevieve Laurent Ja femme j & lui donner des maT'
ques de reconnoiffance de celle qu’elle lui porte & des bons foins qu'elle a eu df
lui f & qu’il ejpere quelle continuera jufqu3au décès eticelui Tejlateur 3 donne & 1
legue à ladite M arie-Genevieve Laurent Ja femme toits fes biens meubles, delteS j
afîives perjonnelles, le quint de /es propres Ér l’ ufufruit d’ iceux 3fa vie durant , 1
(¿r généralement tout ce que par la Coutume de Montfort-la-Maury il lui 1
permis de difpofer en faveur de fadite femme.
'
D e u x m ois fep t jours feulem ent de ce mariage fubfiftant, n etoient paS
iùffiiàns pour avertir G e n e v iev e Laurent d’une groiTeife qui pouvoit
j
être très-récen te, 8c fes entrailles étant encore refroidies par la doule^ I
du coup im prévu dont elle étoit accablée elle d evoit en attendre lon£'
tem ps les fym ptôm es certains ; c'eft pourquoi e lle form a franchem ent #
de bonne fo i le 2 7 Juin 1 7 4 9 j au B ailliage d’A b lis , fa demande en ^e"
livrance de legs u n iv erfel, qui a été appointée le 22 D é c e m b re , # c0
fut l’époque de la ceifation de fes p o u rfu ite s, parce qu’alors pleineineflt
inftruite de fon état in térieu r, elle fçavo it que la naiiîànce d’un pofthu^6
a ilo it rendre caduc le T eftam en t de fon p e r e ; elle m it enfin au mond6
la fille dont le x tra it Baptiftaire eft rapportée en ces tçrm es :
« L e 1 7 A v r il l’an 1 7 5 0 , M arie-T h éreÎe M arfiile , fille de feu CharleS
» M arfiile 8c de M arie-G en evieve Laurent ion époufe ,d em euran sà Prei^»
» Hameau de cette Paroiife j née ce m êm e jour de leur légitim e mariage; i
été baptifée par m oi C u ré fou (ligné ; le Parain a été E tienne Durand»^,
» C hartier , demeurant à A blis ; la M araine a. été Cantienne Thérefe Lau» r e n t , fœur de la m ere de l’e n fa n t, de cette Paroiife , qui ont tous deux
» déclarés ne içavoir fign er, de ce req u is/
Signé , M a u n o u r y , C u ré de Prunais fous A b lis.
L e s Intimés ontlaiiTé obtenir le 22 A o û t 1 7 5 0 au B ailliage d’A blis p*
forclusion f une Sentence qui en donnant aéte à la veuve M ar Cille de ibfl
défillem ent du legs univeriel porté p a ria R equête du 2 7 J u in , ordonne
» Q u ’à i à diligence les parens tant paternels que maternels de l enfàn
»mineur dudit défunt & d’elle feront aiîîgnés devant le Bailli d’A b lis à efre!
» de procéder entr’eux à l’éleéfr'on & nom ination <fun tuteur & fubrog^
-tu te u r pour l'adminillration & gouvern em ent d * fes perfonne & biens)
» C e t t e Sentence a été confirm ée par ce lle du Bailliage de Rochefori
4
1
rendue contradi<»°iremenc ’ & ave? mûre dell6e,l t,on
I75/ ; û- T ° Ut ’ p Î J a S e n t e n c ; î i "
^
: îé l
M i t e Sentence dudit * u r a» A o û t x7 , o ,fera ^
” T a é défS
nf u S o m e > e deux T r i b a u x auroit dû terminer une cbi-
�3
oi( ti
au
:ft;
me
v
int
rès ,
a l e
;0 1
at'
di
cane qui n a que Péclat de la m éch an ceté, fans intérêt réel. L e s Intim és
ont vou lu eiïàyer les hazards d ’un troifîém e , Sc leurs efforts ont réufîi *
k Bailli de M on tfort-la-M aury a infirmé les Jugem ens des 22 A o û t 1 7 5 0 ,
Sc 22 N ovem bre 17^ 1 ; fa Sentence du 3 Mars 1 7 5 y ^fait d éfen fè sà la
veu ve M arfille « de donner à fa Bile la qualité d e fille Sc d’héritiere d e
» Charles M arfille , ordonne que cette qualité fera rayée de tous les R e » giftres & a êtes où elle peut avoir été infcrite , Sc condamne la veu ve
» M arfille en tous les dépens. »
M O Y E N S
D ’A
P
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E
L.
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ȟf I
ig- j
pi
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ce
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[ïi6
I
C e n’eft pas co n n o ître la nature , que la fuppofer confiante dans fes
opérations. E lle agit toujours par les principes du m êm e m échaniim e>mais
elle s’écarte fouvent des lo ix générales qu’e lle fem ble s’être preicrit. L a
iagacité laborieufe du Phyficien étudie ià m arche Sc recannoît ies erreurs, tandis que le vulgaire qui n'ert qu étonné d ’un fait extraordinai
re ou en doute par ftupidité, ou traveftit en m iracles des effets tout naturels. L es fo n d io n s variées à l'infini qui s’exercent d a n s In té rie u r du
corps h u m ain , Sc celles en particulier qui regardent le myftere de la g én é
ration font perpétuellem ent des objets de nouvelles découvertes, pour le
naturalise. T a n tô t il confidére des fingularicés Sc des (différences eflen tielles dans la grandeur , la figure j la pofition des Parties organiques du
fœtus m êm e par rapport au lieu deitiné à le con ten ir & à le nourrir ;
tantôt rencontrant les caufes de fan accraitlem ent dans la quantité rare
ou abondante des fucs nourriciers propres à étendre. Sc à développer fes
fib res, il reconnoît que lesfo lid esq u i doivent obéir à l ’impulfion des flui-«
]e$
d e s, oppofén t plus ou moins de réiiftance à leur d ila ta tio n , & Par là retar
de^
dent ou avancent le point de form ation Sc de perfe& ion au^ue^ doit par
la i
Venir tout fœ tu s, avant de faire l’effort qui lui eft néceifaire pour fortir
l
du fein d e là m e r e , enforte que la diverfité des tempérarflens a ccé lé ré
iu - j dans une fem m e la m êm e produétion pour laquelle il faut Ie double du
*,ux
tem ps dans une autre qui a des difpofitions contraires. L es enfrntem ens
arrivent le fe p tié m e ,1 e h u itièm e,1e n eu vièm e, 6c au com m encem ent du
dixiem e m ois nous paroiilent légitim es , parce q u e l'e x p é rie n c e ionm«'1--—»
p M ) nous a habitué à les croira
* r v ^ 4 uoi proicrira-t on ceux qui fon t plus
ô î l s P r°m pts ou plus tardifs, par l'unique raifan qu’ils fon t rares „ quoique ce~
te fl \ Pendant poiftbles Sc vérifiés par des exem ples de toute ef}3e c e & de tots
m l 1 les temps \
Fel j
A m b ro ife P a r é , Chirurgien des Rois Charles IX . Sc
C^c>) Qu& Liv. 24,. ch.
crA » tous les animaux ont certain tems lim ité pour porter àc charger leurs I ')
p etits,m ais l’hom m e feul n’a aucun tems ni term e preflX> ains vien t au
> r f i * ^ o n d e en tout tems ; les uns naifïent à 7 mois , les autres a 8 , l cs autres
j
>i l t* * 3^ ei^ *e Plus commun * ies autres à 1 0 , au com m encem ent du 1 1 e.
’¡ I l * & à la fin du 1 3 e. tant y a qu’il n’y a aucun term e certain & défini à porter
'i eS en^ans* Barthole fur la L o i Gallus cite la coniùltauoj1 de G untilis fa^ u x M édecin qui répondit à Gynus Ju rifcon fu lte, que *es femme.« pouv ° lent accoucher à i a mois.
Zachias quœfliones medico légales*' C lm
hominum tctnpelUm^nta plurimun
3
ff. delib. c
Liv. i.tit.a j
�eie multò infignius quam caterórum animantium intèr fe evàrient, confentaneunì
videtur ut diverfa etiam à natura fortiantur nafei tempora , nam is qui calido
temperamento e jl, ehm citius multo perficiatur, quàmqui ejl frigido , non debet
eam moram in utero contrahere quam contrahere cogitur is qui ejl frigidus ; patet
exemplo maris & femella ; mas enim quia citius perfeitur ex eò quod calidior fit >
citius etiam najcitur. . . . qui diuturniores » inquit Arijloteles, quàm undecimo menfe nafei videntur, latere putantur, quafi ad ejus mentem non infuetus natura mos
fit aliquos in undecimo nafei.
:
En faBiblioP la n q u e , D oéteu r en M ed ecin e > » L e c?e m ois de la groiTeiTe éft ordide^edecinf6 * nairem ent le term e de la fortie de Fenfant ; quelquefois elle eft prématom. 4. verbo » tu ré e ; d'autres fois tardive. C e tte inconftance a fouvent caufé des d e f
Enfantement > » ordres dans les fam illes; c’eft pourquoi il eft bon de fe defabüièr la-defpag. 277.
^
Mantuus a connu un enfant né à cin q m ois qui eft parvenu à un âge
î?ag. 2iS.
1
.
I.
;
» mûr. Gardan rapporte que la fem m e d’un M archand de V in lui avoic
» m ontré fa fille qui étoit venue à cinq mois & dem i. Valéfius en a connu
*
» un autre à l’âge de 12 a n s , qui étoit né à 5 mois. L o rfq u e j’étois jeûne >
» dit SpigelìuSj Epijl de incerto tempore partusjp. 70 . j’ai connu un C ou rier dâ
» Z ela n d e âgé alors de 4 0 a n s , qui portoit avec lui de bonnes atteftations
,
» de fa n aiflan ce, fa m ere en étoit accou ch ée au com m en cem ent du fixié» m e m o is , 8c il étoit fi petit 8c fifo ib le , q u e lle avoit été o b ligée de L’é» lever dans du c o t t o n , juiqu’à ce que fes os euiTent acquis afîez de con» fiftance pour iouffrir les langes* Q uant à l'accouchem ent tardif.» Cardan I
» ailure que fon pere étoit venu à 1 4 mois. B ello calu s, M edecin de Pa- j
» d o u e , a rapporté plufieurs fois à fes E coliers que la iœur de B uccella étoit
» reftée enceinte pendant 1 6 m o is ,& q u e lo r iq u e l’o n la cro y o it grolle d ’une
» m o le , e lle étoit accou ch ée d’un garço n bien form é.
Mercure de France , Novembre 1717*3» C lau d e A l a y , Jardinier demeu» rant cul-de-fac S. L a u re n t, à la P o rte S. D e n y s , ayant ià fem m e groifè k
» depuis 1 4 m o is, 8c ne vo yan t poin t de diipofition pour ion acco u ch e» m e n t,fit faire plufieurs C on iultations de M ed ecin s, Chirurgiens 8c A c 33 coucheurs ; les uns aiTuroient que cette groiTeife ne p rovenoit que d'un
33 corps étranger , les autres que ce n’ étoit qu’une m ole , ou une maiTe
33 de chair déplacée qu’il étoit impoiTible de tirer du ventre de la mere
» fanç faire l’opération céfàrienne ; C lau d e A la y eut recours à la Dam e ^
» P e r r o t , S age-fem m e u cm cu ia u ^ a.
, T{1P ^ £ ^ ¡ 5 ^ rue des deux
f
33 r o n t s , laquelle, après avoir fait ià vifite en préfence de toute la fam i île ,
»de plufieurs Chirurgiens & amis du m a r i, protetta que cette femm e
> étoit véritablement grolfe d ’un enfant fitué dans la m a trice , & qu’avec
” la grâce de Dieu elle iàuveroit la m ere 8c l’enfant ; ce qui arriva heu* ^ i e m e n t lç a I N ovem bre dernier ( 1 7 1 7 . ) le troifiéme jour après &
» e fp '^ ^ mCre ^tant acco u chée d ’un garçon qui a eu vie contre toute
Q’ j
1 de parei{jeS queftions fe bornoient à la fimpie jip éculation,ellesn au c t a ? ° CCUP^qae ceux dont lap^ ifefllon eft c^niàcrée à l'étude curieufe I
fon\uì'r^jS e 1» *iacure>ma*s l^nfluence qu’e^es ont fur l ’honneur 8c
!
g e r ,l? s
^milles ay ant im pofé aux Ma£iÆrats la néceifité de les jü^
^ ît r e s {Pp^it ë^oirQ d’em prunter les Jumieres des H ipocrates 8c des
6 Arc • de q u o i, dit Zachia $,Jpfi Jurijperiti Medico s confukre ç0n_
fueverunt ^
�ÿ
.
. . .
fueverunt, nam ipfa leges non nifi Hippocratis autoritate fu it a naturiï in feptîmv
menfe fecerunt legitimum ; in nato etiam poft decem menfes tam Bartholus quàm
Baldus duo legalis fcientiœ oracula Mcdicomm judicium expofcünt.
L O I X ,
J U R I S C O N S U L T E S
E T
A R R E ST S.
>?
L e s L o ix Rom aines ne font p a s, com m e le prétendènt les In tim és, le
répertoire des dédiions relatives aux accouchem ens prématurés & tardifs,
parce q u e leurs textes différens font fufceptibles d’in terprétation , & q u e
la matiere n’eft pas d ifpofée à recevoir une folution invariable dans tous
les cas.
i° . L a L o i feptimo menfe, décide que le tem ps néceflàire pour la perfeétion du part eft rem pli au feptiém e m ois , 8c la L o i lnteflato, déclare
l ’enfant parfait leq u el vient à cen t qu atre-vin gt-d eu x jours ; D e eo autem
qui centejimo ofiogefmoJecundo die natus c jlj Hippocrates fcripfit & divus Pius
Pontificibus refcripfit, jujlo tempore v'tderi natum : O r com m e les m ois de
l’enfantem ent font lunaires, c’eft-à-dire ,d e vin g t-n e u f jours d o u ze heu
re s, les cent quatre-vingt-deux jours ne fon t que fix mois cinq jours; d e-là
la difpute entre les D o6teurs ; les uns pour éxiger l’accom pliiTem ent du
feptiém e m o is, les autres pour fe contenter qu’il fut feulem ent com m en
cé. D e u x A rrêts ont adopté le dernier avis ; l’un du l 2 Juin 16 3 4 . du
Parlem ent de P ro v e n c e ; l’autre rendu au Grand C o n fe il le 30 Juin 1714
en faveur de C atherine de Belrieu de V ir a fe lq u i fut maintenue dans l ’état
de fille légitim e de Charles de B elrieu (Je V irafel ¿Préfident à M ortier du
Parlem ent d eB ou rd eau x & de M arie-A n n e de M ulet de V o lu fa n . L e m a
riage avoit été célébré le prem ier A v r il 17 0 0 ; la m ere étoit accou ch ée
le 7 O & o b re 17 0 0 ; ce qui ne form oit qu’une efpace de iix m ois & iix
jours; .
.
L 12.
ff.Dt
ff. dtfuis & uS^tunis htredi-
Bonifacet.2,
liv- 3 >tic- s ‘>
chap’
Q u oiq u il h’ y ait aucunes raifons de différence fenfible entre le part
de iep t mois 8c celui de huit ,H ip p o cra te dans un livre qu’il a co m p o fé
D e partu 0Ü0 menfum, a foutenu qu’il n’étoit pas v ia b le , 8c quelques In
terprétés com m e B a l d e ,liv. 1. conj. 12 8 . ont iuivi fon o p in io n ;» C e qui Traitées
» e il de ce rta in , dit L e b r u n , c’eft qu’il n’y a aucune L o i dans tou t le
>
» D ro it qui aie p ron on cé con tre Tentant qui vien t à huit m ois; q u ’il y a feft. x >n- l t ‘
» des Philofophes d’une très-grande autorité qui tiennent que l'en fan t
» eft viable à ce te rm e , & entr’autres A riftote au feptiém e livre d e l ’H if» toire des A n im au x , ch. 4. 8c que pluiieurs de nos Auteurs n’en ont fait
* aucune difficulté, com m e B ertrand, C æ p o la , & plufieurs autres qui co n » viennent que com m e ch ez les Naturaliftes 8c les Me^Êcin s, il y a p lu fieurs exem ples qui font rapportés d’enfans qui étant venus dans le huik tiéme m o is, n’ont p aslaiflé de v iv r e , il les faut r e c o ^ 01tre pour lé g itimes quand ils viven t ; 8c quand un mari ayant été abient depuis p lu 54 Heurs années , n’eft revenu ch ez lui que pour quel^1168 ^ours > 1^enfant
31 ^ i naîtra au huitièm e mois fera lé g itim e , 8c que
r^eme i l enfant
vient au huitièm e mois depuis le m ariage, pourvû
°n n e d esm ar1
de v i e , il eft réputé venu à term e, 8c que foV Perc ^i peut fu c1 céder ; aufîi l’on ne v o it aucun A rrêt dans les liVr£S U1 &it jugé le
* Coi^traire*
4
�6
L. 3, §. i i ;
2°. L ’ancien droit des douze tables & du digefte qui p ro fcriv o it l’enfant
fûdtÎiereîbu 's
dans onzièm e mois , fut m itigé & co rrig é par la N o v e lle 29 , chap. 2 ,
laqu elle p ron once dans une e ip e ce particulière où l’enfant étoit venu au
m o n d e , paiTé le onzièm e mois ; Nondum enim completoanno, undecimo menje
perfefio peperit, ut non ejfet pofjibile dicere, quia de defunÛo ftiijfet partus. » C e
» te x te j dit L ebru n , a fervi de fon dem ent à l’opinion d e ceu x qui
» cro y e n t que l ’enfant né dans le 1 1 e. m ois eft légitim e ; ce qui ne fem bie
5>pas éloigné de la ra ifo n , puïfqu’il peut y avoir des caufes phyfiques de
» retardem ent j com m e loriqu e la douleur de la m ort du mari refroidit les
» entrailles de la mere , & que d'ailleurs la nature pouvant retarder d ’au» tan t la confom m ation d e ce t o u v ra g e , com m e e lle le peut ava n cer, Sc
» étant d é fin i, par le d r o it , que le part eft cen fé viable & légitim e à ièp t
» m o is, il faut dire qu’il eft auffi cenfé légitim e à 1 1 m o is , le 7 ’. & le 1 i V
» m ois étant égalem ent diftant du p e. qui eft le term e naturel & ordinaire. »
Des difpofiM e, Jean M arie R icard , » les P h ilo fo p h es, auffi bien que les M éd ecin s,
tions condi- „ dem eurant d’accord que par un événem ent poffible dans la n atu re, quoiUonnelles, ch.
>
j*
•
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*i i
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S , feà. 5. n. » qu extrprdinaire , les enrans peuven t dem eurer dans les entrailles de leur
& 495* » m ere qui les p orte jufqu’au o n zièm e m o is, nous fom m es obligés de croire
» dans nos régies que l’enfant qui vient au m onde en ce te rm e , après la
iiin orç de fon p e re , ne laiiîe pas d’être lé g itim e , & que le retardem ent
» qui eft arrivé à ià naiiîànce p ro cèd e de la douleur extrêm e que la m ere
x»a co n çu de la m ort de fon m a r i, par le m o yen de quoi le fru it> donc
>>elle étoit en ce in te , ayant été refro id i, il n’a pu parvenir à là maturité
Nuits atti- » dans le tems ordinaire ; & de fait nous lifons dans A ulus-G ellius quun
^V'
» fem blable événem ent em baraiîafart autrefois la ville de R o m e , & qu’il
“ fallut que i’Em pereur A d rien publiât un E d it exprès à ce fujet pour au» torifer les enfantem ens qui fe faifoient dans le onzièm e m ois. » In eo Decreto
Adrianus id fiatuere f e dïcit requijîtis veterum Philojophorufn & MedicorUffl
Sententiis.
494
Lolx Civiles,
M . D o m at » pou r la naiflance dans le onzièm e mois après la m ort du
Seft 2 trt* ** ” mar^JLon
cî u ^ y a des exem ples anciens Sc nouveaux d’enfans juges
i. art. 5. ^ Jég*ltimes} quoique nés bien plus lon g-tem ps de dix m ois après la more
» de leur pere , de forte qu’il ne iem ble pas qu’on puiiïè régler les juftes
»term es de la durée d’une groiTeiTe, pour faire juger qu’un entant foie
» illégitim e , s’il eft né quelques jours plutôt ou plucard , ôc qu’on doive
» faire dépendre une queftion de cette im portance d'une régie qui entre-'
» prenne de fixer le temps des opérations de la nature, & fùrtout de celles
» que les combinaifons de différentes caufes d iveriîfien t,
^ ne Parolc
» pas poffible de marquer les bornes précifes de ce que la nature peut ou ne
» peut pas ; mais il fem bie que dans les cas p articuliers, où il eft ue ^
£
*» avoir fi un’enfant eft légitim e ou s’il ne l’eit pas , le doute venant
®
*q u e fa naiiîànce eft °u trop avancée ou trop retardée, on c^olC> 1°
,
* aux régies communes qui réfultent des textes du d*- 0 pour ce tî ul.re?. r
31 e ternps de la rrroiTelTe , la confidération des cjfc o n ftancesrÇartlC^
*
décider fa ^ m e n t une queftion d’une aufî‘ gran de con
r*
tout cnfem ble de l ’honneur d’une i^ ere, d e lë c a c d u n en fan t,
9
u r^Pos des fam illes intéreflées à l’un & à ^autre* M . r
es re^exions générales adaptées au* eipeces contentieu
j?
�7
,
,
term iné les préjuges que l ’incrédulité ne fçauroit rejetter com m e des
contes fa b u le u x , parce qu’ils fon t confignés dans des monumens a u ten ti
ques , coniàcrés à la certitude des faits.
Plin e le Naturalifte rapporte que le Préteur Papyrius admit à la fucce£iion un pofthum ené treize m ois après la m ort de ion p e re , quoniam nullum
certum lempus parienti Jlatutum ei vider et ur.
M e. D enis G o d efro y allègue un jugem ent arbitral intervenu en faveur
d’un enfant dont la m ere étoit accou ch ée dans ià m aifon des Chappes au
1 4 e. mois. Audio apud Farifienfes arbitrio dodijfimonmi Advocatorum, & inter
eosChappearum Domini admijfam fuiffe viduam, qua X I V o. menfe peperiffet; his'
autem circumjlantiis omnes movebantur quod vidua apud heredes defuntti mariù
diligentiùs femper fpetlata vixijfet ; quod eorum uxoribus ajjidua cornes Jcmpcr
fuijfet, nec ah earum latere quodammodo difcejjîjfet ; quod heredes ipjius defuntii
nihil ejus honori velpudicitiœ detraherent ; quin potius de foiemni 3 continuoque
propter xnortem mariti lutfu teflarentur ; his ita pojîtis Jummi Juris Antiflites ac
prudentes 3 communis, vulgarifque partûs rationem tanti faciendam ejfe non putavunt, quin matrona moribus honejlijjiwis pr¿edita, cui nihil quidquam.objiceretur
aiiud quàm quod citrà vulgarem morem mulierum pareret, audiretur.
O n trouve dans la fom m e rurale de B outhillier un A rrêt de la G ran d Cham bre du Parlem ent de Paris de
, Pre^ ant M eilire A rm and de
C o rb ie , qui déclara légitim e une fille née 1 1 mois entiers écoulés depuis
la b fe n c e de fon pere parti pour un v o y a g e d O u tre - m er •_>& dont on
n avoit eu aucunes nouvelles.
Liv. 7. ch.
Sur îa no_
velle 35?. ch.
2‘
¿475
r tjt
5)5«
M c¿ R en é C h o p in nous a con fervé un plaidoyer qu’il fit pour un en- surj*art
iant auquel on con tèftoit le droit d’un retrait lig n a g e r, parce qu ayant de?a Coutume
ete intente pendant qu’il éto it dans le ventre de fa m e r e , elle ne l’a v o it d’Anjou,
mis au m onde que onze m ois après la demande j la Sentence qui avoit a d •^ 1 p retraiC * ° « d u 8 Juin 1 5 7 6 ; la caufe fut appointée fur ï A p p e l,
r
Ur ord ° nna que P A rrê t qui interviendroit feroit p ro n o n cé en
A u d ien ce du 1 1 F évrier 1 5 7 8 . N oj in Senatu pro redimente nullum, certum
tcmpus edendo partui praflitutum ejfe 3nec illegitimtm quandam habitumquem mulier undécimo pojl viri obitum menfe fuijfet enixa ¿ & c .
L e Journal des A ud ien ces en ad m in iilre d eu x très-rem arquables.
L un du 2 A o û t 1 6 4 9 , iur les concluiîons de M . l’A v o c a t G énéral
T a lo n ; j ean p e¡ors ^ M archand de la ville de L y o n , étoit tom bé e n p a ra ylie peu ¿ c temps après fon m ariage avec M adeléne B erard; il avoit
ete tranfporté aux bains de B a rb o ta n , pays de G a fc o g n e , où il avoit d e
p u r e un an , pendant le q u e l, 8c au bout de 10 m o is,5? j°u rs ia fem m e
^ o it accou ch é d’une fille ; les H éritiers collatéraux du mari argum entaient
^°n eulem ent de la L o i s pojl decem menfes m o r t i s natus n°n admittitur ad
1 ênimam hæreditatem ; mais d’une D éclaration de la mere
l enfant n étoit
faîl C5œuvres de fon mary, & d’une enquête d’exam en à future qu ils avoien t
Ï Q e ev^nt le Sénéchal de L y o n , & » qui prouvoit; ouc l A r r e d ile , ».
1
- r ^ te ^ erard j pendant l ’abfence de fon mari >avoit ioutTert le s
. ^ Un íeune hom m e auquel elle avoit permis toute forte de ü p r'p te> îufq u au point que le m onde en étoit fcandalife>” n onobftant ces
' r '¿om ptions la fille fut jugée légitim e.
,
autre du 6 Septem bre 16 5 3 , au rapport de M. Menar eau
am
Tom. if. ch.
&
llv* 7' ch‘ 27’
^ ^ ^
x x. ff. de
^ J^ “ im
�\
s
pré en faveur dé R en ée de V ille n e u v e , dont Jaqueline D ubois fa mere -,
fem m e de R en é de V ille n e u v e
E cu yer , Heur de Boisgroleau } n'étoic
accouch ée que onze mois révolus depuis le décès de fon mari ; l'A r rêtifte ob ferve « q u e 'le jour de la T o u iîain t 1624. , qui éto it dans le
» neuvièm e m o is , elle avoit eu les prem iers accès 8c les prem ieres dou» leurs de l’enfantem ent ; qu’ainfi la nature avoit fait tous fes efforts pour
» faire naître dans le tems accoutum é , c e q u 'e lle avoit p ro d u it, 8c que
» s’il n’avoit pu fo r t ir , ce n’avoit été que pour des raifons qui ont ac» coutum é de retarder les accouchem ens ; com m e d e là part de l'enfant*
» la foibleiîe du fexe fém inin ; de la part de la m ere , la m élancolie
» caufée par la m ort inopinée de ion mari 3 8c par les perfécutions de fes
» héritiers. »
Augeard ,
U ne fem blable conteftation s’efl: préfentée en 170 ^ , en la perfonne
bles^ Arr? i T
fra n ç o iÎë L o m b a rd , fem m e de Pierre-Jofeph G e o ffro y , Marchand
G uim pier à L y o n , qui s’étoit n o y é dans le R hôn e au mois de Janvier
1 7 0 3 , iuivant une inform ation faite d’office par le Lieutenant Crim inel
de L y o n ; elle accouch a d'un garço n le 4 Mars 1 7 0 4 ; la m ere de G eof
fro y prétendit que io n fils ne p ou voit pas en être le pere ; Françoifè
L om b ard demanda la nullité de la procédure par laquelle on entrepren o it d e conftater l'ép o q u e de la diiparution de fon mari : e lle articula
m êm e qu’il étoit revenu à L y o n en M ai ou au com m en cem en t de Juif*
17 0 3 j 8c foutint en tout cas , que fo n enfant étoit le fruit de l’union
con ju gale , quoique né d ouze m ois iix jours après le décès iîippofe 5
» on d o it , d ifo it fon défenfeur > préfum er pour l’honneur du mariage >
» loriq u e le fait eit p o ffib le , il n’eit pas extraordinaire de voir des fem"
» mes accouch er à douze ou treize m ois * m êm e par d e-là ; la nature
» chancelante dans fes opérations * n’a poin t de rég lé certaine pour Ie
v tems de la naiilànce de l’hom m e ; les événem ens imprévus venant
» frapper fubitem ent l’im agination d’une fe m m e , peuvent arrêter le cours
» naturel de fes o p ération s, 8c em pêcher la perfeétion de c e grand ou» vrage ; fouvent un chagrin m ortel j ainfi qu’une jo ye ex ce ilîv e , a v a n c e
» ou retarde le tems ordinaire de l’accouchem ent. E t s’il étoit vrai que
« G eo ffro y fe f û t n o yé dans le R hône , pourroit - on douter que cette
» funeile n ouvelle n’eût fait fur F ran çoiiè Lom bard le m êm e effet q u e de
» tels accidens font fur toutes les fem m es ; » elle produifit des c o n i ù l t a t i o n s
8c des certificats d’un M édecin 8c d’un Chirurgien de L y o n qui atteftoient
qu une femme de cette V ille étoit accouch ée à dix - huit mois,
c 2
Juillet 17 0 5 intcrvint en la G ra n d -C h am b re, conform ém ent a u x ^ o n
d u lio n s de JVI, L e N ain , A v o c a t G én éral, A rrêt qui renvoya les Parties
Brodcaufur P arf evant le lieu ten an t G énéral de M açon pour fhire preuve rd p eC tive
M. Louet , d e leurs faits. „ ç c q ui eft un préjugé , dit le C o n t i n u a t e u r de Brodeau, »
Lettre E. fom- m que 1 enfantAf
j ' i / 1/ . •
• ’îl ne io it ne cjue treize
maire <.
.
peut être déclaré lé g it im e , q u o iq u ii ne
Co f-r a ^
aP res la m ort de fon pere.
„
c
j
Certificat des
L applicnrî
7
a*
■
r r*
/-»înr ici à une fem m e dont
la conduite ¿0,’ de ta
d au torlteV ,e
ir io n s d ifiv o m U e s . Si elfe
75
étoit foupco? 0irre e " “ T
te™ deS P refom P“ ^ ft é r e dévoué à la p lus
f e u > p u l e tléljcateüe
u f e Pr; fon
e T défend
P r Uoene Xla nC
l’innocence
& Ja
perionne
_
chaftete , parct
ro n en eft convaincu par le tém oignage autentiqUe
,
�'9
des Curés 3 fotis les yeux defcjuels elle eft née , a été élevée 8c a v é cu >
par le fuffrage du M agiftrat refpeétabie , Seigneur du lieu où e lle d e
meure , 8c de Madame ion E p o u fe , tous deux m odèles de juftice 8c de
charité envers leurs VaiTaux ; la calom nie iè t a i t , la m édifance manque
d’alimens „ 8c la veuve M arfille paroît m ériter les qualifications dont
A u lus-G ellehon ûre ce lle pour qui I’Ë m pereür A d rien a v o k fa it (on décret
concernant les accouchem ens au onzièm e m ois ; Romœ çomptrï fœrninam
bonis -atque honejlis moribus , non ambiguâ pudicituî. C ’eft cette con fi dé ra
tion im pofante qui donne à la C aufe de la veu ve M ariilie le crédit 8c la
détnonftration dont elle a befoin ; car e n fin , fi la carriere eft ferm ée à
^ m alignité des c o n je & u r e s , 8c au libertinage de l’im agination 3 il ne
&üt plus inculper Cette fem m e infortunée , mais accuièr la nature donc
les fautes , objet d’une iàgacité in d iic re tte , ne d oivent être qu’un ip e & a c le d’étonnem ent & d’admiration ; Non refpondet ad propoftum nec ad certum diem fœcunditas ; fu i juris rerum naîura ejl , nec ad leges humanas componitur ; modo properat, modo vota prœcurrit, modo lenta ejl } & demoratur.
Sénëquô î
Le teftament de Charles M arfille a préparé l’ap o lo g ie de fà veu ve par
Controverfe
les expreflions de l’eftime 8c de l ’amitié fihcere qu’ il a déclaré lui p or
ter ; le titre de ià L égataire univerfelle eft fans doute exclufif de l’o p i
nion qu ils euiîent l’un & l ’autre de l’état où il la laiifoit ; inais il éto it
fi n o u v e a u , qu’ils ne pou voien t en avoir con n oiilànce } 8c les fignes de
groiTefie, dans le tems où ils font évidens aux autres femmes.» ont to u
jours été cachés à l’in exp érien ce & à la im p lic ite ftupide de la v e u v e
Marfille. D epuis finftant q u 'elle a perdu fon mari ju fq u a celui de fon
A ccouchem ent, e lle a paffé fes jours dans l’amerttlme 8c dans la douleur >
ans la chicanne 8c le P rocès -, dans les travaux continuels dont elle fubr | ^
pratique extérieure de fes devoirs ; il n’en eft pas un
eui qui ait échappé à la curiofité furveillante des collatérau x, ces mau
vais parens reconnoîtroient leur n iè c e , ii elle fût née feulem ent à la fin
u dixiem e mois. L e retard d’un mois vingt-quatre jours eft-il d o n c le
crim e de la mere l N ’eft - ce pas plutôt une fatalité , un phénom ene ,
erret d une caufe incom préhenfible d on t la vertu ne fçauroit fouffrir
aucune atteinte?
M ais cet enfant qui fem ble n’avoir vû fi tard la lumiere que pour
g^nur de l’avoir reçu ; cette fille à qui l’on refufe jufqu’à l’honneur
e e de la lé g itim ité, vient prendre fa propre défenfe av e c les carac
o s particuliers de la paternité em preints fur fa perfonne. P arve
Certificat du
nue a 1 âge de huit années , elle eft aflez form ée pour que ceu x qui on t 24. Avril
n^nnu Charles M a rfille , 8c qui la vo yen t c o n tin u e lle m ^ » oien t affir- i j i .
. 11 e ^e porte fur fon vifage les traits de fa refiêJ^^lance la plus
cicraiCe * ^ qu’e lle eft fon im age vivante. N ’entreprenOns pas d a p p ré un pareil m oyen. Laiifons parler les naturaliftes.
~
(l Uæfl^ones medico légales. Dicendum videtur qtiodj[mi itudo deberet IJv. i.tit.
n. j 2 3 & fuiv^
■q u i^ ^ ubique facere maximam , urgentiffimam prœfwtf^120™fiüationis ,
tur paitiralitcr ob injui temperamenti convcnicntiam, quod Jen2inibus reperijjiio q
non n*fi à jimiligencratur 3 neque enim ego m à g ^ ÎOn} tantum trie§-n^iantUm pkrique faflitant qui eamliberos pro parentum iV y ri° pulcherrimos
r° P°Jfc f i l perjùadent,., Qiiod fi fieriillud pojfet mul^P U) a *n ^*es mon~
7
4
�t)c la gé
nération de
l ’homme,tom.
2. ch. 7.
Pom ponius
M êla j liv . 1.
ch. S.
îhtuenfque
l'obiam Ragucl
dixit , Anntz
nxcrifucc;quàni
firniiis ejl Juveni$ ifle confobririo mto) Tob.
7 - i.
B azile , ep.
ad G regor.
N azianz.
T ertull. de
, lrg- Veland.
ch- 14.
10
j tra confpicerentur quàm nunc confpiciuntur, & pulchriores malto procrearentur
liberi} quàm nunc procreantur, cum penè innumerain horas imaginemur : & in
C. nos, & mulieres dum utero gerunt 3 & tamen paucif f imi fint qui parentibus
omni ex parte dijfim iles nafc antur, & c .
N ico las V e n e tte dans un chapitre in titu lé , fi les enfans font batards
ou légitim es , quand ils ref f e m b l e à leur pere ou m e r e , après avoir éta
bli par plufieurs raifonnem ens phyfiques que la caufe de la reffemblance
ne peut être prife que des principes internes qui ferven t à form er l’en
fa n t, s’expliq ue en ces termes.
J’ofe d on c con clu re hardim ent , à moins qu’il n’ y ait des caufes
accidentelles & éloignées qui changent la reffem blance que nous devons
» avoir naturellem ent avec ceux qui nous ont engendré , que nous leur
fom m es fort fem blables ; les Garamanites qui n’étoient pas fauvâges en c e c i,
» faifoient nourrir tous leurs enfans en com m un jufqu’à l’âge de cin q ans
» & alors ils donnoient à chacun les enfans qui leur reffem bloient le plus,
» jugeant par là qu’il étoit leur p e r e , & qu’il étoit o b ligé d’en prendre
» foin ; ils cro yo ie n t d on c que la reffem blance étoit une puiffante conje» c ture de filiation , q u e lle p rocéd oit de quelque principe interne qui
» étoit invariable.... & ce fero it, félon mon fen tim en t, une preuve affez
» fo rte pour faire eftim er un enfant lé g itim e , s'il étoit fem b la b le à fon
» p ere ; » c’étoit l’opinion com m une des anciens.
L ’argum ent de la vraifem blance fu t p ro p ofé a v e c fuccès en faveur de
M arie C o g n o t déclarée fille légitim e de M c. Joaçhim C o g n o t , D o c teur
en M éd ecin e & de M arie N affier, fa fem m e > par A rrêt du 4 Décembre
16 3 8 ; » q u o iq u ’il ne foit pas co n clu a n t, dit H enrys > c ’eft pourtant un
» in d ice affez fo r t , & qui join t à d’autres préfom p tio n s, d écouvre la vérité;
» en fem blables rencontres on peut dire que la nature tâche de décou-*
» vrir par-là ce qu’on veut cacher , & que c’eft une prévoyance du Sou-'
» verain ouvrier pour aller au-devant de l’im pofture & com battre l'artifice
du pere des fourbes & des m enfonges.
.
M aître ,
A^îdoyer 7 .
Tom. 2.. liv,
6- queil. 18.
Monfieur
L A M B E R T , Rapporteur
«
M e. F O R E S T I E R ,
A v o c a t.
VAUFROUARD,
Proc
De l'imprimerie de PG LE M E R C I E R ,
Libraire du Grand-Confeil
du Roy , rue Saint Jacques au Livre d’Or , 175 8
I m
p r i m
e u r
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Laurent, Marie-Geneviève. 1758]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lambert
Forestier
Vaufrouard
Subject
The topic of the resource
coutume de Montford-la-Maury
délai de grossesse
successions
legs universels
doctrine
jurisprudence
Description
An account of the resource
Mémoire signifié pour Marie-Geneviève Laurent, veuve de Charles Marsille, laboureur, demeurant à Presle, paroisse de Prunay sous Ablis, appelante. Contre Thomas Guyot, et consorts, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de P.G. Le Mercier (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1758
1749-1758
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0728
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Prunay-en-Yvelines (78506)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53923/BCU_Factums_M0728.jpg
coutume de Montford-la-Maury
délai de grossesse
doctrine
jurisprudence
legs universels
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53922/BCU_Factums_M0727.pdf
a55a895574ad7ab57b9872e6454d940b
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Text
m
EN
é
m
o
i r
e
R É P O N S E ,
POUR
L e Sieur J U S S E R A U D , intimé ;
CONTRE
y
La Dame de C H A Z E R O N et le St A L B E R T
de
B R A N C A S - D E - V I L L A R S , son mari,
appelans.
A
RIO M ,
D e l'imprimerie du Palais , chez J . - C . S
a l l e s
.
�M E M O I R E
POUR
L e Sieur J U S S E R A U D , intimé ;
CONTRE
L a Dame
de
C H A Z E R O N et Le S t
de
B R A N CAS-
D E - V I L L A R S , son mari a p p e l a n s .
M
ADAME de Brancas se plaint vivement: de n’avoir pu faire
accueillir des demandes exagérées et extraordinaires q u ’elle per
siste plus que jamais à reproduire; le succès du sieur Jussera ud
l ’irrite, et les premiers juges eux-mêmes ne sont pas exempts de
l'h umenr qu’elle lui témoigne. Mais le ton d’aigreur exige au
moins de la véracité, et madame de Brancas tire fréquemment
inductions de faits peu exacts. L e sieur Jusseraud q u i,n ’a
varié ni dans sa défense, ni dans ses prétentions, répondra à
l ’humeur par de la m odération, et à l ’inexactitude par la sim
plicité des faits. Il établira sans peine que la réclamation bizarre
de 22,000 francs, dont madame de Brancas a paru concevoir l’idée
par occasion , après plusieurs années de procès , n’est pas même
des
À
�( o
proposable, parce qu’elle ne peut s’en prendre au sieur Jusseraud
des accidens de la révolution : il établira aussi que la demande
en indemnité formée par lu i, ne peut être susceptible d ’une
contradiction sérieuse, parce quelapi-emière règle en bail à ferme
est de mettre le fermier en possession de toute la chose louée et de
le faire p u ir .
F A I T S .
L e sieur Jusseraud prit à titre de ferme , en 17 8 1, la terre de
Chazeron de la mère de madame de Brancas, pour neuf ans qui
devaient expirer le 24 juin 1790.
L e bail lui fut consenti pour jouir de ladite terre et dépen
dances , ainsi que les précédens fermiers avaient joui ou dû
jo u ir , et par exprès le sieur Jusseraud, son père, moyennant
y,3oo francs par an.
Parm i les conditions de ce bail on remarque, art. i 3 , que le
sieur Jusseraud fut chargé de faire renouveler les terriers ù ses
frais par un bon féodiste, et d’en fournir une liève m odée,
dans huit a n s} sous les conditions à régler avec le S .r Auzaneau
régisseur. A r t. 14 , que le S.r Jusseraud ne pourra prétendre
aucune diminution sur le prix de son b a il, pour inondation,
g rê le , gelée, et autres cas fortuits prévus ou à prévoir, ni pour
les contestations qui pourraient être faites par les emphytéotes
et redevables des terres.
Cette dernière clause que madame de Brancas annonce comme
une convention n ou velle, avait toujours été de style dans les
précédens b au x, et la Cour en aura la preuve : cependant le
dernier bail était à 6,000 f r . , et le précédent à 4,700 f r . , tandis
que le sieur Jusseraud affermait à 7,300 francs , e n s e chargeant
encore de faire renouveler le terrier.
L ’article des percières était de la plus grande conséquence :
il allait à 110 setiers de b l é , tandis que la directe ne consistait
qu’en 1JJ0 francs argent j 20 seliers de from en t, 3 o setiers de
seigle et 60 d’avoine.
�( 3 ) .
Ces percières étaient en contestation avec tous les redevables,
en 1781. L a dame de Chazeron avait été obligée d’indemniser
les précédens fermiers qui n’en avaient pu jouir ; mais elle an
nonçait que le procès était à sa fin.
L e sieur Jusseraud chargea le sieur Boitelet de la rénovation
du terrier, et la première opération fut de lever des plans relatifs
aux percières, afin de hâter la fin des contestations. Elles n’en
traînèrent pas moins en longueur, et le sieur Jusseraud, ennuyé
de ne pas jo u ir, demanda une indemnité au tuteur de madame
de Brancas , qui lui répondit que jusqu’à la fin de son bail il
n’avait pas d’aclion. Les choses en ont resté là d epu is, et à l’ex
ception d’un très-petit nombre d’articles, le sieur Jusseraud n’a
joui d ’aucune des percières.
A l’égard du travail de la d irecte, il fallait, quoiqu’en dise
madame de Brancas des lettres à terrier : madame de Chazeron
ne les obtint que le 23 avril 1782, et ne jugea à propos de les
faire entériner que le 17 avril 1783. L e travail de la rénovation
ne put commencer qu’après cette époque, et le féodiste avait
huit ans.
Cependant le sieur Boitelet ne perdit pas de tems; car il est
constaté qu’en 1788 il avait déjà reçu et fait contrôler 407 recon- •
nais ances, ( l e précédent terrier n’én coutenait que 385 ). Le
travail fut parachevé en 1790, et il y eutalors55i art. reconnus.
Suivant la police arrêtée entre les sieurs Jusseraud et Auzaneau , le féodiste devait remettre ses plans, les nouvelles recon
naissances , lièves et tables, reliées, et se sou me tire à la vérifica
tion d'un autre féodiste.
Pour cette vérification les parties firent choix du sieur Legny
dePontgibaud, par acte du 9 mars 1791. Les litres furent remis
à cet ell'et au sieur A uzaneau, qui les transmit lui-m êm e au
sieur L e g a y , comme on le voit par une citation dont excipe
madame de Brancas.
L e sieur Legay ne s’occupa point de cettevéï’ification en 1791;
il fut emprisonné le 27 avril 1792, et c’est dans les loisirs
A z
�(4)
de sa prison que s’étant fait porter l'expédition du terrier
Boitelet, et pelle du précédent terrier seulement, il s’occupa de
vérifier l ’exactitude de l ’opération du sieur Boitelet. L à il décou
v rit, d it-il, 352 articles défectueux sur 55 i .
A la vérité il finit par avouer qu’il n’a fait qu’un travail con
ditionnel et hypothétique , parce qu’il n’a comparé le terrier
Boitelet qu’avec un seul des précédens, et qu’il n’est pas encore
a llé vérifier les plans. Il est même obligé de convenir que si les
352 erreurs se trouvent relevées sur les terriers antérieurs , l ’ou
vrage de Boitelet vaudra mieux que le sien.
Quoiqu’il en soit de ce travail de prison, le sieur Legay ne se
mit pas en peine d’aller le com pléter, en vérifiant les plansquand
il fut lib re, ni même en se référant aux anciens terriers qu’il
n ’avait pas vus : cependant en l ’an 3 il assigna la dame de
Brancas en paiement de 8oo francs pour ses honoraires ; cette
demande fut dénoncée au sieur Jusseraud, et on ne voit pas
qu’elle ait été suivie.
L e sieur Jusseraud avait cessé d’être ferm ier, avons-nous dit,
en 1790 J et il avait exactement payé ses fermages , sauf environ
2,000 fr. ; madame de Brancas n’avait eu garde de lui demander
ce re liq u a t, puisqu’elle l’avait renvoyé , pour l ’indemnité des
percières , à la fin de son bail , et que le procès de ces percières
n’était pas encore jugé en 1790.
Cependant se croyant plus favorable en ce que la suspension
de ce procès paraissait venir de la force majeure , madame de
Brancas fit faire au sieur Jusseraud, le 24 frimaire an 7 ,1 m
commandement de payer la dernière année de sa ferme en
deniers ou quittances ; sans réserver aucune autre action.
L e sieur Jusseraud y forma opposition, par le m otif q u ’il était
créancier lui-même de plusieurs indemnités de non jouissances.
L e tribunal civil, sur cette opposition, accorda une surséance
provisoire.
Ces deux réclamations furent soumises à des arbitres ; le sieur
Jusseraud les récusa, et n’a nulle envie de s’en défendre ; il n’a
�( 5 )pas cru manquer à son devoir , en se conformant strictement à
la lo i, et en faisant ce que lui semblaient exiger les circons
tances. Il savait d’ailleurs que si déjà un jugement arbitral eût
été rendu, il était plus fort que sa récusation. L ’événement a
justifié sa démarche : il paraît qu’il n’y a eu aucun jugement.
L a procédure fut reprise en brumaire an 10 , devant le tribu
nal de Pviom ; le sieur Jusseraud réclama l’indemnité de non
jouissance, i.° des percières de Gouzet et Iloche-Touzet ; 2.0 des
eaux minérales de Chatelguyon , faute d’un bâtiment que la
dame de Chazeron devait y faire tenir en état ; 3.° de la glandée
dans les bois ; 4.0 d’un bâtiment et trois septerées de terre laissés
à un garde forestier, quoique ces objets ne fussent pas réservés
au propriétaire ; 5 .° du four bannal supprimé par la loi du 4
août 1789; 6.° de 389 fr. pour cens qu’il n’avait pu percevoir.
Après cette demande, madame de Brancas conclut à l ’exécution
provisoire de son b a il, toujours sans réserve: elle poursuivit
l’audience, plaida sur cet incident, et par jugement du 4 ger
m inal an 10 , le provisoire fut joint au fond, surséance tenant.
Cependant madame de Brancas, peu de jours après sa de
mande provisoire, avait cru pouvoir neutraliser les justes indemnités requises p arle sieur Jusseraud , en en réclamant de sa part,
et revenant sur le procès du sieur L e g a y , oublié par elle depuis
l ’an 3 .
Ce n’était plus une simple demande en garantie des 800 liv.
à laquelle madame de Brancas entendait se borner. L e 17
ventôse an 10 , elle exposa que le sieur Jusseraud, s’étant chargé
de laire renouveler son terrier, et ne l ’ayant fait que d’une ma
nière ju g é e défectueuse , il devait non-seulement lui jjayer les
irais de rénovation présumés déduits sur sa ferm e, mais encore
l’indemniser de ses cens des années 179° ’ I 79 I e* I 792 > cj« elle
n’avait pu percevoir, n ’ayant pas de titres y en conséquence ,
elle conclut contre le sieur Jusseraud au paiement i.° de 10,000 1.
pour les frais de rénovation; 2.0 de 12,000 liv. pour l ’indem
nité de trois années de ccns.
�C 6 )
Les parties en vinrent à l’audience le 14 prairial an i r . L à ,
madame de Brancas eut encore quelque choseàajouter : Crescit
eundo. E lle réclama de plus l ’ancienne garantie des 800 liv.
demandées, en l’an 3 , par le sieur L egay.
L e jugement dont est appel déboute madame de Brancas de
ces trois derniers articles de dem ande, adjuge celle de l ’an 7 ,
et co n d a m n e le sieur Jusseraud à payer 2,570 liv ., pour reli
quat de sa ferme; et faisant droit sur ses demandes en indem
n ité, condamne madame de Brancas à lui payer, i.° 3 oo liv.
pour la non-jouissance du four banal ; 2.0 2,275 liv. pour la
non-jouissance des percières : sur le surplus de ses demandes,
il est mis hors de cause, et tous les dvpens sont compensés.
L e sieur Jusseraud pouvait justement se plaindre de ces der
nières dispositions, parce qu’indépendamment des non-jouis
sances de cens non perçus el d’objets distraits de sa ferme sans
être compris dans les réserves, il avait droit de regarder comme
très-inférieure à leur valeur une fixation à 2,270 1. pour les per
cières qui cependant m.iat lient à 110 setiers de blé pendant
chacune des neuf années de sa ferme.
Cependant, malgré ces griefs, le sieur Jusseraud ennuyé de
procès , a exécuté ce jugement ; mais madame de Brancas en a
interjeté ap p el, et ne veut faire grâce d’aucune de ses rcclaniations incidentes; elle les prétend toutes fondées, modérées même,
et de la plus exacte justice.
M O Y E N S .
Madame de Brancas s’oppose de toutes ses forces à une dispo
sition du jugement dont est appel , qu’on a passée sous silence,
parce qu’elle est absolument étrangère au sieur Jusseraud.
Les titres féodaux produits par elle ont paru aux premiers
juges , compris dans la proscription de la loi du 17 juillet 1793,
et ils ont cru devoir faire exécuter cette lo i, connue toujours
en vigueur d’après le rescrit du Conseil d’état. L e sieur Jusscraïul ne s’occupera nullement des moyens que madame de
�C7.\
Brancas emploie pour faire conside'rer cette disposition comme
monstrueuse et révolutionnaire , non nostrûm . . . . tantas cornponere liles. L a Cour statuera, comme il lui paraîtra con
venable sur ce chef particulier, q u i, on le soupçonne, pourrait
bien avoir été le principal mobile de l’appel de madame de Bran-»
cas. Quoiqu’il en soit, cet appel est divisé en quatre griefs, que
le sieur Jusseraud va parcourir dans le même ordre que madame
de Brancas les a proposés.
PREMIER
GRIEF.
Y a-t-il lieu de payer 10,000 livres à madame de Brancas ,
pour vice de rénovation de son terrier ?
Pour trouver quelque chose de supportable à cette prétention,
il faut franchir une difficulté beaucoup plus ardue que la ques
tion elle-même. L e terrier renouvelé est-il vraiment défectueux,
et comment s’y prendra-t-on pour juger sa défectuosité?
T ou t cela est déjà f a it , dira madame de Brancas ; le sieur
L egay a ju g é qu’il contenait trois cent cinquante-deux erreurs.
A la v é rité , il d e v a it, suivant la convention arrêtée avec Boite le t, remonter aux anciens terriers. Il n’a vu que le plus
récent, parce qu’en prison peut-être il n’avait pas l ’aisance
nécessaire pour un travail de ce genre. A la vérité encore ,
il fallait vérifier les plans , et chercher l ’application des titres
sur le local , mais le sieur L egay a déclaré, dans son procèsverbal , qu’il n’était pas encore a llé vérifier le local ; et à l’im
possible nul n’est tenu.
Si le sieur Jusseraud trouve étrange cette manière commode
de vérifier le travail d’ un féodiste , s’il observe que Boitelet
devait naturellement s’écarter du dernier terrier, dès qu’il y avait
eu nécessité de le refaire, on lui répondra qu’il s’est permis des
personnalités sur le sieur L e g a y , par cela seul que cet expert
avait reconnu des erreurs au travail de Boitelet.
Ce n’est vraiment qu’une re'ilexion ab iralo , de trouver le
�(S )
sieur L egay offensé de ce que le sieur Jusseraud a rappelé
qu’il était en prison , quand il s’occupa de la vérification du
terrier Boitelet. Ce fait était absolument nécessaire à sa cause;
et en se dépouillant de sa prévention , madame de Brancas
trouverait très-bizarre elle-m êm e, qu’un travail de géométrie
locale , et une division de terrain en cinq cent cinquante-un
immeubles distincts , fussent vérifiés dans les limites d’une
prison.
Pourquoi avait-on choisi un géom ètre, si ce n’est pour voir
les lieux, et chercher les inexactitudes sur le terrain même? A la
vérité , on ne prévoyait pas en 1791 , qu’il ne s’en occuperait
pas en 1791 , et ne pourrait pas s’en occuper en 1792.
On ne doutera pas que le sieur Legay n’ait tout vérifié en
prison. Il dit lui-m êine, dans son exploit du xi brumaire an 3 ,
avoir employé à ce travail les mois de j u i n , ju ille t , partie
(Taoiil et d ’octobre 1793. O r, le sieur Legay a été écroué dans
les prisons de Riom , le 27 avril 1792 ; il y a été jugé le 18
août 1792. L e tribunal de cassation l’a renvoyé à Gueret, où
il a été traduit au mois d’octobre, et n’a été jugé qu’au milieu
de novembre de la même année 1792.
■ Son procès - ve rb a l, clos le 26 septembre 1792, n’est donc
qu’un travail de prison , ou plutôt qu’ une cbauche de travail ,
que le sieur L egay lui-même a positivement déclaré n’être que
préparatoire, puisqu’il avoue i.° 11’avoir fait sa comparaison
que sur un terrier de 1686, tandis que Boitelet avait été as
treint à remonter aux plus anciens, et qu’il y en avait deux autres
de 1488 et de 1590; 2.0 il avoue n’avoir pas encore été vérifier
les plans, ce qui montre clairement qu’il regardait cette opéra
tion locale comme indispensable; 3 .° il avoue enfin que i’exactiInde de la vérification dépendait de la comparaison avec les
terriers de 1488 et de i5oo ; que cette vérification restait à
faire comme complément; et qu’il en pouvait résulter que les
trois cent cinquanle-deux erreurs se réduiraient à x’ie n , et que
le sieur Boivelet aurait fait un bon ouvrage.
Ainsi
�C9 ) '
Ainsi madame de Brancas veut trouver dans le travail du
sieur L egay une perfection qu’il n’y trouve pas iui-même. Par
cela seu l, qu’elle a ce travail, elle veut y voir une vérification
de terrier, un jugem ent qui annulle toute l’opération du sieur
Boitelet.
Disons plutôt que le sieur L egay se promettait lui-m êm e
de voir les lieux ; que la loi du 28 août rendait son travail
inutile; qu’ainsi il n’avait aucun m otif pour aller après 1792,
s’occuper d’une opération sans but ; et qu’en l ’an 3 , il essaya de
former une demande en indemnité du tems par lui em ployé,
quoique la loi du 9 septembre lui refusât toute action par une
disposition expresse.
Il n’y a donc pas lieu de dire que le terrier du sieur Boi
telet soit défectueux , mais quand il serait vrai que le sieur
L egay a entendu le dire a in si, cela est-il bien démontré aux
yeux; de la Cour? Quand le sieur L egay aurait tout vu , le
sieur B o itelet, passible des vices de son tra v a il, ne serait-il pas
fondé à lui dire, que c’est lui-même qui est dans l ’erreur. Il
faudrait donc savoir qui des deux a raison.
»
O n avait prévu dans la police de 17 9 1, que le sieur L egay
pouvait n’être pas in faillib le, et loin de le prendre pour ar*
bitre en dernier ressort, il y était dit que celui qui ne vou
drait pas se ténir à sa vérification, payerait ses vacations.
R ien ne s’opposerait donc à ce que le travail du sieur Boi
telet ne fût soumis à une seconde vérification ; mais madame
de Brancas n’indique pas comment elle pourrait se faire ? si la
Cour trouve cet expédient praticable, et sur-tout nécessaire , si
elle pense que la loi du 9 septembre 1792 permet d’y recourir ,
il ne s’agira que de faire remettre à un nouveau fé o d is te , les
terriers, les liév e s, les plans et les titres de la terre de Chazeron.
Mais d it, madame de Brancas (p age 16 et page 1 8 ), les
titres et terriers n’étaient pas livrés en 1790 ; le sieur Jusseraud
se défendait, dans des requêtes de 1789 et 1790 , en disant qu’il
n’était pas tenu de la négligence de Boitelet.
B
�( 10 )
Que signifie ce qu’on écrivait en 1789 et 1790, si la remise
a eu lieu en 1791- Boilelet avait huit ans pour son travail;
on ne lui remit des lettres à terrier qu’en 1783 , donc il avait
jusqu’à 1791 ; et madame de Brancas avait formé trop lot cette
demande en rem ise, aussi ne l ’a-t-elle pas suivie ; et son procès
actuel est à cet égard , bis in idem.
Il est très-vrai qu’en 1790, le sieur Boitelet n’avait pas fait
relier et timbrer la seconde copie de son terrier ; mais comme
le sienr Jusseraud refusa de le recevoir , alors tout fut mis
en règle et remis à ¿tuzaneau qui, lui-m êm e, le donna à L egay.
L a preuve que le sieur Jusseraud a remis les titres à A u zan eau ,
et non à L e g a y , se trouve dans l’exploit du 11 brumaire an 3 ,
où le sieur L egay expose que le cit. ¿duzaneau remit au requé
rant un ancien terrier signé B esson , ensemble une expédition
de celu i, signé B o ite le t, et le plan sur lequel Vapplication avait
é té fa it e , avec les liéves et reçus et quelques autres documens.
Comment donc madame de Brancas qui a notifié cet exploit,
et qui en excipe, peut-elle dire de bonne foi que le sieur Jus
seraud a tout retenu, et n’a remis qu’une copie inform e du
nouveau terrier en 17 9 1, tandis que le sieur Auzaneau a porté
chez le sieur L egay une expédition notariée de ce nouveau ter
rier, les plans , les lié v e s , etc.
M ais dit-elle encore ce n’était pas là tout, il fallait aussi re
mettre Vinventaire des titres de la terre et les titres eux-mêmes,
qui assuraient la perception.
Pour montrer encore à la C our, combien madame de Brancas
se pique de véracité malgré son ton d’aigreur,^le sieur Jusseraud
exhibera à la Cour le récépissé de ces titres au nombre de trois
cent soixante-dix-huit ; il lui a été fourni le 6 janvier 1792 , et
comme alors existait le procès, dont madame de Bancas excipe
encore (pages i5 et 18 de son mém oire) , le récépissé termine
par ces m ots, et me départs de toutes demandes qui peuvent
avoir été formées pour la remise desdits titres.
Donc madame de Brancas redemande ce qu’elle a reçu , donc
1
�I
( 11 )
elle fait considérer comme en vigueur un procès qui n’existe plus.
D onc encore quand madame de Brancas fonde sa demande en
paiem ent de 10,000 liv. sur ce que le terrier est informe , et sur
ce que c’est la seule chose qui lui ait été remise pour la vérifi
cation , madame de Brancas dit ce qu’elle sait ne pas être.
M a is , au reste, madame de Brancas a-t-elle bien calculé le
but de sa demande sur cet article ? Par quel m otif lui devrait-on
cette somme arbitraire de 10,000 liv.? des dommages-intérêts
sont définis par la loi l’indemnité de la perte qu’on éprouve.
Si -elle avait un nouveau terrier, vaudrait-il donc 'pour elle
10,000 liv. ? Mais quand il faudrait encore l'indemniser d’une
perte arrivée par la force m ajeure, à qui madame de Brancas
p ou rrait-elle persuader, que pour refaire le terrier d’une di
recte de cent dix setiers de tous grains, et de i 5o liv. argen t,
il faut payer 10,000 liv. à un féodiste, indemnisé déjà par deux
ou trois cents reconnaissances à recevoir comme notairè.
Mais s’il fallait 10,000 livres, le féodisle est payé, et il n’en
coûterait donc que les frais de rectification des articles recon
nus défectueux. Les trois cent cinquante-deux articles con
damnés rappellent les cent une propositions, et prouvent que
celu i, qui veut épiloguer un ouvrage quelconque, a toujours un
vaste champ pour la critique , sauf à la vérité à être redressé
lui-même. Ce serait donc se jouer de la C our, que de sup-,
poser sérieusement qu’elle adoptera l ’ébauche du sieur L e g a y ,
et ses trois cent cinquante-deux erreurs provisoires.
DEUXIÈME
GRIEF.
E s t-il du 12,000 liv. à madame de Brancas pour non-pèrception de ses o en s, pendant 1790, 1791 et 1792 ?
10,000
liv. pour un(terrier m al-fait, et 12,000 liv. pour trois
ans de cens , feraient précisément le capital de la directe de
madame de Brancas ; et ainsi les lois suppressives n’auraient
atteint que le fermier.
B a
�C 12 )
. Ces lois ne calculent pas comme madame de Brancas ; au
contraire, elles accordent une indemnité au fermier qui n’a
pas joui de tous les cens de 1789 ; et c’est encore la position du
sieur Jusseraud.
Mais ne voyons que madame de Brancas , et. écoutons-là se
fonder toujours , pour ce chef de demande comme pour le pré
cédent , sur ce que le sieur Jusseraud , en retenant ses titres ,
l ’a mise , par son fa it, hors d ’étal de pouvoir se faire payer.
Toute la page 24 de son mémoire est encore consacrée à ré
péter qu’i l n’est pas douteuse que le sieur Jusseraud a retenu
les titres et les terriers.
L ’éclaircissement de ce fait appartenait p lu tô t, à la v é rité ,
à la discussion de ce' deuxième grief qu’au précédent, mais
le sieur Jusseraud s’est fait un devoir de suivre madame de
Brancas dans l ’ordre de ses moyens. Ici , pour ne pas se ré
péter , il se référera à ce qu’il a dit aux deux pages précédentes ,
où il se flatte avoir prouvé jusqu’à l ’évidence qu’il a remis les
terriers anciens et n ou veaux, plans , liéves et titres depuis le
commencement de l ’année 1 7 9 1 , puisque le sieur L egay a été
choisi par acte du 9 mars 1791 ; que cet acte suppose un rap
prochement certain et l’existence certaine et en forme du terrier
B o itelet, enfin que le sieur L egay reconnaît avoir tout reçu du
sieur Auzaneau en 1791.
M adam e de Brancas voudrait-elle revenir sur ses p a s, et pré
tendre que cette x’emise de terriers et titres a été faite trop tard ?
M ais c’était lors du procès de 1789 qu’il fallait s’en apercevoir,
et madame de Brancas s’est départie de ce procès ; donc sublatâ causâ tollitu r effed u s.
Rem arquons encore l ’époque de ce département d’instance.
C ’est en janvier 1792 , après que madame de Brancas avait été,
suivant ses expressions, hors d’ état de pouvoir se faire payer
pendant les années 1790 et 1791.
Si c’eût été par la faute du sieur Jusseraud , c’élait le cas
au contraire d’ajouter à son procès les conclusions en indem-
�( *3 )
nité qu’elle prend aujourd’hui. Madame de Brancas, en renon
çant à ce procès, a donc reconnu en 1792 , que toutes ses pré
tentions se bornaient à la remise des titres , et qu’il lui suffisait
les avoir reçus.
Si nous trouvons. dans ce récépissé une fin de non recevoir
pour les années 1790 et 1791 , il ne nous restera à vaincre que
l ’année 1792; e t , à cet égard , la réponse est plus facile encore.
L a suppression des cens a eu lieu par la loi du a 5 août 1792,
à la seule exception de ceux fondés sur titres prim itifs, et la terre
de Chazeron n’avait que des reconnaissances terrières.L’échéance
des cens était a la St.-Julien, ou au 28 août; donc, en supposant
même toute la bonne volonté possible aux censitaires de s’ac
quitter , ils n’ont au moins pas été tenus de payer des cens, sup
primés avant l’échéance de 1792.
Laissons encore cette suppression , il résultera au moins du
récépissé de 1792 , que le sieur Auzaneau, avait tous les titres ,
et de l ’exploit de l ’an 3 ; qu’il avait les terriers, liéves et plans.
Il a donc pu percevoir.
Il est, d’après cela, parfaitement inutile d’examiner si le dé
fenseur de madame de Brancas est convenu ou n o n , qu’il fallait
des lettres à terrier, et qu’elles avaient été remises au sieur
Boitelet seulement en 1783. Si ce fait était un peu plus impor
tant , le sieur Jusseraud rappellerait à madame de Brancas qu’elle
avait avancé (p a ge 2 de son premier m ém oire) , que lors du
bail de 1 7 9 1, elle avait déjà obtenu des lettres à terrier, sui
vant l’usage ; et il résulterait peut-être de cette commémoration,
que c’est mal à propos qu’elle a démenti le fait avancé à cet
égard par les premiers juges (page 26 du 2.e m ém oire).
Ces lettres ù terrier n’étaient point aussi inutiles que veut le
dire madame de Brancas, puisque sans elles, il 11’y aurait eu
de ressource que d’obtenir un ¡jugement contre les censitaires.
L es anciennes ordonnances exigeaient cette formalité. Celle de
B 1n s, art. 6 4 , et l ’ordonnance de M elu n , art. 26 n’en exemp
taient que les seuls seigneurs ecclésiastiques, et on lit dans le
�(H)
Dictionnaire des fiefs , v.° lettres à' terrier : « Tous les seigneurs
« laïques, qui veulent faire , ou renouveler un terrier, doivent
« absolument prendre des lettres. Il n’y a que les seigneurs
« ecclésiastiques qui en soient exempts par les ordonnances».
Madame de Brancas s’élève avec force contre cette nécessité,
cependant elle a pris des lettres, mais en 1782 seulement. Elle
ne les a fait enregistrer qu’en 1783, donc elle a retardé les huit
ans donnés pour délai au féodiste. On n’a donc dû lui remettre
ses terriers qu’en 1791 , et dès-lors si madame de Brancas n’a
pas perçu les cens de 1790 et de 1791 , elle ne peut s’en prendre
qu’à elle-même, ainsi qu’elle l’a très-bien préjugé elle-même, en
se départant de son procès prématuré de 1789.
M ais sei'ait-il bien vrai que madame de Brancas a été hors
d 'éta t de percevoir ses cens de 1791 , faute du terrier Boit el et ? il
faut répondre négativement sur ce point comme sur tant d’autres.
Car i.° le siéur Auzaneau a donné des quittances en 1790; il en
a donné en 1791 , et ce ne sont pas des à-comples; 2.0 avant la
rénovation Boitelet, on n’était pas privé de poursuivre le paie
ment des: cens: donc on pouvait se passer de son terrier ; 3 .° il
n’était aisé h personne de percevoir des cens après le 4 août
1789 , et la loi a prévu cette difficulté , en accordant des indem
nités aux Fermiers pour les années postérieures. Madame de
Ch'izeVon habitant alors son château , bien loin d’être pressée de
se faire payer , engageait au contraire le sieur Jusseraud à ne
pas poursuivre ses'propres arrérages.
Gointfièrit donc, sachant ces fa il.s , madame de Brancas a-t-elle
prétendu que c’était par le fa it seul du siei'ir Jusseraud qu’elle
avait etc'hors d’état de percevoir s'es cens? Comment n ’a-t-elle
pas trouvé que 12,000 livres et io,coo liv. au sujet d’une directe
dè 1,100 liv. de revenu étaient une dèuvinde d’une exagéra
tion Singulière ? Comment enfin madame de Brancas a-t-elle
dit que' ces sommes lui étaient dues, laute de remise de ses ter
riers et de ses titres', lorsqu’elle est nantie des uns et des autres ?
y
.
�( iü )
TROISIÈME
GRIEF.
E s t -il du une indem nité au sieur Jusseraud pour la nonjou issa n ce des percières ?
Maintenant que madame de Brancas conteste une demande ,
elle la trouve ridicule et exhorbitante. D ’abord il n’est pas établi,
d it-elle, que les redevables aient refusé le paiem ent, à l ’excep
tion du plus petit nombre.
C ’est un système général adopté par madame de Brancas, de.
tout nier; elle n’avoue pas même ce qui est de notoriété', et de
sa connaissance très-personnelle.
Il est positif, en elfet, que la presque totalité des redevables
de percières refusait de payer depuis long tems; qu’il existait un
procès avec eux tous ; que quelques particuliers seulement, qui
n’avaienl pas voulu suivi’e ce procès, passèrent un jugement
volontaire en 1789 ; que tous les putres plaidaient encore en
1790; et le sieur Jusseraud se procurera les sentences interlocu
toires qui les concernent, pour convaincre la Cour qu'il n’en
impose pas.
Ces percières n’étaient pas un objet peu important ; elles
étaient plus considérables que la directe ; et les précédens fer
miers qui avaient aussi été empêchés de jouir à cause de ces
mêmes procès , obtinrent 3 ,000 francs d’indemnités.
A cela madame de Brancas fait une objection qui aurait
quelque poids , si elle était applicable, mais qui pêche toujours
par l ’inexactitude.
C’est précisément, dit-elle au sieur Jusseraud, pour ne pas
•vous donner aussi des indemnités, que par votre bail il fut
stipulé que vous renonciez à toute diminution pour cause de
grêle, gelée, cas fortuits prévus et à prévoir, et même pour les
contestations qui pourraient être formées par les redevables. O r ,
les procès des percières existaient avant votre b a il, donc ils ont
¿té l’objet de cet article, et tel fut l ’objet de cette convention
(particulière.
�C 16 )
T out cela serait proposable si le bail de 1781 contenait
pour la première fois cette clause de pre'caution. Mais qu’on
lise les précédens baux de la terre.de Chazeron , on la reverra
copiée mot pour m ol : et cependant elle n’a pas empêché les
précédens fermiers d’obtenir une indemnité de 3 ,000 francs.
R ien en effet n’était plus juste , parce qu’une clause semblable
ne doit s’entendre que civ ilem en t, comme l’ont très-bien remar
qué les premiers juges , comme l’avaient aussi préjugé M M .
V ern y et Touttée arbitres , en accordant aux précédens fermiers
une indemnité pour la même cause.
II esten effet de principe que dans une renonciation générale»
il ne faut pas vaguement comprendre ce que le renonçant n’a pas
naturellement voulu abandonner. In generali renuntiatione
non veniunt e a , quce tjuis in specie non essel verisirniliter
conseculurus.
A in s i, quand le fermier se serait chargé de tous les accidens de grêle, neiges, etc., la loi toujours juste et prudente
distingue ce qu’il n’a pas distingué, et lui accorde d’elle-même
une indem nité, si les accidens de la saison ont été immodérés ,
s i immoderatœ fu c r u n t, et contra consueludinem ¡empestâtes.
L . 78. ff. de contr. empl.
Mais la position du sieur Jusseraud est plus favorable encore;
car ce ne sont pas les intempéries de l’air qu’il doit accuser de sa
non jouissance, mais madame de Brancas elle-même qui lui a
donné à bail ce qui sans doute ne lui appartenait pas.
Celui qui vend a beau stipuler qu’ il ne sera garant de rien, :
s’il a vendu la chose d’autrui , il doit au moins rendre le pri}£
qu’il a reçu. De même que celui qui cède une créance sans
garantie, n’en est pas moins tenu de la garantie debitum sttbesse.
Il y aurait même quelque chose d’immoral de favoriser des
conventions contraires.
Dans un bail à ferme de biens ruraux, comprenant une sur
face connue, sans doute on peut stipuler que la perle, même
totale, des revenus par cas' fortuits / sera pour le compte du
preneur ,
�C *7 )
preneur, parce que le bailleur est étranger à ces événemens. Il
a fait ce qui était en l u i , en mettant le preneur à même de jouir
de toute la chose louée.
M ais si l’étendue donnée n’est pas mise au pouvoir, du pre
neur , il en résulte que le bailleur n’a pas satisfait à son obliga
tion en livrant la chose louée. Car la première obligation du
locateur est prœstandi conductori fru i licere : elle est de l’essence
du contrat de louage. C ’est par suite de ces principes que la loi
de 1789, ôtant aux fermiers une portion,.de la chose louée.,
leur a accordé des indemnités , et personne n ’a im aginé de
dire qu’elles n’eussent pas lieu dans les cas où le fermier s’était
chargé du risque des événemens.
On ne peut pas douter que madame de Brancas n’ait donné
à ferme les percières de Gouzel et Roche-Touzet. C ar, x.° elle a
affermé au sieur Jusseraud la terre de Chazeron, ainsi que les
précédens fermiers, etnotamment le sieur Jusseraud père, avaient
j o u i ou dû jo u ir . Précisément le procès avait commencé sous
leur ferme , et ils avaient été indemnisés, parce q u ’ils n’avaient
pas joui comme ils avaient dû jouir ; 2.0 madame de Brancas
avait affermé toutes les perceptions de sa terre, suivant les titres
qu’elle remettait au sieur Jusseraud, portés par un inventaire;
et ces titres mentionnent expressément les percières, pour une
quantité de cent dix setiers.
Sera-t-il proposable d’objecter que la clause du bail porte qu’il
n’y aura pas de diminution pour les contestations qui pourraient être faites par les redevables ?
S ’il fallait interpréter cette clause aussi littéralement que
l’exige madame de Brancas , on 11’y verrait d’abord rien qui
eût trait à un procès déjà existant, car il n’est prévu que des
contestations futures.
M ais de bonne foi, avec une telle cause, faudrait-il aller jus
qu’à dire qu’un fermier à qui on remet les titres d’une terre pour
percevoir un revenu sur quatre cents septerées de terre, est tenu
C
�( i8 )
de se contenter de cent cinquante , si le surplus lui est contesté.
Quelle raison y aurait-il pour ne pas le forcer à payer aussi
toute sa ferme, sans diminution, dans le cas où les redevables se
réuniraient pour contester le droit. L e contrat de louage pour
rait donc subsister sans l’existence de la chose louée ; ce qui
choque les princij^es les plus élémentaires.
L e tuteur de madame de Brancas, procureur au châtelet, ne
prétendait pas donner un tel sens à cette clause, lorsqu’il écri
vait en 1786, dans un style simplement dilatoire, en renvoyant
l ’indemnité à la fin du bail et au jugem ent de l'arbitrage. Une
autre preuve aussi que madame de Brancas entendait bien n’en
être pas quitte pour renvoyer le sieur Jusseraud à une clause
générale et copiée sur les anciens baux , c’est qu’en se char
gea n t seule du procès des percières , qui autrement eut aussi
intéressé le sieur Jusseraud, elle lui notifia en septembre 1790,
q u ’elle avait obtenu trois sentences contre certains des emphytéotes , pour qu’il eût à s’en faire payer. Ce sont ces jugemens
rendus de concert, déjà cités.
Madame de Brancas veut encore réduire à rien cet article
de percières ; elle a produit en première instance, dit-elle, des
baux y relatifs qui les réduisent à treize ou quatorze setiers.
Il est diflicile de répondre à une telle inexactitude, sans ou
blier la modération que le sieur Jusseraud s’est imposée. Car
madame de Brancas sait bien que ces baux n’ont de rapport
q u ’aux percières,de Gouzet qui ne portent que sur quarante
septerées de terre, tandis que les percières de R o ch e-T ou zet
portent sur plus de quatre cents septerées. Mais que madame
de Brancas veuille bien produire à la Cour l ’aveu et dénombrement dont elle a donné récépissé : c’est un acte bien antérieur au
bail du sieur Jusseraud qui s*en trouve une copie ; elle y hra :
« Plus quarante septerées de terres, ou entour, perciérales,
« dans lesdites appartenances de G o u z e t;............ plus jouit et
“ possède ledit seigneur de Chuzeron la terre de P tochc-louzet,
�C
)
» dans laquelle se perçoit, commune année, q u a tre-v in g t-d ix
« setiers seigle en percières. . . lesdites percières confinées, etc.
D e tout cela le sieur Jusseraud n’a rien perçu que du trèspetit nombre de ceux qui ne voulurent pas plaider.
Cependant ces percières étaient comprises dans son bail», et
puisque madame de Brancas ne le faisait pas jouir de cette partie
de la chose louée , elle lui d evait, suivant les principes, quantum
e i abest, et quantum lucrari potuit.
Ce n’est donc qu’au sieur Jusseraud que les premiers juges
ont fait tort, en modéi'ant à 2,275 liv. ce qui valait six fois cette
somme ; et si madame de Brancas la trouve arbitraire, il consent
très-volontiers à une estimation.
QUATRIÈME
GRIEF.
'
E s t-il dû 3 oo liv. au sieur Jusseraud pour non-jouissance
du fo u r banal en 1790?
\
L e sieur Jusseraud a été obligé de payer cette indemnité à.
ses sous-fermiers par jugement du tribunal civil de l ’an 6 ; il ne
demande que la somme qu’il a payée : rien ne semble plus juste.
Cependant madame de Brancas veut encore contester cette
faible somme, et trois moyens lui semblent la débarasser de cette
réclamation ; x.° dit-elle , c’est le sieur Jusseraud qui a été con
damné personnellement ; 2 .0 il faudrait qu’il y eut six mois de
non-jouissance , et il n’y en a que d eu x , parce que la loi de
suppression est du 24 mars 179® ’
^ bail finissait au 24 juin
suivant; 3.° dans les 3oo livres se trouvent confondues 75 livres,
allouées déjà par madame de Chazeron , et si le sieur Jusse
raud le^ a payées pour elle , il ferait un double emploi en les
reprenant.
Sur le premier m oyen, comment concevoir que le sieur Jus
seraud ait été tenu en son nom d’une suppression féodale, tandis
C 2
�( 20 )
que la loi du i 5 mars 1790 accorde aux fermiers des indemnités,
que la loi du 28 août 1792 les leur conserve, et dit que «les fer« miers pourront se fa ir e restituer les sommes qu’ils auront
• payées aux ci-devant seigneurs, pour raison des mêmes droits
« échus depuis le 4 août 17ÎÏ9, et ce, au prorata desdits droits ».
M ais dit , madame de Brancas (p age 3 9 ) , le jugem ent de
l ’an 6 prononce hors de cour sur la demande en assistance de
cause contre m oi, ce qui prouve que vous êtes condamné per
sonnellement.
Toujours oubli des faits dans les choses les mieux constatées.
Si c’était le sieur Jusseraud qui eût été mis hors de cour sur une
demande en garantie formée par lu i , alors certes il ne pourrait la
renouveler ; mais c’étaient les sous-fermiers qui avaient appelé
madame de Chazeron en assistance de cause; ils sont mis hors
de co u r, donc la question reste entière pour le sieur Jusseraud , et le débouté ne le concerne pas.
Sur le second m oyen, les premiers juges ont constaté par l’aveu
des parties, qu’il y avait six mois de non jouissance. D ’ailleurs
le jugement de l ’an 6 rapporte aussi quelessous-feriniersn’avaient
pas joui dès avant la loi du i5 mars 1790.
Cette lo i, comme on sait, n’était que le complément de celle
du 4 août 1789, portant abolition en principe du régime féodal
et de ses effets, à la seule exception des droits fonciers. Il était
naturel que les bannalités , les retraits féodaux, les droits de
chasse exclusive , et autres privilèges semblables fussent réputés
abolis, par le seul effet de la loi du 4 août 1789. Celle du i 5
mars 1790 en fut la loi organique, et ne fit que se référer à la
première. Aussi est-il de notoriété que les bannalités cessèrent
dès 1789, et madame de Brancas ne pouvait ignorer l’époque
des premiers cil’ets d’une suppression à laquelle elle était si peu
étrangère.
D ’ailleurs calculons même comme madame de Brancas, et ne
partons que de la loi du i5 mars *790: de là au 24 juin , il n’y
�C 21 )
a pas deux mois, comme elle le prétend. Il y en a trois bien
comptés.
O r , la bannalité du four était sous-aiïermée 1,200 fr. par an ;
ce fait n’est pas contesté : c’était donc pour trois mois 3 oo fr. ,
et le tribunal civil avait supputé juste.
Enfin si par le fait le sieur Jusseraud a payé 3oo f r ., pourquoi
les perdrait-il ?
L e troisième m oyen, qui n’est plus qu’un subsidiaire, ne
devait être proposé par madame de Brancas, que si elle avait en
main le mandement de 75 fr. donné par madame sa m ère, et si
elle prouvait que le sieur Jusseraud l ’a porté en compte dans
ses paiemens.
Car il importe peu que madame de Chazeron ait jpromzs 75 fr.
à ces sous-fermiers, si elle ne les a pas payés. Il a été dit déjà
pourquoi ces 75 fr. avaient été promis. Madame de Chazeronse
fit garder plusieurs nuits par les sous-ferm iers, dans sa terre,
lors des premières terreurs de la révolution, et'leu r donna en
récompense un bon de
francs. L e tribunal c i v i l, à qui on fit
plaider que ces 75 fr. avaient eu aussi pour objet la non jouis
sance du four, déduisit cette somme sur les 3 oo fr. d’indemnité
qu’il accorda à ces sous-fermiers.
Maintenant soit que le sieur Jusseraud ait payé cette somme
en vertu du m andem ent, ou en vertu du jugem ent, il l’a tou
jours payée de ses deniers , si on ne voit pas qu’il a employé
le mandement dans ses comptes. Si madame de Chazeron ne le
prouve pas , il n’y a donc, dans sa dernière objection, qu’un
double emploi imaginaire.
L e sieur Jusseraud a parcouru tous les griefs du mémoire de
madame de B ran cas, qui le concernent, et il n’a eu besoin que
de développer les motifs de la décision des premiers juges, qui
porte avec elle sa pleine justification. Si la cause a été pour l’une
des parties, comme on le d it , un objet de spéculation , le sieur
Jusseraud a l ’avantage au moins de n’avoir spéculé que sur la
�(
22
)
vérité des faits et sur une constante exactitude. Ainsi madame
de Brancas n’a été victim e que de sa propre obstination ; et si
ses intérêts ont été blessés, elle ne peut en accuser que l’injus
tice de ses demandes et la faiblesse de ses moyens.
M .e D E L A P C H IE R , A v o c a t.
M .e V E R N I È R E , A v o u é .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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A related resource
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Jusseraud. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Vernière
Subject
The topic of the resource
percière
eaux minérales
cens
liève
four banal
banalité
terriers
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour La Sieur Jusseraud, intimé ; contre La Dame de Chazeron et le Sieur Albert de Brancas-de-Villars, son mari, appelans
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 10
1781-Circa An 10
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0727
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0321
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53922/BCU_Factums_M0727.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chazeron (terre de)
Châtel-Guyon (63103)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
banalité
cens
eaux minérales
four banal
liève
Percière
terriers
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53921/BCU_Factums_M0726.pdf
8ea4c7160b83c737338244b28f21c20a
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Text
m é m o i r e
SUR
La n u l l it é e t la r é c l a m a t io n
C O N T R E D E S VOE U X E N R E L I G I O N .
A RIOM,
E
DE
LANDRIOT,
I M P R I M EUR DU T R I B U N A L
1 8 0 3
X I I
s e u l
D’APPEL.
�MEMOIRE
POUR
J e a n - J a c q u es D A N C E T T E ,
prêtre,
habitant de la commune de B e a u z a t, département de la H a u te -L o ire , défendeur en tierceopposition, et aussi demandeur en tierce-opposition;
CONTRE
F A U G I E R et J a c q u e s
M A S S A D I E R son mari, de lui autorisée,
demandeurs et défendeurs.
F r a n ç o i s e
est défendeur à une tierceoppositjon- formée par Françoise Faugier et son m ari,
àune sentence de l’officialité du diocèse de M âcon, qui a
A
Jea n - J a c q u e s D
ancette
�c o
déclaré nuls ses actes de vêture et de profession dans
l’ordre de Cluny, et l’a renvoyé au siècle, et à un arrêt du
parlement de Paris, qui a déclaré n’y avoir abus dans la
sentence de l’officialité. D ’un autre côté, Dancette a formé
opposition à un arrêt du parlement de Toulouse, où il
n’est point partie, et qui cependant attribue à Françoise
Faugier le patrimoine de Dancette.
Si Françoise Faugier et son mari doivent succomber
dans la tierce-opposition à la sentence de l’ofïicialité de
Mâcon et à l’arrêt du parlement de Paris, alors il ne peut
y avoir aucune difficulté dans la tierce-opposition de
Dancette à l’arrêt du parlement de Toulouse. C’est donc
principalement à la tierce-opposition à la sentence de
l’oiïicialité de M âcon, et à l’arrêt du parlement'de Paris,
qu’il faut s’attacher.
Cette affaire tient tout à la fois à l’ordre public et à l’in
térêt privé. G’est du développement des faits que naîtront
les questions sur lesquelles le tribunal d’appel doit pro
noncer.
F A IT S .
D u mariage d’André Dancette et de Marie Robin
étoient nés trois enfans, Claude, Marguerite et JeanJacques Dancette.
'<;Toute l’afTcction des père et mère s’étoit portée sur
Claude Dancette, leur fils aîné, à. qui ilsdestinoient toute
leur fortune, qui étoit considérable, en lui sa crifia n t son
frère et sa sœur. Dès les pi'èmières années de c e u x -c i,
ils les vouèrerit a u 'célibat daïis l’état monastique. A l’âge
de huit ans, la fille fut misé dans un couvent de religieuses
�(3)
ursulines, où, sans qu’elle en fût jamais sortie, dès quelle
eut atteint sa seizième année, on lui fit faire le sacrifice
qu’on exigeoit d’elle : les caresses et les m e n a c e s , et les
insinuations des l’eligieuses toujours portées à faire des
prosélytes, rien ne fut épargné.
On trouva plus de résistance de la part du fils cadet.
A u x caresses employées vainement succédèrent les mena
ces, qui étoient aussi sans succès. Bientôt les mauvais traitemens suivirent et s’accrurent chaque jour : on en vint
à le forcer de partager avec les domestiques les travaux
les plus pénibles de la campagne, que son âge et son état
ne pouvoient comporter ; il fut privé de la table de ses
parens.
Peut-être le cœur du père se seroit-il ouvert aux prières
et aux gémissemens de son fils ; mais que ne peut sur un
mai’i foible l’ascendant et l’empire que prend sur lui une
femme audacieuse, que sa prédilection pour un de ses
enfans veut enrichir aux dépens des autres, et q u i, pour
parvenir à son b u t, les livre à la persécution, en faisant
partager à son mari ses caprices, sa haine et ses mauvais
traitemens !
Il n’est pas surprenant après cela qu’un enfant si cruel
lement persécuté, pour échapper p eu t-cire à de plus
grands dangers, se jette en désespéré dans: la captivité
d’un cloître. Telle fut la malheureuse destinée qui entraîna
Jean-Jacques Dancettc dans la maison de Cluny.
Cependant la providence permit que son entrée dans
le monastère ne fût pas accompagnée des formes prescrite^
par les lois pour l’y retenir jamais; ëlle lui ménagea dep
Ressources assurées pour reprendre sa lib erté, lorsqu’il
A a
�U )
n’auroit plus à craindre les effets funestes de la haine et
de la violence. C’est ce qu’on établira dans la discussion
<les moyens. Continuons le récit des faits.
Jean -Jacq u es Dancette n ’a v o it cessé de protester contre
la violence q u i l ’avo it con duit dans la m aison de Cluny ;
il a v o it fait des actes de protestation p a r -d e v a n t notaires
1761, en 1766, en 1 7 7 1 , en 1776, en 1781 et en 1785.
Claude Dancette, son frère aîné, étoit mort en 1767.
Cette circonstance paroissoit devoii le rendre à. l’affection
de ses père et mère : il tenta auprès d’eux toutes les voies
pour les engager à venir à son secours j mais les sentimens
de haine conçus contre lui par sa mère avoient pris dans
son cœur de trop profondes racines, et la perte de son fils
aîné ne lui fit que reporter ses affections sur ses parens
collatéraux ; elle prît dès - lors le dessein de leur faire
passer non-seulement ses propres biens, mais ceux même
de son m a ri, au préjudice de ses enfans, ses héritiers
naturels; en sorte qu’abusant toujours de l’empire qu’elle
s’étoit donné sur un mari foible, elle le rendit insensible
aux prières et aux larmes de son fils, et se fit faire par lu i,
dans un testament, une institution d’héritière universelle,
autorisée par les lois du pays de droit écrit, qui régissoit
les parties et leurs biens. L e testament qui contenoit cette
institution étoit de 1768.
Une circonstance bien remarquable dans ce testament,
c’est qu’en instituant sa femme son héritière u n i v e r s e l l e ,
et faisant à son fils, par le même testament, le legs d’une
pension viagère j il.y est dit qu’il institue son fils son héritier
particulier dans cette pension pourquoi ce legs h titre
ü’instiiution particulière ? Gela n’étoit pas nécessaire si le
en
�(5 )
fils étoit vraiment mort au monde par une profession en
religion, libre et régulière ; mais il falloit prévoir le cas où
le fils réclameroit contre sa profession, ou la feroit déclarer
nulle : et si cela arrivoit, et qu’il n’y eût pas d’institution
particulière en sa faveur, l’institution universelle faite à la
femme eût été nulle par la prétention du fils. Cette précau
tion annonce suffisamment que le père et la mère connoissoient les vices de la profession de leur fils.
L e père, qui avoit fait son testament en 1768, mourut
en 1773. En vain encore alors Jean-JacquesDancette agitil et fit-il agir auprès de sa m ère, pour la rappeler à la
tendresse maternelle : vains efforts, la liaine étoit trop
invétérée.
Cependant, dès après la mort de son p ère, il avoit aban
donné la maison de C lu n y , et quitté l’habit monastique ,
continuant toujours de renouveler ses protestations. Les
religieux de Cluny n’eurent garde d’user des voies qui
auroient pu le contraindre à rentrer dans le cloître ; ils
savoient trop eux-mêmes que sa vocation avoit été forcée,
et'ils connoissoient sans doute la nullité des actes qui l’y
avoient introduit. Sorti de la maison de Cluny dès la mort
de son p è re , ne trouvant point d’asile auprès de sa mère, il
n’avoit cessé d’errer çà et l à , chez des parens et des amis
compatissans et sensibles à ses malheurs.
Mais sa mère étant morte en 1782, il se mit dès-lors en
possession des biens de son père, et n’a cessé depuis ce temps
d’en jouir et d’en disposer pendant un grand nombre d’an
nées, sans éprouver de contradictions de qui que ce soit.
Sa mère avoit fait un testament par lequel elle avoit ins
titué son héritier Barthelemi Robin son neveu, et par un
�(6 )
codicile elle avoit fait en faveur de Jean-Barthelemi R obin ,
autre de ses neveux, le legs d’un domaine considérable qui
venoitdesonrnari; et, dans la vue sans doute d’engager son
fils à ne pas contrarier ses volontés par les voies qu’elle
sa voit bien lui être ouvertes contre la profession en religion,
elle lui avoit donné la jouissance du domaine dont elle avoit
disposé par son codicile en faveur de Jean - Barthelemi
Robin : mais, ce qu’il y a encore à remarquer dans le testa
ment de la mère, elle qualifie son fils de prêtre sécularisé ,
et elle a aussi la précaution de lui faire un legs d’usufruit,
à titre d’institution particulière.
Il n’est pas non plus inutile d’observer que depuis 1773 >
époque de la mort du père, jusqu’en 1782 qu’arriva celle
de la m ère, les collatéraux du père n’imaginèrent pas d’at
taquer le testament d’André Dancette, et laissèrent toujours
sa femme, son héritière testamentaire, jouir de l’universa»
lité de sa succession. Ils auroient pu cependant demander la
nullité du testament, comme ils l’ont fait dans la suite ; et
s’ils ne le firent pas alors, ce ne put être que par la connois-?
snncc qu’ils avoient de la nullité de la profession de JeanJacques D ancelte, qui seul alors pouvoit avoir le droit
d’attaquer le testament de son père : mais, même après la
mort de la m ère, le fils n’éprouva aucun obstacle dans la
possession où il se mit aussitôt des biens de son père.
Cependant,peu de temps après, Claude Faugier qui vivoit
encore alors, qui étoit fils et héritier d’Anne D a n c e t t e , la
quelle étoit sœur d’André Dancette, et qui a u r o it eu droit
à la succession de son oncle, si Jean-Jacques Dancette son
cousin-germain eût pu être considéré c o m m e mort civile
ment par une profession en religion régu lière, Claude
�(7 )
Faugier imagina d’attaquer les héritiers de Marie R o b in ,
et de demander contre eux la nullité du testament d’André
Dancette.
Il doit paraître étrange que Claude Faugier ne se fût
adressé qu’aux héritiers de Marie R o b in , qui n’étoient pas
en possession des biens, ou qu’il n’eût pas en même temps
dirigé son action contre Jean-Jacques Dancette, qui s’étoit
empai’é de ces mêmes biens après la mort de sa mère.
l i ’action de Claude Faugier fut portée en la sénéchaussée
du Puy, où elle fut reprise après sa mort par A ndré Faugier,
tant en son nom que comme tuteur de l’enfant mineur de
Claude Faugier son frère, et par Françoise Faugier sa sœur,
et Massadierson mari; et, après une assez longue instruction,
le testament d’ André Dancette fut déclaré nul, et les Faugier
envoyés en possession de ses biens. Les Robin interjetèrent
appel de la sentence de la sénéchaussée du Puy au parle
ment de Toulouse, où elle fut confirmée.
Mais l’envoi en possession prononcé contre les R o b in ,
ne pouvoit pas être effectué à l’égard de Jean-Jacques Dan
cette qui s’étoit mis en pleine jouissance après la mort de
sa mère. Cependant, craignant d’etre troublé p a r le s collaté
raux, à la faveur de la sentence de la sénéchaussée du Puy ,
et de l’arrêt confirmatif, il se persuada qu’il étoit de plus
grande précaution de faire px-ononcer judiciairement la
nullité des actes de vêture et de profession qu’on pourroit
lui opposer.
Il se pourvut en conséquence en l’ofïicialité du diocèse
de Maçon, où étoit situé le monastère de Cluny, et demanda
la nullité des actes de vêture et de profession. Il appela ,
pour faire prononcer la nullité, non-seulement les religieux
�(8 >
de C luny, maïs aussi ses parens paternels et maternels, qui
h son défaut auraient été en droit de succéder à ses père et
mère. Les parens paternels étoient André Faugier, prêtre,
tant en son nom qu’en qualité de tuteur de l’enfant de
Claude Faugier son frère, tous deux héritiers d’Anne Dancette leur mère, sœur d’A ndré Dancette. Les parens mater
nels étoient Barthelemi et Jean-Barthelemi R obin, neveux
de Marie Robin sa mère.
Par une sentence contradictoire de l’officialité de M âcon,
et sur les conclusions du promoteur, les actes de vêture et
de profession de Jacques-André Dancette furent déclarés
nuls, et il fut renvoyé au siècle en état de prêtre séculiei*.
L a sentence est du . . . . juillet 1790.
Les Robin, parens maternels, interjetèrent appel comme
d’abus de cette sentence , au parlement de Paris, où ils ap
pelèrent en même temps André Faugier, tant en son nom
qu’en qualité de tuteur de l’enfant mineur de Claude Fau
gier , pour voir déclarer commun avec lui l’arrêt qui int e r v i e n d r o i t su r l’appel comme d ’a b u s ; ils appelèrent aussi
les religieux de Cluny. L ’affaire ayant été discutée au parle
ment par des écritures de part et d’autre, intervint arrêt
contradictoire le 6 octobre 1790, sur les plaidoîeries de
quatre avocats, et sur les conclusions du ministère public,
par lequel il fut dit qu’il n’y avoit abus dans la sentence
de l’oflicialité d e M âcon , et il fut ordonné qu’elle s e ro it
exécutée selon sa forme et teneur; et cet arrêt fut bientôt
après signifié aux parties.
D e ce moment Jean - Jacques Dancette continua de
jouir paisiblement de la succession de son pore, et en
disposa l i b r e m e n t ; il fit même des ventes de quelques
héritages
�(9 )
héritages détachés, sans que ses acquéreurs éprouvassent
aucun trouble de la part de ses parens.
Mais bientôt après survinrent les décrets funestes contre
les pi'êtres insermentés, et Dancette étoit du nombre : il
fut obligé de se cacher, et il fut même mis sur une liste
d’émigrés. Lesagens nationaux le considérèrent tellement
comme vrai propi'iétaire des biens de son père, qu’ils
s’empi-essèrent de faire mettre le séquestre sur ces mômes
biens, meubles et immeubles, et comme lui appartenans,
en vertu d’un arrêté du district de M onistrol, du mois
de floréal an 2 et l’administration du district adjugea la
ferme de ses propriétés, sur la réquisition du receveur
de l’enregistrement.
Cependant les temps étant devenus moins orageux, et
les prêtres commençant à reparoître, Dancette obtint du
directoire du district de Monistrol un arrêté du mois de
thermidor an 3 ■
>qui le rétablit dans ses pi’opriétés. L e
juge de paix vint avec les officiers municipaux de la com
mune de Beauzat lever le séquestre, et le remettre en
possession des meubles qui se trouvoient n’avoir pas été
vendus, et de ses domaines, à la charge toutefois de laisser
subsister l’adjudication qui en avoit été faite, pour le
temps de sa durée.
La jouissance de Dancette fut encore paisible. L e ¿5 fri
maire an 4 il afferma son domaine de Confolent au citoyen
Porchier, pour neuf ans; et le 7 nivôse suivant son do
maine de la D orlière, pour six ans , au citoyen Rey.
Jean-Jacques Dancette avoit pris en affection A ndréMarie Faugier, son neveu à la mode de Bretagne, et qui
étoit son héritier présomptif du côté paternel-, il l’avoit
B
�( 10 )
l’etiré auprès de lui : mais il eut le malheur de le perdre
le 6 complémentaire an 5. A van t de m ourir, ce jeune
homme , qui avoit été mécontent de l’administration
d’A ndré Faugier, son oncle et son tuteur, lui avoit fait
s ig n ifie r qu’ayant atteint l’âge de puberté il n’avoit plus
besoin de tuteur, et qu’il clioisissoit Jean-Jacques Dancette pour son curateur. O n conçoit aisément que cette
démarche dut déplaire à l’abbé Faugier, surtout en ce
que Dancette lui étoit préféré pour la curatelle. Cepen
dant tant que le jeune Faugier vécut on n’imagina pas
de troubler Dancette dans sa possession; ce ne fut qu’après
sa mort que l’abbé Faugier et la femme de Massadier,
sa sœur, prétendirent se prévaloir de la sentence de la
sénéchaussée du Puy et de l’arrêt confirmatif du parle
ment de Toulouse, qui les avoient envoyés en possession
de la succession d’André Dancette, et qu’ils se persua
dèrent qu’ils pourroient, par une tierce-opposition, faire
cesser l’effet de la sentence de l’officialité de Mâcon et de
l ’arrêt du parlement de Paris, qui avoient annullé la
p r o f e s s io n de Dancette et l ’a v o i e n t renvoyé au siècle.
Il scroit assez inutile de rendre compte de toutes les
procédures tenues dans les tribunaux du Puy et d’Issengeaux; il suffit de remarquer que Massadier et sa femme,
qui ont acquis les droits d’A ndré Faugier, ayant formé
tierce-opposition à l’arrêt du parlement de P aris, et
Dancette à celui du parlement de Toulouse , ces oppo
sitions ont enfin été renvoyées au tribunal d’appel, seul
compétent pour juger des tierces-oppositions à des jugernens rendus par des tribunaux souverains. M ais, comme
on l’a déjà observé en commençant, c’est seulement à la
�( 11 )
tierce-opposition à l’arrêt du parlement de Paris qu’il
iaut s’attacher, parce que si cette tierce-opposition n’est
ni recevable ni fondée, l’arrêt du parlement de Toulouse,
absolument étranger à Jean-Jacques Dencette, n’a jamais
pu produire aucun effet contre lui.
Si la tierce-opposition à l’arrêt dù parlement de Paris
est non recevable, on pourroit se dispenser d’établir
qu’elle est mal fondée. L a fin de non recevoir est le
moyen principal; le mal fondé n’est qu’une proposition
subsidiaire. Cependant c’est par l’examen de celle-ci que
l’on va commencer : la fin de non recevoir, qui sera la
seconde proposition, n’en sera que plus favorable,
M O Y E N S .
Prem ière proposition.
Dans cette proposition il faut mettre à l’écart l’arrêt
du parlement de P a ris, qui avoit déclaré n’y avoir abus
dans la sentence de l’oflicialité, qui avoit annullé les actes
de vêture et de profession, et qui avoit ordonné l’exé
cution de cette sentence : il faut supposer que la sentence
n’eût pas été attaquée.
Elle n’auroit pu l’être que par un appel simple à l’ofiicialité métropolitaine, ou par un appel comme d’abus au
parleraient de Paris. Mais l’appel simple n’auroit pas été
recevable après que, sur l’appel comme d’abus, il auroit
été dit qu’il n’y avoit pas d’abus, et que l'exécution de
la sentence auroit été ordonnée. Mettons-nous donc dans
la position où il n’auroit pas été prononcé sur l’appel
B 2
�( 12 )
çomme d’abus , et que ce fût aujourd’hui le tribunal
d’appel qui dût y faire droit. En un m ot, y a u ro it-il
des moyens d’abus contre la sentence de l’officialité ?
Il n’y en a pas certainement, si cette sentence, en pro
n o n ç a n t la nullité des actes de vêture et de profession de
Dancette, s’est conformée à la disposition des oi'donnances,
en jugeant que ces actes n’étoient pas revêtus des forma
lités qu’elles prescrivent.
C’est sans doute une mauvaise objection que ce qu’on
a dit que l’official n’avoit pas énoncé les motifs de son juge
ment : ce n’est que dans ces derniers temps que les juges
ont été assujétis à cette énonciation ; et la sentence de
l’ofiicialité est antérieure à la loi qui a prescrit dans les
jugemens cette nouvelle forme jusqu’alors inconnue dans
les tribunaux. C ’est dans la l o i , la justice et la raison
qu’on cherchoit seulement le m otif du jugem ent, sans
qu’il fût exprimé dans le jugement même : aujourd’hui
même il n’est pas sans exemple de voir de bons jugemens
r e n d u s sur d e mauvais m otifs, et qui sont confirmés
par d’autres inptifs que ceux qui paroissoient avoir déter
miné les premiers juges.
Il ¡y a deux moyens pour attaquer les vœux monastiques :
la nullité des actes par lesquels on veut les établir, pour
n’avoir pas observé dans ces actes les formalités prescrites
par les lois pour les rendre valjd.cs; et la nullité des vœux
dans leur substance, parce qu’ils n’ont été p r o d u it s que
par la crainte ou la v io le n c e ¡e t cette seconde nullité a
tout son effet, lors même que, dans le s . actes, les forma
lités ont été gardées. Commençons par examiner la pre
mière dç ces deux nullités.
�( J3 )
Prem ière nullité.
L ’ordonnance de Moulins et celle de 1667 avoient
réglé les formalités des actes qui devoient assurer l’état
des religieux. Ces formalités ont été non-seulement con
firmées, mais exprimées et presci*ites avec plus d’étendue
dans la déclaration du 9 avril 1736, dont il est néces
saire de rappeler les dispositions.
A rticle X X V . « Dans les maisons religieuses, il y
ce aura deux registres en papier commun, pour inscrire
« les actes de vêtu re, noviciat et profession , lesquels
« registres seront cotés par premier et dernièr, et para« pliés sur chaque feuillet par le supérieur ou la supé« rieure ; à quoi faire ils seront autorisés par un acte
« capitulaire qui sera inséré au commencement du
« registre. »
A rt. X X V I . « Tous les actes de vêture, noviciat et
« profession , seront inscrits en français sur chacun desd.
« deux registres, de suite et sansjm c u n blanc; et lesd.
« actes seront signés sur lesd. deux registres par ceux
« qui les doivent signer, le-tout en même temps qu’ils
« seront faits; et en aucun cas lesdits actes ne pourront
« être inscrits sur des feuilles volantes. »
Art. X X V I I . « Dans chacun desd. actes il sera fait
« mention du nom et surnom et de l’âge de celui ou
« de celle qui prendra l’habit ou fera profession ; des
« nom s, qualités et domicile de ses père et m ère; du
« lieu de son origin e, et du jour de l’acte , lequel
« sera signé sur lesdits registres, tant par le supérieur
�( I4 )
« ou la supérieure, que par celui ou celle qui prendra
« l’habit ou fera profession ; ensemble par l’évêque ou
« autre personne ecclésiastique qui aura fait la céré« m onie, et par deux des plus proches parens ou amis
« qui y auront assisté. »
A rt. X X V I I I . « Lesdits registi’es serviront pendant
« cinq années consécutives, et l’apport au greffe s’en
« fera , savoir : pour les registres qui seront faits en
« exécution de la présente déclaration, à la fin de
« l’année 17 4 1, et ensuite de cinq ans en cinq ans, » etc,
C ’est d’après ces dispositions de la déclaration de 1736,
que la sentence de l’officialité de Mâcon a dû juger
de la validité ou de l’invalidité des actes de vêture et
de profession de Jean-Jacques Dancette. Voyons si dans
ces actes on s’est conformé aux dispositions de la lo i,
et si l’on y a observé les formes qu’elle prescrit.
Commençons par l’acte de vêture, qui est celui qui doit
constater l’introduction dans le noviciat.
Cet acte de vêture, comme celui de profession, devoit
être inscrit sur deux registres, et autorisé par un acte
capitulaire inséré au commencement du registre, suivant
l’article X X V de la déclaration de 1736. On n’a pas pu
savoir s’il y avoit eu deux registres, et il y a lieu de croii'e
qu’il n’en avoit été tenu qu’un seul, puisque dans le procès
jugé par la sentence de l’officialité, ni les religieux de
C luny, ni les parens de D ancette, qui étoient parties
dans ce procès, n’ont pu représenter le r e g is t r e q u i auroit
dû rester dans les archives du monastère, et q u e leur oppo
sant des nullités dans le registre déposé au grefle, on
n’aïu-oit pas manqué de tenter de les faii'e cesser par la
�( i5 )
représentation du registre qui devoit demeurer dans le
monastère, si dans le lait ces mêmes nullités n’eussent pas
existé dans ce second registre. Ce seroit déjà une première
contravention à la disposition de la loi.
En second lie u , dans le registre déposé au greffe du
bailliage de M âcon, il n’y a point eu d’acte capitulaire_
qui ait autorisé le supérieur à recevoir les actes de vêture
et de profession , formalité encore prescrite par le même
article. Et cette formalité n’est pas sans l'aison, puisque
la réception au noviciat et à la profession ne peut se faire
qu’après avoir recueilli les suffrages des religieux qui ont
droit de les donner, et qu’il n’y a qu’un acte capitulaire
qui puisse constater la pluralité des suffrages, sans laquelle
l’entrée au noviciat ne peut pas être accordée. Les actes
de vêture et de profession sont des contrats synallagmatiques, qui doivent engager le novice ou le profès envers
la communauté, et la communauté envers le novice ou
le profès.
En troisième lieu , l’acte de vêture n’a pas été signé
par Dancette; et cette signature est exigée par l’art. X X V II.
E t comment ne l’auroit-elle pas été ? Un pareil acte est
un acte authentique dont le supérieur du monastère est
le ministre établi par la loi ; et en général tous les actes
volontaires n’acquièrent l’authenticité qu’autant qu’ils sont
signés par les parties, et le défaut de signatureNou de la
mention que les parties ne savent pas signer, les rend par
cela seul radicalement nuls.
En quatrième lieu , l’acte de vêture, comme celui de
la profession, doit être fait, suivant le même article X X V II ,
en présence et signé par deux des plus proches parens ou
�( rf)
amis. O r , clans celui dont il s’agit, il n’y a ni présence ni
signature de parens ni d’amis : et si l’on disoit qu’il n’y
avoit sur les lieux ni parens ni amis , au moins auroit-il
fallu les remplacer par deux témoins , la présence des
témoins pouvant seule constater l’authenticité des actes,
et les ordonnances prononçant la nullité des actes publics
qui sont faits sans témoins.
En cinquième lieu , suivant l’article X X V II I , le dépôt
de l’un des deux registres doit se faire, dans les cinq ans,
au greffe de la justice royale. O r, ce n’est que huit ans
après Pacte de vêture dont il s’agit, qu’il a été dépose
un registre au greffe du bailliage de M âcon; en sorte que
pendant les trois ans qui ont suivi le délai prescrit par
la loi on a eu la facilité de faire ou refaire le registre à
volonté, pour y faire tous les changemens possibles.
En sixième lieu, suivant l’article X X V I I , il doit être
fait mention, dans les actes de vêture et de profession,
non-seulement des noms des père et mère de celui qui
est a d m is au n o v i c i a t ou à la p r o fe s s io n , mais même de
leurs qualités-, et dans Pacte de vêture dont il s’a g it,
nulle mention des qualités des père et mère de Dancette.
Ce u’est donc pas en un seul point qu’on s’est écarté
de la disposition de la loi ; elles ont toutes été violées dans
l’acte de vêture, où l’on n’a observé aucune des formalités
essentielles qu’elle prescrit. D e là doit s’ensuivre néces
sairement la nullité de l’acte de vêture.
Mais la plupart des formalités négligées dans Pacte de
vêlu re, Pont été également dans celui de la profession.
i°. Point d’acte capitulaire q ui_ajt autorisé à recevoir la
profession. 20. Point de double registre. Ni en l’ofïicialité
de
�( i7 )
de M âcon, ni au parlement de Paris, les religieux de
C lu n y , ni les parens de Dancette n’ont pas pu justifier
de celui des deux registres qui devoit demeurer déposé
dans les archives du monastère. 11 est possible que ce
registre n’ait jamais existé, ou que l’acte de profession
qui devoit s’y trouver manquât des formalités nécessaires;
sans quoi on n’auroit pas négligé de le représenter, soit
en l’ofïicialité, soit au parlement. 30. Dans le registre
déposé au greffe, l’acte de profession n’énonce pas les
qualités des père et mère ; formalité exigée par l’ar
ticle X X V I I de la déclaration de 1736. 40. Une autre
formalité essentielle dans l’acte de profession, également
exigée par l’art. X X V I , c’est que cet acte soit entièrement
écrit en français ; au lieu que le plus essentiel de l’acte de
profession , le serment qui devoit attacher le religieux
au monastère, se trouve écrit en latin.
L e défaut d’observation d’un si grand nombre de for
malités , soit dans l’acte de v ê tu re , soit dans celui de
profession, doit donc nécessairement rendre ces deux
actes invalides, et les faire considérer comme n ’a y a n t
jamais existé.
Et qu’on ne dise pas que les lois, en prescrivant ces
formalités, n’ont pas prononcé la nullité des actes où
elles n’auroient pas été gardées. Ecoutons sur cela ce
que nous dit notre célèbre Domat.
« I,es formalités ont été inventées pour rendre les
«' actes valables, c’est-à-dire, pour faire qu’ils aient leur
« effet, par la preuve qu’elles font de leur vérité. Que
« s’il est nécessaire qu’ils aient quelque forme qui en
« prouve la v é r ité , il y a autant ou plus de nécessité
c
�( 18 )
« qu’un acte sérieux et important soit accompagné des
cc preuves de la volon té, qui non - seulement excluent
« tout soupçon d’autre volonté que de la sienne, mais
« qui donnent à ses dispositions le caractère d’une vo« lonté bien concertée, et dont la fermeté et l’autorité
« doivent établir le repos des familles que ces disposi« tions peuvent regarder. »
Il est vrai que l’observation de Dom at, que l’on vient
de rapporter, est placée dans son ouvrage sous le titre
des formalités des testamens : mais le principe qu’il établit
est général ; il parle de toutes sortes d’actes, et ce n’est
que l’application du principe qu’il en fait aux testamens.
L a preuve en est dans ce qu’il dit que les form alités des
actes ri ont été inventées que pour les rendre valides,
c e s t - à - d i r e , pour f a ir e q u ils aient leur effet. D ’un
autre côté, lorsqu’il ajoute, à l’égard des testamens, qu’il
y a nécessité qu’un acte sérieux et important soit accom
pagné des preuves de la volonté, qu’il fait résulter de
l’observation des formalités, quel acte plus sérieux et
plus important que celui qui exclut un individu de la
société, et qui attribue à des tiers les droits qu’il a déjà
et qu’il pourroit avoir à l’avenir; qui enfin intervertit
l’ordre des successions dans les familles ? quel acte par
conséquent où il soit plus indispensable de garder les fo r
malités , q u i ri ont été inventées que pour rendre les actes
valides, cest-à -d ire, p o u rfa ir e q u ils aient leur effet.
Si donc l’acte de vêture et celui de profession sont in
valides , s’ils sont n uls, o u , cc qui est la même chose,
s’ils sont censés n’avoir jamais existé, comme nos lois
exigent impérieusement une profession écrite où l’on ait
�( I9 )
.
observé les formalités qu’elles prescrivent, on ne peut pas
argumenter d’une profession tacite par la résidence sous
l’habit monacal qu’eût pu faire Dancette dans le monas
tère , quelque longue qu’eût pu être cette résidence.
L ’ordonnance de M oulins, celle de 1687, et la décla
ration de 1736? n’admettent d’autre profession que celle
qui est faite dans un acte par écrit, revêtu de toutes les
formalités; en un m ot, c’est une maxime générale en
France qu’on n’y reconnoissoit point de profession tacite.
C’est ainsi que s’en expliquent tous nos canonistes : l u ...
G alliâ minime prorsùs admittitur nlla tacita prqfessio,
dit le père Cabassut; et après lui tous nos autres cano
nistes , et entr’autres d’Héricourt et Rousseau-Lacombe,
s’en expliquent de même ; et c’est ce qui a été cons
tamment jugé par les arrêts.
Ces arrêts l’ont ainsi jugé; bien que celui qui opposoit V,
la nullité ou qui réclamoit contre ses vœux eût demeuré
d ix , vin gt, trente ans et même plus dans le monastère
et sous l’habit religieux. D e là l’axiome du droit canon :
L ’habit ne fait pas le m oine, Habitas n o n fa c it rnonac/ium j ce que les canonistes expriment encore en d’autres
termes : L e capuchon ne fait pas le m oine, mais la pro
fession, Cuculla non fa cit m onachum , sed prqfessio.
On trouve les arrêts qui l’ont ainsi jugé dans presque tous
les arrêtistes : on peut citer en particulier celui du 28 mai
1603, rapporté par M . Bouquier, dans l’espèce duquel
il y avoit vingt-huit ans de résidence dans le cloître, sous
l’habit monacal ; mais surtout on doit remarquer l’arrêt
du Journal des audiences, du 16 juillet 16 5 7, rendu 011
faveur de Christine de Haro contre son frère. E lle avoit
C 2
�ÿ 'ÿ d k û n ÿ A /l J * A j L û t \ 4
—
£ lühh;6& f e A u U iu .i'jà ^ '
( 2Q )
résidé pendant trente ans dans le monastère de la'Saalle,
Û&<v3vT^( ‘AA^dépendant de l’ordre de Gluny, toujours sous l’habit de
religieuse; il y avoit de plus contr’elle cette,circonstance
a^
.
que dans plusieurs actes capitulaires où elle avoit assisté
^
y avoit pris la qualité de professe : son frère oiï’r oit
même la preuve du vœu et de la profession, et il avoit
$• Imjvj
obtenu monitoirp à cet effet. Cependant elle fut
admise au partage des successiojQS de ses père et mère.
iftfo*
L ’arrêt fut rendu en grande connoissan.ce de cause, après
(U-viu^ ¿f/lvJùuy?l’instruction qui suivit un appointement.
f
Parmi beaucoup d’autres arrêts semblables qu’on pour^ ' //
voit citer, et dont quelques-uns sont- même rappelés dans
}es Mémoires du clergé, il y en a surtout un bien remar)(,
~
quablc, en ce qu’il a été rendu pour cette province, et
*4usM'\
p OUr une profession qui avoit été faite dans le couvent
'
(u S Î c^cs c01' ^ ^ de cette ville. En voici l’espèce.
/ ' T
Pierre de Pannevert de la Rocliette avoit pris l’habit
.religieux dans le couvent des cordeliers de Riom. Son
acte de vêture étoit du 3 août 1690, et il avoit fait pro
fession le 6 août 16 9 1, après un an et quelques jours de
<noviciat. Quelques années après il avoit déserté le monas
tère ; il fut lieutenant au régiment d’Orléans; il fut ensuite
interprète dans les ordres du M ont-C arm el et de SaintLazare, écuyer du duc de la Force; et, dans tous les actes
qu’il avoit faits. il avoit toujours pris le nom de Pierre de
;Pannevert, écuyer ou chevalier,.seigneur de la R o c li e t t e .
; Il se maria en 1729 avec la demoiselle Mansion, et ne prit
d’autre qualité que celle d’écuyer, sieur de lu Hochette.
Il mourut sans enfans eu 1743 .
Un an après sa m ort, sa vCuve fit assigner au clmtelet
�"
C
)
le sieur de Panne vert, frère du'défiint’, pour voir ordonner
l’exécutioir d’ une donation [réciproque’ de tous les biens
du prédécédé en faveur du* survivant/ portée par leur
contrat de mariage.
' On lui opposa que le mariage n’avoit pu produire
aucun effet c iv il, parce que Pierre de Pannevert étoit
engagé par des vœ ux en religion dès l’année 1692.
11 y eut appel comme çl’abus du mariage, interjeté par
M . le procureur général ; et le frère du défunt adhéra
à cet appel.
- '
Sur cet appel la Veuve opposa ,k nullité des actes de
vêture et de profession de Pierre de Pannevert, son mari;
Elle dit que-Pacte de'ivêture n’avoit pas été signé par
Pierre de Pannevert; que l’acte de profession n’étoit signé
qu’imparfaitement Pierre de la Rocliette, sans exprimer
le nom de famille Pannevert; qu’il y avoit plusieurs fa=milles dans la province du nom de la Rochette, et qu’une
signature impnrfaite ne valoit pas plus:qu’un défaut absolu
de signature. Elle opposa que dans 'l’acte de vêture ni
dans l’acte de profession il n’y avoit aucune signature de
parens ni d’amis. Elle disoit que tant de vices rassem blés
dans ces actes formoient autant de moyens d’abus, pai’ce
que toutes contraventions aux lo is , commises par les
ecclésiastiques séculiei's ou réguliers dans les actes de leur
juridiction volontaire ou contentieuse, étoient des abus;
qu’il n’étoit pas nécessaire que la peine de nullité fût
prononcée p a r‘la loi pour caractériser l’abus, qu’il sufiisoit que ce qu’elles ont ordonné, de quelque manière que
ce soit, n’eût pas été suivi et exécuté de la part des ecclé
siastiques. On ajoutoit que les formalités prescrites par
�C 22 )
les ordonnances, pour la solennité des mariages, n’étoient
point ordonnées à peine de nullité, et que cependant les
mariages qui pèchent dans l’une ou dans plusieurs de ces
formalités étoient abusifs, et jugés tels journellement par
les arrêts.
Tels furent les moyens, sur lesquels fut rendu l’arrêt
du 16 mai 1746, par lequel il fut dit qu’il n’y avoit point
d’abus dans le m ariage, et qu’il y avoit abus dans la pro
fession de Pierre de Pannevert. On a recueilli cet arrêt,
l’espèce et les moyens sur lesquels il fut rendu, dans le
traité de la mort civile, de Riclier ; et il est encore rappelé
dans le Répertoire de jurisprudence.
Il y a sur cet arrêt une observation qui n’échappera pas
au tribunal, c’est quependant cinquante^-un ans qui s’étoient
écoulés depuis la profession de Pierre de Pannevert en
1692, jusqu’à sa mort en 1743, il n’y avoit jamais eu de
sa part aucune réclamation contre ses vœ ux; et par con
séquent ce ne fut que sur la nullité des actes de vêture et de
profession, que l’arret prononça qu’il y avoit abus, quoique
la nullité opposée ne fût pas prononcée par les lois, mais
parce qu’on jugea l ’invalibilité des vœux par l’inobservar
tion des formalités.
Il y a donc entre l’espèce présente et celle de l’arrêt de
1746, des rapports sensibles et même encore plus frappans.
Point de signature dans l’acte de vêture, point d’acte capitulaire qui ait autorisé ni l’entrée au noviciat, ni la profes
sion ; point de présence ni de signature de parens ou amis,
ni même d’aucun témoin, et la présence et la signatui'e des
témoins est une formalité indispensable pour donner aux
actes qui doivent être publics l’authenticité, et dont le défaut
�( 23 )
est même une nullité prononcée par les ordonnances. P oint
d’expression des qualités des père et mère. Il y a même une
autre nullité qu’on n’opposoit pas dans l’affaire de Pannevert , c’est celle qui résulte de ce que Pacte de profession
se trouve écrit en latin : il est vrai que celui-de Pannevert
étoit également en latin; mais la nécessité de l’écrire en.
français n’avoit pas été établie par l’ordonnance de 1667,
au lieu qu’elle fut prescrite par la déclaration de 1736 >
postérieure à la profession de Pannevert, mais antérieure
à celle de Dancette.
Les actes de vêture et de profession de Dancette abondent
donc de nullités par le défaut d’observation des formalités;
maison va présenter une autre nullité qui tient directement
à la substance dès vœux.
Seconde ^nullité.
L e droit canonique, comme le droit civil, déclare nuls
tous les actes qui sont l’effet de la crainte ou de la violence ;
mais surtout la profession en religion exigé la plus parfaite
liberté dans les personnes qui l’embrassent : de là la récla
mation autorisée par le concile de Trente et par l’ordon
nance de Blois, contre les vœux de religion forcés par la
crainte ou la violence.
Il est vrai cependant qu’en g én é ra l, et le concile et
l’ordonnance exigent que la réclamation soit faite dans les
cinq ans; mais, suivant tous les canonistes etla jurisprudence
constante des arrêts, et comme le disent les Mémoires du
clergé , tome 4 > pages 208 et 289, a les cinq ans donnés
« à ceux qui sont entrés par force .'dans les monastères ,
« pour réclamer contre leurs vœ u x, ne doivent point être
�( 24 )
« expliqués précisément de cinq ans après la profession ,
cc sans avoir égard aux circonstances et empêcliemens qui
« n’auront pas laissé la liberté de réclamer; mais on doit« les entendre'de cinq années utiles, qui sont comptées du
« jour que la violence a cessé, et que celui qui a été forcé
a à faire profession a pu agir pour se faire restituer. »
t D ’un autre côté, il n’est même pas nécessaire que l’action
en réclamation ait été ex'ercée dtms les cinq ans utiles après
que la violence a fcessé; il suffit qu’il y ait eu des protesta
tions de la part de celui qui veut réclamer : c’est encore le
principe enseigné par tous les auteurs. Il suffit de citer
d’H éricourt, titre de la réclamation contre les vœux ,
article XIII. « Quoique le religieux, dit cet auteur, qui
« veut réclamer contre scs vœ ux, soit obligé de proposer
« ses moyens au supérieur, et à l’ordinaire dans les cinq
cc ans de sa profession, il n’est pas nécessaire qu’il fasse des
« poursuites dans lo même temps pour être relevé, ses pro « testations conservant le droit qu’il a de demander à ren-i
« trer dans le siècle, p o u r v u qu’il n’ait pas laissé écouler
cc depuis un assez grand nombre d’années, pour qu’il soit
« censé avoir ratifié tacitembnt sa profession, »
Pour appliquer ces principes,'nous''-avons ¿ 'é ta b lir,
i° . que les vœux de Danceltc ont été'l’eiïet de la crainte et
de la violende; 2°. qu’il a pTotcstë dans un temps utile ,
pendant et après que la violence et la crainte ont cessé;
3 ° . qu’il a exercé son action en réclamation et n u l l i t é des
v œ u x , dans un temps prochain de Ses d e r n iè r e s protesta
tions. Trois articles 'qui doivent justifier pleinement la
«mtenec de l’oiïicialité, qui a déclaré nuls les actes de veture
cl de p ro fe s s io n , et qui l’a renvoyé au siècle.
A r t ic l e
�C 25 )
A
r t i c l e
p r e m i e r
.
En l’officialité, Dancette avoit mis en fait la violence et
la crainte qui avoient forcé son entrée dans le monastère
de Cluny : il en avoit offert la preuve par témoins-, mais
il en avoit de plus rapporté des preuves écrites, et ces
preuves écrites furent jugées suffisantes, sans être obligé
de recourir à la preuve par témoins ; et ce m otif joint
d’ailleurs aux nullités des actes de vêtureetd c profession,
déterminèrent la sentence de l’officialité à prononcer la
nullité et le renvoi au siècle. Ces mêmes preuves écrites
furent présentées au parlement sur l’appel comme d’abus;
et elles sont d’autant plus évidentes que les actes qui les
renferment procèdent du fait même des personnes qui sont
aujourd’hui nos seules parties dans la tierce-opposition à
l’arrêt du parlement de Paris.
11 faut ici se rappeler le procès jugé en la sénéchaussée
du Puy et au parlement de Toulouse , entre les parens
collatéraux de Dancette , paternels et maternels : procès
dans lequel les parens paternels firent déclarer nul le tes
tament d’André Dancette qui avoit donné tous ses biens
à Marie Hobin sa femme, et se iircut envoyer en posses
sion des biens d’A n d ré Dancette, père de Jean-Jacques
Dancette.
Quels étoient les parens paternels parties dans le procès?
C ’étoit André F au gier, Françoise Faugier sa sœ ur, et
Massadier son mari. Quelles sont aujourd’hui nos parties
adverses? C’est la même Françoise Faugier, et Massadier
son m a ri, qui agissent non - seulement ¿en leurs noms ,
mais encore comme ayant les droits d’Anne Faugier.
D
�( *6)
Dans le procès en la sénéchaussée du P u y , et au par
lement de Toulouse, Annet Faugier, sa sœur, et Massadier son mari, étoient entrés dans les plus grands détails
sur la conduite de Marie R obin, mère de Dancette, pour
faire passer à ses propres héritiers tous les biens de son
m a ri, au préjudice des héritiers de celui-ci ; et ils s’étoient expliqués on ne peut pas plus clairement sur les
violences exercées contre Jean-Jacques Dancette et sa
sœ ur, pour les forcer à pi’endre l’état religieu x, dans’
deux mémoires imprimés et signifiés au parlement de
Toulouse : mémoires qui ont été heureusement consei'vés.
Dans le premier de ces mémoii’es, signifié le 7 avril 1789,
api'ès avoir dit que du mariage d’André Dancette et de
Marie Robin étoient issus trois enfans, du nombre des
quels étoient Jean-Jacques et Marguerite Dancette, voici
comment ils s’expliquoient sur les moyens employés par
M arie R o b in , pour obliger ces deux derniers enfans à
prendre l’état religieux :
« Le sieur André Dancette étoit d’un caractère timide
« et foible, se laissant aisément conduii'e et subjuguer par
« ceux qui vouloient prendre de l’ascendant sur lu i; il fut
« marié avec la demoiselle Marie R o b in , femme d’un
« caractère difficile , acariâtre , .im périeux, exigeante,
« n’aimant rien qu’elle-même.
« Il provint de cette union trois enfans, Claude Dan« cette, avocat, qui décéda en 1767, Jean-Jacques et
« Marguerite D ancette, qui furent forcés d’embrasser
« l’état monastique, ne pouvant plus supporter l’humeur
« difficile, les tracasseries et les mauvais traitemcns de
« leu r m crc.
�( 27 )
« Après avoir forcé ses enfans à faire profession, l’un
« dans l’ordre de Cluny , l’autre dans le couvent des
« ursulines, il ne manquoit à la demoiselle R obin, pour
« être au comble de ses v œ u x , que de se revêtir des
« dépouilles de ses enfans, etc. »
Dans un autre mémoire im prim é, en réponse à celui-ci,
que firent signifier les héritiers de la demoiselle R obin,
qui soutenoient la validité du testament par lequel elle
avoit été instituée héritière d’A ndré Dancette son mari,
ils se récrièrent contre les imputations qu’on faisoit à la
mère contre ses enfans, et traitèrent de fable et de calom
nie le reproche qu’on lui faisoit d’avoir par ses mauvais
traitemens forcé deux de ses enfans à embrasser l’état
religieux.
Mais comment André Faugier, sa sœur, et Massadier
Son mari répondix-ent - ils à ces dénégations , dans un
second mémoix-e signifié le 3 juin 1789. Il faut encore
rappeler les termes de ce second mémoire.
« O u n’a pas calomnié la demoiselle R o b in , quand
« on a dit qu’elle avoit forcé ses enfans à faire profes« sion dans l’état monastique. Gomment les adversaires
« peuven t-ils soutenir le contraii*e ? eux qui ont été
« témoins, ainsi que tous les habitons de la ville de
çc Beauzat et des envii’ons, des repi-oches que le religieux
« Dancette a faits à la demoiselle R obin, d’avoir contrarié
« ses goûts et son inclination décidés pour le commerce.
« Les tentatives inutiles de ce religieux, sa conduite, sa
« .fu ite, ne pi’ouvent que trop l’aversion qu’il a toujours
« eue pour un état que sa mère lui fit embrasser malgré
P lui, ?»
D 3
�( 28 )
Qui est-ce donc qui a tenu ce langage? Ce sont ceuxlà même qui aujouixl’hui attaquent les jugemens qui ont
annullé des vœux formés par la crainte, par la violence
et par les mauvais traitemens, qui, de leur propre aveu,
avoient forcé l’entrée en religion de Jean - Jacques
Dancette.
V oilà donc la preuve par écrit, et la preuve la plus
irrécusable, puisqu’elle est sortie de là bouche des adver
saires de D ancette, et qu’ils l’ont rendue d’autant plus
éclatante dans des mémoires im prim és, que les vœux
de Dancette n’ont pas été libres, qu’ils n’ont été que
l’effet de la crainte et de la violence.
Après des aveux si formels dans des mémoires imprimés
et signifiés, et qui furent produits au parlement de Paris,
sur l’appel comme d’abus, comment le parlement auroit-il
pu ne pas dire qu’il n’y avoit pas d’abus dans la sentence
de l’officialité qui avoit déclaré nuls les vœux de Dancette,
e t l’avoit l’envoyé au siècle? et comment, encore aujour
d'hui, s’il pouvoit être question de prononcer de nouveau
sur l’appel comme d ’a b u s , nos adversaires pourroient-ils
sans impudeur i-ejeter la preuve qu’eux-mêmes nous ont
fournie dans leurs mémoires imprimés et signifiés, qui
tiennent une place intéressante dans les productions de
Dancette.
A
r t i c l e
II.
On a vu ci-devant qu’il est de principe que les cinq
ans accordés pour réclamer contre des vœux qui sont
l’elfet de la crainte et de la violence, ne commencent a
courir que du jour où la crainte ou la violence ont cessé.
�( 29 )
Mais la crainte et la violence n’ont jamais cessé. .D’abord
ces motifs ont toujours subsisté jusqu’à la mort du fils
aîné Dancette : c’étoit l’envie d’enrichir ce fils aine aux
dépens des autres enfans, qui avoit excité les mauvais
traitemens de la mère et du père , qui forcèrent leurs
enfans à prendre l’état religieux.
Après la mort de ce fils aîné, la m ère, qui voulut sc
rendre maîtresse des biens de son m ari, auroit eu de justes
sujets de ..craindre de ne pas réussir dans son p ro jet, si
elle n’eut pas entretenu son mari dans les sentimens de
haine qu’elle lui avoit inspii'és et fait partager avec elle,
contre ce fils malheureux qu’on avoit entraîné dans la
captivité d’un cloître, la réclamation n’eût fait encore
que confirmer et envenimer la haine. L e fils sortant du
cloître se seroit trouvé sans ressource, et sans asile dans la
maison paternelle : ainsi la mère eut toutes les facilités
que son ascendant et son empix-e sur son rnax’i pouvoient
lui donner pour se faix*e instituer Iiéritièi’c univei’selle
dans son testament ; et aussitôt après la mort de soxi mari
elle se mit en possession de sa succession.
Cependant, long-temps avaxxt la mort du pèx’e , dès
176 1, le fils avoit fait des protestations pax’devant notaires,
qu’il avoit renouvelées en 1769 et en 1771. M ais, son
père m ort, il espéra trouver grâce auprès de sa mère. 11
n’hésita pas dès ce moment à déserter le monastère et à
quitter l’habit monacal. Tous ses efforts, toutes ses solli
citations auprès desam ère furent inutiles, et il fut obligé
d’errer cà et là chez des pareils ou des amis compatissans
et sensibles à ses malheurs, toujours pourtant renouvelant
ses protestations en 1776, en 1781 et en 1786.
�( 3° )
Mais sa m ère, depuis la mort de son fils aîné, avoit
tourné toutes ses affections du côté de ses parens et de
deux de ses neveux, l’un desquels par son testament elle
lit son héritier universel, laissant à l’autre un legs consi
dérable par un codicile. Touchée sans doute de quelque
rem ords, elle ne fit le legs d’un domaine venu du patri
moine du père, à un de ses n eveu x, qu’à la charge d’en
laisser la jouissance à son fils; e t, ce qui est surtout à
remarquer, c’est que dans ce dernier acte la mère étoit si
pénétrée de la nullité des vœux de son fils, qu’elle ne le
qualifie pas de religieux, mais bien de prêtre sécularisé.
Elle eut encore la précaution qu’elle avoit déjà fait pren
dre dans le testament du p è re , de faire faire une insti
tution particulière en fa y eu r du fils, de faire elle-m êm e
une pareille institution dans la jouissance du domaine
dont la propriété fut donnée à son neveu par son codicile;
institution particulière, qui ne put être faite que dans
la prévoyance que le fils pourroit un jour faire déclarer
la nullité de ses vœ u x, et pour, dans ce cas, ne pas vicier
scs dernières dispositions par la prétérition.
A lo rs, qui est-ce qui ne comprendra pas que jusqu’à
la mort de la mère la volonté et la liberté du fils ont tou
jours été enchaînées, que les motifs de crainte et de vio
lence n’ont cessé de subsister tant que le fils a pu craindre
que sa m ère, par des voies extraordinaires qui n’échap
pent pas à la haine, le privât de toute ressource et de touÇ
secours pour réclamer les biens de son p è re , qu’elle s’étoit
fait donner par un testament, testament que le fils ne
çonnoissoit que par la voie publique, sans q u ’il en eût
jamais eu une connoissance particulière qui pût l’instruire
�( 31 )
des moyens par lesquels il pouvoit attaquer ce testament.
M ais, même encore après la mort de sa mère, il renou
vela ses protestations en 1785. Il fit plus encore; il se
mit en possession de tous les biens de son père , sans
éprouver aucune opposition de la part de ses parens ni
paternels ni maternels, et sans même qu’il se crût obligé
de réclamer contre ses vœ ux, qu’il de voit regarder comme
absolument nuls, non pas seulement parce qu’ils étoient
l’effet de la crainte et de la violence, mais parce que
tous les actes qui auroient pu les rendre valables étoient
frappés de nullité par l’inobservation des formalités né
cessaires pour les rendre valides.
Cependant ayant dans la suite été informé des contes
tations qui s’étoient élevées en la sénéchaussée du P u y ,
et au parlement de Toulouse, entre les Robin et les
Faugier, les premiers demandant la validité du testament
d’Audré Dancette, et les Faugier demandant la nullité
de ce testament, qui avoit été en effet ordonnée par la
sentence de la sénéchaussée du P u y , et par l’arrêt confirmatif du parlement de Toulouse, Jean-Jacques Dan
cette , pour se mettre à l’abri des contestations qu’à la
faveur de ces jugemens on pourroit lui élever pour le
dépouiller des successions de ses pèi’e et m ère, il prit
le parti de se pourvoir à l’officialité du diocèse de Màcon ,
pour faire prononcer la nullité de ses vœux.
Ainsi on croit avoir établi la seconde proposition ,
que Dancette avoit protesté dans un temps utile, puis
que ses protestations avoient non - seulement précédé ,
mais même suivi immédiatement le temps où la crainte
et la violence avoient pu cesser.
�C 32 )
A
r t
. III.
E n fin, il avoit exercé l’action en réclamation et en
nullité dans un temps prochain de scs dernières pro
testations.
On a vu ci-devant, dans les Mémoires du clergé, que
les cinq ans dans lesquels doit se faire la réclamation,
ne courent que du jour où la crainte ou la violence
ont cessé.
On a vu également dans d’H éricourt, qu’il n’est pas
nécessaire d’exercer l’action en réclamation dans les cinq
ans, pourvu que dans ce temps il ait été fait des pro
testations, et que ces protestations conservent l’action,
si depuis les protestations on n’a pas laissé passer un
assez grand nombre d’années, pour qu’on ne soit pas
censé avoir ratifié tacitement la profession.
D ’après ces principes, quand même la nullité des
vœux n’eût été fondée que sur la crainte ou la violence,
abstraction faite de l’invalidité des actes de vêture et de
profession par l’inobservation des form alités, l’action
de Dancette scroit venue à tem ps, puisqu’elle lui avoit
été conservée par ses actes de protestation , dont le
dernier n’étoit pas antérieur de cinq ans à l’action
en nullité. La dernière protestation étoit du i 5 avril
178 5, et l’action en nullité fut exercée au mois de
mars 1790. D ’ailleurs, cette dernière protestation avoit
été précédée de plusieurs autres, dans l’intervalle des
quelles il ne s’étoit jamais écoulé cinq ans. Enfin, n’étoit-ce pas une protestation continuelle de la part de
Daricelte,
�C 33 )
Dancette, d’avoir, d’abord après la mort de son père,
abandonné le monastère, et quitté l’habit monacal, et
de s’être, après la mort de sa m ère, mis en possession
des successions paternelle- et maternelle ?
On se persuade donc d’avoir établi invinciblement
les trois articles annoncés pour prouver la seconde
nullité. i°. On a établi que la profession en religion de
Dancette a été reflet de la crainte et de la violence ;
et toutes les lois civiles et canoniques déclarent nuls les
actes qui ne sont pas faits dans une parfaite liberté. z°. On
a prouvé que Dancette avoit protesté dans un temps
u tile, avant et après les cinq ans où la crainte et la
violence avoient cessé. 30. O n a encore prouvé que
l’action avoit été exercée dans les cinq ans de sa der
nière protestation, précédée de plusieurs autres qui
toutes avoient continué de conserver son action.
Mais on avoit encore aupai*avant établi une première
nullité par l’inobservation des formalités dans les actes
de vêture et de profession.
; T out concourt donc à justifier la disposition de la
sentence de l’ofïicialité qui avoit déclaré nuls les actes
de vêture et de profession de Dancette, et l’avoit renvoyé
au siècle. T out démontre qu’il n’y avoit pas d’abus dans
cette sentence , et que déjà n’eût-il pas été fait droit
au parlement sur l’appel comme d’abus, et pût-il être
q u e s tio n de le juger de nouveau, les appelans ne pourroient pas attendre du tribunal d’appel un jugement dif
férent de celui qui fut prononcé par l’arrêt du parle
ment. Mais alors quel avantage 11e peut-on pas se pro
mettre de la fin de non-recevoir contre la tierce-oppo^
silion ?
17
�C 34 )
Seconde proposition.
Quels sont les tiers-opposans ? C’est Françoise Faugier,
et M a s s a d ie r son mari. A quel titre se présentent-ils
pour former la tierce opposition ? C’est d’abord au nom
d’André Faugier dont ils disent avoir les droits. Mais
A ndré Faugier étoit partie dans la sentence de l’oilicialité et dans l’arrêt du parlement.
Sous ce premier rapport-, et comme cessionnaires
d’André F augier, Françoise Faugier et son mari sont,
constamment non-recevables dans la tierce-opposition.
L ’article II du titre X X X V de l’ordonnance de 1667 ne
permet la tierce-opposition contre les arrêts et jugemens
en dernier ressort, qu’à ceux qui n’y ont pas été parties :
or, A n d ré Faugier avoit été partie non-seulement dans
la sentence de l’oilicialité, mais encore dans l’arrêt du
parlement. Ainsi la tierce-opposition q u ’ il a u r o i t formée
l u i - m ê m e sevoit é v i d e m m e n t non-recevable ; et elle l’est
également contre Françoise Faugier et son m ari, q u i, à
cet égard, n’ont pas plus de droits que leur cédant.
Eussent-ils même obtenu la cession d’André Faugier
avant l’arrêt auquel ils forment la tierce-opposition , ils
y seroient également non-reccvables, étant de principe
que les successeurs et ayant-cause de ceux qui ont été
parties dans les jugemens en dernier ressort ne peuvent
pas plus qu’eux y former tierce-opposition. C ’est ce que
tous les auteurs et les praticiens nous e n s e i g n e n t , et ce
qui a élé jugé par une infinité d’arrêts : on en trouve
jusqu’à onze dans Deuizart et dans le Répertoire de juris-
�C 35 )
prudence,'qui ont été recueillis dans les arretistes. C’est
la faute de l’acquéreur ou du-cesSionnaire de celui contre
lequel a^été'rendu le jugement contradictoire en dernier
'ressort, de n’avoir pas fait^connoître sa vente ou sa cession,
et de 11’étre pas intervenu.
S’il en est ainsi lorsque'la vente ou la cession est anté
rieure au jugement, à plus'forte raison doit-il en être de
même lorsqu’elle est postérieure.
«
■ La fin de non-recevôir du chef d’André Faugier doit
même paraître d’autant plus accablante, que l’arrêt du
parlement fut rendu de son consentement : c’est ce que
l’on voit dans le contexte même de l’arrêt.
Ce n’étoit d’abord que les R obin, parens maternels de
Dancette', qui avoient interjeté l’appel comme d’abus de
la sentence de l’oiliciâlité ^mais sur cet appel ils avoient,
en vertu d’une commission , assigné André Faugier au
parlem ent, pour se joindre à eux dons'leur appel, et à-fin
d’arrêt commun. O r, nous voyons dans l’arrêt qu’Andro
Faugier avoit donné une*requête par laquelle il avoit
conclu à ce que les R obin fussent déclarés non-receVables dans leur demande en déclaration d’ arrêt com
mun par eu x form ée contre M *. ylridré F a u g ier, ou
en tout cas et subsidiairement seulement qu'ils en fu s
sent déboutés. On ne pouvoit pas un consentement plus
formel de la part d’André Faugier à la sentence de l’ofiicialité , et un aveu plus précis qu’il n’y avoit pas
d’abus danscette sentence : aussi l’arrêt qui intervint et
qui jugea qu’il n’y avoit pas d’abus, ne condamna pas
seulement les Robin aux dépens envers Dancette, il les
y condamna également envers A ndré Faugier.
°
e
2
�C 36 )
Il seroit donc impossible de
refuse^ à l’évidencc des
fins de non-recevoir,;contre la, tiercer opposition que
Françoise Faugier et Massadier son mari ont formée du
chef d’A ndré Faugier, et comme cessionnaires de ses
droits.
Mais cette tierce-opposition a encore été formée du
chef de Françoise F augier, en son nom propre et per
sonnel , sous le prétexte qu’étant elle-m êm e héritière
d’A ndré Dancette par la profession en religion de son fils,
elle auroit dû être appelée soit en l’oflicialité , soit au
parlement sur l’appel conjme d’abus de la sentence de
l’oiFicialité.
• .
Il y a tx-ois réponses à cette objection.
i°. Il n’est pas exact de dix’e qu’il faille que celui qui
demande la nullité, ou qui réclame contre ses vœ ux, soit
obligé d’assigner sur sa demande ceux de ses parens qui
sont directement intéi’essés à ce que sa profession subsiste.
Il n’y a absolument aucune lo i, ni canonique, ni civile,
qui exige cette nécessité. On pi’oposoit néanmoins la même
objection lors d’un arrêt du mois d’avril i 665 , rapporté
par M . de Catelan ; et voici ce qu’on y répondoit : « Une
« religieuse, par sa profession et scs vœ ux, n’est engagée
« qu’à D ie u , dont les intérêts et les droits résident dans
« la communauté qui l’a reçue, et à laquelle on laisse le
« soin de les ménager et de les défendre. Ainsi on n’a
« point dû y appeler son frère, qui n’y a qu’un intérêt
« bien moins considérable en comparaison, cl à rognr« der la vraie importance des choses; un intérêt d’ailleurs
« accessoire, et qu’on nomme un intérêt per cotise« <jucni ¿as; tout comme, selon nos arrêts, les seigneurs
�( 37 )
« ne sont point appelés à l’entérinement des lettres de
« grâce, quoique intéressés aux condamnations*, et tout
**«~commeT.es' sü]Tsfîriîes^iTé*'sonf^Toîiit appelés ^dans^ des
« procès ou il s’agît de Îa validité ôîTmvâîidité des nïa« riages, et dont l’événement peut servir d’obstacle ou
« d’ouverture à la substitution. Aussi la chose fut-elle
c< décidée de même dans le cas pareil d’un frère non
« appelé à la fulmination du rescrit obtenu par la sœur
cc qui réclamoit contre ses vœ ux, par l’arrêt du 30 mars
« i 65 i , qui déclara n’y avoir point d’abus dans la sen
te tence de l’ofïicialité de M ontauban, qui avoit fulminé
« le rescrit sans appeler le frère. »
Ce que l’on vient de rappeler de Catelan est répété par
les auteurs du Répertoire de jurisprudence, au mot P r o
fe s sio n , où ils disent que n’y ayant aucune loi canonique
ni civile qui exige la nécessité d’appeler les parens, il est
ù croire.que l’inobservation de cette formalité ne scroit
pas regardée comme abusive.
2°. Si on étoit obligé d’appeler les parens, au moins
ne seroit-ce que ceux qui seroient alors directement inté
ressés à ce que la profession subsistât. Mais Françoise
Faugier , h l’époque de la demande en nullité et de la
réclamation de Dancette, n’avoit pas droit à la succession
du père de Dancette. A la vérité elle étoit sa nièce; mais
elle ne pouvoit venir à la succession que par représenta
tion d’Anne Dancette, sa m ère, sœur d’A ndré Dancettç,
et laquelle elle-même 11’étoit morte qu’après son frère.
Ainsi c’eût été la mère de Françoise Faugier qui auroit
succédé à André Dancette, si les vœ ux du fils n’eussent
})as été nuls.
�( 38 )
Mais Françoise Faugier, par son contrat de mariage
avec Massadier du 28 avril 17 18 , avoit renoncé à la
succession de son père et à celle de sa m ère, m oyennant
une dot qui lui fut constituée tant pour biens paternels
que maternels, et dans laquelle il fut distingué ce qui
lui étoit donné pour cliaque-espèce de'biens. 'Par con
séquent1sa mère auroit eu recueilli la succession d’André
Dancette son frère, si les vœux du fils eussent été vala
bles ; et cotte succession auroit fait partie de celle d’Anne
Dancette, mère de François Faugier, à. laquelle elle avoit
renoncé. Donc a lo rs, et au temps où Jean-Jacques
Dancette avoit demandé la nullité et réclamé contre ses
vœ ux, Françoise Faugier n’avoit aucun intérêt à ce que
la profession de Dancette subsistât. IL n’eût donc pas été
nécessaire, pour former la demande en nullité et en récla
mation , d’y appeler Françoise Faugier.
3°. On croit avoir prouvé que quand les choses seroient
entières, et qu’il s’agiroit de prononcer de nouveau sur
l’appel comme d’abus, étant d’ailleurs démontré qu’il
n’y a point d’abus, la nullité des actes de vêture et de
profession se trouvant évidente par l’inobservation des
formalités prescrites par les lois, et d’ailleurs n’ayant été
que l’eiTet de la crainte et de la violence, la tierce-oppor
sition seroit sans objet, puisqu’il faudroit toujours déclarer
la nullité des vœux. A quoi donc pourroit servir la tierceopposition ?
]] doit donc paroître démontré que Françoise Faugier
et Mnssadier son mari sont non-recevables dans leur tierceopposition du chef de Françoise Faugier, soit parce qu’en
général aucune loi civile ni canonique n’exige d’assigner
�( 39 )
les parens sur les demandes en nullité des vœux, soit parce
que si cela étoit nécessaire, ce ne pourroit être que pour
les parens qui au moment de la demande en nullité
auroient un intérêt présent à ce que les vœux subsistassent,
et qu’à cette époque Françoise Faugier ne pou voit pas
avoir cet intérêt, parce qu’elle avoit renoncé à la.succession
de sa m ère, et par conséquent ne pou voit pas la repré
senter dans celle d’André Dancette; soit parce qu’enfin
ou ne pourroit jamais empêcher que les vœux de Dan
cette ne fussent déclarés nuls.
Mais Françoise Faugier n’avoit renoncé qu’à la succes
sion de sa m ère, et non aux successions collatérales de
l’estoc ni paternel ni maternel. Sa renonciation aux suc
cessions directes avoit profité à Claude et André Faugier
ses frères : or, Claude ayant laissé un fils qui est ensuite
décédé sans postérité, Françoise Faugier la tante a dû lui
succéder conjointement avec André Faugier son autre
frère ; c’est une succession collatérale dans laquelle elle a
dû trouver la moitié de la portion que Claude Faugier
et son fils après lui auroient eue dans la succession d’André
Dancette; et si le fils de Claude Faugier avoit dû être
appelé dans la demande en nullité et réclamation contre
les vœux, la tierce-opposition du chef du fils de Claude
Faugier, que Françoise Faugier représente, devroit être
accueillie.
D ’abord cette objection se réfuteroit par ce qu’on a
déjà v u , qu’il n’y a aucune lo i, ni canonique, ni civile,
qui exige d’appeler les parens dans les demandes en n u l l i t é
ou en réclamation contre les vœux; mais d’ailleurs le [ils
de Claude Faugier s’est trouvé partie dans l’arrêt du par
�( 40 )
lement clc Paris, dans la personne d’André Faugier, son
oncle et son tuteur.
Il est vrai qu’on a répondu à cela qu’André Faugier,
lors de l’arrêt, ne pouvoit pas figurer pour son neveu,
jvirce que la tutelle avoit cessé au moment de la puberté
que le mineur avoit acquise à cette époque, ayant accom
pli sa quatorzième année au mois de mars 1790, c’est-àdire, quelques mois avant l’arrêt du mois d’octobre de
la même année.
Mais comment Jean-Jacques Dancette, qui avoit été
* si long-tem ps éloigné de sa fam ille, a u ro it-il pu être
informé de l’âge du fils de Claude Faugier, tandis surtout
q'u’André Faugier procédoit lui - môme en qualité de
tuteur ? et s’il n’avoit plus cette qualité, ne devoit-il pas
cesser de la prendre, et en instruire Dancette ? Si luimême aujourd’hui proposoit cette objection, pourroit-il
y être recevable, lui qui auroit induit Dancette en erreur?
est-elle donc plus proposable dans la bouche de Françoise
Faugier et de Massadier son m ari, qui se présentent
comme cessionnaires d’André Faugier ? ne pourroit-on
pas même ajouter qu’André Faugier n’avoit cessé dêtre
tuteur jusqu’au moment de l’acte par lequel son neveu
lui signifia qu’il avoit atteint sa puberté, et qu?il s’étoit
choisi un curateur?
11 faut enfin toujours en revenir à cette vérité, qu’aucune
loi canonique ou civile n’exige la nécessité d’appeler les
parons; et il ne faut pns non plus perdre de vue que la
lierce-opposilion seroit sans objet, puisqu’il faudroit tou
jours p r o n o n c e r la nullité des vœ ux, soit a cause q u ils
nV’ Loient que l’oit et de la violence , soit parce que les
actes
�C41 )
actes de vêture et de profession n’avoient pas été revetus
des formalités prescrites par les ordonnances, soit enfin
parce que les protestations avoient conservé l’action en
réclamation qui fut exercée dans les cinq ans de la ces
sation de la crainte et de la violence.
Une autre fin de non-recevoir se tire de l’approbation,
de la sentence et de l’arrêt, par l’exécution qu’en ont
soufferte tant André Faugier que Françoise Faugier et son
mari.
Déjà avant la sentence et l’arrêt, et dès l’instant de la
mort de sa m ère, Dancette s’étoit mis en possession tant
des biens de sa mère que de ceux de son père; et après
la sentence et l’arrêt il s’étoit conservé dans cette posses
sion sans obstacle de la part de ses parens, et notamment
de Françoise Faugier. Si D ancette, par la rigueur des
..décrets rendus contre les prêtres insermentés, dans les
temps désastreux de notre révolution , est mis sur une
liste d’émigrés et obligé de fuir et de se eaclier, qui est-ce
qui met la main sur les^iens de son père qu’il possédoit?
ce ne sont .pas ses parens, ce n’est point A n dré ni Fran
çoise Faugier; c’est la régie nationale qui s’empare de ces
biens, comme appartenans à un prêtre déporté ou émigré;
c’est la régie qui les met en séquesti'e et qui les afferme :
et dès l’instant que le malheureux Panpctle peut reparoître, c’est lui seul qui demande la main-levée du sé
questre, c’est à lui seul qu’elle est accordée; et ses parens
continuent et ne cessent de le laissçj* jouir.
Françoise Faugier et.sp.n mari ont prétqndu, dans leur
m ém oire, que tant que le.■¡fils de Claude Faugier avoit
yécu ç’étoit lui qui afï'ermoit les biens; mais c'est de leur
�'T 4 0
part une fausse assertion , et qui est démontrée par les
baux de ferme consentis par Dancette lui-même avant la
^ o r t du fils de Claude Fhugier. Un de ces baux, du do
m a i n e 'de la D ôrlière, est)du 4 nivôse an 4 ; un autre,
du domaine de Confolent [ est du 5 fructidor de la môme
année : et la mort du fils de Claude Faugier est posté
rieure à ces baux; elle n’est ax-rivée que le 5 complémen
taire an 5.
Quel est le moment où Françoise Faugier et son mari
imaginèrent de troubler Dancette dans une possession où
ils l’avoient laissé si paisiblement pendant p lu s i e u r s an
nées? c’èst seulement lorsqu’il a fait q u e lq u e s dispositions
“de ces mêmes biens qu’ils espéroient de x’ecueillir un jour
‘ dans sa1Succession : ce n’est donc qu’ambition et cupidité
de leur part. Toutes ces cii’constances se réunissent pour
rendre de plus en plus favorables les fins de non-recevoir
d’ailleurs bien fondées conti’e la tierce-opposition.
.Api’èstcelâ il est inutile d’observer que si Françoise
Faugier et son mari pouvoient réussir dans leur tierccopposition du chef du fils de Claude Faugier, la sentence
de l’officialité et l’arrêt du pai’lement de Paris ne devoient
' pas moins avoir tout leur effet du chef d’A n dré Faugier,
constamment partie en son nom dans la sentence et dans
l’arrêt, suivant ce que dit Jousse sur l’article X du titre
X X V Ï 1 de l’ordonnance de 16 6 7, d’après la disposition
de l’article L I de l’ordonnance de Moulins , qui porte
en effet que « Si à un jugement portant condamnation
« de délaisser un héi’itage, il survient des oppositions
« formées par des tierces personnes, néanmoins celui qui
« a obtenu le jugement sera mis en possession en laquelle
�(
4 3 ')
« étoit le condamné, sans p r é j u d i c e aux droits desdits
« opposans. »
' . .• ,
O n pourroit ici rappeler avec avantage la savante dis
sertation du jurisconsulte M erlin , aujourd’hui commis
saire du gouvernement près le tribunal de cassation , qui
se trouve dans le Répertoire de jurisprudence à la suite
des questions qui y sont traitées sur les mots V œ ux
solennels, et où l’auteur, par les plus profondes recher
ches puisées.dans les saintes écritures et dans les pères de
l’église, établit toute la faveur que méritent les demandes
en réclamation et en nullité contre les vœux. Il suiïit de
renvoyer à cette dissertation, dont on se bornera à saisir
quelques traits. « A in si, dit-il, l’intérêt des familles (dans
« cette matière ) ne doit être d’aucune considération; il
« n’entre pour rien dans la profession religieuse : ce n’est
« ni pour elles ni avec elles que l’on contracte; elles n’ont
« donc rien à. voir dans le contrat, et ne peuvent em« pêcher sa résiliation. Un religieux qui rentre dans le
« siècle est, par rapport à ses parens, ce qu’est un absent
« dont on partage la succession, dans la fausse persuasion
« qu’il est m ort, et qui reparoît ensuite. . . . P u i s q u e les
« vœux monastiques sont devenus une affaire capitale,
« c’est bien la moindre chose que les conditions requises
« pour leur validité s’observent en rigueur, etc. etc. »
V oilà sans doute qui justifie ce qu’àvoit dit D om at, que
les formalités n’ont été inventées que pour rendre les
actes valides, et pour faire qu’ils aient leur efïet; d’où
suit nécessairement la conséquence que l’inobservation
des formalités doit rendre les actes non valides et sans
effet. '
•<
�( 44 )
Il n’y a plus qu’un mot à dire sur la tierce-opposition
qu’à son tour Dancette a formée à l’arrêt du parlement
de T o u l o u s e . Il n’a pas entendu former cette opposition
sur ce que cet arrêt a annullé le testament d’André Dan
cette , son p è re , mais bien sur ce que les Faugier ont
été envoyés en possession des biens de sa succession.
Et même, à cet égard, la tierce-opposition n’eût pas
été absolument nécessaire, parce que n’étant pas partie
dans cet arrêt, il lui devient tout à fait étranger, et qu’il
n’a pu lui porter aucun préjudice ; ce principe est incon-.
testable: res intcr alios judicata, aliis neque prejudic iu m , neque emolumentum qfferre potest, L . 2 God. quib.
jud. Ce n’est donc que par exhaberance de droits, qu’il
a été formé tiërce-opposition à cet arrêt ; et la tierceopposition est recevable, dès que l’arrêt qui n’a pas été
rendu avec l u i , tendroit à le dépouiller d’un bien qui
lui appartient, et sur lequel ceux qui ont été condamnés,
pas plus que ceux à qui il a été adjugé, n’avoient aucun
droit.
O n ne peut mieux terminer ce mémoire qu’en rap
pelant encore une,fois les fiveuXjdep parties adverses, que
l ’entrée en rpligîop (Je Dancptte nîaypit ¡été que l’efl’et de
la force et de la violence^,aveux .consignés dans les deux
mémoires iftiprimés,qu’ils avaient signifiés au parlement
de Toulou-se.
P a g e & du prem ier mémoire. L e sieur D a n c e tte
çjtoit d un caractère tim id e et foible , se laissant
�( 45 )
aisément conduire et subjuguer par ceux qui vouloient prendre de l’ascendant sur lui; il fut marié
avec la demoiselle R o b in , femme d’un caractère
très - difficile , acariâtre , impérieuse, exigeante,
n’aimant rien qu’elle-même.
Il provint de cette union trois enfans, Claude
D a n c e tte , avocat , qui décéda en 1 7 6 7 , JeanJacques et Marguerite D ancette qui furent forcés
d’embrasser l’état monastique , ne pouvant plus
supporter l’humeur difficile, les tracasseries et les
mauvais traitemens de leur mère.
Après avoir forcé ses enfans à faire profession,
l’un dans l’ordre de C lu n y , l’autre au monastère
des ursulines de M o n istro l, il ne manqua à là
demoiselle Robin , pour être au comble de ses
vœux , que de se revêtir des dépouilles de ses
enfans ; il ne lui fut pas difficile d’obtenir du
caractère foible de son époux une disposition en
sa faveur, telle qu’il lui plut de l’exiger, etc.
Page 7 du second mémoire. On n ’a pas calomnié
la demoiselle R obin , quand on a dit q u elle avoit
forcé ses enfans à faire profession dans l’état mo
nastique. Com m ent les adversaires peuvent - ils
soutenir le contraire , eux qui ont été témoins ,
ainsi que tous les habitans de la ville de Beauzat
�(46 )
et des environs, des plaintes amères, des reproches
que le religieux D an cette a faits à la demoiselle
R o b in , d’avoir violenté ses goûts et son inclina
tion décidée pour le commerce. L e s tentatives
inutiles de ce religieux, sa conduite, sa fuite et
sa position actuelle, ne prouvent que trop l’aver
sion qu’il a toujours eue pour un état que sa mère
lui fit embrasser malgré lui,
Comment, après de tels aveu x, a -t-o n assez peu de
pudeur pour vouloir dépouiller un malheureux fils du
patrimoine de ses pères, à la faveur d’un titre que l’on
reconnoît soi-même n’avoir été produit que par la force
ou la violence ? Les parties adverses reprochoient à la
m ère de Dancette de s'être revêtue, par ces mauvaises
voies, des dépouilles de ses enfa n s ; et eux-mêmes, que
tentent-ils dans ce moment ?
L e citoyen M A R C H E I X , ju g e - rapporteu r
L e citoyen A N D R A U D , avocat,
L e citoyen V A Z E I L L E , avoué.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dancette, Jean-Jacques. 1803]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marcheix
Andraud
Vazeille
Subject
The topic of the resource
successions
actes de vêture
droit canonique
droit civil
mort civile
Description
An account of the resource
Mémoire sur la nullité et la réclamation contre les vœux en religion. Mémoire pour Jean-Jacques Dancette, prêtre, habitant de la commune de Beauzat, département de la Haute-Loire, défendeur en tierce-opposition, et aussi demandeur en tierce-opposition ; contre Françoise Faugier et Jacques Massadier son mari, de lui autorisée, demandeurs et défendeurs.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1803
1761-1803
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
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Format
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46 p.
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An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0726
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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fre
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Beauzac (43025)
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Domaine public
actes de vêture
droit canonique
droit civil
mort civile
Successions
-
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3cc913939898e535470c89cc939b24f3
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Text
M
E M
O
I R E .
�* 'A
G É N É A L O GIE
DES
PARTIES.
Claude D ancette Ier-
A nne,
A n d ré ,
à
à
Claude Faugier.
M arie Robin. *
[
t
i
2
3
2
3
C la u d e ,
C la u d e ,
Jean-Jacques,
M arguerite,
F ran ço ise,
A n d ré ,
décédé sans
religieu x
religieuse,
à
prêtre.
postérité.
bénédictin,
Jacques
M arguerite
novice le so
M assardier,
F avier.
mars 17^ 1,
profès le 23
demandeurs
et défendeurs.
à
mars 176 3,
a réclam é
A n dré-M arie,
mort le 5
e n 179 0 .
complémentaire
an 5 .
N .... Robin.
N .... Robin.
* M arie R obin.
i
a
Barthélém y.
J. Barthélém y.
Jean Barthélém y.
�MEMOIRE
■
POUR
M ASSARD IER
FAUGIER sa fe m m e , tant
Jacques
com m e étant aux droits d'A
et
F R A N ÇOISE
en leur nom que
ndré
FAUGIER
leur frère et b e a u - f r è r e , et com m e héritiers
d’ANDRÉ - M a r i e
FAUGIER
leur n eveu ,
D ’A P P E L
défendeurs et demandeurs en tierce opposition;
CONTRE
,
D 'A N C E T T E prêtre, ex-reli
gieux bénédictin , habitant de la commune de
Bauzat, département de la Haute-Loire, de
mandeur et défendeur en tierce opposition ;
Jean -Jacques
E t encore c o n t r e J e a n - B a r t h é l é m y
R O B I N y cultivateur, habitant du lieu deMontillon, défendeur et demandeur.
L
es
TRIBUNAL
questions soumises au tribunal d’appel sont de la
plus haute importance. Il s’agit de statuer sur le mérite de
trois tierces oppositions : l’une formée par Barthélémy
R ob in, à un arrêt du parlement de Toulouse, du 13 août
A 2
séan tario m
.
�( 4 )
1789 ; la seconde formée par Jean-Jacques Dancette , reli
gieux bénédictin„ au même arrêt; et la troisième formée
p a r Jacques Massardier et Françoise Faugier, sa femme , à
un arrêt du parlement de Paris, du 6 octobre 1790, conJîrrnatif d’une sentence de l’ofiicialité de M a ço n , du 26
juillet de la même année, qui renvoie au siècle et à l’état
de prêtre séculier Jean-Jacques Dancette, religieux béné
dictin , après trente-huit ans de profession sans aucune
réclamation de sa part.
Cette dernière tierce opposition est devenue la question
principale ; elle demande surtout un examen particulier
et approfondi. S’il est en effet établi que Jean-Jacques
Dancette n’a pu être renvoyé au siècle, qu’il étoit non recevable c\ réclamer contre ses vœ u x , il est sans qualité dans
sa tierce opposition à l’arrêt de Toulouse ; la prétention de
Barthélémy Robin n’est plus qu’une chimère ; Massardier
et son épouse restent propriétaires incommutables de tous
les biens qui donnent lieu au procès.
Il est surtout intéressant de rendre un compte exact des
faits de la cause, de la généalogie des parties, et des règlemens qui ont eu lieu dans Ja famille.
Claude Dancette, premier du n o m , a laissé deux enfans :
A n d ré et Anne.
A n dré épousa Marie R o b in , et de ce mariage sont pro
venus trois enfans : C laude, décédé sans postérité avant ses
père et m è re ; J e a n -J a cq u e s, religieux bénédictin de
l’ordre de C lu n y , novice le 20 mars 176 2 , à l’agc requis
par les lois, profès le 23 mars 1753;
Marguerite Dancette, religieuse, et dont il n’est pas
question au procès.
�( 5 )
Anne D ancette, sœur d’A n d r é , a épousé Claude Faug*er, et a eu trois enfans: A n d ré , prêtre ; Françoise ,
mariée à Jacques Massardier ; et Claude, marié à Margue
rite F avier, d’où est provenu A n dré-M arie Faugier, mort
sans postérité le 5 complémentaire an 5.
A n d r é , prêtre, a cédé ses droits à Françoise sa sœur,
et à Jacques Massardier son mari.
A n dré Dancette avoit institué Claude, son fils, héritier
universel; mais le prédécès de son fils ayant rendu l’insti
tution caduque, ses autres enfans, qui avoient embrassé
l’état religieux, étoient morts civilement.
Il fit alors son testament le 29 décembre 1768. Il lègue
-à Jean-Jacques, son fils, religieux profès de l’étroite
observance de C lu n y , la somme annuelle de 260 francs,
pour être par lui employée en bonnes œuvres; plus, une
pension annuelle de i 5 o francs, pour servir à ses besoins.
Il lègue encore à Marguerite Dorotliée sa fille, religieuse
ursulinc, une pension annuelle et viagèr&de 300 francs; et
enfin il institue Marie R o b in , son épouse, son héritière
générale et universelle de tous ses biens, à la charge par
elle d’acquitter les legs et ses frais funéraires.
Ce tcstament.est fait au lieu de la D ourlière, paroisse
de Bauzat, dans le château du testateur. Dans le nombre
des témoins nécessaires pour la validité des testamens en
1
t
pays de droit écrit, deux seuls sont signataires; les quatre
Quires déclarent ne savoir signer.
Marie R ob in, héritière testamentaire, fit à son tour
1111 testament, le 21 mars 1780; et, parmi les legs par
ticuliers que contient ce testament, elle lègue, à titre
^ institution particulière, à Jcan-Jacques D a n c e t t e so n fils,
�c 6 }.
religieux nouvellement sécularisé, est-il dit, pour cause
d’infir mités, les fruits et revenus de ses entiers biens,
pendant sa v ie , à la charge des réparations locatives, et
de payer h sa sœur religieuse la pension de 300 francs
qui lui avoit été faite. Elle institue ensuite pour son
héritier général et universel Barthélémy R obin l’aîné ,
son neveu, père de Jean Barthélémy Robin qui figure
aujourd’hui.
Aussitôt après le décès de Marie Robin , les enfans
d’A n n e ' D an cette, femme Faugier et sœur d’A n dré
D an cette, formèrent la demande en nullité du testament
d’A n d ré Dancette, du 29 décembre 1768, et conclurent
au désistement de l’universalité des biens délaissés par
feu A n dré Dancette leur oncle.
Cette demande en nullité étoit fondée sur ce qu’il n’y
avoit que deux témoins signataires dans le testament,
quoiqu’il eût été fait dans une ville fermée; attendu que
le lieu de la D ourliè re , domicile du testateur, étoit
situé dans le faubourg de la ville de Bauzat. Dès lors ,
d ’après l’article X L V de l’ordonnance de 1 7 3 5 , ce tes
tament se trouvoit irrégulier et nul.
Cette demande, portée en la sénéchaussée du P n y ,
donna lieu à un procès considérable. Il fut rendu un
premier jugement interlocutoire, le 31 mai 178 3, qui
ordonna une expertise à l’effet de vérifier la ville de
Bauzat et lieux circonvoisins qui y étoient attcnans. Les
experts devoient examiner si le lieu de Bauzat etoit en
touré de murs ; quel étoit le nombre de feux qu il y
•avait dans ce lieu , ou dans les environs en dépendant :
ils étoient également chargés de mesurer la distance du
�(
7
)
lieu ou château de la Dourlière au lieu de Bauzat; vérifier
s’il y avoit des maisons intermédiaires, et quel en éloît
le nombre : ils devoient également lever et remettre un
plan figuré des lieux et distances.
Les parties nommèrent leurs experts en exécution de
ce jugement ; mais Barthélémy Robin voulut encore
ajouter à l’expertise une précaution essentielle : il demanda
et obtint la descente du juge-mage du P u y sur les lieux,
pour faire procéder les experts en sa présence5 ce qui
fut exécuté.
Barthélémy Robin alla plus loin : il obtint un co m pulsoire pour se faire remettre, soit des notaires, soit
des contrôleurs , les testamens qui pouvoient avoir été
reçus dans la commune de Bauzat et lieux circonvoisins.
M ais, malgré tous ses soins, il fut rendu une sentence,
le 30 août 178 7, q u i, sans s’arrêter aux demandes ni aux
certificats de Barthélémy R o b in , ayant égard au procès
verbal de descente du juge-mage , ainsi qu’au rapport
des experts, et au plan figuré des lieu x, casse et annulle
le testament de défunt A ndré Dancette , du 29 décembre
176 8 , pour cause de contravention à l'ordonnance de
I 73 5 ; prononce, en faveur des enfans d’Anne Dancette,
la restitution du mobilier et le désistement des immeubles
composant la succession d’A n dré Dancette.
Barthélémy Robin interjeta appel de cette sentence au
parlement de Toulouse , 011 il intervint le 1 3 .août 1789
un arrêt sur productions respectives, qui mit l’appellation
néant, et ordonna que la sentence du sénéchal du P u y
seroit exécutée suivant sa forme et teneur.
£*’cst ici le cas d’observer que Jean-Bar thélemy R ob in,
�( 8 )
fils de l’héritier testamentaire, avoit épousé Marie-Ursule
F é ra rd , le 2 juin 1787 , postérieurement à la demande en
nullité du testament. Par son contrat de mariage, Barthé
lémy Robin son père lui avoit fait donation de tous ses
Liens présens et ¿1 venir , à la charge par lui de payer
toutes ses dettes obligées ou non obligées, et sans qu’il pût
se dispenser du payement, en répudiant les biens ù venir.
L e père se réserve le droit de fixer la légitime de ses
autres çnfans en argent, l’époque des payemens, le droit
de vendre ses immeubles jusqu’à concurrence du montant
de ces légitimes.
Il se réserve encore la faculté de pouvoir disposer, à son
plaisir et volonté, de tous les biens, effets, q u 'il avoit dans
la pa?'oisse de B a u z a t et R etournât. ( Ce sont les biens
Dancette.)
E n cas d’éviction de ces mêmes b ie n s, il se réserve la
disposition de la somme de 7,000 fr. sur les biens donnés;
enfin il stipule que , dans le cas où il viendroit à d écéd er,
avant que le procès qu’il a à raison de la succession de la
dame Dancette s a l a n t e , ne fut term iné, il veut que son
fils donataire soit tenu de fournir aux frais et avances do
ce procès, jusqu’à l’arrêt définitif, sans espoir de répétition ,
si ce n’est la quote part qu’en devront supporter les légitimaires, comme étant une dette de la succession, en cas
de mauvais événement,
O n voit que cette donation n’est autre chose qu’une
institution, et ne doit prendre effet qu’à la mort du dis
posant. Gela est d’autant plus évident, que le fils donataire
ne peut pas répudier les biens à v en ir, pour se dispenser
ch* payement des dettes j et enfin, les biens de Bauzat et
Retournât
�(
9
)
Retournât, qui sont précisément les objets litigieux, sont
réservés par le p è r e , de sorte que Jean-Barthélemy Robin
n étoit aucunement saisi de cet objet.
C ’est cependant en vertu de cette donation, que JeanBarthélemy Robin a prétendu qu’il devoit être appelé en
cause, lors de la demande en nullité du testament d’A ndré
Dancette ? et c’est sur cette prétendue omission que JeanBarthélemy Robin a fondé sa tierce opposition à l’arrêtdu parlement de Toulouse, du 13 août 1789. Cette obser
vation aura son application dans la suite.
Les héritiers d’Anne Dancette obtinrent exécutoire du
coût de l’arrêt et de la sentence; ils le firent signifier, tant
à Barthélémy R obin qu’à Jean-Barthélemy Robin , de
mandeurs, avec commandement de payer le montant de
1exécutoire; et Jean-Barthélemy R o b in , demandeur en
opposition, paya le tout, lors du commandement qui en
contient quittance.
Massardier et sa femme demandèrent permission de faire
dresser procès verbal de l’état des batimens, fonds et héri
tages qui dépendoient de la succession d’A ndré Dancette;
il fut nommé des experts, à la vérité d’office pour Robin;
ces experts ont fait leur opération/elle fut terminée le 16
janvier 1790.
C ’est alors que Barthélémy Robin p è re, le 29 janvier
*790, imûgina de former opposition à l’ordonnance por' ^ n t nomination de Sabot, notaire, pour dresser procès
verbal, et des experts pour opérer. D e son côté, JeanBarthélemy Robin fils forma tierce opposition à l’arrêt
parlement de Toulouse. Cette tierce opposition ne
^ut d’abord formée que par un simple acte, en date du
B
•
�( IO )
i i janvier 1790; m£ùs
20 février suivant il la renou
vela par requête.
L ’opposition formée par le père fut bientôt vidée: il
en fut débouté par sentence du sénéchal du Puy.
Jean-Barthélemy Robin ne poursuivit pas vivement
]a tierce opposition qu’il avoit formée ; mais bientôt JeanJacques D ancette, religieux bénédictin , paroît sur la
scène. On se rappelle q u e , novice le 20 mars 1 7 6 2 , il
avoit fait profession le 23 mars i y 5 ^. Depuis cette époque
jusqu’en 179 0 , il avoit conservé l’esprit de son état;
pendant trentc-liuit ans il avoit vécu dans le cloître sans
aucune réclamation : mais le 4 mars 179 0 , il présenta
requête ¿\ l’oilicialité de M â co n , pour demander à être
relevé de ses v œ u x ; et, par exploits des 12 mars et 3
juillet de la même an n ée, il fit assigner les prieur et
religieux de l’abbaye de G lu n y , sBarthélemy et JeanBarthélemy R o b in , frères, et A n d ré F a u g ie r, prêtre,
pour voir déclarer nuls et de nul effet ses actes de vêlure et
de profession, des 20 mars 1 7 5 2 , et 23 mars 1 7 5 3 ; voir
d ir e , en conséquence, qu’il seroit renvoyé au siècle/en
état de prêtre séculier, pour y jouir de tous les droits
dh o m m e et de citoyen q u’il fût fait défenses au prieur
de Cluny, et à tous autres, de le troubler , aux peines de
droit j et p o u r v o ir condamner tous les contredisans aux
dépens.
lie moment étoit assez bien choisi pour une semblable
réclamation. Déjà une première l o i , du 28 octobre 1789 ,
nvoit ajourné la question sur les vœux monastiques, et
décrété, par provision , que l’émission des vœ ux seroit
suspendue dans tous les monastères de l’un et de l’autre
sexe.
�( II )
D eu x décrets postérieurs, des 13 février et 20 mars
1 7 9 ° , avoient prononcé la nullité de tous les vœ u x ,
permettaient aux religieux de sortir de leurs cloîtres ;
mais néanmoins avec cette restriction : « qu’ils demeu» reroient incapables de succéder, et ne pourroient rece» voir par donations entre-vifs ou testamentaires, que
» des pensions ou rentes viagères.
Ce n’étoit donc pas pour la validité de ses vœ u x , que
craignoit Jean-Jacques Dancette; mais il n’adoptoit pas
la restriction de la loi, et vouloit succéder. Cette circons
tance devenoit indifférente aux religieux bénédictins:
aussi on voit que sur la demande de Jean-Jacques D a n
cette , ils s en rapportent à la prudence de Vofficial et
a u x conclusions du prom oteur.
L a sentence n’apprend pas quelles furent les conclu
sions des Robin et de F augier; mais, sans aucun motif,
elle déclare les actes de vêture et de profession de JeanJacques D an cette, dans l’ordre et la maison de C lu n y ,
nuls et de nul effet, le renvoie au siècle en état de prêtre
séculier, fail défenses aux religieux de Cluny et à tous
autres de le troubler, et compense les dépens.
Il est remarquable que cette sentence, en date du 28
juillet 1790, ne fait mention, dans les qualités, d’A n dré
F a u g ie r, qu’en son nom seulement; mais sur l’appel
comme d’abus, qui fut interjeté par les Robin au par
em en t de Paris, on voit figurer dans les qualités de
l’arrôt A n d ré F a u g ie r , tant en son nom , que comme
tuteur d’A n d ré -M aric F augier, fils de Claude.
l i ’arrôt rendu en la chambre des vacations, le 6 octobre
1 79° j dit qu’il n’y a abus; en conséquence, ordonne que
B a
�( 12 )
la sentence de l’oiïicial sera exécutée suivant sa forme et
teneur.
Claude F a u gie r, père d’A n d ré-M a rie, avoit fait son
testament le 19 avril 178 2, par lequel il instituoit son fils
son héritier universel ; m ais, dans le cas où son fils viendroit à décéder avant sa vingt-cin quièm e année, il lui
substituoit, tant pupillairement que vulgairement, demoi
selle Françoise
Faugier
sa sœur ', femme Massardier.
j
O
P a r ce même testament, il nomme pour tuteur à son
fils A n d ré Faugier son frère, prêtre.
Mais aussitôt que J e a n -J a cq u e s Dancette fut rendu
au siècle, le repos de la famille fut troublé. 11 se fait
nom m er curateur d’A ndré-M arie Faugier son cousin , et
fait signifier un acte au tuteur, par lequel ce jeune homme
déclare, qu’ayant atteint l’âge de quatorze ans, il se choisit
Jean-Jacques Dancette pour curateur; révoque A n dré
son oncle; le remercie de ses soins, et lui fait défenses de
s’immiscer dans l’administration de ses biens en qualité de
tuteur. Ce jeune h o m m e , en effet, se retira â la com
pagnie de Jean-Jacques Dancette, où il a demeuré jus
q u ’au jour de son décès.
Jcnn-Jacques Dancette a su profiter de la foiblesse de
son cousin. Il lui fait faire deux actes , l’un par lequel
il dispose d’ une portion de ses biens, au profit de JeanJacques Dancette, et l’autre , par lequel il déclare que se
trouvant indisposé, il donne à titre de ferme à Marguerite
Dancette, religieuse, sa cousine, son domaine d e llio u x
et ses dépendances, exception faite de la portion dont il
a disposé au profit de son cousin. Ce bail de ferme est
consenti pour trente années, moyennant la somme annuelle
�(
)
de ioo fr. payable moitié aux pauvres de Ste. Sigolêne,
et moitié aux pauvres de Beauzat.
Il veut , dans le cas où sa cousine décédât avant les
trente ans, que le bail passe au profit des pauvres, sous
l’administration de la municipalité de Ste. Sigolône, qui
rendra compte de la moitié du produit à celle de Beauzat.
L e bailleur se réserve cependant la faculté de résilier ce
bail à volon té, mais sans que ses héritiers puissent user de
cette faculté , s’il venoit à décéder.
La prohibition des nouvelles lois ne permettoit pas à
André-Marie Faugier de donner à son cousin une por
tion bien considérable. La quotité disponible étoit res
treinte au sixième : mais sans doute que ce moine am bi
tieux espéroit une plus grande latitude dans la suite; car
il se fait donner, par son cousin, tout ce que la loi lui
permet maintenant, et tout ce q u elle -pourrait lu i pe?'~
mettre à Pavenir. Un voit ensuite qu’il est assez ingénieux
pour éluder la prohibition , au moyen du bail à ferme
qu’il fait consentir à vil p r ix , à sa sœur religieuse, pen
dant trente années.
Antérieurem ent au décès d’André-M arie F a u gier, il
existoit une demande» en partage, formée contre lui par
Massardier et son épouse, de tous les biens composant la
succession d’André Dancetteleur oncle. Une sentence par
défaut leur avoit adjugé leurs conclusions; mais A n d ré Marie Faugier y forma opposition, et mourut avant un
jugement définitif.
Jean-Jacques Dancette, craignant sans doute quelque
Mesure rigoureuse contre les prêtres, avoit vendu, à Bar
thélémy et à Jean Barthélémy llo bin , les domaines de
�( l4 )
Confolent et de la D o u rlière, dépendans de la succession
d’A n d ré Dancette; il avoit aussi vendu à sa sœur la re
ligieuse les domaines du Charabon et des Reluses. Ces
ventes sont antérieures au décès d’André-M arie Faugier.
Massardier et sa femme voulurent faire apposer les scellés
sur les effets d’André-M arie Faugier ; Jean-Jacques D an
cette et sa sœur religieuse s’y opposèrent formellement.
Jacques Massardier et sa femme se pourvurent sur cette
opposition au tribunal civil de la H aute-Loire;et le 22 ven
démiaire an 6 , il fut rendu un jugement contradictoire
en vacations, q u i, sans s’arrêter à l’opposition de JeanJacques Dancette et de sa sœur, ordonna qu’il seroit pro
cédé à l'apposition de scellés par le juge de paix, qu’en
suite il seroit fait inventaire du mobilier par le premier
notaire que le juge de paix est autorisé à commettre.
Sur le surplus des demandes, les parties furent renvoyées
h l’audience d’après les vacations.
C ’est alors que Jacques Massardier et Françoise Faugier
■sa f e m m e , tant en leur nom que comme étant aux droits
d’A ndré Faugier, prêtre, leur frère et beau-frère, citèrent
Jean-Jacques Dancette et sa sœur, et Barthélémy Robin
et Jean Barthélémy R o b in , se disant tiers acquéreurs des
domaines de la Dourlière et Confolent , au bureau de
paix du canton de M onistrol, pour se concilier sur la
demande tendante à ce que Massardier et sa femme fussent
envoyés en possession de l’entière succession d’A n d réMarie Faugier leur neveu, comme étant les seuls habiles
à lui succéder ; et en même temps de celle de définit A ndré
Dancette; celte dernière succession consistant dans les
domaines de la D ourlière, Confolent, Chambon , leR io u x
�( i5 )
et les Reluses; avec défenses de les y troubler, aux peines
de droit. Ils conclurent en même temps à la restitution
du m obilier, suivant l’inventaire ; des fruits et récoltes,
suivant l'estimation.
Il s’éleva plusieurs discussions au bureau de paix. Robin
prétendit q u e , d’après la loi du 17 nivôse, il avoit part
à la succession d’A ndré-M arie Faugier : faisant pour JeanJacques Dancelte, il argumenta du legs du sixième porté
par le testament d’A n d r é - M a r ie Faugier; il entra dans
d'autres discussions auxquelles Marguerite Dancette se
référa ; de sorte que les voies conciliatoires ayant été
épuisées sans succès, les demandeurs firent citer toutes
les parties au tribunal civil de la I ia u te -L o ire , et depuis
le nouvel ordre, au tribunal d’Issengcaux.
E n défense à cette demande, il fut justifié premièrement
de la requête en tierce opposition à l’arrêt du parlement
de Toulouse , présenté par Jean - Barthélémy Robin ,
le 20 février 1790 ; 2°. d’un acte de dépôt fait par Jeanr
Barthélémy et François R o b in , frères, faisant, est-il dit,
pour Jean-Jacques Dancette, comme étant à ses droits,
de la sentence rendue à l’oflicialité de Mâcon le 20 mars
1790, de l’arrêt coniirmatif de eette sentence rendu au
parlement de Paris le 6 octobre de la même année, d’un
exploit de signification de celte sentence et arrêt en date
du 16 nivôse an 6. Les Robin se contentent ensuite de
déclarer qu’ils n’entreprendront pas de contester au fond
la demande de Jacques Massardier et de sa femme; qu’ils
laissent ce soin à Jean-Jacques Dancette, qui leur doit une
garantie, comme leur ayant vendu les domaines de Con
solent et de la D ourlière, par acte du 19 fructidor an 5.
�(
)
Ils ajoutent que l’arrêt du parlement de Toulouse ne peut
servir de titre à Massardier et à sa femme; que lui JeanBarthélem y Robin y a formé tierce opposition, et qu’il
faut absolument attendre l’événement de cette tierce op
position. Par ces défenses, en date du i 5 ventôse an 9 ,
ils prétendent que le tribunal d’appel de Riom est saisi de
cette tierce opposition , quoiqu’il ne l’ait été que par ex
ploit du 26 floréal suivant. A u surplus, ils soutiennent
que Jean-Jacques Dancette étoit vrai propriétaire des
domaines qu’il leur a vendus, comme de tous les autres
biens d’A ndré Dancette son père ; qu’il s’étoit fait relever
de ses vœ u x ; et que la sentence de l’oilicialité, ainsi que
l’arrêt d u .parlement de Paris, ctoient une barrière in
surmontable à la demande de Massardier et sa femme,
tant qu’ils 11e les auront point attaqués. Ils finirent par
demander q u’il fût sursis à tout jugement, jusqu’à ce
qu'il auroit été statué, sur la tierce opposition par eux
formée.
Jacques Massardier et Françoise F a u gie r, d’après ces
défenses, sentirent la nécessité d’attaquer la sentence de
l’oilicialité et l’arrêt du parlement de Paris. Comme la
tierce opposition de Jean-Barthélemy Robin étoit pen
dante en ce tribunal, ils présentèrent requête le 19 ther
midor an 9 , par laquelle ils conclurent à la-nullité de
cette sentence ainsi que de l’a r r ê t , et subsidiairement
demandèrent à être reçus tiers opposans à la sentence de
l’oiïicialité et à l’arrêt confirmatif. Un jugement du 13 ven
tôse an 10, en donnant acte de celte tierce opposition, a
appointé et joint cette demande incidente à la demande
priueipalc, pour être statué sur le tout par un seul et
même
�*
( 17 ) "
même jugement : mais ils se déterminèrent en même
temps, pour éviter toute difficulté, à renouveler cette
tierce opposition vis-à-vis de Jean-Jacques Dancette, qui
lui-même à son tour s’est rendu tiers opposant à l’arrêt
du parlement de Toulouse, confirmatif de la sentence de
la sénéchaussée du Puy.
>
Voilà donc trois tierces oppositions à juger. Celle for
mée par Massardier et sa femme à l’arrêt du parlement
de Paris, présente le plus grand intérêt; e t, quoiqu’elle
soit purement incidente au,procès, on commencera par
la discuter : les deux autres ne sont que secondaires et
deviennent un accessoire de la question principale.
Tierce opposition de M assardier et sa fem m e et la
sentence de ïojficia lité et à ïa rrêt conjirniaicf du
parlement de P a ris.
# .
D e grandes raisonsvpolitiques, et qu’il ne nous est pas
permis d’examiner, ont déterminé l’assemblée nationale
à ne plus reconnoître les vœ ux solennels religieux. JeanJacques Dancette a pu profiter de la loi, et rentrer dans
le siècle : mais pouvoit-ii porter le trouble dans sa famille;
et reprendre des biens qui lui avoient échappé par sa
mort civile, après trente-sept années de profession?
Il est des règles invariables en cette matière, qu'il ne
lui a pas été permis d’enfreindre. D ’après la disposition
du concile de T r e n te , session 25 , de régularibus, cap. i g }
tout religieux ou religieuse qui.croyoit 'avoir des motifs
pour réclamer contre ses vœ ux,devoit proposer sesiiioyens’
do nullité dans les 5 ans à compter1du jour de sa pvofüs-i
C
�( IS )
slon. Q uicw m jue rcgularis pretendatseper vint et metum
ingression esse religionem , aut etiam dicat ante œ ialem dtbitam p r o fe ssu m fu isse , aut aliquid sitnile, velitque habitum dim ittere quacum que de c a u sa , aut etiam
cum habitu discedere sine licentia superiorum , non
a u d ia tu r, n isiin tr a quinquenium tantum à die professio n is , et tune non aliter n isi causas quas pretenderit
deduxerunt coram superiore suo et ordinario. Q uàd s i
anteà habitum sponte dim iserit , nuUatenùs ad ailegandurn quam eum que causam a d m itta tu r, sed ad m o7iasterium redire co g a tu r, et tanquam apostata p u
n i a tu r.
D ’Iiéricourt, lois ecclésiastiques, enseigne, norab. n ,
page 96 , que la réclamation dans les cinq ans est indis
pensable , et que passé ce terme le religieux est censé
avoir ratifié tacitement la profession qu’ il n’auroit laite
même que par violence.
F évre t, dans son traité de l’abus, livre 5 , chapitre 3,
nomb. 23 et 20, dit également, d’après le concile qu’ori
vient de citer , que si le religieux réclame après les cinq
ans, il est non recevable. L ’usage de France, d it-il, est
conforme en ce point à la disposition du concile de Trente,
et celle règle s’observe rigoureusement, encore qu'il se
rencontre quelque défaut en la profession, soit pour avoir
été faile avant l’âge, soit pour avoir élé forcée; car si le
religieux, nonobstant ces manquemens, persévère clans
le monastère, et y fait toutes les fonctions de religieux
pendant les cinq nus et plus, les vices et défauts qui se
vencontroient en sa profession , sont couverts par cette
persévérance, et anéantis par un si long silence. S ie n in i
�( *9 )
proclan) are p o ta it, cu r tam diù ta cu ît? Il cite plusieurs
arrêts qui se sont conformés à cette règle : l’un du 21 mai
i ^47 j dans la cause de soeur Gabrielle Saint-Bliri; l’autre
du 7 mai i 658 , dans la cause de frère Jean de Villeneuve ;
un troisième du parlem entdeParis, du dernier mars 1726,
rendu contre une religieuse nommée de Pienne, qui avoit
fait profession à 12 ans six mois, et contre son gré, selon
qu’il en apparoissoit suivant les informations. Elle avoit
gardé le silence pendant plus de 5 ans ; e t , malgré qu’elle
exlt obtenu un rescrit en cour de Rom e , elle fut dé
boutée de toutes ses demandes : deux autres arrêts du par
lement de Dijon , des 11 août 1640 et 23 mars 16 5 7 , ont
également adopté la fin de non recevoir des 5 ans. Rousseau-Lacom be, dans son dictionnaire canonique, apprend
aussi que la réclamation doit être faite dans les 5 premières
années, à compter du jour de la profession, et il est im
possible de révoquer en doute une règle confirmée par
l’autorité des arrêts et les maximes canoniques.
Les mêmes auteurs que l’on vient de citer examinent
encore s’il est des cas où un religieux puisse être écouté
dans sa réclamation , lorsque les 5 ans sont écoulés. D ’H éricourt n’admet qu’une seule hypothèse; c’est lorsque l'em
pêchement quia rendu la profession nulle vient de ce que
la personne, étant déjà liée, ne pouvoit s’engager dans
l’état religieux tant que cet empêchement subsisteroit.
Ainsi, par exemple, un homme marié doit toujours re
tourner avec sa femme, quoiqu’il y ait 10 et 20 ans ou
Plus qu’il se soit engagé dans l’état religieux. F évrel répète
cc qu’a dit d’Héricourt j et R ic h e r , dans son tiaité de la
mort civile, page 8 7 7 , demande si le décret du concile de
G 2
�( 20 )
T re n te doit être observé avec une telle rigueu r, qu’il ne
soit pas possible d’être écouté dans une réclamation ,
lorsque les cinq ans sont écoulés. Il distingue sur cette
question deux sortes d’empêchemens : les.uns perpétuels,
qui ne cessent jamais de former obstacle à la profession;
' les autres qui ne sont que passagers, et cessent au bout
d ’un certain temps.Les empêchemens perpétuels sont, une
infirmité incurable ou une santé délicate qui ne permet
la pratique d’aucune règle ; les autres s o n t, le défaut
d’a g e, la force et la contrainte. Il arrive quelquefois que
ces empêchemens ne cessent qu’après les cinq ans écoulés
depuis la profession. Des parens, par exem ple, ont forcé
un jeune homme à s’engager dans un ordre religieux;
et les supérieurs du c o u v e n t, de connivence avec ces
parens injustes, l’empêchent de faire, en temps et lieu ,
les protestations nécessaires. Ricber dit alors que le con
cile ne regarde pas ceux qui ont des empêchemens per
pétuels ou des empêchemens passagers qui subsistent
encore après les cinq ans écoulés; ils peuvent alors ré
clamer par la voie ordinaire. A in si, par exem ple, un
homme marié et qui est entré en religion contre le gré
de sa femme , et après avoir consommé le mariage, peut,
en quelque temps que ce soit, réclamer contre sa pro
fession, du vivant de sa fem me; parce que n’ayant pu
disposer de sa personne, il ne peut rester engagé par
des vœux qu’il 11e pouvoit pas faire: mais si lors de sa
réclamation, cinq ans s’étoient écoulés depuis la mort de
si femme, il est-constant qu’il ne seroit pas rccevable.
Un religieux, continue-t-il, q u i, après cinq ans, lia
pas encore acquis l’âge proscrit par les canons et par les
�( 21 )
ordonnances, a la liberté de réclamer contre ses v œ u x ,
par la voie ordinaire. U n enfant que scs parens conti
nuent à tenir, contre son g r é , dans un monastère, même
après l’espace de cinq années , doit être admis «\ réclamer
contre sa profession. Mais ces circonstances particulières
ne lui paroissent point détruire le principe établi, que la
réclamation doit être faite dans les cinq ans, du iour de
la profession, ou du jour que l’empêchement qui sert de
base à cette réclamation a cessé. Un religieux qui prétend
que ses vœux sont nuls, n’a-t-il pas le temps, pendant les
cinq ans qui lui sont accordés, de s’essayer sur sa voca
tion ; et, si Ton adinettoit la réclamation dans quelque
temps que ce lû t, quel trouble une pareille tolérance ne
porteroit-elle pas dans les familles! On verroit tous les
jours des religieux réclamer , au bout de plusieurs années,
et redemander des biens qui auroient passé en diverses
mains, par divers arrangemens; ce qui seroit une source
intarissable de procès, de troubles et de divisions.
Il n’y a donc que ces cmpêchemens perpétuels ou pas
sagers, tels qu’ils sont limités et décrits par les a u t e u r s
canoniques, qui puissent autoriser Je religieux à réclamer
contre ses vœux.
Il est vrai que l’ordonnance de 1^67 a e x ig é , (if. X X ,
art. X V et X V I , qu’il fût tenu des registres dans chaque
communauté religieuse, ou seroient inscrits les actes de
vèture et profession de chaque religieux. Cette disposi
tion de l’ordonnance est fondée sur ce qu’en France on
ne rceonnoissoit point de prolession tacite , qu elle devoit
être expresse et par écrit. Plusieurs communautés avoient
n<%ligé de se conformer à la disposition de l’ordonnance,
�I
C
22
)
et quelques religieux avoient essayé de profiter de la né
gligence ou de l’inobservation de cette loi, pour réclamer
contre leurs vœux. Mais Rousseau - Lacombe nous ap
prend, au mot réclam ation, que le défaut de registre en
la forme de l’ordonnance, n’est pas toujours un moyen
suffisant. Il cite plusieurs arrêts conformes ¿\ son opinion :
en voici quelques exemples. Frère Louis-Guillaume Langelost entra en 1702 chez les augustins de Bourges, et
fit profession en 1703. En 1719, il réclame contre ses vœux,
et les religieux, qui étoient mécontens de l u i , donnèrent
les mains à sa demande. Première sentence de l’officialité,
contradictoire avec les religieux , et par défaut , contre
la sœur du réclamant , qui le releva de ses vœux. Sur
l’opposition de la sœ ur, seconde sentence qui déboute
frère Langelost de sa demande. Appel comme d’abus.
Frère Langelost se défendoit sur le défaut de registre en
forme pour prouver sa prise d’ habit et sa profession. Sa
prise d’habit ne se trouvoit inscrite que sur un petit journal
tenu par le sous-prieur du couvent de Bourges, maître
des novices; ce registre étoit sans aucun blanc, et contenoit exactement le jour de la prise d’habit et de la pro
fession des religieux qui avoient été reçus et avoient fait
profession, pendant qu’il avoit été maître des novices. A l’é
gard de la profession, elle n’étoit constatée que par deux
expéditions d’un acte passé devant un notaire et trois
témoins. Mais, malgré le défaut de registre, arrêt du 19
décembre 1727 , qui dit qu’il y a abus , seulement fai
sant droit sur le réquisitoire du procureur général, il fut
enjoint aux augustins de Bourges d’exécuter l'ordon
nance du 1667, et d’avoir à l’avenir des registres conformes
�( ^3 )
pour inscrire les actes de vêlure et de profession de leurs
religieux. Cet arrêt fut fondé sur la fin de non recevoir des
cinq années expirées sans réclamation. Autre arrêt du 7
mars 1701 qui n’eut aucun égard à la demande d’un reli
gieux feuillant, dont le moyen étoit la contravention à
1 ordonnance de 1667. Il fut v é rifié , lors de cet arrêt, que
les articles X V et X V I du titr e X X de l’ordonnance ne pro
noncent pas la peine de nullité. Troisième arrêt de 1706
contre un religieux augustin qui n’avoit point signé son
acte de profession. Il avoit resté plus de dix années en
possession de son état, il fut déclaré non recevable. Qua
trième arrêt du 7 février 1707 contre sœur Elizabeth
L e r o u x , dont l’acte de profession 11’avoit été signé ni
par elle, ni par les religieuses, ni par aucun témoin :
sa profession n’en fut pas moins confirmée, et il lui fut
enjoint de se retirer dans huitaine dans une communauté
religieuse, sinon permis à M. le procureur général de
l y faire conduire. A insi, ajoute Rousseau de L a co m b c,
il faut tenir pour m axim e, que toutes les fois que des
actes de vêture ou de profession se trouvent ne pas avoir
été signés par le religieux qui a pris l’habit et qui a fait
profession , lorsque son engagement a été constant et
public, lorsqu’on ne peut pas répandre d’équivoque et
de soupçon de fraude sur sa profession , comme il arrive
lorsqu’elle a été suivie d’ une possession qui assure l’état
¿u religieux, on ne doit point l’admettre à réclamer sous
vain prétexte contre son état, et h se dégager contre
foi de sou engagement. S’il en étoit autrement, les
Monastères et les religieux seroient les maîtres de porter
trouble dans les familles, quand bon leur sembleroit.
�.
ÎM )
r Ces maximes une fois établies, quel sort doit avoir la
réclamation inconvenante de Jean-Jacques. D ancette?
C ’est après trente-liuit ans de profession et de silence,
qu’il s’avise de se pourvoir contre ses vœ u x, et dans un
temps où les idées exagérées lui laissoient la certitude de
rentrer dans le. siècle , mais sans espoir de reprendre les
biens de sa famille.
Ce n’est donc que par am bition, et pour porter le
trouble, qu’il a voulu faire annuller ses vœux 5 il n’a jjoint
argumenté d’empêchemens perpétuels ou passagers; il n’a
point parlé de contrainte ou de mauvais traitemens. Lors
du décès de son père n’étoit-il pas en pleine possession
de son état? L e père lui-même ne l’a-t-il pas considéré*
comme religieux, et retenu par des liens indissolubles ?
Aussi frère Jacques Dancette n’a-t-il proposé que des
moyens de nullité contre ses actes de vèlure et de pro
fession. Il ne rapporte point ces actes; et dès-lors tout ce
qu’il pourroit dire n’est qu’allégation et mensonge. Cepen
dant on trouve dans les pièces des instructions sur ce fait3
011 voit, dans une ancienne consultation du 18 juillet 1790,
en réponse à la demande de Jean-Jacques Dancette, qifil
prétendoit n’avoir pas signé son acte de vêture; que cet
acte 11e faisoit pas mention du domicile de ses père et
m ère, ni du lieu de sa naissance. On lui dit, en réponse,
que le défaut de signature, dans ce premier acte, ne.peut
être d’aucune considération; que fa i’te de vêlure prépare,
mais ne consomme pas le sacrifice. Ou ajoute que d’après
la communication prise de cet acte, on y lit qu’il est fils,
légitime, de M. A ndré Dancette et de demoiselle Marie
i ^ b i n , de la paroisse de Beauzat, diocèse du P u y , lieu
qui
�C*5 )
qui <5toît celui du domicile de scs père et mère et de sa
naissance. O n soutient que le registre est coté et paraphé
ensuite d’un acte capltulaire qui y a été inscrit; et on y
trouve aussi sa signature.
Quant à son acte de profession, on lui oppose égale
ment qu’il est régulier; qu’en vain voudroit-il prétendre
que cet acte de profession a été inscrit en latin ; qu’il fait
confusion des vœ ux avec la profession elle-même; que la
profession est écrite en français; qu’il y est désigné par
ses nom et p ré n o m , comme fils légitime d’A n dré D ancette et de Marie Robin ; que le lieu du domicile des
père et m ère, ainsi que le lieu de sa naissance, y sont
également exprim és; qu’enfin cet acte de profession est
signé par lui et par deux amis, témoins : de sorte qu'il
est aussi régulier qu’il peut l’être.
Quel seroit donc le m otif qui auroit pu déterminer la
sentence de l’oilicialité? Il seroit difficile de le comprendre,
puisque la sentence n’en exprime pas. Y eût-il quelques
omissions dans l’acte de profession ; l'engagement a été
constant et public pendant trente-huit ans ; et il faut dire
avec Rousseau de Lacom be, q u e , dans tous les cas, le
défaut de registi’es, dans la forme de l'ordonnance de
1667, ne seroit point un motif d’admission; ce ne seroit
qu’un vain prétexte qui ne peut nuire h une famille dont
.le sort étoit fixé sur la foi publique , et sur les règles
constantes et invariables du droit canon comme des lois
civiles.
Il est d o n c d é m o n t r é q u e J e a n - J a c q u e s D a n c c t t e é to it
n o n r e c e v a b le d e toutes les m a n iè re s à r é c l a m e r c o n t r e
scs v œ u x ; d è s-lo rs la tie rc e o p p o s itio n d e M a s s a r d ie r et
D
�t ^6 )
sa femme ne paroît pas devoir '¿prouver de difficultés.
Je;tn-Jacques Dancctte en est lui-même convaincu; il
se rejette assez maladroitement sur des vices de form e, et
sa défense à cet égard est de la plus grande foiblesse.
Q u ’e s t-c e qu’une tierce opposition? C ’est une action
qui tend à faire changer les dispositions préjudiciables
d un jugement. P o u r former une tierce opposition, il
suffit d’avoir eu , lors de l’arrêt, une qualité qui ait obligé
de nous y appeler.
O r , on ne contestera pas sans doute que Massardier et
sa femme n’ont pas été parties lors de la sentence de l’ofiicialité, ainsi que dans l’arrêt du pai’lement de Paris.
Il est encore évident qu’ils avoient qualité pour y être
appelés; ils étoient les cousins germains et les plus près
parens de Jean-Jacques Dancette.
Ils étoient principalement intéressés, puisqu’ils amendoient de leur chef un tiers des biens d’A n d ré Dancctte
leur oncle. Ils étoient principalement connus de JeanJacques Dancctte, puisqu’ils avoient provoqué et obtenu
la nullité du testament d’A n dré Dancette son père ; qu’ils
s’étoient fait adjuger les biens par la sentence de la séné
chaussée du Puy et l’arrêt du parlement de Toulouse.
Comment se fait-il alors que Jean-Jacques Dancctte ait
oublié de les mettre en cause ? Il répond assez légèrement
qu’il rx’étoit pas tenu de connoître toute sa parenté : s’il
lui paroît'utile d’appeler, dans ce cas, ses plus près
parens, il ne croit pas que cette formalité soit absolument
nécessaire.
Mais une demande qui doit bouleverser l’ancien état des
choses, une demande qui tend à blesser les intérêts d’une
�07 )
famille entière, peut-elle être formée sans y appeler pré
cisément ceux qui sont héritiers de droit, et qui sont in
vestis des biens convoités par le religieux réclamant ? On
a vu qu’il ne pouvoit méconnoître Massardier et sa femme;
et quand on remarque qu’il n’a pas négligé d y appeler les
Robin , avec lesquels sans doute il étoit d’accord, on de
meure convaincu qu’il a senti Ut nécessité d y appeler ses
héritiers de droit.
A u surplus, qu’on ouvre tous les recueils, tous les
auteurs canoniques qui ont traité la matière, on y verra
que dans toutes les demandes de cette nature,les parensy
ont toujours été appelés, que cela est d’une nécessité in
dispensable ; et s’il en étoit autrement, il faudroit dire
avec Rousseau-Lacombe, qu’il dépendroit des religieux
de porter le trouble dans les familles quand bon leur
sembleront. Q u ’importe aux autres religieux qu’un des
leurs réclame contre ses vœux ? O n remarque même dans
l’ancien o rd re , et dans des temps plus calmes, que presque
toujours les autres religieux n’élevoient aucune contradic
tion ; qu’en général ils se félicitoient d’être débarrassés
d’un confrère mécontent de son sort, et qui avoit perdu
l’esprit deson état, ^/opposition venoit toujours des parons;
et la sûreté et le repos des familles exigeoïent, de la part
des supérieurs ecclésiastiques, comme des magistrats, la
plus grande sévérité pour le maintien du bon ordre , pour
mettre un frein h l’inconstance ou à la cupidité.
Jcan-Jacques Dancette va plus loin : en convenant que
Massardier et sa femme n’ont point été appelés lors de la
sentence de l’oilicialité, il dit qu André F a u g icr, prêtre,
D 2
�('2 8 )
y a été partie et y a figu ré, tant en son nom que comme
tuteur d’A ndré-M arie Faugier son neveu.
Jea n-Jac qu es Dancette eu tire la conséquence, qu’au
moins, respectivement à A n d ré Faugier et au neveu, et
pour la portion qu’ils amendent, Massardier et son épouse
teroient non recevables dans leur tierce opposition.
Il
se présente deux réponses péremptoires a cette ob
jection.
D ’abord il est établi par les qualités de la sentence de
Foificialité, qu’A n d ré Faugier n’y a figuré qu’en son nom
personnel; il n’y est point question d’André-Marie Faugier
ni de la qualité de tuteur qu’avoit A ndré Faugier; ce n’est
que lors de l’arrêt qu’on a mis dans les qualités A n dré
Faugier tant en son nom que comme tuteur d’A n d ré Marie Faugier son neveu.
Mais A n dré Faugier n’a point été assigné en cette
qualité de tuteur, il n y a point eu d’intervention de sa
part en cette qualité; on n’a pu lui donner, lors de l’arrêt,
que les mêmes qu’il avoit lors de la sentence: l’ordre ju
diciaire s’opposoit ù ce changement.
D ’un autre côté, lors de l’arrêt, André-M arie Faugier
avoit atteint sa puberté; les parties sont domiciliées en pays
de droit écrit, où la tutelle finissoit par la puberté, ainsi
que l’atteste Coquille dans scs instituts au droit français,
chapitre de l’état des personnes.
Les titres X X V I et X X V I I d u digeste, le titre X X V I I I ,
livre V du code, et les instituts, livre premier, depuis le
titre X III jusqu’à la fin , ne parlent que des tutelles et
de ceux A qui il peut être nommé des tuteurs. La loi 13
au
§ II, fait cesser la tutelle au moment de la puberté.
�( 29 )
Sed si puella duodecim annos im pîeçerit, tutor des 'm it
esse. La loi 3 , an codo de legitima tu tela , dit encorc
qu’on ne peut donner de tuteurs qu’aux impubères. S i
pupillarem œtatern ex ce sserit, tutela tamen vestra ad
earn non pertinet.
O r A n d r é - M arie Faugier étoit né le 26 mars 1776;
1arrêt où A n d ré Faugier se trouve pour la première fois
en qualité de tuteur de son n eveu , est du 6 octobre 1790;
et André-M arie Faugier avoit alors atteint quatorze ans
six mois et quelques jours. Il avoit également atteint plus
de quatorze ans à l ’époque de la sentence de l’ofïicialité,
qui est du 28 juillet précédent. C ’est donc mal à propos
q u’on a donné à A n dré Faugier une qualité qu’il ne pouvoit plus a v o ir , qui cessoit de plein droit p a rla puberté
du neveu ; et dès lors la tierce opposition de Massardier,
du chef d’A n d ré - Marie Faugier son n eveu , est bien
fondée.
Elle l’est également du chef d’A n d ré Faugier dont il
est cédataire; il s’agit ici d’une action indivisible: JeanJacques Dancette étoit mort civilement; la mort civile
est une fiction qui doit imiter la nature, et qui a les mêmes
effets que la mort naturelle. O r il répugne que le même
individu soit tout à la fois mort et vivant; et si, comme
on l’a démontré , Massardier et sa femme ont prouvé que
Jean-JacquesDancette étoit mort civilement, par rapport
ù e u x , s’ils doivent faire rétracter l’arrêt en ce qui les
concerne, il est impossible qu’il puisse subsister par rapport
à A ndré Faugier.
C ’est inutilement que Jean-Jacques Dancette voudroit
encore écarter la tierce opposition, sur le fondement que
�( 30 )
c’est une action principale, et que Massardicr et sa femme
n’ont point passé à lu conciliation avant de la former.
D ’abord faction en tierce opposition n’est qu’incidcnle
au procès; elle a été précédée d’une demande en désis
tement contre les Robin; et ce n’est que sur la justifi
cation de la sentence de l’officialité et de l’arrêt du par
lement de P aris, ainsi que de la tierce opposition de
Robin à l’arrêt du parlement de T o u lou se, que Ma<;sardicr et sa femme ont demandé incidemment et subiidiairernent à être reçus tiers opposans. O r , les voies conciliatoires ne sont de rigueur que pour les demandes
principales. Mais ce qui tranche toute difficulté, c’est que
Jean-Jacques Dancette lui-même, par cédule du 11 ther
midor an i o , a fait citer au bureau de paix-Massardicr
et su fem m e, à l'effet de se concilier sur la tierce oppo
sition qu'ils avoient.formée à la sentence et arrêt du par
lement de Paris; dès-lors les voies conciliatoircs ont été
épirsées sur cette demande, et l’objection disparoît.
Jean-Jacques Dancette oppose une fin do non recevoir
pliis extraordinaire; il prétend que Massardicr et sa femme
out acquiescé à l’arrêt du parlement de Paris, en le laissant
jouir des biens d’A n dré Dancette son p è re , et en ne
réclamant point contre le séquestre que l’administration
de Monislrol nvoit mis sur tous les biens, comme apparleuans i\ Jean-Jacques Dancette, réputé émigré en l’an 2,
ni contre la vente d’une partie du m obilier, ni contre
l’adjudication des fermages, du 12 venlcVc an 3.
i°. L e fait n’est pas exact. Massardicr et sa femme so
sont opposés ¿1 ces mesures révolutionnaires autant q u ’ il
¿toit en leur pouvoir ¿1 cette époque; ils out fuit cu rj-
�(3 0
gistrer l’arrêt du parlement de Toulouse au district, pour
établir qu’ils étoient propriétaires de ces mêmes biens.
On ne sera point étonné que leurs efforts aient été impuissans dans ces momens de troubles et d’orages : on sait
qu’alors les oppositions des tiers n’étoient nullement con
sidérées , et que les administrations alloient toujours en
avant.
Q u ’auroient pu faire d’ailleurs Massardier et sa femme?
Les biens étoient indivis avec leurs cohéritiers; il n’y avoit
point de partage. Françoise Faugier et son mari n’amendoient qu’un tiers de ces biens. Jean-Jacques Dancette
avoit auprès de lui André-M arie Faugier, et abusoit de
son inexpérience : A n d ré Faugier, prêtre, n’étoit pas plus
rassuré sur son sort. Il étoit donc impossible aux deman
deurs de s’opposer valablement ou avec succès, soit à la
jouissance de Jean-Jacques Dancette, soit aux mesures
qui furent prises par l’administration. M ais, dans aucun
cas, il ne peut y avoir d’acquiescement qu'autant que les
demandeurs se seroient départis de l’arrêt qu’ils avoient
obtenu; et, loin d’avoir celte intention, ils en ont tou
jours réclamé l’exécution, non contre Jean -Ja cq u es
Dancette qu’ils ne reconnoissoient pas comme propriétaire,
mais contre les Robin qui en jouissoient en vertu du
testament de leur tante.
A u surplus, Jean-Jacques Dancette sc regardoit luimêuie si peu comme propriétaire, que pençjant tout le
temps qu’André-Marie Faugier a cohabité avec lu i, c’étoit
A n d r é - ¡Ylarie Faugier qui consentoit les baux de ferme
de ces mêmes biens, qui administroit et formoit les de
mandes en justice. L a preuve en résulte d’une cédulc d u
�c
C 32 )
13 floréal an 4 , où on voit qu’A n dré - Marie Faugiér
demande à un citoyen Dancette, d itB a rillo t, des arré
rages d’une rente due sur une locaterie perpétuelle qui
dépendoit des biens de feu A n dré Dancette.
Ce n’est donc pas Jean-Jacques Dancette qui étoit en
possession, comme il a voulu le prétendre : il n'y a , de la
part de Massardier et sa fem m e, ni acquiescement, ni
approbation dans aucun acte; leurs poursuites ont été
continuelles, et par conséquent leur action est entière.
T ierce opposition de J ea n -J a cq u e s D a n c e tte , à Varrêt
du parlem ent de T oulou se.
On ne conçoit pas trop par quel motif Jean-Jacques
Dancette s’est rendu tiers opposant à cet a r r ê t, et quel
bénéfice il pourroit en résulter en sa faveur. Cet arrêt
déclare nul la testament d’A ndré Dancette son p è re, au
profit de Marie Robin son épouse.
Si Jean-Jacques Dancette parvenoit h faire rétracter
cet arrêt, le testament du père seroit confirmé, et, dans
ce cas , Jean-Jacques Dancette seroit tout au plus réduit à
une légitime, puisqu'il n’a pas été omis dans ce testament,
et qu’il y a obtenu une pension à. titre d’institution parti
culière. Sa liercc opposition est donc contraire à ses intérêls;
mais on sent que l’événement est subordonné au sort que
doit avoir la tierce opposition de Massardier et sa femme,
à l’arrêt du parlement de Paris.
S i, on effet, il est jugé que Jean,-Jacques Dancette a
mal. à propos réclamé contre ses vœ u x ; qu il etoit non
recevable
�C 33 )
recevable après 38 ans de silence, il <5toit mort civilement
lors de la demande en nullité du testament : on ne devoit
point le compter au nombre des citoyens; il n’avoil aucune
qualité pour être appelé lors de la sentence et de l’arrêt du
parlement de Toulouse , et dès lors il est non recevable
dans sa tierce opposition. Cette demande ne mérite pas
une discussion plus étendue.
T ierce opposition de J e a n - Barthélém y R o b in , au
même arrêt du parlem ent de Toulouse.
\
Jean-Bartliélemy R obin ne paroît pas très-rassuré sur
sa tierce opposition. Il a prétendu qu’il étoit donataire uni
versel de son p è re ; que cette donation étoit antérieure à
la sentence de la sénéchaussée du P u y , et à l’arrêt du par
lement de Toulouse; et il soutient, qu’étant investi de la
propriété des biens de son p è re, il avoit qualité pour être
appelé lors de la sentence et de l’arrêt.
On a déjà dém ontré, dans le récit des faits, la foiblesse
de ses moyens.
O n a vu d’abord que son contrat de mariage, du 2 juin
1 7 8 7 , est postérieur à la demande en nullité qui avoit été
formée par les héritiers Faugier.
On se rappelle encore que la donation, portée en ce con
trat de mariage, est une donation de biens présens et à
ven ir; qu’il est tenu de payer toutes les dettes qui se trou
veront au décès du père, qu’elles soient obligées ou non
obligées, et sans qu’il puisse répudier les biens à ven ir,
pour se dispenser du payement de ces mêmes dettes.
Cette clause remarquable change la nature de la donaE
�C 34 )
tion ; le père ne se dessaisit en aucune manière; il n’investit
son fils que d’un espoir successif; ce n’est ici qu’une simple
institution d’héritier dont l’eifet n’est ouvert qu’à la mort
de l’instituant, avec d’autant plus de raison, qu’il ne peut
pas diviser la donation pour s’en tenir aux biens présens.
Jean-Barthélemy Robin n’avoit donc aucune qualité pour
être appelé dans la cause; et ce qui tranche toute difficulté,
c’est qu’il ne faut pas perdre de vue que les biens litigieux
ne font pas partie de la donation ; que non-seulement le
père s’est réservé la faculté de vendre ses biens, mais qu’il
s’est encore expressément réservé tous ceux qu’il avoit dans
les paroisses de Beauzat et Retournât, pour en disposer ù
son plaisir et volonté. O r , ces biens et effets, dont il a la
libre disposition, sont précisément ceux qui provenoient
d’A n d ré Dancette, et qui donnoieut lieu au litige, sur les
quels Jean-Barthélemy R obin n’avoit rien à prétendre.
Comment do n c, et par quel m otif, auroit-il dû être appelé
dans une instance où il ne s’agissoit que du désistement de
ces mêmes biens, auxquels il utoil é tra nger? Sa présence
eût été inutile, et auroit vicié la procédure; il auroit été
follement assigné ou intimé. O r , comme il ne suffit pas,
pour être reçu tiers opposant, d’avoir intérêt de détruire
le jugement qu’on attaque ; qu’il faut avoir une qualité qui
ait obligé expressément de vous y appeler, il en résulte
que la prétention de Jean-Barthélemy Robin est chimé
rique , et ne doit pas occuper plus long-temps.
T e l est le résultat d’une discussion dont on a élagué les
détails inutiles. La décision tient essentiellement à la tierce
opposilion formée à la sentence de l’officialité; et ù. l’arrêt
du parlement de Paris.
�( 3 * )'
Jean-Jacques Dancette a-t-il pu se faire relever de ses
vœux après trente-huit ans de profession? quel moment
a-t-il choisi pour faire entendre sa v o ix ? les vœux solen
nels étoient alors annullés. Il n’a eu d’autre objet que de
recueillir une succession qui avoit passé en d’autres mains;
un m otif aussi ambitieux trouble le repos des familles, et
doit être sévèrement réprimé.
L e pi'emier devoir des magistrats est de prévenir ou de
repousser toute demande de ces religieux inconstans qui >
au mépris d’un engagement contracté avec D ieu m êm e, à
la face de ses autels, en présence de la société tout entière,
et après une ratification tacite, ont osé saisir les plus légers
prétextes pour rompre des liens indissolubles; on en trouve
un grand exemple dans l’arrêt du mois d’avril i 655 ,
recueilli par Catalan, et que Jean-Jacques Dancette a eu
Tindiscrétion de citer.
Cet arrêt obligea la dame de Castellane à retourner dans
son monastère, à y reprendre l’habit de religieuse et en
observer la règ le , quoiqu’elle eût obtenu une sentence
qui la relevoit de ses vœ ux ; que depuis elle se fût mariée
et avoit eu des enfans. Mais sa réclamation étoit tardive;
elle avoit laissé passer plus de cinq ans sans se plaindre.
Pourroit-on être arrêté par des jugemens rendus dans
lin moment d’eifervescence et d’exaltation, où il eût été
dangereux de montrer un trop grand attachement aux
règles canoniques ; dans un moment où on avoit eu le soin
¿ ’écarter du sanctuaire de la justice les magistrats les plus
r ecommandables par leur savoir, leur p ié té , et leur respect
pour cette religion sublime, sans laquelle il n’est point de
véritable vertu ;
�( 3 6 } .
Dans un moment où des juges isolés dans une chambre
de vacations, avoient le chagrin amer de voir méconnoître leur autorité, dont les décisions étoient souvent
l’effet de la crainte ou de la violence, suites funestes des
grandes révolutions qui affligent et bouleversent les em
pires.
Ces grands maux sont heureusement réparés; un génie
bienfaisant a ramené parmi nous le bonheur; restaurateur
de la religion de nos pères, il nous rappelle à ces principes
immuables sur lesquels repose le bon ordre et la tranquil
lité des familles.
L e cit. M A R C H E I X , rapporteur.
P a r conseil, P A G E S , ( deR iom ) , ancien j u risc.
r
A M A T , avoué.
A R IO M , de l'imprimerie d e L a n d r i o t , seul imprimeur du
Tribunal d’appel.— An 11.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Massardier, Jacques. An 11]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Marcheix
Pagès
Amat
Subject
The topic of the resource
successions
généalogie
testaments
conflit de lois
vie monastique
jurisprudence
nullité des vœux monastiques
droit écrit
droit canonique
droit civil
mort civile
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Massardier et Françoise Faugier sa femme, tant en leur nom que comme étant aux droits d'André Faugier leur frère et beau-frère, et comme héritiers d'André-Marie Faugier leur neveu, défendeurs et demandeurs en tierce opposition ; contre Jean-Jacques Dancette, prêtre, ex-religieux bénédictin, habitant de la commune de Bauzat, département de la Haute-Loire, demandeur et défendeur en tierce opposition ; et encore contre Jean-Barthélémy Robin, cultivateur, habitant du lieu de Montillon, défendeur et demandeur.
Arbre généalogique.
tribunal d'appel de Riom.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 11
1768-An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
36 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0725
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0223
BCU_Factums_G0545
BCU_Factums_M0726
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Beauzac (43025)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conflit de lois
droit canonique
droit civil
droit écrit
généalogie
jurisprudence
mort civile
nullité des vœux monastiques
Successions
testaments
vie monastique
-
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REPONSE
AU M E M O I R E J U S T I F I C A T I F
Public par
A n t o in e - M a r ie
L E G A Y , notaire public
en la commune de Pont-Gibaud ;
En présence des sieurs
G il b e r t
SER SI R O N , agent,
et A n n e t S E R S IR O N , docteur en médecine habitans
de la m ême commune ;
,
Par G u i l l a u m e L A M A D O N cultivateur, officier
municipal de la même commune ’
E n présence des sieurs A n d r é I M B E R T , maire ;
,
Je a n -J érô m e B O U T A R E L
juge de paix du
canton de Pont-Gibaud ; B e n o î t B O U T A R E L ,
inspecteur des contributions directes ; A l e x a n d r e
;
E N G E L V I N ainé M a x i m i l i e n E N G E L V I N
;
,
ex-législateur et E t i e n n e B O N J E A N , officiers
municipaux de la même commune : tous outragés
par le sieur LEGAY et accusés par lui d'etre ses
dénonciateurs.
,
P
endant
que le tribunal criminel spécial instruisoit contre
vous, monsieur L egay, pour-*w*be raison d’un f a u x , et avant le
jugement d’incompétence qui a été rendu , j’ai su que vous aviez
imprimé un mémoire, dans lequel vous me prodiguiez les injures
et les calomnies les plus révoltantes. Je m ’en suis procuré un exem
plaire malgré vos soins à ne le faire alors connoitre qu’à vos
juges et à vos affidés. Je pouvois répondre a vos outrages , établir
A
�( 2 )
Lien facilement l'évidence du faux dont on inform oit, et avertir
le tribunal que vous vous vantiez d’ avoir obtenu communication
des dépositions avant le règlement de la compétence. Mais j’ai
cru devoir suspendre ma réponse et cacher ma surprise, étouffer
mon ressentiment et dissimuler mes plaintes, jusqu’à l ’événement
de cette aüaire, Je n’y avois joué que le rôle passif de tém oin,
et je n ’en aurois pas rempli d’autre, si la justice eût été sévère
pour vous : mais son indulgence, qui ne peut plus aujourd’hui
avoir de retojur , vous donne l’audace et l ’insolence de l’impunité
( vous ignorez que l’innocence qui a triomphé ne cesse pas d’être
timide et modeste ) ; et vous répandez aujourd’hui votre mémoire,
pour outrager des citoyens irréprochables, parce que la justice les,
a appelés, et qu’ils, lui ont dit la vérité, quoique avec réserve.
Vous avez échappé encore une fois au tribunal crim inel, et
vous me forcez de vous citer au tribunal de l’opinion publique
d o n t, à la vérité,. vous bravez depuis un demi-siècle les jugemens.
Mais au moins je lui détaillerai les manœuvres de votre dernier
âge, et on y verra que vous voulez finir, comme vous avez com
mencé , une carrière qui fut toujours fatale à vos concitoyens.
Je dois ces détails à mon honneur que vous attaquez, et à ma.
réputation que vous voulez flétrir. Je sais que votre liaine est dan
gereuse j’ai sous les yeux l’exemple de toutes les victimes quo
vous avez faites, des familles que vous avez dépouillées, et forcées,
il s’expatrier. Je puis augmenter leur liste ; mais je préfère ma
réputation à ces dangers ; et je vais établir q u e , dans votre libelle,
vous avez débité avec autant d ’effronterie que d’impudence des.
calomnies et des diffamations contre moi , des outrages contre
vos concitoyens, des mensonges à la justice, et des impostures au
public. Attaquez-moi en répaçojj.ftn ; défiez-moi ; si vous l’osez,,
de produire judiciairement mes preuves..
C
a l o m n i e s
,
d i f f a m a t io n s
contre
moi.
Vous êtes accusé, monsieur, par le tribunal criminel de Riom,.
di’avoir , eu voire qualité de notaire public , faussement adjugé
�( 3 )
aux deux frères Sersiron deux parcelles de communaux, que -vous
me faites vendre comme adjoint de la commune de Pont-Gibaud.
Je suis assigné pour déposer; je déclare en mon âme et conscience
que ces adjudications sont fausses, que je n’y ai pas contribué,
et que si elles sont revêtues de ma signature, elle m ’a été surprise
par M . Sersiron.
Vous cherchez à prouver que ces adjudications sont légales; et
après avoir entassé pour cela mensonge sur mensonge, vous vous
écriez d’un air victorieux, page i 5 de votre libelle: a C ’est donc
» sans succès que, pour répandre des doutes sur la véracité d ’une
» adjudication légale, les coupables instigateurs du parasite La» m ad o n , ce mercenaire étranger, lui ont suggéré les dénégations
» qu’il dit avoir consignées dans sa déclaration, parce que n ’étant
» que l’ouvrage de ceux qui abusent de leur ascendant pour en
» faire leur instrument, ce n ’est pas ce témoin , mais bien ses
»
»
»
»
instigateurs qui ont parlé par son organe; que n ’étant que l’écho
de ce qu’ils lui ont d icté, sa déclaration doit d’autant plus être
rejetée, qu’elle est authentiquement détruite par sa signature,
apposée en connoissance de cause à l’acte dont il s’agit. »
Si cela étoit v r a i, monsieur, je serois un faux témoin , et le
tribunal devroit sévir contre moi ; mais qui ne voit que ne pou
vant écarter une déposition qui jette un jour lumineux sur le faux
dont on vous accuse, vous vous efforcez à lui donner une source
impure pour en imposer à vos juges?
Ce sont des instigateurs ( dites-vous ) qui m ’ont dicté celle
déposition ; je n’ai parlé que par leur organe, je ne suis que leur
instrument ; et qui sont-ils , ces instigateurs? nommez-les, mon
sieur; faites-les connoître à la justice, au public? En attendant,
je déclare à la face du ciel et de la terre , que je n ’ai su que vous
étiez poursuivi en faux que lorsque j’ai été assigné pour déposer;
que je n’ai suivi dans ma déclaration que l’impulsion de ma
conscience, et qu’elle contient la plus exacte vérité.
Eh quoi! dans une déclaration relative à un délit emportant
peine afilictive et infamante, j ’aurois été le complice de quelques
A 2
�/
(
4
)
noirceurs méditées contre vous! j’aurois porté un faux témoignage !
N o n , non , monsieur , les faux témoignages , familiers à vos
habitués, me font horreur, et rien nu monde ne sauroit m ’en
gager à blesser mes devoirs : c ’est une justice que me rendront
tous mes concitoyens.
Vous m ’appelez parasite. Cette imputation est plus ridicule que
sérieuse : on sait ce que c ’est qu’un parasite ; et je demande si
cette injure convient à un simple cultivateur, uniquement occupé
des travaux champêtres? Je partage ma journée entre la culture
de mes propriétés et le soin de mes bestiaux ; je ne vais chez,
personne ; je ne sors de chez moi que lorsque mes devoirs m ’ap
pellent ailleurs; je mène une vie aussi retirée qu’obscure. L a
simplicité de mes g o û ts, la médiocrité de mes besoins , mon
défaut d ’éducation et de connoissances, tout me rendroit gauche
dans le rôle de parasite , que vous connoissez mieux que m o i, ou
que connoissent aussi-bien que vous ceux qui vous entourent.
L a crainte et l’espérance attirent chez vous, qui avez de la for
tune, qui êtes puissant, une infinité d’oisifs qui ne savent que
faire de leurs individus, qui se prostituent à vos turpitudes, et
qui servent d'inslrumens à vos iniquités.
D e là les vexations, les v o ls, les faux que vous commettez jour
nellement , et les moyens que vous employez pour en obtenir
l ’impunité.
Je suis, dites-vous, un mercenaire étranger.
Eh quoi ! un citoyen établi depuis quarante ans dans une com
m u n e , où il vit du produit de ses propriétés qu’il cullive, peut-il
être désigné par cette expression que vous voulez rendre avilissante?
Mais est-ce bien vous, monsieur, qui osez l’employer?
Sans doute j’étois étranger dans Pont-Gibaud il y a quarante ans :
mais vous l’étiez aussi. Mon père étoit cultivateur à Lamolhc ; et
le vôtre, surnomme B a g a te lle , était tisserand à Ceissat. Noire
entrée dans Pont Gibaud a été la même. T o u s deux revêtus de
l’habit de cultivateur , nous avons pris du service ; m o i , chez
M . Perol j et vous, chez M . B o u t a r e l - L a g o u r d i n . Notre carrière:
�.......................................................( 5 ) ‘
a été différente: j’ai servi vingt-cinq ans. Avec mes économies ,
le produit de mes sueurs et de quelques spéculations commer
ciales, je me suis procuré un peu d’aisance et une chaumière.
-Toujours occupé de l'agriculture, je mené une vie sobre et labo
rieuse ; et mon fils, qui partage mes rustiques travaux, me fait
esperer qu’il sera le soutien de mes vieux ans , comme j'ai été
celui de son enfance. J’ai enfin conservé l ’estime et l’amitié du
sieur Perol.
Et vous, monsieur, à peine avez-vous servi quelques années :
vous passâtes des ctables de M . Boularel dans son élude; sa bien
veillance développa en vous des talens qui devinrent bien dange
reux après la mort de votre bienfaiteur. Sa veuve vous avoit con
tinué ka confiance; vous ne tardâtes pas à en abuser : profilant de
la foiblesse de cette bonne fem m e, de son inexpérience, oubliant
tout ce que vous deviez à son m a r i , vous l'entraînâtes par degrés
dans vos pièges, vous lui suscitâtes indirectement mille tracas
series, vous la ruinâtes, et enfin vous l’obligeâtes à se retirer à
Clermont avec ses enfans, après avoir arraché à cette veuve, ou
à son fils aîné, une cession de tous les arrérages de cens et autres
droits qui leur étoient dûs comme fermiers de la terre seigneu
riale de Pont-Gibaud.
Devenu nécessaire au seigneur, à qui la veuve Boularel vous
avoit proposé, il vous fit son intendant, son bailli ; vous fûtes
aussi notaire public ; vous fîtes main-basse sur les malheureux
vassaux de la terre de Pont-G ibaud, et vous élevâtes une fortune
colossale sur les débris de celles de plusieurs familles, et notam
ment sur celles des Boutarel.
A u résumé sur cet objet ;
Vous êtes arrivé dans cette commune dans le plus absolu dénûment de tous biens et de toutes ressources; vous n ’avez pu ni dû
être habile à succéder légitimement à personne; vous n’avez fait
aucunes de ces spéculations commerciales, aucunes de ces entre
prises dont les hasards amènent des profits considérables et des
fortunes honnêtes, quoique rapides; personne ne vous a fait l’objet
�C <5 ) ■
de sa munificence, tous vos moyens ont été dans l’état de praticien
de campagne, et ils ont été pour vous si profitables, que, malgré
les dépenses que vous ont fait faire votre immoralité sans bornes
et vos vices sans nombre, malgré tous les procès en matière civile
dans lesquels vous avez succombé, car vous n ’avez toujours réussi
que dans les affaires criminelles ( malgré l’évidence ) , et vous avez
encore aujourd’h u i, en belles propriétés , près de vingt mille livres
de rente; et vous parlez des nouveaux riches, parce que vous con
voitez encore ce que quelques-unes de vos victimes ont pu acquérir
dans de6 spéculations aulorisées par les lois, et publiquement
encouragées. Vous ne pouvez attaquer ces fortunes pour vous les
approprier, comme vous avez fait leur patrimoine , et vous en dé
criez les possesseurs sous le nom de nouveaux riches. A h ! vous
pourriez mieux nous entretenir du mauvais riche; vous aimez tant
à parler de vous !
E n fin , pour combler la mesure de tant de perversités, vous vous
couvrez aujourd’hui du manteau de l’hypocrisie, non pour rendre
( comme le dit un auteur célèbre ) un hommage à la vertu, vous
n ’y croyez pas, vous auriez trop de remords, mais dans la sotte
présomption d’en faire accroire à quelques dupes. Mais la fermen
tation de tant de levains pernicieux déplace à tout moment le voile
dont vous voulez vous envelopper, et vous présentez alors le spec
tacle hideux du faisceau de tous les vices. N o n , vous ne pouvez
ni vous corriger, ni vous masquer.
Revenons. C ’est ainsi que nous avons parcouru, vous, cinquante
a n s , et m o i, quarante de notre existence ; c’est ainsi que nous
sommes parvenus, vous, à une richesse scandaleuse, et moi, à une
honnête médiocrité ; c’est ainsi que vous avez rendu votre nom
fa m e u x , et que le mien a resté dans l’obscurité dont il ne seroit
jamais sorti si vous n’aviez publié contre moi un libelle diffamatoire.
Quoi qu’il en so it, pour couronner le portraitlantastiqueque vous
faites de moi, vous vous écriez encore , page i/| de votre libelle :
« C'est aussi sans succès q u e , pour servir mes délateurs, l’im» posleur JLamadon ose dire que sa signature fut surprise. Ce
�( 7 )
propos, qui ne peut sortir que de la bouche d’un fourbe, esl
d ’aulant plus dérisoire que, d ’une part, l’intelligence personnella
qui sollicita son choix pour être à la tète d’une commune telle
que Pont-Gibaud, dénient son assertion, et que, de l’autre, la
probité sévère et irréprochable de M . l’agent, entre les mains
duquel il appliqua sa signature à mon a c te , est la garantie la
plus formelle du contraire. »
O u i, monsieur, je le répète, M . Sersiron, agent, a surpris ma
signature; il est venu chez moi me présenter une adjudication à
signer : croyant qu’elle ne contenoit que la parcelle de communal
que j’avois réellement vendue, et plein de confiance en M. Sersiron,
que je considérois comme un honnête hom m e, je signai aveuglé
»
»
»
»
»
»
»
ment , et lui remis l’adjudication. Quel fut mon étonnement, lors
que j ’appris quelque temps après, d ’abord par le maire, et ensuite
par la clameur publique, que les deux parcelles du Chambon s’y
trouvoient adjugées aux deux frères Sersiron, et que c e u x - c i, se
disposant à s’en mettre en possession, occasionnèrent dans PontGibaud une révolte, dont les suites aui'oient été fâcheuses, sans
l ’intervention des autorités judiciaire et administrative.
Cette émeute appaisée, plusieurs habitans de Pont-Gibaud se
réunirent chez M . R ougier, huissier; là , on agita la question de
savoir comment on réprimeroit l’usurpation du sieur Sersiron,
et chacun se cotisa p o u r‘ faire les poursuites nécessaires, après
cette assemblée. Par cédule du 2 messidor an 8 , M . Gilbert Ser
siron fit citer L ard y en complainte possessoire, et demanda à être
gardé et maintenu dans la possession de la parcelle du communal
du Cham bon, qui lui avoit été adjugée par l ’acte argué de fa u x;
et par exploit du 29 brumaire an g , M . Gilbert-Annet Sersiron
fit faire à M* Imbert, inaire, un acte instrumentale tendant
l ’abdication ou à la conservation de la parcelle dudit communal
qui lui avoit été adjugée par le même acte.
M . Imbert en référa au conseil municipal réuni en vertu de
la loi, le i 5 germinal an g. M . Sersiron, agent, y assista comme
officier municipal ; il s’engagea en sa présence une vive discussion
�C 8 )
sur celle affaire ; tous les membres du conseil lui reprochèrent
son infidélité : mes reproches furent les plus vifs; je lui donnai
tous les noms que me suggéra mon indignation. Vous m ’avez
trompé, monsieur, lui dis-je avec emportement; vous avez cruel
lement abusé de ma confiance en me faisant signer dans un faux
commis à votre profit et à celui de votre frère : rattachement
que je vous portois, la considération que j’avois pour votre per
sonne, devoient-ils m ’attirer des procédés si noirs de votre part,
et devois-je m ’attendre à me voir déshonoré par vous sur la fin
de mes jours?
Pierre C o u lo n , membre du conseil, qui jouoit dans l’adjudi
cation le rôle d’enchérisseur, aussi mal à propos que m oi, celui de
Vendeur, s’emporta à mon exemple ; il accabla M . Sersiron de
reproches amers.
A tout cela que rcpondit-il? Que si la parcelle adjugée à son
frère n ’avoit pas été mise aux enchères, il n ’en ctoit pas de même
de la sienne. Cependant, confus, consterné, il excita, j’ose dire,
la compassion du conseil, qui, sur la proposition d’un m em bre,
»rrêta qu'on ne donneroit aucune suite à celte affaire.
J’en appelle à tous les conseillers municipaux ; ils sont
tous vivans; qu’ils disent si j ’en impose, si les choses ne
pas passées commc je viens de les raconter.
Eh bien! si j ’avois signé cet acte en connoissance de
comme vous avez l’impudence de l’avancer, me serois-je
encore
se sont
cause,
permis
une sortie aussi vive contre M . Sersiron? n’auroit-il pas cherché
à me confondre devant le conseil municipal? ne tenais-je pas le
langage d ’un innocent, et n ’avoit-il pas la posture d’un coupable?
Si votre acte étoit sincère, monsieur, pourquoi me le présenter
à signer par l’intermédiaire de M . Sersiron ? pourquoi ne pas
venir vous même chez moi, ou m ’appeler dans votre élurle? C ’est
que vous saviez que je ne refuserois pas ma signature h M . Ser
siron; c’est que vous n’ignoriez pas que me défiant de vous, je
ne signerois pas sans le faire lire ( car je ne sais que mal signer
mon nom ) , et (pie celte lecture feroil avorter vos projets.
Pour
\
�< 9 )
Pour mieux cacher voire manœuvre, vous avez amalgamé dans
le même acte des parcelles adjugées à plusieurs particuliers; vous
avez confondu, pour ainsi dire, les adjudicataires : n’étoit-il pas
convenable, n ’é l o i l - i l pas dans l’o rd re, de faire un acte pour
chaque adjudicataire ? C ’est ainsi que l’a pratiqué M . Imberl ;
c est ainsi que l’ont pratiqué toutes les administrations qui ont
fait des ventes à la chaleur des enchères : mais voulant faire
passer frauduleusement à M . Serisron’, votre gendre, à M . Gilbert
Sersiron, devenu pour cet objet voLre'ami, des parcelles de com
munaux qu’ils convoitoient, et qui, quoi que vous en disiez, valent
le double du prix porté par votre acte ( i ) , vous avez imaginé que
les signatures des adjudicataires qui avoient réellement acquis,
corroborroient votre fraude ; voilà pourquoi vous invoquez les
signatures de M M . Alexandre Engelvin , Pierre Coulon et A n tome L a r d y , apposées au bas de votre acte : signatures qui ne
se rapportent qu’aux parcelles de communaux dont ils se sont
rendus adjudicataires par cet acte. Et vous n ’étiez pas retenu par
la crainLe du cri public, tant vous avez d ’effronterie, d ’audace
et d ’habitude des friponneries ; car vous ne pouviez pas vous
flatter qu’on ne s’en apercevroit pas.
A mon tour, monsieur, je m ’écrierai que c’est sans succès que
vous vous efforcez de faire entendre que mes dénégations m ’ont
été suggérées, et qu’elles ne sont que le fruit de l’imposture et
de la iraude; le public ne verra en moi qu’un homme franc et
vrai , même à ses dépens.
,]Non , monsieur, je ne suis ni imposteur, ni fourbe; gardez
ces qualifications pour vous. Commettre des faux , est sûrement
une imposture ; calomnier ceux qui ne veulent pas en être les
complices, est bien sûrement encore une fourberie.
Vous dites, p. i 5 , que je ne suis que l’instrument et l ’écho
de vos délateurs; e t , />. i 5 , que mon intelligence personnelle
(») V o y e z le procès verbal d'estimation des experts , pièces justificatives i
n°. 7.
�c 10 )
sollicita mon choix pour être à la tête de la commune de PontGibaud.
Ces deux assertions sont contradictoires : celui qui devient ins
trument et écho à son préjudice, est certainement un s o t, un
imbécile ; et celui qui a l'intelligence nécessaire pour gouverner
une commune, ne peut ou ne doit être ni un sot, ni un imbécile.
C e n'est pas seulement mon intelligence, c ’est une probité et
une conduite irréprochable qui m ’ont appelé dans les fonctions
publiques; je les ai remplies pendant tout le cours de la révo
lution; je les remplis encore avec zèle et bonne intention.
E t vous, monsieur, depuis quinze ans, quelles fonctions pu
bliques avez-vous remplies? à quelle place avez-vous été nommé?
à aucune , malgré vos intrigues et vos cabales : toujours vous
avez été repoussé ignominieusement; jamais vous n’avez pu obtenir
la moindre marque de confiance. Seulement par surprise vous
fûtes nommé électeur en l’an 4 ; l'assemblée électorale se tint à
T h ie rs ; vous y assistâtes au grand regret de tous les électeurs qui
vous fuyoient de toutes parts; l’on vous voyoit toujours seul r
vous promenant isolément, ne faisant société avec personne. V o tre
âge vous ayant fait nommer scrutateur d ’un bureau, la plupart
des électeurs qui en dépendoient airnoient mieux se passer de
voter que de voter sous vous. V o u s y iules couvert d'opprobre ,
abreuvé d ’humiliation; vous ne pûtes même pas tenir jusqu’à la
fin de la session ; et tous les électeurs se passoient de main ea
main, Pépigramme suivante :
L a. p o m in e p r o d u isit les m alh e u rs de la t e r r e ,
C ’est elle q u i , d i t - o n , pe rd it le p r em ier p è r e ;
Q u i détruisit la paix q u i régn oit dans les c i e u x ;
Q u i souleva la G r è c e , et qui m i t T r o i e en feux.
L a D is c o rd e a u jo u rd ’h u i , dans sa fureur extrêm e,.
V i e n t d ’ user à nos y e u x fin m êm e stratagème.
O n d it q u ’uyant jeté la plus b elle des p o m m e s ,
A v e c l'in scriptio n : A u
plus frifo n
u ts
hommes ,
L e g a y , T . . . et F . . . , ce trio de R o l l e t ,
Se disputoienL le L’r u it , et c h a c u n le youloit*
(
�( 11)
Ils étoient sur le p o in t d ’ensanglanter la scène ,
Quand, un nouveau Paris les c a l m a , n o n sans p eine:
P a i x - là , messieurs , d i t - i l , cessez d ’être ja lo u x ,
L e lot est à vous t r o i s , p a rtag ez entre vous.
O
«
»
»
»
u t r a g e s
con tre
vos
c o n c i t o y e n s
.
« D e s concitoyens qui ne s’ occupent que des moyens de me
nuire , ja lo u x de mon existen ce , et p lus irrités encore , de
ce qu’après m’ avoir ca lo m n ié, dénoncé, et traîné de prisons
en prisons , dans différens départem ens, et successivem ent
dans les réclusions > pendant près de trois a n s, ils n ’ont pu
» détruire la confiance publique dont je jo u is , exercent sur
» ma conduite et mon état la p lus sévère inquisition. E n ¡jo s -
» session de travestir en crime mes actions les p lus e x a c te s ,
»
»
»
»
»
»
»
»
ils ont su scité contre m oi le ministère p u b lic , par une déla¿ion en f a u x , que je pourrois dédaigner ; mais devant à
moi-méme , a mon é ta t, a in si qu’ au public et à ma fa m ille ,
de repousser l’ abominable inculpation qui ne doit son être
qu’à l’ insigne m échanceté qui l’a enfantée, je vais m’en occup e r , et n’em ploîrai, pour y paivenir , que la narration des fa its
et des circonstances qui précédèrent et suivirent l’ acte dont ils
ont f a it le prétexte de leur coupable démarche. »
Voilà , monsieur, l’exode de votre libelle; voici quelques autres
phrases qui y sont éparses.
« Tranquille dans mon a s ile , avec la sécurité qu’inspire
» une conduite sans reproche , j ’ étois bien loin d ’imaginer que
» des ennem is, qui depuis quinze ans ne cessent de me persei> cuter, se fu ssen t permis de me dénoncer pour la cinquièm e
» f o i s , page 10. Je suis d én o n cé, mais par quel intérêt? et
» quel est le m otif de cette in fim e démarche ? C ’ est ce que je
« demande encore à mes délateurs, page 17.
Q u elle est la
» cause de cette délation ? C 'est ce que je ne vois p a s , et que
» tout être impartial n’ apercevra que dans l ’insigne m échanB 2
�( )
» c e të de c e u x qu i n’ ont consulté que l’ impulsion d e la ja lo u sie
» qu i les a nim e, page 18. »
D e toutes ces pompeuses déclamations , vous voulez faire résul
te r, i°. que ce sont vos concitoyens qui vous ont traîné de pri
sons en prisons dans différens départemens ;
2°. Que ces concitoyens sont ceux qui sont aujourd’hui à la tête
de la com m une, et surtout les témoins qui ont déposé contre
vous, d’après la note de votre libelle , page n ;
3°. Que ces concitoyens, ou plutôt ces témoins, ont suscité contre
vous le ministère public par une délation en faux ;
4*. Enfin, que cette délation ne doit son être qu’à la jalousie*
à l’irritation, à l’insigne méchanceté et à l’inquisition de vos dé
lateurs.
Pour réfuter ces propositions, il suffirolt d’observer que toutes
les fois que la justice criminelle a fixé sur vous ses regards, vous,
avez crié, vous avez tonné contre vos concitoyens; cinq fois vous
avez été poursuivi en faux ou en vols, et cinq fois vous avez
publié des libelles, dans lesquels les expressions d’envie, de jalousie,,
de méchanceté, d’injustice, de calomnie, d’atrocité, de persécu
tion, d’inquisition, etc......se trouvent mille et mille fois répétées.
Eh ! monsieur , si vous vous conduisiez en honnête homme, ere
fonctionnaire délicat , vous ne deviendriez pas si souvent la proie
des tribunaux criminels , et vous n’auriez pas besoin de tant de
justifications et de si singulières récriminations.
Il faut cependant vous répondre.
i°. Ce sont vos concitoyens qui vous ont traîné de prisons en
prisons dans différens départemens. C ’est en 1768, autant que
je puis me le rappeler, que vous avez été accusé pour la première
fois d ’avoir commis un faux; il étoit dirigé contre M M . Paty et
Mazeron ; ils le dénoncèrent au procureur du roi de la sénéchaussée
d’ Auvergne : des poursuites furent faites ; elles prenoient une tour
nure effrayante; il falloit en arrêter le cours. Par des protections,
clos bassesses, cl de grands sacrifices à Ma/eron, vous nulcs tout
en usage, vous vîntes à bout heureusement pour vous, et mallieu.--
�( 13 )
reusement pour les autres, de vous soustraire à la juste punition
que vous méritiez.
Cette fois ce n ’étoienl pas vos concitoyens qui vous avoient dé
noncé, c’éloient les parties lésées ; et celte dénonciation étoit
tie n de droit naturel.
En 178g, vous étiez procureur syndic de P o n t-G ib a u d ; vous
surprîtes, comme notaire, une délibération de quelques habitans
de Saint-Ours, contre le sieur Papon , avec lequel vous aviez un
procès; vous fîtes figurer dans cette délibération Jacques T ix ie r ,
procureur syndic de cette co m m u n e, qui n ’étoit pas 4 SaintO u rs, et qui n ’a point signé cette délibération ; vous en envoyâtes
v o u s - m ê m e l’expédition à l'administration du département de
C le r m o n t , pour la faire homologuer , avec une lettre écrite au
nom de Jacques T ix i e r , revêtue de sa signature , que vous y a v k z
apposée vous-même. L e tout ayant été reconnu faux par l’admi
nistration, elle envoya M . l’abbé A u b ie r , procureur syndic du
bureau intermédiaire, pour prononcer votre destitution dans une
assemblée delà com m unedePont-G ibaud, et vous faire remplacer.
D ir e z - v o u s aussi ^que ce sont vos concitoyens qui vous ont
dénoncé pour ( g d é ||t qui fut si bien établi ?
En î j g i , vous commîtes un autre faux relativement à des ré
parations faites au clocher de Pont-Gibaud , par Jean B e l , de
M ont-Ferrand, et M . Gilbert Sersiron , de Pont-Gibaud ; il fut
dénoncé par Jean Bel , qu’il compromettoit ; M . Sersiron vint à
son secours : tous deux appuyés par M . D effou rn ou x, maire, qui
intervint pour les intérêts de la com m une, ont joué les princi
paux rôles dans la poursuite de ce délit; le tribunal le déclara
constant, et vous condamna à vingt années de fers.
Ce jugement fut cassé par le Iribunal de cassation; et le tri
bunal criminel de la Creuse, saisi de la connoissance de ce délit,
vous renvoya sur la seule question intentionnelle, et il n ’y eut
pour vous que trois boules blanches ( nombre indispensable
Ici, c’est Jean B e l, étranger, et M. Sersiron, voire concitoyen,
qui sont vos. défloncialeurs. Si vous entrepreniez de nier que
�C14)
M . Sersiron a figuré dans celte dénonciation , je vous renverrois
aux tribunaux qui vous ont jugé, aux mémoires qui ont été im
primés de part et d ’autre, et aux excès auxquels M . Annct Sersiron,
votre gendre, se livra alors envers son frè re, qu’il alla chercher
chez lui, avec deux pistolets, et auquel il vouloit brûler la cer
v e l l e , pour venger, disoit-il, votre honneur compromis.
Voilà pourtant ce M . Sersiron, dont vous failes aujourd’hui le
plus pompeux éloge, qui étoit alors votre dénonciateur.
Quelque temps après, le tribunal de district ayant eu connoissance de nombre d’actes faux , faits par v o u s, sur les famille#
B o utarel, relativement à des redevances féodales, vous dénonça
au tribunal criminel de Riom : la crainte de succomber sous ce
tribunal vous fit prendre le parti de le décliner; et celui de Mou
lins , chargé de vous juger , ne pouvant se former une entière
conviction, à cause du brûlement de tous les titres seigneuriaux,
et sur votre allégation que vous aviez brûlé les minutes qui auroient
établi votre justification, en conséquence de la loi du 17 juillet
1793 , crut devoir vous renvoyer absous.
Ic i, c’est une autorité judiciaire qui vou% dénonce, vos conci
toyens 11’y sont pour rien.
fit
En lévrier 179^, M . Babeau, second agent d’affaires de M .M o ré,
ém igré, pour se conform er aux dispositions de la loi du 23 août
179 2 , fit à l’administration du district de R io m , la déclaration
de toutes les personnes qui receloient des effets ayant appartenu
à M . M ore; vous figuriez dans cette déclaration : delà , des pour
suites criminelles devant le tribunal de Guéret contre vous et
aulrcs vingt-un particuliers; tous y furent renvoyés absous, excepté
M . B a b ea u , et Sersiron, voire gendre, qui lurent condamnés
chacun à quatre années de fers.
Cette dénonciation est encore étrangère à ve$ concitoyens,
puisqu’elle est le fait seulement de Babeau, homme d ’aüaires de
M . iMoré, et originaire de Marseille.
Enfin, sur la communication (pie 1VT. Gerbeau-Malgane, accu
sateur public à Guéret, donna au tribunal près lequel il exerçoit,
�( i 5 )
lors de la poursuite de celte dernière affaire, de plusieurs lettres
qui lui avoient été adressées par l’administration du district, par
lesquelles vous mandiez, en 179 1, à M . M oré, émigré, que vous
aviez fait décréter cent paysans qui refusoient de payer leurs
cens, que vous les poussiez vigoureusement, et sans relâche, qu’ils
avoient beau s’efforcer de secouer le joug, que vous sauriez bien
les y retenir, et qu’enfin vous espériez le voir rentrer bientôt en
France, les armes à la main, pour vous prêter main-forte, et vous
aider à comprimer les élans que vos concitoyens poussoient vers
la liberté, ce tribunal vous renvoya devant les autorités char
gées de la police générale, et vous fûtes mis en réclusion.
Voilà encore une dénonciation qui émane d ’un fonctionnaire
public et non de vos concitoyens. C e sont pourtant là les affaires,
monsieur , qui vous ont fait traîner de prisons en prisons dans
différons départemens , et successivement dans la maison de ré
clusion ; et aucun de vos concitoyens n ’y figure , si ce n ’est
M . Sersiron , cet estimable agent dont vous dites aujourd’hui
tant de bien.
Vous mentez donc , monsieur ; vous avancez donc une impos
ture , quand vous accusez vos concitoyens de jalouser votre exis
tence , de vous avoir caiomnié , dénoncé , traîné de prisons en
prisons, et d’avoir exercé sur votre conduite la plus sévère inqui
sition : si vous n'en convenez pas, d’autres en conviendront pour
vous, et cela suffit.
Passons à la seconde proposition.
(( C rs concitoyens sont ceuæ qu i sont aujourd’ hui à la té te
» de la commune , et surtout les témoins qu i ont déposé contre
» vous , d'après la note de votre libelle , page n . »
D ’abord il est établi qu’aucun de vos concitoyens ( M . Sersiron
excepté ) n’a de part aux prétendues persécutions que vous dites
avoir éprouvées jusqu’à votre sortie de la maison de réclusion.
E nsuite, les chefs actuels de la commune ( vous désignez sans
doute par là les maire et officiers municipaux ) , ou n’habiloient pas
la commune , ou étoieut trop jeunes pour y remplir des fonctions;
/
�C i6 )
M. Im bert, maire , étoit procureur d e là commune à Saint-Ours;
M M .B outarel frères, conseillers municipaux, liabitoient la Brousse,
commune de Brom ond; M M . Engelvin frères , aussi conseillers
municipaux, demeuroient, l’un à Clerm ont, e t l ’aulreà Rochefort;
enfin M M . Bonjean , Barnicaud et Coulon , aussi officiers muni
cipaux , éloient des enfans qui avoient chacun leur père , et que
l ’on n’ initioit par conséquent dans aucune affaire. Quant à m o i ,
étranger à l'intrigue, ne sachant pas ce que c’étoit qu’une dénon
ciation , et ne connoisssant ni vos am is, ni vos ennemis, je m ’occupois de ma charrue ; et plût à Dieu qu’on m ’y eût toujours laissé !
je ne me verrois pas aujourd’hui dans la dure nécessité de décou
vrir vos turpitudes , pour repousser les diffamations dont vous
voulez me couvrir.
C ’est pourtant nous, à vous entendre , qui -vous avons dénoncé,
calom nié, persécuté , etc.... Abominable et évidente imposture !
M e voici à la troisième proposition.
Ces concitoyens, dites-vous, ou plutôt ces témoins , ont suscité
contre vous le ministère public par une délation en faux.
Où est-elle, cette délation, monsieur ? par qui a-t-elle été faite?
à qui a-t-elle été adressée? quelles sont les personnes qui Font
signée ? et quelles sont celles qui en sont les dépositaires ? Montrezla , cette délation , édifiez les tribunaux et le public. Quoi ! toujours
des allégations vagues, des imputations générales! jamais de faits
positifs, de circonstances détaillées! En vous défiant de citer le
moindre trait qui puisse donner même l’ombre du soupçon à votre
indécente accusation , nous allons en rapporter , nous, qui la con
fondront , qui l ’anéantiront :
i°. D u nombre des témoins sont M M . Im b e rt, m aire, Etienne
Bonjean et Pierre Coulon, officiers municipaux. Ils éloient présens
lors de la scène qui cul lieu en plein conseil m unicipal, le i 5 ger
minal an 9 , cl où il fut convenu qu’on ne donneroit aucune suite
à cette affaire. Quelle apparence qu'après avoir pris un parti aussi
pacifique, ils aient ensuite attiré sur vous les regards sévères de la
juslice par une dénonciation ? S ’ils avoient eu celle intention ,
n ’auroient-ils
�C 1 7 '9
n ’auroient-ils pas préféré de profiter de la juste! indignation du
conseil pour investir le tribunal de ce délit par un arrêté en forme?
L e silence qu’ils ont gardé alors exclut, nécessairement toute idée
de dénonciation ultérieure.
'
’• 1
; dih
•
a0. M . Im bert, m a ire , reçoit une lettre du procureuf général
impérial, en date du 4 thermidor an 12 , par laquelle il l’invite à
lui donner, sur votre moralité /com m e notaire, tousllesi reiiseignemens qui sont à sa connoissance, et le requiert, en tant que de
besoin, en vertu de l’arlicle 588 du Code des délits et desipëifies,
de remettre au juge de paix , à qui ili adressa une commission
rogatoire, l ’adjudication arguée de faux,, e t l’acte instrumèntaire
signifié à la requête de votre gendre.
-i;
; • ;1
M . Imbert ne pouvant se dispenser d’obéir aine ordres! dü pro
cureur général impérial , remet ces deux pièces au jugci de paix ,
qui lui en laisse copie collationnée ,'et mande au procureur général
qu’étant notaire, il craindroit de blesser:saidélicatessc! en donnant
des notes sur la moralité d ’un deses’ confdèrei^iet qu’il croitdevbir
s’y refuser. ( V o yez les deux lettres aux pièces'justificatives, n®*. 1
et 2. ) D e ces deux lettres on doit tirer deux inductions : là' pre
m ière, qu’avant le 4 thermidor an 12', date de celle‘du procureur
général, M . Imbert n ’avoit pàs> suscité contre H’ouü le ministère
p u b lic , puisque ce fonctionnaire lui demande sousjeisècrety et
des notes sur votre moralité, et la remis© desiideux pièces' en
question;
1
i
Et la seconde, qu’il l’auroit d’autant moins;suscité,. que le: pro
cédé répugnoit à sa délicatesse ; il a refusé de satisfaire aux"désics
de M . le procuréur impérial, po,ur ce qui ne lui étoit pas rigou
reusement commandé par scst’dcvoirs.-m
.'ni .'<» f r- !'(.
5°. Indépendamment de la commission>rogiitoii?e et de>la lettre
qui l’accompagnoit, M . Jérôme Boutarel', juge .de .^aix,> reçoit
de M . le procureur général successivement deux lottres
par les
quelles il lé charge'de iluindoimer.idea- iiçtàilsl bien; circoristanciés
sur votre moralité.
- . «! ; ■
>; u : - : i xi!? V t 1: ;iln Mif
•>
Gc parti lui répugne; il-réfléchie/ils é consulte.M.>
après
C
�( 18 )
avoir examine le tout avec sa prudence ordinaire, pense que le
juge de paix doit obéir à son supérieur: toutefois il hésite; et
aux risques de manquer à son devoir , il borne enfin sa mission
à la remise pure et simple des deux pièces qu’il avoit retirées des
mains du m aire, sans lettre explicative et sans aucun renseigne
m en t de sa part.
V oyez la commission rogatoire, et les trois lettres qui l’ont
accompagnée et suivie, aux pièces justificatives, n°\ 3 , 4 > 5 et 6.
M . le procureur général, qui dans cette affaire a rempli ses
devoirs avec zèle, pourroit s’étonner de voir divulguer ses lettres;
mais il excusera quand il fera attention que , d’une part, l’affaire
étant devenue publique par la promulgation dé votre libelle, le
k secret devénoit inutile; et q u e , de l’autre, les prévenus ayant
échappé à la justice , il n’importoit plus de cacher une mesure qui
ne pouvoit avoir aucun effet ultérieur; qu’au surplus, M M . Imbert
et ¡Boutarel ne pouvoient. garder le silence sans s’exposer ù laisser
-planer sur leurs têtes les soupçons de dénonciation
que vous
insinuez dans votre libelle avec autant de perfidie que de fausseté.
4°. M . Im bert, m a ire , reçoit, le a 5 thermidor an 12 , de la
part de M . Sersiron , médecin , un second acte instrumentaire ,
par lequel il est assigné, au délai de l’ordonnance
devant le
tribunal de première instance d e R io m , pour ^roir dire et ordonner
ique faute par lui d ’avoir déterminé la portion du communal du
C h a m b o n , dont l’adjudication lui fut faite par l’acte du 24 plu
viôse an 8 , cette adjudication demeureroit nulle et comme non
avenue.
Comme il auroit fallù développer au tribunal les motifs de cette
adjudication , et lui donner par conséquent la connoissance d’un
faux, de peür que M . le procureur impérial ne prit des conclusions
à cet égard, M . Imbert aima mieux garder le silence et s’exposer à
éprouver un défaut; en conséquence il retint l’exploit, et ne s’est
présenté qu’après la déposition des témoins dans votre affaire.
Cette attention est une nouvelle preuve que non-seulement il ne
voua a paâ dénoncé , mais qu’çncore il vouloit vous éviter de l'être»
�C 19 )
Il reste à justifier M M . E ngelvin, F ru n e f, Iîcrvîer et L a r d y ,
qui ont encore déposé contre vous ; mais comme vous ne les accusez
pas sérieusement d ’être vos dénonciateurs, et qu’il ne viendra à
1 idée de personne de soupçonner qu’ils ont joué ce rôle à votre
é gard , ce seroit prendre une peine inutile et se livrer à des repe
titions , que de faire valoir des moyens pour leur justification : ils
se borneront donc à vous défier d ’établir vos allégations contre eux.
A insi, la troisième proposition ne vous a pas mieux réussi que
les deux autres : voyons s’il en sera de même de la quatrième.
4*. Cette délation ne doit son être qu’ à la ja lousie , à l’ irrita
tio n , à l ’insigne m échanceté, et à Vinquisition de v os délateurs.
S ’il n’y a pas d’effet sans cause , il n ’y a pas non plus de cause
sans effet.
J’ai démontré que la délation dont vous vous plaignez n ’existoit
que dans votre imagination ; il doit donc demeurer aussi pour cons
tant que les motifs que vous leur attribuez ne partent que de la
même source.
Il me suffira donc , monsieur , pour pulvériser la quatrième
proposition , de faire les observations suivantes , qu’on démon
trera ci-après vous être applicables.
Les jaloux sont ceux qui convoitent et se procurent per f a s et
ftefas le bien d ’autrui ; les irrités sont ces petits tyrans qui se
livrent à des excès quand ils rencontrent des obstacles à l’exercice
de leur tyrannie ; les insignes méchans sont ces êtres qui ne jouis
sent que dans le crim e, qui vexent, qui tourmentent leurs con
citoyens , qui ruinent et qui plongent dans la miscre les veuves et
les orphelins ; les inquisiteurs enfin sont ces impérieux baillis qui
mettent le nez dans toutes les affaires , qui troublent la paix des
familles, qui dérobent leurs titres, et qui s’en font des m oyens,
ou pour se faire des partisans , ou pour exercer des vengeances.
A ce propos il est bon de rapporter ici, qu’informé de la teneur
des dépositions ( c a r , s’il faut vous en c ro ire , on vous donne
connoissance de tout , puisque vous avez dit à M . Bonjean , le
jour qu’il alloit déposer pour la seconde fois , que dès ce même
C a
�(
20
)
soir vous sauriez ce qu’il déposeroit ) ; qu’in fo rm é , dis-je , de la
teneur des dépositions de M M . Hervier et Prunet, irrité de ce
qu’ils avoierit déposé à votre charge, vous défendîtes l’entrée de
votre maison au premier, un jour qu’en sa qualité de messager
il vous reméttoit des lettres, et vous exerçâtes dès le lendemain
d e s poursuites rigoureuses contre le dernier pour quelque créance,
et vous le forçâtes à vendre un petit jardin , seule propriété qu’il
avoit à Pont-Gibaud , pour arrêter les frais dont vous menaciez
de l’écraser.
Précédemment, et le jour que François L ardy fut assigné pour
aller déposer, vous lui remîtes d ’office et gratuitement une infor
mation que vous aviez faite avant la révolution à sa requête, contre
François M o y , qu’il n ’avoit jamais pu arracher de vos mains, parce
que vous lui demandiez 3o fr. Il fut même assigné sous le nom
de L a b o n n e , huissier, en payement des frais.
' Ces petites manoeuvres prouvent, monsieur, votre habileté à
exercer des vengeances, et à suborner des témoins.
N ’ayant pas pu y réussir , vous avez imaginé de les désigner
comme vos dénonciateurs, afin d ’affoiblir et de rendre suspectes
leurs déclarations ; mais le public saura apprécier ce m anège, et
reconnoitra la vérité à tra\ers les nuages dont vous cherchez à
l ’envelopper.
Je finis ce chapitre , monsieur , par une réflexion toute simple;
c’est que vous n ’avez d’ autres délateurs que vos crim es, d’ aulre
censeur que votre conscience, et d ’autres persécuteurs que vos
rem ords, s’il est possible que vous ne soyez pas encore parvenu
â ce degré de dépravation qui en étouffe les accens.
Je dois pourtant encore faire remarquer une différence de con
d uite entre vous et ceux que vous associez aux calomnies de -votre
m ém oire, et celle des personnes avec lesquelles je publie le mien.
Vous avez é c r it, imprimé, répandu votre libelle dans le secret,
et avec les précautions de la perfidie et de la lâcheté. Vous ne
l’a v e z , dans le cours de l ’instruction , présenté qu’à vos juges et
à vos. afïidés; et n o u s, nous signons le nôtre ¿nous le distribuons,
�C
21
)
ouvertement ; nous vôus défions avec toute publicité : on jugera
de quel côté est la franchise, et par conséquent la confiance et
la vérité.
M
ensonges
A
la
Justice.
Vous avez rapporté à votre manière, monsieur , les faits et les
circonstances qui ont précédé et suivi l’acte argué de faux, l ’our
éviter des longueurs, je ne transcrirai pas ici votre narration ; mais
j ’en vais faire une à mon to u r, et puis je réfuterai tous les argumens que vous avez tirés de la vôtre.
En exécution d'une loi du 4 prairial an 7 , M . Sersiron , agent,
fait procéder par les sieurs Bouyon et Villedieu , à la division,
plantation de bornes, et estimation des parcelles de communaux
qui devoient être vendues. L e procès verbal qui contient ces opé
rations est du 5 brumaire an 8.
A peine a-t-il été remis à M . Sersiron, qu’il s’assiste de v o u s,
monsieur, et de M M . Boutarel frères, Imbert, Engelvin aîné et
Bonjean , pour aller déterminer les usurpations faites sur les com
munaux par différens particuliers, et faire choix d’un local pour
changer le cimetière qui étoit compris au nombre des parcelles
de communaux à vendre. Arrivés sur le chemin appelé les QuatreChemins, près de la butte de l’église vieille , quelques assistons
observent que l’alignement du Chambon est très-mal fait ; qu’en
le dirigeant de l ’angle saillant du pré de M . Sersiron à l'angle
su d de celui de 1VT. Barnicaud , il seroit plus régulier, offriroit
plus de terrain à vendre , et augmenteront les ressources de la
commune. On observe encore q u e , pour faciliter la vente du
cimetière, et la rendre plus profitable à la commune, il importe
de le diviser en trois lots. Ces observations sont accueillies ;
M . Sersiron, agent, invite M M . Boutarel a în é , et Imbert, à
procéder aux opérations proposées , tandis qu'il visitera avec
M . Boutarel cadet les parcelles de communaux usurpées : là dessus
l’on se sépare.
L e lendemain M M . Boutarel et Imbert, assistés de M . Bonjean,
�( 22 )
vont diviser ce cimetière ; ils se transportent ensuite au Chambon
pour faire un nouvel alignement. Arrivent les deux frères Sersiron ; vous, monsieur, M . Engelvin aîné et autres. On fait faire
à M . Barnicaud, qui avoit usurpé sur le C h a m b o n , plusieurs
propositions qu’il rejette. Enfin on passe à l’alignement ; un plan
géométrique des lieux est levé par M M . Boutarel et Imbert ; ils y
tracent la ligne qui doit séparer du Chambon le terrain à vendre,
et le divisent en deux parcelles, de la contenue, l’une, de 87 toises,
et l’autre, de 900 toises.
L e 21 pluviôse suivant, M . Sersiron , agent, procède aux ventes
à la chaleur des enchères ; M . Imbert est chargé de recevoir les
adjudications , et plusieurs parcelles de communaux , et notam
ment celles du Clapier, sont adjugées.
L e 23 du même mois, M . Sersiron, agen t, vient chez M . Bou
tarel a in é , où est appelé M . Imbert. Il expose que les fonds pro
venant de la vente des communaux sont destinés à différentes
réparations, et surtout à l’établissement d'une fontaine; qu'il en
a conféré avec son fr è r e , qui lui a offert la source appelée la
Font-Blanche, placée dans un pàcher de son domaine de Madrat,
à condition que la commune lui cédera la parcelle de communal
du Chambon , contenant 900 toises. M M . Boutarel et Imbert
objectent q u e , pour examiner le mérite de cette proposition , il
importe de la communiquer aux principaux habitans de PontGibaud. En conséquence , vo u s, monsieur , les deux frères Ser
siron , Boutarel aîné, Imbert et Engelvin aîn é, se réunissent; ils
■vont visiter la source de la Font-Blanche. Dans les allées et venues
il y a plusieurs pourparlers: on émet plusieurs opinions. Enfin l’on
se rassemble chez M . Sersiron, médecin.
L 1 il est convenu que, si la source est reconnue suffisante ,
M . Sersiron la cédera à la commune pour 800 francs, et la partie
de son pré de Derrière-Ies-Murs, nécessaire pour élargir le chemin
qui conduit à la prairie, à raison de 5o sous la toise, et qu à
cette considération la commune lùi donnera on échange la par
celle du communal du Chambon , contenant 900 toises , pour
K>5o francs.
�( 23 )
Pour reconnoitre la suffisance ou l’ insuffisance de cette source,
et déterminer la largeur et la direction du chemin tendant à la
prairie, on s’en remet à l’examen de M . Engelvin cadet ; et comme
il étoit à Paris , il est arrêté qu'on suspendra jusqu’à son retour
la vente dos deux parcelles du communal du Chambon.
L e lendemain 24 pluviôse , M . Sersiron procède à la vente des
parcelles de communaux du Château-Dauphin , de la Cheirc du
Dauphin , et de la Peirière, qui n’étoient pas encore vendues ; il
vous charge, monsieur, de recevoir les adjudications. Cinq par
celles sont successivement adjugées à Antoine L ard y , Jean-Baptiste Engelvin, Pierre Coulon, et Jacques Sioly, enchérissant pour
vous, monsieur , puisque postérieurement il vous a subrogé à son
lieu et place.
M . Sersiron quitte l’écharpe, et me la re m e t; alors j’adjuge
une autre parcelle d e là Cheire du Dauphin à M . Sersiron, votre
gendre. A u lieu de faire autant d'actes qu’il y avoit d’adjudica
taires , vous n ’en faites qu’un seu l, sans doute pour vous mé
nager les moyens d’exécuter le projet que vous aviez formé. Pour
peu qu’on, y réfléchisse , on se convaincra que vous aviez des vues
ultérieures ; car vous ne pouviez ni ne deviez confondre les adju
dications, d’abord parce que les vendeurs n ’étoient pas les mêmes,
ensuite parce qu’il imporloit que chaque adjudicataire eut un titre
de propriété séparé. Quoi qu’il en s o i t , il ne fut nullement ques
tion des deux parcelles du communal du Chambon; elles ne furent
ni mises aux enchères, ni adjugées : elles n ’avoient même pas été
affichées.
Quelques jours après ces adjudications, vous vous transportez
dans la chambre où se tenoit alors la mairie ; vous y rencontrez
M . Im bert, vous lui en témoignez votre satisfaction, et vous lui
communiquez un projet de délibération des habitans de PontGibaud , contenant adjudication pure et simple de leur part , et
de celle de M . Sersiron, agent, en faveur de M . Sersiron, mé
decin , votre gendre, de la parcelle du Chambon , contenant
9 ° ° toises, moyennant i 35o francs, sans aucune mention de la
source»
�C 24 )
À cette communication, M . Imbert vous observe que ce projet
est illégal et contraire à la vérité; illégal d ’abord , en ce que l’in
tervention du corps commun des habitans de Pont-Gibaud est
prohibée par la l o i , puisqu’il ne peut se réunir que pour les objets
autorisés par la constitution de l’an 3 , ensuite en ce que la loi
du 4 prairial an 7 charge l'agent seul de procéder aux adjudi
cations ;
E t contraire à la vérité, parce q u e , i°. il ne contenoit qu’une
adjudication pure et simple en faveur de votre gendre, tandis que
celui-ci devoit céder à la commune sa source de Font-Blanche ,
et quelques toises de son pré de Derrière-les-Murs pour élargir le
chemin ; 2 . parce que cet échange étoit subordonné à la certitude
que la source seroit suffisante pour abreuver la commune, et que,
pour l’acquérir, cette certitude , il falloit attendre le retour de
M . Engelvin , qui étoit encore à Paris.
5°. Que si elle étoit reconnue insuffisante, M . Sersiron , mé
decin , auroit, contre le vœu et l’intérêt de la commune, un titre
de propriété de la parcelle du communal en question.
4°. Que n ’ayant pas été mise aux enchères ni adjugée , vous
compromettriez votre délicatesse et votre ministère.
Sur toutes ces observations, vous pliez votre projet, en déclarant
à M . Imbert qu’il étoit plus prudent que vous ; vous promettez de
ne point faire d ’acte, et vous vous retirez.
M . Engelvin arrive de Paris en ventôse an 8 ; on lui fait part
des arrangemens projetés ; il se transporte avec M . Boutarel, juge
de paix , et M . C h a p u s, artiste hydraulique , â la source de la
Font-Blanche, et tous trois reconnoissent unanimement qu’elle est
insuffisante, et que la commune feroit inutilement des dépenses
considérables pour la conduire à Pont-Gibaud.
En messidor an 8 , M . Sersiron , agent, eavoie ses domestiques
pratiquer un fossé pour englober dans son pré des Prades la parcelle
de communal du Chambon , contenant quatre-vingt sept toises ;
les Lardy s\-n aperçoivent et vont les chasser. M . Sersiron va se
plaindre au juge de paix , et lui demande une cédule pour faire
citer
�( 25)
citer les L ardy devant lui en complainte possessoire. M . le juge
de paix lui représente que n ’ayant pas acquis cette parcelle de
communal, les Lardy ont eu raison de l’empîcher de s’en emparer,
et que les poursuites qu’il entend exercer contre eux ne peuvent
que tourner contre lui. M . Sersiron insiste ; il allègue qu’il a un
titre; qu’il le communiquera en temps et lieu ; qu’il entend le faire
valoir, et que le juge de paix ne peut pas lui refuser la cédule
qu’il demande. Craignant de compromettre son ministère , le
juge de paix l’accorde ; le 2 messidor an 8 , elle est signifiée aux
L ard y : ils crient à l’usurpation des communaux du Chambon.
Plusieurs habitans de Pont-Gibaud se réunissent chez M . Rougier,
huissier, et se cotisent pour s’opposer judiciairement à cette usur
pation. L e jour que devoit se tenir l’audience indiquée par la
cédule , ils se transportent en foule chez le juge de paix , qui est
obligé de requérir la force armée. M . Sersiron ne vient pas à
l ’audience ; il ne continue pas son entreprise , et les choses en
demeurent là. M . Sersiron n’ayant pas produit son titre, le juge
de paix , comme les habitans de Pont-Gibaud , croyant que c ’étoit
une usurpation qu’il vouloit commettre, et contens de l ’avoir em
pêchée , ils ne songent plus à cette affaire.
Sur ces entrefaites , et en thermidor an 8 , M . Imbert est nommé
maire. Son premier soin est de vérifier encore si la source de la
Font-Blanche peut remplir l'objet de la commune. Il appelle
M . Bonin , artiste hydraulique de Riorn ; il va vérifier la source
avec lui et M . Paty , adjoint, et pour la seconde fois elle fut re
connue insuffisante.
D e là la nécessité de renoncer à l’échange projeté. Cependant
quelque temps après, M . Sersiron, a g e n t, lui remet les papiers de
la mairie. Quelle est sa surprise de rencontrer dans l’acte du 24 plu
viôse , les deux parcelles du communal du Chambon , que l’on
prétend vendues par moi , enchéries par Pierre Coulon et Jérôme
Boutarel , juge de paix, et adjugées aux deux frères Sersiron.
Il
me fait appeler, ainsi que le juge de paix et M . Bon je a n , à la
mairie: il nous communique cet acte. Notre surprise est plus grande
D
�C 26 )
encore que la sienne, et tous quatre nous nous livrons aux p é -'
nibles réflexions que nous inspire l'existence de cette frauduleuse
adjudication.
L e 29 brumaire an g , M . Sersiron, médecin, fait signifier au
maire un acte instrumentaire. Le maire le communique au conseil
municipal le 1 5 germinal an 9 : à cette séance se passe, entre M . Ser
siron , Pierre Coulon et m o i , la scène que j’ai déjà rapportée. L e
conseil prend le parti de ne pas donner suite à cette affaire; et
long-temps après, c’est-à-dire, le 14 frimaire an i 3 , je ne suis
pas peu surpris de me voir assigné , à la requête du procureur
général, pour porter témoignage. Je dépose en mon âme et cons
cience ; je déclare que je n ’ai pas adjugé aux deux frères Sersiron
les deux parcelles du communal du Cliambon , et que si ma signa
ture s’y trouve apposée au bas de l’acte qui les leur adjuge, c’est
qu’elle m ’a été surprise par M . Sersiron , agent, comme l’apposant
à l’acte de l ’adjudication que j’avois réellement faite.
V o ilà , monsieur, ce qui s’est passé : tout est sincère, tout est
vrai dans ma narration ; j’en appelle à tous les habitans de PontGibaud : qu’on les interroge les uns après les autres, je les défie
tous de me donner un démenti.
Vous voyez, monsieur, que mon récit est différent du voire»
Selon le m ien, les deux parcelles de communaux du Chambon
ont été faussement adjugées aux deux frères Sersiron, par votre
acte du 24 pluviôse an 8.
Selon le vôtre, la parcelle adjugée à M . Sersiron , votre gendre*
l ’a été en vertu d’une délibération prise par plusieurs habitans de
Pont-Gibaud, par suite de l'échange projeté.
Et celle vendue à M . Sersiron, agent, a été réellement mise
aux enchères, et adjugée le 24 pluviôse an 8.
Je vais successivement parcourir, et succinctement réfuter les
raisons que vous faites valoir pour établir ces deux assertions.
Voulant procurer une fontaine à P o n t-G ib a u d , dites-vous,
» page 2, les principaux habitans proposèrent au sieur A n n e t
» bersiron, officier de santé’, de céder à la commune la fontaine)) qu’il a dans un pdcher a p p elé de JYIairat« »
�.
( 27 \
Ce ne sont pas les principaux liabitans de Pont-Gibaud qui ont
fait cette proposition à M , Sersiron, médecin, mais bien M . Ser
siron , médecin, qui l’a faite à son frère, qui l’a communiquée
d ’abord à M M . Imbert et Boutarel aîné, et ensuite à vous et à
M . Engelvin aîné.
Page 3. « L e s sieurs B ouyon et V ille d ie u , ex p erts, estimèrent
» les d eu x parcelles du Chambon , à raison de vingt-cinq sous
» la toise. »
Vous vous trompez, monsieur, ou plutôt vous en imposez; car
cette observation a un but perfide, comme je le démontrerai plus bas.
Un premier alignement avoit été fa it; il en résultoit que les
deux parcelles distraites du Cham bon, contenoient, la grande,
756 toises, et la petite, 75 toises, qui furent estimées par les
experts à raison de cinquante sous la toise; savoir : la grande,
1890 f r . , et la petite, igo francs.
Par le second alignement, la contenue fut portée, celle de la
grande, à 900 toises, et celle de la petite, à 87 toises : vous en
avez fait vous-même, par additions et ratures, les changemens
sur le rapport des experts, qui vous fut remis pour la rédaction
de votre acte. Mais ce qui paroît singulier, c ’est qu’au lieu
d ’augmenter de même l’estimation, vous l’avez considérablement
réduite, puisque la grande n ’est plus évaluée qu’à 890 f r . , et la
petite à 100 fr. Pourquoi cette réduction ? Etoit-ce pour prouver,
comme vous l’avez prétendu, que le terrain ne valoit pas vingtcinq sous la toise ? En ce cas il falloit, ou changer le rapport des
experts, de manière que ni vos ratures ni vos additions ne pussen t
se reconnoître, ou, si cela ne se pouvoit pas, garder le rapport des
experts, puisque vous le teniez, et le reléguer dans l’oubli jusqu’à
un temps opportun pour le reproduire : au lieu de cela , vous
changez, vous raturez, vous augmentez ce rapport de votre main,
et vous le remettez ainsi défigure aux autorités. Quelle mal
adresse! Comment ces circonslances^ont-elles échappé à vos juges?
« L e s ventes furent continuées devant moi , en remplacement
» du sieur Imbert, »
D 2
�C 28 )
Pourquoi ce remplacement? on ne remplace, on ne doit rem—*
placer que les absens et les démissionnaires, et M . Imbert n’étoit
nî l’un ni l’autre; mais il falloit l’écarter pour l’exécution de vos
projets ultérieurs : c’étoit un fonctionnaire trop délicat pour y
prêter la main. M . Sersiron, mû sans doute par vos hypocrites
insinuations, crut devoir vous faire continuer les ventes.
M ême p^ge. « D a n s le cours des adjudications, le sieur S e rv siron, a g e n t q u i se proposoit de devenir acquéreur dans les
V portions qui restoient à vendre , se dépouilla de l’ écharpe
)) qu il remit à Guillaum e L am a don, son a d join t, leq u el, en
» cette qualité, présida la séance jusq u’ il sa dissolution. »
L e fait est vrai , j'ai pris l’écharpe de la muin de M . Ser
siron, et l’ai gardée jusqu’à la dissolution de la séance ; mais je
n ’ai vendu qu’une seule parcelle de communal, c’est celle de la
Cheire du Dauphin, adjugée à votre gendre, et qui forme la
sixième de l’acte du 24 pluviôse an 8 . C ’est donc à tort que vous
avancez, p. l\ : « O n passa à la septièm e, qui se rapportoit à la
» plus fo ib le de celles q u i devoient être distraites du commu» nal du Cham bon, la q u e lle , étant mise a u x en ch ères, f u t
» adjugée, avec les mêmes solennités que les précédentes, au
» sieur S e r s ir o n a g e n t,, moyennant trente sous la toise. »
Encore une fois, cette parcelle n ’a point été mise aux enchères,
et je ne l’ai point adjugée à M . Sersiron, agent; j’en atteste tousceux qui formoient l’assemblée, et notamment M M . Jingelvin,
Coulon et L a r d y , qui ont signé votre acte; Jacques Sioly, qui a
été adjudicataire; les enchérisseurs, et M . ITervier, qui faisoit les
fonctions de crieur.
Même page. « Cette adjudication f a i t e , il ne restait que la
»
»
»
»
v
»
portion de ce communal destinée h l’ échange qu’il s’ agissoit
de consommer avec le sieur Sersiron , officier de sa n ie , et
q u i, par conséquent, pouvait d'autant moins etre soumise
a u x enchères, qu’ elle lu i étoit déjà assurée par un précédent
marché duqtn-1 Vexécution inléressoit s i essentiellem ent la
commune, que c’éloit l’ utilité de la fontaine dans son s e in ,,
�( 29 )
» q u i civoit f a it le m o tif de la lo i qu i aatorisoit la 'vente des
» communaux. »
Vous vous appesantissez, monsieur, sur rétablissement de la
fontaine, et vous cherchez à faire entendre que pour le former
on devoit passer par-dessus toute considération. Sans doute cette
iontaine étoit une des principales améliorations que la commune
avoit eu en vue dans la vente de ses communaux ; elle y étoit
u tile , mais non pas d’un besoin indispensable : la commune s’en
est passée pendant mille ans, et elle s’en passera bien mille ans
encore. C e n ’étoit donc pas le cas, pour la crcér, de faire de
grands sacrifices, et surtout d ’employpr des moyens désavoué^
par la raison et l'honneur. D ’ailleurs , qu’on lise la délibération
qui a précédé la loi du 4 prairial an 7 , et l’on verra que, pour
la création de cette fontaine, la commune n’entendoit que prendre
des arrangemens avec 1rs propriétaires de la fontaine du Château.
Ma is passons; vous continuez :
«
«
»
»
« D e manière qu êta n t moins question de ■'vente que d'un
échange avec le sieur Sersiron , il ne s’ agissait que de s’ en
occuper; mais le sieur Sersiron , a g en t, observa que la lo i
étant muette sur la fa c u lté des éch a n g es, il y aurait du
danger à s ’y exposer. »
Non-seulement je n’ai pas entendu faire cette observation pi^r
M . Sersiron, agent, mais encore j ’affirme qu'elle n ’a pas été faite.
Passons encore.
Vous ajoutez : « Cette d ifficulté m ise en délibération entre
» les a g en t, adjoint, les sieurs sin n et P a ly , sln n et Sersiron,
» Jérôme B o u la rel, Pierre C o u lo n , et autres habitons qu i se
» trouvoient à mes cô tés, il f u t arrête qu e, pour obvier à cet
>
■
> inconvénient, on feroit au sieur ¿in n et Sersiron une adju» dication de concertt sa u f à lu i ¿1 fa ire de suite à la commune
}) la vente des objets q u i l devoit lu i céder. »
Quelle fable, monsieur ! Quoi ! cinq particuliers , du nombre des
quels sont les deux frères Sersiron , se seroient avisés de concerter
une adjudication qui étoit tout à la fois illégale et contraire aux.
conventions arrêtées chez Yotre gendre!.
�( 3°
)
Savoir, que la vente de ces communaux étoit subordonnée à
l ’examen de la Font-Blanche par M . Engelvin. M M . P a t y , Jérôme
Boutarel , Coulon et L a m a d o n , dira-t-on , n ’ayant pas assisté à
la réunion faite chez votre gendre , ignoroient ces conventions.
Soit ; mais vous , monsieur, vous les connoissiez ; mais les deux
messieurs Sersiron les connoissoient aussi ; et vous n ’éclairiez pas ces
quatre citoyens, ainsi que les autres habitans qui se trouvoient à
-vos côtés! et vous les induisiez en erreur ! et vous leur fîtes prendre
un arrêté subversif de ces conventions ! et vous participiez tous
trois, en connoissance de cause, à cet arrêté erroné ! Quelle in
conséquence, ou plutôt quelle indignité!
A u reste, pour exécuter ce bizarre a rrêté, M . Sersiron étoit
tenu de vendre de suite à la commune les objets qu’il devoit luì
céder. Où est-elle cette vente? Pourquoi ne la fit-il pas alors, et pour
quoi est-il encore en demeure de la faire? Comm ent! il se faisoit
faire un titre de propriété par la commune, et ne lui en assuroit
pas un à son tour ! Si celte adjudication a voit son effet, la com
mune ne réclanieroil-elle pas vainement la cession de la FontBlanche? lui ou ses enfuns ne pourroient-ils pas refuser de la
faire?
Mais c’est trop long-temps combattre une chimère : cet arrêté
n’ a pas été pris; M . fioularel et M . Coulon l’ont déclaré dans
leur déposition. Je le déclare ici , et j ’ajoute que M . Paty étoit
le 24 pluviôse à C lerm ont, où je le rencontrai.
Quant aux autres habitans qui étoient à vos côtés, quels sont-ils?
nommez-les ?
Même page. « Cette proposition adoptée , le sieur A n n et
» Sersiron prétendit qu'attendu que le terrain qu i lu i étoit des
ìi tin é en indem nité de ses propriétés, n’ aroit é té estim é que
)) vingt-cinq sous la to is e , il ne devoit pas l’ acquérir à un
» plus haut p rix . »
Cette prétention ( si M . Sersiron l’avoit élevée ) auroit été d au
tant plus ridicule, ([uc , d ’une part, les experts avoient estimé le
terrain 5o sous la toise, cl que, de l’a utre, s ii avoit été mis aux
�'
C 31 )
enchères, il se serolt vendu au moins 4 fr* ta t°ise » en juSer
par les sommes dont le prix des autres parcelles dépassoit l’esti
mation. Oui , toutes l’ont dépassé , les unes de moitié, les autres
du double, les autres du triple, etc. Et vous 11e l’avez vendu que
5o sous la toise.
»
»
»
»
Vous continuez, page 5 : « Pierre C o u lon , qu i prit Vintérêt de
la commune , par une enchère sur le terrain , lu i prouva qu’ il
ne pouvoit résister ci Vadjudication qu i lu i en étoit déférée au
p rix convenu; que le bien de la commune l’ e x ig e o it, et qu’ il
devoit s’y prêter. »
Quelle violence il vous a fallu faire , M . Sersiron ! que vous
deviez en vouloir à ce Pierre C o u lo n , qui vous faisoit. éprouver
une contestation si déraisonnable ! En vérité , si la réputation de
Pierre Coulon n ’éloit pas fa it e , et si surtout il n’étoit pas déniontré que ce combat ne gît que dans la féconde imagination de
votre beau-père, on pourroit vous appliquer la scène de ces deux
garçons, qui se disputoient pour escamoter à un cordonnier des
souliers et des boucles d ’argent.
A u bas de la page 5 , on trouve la note suivante : « L a séance,
» ainsi que la vente des com m unaux, étant sur le déclin , il
» ne restoit alors que peu de personnes à Vassemblée. »
Ici paroît le bout de l’oreille. Ne pouvant pas étayer vos allé
gations de quelques déclarations, vous en attribuez la cause au
peu de personnes qui restoient il l’assemblée. Si vous aviez ajouté,
monsieur , que le nombre de ces personnes étoit réduit à trois,
vous et les deux messieurs Sersiron , et que c’est dans votre étude
que ce trio a tenu assemblée , vous auriez rendu hommage à la
vérité, et vous ne m ’en auriez pas laissé le soin.
Même pnge. « Je pris note de cette convention ( de passer à
» M . Sersiron une adjudication de concert du terrain en ques» tio n , à raison de trente sous la toise ) , et des enchères qui
Mfu ren t fa ite s pour la form e. »
Ce sont M M . Jérôme Boularel et Pierre Coulon qui figurent
dans votre acte comme enchérisseurs, et l ’un et l’autre ont dé-
�C 32 )
cl aré dans leurs dépositions que non-seulement ils n ’avoient pas
enchéri , mais qu'encore il n'avoit pas été question d'enchères
sur ces deux objets.
tt A peine d eu x jours s’ etoienl é c o u lé s , qu’ en vertu de ces
» d eu x dernières adjudications, et pour satisfaire à mon invi» ta tio n , le sieur S ersiro n , a g en t, convoqua l’ assem blée. L e
» sieur E n g elvin , les frères B outarel, P a t j , Im bert, Sersiron ,
» officier de sa n té, G a u m et, B arnica u d , et autres habitans de
» P o n t-G ib a u d , vinrent avec m oi sur le communal pour fa ire
» un nouvel alignem ent, dont le résultat f u t que la portion
ï> adjugée au sieur Sersiron , agent, étoit de 87 to is e s , montant
7> et i 5o fr . 5o cent. , e t celle acquise en échange , par le sieur
» A n n e t S ersiro n , de 900 to ises, fa isa n t la somme de i 55o fr. >»
Cette opération a eu l i e u , comme vous le d ite s, à quelques
inexactitudes près: mais vous laites un anacroniçme; vous la placez
au 26 pluviôse an 8 , c’est-à-dire, deux jours après votre acte ,
tandis qu'elle se rapporte au 7 ou au 8 brumaire an 8 , c'est-àdire , trois mois avant votre acte.
Alors M . Boutarel aîné, et M . Imbert, m a ire , levèrent le plan
des lieux, fixèrent l’alignement, et déterminèrent la contenue de
la grande parcelle à 900 toises , et celle de la petite à 87 toises.
V o u s , monsieur, et les deux messieurs Sersiron , M . Bonjean et
M . Engelvin aîné, fûtes les seuls qui concourûtes à cette opéra
tion. M M . JBoutarel, juge de paix , Paty , G aum et, Barnicaud ,
et autres habitans de Pont-Gibaud, n ’y assistèrent pas : qu’on les
interpelle, et sans doute ils le déclareront.
: Ainsi donc l’assemblée du 26 pluviôse est encore un être de
raison imaginé sans succès, pour donner quelques couleurs favo
rables à votre acte.
Page 6. « Quant h la partie du terrain à distraire du pre de
» D erricre-les-M urs pour*élargir le chemin , cette opération f u t
» différée à cause de l’absence du sieur Engelvin , ex-legisla » le u r , qui en avoit la direction. »
Cela est v ra i , monsieur; le jour- de l’assemblée qui eut lieu
chez
�( '3 3 )
chez voire gend re, M . Engelvin fut charge de détetminor la di
rection et la largeur du chemin tendant à la prairie, comme aussi
d'examiner la source de Font-Blanche ; et ces deux opérations
furent subordonnées à son retour de Paris. Vous vous soumettez
à cette condition pour le chemin , et vous vous en affranchissez
pour la source! Cependant, et le chemin et la source devoiënt
figurer dans le même acte; l’un et l’autre devoient être cédés par
M . Sersiron, médecin , en échange de la parcelle de communal
du Chambon. Pourquoi ne pas effectuer cet échange? Pourquoi
attendre M . Engelvin pour le chemin , et ne pas l’attendre pour
la source? Cette question, sérieusement traitée , décéléra évidem
ment vos machinations à quiconque l’examinera sans prévention.
« M . S ersiron , m édecin, ( dites-vous , pages 6 et 7 ) a p a y é
» à M . Sersiron , agent, le 20 germinal an 8 , 200 francs
» pour le premier sixièm e île ses acquisitions de communaux.
» E n soustrayant la parcelle du Chambon , il ne lu i en resteroit
» que. pour 1060 fr . ; ce qui réduiroit son sixièm e à 17 5 francs :
» donc les 27 fr . en sus étoient applicables a u x 525 fr . qu’ il se
») trouvait devoir , déduction fa ite des 800 fr . de la source pour
» la parcelle du Chambon : donc le payem ent reçu par l’ agent
»> est une approbation de l’acte. »
Si
je vüulois répondre à ce sophisme , je vous dirois : Dans le
cas de la validité de l’adjudication de la parcelle du Chambon ,
M . Sersiron , médecin , doit i 585 fr. , dont le sixième est 264 fr» »
et il n’a payé que 200 fr. ^ dans le cas contraire, il ne doit que
joGo ir. , dont le sixième est 17D fr. , et il a payé 200 fr. : clans
le premier il paye moins , et dans le second ¡1 paye plus. Q u ’en
conclure? rien , si ce n’ est que ni l’un ni l ’autre 11’avoit calculé
exactement le montant de ce sixième.
Mais quand , par impossible, il pourroit en tirer davantage , qui
nè voit que M . Sersiron , agent, ayant intérêt de valider l’adjudi
cation de M . Sersiron , médecin , d ’abord parce qu’il est son
frère , ensuite parce qu’il est dans le même cas, il a pu colluder
lui pour créer des litres accessoires à celui du 24 pluviôse an 8?
E
�( 34 )
Page 8. « L e sif\ur Im bert, devenu m aire, et auquel F e x p e
rt dition de l ’adjudication du 24 pluviôse avoit é té rem ise, f i t
» appeler un artiste hydraulique, avec lequel il fu t, ainsi que
» le sieur P a ty , son a djoin t, exam iner les lieu x par oh devoit
» être pratiquée la conduite des ea ux cédées à la com m une, et
» lu i en fa ire le devis. »
Cet examen avoit pour b u t , comme on l’a déjà dit , de vérifier
si la source étoit suffisante, et non pas. de pratiquer et d’estimer
le cours de ses eaux.
« P ou r se tirer de l’ état d’ incertitude dans lequel i l était ( page 8)>
» M . sdnnet Sersiron fa it signifier au maire , le 29 brumaire an g
» un acte recordé, par lequel il l’ invite à accepter la vente de la
» source et de partie de son p r é , ou a résilier l’ adjudication fa ite
» en sa faveur de la parcelle du communal du Chambon.'n
. Cet acten’étoit qu’un moyen préparé pour constituer M . Sersiron.
do bonne fo i, dans le cas ( ce que faisoit craindre l’émeute qui avoit
eu lieu dans Ponl-Gibaud en messidor an 8 ) où les tribunaux se
trouvassent un jour saisis de cette affaire.
Page g. « A u lieu d ’obtempérer à cette invitation , le maire
» exigea du sieur yln n et Sersiron, sur le payem ent du second
)> sixièm e de ses adjudications , 25G f r . dont il lu i fournit quit» tance , le 16 thermidor suivant, à la suite de celle de l’ agent y
» et comme les 256 fr . excèden t son s ix iè m e , il en résulte que
» le surplus frappe sur !e retour d’ échange, et q u e, par ce m oyen,
» h l’ exem ple de M . S ersiron , adjoint, le maire avoue l’ adju» dication de la parcelle du communal du Chambon. »
Ceci mérite explication. Malgré plusieurs invitations verbales,
M . Sersiron ne payant pas. son second sixième , le maire lui fit
faire, par le ministère de Rougier, huissier, le iG prairial an 9 ,
un commandement de payer. C e commandem ent, que l ’on peut
voir au n°. 7 des pièces justificatives, contient la demande de iy6 fr.
i3 s. 4<1. pour le sixième échu du montant des adjudications laites,
à son profit, par acte reçu Imbert, le 21 pluviôse an 8, et réserveà la commune tous autres droits et actions..
�il est évident que par cet acte le maire ne demande à M . Sersiron que ce qu’il doit légalement : mais , dites-vous, il a payé
2î)6 fr. ; et ne devant que 176 f r . , il y a nécessairement 60 fr.
applicables au retour d’échange. D ’où vient la nécessité de celte
application? M. Sersiron ne pouvoit-il pas payer par anticipation î
et le maire avoit-il le droit de s’y opposer ? C ’est précisément
ce qu’a fait M . Sersiron , et voici pourquoi :
L e 22 pluviôse an 9 , il passe à Pont-Gibaud un train d ’artillerie
de six cents chevaux : il n’y avoit pas d ’étapier. L e préfet autorise
le maire à requérir des particuliers du foin et de l’avoine pour
composer les rations. M . Sersiron en fournit 672, montant à 255 fr.
12 sous. Lorsqu’il reçoit le commandement du 16 prairial an 9 , il
objecte ses fournitures ; il demande du temps jusqu’à ce qu'il en
touchera le montant. L e maire l'accorde ; el le 16 thermidor an g ,
époque où M . Cramoizeau envoie les fonds nécessaires pour faire
face à toutes les fournitures , M . Sersiron laisse les 236 fr. à lui
revenant entre, les mains du maire, qui lui en fournit quittance:
ainsi ni l’un ni l’autre n’avoit en vue alors le retour d’échange.
« L e s choses en cet état ( page 9 ) , c e u x des habitons de P on t« (j-iùaud, qui avoient de bonne f o i sacrifié leurs communaux
» à l’ u tilité d’une fontaine, s’ aperçurent qu'elle n’avoit été que
» le prétexte imaginé par c e u x de leurs concitoyens que la nou» t'elle fortune a placés à la tdte de la commune pour obtenir
» leur assentim ent ; et q u e, satisfaits de la possession des com» m unaux qu'ils ont 'acquis h leur convenance , ils ne s ’occu» poient plus de la fontaine. »
. Voilà deux apostrophes bien singulières. l i é quoi I avant que de
parler de la fortune des chefs de la commune , vous n ’avez pas
pensé à la vôlre et à son origine ! Avant de leur reprocher d ’avoir
acheté les parcelles de communaux qui étoienl à leur convenance,
■vous n'avez pas fait attention que ceux qui en ont le plus sont vous
et votre gendre!
La nouvelle fortune que possèdent quelques-uns de ces chefs n’a
«°ûté de larmes à personne ; ce sont quelques propriétés nationale*
E a
�( 36 ?
qu’ils ont acquises; et. ils ont la satisfaction de savoir que leur an
cien propriétaire , IYT. M oré, est aujourd’hui deux fois plus fortunéqu’avant la révolution.
A u lieu que la v ô tre , m onsieur, que l’on peut aussi appeler
nouvelle, n ’est composée que de celles d ’une foule de malheureux
que vous avez plongés dans la misère.
Les parcelles de communaux qu’ils possèdent, ils les ont acquises
légalement; et vous devez savoir combien coûtent les deux adjugéesà M . Boutarel aîné, puisque, pour lui faire pièce, vous les avez fait
enchérir par vos domestiques et par vos affidés.
Celles que vous possédez, au contraire, vous ne vous les êtes
procurées que par des voies obliques. N ’est-il pas indécent, par
exem ple, que vous ayez été vous-inême le ministre d ’une adjudidication faite à Jacques S io ly, qui n’étoit que votre prête-n om ,,
et qui est votre neveu ?
Page 10. « L e sieur S ersiro n , convaincu de cette vérité par
u l’ inaction de ses meneurs , f a it poser au m aire, le 2? thermidor
» an 1 2 , une nouvelle citation tendante a u x mêmes fin s que
» l ’acte recordé du 29 brumaire an 9. h
C ’est qu'alors vous étiez prévenu que l’intention du tribunal étoit
de vous poursuivre en faux , et par prévoyance vous prépariez
votre plan de défense»
Page 12. « V ous donnes en preuve de la véracité de votre acte
» ma signature et cellcs d’ A lexa n d re E n g elv in , Pierre Coulon
» et A n to in e Lardy , apposées au bas. ».
J’ai déclare que la mienne avoit été surprise. Quant à Coulon ,
Engelvin et L ard y , ils n’ont entendu signer que l’adjudication faite
a leur profit : c ’est ainsi qu’ils l’ont déclaré , en ajoutant qu’ils ne
connoissoient pas les autres adjudications.
Même page. « L a probité avérée du sieur Sersiron , a gen t, sa
» réputation , sa m oralité, l'estim e générale dont il jouit , et la
» confiance que ce citoyen n’a c e ssé de m ériter, avant, pendant
» et après la révolution , et qui l ’éle a ¿1 la judicaturc de p a ix
>t et a u x emplois distingués de l’ administration où il est encore/•
�( 37 )
» enfin les sentimens d*honneur e t de délicatesse dont il ne s*est
» jam ais départi, sont autant de garans qui attestent avec quelle
» indignation il auroit repoussé une adjudication qui n’auroit pas
» é té précédée de toutes les form alités. E t fa u t-il ensuite que
» ce soit dans le sein de cette commune , pour laquelle il <i
» sacrifié son temps , ses soins et ses v e ille s , qu’ il se trouve
des individus qui aient o sé le compromettre sans autre intérêt
» que la triste satisfaction de le fatiguer ! »
Pour faire ressortir cette apologie ( car il faut toujours des
ombres au tableau ) , voici des passages d ’un auteur que vous ne
récuserez pas.
« J ’ai trouvé ci mon chemin d eu x de ces êtres envieux et,
» bassement ja lo u x , qui regardent comme une injustice tout
)> avantage qu’ils ne partagent p a s , qui se fo n t un supplice des
» succès d’ autrui, et j e me vois en butte à l’ inquisition la plus
» o d ieu se, a la diffamation la p lus cruelle ; jam ais la calomnie
» ne s'est déchaînée avec tant d’ audace et tant d’ é c la t, avec
» moins de motifs et d ’intérêt ! C ’ est e n pleine audience, c’ est
» à la fa c e de la ju stic e et du p u b lic , qu’à l’ ombre du sarcasme
» et de l’ ironie on a inondé mon existen ce d’ un torrent d’ im—
*> postures les plus atroces, qu’ on a cherché à empoisonner la
« plupart des actions de ma v ie.
»
»
»
»
»
»
»
» S ’il fa u t en croire mes adversaires, je suis im petit <des—
pote , un p etit tyran , un p etit dieu , un Arinuine , un dieu
m alfaisant, qu’ on révère parce qu’on le craint , qui écrase
tout le canton de son autorité ; c ’ est m oi qui suis tout,, qui
tranche tout dans le lieu de P o n t-O ib a u d , qui suis en p ossession de fa ire les rôles , de disposer de la répartition, malgré
les consids trem blons, qui n’ osent me résister ; je sais ressusciter les morts , multiplier mon être ; j e suis , en un m ot, un
» Prothée , toujours in s id ie u x , toujours prêt à changer déform e
» à mesure que mon intérêt l’ exig e , et qui , par ce moyen
suis parvenu ci élever une fortune scandaleuse sur les débris
w de celles de mes concitoyens , ' a l a cimenter du sang ilp fa
�C 38 )
» veuve et de l’ orphelin : v oilà les traits sous lesquels on m’a
« peint.
» Q ue tant d’ horreurs soient échappées a u x sieurs P ero l et
*> (jilb ert Sersiron , mes implacables ennemis , je n’ en suis pas
» étonné ; c ’est le propre du m échant, de ne point connoître de
» bornes légitimes , de se livrer sans remords , comme sans
» réserve , a u x mouvemens im pétueux d’ une haine furieuse qui
» hasarde tout.
» s i quel propos les sieurs P er o l et Sersiron se sont- ils
» acharnés à verser sur m oi le poison de la calomnie ? qu'ont
» de commun avec l’ objet qu i nous divise toutes les impostures
» qu’ ils ont entassées sur mon compte ? . . .
» O ù sont les victim es qui ont gém i sous le poids de ma
» tyrannie ? Je défie hardiment mes v ifs délateurs d’en indiquer,
» d’en citer aucune.
» L ’ envie , la jalousie dont ils sont dévorés , ne leur per» mettent pas de me pardonner mes petits succès.
» E n un m o t , vous êtes mes dénonciateurs , et vous ne
» m’ avez convaincu d’ aucun crime : vous devez donc supporter
» la peine de votre téméraire dénonciation, autant que celle
» de vos affreuses calomnies ; et vous devez vous trouver heu» raux de ce que j e vous méprise assez pour me borner à rire
» ci vos dépens. »
Reconnoissez-vous ces tirados , monsieur? Non. Eh bien! c ’est
dans un des mille et un libelles jetés par vous dans le public que
je les ai puisées. Avouez que si M . Sersiron vous y traite indigne
m e n t , vous le lui rendez bien. Que deviennent maintenant ces
phrases si obligeantes, si flatteuses, que vous débitez sur son compte
avec tant d ’emphase ? Pourquoi l ’injurier , l’insulter alors ? et
pourquoi le cajoler , l’encenser aujourd hui? De deux choses l’une,
ou M. Sersiron ne mérite pas le mal que vous en dites dans le
premier libelle, ot alors vous êtes un calomniateur; ou il ne mé
rite: pas le bien que vous en dites dans le second, et alors vous
ôtes un tourbe, un homme .qui se joue de tout ce qu il y a de
�( 39 )
plus sa c ré , qui fuit et défait les réputations à mesure que sor»
intérêt le commande.
Comment vous tirerez-vous de ce dilemme?
Vous , monsieur, vous faites l’éloge de M . Sersiron, et M . Ser
siron le souffre! De quel œil vous regardera-t-on l’un et l’autre,
quand on saura que convoitant sa fortune, comme vous avez con
voité et obtenu celles de tous les honnêtes gens de Pont-Gibaud,
et trouvant en lui de la résistance, vous l’avez traîné de tribunaux
civils en tribunaux criminels ; que vous lui avez suscité des procès
de toutes les espèces; que vous lui avez fait éprouver, à lui et à
sa famille, mille tracasseries, mille persécutions; que les chagrins
qu’il a éprouvés l’ont plongé dans une maladie de langueur qui
le mène insensiblement au tombeau; et qu’enfin vous l’avez obligé
à quitter Pont-Gibaud, et à se reléguer dans une chaumière au
■village de Roure !
Avez-vous oublié, et auroit-il oublié lui-même, qu’après le fa
meux procès que vous eûtes ensemble à la cour des aides, où vous
distillâtes tous deux tant de fiel et de venin , où vous aiguisâtes'
si bien tous les deux les traits de la haine et de la vengeance, vous
lui fîte s , en votre qualité de bailli, un procès criminel pour des
œufs que madame Sersiron eut l’audace d’acheter à la foire avant
le seigneur, et qui fut jugé, après maints libelles diffamatoires,
par le parlement de Paris, en faveur de M . Sersiron , q u i , de son
aveu, en a été pour mille écus de faux frais?
Faut-il vous rappeler les injures et mauvais traitemens que vous
lui avez fait essuyer, par vous ou par vos satellites, à l’occasion
du faux pour lequel vous fûtes poursuivi en 1792?
Faut-il vous remettre sous les yeux toutes les avanies que vous
lui avez faites, toutes les injures que vous lui avez dites, soit en
particulier , soit en public, toutes les fois que vous l’avez rencontré
tn votre chemin ?
S ’il reste à M. Sersiron des sentimens d’honneur, s’il est jaloux
de conserver son estime et celle du public , il désavouera haute
ment la partie de votre libelle, dans laquelle vous faites son pané-
�C 4°
)
¿yrîquc : c ’est 1c plus poignant de tous les coups que tous lui avez
portés. Un éloge, dit un auteur moderne , lorsqu’il sort d ’une
bouclie impure, souille celui auquel il s’adresse : voilà le cas de
M . Sersiron.
J’aim^à croire qu’il est plus à plaindre qu’à blâmer dans cette
-malheureuse affaire. Pour servir vos projets d’ambition en faveur
de votre gendre, il falloit donner à son frère un os à ronger ; il
n ’a pas eu l’esprit de s’apercevoir que c’étoit là le m otif de la
modique adjudication que vous lui aviez faite; ayant avancé une
première fois, par vos perfides suggestions, qu’elle étoit sincère,
l ’amour-propre , la crainte de se compromettre , lui ont fait sou
tenir ses dires : un premier pas vers le vice en amène un second,
un troisième ; la pente vous entraîne, et l’on ne peut plus s’ar
rêter. C ’est ainsi que vous avez égaré un malheureux que vous
détestez bien cordialement, et que vous l ’avez entraîné par degrés
dans le précipice.
Mais finissons ce trop long épisode : revenons à notre sujet.
Page i 5. « D ’abord, quant à l’ adjudication fa ite au sieur
» Sersiron, agent, je soutiens qu’ elle f u t précédée des enchères
» et publications usitées. J ’ en a i déduit les preuves, et n’ y
» ajouterai que celle résultante de la ce'dule que le sieur B o u >> tarel, ju g e de p a i x , qui avait le plus coopéré à ces v en tes,
» lu i donna , le 2 messidor an 8 , contre le nommé L a r d y , qui
» avoit em piété sur le teirain ; parce qu’ il est sensible que s i
„ B outàrel n’ eiît été bien convaincu que l’ acte qui avoit transmit
» ce communal au sieur Sersiron n ’eût été lé g a l, il n’auroit
» sans doute pas donné sa cédule : ainsi se r e file cette cnlom~
» nieuse inculpation. »
Quelle preuve , monsieur , et quelle conséquence vous on tirez !
On a dit et l ’on répète q u e , comme citoyen de Pont-Gibaud , le
juge de paix observa à M . Sersiron, lorsqu’il lui demanda la cé
dule , qu’il n ’avoit aucun droit sur ce terrain , et qu'il deviendroit
infailliblement la victime de ses poursuites : obs<‘r\ation dont
M . Sersiron ne tint aucun compte ; et que, comme juge de p a ix,
il
�C 41 )
il n'avoit pu refuser sa cddule. En e f f e t , ce fonctionnaire n’appar
tient pas exclusivement à la commune de Pont-Gibaud , il appar
tient à tout le canton : comme tel il n’est pas censé savoir si la
demande de M . Sersiron étoit ou non fondée. Ce n’étoit que lors
des débats avec L ard y , et surtout lors de la production du titre
qu’annonçoit M . Sersiron , qu’il auroit découvert la vérité , et
qu’il devoit faire droit ; mais l’audience n ’eut pas lieu , ou du
moins M . Sersiron, se rendant justice, n ’y vint pas. Q u ’a donc de
repréhensible cette conduite de la part du juge de paix ? et com
ment peut-on en conclure qu’elle est approbative de l ’acte argué
de faux ?
Cette cédule étoit décernée , dites-vous , « contre le nommé
» Pierre Lardy, qui avoit em piété sur ce terrain. » Empiéter veut
dire prendre du terrain sur autrui pour l’ajouter au sien. Sous ce
rapport, comment L ard y pouvoit-il avoir empiété , lui qui n ’a
pas un pouce de terrain à côté du Chambon , et surtout de la
parcelle dont il s’agit? C e n ’est pas Lardy , c’est M . Sersiron qui
vouloit empiéter, et qui auroit empiété si Lardy ne l’en eût em
pêché ! A mon tour je tire votre conséquence : « A in s i se réfute
» sans retour cette calom nieuse inculpation. » E t certes ! je la
tire bien plus justement.
C ’est sans doute à la faveur de cette singulière conséquence de
votre p a r t , que vous avez répandu , et fait répandre par vos affidés,
dans le public , que Jérôme Boutarel, juge de paix , ayant été
reconnu faux témoin, le tribunal avoit lancé contre lui un mandat
d ’amener.
11 est essentiel , pour dévoiler cette nouvelle perfidie , d’entrer
dans quelque détail.
M . Boutarel, comme tous les autres témoins qui ont été en
tendus dans cette affaire , avoit déclaré dans une première dépo
sition que le faux étoit constant.
Lors de son interrogatoire, M . Sersiron aîné produisit un chiffon
de papier, sur lequel étoient inscrits, de la main du juge de paix et
de celle de M . Sersiron, les noms de quelques hubitans de Pont-
F
�C
42
)
G ib a u d , avec des chiffres au bout de la ligne que formoit chaque
nom.
L e juge de poix avoit écrit sur ce chiffon ces mots : M . Sersiron
cadet, i 35o fr. ; M . Sersiron aîné , 120 fr. Vous en avez conclu
que c’é t o i t , de la part du juge de p a i x , un acte approbatif de
l ’adjudication, et vous avez crié au faux témoignage.
L e juge de paix est assigné une seconde fois pour s’expliquer sut
celle n o te , et vous publiez que cette assignation est un mandat
d ’amener.
Sur la représentation de ce chiffon, il a répondu au tribunal, et
il observe ici au public , i°. que ce chiffon ne parlant en aucune
m anière ni des parcelles de communaux faussement adjugées aux
tleux frères Sersiron , ni des autres parcelles légalement adjugées r
il ne concernoit pas l’affaire en question y
2°. Que si la ligne relative à Sersiron cadet sembloft se rapporter
à la parcelle qui lui avoit été adjugée, par les chiffres i 35o fr ., il
n ’en étoit pas de même de celle adjugée à Sersiron a în é , puisque
les chiffres n ’étoient que de 120 f r . , tandis que le prix de son
adjudication est de i 3o francs ;
3°. Que dans l’hypothèse où cette note s’appliqueroit aux deux par
celles de communaux dont il s’agit , eL qu’on voudroit prétendre
qu’en la faisant, le juge de paix regardoit comme valablement
adjugées ces deux parcelles de communaux , n ’ayant pas le dessein
de s’inscrire en faux contre l’adjudication , la commune ne le
faisant pas, et ces adjudications étant devenues authentiques par
■votre signature , il devoit les considérer comme consommées. Il
ajoutera que tous ceux qui vous connoissent auroient pensé comme
l u i , puisque vous avez commis cent fa u x, que vous avez été pour
suivi pour plusieurs, et qu’on ne vous a puni pour aucun. Vous êles
invulnérable aux coups de la justice, et l’on ignore encore par oit
votre mère vous tenoit lorsqu’elle vous plongea dans le fleuve de
l ’impunité*
Vous passez , monsieur , aux signes caractéristiques d ’un
faux „ cl vous dites ( page 1G ) : « L e f a u x , dans L’ acception du
�(43
)
» m o t, renfermant tout ce qui outrage la v é r ité , il en résulte
« qu’ un mensonge , quelque léger qu’ il s o it , est un fa u x . »
L a familiarité que vous avez contractée depuis long-temps avec
les faux, doit vous avoir appris à les connoilre; aussi je m’en tiens
à votre définition. J’ai d ém o ntré, ou du moins je crois avoir dé
m ontré, que les parcelles de communaux du Chambon n ’avoient
été ni mises aux enchères, ni adjugées aux frères Sersiron. O r, en
disant dans votre acte du 26 pluviôse an 8 , qu’elles avoient été enchéries et adjugées, vous avez dit un mensonge; et si un mensonge
est un faux , vous en avez commis un incontestablement.
Vous sentez si bien , monsieur, qu’il vous est difficile de rejeter
cette conclusion, que vous ajoutez : « M a is , quelle que soit cette
» définition , il ne fa u t pas moins fa ire abstraction du f a u x
» punissable d ’avec celu i q u i, n’étant susceptible de d é li t , ne
» doit pas être déféré à la ju stice. »
A quoi bon cette distinction en faux punissable et en faux excu
sable , si vous n ’en avez pas commis ? Si vous prouvez que votre
acte est sincère , toute discussion sur la matière d ’un faux devient
inutile, et il est fastidieux de s’y livrer.
M a i s , vous défiant de vos preuves, vous invoquez la question
intentionnelle, et vous posez deux questions: « C e f a u x es t - i l
» nuisible ? A v a is-je intérêt à le commettre ? »
Je réponds par l’affirmative.
Il
nuit à la commune , parce qu’on lui fait vendre pour 1480 fr.
deux parcelles de communaux , qui se seroient -vendues au moins
4ooo f r . , s i , comme les autres, elles avoient élé mises aux en
chères. Il est certain que le terrain de ces deux parcelles est trèsprécieux, et qu’il vaut sans exagération 4 fr* la toise, et non pas
25 so us, comme vous avez eu l'indécence de l’avancer, ainsi que
je l’ai observé plus haut.
Vous aviez intérêt à le commettre , ce fa u x, parce que vous pro
curiez à votre gendre , pour i 55o f r . , un héritage qui vaut 5Goo,
ct qu’il régulariseroit la forme du superbe enclos qu’il possède
derrière ses murs.
F 3
�( 44
)
Je ne pousserai pas plus loin mes observations , pour ne pas:
abuser de la patience du lecteur ; mais je suis loin d ’avoir épuisé,
la matière et les reproches.
I m p o s t u r e s
a u
p u b l i c
.
« T outes les actions de ma v ie ( dites-vous ) ont é té exa ctes ;
y ma conduite a toujours été sans reproche. Je v is tranquillem ent
v dans mon a sile , au sein de la p a ix et de l}innocence , bravant
» les coups que cherche a me porter la m alice des hommes. »
Est -ce bien vous, monsieur, qui tenez ce langage? Peut-il être
entendu dans le canton de Pont-Gibaud , où gémissent encore 1»
plupart des victimes que vous y avez faites? Avez-vous osé l’adresseit
à un tribunal criminel que vous avez tant de fois occupé ? Avez*
vous enfin l'effronterie de le consigner dans un mémoire imprimé,,
q u i , en circulant dans le département, trouvera à chaque pas des
lecteurs., ou qui connoissent votre perversité, ou qui en ont éprouvéles effets? Oui,, monsieur, depuis le moment que vous avez quitté:
Phabit de cultivateur jusqu’à ce jour , vous n ’avez pas fait un pas.
dans la carrière de la vie sans en marquer les traces par les larmes
que vous avez fait verser à vos concitoyens : vous n'avez pas écrit
une ligne sans cnyaliir , ou sans, projet d'envahir la fortune d ’au
trui : vous n ’avez pas prononcé un mot sans porter le désordre et
la désolation dans les familles.
U n empereur célèbre ne s’étoit jamais couché sans avoir fait
une bonne action-; et vous ne vous êtes jamais couché sans en
avoir fait plusieurs mauvaises..
Vous justifiez cette maxime d'Helvétius : I l esC des hommes s i:
malheurvusement nés , qu’ ils ne peuvent pas s’empêcher de fa ire ■
le mal. Vous n’êtes content que lorsque vous méditez des crimes,.,
et vous ne jouissez que lorsque vous les commettez.
Vous êtes presque octogénaire, et vous n’avez pas employé un
spul de vos derniers, jours , non pas à purifier la source de vos
sicheescs, cela scroit impossible, mais à en jouir sans cntreprcndie:
�( 45 )
cle nouvelles manœuvres pour arracher celle des autres ; et vous
forez encore du m a l , ou plutôt vous ne ferez du bien que le jour
où vous quitterez la vie. O funeste pouvoir de l’habitude !
Votre entrée dans P o n t-G ib a u d a été un fléau, une calamité
pour cette malheureuse commune. A vant v o u s, elle étoit paisible
et tranquille ; scs habitans avoient des mœurs pures , une honnête
aisance; ils vivoient fraternellement ; ils pratiquoient les vertus
sociales ; ils s’aimoient, se secouroient dans leurs besoins, et ne
form oient, pour ainsi dire , qu’une même famille. Depuis que
vous vous y êtes fixé, les mœurs se sont dépravées; les fortunes
particulières ont disparu , et se sont confondues dans la vôtre.
Vous avez semé ou fomenté la division dans les familles : les
haines ont succédé aux affections , et les vices aux vertus sociales.
Avant vous, on ne connoissoit dans Pont-G ibaud, et à trois
lieues à la ronde, ni les cessions , ni les répudiations, ni les sépar
rations de b ien s, ni les faillites. Depuis v o u s, tout le pays en
est inondé.
Avant v o u s, il n’y avoit pas de procès dans le canton de PontGibaud : aujourd’hui c’est le canton le plus processif du dépar
tement ; e t , ce qui est à remarquer, c ’est que vous avez une part
active dans le plus grand nombre des procès, comme partie, ou
comme conseil, ou comme instigateur.
Malheur à ceux qui ont osé lutter contre l’accumulation de vos
vices et de vos déprédations! ils ont succombé sous les coups du
système oppressif que -vous avez suivi avec autant de méthode que
d’acharnement, ou ils ont été forcés de vendre I<nirs propriétés,
et d’aller habiter ailleurs. C ’est ainsi que vous avez chassé de PontGibaud et des environs r après les-avoir dépouillées, les meilleures
fam illes, qui sont allé périr de misère dans des villes éloignées.
C ’est ainsi que vous avez vexé, tourmenté et persécuté ceux
qui ont osé vous opposer quelque résistance.
« M a is , dites-vous, oh sont les victim es q u i ont gém i snus
h le poids de ma tyrannie ? C e ne sont pas de vagues déeia)J m ations, ce sont des fa its p o sitifs, bien circonstanciés , bien
�r 46 )
» é ta b lis , bien prouvés , qu’ il f a u t mettre sous les y e u x de la
» ju stic e et du p u b lic. »
Vous avez raison, monsieur, i) est juste de citer des faits; eh bien!
j’en citerai : je déroulerai la liste de vos forfaits, et j’en extrairai
quelques-uns que je rapporterai, non pas dans le corps de ce mé
moire, parce qu’il deviendroit trop volumineux, mais à la suite, par
forme de notes auxquelles je renvoie le lecteur : si, après les avoir
lues, on vous demande comment vous pouvez vous laver de toutes
ces atrocités, vous répondrez, ou je répondrai pour vous, que toutes
les fois que vous avez contracté des souillures apparentes, indé
pendamment des autres moyens que vous avez employés, vous vous
êtes plongé dans les eaux de l’étang de Péchadoire, dont vous avez
toujours disposé, lorsqu’il appartenoit au seigneur, et que vous venez
enfin d ’acquérir; que les truites officieuses de cet étang ont été pour
vous des agapes salutaires, et que vous êtes sorti de celte merveilleuse
piscine, comme les anciens sortoientdu fleuve Àlphée, aussi blanc
que la neige. Je terminerai ce chapitre par le logogriphe suivant,
fait en 1784? et que Ie lecteur n’aura pas de peine à deviner :
3k s u i s , ami l e c t e u r , u n être sin g u lie r ;
La
n a tu r e a sans d o u t e e n m o i v o u lu se j o u e r .
V i l in s e c te d ’ a b o r d , d es c h i f f o n s
-
A
leur
m e c o u v r ir e n t;
c h e m i n , cen t f o is , d ’honnêtes gens m e v i r e n t ,
, ,.E t ne daignèrent p o i n t de leurs pieds m ’écraser.
C ’est alors qu'on me v i t , d ’une m ain très-agile,
F aire aller la n a v e tte , assis sur m on m é t ie r ,
E t c o m m e l ’a r a ig n é e , en un ob scu r a s ile ,
E x e r c e r mes talens dans un tissu grossier.
D an s peu je m e 1d ép ou ille : un vêtement solide
M e t mon corps à l’abri des injures du tem ps;
B ie n t ô t ( u n dieu sans doute à mes destins p r é s i d e ) ,
D an s un temps plus h e u r e u x , je suis mis d é c e m m e n t;
E n f i n , s u iv a n t
Je
t o u jo u r s
l ’ astre h e u re u x q u i m e
m e m o n t r e p a r é d e p r é c ie u x
v é t e m e iis .
D a n s u n vaste p a la is , m a in te n a n t je r e p o s e ,
M o i-m ê m e
t o u t s u r p r is du m a
m éta m orp h ose.
g u id e ,
j
j
I
�C 4-7 3
M ais je t ’e n te n d s , l e c t e u r . . . . et c'est un p a p illo n ;
P o u r d e v i n e r , d i s - t u , fa u t- il être G r e c . . . . non :
C a r le destin c r u e l , pend ant toute ma v i e ,
M a lgré tous mes succès , ine destine à ram per.
E t ce p e n d a n t ( s e c r e t puissant de m a magie ) ,
P ersonne m ieu x q u e m o i ne sut l ’art de voler.
T u ne devines p o i n t , d écom po se m on être ;
Je t’apprends q u e c in q pieds le fo rm en t tout entier :
E n t i e r ! non j j ’ai deux m ains q ue je sais m u ltip lie r
A m on gré , plus encor q u ’o n ne v o u d r o it peu t-être.
U n n ouvel A ristée a v o u lu m e les l i e r ,
Riais m on c erveau fé c o n d a b ien d ’autres ressources.
Si tu ne m e tiens p o i n t , suis-moi vers d ’autres s o u r c e s ,
C o m b i n e , d é c o m p o s e , arrange mes c i n q p ie d s;
T u trouveras ce que jamais on n ’exagère ,
C e q u i fut en tous temps funeste à la beauté ;
C e t agile i n s t r u m e n t , po ur vo le r nécessaire ;
E t l’oiseau r e d o u t a b le , à la sanglante serre,
D es in n o c e n s agneaux iustem ent redouté ;
A sa griffe c r u e lle il dut la royauté :
A u x exploits de la m ien n e , e n c o r plu s form id ab le ,
C e titre m ’a p p a r t i e n t , je l ’ai bien m érité.
T u trouveras en cor la mère redoutable
D e l ’a nim al b o u r r u , dans les b ois relégué ;
L a plante d o n t l ’odeu r est funeste au visage
S u r leq u el on étale un attrait em p ru n té ;
C e m a l, e n fin ,
q u i d o n n e u n e si g r a n d e r a g e ,
Q u e d e sa p r o p r e
m a in
l ’ o n est e n s a n g la n té .
S i je v o u l o i s te fa ir e u n p lu s lo n g é ta la g e
D e tou tes m e s p r o p r ié t é s r
Je n e f in ir o is p o i n t : d e v i n e ,
c ’est assez ( i ) .
N . B . ( Cette noie se rapporte à Valinéa 5 de la page i/,.) C'est
une chose bien digne de remarque, que celte phrase qui fait partie
( i ) L ’auteur de ce jeu de mots est M . 1 abbe L a u r e n t , qui alo rs
«toit précepteur df'S enfans de M . Sersiron ainé.
L ’apologie que M . I^ g a y fait de ce p a t r o n , ne rem onte vr aisem b lab le
ment p a i ^ cette époque.
�1
!
i
!
!
I
j
( 48 )
des conclusions des deux accusateurs publics des tribunaux crimincis de Guéret et de Moulins, qu i, tous deux, employèrent
les mêmes expressions dans deux instructions différentes contre
L Cgay : Ju g ez, m essieurs, s i ce ne seroit pas un flé a u , une
calam ité p u bliq u e, de remettre ce monstre dans la société. On.
ne se rencontre que sur les vérités les plus lumineuses.
P o n t-G ib a u d , le 3o ventôse an i 3.
Signé L A M A D O N , officier m unicipal; I M B E R T , maire ;
E N G E L V I N ainé ; E N G E L V I N jeune ; B O U T A R E L aîné ;
B O U T A R E L je u n e , juge de p a i x ; et B O N J E A N , membres
du conseil de la commune.
�PIÈCES JUSTIFICATIVES,
OU
notes
v
a d d itio n n elles
au
m ém o ir e
.
N ° . I er.
R io r a , le
4 therm id or
an xa.
Le Procureur gênerai impérial près la cour de
justice criminelle du département du Puy-deDôme 3
A M . le Maire de la commune de Pont-Gibaud.
IVTonsieur
le
M
aire
,
J e suis chargé par le Grand Juge, Ministre de la justice, de
prendre des renseignemens sur certains faits qui établissent l’in
dignité de M . Legay pour remplir les fonctions aussi importantes
que délicates de ce ministère de confiance, et notamment sur une
adjudication faite ou prétendue faite le 4 prairial an 7, d ’une par
celle de propriété communale, au gendre de L egay, et dont celui-ci
est dit le fabricaleur, sans aucune autorisation ni mise aux enchères.
Je garderai le secret, et vous voudrez bien le garder. Je me con
tenterai de répondre à la lettre du Grand Juge, sans agir par moiïiiême jusqu’à de nouveaux ordres : mais je dois à mes fonctions
de me conformer à ce que le Grand Juge désire de moi.
Je vous invite donc, monsieur le M aire, à me donner sur la
Moralité ( comme notaire) de M . L egay, tous les renseignemens
q u i sont à votre connoissance; comme je vous invite, et r e q u ie r s
cn tant que de besoin, en vertu de l’article 588 du Code des délits
des peines, de me faire passer ( pour plus grande s û r e t é ) par
�(
5°
)
la voie d’un gendarme d ’ordonnance, la pièce contenant ladite
adjudication , signée L e g a y , ensemble l’acte instrumcntaire qui a
été fait et signifié à la mairie par le gendre de L e g a y , pour obtenir
la jouissance de cette propriété.
J’ai l’honneur de vous saluer avec considération.
S ig n é B O R D E S .
P . i?. Pour plus grande régularité, j’adresse en même temps
commission rogatoire au juge; de paix de P ont-G ibaud , pour re
quérir la sortie de la mairie des deux pièces dont j ’ai besoin.
N °. 2.
P o n t - G i b a u d , le
17
th e rm id o r an i3.
L e Maire de la commune de Pont-Gibaud,
A A i. le Procureur général impérial près la cour
de justice criminelle du département du P u y de-Dôme.
IV T o n sie u
r
,
E n conformité de votre lettre en date du 4 courant, par laquelle
vous me demandez une adjudication faite au gendre de M . L egay,
d’une partie de communal, et reçue par lui L egay, le 4 prairial
an 7 , ensemble la copie d’un acte inslrumentaire qui m’a été fait
à la requête du gendre de M . L egay, et de votre ordonnance roga
toire, qui m ’a été communiquée par M . le juge de paix de notre
canton, j’ai remis à ce dernier, et la copie d’un acte instrumentaire que me fit faire M . Sersiron, gendre à M . L e g a y , par Chavauiat, huissier, en date du 29 brumaire an 9 , et l’expédition
d ’adjudication de huit parcelles de communaux, faite en vertu de
la loi du corps législatif, en date du 4 prairial an 7 , dont cinq par
le sieur Sersiron, agent municipal, et trois par le sieur Lamadon,
adjoint, sous la date du o./\ pluviôse an 8; et pour vous donner sur
ce les instructions que vous me demandez, j ’ai l’honneur de vous
observer qu’il n ’y a, eu de mises.à l’enchère que les six premières,
�( 5i )
dont une fut faite par ledit sieur Lamadon : quant aux deux der
nières , qui ont pour objet deux parcelles du communal du Cliamb o n , dont l’une en faveur du sieur Sersiron aîné, agent, moyen
nant i 5o fr. 5o c e n t., et l’autre au profit du sieur Gilbert-Annct
Sersiron, médecin, gendre du sieur L eg a y, moyennant i 55o fr.,
elles sont absolument fausses et controuvées, pour ces deux par
celles de communaux n ’avoir point été mises aux enchères.
Quant aux renseignemens que t o u s me demandez sur la moralité
du sieur Legay, j’ai l'honneur de t o u s observer que, comme notaire,
je crois devoir par délicatesse m ’abslenir de toutes réflexions îi cet
égard.
1 .
S ig n é I M B E R T .
N°. 3.
» *-
Copie d'une sommation de payement
A u j o u r d ’ h u i seize prairial, an n e u f de la république une et
indivisible, h la requête des liabilans de la commune de PontGibaud , poursuites et diligence du citoyen André Imbert, maire
de ladite commune, y habitant, où il fait élection de domicile en
sa maison, je,-Jean Ronger, huissier, etc. me suis transporté au
domicile du citoyen G ilb e rt-A n n e t Sersiron, officier de safité,
habitant de ladite commune, en parlant à sa servante; je lui ai
fait sommation et commandement de payer audit Im bert, ou à
moi huissier, porteur de pouvoirs, la somme rie cent soixante-seize
francs treize sous quatre deniers , pour le sixième échu depuis, le
vingt-deux pluviôse dernier, des parcelles de communaux qu’il a
acquises par acte reçu Imbert, Je vingt-un pluviôse an huit; faute
de ce, proteste ledit instant de faire mettre à exécution ledit acte,
sans préjudice à tous autres droits et actions que ledit instant réserve
ù ladite commune; et afin qu’il n’en ignore, je lui ai laissé copie
<lu présent, lesdits jour et an.
S ig n é R O U G E R .
Enregistré à Pont-Gibaud, le vingt-un prairial an n e u f : reçu
frauc dix centimes.
<
S ign é R O U G E R pour B O U Y O N .
G a
�( 52 )
N °. 4.
Copie de la commission rogatoire.
N o ü s , Jean-Baptiste-Gabriel Bordes, procureur général impé
rial près la cour de justice criminelle du département du Puy-deD ô m e , invitons M . le juge de paix de Pont-G ibaud à délivrer
à M . le maire une copie collationnée et signée de lui, des deux
pièces dont je requiers le déplacement du secrétariat de la mairie,
et l’envoi officiel p ar-d evan t m oi, lesquelles consistent en une
adjudication signée L e g a y , notaire, et un acte instrumentaire
fait à la requête du sieur Sersiron, son gendre, ayant pour objet
d’être envoyé en jouissance de l’objet vendu ou prétendu adjugé
aux enchères; et en foi de la commission rogatoire énoncée en ces
présentes, y avons apposé notre signature et le sceau de la cour.
A R io m , au palais de justice, le 4 thermidor an 12.
N°. 5.
R i o m , le
4 the rm id or
an î x .
L e Procureur général impérial près la cour de
justice criminelle du département du Puy-deDôme ,
A M . le Juge de paix du canton de Pont-Gibaud.
:
]VT O N S IIV R ,
J e vous transmets ci-joint une commission rogatoire, en vertu
de laquelle je vous invite à retirer de la mairie de Pont-G ibaud
et à remettre au maire de cette commune, les deux pièces relatées
dans ma commission.
Vous pouvez même vous concerter avec lui pour ajouter à cet
envoi les renseignemens que je ne pourrois seul en induire.
J’«û l’honneur de vous saluer.
,
S ig n é B O R D E S .
�R io in , le i g tlierm id o r an xa.
Le Procureur général impérial près la cour de
justice criminelle du département du Puy-deDôme ,
A M . le Juge de paix de Pont-Gibaud.
I Y I
o n s i e u r
■
,
J e suis chargé par le Grand Juge, Ministre de la justice, de
rendre des renseignemens sur la moralité du sieur Antoine-Marie
,eg a y , en sa qualité de notaire, et en général en matière d’intérêt.
L e secret que j’ai cru devoir mettre dans une mission de cette im
portance, a entraîné des longueurs, et je suis en retard de répondre
à la confiance du Grand Juge, dont la lettre est du 9 messidor
dernier.
Je m ’étois adressé à M . le maire de votre commune pour obtenir
ces renseignemens, et lui avois demandé l’envoi de certaines nièces,
soit entachées de faux, signées Legay, notaire, soit venant à l'appui
de ces pièces, et établissant, de la part du sieur Sersiron, la volonté
de mettre à exécution et profiter du faux commis par son beaupere. Vous connoissez ces pièces, puisque vous avez été invité par
moi à en faire une copie exacte et conforme aux originaux, qui est
destinée à rester déposée à la place des originaux qui doivent m ’être
adressés, selon mon réquisitoire à M . le maire.
Je vous prie de m ’adresser sans délai ces pièces par la voie de la
gendarmerie, qui, de Clermont, me les transmettroit de la même
manière.
D e plus, je vous prie de donner tous les renseignemens qui sont
à votre connoissance sur la moralité du sieur Legay. J’attends votre
réponse pour, d ’après les renseignemens particuliers que j’ai pris,
remplir le but de la lettre du Grand Juge.
J'ai l’honneur de vous saluer.
Ï
Signé B O R D E S .
Veuillez entrer dans quelques détails.
�( 54 )
N °. 7.
R i o i n , le
4 fr u ctid o r
an
13.
Le Procureur général impérial près la cour de
justice criminelle du département du Puy-deDôme ,
A M . le Juge de paix du canton de Pont-Gibaud.
M
ONSIEUR,
J’ a ï reçu hier \olre lettre en date du 2G thermidor, par laquelle
vous m ’apprenez enfin que vous avez reçu la commission rogaloire
■que je vous ai adressée le 4 du même mois, et que vous n’avez pu
•en remplir l’objet parce que vous êles atteint depuis cinq jours
d ’une forte fièvre, et que vous comptez venir en personne pour
conférer de celle affaire avec moi el remplir votre mission. Je suis
fâché que vous soyez atteint de la fièvre : mais vous me permettrez
de vous observer que, du 4 au 20 thermidor, époque où la fièvre
vous esl survenue, vous avez eu quinze jours pour satisfaire à ma
demande; il me semble que ce temps étoit suffisant, d’autant plus
que le greffier de la mairie pouvoil (aire les expéditions, et vous
les signer, ou bien votre greffier, qui se seroit fait payer de ses
vacations en justifiant de ma commission rogatoire. Je vous prie
de ne plus mettre une pareille négligence dans les commissions que
je puis vous adresser, et de hâter l’envoi que je réclame.
Je vous salue.
S ig n é B O R D E S .
�( 55 )
N °. 8.
Extrait du procès verbal d'estimation, fait par
M M . B o u y o n et V i l l e d i e u , en date du 3 bru
maire an 8 , enregistre’ le 4 dudit, par B o u y o n .
A i t .
35.
Autre parcelle de communal, terroir du Chambon,. de la, con
tenue de sept cent cinquante-six toises, confinée par les prés du
citoyen Sersiron, appelé Derrière-les-Murs, le pré du Couvent et
la Pradas, de jour et bise ; la parcelle ci-après, ae midi ; le surplus
dudit communal du Cham bon, de n u it, suivant que bornes sont
plantées ; et le chemin nouvellement tracé, encore ae bise; estimée
mille huit cent quatre-vingt-dix francs,, c i ......................
1890 fr.
A a
36.
Autre petite parcelle de communal, terroir du Chambon , de la
contenue de soixante-quinze toises, confinée par le pré du sieur
Sersiron aîné, de jour et midi ; par le surplus audit Cliambon, de
u uit, suivant que bornes sont plantées; et parcelle ci-dessus, de
bise; estimée cent cinquante francs, c i .............................. i5o fr.
�ta t u « ®
( 5 6 )
F A I T S .
A
rt.
I".
I l y avoit dans Pont-Gibaud quatre familles Boutarel; elles ont
été dépouillées et chassées par le sieur Legay.
Prem ière fa m ille.
Arnabte
roatarel-L afourdio.
Amable Boutarel, dit Lagourdin, fermier de la terre de PontG ibaud, décédé en 1766 ; il laisse une fortune mobilière considé
rable. M . Legay connoissoit toutes ses affaires; il arrache de sa
veuve et de son fils, qui ne les connoissoient pas, sous le nom de
L e y rid o n , son clerc, et pour la modique somme de 3ooo f r . , les
cessions de tout ce qui lui étoit dû, soit pour arrérages de cens,
rentes, percières, dîmes, etc., soit en vertu d ’obligations, cheptel,
baux à fermes. Ces cessions , qui furent passées sous signature
privée, sont pour lui une mine inépuisable : i ce qui étoit dû il
ajoute ce qui ne l’éloit pas. En sa qualité de b a illi, et sous de
■vains prétextes, il appose les scellés chez la plupart des débiteurs;
lors de la rémotion, il enlève les doubles des baux, les obligations
remises, les quittances de cens données par Boutarel ou sa veuve;
il poursuit rigoureusement ces débiteurs, qui ne peuvent établir
leur libération, et il les oblige à payer une seconde fois, nonseulement les principaux, mais encore les intérêts et des frais im
menses, dont il profile seul, puisque les cessions n'étant que sous
signature privée, il agit au nom des cédans, et il devient par là
partie, procureur et juge.
C ’est ainsi que M . Legay a écrasé plusieurs villages, et notam
ment celui de Péchadoire, où il a formé une vaste prairie aux
dépens des propriétés dont il a forcé la vente, et dont il est devenu
adjudicataire sous des prête-noms, suivant, entr’autres, les sentences
d ’adjudication rendues contre les Merle, Biard, Langleix, M ontel,
Bourdassot, etc., les 1". janvier 1766, 14 niai 1772, 14 décembre
*77 5 , 7 juillet 1787, etc.
L a veuve Boutarel et ses enfans sont obligés de se retirer à
Clerm ont, n’emportant des richesses de Boutarel que la somme
de 3ooo fr ., prix de la cession qu’ils ont faite au sieur Legay; et,
en l’an 12, ce dernier s’est encore trouvé leur créancier de 12000 fr.
réduits A 7000 f r . , que Hugues Boutarel, fils du cédant, paye par
respect pour la mémoire de son père, que le sieur Legay a com
plètement ruiné.
Seconde
�( 5 7 )
Seconde fa m ille.
Antoine Boutarel, notaire et contrôleur des actes, décède en
brûleur
*7^4 » >1 laisse liuil enfans de deux lits : Brandely est nommé tuteur de» aetes.
de ceux du premier, et Claire M allet, tutrice de ceux du second.
L un et l’autre étoient aussi crédules qu'inexpérimentés : M . Legay
leur persuade que la succession d’Antoine Boutarel est plus oné
reuse que profitable; ils la répudient, la font répudier aux enfans
devenus majeurs, et tous quittent Pont-Gibaud pour aller traîner
nu loin une triste existence. Alors M . Legay fait nommer pour
curateur à cette succession vacante Annet L a r d y , recors, qui lui
étoit absolument dévoué.
Il fait vendre le mobilier judiciairement devant lu i- m ê m e ; il
adjuge, à vil p r ix , le meilleur à sa fe m m e , et il s’empare de
l ’argent provenant du surplus.
Il
tait vendre de gré à gré, par le curateur, l’office de notaire,
c t les plus précieux héritages d’Antoine Boutarel, moyennant de
modiques sommes déléguées à des créanciers complaisans ou fact'e e s , et il fait vendre de même les autres héritages à des parti
culiers contre lesquels, et notamment contre M . P e ro l, il fait
prononcer par la suite, en sa faveur, le désistement de ces héri
tages, comme il sera dit après.
François Boutarel, fils aîné d’Antoine, s’étoit engagé; il étoit
à son corps lors de la mort de son père; il vient à Pont-Gibaud
en 1770, apprend toutes ces malversations, les consigne dans un
mémoire, et se dispose à traduire M . Legay en justice : aussitôt
ce dernier le fait poursuivre comme déserteur ( il n ’avoit pas de
congé définitif) par la maréchaussée qui étoit à sa disposition;
Antoine Boutarel n’a que le temps de se sauver par une fenêtre ;
et sentant qu’ il kitteroit vainement contre M . Legay, il part pour
l’A m érique, d’où il n'est plus revenu.
Pour régulariser les actes oppressifs, illégaux et frauduleux qui
avoient rendu M . Legay maître de la fortune d ’Antoine Boutarel,
il caresse François Boutarel, le plus jeune de ses enfans, qui vivoit
de charités à Clermont, lui fait de petits présens, et le fait relever
sa répudiation ; et en 1787 ledit François Boutarel ratifie en
faveur dudit Legay, devant Dem ay, notaire à Glermont, moyen, « fmt 376 fr. qui 11e furent mis lù que pour la fo rm e, toutes les
J'cnies qui lui avoient été laites par le curateur à la succession, et
lu' fait cession de Ions les autres droits.
C ’est ainsi que M. Legav a envahi cette succession, et qu’il en
cet aujourd’hui paisible possesseur.
Il
�( 58 )
Troisièm e fa m ille.
Jean BouM rel,
bourgeois.
Jean Boutarel possédoit des biens considérables, tous agréable
ment situés autour de Pont-Gihaud ; ils tentent la cupulité de
M . Legay, et il dresse scs batteries pour les attaquer.
Jean Boutarel avoil cinq enfans, trois garçons et deux filles.
Legay s’empare successivement des biens des trois garçons , et se
seroit emparé de même de ceux des filles , si elles n ’avoient pas
trouvé un défenseur en M . Conchon^ qui en avoit épousé une, et
avec lequel l’autre fait sa résidence.
Etienne B outarel,
bourgeois.
Etienne, l’aîné, se marie en 1768; son père l’institue son héri
tie r, et lui donne en avancement d ’hoirie un beau domaine : il
avoit le goût de la dissipation; Legay captive sa confiance, et lui
fait entreprendre un commerce abusif et une société ruineuse. Sous
le cautionnement de Legay, des usuriers lui prêtent de l’ar ont,
q u ’il divertit; il est poursuivi par ses créanciers animés par Legay,
et il est obligé de vendre à ce dernier une partie de son domaine.
Son père meurt en 1771 ; Legay lui fait entreprendre un procès
avec ses cohéritiers, qui dura jusqu’en 1774» époque où se fait
enfin judiciairement le partage. Dans cet intervalle il débauche la
femme d’Etienne Boutarel, et lui achète une partie de ses biens;
après le partage, il achète l’autre partie, et le f a it , par ses con
seils, séparer de biens avec sa fe m m e , déposer au greffe son
bilan, dans lequel Legay se fait comprendre pour des créances
considérables qu’il avoit acquittées aux dépens du prix des biens
d ’Etienne, dont les contrats d’acquisitions portoient quittance, et
auxquelles Legay avoit eu soin de se faire subroger. Complète
ment ruiné, Legay le chasse de Pont-Gibaud, lui et sa femme.
Ils errent long-temps de village en village, et ils vont enfin mourir
de faim, l’un à Plauzat, et l’autre à Riom.
Ces infortunés laissèrent deux enfans qui seroient aujourd’hui
réduits au plus fâcheux état, si la valeur intrépide et la bonne
conduite de l’un des d eux, ne l’eussent fait appeler à la légion
d ’honneur, après avoir mérité l’estime de ses chefs, qui l’ont vu
se distinguer en Egypte et à Maringo, parmi les guides du héros
qui nous gouverne, et sous le commandement d ’un jeune prince
déjà célèbre.
Je«n Boutarel,
huissier.
Jean , le cadet, etoit clerc chez M . Hom , à Charbonnières-lesVieillcs, lors de la mort de son père; il refuse à M. L e g a y , h)
cession de ses droits. En vertu do celle de son aîn é, Legay lu1
�suscite dos procès, il lui fait signifier un jour trois dénonciations.
Celui-ci les porte, ainsi qu'une lettre par laquelle Legay lui mande
que la succession de son père est très-obérée, à IVI. Conclion, son
beau-frère, qui lui démontre que ce ne sont que des moyens ima
ginés par Legay pour avoir ses biens à vil prix. 11 lui donne sa
procuration , et se retire à Volvic, où il se marie avec M " e. Flourit.
I f g a y prend pour clerc M . Flourit ( beau-frère de Boutarel), par
1 intermédiaire duquel il obtient, le 2 février 1774» la cession qu’il
désiroit. En vertu de cette cession , il revient contre le partage de
17 7 4 , et il intente à M . Conclion et à sa belle-sœur, un procès
aussi long que dispendieux, que ledit sieur Legny a enfin perdu à
la cour d'appel actuellement existante à Riom.
Pour éviter des subrogations d ’action , Legay convertit cette
cession en contrats de rentes et de ventes, et en baux à fermes;
il en paye le prix par petits écus : il ruine encore ce malheureux,
à qui il fait {aire, comme à son ain e, séparation de biens avec
sa fem m e, et qui est aujourd'hui dans la misère.
M arien, le plus jeu n e, aussi facile à gouverner que ses frères,
se voit lorcé par les tracasseries de M . Legay, et les procès qu'il
lui suscite, de vendre ses propriétés (d o n t L egay achète la plus
précieuse partie ) , et meurt dans la misère.
Marien Boutarel
taaucur.
Quatrièm e fa m ille .
Marien Boutarel éloit économe ; il adminislroil ses biens avec
Soin; il vivoit paisiblement, et s’occupoit de l’éducation de ses
enfans. M . Legay ne pouvoit l’enlacer dans ses rets qu’en gagnant
sa confiance : il le fait nommer procureur d ’olfice. L e sentiment
de la reronnoissance, et l'hypocrite intérêt que Legay prend à
lui, le rendent docile i ses conseils : il le la il entrer dans des spé
culations commerciales donl il n’a pas l’esprit de prévoir les suites.
En ilatant son arrour-propre, Legay lui lait quitter, malgré les
oppositions de sa femme et de ses enfans, son auberge, qui lui
procuroit d'honnêtes bénéfices. Dès-lors ses affaires vont en dé
clinant; il éprouve des poursuites; il se jelte entre les bras de
M . Legay : c'etoit là où ce dernier l’atlendoit. Il a l ’air de venir
officieusement à son secours; Boutarel lui confie ses secrets et ses
papiers; Legay abuse des uns, il retient les autres, et le force
de vendre sis biens, dont il achète à vil prix ceux qui lui con
viennent. Il fait faire séparation de liions à sa femme , et il les
r e l è v e ions d eux, avec leur nombreuse famille, au domaine de
la Brousse appartenant à la femme.
II 2
Marien Boutarel
aubergiste.
�( 6 0 ) '
II
restoit ù Marien Boutarel un pré, une clioncvicre et scs bàtimens à Pont-Gibaud. M . Legay chcrclie d’oiïice ses créanciers,
il est l’agent secret de leurs poursuites; les huissiers pleuvcnt chez
le malheureux Marien Boutarel. Toujours confiant , toujours
aveuglé par les démonstrations d ’amitié de L e g a y , il va le con
sulter toutes les fois qu’il reçoit des exploits. M . Legay lui offre
sa protection, tandis qu’il l’envoie exécuter : il le carresse d’une
m a in , tandis qu’il le poignarde de l’autre; et il l’amène enfin
au point de lui vendre pour i 3oo francs un pré dont il trouvoit
de M . Perol, 2400 francs ; à son neveu, la majeure partie de
ses bûtimens; et à ses créatures, le surplus, pour des sommes
modiques.
, L a femme de Marien Boutarel, accablée de chagrins , meurt en
1782, et lui meurt un an après, insolvable, après avoir mangé
tout son bien et une partie de celui de sa femme.
Ils laissent sept enfans : deux d’entr’eux, Benoît et Jérôme,
veulent recueillir les débris de la fortune de leur mère; ils trouvent
encore en leur chemin M . L e g a y : il leur suscite des procès de
toutes les espèces. Grâce à la révolution qui a détruit la puissance
féodale, au moyen de laquelle le sieur Legay faisoit tout impu
nément , et à l’intégrité des tribunaux, ils en ont gagné plusieurs,
et ils espèrent gagner ceux qui sont encore pendans.
A
Paty - G renelle,
notaire.
rt.
II,
Paty-Grenelle étoit notaire h Pont-Gibaud : il avoit deux torts
envers M . L e g a y ; le p r e m i e r d e partager la confiance publique,
malgré l’autorité dudit Legay; le second, d’avoir procuré à M. le
procureur du roi de la. sénéchaussée d’Auvergne, la minute qui
conlenoit le faux pour lequel Mazeron poursuivoit M . Legay. Celuici jure la perte de Paty; selon son habitude, il lui fait éprouver des
tracasseries, des procès: Paty se dégoûte de P o n t- G ib a u d . Ne
pouvant avoir directement son office de notaire, M . Legay le fait
acheter par un nommé Sucheyre, qui le revend de suite au fils
de INT. Legay. Paty, retiré à Clermont, cherche à vendre un beau
domaine qu’il possédoit dans le village de Chausselles, près PontGibaud. Comme agent des affaires du seigneur, M . Legay répand
le bruit que ceux qui l’achèteront payeront les droits de lods à la
rigueur : personne ne s’approche. Paty veut s’associer à la ferme
du duc de Bouillon, dont dépendoit le greffe de la sénechaussee
d ’Auvergne ; on lui demande une caution. M . Legay lui offre
officieusement son nom, à condition qu’il lui vendra son domaine.
Contraint de prendre ce parti, Paty en passe la vente au prix que
�"veut fixer le sieur Legay, le 20 octobre 1781. Celui-ci fait glisser
adroitement dans l’acte de vente des héritages qui n apparteùoient
pas à P a ty , mais bien à M. Conchon. D e là un procès lors de
l’instruction duquel le commissaire près le tribunal de Riom dé
couvrit l’existence du faux pour lequel Legay a été poursuivi par
le tribunal criminel de Moulins.
Enfin, Paty retiré à C lerm ont, ayant changé son office de no
taire pour une place de greffier qui ne lui rapportoit rien; sans
biens, sans ressource, est mort jeune, ainsi que son épouse, tous
deux plongés dans la plus affreuse misère.
A r t .
III.
Lors de l ’installation de M. Legay dans Pont-Gibaud, il étoit
logé dans une chaumière qui joignoit une maison et un jardin
appartenans aux Chardon et Leyridon. M. L e g a y , semblable à
la lice de la fa b le , s’en empare de sa propre autorité, et des deux
maisons il en construit une belle. En 1778, Leyridon, et H o ry,
son beau-frère, l’attaquent en désistement; ils étoient, l’un bou
langer, et l’autre perruquier : leurs moyens étoient plus que bor
nés. Par diverses collusions avec leur procureur, Legay obtient
contre eux, en la sénéchaussée de Hioin, une sentence par défaut.
Ils en appellent au parlement de Paris; Hory s’y rend pour pour
suivre le procès, et a bientôt épuisé ses ressources : dénué de tout,
couchant dans la rue , vivant de pain et d’eau , il est surpris un
jour par la police , et renfermé comme vagabond dans une mai
son de détention. Il y meurt bientôt après de chagrin et de misère,
et sa mort délivre M. Legay de cet importun dont il retient la
maison et le jardin.
A r t .
Leyridon et Iiory.
IV .
M. Senturet achète, de M. Heyraud, une maison, un jardin
et des prés situés à P o n t- G ib a u d , moyennant 5oo francs une
fois payés, et une rente annuelle de 200 francs. Il ne s’adresse
pas à L egay, pour passer l’acte. C e dernier convoiloit ces objets
pour M. R ato in , son gendre. M. Senturet encourt par là la haine
de Legay. Celui-ci l’assigne au nom du seigneur, d abord pour le
payement des droits de lads, au juste prix., qui n ’étoient pas dus,
puisque le prix de la vente étoit converti en rente ; ensuite hy
pothécairement , pour ceux que devoit M . Heyraud pour les
mêmes objets qu’il a voit acquis en 1777* Comme bailli du seigneur,
Etienne Senturet»
�le sieur Legay rend une sentence adjudicative de ces conclusions:
appel à Riom , sentence par défaut ; appel au parlement. Dans
cet intervalle, les huissiers désolent Senturet; il paye jusques et
à concurrence de 1200 irancs. Enfin, ne pouvant lutter avec suc
cès contre le seigneur, au nom duquel M. Legay le poursuivoit,
ce malheureux est forcé de céder la maison et ce qui en dépend,
à M . Ratoin : l’acte est passé devant M . Bouyon, notaire, le a 3
juillet 1787. M . Ratoin est délégué à payer la rente; il en con
signe le capital : procès d’ordre entre les créanciers; M . Ratoin y
figure comme cessionnaire des droits de lods, intérêts et frais dus
à M . M o r é , en vertu d ’un acte de cession que le sieur Legay
avoil même reçu en sa qualité de notaire, le 22 septembre 1787.
De cette manière, il a retenu la plus grande partie du capital de
la rente, au préjudice des créanciers légitimes. Enfin, cette affaire
ayant ruiné Senturet, le sieur Legay fait faire séparation de biens
à Eléonore T a ra v a n t, sa fem m e, et les relègue Ions deux dans
nne petite maison dont il leur avoit donné la jouissance pendant
leur vie.
A
Hubert Mayade.
V.
Hubert Mayade avoit pour toute fortune un beau pré situé
dans Pont-Gibaud. M . Legay le force, par ses moyens ordinaires,
à lui en faire la vente à vil prix, et il l ’a payé avec des pièces de
douze sous et des coups de pied au cul; en sorte qu’il est mort,
ainsi que sa fem m e, dans la misère, et il a laissé quatre enfans
qui n ’ont pour -vivre d ’autres ressources que leurs bras.
A
Etienne Cros.
.
r t
rt
.
V I.
Etienne Cros possédoit une chenevière située devant la maison
du sieur L e g a y ; elle convenoit à ce dernier : ne pouvant l’obtenir
que lorsque le propriétaire seroit dans un état de délresse, il en
médite la ruine; il emploie la ruse et la flatterie: il obtient sa
confiance. Cros étoit voiturier ; le sieur Legay lui fait prêter ,
8011s son cautionnement, des balles de sel par des marchands
d ’Aubusson, et contracter des dettes; enfin il engage M . M açe,
ui étoit son principal créancier, à lui confier ses pièces : il lait
es poursuites contre ce malheureiiæ C ros, qui devient encore une
de ses \ictimos. Il est forcé de lui vem're à vil prix sa chenevière,
dont M . Legay fait yn beau jardin; et Cros est aujourd’hui dans
lu misère.
3
�(63 )
A
rt
.
VII.
Plusieurs autres familles, parmi lesquelles on peut compter
Celm e, à qui M . Legay a fait faire séparation (le biens avec sa
fem m e, les Taravant, les P a ty , les Dauphin, dont il possède les
trois quarts des biens, ont été les victimes de sa cupidité insa
tiable. En un m ot, Legay a dépouillé tous ceux qui avoient de la
fortune ou des héritages à sa bienséance.
A
rt.
VIII.
Les sieurs Perol, Sersiron aîné, et Bertin, curé de Pont-Gibaud,
sont les seuls qui ont osé s’opposer au torrent de ses déprédations.
Malgré les victoires qu’ils ont toujours remportées, les deux pre
miers se sont vus forcés de quitter Pont-Gibaud, pour faire cesser
l ’état de guerre dans lequel ds vivoient; et le troisième, heureuse
ment soutenu par sa famille, qui avoit du crédit dans R io m , et
grâce à la révolution , qui mit fin à la puissance du sieur L e g a y , a
terminé sa carrière dans Pont-Gibaud.
M . Pe;rol est un officier de santé, plein d ’honneur et de connois- ^cierde «nté.'
sances; il épouse une demoiselle D em ou lin , qui avoit de la for
tune dans Pont-Gibaud , et s’y établit. Ses talens le font recher
cher; il exerce son état avec succès; il administre les biens de
sa femme , et ceux qu’il achète, avec sagesse. La ferme de la
terre de Confolent, clont M . Legay a renouvelé le terrier, se
présente, M . Perol la prend de société avec lui. Pendant la durée
du b a il, Legay commet des infidélités envers M . P e ro l, et fait
éprouver aux chanoines de la cathédrale un procès aussi injuste
que dispendieux, à l’occasion de la dlme de Marché. A l’expira
tion du bail, Legay est expulsé, et M . Perol devient seul fermier:
aussitôt le premier aiguise les arines de la vengeance; il suscite à
M . Perol, en donnant des quittances fausses, un procès considé
rable que celui-ci a gagné, et pour l’instruction duquel il a été
publié des mémoires imprimés, qui démontrent les friponneries
de Legay. Il entrave, par mille moyens illicites, la levée des
cens, percières et dîmes : pour neutraliser le moulin de Confolent,
il cherche à en construire un sur les communaux de Ceissat. Les
habitang de ce village, n ’osant pas citer M . Legay en justice,
brisent pendant la nuit tous les bois qui déjà étoient ramassés et
préparés, et comblent tous les ouvrages commencés. M . Legay
«e se rebute pas ; il achète un emplacement, et il y fait construire
�i 64 .
\
un moulin; pour le desservir, il débauche
le domestique meu
nier de M . Perol. Pour achalander son moulin, comme régisseur
des terres de P o n t - G i b a u d , Àlagnat, St.-Àndré, M . L egay pour
suit en pagésie, comme bailli; il condamne iniquement tous ceux
qui ne lui donnent pas leur pratique : bientôt le moulin de Confolent et tous ceux de Ceissat sont déserts. Il refuse de délivrer
à M . Perol u ne liève modée qu’il étoit tenu de fournir, d ’après
une clause du bail; en sorte que, ne pouvant pas faire la per
ception de la censive, M . Perol auroit perdu considérablement
dans une ferme où ils avoient eu ensem b le des bénéfices, sans la
révolution qui a aboli les droits seigneuriaux. M . Perol étoit gref
fier de la justice de Pont-Gibaud ; Legay le fait destituer et
remplacer par le jeune Gaumet, son clerc, qui n ’avoit pas l’âge.
Dans le même temps, il fait aussi destituer Marien Boutarel,
procureur d ’office, qu’il avoit ruiné, et il fait nommer à sa place
M . Sersiron, qu’il avoit fait destituer à l’occasion de l’ancien procès
de la cour des aides, pour lui substituer M . Ratoln, son gendre.
Enfin M . Legay fait aussi nommer huissier, le nommé T ixe ro n ,
sa victime et sa créature ; et il réunit ainsi sur sa tête toute la
justice.
M. Legay avoit fait vendre à M . Perol, par le curateur h la
succession vacante d'Antoine Boutarel, en payement d’une créance
qu’il avoit sur cette succession, une terre située dans les appar
tenances de St.-Ours; en 1790, par acte reçu D e m a y , notaire ù
Clermont, le sieur Legay se la fait céder par François Boutarel, le
plus jeune de ses enfans, en qualité d ’héritier de son père; et en
vertu de celle cession, il expulse M . Perol en 1791, et il en con
signe le prix en assignats que M . Perol a perdus.
L e 12 mars 178$, M . Legay tient, sous la halle de PontGibaud, une assemblée illégale; il intimide, il comprime quelques
nssislans, et il se fait nommer syndic de Pont-Gibaud. L e nommé
François T ixie r, de Fougens, qui figuroit comme témoin dans
le délibératoire que Legay reçoit lui-même, donne son désaveu
à la réquisition de M M . Perol et Sersiron a în é , par acte reçu
Im bert, notaire, le 17 août 1786. D e là un procès à la cour des
aides , où Legay fut traité ignominieusement par M M . Tiollier
et Bcrgier , avocats; de là les mémoires imprimés, qui dévoilent
l i n e partie de ses turpitudes ; de là des jugemens fort honorables
pour ses adversaires, et flétrissans pour lui.
Depuis 1785, jusqu'au commencement de la révolution, il n’est
pas d’avanies, de persécutions, de tournions , que Legay n ’ait
fait éprouver à M . Perol : sa femme en meurt de chagrin ; luimême , désolé, harassé par les luttes qu’il avoit continuellement
avec
�( <55 )
avec L e g a y , prend le parti de lui céder la place, et de se re
tirer à Montferrand, où il est encore aimé et estimé de tous ses
concitoyens.
M . Perol étoit maire, lorsqu’il quitta Pont-Gibaud. M . D e ffournoux lui succède : il étoit gendre de M . Perol, premier tort
envers le sieur Legay ; il étoit officierj.de santé, instruit, e t,
sous ce rapport, il nuisoit aux intérêts de JYT. Sersiron, gendre
du sieur Legay , second tort. Legay se déchaîne contre lui , il
le déchire dans des mémoires imprimés, il lui fait des procès;
enfin il l’oblige aussi de quitter Pont-Gibaud , et de se retirer à
Clermont, où il exerce son état, avec autant de succès que de
confiance.
M . Sersiron aîné, dont on a parlé dans le corps du mémoire,
a été autant persécuté, pour ne pas dire plus, que M . P e ro l, avec
lequel il faisoit cause commune. M . Legay l’a encore obligé de
quitter Pont-Gibaud, pour se retirer à R o u r e , où il mène une
vie misérable.
Enfin, M . Bertin, curé de Pont-Gibaud, que Legay avoit aussi
persécuté, et contre lequel il avoit machiné plusieurs procès, ne
doit le succès de la résistance qu’il lui a opposée, comme on l’a
déjà d it, qu’au crédit de sa famille, et à la révolution.
A
rt
.
M . D effou rnou x,
officier du ianté.
M . Sersiron ai n i.
M . Bertin , curé de
Pout-Gibaud.
IX.
En 1780, M . M o r e , las des malversations du sieur L e g a y ,
fait venir de Paris M. Bécasse, avocat; il lui donne la direction
de ses affaires, et le charge de l’examen de la conduite de L e g a y ,
dont les victimes accourent de toutes parts : les cessions , les
ventes frauduleuses, les actes d ’autorité, tout est produit, tout
prouve ses infamies. 1VT. M oré, par les conseils de M . Bécasse,
se dispose à sévir contre L eg a y; mais celui-ci trouve bientôt les
moyens de conjurer l’orage: les terriers, les titres les plus pré
cieux de M . M oré, étoient à sa disposition ; il les enlève, il les
met dans un endroit connu de lui seul. En vain, pour l’obliger
à les rendre, il se passe des scènes tragiques : M . M o ré , voyant
sa fortune compromise, gagné d’ailleurs par les sollicitations de
M . Dalagnat, qui, par bonté d’àm e, protégeoit ce fripon, et que
Legay avoit intéressé à sa cause par des prières et de basses
complaisances , lui pardonne. Insensiblement Legay prévient
M . Moré contre le sieur Bécasse. Enfin, Legay triomphe, et cet
honnête homme devient encore une de ses victimes.
Renvoyé par M . M oré, M . Bécasse se dispose à partir pour
Paris. L e sieur Legay le poursuit illégalement, en sa qualité de
M . Bécasse, de Pari».
�( 66 D .
bailli, au nom du seigneur: sur de simples exposes, il fait saisir
et arrêter ses malles. M . Bécasse poursuit à son tour M . M o r e ,
en la sénéchaussée d’Auvergne et au parlement de Paris ; enfin ,
il obtient contre M . M o re, un arrêt qui le condamne à i 5oo fr.
de d o m m a g e s - intérêts , que le sieur Legay paye de sa propre
poche, et à l’insçu du seigneur.
C'est ainsi que Legay conserve la place d ’agent d’affaires de
M . M o re , et, par suite, le droit d’exercer impunément des ven
geances et des poursuites.
X.
A r t .
M . O c r a r r t . vicairo
à Pont-Gibaud.
En 1789, M . Legay tenoit une assemblée illégale, sous la halle
de Pont-Gibaud, contre M . Bertin, c u r é ; M . Clém ent, son vi
caire, passe, et regarde Legay : c’étoit un crime de lèze-majesté;
ce dernier le fait insulter, injurier et menacer par ses gens:
M . Clément fait informer contre le sieur L eg a y, à R i o m ; celuici fait informer contre M . le vicaire, à Pont-Gibaud, par Michel
Guillaume, devenu imbécile, qui lui servoit d ’ancien curial. L a
révolution arrive, et les choses en restent là.
A
M M . Latiourier
et Papon, de St.-Our».
rt
M M . Labourier et P apo n, riches propriétaires de la commune
de Saint-Ours, possédoient des héritages à la bienséance du sieur
L e g a y ; il leur intente deux procès à la requête du seigneur, pour
deux terres qu’il prétendoit percièrales. Chaque procès donne lieu
à deux descentes d’experts et tiers experts, qui démontrent l’in
justice des prétentions de Legay. 11 se fait des frais énormes : les
dossiers, que l’on peut consulter chez M M . Gourbeyre et V ernière, .¿voués, fourmillent d’écritures faites par le sieur L e g a y ,
parmi lesquelles il y en a de huit ou neuf cents rôles. Ces procès
ont duré au moins vingt ans ; c’en étoil fait ^le M M . L a
bourier et Papon, si la révolution n’étoit pas venue à leur secours;
malgré leur bon d ro it, ils auroient succombé sous les coups du
sieur L egay, et se seroieut vus ruinés.
A n
Cl’ iidr Blard , de
Péchadüirc.
. XI.
t.
XII.
En vertu de la cession Boutarel, M . Logny poursuit rigoureu
sement Claude Biard , de Péchadoire , et le force a lui vendre,
moyennant uooo f r . , par acte du 18 janvier 17^0, un beau pu:
qu’il possédoit dans les appartenances de Péchadoire. Une faculté
�de rachat dans cinq ans est stipulée dans l’acte de vente : les cinq
ans expirent, Claude Biard ne rembourse pas; il le fait assigner
en 177 4 , pour voir déclarer la vente pure et simple. Claude Biard,
dans la misère, le supplie d'attendre des temps plus opportuns; ses
supplications, ses gémissemens, tout est inutile» Enfin, Mi Legay
étoit sur le point de retenir pour 2000 fr. uné propriété, qui on
.valoit 10000, et qui faisoit toute la fortune du malheureux Biardr,
lorsque c e lu i-c i s’avise de se jeter aux pieds de M.. M oré; il lui
expose sa situation, le seigneur en prend pitié< çt le 17 mars 1717^
il lui prête la somme de 2400 f r . , avec laquelle M . Legay est rem
boursé et forcé de lâcher son pré.
Furieux des généreux procédés de M . M oré, il fait contre Biard,
devant B o u y o n , notaire, les 20 février et 17 mars 1 7 7 5 , deux
actes de protestation, dans lesquels il a l’iudécence de déclarer qu'il
est contraint de céder à la tyrannie et au despotisme du seigneur.
Dans la quittance de remboursement,;M. Legay avoit eü la ruse
d'insérer q u ’il se réservoit ses améliorations : en vertu de cette clause,
après la mort du patron de Biard, il lui intente un procès, il le force
à lui vendre son pré, et il fait encore.mourir ce malheureux dans
la misère.
i
A u t . XIII.
’
En 1788, M . D elcro s, praticien, s’établit à P o n t-G ibaud ; il
avoit de 1 instruction : les héritiers Merle, au nombre de quatorze,
implorent son secours, ils le supplient d ’interposer sa médiation
pour obtenir de M . Legay la restitution de leurs biens. M . Delcros,
touché par leurs larmes, prend leurs intérêts en mains : des actions
en désistement sont dirigées contre M. Legay; il se fait une énorme
procédure, dans laquelle M . Delcros dévoile foutes les affreuses
manoeuvres que M . L rgay avoit employées pour s’emparer des
biens de ses cliens. L ’affaire étoit si»r le point d'être jugée , il alloit
succomber; que h iil-il? sous le ncin de Michel Guillaume, alors
imbécile, qu’il fait servir d ’ancien curial, il lance, pour des délits
imaginaires , contre ses adversaires , contre leurs procureurs ot.
contre M . Delcros, quinze ou seize décrets. Intimidés, tremblans,
ne sachant comment se soustraire ii ces coups d’autorité, les mal
heureux Merle suspendent leurs poursuites ; M. L egay les flatte,
les caresse, leur promet d’anéantir ces poursuites criminelles, s’ils
veulent lui céder leurs droits : quelques-uns y consentent, les autres
refusent ; mais n ’ayant point de ressources, M. Legay étant devenu
leur coparlageant, et M. Delcros ayant quitté P o n t-G ib a u d le
p o c è s a demeuré accroché; et le sieur Legay continue de posséder
injustement leurs biens.
1 2
Les M erle, de
P éch ïioife.
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A
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. XIV.
i
Cuillot-Pèleriu , de
la Courtoix.
•■
1
a a oureu.
L e nommé Guillot, dit le P è le r in , de la Courteix, avoit de la
fortune et une jeune femme : M . Legay envahit l’une, et il séduit
l’autre. 11 enlève les biens du mari, et la femme fait un enfant qui
ressemble à M . Legay au physique comme au moral : porteur,
comme lui, d’une hideuse figure, livré, comme lui, au brigandage,
mais n'ayant pas, comme lui, des ressources inépuisables pour se
soustraire aux châtimens mérités, il a été condamné à seize années
de fers, et il subit maintenant sa peine; il a laissé des enfans qui
sont tous les jours à la porte de M . L e g a y , qui les rebute.
Leur malheureuse grand’m ère, (jui avoit de grands droits à la
reconnoissance de M . L e g a y , ne vit aussi que ae charités. 11 lui
est du un douaire sur les biens de son mari : M . Legay a reçu son
contrat de mariage; depuis long - temps elle le sollicite et le fait
solliciter de lui en délivrer une expédition, pour la recherche de ses
droits : tout est inutile. M . L e g a y , qui possède tous les biens de
son m ari, n ’a garde de délivrer un titre en vertu duquel on pourroit le contraindre à en rendre une partie ; et il a la cruauté de
laisser cette infortunée plongée dans la plus affreuse indigence.
A r t .
XV.
conduite de M . Legay a été à peu près la même à l’égard de
M a rie -A n n e Sanitas, du même lieu de la Courteix : elle avoit
quelque fortune qu’il lui a enlevée, et il l ’a réduite à devenir mar
chande de vieux drapeaux.
A r t .
XVI.
M. Bidon,de Riom.
Quelques annee9 avant la révolution, M . Legay obtient la con•f,‘
fiance de M . Bidon, seigneur de Villemonteix; il le charge de la
rénovation de son terrier : M . Legay en prend occasion de vexer plu
sieurs particuliers. Dans cet intervalle, M . Bidon lui prête 6oo fr. :
quelque temps après, il veut les lui demander chez M . Bonyon,
notaire à Bromoivtj M. Legay lui dit des injures, il le maltraite :
les suites aurdient été bien graves, s’il n’y avoit eu du secours.
M . Bidon fait informer contre lui, il fait informer contre M . Bidon;
et la révolution vieut encore paralyser celte double iniormation.
�(« 9 )
A r t .
XVII.
L e 5 novembre 1765, M . Legay procède, comme expert, au
partage des biens des T ixe ro n , de Saint-Ours, conjointement avec
Amable M aignet, du lieu de Vauzeille. L e rapport est signé par
les deux experts à chaque page, et enregistré : Maignet le laisse
dans les mains de M . Legay. Un des cohéritiers, demeurant à
Clermont, promet de céder ses biens à M . Legay : ce'ui-ci veut en
conséquence favoriser Louis T ixero n aîné aux dépens des légitimaires, et pour cela il bouleverse le rapport; il coupe plusieurs
feuilles signées des deux experts ; il en substitue d’autres signées de
lui seul : les lots deviemtent confondus, et il compose à son gré
celui qu’il se propose d ’acquérir, et celui de Louis Tixeron. Le
procès verbal d ’affirmation, du i*r. septembre 1766, fait mention
de ces falsifications.
A r t .
Les T ir e r o n , de
S t.-O u ri.
1
XVIII.
Quelques années avant la révolution, Marie Chalus, veuve T ix e
ron, avoit vendu un pré à M . M o ré , moyennant la somme de
2000 f r . ; elle décède : Michel T ixeron , son fils, poursuit M . Moré
en lésion. M . Moré émigre. Tixeron reprend ses poursuites contre
la nation : jugement du tribunal, qui déclare qu’il y a lésion d ’outre
moitié. Dans cet intervalle, la nation vend le pré aux nommés
Bourdassot, Imbaud et autres. Tixeron veut s’en mettre en posses
sion, les acquéreurs lui opposent leur adjudication : procès ; le tri
bunal conserve la propriété du pré aux acquéreurs, à la charge de
payer à Tixeron le montant de la lésion, et des intérêts et irais,
fin cet é t a t , les parties s’arrangent par la médiation du juge de
paix; elles conviennent de partager le pré par moitié entre elles;
elles se transportent chez M . L e g a y , le . . . . an 4 , avec le bul
letin de l’arrangement, écrit de la main du juge de paix, pour lui
faire passer le traité en qualité de notaire. Ce pré fait plaisir à
M . L e g a y , il combine les moyens de se le procurer; il rédige l’acte,
Tixeron le signe, M . Legay le signe aussi ; il prend des moutons,
pour le payement de l’enregistrement, et tout est consommé. Quel
ques jours après, Tixeron demande une expédition de cet acte;
M . Legay allègue que Bourdassot n ’ayant pas voulu mettre sa signa
ture au b a s , il a été obligé de biffer la sienne. Tixeron le fait citer
en remise de cette expédition; M . Legay rapporte la minute devant
le juge de paix, avec sa signature birfée, et il en est dresse procès
verbal.
M ichel T i ’ e ro n , d#
S t.-O urs.
�i 7° ^
Peu de temps après, les mêmes parties s’abouchent, reprennent
leur premier arrangement, et vont de nouveau chez M . Legay pour
passer l’acte ; il les reçoit. T ix e r o n , croyant que cette fois tout
est fini, se met de bonne foi en possession de sa moitié de pré, et
y coupe des arbres : information contre lui; il allègue le traité, il
en demande expédition ; M . Legay lui répond que le traité n’existe
pas : citation au bureau de paix; même réponse, et procès verbal.
T rom pé deux fois, Tixeron prend le parti de poursuivre contre
Bourdassot et autres le payement de la lésion, et des intérêts et
frais : alors M . Legay se met en possession du pré, en vertu d’un
acte de subrogation à l’adjudication d’icelui, passé devant L egay,
son frère, notaire à C eissat, le 14 messidor an g. Tixeron avoit
de petites dettes; et quinze ou vingt saisies, toutes écrites de la
main du clerc de M . L e g a y , et plusieurs sans fondement, sont
faites entre les mains de Bourdassot et autres : dénonciations de la
part de ces derniers à Tixeron. T o u t cela donne lieu à un procès
dans lequel il a-été rendu, soit à R iom , soit à Moulins, neuf ou dix
jugemens : des incidens , des exécutions se font de part et d ’autre.
L a femme d e .......... un des acquéreurs du pré, qui n’étoit qu’un
des instrumens de M . Legay dans ce procès, voyant exécuter sa
vache pour la cinquième lo is, tombe évanouie, et meurt quelques
instans après.
Cependant, sous le nom de Bourdassot et autres, M . Legay de
vient cessionnaire de toutes les créances dues par Tixeron ; il est
le ministre de tous ces actes d’iniquité, il les oppose à T ixe ro n ;
et le tribunal ordonne un compte de créances, qu’il élude par
toutes les chicanes imaginables, et qui n’auroit jamais eu lieu sans
la courageuse compassion de M . Faucon, défenseur de Tixeron.
Enfin, au bout de trois ans, le procès se termine par quatre ou
cinq mille francs de frais, qui absorbent et au delà la créance de
T ixe ro n , complètement ruiné; et M . Legay reste paisible proprié
taire et possesseur du pré en question.
A r t .
Le»Sixfp.de»
RuiU».
XIX.
, En t 7 3/j, les deux frères Sixte, et Anne Maigne, veuve Six te,
procèdent au partage de leurs biens. M . Bonneau , de Hromonl,
et deux autres experts, en. sont chargés. M . Legay rédigé leur
rapport, le fait enregistrer, et l’acte reste entre ses mains.
Une terre de huit septerées (première qual i té), comprise dans
ce partage, fait envie au sieur L e g a y ; il s’en met en possession,
ou ne sait comment; ni en-vertu de quel titre. Pour favoriser
cette usurpation, M . Legay refond ce partage; il y iait figurer,
�comme lui appartenant, la terre en question; il y bouleverse les
lots. Des héritages avoient été vendus par quelques-uns des cohé
ritiers, M . Legay ne les porte pas sur leurs lots, afin d’ouvrir la
porte à des procès ; et en effet il y a eu des demandes en recours
et garantie. Pour valider ce nouveau partage, il falloit, et la
ture des experts, et la relation du contrôle ; il n ’étoit pas possible
d’obtenir ni les unes ni l'autre. Fécond en ressources, M . Legay fait
le partage en forme d’expédition, sur laquelle il rappelle les signa
tures et la relation du contrôle mises au bas du partage de 1784 :
en l’an 3 , il envoye celte expédition dans le département du Cantal,
i M . Sanitas, son ancien clerc, qui la signe comme commis-gref
fier de la justice de Pont-Gibaud ou des Roches, et il la fait déposer
chez M . Ratoin, son gendre, par un des copartageans et le gendre
de la Maigne.
M . Sanitas seroit-il en état de produire la minute dans laquelle
il a puisé cette expédition ?
A
rt
. XX.
En l’ an 8, M . Legay procède, comme expert, conjointement
avec le sieur Jérôme Boutarel, au partage des biens des D ev a l, du
P u y - M a la d r o it , en vertu de sentence du tribunal de Riorn : le
rapport est f a i t , et signé par eux deux ; M . Legay demande qu’il
soit déposé en ses mains comme notaire; les parties y consentent.
L e dépôt est fait de suite ; l'acte de dépôt contient les comptes et
les conventions ultérieures des parties; elles le payent comme expert
et comme notaire, en sorte que tout devoit être consommé : les
iarties se retirent dans la confiance que cet acte de dépôt existe.
*eu de temps après, Jacques Mioche, un des principaux copar
tageans, réclame l’expédition du partage et de l’acte de dépôt;
M . Legay en recule la délivrance sous de vains prétextes. Jean
D ev a l, autre copartageant, décède environ un an et demi après;
Jacques Mioche répète vainement sa demande. Enfin, en l’an i a ,
il menace M . Legay de le dénoncer, et celui-ci lui délivre une ex
pédition de ce partage, dans laquelle il y a des changemens dans
les lots; et l’acte de dépôt qui devoit être de l’an 8, et au nom de
Jean D eval, n ’est que de l’an 12, et au nom de Pierre D eval, son
fils, faisant tant pour lui que pour ses sœurs, qui déclarent hau
tement qu’il n ’y a pas contribué. Sentant que cette expédition le
comproinettoit, M . Legay a trouvé le moyen de la retirer des
mains de M io ch e, qui ne peut plus la ravoir.
Ï
�( 72 )
A
Les Aubignat.
,A'-~
Le* O licr.
rt
. XXI.
Aubignat avoit de beaux biens à Saint-Bonnet près Orcival, et à
Massagettes. Les nommés O lier, parens de la fpfnme de M . Legay,
avoient quelques droits sur ces biens; celui-ci s’en fait faire la ces
sion par acte reçu B o u tare l, notaire, le 3o'avril 11753.
M . Legay quête des créances sur Aubignat ; il s’en fait faire la
cession, notamment celle des religieux de S a in t-A n d ré, par acte
reçu Gardelle, notaire à Chamalières, le i 3 avril 1756; celle de
Georges Olier, par acte reçu Chabosion, notaire, le 6 juillet l'jSS;
celle du sieur Echalier, par acte reçu Boutarel, le 26 avril 1763, etc.
En vertu de toutes ces cessions, il poursuit Aubignat; Gabriel, son
fils, est obligé de venir en compte avec M . Legay. Les créances que
ce dernier s’est fait donner lu^coûtent environ 10000 francs, et il
les fait monter à 21946 francs, ainsi qu’il résulte de l’acte conte
nant règlement de compte entre lui et ledit Aubignat, passé devant
Labourier, notaire, le a 3 mai 1763. L e malheureux Aubignat est
obligé, pour payer le sieur L eg a y, de lui vendre ses biens, et de lui
céder d’autres droits. Joseph Aubignat, huissier à Orcival, et parent
dudit Aubignat, est contraint aussi de vendre à M . L e g a y , par
acte du 4 juin 177g, des biens à Saint-Bonnet, en payement de
créances par lui acquises ; et M . Legay trouve le moyen de former
aux dépens de ces Aubignat, deux beaux domaines, un à SaintBonnet, et l’autre à Massagettes : il a vendu ce dernier 40000 fr.
A
rt
.
XXII.
. M . Legay intente un procès aux O lier, parens de sa femme;
il les traîne de tribunaux en tribunaux, du bailliage à R iom , de
Riora à Paris; il fait intervenir dans le procès, par requête du
17 mai 1 7 8 4 , Pierre Roufiat et Pierre Lafarge : le premier étoit
mort depuis soixante-deux ans; et le second, depuis trente-huit
ans. Leurs héritiers font signifier au sieur Legay, en 1785, un
exploit rédigé par M . Bergîer, avocat, dans lequel on trouve ce
passage : L a providence a ménagé a u x représentons Roufiat et
L afarge, une ressource infaillible contre les manœuvres sourdes
dont on prétend les rendre 'victimes , les extraits mortuaires
des 2 août 172a, et 22 janvier 1746* M . Legay n ’en obtient
pas moins un arrêt contre eux au parlement de Paris. Enfin,
il ruine, et les O lier, et les héritiers Roufiat et Lafarge. Ici ,
M . Legay a eu le talent de faire plaider des morts.
A
r t
.
�( 73 )
Aat.
XXIII.
L e 8 février
M . L egay reçoit un contrat de mariage,
entre François Taillardat et Jeanne Vidal ; Antoine Vidal et
Marie Estier, père et mère de la future, comparoissent dans ce
contrat pour doler et forclore leur fdle : et Marie Estier étoit
morte depuis le 10 avril iyíjfó* Ici M . Legay fait contracter une
femme morte.
A rt. XXIV.
M . Legay tenoit sous sa m ain, directement ou indirectement,
les biens d’une fille Langleix, de Boloup, demeurant servante chez
le curé Bernard, à trois ou quatre lieues de L y o n ; elle lui écrit
plusieurs fois pour lui en demander la restitution : pas de réponse.
L e curé Bernard lui écrit plusieurs fois aussi; même obstination
à garder le silence : enfin il écrit au seigneur de Pont-Gibaud pour
plaindre du silence de M . son intendant. L e seigneur envoie
celte lettre à L e g a y , qui y fait une réponse conçue à peu près en
ces termes :
Vainem ent vous écrivez à M . L eg a y , mon intendant ; le mal
heureux a perdu la téte , il ne comprend plus aucune a ffa ire,
et ne peut rendre raison de rien; en conséquence, j e vous con
seille d’engager la f i lle L a n g leix à renoncer a ses démarches.
L e sieur Legay signe celte singulière réponse, L eg a y , b a illi de
V o n t- Gibaud.
I c i, il ne ressuscite pas un m ort, mais il multiplie un vivant:
du même individu il en fait deux, dont l’un perd la tête, et l’autre
U conserve trop bien , pour le malheur de la fille Langleix.
A n t.
X X
Marie Eâtier.
L a 611e L a r i c i * .
V.
L e soigneur de Pont-Gibaud veut,établir une fontaine dans son
château : des sources placées dans des prés appartenans à M . Conchon et à sa belle-sœur lui convenoient; il falloit se procurer, et
les sources, et le passage de l’aqueduc par ces prés. Il fait des
propositions à M . Conchon, qui, après avoir examiné le local,
promet d’y réfléchir, et d’en parler à sa femme et à sa bellesœur. Deux jours après, c’est-à-dire, le a 5 octobre 1785), M . L egay
envoie un projet de traité à M . Conchon, avec invitation d’y faire
ses observations. M . Conchon, ne le trouvant pas conforme à ses
intentions, en fait un autre et l’envoie. Cependant, M . Legay,'
de sa propre autorité, fait commencer les travaux: la conduite
de Peau est si précipitée, que M . Conchon n’a pas le temps de
M . Conchon et sa
belle-sœur.
�C 74 )
s’cn apercevoir. M . Legay a l’audace de faire transporter dans
ses propres prés le terrain provenant du déblai. M . Conclion se
plaint avec éclat de ces manœuvres : on lui assure qu’à l’arrivée
du seigneur de Pont-Gibaud, qui étoit à Paris, il recevra toute la
satisfaction aii’il peut désirer.
A u mois de janvier 1784, Legay envoie à M . Conclion la mi
nute d ’un traité reçu par lui-m êm e, le 21 octobre précédent,
dûment contrôlé, et revêtu de la signature du seigneur de Pontgibaud. ( Le lecteur remarquera que le 25 octobre il n’étoit qu'en
projet, et que, le 21 du même m ois, il étoit consommé.) Le
sieur Conclion n ’avoit pas consenti à ce traité; il ne l’avoit pas
signé, non plus que sa belle-sœur : on lui conseille de dénoncer
ce faux à la justice. Le seigneur de Pont-Gibaud arrive, et le
)rie de n ’en rien faire. Enfin, pour ne pas avoir affaire à Legay,
orsqu’il acheteroit ou vendroit des héritages dans l’étendue de
la terre de P o n t - G ib a u d , M . Conchon demande au seigneur
l ’affranchissement des droits de lods ; le seigneur l’accorde : un
traité est passé, et M . Legay évite encore une fois d’être pour
suivi pour un faux.
1
A r t .
X X V I.
L e 21 germinal an 1 1 , François Queyreuil, de la Gravière,
et Jean Mézonier, de M azaye, se présentent dans l’étude du sieur
L eg a y; ils lui donnent le consentement d ’un acte par lequel Mézonier vend à Queyreuil un bois, moyennant Goo francs. Ce bois
appartenoit, comme parapliernal, à Marie Langleix, femme Mézo
nier; il est expressément convenu que cette femme viendra le di
manche suivant donner son consentement à la vente, et indiquer
une hypothèque spéciale; sans quoi elle n ’aura pas lieu : elle ne
vient point le jour fixé; Queyreuil se transporte chez M. Legay
le lendemain , e t, en présence de témoins, il lui défend de passer
la vente, puisque les conventions arrêtées n ’ont pas lieu : Legay
le lui promet; e t , le 28 floréal suivant, il consomme la vente,
et il fait déclarer à Queyreuil qu’il ne sait pas signer, tandis qu’il
le sait faire, et que M . L egay ne pouvoit pas l’ignorer, puisqu’il
avoit passé plusieurs actes pour lui, et qu’il n’est pas un individu
dans la commune de St-Ours que L egay 11e connoissc parfaitement.
Mézonier, en vertu de cette vente, fait faire à Queyreuil une
sommation de payement; Queyreuil y forme opposition : procès
au tribunal de Clermont. Queyreuil fait valoir ses moyens ; le
sieur Legay y réplique au nom de Mézonier. Enfin, le tribunal,
considérant que Queyreuil n’avoit que la voie de 1inscription en
�faux contre M . L e g a y , le déboute de son opposition. C e mal
heureux , sentant que cette inscription en faux acheveroit de le
ruiner sans lui réussir, meurt de chagrin quelque temps après.
A
rt
.
X X V II.
Michelle F aure, veuve Colas , vouloit faire un avantage à
François Coins, son fils aîné; la loi du 17 nivôse l’entravOit : le
sieur Legay-lui fait faire, par le ministère de Charvillat, notaire,
le 2 nivôse an 5 , an profit et à l’insçu de Gilbert Barrier, la vente
d ’un pré faisant vingt chars de foin, et d ’un beau bois, moyen
nant 4000 francs, qui , est-il dit dans l’acte, demeurent com
pensés avec pareille somme due verbalement audit Barrier. M ichelle Faure meurt : ses héritiers demandent le partage. François
Colas ne veut pas y laisser figurer le pré et le bois, et produit
une revente de ces deux objets faite à son profit, par Barrier,
devant Legay, (frère de celui de Pont-Gibaud), notaire à Ceissat
arrondissement de Clermont , le 12 messidor an 5 , qui est faite
en forme de traité, dans laquelle on voit l’existence d ’une machi
nation frauduleuse, soit parce qu’on y cite une cédule qui n ’a
jamais existé, soit parce que l’on y prend trop de précautions. Les
cohéritiers étonnés, vont trouver Barrier, qui leur dit qu’il n’a
connoissance ni de la vente ni de la revente : désaveu de sa part
de ces deux actes, devant Imbert, notaire, le 1". messidor an g.
Quelques citoyens, sentant les conséquences qu’auroit la connois
sance publique de ces fraudes, engagent Barrier à se départir de
son désaveu : il y consent, ainsi que les héritiers, ii condition que
François Colas ne fera point usage de ces deux actes; en con
séquence il déclare devant Bouyon, peu de jours après, qu’il 11’a
été que le prêto-nom de François Colas, qu’il n’avoit rien reçu,
et qu’il ne lui étoit rien dû. Les deux héritages figurent au par
tage, et l’affaire s’assoupit.
L a preuve que M . Legay étoit le machinateur de ces faux, c ’est
qu’il étoit alors l’homme de confiance de François Colas; c’est
que la revente est reçue par L eg a y, notaire, son frère, et que
lui-même en avoit signé l’expédition; c’est «qu’enfin il avoit porté
les frais de cet acte pour une somme de 5oo francs assignats,
dans un état écrit de sa m ain, et fourni à François Colas.
A
rt
.
Gilbert Barrier.
X X V I I I .
Georges Labourier et François Mioche, de C o e f f e , ayant des
contestations avec Simon Paquet et François Faure de M on
ts. a
G eorge. Labouricr.
�, ( 76)
,
fe r m y , se transportent chez le juge de paix, le 16 thermidor
an jo , prennent une cédule , et citent leurs adversaires à l’audience
du 19 du même mois; ce jour-là, ils se rendent à l’audience, et
obtiennent un jugëment adjudicatif de leurs conclusions : appel
au tribunal de Riom. Les parties s’arrangent; elles vont chez le
sieur Legny. Labourier et Mioche se départent purement et
simplement de 1instance, et il iait déclarer ¿1 Labourier , dans
ce département, qu’il n’a jamais formé, contre lesdits Faure et
Paquet, aucune demande, instance, ni procès, soit en la justice
de paix ni ailleurs, et qu’il n’a aucune affaire ni discussion avec
eux; qu’il a requis acte de ce qu’il déclare, désavoue ledit juge
ment, ainsi que tout ce qui l a précédé et suivi, de même que
les personnes qui y ont concouru et ont osé se servir de son nom
jxmr faire un procès auxdits Paquet et Faure; qu’en conséquence,
il entend que ledit jugement soit considéré comme non avenu.
Labourier, instruit de cette fausse déclaration , s’empresse,
pour rendre hommage à la vérité, de se transporter à l’audience
du juge de paix; il lait appeler M. Imbert, notaire, le 9 ventôse
an 10 , et le prie de recevoir une déclaration qu’il fait publique
ment , et par laquelle il désavoue le langage que M . Legay lui
fait tenir, déclare qu'il a pris la cédule, et sollicité le jugement
qui l’a suivie; et qu’il n’a donné (levant lui qu’un département
pur et simple de l’instance contre Faure et Paquet : il ajoute,
cm’ayant eu connoissance de cet a cte, il a refusé constamment
de le signer, et qu’il ne le signera que lorsque M . Legay aura
rectifié le faux qu’il contient.
A a
T ix e ro n , t!e Eanicres.
t.
X X I X .
Avant la révolution, Tixeron , de Banières, nvoit intenté un
procès contre Annct Coulon, son cousin : il s’agissoit d ’une haie
vive. M . Legay rend, comme juge, une ordonnance, et, comme
bailli, il dresse un procès verbal; il hii prend 5G francs pour ses
lionoraires, et lui remet l’ordonnance et le procès -verbal, sans
y mettre sa signature. Les justices seigneuriales sont supprimées ;
Tixeron veut reprendre ses poursuites contre C o u lo n , devant le
juge de paix. C elui-ci s’aperçoit que l’ordonnance et le procès
verbal ne sont pas revêtus de signature. Tixeron va chez le sieur
Legay pour l’engager à l’y apposer : il n’avoit pas en lui une
aveugle confiance. M . Legay saisit cette occasion pour se venger;
il prend ses pièces, les déchire en plusieurs morceaux, et le chasse
de son étude, en le maltraitant.
Même traita l’égard de Michel T ouraaire, de la Gravière, qui
�eut cependant le bonheur de sauver ses piecefi, et à qui M . Legaÿ
a suscité plusieurs procès. Tournaire vient d’en gagner un celle
année au tribunal d'appel de R io m , dans lequel M . Legay fait
jouer tous les ressorts de la chicane.
i
A
rt
. XXX.
M . Maignol fils, de Landognè, avoit acheté une charge de cohMfceiller au présidial de Riom ; il ne put pas être reçu , parce que
Sa sœur avoit épousé le fils de M . Legay : vainement il agit et fit
agir auprès des conseillers; ils répondirent tous que présumant qu'ils
Seroient obligés un jour de faire pondre M . L e g a y , ils ne vouloient pas avoir pour collègue un homme qui lui étoit allié de si près.
• En l’an 10, le fils de M . Legdÿ dînoit avec Maignol, son beaufrère, chez M . Alleyrat, leur nevfai, un jour de foire de Giat : à <
ce dîner étoient plusieurs autres fcitoyens : le fils de M . Legay se
déchaîna contre lés nouveaux juges de la révolution ; il les traita
d ignorans, de scélérats. Maignol lui fit publiquement celte réponse :
ta is e z - v o u s , monsieur•; s i les juges et lès bourreaux avoient f a it
leur devoir, ils auroient rendu votre maison nette.
Qui pouvoit mieux savoir ce que rrtéritoit M . L e g a y , que celui
dont les parens ont tant contribué à le srfuvér dans les affaires cri
minelles pour lesquelles il a été poursuivi? A ce sujet il est bon de
rapporter une infamie dont M . Legay s’est rendu coupable envers
madame Panevert, belle-sœur de son fils.
Lors de la poursuite du faux pour lequel M . Legay fut condamné Madame Panevert:.
à Riom et renvoyé à Guéret, il avoit besoin d argent : madame
Panevert emprunté pour lui, de M . Escot de Clerm ont, 9000 fr.
en numéraire; elle lui fait une obligation, et promet de lui rendre
cette somme en niêmes espèces; elle la rémet à M . Legay, qui lui
en fait un billet. Lors de la chute des assignats, il veut l'acquitter
avec cette monnoie; madame Panevert reiuse de la recevoir : acte
d'offres, procès. Enfin, par arrangement, M . Legay lui donne
4ooo francs , tandis qu’elle a été obligée d ’en rendre 9000 à
M . Escot. Ainsi, pour lui avoir rendu un service signalé, M . L egay’
lui a fait perdre 5ooo fr.
A
rt
. XXXI.
Le beau-frère du fils de’ M . L e g a y , M . Bouyon, de Bromont, M. Bouvon, do Fr«(i ,1‘ jouit îi juste titre de la confiance publique, cto il, avant la
révolution , contrôleur dois actes dafts'lé ôanlon de Poal-Gibtiud ;
�( 78 )
il remplissoit ses fonctions avec autant d’exactitude que de déli
catesse : c’étoit un obstacle aux friponneries de M. L e g a y , à ses
falsifications. Celui-ci iorme le projet de lui enlever sa place, pour
la faire donner à M . R atoin, son gendre : pour cet effet, 1V1. Ratoin
devient surnuméraire a R io m , et M . Legay dénonce M. Bouyon
à l ’administration de la régie. C ’étoit sur la fin de 1790 ou au commencement.de 1791. M . Bouyon éloit notaire, contrôleur des actes,
et le peuple 1avoit nommé juge de paix : M . Legay lui en fait un
crime; il le peint dans sa dénonciation comme un ambitieux, un
intrigant, qui n’a été nommé juge de paix que par cabale; il observe
c[ue M . Bouyon reste à Bromont, et que le bureau du contrôle doit
etre à Pont-Gibaud, chef-lieu de canton; enfin, M. Legay demande
ce bureau pour M . Ratoin. L e seigneur cle Pont-Gibaud étoil alors
à Paris; il appuyé la demande du sieur Legay de tout son crédit,
qui étoit grand alors. Elle étoit sur lo point d'être accueillie, lorsque
les bons citoyens du canton de Pont-Gibaud ont connoissance de
ces démarches, malgré les ténèbres dont M . Legay les enveloppoit :
effrayés des dangers que courroient leurs fortunes, si M . Legay
réussissoit à s’emparer du contrôle, ils se réunissent, font une
pétition à l’administration de la régie, y font ressortir avec force
les vices de M . Legay et les vertus de M . Bouyon ; enfin, la de
mande de M. Legay est rejetée, et M . Bouyon est conserve.
A propos des calomnies que M . Legay a débitées sur le compte
de M. Bouyon , dans sa dénonciation à l’administration de la régie,
il est bon de faire les observations suivantes :
M . Bouyon est notaire depuis presque autant de temps que
M . L^gny ; il éloit contrôleur, bailli de plusieurs justices, et
expert; il a eu des fermes dans lesquelles il a fait beaucoup de
bénéfices : possédait la confiance publique, il a travaillé, soit
comme notaire, soit comme bailli, soit comme expert, au moins
autant que M . L egay; il a commencé avec une iortune de cin
quante mille écus; il a vécu honorablement, mais avec économie,
et sa fortune a diminué.
Et M . Legay 11’avoit rien, absolument rien en 1753, si l’on en
excepte la moitié de la ferme de Confoltnt, qui éloit peu de chose,
«'t qu’il avoit gardée pendant dix ou douze ans; i l n’avoit que scs
fonctions de notaire, de praticien et d’expert pour se procurer des
bénéfices; i l a bien eu, dans l’espace de cinquante ans, mille procès
civils et criminels, qu’il a presque tous perdus, et qui lui ont coi'ilé
énormément; il a prodigieusement dépensé, soit pour l’entretien
de sa maison, soit pour ses plaisirs ; et i l est a u j o u r d ’ h u i ¿1 la tête
d’une fortune de quatre cents mille francs au moins. Pourquoi cette
prodigieuse différence entre M . Bouyon et M . Legay? C'est que
�M . Bouyon a vécu en honnête hom m e, et M . Legay en fripon,
sans frein et sans pudeur.
’
An
t.
XXXII.
M . de Chalier, qui avoit en M . Legay une confiance aveugle, et Le
tpii, à cause de son grand âge et de ses infirmités, ne s’aperçevoit
pas des exactions et des vexations que celui-ci commettoit en son
n o m , meurt ouelques années avant la révolution; M . de PontGibaud, son fils, lui succède. Il demeuroit à Paris du vivant de son
père : après sa m o r t, il se relire à Pont-Gibaud avec sa femme et
ses enfans; il se met à la tête de ses affaires; il éloit économe, son
épouse étoit bienfaisante, charitable; tous deux se faisoient aimer
de leurs vassaux. On leur porte de toutes parts des plaintes contre
M . Legay ; ils examinent sa conduite. Celui-ci voit se former un
orage; il alloit éclater. C ’étoit au commencement de la révolution :
M . Legay leur fait entendre qu’on conspire contr’eux , et que leur
perte est assurée s’ils restent â Pont-Gibaud : pour les effrayer, il
iait jouer plusieurs ressorts qui sont à la connoissance de M . Beanlaton aîné, et de M . Lam y, magistrat de sûreté à Clerinont. Enfin ,
M . Legay vient à bout de ses desseins. M . et M me. de Moré émi
grent, et laissent M . Legay et sa famille dépositaires de tous leurs
meubles, eifets , titres et papiers. Ce sont ces dépôts qui donnèrent
lieu au fameux procès qui fut jugé par le tribunal criminel de
Guéret.
Quoi qu’il en soit, M . Legay avoit fait mettre les titres et papiers
dans une malle, et enfouir cette malle en terre, dans une chambre
du château, au rcz de chaussée. A son retour de Guéret, M . Legay
déterre la malle et s’empare des papiers.
Ponl1ÜU< '
M . Legay s’étoit rendu adjudicataire, pour M . de Pont-Gibaud, Lcipré.deSte.-CUii«*
dos prés de Sa in te-C la ire, appartenans à la nation : celui-ci lui.
donne tous les fonds nécessaires pour en payer le prix; il est acquitté. I
Par acte sous signature privée, M. Legay déclare que ces prés ap
partiennent h M . de Pont-Gibaud, et qu’il en a payé le prix : ce
dernier s’en met en possession , et il en a ioui jusqu’à son émi
gration. La déclaration fut mise dans la malle; M . Legay l’enlève
avec les autres papiers qu’elle contenoit, et il escamote à la nation
°» à M . de Pont Gibaud trois prés qui valent de 12 à i 5ooo f r . ,
dont il jouit paisiblement. Celte déclaration est mentionnée dans
im inventaire des papiers de M. de Pont-Gibaud, fait par T h o m a s , .
®°n secrétaire; et lequel, ayant été sauvé des flammes, a été déposé
dans le bureau des domaines, lors de l’administration centrale.
i
�c 80 )
A
M. Cluzd.
.
XXXIII.
Il dépendoit de la fabrique de Mazaye un pré, une terre et une
petite directe; on arrete qu'ils seront affermés à la chaleur des
enchères : Legay se concerte avec le curé de Mazaye, pour, l’un ou
l ’autre, devenir fermier. L e jour indiqué pour les enchères arrive;
elles se font publiquement à Mazaye. M . Cluzel et le curé sont les
principaux concurrens : le premier fait une dernière mise à 126 fr. ;
le second enchérit de 5 f r . , et il devient adjudicataire. C ’éloit dans
le mois de février 1788. Chacun se retire dans la confiance que
l’adjudication est sur M . le curé; point du tout. A u mois de juin
suivant, M . Legay surprend la signature de quelques fubriciens,
et il fait, comme notaire, un bail adjudicatif à Antoine Barnicaud,
dePont-Gibaud, son prête-nom ordinaire, qui n ’éloit pas à Mazaye
le jour de l’adjudication , et qui par conséquent n’avoit pas.pu de
venir adjudicataire. A u nom de Barnicaud, M . Legay poursuit en
pagésie M . Cluzel et autres : c e u x - c i se présentent, demandent
copie du bail, démontrent qu’il est frauduleux, et font condamner
Barnicaud en tous les dépens, par jugement du présidial de I\iom,
rendu contradictoirement.
a
Siii’.u*Tradet, JeBro-
rt
r
t
.
x
x x i y.
Dans l’arrière-saison de l’an 4 > Perrier et Pourlier, de Ia.commune de Saint-Jacques, buvoient avec Simon Fradet chez Gabriel
Confreire, cabarelier à Bromont. Us prennent dispute: Fradet va
chercher un fusil double , et se met en embuscade près la maison
Confreire. Ses adversaires sortent; il étoit nuit : Fradet tire, et son
fusil manque heureusement. Perrier et Pourtier lui ôtent son fusil,
et le cassent sur lui. Jje lendemain ils portent plainte au juge de
paix : la femme Fradet donne, à celte occasion, des coups de sabots
i Pourlier, un des plaignans. Nouvelle plainte; les informations
sont faites et concluantes : mandai d ’arrêt contre Fradet et sa
femme. Le délit de celle dernière étoit léger ; quelques bons ci
toyens interposent leur médiation ; Pourlier se dépari de sa plaintecpntre elle seulement : M . Legay est choisi pour recevoir le dépar
tement. Pourlier se transporte avec le juge de paix dans l’étude de
M . Legay, qui était absent, et le juge de paix dicte ce déparlement
à .M . Chardon, clerc dudit sieur Legay.
Cependant l’affaire de Fradet est portée au jury d’accusation. Le
jour de sa réunion, Fradel produit un département de la plainte
portée tant contre lui que contre sa femme : M . Legay y lait un
historique
�( 8 0
................................
historique fabuleux; les témoins, gagnés ou intimidés par le sieur
L eg a y, déposent conformément à cette fable; et, par le moyen de
ce faux département, Fradet est renvoyé. Un an après, M. Legay
fait assigner Fradet en payement des frais de ce département, des
peines qu’il avoit prises et des voyages qu’ il avoit faits pour l ui ,
soit à Riom , soit ailleurs, au sujet de cette affaire; et Fradet,
en vertu du département pur et simple que M . Legay avoit tait
donner à Pourtier et à Perrier, les poursuit à son tour en paye
ment du fusil cassé, et des dommages-intérêts qu’il prétend lui
être dûs. Les battus ont pavé l’amende.
On observe que M . Chirol et Antoine Monier, qui figurent dans
ce département comme témoins, ont assuré ne l’avoir pas signé.
A
rt.
.
X X X V.
A u printemps de l’an x i , Jean T ixero n , de Banières, et Antoine
Morange, son beau-frère, ont dos contestations au sujet des biens
de la temrne Morangc, qui lui sortoient nature de biens paraphernaux; ils s’en rapportent à la médiation de Jirôme Boutarel
et du sieur Mornac aîné, comme arbitres, et à celle de M . L e g a y ,
comme tiers arbitre. Un arrangement est arrêté; on convient de
passer un traité qui d’abord doit porter quittance en faveur de
Tixeron de 5oo francs qui lui manquoient pour compléter le paye
ment de 4oo° ira n c s , montant de la légitime faite à la femme
Morange par son contrat de mariage et un acte particulier, et qui
ensuite doit lui accorder un supplément de légitime : M . Legay
est chargé, comme tiers arbitre et comme notaire, de la rédaction
et de la réception de ce traité. Tixeron lui paye 200 fr. pour les
loyaux coûts ; il le presse de le rédiger : il va maintes fois chez
M . Legay pour en retirer une expédition ; celui-ci le renvoie sous de
vains prétextes. Tixeron fait chercher, en brumaire an 12, au
bureau de l’enregistrement, point de traité. Jl retourne chez le
sieur Legay, et se plaint avec amertume : celui-ci lui fait un traité,
et il néglige méchamment (on a démontré plus haut qu’il en vouloit
à Tixeron ) d’y faire mention de la quittance convenue des 5oo fr. ;
il en donne avis seulement à Morange , qui assigne T ixeron en
payement, en deniers ou quittances valables, de ladite somme de
5oo francs : opposition, et procès devant le tribunal de Clermont.
Enfin, M orange, rendant hommage à la vérité, reconnoît par acte
reÇu Imbert, notaire, au printemps de l’an 12, que Tixeron lui
«voit payé les 5oo francs en question, et se départ de sa demande.
L ’expédition du traité que M . Legay a reçu, fait mention que
Jérônie Boutarel, juge de paix, est témoin, et il 11e l’a pas signé.
Jean Tixeron, deB a-
mère*.
�( 82 )
A
Consuls.
Laprugne et Perrier,
rt.
Avant la révolution, M . Legay fait les rôles des communes dé
Pont-Gibaud et Saint-Ours. Il faisoit à son gré la répartition des
impôts : ses amis étoient allégés, ses ennemis éloient surtaxés; il
avoit soin surtout d’en conserver pour lui une foible portion. Les
consuls tremblans n’osoient ni lui résister, ni lui faire des obser
vations : ses volontés étoient despotiques, et malheur à ceux qui
osoient les contrarier.
On en jugera par la comparaison de ses cotes dans la commune
de Saint-Ours.
Avant l’an 11 , il étoit taxé seulement à 248 fr. ; et en l’an 1 r ,
lors de la confection des matrices de rôles, sans avoir augmenté
de forlune, il fut porté à la somme de 632 francs 70 centimes,
qu’il a payée depuis sans réclamer, et sans oser se pourvoir en
surtaxe.
A r t .
X X X VII.
' En 1785, le sieur Victor Laprugne, et Annet Perrier, du lieu
de Laprugne, conduisent à la foire de Po n t-G ibau d chacun une
pouliche; le nommé François Sudré, dit Talisard , de la Gardette,
connu par ses vols qui l’ont fait traîner plusieurs fois en prison,
où il est enfin décédé, se présente pour les acheter : le marché est
conclu. Talisard n’ayant pas d ’argent, M . Legay s’offre pour cau
tion ; les vendeurs acceptent. C e lu i- c i leur assure que T a lis a rd ,
qu’il savoit insolvable et fripon, les payera bien exactement; toute
fois il leur conseille de se faire consentir, par précaution , une
obligation : M . Legay la reçoit comme notaire; et le lendemain,
comme créancier de Talisard , il envoie enlever les deux pouliches,
il les fait vendre, il en prend le prix, et Laprugne et Perrier at
tendent encore leur payement.
Cette friponnerie est unique : vraisemblablement elle fera rire
en même temps qu’elle indignera le lecteur.
A r t .
M otifs fie la couihnce
des »cigacur».
X X XVI.
XXXVIII.
Par reconnoissance du 12 janvier i 4q 6 > les habitans de Bûnières , commune de Saint-Pierre-le-Chastel, canton de P ° nt"
Gîbnud , avoient droit de chauffage et pacage dans les bois de
Vlolène, du canton et de la chcire de l’Aum ône, moyennant une
redevance de douze deniers par feu.
M . L e g a y , fermier, régisseur et bailli, exige quinze sous; les
�habitans s’y refusent; ils sont actionnés : ils demandent la pro
duction du titre primitif. M . Legay dit que ce titre n’est pas en
sa disposition , mais qu’il a des aveux et dénombremens qui
suffisent, et établissent le droit. Les habitans , divisés entr’eux ,
efirayés des poursuites et des menaces de M . L e g a y , et redoutant
ses manœuvres, aiment mieux consentir à payer les quinze so u s,‘
et s obligent de moudre au moulin du seigneur ; ils souscrivent
devant M . L e g a y , comme notaire, une transaction sur procès,
dans laquelle il est rapporté que le titre de concession est adiré,
ou détourné, ou anéanti par le temps ; mais on y parle d ’aveux
et dénombremens, et d ’un décret volontaire de 1677 et 1758.
L e 6 septembre suivant, M . L eg a y, renouvelant le terrier de
la terre de P o n t - G i b a u d , fait reconnoitre cette redevance de
quinze sous, et l’obligation de moudre au moulin du seigneur. J1
fallut relater le titre primitif : on dit en conséquence que les
habitans ont pris connoissance des deux reconnoissances du 12 jan
vier 1496, reçues Ceirias et son confrère, notaires, folio 169 et
170, etc.
En 1791, ces habitans, étant en procès avec le seigneur de
Pont-Gibaud, firent compulser le terrier par M . Conchon, notaire
à V olvic, et ils se sont procuré copie des deux reconnoissances
de 1496
qui, en effet, portent seulement une rede
vance de douze deniers par feu.
Et voilà un des molifis de la confiance des seigneurs de PontGibaud dans la personne et les services de M . Legay.
An
t.
'
X X XIX.
Parmi les nombreuses notes qui arrivent de toutes parts, et que
l’on publiera par la su ite , si besoin est, on n ’en extraira plus
qu’une.
En l’an 12, M . l’Evéque demande à M . Serre, curé de PontGibaud , les noms des quatre plus honnêtes gens de cette com
mune , pour en faire des marguilliers. M . le curé étoit nouveau
dans Pont-Gibaud ; trompé sans doute par l’hypocrisie du sieur
Legay ( c ar il assiste aujourd’hui très - dévotement aux offices
divins; il se confesse, communie; en un mot il fait avec la plus
scrupuleuse exactitude tous les actes extérieurs de la religion ,
T«’il outrage intérieurement), le pasteur, ministre d ’un Dieu de
P;»'x, indique à M . l ’Evêque, M M . Legiiy, Sersiron, son gendre,
Jén’ nie Bouture!, juge de paix, et Roûgier, huissier : tous quatre
*°nt nommés marguilliers. Les deux derniers, rougissaut de se
Lei marguiliier».
�(.8 4 )
•voir en si mauvaise compagnie, n ’ont pas voulu en remplir les
fonctions. Quoi qu’il en soit, le début de M . Legay dans l’exer
cice de ces nouvelles fonctions, est de présenter, s e u l, au nom
de tous les marguilliers, une pétition virulente au préfet, tendante
à faire un procès aux officiers municipaux. Cette pétition est
envoyée au conseil municipal pour donner son avis : le conseil fait
appeler M M . Boutarel et Rougier, qui désavouent cette pétition,
et signent l’avis donné par le conseil municipal.
On ne finiroit pas de sitô t, si l’on vouloit rapporter ici tous
les actes d’iniquité et de rapine de M . Legay, que l’on a recueillis:
on s’arrête enfin, parce qu’il faut en finir; et bien loin d ’avoir
épuisé le recueil, on annonce qu’en cas de besoin on en publiera
bien plus que l’on n’a fait dans ce mémoire.
On ne se permettra plus qu’une réflexion.
D ’après les faits rapportés, tous constatés par pièces authen
tiques, on doit se faire une idée bien effrayante de ce qui n ' a
pas encore éclaté, et de ce qui se découvrira par la suite, de faux
et de malversations accumulés dans l’étude de M . Legay. C ’est
vraiment la boite de Pandore , d’où sortiront bien des maux ;
m a is , comme dans celle de la fable,o n n 'y tro u v e ra p a s l'e sp é
rance pour les alleger.
F I N.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lamadon, Guillaume. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lamadon
Engelvin, aîné
Engelvin, jeune
Boutarel, aîné ; Boutarel, jeune
Bonjean
Subject
The topic of the resource
communaux
diffamation
ventes
faux en écriture
marguilliers
fontaines
Description
An account of the resource
Réponse au mémoire justificatif publié par Antoine-Marie Legay, notaire public en la commune de Pont-Gibaud ; en présence des sieurs Gilbert Sersiron, agent, et Anne Sersiron, docteur en médecine, habitants de la même commune ; par Guillaume Lamadon, cultivateur, officier municipal de la même commune ; en présence des sieurs André Imbert, maire ; Jean-Jérôme Boutarel, juge de paix du canton de Pont-Gibaud ; Benoît Boutarel, inspecteur des contributions directes ; Alexandre Engelvin aîné, Maximilien Engelvin, ex-législateur ; et Etienne Bonjean, officiers municipaux de la même commune : tous outragés par le sieur Legay, et accusés par lui d'être ses dénonciateurs.
pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1768-An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
84 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0724
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_B0127
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53919/BCU_Factums_M0724.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontgibaud (63285)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
communaux
diffamation
faux en écriture
fontaines
marguilliers
ventes
-
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cec7f0d335893e49c9390e19607d485c
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Text
CONSULTATIONS MÉDICALES
■ * ■'
■"
.
1
f;
.
D a n s la cause d’entre C a t h e r i n e
intim ée, et G i l b e r t
L A F O N T ,
L A F O N T , appelant.
L E C O N S E IL SO U S SIG N É , consulté sur la question de savoir
si l’enfanl de Catherine L afon t étoit m ort ou en vie au moment
d e sa naissance;
Ne pouvant établir son opinion sur une question aussi délicate,
que sur les diverses déclarations qui se trouvent dans l’enquête,
pense, après avoir m ûrem ent réfléchi sur ce qui a été dit par les
différens témoins, que l'enfant susdit étoit vivant au moment qu’il
est venu au monde.
L es motifs sur lesquels le soussigné établit son jugement à cet
égard, so n t,
1°. Les mouvemens des bras, répétés trois ou quatre fo is;
2°. Les battemens du cœ ur, observés plusieurs fois ;
3°. Les mouvemens du visage, après l’application des spiritueux;
4°.
Plusieurs soupirs : d’abord un gros, soupir observé par la sage-
femme ; les autres remarqués postérieurement au prem ier, par
Claire Gilet.
O r , il paroit impossible de ne pas reconnoitre la vitalité dans
des phénomènes semblables. .
COUR
D ’A P P E L
DE R.IOM.
�C O
II s u f f i t , pour se convaincre xlé cette' vérité f dé jeter les yeux
' sur les ouvrages de médecine légale ël sur ceux de physiologie. Il
y a plus; l'enfant n ’e ù t-il donné aucun signe de vie, e u t-il pré
senté même tous les signes de m o rt, tels que la froideur, l’immo
b ilité, le défaut de respiration, la roideur des m em bres, etc. e tc .,
on ne pourroit pas pour cela affirmer qu’ il n ’étoit pas viable, puis
que les traités d’accouchemens nous disent, et l’expérience l’a appris
à ceux qui se livrent à cet a rt, qu’on en a rappelé plusieurs à la
v ie , quoiqu’ils fussent dans un état de mort apparente. E h! com
bien ont été précipités au tom beau, qui eussent vécu , si on eût
employé à leur égard les secours que prescrivent en pareil cas la
physiologie et la m édecine!
Mais si on n ’eût pas pu affirmer la m ort de l’enfant de Cathe
rine L a fo n t, lors même qu’il en auroit présenté tous les indices,
hors la putréfaction caractérisée par le détachement de l’épiderme
( d’après les écrits de C else, Zachias, L an cisi, H eister, W in s lo w ,
Bruhier, surtout ceux de Louis et de Portai ), à plus forte raison
est-on admissible à regarder comme vivant un enfant chez lequel,
malgré la longueur de l’accouchem ent, peut-être même malgré
les mauvaises manœuvres de l’accoucheuse , on a observé après
sa naissance, qui a élé 1res-pénible; chez lequel, disons-nous, on
:a' observé les phénomènes de la circulation, de la respiration et de
la sensibilité, qui sont tous les attributs de la vie.
On auroil désiré sans doute entendre les cris de l’enfant : ce signe
de vie eût frappé tous les assistans, et eût porté la conviction dans
tous les esprits. M ais on ne fait pas attention qu’il n ’y a rien de si
commun que de voir des enlans, surtout s’ils se présentent par
les pieds, venir au monde sans crier : il n'est aucun accoucheur
un peu praticien qui n’ait été témoin de ce fait. M ais ne doit-on
pas regarder comme des cris imparfaits les divers soupirs de l’en
fa n t, surtout si on a égard à sa foiblesse ?
L a respiration se compose de deux ordres de fonctions; l’une
par laquelle l’air entre dans la poitrine, et d i s t e n d plus ou moins
Mes poumons; on l’appelle inspiration; l’autre, par laquelle i’uîr
�(s 3))
-test chassé de1 la p o it r in e e t js e ,n o m m e expiration. L e soupir
IIs’exerce au moyen de, cette, dernière. Mais comme la sortit^ de
l ’air suppose son introduction , il faut nécessairement en con
clure que l’enfant chez lequel on l’a observé a respiré, et par
conséquent qu’il a "vécu.
't; T o u s les gens de Part savent que l’enfant ne respire pas, tant
qu’il est dans le sein de sa m ère, et que la circulation est toute
différente alors de ce qu’elle sera quand une fois il est au monde.
Com m ejil n ’est pas possible d’attribuer les mouvemens de la
face au galvanism e, qui n’a point été employé à l’égard de l’en
fant L a fo n t, le soussigné ne s’attachera pas à réfuter une pareille
idée.
Il y a lieu d ’être surpris qu’on ait pu arguer de la mort de
l ’en fan t, sous prétexte qu’il n ’a présenté que les phénomènes de
la vie organique, et nullement ceux de la vie animale. L e savant
B ic h a t, qui a admis ces deux vies, dans son immortel ouvrage
sur la vie et la m o r t, n’a reconnu la plénitude de ces deux vies
que chez l’adulte. En effet, la vie animale étant destinée, d’après
l ’auteur, à établir des rapports entre l’individu et ses semblables,
« entre lui et les objets voisins, à marier son existence à celle de Bichat
» tous les autres êtres, à sentir et percevoir ce qui l’entoure, à
» réfléchir ses sensations, à se mouvoir volontairement d’après
« leur influence, e tc ., » ne peut être l’apanage de I’enfajit au
moment de sa naissance, quelque viable et bien portant qu’on
le suppose. Il e s t, dans les premiers temps de sa vie, totalement
réduit ù la vie organique. D ’ailleu rs, pour nous servir encore
des expressions de B ich at, « chacune des deux vies se compoPag
» sant de deux ordres de fonctions , le premier ordre, dans la
» vie animale , s’établit de l’extérieur du corps vers le cerveau ,
» et le second, de cet organe vers ceux de la locomotion et de
» la voix. L ’impression des objets affecte successivement les sens,
» les nerfs et le cerveau : les premiers reço iven t, les seconds
J» transm ettent, le dernier perçoit cette im pression, q u i, étant
» ainsi reçue, transmise et perçue, constitue nos sensations, a
�(4)
O r , qui ne voit que les attributs de cette vie ne peuvent point
convenir à un e n fa n t, surtout dans les premiers momens de sa
naissance?
Délibéré à
C lerm ont,
le 8
janvier 1806.
B A YAR D,
D o c t. M é d .
L e soussigné , d'après la très-grande majorité des dépositions,
pense aussi que l’enfant est né vivant. L e seul mouvement du
cœ u r, qu'on dit avoir o b servé, suffit pour être de l’avis de
M . Bayard.
, ’
R A Y M O N D ,
Le
so u ssig n é ,
chirurgien.
docteur en m édecine, après avoir lu les mé
m oires, et d ’après les dépositions y contenues, estime que l’en
f ant est né vivant. L a vie est la faculté qu’a un corps organique
vivant d’être affecté par les puissances du dehors, et de réagir.
Cette réaction a eu lieu, parce qu’il est prouvé par les déposi
tions, 1°. que des mouvemens ont été remarqués dans le visage;
2°. qu’il y a eu mouvement des bras ; °. cela est prouvé encore
par la respiration ; °- enfin, par les mouvemens du cœur. Les
stim ulus ont donc produit dans ce petit corps organique une
4
3
réaction sur les puissances du dehors, dont le résultat a été la
vie.
A C lerm ont-F erran d , ce 9 janvier 1806.
D O U L C E T ,
D o c t. M é d t
/
A R .IO M , de l’im prim erie de L a n d r i o t , seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — Janvier 1806.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayard
Raymond
Doulcet
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Consultations médicales dans la cause d'entre Catherine Lafont, intimée, et Gilbert Lafont, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1806
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
4 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0723
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0722
BCU_Factums_G1508
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53918/BCU_Factums_M0723.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53917/BCU_Factums_M0722.pdf
626173f899a036f446f360ed9c93fc81
PDF Text
Text
M
E
M
O
I
R
E
COUR
D ’APPEL
EN
R É P O N S E ,
POUR
L A F O N T , et L o u i s - A u g u s t e
P E T A U T O N , son mari, habitant à Néris-lesB ains, intimés ;
C a t h e r in e
t
-CONTRE
G ilbe r t L A F O N T , J ea
,
n-B a ptiste B O U R -
N E T y J e a n F O R I C H O N , M A r i e et autre
M a r i e L A F O N T \ leursfemmes ¡habitant aussi
à N é r is , appelans.
C e n’étoit pas une assez grande douleur pour une mère
d’avoir perdu, en quelques mois d’intervalle, son époux
et son enfant; il a fallu que, pour satisfaire l'avidité de
A
D E R I 0 M.
�( o
quelques collatéraux, elle fût contrainte d’entendre encore
les plus minutieux détails de ce douloureux sacrifice, et
d’en peser scrupuleusement toutes les circonstances.
Il étoit consolant pour elle de penser que sa fille avoit
eu rang parmi les enfans des hommes, et que des mains
de la religion elle étoit descendue heureuse dans le tom
beau : mais l’intérêt ne compte pour rien les opinions
et les mouvemens de la nature; il ne respecte pas plus la
cendre des morts que le repos des vivans.
Cependant si les tribunaux sont obligés de tolérer d’in
discrètes recherches, ce ne peut être qu’avec un sentiment
d’indignation qui force à désirer qu’elles soient infruc
tueuses ; et sans doute toute la rigueur de l’examen est
réservée à ceux q u i, attaquant les actes les plus sacrés,
s’imposent la tâche de les anéantir.
Cette vérité a servi de base à la décision des premiers
juges. Pour arguer de faux un acte de naissance, les
appelans s’étoient soumis à prouver que l’enfant de Ca
therine Lafont étoit né m ort; mais ils n’ont présenté que
des doutes au lieu des faits positifs qu’ils avoient annoncés.
D e sa part, au contraire, l’intimée a établi clairement la
vérité de l’acte de naissance qui faisoit son titre, et q u i,
pour faire pleine et entière foi, n’auroit eu nul besoin de
preuve auxiliaire.
Néanmoins les appelans ne se sont pas jugés vaincus;
et le secours qu’ils n’ont pu trouver dans leurs enquêtes,
ils l’ont cherché dans des consultations de médecins dont
l’opinion auroit été sans doute bien puissante s’ils avoient
vu , mais qui ont été réduits à ne présenter que des
hypothèses et des incertitudes, et, sur la foi de quelques
�( 3 )
faits insigniiians, à présumer que l’enfant pouvoit être
venu au monde sans vie.
* .
A u reste, la cour ne se rendra qu’à sa propre con
viction dans une cause entièrement réglée par les lois
civiles, et encore plus claire par les faits dont on va lui
rendre compte.
F A I T S .
Catherine Lafont épousa,le 1 4 brumaire an 10, GilbertM arie Lafont, son cousin.
Seule héritière de son père, qui lui abandonnoit dèslors tous ses biens, elle fut assez heureuse pour offrir à
son époux un sort avantageux. Quant à lui, il avoit vendu
tous ses droits successifs à Gilbert L a fo n t, son frère ,
partie adverse, pour une somme modique de 10000 fr.
Les époux stipulèrent un gain mutuel d’usufruit, en
cas qu’il n’y eût pas d’enfans survivans.
Ce mariage n’a duré que dix mois et demi ; et le 27 fruc
tidor de la même année, Lafont est mort à vingt-trois
ans, laissant sa jeune veuve enceinte de six mois.
A u terme de ses couches elle appela, outre une sagefemme, des parentes ou des amies; m ais, loin de sup
poser qu’elle pouvoit survivre à son enfant , plus loin
encore d’avoir réfléchi que cette survie lui donneroit
une succession , le hasard a voulu qu’elle 11e s’entou
rât que de la famille de son mari : car, depuis sa dou
loureuse perte , c’étoit là sa société habituelle , pour
chercher des consolations dans ses entretiens et dans ses
souvenirs.
A 2
�(4)
Ses couches furent extrêm em ent, laborieuses ; ’ mais
n’ayant éprouvé aucune incommodité pendant sa gros
sesse, la vigueur de son âge seconda la nature, et elle
mit au monde une fille.
Il n’est que trop vrai que cette malheureuse enfant
avoit cruellement souffert de ces efforts. Ses mouvemens,
prolongés jusqu’à sa délivrance , indiquoient le besoin
du repos; car la même fatigue qui accabloit la mère dût
à plus forte raison agir sur une foible créature, qui avoit
besoin du plus grand repos pour échapper à la mort.
Mais la raison ne cède que trop souvent aux procédés
de l’habitude. On tourmente les enfaus sous prétexte de
les soulager, et le souffle de vie qui les anime est quel
quefois incapable de résister à ces prétendus soulagemens.
On suivit donc pour l’enfant de Catherine Lafont la
méthode ordinaire. L e cordon ombilical coupé, on cher
cha du vin pour lui frotter le visage et réparer ses forces;
on ne trouva que de l’e a u -d e -v ie , et on ne l’employa
pas moins au même usage. L e résultat du remède ne fut
pas aussi heureux qu’on l’avoit pensé : les muscles du
visage se contractèrent, la respiration repoussée se dilata
par des soupirs, l’enfant remua les bras ; mais ce n’étoit
là qu’un dernier effort de la nature, bientôt la vie acheva
de s’éteindre.
Pendant que l’enfant luttoit encore contre la m ort, le
curé fut mandé; et quoiqu’il n’arrivât que long-tem ps
après l’accouchement, il ne trouva pas moins à cette
enfant des signes de vie, car il lui administra le baptême,
quoique la sage-femme lui eût rapporté l’avoir déjà ondoyée par précaution.
�( 5)
A p rès le b ap têm e, le curé se retira pour aller faire
l’acte de naissance ; car il étoit aussi adjoint et officier
public : il choisit, uvani de p a rtir, ses deux témoins.
Ces témoins en effet allèrent à la m airie, et on les
renvoya au lendemain. Comme alors l’enfant étoit m ort,
les deux actes furent faits l’un à la suite de l’autre, 1g
21 frimaire an i i .
Catherine Lafont étoit héritière de son enfant par la
loi du 17 nivôse, ce qui avoit dû peut-être exciter la
jalousie des adversaires.
Il est naturel qu’ils fussent plus occupés de cette suc
cession qu’elle-même; et tout ce qui s’étoit passé devoit
leur être connu, puisque Catherine Lafont, comme elle
vient de le dire, avoit été entourée de la famille de son
m ari, c’est-à-dire, de la famille des adversaires : la sagefemme elle-m êm e étoit leur tante. Néanmoins, et dans
cet instant malheureux où le sacrifice de sa fortune lui eût
été totalement indifférent, aucun des adversaires n’ima
gina d’élever le moindre doute sur un acte de naissance
q u i, dans une petite commune, et d’après ce qui s’étoit
passé, n’avoit été un secret pour pei’sonne.
Trois mois se passèrent, et les adversaires laissèrent
prendre i la veuve la récolte de quelques vignes dépen
dantes de la succession : après ce temps, ils jugèrent con
venable de commencer sourdement les hostilités.
Comme Gilbert Lafont avoit acheté les droits de son
défunt frère, dont la succession étoit créancière du prix
de ces droits cédés, il se lit faire une saisie-arrêt par ses
beaux-frères Bournet et Forichon, dans la vue d’embar
�( 6 )
rasser Catherine L afon t, et n’osant pas lui-même com
mencer le procès.
Gilbert L afon t, fit encore en ses propres mains une
saisie-arrêt, sans titre ni autorisation; et on en fit une
troisième ès-mains du sieur Soulier, notaire, débiteur
de la succession.
L e premier sentiment de la veuve Lafont fut d’être in
dignée d’une conduite qui paroissoit fondée sur un soup
çon injurieux pour elle; dès-lors elle ne voulut plus rien
ménager, et poursuivit ses adversaires en payement et
main-levée de saisie, le 12 ventôse an 11.
A lors Gilbert Lafont fut forcé de s’expliquer, et il crut
l’intimider davantage en s’inscrivant en faux contre les
deux actes de naissance et de décès ci-dessus rappelés :
mais Catherine Lafont lui fit signifier sur le champ la dé
claration expresse qu’elle entendoit se servir de ces deux
actes, et Gilbert Lafont fut obligé de donner suite à sa
procédure. Gilbert Lafont présenta les faits par lui arti
culés, et offrit de prouver que l’enfant étoit m o rt-n é ,
ayant la pâleur sur son visage, les yeux ferm és, et que
tous les assistans s’écrièrent : V oilà un erifant m ort;
que l’adjoint n’avoit pas vu l’enfant, et n’avoit rédigé
les actes que sur la déclaration de deux témoins.
En vertu de jugement du 3 floréal an 11 , Gilbert
Lafont fit entendre cinq témoins. Il est essentiel de re
marquer qu’il affecta de ne pas appeler celui qui devoit
donner plus de lumières, la sage-femme. Quant à ceux
entendus à sa requête, voici ce qu’ils ont déclaré.
L e premier témoin est le cu ré-ad joint, qui a admi
�( 7)
nistré le baptême et fait l’acte civil. Avant le baptême
il a touché l’enfant et lui a senti de la chaleur.
I<e second témoin , François C o rre, ne sait pas si
l’enfant étoit vivant ou mort.
L e troisième, M arie L a fo n t, fem m e P ig n o t, la plus
proche parente des adversaires, sait tout, et a connu que
l’enfant étoit mort à l’éjection de ses excrémens. La sagefemme lui fit signe qu’il étoit m ort; elle lui dit aussi de
toucher le cœur de l’enfant pour sentir qu’il battoit, mais
le témoin répondit qu’il ne s’y connoissoit pas. La sagefemme lava l’enfant, et lui mit les doigts dans la bouche;
il ne donna aucun signe de vie. Puis la femme Corre le
prit sur ses g en o u x, et" ses genoux tremblèrent par la
crainte qu’elle avoit de la mort de l’enfant, et ce trem
blement se communiquoit à l’enfant. L e curé v in t , le
toucha à divers endroits, et le baptisa ; puis la femme
Corre dit à son mari d’aller faire faire l’acte de naissance,
et de ne pas manquer de dire au curé ( qui venoit de
sortir) que l’enfant étoit né vivant. Après cela elle avoue
qu’elle a dit elle - même à la mère que son enfant étoit
vivant, mais que c’étoit pour la ti’anquilliser; et que lors
qu’elle a voulu dire autrement, Louis Lafont lui a fait
beaucoup de menaces.
L e quatrième tém oin, M arie JBournet, ne sait rien
par elle-même ; elle confirme la proposition faite par la
sage-femme à la Pignot de toucher les battemens du cœur,
et la réponse de celle-ci qu’elle ne s’y connoissoit pas.
Enfin elle a ouï dire dans la maison que l’enfant étoit
vivant.
L e cinquième tém o in , Marguerite L a fo n t , veuve
�( 8)
Bonnefui^ '9. vu la sage-femme inquiète, lorsqu’elle de
manda de l’eau bénite pour ondoyer l’enfant; cependant
elle a dit plusieurs fois qu’il étoit vivant. Quand on a
frotté le visage de l’enfant avec de l’eau-de-vie, elle a
r e m a r q u é qu’il a fait un léger so u p ir, ce qu'elle a re
gardé comme un signe de vie j elle n’en a pas remar
q u é d’autres.
Cette enquête, comme le disent très-bien les adversaires,
étoit parfaitement inutile ; et en effet il n’y avoit rien de
moins prouvé que le faux matériel de la naissance de
l’enfant. Quatre témoins attestoient plutôt la vie que la
m ort; un seul attestoit la mort par ses paroles, et ce
qu’il a indiqué pour la prouver donne plutôt à présumer
pour la vie. Les faits du baptême et de la naissance restoient donc dans toute leur force.
Néanmoins, et par surabondance, Catherine Lafont
voulut aussi faire une enquête; et il ne faut que la par
courir pour être convaincu de la vie de l’enfant.
L e premier témoin est la sage-fem m e; elle sentit les
wiouvcmens de l’enfant dans ses mains : elle sentit les
■pulsations du cœ ur, et proposa à la femme Pignot d’y
toucher. Quand l’enfant fut sorti elle ne sentit plus de
mouvement, c’est pourquoi elle demanda du vin. On lui
porta de l’e a u - d e - v ie , et quand elle en passa sur le
visage de l’enfant, il fit un soupir. A lors ayant à s’occu
per de la m ère, elle a remis l’enfant à la femme Corre
(quatrième témoin ci-après). Elle avoit ondoyé l’enfant;
le curé est venu et l’a baptisé.
L e second témoin, François D u rin , a soupe avec le
curé le soir des couches. L e curé dit avoir vu l’enfant,
avoir
�( 9 )
avoir touclié son estomac, senti de la chaleur, cru re
marquer de la viey et baptisé l’enfant.
L e troisième témoin est Marie Bournet , déjà entendue.
L e quatrième témoin, la femme Corre , a gardé l’en
fant sur ses genoux après que la sage-femme eut fait les
frictions d’eau-de-vie au visage ; elle a elle-même lavé
l’enfant avec du vin lui a vu remuer les bras trois ou
quatre fois, lui a senti battre le cœ ur , a distingué des
mouvemens au visage quand on y passoit du vin , a re
marqué que l'enfant soupiroit ,• mais il est mort sur ses
genoux, sans qu’elle ait pu distinguer l’instant où il a
cessé entièrement de vivre.
L e cinquième témoin, Guiïlernin, a soupé avec le curé
quelque temps après les couches, Il dit qu’il avoit exercé
ses fonctions en baptisant l’enfant, ce qiCil n'aurait pas
f a i t , s'il 11 eût cru s être assuré de son existence, La sagefemme a dit encore au témoin que l’enfant étoit venu
au monde vivant , et qu’elle l’avoit ainsi déclaré ù son
confesseur.
L e sixième tém oin, Georges Forichon, a ouï dire au
curé qu’il avoit senti de la chaleur h. l’enfant, et admi
nistré le baptême, sans pouvoir assurer qu’il fiit vivant.
Il a ouï dire à plusieurs femmes que la Pignot ( celle
qui a dit l’enfant m ort) avoit dit qu’il éloit né vivant;
et qu’elle-même, femme Pignot, lui avoit vu plusieurs
fois porter les bras ¿1 la tête , et avoit remarqué plu
sieurs autres signes de vie.
L e 14 nivôse an 13 les parties en sont venues à l’au
dience où il ne s’agissoit que d’opposer l’acte de naissance
à l’enquête directe, et même les enquêtes entr’elles. 11
B
�C 10 )
est vrai que le procureur impérial vouloit renvoyer la
décision ù deux docteurs en médecine et en chirurgie,
mais le tribunal de Montluçon ne pouvoit se rendre à
cette opinion qui n’en étoit pas une; en conséquence,
après avoir pesé toutes les dépositions et la force des prin
cipes, il a fait droit aux parties par le jugement qui suit.
« Considérant que tous les actes de l’état civil font
« foi jusqu’à inscription de fau x; qu’il est établi par un
« acte extrait des registres de la commune de Néris, que
« l’enfant de Catherine Lafont est né à trois heures et
« demie, le 21 frimaire de l’an 11 ; qu’il est établi par
« un autre acte que le même jour le même enfant est
« décédé à quatre heures après m id i, c’est-à-dire, demi« heure après sa naissance ; qu’ainsi il est prouvé par actes
« authentiques que l’enfant est né vivant; que pour dé« truire ces deux actes, Gilbert Lafont a pris la voie
« de l’inscription en faux incident; que par conséquent
« il s’est imposé la tâche de prouver que cet enfant étoit
« mort avant que de naître ; et il s’agit d’examiner s’il
« l’a remplie ; que le premier témoin par lui produit
« a senti un reste de chaleur à l’enfant, et lui a admi« nistré le baptême à telles fins que de raison, a ensuite
« interrogé, comme oflicier public, l’accoucheuse qui
« lui a attesté que l’enfant étoit né vivant; que le se« cond, quoique témoin dans les deux actes, a déclaré
« ne s’être pas assuré par lu i-m êm e de l’existence de
« l’enfant; que le troisième a toujours regardé l’enfant
« comme mort avant que de naître; qu’il l’a jugé ainsi
« aux excrémens qu’il a vu tom ber, aux signes que la
« sage-femme lui a faits ; que cependant la même* sage-
�( 11 )
« femme lui a dit que le cœur de l ’enfant battoit encore,
« lui a proposé d’y porter la main, ce qu’il n’a voulu
« faire ; qu’après qu’il fut entièrement sorti du ventre
« de la mère, il ne lui a remarque aucun signe de vie,
« quoique la sage-femme l’ait frotté avec de l’eau-de-vie,
« lui ait mis les doigts dans la bouche, et y. ait soufflé;
« que le quatrième ne s’est pas assuré par lui-meme si
« l’enfant avoit vie après sa naissance, mais qu’il a enti tendu dire dans la maison qu’il étoit encoi'e vivant;
« que le cinquième lui a vu faire un léger soupir qu’il
« a regardé comme un signe de vie ;
« Que de ces cinq tém oins, le troisième est le seul
« qui soutienne que cet enfant étoit m o rt, parce qu’il
« le pensoit ainsi d’après la chute des excrémens et les
« signes de l’accoucheuse ; cependant cette même accou« cheuse a dit ensuite que le cœur de l’enfant battoit,
« a proposé au témoin d’y porter la m ain, ce qu’il n’a
« voulu faire,>disarit qu’il n’y connoissoit pas.
« Considérant que le premier témoin a senti de la
te chaleur à l’enfant-, a interrogé l’accoucheuse, qui lui a
« attesté que Fenfant étoit né vivant; que cette même
« accoucheuse l’a ainsi déclaré lorsqu’elle a été appelée
« en témoignage pal* Catherine Lafont; que le quatrième
« témoin a ouï dire dans la maison, après la naissance.
«' de l’enfant, qu’il avoit encore de la v ie ; que le cin« quième lui a vu faire un soupir qu’il a pris pour un
«• signe de vie; que de l’ensemble de ces déclarations il
« résulte plutôt que l’enfant a vécu après sa naissance,
« qu’il n’étoit mort avant que de naître; qu’ainsi Gilbert
« Lafont n’a pas détruit les deux actes de naissance et
B 2
�( 12 )
« de décès, ainsi qu’il se l’étoit proposé ; qu’on en est
« d’autant pins convaincu quand on considère que le
« quatrième témoin oui à la requête de Catherine Lafont,
« Ti qui l’accoucheuse remit l’enfant, pour donner des
« soins à la m ère, a confirmé la déclaration de cette sage« femme, lui a Vu battre le cœ ur, lui a distingué des
« mouvemens dans le visage, et a remarqué qu’il sou
te piroit; que d’ailleurs il paroît constant que cet enfant
« étoit parvenu au terme prescrit par la nature; qu’il
« n’a apporté au monde aucun vice de conformation ,
« ni aucun signe de putréfaction; que ces dernières cir-5
« constances, jointes aux actes de l’état civ il, aux décla« rations des témoins, doivent suffire pour constater la
' v. vie de l’enfant, ou au moins le faire présumer vivant;
« de manière que Catherine L afon t, qui a été m ère,
« qui en a couru les dangers, qui a perdu son enfant,
« doit obtenir la consolation que la loi lui accorde.
« L e tribunal déboute Gilbert Lafont de sa demande
« en inscription de faux, le condamne en l’amende de
« 60 francs, consignée conformément à l’ordonnance de
« 1737, et aux dépens. Fait et jugé à M ontluçon, le 14
« nivôse an 13 , etc. »
Après ce jugement, Catherine Lafont en a obtenu un
second le 23 ventôse suivant, lequel prononce la main
levée des saisies-arrêts, et condamne Gilbert Lafont à
payer ce qu’ il doit au défunt.
Quant aux Forichon et Bournet, autres parties, il avoit
déjà été rendu contre eux un jugement le 19 ventôse
an i i , prononçant aussi contre eux la m ain-levée de
leur saisie-arrêt; mais ils avoient gardé le silence en
�( i3 )
attendant l’événement de l’inscription de faux que Gilbert
L afon t, débiteur, avoit seul osé hasarder. Gilbert Lafont
a interjeté appel du jugement du 13 nivôse an 13 ", les
autres parties ont interjeté appel de celui du 19 ventôse
an 11 : et quoiqu’ils ne se soient pas réunis en première
instance, ils ont fait joindre leurs appels.
M O Y E N S .
La jonction demandée par les Bournet et Forichon
est aussi singulière que le but de leur appel. On concevroit cette jonction, si Gilbert Lafont avoit interjeté
appel du jugement du 23 ventôse an 13 , parce que ce
jugement et celui du 19 ventôse an 1 1 , frappent égale
ment sur des saisies-arrêts. Mais le jugement du 14 ni
vôse an 13 prononce sur une inscription de faux à la
quelle les Bournet et Foriclion n’ont voulu prendre aucune
part. Comment se fait-il donc qu’aujourd’hui ils veuillent
se rendre commun le jugement qui y fait droit ?
Dans leur appel les Forichon ont demandé que les con
clusions par eux prises en première instance leur fussent
adjugées et ils n’en avoient pris aucune. Leur appel
au fait n’a aucune base , car ils n’ont pu fonder leur
saisie-arrêt que sur le faux de l’acte de naissance ; et ce
pendant ce faux n’a jamais été articulé par eux.
Ces réflexions suffisent donc pour répondre à l'appel
de Forichon et Bournet. Il ne reste plus qu’à examiner
les moyens proposés sur l’appel de Gilbert Lafont.
Ils se réduisent à dire i°. que les enquêtes prouvent
le faux de l’acte de naissance; 20. que les signes de vie
�C *4 )
remarques par les témoins ne sont pas suffisans, d’après
les lois et les notions de la médecine.
Ce so n t ces deux prétentions qu’il faut examiner, pour
en démontrer l’erreur.
P r e m i è r e
q u e s t i o n
.
Les enquêtes prouvent-elles le fa u x de Tacte de nais-
' sance ?
Aucun acte ne mérite une foi plus grande que les.
actes de l’état civil;, les ordonnances nous l’enseignent r
et la raison nous: dit qu’il importe au bon ordre de ne
les détruire qu’avec la preuve claire et évidente d’un faux
matériel.
- C a r, comme le dit M . Cocliin, les registres de nais
sance sont des monumens publics auxquels la loi veut
qu’on donne une foi entièi-e, comme dépositaires.de l’état
des hommes.
- Il ne'faut pas etre plus exigeant que la loi; elle se con
tente, pour la déclaration des naissances, du témoignage
du père s’il est vivant, et de celui de la sage-femme ou.
l’accoucheur, si le père est mort ou'absent;;car l’accou
cheur a lui-même- un caractère publie, e t seul il fait foi.
de la naissance. (L o i du 20 septembre 1792, tit. 3 , art 2.
Code civil, art. 56.) Il faut en outre deux témoins, mais
ce n’est pas pour attester la naissance, c’est seulement
pour attester la' déclaration.
::-Enfin il faut que l’enfant soit porté à l’ofiicier public,
ou qu’il vienne.'s’assurer de sa naissance. ( L o i du 20 sepr ;
�( 15>
tembre, tit. 3 , art.
) Voilà tout ce que la loi a exigé.
Quand elle a dit qu’au acte de l’état civil feroit foi, et
que la preuve ne seroit pas reçue contre ce qu’il énonce,
c’est une chose assez bizarre qu’on peiïse l’anéantir, sous
prétexte d’une inscription de fa u x , par la même voie de
la preuve testimoniale. Ce ne seroit qu’un pur changement
de form e, si les tribunaux, en expliquant la loi par le
sens qu’elle présente, ne pensoient que celui qui s’inscrit
en faux s’engage à quelque chose de bien plus positif qu’au
résultat d’une simple enquête, puisqu’un acte publie ne
peut être anéanti par une preuve testimoniale.
Sans doute si on présentoit un extrait de naissance faux,;
la justice ne devroit y ajouter foi que jusqu’à la preuve
du faux; et c’est là le but de l’art. 45 du Code civil : mais
quand il s’agit de démentir la déclaration dont la loi s’est
contentée, sans contredit aucune preuve testimoniale ne
doit suffire pour faire tomber l’acte; ou bien il falloit
dire franchement que les actes de naissance ne faisoient
foi que jusqu’à la preuve contraire.
Ces réflexions, présentées à la prudence de la cour, ne
tendent point à éluder l’examen-des enquêtes; et pour
cela il n’y auroit qu’un seul mot à dire, c’est qu’au lieu
d’y voir la preuve de mort annoncée, on a peine à trouver
qu’un seul témoin ait certifié ce fait sans en douter luiinêtne.
Que devoit prouver Gilbert Lafont? et qu’a-t-il prouvé ?
Ses faits de faux étoient clairs et précis. 11 se soumettoit
à établir, i°. que plusieurs personnes étoient présentes
lors des couches, et que toutes ces personues s’écrièrent :
V oilà un enfant m ort;
�( i6 )
2°. Que la sage-femme ayant frotté l’enfant avec de
l ’e a u - d e - v i e , elle ouvrit sa bouche avec un de ses doigts,
mais que sa bouche se referma de suite; qu’il étoit pale,
et avoit les yeux fermés ;
30. Que François Gorre n’arriva dans l’appartement
que dans l’instant où la sage-femme plioit l’enfant pour
le faire enterrer;
40. Que la femme Corre dit à son époux d’aller avec
Louis Lafont faire faire les actes de naissance et de décès,
qui furent rédigés dans le même instant;
5°. Qu’il n’a été fait aucune réquisition à l’adjoint de
se transporter dans la maison où étoit l’enfant; qu’il n’a
par conséquent remarqué aucuns signes de v ie , et qu’il
n’a rédigé les deux actes que sur la déclaration de deux
témoins, dont l’un étoit l’aïeul, partie intéressée, et l’autre
avoit seulement vu ensevelir l’enfant.
L e premier fait n’est attesté en partie que par un témoin
qui est démenti par tous les autres. Ce ne sont pas toutes
les personnes présentes qui s'écrièrent : Voilà un enfant
mort ; c’est la femme Pignot qui prétend seule l’avoir dit à
Marie Bournet, parce qu’elle a vu tomber des excrémens :
mais Marie Bournet ne le pou firme pas,
Cette Pignot qui a voulu tout dire est tombée dans le
piège ordinaire des menteurs; elle se contredit elle-même
sur tous les points. L ’accoucheuse lui fit signe que l’enfant
étoit m ort, et cependant l’accoucheuse l’engagea à sentir
battre son cœur; elle refusa de s’assurer si l’enfant étoit
viv a n t, parce quV/<? ne s’y comtois soit pus ; cependant
c]le avoit déjà dit que l’enfant étoit mort.
Ces contradictions s’accordent parfaitempilt ayec la dé
position
�(t7 )
position du témoin F oriclion, qui a ouï dire h. plusieurs
femmes que cette-même Pignot leur avait attesté quô
l’enfant étoit vivan t, et qu’elle lui avoit remarqué plu
sieurs signes de vie. Cette malheureuse a ensuite changé
absolument de langage; et ceux qui la connoissent ne s’en
étonnent pas.
Toutes les personnes présentes n’avoient pas dit : V oilà
un enfant m ort; puisque tous les autres témoins présens
ont remarqué des signes de vie plus ou moins prononcés.
L e deuxième fait n’est prouvé par aucune déposition,
si on en excepte la circonstance attestée par la même
P ign o t, que la sage-femme ouvrit la bouche de l’enfant :
fait iso lé, faux et inutile. Mais personne n’a dit que la
bouche se refermât de suite, et que l’enfant eût, en nais
sant, ni de la pâleur, ni les yeux fei'més.
L e troisième fait n’est encore déclaré par aucun té
moin. Corre n’a pas dit être venu seulement quand on
ensevelissoit l’enfant, mais l’avoir vu sur les genoux de
sa femme. L a loi n’exigeoit pas même de l u i , comme
tém oin, qu’il attestât la naissance, elle ne l’exigeoit que
de la sage-femme; et il étoit témoin de l’attestation seule
ment. S’il avoit déclaré la naissance, comme témoin instrumentaire il feroit encore f o i , et ne seroit pas admis
à se rétracter.
L e quatrième fait étoit aussi insignifiant que le précé
dent, et n’est pas déclaré de la même manière par là
P ig n o t, quoique ce soit elle qui ait dicté évidemment
les faits articulés par l’adversaire.
Il y a même.quelque chose d’essentiel à remarquer dans
ce que disent Corre et la Pignot. Celle-ci assure avoir tout
vu depuis les couches jusqu’à l’inhumation, et cependant
C
�( i 8)
Corre dit que c’est elle qui vint le chercher à sa vigne;
elle s’est donc absentée quelque temps.
L e cinquième fait est démontré faux par tous les té
m oins; car bien loin que le sieur R eynaud, adjoint, ait
rédigé ses actes sans se transporter dans la maison où étoit
l’enfant, et sans le v o ir , il dit lui-même y être venu et
l’avoir vu. Tous les témoins parlent de ce fait, et la Pignot
elle-même déclare que le sieur Reynaud toucha l’eniant
à plusieurs endroits, et le baptisa.
A insi rien de ce que Gilbert Lafont avoit offert de
prouver ne l’a été. L ’acte de naissance demeure donc dans
toute sa force.
Quand on ôteroit de son enquête tous les signes de vie
articulés par ses propres témoins, il ne resteroit que des
doutes sur la mort de l’enfant; et des doutes ne détruisent
pas un acte.
Ces doutes encore ne sont communiqués que par un
seul témoin qui a refusé de toucher l’enfant, et qui n’ayant
pas voulu s’éclaircir veut cependant communiquer tous
les éclaircissemens.
Il faut se méfier d’elle, puisqu’elle s’en est méfiée ellemême ; d’ailleurs ses contradictions appellent aussi la mé
fiance, quand elle ne seroit pas personnellement suspecte,
comme la plus proche parente des adversaires. D ’ailleurs
c’est une chute d’excrémens qu’elle a regardée comme
signe de mort. Sur ce fait même, qu’ il est étonnant qu’elle
ait pu vérifier avant la fin des couches, de quel poids
peut être un semblable témoignage? C’est là cependant
la seule preuve de la mort qu’elle donne, ou plutôt la
seule preuve que fournit l’enquête.
�( x9 )
L e curé auroit été un témoin important s’il avoit as
sisté au commencement des couches ; mais il a fallu l’en
voyer chercher et l’attendre : et quoique, dans ce délai
assez lo n g , la vie de l’enfant n’ait pu que dim inuer,
cependant à son ai-rivée il a encore senti de la chaleur;
et si l’enfant avoit été mort - n é , cette chaleur n’auroit
pas duré jusqu’alors , surtout à la fin de décembre. Ce
qu’il y a de certain c’est que le curé n’atteste pas que
l’enfant fût m ort, c’est qu’au contraire il l’a baptisé comme
vivan t, et après un premier baptême. O r , suivant les
règles, ce premier baptême suffisoît, n’y eût-il eu que du
danger, Canonistce dicimt sufficere quod aliquod membrum baptizetur ut sit ijifans christianus.
Ainsi ce second baptême fait par un prêtre est une
présomption authentique de la v ie , d’après les auteurs :
à cette présomption se joint la preuve légale de la vie
par l’acte de naissance fait par le même témoin. A in si,
quand il marqueroit les conjectures de mort les plus
fortes, jamais il n’y auroit lieu d’annuller son propre acte
p u b lic, qui parleroit plus haut que sa déposition.
On voit d’ailleurs dans cette déposition du curé une
retenue qui abrège trop les détails, et qui s’explique assez
par l’inquiétude que devoit lui donner malgré lui une
inscription de faux contre son propre acte.
Mais cette circonspection est corrigée par les témoins
Durin et Guiltemin, à qui le curé a dit à différons inter
valles qu’avant de baptiser l’enfant il s’étoit assuré de
,
soit existence.
Si à cela on ajoute les dépositions de la sage-femme,
de la veuve Bonnefoi et de la femme C o rre , il n’y aura
plus à douter; car les mouvemens de l’enfant dans la main
C 2
�C(2o y
de la sage-fem m e, les battemejis du cœ u r, les soupirs,
les bras remués trois à quatre fo is , la contraction des
muscles du visage, sont sans contredit des signes évidens
d’existence.
Cent tém oins, qui diroient avoir vu un individu m ort,
ne détruiroient pas le témoignage de ceux qui l’ont vu
vivapt. Les apparences de la vie et de la m ort sont sou
vent difficiles à reconnoître, et peuvent d’ailleurs avoir
lieu quelquefois alternativement.
S
e c o n d e
q u e s t i o n
.
Tjôs signes de vie rem arqués p a r les tém oins s o n t-ils
sujjisans ?
Les lois françaises sont muettes sur cette question, et
la jurisprudence s’est toujours basée sur les lois rom aines,
qui ne laissent presque rien indécis.
A peine l’enfant étoit conçu qu’il étoit compté parmi
les créatures, et r é p u t é vivant toutes les lois qu’il s’agissoit de son intérêt.
Si cependant il m ouroit avant de naître, il n’étoit pas
réputé avoir v é c u , parce qu’alors en effet son intérêt
étoit n u l, et il étoit inutile qu’il eût vécu pour l’interôt
d’autrui.
M ais dès l’instant qu’il étoit n é , il devenoit capable de
succéder et de transm ettre, quelle que foible et courte
qu’ait pu être sa v i e , licet i l l i c o decesserit. L . 2 , cod.
D e post. hœr.
Cependant les écoles ne s’accordoicnt pas sur les preuves
de la v ie , lorsqu’il s’agissoit de savoir quand un testa
ment étoit anuullé par la naissance d’un posthume. Les
�( 21 )
proculeïens, qui étoient les rigoristes du droit, vouloient
que Teniant, pour être réputéijvoir vécu, eût crié, cia*
morern emiserit. Mais les sabiniens n’étoient pns de cet
avis, et répondoient que la foible;sse ou un défaut d’or
ganes peuvent empêcher les cris de l’enfant, quoique visi
blement il existe. Justinien termina ce débat par la loi
Quod diù certatum , et dit, en approuvant l’opinion des
sabiniens, que le testament était rompu si l’enfant étoil
né v iv a n t, quand même il seroit mort immédiatement
après sa naissance, et même dans les mains de la sagefemme.
Sabiniani existimabant si vivus iiatus esset
vocem n o n e m is it
e t
si
rumpi testamentum : eoruni etiain
nos laudamus sententiam , et s a n c i m u s s i perfectè liatus e st , licet
illic o
postquam, in terrain cecidit vel
decessit-, ruiiipi testamentum. L o i Quod dià , code D e posth. lib.
in
m in ib u s
o b ste tr ic is
Cette supposition d’une mort aussi.prompte, pour ainsi
dire, que la naissance, marque assez que la,lpijjn’a pas
exigé des signes de vie bien prononcés, puisque'le $pn
de la voix ne lui a pas même semblé nécessaire.
11 y a plus, car la loi encore a prévu le cas où un
accouchement auroit été tellement forcé et difficile que
l’enfant n’auroit pu être extrait qu’en partie. Si la por
tion qui a vu le monde est celle en qui consiste princi
palement l’existence, l’enfant n’en est pas moins réputé
avoir vécu , quoiqu’incapable de conserver la vie; et la
loi en ce cas se contente du moindre souffle.
Si non integrum animal editurn sit, cum
s p ir itu .
tamen , adeo testamentum rumpit, L. 12 ; if. D e liber¿s
et posth.
�( 22 )
Ces principes ont toujours été adoptés par la jurispru
dence ; et les auteurs du droit les enseignent comme des
maximes certaines.
Lebrun se plaint avec éloquence de ceux qui veulent
pour signe de vie avoir entendu la voix de l’enfant j
« comme si, dit-il, la nature attentive à d’autres choses,
« ne pouvoit pas, dans un petit espace de temps, vivre
« et mourir sans se plaindre : au contraire l’on peut dire,
« ajoute-t-il, que l’enfant qui se tait ainsi en naissant,
« subsiste en partie par ce silence, parce que la nature
« ménage ses forces pour prolonger sa v ie , et évite do
« la dissiper en accens superflus. » (L iv re i , chap. 4 ,
sect. 1.)
M . D om at, cité par les adversaires, s’occupe des cas
où l’enfant est né avant le terme ordinaire ; et quoique
dans l’usage on n’ait jamais regardé comme viable un
enfant né avant le septième mois, M . Domat distinguo
le cas où il s’agit de son état personnel, de celui où il
est q u e s tio n de sa v o ir s’il a succédé et transmis la succes
sion.' Dans la première espèce, c’ëst-à-dire, cum agitur
de statu et f i t quœstio statûs, M . Domat pense que l’en
fant^ avant sept mois, n’est pasJréputé avoir vécu : mais
quand il'ne s’dgit que de transmettre la succession à ses
héritiers, >Jcùm l agi fur'de transmissione hcercàitatis, les
raisons ne sont plus les mêmes, et il n’importe plus que
l’enfant ait pu vivre, il suflit qu’il ait vécu; et M . Domat
cite des arrêts qui ont réputé successibles des en fans de
quatre et cinq-mois,-nés même par l’opération césarienne,
( L i v . 1, sect. 1,11°. 5 , p. 2 .) '•
■Remarquons qu’ici il s’agit d’un enfant venu à tonne;
après neuf m ois, et dès-lors légalement viable,•
�( 23 )
Henrys, cite encore par les adversaires, ne leur est pas
plus favorable que Dom at; il parle d’une cause où il s’agissoit d’un enfant q u i, loin d’être regardé connue mort
pour avoir rejeté des excrém cns, n’avoit au contraire
donné d’autres signes de vie constans. V oici littéralement
le fait rapporté par M . Henrys lui-même. « Une mère
« n’ayant pu rendre son enfant qu’avec peine et violence,
« et cet enfant n’ayant donné d’autre signe de vie que
« par les excrémens qu’il avoit rendus, cela fit douter
« s’il avoit survécu la mère ou non. Ceux qui avoient
« intérêt qu’il fût plutôt né vivant que m ort, ne raan« quèrent pas d’user de précaution, et de faire ouïr par
te devant le juge la sage-femme et un médecin. L e pré« texte qu’ils en prirent fut au sujet de l’enterrem ent,
« et sur le refus que le curé pouvoit faire de le mettre
« en terre sainte. Y ayant eu procès en ce siège, nous
« fûmes ouïs pour le procureur du ro i.. .. La sage-femme
« ne s’étant arrêtée qu’à l’éjection des excrémens, et en
« cela n’ayant pu parler que par l’organe du m édecin...
« le rapport nous paroissoit précipité et affecté ; nous
« crûmes qu’il y avoit plus d’apparence d’en oi’donner
« un second.... que puisqu’on n’avoit établi la vie de
cc l’enfant que sur ce signe seul, les médecins en pou« voient aussi-bien juger que s’ils avoient été présens à
« l’enfantement. Nos conclusions furent suivies, et un
« nouveau rapport fut ordonné. Y ayant eu appel au par
oi lement, la cour a cru que le premier rapport devoit
« suffire; en un m o t, que sur le doute, et dans les cir« constances duf a i t , il j'alloit plutôt juger que Venfant
« avoit eu v ie , que d'être mort-né. » ( Quest. 2 1, li v. 6. )
Enfin Acaranza, cité aussi par les adversaires, d it, au
�Cm )
rapport de Bretonnier, dans son traité D e partie, ch. 16,
11°. 32, que le moindre signe de vie suffit s’il est certain.
Dans une cause qui dépend toute entière d’un fait pu^
blic et légalement attesté, que de simples indices ne peu
vent détruire, les réflexions des docteurs consultés par
les adversaires ne conduiront pas la cour à tout l’éclair
cissement qu’elle avoit lieu d’attendre de leurs lumières ^
car ces docteurs n’ont pu se déterminer que par le vague
des enquêtes : aussi leur opinion se réduit-elle à un système.
' Mais quelque brillant que puisse être un système, jamais
l’incertitude n’amena la conviction.
L e raisonnement des docteurs consultés se réduit à ceci :
L a chaleur, les mouvemens de l’enfant, ses soupirs et le
battement de son cœur, peuvent avoir trompé les témoins,
parce que les genoux trembloient à celle qui tenoit l’en
fant sur ses genoux, et ce tremblement, communiqué à
l’enfant, a pu en imposer pour un mouvement qui lui fût
personnel. L e seul s o u p ir e n t e n d u éta n t un dernier soupir,
n’a été qu’un mouvement expiratoire, sans i n s p ir a t io n ,
parce que les poumons n’ont pas eu la force de supporter
le volume d’air nécessaire à la respiration. Les signes de
vitalité remarqués ne sont qu’un reste de çontractililé et
d’irritabilité tels qu’on les observe sur les têtes nouvel
lement coupées, sur le larynx des oies, et au galvanisme.
T o u t cela 11’étoit qu’un indice de la cessation encore
récente de la vie animale.
L a base de ce système est une simple p o ssibilité : le fait
principal qui le motive rrest pas exact, et par conséquent
1A
C système s’évanouit tout entier,
Le
�(*5 )
L e tremblement des genoux, imputé à la femme Corre,
n’est pas attesté par elle; et sans doute sa déposition dévoit
être la plus notable à l’égard d’un fait qui lui étoit per
sonnel.
L e soupir appelé un dernier soupir est encore une
erreur ; car puisque les docteurs ont choisi les témoins
qui parloient de v isu , ils ont dû remarquer que la sagefem m e, après avoir lavé l’enfant avec de l’e a u - d e -v ie ,
entendit un gros soupir ,* puis elle le remit à la femme
Corre pour s’occuper de la mère. O r, à son tour, la femme
Corre lava l’enfant avec du v in , et alors remarqua que
l ’enfant soupiroit, qu’il avoit des mouvemens dans le
visage, qu’il remua les bras trois ou quatre fois, et que
le cœur lui battoit.
Ces soupirs ne sont pas les mêmes que ceux entendus
par la sage-femme quelque temps auparavant. Il n’y a
donc pas, comme l’ont cru les docteurs, un seul et der
nier soupir.
A lo rs , et sans examiner s’il est possible qu’un enfant
sortant du sein de sa mère x*ende de l’air par expiration,
sans en avoir jamais aspiré, il est au moins certain que le
premier de ces soupirs, à supposer qu’il n’y en ait eu que
deux, n’est pas un dernier mouvement expiratoire passif.
Après cette exanimation, il seroit impossible de conce
voir qu’un second soupir eût pu succéder au premier. C’est
bien assez d’admettre un premier soupir dans un nou
veau n é , si ses poumons n’ont pas eu la force de sup
porter le volume d’air nécessaire à la respiration.
Les signes de vitalité remarqués aux têtes fraîchement
coupées ne semblent devoir rien prouver à l’égard d’un
enfant qui ne s’éteint que par foiblesse. Dans une tête
D
�'( **6 )
coupée, la vie surprise, pour ainsi dire, pendant Sa force,
s’arrête encore dans une partie restée saine. Les muscles,
irrités ordinairement ;par la moindre blessure, le sont
bien davantage par leur section entière; et leur contrac
tion communique à tout ce qui en dépend un jeu mé
canique qui n’est pds la v ie , mais qui en est l’apparence.
A u contraire quand un corps entier s’ etéin t par débi
lité ou dissolution, ce mouvement des muscles-ne peut
pas survivre à l’atonie de l’organisation ; à plus forte
raison dans un enfant nouveau, qui n’auroit pas eu la force
de supporter une Seule aspii’ation, toute co n tr a c tilité et
irritabilité semble une chose entièrement impossible.
L e larynx des oies ne répète leur cri que pendant la
durée du souffle qu’on y communique; ainsi il n’y a pas
de vitalité dans ce qui exige une fonction étrangère.
L e galvanisme peut bien, par une combinaison de mé
taux, produire sur des chairs inanimées une commotion
dont nos sens imparfaits ne peuvent pas apercevoir la
cause : m a i s , q u e lle q u ’elle soit, elle est le produit d’un
appareil quelconque ; et jamais un coi’ps n’a répété les
mouvemens galvaniques hors la présence de cet appareil.
‘ Remarquons une vérité frappante. Dans leur propre
opinion les docteurs ont supposé que la vitalité même
qu’ils présumoient dans l’enfant, étoit l’indice de la ces
sation encore récente de la vie animale.
*
Voilà donc une'présomption de mort attachée à la con
viction que l’enfànt vivoit encore un instant auparavant.
O r, cet instant/ou est-il ? qui peut le saisir aujourd’hui,
cjuaud‘ les as'àistans ne l’ont pu recorinoîlre ? Comment,
dans une matiè’re aussi conjecturale que les signes de la
�(
)
m ort, les docteurs assureront-ils que l’enfant de Cathe-r^
rine Lafont, venu à terme en l’an n , soit mort avant,
ou pendant l’extraction, ou une minute après sa,nais
sance, avant, ou pendant son baptêm e, ou in manibusx
obstetricis, suivant le langage de la loi.
L a sage-femme l’a gardé quelque temps; après elle, la
femme Corre l’a gai'dé ; puis le cu ré, mandé pour le
baptiser, est venu; ,et c’est après tojat cela qu’on a été
certain de sa mort.
: ?
>
Quand il n’y auroit pas de signes de vie reconnus, rien
ne seroit plus conjectural que les s^nes de ia m ort, et
en ce cas même il faudroit seulement douter.
C a r,7 comme
le-» * dit M . W in slo w ,7 « si la chaleur du:)
'
« corps et la mollesse des parties flexibles sont des signes
« incertains d’une vie encore subsistante >la pâleur du vi« sage, le froid du corps, la roideur des extrém ités, la
« cessation des mouvemens et l’abolition des sens externes,
« sont des signes très-équivoques d’une mort certaine....
« Il est-incontestable que le corps est quelquefois telle« meut privé de toute fonction vitale, et que le souille
cc de la vie y est tellement caché, qu’il ne paroît aucune
« différence de la vie et de la mort. » ( Dissertation sur
l’incertitude des signes de la m ort, page 84. )
.
E t c’est parce que les signes.de la mort sont plus dou
teux que ceux de la v ie , que les auteurs de médecine
légale se contentent des moindres indices pour présumer
la vie de l’enfant.
Si spiraverit, dit Zaclïias, si membra distenderit, si
se moverit, si sternutaverit, si urinam reddat. ( Quest.
njédico-lég. liv. I er. tit. 5 , n°. 123.) Cependant la plupart
D 2
�( »8 ) '
de ces cas pourroient se prendre encore plus pour de
simples mouvemens de vitalité musculaire.
Foderé marque une notable différence entre le cas où
l ’enfant seroit mort dans le ventre de sa m ère, et celui
; i
-»
7
où il ne meurt que pendant sa naissance. A u premier
cas, l’état qu’il décrit des souffrances de la mèi’e ne laisse
pas de doute; aurdeuxième cas, il indique comme signe
de mort le défaut de pulsation et de chaleur des artères
ombilicales : néanmoins il cite encore des exemples où
ces signes mêmes ont trompé les praticiens. ( Médecine
civile, tom. i , n°. 288.)
M ahon ne pense nullement que la pulsation des artères
soit un simple indice de vitalité et de contractilite. « La
« continuation du battement du cœur et de la circulation
'« du sang en général, dit-il, est un indice bien plus sûr de
« la vie de l’enfant après sa naissance. Cette fonction est,
« de toutes celles qui tombent sous les sens, la plus im« portante de la vie animale. » ( Médecine légale, tom. 2 ,
pag. 393- )
Si donc nous ignorons quand est mort l’enfant de Ca
therine Lafont, au moins ne l’étoit-il pas quand son coeur
battoit encore; et si les mouvemens des bras et du visage
sont, comme les soupirs, des signes douteux de la vie, au
moins tous les raisonnemens de l ’univers ne prouveroient
pas qu’ils sont des signes de mort.
Car il faut pour les adversaires des signes évidens de
m ort, puisqu’ils attaquent un acte de naissance.
.
..
Eh! où en serions-nous, si à chaque mort il falloit élever
autant de doutes et d’incertitudes?
Les hommes sont convenus de regarder comme Tins-
�( 29 )
tant fixe de la mort celui de la cessation totale de la cir
culation du sang, suivie de la roideur des membres; et
les intérêts de toutes les familles se règlent chaque jour
sur la foi de cette croyance. , ■
O n sait bien qu’il est de loin en loin des exceptions
à cette règle, et que des personnes ont vécu, après avoir
eu tous les signes ordinaires de la mort.
Mais on ne voit pas pour cela que ces phénomènes
changent les notions de l’habitude; et certes nul ne certifieroit vivant un homme sans pouls et sans flexibilité de
membres, parce qu’il en auroit vu vivre d’autres ayant
les mêmes symptômes de mort.
Comment donc est-il possible de décider qu’un enfant,
qui conservoit du m ouvem ent, étoit cependant m o rt,
par cela seul qu’il est des exemples que des individus
morts ont quelquefois donné des signes de vie.
Cependant il ne s’agit ici que de fixer l’époque précise
d’une mort reconnue récente; et au lieu de la rechercher
dans des possibilités et dans des hypothèses, pourquoi
ne pas supposer aussi une cause plus immédiate et plus
naturelle?
I<es couches de Catherine Lafont ont été laborieuses;
voilà un fait connu.
• ••.
L ’enfant a dû être très-accablé, et avoir besoin du plus
grand calme ; si on l’a tourmenté on n’a pu que lui nuire :
voilà la première présomption certaine.
Mais au lieu de lui laisser du repos on lui a coupé le
cordon ombilical, on l’a frotté avec de l ’eau-de-vie, puis
avec du vin.
Pourquoi donc ne pas croire que ces opérations ont
�. . .
( 3° )
achevé d’éteindre une vie encore récente, plutôt que '
d’assigner une époque antérieure, sans aucune cèrtitude,
mais par s im p le soupçon.
Ici au moins nous présentons un système qui a une
base, et cette base est assise sur une grande autorité.
« Lorsque l’enfant, dit Hippocrate, est sorti du sein
« de sa mère avec effort, comme il est foible, il ne faut
« pas lui couper l’ombilic qu’il n’ait crié et uriné. »
( Hippocr, de superf, ch. 5. )
Et qu’on n’objecte pas que ce sont là des principes d’an
cienne théorie; Alphonse L ero i, qui les l’appelle, ajoute ;
« Nous développerons ailleurs ce précepte excellent, que
« nous tâchons chaque jour de rétablir, » ( A lp h, L e r o i,
pratique des accouchernens. )
lia section du cordon ombilical a donc pu nuire à un
enfant déjà fo ib lè; des frictions d’eau-d e-vie sur son
visage ont dû même lui causer une révolution qu’il étoit
hors d’état de supporter : c’est en ce moment que ses
soupirs ont annoncé le dernier effort de la nature ; et
quand le spasme a arrêté le battement de son cœ ur, il
a résulté de cette suspension même que c’est alors seu-r
lement qu’il a cessé de vivre.
Si ce‘ n’est là qu’une présomption, elle a pour elle les
dépositions des témoins qui ont vu des mouvemens jus
qu’après la friction d’eau-de-vie : mais d’ailleurs, dans lo
doute même,’ la religion, la physique et les lois présument
que l’enfant a vécu.
Remarquons combien encore la présomption de la vio
est ici plus favorable que dans l’espèce des lois romaines. Là
il s’agissoit de rompre un testament, et c’étoit en pure perte
�( 3* )
Jpotir le posthume , s’il m ouroit illic o , in m anibus obstetricis,* ic i, au contraire, il s’agit de présumer la vie en
faveur d’une m ère, et de supposer que la nature a Suivi
son cours ordinaire, en faisant naître vivant un eufant
'q u i , venu à term e, étoit légalem ent viable. , , -
O n a articulé contre l’acte de naissance des vices de
form e, mais ils sont imaginaires, et n’emporteroient au
cune peine de nullité. L e seul vice conséquent seroit de
n’avoir pas porté l’enfant à la maison commune ; mais
; la loi dit seulement qu’il sera présenté à l’officier public,
et l’officier public l’a vu.
, >
On se fait un moyen de ce que Catherine Lafont a
contracté récemment un second mariage. Mais qui peut
lui reprocher ce que la loi et les bienséances autorisent:
depuis trois ans elle n’a plus le bonheur d’être épouse
ni m ère, et l’obéissance qu’elle doit à son père ne lui a
pas permis de mettre un plus long terme au désir qu’il
manifestoit chaque jour de se donner un nouveau sou
tien. Mais au reste, quelle influence cet événement peut-il
avoir pour la cause, et surtout pour infirmer un juge
ment a n té rieu r ?
Ce n’est pas moins une mère qui réclame la succes
sion de son enfant, luctuosam hœreditatem, suivant le
langage de la loi. On a blâmé les premiers juges d’avoir
dit que celle qui avoit couru'les dangers de la maternité
méritait la préférence dans le doute ; mais ce motif, bien
loin d’être aussi absurde qu’on le prétend, est entière
ment puisé dans la, nature et dans la m orale, comme il
l’est dans l’opinion des plus savans auteurs, et notamment
�( 32 )
de D om at, qui parle de la faveur de la cause du père ou
de la mère qui survivent à leur enfant.
Cujas d it, comme les premiers juges, que la plus favo
rable interprétation devoit être pour la mère en sem
blable circonstance. Benignius est credere ordinem naturoe servasse f o r tunam , ut in dubio matri faveam us ,
quœ in luctu est magno , propter amissum f îlium et
maritum , quàm agnatis, ( Cujac. ad leg. 2.6, D e pact.
dot. )
'• A quels titres en effet seroient plus recommandables
tdes collatéraux, qui ne voyant dans les dangers d’une
mère qu’une expectative, et dans ses malheurs qu’une
succession, veulent tout renverser pour en faire leur
p ro ie , e t, irrités de trouver une barrière dans un acte
authentique, osent rouvrir les tombeaux de leur fam ille,
pour chercher une heure incertaine, et recueillir pour
ainsi dire la vérité dans le néant? La cour ne verra en
eux que des profanateurs avides, qui d’ailleurs, dans leurs
moyens impuissans, sont encore bien loin d’avoir satis
fait à ce qu’ils s’étoient imposés à eux-mêmes pour par
venir à renverser un acte d’ordre p u b lic, par le motif
unique de leur intérêt. particulier.
Me D E L A P C H IE R ,
avocat.
Me . T A R D I F , licencié-avoué.
A RIOM, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel, — Nivôse an 14
�
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Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Lafont, Catherine. An 14]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
posthume
successions
enfant né viable
médecine légale
accouchement
témoins
vices de forme
actes de naissance
faux
sage-femme
baptême
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Lafont, et Louis-Auguste Petauton, son mari, habitant à Néris-les-Bains, intimés ; contre Gilbert Lafont, Jean-Baptiste Bournet, Jean Forichon, Marie et autre Marie Lafont, leurs femmes, habitant aussi à Néris, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 14
1801-An 14
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0722
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0323
BCU_Factums_M0723
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53917/BCU_Factums_M0722.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Néris-les-Bains (03195)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
accouchement
actes de naissance
baptême
enfant né viable
Faux
médecine légale
Posthume
sage-femme
Successions
témoins
vices de forme
-
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Text
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m ém o ire s i g n i f i é
P ou r
Jeanne
Julhe,
Veuve de J e a n B r i o u d e ,
Maître C o r d o n n ie r habi
tants de la Ville d’Aurillac,
Défendereffe.
C ontre Me. J e a n -B aptiste
B o u c h i n c a n t , Prêtre,
Principal du Collège de cette
Ville Demandeur.
,
ne
L
I
s’agit quant à préfent que de décider d u
téim
erdes L ettres de refcifion prifes p ar le fieur
Bouchincan t contre les confentements & les offres
faits en Ju g e m e n t p ar Jeanne B a ftid e , dont il
eft héritier.
FAITS.
D u M a ria g e de V in ce n t B aftide & Jeanne R iv i e r e étoient
provenus fix Enfants ; fç a v o ir P i e r r e , autre P ierre , A n t o i n e ,
G uillaum e , M a rie & M a rg u e r ite .
�G u ill a um e Bafti de fut Pe re de Jeanne , qui époufa G é r a u d
B o uc h in c an t , & qui a difpofé de fes Biens en fave ur du
iieur Bo uc h in c an t > au préjudice de fa Famille.
M a r i e Baftide eft repréfentée par la DéfenderelTe fa Fille.
V i n c e n t Baftide fit fon T ef t am e nt le onze A v r i l mil fix
cent quatre v i n g t - f i x , par lequel il légua à titre d ’inftitution différentes fommes à chacun de fes Enfants , &
inftitua Jeanne R i v i e r e fa Fe m m e fon h é r i t i è r e , à la ch arge
de rendre à tel de fes Fils ou Filles q u ’elle votidroit chojiir.
L e ving t - f e p t F é v r i e r mil fix cent quatre vi ng t - neuf
ladite R i v i e r e reftitua c e Fi déi com m is h M a rg u e r it e Baftide
f a fille.
C e l l e - c y par fon T e ft a m e n t du v i n g t - q u a t r e D é c e m b r e
mil fix cent quatre - vi n g t - dix - n e uf laiifa à fa M e r e l'iilufruit de fes Biens , & inftitua héritiere M a r i e Bafti de fa
Sœur.
Jeanne R i v i e r e a joui de tous les Biens en vert u de ce
T e f t a m e n t ; elle fe retira dans la maifon de Gu ill aum e
Baft id e , où elle porta tous les meubles & effets de la
fucceflion de fon M a r i , & elle y eft décédée.
Guil la um e & Jeanne Baftide ont continué fuccefilvement
de jouir des Biens provenus de V in ce nt & M a rg u er it e
Baft id e fur le fondement de leurs Cré anc es.
E n mil fept cent c in q u a n t e - un la DéfendereiTe en a
demandé le cléfiftement a v e c reftitution des Fruits depuis le
décès de Jeanne R i v i e r e , & a conclu à une provifion.
Jeanne Baftide a donné les mains à cette demande par
des déclarations précifes repétées dans toute la Procédure
& qui ont étç acceptées ; on en rendra com pt e dans un
m om en t.
L e fieur Bo uchi ncant fon héritier a repris l’inftance &
obtenu des Lettres de refeifion , la demande en enté rine me nt
de ces Lettres a été jointe pour y être fait droit par un préalable.
MOYENS.
L e fieur Bouch in can t s’o c c u p e vainement de faire compulfer
la minute du T e f t a m e n t , de M a rg u er it e Baftide & d’en con-
�tefter la validité , fî l' approbation & les confenteirents donnés
par Jeanne 13ailide qu'il rcpiefente en aiîurent Inexécution .*
or ces «ipptobaticns remontent m êm e à la date du T ef ia m en t.
E n ciiet à quel titre J ea nn e R i v i e r e a-t-elle joui des Biens
en queftion , ii ce n’eft en vertu du T e i l a m e n t de mil iîx
cent quatre - vir^gt dix - n e u f , qui lui en ac co rd oi t l’ufufruir.
Inutilement diroir-on qu’elle jouifloit comme C r é a n c ie r e ;
cette qualité ne fuffit pas pour dépoiîeder les Propriétaires,
à moins d ’un J u g e m e n t qui prononce l’envoi en pofleffion ,
ou d’un traité pafîe a vec les Héritiers ; il n’y a que le
Teilament qui puifle juilifier cette poiTelIîon , & en faire
reconnoître l’origine.
Jamais Gu ill a um e Bafti de ni les autres enfants de V i n c e n t
Baftide n’ont entrepris de critiquer ce T e i l a m e n t , on t r o u v e ’
au contraire , dans la foule des T it r e s qui ont été c o m m u ni
qués , des p r e u v e s , que la plupart d ’entr’eux ont a p p r o u v é
Teilament par la demande , la ceflion , ou la reception
leurs L e g s particuliers.
Il eft fi peu vrai que la V e u v e Bo uc hi nca nt ou fon Pe re
le ioienc jamais coniiderés c o m m e Propriétaires de partie
des Biens , que Gu illaum e Baftide a ya nt été aiïigné en mil
•ept cent feize par Bern ard R i v i e r e C r é a n c i e r de la fucceifion
V incent Baftide , opp ofa qu’il étoit C r é a n c i e r antérieur
^ préférable , & prit même des conclufions hy po th éca ir e s.
Par une écriture du douze Juillet mil*fept cent d i x - n e u f ,
e même Gu ill aum e Bafti de déclara q u ’il ne prétendoir rien
^ n s la fucceifion de M a rg u er it e Bafti de c om m e h é r i t i e r ,
clu il s’en tenoit à fes créances.
Jeanne Baftide a joui des Biens après la mort de fon
^ ere , elle a fuccedé à fa pofîeiîion y elle avoit connoiflance
Teilament de Ma rgu er ite Baftide , qu’elle a trouvé parmi
^es autres Papiers ; elle avoit connoiflance de la Procédure
cle «»il fept cent feize ; puifque c ’eil elle qui l’a communi
quée , auili n’a-t-elle pas imaginé de contefter le défiftement
doma ine , elle s’eft renfermée dans fes créances.
, Il ne faudroit que l’intervalle de filence qui s' e i l écoulé
depuis le T e i l a m e n t de mille .fix cent q u a t r e - v i n g t - d i x - n e u f
4
�jufques en mil fept cent trente - quatre , époq ue du décès de
G u il la u m e Baftide pour valider le T e ft a m e n t , qui d’ailleurs
a eu l’ éxé cution la plus complette , confirmée par des a v e u x
& des déclarations irrévocables.
D e ces obfervations préliminaires , il réfulte que Jeanne
Baf ti de n’auroit pas été recevable à attaquer le Tef ta m en t
lors de la demande en défiftement , formée c o n t t ’elle en
mil fept cent cinquante - un. Il n ’eft donc pas étonnant
qu ’elle fe foit bornée alors au rembourfement de fes créances.
P a r fa Re qu ê te du dix-fept Juillet mil fept cent cinquanteun , elle déclara qu’elle étoit prête d’abandonner les Biens ,
étant payé e des créances dont elle fait le d é t a i l , foutint qu’elle
ne pouvoit être dépoiTedée qu’après ce rembourfement , en
ajoûtant qu e fi la Succeflion étoit plus confidérable , elle
établiroit qu’il lui en appartenoit moitié , mais qu’ayant plus
d ’intérêt à être p ay é e de fes créances , elle s’en départoit ;
en conféquence elle demanda a fte par fes conclufions , de
fes offres , de fe défifter des Biens , & de com pt er des
jouiiTances , étant p ay é e de fes créances. Q u e l la ngage plus
p o fi ti fî
Si l’on prétend q u ’ il a été tenu par erreur , & dans
l ’ignorance des nullités qui infeftoient le T ef t am e nt , il n’y a
p ou r fe defabufer q u ’ à lire la R e q u ê t e du d i x - h u it A v r il
mi l fept cent cinquante - deux ; Jeanne Baftide y déclare
q u ’elle feroit en droit de r e t r a c e r fon confentement donné
p ar erreur , attendu qu’elle a appris depuis par l ’infpeftion
de la Minute , que le T ef t am e nt de Ma rg u er ite Baftide du
v i n g t - quatre D é c e m b r e mil fix cent quatre - vin g t - dix - n e u f,
n’étoit p a s ' f i g n é par G é r a u d R o u g i e r e l ’ un des T é m o i n s ,
& qu ’il n’y a v o i t que qnatre T é m o in s fignataires , qu’elle
a vu aufli le T ef t am e nt de C ef a ir e Julhe qui lui don no it
droit pour moitié dans la propriété du D o m a in e que néan
moins elle offre de fe d é f i f t e r , confent à l’eftimation des
jouiiTances , & de venir à un compte.
T o u s ces confentements turent acceptes : en cet état
intervint une première Sentence le quatre Ma i mil fept cent
cinquante - de ux , portant que J ean ne Bafti de juftifieroit
�dans huitaine de fes T it r e s de créance , le temps p a i T é , e I le
e il condamnée au défiftement des Biens.
Pat line fécondé Sentence du lept Juillet mil fept cent
cinquante - deux , il fut ordonné que les Parties conviendroient
d ’Ex pe rt s pour eftimer les jouiffances , la même Sentence
donne a£te de la nomination de D e v e z e E x p e r t pour Jeanne
Bai tide , & de Lefpinats pour la DéfendereiTe.
Les E x p e r t s firent & affirmèrent leur rapport. V o i l a donc
des confentements & des Jugem en ts contradictoires rendus
irréfragables.
O n n’omettra pas qu’ à l’égard du T e ft a m e n t de C e fa i re
Julhe Frer e de la DéfendereiTe Jeanne Bai tide en a v o it
l o n g - t e m p s avant abandonné l'effet , foit en confentant que
Uéfendereffe acquitât les frais funéraires & les detres de
c ette fu cc e il i o n , foit par fa déclaration produite dans l’inilance,
qu'elle n’a profité en aucune maniéré de cette fucceilion j
011 fe difpenfe de rappeller dans quelles circonftances ce
T e i ta m e n t fut f a i t , puifque Jeanne Bartide n ’a jamais prétendu
en tirer a v a n t a g e , & ne s ’eil point écartée des engagements
qu on lui avo it impofés.
Q uo iq ue Jeanne Baitide eut annoncé legerement dans fa
dermere écrit ure que ces déclarations avo ient été données
par erreur
elle n’ofa tenter la vo ie de la refciiion.
L e lieur Bouc hi nc ant plus hardi , après a v o ir obtenu fa
fucceifion à force de mouvements & d’importunités a pris
des Lettres , mais ii Jeanne Baftide n’ y étoit pas r e c é v a b l e ,
c ncore moins peuvent - elles lui réuilir.
D é j à quoique le confentement porté par la R e q u ê t e du
- fept Juillet mil fept cent c in qu a nt e - un n ’ait été ac cepté
Qu’ail mois de F é v r i e r mil fept cent cinquante - deux , il e il
Vrai de dire que l ’acceptation a un effet r e t r o a f t i f au jou r
la déclaration ; dès lors les Lettres de refcifion font venues
à tard. Sans affoiblir cette premiere réfléxion , 011 croit p o u v o ir
ei1 propofer d ’autres auili décifives.
^
C ’eit une des notions élémentaires que l’on c o n t r a & e en
Jugement , & que les confentements que l’on y donne , font
aulii irrévocables que c eu x donnés par tout autre A 6 l e
�6
authentique •, il fembîe même que la furprife ne fe préfumant
pas à l ’égard de ce qui fe fait en J u f t i c e , il doit y a voi r
moins de facilité d ’en être reftitué , au moins f a u t - i l les
même s motifs qu’à l ’é gar d des C o n t r a t s paifés pard ev ant
Nota ir es.
O r on n ’ admet d ’autres moyens de refcifion contre les
a ft e s & L*s confentements donnés par des Ma jeu rs , que ceux
qui font tirés du dol ou de la crainte , de la vi olence ou de
l’ig no ran ce de fait-.
E n général même l’approbation d’ un Teft ametit n’eft pas
fufceptible de refciiion , les Auteurs n’ont jamais él ev é le
moindre doute fur ce point. E c ou to ns R ic a rd .
» Si la renonciation à la L ég it im e eft faite après la mort
»du Pere , il n ’y a pas de difficulté qu ’elle eft valable , n’y
» a y a n t en ce cas aucune coniîdération qui en e m p ê ch e
» l ’effet , puifqu’il eft en la liberté de chacun de renoncer à
» u n droit qui lui eft acquis , & cette renonciation étant une
»fois acc omp lie , le Fils ne peut p a s , s’il eft majeur fe faire
»reftituer , foit qu’ elle concerne le droit de légitime en
»e nt ie r , ou une partie , N . 9 7 7 , Part. 3.
Il dit encore dans un autre endroit » que le confentement
» p r ê t é après le décès du Défunt par celui qui a intérêt de
» c o m b a t t r e la D on a ti on ou le T ef t am e n t , le rend non
» recevable à contefter fa difpofition -, la raifon de cette
»refolution refulte de ce que dans l’éxecution d ’une D o n a t i o n
» o u d ’un T e l l e m e n t q u o i q u ’invalide en fo lem ni té, ou e x c e fli f
» e n quantité. Il ne laide pas de s’y rencontrer une O b li g a ti o n
»naturelle qui dépend de la volo nt é du d é f u n t , que l’héritier
»reconrioit par ton app robation , & ce qui étoit capable
» d ’arrêter l’effet de cette volon té , n’eft q u ’ un em p ê ch e m en t
» c i v i l introduit en fa ve ur de l’h é r i t i e r , auquel il peut par
» conféquent r e n o n c e r , c om m e il fait par fon c o n f e n t e m e n t ,
» q u e d’ailleurs les formalités d ’un a £ï e ne fervent que pour
» fa juftification , & pour faire vo ir qu’il eft véritable ; elles
» n e font pas néceffaires , lorfque les héritiers en demeurent
» d ’ acco rd .
L e s mêmes principes nous font enfeignés par M e . Denis
�7
Lebrun , J L i v . 3 . chap. 8. f e & . 1 . par M . Le p re tr e , par
G u e r e t Ion Anno ta teu r , par L a c o m b e ; tous les Auteurs
unanimement n’admettent d ’après l’ O rd onn an ce de 1 5 6 0 ,
d ’autre m o y e n de reiciiîon.à l’é ga r d des M a j e u rs que le dol
& la furprife.
O r il s ’ en faut de b e auc oup que l’on puifTe en imputer à
-la Défenderefle.
D é j à on ne peut pas Pa ccufe r d ’a v o ir eu part à la re d a &i on
du T e ft a m e n t fait l o n g - t e m p s a van t fa naiflance , en f a ve u r
de Marie Balli de fa M c r c . Elle n’a v o it pas môme [’ Ex pé di tio n
de ce T e ft a m e n t en fon p o u v o ir y on vo it qu ’elle afligna
Jeanne Baftide pour être condamnée à le lui remettre.
O n ne peut pas d ’a va n ta g e lui imputer d ’a v o ir iignifié
une copie défe&ueufe de ce T e ft a m e n t , différente de l’e x p é
dition.
Au lieu de cela Jeanne Baftide pour ne pas s’ éga rer
^c on fid éré m en t , confulte la Minute du T e ft a m e n t , dont
1*
E x p é d i t i o n étoit en fes mains ; elle y a vu ou dû v o ir toutes
Jes défeftuofités , Tomiffion de la..iignature d’ un T é m o i n , ;
malgré cela elle periifte à offrir le défiftement des Biens .,
étant rembourfée de fes créances , elle donne les mains à
leftimation des jouilTances , nomme un E x p e r t , acquiefce
à deux Sentences : el l-c e là agir fans connoiflance , fuivre
l ’imprefiion de la fraude de fon Adve rfa ire , ou plutôt e f t - i l
d exemple d ’ une conduite plus refléchie.
, Le concours des confentements donnés & répétés , &
‘ ^cquielcement à la Sentence du quatre M a i mil fept cent
Clr>quante - deux , qui ordonne l’eftimation des jouiflances ,
& en éxecution de laquelle il a été nommé des E x p e rt s de
part de toutes les Parties , rend leur état immuable ,
° n pourroit appeller d ’ une Sentence a r b i t r a l e , à laquelle on
n ’auroit pas acquielcé , on pourroit revenir contre des comp tes ^
l’on auroit ligné trop f a c i l e m e n t , mais quand on a
approuvé & éxécuté un J uge m en t , alors l’état des Parties
e!* c i m e n t é , de forte qu’ilDne peut plus devenir incertain11,
fa're la matiere d ’ une conteftation foumife au foçt'arbitraire
es Jugements.
�8
C ’eft ce que nous apprend l’O rd onna nce de 1 6 6 7 , titre 27 ,
article 3 , qui porte : que les Sentences & Jugements qui
, ,
doivent paffer en force de chofe jugée
font ceux rendus en
dernier reffort
& dont il n'y a point d'appel ou dont l'appel
n'eft point recevable foit que les Parties y euffent fo r m e lle m e n t
acquiefcé ou qu’elles n'en euf f ent point interjetté appel dans le
temps. L ’objet de l ’Ordonnance dans cet article eft de déter
, ,
,
miner quels font les Jugements dont l’autorité e ft i r r é f r a g a b l e ,
qui ne peuvent être reformés , & qui forment entre les
Parties une L o i confiante & in v a r i a b l e : & l ’O rd on na n ce en
tro u ve de trois efpeces , ceux qui ont été rendus en dernier
reffort , o u v r a g e d ’une autorité fupérieure qu ’aucune autre
ne peut r é f o r m e r ; ceux dont il n’y a point d ’appel int er jet té
parc e qu’on ne trou ve fans doute aucun prétexte pour s’élever
contre la fageffe de leur décifion : Enfin c eu x dont l’appel
n ’eft point rec eva bl e , foit qu’il y ait un acquiefcement
f o r m e l , foit qu’il y ait un acquiefcement t a c i t e , refultant
du défaut d ’en interjetter appel dans le temps ; tous ces
J uge m en ts m a r c h e n t , p o u r - a i n f i - d i r e , d ’un pas é g a l , leur
autorité eft la m ê m e , & l’on ne doit pas moins de foumiffron
à un jugement dont l’appel n ’eft pas rec evable , qu’à un
A r r ê t ou Ju g em e nt en dernier reffort.
A la vérité le fieur Bouchincant prétend que ces confentements ont été donnés fans p o u v o i r , mais ce m oy en eft
étranger à la Défendereffe , tant que le Procureur ne fera
pas de favoué , & le défaveu jugé valable , fes cris feront
im pui ffa nts , il eut agi prudemment de s’oc c u pe r com m e Jeanne
Baft id e de l' é tabliffement de fes créances.
M. E S Q U I R O U D E P A R IE U
Me
A R M A N D
,
Avocat.
Me. B E S S E
A
D e l’imprimerie
d
, Confeiller Rapporteur-
, Procureur.
A U R I L L A C ,
n t o i n e
V IA LLA N E S
’A
,
1 773
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Julhe, Jeanne. 1771]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Esquirou de Parieu
Armand
Besse
Subject
The topic of the resource
testaments
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jeanne Julhe, veuve de Jean Brioude, maître cordonnier, habitans de la ville d'Aurillac, défenderesse. Contre Me. Jean-Baptiste Bouchincant, prêtre, principal du Collège de cette ville, demandeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie d'Antoine Viallanes (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1771
1699-1771
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0721
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
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Domaine public
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testaments
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M É M O I R E
S I G N I F I É
P O U R Dame JE A N N E F R O Q U I E R E S , Epoufe de
Meff ire Jacques- Philippe de Metivier , Ecuyer , Seigneur
de V a ls , Demandereffe e n féparation de biens.
CONTRE
Défendeur.
le fi eur D E M E T IV IE R
,
fon M ari
,
L'I N T E R E T de la dame de Metivier , celui de1
fon mari, l’éducation & la fortune de leurs enfants,
o
n
t
forcé la dame de Metivier de pourfuivre fa
féparation contre un époux qu’elle chérit ; mais
toujours pénétrée de cette amitié tendre qui ne permet que
des act e s de delicateff e & de fentiment , elle ne ceff era ,
dans l ’exercice de les droits , de lui en renouveller les aff u rances ; fon embarras fera d’allier la forçe qu’elle doit à fa
défenfe avec les égards qu’elle conferve pour le fieur de
Metivier ; puiffe fon devoir s’accorder avec l’inclination
qu’elle a pour lui !
Si la vérité & les circonftances exigent que la dame de
Metivier critique la conduite de fon m a r i, elle veut bien
laiffer ignorer les voies employées pour la porter à abandon
ner les intérêts de fa famille ; mais elle a affez de courage &
de réfolution pour ne pas les compromettre.
A
�z
F
a
i t
s.
La demoifelle Froquieres n’avoit que les talents que donne
une éducation vertueufe ; elle étoit encore mineure lorfque
fon pere penfa à la marier avec le fieur de Metivier ; elle
n’eut aucune part à cet accord ; elle ne favoit qu’obéir aux
ordres & aux confeils du fieur Froquieres. Le mariage fut
célébré au mois d ’Août 17 4 3 .
• Maître Jean-Baptifte Froquieres, Confeiller du R o i , Juge,
Prévôt de V ie en Carladés, & dame Marguerite Benech , (es
pere &• mere , lui conftituerent en dot une fomme de quinze
mille livres , (avoir , dix mille livres du chef paternel & cinq
mille livres du chef m aternel, qui furent payés comptant au
fieur de M etivier, pere.
L e fieur de Metivier donna à la future époufe quatorze
cents livres de bagues & jo y a u x , mille livres de gain de
furvie , l’habitation dans un appartement du château de Vais
pour elle & pour fes domeftiques pendant fa viduité.
Enfin par la derniere claufe du co n trat, la demoifelle F ro
quieres fe conftitua en dot tous fes biens préfents & à venir.
Les pere & mere du fieur de Metivier lui firent donation de
la moitié de leurs biens , avec promette d’inftituer, fous la
referve de l'entier ufufruit, ce qui fe reduifoit alors à l’efpérance de jouir un jour de la terre de Vais.
La dame de Metivier avoit un Frere que l ’on regardoit
comme l’héritier préfomptif de fa famille , qui étoit compofée des pere , mere , aïeul & aïeule de la dame de
Metivier , le fieur Froquieres avoit encore trois freres &
deux fœurs , l ’aîné des freres étoit Théologal de l’Eglife
Cathédrale de Noyon , le fécond étoit Curé de Bornel en
Picardie , le troifieme étoit Jefuite , l ’aînée des fœurs étoit
mariée avec Me. Delrieu , Avocat à V ie , la fécondé étoit
rcligieufe à I'Abbaye de St. Jean du Buys à Aurillac.
Les fieur & dame de Metivier allèrent faire leur réfidenc«
�au château de Vais ; plufieurs années fe paflerent dans la
plus tendre union , fi le fieur de Metivier en partageoit les
douceurs, ce doit être un malheur de plus pour lui d avoir
à fe reprocher celui d’une Epoufe qu’il eilimoit ; il fe laiffa
entraîner par le tourbillon d’une fociété tumultueufe , leur
bonheur ne pouvoit plus être confiant.
Le frere de la dame de Metivier mourut au mois d ’ Avril
1745 , elle perdit dans le même mois {'es aïeul & aïeule.
Le fieur Froquieres traita avec fes freres , leurs droits
furent fixés à 4000 livres pour chacun payables après le
décès de leur frere.
Dans la fuite , le Curé de Bornel fit donation des 4000
( livres qui lui revenoient , à la dame de Yiala fa niece , fille
de Me. Delrieu ; le Théologal fit auiîi plufieurs legs à la
dame Delrieu ou à fes nieces ; foit prédile&ion pour elles >
ou prévention contre le fieur de Metivier , la dame de M e
tivier ni fes enfants ne reçurent aucune marque de leur bien
veillance.
La mort du fieur Froquieres, frere de la dame de M e tiv ie r,
fut l’époque des malheurs de fon mari , il ne vit pas fans
émotion la perfpe&ive d ’une fortune brillante ; elle reveilla
fon goût naturel, la douceur d’une union innocente & paifîble n’eut plus pour lui les mêmes charmes , mille amufements variés partageoient la vie du fieur de Metivier , &
rempliffoient fon ame ; foudain il fut de ces perfonnes qui
ont vécu avec économie tant qu’elles n’ont eu rien à dépenfer , & qui font devenues prodigues dès
entrevu
l’abondance. Il ne favoit pas encore que les meilleures reffources s’épuifent.
L a dame de Metivier voulut ramener fon mari , il fut
témoin de fes larmes fans en être touché ; elle prit le parti
de fe retirer à Vie auprès de fes pere & mere , le fieur de
Metivier venoit la voir par intervalle , il y étoit lorfqu’on
enleva deux cents louis & deux porte-feuilles au fieur Fro
quieres , il dut y être d ’autant plus fenfible qu’il venoit de
perdre lui - même dix mille livres au Mont-d’O r les papiers
q
u
’ e l l e s
o
n
t
�4
furent rendus , parce qu’on ne pouvoit pas les employer
Utilement ; on garda l’argent.
Imbue de l’efprit de dépenfe & de générofité du fieur de
M e t iv ie r , la dame Benech fa belle-mere chercha à prévenir
la diflîpation de les biens en les aflurant à fa fille.
Elle .fit fon teilament le premier Septembre 1 7 4 7 y on v a
rapporter les termes de la claufe qui a donné lieu à une
partie des conteilations qui fe font élevées entre les fieur &
dame de Metivier.
'■« J ’inititue mafille , époufe de M. de Metivier , mon héri» t ie r e , & je veux que madite fille jouiiTe des fruits de
» mes biens après la mort de fon pere , à l’exclufion de fon
» mari , nonobilant toute claufe qui pourroit fe trouver
>» dans fon contrat de mariage , contraire à mon intention,
>t vo u la n t, au cas que fon mari voulût coutelier lefdits fruits
» à ladite Froquieres fa femme & q u ’il fût fondé à cette
» conteftation , que lefdits fruits appartiennent à l ’héritier
.» fubftitué ci-après, à l’exclufion de fon mari j mon inten» tion étant que mes biens ne paifent pas à une famille
» étrangère , mais qu ’ils foient confervés dans ma famille j
» & au cas que ma fille mon héritiere vienne à décéder
» fans enfants, ou fes enfants fans defcendants légitim es, en
♦> ce cas je veux que mon hérédité foit rendue au fils aîné
» d’ Antoine Be n e c h mon oncle , ou à l’héritier de ce fils
» aîné s’il venoif à décéder. »
On ajoute qu’elle légua au fieur Froquieres l’ufufruit de
fes b ien s, & donna à chacune de ies petites filles M ar
guerite & Marie-Louite de Metivier, Iafomme de mille livres.
La dame Froquieres décéda au mois de Septembre 1 7 4 7 ,
& le fieur Froquieres ne lui furvécut pas long-temps* il
mourut le fécond Décembre 1 7 4 8 , fans faire aucune difpoiuion , fa fucceffion fut dévolue à la dame de Metivier ;
c’elt ainfi que par des morts prématurées, elle a recueilli
tous les biens de fa famille.
Tandis qu ’elle pleuroit leur perte , le fieur de Metivier
préoccupé plus agréablem ent, fans cloute pour épargner
�des regrets à la dame de Metivier , fur des détails ordinai
rement trilles, fe iaifit, à l’inftant dü décès du neur r roquieres , de tous les effets , papiers , or , argent , meubles
& denrées ; épris d’une profufion qu’il
voit pas connu
juiqu’alors, il oublia d’en faire inventaire , quoique fuivant
lui - même ce mobilier fît partie de la dot de la dame de
Metivier \ à la franchife & à l ’exaftitude dont il s’honore ,
il n’eft pas permis de penfer que cette omiiTion ait ete
volontaire.
La claufe du Teftament de la dame Froquieres l’exclut
de la jouiiTance des biens maternels de la dame de Metivier ,
il s’en mit néanmoins en pofleffion & en perçut les fruits
pendant les années 1749 , 1 7 5 0 , 1 7 5 1 & 1 7 5 1 , ainfi que
de tous les biens dépendants de la fucceiîion du ' fieur
Froquieres.
Il exageroit à la dame de Metivier fa bonne adminiftra- y
tion , s’il vendoit des fonds, c’étoient des poffeffions éloignées
& qui produiioient p e u , dont il employoit plus utilement le
prix en fonds à leur bienféance ; il acquitoit les dettes
pafîives , faifoit des réparations qui donnoient aux Domai
nes un nouvel être ; il augmentoit les Beftiaux , en un
mot il s’occupoit fans relâche à tirer le meilleur parti de
cette fucceifion dans le temps même qu’il trouva le fecret
de confumer plus de foixante mille livres de capitaux ,
comme on le dira dans la fuite : la dame de Metivier lui
doit cette juftice qu’il n’a pas démenti un feul inftant la
bonté de fon caraètere , il n ’a jamais paru plus foigneux &C
plus intelligent que lorfqu’il a été plus près de fa ruine.
Trompée par la faufle tranquillité de fon m a r i, fa cré
dule époufe fe flattoit que fes intérêts s’accordoient avec
fes penchants , rien n’étoit à l’avis du fieur de Metivier
plus facile à concilier , mais fa diifipation devenue publiblique ne put être mécqnnue plus long-temps de la dame
de Metivier ; le fieur de Metivier l’avoue lui-même , chacun
difoit à la dame de M etivier: votre mari eft un diffipateur ,
il a perdu au jeu fa terre de Vais , MeiTieurs de Bafiignac
n
’ a
�6
la lui ont gagnée , il a pris des arrangements ruineux avcveux ; M. le jvlarquis de Mirmont & M. de Fervals lui
ont gagné des fommes confidérables ; on vous a dit dans
le temps qu’il avoit perdu beaucoup au Mont-d’O r en 1 746 ;
vous avez des enfants qui feront malheureux, fi vous laiffez,
votre mari dépofitaire de tous vos biens , vous devriez au
moins vous mettre en pofTeiîion de celui de votre mere
dont vous êtes feule en droit de difpofer.
C e n’eft pas connoîrre la dame de Metivier que cfe fuppofer qu’elle reçut ces avis fans en être alarmée , elle en
lit part à fon mari , & elle lui rend cet hommage qu’il
n’abandonna pas la jouifîance du domaine d ’Efpels à la
premiere confidence qu’elle lui en fit , mais la publicité
de fa.fituation ne lui laiiToit plus la force de réfitter , on
ne parloit dans les fociétés que de fes pertes au jeu.
La dame de Metivier fe mit donc en pofleflion du doinaine d’Efpels en 17 5 3 3 & depuis elle n’a pas eu des
motifs pour s'en départir , elle avoit alors des moyens
fuffifants pour demander fa féparation , mais elle efpéroit
encore que l ’yvrefTe du fieur de Metivier n’auroit qu’un
tem p s, iès vœux ont été trômpés.
Elle a verfé dans fa famille le produit du bien d ’Efpels
comme l’avoit prévu le fieur de Metivier , elle furvenoit
à mille dépenfes qui fe multiplient d ’autant plus qu’elles
paroiflent infenfibles , la viande de boucherie , le poiiTon r
l’épicerie , le fucre , le favon } les fruits , les liqueurs , & c .
Q u ’on pardonne ce détail , tout ce qui eft important
dans une affaire s’ennoblit aux yeux de la Juftice.
Le produit de la terre de Vais que le fieur de Metivier
du Doux avoit cédé verbalement à fon fils depuis 17 5 0 ,
celui des domaines de V ie & de Raulhac qui vont à près
de cinq mille livres par an , & les débris d’un mobilier en
valeur de plus de quarante mille livres , devoîent remplir
abondamment les befoins du fieur de Metivier S: de fa
famille , ils euflent formé d ’autres capitaux en des mains
plus reglées ; à la vérité il eft des cas fortuits, le fieur de
�Metivier aflure’ qu’il eft peu d ’années qu’ il tien ait efiuye ,
on l’en croit fur fa parole.
^ Quoiqu’il en l o it , le iieur de M e tiv ie r, plus touche de
réunir dans Tes mains le revenu du domaine d’Elpels , que de
détruire les jugements du Public , aliénoit une partie des im
meubles de la lucceffion du (ieur Froquieres , ik des rentes de
Vais tandis qu’il s ’efforçoit de perfuader qu’il n’uvoit pas
diflipé les effets délaifles par le fieur Froquieres.
Il aflembla des parents & amis communs pour leur préfenter un compte ÿ. vainement diminuoit-il la recette , exageroitil la dépenle , les difficultés ne faifoient que groflir ; il vit
1 inutilité de les démarches , il ne défefpera pas néanmoins de
vaincre des efprits qu’il n ’avoit pu leduire.
Il traduiiît la dame de Metivier au bailliage de V ie par
requête du 9 Novembre 17 5 4 , dans laquelle il expofa qu'il
etoit menacé depuis long-temps d’une demande en iéparation,
fit valoir fa fenfibilité d ’avoir perdu l’eftime & la confiance
^on ÇPoufe » Ü offrit de lui rendre compte des effets qui
s étoient trouvés au décès du fieur Froquieres, même du re
venu des immeubles depuis qu'il en avoit la jouiflance , avec
cette précaution il demanda la jouiflance du tiers du domaipe
d Efpels , dans la fuite il a réclamé la jouiflance de la totalité
avec reftitution des fruits à railon de quinze cents livres par
an quittes de toutes charges.
Il avoit acquis un pré de M. deVixouzes en 1 7 4 9 , qui
avoit été uni au domaine d'Efpels , la dame de Metivier
en jouifloit depuis deux ans ,• il conclut à la reftitution des
fruits & à ce qu’il lui fût accordé une proviiion fur le montant
des reprifes qu’il prétendit avoir fur les biens de fon époufe.
Quelque injufte que fût cette démarche , la dame de
Metivier ne pouvoit haïr fon mari j elle ne pouvoir que le
plaindre d’avoir abufé de fa crédulité ; elle eût voulu fe con
vaincre qu’on lui en avoit impofé , voir dans le compte de la
conduite paffée qu’il étoit irréprochable , ou du moins q u e ,
s’il avoit commis quelque diflipation, le poifon de la prodi
�8.
galité
«/étoit pas infinité fans rriTonfce dans le cœur du
fieur de Metivier -, elle accepta le compte î fïerr.
n
e
L i v r é e à el le-même dans le temps où elle a v o it le plusb ef oin
de conleil & d'appui , elle chargea de l ’examen Me. D elneu,
A v o c a t , fon oncle & l’o n ami.
Une premiere fentence ordonna conformément à fes offres
que le fieur de Metivier rendroit compte ; il le préfenta &
l’affirma.
La dame de Metivier fournit fes débâts ; il en refultoit que
la recette excédoit la dépenfe de treize mille trois cents foixante-quatre livres fix fols quatre deniers indépendamment de
plufieurs omifïlons que l’on fe contenta d ’annoncer.
Par des obfervations particulières fur le compte rendu par
le fieur de Metivier de l’emploi qu’il avoit fait de fes revenus,
il étoit démontré qu’il avoit confumé en pure perte plus de
trente mille livres,, dédu&ion faite des choies nécefiaires pour
la nourriture & l’entretien de ia famille.
Le mefus du fieur de Metivier fut dès-lors avéré la dame
de Metivier qui s’étoit bornée à demander que le pré de
Rioubaffet , acquis de M. de V ixou zes, fût déclaré lui appar
tenir comme ayant été acquis aux dépens de fes biens extra
dotaux ; que le prix en fût compenfé avec les fruits du do
maine d’Efpels perçus par le fieur de Metivier , ne put iufpendre plus long-temps fa demande en féparation ; le pere dit
fieur de M etivier, plus en état que perfonne de connoître &:
de juger de la bonne ou mauvaife adminiftration de fon fils,
reprit lui-même la jouiflance du domaine de V a is , faute du
paiement de fes penfions.
On vit une foule de créanciers s’emprefTer de faifir ; le
fieur‘de Metivier s ’y attendoit , & les gagna de viteffe en
’ fai-fant tranfporter à Aurillac tant de nuit que de jour les
fromages des domaines de V ie & de Raulnac avant l'ap
parition- des Huiffiers.
• Non Content d’avoir épuifé le mobilier confidérable délaiiTé par le fieur Froquieres , d’avoir diflipé d ’avance les
revenus
�revenus d^rdopiaines de
iç.
id'e, îRàülhac , il mit en
vente des |>ofleliu'>nts détachées de. ces domaines.
/
Il en impofe lorlqu’il alTure que ]<?s ventes furent publi
ques., tout fe pdiioit dans le plus grand (ecret , il n’y avoit
de public que lés pondîmes «2v les fatiies des créanciers ,
q.ie iie dit-U qu’elles avoient été fojhcitées L
On pourroit relever une autre luppofition qui n ’eftpas
moins groiliere ; il dit qu’il paya des dettes de l'on pere t’
le lîeur de Metivier du D o u x ne devoit rien & il avoit
reçu la dot.de la dame de Metivier , c ’eft bien plutôt le
fieur du Doux qui a payé les dettes de fon fils , tous les
payements faits avant 1 7 5 1 , à des créanciers petfonnels
ou £ux freres & foeurs du fieur de Metivier , l’ont été par
le fieur du Doux ; on fait que le fieur de Metivier s ’eil
faifi des papiers de fon p e r e , il a fi peu acquitté des dettes
de fon pere , qu’il n’e n ! a pasr allégué une feule dans la
Requête qu’il préfenta contre lui en 17 5 9 , & qu’il fait
( page 36 de fon M ém oire, ) les efforts les plus touchants
pour le juftifier à fes yeux, du dérangement qu’on lui teproche.
Pour faire diverfion , le fieur de M etivier obtint le
premier Juillet 1 7 ^ ,.u n e fentence provifoiTe’ qui lui ad
juge la jouiflance du pré de Rioubaiïet ; condamne la daire de Metivier à en reilituer les fruits ; joint lesùautres de->
mandes provifoiresi au fonds ; il fit nommer d’office le
nommé Rocheri pour Expert , pour procéder à l’eibmation des fruits de:ce. Pré qui turent portés à' deux cents
vingt livres par an ; & obtint l’homologation de; ce rapport.
Ôn obferve que la dame de Metiviêr , pour ¿virer cette
, avoit offert de rendre corriptd du produit'du
pré pour les années 1 7 5 3 & 1 7 5 4 » fur le même pied
que le Fermier en avoit joui ; elle interjetta appel de la
fentence d ’homologation du rapport de R o c h e ri^ elle dé
clara même qu’elle abandonnoitl la jouiflance du pré , tout
cela v comme on l’a-'dit, n?étott que provifoire , & les droits
d :s Parties au fonds étoient encore cntieis.
B
e f t i m
a
t i o
n
�Le fieur de Metivier n'a voit garde de folliciter un
jugement qui ne pouvoir lui être favorable , il parvint à
engager une médiation.
L ’incendie de la grange d’Efpels , arrivé le 6 Septembre
Ï 7 5 6 , fut une treve ; quoique le fieur de Metivier ait
infinué qu’il avoit employé à la conftru&ion de ce bâti
ment fes revenus , il eit certain qu’il n ’y a contribué que
pour vingt-huit fétiers de froment, dix fétiers de bled-noir ,
trois barriques de vin , le foin du pré de Rioubaflet , il
paya aufli une fomme de quatre - vingt - fix livres pour de
la paille , fur quoi il vendit une jument & un poulin q u ’il
prit dans le domaine d’Efpels ; & il devroit ie rappeller
qu’il ne portoit lui-même fes fournitures qu’à cinq cents
livres dans un projet de compte qu’il préfenta aux premiers
Arbitres.
Au refte , a-t-il oublié que la dame de Metivier fournit
à la dépenfe de toute la famille pendant les dix-huit mois
qu’elle aemeura à Efpels ?
Le fieur de Metivier ne fe livra pas tout entier au rétabliflement de l’incendie , il s’occupa de la fucceflion du
Théologal de Noyon , décédé en 17 5 5 ,* il revenoit à la
dame de Metivier les deux tiers de cette fucceflion , le
Théologal par fon teftament avoit nommé fes légataires
univ*erfels les Pauvres & la Fabrique de Noyon , il y avoit
dans fa fucceflion deux contrats de rente conftituée de
trois mille livres chacun , dont il n’avoit pu difpofer en
faveur des Gens de main - morte ; aux termes de l’Edit
de 1 7 4 9 , les héritiers du f fang étoient en droit de récla
mer cet objet fur lequel par conféquent il revenoit quatre
mille livres à la dame de Metivier j le Curé de Borne!
écrivit au fieur de Metivier pour lui annoncer des projets
d’arrangement & lui demander fa procuration & celle de
la dame de Metivier * le fieur de Metivier , pour s’affurer
ce fonds , décida d’aller lui - même régler les droits qui
revenoient à la dame de Metivier ; il fe faifit de fa procu
ration , & partit à fon infçu pour fe rendre à Bornel
�de là à Noyoni , il traita à la fomme de trois mille^cinq
cents liv re s, & comme il pouvoit furvenir des empêche
ments , ii fit la plus grande diligence pour toucher cette
fom m e, il n’ a jamais manqué d’exa&itude
point.
On préfume bien que le fieur de Metivier ne négligea
pas dans ce voyage de peindre fa fituation & d’intérefier le
Curé de Bornel pour écarter la demande en féparation \
celui - ci écrivit en effet au fieur Delrieu , en termes qui
annoncent combien il avoit été abulé par le fieur de
Metivier : dans la fuite mieux inftruit il a changé de lan
gage , on feroit en état de repréfenter deux lettres , l’une
ecnte à Me. D elrieu , l’autre à fa fceur Religieufe d’après
les nouveaux éclairciffements qu’il s’étoit procurés.
Revenons ; on a dit que le produit des domaines de
V ie & de Raulhac ou de celui de Vais , dont le fieur du
D oux n’a joui que peu d’années , étoit plus que fufïifant
pour acquitter les charges, fournir à l’éducation des enfants
& foutenir d ’une maniéré honnête l’état de la maifon du
fieur de M e tiv ie r, cela va devenir fenfible.
D e 1’ aveu du fieur de Metivier , configné dans fon M é
moire , le bien de Vais produit deux mille livres d’afferme
& trois mille livres à manger.
O r , ii le domaine de Vais qui ne- confifte qu’en trente
vaches de montagne , deux paires de bœ uf de labour , une
paire de vaches de lait , le foin de referve néceffaire pour
les chevaux , produit deux mille livres , les domaines de
V ie & de R a u lh a c , , confiftant en quarante vaches de
montagne , fix paires de bœufs ou vaches de labour , le
foin refervé pour les chevaux , doivent rapporter plus de
deux mille livres de produit n e t , on peut dire même que
s’il y avoit quelque réduftion à faire , ce feroit d’ôter au
produit de Vais ce qu’on lui fuppofe de trop pour l'ajou
ter au produit des domaines de V ie & de Raulhac fitués
dans un terrein plus fertile.
En ne portant donc qu’ à quatre mille livres les re
venus dont le fieur de Metivier a joui , il a du viv re
f u r
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honorablçnjept diWSj une 'c?fri pagne -\pii, il. avoit’ Je ’fecours ;
du p o ta g e r, du b o is, du gibïér ■, du poiiTon , de ¡la v o
laille ; comment donc juitifier fes plaintes , comment autorifer Tes aliénations ?
Il ert. vrai toutefois qu’ilr étoit fans rçflpurce , il recevoit
fes .revenus »d'avance, jiti en fait.il’a v é u ,.>& c/eft. peut-être
la feyle vérité qui lui foie échappée. j ;
Le fieur du Doux avoit repris en 17 5 6 la régie du do
maine de Vais., cela avoit excité la fenfibilité du fleur de
.Metivier plutôt que Ton: r e f p e & j feroit-ç^ une marque de
refpeét d’avoir traduit Ton pere au Bailliage d’AurilJac en
17 5 9 , & d’avoir concliij, contre liii à ce qu’il fût condamné
à lui payer les intérêts dé la fbmme de quinze mille livres
qu’il avoit touché de' la dot de la dame, de Metivier ; trois
cents livres qM’il ¡s’étÉm. obligé de payer annuellement pour
les menus plaifirs des fieur & dame de Metivier ; lesiniérêw ;des lommes qu’il difoit avoir, payées pour les droits
Jégitim&ires de fes freres. ■& fceurs , & -uné fomme pour
tenir lieu de la. nourriture du fieur d e , M e tiv ie r, de fon
époufe , de fes enfants & domeftiques., aux offres qu’il
fajfoit de, déduire , fur ce.qui lui feroit adjugé , les joüiffances
des cens & rentes q u ’il avoit aliénées ?
Ç ’eft bien plutôt le : fieur de Metivier qui a réduit fon
pere & fa famille au refpeft ; par une tranfa£Hon que l ’on
date de l ’anrtée J7 S 9 » le fieur de Metivier du Doux fe
départit de¡la-jpiiifTçjnce des biens de j V a l s , rà - la charge
d ^ tre nourri > entretenu& . d'une penfion de deux cents
livres qul’on ne lui a jamais pa„y,é..
, .1 •»
; ( ::r
L ‘incendie de la grange & de la, mai fon du’, fermier drt
domaine de V i e , a rriv a ,le üo Novembre 1 7 6 0 ^ peu de
temps après la récqnftruftion de la; grange d?Efpels ; ;la
dame de -JVleùvier n'aivoitfinii.iieh pouvoir avôir/> d’a,utre5
gfcains jqueliCÊuîiLprovemis-. Be: la recolteode l ’afftnée ,t.d’au^
tant plus ftérile q u e , les foin s.& ,p ailles: ^yanc ététhrulésy
les.heftiaux du domaine d!Efpels avoient-été-, déplacés , &
& lies ifumiers avoient néceiTàirement manqué pendant plu-
�fieurs années j le prix des fromages avoit été employé à
payer f les ouvriers ; le côuvert de la grange étoit encore
imparfait lors de l’incendie des bâtiments de Vie.
C e malheur avoit été prévu , voici ce qui l’occafionna.
Auprès de la grange de V ie étoit placée une belle écurie
pour les chevaux ,• ces deux bâtiments étoient couverts
en paille ; le fieur de Metivier voulut la transformer en
une maifon pour le fermier ; le fieur Froquieres avoit
réfifté à cette tentation dans la crainte que l’habitation du
fermier , trop voifine de la grange , ne lui devint funefte,
on en fit l’obfervation au fieur de Metivier qui n’en fit
aucun compte ; deux ans après arriva l ’incendie par la
faute grofliere du fermier ; le fieur de Metivier , au lieu
d’agir contre le fermier pour raifon du dommage caufé ,
fait un crime à la dame de Metivier d’avoir peu contribué
à le réparer ; elle fouffre la perte de l’écurie qui n’a pas.
été recpnftrüitfc , & l’on prend encore occafion pour Taceufer d’inienfibilité.
Se perfuadera-t-ort auflî légèrement que les foins & les
attentions de la dame de M e tiv ie r, pour le bonheur de fa
famille , fe foient ralentis ? Ses reiTources tariiToient infenfiblement , fk les befoins augmentoient par la diflipation
du . fieur de Metivier ; il l’éprouvoit lui-même de plus en
plus j , il voulut en punir la dame de Metivier en lui faifant
demander les clefs du linge ; il chargea fes filles de tout
le détajl ; la dame de Metivier ofa donner des ordres;
tout .pénétré qu’étoit le fieur de Metivier des témoigna-,
ges d ’af&duité » de foin & d.’économie qu’elle avoit me-rt
rités du vivant de fon pere , des amitiés qu elle faifoit aux
freres & fœurs du fieur de Metivier , il lui interdifit toute
infpe&ion. La dame de Metivier fatisfit à cette loi rigoür
reufé î; là finit ht fuberdination des domeftiques ; ils s’emparereftt des clefs ; une femme de chambre avoit fetile, lâ>'
confiance du fieur de Metivier ; c’étoit lui-même qui l’avôit
introduite au fervicé de la dame de Metivier j il s’en plaint
aujourd’h u i , mais g » fou l’éloge qu’il en a fait pour la
�placer au ièrvicé de Madame d’Auterives.' Emprunter de
toutes parts , être à charge au public & à fes amis , perdre
tout c ré d it, ne furent qu’une même chofe , le fieur de
M etivier fut contraint de fe retirer à Vais avec fa famille.
Ces révolution^ s’opérèrent depuis 17 5 9 jufqu’en 17 6 2 .
Laifée de l’inconduite & des mauvais procédés de fon mari,
la dame de Metivier n’avoit plus qu’ un facrifice à lui faire ,
elle le confomma j & fans fe.permettre un inflant de repos ,
elle fuit une fécondé fois le défordre tumultueux où vivoit le
fieur de Metivier ; elle a depuis réfidé , avec une partie de fa
malheureufe famille , à Efpels , dans une campagne où , pour
fe fervir des termes du fieur de M e tiv ie r, l’on ne peut aborder
au moins trois mois de l’année , où l’on n’a par conféquent pour
toute fociété qu’une quinzaine de domeftiques , & dont l’ha
bitation a été fi contraire à la fanté de la dame de M etivier.
( Lettre du 15 Février 1 7 7 2 . )
Loin d’effacer de fon ame les faintes loix de la nature , la
dame de Metivier ne reflentoit que plus vivement ce fentiment
qui domine toutes les paifions, l’étendue des devoirs d ’une
mere pour fes enfants ; elle eût voulu vivre au milieu de tous ,
peut-être le fieur de Metivier l’eût-il fouffert pour donner à fon
époufe de nouvelles preuves de fa tendrefle ; pénétrée d’une
même générofité , la dame de Metivier n’a pas voulu le priver
de la douce fatisfaftion de fe livrer à des foins fi facrés ; la
famille & l’éducation furent partagées , & la dame de Me
tivier s’eft faite une confolation d’en former une partie , & de
dévélopper en eux les germes des bons principes qu’ils avoient
reçus de la nature. Heureufe fi fes gémiiTements n’ont jamais
affligé leur ame ! fi l ’image d’une mere , défolée des égare
ments de fon m a r i, ne s’eit jamais offerte à leur penfée & n’a
point troublé leur repos !
Le fieur de Metivier n’a , d i t - i l , rien oublié pour faire
élever ceux qui ont été auprès de lui ; il eft vrai que deux des
mâles ont été nourris & entretenus pendant plufieurs années
par les Curés de Baifignac,- l’ancien Curé paya la penfion de
deux filles au -convent pendant quelque temps -, privés des
�fecours de leurs o n d e s , que font devenus ces enfants ? Une
des filles a été reçue dans une maifon refpe&able j elle doit
tacher d imiter les vertus qui font fous fes yeux j doit-elle
epuifer leurs bontés?
Les deux fils , qui avoient demeuré chez le Curé de Baiïïgnac , furent placés à Salilhes auprès de Thiezac , livrés à la
garde d’une fervante de la dame D eribes, & à fes préceptes ;
**s y recevoient leur provifion de gros pain, un peu de lard j
Une chevre fournifloit le ¡ait de quatre penfionnaires.
Que de larmes n'a pas répandu leur mere ! Telle eft la na
ture de fes peines , qu’un filence éternel devoit les renfermer
fond de ion cœur ! J e ne penfe , difoit - elle en écrivant au
«eur de M etivier, à l ’état de mes enfants qu'en frém iffant, quand
je vois que les moindres payfans font ¿lever les leurs & que les
miens manquent de tout.
N ’achevons pas ce tableau pour menager la tranquillité du
«eur de Metivier ; pourfuivons-le dans l’admimilration des
® Iens , & biffons parler les faits.
Depuis qu’il a quitté fa femme pour fe retirer à Vais , il a
deja aliéné deux terres & un pré , moyennant trois mille qua
tre cents quarante livres; le reliant des rentes de Vais s’eil
®£}jpféjil vend une quantité de merrein qu’il étoit dans l’impofibilité de fournir , & reçoit quatre mille livres ; il prend
a avance l'argent de fes fromages pour fix ou huit années à
Venir ; il revend une montagne qu’il avoit acquife , à trois
Wiille livres de p e rte ; il promet de délivrer quarante fétiers
«e froment pendant quatre ans , & en touche le montant ; il
cède des droits qui lui étoient échus par fucce/fion ou dona
tion pour huit cents livres , il pouvoit en retirer trois mille
livres ; enfin il contra&e des nouvelles dettes.
Voilà l ’effet qu’avoit produit jufqu’alors l’empire de la
jktne de M etivier fur le cœur de fon m a r i; n’a - t - i l pas
*.lIT1prudence d ’avancer dans fon Mémoire que fon pere &
°,n^Poufe font eux - mêmes les vendeurs de fes rentes , que
^ eft à eux q U»on doit reprocher ces aliénations, & non
*Ul qui a été la viftime de leur erreur I C ’çft le foin de
,
�16
fon
, dit - i l , & l'intérêt de fa famille qui lui ar
rachent cet aveu.
S ’il eft fincere , le fleur de Metivier cil plus digne de
compaflion que de reproche, la perte de Ion bien leioit la
moindre ; s’ il eft fuppofé , la dame de Metivier 1 c doit pas
çn témoigner du reilentiment ; la Juftice le punira afû-z.
La dame de Metivier n ’avoir ehcore fait fa volonté
qu’en prévenant celle de fon mari ; une complaifance trop
aveugle devoit avoir un term e, cù la conduite du fieur de
Metivier n’en avoit plus.
Si le fieur de Metivier n ’avoit été dérangé que par le
malheur des tem ps, par le défordie de la torture de fes
auteurs , comme cela n’arrive que trop f o u v e n t f i la perte
des refTources & du crédit n ’eût été l’effet que d’un éga
rement paflager , la dame de Metivier n’eût pas acquis
trop cher la tranquillité & la confiance de fon m a ri, que
de l’obtenir au prix de fon patrimoine ; les malheurs lui
euflent rendu fon époux plus cher elle n’auroit pas rédouté
de fe voir enveloppée dans l’abîme où il étoit plongé ;
mais la faute venoit de la volonté.
L e feul moyen de te fauver , de fauver leurs enfants,
çtoit de conferver les revenus qui lui étoient' propres , &
d’empêcher des nouvelles hrêches fur la propriété j, fon.
devoir & les erreurs de fon mari étoient des liens facrés,
qui l’attachoient à fon, patrimoine 3 & qui l’en devoien*
jendre inféparable \ elle connoiíToit le eqeur de, fon mari ,
fon attachement pour:Iui. avoit augmenté en proportion de.
fes malheurs ; le fjeur ,dç Metivier étoit coupable envers»
e l l e , envers f^ fapiillè , mais elle ne; devoit pas l’être j
les loix qu’ii avoit vioiées fubfiftoient pour elle; elle n’avoit
>as publié que le foin d’une mere , pour fes enfants * eil
e plips faintçmepv ohfervé dan$ ,la< n?i¡ui;e •> que: les peres,
nç fqrçt .que lçs économes,de le u r fortune ; ;elle a donc du;
gar^ntiçjdu naufrage de$ biens fur lesquels le cteur de M e tivi.er-n’a eu jamais aucune efpece de dr.ûitr, qu’en tout cas il
•luroií pei;dvi par le .mauvais ufage qu-’il eji a fait.
h
Î
o
n
n
e
u
r
�On fe croit obligé d'avertir qu’il n’eft pas vrai que le
pere Froquieres eût propofé au fieur de Metivier de lui
céder la régie de tous les biens , mais il eft vrai que le
fieur de Metivier étoit auffi incapable de s’en charger que
de la fouffrir dans les mains d’un autre j s’il n’a pas été
allez docile pour fuivre les confeils du pere Froquieres ,
il devroit en conlerver de la réconnoiffance.
Le fieur de Metivier n ’avoit rien à efpérer du jugement
qui interviendroit à Vie où fes diifipations étoient publi
é e s ; il demanda le renvoi des conteftations au Bailliage
d'Aurillac , le même fort l’y attend ; il a propofé d’en
faire rpnvoyer la connoifiance en la Sénéchauiîëe de Riom ,
mais en quelque Tribunal que foit portée la dilcuiîion de
leurs intérêts refpe&ifs , la dame de Metivier n’en fauroit
être effrayée ; les principes font invariables } tous les
"fagiflrats ne fe propofent que de fuivre les réglés & de
faire triompher la vérité.
Le fieur de Metivier qui ne l ’ a refpe&ée , dans aucun
de fes écrits , ne parviendra donc jamais au but qu’il fe
Propofé.
Au mois de Mars dernier il a exigé que la dame de
■Metivier s’en rapporte à Me. Delrieu & M e. B e rtran d ,
Avocats à V ie pour Fexamen du compte qu’il a rendu ;
*a damé de Metivier ne lui a pas refufé cette confolation ;
ces Arbitres ont cru parvenir à un arrangement favorable
fieur de M e tiv ie r, en allouant au gré de fes defirs les
articles les plus efTentiels de fon compte , leur avis ne
pouvoir faire ceifer les maux dont la dame de Metivier &
famille font frappés , ni changer les goûts du fieur de
Metivier.
On laiiTe à celui - ci la fatisfa£Uon de fe prodiguer des
éloges malgré tous les faits & les procédés qui l’accufent ,
dame de Metivier ne fe fait pas un plaifir de l ’humilier ,
eHe fe bornera à démontrer que toutes les réglés s’accor
dent avec fes demandes.
J-e public jugera fi fon compte eft exaft , s'il y a nécef-
�*8
fîté de provoquer & de. Caire ordonner une réparation j*
on va rappeller les points fur lefquels les Parties font
divifées , & en les difcutanc, on réfutera les erreurs dans
lefquelles le fieur de Metivier ou fon défenfeur font tom
bés volontairement.
M
o
y
e
n
s
.
La dame de Metivier établira :
i ° m La validité de la claufe du teftament de la dame
Benech , fa mere , par laquelle elle prive le fieur de M e
tivier de l’ufufruit de fes biens & le défaut d’intérêt qu’il
a de la critiquer.
2 ° ' L ’obligation du fieur de Metivier de rendre compte
des revenus des biens extradotaux de la dame de Metivier
qu’il a perçus , ou de les employer utilement pour elle.
3 ° * L a diflip^tion du fjeur de Metivier & la néceffité
indifpenfable ae la féparation.
4 ° mLa confiftance & la liquidation des repriies de la
dame de Metivier fur les biens de fon mari,
P
r e m ie r e
P
r o p o sit io n .
L a conduite du fieur de Metivier s’était manifeftée long*
temps avant la mort de la dame Froquieres ; elle prévit
que fi la jouiiTance de fçs biens paffoit au fieur de Metivier
il en feroit un mauvais ufage * fa prévoyance n’a pas été
raine ,• elle inftitua la dame de Metivier fon héritiere ;
voulut qu’après le décès du fieur Froquieres elle entrât en
jouiffance de fes biens à l’exclufion du fiçur de Metivier
nonobftant les claufes de fon contrat de mariage ; & qu’aucas que le fieur de Metivier conteftât cette jouiffance à
la dame de Metivier , les fruits appartinrent à l’héritier
fubftitué i l’on a rapporté la claufe au long dans le récit
des faits.
�r<?
La dame Froqaiëres a-t-elle pu priver le fieur dè Metivier
de l ’ufufruit de fes biens, d’après la claufe du contrat du
mariage par laquelle la dame de Metivier s’eft conftituée en
dot tous fes. biens préfents &. à venir ? La queftion n’eft pas
problématique.
'
>
Les biens dotaux font ceux qui font conftitués en d ot > ea
quœ in dotem datitur. 1. ç>. §. 2. ff. de jure dot.
Les biens paraphernaux font ceux qui ne font pas conftitués
en dot quoi dotU titulo non junt obligata. 1. f . cod. de paftis.
De ces définitions., il réi'ulte que tous les biens.de la femme'*
en pays de droit écrit , font naturellement paraphernaux &
ils ne deviennent dotaux que par la convention , lorfqu’ils
font expreifément conftitués en dot ; cette opinion eft appuyée
fur les textes de droit les plus précis.
H n’eft pas queftion d’examiner fi la dame de Metivier a pu
te conftituer tous ies biens préfents & à venir ; mais feulementy
» les biens délaifTés par la dame Froquieres , & dont la jouif
lance a été ôtée au fieur de Me-tivier , font partie des biens
qu elle avoit conftitués à ia fille ?
Les fieur & dame Froquieres avoient Conftrtué en dot à la
dame de Metivier la fomme de quinze mille livrçs, favoir^
dix mille livres du chef du pere-& cinq mille livres du chef
de la mere.
Si l o n pouvoir dire oue la ïucceifion de la dâffle Fïoquieres
e't une fuite néceflaire de la conftitution qu’elle a voit fait à fâ
‘*e , le fieur de Metivier pourroit avoir faifon j mais fi cëtrô
conftitution fi’emportoit avec «lie au'èUHe difpofition du fut**
plus de fes biens ; ii la dame Froquieres?nVriàvbif fai't'db'hatîôrï
ni inftitütiott ; en un m o t , f i l a dame de Metivier n ’étoit
appelles à les recueillir par aucune Convention écriië àü cofri
trat de mariage , le furplus des biens de la dame Froquieréà
étoit libre én iei mains ,* élle pouvoit en faire pâflér la pro
preté & 1’iifufruit- à tôtif atitté tfu'à la ddffië de Mèti-vfëf j
* rai<emblablément. elle les cfe’ftiriôit alors du frerè de là daiiïiê
e M e tiv ier, mâis elle poüVoit l’efn p rive*'& éri gratifier uk
«raijg er#
.
�20
- On pafle même que , fi elle étoit décédée ab inteftat, la
jouiiTance de fes biens auroit été dévolue au fieur de Merivier
en vertu de la conftitution des biens préfents & à venir ; mais
iî cette convention lioit la dame de Metivier , elle ne lioit pas
de même la dame Froquieres & n’empêchoit pas qu’elle ne
pût difpofer en faveur de fa fille, à condition que fon mari
n’en auroit pas l’ufufruit.
C ’eft une iliufion de dire que le droit du mari fur le bien
dotal de fa femme eft une fuite de leur union & de la puiflance
du mari fur la femme m êm e, que ce droit ne peut être ôté ni
diminuée.
iLes fruits des biens dotaux ne font pas dûs à un mari à plus
jufte titre que les fruits des biens avantifsdes enfants ne font
dûs au pere ; il eft permis à ceux qui font donation de leurs
biens à des enfants de priver le pere qui les a en fa puiifance,
de l’ufufruit des mêmes biens ; à plus forte raifon eft-il permis
à ceux qui font des libéralités à une femme d’exclure le mari
de l’ufufruit des.biens donnés, quoiqu’elle fe foit conftituée en
dot les biens à venir : or la Novelle 1 1 7 , chap. 1 , & l’authen
tique E xcip itu r, cod. de bonis quce liberis , décident que le pere
peut être privé de Fufufruit des. biens'donnés aux enfants :
Excipitur quod eis datur , \>el relinquitur ab'.aliquo parentum ,
conditions hac adje&a ne adpatremperveniat ufusfruclus.
Bardet rapporte un Arrêt du 3 Juillet 16 4 2 , qui a con
firmé le teftament d’une aïeule , par lequel elle avoit ins
titué fes petits - enfants , fous condition que le pere n’en
pourroit pas prétendre rufufruit ; DefpeiiTes cite des auto
rités ,p0ur la même opinion.
Onia. mis. la dame de Metiyier au défi d’en citer une
feule ;qui,privele mari de l’ufufruit des biens de fa femme,,
ce défi n’eft pas réfléchi.
Indépendamment des motifs qui donnent l’avantage au
p e r e ,,¡la queftion a été traitée par M e. Denis L eb ru n ,
dans fon traité de la communauté , liv. 2,,jchap. 2 , feftion
4 , n'. 8. Il demande;, fi la femme s’étant conftituée en
dot fes biens préfents & à venir , le mari doit jouir du
�ai
legs fait à la fem m e, à la charge que ls mari n’en auroit
pas la jouiffance ?
Après avoir rappelle les autorités pour & contre le mari T
il refout la difficulté en ces' termes : « Il faut dire que la
» condition du legs doit avoir lieu au préjudice de 1 ufufruit
» du. mari , puifqu’elle eft avantageufe à la femme , & qu’il
w a plu au Teftateur d’excepter la jouiflance de ion legs
» de l’ufufruit général qui appartient au mari ; ce qu’il a
» fait dans la penfée que cela profitât plus à la femme ,
” aufli il feroit mal aifé en fuivant l’opinion contraire de
M fe défendre de la Loi 6^ , iF. de jure dotium qui eft précife
contre le mari. S i legato aut hereditate alicjuid fervo obvew nït , quod tejlator noluit ad maritum périmera , id Joluto ma» trimonio reddendum ejl mulieri. »
« La claufe du contrat de mariage , par laquelle la femMnie apporte en dot tous fes biens préfens & à venir , ne
” doit point changer cette décifion , puifque le legs n’eft dû
* à cette femme qu ’à condition qu’ il fera excepté de cette
w claufe & que le mari n’aura aucune part dans la jouif» fance ; la condition eft favorable & avantageufe au do» nataire , & le donateur n’a fait qu’ufer de ion droit. >►
La dame Froquieres ne s ’étoit pas interdit par une difpofition précédente la faculté d’appofer à fa libéralité les
conditions poflibles ; elle a inftitué fa fille fon héritiere
a vec la claufe que les fruits de fon hérédité lui appartiendroient à l ’exclufion du fieur de Metivier , celui - ci ne peut
pas s’en plaindre.
Il a reçu , ou quoique ce foit fon pere , la dot maternelle
4 e la dame de Metivier repréfentative de la légitim e; le,
Voilà rempli.
'
Demanderoit- il l’ufufruit de la légitime de droit ? il jouit
de la dot qui en tient lieu : un fupplément ? ^l’inftitution
tettamentaire étant indivifible , l’a&ion en fupplément s’éva
nouit } elle eft incompatible avec l’approbation du teftament.
Il ne pourroit mêmetpas prétendre, fur les biens maternelsï l’intérêt de la fomme de cinq mille livres que lç
�fieur Froquieres avoit payé pour ld d'ottnatcrnelle, ïe’ iîenr
Froquieres étoit plutôt débiteur que créancier de fa fucceiîion.
E û t - i l été créancier la dette fe feroit éteinte par la confuûon des deux fucceifions fur la têté de la dame de M e
tivier ; fon mari ne peut faire revivre la dette pour en tirer«
quelque avantage contre elle.
'•
En fuppofant quelque apparence de droit , le fieur de
Metivier y avoit renoncé en approuvant le reftament qu’il
a fait cont.roller , iriiniuer , dont il a demandé l’ouverture
& la publication j il avoit fait procéder à un inventaire
des meubles d’Efpels , paffé un nouveau bail eri 17 5 0 ,
conjointement avec la dame de Metivier , avec cette claufe
que le prix en fera payé à ladite dame , & que tous les
meubles ou beftiatix , dont le Métayer eft chargé , lui feront
remis à fin de bail , & qii’il ne l’a figné que pour au*
toriier: ladite dame , au lieu qu’il a confenti feul les baux
des doüiaines de V ie & de Raulhac ; on voit donc que
le iieur de Metivier s’abufe quand il invoque l’autorité des
contrats de mariage , & la loi qu’ils impofent aux Juges
comme aux Pâm es \ ces:lieux, communs font étrangers à
là ¿{ueftioir. : !' j*.*.:
•
. D ?aiïHeurs i, fi par" l’effet de la cônflitution des biens
préfenrs & à venir ', le fieur de Metivier avoir pu préten
dre, .atuc fruits de l ’hérédité , il ne pouvoir pas réiîfter à la
difpoiiiiort qui dans ce, cas faribit palier la jouifiance à
l ’héritier fubftitué ; il a donc intérêt de né pas contefter
cette jouiffamie à la-dame de M etivier jifon intérêt lui fait
mie-loi de Tabàredonner àt la darae.de’ Metivier , qu’il fait
être incapable d’en faire un mauvais ufage.
Par cé qui vient d’être* dit le iiéur de Metivier cil en
même tetnps' non-recevable: à demander la reftitution dei
j-auiiTance» perçues par ladite dame
tant du domain#
dlEfpels que du pré' du RiotfbaiFet qiri y a été incorporé'
&. <^tri , crmrae cm le dira bientôt , eft devenu ptopte â la
dame de Metivier*
�*
^rplus > s ’il y a lieu à une .réparation , comme elle
paroit inévirable , ces difcuflions feront fuperflues & le
fieur de Metivier qui par fon mauvais ménage s’eft mon
tre incapable de l’adminiftration de fes biens propres, &
désengagements qui en font les fuites
doit à plus forte
raifon perdre la jouiiTance des biens de la dame de Metivier.
S econde P
r o p o s i t i o n . .<
Si l’hérédité de la dame Froquiercs ne peut être réputée’
dotale à la dame de M e riv ie t, non feulement Je fieur de Metiy ier n’a pas droit d’en jou ir, mais meme il eft tenu de la
reititution des fruits par lui perçus, ou du moins l ’emploi a du
tourner à l’avantage de la dame de Metivier & de leurs en
tants ; cela va devenir fenfible.
. . L a femme peut confier à fon mari l’adminiilration de fes
*ens paraphernauxji alors le m a r i,n ’étant que le mandataire
** le procureur de la femme , eft comptable envers elle de fa
regie. Pecunias quas exegerit maritus fervare mulieri v tl in
Caufas ad quas ipfa voluerit dijînbuere fancimus. L . ult. ccd, de
PacÎ. conv.
f^e confentement exprès de la femme-donne droit au mari
jouir librement & pleinement dès fruits des biens parapher-,
"aux ; le confentement tacite ne le difpenfe pas de rendre
Compte. L . maritus ,
, ff. ad l. falc. & l. cum maritum i l ,
(od. de fo lia ,
Sarts fuivre les Auteurs dans les diftin£tions qu’ils font des
fruits-naturels , ou induftriaux , ou civils , des fruits exiftants,
°u des fruits confumés., l’opinion commune eft que fi le mari
les a employés à fon ufage & à celui de fa fem m e, i l n ’en eft
Pas comptable ; s’il les a tournés à fon profit particulier , foit
Ctî faifant quelque acquifition , des réparations , foit au paie
ment de fes dettes, il en doit rendre compte. D . L ult. cod\
conv. L l y , cod. de donat. in(. vir. & uçcor.
D ’où il fuit que le fieur de Metivier en ayant acquis en
�1749
Pr® ^e R i ° ubaiTet 1 pour l’unir au domaine d ’Eipels ,
ayant compris ce pré dans le bail qu’il a confenti de ce do
maine avec la dame de Metivier ; fi la dame de Metivier a
fouffert qu’il en ait j o u i , c ’eft dans la vue que les fruits feroient employés aii paiement de cette acquifition & non à
d’autres uiàges ; c’eft ainii qu’elle s’en eft expliquée depuis
l ’origine de la conteftation ; il ne tombe pas fous les fens
qu’elle eût abandonné à fon mari l’ufufruit de ce domaine pour
qu’il s’en formât des reprifes contre elle , mais plutôt pour
s’acquitter du prix de l ’achat ; la jouiiTance eft poftérieure à
la vente : nemo iiberalis niji libérants.
D ’ailleurs ce n’eft que près de trois ans après le décès de la
dame Froquieres , que l’on procéda à Touverrure de ion teftam en t, le fieur de Metivier y fut forcé par les traitants. Jufqu’alors la dame de Metivier avoit ignoré fon droit à la jouiiTance
des biens délaifles par fa mere..
On fe reprocheroit d ’en dire davantage ; les conféquences
que l’on a tirées découlent trop naturellement des principes.
T r o is iè m e P
r o p o sit io n .
Pour demander la réparation il n’eft pas néceflaire que
les affaires du mari foient dans un entier dérangement, ni
qu’il foit entièrement ruiné ; ce feroit recourir au' remede
quand le mal feroit incurable y il fuffit que le mari com
mence à fe mal conduire dans fes affaire^ & cju’on puifîe
lui reprocher de ,1a diiîipdtion.
Quelque faute dans radminiftration.de fon b ie n , l’àlié*
nation même d’une, partie lé,gere en cônfidératiôn de ce
qui lui1 refte , ne fuffifent pas pour autorifer une pareille
aftion & pour dépouiller le mari des droits que la loi lui
déféré.' , r .
Il ÿ à un jufte milieu entre ces deux1 extrémités , & c’eit
celui que la* l o i , t o u j o u r s éclairée par" là1 raifon ^ noùs
tràce!:'piir - tout’. * r
• *
Suivant
�Suivant la loi 2 9 , 'au Code de ju re 'dotium,\\ fuffit pour
fondement de la iéparation que le mâri foit dans le chemin
de s’appauvrir.
* . ,1* :
La Novelle 97 , qui fait la loi dans cette matiere , en
exige encore moins quand elle dit : viro inchaante maie jubftantia uti.
-q ’ ■ <i «,?;
_ \a[
Quand le mari .aliéné une partie de la dot:r, qu’il admrniftre d’une maniéré infidele , que le défordre de fes affaires
met évidemment hors d ’êtat de ioutenir fa famille fuivartt
*a condition ; il eft expofé inévitablemént à la réparation.
Mais , quand il eft parvenu à fe ruiner par les dettes
cfu il a contrariées ; quand il eft en proie aux vives pour
suites de fes créanciers; quand en un mot fa conduite eft
Portée à tel excès de dérangement qu’il n’y a plus de ref? Urce , ni d’efpérance de Ion côté , quando probatur ma■fituni decoclorem effe defperatæque Jalutis ; fi la femme ne fe
reveille point ; u elle fe diffimule que fes biens vont périr
av ec ceux de fon mari , & que la ruine de celui-ci entraîne
celle de toute la famille , elle devient elle-même coupable.
S i plus expendit annuatim quam habeat ex reditu , (îbimet
culpam inférai cur mox viro inchoante maie fubjlantia uti , non
percepit & non auxiliata ejl fibi.
Le défaut d ’emploi de la dot eft. une caufe fuffifante de
Réparation , lorfque les biens du mari n’en affurent pas le
remploi. E x quo evidentifjimè apparuerit marui facultates ad
exaclionem dotis non fujficere. L . 2 4 , ff. folut. matrim. Augeard
en rapporte un arrêt du 10 Janvier 1699.
On ne propofe ces principes que pour faire voir que la
Réparation des biens doit être ordonnée pour des caufes
infiniment moins preifantes que celles qui ont excité la
réclamation de la dame de Metivier ; toutes les circons
tances à la fois concourent en fa faveur.
La dame de Metivier n’eft pas reduite à la preuve d’un
commencement de diifipation f elle montrera par les comptes
rendus , par les aveux même du fieur de Metivier , qu’une
partie de fes biens a été diffipée par fon mari , qui a en
D
�1
'roênreVfemjjs, diflipé lautotalité des fiens-, Quoiqu’il eûf un*
jrevenu :plus que fuffifast pour, v iv r e .• d ’une mamere ho"*
norable.
Pour fixer le temps aiquel a commencé fa diifipation ,
on ne remontrera pas à l’époque de fon mariage ; il fait
lui - même de fi grands éloges de fa conduite durant les
premieres cannées qu’on ne perdra pas de temps à les lui
contefter ; on obferve qu’il n’avoit alors aucune adminiftration.
Suppofons qu’il n ’a rien diifipé quand il n’a rien eu ;
partons.'du décès du fieur Froquieres.
L ’adminiftration infidele prévient la diifipation ; le fieur
de Metivier ne fait aucun inventaire ; il s’empare , fans
compte & fans melure , d’un mobilier qui , fuivant la com
mune rénommée , montoit à plus de trente mille livres.
Incipit maie. Jubfla nùa uti.
Il y avoit des denrées à l ’infini qui devoient former un
ca p ital, il n’en rend-iaucun compte.
Quoiqu’il ait joui d ’abord d ’environ cinq mille livres de
revenu pendant près de fix années , croira-t-on qu’il a confumé plus de trente . mille livres de c a p itau x, tant de fon
bien propre que de celui de la dame de Metivier pendant
ce court efpace de fix. années ? c ’eiV pourtant ce qu’ on va
porter à la démonftration , moins il ie fera écoulé d’inter
valle depuis le commencement de fon mauvais ménage ,
plus il deviendra fenfible.
Le fieur de Metivier a joui pendant quatre ans du do
maine d ’E fp e ls, du produit, d ’après lui - même , de quinze
cents livres , ci „
- !
•
6000 1.
Le produit du domaine de Vais pendant cinq ans , à
raifon de deux mille livres par an , forme un objet de dix
mille livres, ci
10 0 0 0 I.
Celui des domaines de Vie & de Raulhac pendant fix
années,à raifon de deux mille livres par an , ci - 1 2000 1.
Total vingt-huit mille livres , ce qui fait plus de quatre
mille fix cents livres pour chacune des fix années.
�Cependant ' il a-.-contfaûé , 3fuiyarit le Compte dès r e t e
nus par lui rendu.en 17 5 5 , iïx
ifept certts! livres. de
dettes.
, .
ïl.a aliéné les rentes de Vais moyennant. 1 2,7:47
,
Il 3 vendu trois près & une terre .appartenant à; la dame
dè Merivier.,(p0ùr la-fomme de v-’ 3 m . : 344P f-'n r, il
Il à touché fur .obligations , billets. & r.autres, effets de la
fucceflion du-fifcur Froquieres , dédu£tion faite de ce qu’il
porte en reprife dans le même compte de 17 5 5 , ilafornme de
. 5 o ¿1*. ,1.5 f.-ç d.Le mobilier qu’il a diifipé en argent , grains & autres
denrées montoit à plus de
- /¡; 6000 1. , J
m
Total *
i l l e
..........................................34^97 1 15 f. 5 d.
Sous cette premiere époque le iieur de Metivier a donc
diminué les capitaux de 34000 livres. Plu s annuatim impendit quam habet ex reditu.
’
'
1
Dans la fécondé époque , c ’eft h dire , depuis 17 5 5 , on
convient que fes revenus ont été moins coniidérables ; il
n a pas toujours joui du bien de V a i s , il en a joui néan
moins depuis 17 5 8 ou 1 7 5 9 , & quoique le iîeur du'D oux
en ait perçu les revenus pendant quatre ou cinq années ÿ
perfonne n’ignore qu’ils ont été confommés'dans l a ’famille«
On conviendra fans doute que le produit du bien de Vais
& des domaines de V ie & Raulhâc étoît fuffifant pouf
fournir à l’entretien & à l ’éducation de la famille du iieur
de (Metivier.
,c
. • '. .
'■ ‘ ' ‘ ‘
Néanmoins le iieiir d e , M e f i v i e r . à a li é n é ‘dës biens imme u
bles de ladite D a m e pour la fomme de"fept mille cinqùantefix livres fept fols < fuivant l’état qu ’t l e n a d o n n é , ci 7 0 5 6 1 . 7 f.
Il a* aliéné le furplus des rentes de Vais pour douze .millé
trois cent^quaranré'cinq Jivréi , rSiniij qu’il l’a déclaré V p a g e
34 de-‘fon Mémoire , ci
~1 1 3 4 ^ !•
U/fucceiTion dü'Thédlrtgèl dfe'Noybn ':qu’il à r'eçue, monte
a trois mille quarante-cinq livres , ci
3045 1,
�¿8
Il a déclaré qu’il avoit contra&é des nouvelles dettes pour
quatre mille livres , ci
4 0 0 0 1.
Il a cédé au fieur Ferluc de Chaplat les droits à lui acquis
par donation d’ une parente de F erlu c, moyennant huit cents
liv r e s , ci
.8 0 0 1.
Il a reçu quatre mille livres pour le prix d ’une quantité de
merrein qu’il a vendu , ci 4000 l.
Il a vendu une rente foncière au fieur Mabit , moyennant
cinq cents livres , &: engagé la maifon de Raulhac pour fix
cents livres ; ces deux objets montent à onze cents livres ,
ci
_
_
1 1 0 0 1.
Les effets qu’il a voit portés en reprife pour quatre milie trois
cents foixante-dix-neuf livres ne fubfiilent plus,ci 4379 1.
Total
-
36725 I. 7 f.
Voilà en co re, fous cette fécondé époque , une brèche de
plus de trente-fix mille fix cents livres furies capitaux ; on met
à l’écart les meubles qui ont difparu , les bois dégradés , les
revenus pris d ’avance , les arrérages de rentes ou d’impofitio n s, falaires des domeftiques non payés, & c .
En tout le fieur de Metivier.a aliéné ou diflipé des capitaux
pendant ces deux époques , pour foixante-onze mille quatre
cents vingt - trois livres deux fols cinq deniers ,
ci
*>
7 1 4 2 3 1 . 2 f. 5 d.
A la vérité il porte en dépenfe , pour l’acquifition du pré
de Rioubaffet, ciyiq mille quatre-vingt-deux livres quatorze
fols , ci
508 21. 14 f.
Pour l’acquifition du pré de Thérefe Hemeury douze cents,
trois livres quatre fo ls , ci 1203 1. 4 f.
Il dit avoir payé à la dame du Noyer 5 fa fœur , deux mille
livres, ci
~
20 0 0 1.
Au fieur de Marcenac , fon frere , douze cents livres,
ci
l zoo 1,
�- 1 9
,
Au Théologal de Noyon , fur ces droits legitimaires, eux
mille cinq csnts livres , ci
*
‘
Pour les honneurs funebres du fieur Froquieres , trais m
ventaire , ouverture du teftament de la a a m e F r o q u ie r e s ,
environ mille l i v r e s , ci
"
, ' ° 00
»
Pour d ’autres dettes qu’ il a acquittées , & qui f ° nt portees
à fix cents q u a t r e - v i n g t s livres dans le fécond chapitre de
dépenfe du com pt e de*s A r b i t r e s , ci
680 “ .
Pour des réparations dans les biens de la dame de Metivier,
portées dans le compte des Arbitres ( feptieme chapitre de
dépenfe )'à quatre cents quatre-vingt-huit livres quinze fols ,
ou pour celles prétendues faites dans le bien de Vais , que 1 on
porte à mille liv re s , ci
1 488 1. 1 5 f»
T otal
-
-
-
-
-
MM
î
' - M f.
D ’après lui-m êm e , le fieur de Metivier eft donc con
vaincu d’avoir diminué fa fortune, ou celle de la dame Ion
fpoufe , de plus de cinquante - fix mille livres , quoiqu n ait
j o u i , de fon aveu , de quatre ou cinq mille livres de revenu ;
<îue la dame de Metivier ait fourni partie des dépenfes -, n eifc*
ce pas là une preuve compiette de mauvaife adminiftration .
Marito vergente ad inopiam.
_
..
Un pere de famille tel que le fieur de Metivier q u i , jouilfent à la campagne de quatre ou cinq mille livres de revenu ,
confomme en core, en vingt années, près de foirante mi e
livres du fonds de fa femme ou du fien propre , qui ne lait pas
mettre des bornes à fes dépenfes , eft un mauvais adminiltrateur qui tombe dans le cas de la loi 1 , ff.d e curatoribus Juriofo
& aliis extra minorent dandis.
,
Si l’on ne fait que jetter legerement les yeux fur 1 arrete
fait par les Arbitres le 14 Mars 1 7 7 1 , la « « t t e femble n excéder la dépenfe que de deux mille cinq cents foixante-quatre
llVTGÇ trPi7P fols.
Mais 1 « ce compte ne comprend pas les aliénations des
biens propres du fieur de Metivier , qui vont à plus de vingt-
�3°
,,
cinq mille livres , non compris les dégradations & là coupe
totale du bois , ci ^ 25000 1.
2 0. Il y a inexa£Ktüde dans la recette , fur l’argent comp
tant.ou fur les- grains , de plus de trois mille livres y cela eit
établi par les blâmes & débats de la dame de M etivier,
ci
*
3 0 0 0 1.
3 0 . Il y a un déficit dans la recette , relativement aux det
tes aftives non compris les intérêts & les frais que l’on n’a pas
portésen compte, de plusde douze cents livres , ci 1 200 1.
4 0. II n ’y eit pas parlé des dégradations ou ventes de bois
qui montent à plus de fix cents livres , ci
-600 1.
50 . Point de mention des revenus du domaine d’E fp e ls,
perçus par le fieur de Metivier pendant quatre années , com
me s’il n’en étoit pas comptable, & avoit pu les employer à
fon utilité particulière., ci 60001.
, 6 ° . Dans la dépenfe on a fait entrer la fomme de mille
quatre-vingt-quatorze liv re s, prix de la ferme de la feigneurie
de Vie ou la penfion en grains que le Prince de Monaco paye
au coilege d’ Aurillac , quoiqu’il en ait été fait déduction fur la
recette en grains / p a r les blâmes & déb ats, ci - 1094 1
7 0. O n a compris dans la dépenfe une fomme de mille cinq
cents foixante - douze livres'pour augmentation de cheptél ,
quoiqu’il foit confiant que le fieur de Metivier a retiré cette
augmentation , ci
157 2I.
8 ° . On a porté en dépenfe la reconftru&ion de la grange de
V i e , pour la fomme de trois mille cinq cents liv re s, quoi
qu’elle ne lui aif pas coûté quinze, cents livres, & même qu’il,
doive s ’imputer l ’incendie, ci
2000 1.
9 0; On a porté'en dépenfe les jouiiTances du pré de Rioubaiïet pour mille quatre-vingt-quinze livres , quoique le prix
d’acquifition de ee pré ait été , ou dû être »»compenfé avec les
}OuiiÎances du domaine .d’E fpels, dont le fie^r de Metivier.
étoit tenu de rendre compte, j.c i
*
1095 1.
i o ° . On a porté en dépenfe la fomme de cinq cents livres
payée à la dame du N o y e r, pour ledonque la dame de Meti
vier lui ai fait de cette fomme j cependant on préfume que. le
�3l
fieur deMetivier avouera qu’il a pris cette fomme, du confentement de la dame de M e tiv ie r, fur le prix des fromages
d ’E fpels, ci
5 0 0 1.
On ne finiroit pas fi l’on parcouroit tousMes articles'de
recette ou de dépenfe qui ne doivent pas être alloués, on fe
borne aux eflentiels qui forment un objet de quarante - deux
inille foixante & une livres, lefquelles jointes à deux mille
cinq cents foixante-quatre livres treize fols, dont les Arbitres
le déclarent débiteur , forment la fomme totale de quarantequatre mille iix cents vingt-cinq livres treize fols , qui feroit
le véritable réliquat du compte.
Que n’eft il permis d’analyfer la conduite du fieur de
Metivier & de la cara&érifer par des traits particuliers.
Le fieur de Metivier acquiert du fieur de TauiTac une
Montagne qu’il ell forcé de revendre peu de temps après
“ trois mille livres de perte.
Il vend pour vingt - cinq mille livres les rentes de
Vals qui étoient le plus précieux de fes biens ; elles con«uoient en cent quatre fétiers de rentes reduites en fégle
n°n compris les fuites. D e quelle maniéré les vend - il ?
chaque vente fimple a été procédée de ventes fous faculté
de rachat pour une fomme modique , les mutations étoient
fréquentés , & les frais des ventes rétomboient fur le fieur
de Metivier.
(
^ Il avoit vendu au nommé Bonnefons les rentes d ’ Arnac
3 pafte de rachat , il céda la faculté de réméré au fieur de
Fargues qui eut la complaifance de la lui rerrocéder , Je
fieur de Metivier s’en 3 épartit au profit de Bonnefons
premier acquéreur , mais dans peu il exerça le retrait fous
le nom d’un de fes fils , il eiTuya des frais de la part de
Bonnefons & pour fe rédimer il fut obligé d ’aliéner les
mêmes rentes à vente pure au fieur Caries , Curé de Relhac.
Il a vendu au fieur de Leygonie de Pruns pour deux
mille quatre cents livres des arréragés de cens fur le village
Pruns qui montoient à plus de dix mille livres.
On l’a vu louer la montagne du fieur Marquis de M ir-
�mont & laiffer la fienne v a c a n te ; vendre à un marchand
une quantité de merrein qu'il étoit hors d’état de lui
fournir ; acheter avec perte d’autres bois pour remplir fon
marché ; faire emprrfonner fans m otifs, & contre l’avis de
fes confeils, fon fermier de Raulhac , auquel il fit le facrifice de fa créance pour éviter de plus gros dommagesintérêts ; vendre fes from ages, fes grains & en toucher le
prix d’avance pour plusieurs années ; fufciter une infinité
de procès dans lefquels il a fuccombé fans exception.
A l’égard des pertes imroenfes au jeu , en faut-il d’autre
preuve que l ’éclipfement de feize mille livres , lorsde la
perte de la terre de Vais ?
A ces preuves de diffipation qui réfultent de l’ état dans
lequel étoient les affaires du fieur de Metivier , ajoutons
le jugement domeftique du fieur de Metivier du Doux qui
fut obligé de reprendre la jouiffance de Vais qu'il avoit
abandonnée à fon fils.
Le fieur de Metivier du Doux , avec le feut revenu de
la terre de Vais , avoit nourri & élevé avec honneur une
famille nombreufe fans contrafter des dettes.
A qui perfuadera - 1 - o n que la dame de Metivier a été
féduite ? qu'on lur a fait faire de fauffes démarches ? s’il
a violé les droits de l’amitié & de la reconnoiffance à
l ’égard des perfonnes qu’il voudroit faire regarder comme
intéreffées à troubler ion re p o s , on doit le lui pardonner ,
il n’en a pas refpe&é de plus facrés.
Si la dame de Metivier infifte à obtenir la jouiffance de
fes biens au moment où tout le mobilier & l’aifance ont
difparu après les avoir laides à fon mari dans les temps
heureux, regardera - t-o n fa démarche comme fufpefte,
diftée par une fauffe idée d’intérêt, un certain efprit de
domination ? n’eil-ce pas qu’elle y eft pouffée par le défèfpoir où elle eft de l’état du fieur de Metivier & de
ia famille ?
Contente de dévorer en iecret la trifte image de fàfamille , elle ne dira point combien leur éducation a été
négligée
/
�négligée , le fieur de Metivier a raflurç le Public-& fç$
Juges fur ce point ; croira-t-on qu’il foit plus fwcere qu’il
ne l’a été fur les autres ? elle n’ofe fe flatter d ’être injuite,
elle ^n eft pas aflez heureufe.
C eft allez entretenir le public du mauvais nrén<Jge du
fieur de Metivier pour le pafle j jettons \m çpyp d’cp.il;
fur fon état à v e n ir , fur les reiTource? qui reftpnt à ift
dame de Metivier , & les dangers qu’elle doit craindre i
examinons qu'elle eft la sûreté des rçprifes de la d.atnç de
Metivier fur-les biens de fon mari.
Sa dot ou fes gains vont à dix-fept mille quatre eçnts
livres , ci
ï 7 4 oQ j.
Plus les immeubles aliénés par le iîeur dç Metivier
vont à dix mille neuf cents quatre-vingt-fei?e livre? , il
prétend qu’îl y a un double emploi de ijiille Coixaptetreize liv r e s j foit ! reftç neuf mille neuf çents vingt-trois,
v r e s , ci
,
9923 j.
Le montant des obligations , effets & papiers, dont le
heur de Metivier a fait l’entiér recouvrement «s’éleyent
a dix mille q u a t r e - v i n g t - d i x - h u i t livres d ix -fe p t fo ls ,
C1
'
“
_
"
"
"
1 0 9£>8 1/ 1 7 f*
La fucçeilion du Théologal de Npyon fixçp à tjpis ipillc
quarapte-ciriq livres en principal , ci
3045 1.
Le mobilier en argent ou denrées en le réduifant à
mille liv re s, ci
' - • 6 0 0 0 1,
_
i 4 ----- ^M »!
1
otal quarante - fix mille qu.air,e rcents
fpixante-fix (livres dix-fçpt .Cpls j ci ' V
l
I J I 'P M j P I *
-,
|
1
1. ,i 7 f.
Quand li^l faudrpit >d.é4 uire fur cette fomme ü x cents
quatre-vingt livres pour les dettes de la fucçeflion du .(leur
Froquieres, acquittées par le fie p r .^ .Metivier y fuiv.ant .le
% o n d chapitre, fie d.ép^nfe^ jmiJIç, libres; pour ¡les. frçiisfu^ ra irç s., frais d’inventaire ,, 4!pwvi?iiture ,du ¿eftanient de la
dame Froquieres ; çelle de quatre cents q u a tre -v in g t-h u it
quinze fols pQur réparations, qupique à .la charge
�du mari usufruitier ; celle de deux mille cinq cents livres
payée au Théologal de Noyon pour partie de fa légitime ,
& même celle de mille deux cents trois livres quatre fols
pour racquiiîtion du pré de Thérefe Hemenry , dédu&iôn
faite de tous ces objets revenant à cinq mille huit cents
Soixante-onze livres dix-neuf Sols , Sur le montant des repriSes , la dame de Metivier Seroit encore créanciere de
Son mari de quarante mille cinq cents q u a tr e - v in g tquatorze livres dix-huit Sols.
L ’on a vu que l’acquifition du pré de, RioubaiTet & les
jouiifances de ce pré ont été compenfées avec les'jouiifances
du domaine d’ESpels , perçues par le fieur de Metivier.
Les diflertations Sont inutiles quand l’évidence paroît
avec tant d’é c l a t , & rien ne peut obScurcir les démons
trations fondées Sur des titres & des calculs ; on voit d’un
coup d’œil général en' quoi confiftoient les biens de la dame
de Metivier au décès de fon pere ; ce qui s’eft paiTé de
puis jufques à la demande en Séparation ; enfin l ’état
préfent du Sieur de Metivier & la fituation de la dame
Son épouSe.
On om ettes dégradations, les coupes de b o is , la mau
vaise compofition Sur la Succefîion du Théologal ; les biens
qui reftent au fieur de Metivier , & dont il jouit main
tenant , ne Suffifent pas pour defintéreffer la dame de
M etivier.
Comment le fieur de Metivier acquittera-t-il la penfion
qu’il doit à Son pere ; les légitimes de Ses freres & Sœurs ;
les dettes qu’il a contraftées & qu’il porte lui-même à
plus de dix mille livres ? que deviendront ceux qui ont
payé d’avance & pour plufieurs années le prix de (es from a g e s , de Ses grains du domaine de Raulhac ? comment
vivra-t-il lui-même avec les grains de Vais & de V ie &
le croît de Ses beftiaux qui Sont
unique reiTource pour
Subfifter , faire fubfifter fon pere & Sa famille pendant quatre
ou cinq ans , acquitter les rentes & les impositions cou
rantes ? on ne parle point des arréragés qu’il a laifle ac
S o n
�35
cumuler. Quanda probatur deocclorem ejfe defperatœque. Jaluùs.
H eft a découvert de plus de vingt mille livres & il eft
dépourvu de tout.
L a dame de Metivier a cru fon mari dérangé dans fes
affaires ; elle ignoroit qu’il fût fans reflource & fans crédit ;
*on attachement pour lui eft fans doute le feul motif qui
j*it pu la porter à le biffer jouir paifiblement de fes
biens ; elle ne le voit dans l’abîme , que lorfqu’elle ne peut
plus len retirer ; elle ne l’abandonne pas néanmoins , fon
devoir , le malheur même du fieur de Metivier dans fa
mauvaife adminiftration , l’amour qu’elle a pour lui & pour
•es enfants font des liens facrés qui l’attachent aux débris
de fa fortune ; il a pu oublier qu’il étoit époux , elle n’a
pas oublié qu’elle eft mere , c’eft pour être plus inféparable
déformais qu’elle veut féparer Tadminiftration de fes biens ;
^elle ne connoiffoit le cœur du fieur de Metivier ella
5.ut cefle d’avoir pour lui de l’eftime & de l’attachement ;
1 peut 1e raffurer fur fes fentiments , plus fon mari eft cou
pable , plus elle eft portée à le juftifier, elle voudroit
Pouvoir fe perfuader que fa faute n’eft pas dans la vo°nte s la tendreffe qu’elle conferve ne fert qu’à rendre
’
V^VC ^
amere Ia douleur qui le confume ; elle
s eftimeroit heureufe de lui faire oublier qu’il eft mécon
tent de lui-même & de le confoler de tous les chagrins
qu u a caufés à la dame de Metivier.
Il en coûte trop à la dame de Metivier de laiffer appercev ° ir que fon mari p ourr oit faire éva nouir le mobilier qui
refte ; vendre les beftiaux qui font l’ame & ' l’effence des
domaines ; laiffer dépérir les bâtiments ; s'oublier fans retour
fiir le fort de leurs enfants-; étouffer les cris de la nature & de
l’amitié ; mais qu’il daigne confidérer qu’il eft en proie aux
befoins ; qu’il s’eft oublié au point de les faire reffentir à fon
Pete , à fa famille ; que fes revenus & ceux de la dame de MeJ lvier font à la merci des créanciers , ainfi que les meubles Sz
heftiauXi j j é j qU’il laiffe agir la fenfibilité a& ive & éclaie de la dame de Metivier i
�. . .
*6
Dans le defordre irréparable ôîi il s’ eft réduit' ,-il ne petit*
rien perdre dans l ’opinion publique ; il y gagnera s’il déféré
aux vues fages de la dame de Metivier ,• l’homme eft fujet à
toute forte d’erreurs, mais le'retour au bien eft le.partage
d’une ame généreufe & noble ; doit-il balancer à approuver
un bien que l’on eft: réfolu de lui faire éprouver malgré lui ?
La féparation de biens doit être ordonnée en juftice avec
connoiiîance de caufe ; pour l ’ordinaire il faut une enquête,
à moins que la preuve de la diifipation ne foit écrite ou notoi
re ; nous “réunifions 'ces deux circonftances. E x quo tvidentl/Jlnrè ‘âppâraent matiti facuhatts ad doiis exaiïionem non
Jufficcre.
■ '
Cette maîcime n’ eft pas fufceptible de contradiftion ; L e
brun , dans fon Traité de la Communauté , page 3 22 , n. 6 ,
nous énfergne que la réparation s’ordonne fans enquête ,
lotfque la diifipation du mari eft prouvée par écrit , même
dans lès 'paÿs de communauté ; à plus forte raifon cela doit-il
aVôir lieu én pays de droit écrit.
Düpleflis tient que lorfque la femme rapporte une preuve
par écrit de la diflipation de fon m a r i, ou qu’elle eft notoire,
Cela éft füffifaTit fans que l’on ptiifle prétendre que la féparation
foit Titille fur. le fondement qu’il n’y auroit pas eu d’ enquête ;
il cite ‘Brod.eau fur Louet /qui rapporte pflufreurs Arrêts.
On peut voir l’ Arrêt d u ‘premier Décembre 1664 »recueilli
au Journal des Audiences j ceux indiquas par Brillon & par
;LaCômbe.
'■'QUATRIEME ■PROPOSITION.
LVTépatàtion dès bieris ietttpbrté la reftitution tte la dot »
cfe pTitlfcipe fera donc avtiuë : il fie peut fubfifter dé difficiilt16
‘tqviefptia confrfttehce des objets qui ont été reçus parole mari f
' & 'qüi doivent "être 'reftituiès.
‘
* r°* îl 'eft^ndifférent pour la dame de Metivier quela dot
én Htnfers , portée par fon contrat de mariage , a i t 'été reçue
par le fieur de Metivier ou par fon p e r e , elle n’en eft p a5
�moins fujette à reftitution ; mais ce qui tranche toute diffi
culté , eft que le iîeur de Metivier fils, jouit de tous les
biens , en conféquence de la démiifion que le fieur du D oux
lui en a fait à la charge d’ une penfioiii.
i »
' C e premier article-de rep.rife> e ft(é{abli.|?ar le contrât
de mariage , & fe porte a> la fommç de qiiinae mille livres ,
Ci - , . -,
rI $009 1.
a ® . La damé de Metivier dpit être jembourfée de la fomme
de (jooo lib res, pour quatre annég^de jpuiifoflçe du domaine
- d’Efpelî à raifon de quinze ceptsjiyres ;par année , fi mieux
le fieur dé Metivier n ’aime compenfer çe.tté.Jlpmme
.Je
prix de l’acquifidon du pré de R io ub,a(Tet .*, frais & loyaux
coûts , le tout réglé par les Arbitres à cinq mille trente - deux
livre* quatorze fo ls , 6c avec „les jouiiîa,nçe$ de ce pré ,
-■r '
..
\ b
B S E $
y
0OQQl.
' t ' T / O N .' ' .ü '
C ’eft iàns doute par erreur que le fieur de Metiviçr a allé
gué que les Arbitres l ’avoient difpenfé dç rendre compte de
ces fruits , pui/qu'ils ont .déclaré que c’é toit un,objet princi
pal qu’ils tfjétoieiît ¡pas chargés de décider , s ’agiiîant de fa voir
à qui -des .deux appartiennent les fruits du domaine d ’Efpels s
A ailleurs,leur avis feroit indifférent , l’on croit avoir démon
tré la péceÆt^ de JLa reilitution au de la compensation de ces
“fruits. i ;
3 ° . Ellè doit êtrè refribourfée de la ibmme dé fix mille
livres , à caufe de l ’argent ,,grains , vins & autres cfehrées 8c
provifioiis qui fe font trouvées en efpece où en nature après le
décèstdu fiê u rfro q u ieres, déduction faite;du prix de la ferme
du Prince de M onaco, & -de là.redevance en grains qu’il
.^toit tenu dé payer au Çolleee de cette Ville par une claufe
de fon b a il, ci
V6ooo 1.
9
.-î •.); ?
; *v. ,
�O B S E R V A T I O N
.
Sur cet article la dame de Metivier obferve , par rapport à
com ptan t, que défunt Me. Froquieres avoit reçu
deux mille cent livres , la veillé de fa maladie , du iîeur FE fpinats à compte de fes from ages; il avoit été payé d’une
i’omme de quinze cents livres , qui lui étoit due par M . de
L a u b re t, d’une fomme de douze cents livres dépofée par la
dame Froquieres entre les mains de l’ Abbé So brier, & de
différentes fommes de fes débiteurs j cela a été annoncé dans
toutes les écritures.
Relativement aux grains qui exiftoient en nature , on a
vu que le fieur Froquieres étoit fermier de la Châtelenie de
V ie ^ produifant deux cents fétiers de fégle ou froment
pardènus la redevance d e“ cinquarite fétiers due au C ollège
de cette Ville ; la Dîme de la paroiffe de V ie avoit été
payée en efpece avant ou pendant fa maladie.
Il étoit. encore fermier de la Dîme d ’E fp e ls , apparte
nant au Curé de Saint- Etienne dont il avoit payé le prix
plufieùrs. années d’avance.
Il ayoit reçu IèsJ grains du domaine-de V ie.
II. a laiiFé au' moins deux cents fétiers fégle dans les gre
niers d'Efpels , provenant du domaine ou de la dîme.
Il
s’étoit recueilli au moins ioixante fétiers fégle & cent
cinquante fétiers de blé-noir dans le domaine de Raulhac>
tous ces grains étoient en nature au fécond Décembre
.17-48 } cm n!ayoitrmême pas confumé les grains & les fa
mines ,rde,la jjrécédente "récolté.
Âu refte. nous avons des réglés dans le cas où le fieur de
M etivier héfiterbit à rendre juiHce fur ce point.
Il
étoit tenu de faire procéder à un inventaire du mo. bilier , djélaiiTé ■par le . fieur Froquièrès-'J qui etoît un bien
dotal £ .il
pu négliger cette formalité fans encourir la
peiné prononcée par les loix.
c
La loi 7 , ff. de admin & peric. tut. porte que le tuteur
l ’ a r g
e
n
t
�v
V
•
‘ 39 *
* *
qui omet de faire inventaire eft préfum^ l’avoir fait en frau
de , s ’il n’a une exçufe légitime ; & qu'il eft tenu envers
le pupille en des dommages - intérêts qui .font éftimes par
le ferment in litem. La loi 18 , ff. de dolo ; l. 3 » ffin
litem jurando , contiennent les mêmes ^ifpofitions^
Henris , t. 1 , liv. 4 , queftV'z, rapporté ytï Arrêt du 14
Juillet 1635 > CIU^ a condamné une jtnere , faute d ’avoir fait
inventaire e x a f r , au payement dé* la fo.mme de trois mille
livres pour la valeur des meubles non inventoriés au fer
ment des parties intéreflees , joint la5 preuve de Ici com m ise
renommée ; on ne peut mieux faire , dit cet Auteur , que de
croire celui qui n a failli & qui demande le fien. Ç ard et, tom.
1 » üv. 1 , ch. 1 , en rapporte un Semblable du 8 Janvier
16 3 2 .
R ica rd , dans fon Traité des D onations, partie i , chap.
7» n. 93 , s ’explique plus <Ufertement. encore : « la
H coutume dit bien que les exécuteurs font obligés de faire
Minventaire , mais elle n’ ajoute pas fous quelle peine ils eti
* font tenus ; nous avons des exemples par leiquels nous
w pouvons réfoudre cette queftion , n’y ayant pas de raifon
/ » de vouloir traiter plus rigoureufement les exécuteurs que
H les tuteurs ; on doit donc , fuivant cet ufage , prendre le
H ferment de l’héritier & fuivant la commune rénommée
Mfaire l’eftimation des meubles & des facultés du défunt. »
Le même Auteur , part. 3 , n. 999 , ajoute que comme ils
ont tort de ne s*être pas acquittés de leur devoir les preuves
dans le doute Jont interprétées contre eux.
Dumoulin , fur l’article 9 de la coûtume de Paris , tient
que l’on reçoit le ferment in litem contre toute forte d’adnûniftrateurs Qui ont négligé ^e faire inventaire , parce qu’il
y a du dol , & qu’à caufe de ce , & de la difficulté des
preuves , le Juge doit admettre le ferment in litem d’une
certaine fomme qu’il fixe eu égard à la qualité des per
sonnes & des biens , joint la commune rénommée.
H femble que le mari foit tenu plus particulièrement de
cette obligation que le tuteur, puifqu’il a l’ufiifruit des biens
“ piaux.
;
(,
\
' *
,
/
�La, dame de Metivier offre ion ferment in litem jufqu’à con?
curréncë de la fomme de iîx taillé livres j la commune
rénommée /er’oit encore moiriis.'favbrable au iîeur de Metivier.^
4 ° . Elle doit être; rem bourse de la fomme de trois mille
deux
deux livrés treifce foïs; cjuatrè deniers , à cauie des
fomnjes dués par bbligations , téntencÊS oü:billets détaillés au
feéoiïd ^bhapit'rè.fié réoettê 7 a'ftifi* qu’il à été arrêté à cette
fomnnfe pàr'léSJÀrbitréS^. la ¡d^me dé Metivier voulant fe reftraiiîdre à ’c etfe fomme pour éviter dès diicuifions ruineufes *
ci'
- . , .'- :
1 3202 1. 13 f. 4 d.
x 50 . D é la'fômttte de Irb'is'millé trois cents vingt-fept livrer
cinq ’i bli cih a deniers., ^ «iaüfé dés fômmës dues par obligatfôn'!?-,* ‘fèntéiicès &, autres titres de créan ce, détaillés au
ttoïfiérrte c'h’apitrë cîe recétte, fuivant l’arrêté'dès-Arbitres,
auquèl ladite.Dame.confent de fe tenir par les mêmes motifs,
ÇÏ
. .. .
*. |T
• _ 3 3 2.71. 5 f. 5 d<
'6°\ 0)6 Va.yommfecîejïCÎit; cents quatre-vingt & une livre
fréîfcefôfê
'deniers1, ^ c a ù f e d e s. fommes énoncées au
iienie cll'aipitre dfe rece'ttedu 'compte du fieur de M etiv ier, à'
lâiquélie vianmôins a été âjôdtée la fomme de cent & une livre
par !lês raifons expliquées aux débats fournis fur le fixieme
âr'tîcte'düdft chapitre , ci
- 881 1. 13 1. 6 d.
DëHa'fômm'e de’ mille virïgj-deux .livres■, à c a ufe des
fo"nV^s;düçs0ifans ÿ in ë t ,& rapportées au cinquième .chapitre
de Yè'Cè'tïe' du t'o&'pté dû iféur de Metivier , auquel il n?a été
rtén changé > ci
—
10 2 2 1. ■ 1
‘ ÎT°. Dé'la fomme dé trois mille quatre cents quarante livres ,
à caufej.de
vente , faite' pa^r le'fieur, de Metivier de -deux
pré si ii fiies/ au Village' d w lm e t’, 1’ un appelle de la Riviere\,
J’jüt^e /dé ta IVô^lie „ vendu^ ait iîéùr F a t q u ie r é s ’P rêtre-, par
t c t h i ^ ^iiïe'd^ùnV R'ailirina'c , Notaire , moyennant quinze
cents'liviés ;J d’autrë pré'appelle de Lafon , iu u é , au village
d yÀfîs véndu à J'êgn Ferail & Antoine (pejp_uech * par con
trat* r'eÇû par 'le même Notaire /moyennant çjix T ijapt cent$
livres ; & d’mW'iérré appélVée de 1-a‘G în éiîe, iitu'ée aii village,
de ÔofitlBïift*
vendue!ù Jofeph i-atnelifé 9 par conc ë n
t S
t r o i - r
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7
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-
�trat reçu par le m êm e'N otaire, moyennant deux cents qua. rante liv re s, lefquels fonds vendus étôient dotaux à; ladite
D a m e , ci
. . .
3 4 4 0 1.
Comme aufllde la fomme de fept mille cinquante - fix livres
fept fols d’une p a r t , pour le montant des ventes faites par le
fieur de Metivier d’autres fonds de ladite Dame , fuivant la
déclaration que l e f i e u r de Metivjer en a fait aux Arbitres
& dans fon Mémoire page 30 , fans par ladite Dame ap
prouver lefdites ventes , & fous les proteftations de fe
pourvoir en cas d’infuffifance des biens du fieufdp -M etiv ier,
fur laquelle fomme a été fait dedu&ion de mille foixantetreize livres dont ledit fieur de-Metivier a prétendu qu’il y
avoit erreur ou double emploi dans fon compte à fon pré
judice , fauf à ladite Dame à établir les erreurs ou omiffions ; partant ledit article demeure réduit- à cinq mille neuf
¿ents quatre-vingMrois liv r e s , ci
*5983 1.. 9 ° ' Elle fera rembourfée de la fomme de dix - huit cents
Clnquante-fept livres quatre fo ls, à caufe des Arréragés de
Cens de la ferme de la Châtelenie de V ie , non compris1
dans les obligations ou Billets , à laquelle fomme les arré
rages ont été portés au 7 me chapitre de recette du compte
du fieurde Metivier , fauf erreur ou omiflion , ci 1857 1. 4C
O B S E R. K A ' T
1. 0
La dame de Metivier obferve'que dans le compte que
le iieur de Metivier a rendu il n’a fait raifon a aucuns
intérêts ni frais j* il n’eft pas vraifemblable que fur le furplus
de dix mille livres de principaux il n’ait été reçu des in
térêts & des frais confidérables, fur-tout ii l’on fait atten
tion qu’il y avoit nombre de demandes & de fentences,
&£ que le
de Metivier rte pouvoir faire des remifes
q»e du
de la dame de Metivier ; la Cour eft
Suppliée de jetter les yeux fur- les débâts fournis fur le
huitième chapitre de recette.
r
i o ° . L a dame de Metivier confent que le fieur dé Meti*
F
f i e u r -
c o
n
f e
n
t e m
e
n
t
�4 *.
-.
»
,
vrer4' hjiiïemettc- les meubles meublants , lîftgës , uiléncî^
les qu’il a trouvés dans pla màifoh de V ie , de même que
les titres & papiers trouvés , tant dans la maifon de Vie
que dans celle de jRaulhac , les mèubles & outils d’agri
des-domaines
dèt Vie I& de'Raulhac /,• dont elle n ’a
‘
• A»
aucune connoman ce.
1 01 ‘ *i:- ; • i î . .
:
■
Elle. offre pareillement'de recevoir même quantité 8cJ
qualité de beitiaux de labour , vaches de montagne & au
tres beitiaux qui exiftoient dans les domaines de V ie &
de Raulhac , !>la même quantité de foins & fourrages qui
étoient en nature1 dartS lefdits domaines au décès du fieur
Ftoquieres , en obfervant toute fois que ladite remife fera
faite eu égard à leur quantité & qualité au temps qu’il les
a reçus , de tout quoi ledit fieur de M etivier doit donner
un é t a t , fauf le contredit.
i i 0. Le fieur de Metivier ne peut pas contefler qu'il
n ’ait entièrement dégradé & fait couper deux bois de hautefutaie , l’un fi tué près la Fontaine minerale , & lT autre dans
les appartenances de Daifles , ces dégradations ont été
expliquées au fol. 57 des blâmes & débats où l’on s’étoit
reftraint à mille livres d’indemnité pour cet objet.
. D ’aijleurs il avoit fait couper dans les bois du domaine
d ’Efpels des gros arbres pour faire environ quarante toifes
de planches qu'il a venduès & pour lefquelles on avoit de
mandé un dédommagement de cent livres , fi ces dégrada
tions font defavouées la dame de Metivier en demande la
vérification , & même en ¡offre la p re u v e ; & pour don
ner des preuves de fon defintéreiTement elle fe réduira à
fix cents livres ; l’on ne prévoit pas ce que le fieur de M e
tivier pourra dire pour s ’y refufer ,
6 0 0 1.
c u
l t u
r e
O B S E
R
V A T I O N.
Le fieur de Metivier n’ignore pas fans doute que le mari
n’étant qu’un fimple ufufruitiér ne peut rien faire qui di
minue le fonds dotai , que la coupe d’un bois de haute-
�futaie n’appartient pas au m a r i , il ne peut prendre que
du ramage, du bois t a l i f , dü bois mort poiir Ton ufage.
.?
10 » ^ de ujufructu , réduit là le droit de l’ufufruitier, les loix 1 1 & 1 2 du même titre y . & la 1°^ 7 §•
folut matrim. lui interdifent-’la icoupe des grands
arbres.
•;
,
b ailleu rs fuivant Mornac , fur la loi ,r J i grandes arbores , on repute grands arbres ceux qui font âgés de 27 ou 30
ans , ou les arbres de fûtaie , ( non-feulement les chênes font
compris fous cette dénomination , mais encore tous les au
tres arbres de cette qualité , ) il cite un, Arrêt, qui la ainfi
décidé , l’ordonnance des Eaux & Forêts , titrei 1 6 , article
y » repute bois de haute?fûtaie ceux! qui feraient plantés
depuis 1 <; ou 20 ans.
Outre les deux bois de DaiiTes & de la Fontaine minérale
ll y a des coupes.de bois, à Comblat-le-pont. ,ià-r Olmer &
J1 Aris que les fieurs Froquieres avoient acquifes & que
® neur de Metivier a exploitées prefque en totalité } la
S',0u.r . e& fuppliée de voir ce qui a été dit par la dame de
•Metivier dans fon écriture du 3 1 Mars 17 5 6 .
I, lQ’ Le iieur de Metivier doit reftituer la fomme de
tr°is cents iix livres trois fols deux deniers qui étoit due
par le fermier de Raulhac , que le iieur de Metivier con
vient avoir reçue , ainft que de celle de fbixante - quinze
ivres
a pareillement déclaré avoir reçue , lefquelles
deux Tommes revenant à trois cents quatre-vingt-une livre
trois fols deux deniers , font portées dans l ’augmentation
du chapitre de recette du compte arrêté par les Arbitres ,
ci
-•
381 l. 3 f. 2 d.
13 ° * Il doit reftituer enfin la fomme de trois mille qua<rante-cinq livres qu’il'a reçu de la fucceifion du Théologal
N o y o n , fuivant la tranfa&ion rapportée par le fieur de
■Metivier , déduftion faite des intérêts à lui revenan t,
C1
3045 1.
. ‘ -es reprifes de la dame de Metiyier fe'portent donc à
^lncïuante mille fept cents quarante livres fix fols cinir
eniers, ci
50740 1. 6 f. 5 d.
f.
q
u
’ i l
�^ . ■ Dibrri'î îiiDrf o*i il f ; 2.nn :jr i.t:\
E T A T D E S D E, D U C T I
,
0
N S,
>
_ ta . dame deMetivier. confent de déduire i ° la fomme de
dix, ¡- huit': cents vingt-.quatre. livres.'dix-neuf> fols , fuivant le
compte des A rbitres, pour raifon du premier chapitre de
dépenfe , concernant les frais de m aladie, Frais funeraires
du fieur Froquieres, gages des domeftiques, tailles & ving
tièmes de Tannée du décès du fieur Froquieres, frais de l’ou
verture du teffament de la dame Froquieres , inventaire des
meubles d’Efpels & autres fommes dues par le fieur Froquieres
•fans billet ni obligation, pour éviter au fieur de Metivier
l’embarras d’en faire la preuve, ci
18 2 4 1. 19 f.
i ° A caufe des arréragés de cens dus par le fieur Froquieres , fuivant le deuxieme chapitre de dépenfe , ainfi qu’il a été
arrêté par les Arbitres, la fomme de fept cents ioixante-dix
liv r e s , ci
770 1.
30. La fomme de deux mille quatre cents cinquante livres,
payées au fieur Froquieres, Théologal de l’Eglife de Noyon,
fur fes droits légitimâmes , ci
2450 l.
. Elle offre de déduire le mbntant de l’acquifition du pré de
Rioubaffet, attendu qu’elle a porté dans l’état des reprifes les
jouiffances du domaine ■d’Efpels , perçues par le fieur de
Metivier , qui doivent être compenfées av£c le prix de ladite
acquifition , frais & loyaux-coûts , ou avec les jouiffances
duait pré , ainfi qu’on l ’a dit plus haut & qu’on le répétera
encore ci-après.
»
;
O B S E R VA
T I ON.
A l’égard de l’acquifition , faite par le fieur de M etivier,
d’un pré de Thérefe Hemenry , la dame de Metivier n’enteild
en aucune maniéré l’approuver.
C ’eft une vérité confiante que la femme n’^il tenue d’avouer
les emplois que le mari a fait de'fa dot , qu’autant que la propriété eil affurée dans fa perfonne j il faut un co n trat, W*
�■a$è public & immuable qui forme'uné loi fixe & certaine
entre le mari & la femme j néanmoins la jurifprudence eft
formelle que les acquittions faites des deniers de la femme t
•meme de ceux provenus de la vente de fes immeubles , font
propres au mari ; cela nous eft attefté par Mornac au ff. de
Juredotium , & au ff. de contrah. Empt. par Lepretre , Duplefa * A^ ur° ux & tous les. Auteurs eftimés y on en trouve un
Arrêt précis au quatrième tome du Journal des Audiences.
On le borne donc à déduire pour le prix , frais & loyauxcoûts du pré de RioubaiTet, conformément au compte du
«eur de M e tiv ie r, & au cinquième chapitre du compte réglé
par les Arbitres, la fomme de cinq mille qu atre-vin gt-d eu x
«v.res quatorze fols.
. Plus celle de foixante-dix-neuf1 livres dix fols pour l ’acquifition de quelques parties d’une fource d’eau , fuivant l ’avis
*lefdits Arbitres.
Revenant lefdites deux fommes à celle de cinq mille cent
°ixante-deux livres quatre fols , ci
5 1 6 2 1. 4 f.
, 5 • Sera déduit, conformément à l ’avis des Arbitres pour
eyiter une eftimation , la fomme de huit cents fix liv. pour les
Réparations faites par le iieur de Metivier aux bâtiments du
domaine d’Efpels , pré de RioubaiTet, & aux bâtiments de
Vie & de Raulha'c, ci
8 0 6 1.
O B S E R V A T I O N .
Au refte on fe croit obligé d’avertir le fieur de Metivier
qu’on diftingue de trois fortes de réparations, les néceflaires,
les utiles & les voluptuaires.
Les réparations néceflaires font celles dont l’omiflion caufe
la perte de la chofe.
Les réparations utiles font celles qui augmentent la valeur
la chofe.
La L oi unique, au Code de rti uxorice aSione, donne au
^ ari l’aftion appellée en droit aclio mandati, lorfque la femme
y a confenti, & celle appellée negotiorum gefiorum t lorfqu’elle n’y a pas confenti.
�Suivant L eb ru n , Traité de la Communauté, les réparations
doivent être eftimées eu égard à leur valeur au temps de la
diflolution du mariage ; il fortifie Ton fentiment de l'autorité
de Me. Charles Dumoulin , fur l'article 1 2 , titre de la C om
munauté de la coûtume de Montargis , & l’article 272 de la
coutume de Bourbonnois.
L a Loi 3 8 , de reï vendicatione , eft conforme ; elle décide
que les dépenfes utiles ne peuvent fe compter avant la reftitution de la chofe , & que l’eftimation dépend de l’arbitrage du
Juge qui a égard à la qualité des perfonnes & des chofes y
comme fi ce font des réparations utiles que le Propriétaire eûr
vraifemblablement faites ; en ce cas la Loi veut que ces dé*
penfes foient rendues jufqu’à .concurrence de ce que la chofe
augmente de prix , eoufque duntaxai qub pretiojîor fundus
fa<lus efl.
Brillon , Defpeifles enfeignent de même que les dépenfes
employées en réparations au fonds d o ta l, ne peuvent être
répétées que fuivant leur valeur au temps que le fonds eft
reltitué à la fêmme ou à fes héritiers , & non eu égard à ce
qu’elles ont coûté j ils rapportent les Arrêts qui l’ont jugé.
D ’ailleurs, Lebrun & tous les Auteurs conviennent que le
mari ne doit attendre aucune récompenfe pour les fimples
réparations qui regardent l’ufufruitier y mais feulement pour
celles qui concernent l ’utilité perpétuelle, les prçmieies fe
confondant tk formant une charge de l’ufufruit.
Pour connoîrre parfaitement les réparations qui font à la
charge de Tufiifruitier & notamment du m a r i, il faut voir
M . Auroux , Augeard , Lacombe & les Auteurs déjà cités.
D ’après cela , on obferve que les réparations que l’on vient
dJaüouer pour huit cents fix livres, confirtent dans quelques
rafes & chauffées ou clôtures qui en ont augmenté ou confervé le produit annuel j dans la conftru£Hon d’une cheminée
au Buron du domaine d’Efpels , réparation dont on pouvoii
fe diipenfer ; dans la réparation d’une chambre à Raulhac j
il parôît bien que la dame de Metivier feroit fondée à n’en
allouer aucune, ou au moins à ne les paffer, comme elle 1 »
�*
• *r /
fait dans fes écritures, que pour la fomtnô de quatre cent»
quatre-vingt-huit livres quinze fols.
Du relie , pour trancher toute difficulté on donne les mains
à 1ertimation ; la dame de Metivier n’eft pasobligeede s en
rapporter aux déclarations des ouvriers , que le fieur de Meti
vier a em ployés, elles font mandiées & exagerées ; elle ne
doit faire railon que de l’augmentation de prix des fonds aux
quels les réparations ont été faites ; ce font là nos principes
dont on peut d ’autant moins s’écarter , que le iieur de M eti
vier n’a tait conilater, ni la néceflité , ni l’utilité de ces répa
rations.
6®. La dame de Metivier a convenu , dans le récit des
faits, que pour la reconftruftion de la grange d’ E fp e ls, le
fieur de Metivier avoit fourni vingt-huit ietiers froment , dix
fétiers blé-noir, trois bariques de v i n , de la chaux & quelque
paille * l’on ne portera jamais cette contribution à la fomme
de cinq cents livres ; mais le fieur de Metivier doit fe rappeller
Jjue 7 par une fuite de la communication de leurs reffources,
il vendit une jument & un cheval que la dame de Metivier lui
avoit p rêtés, dont le prix fut porté à trois cents trente-deux
livres ; compenfation faite de cette fomme fur celle de cinq
cents liv. , le fieur de Metivier fe trouveroit en avance de cent
foixante-huit livres qu’on offre de paifer à compte j s’il prétend
être léfé , on lui lailfe la liberté de faire toutes les preuves
qu il voudra entreprendre, ci
i <58 1.
7 ° . Le fieur de Metivier emploie pour la reconftru£Hon de
la grange de V ie la fomme de trois mille cinq cents livres , &
f >our celle de la maifon du Ferm ier , celle de quatre cents vingt
ivres , fuivant l’addition de dépenfe du compte des Arbitres.
D ’après ce qu'on a dit dans l ’expofition des faits , il refulte
non-feulement que le fieur de Metivier ne peut pas prétendre
les frais de reconftruftion , foit parce qu’il avoit une aftion
en dommage contre le Fermier qui a caufé l’incendie, foit
Pour avoir intèrverti l’ufage & la deftination des bâtiments ;
^ de plus la dame de Metivier fouffre un dommage en ce que
^ c u riç n'a pas été reconilruite.
�48
C ’eft fans réflexion qu’on a fait un crime à la dame de
Metivier d’av o ir refufé des fecours pour cette reconftru&ion ,
tandis qu’elle avoit au moins, cent cinquante fétiers de blé
dans les greniers d’Efpels ,• le fait eft faux , les grains des
années 17 5 6 & *757 avoient été employés pour rétablir la
grange d’ Efpels ; la perte des fumiers produiiît une diminution
fenfible dans les récoltés fuivantes qui d’ailleurs furent confumées par la famille.
D ’ailleurs le fieur de Metivier , que fa mémoire fert fi heureufement fur les dépenfes qu’il a faites , devroit fe rappeller
que depuis fon retour à V ie la dame de Metivier fourniffoit
à toutes les menues dépenfes du ménage , telles que beurre ,
huile , favon , chandelle , épicerie, lucre , œufs , poiffon ,,
gibier ; payoit & nourrifloit les tailleurs , fiflerans & autres
journaliers ; & fi elle n’entre pas en détail fur ce p oin t, le fieur..
de Metivier ne devroit appercevoir dans cette relerve qu ’un,
ménagement de plus pour lui.
Au furplus, la dame de Metivier veut faire un dernier afte
de générofité, en facrifiant une fomme de quinze cents livres
pour le rétabliflement de ces bâtiments qui font couverts à
paille ; elle croit intimément que le fieur de Metivier en a
moins débourfé ; les anciens matériaux , les bois que l ’on a
pris dans les domaines, les corvées doivent entrer en confé
dération, ci
“ .
"
150 0 I.
Elle alloue la fomme de quatre mille neuf cents quarantehuit livres, payée à la dame de Viala fur celle de fix mille
livres qui lui avoit été donnée par le Curé de Bornel & le
T h é o lo g a l, fes on cles, telle que ladite fomme a été couchée
dans l’addition à la dépenfe du compte des Arbitres, en , pari
le fieur de M etivier, juftifiant des quittances , ci 4948 1.
90 . Elle alloue pareillement le paiement prétendu fait à la
dame Valadon dans fon contrat de mariage , de la fomme de;
mille livres pour le legs à elle fait par la dame Benech , fon
aïeule ; & celle de cinq cents livres à compte de la conftitution à elle faite par la dame de M etivier, en rapportant les
quittances, ci
150 0 1.
i o ° . Elle
�49
1
offre de déduire auffi la fpmme de cinq cent$ livres
payee a la dame du Noyer , fœu.r du iieur de M etivier, pour
le don de pareille fomme qui lui fut fait par la dame de Meti
vier dans ion contrat de, mariage , en affirmant ,-Par le,fievr
de Metivier , que la ‘ dame l’on époufe ne lui .délaii-fa p^s
pareille fomme à prendre du fieur Lefpinats fur le prix de
les fromages , ( il prit même mille livres au lieu dg.ç^nq.cents
livres , ) ci
- ’
‘500 1.
i i 0. Elle offre de même <^e déduire deux cents vingtquatre livres d ’ une p a r t , prétendue payée .pax le ..fieur de
Metivier pour lés arréragés de cens clu .¿pmaijné.d’Ë fp e ls,
depuis 17 5 3 jufques & compris 177.1 , en rapportant les
quittances, fau fla dédu&ion de la rente que ladité Dame
a payé au Seigneur de Loubefac pour, la montagne de
Vie ; mais elle avoue qu’elle eft bien .édifiée de ce que
le fieur de Metivier a payé, auflï exactement les rentes, du
domaine d’Efpels , tandis qu’il doit encore la totalité des
rentes du domaine de V ie depuis qu’il en a la jouiffance.
Elle paffe la fomme de vingt - quatre livres payée par le
heur de Metivier au procureur, de Noyon , ces deux arti
cles reviennent à deux cents quarante - huit livres ,
c* o~
' 2,48 1.
iz °* Elle n’entend élever aucune, difficulté pour .la fomme
de cinq cents foixante-cinq livre? trois fols comprife dans
premier chapitre de reprife , fuivant l’arrêté des Arbi
tres , à la charge , par le fieur de Metivier , de rappor
ter les titres de créance & les diligences pour en empê
cher la perte , ci
- 565 1. 3 f.
1 3 ° * Il en eft de même de la fomme de quatre cents
cinquante livres d ix-fep t fols , montant du deuxieme .cha
pitre de reprife du même réglément des Arbitres , en reprêfentant les titres & les diligences luffifantes, ci. 450 1. 17 f.
dernier témoignage de bienveillance & d’at
tention pour la dame de Metivier , fon mari porte en
reprife pour cent tren te-n eu f livres , les habits de feu
Me. Froquieres , troqués avec une robe des Juifs pour la
dame kde Metivier 4j une tabatiere d’argent & une épée
G
1
4
0
*
P
o
u
r
�t■
don^ n fi ^ p ^ e n t du coT\ftmeoient, d i t - i l , :de la dame de
'M e t i v ï ë r , 6 c une Comme de trois cents trente ftx livres ,
pour -quelques effets de la fuccefïion du fieur Froquieres
dont il s’eft chargé en recette , quoique la dame de Metivier
les ait reçus.
;i
O B S E R V A T I O N .
L a dame de Metivier peut avoir fourni des quittances de
quelques fommes légeres , foit pour autorifer des remifes
faites a u x (débiteurs , foit à çaufe de l’abfence du fieur de
Metivier , fi Ccéia eft \ elle a remis ce qu’elle a reçu , &
elle p e u r dire q u ’elle s’eft m êlée, moins qu’elle n'auroit
dû , du re'couvremént de fes effets ; elle attendra qu’on lui
ait communiqué ces quittances pour allouer ou conrefter
cet article dont la premierepartie eft démontrée peu décente.
D ’un côté le fieur de Metivier eft obligé de nourrir &
entretenir la dame de M etivier ; il ne lui a rien fourni, il
ne lui a pas. même remis; l’argent qu’il pria la dame de
M etiviçr de lui prêter après fon mariage , ni fix cents
livres qu’il lui avoit promis pour habits de noces , ni cent
vingt livres que la dame de Metivier avoit reçu de fon
pere lorfqu’il'p a r titd e 'V a ls ; la dame de Metivier lui prêta
to u t, à ; l ’exceptio'n de quinze louis qu’elle employa pour
payer ce qu’elle avoit acheté à l’occafion de fon mariage ;
elle lui remit même quatre pieces d’or , qui lui avoient été
données par fes pere & mere , pour payer quatre cents
Jivres qu’il devoit à la fçeurde Saint-Benoît religîeufe au Buys.
D ’ailleurs la dame d e'M etivier a n o u rri, & entretenu
trois de leurs enfants pendant deux années entieres , fouvçnt quatre , & deux fans interruption } elle a employé
tous fes revenus dans fa famille.
O
*~ •S
UR
b s e r v â t
L E S•
A Â T I C I E S
i o
n
R E J E T T E ’ S.
Au flïrplus elle ri^éntend point déduire la fbmme de mille
quatrè-vingt-quatorze livres portée en compte par le fieur
''de Metivier , dans le troifieme chapitre--de dé-penie , potit
�$1
le prix de la ferme de V ie , ou poutîià 'redevencécUfe'au
College d’Aurillae , attendu que la deduftion a'été faite
fûr le montant des grains , trouvés eniefpece âu décès du
fieur Froquieres , que l’on n’a portés en
que pouf
quinze cents livres dans l’article trdisxi-deffus des reprifes
de la dame de Metivier.
-h
<! . ,.\i 'O
Ni la pretendue augmentation de beftiaux fa ite ip à ïrl0
fieur de Metivier dans* les domaines d’Efpels', Raulhac Sà
Vie , attendu que le fieur de Metivier a retiré non-feule'^
ment l’augmentation du cheptel d'Efpels » mais mêmeceild
des domaines de Raulhac & V ie , & qu’il n?y a petit--'étira
Pas a&uellement dequoi remplir dans ces deux derniers, d o
daines le cheptel qui exiftoit au décès du fieur Frdquieres*
Ni les jouiffances du domaine d’Efpels ; elle a démontré
dans la premiere propofition qu’elle lùi appartiennent ert
totalité fans aucun efpoir de* reftitutiûn. p ou r-lé' fiéur deî
Metivier.
. i •
j
:; i :q -¡¡¡^
.
A l ’égard des jouiflances du pré de R io u b affet, portées
pour fept cents quarante*une livre quinze fols dâns l’addlt)on à la reprife du réglément fait par les A rb itres, il fe
prefente plufieurs réflexions;
i
,,
, .quoiqu’elles- aient été eftiméesr, par i Rofchërÿ ,
office à deux cents vingt livres p a r année *lfe fieur de?
Metivier aura peut-être la-fincerité dîavouer qu*il n eFavoic
^nermé à Boigues, fermier des'ReHgieufes , & à Berghaud r
erniier de ladite D a m e , qu’entour cent vingt livres , &
cela refulte encore du prix que retire le fieur de M etivier
d’une portion affermée à Antoine Chaffang du-village d’E Ê
Pels ; en forte que les iepx années , portées en dépenfô rantr
^ans fon compte que dans Tairrêré des Arbitres rte monleroit qu’à huit cents quarante livres.
Sur quoi il convient de déduire les charges annuelles que
ta dame de Meiivier établira avoir acquittées.
>
Plus foixante livres poür la portion dudit pré joui par
à raifort de quinze livres paît année.
^
"Plus deux cents quatre-vingt treize livres cinq fols que
Ie fieur de Metivier convient avoir été payée à fa déchargé
r e c e t t e
�p a riia b d a m s/ J c ' M û tm e i: ^'cfuivaiit fa: lettre,^du qüin’zerFév n ë r i i r j . j 2 . ; y i'x ‘f , h
1 ::p J > ' - r r
. tr 'Ih u A ’ b ^-oliC-r./
»• P a r t a h t îil n’y au ro it de difficulté que p o u r r,une fom m e
t r è s - modique»:,
;4 t, .
. -j v
zviM aia o i i a vujLqùe<: le -pré. d e^ R iau b affet a y a n t:'é té a c q u is
en 1 7 4 9 , la dam e de M e tiv ie r n’.a débiÎTé pour.lo.rs à fon
niairr. |aojbüiiî^ixcë du:dom aine. d 'E fp e ls qiie pour en p a y e r
le, p nix.uD ès.-lors:, ifi; le p rix de cette acquisition a du néc eifairem en t fe co m p en fer a v e c les jou iffan ces p erçues p oftérieu rem en t par je;.fieur de M e tiv ie r & dontiil étoit c o m p
table-,- Jesj fruits (de; c e :'pçé:.ont dû conféquem m ent tourner
aubproifitode:<la)idan)& de .M e tiv ie r , com m e a y a n t été
acq u is:jd e :fes d en iers.
r.i ;i '
Le concours des deux qualités de crénnciere & de débi
trice a dû opçrer l ’extin&ion de la prétendue reprife du
fie,ur dç\ Mètiviet], & . il.irepugneroit que le fieur de Metivier eût perçu en pur gain les fruits des biens extradode la: .dame de .Metivier . pour les émployer à aug
menter le domaine d’E f p e l s &■ s’attribuer par la fuite une
copropriété de ce domaine ou devenir créancier de cette
augmentation contre la dame de Metivier.
f Elle n’entend pas davantage faire raifon au fieur de.M e
tivier de -là fomme de quatrervingt Jivres. prétendue payée
au fieur. Lefpjnats , . marchand^ comme aiant été reçue de
trop ¡jar feu Me. Froqùiei'es.1
Ni les frais prétendus faits contre les débiteurs & portés
au 9e. chapitre de. dépenfe , olçs Arbitres ont rejetté ces
deux articles , ils en ont: dit le; taotiif ,nla dame de Metiyierj les avd.it prévus dans fes écritures, j;
-r.
1 ;
■
: N.ivla fomme-dé deux )centS !livres p:our.les frais du voyage
du fieur de Metivier à Noyon y le teftament dli Théologal
étoit nul pour avioir. été dirigé en faveur du Chapitre de
Noyon ; le fieur de^Metiviec ,l'approuva; pQU.r (me ¡modique,
fomme de troisimiller.livres , tandis qu’il revenoit à ,1a dame
de Metivier .dix mille, livres, pour les deux ¡tiers q u elle,
amandoit dans la fucceflion > fûit du c h e f de fon pere , foit
du chef de la dame Delrieu qui avoit renoncé au p r o f i t du,
t a
ù
x
;
�53
fieur Froqu ieres ; le v o y a g e de N o y o n n ’é ta i t donc - pas
a v a n t a g e u x pour la dam e a c M e t i v i e r ; l’on fupprime les
raifons qui ont e n g a g é le C u r é de Bo rnel à attefter a u e la
tranfa&ion lui étoit utile , & l’on a jo u te que ce qui d é t e r
mina le v o y a g e du fieur de M e t i v i e r fut d ’une pa rt fon intér êt
perfonnel , pour les intérêts , & la crainte q u e tic e t t e . fomme
ne fût faifie.
■ Ni celle de deux cents q u a t r e - v i n g t livres que le fieur de
M e tiv i e r prétend a v o ir e m p l o y é e pour la rép ar ati o n du c o u
v e r t , du d e g ré & du pl ancher de la maifon du fermier de
R au lh ac , en con féquence des ob fervations faitesjplus h a u t ,
que le mari ne peut ré péte r que les ré p arati o n s q ui ont a u g
menté la v ale ur du fonds ; & q u ’il n’y a que les groiTes r é p a r a
tions qui ne foient pas à la c h a r g e du fieur de M e t i v i e r ; a u
.furplus elle ne fe refufe point à une vé rific ati o n , aiTurée q u ’elle
, que ces réparatio ns con ce rnent le m a r i , c o m m e ufu-,
fruitier.
•
Ni les intérêts & les frais q u ’il préte nd n’a v o i r pas to u c h é s ,
attendu qu ’il ne s ’en eft pas c h a r g é en r e c e t t e , c o m m e on l’a
déjà o b f e r v é , & que cela eft attefté par les A rb it re s dans le
troifieme chapitre de reprife.
Les déduftions d em eure nt donc fixées à la fomme de v i n g t
mille huit cents q u a t r e - v i n g t - t r e i z e j l iv r e s trois fols.
,
—
■ R
-
■
e
*
;
, J r
C A P I T U L A T I O N.
Livres. Sols. (Den.
’
50740 6 5 j
tî i 1
*
'
Reprifes de là dame de M e tiv ie r, H .
^
' ' *
;
'
Déductions du fieur de Metivier ,
Partant la dame de Metivier
',
• -'if'.)!creanciere de fon mari de
-,
eft
-
I
‘ ‘
‘
-
/
-
. .
r
.
'
20893
1 *
3
. f.
* 9 8 47,(1.3
iij
�.
. .
54
* Ses biens (ont encore affe&és à deux mille quatre cents*
livres en a rg e n t, pour bagues & joyaux auxquels leurs enfants
ont un droit affuré , & à des gains de furvie , à la v é rité ,
conditionnels.
N ’eil-il pas évident que l ’on a porté à l’excès le ménage
ment pour le (leur de Metivier ; il fait retentir le Palais de les
clameurs ; les Loix font violées ; une faillie idée d’intérêt , un
efprit de domination ont porté la dame de Metivier à envier
à un homme de condition l’adminiftration de fes biens ; la
calomnie a empoifonné fes jours & porté le flambeau de la
haine dans tous les replis de fa vie.
Jaloux de fa réputation, il devoit effacer jufqu’aux plus
légers foupçons de l ’e n v ie , il étoit dur pour lui de rendre
bouche clofe à gens qui ont envie de parler ; il devoit montrer
qu’une plus longue obftination rendroit la dame de Metivier
coupable à fon égard ; qu’elle n avoit rien perdu de fes biens,
& .qu’il avoit confervé les fiens.
' Ces idées flatteufes le font évanouies par des preuves aux
quelles i f eft impoffible de réfifter ; & fi la vérité a jamais
occupé fon attention ; elle a été entièrement bannie de fon
M émoire.
"* Le bien dè Vais , tel qu’il eft maintenant , diftraftion faite
des rentes ; avoit été affermé au (leur Laumond , par le fieur
du Doux , pour cinq années qui prirent leur commencement
en M ars 175 ? » moyennant dix-fept cents livres dédu&ion
faite des charges ; il refïoit onze cents livres de produit net ;
que^'o.« .en eiH^e la propriété à trente-cinq même quarante
mille* livres * il ÿ a infuflifance de vingt mille livres pour rem
p li r a s engagements du fieur:de Metivier. Vbilâ l/état au vrai
de fa fortune i fi les empreflements. du fieur de M e tiv ie r, à
préfenter uii compte ,'n ’ont eu d'autre morifque de fe juftifier
ayx y,eux du P,u,^lic 8ç de fon époufe , l’événement ne répond
pas à fon attente.
, -1:y .
'
■ .
'
’
D éjà l’alarme a faifi fes créanciers y ils n’ont fufpendu leur
a ftiiité rque^pa,^Pefpoir d ire c ile illir, lâns contradiction , les
débris de fa fortune.
' A quels périls les biens de la dame de Metivier ne fer.oient-
�ils pas liv ré s, s’ils ¿toîent plus long-temps entre les mains de
ion mari ? Le penchant pour la diiïïpation , dont il ne fe lafle
pas de donner des preuves , lui feroit bientôt imaginer de nou
veaux moyens pour engloutir ce qui refte de mobilier , &
entamer les immeubles, les meubles, les-beftiaux'j8soütils
d agriculture ,• tout difparoîtiroit.
1 t
C e qu’il ne feroit p a s , pourroit-on éviter que fes créanciers
ne le fiifent /
La Cour ne peut prévenir fes derniers coups qu’en pronon
çant la réparation ; par là elle pourvoira au repos de la dame
de Metivier ; elle confervera au fieur de Metivier & à fes
enfants , malgré lui, unereflource & leur état-.
V o u s, que l’erreur avoit précipité d ’abîme en abîme, qui
deviez vous attendre à finir auprès de votre époufe les jours
languiffants d’une vieillefle dépourvue de t o u t , vous n’aurez
plus le trifte droit de devorer & d ’amoindrir fa fubftance ;
vous ceflerez d’en avoir la volonté quand vous faurez quelle
amertume votre conduite avoit répandu fur la vie de votre
r^alheureufe époufe , fur celle d’un pere donc la vieillefle
alloit devenir infupportable par l ’état où vous alliez le
réduire.
A Dieu ne plaife que le remede, qu’elle y apporte , altéré
la férénité de vos jours ; elle conferve encore aflez de fortune
pour vous faire aimer la vie ; l’ufage le plus honorable & le
plus d o u x , qu’elle puifle en faire , eft de la partager avec
vous ; vous ne ceiTerez pas d’adminiftrer ; elle écoutera vos
Confeils & fera de fes revenus l’ufage que vous-même eufïïez
dû en faire j elle confent même que vous en ayiez toute la
gloire.
Quelle eft encore votre réfiftance ? attacheriez-vous de l’huttiiliatioti à une demande qui » pour la dame de M e t iv ie r , eft
le gage le plus precieux de fon amour pour vous & pour
vos enfants, qu’elle a peut-être trahis pour n’en avoir hâté
la pourfuite ?
La féparation n’ eft humiliante que pour ceux q u i , par
un complot criminel, voudraient enrichir leurs enfants aux
dépens de leurs créanciers j d’ailleurs, quoi de plus digne
,,r » r
.
�56
de la nature & de l’honneur que d ’abandonner une adminiftration dont on a mal ufé ; d’abjurer une conduite excufable peut-être , parce qu’elle annonce une ame généreufe
& des attraits naturels pour la fociété ; vous n’aurez jamais
plus de crédit que lorfque vous jouirez des bienfaits de votre
époufe l ’illufion fe diffipera ; l ’oubli profond , du torrent
qui vous entraînoit, vous biffera goûter , fans alarmes , la
douce fatisfacti o n d’être à vous-même & à votre famille.
. ¡ Voilà dequoi vous confoler de la perte de votre fortune ;
& .fi votre retour eft fincere , .en voilà trop pour appaifer
la dame de Metivier , tarir fes pleurs , &; effacer de fon
fouvenir l’erreur qui les a faits repandre. ! '
Confeillier ,
Me. A R M A N D , Avocats M e. M A B IT , Procureur.
r
•!
D e l'imprimerie
d ’A n t o i n e
V i a l l a n e s
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Froquières, Jeanne. 1773]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Armand
Mabit
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
successions
jeux d'argent
domaines
commerce
fromages
arbitrages
doctrine
créances
Description
An account of the resource
Mémoire signifié pour dame Jeanne Froquières, épouse de Messire Jacques-Philippe de Métivier, écuyer, Seigneur de Vals, demanderesse en séparation de biens. Contre le sieur de Métivier, son mari, défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie d'Antoine Viallanes (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1773
1743-1773
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
56 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0720
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Mont-Dore (63236)
Vals (château de)
Espels (domaine d')
Vic (domaine de)
Raulhac (domaine de)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
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arbitrages
commerce
Créances
doctrine
domaines
fromages
jeux d'argent
séparation de biens
Successions
-
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60ab661de0c483374f070ab4e2919158
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MEMOIRE
COUR
D ’APPE L
SÉANT
P O U R
Les héritiers F L O U V A T ;
C O N T R E
Jeanne
,
A S T A N I È R E veuve M A R C O N .
I l est peu d ’héritiers aussi maltraites par les procès de successions,
que l'ont été les sieur et dames Flouvat. L a veuve Marcon est
depuis vingt-un ans en possession de son lot et de la presque tota
lité des autres biens; cependant, après des variations sans nom bre,
elle se dit aujourd’hui leur créancière.
Quoique toutes les difficultés soient réglées entre les parties par
deux arrêts; à en juger par le mémoire que signifie la veuve M arcon
il resteroit encore à statuer sur un compte inextricable.
A Dieu ne plaise que les sieur et dames Flouvat aient le projet
d’y fournir des débats détaillés! Après trente-cinq ans déjà passés
en procès, le reste de leur vie n ’y suffiroit pas.
A R IO M .
�( a )
Il semble que la veuve M arcon ait oublié ce règlement des arrêts,
car la base de ses calculs repose sur des systèmes nouveaux. 11 faut
encore chercher ces systèmes dans l’entassement de chiffres sous
/ lequel elle a affecté de les cacher, pour que la lassitude de la suivre
fit adopter en niasse un compte qu’on ne comprendroit pas.
C a r, il faut 1 avouer franchem ent, les héritiers F louvat, épou
vantés d’ avoir à combattre un ennemi fort de soixante-dix pages
1 in-4°. de chiffres, et d’un errata de deux pages, ont senti toute
la difficulté de lutter contre de telles arm es; et, semblables aux
E gyptiens, qui se voyoient forcés de résoudre, sous peine de la
vie, une énigme du Sphinx, ils ont hésité d’abord si, dans l’im
puissance de répondre à celle de la veuve M arcon, ils ne lui lais—
seroient pas plutôt dévorer ce qui reste de leur fortune.
Cependant il étoit dur de penser que la veuve M arcon, ayant
cédé ses droits pour 4 °°o liv re s, dans une succession estimée
27000 liv ., jouissant de son lo t, et débitrice en sus de 13900 liv.
depuis plus de vingt ans, pût cependant se trouver libérée et même
créancière.
Cette impossibilité étoit tellement palpable qu’elle devoit résister
à tous les chiffres du monde; et quand les héritiers Flouvat se sont »
un peu enhardis à considérer les détails du compte de la veuve
M arcon, ils ont vu bientôt le bout d’oreille percer en plusieurs
endroits, et ont trouvé très-simple que la veuve M arcon parvint
se dire créancière, lorsqu’elle fait porter intérêt à ce qui lui est
d û , et n ’en fait porter aucun h ce qu’elle doit; lorsque pendant
quarante ans elle s’obstine à trouver qu’un sixième revenant à sa
mère est absorbé par les charges , tandis que la moitié qu’elle y
amende elle-m êm e se porte chaque année à une somme consi
dérable; lorsiju’enfin, de son autorité privée, elle ajoute à son
I
�( 5 )
actif des valeurs arbitraires, des sommes inconnues, et éteint des
l ’origine, par une compensation à sa guise, les capitaux quelle
doit, pour qu’ils ne portent plus intérêt.
Voilà cependant sur quelle base est fondé un colosse de compte
qui pourroit séduire d ’abord par l ’immensité du travail et par
les précautions minutieuses qu’on a affecté de prendre dans des
tableaux explicatifs. L es héritiers Flouvat nç l’attaqueront pas
dans sa jn a sse , ils n ’y sont pas tenus, et n ’oseroient d’ailleurs
l ’entreprendre ; mais ils se contenteront de revenir à leur propre
com pte, sur l’une des premières années, de le comparer à celui
que présente la veuve M arcon à la même époque, et d ’en exa
miner les points de discordance. Cela suffira pour toutes les autres
années et pour l’éclaircissement du procès.
Pour se rendre intelligibles, les héritiers Flouvat donneront
quelques explications sur les faits principaux qui ont précédé le
compte ; et il est surtout nécessaire que la cour ait sous les yeux
l’état de la famille des parties et les deux arrêts principaux qui
ont statué sur leurs contestations,
F A I T S .
E t i e n n e A s t a n i è r e , m o rt en 1722.
M ARIE A u T E R O C H E , m orte le 11 m ars 1743 .
M a r ie .
F r a n ç o is e ,
Jean A s ta n iè r e .
A n to in e ,
Jea n -Jo sep h ,
m orte ab intestat.
C la u d a A u te r o c ü e .
m ort le 27 sep-
m o iu e .
tem b re 1738.
I
A s t a n iè r e .
C la u d e M a rc o n .
M r-C ésar,
M arc-A l e x .
M a r ie .
m o rt le i 5 septem -
m o rt le s a ju in
A n to in e F lo u v a t .
bro 1739.
1740.
I
�(4 )
Jean Astanière, par son testament de 1^5 8 , avoit institué ses
quatre enfans héritiers par égalité, sauf un préciput à César, de
5ooo livres.
César et Marc étant décédés peu de temps après, en droit écrit,
leur mère avoit recueilli une portion virile : mais elle passa en
secondes noces, et perdit par conséquent la propriété de cette
virile, sauf l’usufruit ; elle ne conserva la propriété que de la por
tion recueillie en collatérale du chef de M a rc , dans la succession
de César, comme n’étant pas provenue e x substantid patris, sui
vant la distinction du droit.
L a dame M a rc o n , héritière pour moitié dans le surplus, con
tracta mariage le 3 septembre 174^, et céda au sieur Flouvat ses
droits successifs moyennant 4000 liv., et ;\ la charge d ’être libérée
de la moitié d’une pension de 5oo liv. due à sa mère par la succes
sion paternelle.
Sa mère, présente, lui constitua de son chef 5 ooo livres, et la
moitié de scs meubles m eublans, à la charge de ne demander
aucun compte. Cette constitution étoit conforme au contrat de
mariage de la dame Flouvat, qui avoit été instituée héritière clela
mère en 1742.
En 177 1, la dame Marcon se pourvut contre sa cession, sous
prétexte de minorité.
U n arrêt du parlement de Paris, du 5 i juillet 177g* annulla
cette cession, condamna le sieur Flouvat à rendre compte des jouis
sances des successions cédées, depuis le 3 septembre 174^» avec
intérêts depuis la demande, à la charge par la dame Marcon de
lui faire compte de la moitié de la pension de i 5o livres, et de la
somme de 4000 livres, avec interdis depuis les payemens.
En exécution de cet arrêt, les biens furent estimés par experts
�(5)
le 24 février 1780. L e sieur Flouvat présenta l’état des charges dont
les biens étoient grevés, jusliiia du payement des 4000 ü v*>
de
quelques dettes de la succession.
L e procès sembloit toucher à sa fin : mais la dame M arcon ne
trouva pas avoir assez gagn é, et elle éleva la prétention singulière
que les 4000 livres ayant été reçues par son mari ( insolvable ), on
n ’avoit de recours que contre lui ; elle fit naître une foule de dif
ficultés sur les dettes payées, sur les charges, sur l’usufruit dû à
la m ère, représentée en cela par le sieur F louvat; car la dame
Marcon avoit trouvé plus lucratif de scinder sa cession, et de s’en
tenir à la dot particulière que sa mère lui avoit constituée.
Ces nouvelles difficultés donnèrent lieu à second arrêt du a 5
juillet 1781. Cet arrêt condamne la dame M arcon à payer person
nellem ent, i°. la somme de 4000 liv., avec les intérêts ¿1 compter
du jour cle chaque payement ( Ils sont de 1743, 1745 et 1746* ) ;
2 . la somme de 725 livres pour quatre ans et dix mois de la pen
sion de i 5 o liv.; 5 . la somme de 1000 liv. ( pour une provision
payee ); 4 • la somme de 5 oo liv. ( pour autre provision p ayée) :
elle est encore condamnée à faire compte de 279 livres 5 sous de
dettes payées.
'
Il est dit qu’il ne sera pas fait compte des intérêts de ces articles,
mais que les sommes seront compensées sur les jouissances jusqu’à
due concurrence.
Et à l’égard des déductions à faire sur les jouissances, des cens,
rentes, et usufruit dont les biens étoient grevés, l’arrêt porte les
dispositions suivantes :
O rd o n n e que sur le montant desdites jouissances revenantes à la fem m e
M a r c o n , seront déduites les sommes c i - a p r è s ,
�(6 )
■S a v o i r , i°. celle de i 5 G l i v r e s , portée en l ’article i du troisième c h e f
des conclusion s cle lad ite d em a n d e ;
a 0. C e lle de S7 livres a s o u s , portée en l ’article a ;
3 °. La m oitié des arrérages de la rente de 157 l i v r e s , payée aux sieurs
Costet de Crespat , à co m m e n ce r du 3 septembre 1 7 4 3 , jusques et com pris
l ’é c h é a n ce de la Tou ssain t d e 1769 seulement ; le tout sa uf la d é d u c tio n
des im positions royales ;
E t en outre la somme de 1 1 9 l i v 10 sous, faisant m o itié des 23 g l i v . ,
pa y ée à com pte par F lo u y a t fils a u d it de C re s p a t, le ao juillet 1 7 7 4 , en
sem b le la moitié de tous autres payeinens faits par lesdits F lo u y a t audit
d e C r e s p a t , depuis 1769 , sous les mêmes d éductions ;
4 °. L a somme de 997 liv . i o s o u s , portée en l ’article 4 ( droit de sur
v ie de la m ère ) , sur laquelle néanm oin s seront retenues les im positions
royales ;
5 °. C e lle d e 55 livres 10 sous T portée e n l ’a rtic le 5 ;
6°. L a m oitié des intérêts de la somme de 1260 l i v r e s , form ant le q u art
revenant à C l a u d a A u tero ch e dans le prélegs de M ich el-C ésa r A s t a n i é r e ,
depuis le 3 septembre 1 7 4 3 , ju s q u ’au 8 jan vier 1 7 7 2 ; ensemble la moitié
de la somm e à laquelle se trouvera m o n te r , depuis led it temps , le seizième
des jouissances des biens de Jean A stan iére, qui a appartenu à ladite C laud a
A u t e r o c h e , du c h e f d u d it M ic h e l- C é sa r Astan iére, à titre d ’usufruit seule
m e n t , d éd u ction faite des intérêts, tant des charges foncières que des rentes
annuelles et autres ch a r g e s, lequel seizième sera liq u id é d ’après l ’estimation
générale qui sera faite ( si fait n ’a été ) des jouissances des biens d u d i t
Jean A s t a n ié r e ;
7 0. L a m oitié de la som m e à laq uelle se trouvera m onter, p o u r le temps
et d ’après les estimations et déd u ction s ci-dessus énoncés , le d o uzièm e
des jouissances des biens de Jean A s t a n i é r e , q u i a appartenu à ladite C lau d a
Auteroche,
à titre d ’ usufruit s e u le m e n t,
d u c h e f personnel de M a r c -
A lex a n d re Astaniére :
P lu s , p e n d a n t led it tem ps, la moitié de? intérêts de la som m e de 4 1^ Hv»
i 3 sous 4 d e n ie r s, faisant le tiers revenant à ladite C la u d a A u t e r o c h e dans
le quart rec u eilli par ledit M a rc-A lexa nd re A staniére, du prélegs de 5 ooo liv.
d e M i c h e l- C é s a r , son f r è r e ; p l u s , la m oitié de la somme à laq uelle se
trouvera m o n t e r , po u r le temps et d ’après les estimations et d éd uction s
c i dessus é n o n c é s , le quarante - huitièm e des jouissances des biens diidit
Jean Astaniére , q ui a appartenu à ladite C l a u d a Au t er o c h e , à titre d ’usu
fruit s e u le m e n t, du c h e f d u d it M a r c-A le x a n d r e , c o m m e a y a n t eu droit
�( 7 )
dp jouir d ’un tiers dans le seizième échu a u d it M arc-Alexandre par le décès
d u d it M i c h e l - C é s a r , son frèru ( * )•
D éb ou te les héritiers F lo u v a t de leur d em ande en p a y em en t d u surplus
de la som m e portée en l ’ article 3 , et en condam nation d ’intérêts des sommes
portées aux sept articles ci-dessus,
sauf l ’im pu tation et la com pensation
sur les jouissances , ainsi qu'il a été ci-dessus ord o n n é.
C o n d a m n e lesdits F lo u v a t à a cq u itte r et faire te nir q u itte lad ite M a r c o n
de toutes d em andes et répétitions qui pourroient être formées c o n tre elle
pour raison d ’a u cu n e des dettes , rentes et charges ci-dessus allouées auxdits Flouvat.
E t dans le cas où , par l ’évén em en t des im putations et com pensation s
ci-dessus ordonnées , soit a vec les jouissances a nnuelles , soit a vec les autres
sommes particulières q ui po u rroien t se trouv er dues à lad ite M a r c o n , elle se
trou v ero it reliquataire envers lesdits F l o u v a t , c on d a m n e ladite M a r c o n à
payèr auxdits F lo u v a t le m o n ta n t d u d it r e l i q u a t , avec les intérêts à c o m p te r
du 5 o mai dernier , jour de la d e m a n d e , dépens c o m p e n s é s , fors le c oû t
de l 'a r r è t , q u i sera supporté par c e lle des parties qui , d ’après les i m p u
tations et compensations ci-dessus ordonnées , se trouvera d éb itrice.
Après une aussi ample explication, il ne sembloît plus rester de
difficultés; mais la dame Marcon ne jugea pas le procès assez com
pliqué ; elle prétendît qu’on n ’obéissoit pas à l’arrêt de 1779» en
se désistant sur le champ; et cependant elle n ’adoptoit pas le rapport
d experts de 1780, et concluoit à un amendement : à cela elle ajou
tait plusieurs conclusions nouvelles.
i°. Elle plaidoit, en première instance, sur le partage de la suc
cession de Marie A uteroch e, son aïeule, ouverte en 174^; elle le
fit évoquer au parlement.
( * ) C e ca lcu l de fraction s se réd u it à un s ix iè m e ; en e ffe t , r
«
~
T
ï
— ï.
C ’est donc un six iè m e que la nièrij a en u su fru it.
l ’ i u s , il lu i est accordé u n q u art et une m o itié dans le p réleg s de fcooo liv r e s , aussi en
u su fru it.
E n f in , ses d roits en p rop riété sont fix és à u n n e u v iè m e , p lu s un t r e n t e - s ix iè m e , par
l ’arrêt ci-ap rès.
�(S )
a*. Elle plaidoit sur le partage de la succession de son père et
de ses frères, quoiqu’il fû t virtuellement ordonne par les deux
premiers arrêts, dès qu’on devoit lui rendre compte de moitié des
jouissances; elle le fil encore évoquer.
5°. Elle plaidoit sur le partage de la succession de Clauda Auteroche, sa mère, ou du moins de la virile à elle due, de l’argenterie, ^
des gains de survie et du compte de tutelle, quoique son contrat
de mariage et les précédons arrêts eussent réglé tout cela : autre
évocation , et jonction du tout.
4“. E nfin, elle demanda les jouissances de 178 1, qui étoient de
d roit, en vertu du premier arrêt.
Ces nouvelles réclam ations, et les débats qu’elles occasionnèrent,
embrouillant de plus en plus le procès, il fut rendu un troisième
arrêt le
I er.
août 1781.
« L es F lou va t sont c o n d a m n é s à se désister de la p o rtio n de b iens cédés
» en 1 7 4 3 , a v e c r estitu tion de jouissances et intérêts depuis 1 7 7 1 .
« I l est or d o n n é u n e nouvelle estim ation aux frais a va n c és de la dama
« M arcon. »
F ,lis a n t d r o it sur la dem ande en p a r ta g e d e la s u c c e s s io n d e M a r ie
s is ta n iè r e , évoquée en la c o u r , c o n d a m n e les héritiers F lo u v a t à payer
à ladite d ame M a r c o n la som m e de j 5 livres , faisant m oitié
de celle
d e i 5o liv r e s , à laquelle les meubles délaissés par M a r ie A u te r o clie ont
été estimés par le procès
le i 5 octobre
Verbal de d esc r ip tio n
fait après son décès ,
; ensemble la som m e de 18 livres i 5 sous p o u r le quart
en sus de ladite e stim a tio n , avec les intérêts d u tout à c o m p te r d u d i t
jo u r ; ensemble la m oitié de la valeur de tous autres meubles qui seront
justifiés a v o ir appartenu à lad ite M arie A u t e r o c l i e , au jou r de sa m o r t ,
m êm e des li t s , ta b le s, a r m o i r e s , coffres <:t chaises de M a r ie A s t a n i é r e ,
q u e ledit feu Ant oi ne F lo u v a t a reconnu a voir eus en sa possession , sui
v a n t l’estimation
qui en sera f.iite à l’ami.ible en tre les parties , sinon
par exp °rtj conven us d ev an t le juge royal d ’Issu ite, que la c o u r c o m m e t ,
ou par lui pris et nom més d ’office. Q u a n t aux autres droits de la suc
cession
de ladite M a rie A u t e r o c l i e , r é s u l t a n t , soit de son
contrat de
mariage
'
�(9 )
mariage avec Etienne Astanière , <lu
janvier 1681 , soit de la recon-
noissance passée pa r-d e va n t n o ta ire s , du 16 juin l'Ji'J t sans s arreter a
tous traités q u i auroient pu être faits au préju d ice de l ’institution contenue
dans le contrat de mariage de Jean Astan ière , d u 16 février 1722 ;
O rdo nn e que ladite M a r c o n , p o u r sa moitié dans lesdits droits , sera
payée sur les biens de la succession d u d it Jean Astanière , de la somme
de 3408 livres ; s a v o i r , celle de i 85 o l i v . à la date du 23 jan vier i6 S t , et
celle de i 558 livres à la date du 16 juin 1 7 1 7 , ensemble des intérêts
du
tout à c o m p te r d u
12 mars
174-3 j date d u décès de lad ite M a r ie
A u tero clie (*).
E n c e q u i to u c h e les dem andes en p a r ta g e d e la s u c c e s s io n d e J e a n
A s t a n iè r e , père c o m m u n , évoquées en la cou r , sans s’arrêter à la d em a n d e
en n u llité de la d isposition de Jean Astanière , relative à son m o b i l i e r ,
form ée par ladite M a r c o n , la d éclare n o n -recevab le dans sa dem and e
afin de partage des m eubles meublans d u d it Jean Astanière.
A l ’égard des im m eu b les autres que la maison située sur la place d ’I ssoire ,
ordonn e que dans la q u in za in e de la signification du prése n t
arrêt a
personne ou d o m ic ile , il sera à l ’am iable , si faire se peut , sin on par
deux experts autres que c e u x qui o n t dressé le procès verbal du 24 fév rie r
1 7 8 0 , p ro c éd é à la v i s i t e ,
arpentage
et e stim atio n
Vignes et bois , proven an s de la succession
des te rres,
prés,
d u d it Jean Astan ière , au
nom bre desquels ils c o m p r e n d r o n t le bosquet ou petit bois Saussay, actuel
lem en t joint au pré M outon par la partie seulem ent q ue lesdits experts
r ec on n oitron t être devenue une d ép en da n ce d u d it pré M o u to n , laquelle
partie sera, par lesdits experts , mesurée et estimée a vec led it pré M o u to n .
O r d o n n e que lesdits experts p ro c éd ero n t ensuite au partage et d ivision
de tous lesdits biens en deux lots égaux , autant que faire se pourra ,
lesquels l o t s , chargés de leurs soultes ou retour en d en iers, si aucunes il
y a , seront tirés au sort.
Q u a n t à la maison située sur la p la ce d ’Issoire , ayant égard aux d e m a n d e s,
offres et consentemens respectifs des parties , ord onn e que par les mêmes
experts il sera procéd é à la v i s i t e , toisé et estimation de ladite m a i s o n ,
en distinguant dans ic elle les trois parties d o n t elle se trouve a c t u e lle
m en t composée ; sa voir :
La prem ière p a n ie acquise par feu A n to in e F lou va t , de J e a n - B a p t i s t e
T i x i e r et sa fem m e , tenant du m id i
à la maison de C h a b r a t , et de
bise , à la seconde partie ci-après.
(*) Celta somme a ¿té payée. Voir l ’acte de 1 7 8 3 , ci-après,
B
�( 10 )
L a d i t e seconde partie én on cée et d écrite en un proeès verbal et rapport
d 'e x p e r ts, du p rem ier octobre 1667.
L a troisième partie , qui , a c o m m e n c e r des confins de la précédente ,
suivant ledit procès v e r b a l , form e le reste de ladite maison actuelle jus*
q u ’au c o i n de la maison du nom m é le B l a n c , de bise.
Lesquels experts examineront s i , dans l ’état actuel de la m aison, les trois
parties qui la com posent p e u v e n t se partager en telle sorte que les h éri
tiers
F lo u v a t aient la p rem ière po rtio n
ci-dessus
désignée , la
fem m e
M a r c o n et la veuve F l o u v a t , aient chacu n e m oitié dans le surplus ; auquel
cas ils in d iq u eron t et fixeront la m anière d ’o p é r e r , au profit desdits h é r i
tiers , le partage et séparation de la prem ière portion d ’avec le s u r p l u s ,
ainsi que le partage et séparation dud it surplus.
E t dans le cas où lesdits experts seroient d ’avis que lad ite maison ne
pe u t sa partager , et q u ’il seroit de l ’intérêt de toutes les parties ou de
q u e l q u ’une d ’elles de l i c i t e r , soit les trois portions de maison e n s e m b le ,
soit seulement les deux dernières portions , o r d o n n e q u ’ils estimeront la
valeu r de c h ac u n e desdites portions qui seront à lic ite r .
•
O r d o n n e au s u r p l u s , par rapport à la nouvelle estim ation des fruits
et jouissances c i-d e v a n t prescrite , que par les mêmes experts il sera de
s u ite , et par un procès verbal sé p a ré , p ro c éd é aux frais de ladite M a r c o n ,
et sauf à r é p é t e r , com m e d it e s t , à la nouvelle estim ation du produit de
c hacune pièce de t e r r e , pré ou
vig n e ,
le 3 septembre 1 7 4 3 ,
depuis
jusques et com pris 1 7 7 9 , année c o m m u n e , eu égard aux bonnes et m au
vaises années , d é d u c tio n faite des tailles , vingtièm es et autres im p o s i
tions royales , m êm e des cens et rentes foncières ( autres que celle
de 8 livres i 3 sous 4 deniers due aux B én é d ictin s , de 5 livres due aux
prêtres de S ain te-A n n e , de trois coupes from en t due aux mêmes , sur la
v ig n e aux C h a p e l l e s ;
desquels
cens
et
rentes
les parties
ont c om pté
entr'elles jusqu’ en 1778 et 1 7 7 9 , suiv an t l ’arrêt du 25 juillet dernier ) ,
ensemble des frais de culture et semailles , suivant l ’usage des lieux , sans
a v o i r , par lesdits experts , aucuns égards à la prétention des héritiers F lo u
vat , dans le cas où ils prétendroient a ppliq u er à feu A n to in e Flouvat la
jouissance à titre de percière , des objets dont
les baux à pe rcière ont
cesbé pe n d a n t sa possession ; desquels objets 1 s fruits et jouissances , à
com pter de la cessation desdits baux à p e r c i è r e , seront estimés p u rem ent
et s im p le m e n t , et suivant la d é d u c tio n ci-dessus.
C o m m e aussi ordonn e que lesdits experts estimeront la valeur du prod uit
<!<■ chacun desdits objets d ’année en a n n é e , et c e , suivant les m e r c u ria le s ,
minages ou pancartes de c h a c u n e a n n ée, s'il
s’en trouve po ur chaque
espèce de fr u it s , e t , à défaut d ’icclles , suivant la com m u ne ren o m m ée et
�( ”
)
leurs connoissances personnelles , dans
laquelle
fruits et j o u is s a n c e s , ne sera , du c o nsentem en '
estimation toutefois de
respectif des p a r t i e s ,
com pris le prod uit du bosquet on petit bois S a u s sa y , joignant le pre M o u ton .
O rdo nn e p a reillem en t que lesdits experts e s t i m e r o n t , com m e dit est , le
prod u it ou la valeu r de tous les objets ( autres que ceux expressément ex
ceptés par le présent arrêt ) q ui leur seront indiqués par l ’ une ou 1 autre
des p a r tie s, c o m m e d èp en d a n s des successions d o n t il s’a g i t , et c e , sans
p r é ju d ic e du d ro it de la partie q u i se c ro ir o it fo n d ée à em p êch er ladite
es t im a tio n , défenses réservées au con tra ire ;
C o m m e aussi qu'ils estim eront les loyers q u ’o n t du prod u ire les deux
dernières parties de la m a ison , eu égard à l ’ état dans lequel elles étoient
a va n t les réparations et reconstru ction s faites par feu A n t o i n e F l o u v a t ,
d éd u c tio n faite sur le m on tant desdits loyers T i°. de ceux des cham b res et
logemens stipulés au profit de M a rie A stanière et de C la u d a A uteroclie ,
aux termes des contrats de m ariage des 16 février 1722 et i 5 octobre 17/(2,
po ur le tem ps qu’elles en ont joui ou dû j o u i r ; 20. de ceux de la moitié de
la seconde partie d é c rit e au p roc ès v e rb a l d u p rem ier o c to b r e 1667.
R e la tiv em en t aux dem andes des héritiers F l o u v a t , afin d ’in d e m n ité des
réparations , nouvelles a cq u isition s , impenses et recon stru ction s par eux
prétendues faites dans lesdites deux dernières parties de m aison , c o n d a m n e
ladite M a r c o n , su iv a n t s e s o f f r e s , x°. à pa yer auxdits héritiers F lo u v a t la
somme de /po l i v . , de laq u elle ils ont d éclaré se c on ten ter p o u r une in d e m
nité de la moitié des droits cédés à feu A n to in e F l o u v a t , dans la seconde
partie de lad ite m a is o n , par Jean-Baptiste T i x i e r ' e t Jeanne M o u r n a t , son
épouse ; 20. à ]eur payer le m o n ta n t des réparations utiles et nécessaires
faites par le d it A n to in e F l o u v a t ; à l ’effet de q uoi ord onn e que par les
e x p e r t s , et dans le m êm e procès verbal d ’estim ation des f r u i t s , revenus
et jou issa n c es, estimation sera faite desdites réparation s, r e c o n s t r u c tio n s ,
impenses et améliorations utiles et nécessaires.
S u r les demandes de la dame M a rcon , afin d ’ind em nité des aliénations
faites par An toin e F lo u v a t , d ’aucuns des biens de la succession de 3ean
A sta n ièr e,
d éclare ladite M a r c o n non recevable. dans sa d e m a n d e en i n
d em n ité de la valeur et des jouissances des im m eubles donnés par led it
F lo u v a t à M a rie A s ta n iè r e , par la transaction du zZ septembre 1 7 4 4 , pour
l'a c q u it de sa légitim é.
Q u a n t aux in d e m n ité s prétendues p o u r l'a lién a tion de la petite maison
de Sauvngnac , v e n d u e à rente au n o m m é Canassy , et de la v ig n e aussi
donnée à rente à un p a r ticu lie r de S auvngnac , o rd on n e que par les mêmes
experts il sera procéd é à la visite, to is é , mesure et e stim a tio n , ta nt de
l a d ite maison que de ladite vigne , eu égard à le u r v a le u r actu elle
B
2
dé-
�( 12 )
du ction faite toutefois des im p e n se s, augmentations et améliorations qui
jeroient du fait des preneurs à rente , ensemble à l ’estim ation des loyers et
jouissances depuis le 3 septembre 1743 jusques et c om p ris 1779 ; et, dans le
cas où le m o n ta n t de 1 estim ation excederoit le p r in c ip a l des rentes m oyen*
n an t l e s q u e l l e s lesdites maison et vigne on t été a lié n é es, c o n d a m n e dés à
présent les héritiers F louva t à p ayer l'excédent à ladite M a r c o n .
A l'egard des im m eubles qui ont pu être c o n c é d é s à aucuns p a r t i c u l i e r s ,
s o it
par ledit Antoine F l o u v a t , soit par sa veuve ou ses h é r itie r s , à titre
de perciere , donne acte au xd its ve u ve et héritiers F l o u v a t , de leurs
offres de rend re sans e f f e t , dans le délai d ’un an à c o m p te r de la date du
present a r r ê t, tous les baux à percière q ui ont pu être consentis par ledit
feu A n to in e F louva t ou par eux , sans a u cun e garantie toutefois du fait
des tenanciers q u i se p rétend roien t en d roit d ’en jo u ir a ud it titre de p e r
c i è r e , in d é p e n d a m m e n t desdits nouveaux baux à p e r c i è r e , et en vertu de
titres en possession antérieure à iceux.
Sur les autres dem andes respectives des parties , afin d ’estimation des
d égrad ations ou améliorations prétendues faites aux terres, vignes et p r é s,
les m et hors de cour.
D e toutes lesquelles estimations de jou issances, répa ra tion s, r econ stru c
t i o n s , impenses et am éliorations et i n d e m n i t é s , sera, par lesdits e x p e r t s ,
dressé procès verbal séparé , c o m m e dit e s t , lors d u q u e l les parties p o u r
r o n t faire tels d i r e s , réquisitions et observations que bon leur semblera.
P o u rr o n t lesdits experts, à l’effet de toutes les opérations des deux procès
ci-d«ssus o r d o n n é s, f a i r e telles autres opérations prévues ou non
prév u es qu'ils jugeront nécessaires ou c o n v e n a b le s, m ê m e , en cas de par
V erb au x
tage e n t r 'e u x ,
c o n v e n ir d ’un tiers expert devant
le juge royal d ’Issoire ,
que la c o u r c om m et à cet e f f e t , ou en requérir la n om ination d ’office;
po u rron t aussi c o n s u lt e r , si bon leur s e m b l e , les v o i s i n s , o u v r i e r s , et
autres ayant connoissance de l ’ancien état et valeur tant de la maison d ’Is
soire que de la maison et vig n e baillées à rente , m êm e , com m e renseignem e n s , les titres et papiers q u i leur seront remis par les p a r tie s, n o ta m
m en t le procès verbal du prem ier octob re 1(167 . c elu i dressé à la requête
d u d it A n to in e F l o u v a t , le 22 avril 1 7 5 7 , et enfin celui du 2.4 février 1780.
F jH ce. f/ni to u c h e la dem ande en p a r ta g e d e s s u c c e s s io n s d e M ic h e lC é sa r e t d e M i n e - A l e x a n d r e A s ta n iè re ., frères c o m m u n s , form ée par
la d ame M a r co n ,
D on n e acte à ladite M a r ro n de ses offres de faire état ou payement en
deniers , à la veuve F lo u v a t , de la valeur à laquelle se trouvera monter la
portion virile de C lau d a A u ter o ch e , mère c om m u n e , dans la succession
d u d it M arc - Alexandre A staniére ; lui donne pareille m en t acte de ce q u e ,
�( ,3 )
par leur requête du ¡\ juin d e r n i e r , lesdits Flou vat accep ten t lesdites offres;
en co n s é q u e n c e , c on d a m n e ladite M a r c o n à faire état ou p a y em en t en d e
niers , à ladite ve u ve F l o u v a t , de la m o itié de la som me de 555 livres 11 sous
2 deniers , faisant le neuvièm e des 5 ooo livres de prélegs fait à Michel-Cesar
Astanière , par Ji.-an, son p è r e , ensemble de la m oitié du trente-sixième de la
valeur à laq u elle les biens de Jean A stan ière se trouveront monter , d après
l'estimation ci-dessus ord onn ée , d é d u c tio n faite des capitaux tant des charges
fon cières que des dettes , en sem ble dudit prélegs et autres legs , si aucuns y
a eu ; auxquels neuvièm e et trente-sixième le d roit de portion virile de Clau d a
A u teroclie , q uan t à la p r o p r ié t é , dem eure fixé p a r lu présent a r r ê t , sans
p réju d ice de l ’usufruit de la totalité des portions viriles de ladite C la u d a
A u teroclie , dans les successions desdits M i c h e l - César et M a r c - A l e x a n d r e ,
ses enfans , suivant q u 'il est fixé par l ’arrêt du 25 juillet dernier.
C e faisan t, sur la dem ande en partage desdites su c ce ssio n s, met les parties
hors de cour.
E n c e q u i to u c h e les demandes relatives à la s u c c e s s io n d e C la u d a
A u t e r o c lie , déboute lad ite M a r c o n de sa d em a nd e en n u llité de l ’o r d o n
nance du juge d ’ Tssoire, du 2g mai l'/ 'jZ , qui a permis à la veuve F lo u v a t de
prendre la qualité d ’héritière par b énéfice d ’inventaire de lad ite C l a u d a
Auteroclie.
Sans s’arrêter aux autres demandes de ladite M a r co n , afin de p a rtag e,
tant des portions viriles recueillies par C la u d a A u t e r o c l i e , que de ses gains
de survie , ni à sa dem ande afin de remise de sa p a rt de l’argenterie p r é
tendue irouvée dans la succession de C la u d a A u t e r o c lie , desquelles d em a n
des elle est d éb outée, d on ne acte aux F lo u va t de la déclaration faite par
ladite M a r c o n , q u ’elle n ’entend point d em a nd er le c o m p te de tu telle à
elle du par C la u d a A u te r o clie ; en c o nséquence , cond am ne ladite ve u ve
F l o u v a t , en ladite qualité d ’héritière bénéficiaire ,
i ° . A payer à ladite M a r c o n la som m e de 3 ooo livres à elle assurée par
ladite Clauda A u te r o clie , tant par le contrat de mariage d ’A n t o i n e F l o u v a t ,
que par celui de ladite M a r c o n , sous la c o n d itio n de ne pas d em and er
ledit co m p te de t u t e l le , avec les intérêts à c om pter du 8 jan vier 1 7 7 2 ,
date du décès de lad ite C lau d a A u t e r o c lie ;
2e. A délivrer à ladite M a r c o n la m oitié de tous les meubles en nature
( a u tre s q u e c e u x d e cave ) , à elle pareillem en t assurée par lesdits contrats
rte mariage , et ce , suivant les procès verbaux d ’apposition de scellés ,
reconnoissance d ’iceux et in v e n t a ir e , des 8 jan vier 1 7 7 2 , 6 et 19 j u i l
let 1 7 7 5 ;
3 °. A payer en m êm e temps à ladite M a r c o n la som m e de 35 o liv r e s ,
à laquelle la c o u r arbitre les dommages - intérêts r é s u l t a n s , soit du d é
�(
*4
)
faut de jouissance desdits m e u b le s , soit d u dépérissem ent q u ’ils ont pu
éprouver.
Sera ladite veuve F lo u v a t tenue de satisfaire aux condam nations ci-dessus1,
dans deux mois p o u r tout d é l a i , a com pter de la signification du présent
arrêt à personne ou d o m i c i l e , si m ieux elle n ’aime ren d r e son com pte de
bénéfice d'inventaire , ce qu elle sera tenue de faire dans le m ême délai de
deux m ois , sinon , et a faute de ce faire dans ledit d é l a i , et icelu i passé ,
en vertu du présent a rr êt, et sans q u 'il en soit besoin d ’autre , la déclare
d é c h u e d u d it bénéfice d 'in v e n ta ir e , et la répute d é b itric e p u r e .e t sim ple
d e ladite M arcon .
L e tout sans préju d ice et sous la réserve des droits et prétentions des
héritiers F lou va t , contre la succession de ladite C la u d a A u te r o c h e , d é
fenses réservées au contraire.
E n c e q u i to u c h e la dem ande de ladite Mar-con, afin de jo u is s a n c e p a r
m o itié y en la p ré sen te a n n é e , d e ton s le s f r u i t s e t revenus d e s b ie n s
d o n t i l s’ a g i t , ensemble afin d ’ind em nité de la priva tion q u ’elle a essuyée
d ’aucuris
d ’ic eu x en 1 7 8 0 ,
nonobstant
l ’arrêt
provisoire
du
8 juillet
de la m êm e an n ée, ordonne que led it arrêt sera exécuté pour la présente
a n n ée
com m e
i l devoit l ’être po ur 1780; en
c o n s é q u e n c e , que
ladite
M a r c o n jouira de tous les biens des successions dont i l s’a g it, par égale
po rtio n a vec la veu ve F l o u v a t , à la charge par elle , suivant ses offres ,
i ° . de faire état ou payem ent à la ve u v e F lo u v a t pour les années 17S0
et
178 1, des
in té r ê ts
de
la som m e
à laquelle
se
trou vera
m on ter,
quant à la p r o p r i é t é , d'après les estimations ci-dessus o r d o n n é e s , la por
tio n vi r i l e de C l ? u d a A u t e r o c h e , dans la succession de M a r c - A le x a n d r e ,
son fils, appartenante à lad ite ve u ve F l o u v a t , en sadite q u alité d'h éritière
b énéficiaire ;
20. D e c o n trib u e r pour m o itié au payem ent des c e n s , ta ille s , v in g
t i è m e s , frais d ’exp lo itatio n, rentes et autres charges desdites su ccession s,
m êm e de p a y e r , à la S ain t-M artin p r o c h a i n e , aux héritiers F l o u v a t , la
som m e de 218 livres po ur intérêts des 4°oo liv r e s , d ’une p a r t, et 725 liv.
d 'a u t r e , allouée par l ’arrêt du 2.5 juillet d ern ie r, plus celle de 18 livres
répétée par les F lo u v a t p a r leur requête du 4 juillet d e r n i e r ; lesquelles
sommes néanmoins ladite M a r c o n demeure autorisée à reten ir entre ses
m ains , sur et en d éd u ction du m ontant des sommes par elle répétées à
titre de non jouissance pe n d a n t l'a nn ée d e r n iè re , de tout ou partie d ’au
cuns des objets desdites successions ; à l ’effet de quoi o rd on n e que par
les mêmes experts qui procéd eron t aux opérations c i- d e v a n t ordonnées ,
la m oitié revenante à ladite M a r c o n
dans les loyers de la deuxième et
iroisieine portion do la maison sur la p la ce d ’Issoire , pour les années 1780
�( i5 )
et i y S i , sera estimée , eu égard à l ’état dans lequel etoient lesdites p a r
ties de m aison avant les réparations et reconstruction s faites par A n t o i n e
F lo u v a t , et d é d u c tio n faite seu lem ent des loy ers de la moitié de ladite
deuxième partie ; desquels loyers , ensemble du m on tant du produit de*
autres objets dont ladite M a r c o n n 'a pas eu la j o u is s a n c e , elle pourra
im puter et d éd uire la somm e sur le total de celles allouées par ledit arrêt
du 3,5 juillet dernier.
S u r le surplus des dem andes , fins et conclusions desdites parties , les
inet hors de cour.
C o n d a m n e les F l o u v a t , pour tons dom m ages et i n té r ê ts , aux trois quarts
des é p ic e s , v a c a t io n s , et co û t de l ’arrêt du 6 septembre 1 7 7 9 , q u i a dù être
a v a n c é par A n to in e F louva t et sa f e m m e ; cond am ne la dam e M a r c o n à
l ’autre quart des dépens réservés par 1rs précéd e n s arrêts; p l u s , à supporter
ou rembourser le quart des é p i c e s , v a c a t i o n s , et coût d u d it arrêt du 6 sep
tem bre 1 7 7 9 , tous les dépens relatifs à la nouvelle estimation réservés : c o n
d am n e la ve u ve F lo u v a t en une m oitié des autres dépens faits depuis l ’arrêt
du 6 septembre 1 7 7 9 , autres que ceux de la cause jugée par l ’arrêt du
a 5 juillet d ern ie r , de laquelle m oitié ladite ve u v e F lo u va t pourra e m p lo y e r
un sixièm e en frais de bénéfice d ’inventaire : cond am ne les héritiers H o u v a t
en un sixième desdits dépens, les deux autres sixièmes compensés, que la dame
veu ve Flouvat et la fem m e M a r c o n em p lo iron t r e sp e ctiv e m e n t en frais de
partage.
F.t sera le cout du présent arrêt supporté pour deux c in q u ièm es par la
dame veuve F l o u v a t , qui pourra en e m p lo ye r un sixième en frais de b én é
fice d inv en ta ire ; pour un au tre cin q u ièm e par les h éritiers F lo u v a t ; un
cinqu ièm e demeurant com pensé entre l a d i t e ve u v e F lo u va t et ladite M a r co n ;
et 1 autre c in q u iè m e réservé pour être répété en définitif.
11 est aisé de vo ir, par-plusieurs des dispositions de cet arrêt,
que le parlement étoit lassé de statuer sans cesse sur les mêmes
difficultés ; il donnoit tout pouvoir aux experts ; il régloit des in
demnités d ’office: et il y avoit lieu de croire qu’enfin il n ’y auroit
plus de procès.
M ais les sieurs Flouvat étoient assez malheureux pour qu’il n ’en
fût pas ainsi. Les experts nommés pour l’amendement requis
par la dame M arcon, employèrent un rapport de n eu f cent vingt
�( 16 )
pages à être divisés d’opinion ; un tiers expert estima la succession
à 27905 liv. 5 sous, et fixa les jouissances.
L es héritiers Flouvat purent enfin s’exécuter; et ils prouvent,
par ce qui se passa alors, combien ils étoient jaloux de terminer
avec la veuve Marcon par tous les sacrifices possibles.
i°. L ’arrêt lui adjugeoit, dans la succession de l’aïeule , une
somme de 3408 livres ; ils lui délaissèrent des fonds pour cette
somme.
20. L ’arrêt lui adjugeoit 83 liv. i 5 s. pour le mobilier de ladite
succession, estim é; plus, la moitié de celui qu’Antoine Flouvat
reconnut avoir en sa possession (d ’après une transaction de 1756).
Les héritiers Flouvat le fixèrent eux-mêmes à i 5 o livres, lors du
premier rapport d ’experts : ce qui eut lieu sans réclamation.
3 °. Par traité du 12 novembre
i j
85 , ils délaissèrent des im
meubles à la veuve Marcon pour la payer de tout ce qui lui étoit
dû dans, la succession maternelle, c’est-à-dire , de 3 ooo üy. pour
sa d o t, de 1714 hv* pour intérêts, de 35 o liv. pour dommagesintérêts arbitrés d ’office , et
pour
la somme de 55 o liv. pour un
quart des frais du premier rapport.
E t comme les immeubles cédés excédoient lesdites sommes de
celle de ï /^oo livres, il fut dit que cette somme de 1400 livres
resteroit entre les mains de la veuve Marcon , pour être ensuite
imputée : elle en est débitrice.
4 °. Par autre traité du 19 décembre 178 4 , la maison d ’Issoire
fut licitée entre les parties à i 56 oo livres ; la femme Marcon la
retint pour cette som m e, et il fu t réglé qu’il ne lui en revenoit
que pour a 5 oo liv. ( à cause des réparations et augmentations
inllcs par le sieur Flouvat. )
Sur le surplus, elle paya 600 liv. aux sieurs Flouvat; elle retint
en
�( l7 )
en scs mains la somme de i 25oo liv. pour en faire le rapport,. Sur
(J u oi
elle s’obligea d ’acquilter ce qui restoit dû au sieur T ix ie r ,
vendeur ( environ 800 liv .) ; et il fut ajouté qu’elle feroit compte
de l’ intêrét du surplus au taux de la lo i, sans retenue.
A in s i, la voilà débitrice de 1400 liv. depuis iy 83 , et d’environ
11700 liv. depuis 17 8 4 , avec l ’intérêt au denier vingt.
D e leur p a rt, les sieurs Flouval dévoient la restitution des jouis
sances de la moitié des biens de Jean Astanière depuis 174^; mais
tout prouvoil que les charges les réduisoient à rien , puisque leur
père avoit donné tous les biens à jouir à sa belle-mère pour ses
reprises : fait dont la dame M arcon se fait elle-même un m oyen.
T elle étoit la position des parties, lorsque le 18 mai 1785 la
dame Marcon assigna les sieurs Flouvat pour exécuter les arrêts,
et voir homologuer les rapports.
A lors les sieurs Flouvat présentèrent leur compte le 1". février
1786.
Ils divisèrent chaque année en deux chapitres ; le premier se
composoit, i°. des sommes payées à la dame Marcon , avec l'in
térêt , 2 . des reprises de la mère ( représentée par eux suivant les
aiiets ) , 3 . des charges annuelles et rentes; et le deuxième cha
pitre se composoit de la moitié des jouissances dues à la dame
Marcon , suivant le rapport.
Par ce com pte, les héritiers Flouval s’établirent créanciers de
5 i 52 liv. en 1780, époque où la dame Marcon s’étoit mise en pos
session; à cela, ajoutant les provisions payées, et autres sommes
ne portant pas in térêt, p lu s, les i 25 o liv. prix du retour de lot
de la maison, et.enfin les intérêts du tout jusqu’à la fin de 1785;
il en résulta que la dame Marcon étoit débitrice de 17983 liv.
Bientôt les sieurs Flouvat s’aperçurent qu'ils avoient omis dans
G
�C 18 )
ce compte quelques articles, et notamment la somme de 1400 liv.
portée en l’acte de 1783, comme restée dans les mains de la dame
M arcon : ils rectifièrent cette erreur par des conclusions.
L a dame M arcon signifia, le 17 décembre 178G, des débats à
ce
com pte,
ou plutôt elle en présenta un nouveau, où elle se
reconnut débitrice, en compte final, d e 4629 liv ., déduction faile
des 4000 livres et des i 5 ooo livres; laquelle somme de 4629 livres
elle prétendit devoir rester en ses mains pour sûreté des frais par
elle faits , offrant de payer Vintérêt de ladite somme de 4629 liv.
suivant l’acte de 1784.
Com m e par ce débat la dame M arcon avoit fait apercevoir
quelques défauts de calcul au compte des sieurs F lo u va t, ceux-ci
les rectifièrent par une écriture du 6 avril 1789. C e n’est qu’après
celte dernière rectification que le compte fut affirmé par-devant
M . Ferrand , conseiller, le 2 juillet 1789: après c e la , la dame
M arcon fit encore signifier de très-longs débats le 17 décembre 1790.
*Tel fut le dernier état au parlem ent, supprimé peu de jours après.
On fait grâce à la cour du détail fastidieux d ’une foule de pro
cédures frustraloires et occultes , qui furent faites sous le nom de
la dame Marcon , au sujet du même compte. On avoit fait inter\enir sa fille, comme curatrice du sieur M arcon; c’est à elle qu’on
rendoit un compte : on y faisoit paroilre plusieurs prétendus créan
ciers, et le procureur lui-même y intervenoit sous son nom. On
faisoit trouver les sieurs Flouvat débiteurs de 67000 liv.; et on surprenoit des arrêts par défaut , auxquels , faute d’eri recevoir copie,
il n 'y avoit pas eu d ’opposition, fenfin le scandale de celte procé
dure appela l’attention: un arrêt du 5 o août 1786, la déclara toute
entière nulle et fruslratoire, et condamna le procureur ( le sieur
Colet de lila c y ) aux dépens en son nom personnel.
�( *9 )
L e procès fut repris à R io m , comme tribunal choisi par les
exclusions respectives, en 1702. II n’y fut rien statué; mais ce qui
s’y passa est important pour la cause.
L e 1 3 prairial an 4 >les fils M arcon, agissant pour leur mère, signifièrent aux héritiers F lo u v a t, que le jugement du procès en reddition
de compte étoit peut-être fort éloigné, parce que le tribunal civil étoit
encombré d ’affaires (e tsa n s doute que les assignats approchoient
de leur fin ); qu’ils avoient intérêt de se libérer de trois objets indépendans du compte; en conséquence, ils firent des offres, à porte
feu ille ouvert et papiers déployés ( ce sont leurs expressions ), de
*999 ^ ^v* » Pour 1° Pr*x resté en leurs mains des deux actes de
1783 et 1784, et pour la virile due à Clauda Auteroclie, dans les
successions de ses enfans ; ils augmentèrent ces offres par autre
exploit du i 5 , et les portèrent à 21000 liv.
Ces offres ont été déclarées nulles, par jugement du a 5 prairial
an 7 , attendu qu’elles dépendoient d’un compte non réglé. 11 n’y
a pas eu d’appel de ce jugement.
Enfin, le procès a été repris en la c o u r, où la dame M arcon a '
fait signifier le inémoire auquel on répond.
M O Y E N S .
L a dame Marcon s’obstine h 11e vouloir pas suivre les formes
reçues. L ’ordonnance de 1667 dit que l’oyant compte donnera ses
blâmes et débats dans la huitaine ; et c’est un compte nouveau
qu’elle a voulu présenter. Mais où en seroit-on, et comment pourroit-on s’entendre, si le comptable étoit obligé de débattre un
second compte? et quelle raison y auroit-il pour qu’il n ’en donnât
pas aussi un troisième, sous prétexte de corriger le second ? 11 f auC a
�C 20 )
droit bien aussi le présenter avec ses apostilles et ses preuves ; et
malheur à la patience même la plus exercée, si les héritiers Flouvat
eussent voulu rectifier le second ou plutôt le troisième compte de
la dame Marcon par un quatrième compte!
L a course passera certainement de cette surcharge de chiffres;
il est même difficile de ne pas lasser son attention , par ce qui
reste à lui dire. Mais au m oins, puisqu’un soutènement décom pté
est chose nécessaire, les sieurs Flouvat en abuseront le moins pos
sible, et se contenteront de prendre pour exemple la première
année 1743 , c’est-à-dire, les quatre mois comptés de l ’année 174^ ;
de là ils parcourront quelques articles d’années subséquentes.
Il faudroit peut-être répondre auparavant à un calcul prélimi
naire que fait la veuve M arco n , aux pages 4 et 5 de son mémoire.
M ais la plupart de ces articles sont des objets étrangers aux arrêts,
et déjà proscrits par les hors de cour : tout cela d’ailleurs exigeroit
des développemens nouveaux; e t, dans une cause aussi compli
quée, ce seroit brouiller les idées de la cour, et s’embarrasser soim êm e, que de s’éloigner de l’objet positif du procès.
Il s’agit d ’un compte de jouissances , dû à la veuve M arcon, qui
doit, de son côté, des créances réglées, et des charges. Ce compte
a été présenté, il ne s’agit donc que d’examiner en quoi on le
dit défectueux.
§ . i ,T. D e 1743* ( Pctge 8 du mémoire. )
L ’article premier est un capital de 5 oo liv. pour un terme de
la dot reçue par la dame M arcon; elle l’alloue. L ’article 2 éloit
de 7 liv, 10 sous pour les intérêls de cette dot en 174^* L a dame
M arcon, par sa requête de 178G, allouoit 7 liv. 7 sous (j den. ;
�( 21 )
par sa requête de 1790, elle allonoit seulement 29 sous ; et enfin,
par son mémoire , elle n’alloue rien du tout.
Cette négation paroît d’abord peu conséquente ; mais elle s étend ensuite à toutes les années du compte ; et par ce moyen ,
la dame Marcon se dispense de payer pendant quarante ans 1 in
térêt des 4®oo livres qu’elle a reçues, malgré l'arrêt de 1779*
Son m oyen (q u i se trouve page 10 ) est de dire que le capital
est éteint par la compensation de sommes antérieures au 3 septemt
bre 1743» et ne peut porter intérêt.
Quelles sont ces sommes? Elle n’en dit x’ien. Quelles peuventelles être? A ucunes, sans contredit ; car les héritiers Flouvat ne
doivent rien d ’antérieur.
Us ne doivent que du mobilier de la succession de l’aïeule : le
total etoit de 86 liv. par l’arrêt, à quoi ajoutant *75 liv ., suivant
le rapport des sieurs Petit et R o b e rt, on sera toujours bien loin
de compenser 5 oo liv., et ¡x plus forte raison, dans les années
suivantes, sera-t-on éloigné de 4000 liv.
D ailleurs , de quel droit la dame M arcon raye-t-elle un article
autorisé? L arrêt du 21 juillet 1779 la condamne à faire compte
de la somme de 4000 liv. ; savoir, 5oo liv ., etc. avec intérêt à
compter de chaque payement.
Les articles 5 , 4 , 5 , 6 ont peu de différence entre le compte
Flouvat et la correction. C elte différence sera aisément rectifiée
lors de l’apurement; et quoique les héritiers Flouvat croient avoir
raison , il est inutile d’en occuper la cour.
L ’article 7 , relatif au sixième revenant en usufruit à la m è re ,
est rayé par la dame M arcon; et son m otif ( page 10 ) est de
renvoyer à un tableau par elle rédigé, pour montrer qu’il n ’y a
rien de reste dans la succession après les charges payées, et qu’ainsi
le sixième se réduit à rien.
�( 22 )
il y a p lu s, car nous verrons ci-après , dans Je § . II, que la
dame Marcon fait supporter à sa mère le prétendu déficit qu’elle
dit avoir observé.
C et article est encore très-important ; car il se répète à toutes
les années suivantes; et il en résulte que pendant vingt-neuf ans
( j u s q u ’e n
1772
)
les Flouvat n ’auroient rien
à
prendre pour lé
sixièm e des jouissances dû à leur mère : cela 11’est exact que pour
très-peu d’années , et les héritiers Flouvat n’ont pas attendu le
tableau auquel la dame M arcon les renvoie, pour dim inuer, ou
rayer même les années absorbées par les charges*
Par leur requête de 1789, ils ont réduit l’article 7 , de 174^ , à
39 so u s, et ont indiqué les autres années pendant lesquelles il y
avoit des déductions à faire.
M ais la loi doit être égale, et les héritiers Flouvat prennent acte
du tableau lui-m êm e, pour en induire que la moitié de ces mêmes
jouissances due à la dame M arcon doit aussi être réduite à rien.
C e n ’est cependant pas là le calcul de la dame Marcon ; elle
raye les articles du sixièm e, et conserve ceux de moitié.
N e nous étonnons donc plus qu’avec de tels élém ens, en ôtant
tous les ans d ’une part, et augmentant de l’autre, il y ait au bout
de quarante ans une si grande différence entre les deux comptes.
Il faut rétablir l’article 7 comme les sieurs Flouvat l’avoient
réduit eux-mêmes en 1789, et il est juste de partir de celle base
pour les années suivantes, jusqu’à 1772. Les héritiers Flouvat con
viennent encore que le sixième des jouissances revenant à la m ere,
et devant être prélevé avant partage , doit n ’être compté qu’en
dernier article, c ’e s t - à - d i r e , après le dégrèvement des charges.
L es articles 8 et 9 ne sont diminués que de peu de chose : c’est
encore un objet de calcul lors do l ’apurement.
�( =3 )
'
L ’article 10 consiste en 277 liv. i 5 s. pour le neuvième on pro
priété du prélegs de 5ooo liv. adjugé par l’arrêt du 1 '. août 1781.
L a dame M arcon ne rejette pas indéfiniment celte somme ; mais
il lui plaît de la transporter à l'année 1772 , comme elle le dit à
la page 10.
f •"
Ses motifs seroient assez cu rieu x, s’ils n’étoient contradictoires
1
avec ceux qu’elle emploie dans son tableau relatif à la radiation
de l'article 7. Si cela étoit p a yé, dit-elle, en 1 7 4 s , la mère n ’auroit plus dû réclamer les intérêts; et il vaut mieux lui payer la
somme au moment de sa m o r t, parce qu’elle a besoin jusque-là
de son revenu.
>
D ’après cela, on va croire que la dame Marcon portera tous
les ans l’intérêt de cette somme à sa mère pour la dédommager :
point du tout.
On croira au moins q u e , dans le tableau en question , elle lui
en fait compte, avant de la grever d’un sixième du prétendu
déficit, Au contraire ; car elle porte la moitié du prélegs en dé
duction , quoique la mère ne le prenne p a s , et il résulte du tableau
que la mere n ’a rien dans les jouissances à cause du [»rélegs qui
aide a les éteindre. 11 résulte aussi des pages 8 et 10, qu’elle n ’a
rien dans le capital de ce prélegs, a cause qu’il faut lui conserver
scs revenus.
11
11e reste plus qu’à savoir à quelle page on lui accorde ces
revenus ; mais la dame Marcon n ’en a accordé nulle part. Cepen
d a n t, dans son acte d’offres de l’an 4 , elle comptoit 6000 livres
d’ intérêts, et par conséquent elle y comprenoil ceux du.prélegs
de sa m ère, puisqu’il faisoit partie dos.trois capitaux offerts.
A u reste, comme la veuve Marcon n’est pas libre de transposer
des sommes qu'un arrêt ne transpose pas , les héritiers Flouvat
�( ^4 )
demandent qu’elles soient laissées à l’année où ils les ont placées,
parce que jamais on n’a vu attendre le décès d ’un créancier pour le
payer.
Ils remercient la dame Marcon d’avoir bien voulu veiller à leurs
intérêts, en disant qu’elle opéroit ainsi pour ne pas priver la mère
de ses revenus. M a is, s’ils se sont fait to rt, ils s’en consoleront;
et ce n ’étoit pas la peine de refondre tout un compte pour faire
semblant de ne pas les priver d ’un intérêt qu’ils ne veulent pas.
L ’art, xi est encore renvoyé à 17 7 9 , par un semblable effet de
la complaisance de la dame M arcon. Les sieurs Flouvat 11’en persis
tent pas moins à demander que la somme reste à l’annce 174^ , au
risque d’être privés des intérêts à courir.
L ’art. 12 est rejeté tout à fait par la dame M arcon; et ses
moyens ( page 10 ) so n t, sur ce point, beaucoup plus étendus.
C ’est qu’aussi sa tâche étoit pénible , car il ne s’agissoit de rien
moins que de lutter contre l’arrêt du 1". août 1781.
E11 e ffe t, cet arrêt dit textuellement que la dame M arcon fera
compte au sieur Flouvat de ^bo livres pour indemnité à lui duc
sur partie de la maison.
L a dame Marcon ne se le dissimule pas ; mais elle prétend
prouver que c ’est une injustice, parce que l’arrêt supposoit un par*tageet non une licitation.
Précisément l’arrêt prévoyoit aussi une licitation. Il fixa une
somme d ’office pour empêcher de nouvelles contestations ; et on
croit possible de faire tomber cette fixation.
Par quoi , au reste , est-il prouvé que la moitié de la maison , qui
revenoit dans l’origine à la dame Marcon , ait eu pour moins de
45 o livres de réparations? La dame Marcon veut-elle encore une
expertise ? Mais elle tranche la difficulté en 11’allouant aucune
somme
�C =5 )
somme. Elle veut en revenir à une transaction de 1G67, et a une
explication qui tendroit à rejuger partie du procès. Elle convient
cependant que la difficulté étoit nc6 lors de l’expertise et du traite
de 1784; m ais , d it-elle, on ne pensa
p a s
alors à ces 4^o livres.
On pensa à tou t, mais personne ne s’avisa de ¡mettre
en
question si
l ’arrêt de 1781 seroit.réformé lorsqu’il adjugeoit ces.460 livres , en
même temps qu’il ordonnoit partage ou licitation;' Les héritiers
Flouvat persistent donc à demander ces 45 o|‘livres , et lesi intérêts
dont ils ont formé demande,additionnelle par l,eur requête de 178g.
L ’ art. i 3 consiste en une so m m e''d e'^ g livres 5
sq ù s
, pour les
dettes payées par Antoine Flouvat. L a dame M arcon, dans sa requête
de 1786, allouoit cet article* kà la charge de produire les quittances;
aujourd’hui elle le réduit à 11 livres 18 sous , et se permet de ren
voyer le surplus à d’autres années.0
V
fi !) •
* 1
C ’est ainsi q u e , sans raison et avec de plus léger prétexte', elle
dénature un compte tout entier, et nécessite', à pure p erte, des
frais plus considérables cent fois quë la différence’ qui peut exister
entre 1 intérêt d’une foible somme divisée en trois années , et l’in
térêt de la même somme porté' tout à la fois.
A u reste , et ce n ’est pas seulem ent'une inutile tracasserie qu’il
y a h reprocher là-dcssüs à la veuve Màrcon , l’arrffculu 2$. juillet
1781 est im pératif; il a ordonné qu’elle tiendront compte de 279 1.
5 sous sans intérêts, et par simple compensation avec les jouissances.
L a loi ne doit donc pas êlre dure-pour le débiteur seul, qui s’est
libéré en payant la detle du créancier. L ’arrêt n-’a rien distingué sur
cette somme; et cependant, quant aux^ooo livres^'il a distingué les
époques de payernens : il a donc fallu distinguer quand l’arrêt le
voulait, et 11e pas distinguer qudndul ne le disoit pasi Los héritiers
Flouvat ont en eiiet divisé la somme de 4000 livres à scs diverses
D
�C 26 )
époques; et quant aux 279 liv. 5 sous, ils les ont portés à la pre
mière a n n é e , ce qui est absolument sans conséquence, puisqu’ils
ne les portent que pour déduire et non pour produire intérêt. C et
article doit donc être maintenu.
Q uant à l’article 14 > relatif aux impositions à déduire, les sieurs
Flouvat les portoient au hasard à 120 livres par an ( ce qui étoit
très-peu pour une succession de 27900 livres d ’immeubles ) , parce
qu’il leur avoit été. impossible de trouver les rôles.
L a dam eM arcon prétendit avoir été plus heureuse, etd it qu’elle
avoit un état général. Il se portoit , d is o it-e lle , à 101 livres 4 sous
pour 1743 ; e t, par une différence ass.ez inconcevable, l ’imposition
n ’éloit que de 27 livres en 1749 > quoique les biens fussent les
mêmes.
. ■
'
A u jou rd ’hui la dame Marcon fixe les quatre mois de 1745 à
jo livres, et l ’année 1749 a 5 francs 77 centim es( pages 8 et 17 );
et pour prouver combien tout cela est intelligible, elle.dit ( page 11 ).
qu’on trouvera dans trois tableaux tous les renseignemens néces
saires.
L a première cliose, également intelligible dans le premier tableau,
est que la cote des biens Astanière étoit confondue avec celle du sieur
P a y o t, deuxième mari de Clauda Auteroche, de sorte que la divi
sion à en faire a été à la pure volonté de la dame Marcon.
M ais c’cst assez s’occuper d ’un article qui doit encore rester tout
entier soumis au calcul définitif. Si la dame Marcon a des extraits
en règle des rôles, comprenant toute la cote dles biens A stanière,
et qu’il soit possible de la distinguer, pas de difficulté alors à suivre
cette déduction; sinon il faudra bien s’en tenir à celle faite par
les sieurs F lo u vat, ou la cour la fixera d’office.
�( 27 )
M S- 2. D e 1743. ( Page 9. )
L es héritiers Flouvat n’ avoient d ’abord, dans leur compte, porté
en déduction que la moitié des jouissances au profit de la dame
M arcon; m ais, par leur requête de 178 6 , ils ont reconnu q u i
falloit y ajouter le deuxième article rela tif aux meubles dont ils
avoient fait omission.
Aujourd’hui la dame M arcon se fait créancière de n euf articles
au lieu de deux. *
L e premier article n ’est pas contesté ; mais il plaît à la dame
Marcon de le portera
i
5 i liv. 18 sous au lieu de 137 liv. 10 sous.
C ’e st, d it-e lle ( page 11 ), une erreur qui s’est étendue à toutes
les autres années : aussi augmente-t-elle sa créance tous les ans ; et
sa preuve est encore renvoyée à un tableau.
M ais un meilleur tableau se trouve dans le rapport lui-même
du tiers expert. En 1743 , il a porté les produits à 375 livres : donc
la moitié étoit 137 liv. 10 sous; ainsi de suite dans les années
précédentes.
O r , la dame M arcon a assigné en homologation de ce rapport en
1785, aussitôt qu’elle fut nantie de 16900 liv. et de deux provisions.
T o u t est donc terminé, et il est inutile de refondre un compte
pour chercher au delà de ce qui est définitif.
L es jouissances doivent donc subsister telles qu’elles sont en
1743 , et à toutes les autres années, sauf au commissaire de la cour
à examiner si les sommes portées en compte par les Flouvat sont,
chaque année, la moitié exacte de la somme réglée par l’expert.
L ’article 2 est relatif au mobilier de l’aïéulc -, il est fixé par le
troisième arrêt : donc pas de difficulté. Les héritiers Flouvat ont
avoué l’omission.
: JïiK
j,
D 2
�( a8 )
D e m êm e, pour l’artîclc 5 , ils conviennent qu’il faut déduire
cette autre partie de mobilier ; mais on ne* peut diviser leur décla
ration : ils ont o ffe rt, au rapport Petit, y 5 1. pour moitié de i 5 o 1.,
et non g5 liv. 1 5 sous.
,
L es articles 4 et 5 sont une nouvelle, découverte de la dame
M arco n , fondée sur deux transactions de 1758 et 1744Si elle avoit voulu lire celle de 175G, elle y auroit vu que le
sieur FJouvat s'est chargé seulement de mobilier pour i 5 o livres,
et que le surplus avoit été vendu au sieur Payot. _
Elle y auroit vu que Marie Àstanière avoit la majeure partie
du mobilier par elle laissé à titre d’ usufruit, et que cela concorde
avec l’acte de 1738, où il n’est parlé d’autre mobilier que de celui
qu’on lui délaisse dans une chambre garnie.
L a transaction de 1766 est la dernière : donc les autres s’y rap
portent. D ira-t-on que si Clauda Auteroche a vendu à son mari
du mobilier de sa belle-m ère, la dame M arcon doit le retrouver
dans sa succession à titre de prélèvement , puisque les sieurs
Flouvat en sont héritiers?
M ais précisément l’arrêt de 1781 règle tout ce qui doit appar
tenir à la dame M arcon dans la succession de sa mère : elle y demandoit plusieurs espèces de mobilier ; elle en est déboutée, ainsi
que de toute réclamation en çompte. Il y a p lu s, elle est, sur tout
le reste de ladite succession , mise hors de cour.
Si donc il y a lieu de, débattre le compte de la dame Marcon ,
et de devenir o y a n t, on soutient que les articles 4 et 5 du §. a
doivent être rayés.
Il
!
en est de mêmd,fie l’article 6 , il n ’est fo n d é sur rien; et ce
n ’est pas. après, tafit jdç djébaljç. et de difficultés qu?il|faut élever
des prétentions nouvelles. Comm ent la veuve M a rco n , payée de
�( 29 )
la succession de son aïeule, a-t-elle pu laisser en arrière le revenu
de la seule année 174 3 ?
L ’art. 7 n ’est qu’une transposition de l’art. 3 du
1". L a dame
M arcon veut déduire les vingtièmes de la pension viagère de sa mère.
Elle y est fondée, d it-elle , par ¡son contrat de m ariage: on y
lit que sa mère a une pension payable de trois en trois mois par
avance, mais il n ’est pas dit qu’elle sera sujette à retenue.
A la vérité, le contraire n’est pas exprimé ; mais une pension
est par sa nature une chose alim entaire, et ce n’est pas une rente.
D ans ses écritures, la dame M arcon se fondoit su rF é d itd e >
174 9 , qui parle des rentes viagères. Il est curieux, de voir appli
quer à des arrérages de 1743 , un édit de 1749*
L 'a rt. 8 sexrapporte à l’art. 7 du § . 1 " ., qui étoit relatif au sixième
des jouissances appartenant à la mère.
Ici la dame M arcon , non contente d’avoir réduit ces jouissances
à rien , veut que la mère lui paye à elle le déficit de ces jouissances.
Demandons lui à quel titre; pour toute réponse elle renvoie à
l’un de ses tableaux.
„ Ce qu on y voit n ’est autre chose qu’ un calcul des .charges qui
absorbent les revenus, en y comprenant môme la moitié du prélegs
<jue la mère n ’a pas, mais qu’on n ’en met pas moins sur son compte.
T o u t cela n’explique pas par quel étrange système la m ère, qui
avoit droit au sixième des biens , et qu’on réduit à ne rien prendre
pendant trenle-six ans sur quarante, est obligée de fournir au déficit.
Q u’un héritier paye ultra v ir e s , cela se conçoit ; mais qu’une
mère, usufruitière d’un sixième, paye à Fhéritière de moitié le déficit
du sixièm e, parce que la succession est épuisée par les ch arges,
cela est impossible à comprendre ; et tous les tableaux du monde
ne peuvent pas en donner la solution.
it
�( 3o )
Enfin , l’article g est aussi une nouvelle découverte de la dame
M arcon. C ’est encore la mère q u i, n ’ayant pas assez de fournir
un sixième à la succession de son m a r i, doit fournir un autre
sixième h la succession de l’aïeule. L a dame Marcon a calculé qu’il y
avoit cinq mois et demi de différence entre l’époque fixée par
l ’arrêt pour le calcul des intérêts, et le temps où ils doivent com
mencer à cet égard.
Mais , i°. il est trop tard , encore une fo is , pour élever de nou
velles prétentions ; 20. ce n’est pas à la mère à rien fournir au profit
de la succession de l’aïeule; 5°. les arrêts de 1781 fixent le point
de départ général au 3 septembre 174^ : c’est donc les attaquer
que d'exiger des intérêts au delà.
D e 1744 à 1785.
L a dame Marcon n’ayant plus jugé à propos de donner de
motifs de sa manière de calculer, et de son habitude de réduire et
rayer presque tous les articles de l’actif des héritiers F lo u va t, il ne
sera nécessaire que de parcourir quelques-unes des années ci-dessus,
pour y faire quelques observations sur quelques articles, autant
néanmoins qu’on aura pu les comprendre.
1°. A partir de 174 3 , la dame M arcon annonce qu’elle ne
comptera plus d ’intérêts des capitaux de sa dot ; e t , en e ffe t, la
cour se convaincra que tous les ans chaque article premier est
par elle rayé du compte Flouvat.
C ’e st, dit-elle ( pages 12 et 14 ) , parce que les capitaux sont
absorbés par la compensation qui s’est opérée en 1743.
E t , en signe d ’exactitude, 011 voit en 1749 ( Pa8e 17 ) > qu’elle
lie compte pas Fintérêt de 5 ooo livres , mais qu’elle le compte des
�( 5 i )
1000 livres restantes; on voit encore ( p a g e g ) , qu’elle ne se dit
créancière qu’en 1771. O r, comment a-t-elle pu compenser, trente
ans auparavant, et tant qu’elle a été débitrice, ces /jooo livres?
Cependant elle se permet de détruire la disposition de l’arrêt de i 779>
qui la condamne à faire compte des intérêts.
Voilà donc près de quarante ans d’intérêts de 4 000 livres à
rétablir.
2". Quelle raison donne la dame Marcon d’une triple division
qu’elle fait à chaque année ( à son profit ) des excédans, avec ou
sans intérêt ?
D ès 1746 > elle se trouve en discordance de 2000 livres , c’està-dire , elle s’adjuge 2000 livres de plus ; car il faut s’entendre : et
on conçoit sans peine qu’avec un aussi bon com m encem ent, et de
bonnes dispositions à ne pas le laisser péricliter , on doit aller loin.
Ainsi , il ne faut pas s’étonner de la finale de son compte.
Cependant, dans sa note sur 1745 ( page 10 ), elle laisse percer
quelque chose de son plan sur le calcul des intérêts. Elle a fait
se« im putations, dit-elle , d’après les principes de l’arrêt du 25
juillet 1781 ; e t , par exem ple, elle a éteint des capitaux par com
pensation , notamment l’article 2 , comme la dette la plus dure :
on voit la même explication à la fin de la page 2.
O r , quelle est cette dette la plus dure? C ’est justement un capital
de 1000 liv ., auquel on veut bien donner un intérêt pour 17 4 5 ,
quoiqu’il ne soit payé qu’en septem bre, mais qui n ’en produit
plus pendant toutes les années subséquentes.
Voilà donc comment on s’est affranchi de cet embarras de payer
les intérêts du prix d ’une cession, tandis qu’on la fait annuller,
et qu’on se fait rendre compte du revenu des jouissances. T o u t
cela n’est ni juste, ni légal ; mais la dame Marcon n ’en donne
�( 52 )
de raisons que par deux lignes d'une note, ou par des tableaux de
c h iffre s, si on les trouve plus aisés à concevoir.
5°. Que signifie, en 17G7 (page 3 5 ), cette séparation d’un capital
qui ne produira d ’intérêt qu'en 1771 ? Pourquoi seulement en 1771 ?
Effectivement, en 1771 se trouve un grimoire d’excédans de six
espèces , sans la moindre réflexion ; et tout cela se perpétue jusqu'à
la fin , sans le secours encore d ’aucun tableau.
P e u t-ê tre bien la veuve M arcon aura-t-elle pitié de ce qu’on
renonce à la comprendre; mais il vaut mieux se confesser incapa
ble , que de raisonner sur ce qu’on n ’entend pas.
4°. L a dame M arcon ( page 49 ) déclare qu’elle a séparé du
compte sa dette de i 5Goo li v ., quoiqu'elle y ait porté celle de
1400 liv. de l’année précédente.
.
Elle ne dissimule pas que c ’est une finesse de sa part pour ne pas
payer les dépens qui sont réservés pour être payés par le débiteur.
Elle a même quelque soupçon encore d ’être d ébitrice, car, à la
page suivante, elle appelle à son secours 529 liv. qu’elle a portées
en compte sur les i 4 ° ° livres. L e compte plus régulier des Flouvat
prouve q u ’ils étoient créanciers en jy 85 : et si la veuve Marcon ne
le croyoit pas elle-même, pourquoi offroit-elle 21000 liv. en l’an 4?
L es héritiers Flouvat n ’étendront pas plus loin l’examen du mé
moire de la dame M arcon , quoiqu’à plusieurs des dernières années
il y ait bien des choses inintelligibles. M ais des doutes ne sont pas
des moyens ; et les héritiers Flouvat croient en avoir assez dit pour
démontrer que tout le travail de la dame M arcon doit être mis de
cô té, et qu’il faut s'en tenir au compte qu’ils ont présenté, sauf
les corrections que la cour jugera convenables.
OBSERVATION'S
�( 35 )
OBSERVATIONS
G E N E R A I j * 9,
.1 :
Quoiquè la dame M arcon cherche' à hérisser de difficultés un
procès déjà jugé trois fois, il est un fait certain qui parle plus haut
que tous ses chiffres.
C'est qu’elle a dans les mains la presque totalité de la succes
sion paternelle , qui est aujourd’hui la seule chose litigieuse.
Cette succession est estimée toute entière 27905 liv. ,5 sous, non
compris une partie de la maison à laquelle elle n ’avoit rien à pré
tendre , puisque c’étoit un acquêt du sieur Flouvat.
O r , elle a reçu en sus de la succession maternelle , et à imputer
sur la succession paternelle, 1400 liv. d’une p a rt, et i 56 oo livres
d’autre, à la charge de payer une seule créance, q u ’ e lle fixe ellemême à 8 i 5 livres; elle a reçu deux provisions de i 5 oo livres;
et enfin elle a encore reçu 4000 liv. pour sa d o t , dont elle n ’a
fait compte qu’en chiffres.
E lle a donc environ 22000 liv. en ses m ains, depuis 21 ans.
Elle doit au moins l’intérêt de ce qui ne lui appartient pas, puis
qu’elle réclame l’intérêt antérieur de ce qui lui appartient.
C e qu’elle doit, dira-t-elle, doit être compensé. O u i, mais jus
qu’à due concurrence ; telle est la convention de 1784.
O r , c’est elle-même qui a calculé qu’à chaque année , depuis
1783 jusqu’à 17 7 2 , les jouissances étoient absorbées par les charges
et les reprises de la mère (d o n t elle n ’est pas héritière). Elle
n ’a donc rien à prendre pour ces jouissances ; car si son cohéri
tier les p e rd , pourquoi ne les perdroit-elle pas ?
A u contraire, tout ce qu’elle a reçu en 1783 et 1784 lui a été
donné franc et quitte ; elle jouit depuis cette époque de plus du
double de ce qui lui revient.
E
�( 34 )
U n second fait duquel il est fort aisé aussi de tirer des consé
quence , est l’acte d 'o ffres, qui fut fait en l’an 4» de 21000 livres.
A qui persuadera-t-on que celui qui est créancier, se dise lui-même
débiteur, et offre de son bon gré une somme aussi considérable.
Les assignats sont en cendres ; mais Pacte d’offres existe avec tous
ses résultats.
1
Voilà ce que Monsieur le rapporteur est supplié de prendre en
principale considération, parce que si on peut fasciner les yeux
avec des pages d’arithem étique, au moins elles n ’éteignent pas'
l’évidence, et l’évidence préserve de l’étourdisscment.
L ’étourdissement naltroit sans doute de la grande étendue que
la veuve Marcon donne à son com pte, et encore plus du compte
préliminaire qui se lit aux pages 4 et 5.
Car on ne peut douter à la page 4 > que la veuve Marcon veuille
entasser de nouveaux faits par sa différence des valeurs de 1784
et de 1782, par une transaction inconnue de 1691, par des virilea
plus inconnues encore, des ventes de mobilier dont on ne parloit
pas avant les arrêts, et tant d’autres innovations.
Muis il ne s’agit pas d ’un nouveau procès.
Les héritiers Flouvat ont été assignés pour rendre un compte de
jouissances*,' dont les éléméns sont fixés avec détail. Ils l’ont rendu;
c’est donc lui seul qu’il faut su ivre, et rejeter d ’autrés com ptes,
puisqu’ils ne serviroient qu'à rendre l’opération interminable.
Ce 11e peut pas être un travail extrêmement pénible, puisque
toutes les sommes Sont connues. Les héritiers Flouvat doivent des
jouissances ; ils les doivent après les prelèvemens des reprises de la
m ère, après la déduction des charges; ils doivent encore deux
articles du mobilier de l’aïeule.
D e sa p a rt, la darne M arcon doit l’intérêt de ce qu’elle a reçu :
�( 35 )
les deux sommes se compenseront en se rencontrant, et ensuite
il courra des intérêts pour celui qui ne devra plus de capitaux.
D éjà on aperçoit un résultat quelconque, même avant d arriver
au temps où la dame M arcon a reçu des immeubles ; car les
sieurs Flouvat ne lui devoient pour capitaux que la moitié d’un
mobilier de 3 oo liv re s , plus le quart de 75 livres : de sa p art,
la dame M arcon devoit depuis 1743 un capital de 4000 livres;
à l’égard des revenus, l’un des cinq tableaux de la dame M arcon
prouve que le sieur Flouvat n'en avoit perçu aucuns.
A u re ste , les arrêts sont là pour tout ramener à la chose jugée,
et dissiper toutes les incertitudes. Les héritiers Flouvat ne pré
tendent pas qu’eux seuls ont raison. En se dépouillant de to u t ,
sans attendre les ordres de la justice, ils ont prouvé qu’ils savoient
sacrifier à leur repos leurs droits et leur fortune. C e qu’ils désirent
principalem ent, est de voir la fin d ’un procès qui a été la ruine
de leur m aison, et que la dame M arcon a seule aujourd’hui intérêt
d ’éterniser.
M . C A T H O L , rapporteur.
%
M '. D E L A P C H I E R , avocat.
M*. F A Y E , avoue'.
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul im prim eur de la
Cour d’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Flouvat. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Delapchier
Faye
Subject
The topic of the resource
successions
séparation de biens
absence
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour les héritiers Flouvat contre Jeanne Astanière, veuve Marcon.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1738-Circa An 8
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0719
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0717
BCU_Factums_M0718
BCU_Factums_M0317
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Rights
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séparation de biens
Successions
-
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PDF Text
Text
SO MM A IR E
POUR
4 yo
10
l°
3 24
^
A
^
*
les héritiers des fieur & dame F l o u v a t ; '
C O N T R E la demoiselle M
e t Me
a r c o n
C O L L E T DE B L A C Y
,
;
-
Procureur en la Cour. .
-
a
Pr
fon contrat de m ariage, paff é
nant , entr’autres c o n d itio n s, la fomme de 4,000 livres.
Le
fieur M a r c o n , alors fon futur é p o u x , a autorifé &
approuvé cette ceff i o n , il a reçu les 4,000 livres.
V ers 1 7 7 0 , après vingt-fept ans de m a ria g e , le mauvais
état de fes affaires l’a forcé de s’évader ; il paroit que depuis ce
tems on n’en a pas eu de nouvelles.
L a dame Marcon a demandé fa féparation de biens & l’a
obtenue.
Son premier foin a été de revenir contre la vente de fes
droits p aternels par elle faite en m inorité; elle a conclu à la
rcft itution des fonds & des jouiffances.
L e fieur Flouvat s ' eft oppofé à cette dem ande; mais un
A rrê t
du 31
Juillet
1 7 7 9 , 'rendu
7*
devant Notaires e n
1743
dame Marcon a cédé au fieur F l o u v a t , fon beaufr e r e , tous fes droits dans la fucceffion de fon perc , moyen
conformément à des
^
J
C
12-
‘
A‘
�principes r ig o u r e u x , l’a accueillie pour le malheur de toutes
les Farcies.
C e t A r r ê t , contradi&oire entre la dame Marcon & le ficur
F lo u v a t, condamne celui-ci à delaifler les fonds.
A rendre & reftituer à la dame M arcon les jouiflances fui—
vant l’eftimation qui feroit faire par Experts.
Condam ne la dame M arcon à faire raifon au fieur F lou vat
des 4 , c c o liv. avec les intérêts à compter des paiement.
O rdonne que le tout fera compenfé avec les jouiifances,
& ce d'année en année.
A l’effet de quoi les Parties compteront à l’a m iab le, fi faire
fe p e u t , finon en la C our.
A c c o r d e à ladite M arcon fon recours pour le principal des
4,000 liv. contre l'on m a ri, qui les avoit to uchées, mais ne lui
accorde aucun recours contre lui pour la reflitution des intérêts.
E n exécution de cet A rrêt &
de plufieurs autres rendus
entre les mêmes Parties les 25 Juillet &
i er A o û t 178 1 } il a
été procédé aux eftimations des jouiifances & au règlement*
de toutes les répétitions refpe&ives.
L e s fieur & dame F lou vat font décédés fans avoir vu la fia
de ces opérations. Cependant il n’avoit pas tenu à eux de les
terminer à l’amiable ; c a r , dès le 12 N ovem bre 1 7 8 3 , l a ?
dame F lo u v a t, devenue v e u v e , avoit cédé âc délaiifé à la dame
M arcon , fans attendre le compte ordonné par l’ A rrê t de
■ l 7 7 9 > différens immeubles pour demeurer quitte envers elle
des fommes liquidées par les Arrêts de 1 7 8 1 ; le prix de ces
immeubles excédoit de 1,400 liv. le montant de ces fommes
liquides ; elle i v o î t laifle ces 1,400 liv. entre les mains de la
dame M arcon.
A p rè s fon d écè s, les héritiers des fieur & dame F lou var
�3
imitant ccttc conduite , ont licite entr'eux & h dame M arcon
une maifon eflimé° î 8,000 liv , dans laquelle il ne revenoit à
celle-ci, pour fa p a rt, que 2 , 5 0 0 livres.
Le 19 Décembre 1 7 8 4 , la dame M arcon s’e il tendue adju
dicataire de cetre maiion moyennant 15 ,6 0 0 liv. Il devoit
donc y avoir une perte proportionnelle pour chacune des Par
ties; on n’en a pas fait fupporter à la dame M a rcon ; on a
confenti qu’elle fe retînt les 2,500 liv. en entier fur fon prix ;
qu’elle ne payât aux héritiers F lou vat q u ’une fomme de 600 I.
& il a été convenu que les 12,500 liv. reliantes demeureroient
ès mains & au pouvoir de la dame Marcon jufqu’après l’apu
rement du compte à faire entre les Parties.
Il n’étoit pas poflible de fe conduire avec plus de franchile j ( i ) s’ils en avoienteu moins, ils n’auroient plus de procès ;
lacraintc de la reilitution & l’amour de la chicane les perpétue.
O n n’accufera pas la dame Marcon d’avoir formé ce pvojer ;
il efl certain qu’elle n’ y a pas même coopéré ; la demoifelle
M arcon & fon Procureur en la C o u r , M e C ollet de Blacy en
font les auteurs & les exécuteurs.
P ou r parvenir à leur b ut,ils ont fuppofé que le fieur M arcon,
abfent & féparé de biens d’avec fa fem m e, avoit des droits aux
joûiflances dont la reftitution avoit été ordonnée par l’ArrcC
du 3 1 Juillet 17 7 9 , que c’étoit avec lui que le compte de ces
( x ) Dans l’état a&uel des ch o fes, la dame de Marcon a dans fes mains plus
de 15,000 livres de Ibmmes claires & liquides appartenantes aux héritiers F lou vat;
i° .
1,400 liv.
a0. 12,500
3°.
4°.
4,000
7,000 liv. au moins pour les intérêts des 4,000 liv. depuis 1743
T o ta l. 15,000 liv . non compris environ 1,500 1. de provifions payées en exécution
des Arrêts de la C ou r.
A 2
�4
jouiflances d evo it être fa it, & que c’étoic pat lui qu’il devoît
être préfenté.
M e C ollet de Blacy a développé cette idée heureûfe dans
une Requête non com m uniquée, fur laquelle, le 19 A o û t
1 7 8 4 , il a furpris un A r r ê t qui a nommé la demoifelle M arcon
curatrice à l’abfence de fon pere, & l’a autorifée à affilier à
toutes les opérations & liquidations à faire en exécution des
A rrêts de la C ou r.
O n ne parlera point ici des procédures faites par M e C ollet
de B la c y , tant en fon nom p e r fo n n e l, que pour la demoifelle
M a r c o n , de fes réferves contre les Arrêts de la C o u r , & mille
autres iemblables abfurdités; on remarquera feulement qu’à
l’inftant où les héritiers de la dame F lo u v a t, qui avoient été
affignés en la C ou r à la requête de la demoifelle M a rc o n , pour
voir dire quelle (croit reçue Partie intervenante dans l’in ftance de compte de liquidation , fe font préfenrés pour ré
pondre à cette dem ande; on leur a oppofé des Arrêts déjà
rendus par défaut faute de plaider contre quelques-uns d’entre
eux & auxquels il n’y avoit point eu d ’oppofition formée dans
la huitaine, un procès-verbal déco m pté fait par défaut contr’eux en l’hôtel de M . Clement de B la v e tte , par lequel, fans
qu’il y ait eu d’homologation du rapport d’ E x p e r t s , qui doit
lu ifervir de b a ie , & lans égard pour les Arrêts de 1 7 7 9 & 1 7 8 1,
on avoit fixé le prétendu reliquat de ce compte au préjudice
des héritiers F lo u v a t, à des Tommes é n o rm es, & c . & c . & c .
N e pouvant rien concevoir à toute cette p ro c é d u re , les
héritiers Flouvat fe font vus contraints de l’e x a m i n e r de p rès,
& par cet examen ils le font convaincus qu’ il n’ y avoit pas
une feule des procédures faites contr’cux par M* Collet de
B l a c y en fon nom perfonnel, ou comme Procureur de la D I l e
�5
M a r c o n , d’un fieur C hau laire, d’un fieur B clhom m e, & au
tres perfonnages femblables dont M e Collet de Blacy fait les
rôles, foie en fon n o m , foit fous le nom de fes C o n frè res, qui
ne fût une procédure fruüratoire nulle & véritablement feandaleufe.
Diftinguant donc la demande de la demoifelle M a rc o n , à
fin d’être reçue Partie intervenante d’avec toutes ces procé
dures, ils ont d em and é,
i°. que la demoifelle M arcon fût
déclaré non-recevable dans fes interventions ; i° . que toutes
les procédures faites contr’eux par M e C ollet de B la c y , fours
les differens n o m s , fuifent déclarées nulles.
C ’eil en cet état que la Caufe plaidée pendant plufieurs A u
diences , a été mife en délibéré au rapport de M . F erra n d .
M O Y E N S .
L es moyens des héritiers F lou vat fe d iv ife n te n deux parties;
la premiere, relative à l’intervention de la demoifelle Marcon ;
la ieconde, relative à la nullité de la procédure.
*L intervention de la demoifelle M arcon s’ écaite en peu
de mors ; c’eit comme curatrice à l’abfence de fon pere q u ’elle
dem ándele compte des jouiiTances dont les Arrêts de la C o u r
ont ordonné la reftitution au profit de la dame M arcon perfonnellement.
Mais ion pere n’a pas droit àces jouiiTances, i°. parce que la
dame M arcon n’a eu de bien dotal que la fomme de 4,000 liv.
& q u e tout le bénéfice quelle pourra retirer de la refeilion de la
vente de 1743 eit un bien paraphernal & extradotal ( 1 ) .
(1 ) Vide Bafmaifon fur l’art. 8 du tit. 14 de la C o u tu m e , & M e C k b r o l dans fcn
C om m entaire, tom. 2 , p a g - î & fuivantes.
§• r.
�6
'
2 ° , Parce que lesa&ions rcfcindantes'& rcfcifoires font perfon nelles, & ne peuvent être cédces que par une convention
c x p r e ffe ; une conflitucion de d o u , même gén érale, ne c o m prendroit pas les a v ions refcifoires, à plus forte raifon quand il
n’ y a pas même eu de conilitution gén érale, feroit-il contraire
à la raifon qu’une femme fût réputée s’être conilituée en doc
en
m ê m c -te m s ia fomme pour laquelle
elle a cédé
les
d ro its , & ces mêmes droits q u ’elle a c é d é s , ce qui ieroit & U
chofe & le prix.
A u ifi la L o i veut-elle expreflemem que le mari qui s’eit cor.*
tenté du fonds que fa femme avoir reçu en échange de fes
droits patern els, ne puiiïe pas réclamer aurre chofe que la
valeur de ce même fo n d s , dans le cas où fa femme fe feroit
reilituer contre la ceflion qu’elle avoic faite de fes droits pa
ternels ( i ) .
C ’eit d ’après ces principes que la C o u r a j u g é , par fes
A rrêts de 1775) &
l 7 ^ l t S ue ^cs jouiflances feroient relli-r
tuées à la dame M arcon perjonnellem ent, & qu’en la condam
nant à rendre les 4,000 Iiv. avec les intérêts, elle ne lui a ré fervé fon recours contre fon mari que pour le principal. C es
A r r ê t s ne font pas attaqués, & fourniiTent aux héritiers F l o u v a t
une fin de non-rccevoir infurmontable contre la demande de
la demoifelle M arcon.
Il y a plu s; fi le fieur M arcon s’étoit prefenté avant les
A rrêts
qui
ont
ordonné
que
les
jouiiTanccs
reilituées à la dame Marcon perjonnellem ent,
pu
prouver que
ces jouiflances
ne dévoient
&
leroienc
s’il avoic
appartenir
qu’à lu i, le fieur Flouvat n’eût pas été condamné à les refti4»)
Vide L . 6 2 , j f . de jure dotium.
�7
tu e r, parce que le ficur M areon n’étoit pas recevable à atta
quer de ion c h e f, en 1 7 7 9 ) unc ventc Par
co n ^cnc*c en
743Inutilement auroit-il dit que le mineur releve le m a je u r,
& que l’a&ion intentée par fa femme le rétabliiïoit dans fes
droits.
,
O n lui auroit répondu avec avantage que le mineur ne
releve le majeur que dans les chofes in d iviiib le s, & que la
ceflïon faite par la femme pouvoir être nulle fans que la ceffion
faite par le mari le fût également.
Ainfi la demoifelle M arcon e f t , très-heureufement pour les
Héritiers
F l o u v a t , non - recevable à tous égards dans
fa
demande à fin d’intervention dans les inftances de compte
& autres opérations ordonnées entre les fieur & dame F lou
vat & la dame M a r c o n , par les A rrêts de 17 79 & de 1 7 8 1 .
O n die très-heureufement pour les Héritiers F lo u v a t , parce
que cette fille qui déjà s’eft oppoféc à ce que le compte fût
fait à l’amiable entr’eux & fa m e r e , ne manqueroit pas de
remettre en queition tout ce qui a été jugé par les Arrêts de
la C ou r.
O n peut juger de ce qu’elle feroic à cet égard par ce
qu’elle a fa it, & fur-tout par l’examen de ce procès-verbal
fait par défaut en l’Hôtel de M . Clémenr de Blaverte , & dans
lequ el, fans égard pour le procès-verbal des E xp erts qui a
eitimé les jouiiTances, pour les A rrêts qui ont réglé tous les
autres droits de la dame M arcon & des Héritiers F lo u v a t;
elle a fait clorre un compte qui n*a d’autre baie que fon imagi
nation exaltée par le defir d’éternifer les conteftations.
O n peut juger de ce qu’elle feroit par cette multitude
énorme de procédures qui font déjà faites fous fon, nom en
�8
en la C o u r , en la G rand ’ C h a m b r e , aux Requêtes de l’Hôtel
au Souverairt, par Tes rélerves expreffes contre le s'A rrê ts de
la C o u r , par cette acquifition de droits litigieux à laquelle
elle n’a pas eu honte de prêter fon n o m , fans autre objcc
que celui d ’avoir une occafion de plus de vexer les Héritiers
F lo ü v a t.
Mais n’imputons pas à la demoifelle
M arcon feule cc
qui eil encore plutôt l'ouvrage de M e C ollet de B la c y , que
le fien ; & , après avoir prouvé que la demoifelle Marcon
doit être déclarée n on -recev ab le dans fes interventions &
d em and es, établirons que toutes les procédures faites par
M e Collet de B la c y , depuis le 20 O ctobre 1 7 7 9 , tant pour
lui que pour elle, & encore pour les êtres imaginaires qu’il
a nommés C hau laire, Belhomme & autres, font des procé
dures n u lles, fruilratoires & fcandaleufes.
§• 1 !•
O n co n çoit que les bornes d’un Précis ne nous permettent
pas d’entrer dans le détail de toutes les procédures que M e
Collet de Blacy a pu faire depuis près de fept années, contre
les Héritiers F lo u v a t; nous allons limplement donner un léger
apperçu de fon l'avoir faire en cette partie.
En 17 79 »
Collet de Blacy éioit Procureur de la dame
M a rc o n ; il demandoit pour elle la nullité de la vente de (es
droits paternels ; l’un de fes grands moyens réfuîtoic de l i
léfion que la dame M arcon avoit éprouvée par cette ven te;
il prétendoit qu’en annullant cette v e n te , la dame Marcon
feroit créanciere du (leur F lo u v a t de Tommes très confidérables.
L ’ A rrêt du 3 1 Juillet 1775» annulle donc la vente , & con
d a m n e l e ' fieur F louvat à la reilitution des jouiffances <S’ aux
dépens.
M e Collée de Blacy demande la diflraftion a fon profit des
dépens
�9
dépens adjugés à la dame M arcon ; il
en
obtient l’exécutoire
en fon nom.
Quel ufage en fera-t-il ? S’il ne veut qu’être p a y é , il pourfuivra le fieur F lo u v a t, le fera fa ifir, e x écu ter, le forcera à
payer : ce n ’eil pas ainfi qu’opere M e C ollet de Blacy ; le
moment d ’exiger fon paiement n’eil pas encore v e n u , il faut
auparavant qu’ il double fes frais.
A cet effet, il fait une faifie-arrêt, non pas entre les mains
des débiteurs de fon d éb iteu r, mais entre les mains de la dame
M arcon fa cliente, entre les mains de cette femme qu’il vient
de préfenter à la Juilice comme créanciere du fieur F lo u v a t.
A iïig n a u o n à fa cliente en déclaration affirmative au fieur
F l o u v a t , pour v o ir déclarer la faific v a la b le; il occupe &
pour la dame M arcon & pour lui-même ; il donne & combat
h déclaration affirmative, & c . & c .
Y eûc-il jamais procédure plus r id ic u le , plus évidemment
fruilatoirel L es fuites que M e Collet lui a données depuis que
la demoifelle M arcon a jugé à propos d’in terven ir, comme
exerçant les droits de fon p e r e , la rendent encore beaucoup
plus criminelle. O n a rendu compte de cette procédure à I’ Aud icn ce; elle fera remife à JVI. le Rapporteur.
A utre procédure ; l’A rrêt du 31 Juillet 17 7 9 ordonnoic
qu’il feroit procédé par Experts à l’eilimation des jouiflances,
& que les Parties compteraient à l'am iable, fi faire fe pou
voir , dans le délai de deux m o is, linon en la C o u r,
M e Collet de Blacy n’attend pas que l’une des Parties air.
mis l’autre en demeure ; & , de fon autorité p r iv é e , comme
créancier du fieur F l o u v a t , il provoque le c o m p te , en fon
nom perfonnel, devant M . Clément de Blavette,
Sous le nom de la dame M a r c o n , il dit que le compte n’eft
B
�pas p o ifib le , que l ’cilimation des Experts c ii n u lle , qu’ il
faut en ordonner une autre.
L e Procureur du fieur Flouvat comparoir au même procèsv c r b a l , mais c’eil pour réclamer contre la malhonnêteté d ’une
femblable procédure.
Il en cil en effet de c e lle -c i comme de la fa ifie - a r fê c ;
elle c il fru iîratoire, indécente de la part d ’un P rocu reu r,
q u i , en fuppofant qu’il y eût lieu à faire le compte , pou
voir le provoquer fous le nom de fa clien te , fans faire double
p rocéd u re, doubles va ca tio n s, & c . & c .
M ais en outre cette procédure eil nulle, parce que M e Collée
de Blacy n’auroit pu provoquer en la C o u r le compte or
donné par l’A rrê t du 3 1 Juillet 1775?, qu’après s’être fait re
cevoir Partie intervenante dans la conteflation fur laquelle
ce compte avoit été ordonné ; & cette intervention ne pou
voir , aux termes de J'Ordonnance de 1 6 6 7 , être reçue qu’à
l’A u d ie n c e , il ne pourroit encore provoquer ce co m p te , de
vant un des M agiilrats qu’après que le rapport d ’Experts , qui
devoit lui fervir de bafe , feroit fait & hom ologué.
C ette p ro céd u re , nulle dans fon p rin cip e, eil le fondement
des opérations faites en l’hôtel de M . Clément de B lavette, par
défaut contre les Héritiers F lçu v a t, Nous ne finirions p as, fi
nous voulions rendre compte ici de toutes ces opérations ; il
eil impoiïible d e fe faire une idée de la maniéré dont M e
C ollet de B la cy, en fon nom p erfon n el, fous celui de la dame
IVIarton , & fous celui de la demoifelle M a r c o n , les a con
duites. L es Héritiers F lou vat font très-heureux qu elles n aient
été faites que par défaut contr’e u x , & d’être en conféqucnce
recevables à en provoquer Panéantiflement.
Il faut encore^voir dans les R equêtes memes de M e Collet
�11
de B la c y , les prétextes d’une foule de demandes plus abfurdes
les unes queles autres, par lui form ées, fous l'Cs différens noms
qu’il a p r i s , & formées de Procureur à
P ro cu reu r,
quoiqu’elles-
foient pour la plupart des demandes principales qui ne p o u voienc être formées qu’à domicile : il eft impoilible d’en
rendre compte ici ; mais elles pafTeront fous les yeux de
M . le R a p p o rteu r, & la C our y verra qu’ il n’en eft pas u n e ,
mais pas une feule qui ait d’autre objet que celui de faire des
frais inutiles & purement fruilratoires.
Il eft cependant une partie de cette procédure qui mérite
une attention particulière, c’eft celle dans laquelle M e Collée
de Blacy remplit tout à la fois trois rôles eflentiellement diffé
rens.
Sous le nom de la demoifclle M a r c o n , il d o n n e , le 27
A v ril 1785 , une R equ ête par laquelle cette fille demande aéte
de fes offres, de faire état aux Héritiers F lou vat de la fomme
de 4000
dus.
li v r e s , & des intérêts qui peuvent
lui en être
D ’après ces offres généreufes , fous le nom de C h a u la ire,
il fait une
M arcon.
faifie-arrêt entre les mains
de
la
demoifelle
4 Juin 1 7 8 5 , demande de Chaulaire à fin de déclaration
affirmative.
10’ J u in , défenfes de la demoifelle M arcon.
10 J u in , nouvelle Requête de Chaulaire.
go
J u in ,
Requête de la demoifelle M a r c o n , a£te de fes
offres de payer le reliquat des 4000 liv res, à qui par Juftice
fera o rd o n n é , en le faifant dire avec les faifiifans, les héri
tiers Flouvat & le nommé B elh om m e, curateur à la fucceflion
vacante de Claude E n jo b e rt,
�E n f i n , ic 14 Juillet 1 7 8 5 , M e Collet de Blacy donne une
R equ ête en fon propre n o m , demande à être reçu Partie in
tervenante dans ces graves conteftations d’entre la demoifelle
M a rcon & le fieur Chaulaire ; il demande acte des offres faites
par la demoifelle M arcon ; il demande enfin que dans le cas
o ù il y auroit lieu à une inftance d e préférence , elle foit faite
à
fa re q u ête, pourfuite & diligence..
L e 26 Juillet, la dem oifelle M arcon défend à l’interven-
ti o n , & c .
C ’e f t ainfi que M e C ollet de Blacy fait des procédures; pourroit-on n’en pas être in d ig n é , fur-tout lorfque l’on fait que
ce C hau laire, ce Belhom me , font des perfonnages qui n’ont
jamais eu de créances contre les héritiers F lo u v a t , ou qui n’ont
peut-être pas même c x ifté ( 1 ) ?
( 1 ) L a demoifelle M arcon vient d’acquérir les droits litigieux de ce nommé
C h a u la ire ,
& fait plaider, en ce m om ent, aux Requêtes de l’H ô te l, que Chaulaire
n’a jamais été que fon prête-nom : c’eft même par cette allégation que M e C ollet de
B la c y prétend juft ifie r , aux Requêtes de l’H ôtel ? les procédures énormes qu’ il y
a faites fous le nom de ce Chaulaire.
Monfieur F E R R A N D
, Rapporteur.
Me P O R I Q U E T ,
A v o c a r.
D u r a n d , Procureur.
A
PA RI S ,
c h e z P. G . S i m o n , & N. H. N y o n ,
Imprimeurs du P a r le m e n t , rue M ig n o n , 17 86.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Héritiers Flouvat. 1786]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Ferrand
Poriquet
Durand
Subject
The topic of the resource
successions
séparation de biens
absence
Description
An account of the resource
Sommaire pour les héritiers de sieur et dame Flouvat ; contre la demoiselle Marcon ; et maître Collet de Blacy, Procureur en la Cour.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
chez P. G. Simon et N.H. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1786
1743-1786
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0718
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0717
BCU_Factums_M0719
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53913/BCU_Factums_M0718.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Ambert (63003)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
absence
séparation de biens
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53912/BCU_Factums_M0717.pdf
4827905c0d79eb3d20e7beabbd3b91b3
PDF Text
Text
M É MO I R E
P O U R M effire J e a n - J o s e p h F l o u v a t , Bachelier
de Sorbonne, Chanoine du Chapitre de Notre' Dame du Port de C lermont, Demandeur.
CONTRE
M ic h e l
Dame G e n e v i è v e B a y e t
& Sieur
V i m a l , Ecuyer s Secrétaire du R o i 9
Seigneur de M urs & Vedières, fon M a ri, D é
fendeurs,
r
I l s’agît de favoir à qui appartient en propriété
ou en ufufruit, une maifon fituée à Ambert : il
n’eft pas poffible de préfenter la queftion, fous un
point de vue fixe & précis; elle ne peut s’apperçevoir
que par la connoiffance des titres refpectifs,
A
�TiGüiLL^üME llo u vat contraria mârlàge avec Marîej&bnef PeÎpher J.»Îe'46 octobre 1 7 1 'j ¿.'de ce mariage
ftht-iiTus Antoine Fiouvat & le demandeur.
;•
j
1
a
♦ ^ , r v r r j. ! ;
v .
*
.
fw *
dû faire'‘partie de- fa Tucceilion.
Cependant, Guillaume F lo u v a t, fon m ari, ie
prétendant procureur conftitué de fa femme“, en
fît donation à Antoine Flouvat en préciput., ,pàr
ion “contrat de* mariage du i f ôélobre 1 7 4 2 .
L a donation étoit nulle par deux motifs égale
ment rdécifif$. Une férrtme mariée ne peut pas faire
donation de fes biens dotaux
Guillaume Flouvat
n’avoit point le pouvoir de repréfenter fa femme ;
à la vérité, elle lüi avoit donné une procuration,
le 1 4 o£tobre; mais elle mourut peu d’heures après;
&-.'<iet-'-'aéte, révoqué par fa m ort, ne îubiiilôiè
plus, lors du contrat de mariage.
^r
Antoine Flouvat reconnut la vérité de ces princrp-esî&i par un premier aéte'departage ou licitation
des biens de fes père & mère, paiTé devant notaires
à Am bert, le p novembre 1 7 4 7 , la maifon échut
au .lot du demandeur, à la charge d’un retour de
a!Ànt6inër.:FIouyât,‘ .Ton' frère, qui reçue
ç e f t é ‘ i o m m e ^ (^
JV
1
.
,r
,
,.,f
. Feu3 de temps après, & l e j a n v i e r Ï 7 4 9 ,
'demandeur"fit donation à A n toin e, ion frère^ de
�C 3 )'
tous fes biens préfens, & nommément de ceux qui
lui étoient échus du chef de; fes père & imèrejj
mais il fe réfervaJrufufruit.
. < .
L e 2 3 décembre 1 7 5 4 , les 'fleurs Flôuvat-firent
un partage général de leurs biens; mais il ne s’agiiToft
que de fixer les objets dont le demandeur aüroit
la jouiffance, puifqu’il avoit donné <la 'propriété
Jla maifon dont il s’agit fit partie'des objets-ftijets à
-fon ufufruit.
t '
'.>b
V o ilà les titres en vertu défquels ‘le fieur Flouvat
a réclamé la propriété, ou du moins l\ifufruit de
la maifon : les défendeurs s’en étant emparés par
l’effet de fa réfidence à Ciermont, il les a fait aifigner
en défiftement, & ils ont oppofé en défenfes uii
contrat de vente fait en leur faveur, par Antoine
Flouvat, le .y juin 1 7 7 4 , iiiivi de lettres de ratifi
cation : il s’agit donc de fa voir fi ce titre peut préva
loir à ceux du demandeur.
M
oyens
et
R
épo n ses
aux
Ob je c t io n s ,
L a maifon qui donne lieu à la conteftation, eil
un effet de la fucceiïion des père & mère communs
des fleurs Flouvat, frères : le fieur Flouvat, chanoine,
y avoit donc un droit de propriété en tout ou en
partie : par l’événement des partages, fon droit a
été fixé fur la totalité , fuivant l’aéte du y novembre
1 7 4 7 , confirmé par un fubféquent ‘du 2 3 décembirè'
}7W
.. ,
•
; Il eft évident qu’une vente poftérieure du cohéA 2
-
�X 4 )
'ïirier, à qui la maifon noroît pas échue, ne faurok
prévaloir à un partage devant notaires*,qui l’attribuoit
à l’autre. Antoine Flou vat vendit la maifon en 1 7 7 4 ,
vraifemblablement parce qu’il en avoit la propriété
par la donation que ion frère lui avoit faite le 9 janvier
H 7 4 9 j & il y a lieu de penfer que l’acquéreur lui
<lonna une contre-lettre au iujet de l’ufufruit réfervé
par le donateur. Quoi qu’il en foit, cette vente n’a
pu détruire la réferve d’uiufruit porté par la donation
antérieure, ni les deux partages dont le premier a
même une date authentique.
On oppofe vainement des lettres de ratification
fur la vente de 1 7 7 4 . Ces lettres, qu'on ne rapporte
même point, ne peuvent avoir d’autre effet que de
purger les hypothèques; mais les droits de propriété
jfiiblîilent ; elles ne font qu’attribuer à l’acquéreur les
mêmes droits qu’avoit le vendeur. Antoine Flou vat,
v e n d e u r n ’avoit que la nue propriété; des lettres
de ratification n’ont pu y ajouter l’uilifruit.
Mais on prétend, i ° . que des motifs particuliers
ont donné lieu au premier partage; ( & , pour l’éta
blir, on fe fera d it-o n , un devoir de lçs taire).
2 ° . Que la maifon appartenoit à Antoine Flouvat,
au moyen de la donation portée par fon contrat de
mariage du 1 5 oélobre 1 7 4 2 ; qu’ainii elle n’étoic
pas diviiible entre les deux frères, & par conféquenc
<juJelle n a pas dû entrer en partage.
1 3 °* Q u’n y a vilité de prix dans le retour de
lo t, & que la maifon a été vendue dans la fuite
�(•5
)
beaucoup plus, quoique, d it-o n 3 elle fût alors en
moins bon état.
4 °- Que cette maifon étoit diviiiblé, & ne devoit
pas faire l'objet d’une licitation en 1 7 4 7 , puifqu elle a été vendue depuis à- trois particuliers
. différens.
5 °. Que les deux frères avôient des portions
.inégales dans la fucceffion de leur père, tandis que
le partage les fuppofe égales, & confond les deux
fucceiîions.
6 °. Que le partage ou licitation de 1 7 4 7 elt
refté fans exécution, & qu’Antoine Flouvat à tou
jours joui de la maifon.
Enfin, que l'acquéreur poftérieur eft préféré, s’il
a pris poilèflion le premier, & que les défendeurs
ont cet avantage.
On ignore les motifs que les défendeurs fe font
lin mérite de taire : il n’en a exifté aucun qui pût
empêcher Antoine Flouvat de contraéler avec fon
irère en 1 7 4 7 , & les défendeurs ne pourroient même
en exciper.
A la vérité, ils difent ailleurs que Tacite de 1 7 4 7
a été tait dans la vue de mettre à couvert les biens
les plus apparens d’Antoine Flouvat qui étoit im
pliqué alors, félon e u x , dans une affaire malheu-‘
reufe & défagréable.
Mais cette affaire, qui nJétoit nullement de ce
genre, nexiftoit point en 1 7 4 7 ; & , bien loin que
l’eiprit de l’aéte fût de mettre à couvert les biens
�a 6 )
d’Antoine Flo u vat, on voit que le p janvier 1 7 4 9 ,
le fieur Flouvat , chanoine, lui fit une donation
univerielle de la propriété; c’eft-à-dire, qu’au dieu
de faire pajlèrffur fa tête par des a<5tes fi<5tifs, les biens
. de^fon frère, il fait paiTer fes propres biens fur celle
de ce frère, & en totalité. Antoine Flouvat n-a
jamais encouru, à beaucoup près, les rifques d’un
.jugement qui pût emporter la confifcation ; mais
.dans ce cas, la fraude qu’on impute à l’aéte de
Ï 7 4 7 , auroit été au préjudice du feigneur confifcataire : comment les défendeurs auroient-ils donc
le droit de s’en plaindre? A u reile, cette affaire,
commencée en 1 7 5 0 feulement, a été terminée par
lin hors de cour & de procès.
La maifon n’appartenoit point à Antoine Flouvat:,
& ion contrat de mariage ne lui donnoit aucun droit
à cet égard.
On a déjà dit que la donation qui lui avoit
été faite, au nom de Marie-Anne Pefcher, étoit
nulle, & parce qu’elle n’avoit pu donner un bien
dotal, & parce qu’elle ne l’a pas donné : fa pro
curation , dont il n’a été fait ufage qu’après fa
mort, l’a révoquée. L e mandat finit parle décès. '
Les défendeurs répondent que la maifon étoic
échue à Marie-Anne Pefcher,-pendant fon mariage,
Si lui formoit un bien aventif; ils ajoutent que fon
„contrat de mariage lui réfcrvoit les iucceilions à
• éqheôir de Tçitoc maternel; ils prétendent, enfin,
qu’elle n’étoit pas morte, lorfquon fit- ufage de fa
�( 7 y
procuration, & 'que cette procuration n’a pas été
révoquée par ion décès..
j
_ ■%
On a mis en fait que la niaifon provenue de
Marie-Anne ^Pei'dier* lui appartenoit déjà;, lors de
ion mariage. ■
.
...
.. j
. ,
• De plus, les objets du partagé de 1 7 4 9 ne* provenoient pas certainement de Marie, Pefchèr; unô
partie dépendoit de la iiiccelïion du pèrei
L a réferve des fucceiTions. à' éclieoi/de TèilôÎ
maternel feroit' étrangère àTobjetqui divife les" par
ties : d’abord tes défendeurs lie' rapportent‘'point le
contrat de mariage, & ' une pareille claufene feroic
relative qu’à la diftinétion entre les fucceiîions que
Marie PeicKer abdiquoit, & celle qu’elle fe réfervoit;
mais, quel fens qu’on puilfe lui donner, les fucceffions à écheoir réfervées n’avoient rien de commun
avec un objet qui appartenoit'déja à Marie Pefcher,
lorfqu’elle fe maria s & dont elle étoit dès-lors pro
priétaire,
Mai^, quand la maiion lui auroit formé un bien
aventif, elle ne pouvoit en dîfpoier après la mort,*
Si elle étoit décédée, lors du contrat de mariage'
d’Antoine f lo u vat, fon fils y qui contient la do
nation.
,
'
Il eft vrai quelle avoit donné, le 1 4 5 une pro
curation à fon mari pour faire cette difpofition ;
mais il ne la fit; que le i y , temps auquel la pro
curation ne fubfiftoit plus. S i adhuc integro man-
�( S
)
dato, mors alterlus adveniat. . . . folvitur mandatum:
c ’eft la difpofition des inftitut. §. 10 de mand.
‘ Les défendeurs difent que cette règle reçoit des
exceptions en plufieurs cas, dont l’un eft en faveur
de la dot des femmes, fuivant l’avis d’un avocat
général au grand confeil, de DefpeiiTes, de BénédiéU
& de Jafon.
D ’abord, il ne s'agit point ici dune dot, & on
obferve en vain qu'il faut confidérer la faveur du
mariage. Perfonne n’ignore les privilèges des dots
dans le droit romain, & ils n’étoient nullement com
muns aux donations faites au mari, en faveur de
mariage.
D e plus, cette exception propofée par quelques
auteurs, n’a point été autorifée dans la jurifprudence françoife.
Mais enfin, les difficultés fuiTent-elles férieufes,
Antoine Flouvat les a décidées contre lui; il a-admis
au partage fon frère qui, dans tous les cas, y auroit
eu des droits, ou fucceffifs, ou légitimaires : il eft
déplacé qu’un étranger propôfe une revifion à cet
égard, quarante ans après un tel aéle.
L e prix de la licitation, d it-o n , eft modique :
la maifon a été vendue fur un pied plus fort, 8i
elle étoit dégradée : on a fuppofé les bâtimens indivilibles, & ils étoient tellement diviiibles qu’on les
à vendus à trois perfonnes.
• Peut-on écouter de pareilles futilités, Sc fur-tout
de la bouche des défendeurs? L e prix étoit v il, on
le
�<
9
J
le veut; la malfon étoit divifibie, on le veut encore*
mais Antoine Flouvat a - t - i l commis une fraude
co n treu x, comme ils l’avancent , par fon confentement. à l’aéle de partage ï leur a-tril même pré-,
judicié? & comment l’auroit-il pu alorsl c’eft trente
ans avant qu’il contra&ât avec eux.
' L e prix étoit vil : hé bien! en le iuppofant ainfi^
Antoine Flouvat devoit* ie pourvoir, en-refciiion
dans les dix ans, & il ne l a pas fait. L a maifon
étoit divifibie ; mais , en reconnoilfant qu’elle ne
rétoit p oin t, quels intérêts a -t-il bleifés, autres
tout au plus que les fiens ? & il ne s’eft plaine
ni dans un temps utile, ni après.
A u refte, on ne convient point que la mailon
eût été dégradée ; au contraire, elle avoit augmenté
confidérablement de valeur : on ne convient point
qu’elle fût divifibie : le contraire eft de la plus
grande notoriété ; & d’ailleurs, quand on parle dune
indivifibilité, cela ne s’entend point ftriétemenc
d’une indivifibilité abfolue, d’une divifion impoffible,
mais de celle qui ne peut que devenir onéreufe & in
commode pour tous lescopartageans; enfin, Antoine
Flouvat a eu tort, on le fuppofe; il s’eft trompé en ne
croyant pas divifibie ce qui l’étoit ; il pouvoit tirer
un meilleur parti de la licitation. Toutes ces fuppofitions viennent fe brifer contre le défaut de qualité
de ceux qui les propofenti on peut neepas tirer
de fes droits le meilleur parti poiTtble; maisTàétei
rfeft pas'moins valable, & il a tout fon effet, s’il
�C 1$ 1
freft point attaqué pôiir çaufe. de léiîon, ou autre-,
ment 'dans le temps déterminé, par ..la loi.. .
i. ...
-rO n > d it quelles mportionsi dé&i ¡deux, frères *idans
la fuccefïion- derleuripère ^étoient inégales, :■tandis
quelle- partagei fupp6fe:cie/.contraire;m
• ¿.î'vhTji
Les partagesxne difent nulle part que les droits
ides; 'partiës- fuiïenti égauxo LeLÎieuri Flouvacfaitbien
qu’il n’amandoi d'qu’un douzième dans da'-ïucceiîiort.
de 'iom pèrè,.&la:m oitié de quatre ^autres douzièmes
dm ch ef de quatre fœurs forclofes.i L ’égalité h’avoiô
lieu que dans les biens maternels, en.iuppofant la
donation nulle; & en.la confidérant comme valable^
il lui reiloit toujours fa légitime qui lui donnoit,um
droit réel dans les objets du partage; mais quand
Antoine Flouvat auroit pu le conte'fter , il fuffit
q u i l 'l ’ait reconnu; il a pu admettre ion frère au
partage* dans la fuppoiîtioni-même'qu’il auroit -pu >
l&rluL.refufer, où le réduirei à une moindre portion.\
Sir ce confentement étoit fujet à révocation, lu i;
fçul en avoit le'droit.
r '
'I l ne fuffit p as, fans doute, de dire qu’un a<5fceeffc frauduleux;; & , quand ,memb, il; le^feroit, il eft
indifpenfable. dè prouver qüfil-.eft;faitren fraude de'
la partie qui s’en plaint : or, l!on demande comment
la licitation de 17 4 9 , pouvoit être, même foupçonnée. d*être faite en fraude dès. défendeurs qui
ont. iacquissfd’Antoine Flouvat r * trente ans après : i
noft- féulement Antoine Flouvat pouvoit <fàire^ un
partage-inégalîavec. ion frère, mais il pouvoit même
�o
o
lui faire un délaifTement gratuit. Confîderons pour
un moment l’aéte fous ce point -de vue : quel1 droit
;ont des acquéreurs poftérieurs de trente-1ans, pout
critiquer un aéte de cette nature, fait avant qu’ils
euiîent aucun droit fur la chofe ? toutes leurs cla
meurs fe réduifent à dire qu’Antoine Flouvat a 'été
léfé dans un partage fait avant qu’il contractât avet:
eux : hé bien! qu’on leur paiTe toute cette''idéèr de
défion ; ..qu’on la iuppofe du~ tiers au quart, mênîe
d’outre moitié , qu’en réfulteroit - il ! qu’Antoine
Flouvat pouvoit obtenir des lettres de refcifion dans
les dix ans; il ne l’a pas fait; il n’avoit plus même
cette a& ion, lors de la vente qu’il a faite aux dé
fendeurs ; il ne la leur a pas tranfmife, & il ne
l ’auroit p u , puifqu’elle eût été prefcrite : c’eft ainii
qu’en paifant tout aux défendeurs, leur condamna
tion n’eft pas moins indifpenfable. Un A ¿te de 1 7 4 7 ,
avoué même frauduleux, ne feroit pas moins un
titre décifif contr’eux.
Non feulement le partage de 1 7 4 7 n’a point été
annullé, & a toujours iubiifté, mais de plus, il a
été confirmé par un fécond partage général de 1 7 5 4 .
.C ’eft vainement qu’on dit que la date n’eft pas
certaine vis-à-vis un tiers, comme s’il étoit défendu
à deux frères de faire leurs partages fous feirtg privé,
ou qu’ils fuiTent obligés d’y appeler ceux avec qui
ils pourroient contracter pendant tout le cours de
Je u r vie. L e partage de 1 7 5 4 a èu, & il a encôie
l’exécution la plus confiante. ; L e fieur Î iô u v a ï.
B a
�(
)
chanoine jouit de chacun des objets fur lefquels
fon lot a: été; fixe : enfin, ce dernier partage eft
la ratification.de celui de 1 7 4 7 ,
par-devant
notaires.
'
r
- j:I II eft' furprenant qu’oh ofe dire que f a d e de
'I 7 4 7 - eft/demeuré fans exécution; les parties n’ont
ceffé de s’y conformer, & on va donner de nou
velles épreuves de fon exécution, en répondant aux
derniers moyens dans lefquels les défendeurs fe
retranchent.
. : De deux acquéreurs de la même chofe, difent-ils,
le premier qui s’en met en poiTeifion eft préféré,
& ils ont cet avantage fur le fieur Flouvat, chanoine.
On ne peut faire une plus mauvaife application
des loix romaines qui avoient accordé cette préfé
rence au fécond acquéreur, lorfqu’il a pris poifeilion
le premier.
Il n’y a point ici deux acquéreurs : on n’en connoît qu’un : ce font les défendeurs. L e fieur Floujvat;, chanoine, n’a rien acheté; il tient fon droit
kd’un partage. Ces loix n’ont pas d it, fans doute,
,que l’acquéreur d’un des cohéritiers eft préférable
à l’autre copartageant qui jouit en vertu de partage.
On fait que le partage n’eft ni une aliénation de
celui qui n’a pas la chofe, ni une acquifition du
cohéritier à qui elle écheoit : le partage fixe &
détermine les portions de chacun; mais c’eft d’euxmêmes, ou du défunt dont ils partagent les biens ,
‘ vqu’ils tiennent leur propriété.
�*3
)
En fécond lieu, comment les défendeurs ont-ils
ofe dire qu’ils font les premiers en poifeifion? le
fieur Flouvat, chanoine, n’a ceifé d’y être en vertu
d un aéle antérieur de plus de vingt-cinq ans au
titre des défendeurs; il habitoit cette maifon, pen
dant tout' le temps qu’il étoit communalifte à A m bert : la donation du 9 janvier 1 7 4 9 porte, comme
l’a<5le du 9 novembre 1 7 4 7 qu’il étoit alors Habitant
d’Am bert, & lui donne les mêmes qualités & domi
cile : o fe ra -t-o n dire qu’il logeoit dans une autre
maifon que la fienne : depuis qu’il cefia d’être cornmunaliile à A m b ert, il y a fait des voyages, &
chaque fois, il a logé dans fa maifon : on ne pré
tendra certainement pas qu’il ait logé à l’auberge,
ou ailleurs , & il a toujours eu fon appartement
dans cette maifon, jufqu’au moment où les défen
deurs ont profité de fon abfence pour s’en emparer;
ce qui a occaiionné la demande en défiftement.
L a poifeifion du fieur Flouvat eft même prouvée
par écrit. Marcellin Quiquandon ayant fait des entreprifes fur les bâtimens dont il s’agit Sc qui font
près de fa maifon, le fieur Flouvat, chanoine, le
fît aÎfigner au poifeifoire , le 1 8 novembre 1 7 6 f ,
L e fieur Quiquandon avoit acquis fa maifon du fieur
Vim al de Murs : on ne peut douter qu’il ne lui
donnât connoiifance de cet exploit. L e fieur Vim al
n’a donc point ignoré lui-même la poiTeffion réelle
du fieur Flouvat.
Enfin, le partage de 1 7 5 4 , en confirmant aii
�.*( 1 4 5
iiîeur F lo u vat, chanoine, fes droits fur la m aifon,
ajoute un confentement de fa p a rt, à ce cpx A n
toine Flouvat loue le bas de la maifon ( en partie
autant de temps que le fieur Flouvat, chanoine, le
jugera à propos : àinfi Antoine Flouvat jouiiloit de
-ce bais de maifon pour fon frère même, à qui il en
laiifoit l’ufage précaire : le propriétaire jouit par fon
.locataire Si fermier; fi le fieur F lo u vat, chanoine,
avoit befoin d’une priorité de poiîeflion, il l’aurôit
en fa faveur : l’ôbjeétion fe rétorque donc contre
les défendeurs.
Il
feroit inutile d’ajouter que la loi quoties , d’où
efl: tirée l’objedüon des défendeurs, n’eft plus obfervée dans la jurifprudence du parlement de Paris.
O n a penfé que la décifion contraire favorifoit la
-mauvaife fo i, en iiippofant que le vendeur n’étoit
pas lié par un premier contrat, Si que la fureté du
commerce exigeoit qu’on donnât effet au premier
contrat. M . Lépine de Grainville ( pag. 2 8 0 ) rap
porte un arrêt du 1 6 juillet 1 7 2 6 , qui l’a ainfi
jugé, quoique le premier contrat ne fût même que
fous fcing privé.
. Les défendeurs fe font permis une obje&ion plus
frivole encore; ils difent que le partage du 23
‘décembre 1 7 5 4 , porte que tous .-autres aétes qu’ils
’pourroient avoir faits, feront regardés comme nuls,
& ils appliquent cette convention au premier partage
de 1 7 4 7 .
L e partage de 1 7 ^ 4 confirme, au contraire,, ex-
�,
'
•
? '1 J 3
preiTément. celui de 1 7 4 7 ^ L a mairon en queftiori',
eft du nombre des objets dont il eft dit que le fieur
Flouvat, chanoine, jouira pour fon’ lot. Il eft fin—
gulier de préfenter comme une dérogation à'un pre
mier aéte, celui qui répète & en ratifie les difpoiitions.
’ ■ ,
- I l ne refte plus qu’à répondre à deux objeéîioris
relatives à l’uiufruit du fieur Flouvat.
. On a vù qu’il avoit donné fous cettei réferve fes
biens préfens à fon frère. Les défendeurs difent
qu e .cette réferve n’empêchoit pas le donataire de
vendre, & que d’ailleurs le droit du fieur’ Flouvat j
chanoine, n’a pour appui que le partage de 1 7 5 4 ,
qui eft fous feing privé.
L e titre du fieur Flouvat n’eft pas feulement le
partage de 1 7 5 4 : c’eft celui de 1 7 4 7 qui eft au
thentique; c’eft fa qualité d’héritier de fes père &
mère.
L e propriétaire grevé de l’ufufruit, a droit de
v e n d r e o n en convient; mais quoi? ce qui lui
appartient; c’e ft-à -d ire , la nue propriété; & il eft
toutTà-fait étrange d’avancer que quelqu’un puiiïe
vendre les droits d’un autre : L ’uiufruit eil une partie
de cette propriété : l’ufufruit d’un immeuble, eft im
meuble lui-même; il ne peut être tranfporté à un autre*
que par celui à qui il appartient. Les lo ix, à la faveur
defquelles les défendeurs ont imaginé leur fyftême,
y font to u t-à-fait étrangères. L a loi 8 1 , §. 1 , ff*
�de contr. <?m/^.ïuppofe que Titîuis a pfomîs de payer
à Seïus une penfion annuelle de cent muids de blé
iu r tel fonds : ce n’eft point là un üiufruit, mais
.une charge. L a loi 3 S , de fervitut. leg. qui dit qu’un
auteur a pu vendre un héritage dont le revenu annuel
avoit été légué par le père des mineurs à fa femme,
ireft pasnon plus dans le cas de l’ufufruit : la veuve
étoit légataire, non d eT u fu fru it, mais du revenu
annuel que le propriétaire recevoit, reditus fuhdi.
L a loi dit qu’on paiera à là légataire la même fomme
que le teftateur retiroit, quatititatem quam pater fa.milïas ex locadone fundi redigere confueverat. L a
femme n’avoit pas droit de jouir par elle-même;
ce n’étoit pas même Tufage qui lui avoit été légué,
encore moins l’ufufruit : le propriétaire étoit donc
pleinement le maître de vendre, en payant annuelle
ment telle fomme: c’étoit une charge de la iuccefîion,
& non une réferve. Les autorités de Cujas & autres,
invoquées par les détendeurs, ne font relatives éga
lement qu a une charge retenue 'fur la chofe vendue,
& non pas à l’ufufruit.
- - ..
Les loix diffèrent un peu de la doétrine des défen
deurs : la loi dern. ff. de ufit & habit, leur apprend
que le propriétaire ne peut vendre la chofe fujette
à un fimple u fage, ni même y apporter le- moindre
changement : Ufuariœ rei fpeciem is cujus proprietas
efl mdlo modo commutare potejl; elle défend même
Jie changement en mieux, etiam in meliorem Jlatum
commutata.
�( 17 )
commutata. L a loi 5 , §. 1 , fi ufufr. pet. dit que l’ac
tion de l’ufufruitier pour jouir, a lieu, & contre le
propriétaire, & contre tout poffeffeur, & adversûs
dominum
adversûs quemcumque poffefforem.
L 'ufufruitier peut vendre fon ufufruit : Cui ufusfructus legatus ef t , etiam invito hœrede, cum extraneo
vendere potef t dit la loi 6 7 , fF. de ufufr. mais ces
l oix fe font trompées : c ’eft, fuivant les défendeurs,
le propriétaire qui peut vendre l’ufufruit d’un autre :
on pourroit prétendre avec les mêmes principes,
que l 'ufufruitier peut valablement vendre la propriété.
On dit encore que le propriétaire peut vendre
des bois de haute-futaie, malgré l’ufufruit; mais,
fuivant la loi 1 1 , ff. de ufufr. & quemadm. Les bois
de haute-futaie ne font pas partie de l’ufufruit, fauf
la glandée; & la loi 1 0 , if. de ufufr. dit que les arbres
abattus par le vent appartiennent au propriétaire &
non à l’ufufruitier : il n’ eft pas furprenant que le
propriétaire puiffe difpofer de ce qui eft à lui ; mais
il s’agit ici de favoir s’il peut vendre le bien d’au
trui , en le dédommageant. Cette prétention, à
laquelle fe réduit en dernière analyfe la conteftation,
ne trouvera'pas, fans doute, beaucoup de partifans.
Monfieur l’A b bé M I L A N G E S D E N E U L H A T ,
Rapporteur.
P o u z o l , Procureur.
A
R.IOM, de l'imprimerie de M a r t in DEGOUTTE. 1786,
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Flouvat, Jean-Joseph. 1786]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Milanges de Neulhat
Pouzol
Subject
The topic of the resource
usufruit
donations
contrats de mariage
chanoines
Chapitres
Description
An account of the resource
Mémoire pour Messire Jean-Joseph Flouvat, bachelier de Sorbonne, chanoine du Chapitre de Notre-Dame du Port de Clermont, demandeur. Contre Dame Geneviève Bayet et sieur Michel Vima, écuyer, secrétaire du Roi, Seigneur de Murs et Vedières, son mari, défendeurs
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Martin Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1786
1713-1786
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
17 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0717
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0718
BCU_Factums_M0719
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Coverage
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Rights
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chanoines
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donations
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Text
MEMOIRE
P O U R
D E J A X , homme de lo i, habitant de la com
mune de Brioude, appelant ;
J u l ie n
CONTRE
A g n è s D E J A X , et le citoyen P i e r r e D A L B IN E ,
son mari yjuge au tribunal de première instance de
l'arrondissement de Brioude ;
D A L B IN E , M a r i e D A L B IN E ,fille majeure,
et A n n e - M a r i e D A L B IN E , veuve de Robert CrozeM ontbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ;
tous enfans dudit P i e r r e D A L B IN E et de ladite
D E J A X , son épouse ,
J oseph
E t encore ladite M a r i e D A L B IN E , veuve Gizaguet,
au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit
Montbrizet-Gizaguet ;
' Tous intimés.
D
actes faits en fraude de la lo i, pour éluder la
prohibition de la loi, doivent-ils être maintenus? Les
juges, établis pour le maintien des lois, doivent-ils en
autoriser l’infraction ? Telle est la question que cette cause
présente.
A
ES
�(2)
Ce n’est pas un seul acte que le citoyen Dejax attaque;
c’est une suite, une série d’actes; tous l’ouvrage de l’am
bition de la dame Dalbine, tous l’effet d’un plan cons
tamment suivi, du plan conçu et exécuté de le dépouiller
de la portion que la loi lui assuroit dans la succession
d’une tante commune.
F A I T S .
D u mariage de Pierre Dejax avec Jacqueline Chassaing, sont issus cinq enfans ; savoir, Julien, V ita l,
Antoine premier, Antoine second du nom , et AnneMarie Dejax, première du nom.
Julien, V ital, et Antoine premier, sont décédés sans
postérité. Il ne s’agit point de leur succession.
Anne-M arie Dejax a contracté mariage avec le citoyen
Tartel; elle a survécu à son mari, et vient elle-même
de payer le tribut. C’est son décès et sa succession qui
donnent lieu à la contestation.
A n toin e D e ja x , second du nom , s’est marié avec M arieTh érèse D elchier.
De ce mariage sont issus quatre enfans :
Vital-François, décédé sans postérité;
Julien Dejax, appelant;
Anne-Marie Dejax, seconde du nom, veuve Peyronnet j
E t Agnès D ejax, épouse du citoyen Dalbine, juge.
Celle-ci a eu , de son mariage avec ledit Dalbine, trois
enfans; A n n e-M arie, qui a épousé, en l’an 3 , Robert
Croze-Montbrizet-Gizaguet; et Joseph, et Marie Dalbine*
Telle est la généalogie des parties»
�Anne-Marie Dejax, première du nom, veuve Tartel,
n’avoit point eu d’enfans de son mariage ; ses quatre
frères, Julien, V ita l, Antoine premier et Antoine se
cond du nom, l’avoient prédécédée. Antoine, second du
nom, laissoit seul des enfans : ces enfans étoient les lieritiers naturels, et les seuls héritiers de ladite Dejax.
Des quatre enfans d’Antoine, second du nom, il n’en
restoit que trois , par le décès de Vital-François.
A nne-M arie D ejax, seconde du nom , s’est mariée
en 1770, avec Emmanuel Peyronnet. Par le contrat de
mariage, la tante lui assura la somme de 3,000 francs,
payable après son décès, en effets de la succession, bien
et dûment garantis.
Julien Dejax, appelant, s’est marié en 1771. Par son
contrat de mariage, elle lui a donné des effets ou créances
mobiliaires évaluées à la somme de 6,000 francs; mais
sans garantie de sa part, même de ses fa its et pro
messes , et entièrement aux risques, périls et fortune
du donataire.
Lu s’est borné le cours de ses libéralités envers la
dame Peyronnet et l’appelant.
1
Il n’en a pas-clé de même pour la dame D albinc.
Par son contrat de mai'iage de 1771 , elle lui a fait
donation du domaine de Fontanes, sous la réserve seu
lement de l’usufruit •, elle lui a donné, en outre, une
somme de 2,000 fv., payable après son décès, en argent,
ou effets de la succession.
Cette première libéralité a été bientôt suivie d’une
seconde.
Le 19 novembre 1778 , elle dispose en faveur de
A 2
�C4 )
Anne-Marie Dalbine , sa petite nièce, de six contrats
de rente foncière, sans autre réserve également que de
l’usufruit. La donation est acceptée par le père.
Peu de temps après, elle eut le malheur de perdre la
vue; la dame Dalbine sut profiter de cette circonstance.
Sous prétexte d’être plus à portée de lui prodiguer ses
soins , elle s’établit dans la maison avec ses enfans.
Elle eut bientôt acquis un ascendant souverain.
Elle géi’a et administra à son gré ; elle percevoit arbi
trairement les revenus et les capitaux.
On va voir la preuve de l’empire qu’elle exerçoit»
Les actes vont se succéder.
i i novembre 1793, premier acte. On appelle un no
taire. La tante déclare devant ce notaire, que les sommes
qui avoient été comptées par ses débiteurs, à différentes
époques , avoient été par elle reçues et employées ; et
que, si les quittances en avoient été fournies par la dame
D albine, sa nièce, c’est parce que la déclarante n’avoit
pu les donner elle-même, étant depuis long-temps privée
de l’usage de la vue*, de laquelle déclaration elle requiert
le notaire de lui donner acte.
28 du même mois de novembre, correspondant au 8
frimaire de l’an 2, procuration générale de la tante à la
dame Dalbine, pour recevoir, non-seulement les revenus,
mais les capitaux des créances, remettre les titres, et faire
quittance de tout ou de partie des sommes, ne pouvant
la constituante , est-il d it, quittancer, étant privée do
Tusage delà vue; se réservant, est-il ajouté, la consti
tuante , de toucher et recevoir elle-même les sommes qui
seront payées par ses débiteurs} de manière que lu datne
�(5)
Dalbine sera censée rüavoir absolument rien reçu en
vertu des présentes ; et par conséquent dispensée de ren
dre aucun compte.
Une pareille procuration étoit une véritable donation,
et en avoit tous les effets.
Bientôt intervint la loi du 17 nivôse an 2 \ la tante
ne pouvoit plus alors avantager cette nièce si chérie : on
imagina une couleur.
La loi du 17 nivôse permettoit de disposer du sixième,
en faveur des non successibles ; on imagina de porter sur
les enfans les libéralités dont la mère n’étoit plus sus
ceptible.
Le 17 germinal an 2, on lui fait souscrire, en faveur
des trois enfans de la dame D albine, une donation du
sixième de tous les biens meubles et immeubles présens,
sous la réserve de l’usufruit. La donation fut évaluée à
une somme de 11,600 fr ., savoir, 10,000 fr. pour les
immeubles, et 1,600 fr. pour les meubles. Il n’y a point
eu d’état du mobilier annexé à la minute, et l’acte ne
dit point, et ne pouvoit dire qu’il en avoit été fait tra
dition réelle, puisque la donation porte réserve d’usu
fruit.
L ’ambition de la dame Dalbine n’étoit pas encore
satisfaite.
Le 17 floréal an 2, on fait consentir un autre acte ,
celui-ci directement au profit de la dame Dalbine. On
prend la couleur d’une vente.
Par cet acte, la tante subroge la nièce, objet de sa
prédilection, à l’acquisition de deux maisons nationales ;
lesquelles, est-il dit, lui avaient été adjugées moyennant
�( 6)
la somme de 2,95o f r . , mais auxquelles elle avoit fa it
des réparations considérables, pour, par la dame D albine, jou ir d'icelles dans Vétat où elles se trouvent, à lacharge par elle de lui rembourser la somme de 1,221 j\
par elle déjà payée ¿1 la nation, et à la charge âe payer eï
la nation le restant de Vadjudication. I<e contrat 11e man
que pas de porter quittance de la somme de 1,221 f r .,
qui devoit être remboursée; il porte aussi quittance des
réparations, évaluées à la somme de 1,220 fr.
Ce n’étoit point assez. 21 vendémaire an cinq, nouvelle
libéralité sous la même couleur.
Cette fois on imagina de faire consentir la vente au
cit. Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, mari d’AiméMarie Dalbine.
Par cet acte, il est dit que la dameDejax, veuve Tartet,
a fait vente à Montbrizet-Gizaguet, i°. du domaine de
Vazeliettes, bien patrimonial; 20. du domaine appelé le
Poux , ayant appartenu aux ci-devant religieuses de
St. Joseph, tel qu’il avoit été adjugé parla nation; 30. de
tous les m eubles, outils aratoires, et généralement de tous
les meubles étant au pouvoir du métayer, comme aussi de
tous les meubles garnissans la maison de maître dudomaine de Vazeliettes , sous la réserve de Tusufruit
de tous les objets vendus. La vente est faite moyennant la
somme de 25,000 francs, dont le contrat, comme de
raison, porte quittance.
Cependant la dame Dalbine continuoit, en vertu de la
procuration du 8 frimaire an 2, de percevoir, et les revenus
des biens, et les capitaux des reinboursemcns qui étoient
faits par les débiteurs.
�6 frimaire an 7 , acte devant notaires , par lequel la
tante, toujours docile aux impressions de la niece, après
avoir rappelé la procuration du 8 frimaire an 2, déclare
que, quoique la dame Dalbine ait fourni quittance aux
débiteurs, ainsi qu’elle y étoit autorisée par ladite procura
tion , c'est cependant elle, déclarante, qui a reçu et
touché les différentes so?nmes , tant en principaux,
intérêts que fra is , ainsi, est-il ajouté , que le montant
du prix de la vente de Vazeliettes par elle consentie au
profit de défunt Gizaguet, le 4 vendémiaire an 5 ,
dont elle a disposé à son gré, soit ¿1 payer partie de ses
dettes contractées, ou à ïentretien de sa maison ou
autrement, attendu que ses revenus sont depuis long*
temps insiiffisans pour fo u rn ir à ses dépenses journa
lières; de laquelle déclaration elle requiert acte.
Enfin, pour couronner cette série de libéralités envers
la même personne, testament du 9 messidor an 8, par
lequel, usant de la faculté que lui accordoit la loi du
4 germinal de la même année, elle a disposé en faveur de
la dame Dalbine, par préciput et avantage , de la moitié
de tous ses biens.
E lle est décédée le 4 vendém iaire an 9 , âgée de quatrevingt-neuf ans.
Après son décès la dame Dalbine a provoqué la pre
mière le partage de la succession ; c’est-à-dire , dans son
sens, des objets dont la défunte n’avoit point disposé par
les actes entre-vifs dont on vient de rendre compte. Elle a
fait citer à ces fins le cit. Dejax et la veuve Peyronnet, par
exploit du 26 germinal an 9.
Le cit. Dejax, de son côté, a fait citer, par exploit du
�(S )
19 messidor de la même année, la dame Dalbineet son
m ari, les enfans Dalbine, c’est-à-dire, Marie Dalbine,
Pierre Dalbine et Anne-M arie D albine, veuve Montbrizet-Gizaguet ;
Savoir : la dame Dalbine et son mari, pour voir déclarer
nul et de nul effet l’acte de subrogation, du 17 floréal an 2,
à l’acquisition des deux maisons nationales; voir dire que
lesdites maisons seroient comprises dans le partage; se voir
condamner à rendre et restituer les loyers depuis la subro
gation , avec intérêts du montant depuis la demande ; pour
voir pareillement déclarer nul le testament du 9 messidor
an 8 , comme non revêtu des formalités prescrites par
l’ordonnance ;
M arie, Pierre, et Anne-Marie Dalbine, veuve Gizaguet, enfans dudit Dalbine, pour voir déclarer nulle et
de nul effet la donation du sixième des biens meubles et
immeubles, du 17 germinal an 2 ;
Et encore la dame Gizaguet, au nom de tutrice de ses
enfans , pour voir déclarer nulle la vente consentie, le
21 germ inal an 5 , du domaine et métairie de Vazeliettes
et du Poux, et des meubles, avec restitution des jouis
sances et dégradations depuis la vente.
Il a encore conclu, contre la dame veuve Gizaguet, à ce
qu’elle fût tenue de rendre et restituer les arrérages par
elle perçus, tant avant qu’après le décès de la défunte, d’un
setier seigle faisant partie d’une rente de deux setiers
seigle , due par Jean Pouglieon.
Il a conclu à ce qu’il fût sursi au partage demandé par
la dame Dalbine, jusqu’à ce qu’il auroit été «tatué sur les
demandes ci-dessus.
Il
�Il a conclu subsidiairement au retranchement et à la
réduction des donations à la moitié des biens, en remon
tant de la dernière à la première.
La cause portée à l’audience sur les deux citations ,
c’est-à-dire, sur celle en partage donnée à la requête de la
dame Dalbine , et sur celle du citoyen D ejax, et avec
toutes les parties, jugement est intervenu le 6 messidor
an 10, qui a débouté le citoyen Dejax de sa demande en
nullité, tant de la subrogation consentie par la défunte
au profit de la dame Dalbine à l’acquisition des deux mai
sons nationales, que de la demande en nullité, formée
contre la veuve Gizaguet, de la vente du domaine de
Yazeliettes et le P o u x, et encore de la demande en nul
lité du testament; a ordonné en conséquence que lesdites
ventes, subrogation et testament, sortiroient leur plein et
entier effet ; a ordonné le partage, pour en être délaissé à
la dame Dalbine, comme héritière testamentaire, une
moitié par préciput, et un tiers dans l’autre moitié comme
successible, et les deux autres tiers de ladite moitié, un au
citoyen D ejax, et l’autre à la citoyenne D ejax, veuve
Peyronnet; auquel partage, est-il dit, chacune des parties
rapportera les jouissances perçues des immeubles, et les
intérêts, revenus, et autres objets dépendans de ladite suc
cession , sauf tous les prélèvemens de droit que chacune
d’elles auroit droit de faire. Il est dit ensuite : Dans la
moitié pour Xinstitution de la dame D albine, sont com
prises toutes lesfacultés de disposer de la défunte,faites
depuis la publication de la loi du 17 nivôse an 2; en con
séquence la disposition du sixièm e, enfaveur des enfans
D albine, demeure sans effet quant à présent, et de leur
B
�( IO )
consentemenths avons m is, sur ce chef> hors d*instance,
sa u f à sc pourvoir contre leur mère> ainsi qu’ils avise
ront. Il est de plus ordonné que, dans le délai d’un mois, à
compter de la signification dudit jugement, le cit. Dejax
sera tenu de faire faire inventaire du mobilier, papiers et
titres de créances laissés par la défunte à l’époque de son
décès, si mieux; n’aime le cit. Dejax s’en rapporter à l’état
qui en a été dressé par son fils, laquelle option sera censée
faite ledit délai passé. Le jugement oixlonne en outre que
la dame Gizaguet sera tenue de rapporter le contrat de
rente annuelle d’un setier seigle, qui fait partie inté
grante delà succession de la défunte,et de rendre comptey
suivant le prix des pancartes, des années par elle perçues
depuis, sauf au citoyen Dejax à faire raison de ce qu’il a
touché de la même rente.
Sur le surplus des demandes respectives, met les parties
hors de jugement; et, en cas d’appel, ordonne le dépôt
des papiers entre les mains de Belmont, notaire.,
. Condamne le citoyen D ejax aux dépens.
L e citoyen D ejax a interjeté appel de ce jugement ;
et c’est sur cet appel que les parties sont en instance en
ce tribunal.
Le citoyen Dejax a attaqué de nullité divers actes :
i° . La donation faite, en faveur des enfans Dalbine,
du sixième de tous les biens meubles et immeubles
présens ;
2°. L ’acte de subrogation ^du iy floréal an 2 , à l’acqui
sition des deux maisons nationales;
3°. La vente du 21 vendémiaire an 5 , consentie au
citoyen Montbrizet-Gizaguet ;
�Et enfin, le testament de la défunte, du 9 messidor an 8.
- La disposition du jugement qui valide ces actes doit-elle
être confirmée ? On se flatte dé démontrer la négative.
i Donation du 17 germinal an 2.
Cette donation est d’abord nulle quant aux meubles,
faute d'état. Les enfans Dalbine l’ont reconnu eux-memes ;
ils ont déclaré ' qu’ils n’y insistoient pas.
Mais elle est également nulle pour les immeubles ; elle
est postérieure à la loi du 17 nivôse an 2 y qui a interdit
tout avantage en faveur d’un successible, au préjudice
des autres.
On a cru éluder la prohibition, en dirigeant la libé
ralité en faveur des enfans de la dame Dalbine; mais
on s’est abusé;
L ’art. X V I porte, à la vérité, que la disposition géné
rale de la loi ne déroge point à l’avenir à la faculté de
disposer j au profit d’autres que des personnes appelées
par la loi au partage dés successions; savoir , du sixième,
si l’on n’a que des héritiers collatéraux ; et du dixième ;
si l’on a dés héritiers en ligne directe.
Mais ce seroit bien mal entendi*e la lo i, què de penser
qu’ellé a voulu par là autoriser les avantages indirects ;
qu’après avoir défendu d’avantager directement les successibles j elle a permis de les avantager indirectement.
Ce seroit preter une absurdité et une inconséquence au
législateur.
Il est certain q u e, tant que ië successible v i t , ses en
fans ne sont point en ordre de succéder \ il leur fait
B 2
�( 12 )
obstacle. Mais il est certain aussi, que le père'et le fils
ne sont censés, en droit’, faire qu’une seule et même per
sonne. Pa ter et filin s un a eaàemque persona.
La loi, en interdisant tout avantage entre cohéritiers,
n’a fait que rendre générale, et étendre à toute la France,
la disposition des coutumes d’égalité. Or , dans les cou
tumes d’égalité, auroit - on autorisé ce qui auroit paru
l’enfermer un avantage indirect ?
La coutume d’Auvergne défend à la femme de dis
poser, non-seulement de ses biens dotaux, mais encore
de ses biens paraphernaux, au profit de son mari. L ’ar
ticle ajoute, ou autres à qui le m ari puisse ou doive
succéder ,*parce qu’inutilement une personne seroit prohi
bée , si on pouvoit lui donnèr indirectement ce qu’on ne
peut directement.
Et, sans se renfermer dans les coutumes particulières,
on le demande : de droit commun , et suivant les lois de
rapport entre enfans, le père n’étoit-il pas obligé de rap
porter il la succession ce qui «voit été donné au petitfils; et, respectivement, le petit-fds ce qui avoit été donné
au père?
La loi du 17 nivôse en renferme elle-même une dis
position tacite.
On sait qu’elle annulloit toutes les dispositions faites
par personnes décédées depuis le 14 juillet 1789 : elle
autorisoit cependant celui au profit duquel la disposition
annullée avoit été faite à retenir la quotité disponible,
c’est-à-dire, le sixième ou le dixième, suivant que le do
nateur avoit ou n’avoit point d’enfans ; et, en outre, autant
de valeurs égales au quart de sa propre retenue, qu’il
�(i3)
avoit d’enfans, au temps où il avoit recueilli l’effet de la
disposition.
' L ’article X X I porte que si le donataii’e ou héritier
institué est- en même temps successible, il ne pourra
cumuler l’un avec l’autre, c’est-à-dire, la retenue et la
part héréditaire; il est obligé d’opter.
"Et l’article X X IIporte, L e descendant du successible,
qui n’a aucun droit actuel à la succession, et qui en fait la
remise d’après une disposition annullée, peut profiter de
la retenue, quoique son ascendant prenne part à la même
succession.
- Si le descendant du successible n’avoit pas été regardé,
par la loi même, comme ne faisant qu’un avec ceux dont
il a reçu le jo u r, auroit-il fallu une disposition expresse
pour l’autoriser, en ce cas particulier, à cumuler la re
tenue et la part héréditaire?
L ’article X X V I defend les aliénations à fonds perdu,
qui pourroient être faites à un héritier présomptif ; et
il est ajouté, ou à ses descendons. La loi a donc regardé
bien expressément les enfans du successible comme ne
faisant qu’une seule et même personne avec le successible.
D ira-t-on que la loi ayant parlé des descendans dans
cet article, et n’en ayant pas parlé dans l’art. X V I , elle
n’a pas voulu les comprendre dans ce dernier article ?
Mais il faut penser, au contraire, que si le mot descen
dant n’a pas été expressément compris dans l’art. X V I ,
c’est parce que ce mot a échappé au législateur, lors de
la rédaction de cet article, et qu’ensuite il l’a ajouté à
l’art. X X V I , pour réparer en quelque sorte cette omis-
�( i4 )
siorii E n fin , la question a été expressément jugée dans
la cause de Soulier aîné contre ses puînés.
Soulier aïeul avoit fait une institution de tous ses biens
en faveur de son aîné, sous la réserve de disposer du
quart; lequel quart, à défaut de disposition, seroit néan
moins de la comprise de l’institution. L ’aïeul est décédé
en l’an 7, postérieurement à la loi du 17 nivôse an 2,
mais antérieurement à celle du 4 germinal an 8. Par son
testament il avoit disposé du dixième de ses biens en
faveur d’an des enfans dudit Soulier, son petit-fils. Les
frères et sœurs de Soulier ont attaqué cette disposition -f
comme faite indirectement au profit die l’aîné; et la dis
position a été effectivement déclarée nulle, d’abord en
première instance, au tribunal d’arrondissement de cette
commune) et ensuite sur l’appel en ce tribunal.
«
Subrogation du 17 jlo rca l an 2.
Cette subrogation à l’acquisition des deux maisons na~
tionales, n’est évidem m ent qu’une donation déguisée sOus
le nom de vente.
Ce n’est pas sans doute par la dénomination donnée à
un acte qu’il faut juger de la natiire de l’acte, mais par
l’intention que les parties ont eue.
Ce principe ne sauroit être contesté ; il est enseigné
par tous les auteurs, et consacré par les lois.
Parmi les différons textes de lois, on peut citer la loi
SuJpitius, au digeste, D e donationibus inter virum et
uxoram, et la loi Niidâp au cod. D e contrahenda emp~
tionex
�( i5 )
Papon , sur la loi Suïpitius, s’exprime ainsi : « S i ,
« pour donner couleur à chose que la loi ne permet, 1 on
« prend titre permis, sera toujours l’acte suspect, et juge
« qu’on l’a voulu couvrir de ce pour le faire valoir;
« comme si l’un de deux conjoints interdits et empêchés
« de soi donner , fait, par testament ou conti'at entre-vifs,
« confession que l’autre lui a prêté, ou employé à ses
« affaires, ou délivré, ou remis en ses mains certaine
« somme, ne pourra ledit créancier, ainsi confessé, s’aider
« de telle confession, sans premier faire preuve qu’il a
« fait tel p rêt, ou remis, employé, ou délivré la somme.,
« La simulation, dit le mémo auteur dans. un auti'e
« endroit, se pratique de différentes manières; l’une, et
« première, est de faire paroître, par contrat, chose dont
« néanmoins le contraire est entendu entre parties : ce
« sera acte imaginaire, qui n’aura autre chose que l’ap*
« parence pour le contrat passé entre les parties. Un
« homme empêché, par la coutume du lieu, de donner à
« un autre, pour la volonté qu’il aura de le gratifier,
« simulera de lui vendre à certain p r ix , qu’il confes« sera avoir reçu ( c’est ici précisément notre espèce ) :
« si cette simulation est prouvée, sans doute la vente
« sera nulle, comme le dit Ulpien. »
Et Papon cite ladite loi ISudâ.
« Quoique les parties, dit Ricard, et après lui Chabrol,
« tome II, page 381, aient déguisé du nom de vente une
« donation, elle passe pour un titre gratuit et pour une
« véritable donation ; de sorte qu’elle en reçoit toutes les
« lois, comme elle en a les principales qualités. Ainsi
�( 16 )
« un semblable contrat étant passé entre personnes qui
« sont prohibées de se donner, il sera pris sans difficulté
« pour un avantage indirect, et sujet à la prohibition
« de la loi. »
Ce seroit donc une erreur manifeste de s’attacher à la
dénomination d’un acte, et de ne pas en pénétrer l’esprit.
Vainement les parties ont-elles voulu voiler leur inten
tion, et la présenter sous une autre forme que celle d’une
libéralité : les précautions concourent souvent à la trahir;
et les présomptions qui s’élèvent en foule contre un acte
déguisé, acquièrent bientôt le degré d’une certitude, et
eu provoquent la nullité.
• A ces autorités qu’il soit permis d’ajouter celle du
célèbre Cochin, dans son 177e. plaidoyer : Dans un acte
devant notaires il faut, dit-il, distinguer deux choses, le
fait et l’écriture, scriptum et gestum. La simulation con
siste en ce que les parties déclarent, devant un officier
public, qu’elles font entre elles une certaine convention,
quoique réellement elles en exécutent une contraire.
L ’acte est simulé, si l’on prouve que l’on a eu une inten
tion contraire, et qu’on l’a exécutée. La simulation est un
genre de faux ; mais le faux ne touche pas sur l’acte en luimême. C’est un genre de faux par rapport aux parties,
mais non par rapport à l’officier public.
Et de là, le principe consacré, même par une règle de
d ro it, Plu s valere quod agitur, quàrn quod sirnulatè
concipitur.
S’il est constant que la dénomination d’un acte n’efl
détermine pas toujours la nature; si,malgré la dénomina
tion
�C r7 )
tion que les parties lui ont d o n n ée, on peut l ’arguer de
simulation et de fraude , comment s’établit maintenant
cette simulation et cotte fraude ?
Par les circonstances. .
t raus ex circonstantiis probarî potest, dit D um oulin
sur l’article III du titre X X X I de la coutume de Nivernais.
F raus, dit énergiquement d’Argentré, sur l’article
CGXCVI de la coutume de Bretagne , probatur conjecturis antecedentibus , consequentibus et adjunctis.
Falsissim im i, a jo u te-t-il , quod quidam putaverunt non
nisi instrumentis probarî posse; facta enim extrinsecus
fraudent potiùs probant, quia nemo tarn supinus e s t ,
ut scribi patiatur quœ fraudulenterfacit.
La fraude, dit Coquille, s’enveloppe toujours, et cherche
à se déguiser. Elle ne seroit pas fraude, si elle n’étoit
occulte. De la vient que les seules conjectures et présomp
tions servent de preuve.
Citerons-nous encore Denizard. lies donations indi
rectes, dit cet arrétiste, au mot, avantage indirect, n° 17 ,
sont les plus fréquentes, et la preuve en est beaucoup plus
difficile: aussi n’exige-t-on pas de ceux qui les attaquent,
qu’ils rapportent une preuve complète de la fraude ; de
simples présomptions suffisent, parce qu’on ne passe point
des actes pour constater l’avantage indirect-, au contraire
on cherche avec attention à en dérober la connoissance.
Quelles sont, d’après les mômes auteurs, les principales
circonstances qui doivent faire déclarer un acte simulé ?
La première, si l’acte est passé entre proches. Fraus
inter conjunctas personasfacilè prœsumitur.
C
�( 18 )
La seconde , la non-nécessité de vendre, s’il n’existe
aucun vestige du prix.
La troisième, si les actes sont géminés; alors la pré
somption de simulation acquiert un nouveau degré de
certitude.
En un m ot, comme dit d’A rgentré, dont nous avons
rapporté les expressions, les juges ne doivent pas se fixer
seulement sur l’acte attaqué, ou sur les circonstances qui
ont pu accompagner cet acte au moyen de la passation,
mais encore sur toutes les circonstances antécédentes et
subséquentes.
La parenté, le défaut de nécessité de vendre, le défaut
de vestige du p r ix , tout se rencontre ici. Le notaire
n’atteste point la numération des deniers. Il n’est point dit
que la somme a été comptée au vu et su du notaire ou des
notaires soussignés, ainsi qu’il est même de style, lorsque
l’argent est effectivement compté.
E t si, à ces circonstances, qu’on peut appeler environ
n a n te s , on ajoute les circonstances antécédentes et subsé
quentes ; si l’on juge, pour rappeler les expressions de
d’Argentré, ex adjunctis, et ex antecedentibus et consequentibus, restera-t-il le moindre doute?
La dame Dalbine et son mari ont excipé, en première
instance, et de l’article X X V I de la loi du 17 nivôse, et
de la réponse à la 55e. question de celle du 22 ventôse.
L ’article X X V I de la loi du 17 nivôse déclare nulles,
et interdit toutes donations, à charge 4e rente viagère ou à
fonds perdu, soit en ligne directe, soit en ligne collaté
rale, faites à un des héritiers présomptifs ou ù ses descen-
�( 19 )
dans; et de ce que cet article ne parle que des ventes a fonds
perdu, la dame Dalbine et son mnri n’ont pas manque
d’en induire que cet article, par une conséquence néces
saire , autorise les ventes qui ne sont pas à fonds perdu,
d’après la maxime, Inchtsio unius est exclusif) chenus.
Ils se sont aidés ensuite de la réponse 55e. de la loi du
22 ventôse, qui déclare que la loi valide tout ce qu’elle
n’anmille pas; mais cet article de la loi du 22 ventôse,
qui détermine le sens de l’art. X X V I de celle du 17 nivôse,
bien loin d’être favorable à leur système, leur est con
traire. Voici ce que porte la réponse à la 55e. question :
« A ce qu’en expliquant l’article X X V I de la loi du
« 17 nivôse, relatif aux ventes à fonds perdu faites à des
« successibles, il soit décrété que les ventes faites à autre
« titre, antérieurement à cette lo i, soient maintenues,
« quand elles ont eu lieu de bonne f o i , sans lésion, et
« sans aucun des vices qui pourraient annuller le
« contrat. »
Fixons-nous sur ces dernières expressions.
On voit qu’on n’a pas môme osé mettre en question,
et proposer au législateur de décider si des ventes simu
lées devoient être maintenues. Une pareille question n’en
étoit pas une. Le doute ne pouvoit s’élever qu’à l’égard
des ventes faites de bonne fo i, et non en fraude; des.
ventes sincères, et non des ventes simulées. On voit
même, dans l’exposé de la question, qu’il s’agissoit de
ventes faites antérieurement à la loi.
Que répond le législateur?
« Sur la cinquante-cinquième question, ¿jjue la loi
« valide ce qu’elle n’annulle pas; qu’ayant anéanti, entre
G a
�( 20 )
« successibles, les ventes faites à fonds perdu depuis le
« 14 juillet 1789, sources trop fréquentes de donations
« déguisées, parce que les bases d’estimation manquent,
« elle n’y a pas compris les autres transactions commerv ciales, contre lesquelles on n’invoquoit ni lésion, ni
« défaut de payement. »
Qu’induire de là ? La question qui divise les parties
est-elle donc de savoir si une vente faite de bonne fo i,
à un héritier présomptif, est valable? On ne l’a jamais
contesté, et on en conviendra encore, si l’on veut. Mais
en est-il de même d’une vente qui n’en a que le nom,
qui n’est véritablement qu’une donation déguisée ?
Cette question est sans doute bien diiféi’ente.
Vente du 21 vendémiaire an 5 , du domaine de V a zeîiettes et du P o u x , au citoyen Gizaguet.
Elle est faite moyennant la somme de 25,000 francs,
numéraire métallique, laquelle somme, e st-il dit, la
venderesse reconnaît avoir reçue présentement dudit
Gizaguet.
Mais d’abord à qui persuadera-t-on que le citoyen
Gizaguet ait payé comptant 25,000 francs, dans un temps
où le numéraire étoit si rare ? Et si cette somme avoit été
payée comptant, n’en seroit-il pas resté quelques ves,tiges? la défunte n’en auroit-elle pas fait quelque emploi?
ou si elle avoit gardé cet argent stérile dans son armoire,
ne se seroit-il pas trouvé, au moins en partie, à son décès?
• Mêm<^circonstances environnantes. Point de nécessité
de vendre ; point d’emploi du prix; point d’attestation tic
�( 21 )
la part du notaire, que les deniers ont été comptés sous ses
yeux.
Mais, de plus, réserve de la part de la venderesse de 1 usu
fruit; réserve très-rare dans les ventes véritables, tresordinaire au contraire dans les donations ; réserve qui
seule suffiroitpour faire déclarer l’acte n u l, aux termes de
l’article X X V I de la loi du 17 nivôse.
En effet, une pareille réserve convertit la vente en une
vente à fonds perdu, prohibée par l’article X X V I , à
moins qu’elle n’ait été faite de l’exprès consentement dfes
héritiers.
Circonstances antécédentes et subséquentes.
Première donation du 9 décembre 1771 , envers la
dame Dalbine, du domaine de Fontanes , domaine d’une
valeur considérable, et encore d’une somme de 2,000 fr.
En 1778, seconde donation, à Anne-Marie Dalbine,
aujourd’hui veuve Gizaguet , de six parties de rentes
foncières.
11 novembre 1793, quittance et décharge de toutes les
sommes perçues parla dame Dalbine, provenantes non-seu
lement des revenus, mais encore du remboursement des
capitaux.
8 frimaire an 2, procuration générale et illimitée de
percevoir revenus et capitaux, avec dispense de rendre
compte.
La loi du 17 nivôse intervient, Elle ne peut se faire
donner à elle-même. Qu’est-ce qu’elle imagine ? Elle inter
pose ses enfans.
; Donation, du 17 germinal an 2 , de toute la quotité
�(
22
)
alors disponible, envers les non successiblcs, c’est-à-dire,
du sixième.
La q u o t i t é disponible, o u , pour mieux dire, qu’elle
croyoit disponible, étoit épuisée. Elle imagine un autre
moyen pour envahir le surplus des biens. Subrogation,
du 17 floréal an 2 , moyennant 1,221 fr., d’une part, et
1,200 fr. d’autre, dont le contrat porte quittance ;
Quittance illusoire ! En effet, on a vu que la défunte
étoit aveugle, et presqu’anéantie par l’âge. Elle avoit
donné à sa nièce la procuration la plus ample; elle l’avoit
constituée maîtresse. En supposant que la somme eût été
véritablement comptée , la dame Dalbine se seroit donc
payée à elle-même : elle auroit pris d’une main ce qu’elle
auroit donné de l’autre.
Somme illusoire ! En supposant qu’elle eût été payée,
elle l’auroit été en assignats presque de nulle valeur ;
en assignats qui seroient provenus de la gestion même
qu’elle avoit des biens de la défunte.
C ’est à la suite de ces actes qu’est conçue la vente
du 21 vendém iaire an 5.
6 frimaire an 7 , déclaration de la défunte, attestant
que, quoique la dame Dalbine ait fo u r n i quittance aux
débiteurs, c’est cependant elle déclarante qui a reçu et
touché les différentes sommes, tant en principaux, in
térêts que fr a is.
Et il est ajouté, ainsi que le montant du prix de la
Vente du domaine de Vazeliettes et du P o u x.
Pourquoi cette dernière mention ? Q u ’ e t o i t - i l besoin
de faire déclarer à la défunte que c’étoit elle qui avoit
perçu le prix de la vente? N’étoit-ce pas elle-même
qui l’avoit quittancé dans le contrat ?
�Que la dame Dalbine se soit fait donner une décharge
des sommes dont elle pouvoit craindre qu’on cherchât à
la rendre comptable , des sommes par elle reçues et quit~
tancées ; c’est ce qu’on conçoit : mais des sommes qu’elle
n’a point quittancées ; c’est ce qui ne s’explique pas aussi
facilement.
Cet excès de précaution n’achève-t-il pas de décéler
la fraude ?
Il est dit, dont elle a disposé à son gré, soit à payer
partie de ses dettes, soit à Ventretien de sa maison, ou
autrement : déclaration démentie, i°. par l’existence des
dettes, au moment du décès de la défunte; 2°. par la
réserve de l’usufruit des biens pendant sa vie, même du
domaine vendu ; usufruit plus que suffisant pour subvenir
à sa subsistance.
Enfin, testament du 9 messidor an 8, qui termine cette
chaîne de dispositions.
A-t-on jamais vu une plus grande réunion de circons
tances ?
Tous ces actes s’interprètent l’un par l’autre.
On a cru avoir trouvé une réponse victorieuse.
La lo i, a-t-on d it, ne défend que les ventes h fonds
perdu, faites à des successibles. O r, ic i, la vente n’a point
été faite à fonds perdu ; e t, d’un autre côté, n’est point
faite à un successible, puisque le citoyen Gizaguet étoit
étranger h la défunte, et ne pouvoit jamais venir à sa
succession.
La donation faite au mari ne profite-t-elle donc pas à la
femme?Ne profite-t-elle pas aux enfans communs? Donner
au m ari, n’est-ce pas donner à la femme et aux enfans ? La
�( H' )
loi ne défend-elle donc que les avantages directement
faits aux successibles ? Ne défend-elle pas également les
avantages faits indirectement , et par personnes supposées.
On ne voit dans cette interposition de personnes qu’un
excès de précaution ; et c’est cet excès de précaution qui
caractérise la fraude.
Un jugement du tribunal d’appel du département de
la Seine, du 12 messidor an 9 , conforme aux conclu
sions du ministère public, confirmatif de celui du tri
bunal civil de Chartres, rapporté dans le journal du
palais, prouve assez que la circonstance, que la vente
a été consentie, non à la femme successible, ou descen
dante de successible, mais au mari, n’est pas une égide
contre la nullité prononcée par la loi.
Autre jugement du tribunal d’appel séant à Rouen,
dans l’espèce duquel le contrat portoit que le prix avoit
été payé comptant, en présence du notaire.
Voici la question et les termes du jugement, tels qu’ils
sont rapportés par le journaliste.
« Deux questions ont été posées :
« La première consistoit à savoir quelles sont les con« ditions qui peuvent rendre valable un contrat de vente
« fait par un père, à l’un de ses enfans ou de ses gendres.
« La seconde avoit pour objet de reconnoitre si Le« monnier, acquéreur, avoit rempli les conditions néces« saires pour la validité de son acquisition.
« Le tribunal d’appel de Rouen a pensé, sur la pre« mière de ces questions , que les principes et la juris« prudence, fondés sur l’art. CCC CX X X 1V de la cou« tume de la ci-devant province de Normandie, et l’ar
ticle
�( *5 )
« ticle IX de la loi du iy nivôse an 2, se réunissent pour
« établir qu’un contrat de vente d’immeubles, fait par un
ft père l’un do ses enfans, 11’étoit valable qu’autant que
« l’acquéreur prouvoit qu’il avoit payé le jusle prix de
« la chose acquise, et qu’il justifioit de l’emploi des de« niers de la vente, au profit du vendeur.
« Et sur la seconde question, il lui a paru que L e« monnier n’avoit point rempli les conditions requises
« pour valider son acquisition ; qu’en vain il s’appuyoit
cc sur ce qu’il étoit dit dans le contrat, que le payement
« du prix de la vente avoit eu lieu en présence du notaire ;
« attendu qu’une telle énonciation n’étoit point unepreuve
« de l’emploi des deniers , en faveur du vendeur, mais
« qu’elle étoit plutôt un moyen de couvrir la fraude, selon
« le principe établi par Dumoulin, en ces termes :
« Conclusum quod in venditionefactâjilio velgenero,
« confessio patris non valet de recepto, etiamsi nota
is. rius dicat pretium receptum coram se.
• « D ’après ces considérations, le jugement du tribunal
« civil de l’Eure, qui avoit déclaré la vente valable, a été
« réform é ; et le contrat de vente, passé par le défunt
« H erm ier à L em onnier, son gen dre , a été déclaré frau« duleux et nul. »
Testament du 9 messidor an 8.
Un premier moyen de nullité résulte de ce que le
notaire n’a pas énoncé pour quel département il étoit
établi. Titre Ier. scct. II , art, X II de la loi de ly y i.
Une seconde nullité, de ce qu’il n’a pas désigné le n°.
de la patente. Loi sur les patentes*
D
t
�( 26 )
Une troisième nullité bien plus frappante, et à laquelle
il n’y a point de réponse, c’est le défaut de signature
d’un des témoins numéraires qui n’a signé que par son
surnom , et non par son vrai nom.
L a loi veut que le testament soit signé de tous les té
moins qui savent signer; si le testateur est aveugle, il faut
appeler un huitième témoin également signataire. O r,
celui qui ne signe pas son vrai nom ne signe véritable
ment pas.
Le nom de famille du témoin étoit Croze; son sur
nom , Auvernat : il a signé simplement siuver/zat ; il
devoit signer Ci'oze.
Un décret de l’assemblée constituante, du 19 juin 1790,
art. 11, porte, qu’aucun citoyen ne pourra prendre que
le vrai nom de sa famille.
Autre décret du 27 novembre 1790, pour la forma
tion du tribunal de cassation : ce décret, article X \ III y
porte, qu’aucune qualification ne sera donnée aux par
ties; on n’y insérera que leur nom patronimique, c’està-dire , de baptême, et celui de la famille, et leurs fonc
tions ou professions.
6 fructidor an 2 , nouveau décret de la convention
nationale, par lequel il est prescrit, qu’aucun citoyen
ne pourra porter de nom ni de prénom, que ceux expri
més dans son acte de naissance ; et que ceux qui les ont
quittés seront tenus de les reprendre : loi dont la plus
stricte exécution a été ordonnée par arrêté du direc
toire exécutif, du 19 nivôse an 4.
Mais voudroit-on regarder ces lois comme l’effet de la
révolution, et ne pas s’y arrêter ; on en citera d’antérieures.
�( 27 )
On citera l’ordonnance de Henri II, de i 555 , qui a
enjoint à tous les gentilshommes de signer du nom de
leur famille, et non de celui de leur seigneurie, tous actes
et contrats qu’ils feront, à peine de nullité desdits actes et
contrats.
On citera l’ordonnance de Louis X I I I , de 1629 ,
article GGXI, qui porte les mômes dispositions.
Et, pour remonter à ce qui s’observoit chez les Romains
même, Cujas a conservé dans son commentaire les for
mules des testamens. On y voit que chaque témoin signoit
son nom de famille, après avoir déclaré son prénom : Ego
Joannes...................testarnentum subscripsi; ce qui est
conforme à la loi Singulos, X X X , D e testamentis. Singulos testes, dit cette loi, qui testamento adhibenturproprio chirographo annotare convenit, quis, et cujus testamentum signaverti. Il faut que, par l'acte même, on
puisse savoir quel est celui qui a signé; que l’acte même
apprenne à ceux qui ne connoissent pas le témoin, quel
est ce témoin. Un surnom peut être commun à plusieurs.
Le nom de famille est le seul nom propre et distinctif.
Enfin l’ordonnance exige que tous les témoins signent.
Celui qui ne signe pas par son nom , est comme s’il ne
signoit pas.
Le testament est donc nul ; et on ne peut assez s’étonner
que le tribunal de première instance l’ait déclaré valable ;
qu’il ait pareillement déclaré valables les autres actes entre
vifs, dont on a rendu compte.
. Dans tous les cas, le testament ne pourrait avoir son
entier effet : la loi du 4 germinal an 8 permettoit à la
défunte de disposer de la moitié de ses biens; mais autant
�( .2 8 }
seulement qu’elle n’en auroitpas disposé par des libéralités
antérieures.
Les premiers juges l’ont reconnu eux-mêmes, puisqu’ils
ont inséré dans le jugement: D ans la moitié, est-il dit,
pour Cinstitution de la dame D albine, sont comprises
toutes les facultés de disposer de la défunte ,* mais ils
ont ajouté, fa ites depuis la publication de la loi du
17 nivôse an 2. On ne craint pas d’avancer qu’ils ont erré
en cela. Si la libéralité antérieure à la loi du 17 nivôse an 2,
ou, pour mieux dire, à celle du 5 brumaire an 2, excédoit
la moitié, on ne pourroit pas la faire réduire. Mais si elle
n’excède pas, elle doit être imputée sur la moitié dispo
nible-, et c’est mal à propos que les juges ont distingué les
libéralités antérieures ou postérieures à la loi du 17
nivôse.
Ainsi il faudroit, dans tous les cas, imputer sur la quo
tité disponible, et la donatiap>du domaine de Fontanes,
faite à la dame Dalbine par son'contrat de mariage , et la
donation des six parties de rentes foncières, faite en 1778,
à A n n e -M a r ie D albine-, en tant du m oins que ces dona
tions excéderoient celle faite à la dame Peyi'onnet et au
citoyen D ejax, dans leur contrat de mariage.
Le jugement dont est appel auroit donc encore mal jugé
en ce point.
On voit combien cette cause est importante. Elle n’inté
resse pas seulement le citoyen Dejax ; elle intéresse encore
le public. S’il étoit possible que la dame Dalbine obtînt le
succès qu’elle attend , il n’y auroit plus de rempart contre
l’avidité d’un cohéritier ambitieux. L e s fraudes, déjà trop
communes, se multiplieroient ; la loi seroit sans objet ; la
�(2 9 )
volonté du législateur, impuissante. Comment la dame
Dalbine s’est-elle flattée de faire adopter un pareil système?
comment a-t-elle pu penser que des juges éclairés et
intègres consacreroient une suite d’actes aussi évidem
ment frauduleux ?
P A G E S -M E IM A C , jurisconsulte.
P É R I S S E L , avoué.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d R i o t , seul imprimeur du
T rib u n al d’appel. — A n 11.
�
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dejax, Julien. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Périssel
Subject
The topic of the resource
successions
successions collatérales
donations
coutume d'Auvergne
droit intermédiaire
doctrine
nullité du testament
surnoms
défaut de nom patronymique
abus de faiblesse
procuration
droit intermédiaire
biens nationaux
ventes
testaments
coutume d'Auvergne
droit matrimonial
jurisprudence
droit romain
doctrine
signatures
surnoms
nom de famille
Description
An account of the resource
Mémoire pour Julien Dejax, homme de loi, habitant de la commune de Brioude, appelant ; contre Agnès Dejax, et le citoyen Pierre Dalbine, son mari, juge au tribunal de première instance de l'arrondissement de Brioude ; Jospeh Dalbine, Marie Dalbine, fille majeure, et Anne-Marie Dalbine, veuve de Robert Croze-Montbrizet-Gizaguet, en son propre et privé nom ; tous enfans dudit Pierre Dalbine et de ladite Dejax, son épouse ; et encore ladite Marie Dalbine, veuve Gizaguet, au nom de tutrice de ses enfans mineurs, et dudit Montbrizet-Gizaguet ; tous intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1771-Circa An 11
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
29 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0716
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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BCU_Factums_G0931
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Vazeliettes (domaine de)
Poux (domaine du)
Fontanes (domaine de)
Brioude (43040)
Rights
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abus de faiblesse
biens nationaux
coutume d'Auvergne
défaut de nom patronymique
doctrine
donations
droit intermédiaire
droit matrimonial
droit Romain
jurisprudence
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nullité du testament
procuration
signatures
Successions
successions collatérales
surnoms
testaments
ventes
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CONSULTATION.
L E S CO N SE ILS SO U SSIG N ES, q u i ont v u le mémoirc
à consulter du citoyen Daudin de la Fabrie; ensemble,
1 °. copie du testament nuncupatif d’Étienne Descaffres, en
date du 3 avril 1773 ; 20. copie d’ un contrat passé devant les
notaires publics à A urillac, le 1er mars 1782, contenant
vente par madame veuve Daudin de la F abrie, au
citoyen Capelle , d’un domaine appelé V ern et , appar
tenant à son fils , en qualité d’héritier d’Étienne Des
caffres ; 3°. copie d’un autre contrat passé devant les
notaires publics à V i e , département du Cantal, le 2 ven
démiaire an 8 , contenant vente et cession par le citoyen
Daudin de la F ab rie, au citoyen Desprats, de tous les
droits successifs, mobiliers et im m obiliers, fruits et reve
nus d’iceux, appartenans audit citoyen D au d in , en vertu
du testament d’Etienne Descaffres de la R ivière; 4 ° . copie
figurée d’un écrit portant la date du 21 mars 1788, au
bas duquel est apposée la signature D a u d in la F a b r ie ,
contenant une prétendue ratification des actes faits par
la veuve Daudin ; 5°. la demande en revendication et
A
�C O
désistement de la propriété du domaine du V ern et,
formée par le citoyen Desprats contre le citoyen Capelle;
6°. enfin la demande en garantie formée par le citoyen
Gapelle contre le citoyen Daudin la Fabric.
E s t i m e n t qu’indépendamment des fortes présomp
tions de faux qui s’élèvent contre l’écrit sous seing privé
q le le citoyen Capelle fait servir de hase à sa demande
en garantie, deux moyens de nullité péremptoires vien
nent se l’éunu* pour écarter cet acte inform e, qui ne
peut être aux yeux de la justice que l’ouvrage du dol jet
de la s irprise , s’il n’est pas celui d’un faux matériel bien
caractérisé.
L e premier de ces moyens résulte de ce que la pré
tendue ratification qu’il renferme n’est point une ratifi
cation spéciale , attendu que ni la nature , ni les causes >
-ni même la date des actes qu’il ratifie ne s’y trouvent
énoncées.
L e second, de ce qu’il n’est pas fait double entre les
parties contractantes..
Il résulte des pièces que, par un testament nuncupatif
en date du 3 avril 1773 , Etienne DescafFres de la R i
vière a institué pour son héritier universel le citoyen
J)audin de la F ab ric, son petit-neveu, et que dans les.
biens de l’hérédité se trouvoit un domaine nommé du
V ern et, situé dans la commune de V ie , département du
Cantal.
C o m m e l ’c x t r ê m e jeunesse de l ’h é ritie r institué n e lu ip e r . m e t t o it l’aliénation d ’au cu n im m e u b le , q u o iq u ’il fû t néces
saire d ’en v e n d re u n e p artie p o u r l’acquittem ent des dettes»
�et des legs, le testateur avoit donné jiôuvoir à lafcitôvenrie
Daudin d b la Fabrie, sa nièce, mère de cet héritier ins
titué, d’aliéner ce qui scroit nécessaire ; et", eh'eilet, plu
sieurs immeubles ont été vendus par ellèf,ymais en qua
lité de mère et tutrice de son fils mineur.
•
En 1782, la mère du citoyen Daudin de la Fàbrie
crut pouvoir vendre le domaine du V e r n é t, n o n plus
comme mère et tutrice, mais comme propriétaire, et
ce fut au citoyen Capelle, alors'conseiller au présidial
d’A urillac, qu’elle consentit de fairiecettë'vente. L e prix
énoncé au contrat paroît être die ai6ôô francs1, ptyés
comptant; mais on assure qu’il s’en faut de plus d’un
tiers que cette somme ait été payée, et on ajoute que
l’acquéreur employa d’ailleurs tous les moyens qui étoient
en son pouvoir pour se rassurer contre la revendication
postérieure du citoyen Daudin de la:F ab riè, seul pro
priétaire du domaine vendu par la mère.
C elui-ci, mineur encore., et dans la fougue des pas
sions, se prêta volontairem ent, sans prévoir les consé
quences de ce qu’on exigeoit de lui-j à tout ce que le
citoyen Gapelle v o u lu t, moyennant qu’on lui fît toucher
une partie de la somme portée au contrat.
\ Il commença d’abord pardonner une ratification conçue
en ces termes: « Je soussigné appi’ouveet ratifie lés actes
« que ma mère a consentis en faveur die M . G apelle,
« conseiller, du domaine du V ern et, et tout ce qui en
« dépend , et promets de l’en faire jouir en vrai proprié« taire. Fait le.......... Signé Daudin de la Fabrie. »
" Gomme il n’avoit encore que dix-neuf ans, et qu'une
pareille ratification ne pou voit produire aucun effet, à
A a
�( 4 )
raison de la minorité de celui qui l’a voit souscrite, on
lui fit laisser la date en blanc, pour la remplir lorsqu’il
seroit majeur.
•'
D ’un autre cô te, un procès criminel s’étant élevé entre
le citoyen Capelle et la mère <lu citoyen D audin,(*) le
citoyen Capelle eut encore l’adresse de se faire écrire p a r le
mineur la lettre qui suit : « M . le curé de Giou m’a marqué
« que je ne m’étois pas assez expliqué au sujet des affaires
« de Sislrières (c ’étoit le magistratchargé de l’instruc« lion du procès criminel
voici plus clairement ce qui
« en est. Lorsque je fus arrivé, je subis un in te rro g a to ire
« pour savoir ce que j’ai reçu de vous. Sistrières croyoit,.
,«c et croit en co re, que vous n’aviez fait de billets
« que pour quatorze mille francs ; - j’ai répondu qiife
« vous en aviez fait pour le contenu du contrat, ce qui
« l’interloqua fort dans le temps. Q u o i qiCil en soit ,y
« je ne vous nuirai ja m a is, paroe -que vous m avez, bien
« payé ce que vous rriaçez promis. Si Sistrières fait tra
ct vailler à Riom au nom de ma mère , elle l’ignore. <Je
,« vous,p rie de me m arquer ce q u il fa u t que je lu ija s se
a f a i r e , pour ne pas être compromise dans les discus« sions qu’a Sistrières avec vous. J e les crois très-mau« vaises. .Au premier jour j’aurai 1’lionneur de vous v o ir,
« et nous causerons plus amplement. »
Cependant cette affaire criminelle n’eut pas d’autre
suite, etles choses en restèrent là pendant plusieuiis'années..
Mais lorsque le citoyen Daudin de la Fabrie , devenu
(*) Le procès crim inel étoit contre le fils, el nôn contre le sîtu r
Capelle.
�majeur, voulut réclamer contre la fausse quittance portée
au contrat, il éprouva de la part du citoyen Capelle
une telle résistance, que , désespérant d’obtenir de lui
Xe que la Jbonne la jfoi seule et l’équité exigoient , il
prit le parti de vendre au citoyen Desprats tous ses droits
dans la succession du citoyen DescafFres , son grandoncle, dont il étoit héritier institué. Cette vente eut lieu
par acte passé devant les notaires publics de V ie , dépar
tement du Cantal, le 2 vendémiaire an 8.
Aussitôt le citoyen Desprats forma contre le citoyen
Capelle une demande en revendication du domaine du
Yernet ; et le citoyen Capelle , qui sentoit parfaitement
tout le vice de son titre d?acquisition, ne crut trouver
de ressource qtie dans la prétendue ratification qu’il avoit
surprise au cit. Daudin de la Fabrie pendant sa minorité.
Il forma donc une demande en garantie contre ce der
nier ; demande fondée sur les termes de cette prétendue
ratification y dont la date la is se en blanc se trouva rempl e par celle du 21 mors 1788 qu’on y avoit mise après
coup. Un premier-jugement ordonna, sur la réquisition
du citoyen Daudin de la F ab rie, qu’elle seroit déposée
au greffe du tribunal; et là , suivant le mémoire à con
sulter, il fut facile de voir , i°. que les deux chiffres 21
étoient écrits d’une autre main et avec une autre ericre
que le corps de l’acte; 20. que le mot mars avoit été
évidemment surchargé ; 30. que lés quatre chiffres for
mant la date de 1788 étoient d’une autre encre et d’une
üuti'c plume*, 40. que l’encre dont on s’étoit servi pour rem
plir celle date étant plus réceüte et beaucoup plus noire,
par conséquent, que celle de récriture du corps de l’acte,
�( 6 )
on avoit, pom* faire disparoître cette différence , repassé
la plume sur plusieurs lettres, notamment sur cinq ou
six de celles qui composoient la signatui’e.
L e citoyen Daudin de la Fabrie auroit pu sans doute
s’inscrire en faux contre cette pièce , et c’étoit même la
voie qu’on lui conseilloit de prendre;m ais il a cru y voir
des moyens de nullité si frappans et si décisifs, que, sans
..recourir à ce moyen auquel il est toujours libre de revenir,
il se borne à la discuter en ce m om ent, comme s’il l’a voit
souscrite en pleine majorité.
En conséquence, il propose aux conseils les deux ques~
lions suivantes :
?
i°. L ’écrit sous seing p riv é , portant la date du 21
mars 1788 , peut-il être regardé comme une véritable
ratification de la vente faite par madame Daudin de la
Fabi’ie au citoyen Capelle?
20. Ce même écrit n’est-il pas n u l, pour n’avoir pas
été fait double entre les parties contactantes ?
)
PREM IÈRE
QUESTION.
L a -prétendue ratification contenue en Técrit sous seing
privé, portant la date du 21 mars 1788, riest-elle
pas radicalement nulle , fa u te d'énonciation des actes
ratifiés ?
Sur la première de ces deux questions , les soussi
gnés estiment que , faute d’avoir exprimé dans l’acte
dont il s’a g it, la nature, les causes et la date de ceux
qu’on a voulu faire approuver au citoyen Daudin de
�(
7
)
.
.
.
la Fabrie , cet acte ne renferme ni ratification ni appiobation valable , et qu’il est impossible par consequent de
lui donner aucun effet.
Dans le sens le plus étendu qu’on puisse donner au
mot de ratification , il présente l’idée générale d’une
approbation ou confirmation de ce qui a été fait ou
promis antécédemment , soit par celui même qui ap
prouve , soit parson mandataire , soit enfin par un homme
qui auroit agi en son nom , mais sans aucun pouvoir
de sa part.
A in s i, par exemple, un majeur ratifie les actes par lui
souscrits en minorité , lorsqu’il les approuve en pleine
connoissance de cause, speciali conjirniatione : sa rati
fication les rend obligatoires pour lui à compter du jour
même qu’ils ont été passés. A in s i, le commettant ratifie
ce qui a été fait par son mandataire , même hors les
termes ou les bornes de son m andat, lorsqu’il consent
de l’adopter. A in s i, enfin , celui dont on a fait l’affaire
à son in su , quoiqu’en son nom et se portant fort pour
l u i , se rend propres et personnelles toutes les obligations
qui en dérivent, lorsqu’il se soumet à les exécuter. Dans
les deux derniers cas , la ratification équipolle au mandat,
suivant la maxime ratihabitio manda to compara/ier ;
et dans tous elle a un effet rétroactif au moment où les
actes ratifiés ont été souscrits, parce qu’elle n’en est que
l’accessoire et le complément.
11 est une autre espèce de contrat auquel, dans l’usage,
on a très-mal à propos appliqué te nom de ratification ,
dont il diffère essentiellement dans ses caractères pro-
�,
( 8 \
prcs et dans ses effets ; c’est celui par lequel on approuve
uu acte essentiellement n ul, tel, par exemple , que seroit
l’obligation d’une femme mariée qui l’auroit consentie
sans l’autorisation de son m ari; tel encore que la vente
d’un héritage faite par celui qui n’en étoit pas proprié
taire , ou l’aliénation d’un bien de mineur faite par son
tuteur sans le concours ou l’autorité de la justice. Cette
prétendue ratification ne peut pas avoir d’effet rétroactif au
temps du contrat, puisque ce contrat étant n u l, ab in itio ,
n’a pu produire aucun effet, ni recevoir de complément
par une approbation postérieure. C’est une nouvelle obli
gation ou une nouvelle v e n te , qui n’a d’exécution que
du jour môme qu’elle est consentie; quippè ratum habens
et confirmons, actum , q u i alias vim non obtineret, ipsum
consiituere videtur, nec ratihabitio ejus retrotrahipotest.
Cette espèce de contrat , qui est celle de la contesta
tion, et qui fera plus particulièrement l’objet de la seconde
des questions proposées, a néanmoins cela de commun
avec la ratification ordinaire, q u ’elle doit m êm e, à f o r
tio ri, énoncer de la manière la plus formelle et la plus
précise la nature, les causes et la date du contrat que l’on
entend approuver et confirm er; autrement il seroit im
possible de se rendre certain que l’approbation a été
donnée en pleine connoissance de cause, que le consen
tement a été libre et parfaitement éclairé , qu’enfin celui
qui ratifie a eu tous les moyens possibles d’éviter Terreur
et la surprise sur l’objet de la convention.
Suivant les principes du droit romain , adoptés dans
notre jurisprudence française , celui qui ratifie en ma
jorité
�C l ) ) ..
... .
. .
jorité les actes qu’il a faits étant mineur, rie peut pas invo
quer le bénéfice de la rescision. ( Leg. i et 2 , il. cod. Si
major fact. rat. h a b .)
!
[
Mais il faut que cette ratification soit spéciale , c’està-dire, qu’elle soit exempte de tout soupçon de fraude
de la part de celui qui l’ex ig e , ou d’erreur et de surprise
de la part de celui qui la donne ; à bien plüs forte raison
cette règle doit-elle être observée, lorsqu’il s’agit non pas
d’un acte fait par le mineur lui-même , mais d’un acte
fait sans le concours de sa volonté ,'>soit pour disposer de
son b ien , soit pour compromettre ses intérêts’.
A in si,p ar exemple, un mineur, devenu majeur, con
sent d’approuver et de ratifier les ventes faites par son
tuteur, sans autorité de justice, pendant le cours de sa
minorité. La loi 'décide, en ce cas,'qu’il ne peut troubler
les acquéreui’s , ni revendiquer sur eux sa propriété ; mais
elle décide en même temps que si la ratification n’a pas
été spéciale, ou si la prescription n’est‘pas acquise contre
l u i , il a le droit incontestable de fairé anéantir les alié- nations. }St sine décréta prœsidis preedia tütt à tutore
tuo alienata s u n t, nec s p s c i a l i confirmatione ; vel
<( sibonajide possessor fuisset') statuti tempùris eùcchrsu,
ici qiioà perperam est acturn,fu ern t stabiliium , prœses
proçïnciœ possessionem ih ju st tuum retrahet. Leg. 2 ;
cod. Si jn a jon jxîct. alien. sin. dccret. rat. hab. ,
O r , quels caractères doit avoir cette ratification pour
être spéciale ? Le premier de tous , sans doute , est dénon
ciation précise et formelle de la nature., des causes et
de la date dû contrat que l’on entend ratifier; elle doit
être faite e x p re sse -e t NOMiNATuàyàit Perrézius, sur le
B
�( 10 }
titre 46, cod. S i major ratum h a b ., etc. ; car, si l’on
confirme un acte, ou des actes en général, sans exprimer
ni leurs objets, ni leurs clauses principales, ni le temps
.où ils ont été passés, la convention est radicalement nulle
par la seule indétermination des choses qui en font la
m atière, et par l’impossibilité d’assigner d’une manière
fixe et certain^ l’objet sur lequel a porté le consentement
des parties contractantes.
Une autre raison non moins évidente rend encore cette
énonciqtiôn absolument indispensable , savoir , la nécessité
de constater que celui qui ratifie a bien connu l’acte qu’il
consentoit d’approuVer , qu’il l’a lu en entier, cl qu’il ne
.s’est .déterminé à le revêtir de son approbation ¡qu'après
avoir pris tous les éclaircisse mens nécessaires pour-éviter
l’erreur et la surprise. La loi 5 , côd. P lu s raiera qitad
agit.^quibii quod simul. conçip. , nous présente encore
un exemple frappant de l’application de ce principe dans
.J’espèce/¿suivante :, , ¡mi '•
; :,1
,« Vous avez donné ordre de prendre pour vous le. bail
« à ferme d’un héritage mais le mandataire infidèle que
« vous en aviçz chargé vous présente, au lieu d’un contrat
« de lou.ige, le contrat de vente de ce même immeuble,
« et vous le siguez ou..vous l’approuvez sans le lire.<»
^Dans ce .cas , dit, la %loi il n’ÿ a ni vente, ni contrat de
louage, faute du consentement des partiescontractantessur
Je même objet : S ifa lsü m insXrumentum emptionis consqriptum t ib i, relut locationis q u a m jie r i tibi mandaveras , subscribere n o n b e l i g e n t e m , scdjidciiuhabcnti’Hi fccerit neulxtun contractum ( in utfa que parie ?
d(J\atente cQtiiensu ^ coastitisse .procul di/bio est. ■
�Dans cette espèce,la loi suppose que celui qui approuve
Ou ratifie le faux acte fait en son nom n’a pas eu l’attention
de le relire y n o n r e l ig e n t f . m ; et ce n’est pas sur sa
simple allégation qu’elle le suppose, car ce seroit une
grossièi*e absurdité , mais elle l’induit nécessairement du
défaut d’énonciation, c’est-à-dire, de cela seul qu’il n’a
pas exprimé en signant ou approuvant l’acte , qu’il l’avoit
lu en entier, et qu’il en connoissoit la nature et les causes.
Yoilù donc le caractère propre et distinctif de cette conjirm ation spéciale requise par la loi, parfaitement bien fixé ;
elle doit énoncer spécifiquement expresse et nom inatim ,
la nature , l’objet et la date de l’acte qu’on approuve; elle
doit montrer que celui qui le ratifie a eu la plus entière
connoissance des stipulations qu’ il renferme; elle doit
enfin présenter les preuves d’un consentement éclairé
dans tous les motifs de sa détermination : autrement, elle
est nulle ; elle n’oblige point celui qui la donne ; elle ne
produit aucun droit en faveur de celui qui l’obtient; et
comme la loi lui refuse toute espèce d’effet ou d’exécu
tion , les tribunaux ne peuvent en prendi’e connoissance
que pour en prononcer la nullité.
Cela posé , que porte la prétendue ratification du ci
toyen Daudin de la Fabrie, ou, pour mieux dire, l’écrit
au bas duquel se trouve sa signature? Il porte : a Je
« soussigné approuve et ratifie les actes que ma mère
« a consentis en faveur de M . Capelle, conseiller, du
« domaine du Vernet et tout.ee qui en dépend, et
« promets de l’en faire jouir en vrai propriétaire. Fait
« le 21 mars 1788. »
Mais quels sont les actes qu’il ratifie? S o n t-ce des
B 2
�contrats de vente, des baux emplütéoliques ou à rente
foncière, des échanges, des donations m êm e? car ce
mot v a g u e et indéterminé exprime tous les genres pos
sibles d’aliénation, soit à titre onéreux , soit à titre
gratuit, sans laisser dans l’esprit aucune idée certaine de
l’espèce particulière d’aliénation qu’ils ont opérée, et
conséquemment sans faire connoître quel est l’objet précis
de la ratification.
Si on dit qu’en s’obligeant de faire jo u ir le citoyen
Capelle 11 titre de propriétaire, le citoyen Daudin de la
Fabrie a suffisamment déterminé la nature de l’engage
ment qu'il contractoit, on ne fera que rentrer dans la
difficulté qui restera toujours aussi insoluble qu’aupara
vant, puisque, la propriété s’acquiert par toutes les espèces
d’aliénations qu’on vient d’énoncer, et qu’il faut néces
sairement eu x*evenir à savoir quel est le genre particu
lier du titre que le citoyen Daudin a voulu revêtir de
son approbation.
- L ’in certitu d e devient encore plus grande ù raison de
ce mot tous les actes, qui embrasse dans sa généralité
non-seulement les actes authentiques, mais encore les
actes sous signatures privées, conséquemment les contrelettres, les quittances, les décharges, et* généralement
toutes les conventions, de quelque nature qu’elles puis
sent être, qui ont pu intervenir entre la mère du cit.
Daudin de la Fabrie et le cit. Capelle. Pourquoi dire
tous les actes, s’il n’y a qu’un seul contrat de vente,
et si ce contrat porte quittance du p rix? Pourquoi ne
pas énoncer ce contrat ? pourquoi ne pas faire mention
de sa nature, de sa date, de ses clauses, du prix moyen-
�( x3 )
nnnt lequel l’héritage a été ven du, des différens objets
qui y sont entrés, du nom de l’officier public qui en
a rédigé la minute, et du dépôt dans lequel on pourra
la trouver? Seroit-ce que le citoyen Daudin de la Fabne
ne le connoissoit pas, qu’il ne l’avoit jamais vu , et qu’il
l’approuvoit sur p aro le, sans aucune espèce d’examen ?
Mais de cela même il résulte que sa ratification est nulle,
puisqu’ indépendamment de l’indétermination qu’elle pré
sente dans son objet, elle n’a point ce caractère propre
et distinctif que la loi veut y trouver, celui d’un con
sentement donné en pleine connoissance de cause, expresse
et nominatim ; en un m o t, celui d’une confirmation
spéciale , qui fait nécessairement supposer l’énonciation
de l’acte ou des actes que l’on confirme et que l’on ratifie.
Et quand on considère que celui qui exige une pareille
ratification est un juge, un magistrat, un homme instruit
plus que tout autre des formes dans lesquelles un pareil
acte doit être réd igé, tandis que celui qui la donne est
un jeune homme sans expérience , sans lum ières, sans
moyens aucuns de s’éclairer sur ce qu’il fait, combien la
présomption légale de fraude et de surprise qui l’ésulle
du seul défaut d’énonciation n’acquiert-elle pas de force
et d’évidence, si l’on y ajoute surtout les présomptions
particulières qui naissent en foule du seul rapprochement
des diverses parties de cet informe écrit!
Sous ce pi’emier point de vue on doit donc nécessai
rement décider qu’il est n u l, et qu’on ne pourroit lni
donner d’exécution ou d’effet sans renverser à la fois les
principes les plus certains du droit civil et les premières
notions du bon sens.
�( i4 )
S E C O N D E
»
QUESTI ON.
m
L 'cc r it portant la date d u ' 21 mars 1788 r ie s t-il pas
n u l,
ri avoir pas é té ja it double entre les parties
contractantes ?
Mais ne l’e st-il pas encore sous un autre aspect,
comme n’ayant pas été fait double entre les parties
contractantes? C’est ce que l’on demande par la seconde
des questions proposées, et ce qu’il s’agit d’examiner en
cet instant.
Pour arriver à une solution satisfaisante et sû re, il
faut remonter d’abord à quelques maximes générales sur
l’effet de la vente du bien d’au tru i, considéré , d’une
p a rt, dans ses rapports avec les parties contactantes ellesmêmes, de l’autre, avec les tiers dont on a vendu la pro
priété.
R elativem ent aux parties contractantes, il est certain
que la vente du bien d’autrui est valable, en ce sens
qu’elle oblige le vendeur à faire avoir la chose vendue
à l’acquéreur, prœstare eirem habere licere, conséque’mment à l’acheter de celui qui la possède, ou, en cas d’im
possibilité, à lui payer des dommages-intérêts propor
tionnés à la perte qu’il éprouve et au gain qu’il manque
de faire, propter ipsam rem non habitant.
Mais relativement à celui dont on a vendu la chose,
la vente est radicalement nulle, puisque cette vente, faite
sans son consentement, ne peut pas plus avoir l’eflet de
le dépouiller de sa propriété, que celui de la transférer
�( i5 )
entre les mains d’un autre. A cet égard la loi est tormelle : id quod nostru7?i e s t, sine fa c to nostro , ad
ali uni transjerri non potest. Leg. n , ff. D e regul. jur.
A in si, par exem ple, le mari qui vend le bien de sa
femme sans le consentement formel de celle-ci, ne donne
aucun droit à l’acquéreur; et la vente est radicalement
nulle, quand même cette femme, induite en erreur par son
mari, l’auroit tacitement .i-atifiée en apposant son cachet
ou sa signature sur l’acte ou l’instrument de la vente.
Distrahenle tnarito rem tu iju r is , si consensum ei non
accommodastiyhcetsigillotuo vcnditionis instrumevlum,
fra u d e conquisitâ, signaveris, hujnsmodi tamen coinmentum emptori usucapione non subsecutâ, vel longi
temporis prcescriptione, minime munito nullam prœstitisse securitatem potest. Leg. 2, cod. D e reb. alien.
non alienand.
Par exem ple, encore, la vente faite par une mère
(.£rC#.4, H tît.')>celle consentie par un père {Leg. 5 .) ,
du bien de son iils émancipé, sont radicalement nulles, si
-le fils n est pas intervenu à l’acte de vente, ou s’il ne l’a
pas expressément ratifié; si fundum tuam pater, ta non
consentiente venundedit, neque ei successisti, neque
possidens longi ternporisprccscriptione /nunitns est. T/bi
agenti rector provincial reddi cjjiciet. Leg. 5 , cod. D e
.râb. alien. non alienand. 1.
,v
iV
' La loi 3', au cod. D e r e i vindicat, présente un autre
“exemple d’autant plus frappant, qu’il est identiquement
celui de l’espèce proposée. « V otre mère, ou votre mari,
« porte cette lo i, n’ont pu valablement vendre malgré
« vous, ou a votre m suj et par conséquent vous pouvez
�c Ï6 )
« revendiquer votre chose entre les mains de l'acquércur,
« même sans lui restituer le prix. Mais si postérieurement
« v o u s avez consenti à celte vente ( on vient de voir
« plus haut dans quelle forme devoit être donné ce con« sentement ou cette ratification ) , ou que vous ayez
« perdu la propriété de toute autre manière ( putà par
« la prescription ), vous n’avez plus aucune action contre
« cet acheteur; mais vous avez celle negotiorum. gesto« n o n , en restitution du p r ix , contre celui ou celle qui
« a vendu (*). »
D e ce principe incontestable et non coutesté, que la
vente du bien d’autrui est radicalement nulle, relative
ment au propriétaire lui-mêm e, tous les jurisconsultes,
sans exception, tirent pour conséquence directe que l’acte
p a r lequel le propriétaire approuve l’aliénation, est moins
une ratification proprement dite, qu’une véritable vente
qu’il fait de sa chose; attendu que celui qui ratifie et qui
confirme un acte de cette nature, essentiellement nul par
r a p p o r t ù lu i, doit être censé vendre lu i-m ê m e, et sa
prétendue ratification né pçut avoir en ce cas d’effet ré
troactif , quippè ratum habens et conjirm ans, actum ,
qu i aluis vint non obtineret, ipsum constituere videtur,
nec ratihabitio, retrotrahi pote.st.
. . .
(*) Mater tua, vel mariluSfundum tiium invito, vel ignorante,
vetidere jure non potuit : sed rem tuam à possessore vindicare
etiam non oblalo pretio poteris. Sin autein posteà de ea vendi• tione consensisti , Tel alto modo proprietatem ejus amisisti ;
advcrsiis emplorem quidem nullam habes actionern : adversüs
vendilorem i>er6 de pretio negotiorum gestorum actionem exërcere non prohibent.
L ’application
�C 17 )
Inapplication de cette conséquence avoit particulière
ment lieu autrefois dans la matière du retrait lignager et
du retrait .féodal, dont le délai ne,comnji.ençoità courir
que du jour de l’ensaisinemeut du contrat de vente, ■
>
Mais quand quelqu’un avoit vendu le bien d’ un^autre,
sans que le propriétaire y eût ^consenti, com m e, par
exem ple, dit Duplessis, lorsqu’un mari vendoit le bien
propre de sa femme , on distinguoit s’il l’avoit fait en
vertu dune procuration, et alors le délai ne, pouvoit
courir que du jour de la ratification de la femme (*).
n
y
f •
»
\ »
n en etoit pas de m êm e, suivant ce jurisconsulte,
du mineur qui avoit vendu son héritage avec promesse
de ratifier en m ajorité, ou du tuteur qui l’avoit vendu
par avis de parens. Dans ce dernier; cas, le contrat n’étoit
pas nul de soi, sed veniebat tantàrn annulîandus ,\ la
ratification n’y ajoutoit rie n , et conséquemment l’an du
retrait avoit dû courir du jour du contrat.
L a raison de cette différence, qui se présente d’ellemême au premier coup d’œ il, est parfaitement bien dé**
veloppee;par les deux savans annotateurs de Duplexais,
de Lauriere et Berroyer. « Un mari vend, disent-ils, le
« propre de sa femme , et promet de la faire ratifier.
« Après (la mort du ,m ari, la femme ratifie le contrat;
« ses enfans agissent en retrait dans l’an de la ratifica« tion; savoir s’ils y sont bien fondés, quoique le contrat
« ait été passé vingt ans auparavant.
« L ’opinion commune est qu’ils sont bien fondés; la
« raison est que l’héritage étoit un propre de la femme;
(*) Duplessis, T raité du retrait, pag. 281 de l'édit. de 1709.
C
�«
«
«
«
«
«
«
«
«
.( 1 8 }
de sorte que son mari l’ayant vendu sans son consentem ent, la vente étoit n u lle, et elle pouvoit la faire
casser; c’est pourquoi, quand la femme a ratifié, c’a été
volontairem ent, et il lui étoit libre de le faire ou de
ne le pas faire : ainsi cette ratification n’a point d’effet
rétroactif ù son égard ; elle n'est présumée avoir vendu
qu’au moment de la ratification. L e fait d’un tiers ne
peut préjudiciel’ à un propriétaire, ni à ses lignagers;
ainsi l’an et jour ne court que du jour de la ratification.
« E t, en effet, la ratification n’a un effet rétroactif que
« pour faire valider un contrat fait par une même per« sonne, ou suivant sa procuration, ratijicatio ad hoc
« tantùm Jingitur ut quasi continuatione duorum ac« tuum contractus validetur. »
Pocquet de L ivon ière, Traité des fiefs, liv. 5 , cliap r
pag. 4 9 1, dit absolument la même chose, relativement au
retrait féodal. « Si le contrat est nul de soi, dit ce pro« fond jurisconsulte, et qu’il ne soit validé que par la ratia fication , comme si le mari a vendu le bien de sa femme
« sans sa participation, et que plusieurs années après la
« femme ratifie, le temps du retrait féodal ne court pasr
« du jour du contrat, mais seulement du jour de l’exhi« bition de la ratification, qui n’a point d’effet rétroactif
« au jour du contrat qui étoit nul : la mutation de p ro « priété, et la mutation de rassal ne s est fa it e qua
u par la ratification et non par le contrat. »
L e célèbre P oth ier, Traité des retraits, part. i ,e. ^
chap. 4 , n°. 123, nous enseigne également, et en général,
que si la vente a été faite par un autre que par le pro
priétaire, quoique la tradition soit intervenue, ce n’est
6
�( * 9 -)
que du jour du consentement donné à la Vcntç par e^
propriétaire, qu’il y a ouverture au retrait en faveur de
sa famille ; ca r, d it-il, ce ri est que par ce consentement
q u il est censé avoir vendu, et que Vhéritage est mis
hors de sa. fam ille.
,
Il seroit trop long, et à coup sûr parfaitement inutile,
de multiplier davantage les citations sur,un des prin
cipes les plus incontestables du droit commup : on se con
tentera donc d’indiquer en note les autres jurisconsultes
qui ont traité la question, et qui l’ont décidée de la même
mamere et par les mêmes motifs , en observant qu’il n’en
est pas un seul qui ait osé soutenir l’opinion contraire (i).
A cette foule d’autorités du plus grand poids, se l’éunit
la jurisprudence constante et invariable de tous les tribu
naux de la France.
Les annotateurs de Duplessis rapportent quatre arrêts
du parlement de Paris ;
<
(*) V o y ez, entr’autres', M aynard, liv. 7 , cliap. 33.
C atelan, tom. 1, liv. 3 , chap. 12.
•
Boucheul, sur l’art, a ig de la Coutum e de Poitou, h", a.
Vigier, sur celle d’Angoum ois, art. 76 et 77, n " i 4 >aux additions.
; L apeyrère, lettre R , n°. 145.
L ecam us, Observations sur l,e titre.du retrait, § . 4 > n°* 9*
Ferrière, sur l’art. 129 de la Coutume de Paris, glose 6 , n°. x3.
B e ra u lt , sur l ’art. 453 de la Coutume de Normandie.
V a s lin , sur l'art.
33
de la Coutum e de la R och elle,'tom . 2 ,
pag. 1 35 , n .
Œ uvres de Cochin , tom .
5,
1
mémoire x5g.
L acom be, verbo iv e t r a it .
i
Répertoire universel de jurisprudence, verbo r e t r a i t lig n a g e u ,
section 6 , §• 1* • t n • 3 et
5.
;/
<! i .
G 2
�( 20 )
Le prem ier, du I e r . avril i 65 o , cité aussi p arP ap on ,
liv. i i , tit. 7 , n°. 37 ; et par Carondas, en ses Réponses,
liv. 2 , cliap. 7^*
L e second, du 4 décembre 1578, sur un appel d’Anjou ;
il est également rapporté par Chopin, liv. 1 , cliap. 81 ,
nd. 1 de son Commentaire sur cette coutume.
L e troisième, du ài avril 1 ôpô, qu’on trouve dans les
notes sur Papon.
'
‘
Enfin le quatrième^ du 22 janvier 1607, sur un appel
de Serilis, dont' Mornàc fait mention , sur la loi 16 , ff. de
Pignoribus .
‘v
1•
,
*
*r
A u parlement de R ouen ’il en a été rendu un , le 20
juin 16 19 , qui a décidé la même chose , et dans la même
espèce ; il est rapporté par B eraült, sur l’article 463 de
là Coutume de Normandie.
Celui de Dijon avoit également la même jurisprudence,
qui se trouve consacrée par un arrêt du'7 février 1 6 1 1 ,
inséré dans le Recueil de B o u v o t, tom. 2 , art. retrait
conventionnel.
... . - , ,
.
L e s parlemens de!droit écrit; notamment celui de T o u
louse,''jugement^ constamment- la même chose dans le
retrait conventionnel et dans le retrait fé o d a l, comme
*) % ’
' t
•
on pèùt s'en’ assÜtèr phi-‘lé1 témoign&ge dé Catëlan , de
Bretônnier sur H ênrys ; "cÎe'Î-apey l'ère de B ou vot, et
.•il x i i . n i le M
tnj f .iMi:
)
'•
, ■ i.
j.
C’est donc un principe certain , que si le véritable.pro
priétaire ratifie la vente de' son^bien , ,faite par un autre
que lu i, sa ratification, qui dans ce cas n’a'poin t d’eflet
rétroactif, et ne peut en «
1Vôir, doit être considérée comme
une aliénation nouvelle qu’il fart lui-niôinc -, qtle b’est de
�( 21 )
cet instant seul qu’il est dessaisi de la propriété ; de cet
instant seul qu’ il y a mutation ou transmission du domaine
de sa personne en celle de son acquéreur \ de cet instant
seul enfin que cet acquéreur devient propriétaire, attendu
qu’il ne l’étoit pas auparavant, et qu’il n’avoit pas meme
l’appai'ence d’un titre en sa faveur.
Ce principe une fois bien étab li, en voici un autre
qui n’est pas moins incontestable, savoir, que dans les
contrats sinallagmatiques rédigés par é c r it, sous signa
tures pi'ivées, il fau t, à peine de n u llité, que l’acte soit fait
double entre les parties contractantes, parce qu’autrement
celle des deux qui auroit Tacte en sa possession pou
vant le supprimer sans qu’il en restât aucune trace, seroit
libre de se délier par là de ses obligations , si elle jugeoit
plus convenable à ses intérêts de les anéantir que de les
exécuter ; ce qui détruirait absolument ce lien civil , au
moyen duquel chacun des deux contractans est tenu
envers l’autre à l’exécution de ses engagemens.
S’agit-il, en effet, d’un contrat de vente ? Si l’écrit se
trouve entre les mains de l’acquéreur, et que la chose;
vendue vienne à'périr, il peut supprimer cet écrit pour
rejeter la perte sûr son ven d eu r, et annuller par là ses
propres obligations.
V ice versâ, le vendeur lui-même est-il possesseur de
cet écrit ? Si la chose vendue vient h augmenter de valeur
depuis l’aliénation , rien de plus facile pour lui que de
rentrer dans sa propriété en détruisant la seule preuve
qui existe de la vente. ’
Dans ces deux cas, et mille autres semblables qu’on peut
imaginer , il n’y a réellement pas de contrat, puisque
�I 22 )
les deux contractons ne sont pas réciproquement et civi
lement tenus 2ûnculo juris à l'accomplissement de leurs
obligations.
Vainement diroit-on qu’il faut bien distinguer dans un
acte ce qui appartient au con trat, et forme le vinculum
obligationis qui en est l’essence, d’avec ce qui n’est relatif
qu’à la preuve ; que le consentement seul forme l’obliga
tion et lui donne toute la perfection dont elle est suscep
tible ; que la rédaction par écrit n’est utile que pour la
preuve ; que le défaut de preuve ne peut pas en emporter
la nullité ; que si la preuve testimoniale n’est pas admise
dans les conventions au-dessus de 100 francs, l’ordonnance
de 1667 a fait exception pour le cas où il se trouve un
commencement de preuve par écrit ; d’où il résulte que
la convention étant écrite dans un acte sim p le, cette
preuve littérale suffit pour en faire ordonner l’exécution
Cette objection , répétée mille fois dans toutes les
contestations où la question s’est présentée, n’a jamais
réussi dans les tribunaux, parce qu’elle ne porte réelle
ment que sur une véritable équivoque. Il est bien vrai
que le lien civil se forme par le consentement des parties
contractantes; mais ce lien civil seroit illusoire et n u l,
si chacune d’elles n’avoit pas un moyen sûr de con
traindre l’autre a l’exécution de ses engagemens , ou si
ce moyen se trouvoit seulement dans les mains de l’une,
sans que l’autre eût le pouvoir ni même la possibilité de
s’en servir. L e lien civil ne consiste pas seulement dans
l’obligation consensuelle des contractans ; il consiste de
plus dans le droit très-réel d’employer l’autorité de la
justice et des tribunaux pour le faire exécuter, vinculum
�. ' .
( 23 )
ju ris quo n e c e s s i t a t e adstringimur ad daiulum aliquidj velfaciendum . O r , il n’astreindroit pas également
les deux parties, et par conséquent il n’existeroit pas, si
1 une d’elles a voit seule le pouvoir de contraindre l’autre
a remplir ses engagemens, tout en conservant la liberté
de se soustraire à l’accomplissement des siens par la sup
pression de l’écrit qui les renferme.
Aussi voyons-nous que la jurisprudence du parlement
de Paris s constamment prononcé la nullité toutes les
fois que 1 acte n’étoit pas fait double entre les parties
contractantes, et même lorsqu’ayant été fait double,
les deux écrits n’en portoient pas la mention formelle.
Lepine de G rain ville nous a conservé l’espèce d’un arrêt
du même parlement, en date du 30 août 1736, qui l’a ainsi
juge, et qu on trouve dans le Recueil des ai’rêts de la
quatiième chambre des enquêtes, auquel les soussignés
se contentent de renvoyer, en observant que les motifs
de la décision s’y trouvent développés dans toute leur
étendue, avec une force de logique et de raison à laquelle
il est impossible de résister.
Un autre arrêt, du 6 août 1740, rapporté par Denisart,
verbo double écrit, n°. 5 , a pareillement déclaré nulle
une promesse d’acquérir l’hôtel de Conty, souscrite par
1 aichevtque de Rlieim s, au profit des héritiers de la.
princesse de C on ty, et cela sur le fondement que l’écrit
qui la contenoit n’avoit pas été fait double.
L e même arrêtiste en cite un troisième du 23 janvier
1767.
On en trouve encore un quatrième dans le Réper
toire universel de jurisprudence, verbo code/n, qui a pro-
�( 2 4 }
nonce la même nullité dans le cas d’un écrit portant
promesse de vendre, souscrite par le citoyen F orget, au
profit du ( duc ) de Grammont : ce dernier est du 19
novembre 1781.
M aintenant, s’il est vrai que dans l’espèce où se présente
la contestation actuelle, on doit regarder comme une vé
ritable vente la prétendue ratification surprise au cit. Daudin de la Fabrie, ver a venditîo et alienatio f a n d i, pour
employer ici les expressions de D um oulin , il s’ensuivra
nécessairement que l’écrit qui la renferme a dû être fait
double, sous peine d e n u l l i t é , e t,p a r une conséquence
ultérieure, que l’éci'it informe représenté aujourd’hui par
le citoyen Capelle ne peut servir de fondement à la de
mande en garantie qu’il a form ée, puisque non-seule
ment il n’énonce pas que l’acte a été rédigé en deux dou
bles séparés, mais que de plus il est constant et reconnu
qu’il ne l’a pas été (*).
(*) L e sieur Capelle, dans le précis imprimé qu’il a fait distri
buer , pag. 2 9 , prétend que le sîeur Daudin n’est point recevahle
à arguer de cette n u llité, ayant exécuté la convention portée dans
l'acte de ratification.
11 invoque
Particlé i 325 du Code c iv il, qui
porte que le défaut de mention que les originaux ont été faits
doubles, triples, ne peut être opposé par celui qui a exécuté de
sa part la convention portée dans l’acte.
Com m ent le sieur Daudin a-t-il exécuté? So/d patientid , jus
qu’au moment où il a réclamé. Est-ce de ce genre d ’exécution dont
la loi a entendu parler? Les législateurs ont entendu parler d’un
fait extérieur d ’exécution , et non du simple silence.
Le sieur Capelle prétend, en second lieu, que les actes sous
seing privé ne doivent être faits doubles qu’autant qu’ils contiennent
�( 25)
L ’objcction que le citoyen Capelle voudra probahlement tirer de la lettre qu’il s’est fait écrire,le ioaoût 1783,
des engngemens réciproques; inais qu’il n’en est pas de même lors
que la venle est pure et simple, et que le contrat porte quittance.
Il cite un arrêt de la cour, dans la cause du sieur Bertier.
Sans entrer dans l’examen de l’arrêt, rendu sans doute dans de*
circonstances particulières, on répondra que l’adversaire, par une
pétition de principes, rattache l’acte de ratification à la vente,
tandis que ce sont deux actes absolument indépendans, absolument
distincts. On voudroit faire perdre de vue que la vente a été ici
consentie par un tiers; que la m ère, ayant vendu en son n o m ,
doit être considérée comme tiers. L a ratification souscrite par
D audin ne peut être considérée comme une continuation de la
vente consentie par la mère en son nom , laquelle lui est étrangère.
Ensuite le sieur Capelle a pris soin de détruire lui - même la
quittance portée par la v en te, en produisant la lettre du 10 août
1783.
Veut-on regarder la ratification isolém ent, et abstraction faite
de la vente? il n’y a ni prix ni quittance : on ne peut donc ap
pliquer l’arrêt de la cour. 1 * ; •
. 1
Veut-on la rattacher à la. vente, contre tous-les' principes? la
vente porte quittance? mais une quittance fausse , une quittance
détruite par le sieur Capelle lui-m êm e; et c’est comme s'il n ’y
avoit point de quittance : l’arrêt de la cour ne reçoit doiic point
encore d’application.
!
;
.
Si on réfère la ratification à la vente, le sieur Daudin n ’a donc
entendu ratifier que pour 21600 francs , et le sieur Capelto n’a
payé ni voulu payer que i 58oo francs : il n’y a donc point' de
ven te, les parties n’ayant point été conseillantes sur le prix. L e
sieur Capelle, qui veut rattacher la vente à la ratification , et qui
n’a payé que i 38oo francs, ainsi qu il en a fourni lui-même la
preuve par la lettre du sieur D audin qu’il a produite, n’offre
D
�'( 2 6 ) .
par le citoyen Daudin delà Fa brie (enregistrée au long,
à la requête dudit Capelle, le 8 brumaire an 8), ne mé
rite d’ailleurs aucune réponse sérieuse, parce que, d’une
part,.elle ne renferme aucune^ratification; parce que, de
l’autre, elle a été écrite en m in orité, et que si on vouloit
eu induire contre le citoyen Daudin de la Fabrie qu’il a
touché le prix de la ven te, il faudroit prouver en même
temps que ce prix a tourné à son avantage.
A u surplus , il ne faut quç lire attentivement cette lettre
pour être Lien convaincu que si le.citoyen D a u d in de la
Fabrie a touché, quelque chose, ce n’est très-certainement
pas, et mcme.à beaucoup .près, la somme entière portée
au contrat. ■
.t >
>
' ' C
Après avoir dit au citoyen Capelle que le magistrat
chargé de l’instructiori de la plainte le soupçonne très-for
tement de n’avoir payé que i!4ooo fr. au lieu des 21600 fr.
dont le contrat porte quittance, il ajoute, QUOI Qü’iL
t
»
cependant pas de parfaire le prix ; il veut retenir, et l’excédant
du prix, et le domaine : proh Jides ! 1 ' ■ '
E t si 011 sépare la ratification de la vente, si on la regarde comme
ayant seule constitué un titre au sieur C ap elle, comme étant
nova et principalis dispositif) , les principes développés par la con
sultation subsistent dans toute leur force.
L e sieur Capelle y a donné lui-même un nouveau poids par
l’arrêt qu’il cite, pag. 53 , du 7 février 1 611, rapporté par Brillon.
>1 Une personne vend le bien d ’autrui ; la vente n ’est pas bonne :
« mais si le propriétaire ratifie, le contrat prend sa force du jour
» de la ratification. » ( Et non par conséquent du jour du premier
acte. )
l ’ A G È S - M E Y M A C , jurisconsulte.
�( *7 )
EN SOIT,;* fie vous n u ir a i ja m a is >parGe que vous m avez,
bien p a y é ce que vous rnavez p ro m is . O r, q u est-ce
que le citoyen Capelle lui avoit promis ? et quelle somme
lui a-t-il payée? Voilà ce que la lettre ne ditpasj ma??
à coup sûr ce n’étoit pas les 21600 francs énoncés au
contrat, puisque dans ce cas il nVuxro.it- eu b e s o in ' pour
rassurer le citoyen Capelle sur les craintes qu’il paroissoif.
avoir conçues, d’après la manière de penser du juge
chargé de l’instruction, que de reconnoître franchement
avoir reçu la totalité du prix.
Cette letti'e n’est donc, comme la prétendue ratifica
tion , que l’effet des manœuvres exercées sur l’esprit d’un
malheureux mineur q u i, ne connoissant ni la valeur
des choses, ni même celle de l’argent qu’on lui donnoit
pour surprendre de lui une apparence de consentement,
auroit certainement signé pour beaucoup moins toutes
les approbations qu’on lui aui'oit demandées.
Ainsi l’avantage que le citoyen Capelle voudroit tii’er
de la lelti’e du 10 août 1783, se réduit précisément à
rien , d’après le fait certain que cette lettre a été écrite
en m inorité, et le principe qu’ un m in e u r ne peut pas
plus s’obliger par lettre que par acte authentique ou
sous signatures privées.
Il
ne reste donc absolument que l’écrit portant la
date du 21 mars 1788 ; mais indépendamment de ce
qu’une foule de présomptions s’élèvent pour démontrer
que cette date est fausse, et que l’écrit, comme la lettre,
a été fait en m inorité,.on vient de voir qu’il est radi
calement n u l, même dans l’hypothèse où le cit. Daudin
de la Fubrie. l’auroit souscrit depuis sa majorité acquise,
�.( 2 8 )
parce que, d’un côté, il n’énonce ni la nature, ni les
clauses, ni la date des actes prétendus ratifiés, et que,
de l’autre, il n’a pas été fait double entre les parties con
tractantes.
(
D É L IB É R É par les soussignés anciens jurisconsultes,
à Paris, ce 29 ventôse an 8 de la rép. fr.
P O IR IE R , T R O N C H E T , C O F F IN H A L
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de l a
Cour d ’ap p el.— Therm idor an 1 3 .
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daudin de la Fabrie. An 13?]
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An entity primarily responsible for making the resource
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Poirier
Tronchet
Coffinhal
Subject
The topic of the resource
faux
héritiers mineurs
abus de faiblesse
doctrine
droit coutumier
minorité
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An account of the resource
Consultation [Daudin de la Fabrie. An 13]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1773-Circa An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0715
Source
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Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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MEMOIRE
P O U
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Je a n - B a p t i s t e - G e r a u d
D r a p p e a
u , D ia c re , Héritier de
D e m o i s e l l e
C a t h e r i n e
F alié
s fa mere, &
ç o i s
- L o u i s
S ieu r
D
Fr a n
r a p p e a u
,
Bourgeois, Habitants de la Ville
d’Aurillac, Demandeurs ;
C
Me.
O
N
T
R
E
G u y S a l v A g e , P r ê t r e , C u ré de la
P aroiffe de
G io u ,
D é fe n d e u r ,
néceffaire dansl’efpece d’une fubftitution
faite fous des conditions alternatives , que toutes les
conditions foient accomplies ? ou fuffit-il qu’une feule
arrive pour réalifer la fubftitution ? Telle eft la queftion
A
s t
-
il
�foumife-à la décifion de la Gour ; les faits (ont infi
niment îlmplesi
' . ..
F A I T .
& Marie Chartron étoient iœurs; celleci épouia Jean BeÎTon dont elle eut Anne B eilon ,
mere de Catherine Faliés 8t aïeule du Demandeur,
& Marie Bedon dont on parlera bientôt.
D u mariage de Jeanne Chartron avec Antoine
Andrieu, provinrent Pierre Andrieu décédé fans px)£
térité , & Marie Andrieu mariée avec G uy Salvage,
qui donnèrent le jour à Philippe & Marie Salvage.
Par ion teftament du 5 Mars 17 14 , reçu par Delon
Notaire, Jeanne Chartron légua, à titre d’inilitution,
à Philippe & Marie Salvage fes petits-enfants, une lé
gitime telle que de droit.
Elle inilitua G uy Salvage fon gendre , Ton héritier,
à la charge de rendre ion hérédité, iàns détra&ion de
quarte, a Tes enfants par égale portion, lors de leur
mariage ou majorité, voulant qu’après ion décès, il fut
fait inventaire de fes meubles , que le linge & la v a if
felle d’étain fuiTent mis dans un coifre, dont Marie
BeiTon fon héritiere fubilituée auroit la clef, pour les
conferver auxdits enfants.
Elle ordonna en outre, qu’en cas qu’un de fes petitsenfants vînt à mourir avant fa majorité, ou iàns etre
marié, le iiuvivant profitât de fon entiere hérédité j
' &f i tous deux venoient à décéderfans mariage, ou avant
leur majoritét Marie Bejjfbnfû t Jubflituée àfefdits petitsenfants ; & que ledit Salvage fon gendre jo u it pendant
fa vie y de la maifon ou elle habitoit , f tuee près la porte
de S, Etienne, de la boutique, jardin & des meubles
Je
a n n e
�& outils fervartt au métier de Teinturier ; toutes lejquelles
chofes, aufufd.it cas, reviendraient à ladite Marie Bejfon,
après le décès dudit Salvage.
Par Ton codicille du même jour, ladite Chartron dé
clara , que par-deiTus le contenu en ion teilament, &
au cas que Philippe & Marie Salvage enfants dudit
G uy Salvage & de ladite Marie Andrieu, viendraient
à mourir avant leur majorité ou fans être mariés , elle
donnoit audit G uy Salvage fon gendre, la fomme de
quatre cents livres payable après le cas arrivé.
G uy Salvage palÎa à de fécondés noces, dont eil
iÎïu le fieur Salvage Défendeur.
Marie Salvage furvécut de peu Jeanne Chartron
fon aïeule.
Philippe Salvage fut promu à la Prêtrife & pourvu
de la Cure de S. Sulpice de Montils, dans laquelle
il eil mort le 4 Janvier 1740.
Marie Beiïon là tante, lui aiurvécu, & a par con
séquent recueilli l’effet de la fubflitution qu’elle atranfmis à Catherine Faliés fà niece & ion héritiere mé
diate que le Demandeur repréfente..
G uy Salvage a joui juiqu’à ion décès, des biens de
Jeanne Chartron ià belle-mere ; & après lui le D é
fendeur profitant de l’ignorance où étoient les fleur
ÔC demoiielle Drappeau, de la fubilitution, s’y eil
maintenu. »
Il n’eil perfonne qui ne ioit imbu que ce n’eft
qu’après avoir épuifé les voies de p a ix , que l’on a
traduit le Défendeur en Jugement.
Il fera facile aux Demandeurs d’établir que Marie
BeiTon qu’ils repréfentent, a recueilli l’eiFet de la fub£titution dont il s’agit.
A ij
�4
M O Y E N S.
L Á volonté du teilateur eit la premiere de toutes
les L o ix; c’eil ion intention qu’il faut iuivre pour l’effet
de fes difpofitions & des conditions qu’il a jugé à
propos d’y ajouter. In conditionibus primum Locum
voluntas defuncli obtinet ; eaque régit conditioner, L .
i y yJ f de cond. & demonji.
C ’eil par les termes dont le teilateur s’efl ièrvi, qu’on
reconnoît cette volonté ; & fi ceux dans lefquels ia d it
pofition fe trouve conçue , ont un fens clair & précis,
il ne peut pas être queilion de .recourir à l’interpréta
tion , qui n’eil admife que lorfque les expreilions font
obfcures & ambiguës. Ubi nulla verborum ambiguitas,
non débet admitti voluntatis quœfiio.
On ne peut lire la claufe du teilament de Jeanne
Chartron , fans fe convaincre de la vocation de Marie
Beflon ' la teilatrice a fubilitué Marie Befion fa niece,
à íes petits-enfants ; f i tous deux viennent à mourir
fans mariage ou avant leur majorité ; audit cas & non
autrement, je jubjlitue à mefdits petits-enfants ladite
Marié BeJJbn mon autre niece ; la même difpofition
iè trouve répétée dans le codicille.
Ces deux conditions font féparées par la particule
disjonélive ou ; ce n’eil pas dans l’un & l’autre cas que
la niece eft appellée; c’eil dans l’un ou l’autre; rien
n’eil plus clair que le iens de ces deux particules & Sc
ou, dont l’une réunit & l’autre fépare ;
Ia teilatrice
ayant employé la particule o u , on doit l’entendre de
la maniere que la Grammaire & la L oi veulent qu’elle
foir entendue.
�Jeanne Chartron a voulu c^ue Mai ie BeiTon ia niece,
recueillît les biens qu’elle lui a iiibilitués, au cas que
fes petits-enfants vîniTent à décéder fans mariage ou
avant leur majorité ; & que dans l’un ou l’autre de ces
deux cas, elle fût préférée aux héritiers de fes petiisenfants ; c’efl-à-dire , au fleur Salvage fon gendre , &
aux enfimts d’une fécondé femme, qui font abfolument
étrangers à la teftatrice ; la teilatrice n’a pas dit : fi
tous deux viennent à mourir ians mariage & avant
leur majorité; mais, fi tous deux viennent à mourir
fans mariage ou avant leur majorité ; d’où il fuit que
les héritiers inflitués étant décédés fans avoir pris de
parti en mariage, quoique l’un d’eux ne foit mort qu’a
près la majorité, il y a ouverture à la fubilitution.
„ S’il y a ( dit l’Àuteur des L oix C iv iles, Liv. 3
„ des Teilaments , fe&. 8 , N. 2 2 ) , plufieurs condi„ tions jointes, de forte que le tellateur les impoiè
,, enfemble, il ne fuffira pas qu’il foit fatisfait à une
„ pour la validité d’une aifpolition qui dépendra de
„ toutes ; mais fi elle dépend feulement de l’une ou
„ de l’autre, l’événement de la premiere y donnera
,, l’effet qu’elle doit avoir. Si hceredi plures conditionés
,, conjuncïim datæ J în t, omnibusparendum ejl ; J i dij„ junclim , cuilibet, L. j , ff'de condit. injht.
Plufieurs textes de Droit confirment cette vérité.
L a Loi generaiiter, au Code de injütut. & fubjlit.
& refl. fub conditione fa clis, a introduit une excep
tion aux Loix générales qui regardent les conditions
alternatives.
Voici les termes dans lefquels cette L oi eft conçue;
Generaiiter fancim us,fi quis ita verba fa a cqmpo-
�6
fueritut edicat: Sifilius vel filia inteßatus vel intefiata,
vel fine liberis aut fine tefiamento , autfine nuptiis
decejferit ; & ipfe vel ipfa Liberos fufiulerit ,jiv e nup
tias contraxcnt, five tefiamentum fiecerit :firmiter res
pojjtderiy & non effe locumJubfiitutioni eorum, vel refi
titutioni.
S i enirn nihil ex his fiuerit fubfecutum, tunc valere
conditionem & resJecundum verba tefiamenti refiitui,
ut incertus fuccejfionis morientis exitus videatur certo
fubfiitutionis vel refiitutionis fine concludi.
Cui enirn. Jerendus efi intelleclus, f i fiorfitan tefia
mentum quidem nonfiecerit ypofieritatem autem habuerit,
propter hujufmodi verborum angufiias, Liberos ejus om
ni pene fruclu paterno defraudari ?
Viam itaque impiam obfiruentes, ut ne quis alius
deviet, hujufmodi facimus fanclionem, & hanc legem
in perpetuimi valiturani inducimus, tam patribus quàm
liberis gratam : quo exemplo edam aliis perfonis, licet
extranece f i n t , de quibus hujufmodi ahquid Jcriptum
fiuerit, medemur.
Cum autem invenimus excelfi ingenii Papinianum
in hujufmodi cafu in quo pater filiis fuis Jiibfiituit,
nulla liberorum ex his procreandorum adjectione habitd,
optimo intelleäu difpojuifi'e, evanefcerefibfiitutionem >fi
is qui fubfiitutione prcegravatus e fi, pater ejftciatur &
liberosfufiulerit, intelligentem non effe verifirmle patrem,
f i de nepotibus cogitaverit, talem jecijfe fubfiitutionem:
humanitatis intuitu hoc latius & pinguius interpretandum ejfe credidimus, ut &f i quis naturales filios habeat y & partem eis reliquerit vel dederit ufque ad modum
quem nos fiatuimus & fubftitutioni eos fubjugaverit,
�nulla liberorum eorum mentione facia : & h)c intelligi
evanefcere fubjlitutionem, liberis earn excludentibus, &
intelleclu optimo , his qui adfubjlitutionemvocantur obJiflente & non concedente ad eos earn partem venire,
Jed ad Jilios vel jilia s , nepotes vel neptes, pronepotes
vel proneptes morientis tranfmittente, & non aliter iubj-'
titutione locum accipicnte y niji ipji liberi Jine jujla jch
bole decejfhint, ut quod inter jujlos liberos Jancitum
ejly hoc & in naturales Jilios extendatur.
Quæ omnia & in legatis & JideicommiJJis Jpecidlibus locum habere fancimus.
Quoique cette Loi Toit rédigée d’une maniéré diffuie,
comme prefque toutes les Loix du C o d e , on ne peut
pas errer fur Ton véritable fens ; il eft évident que
c’eil la préférence accordée aux eniànts du grevé iur
tout autre fubilitué, qui en fait le fondement.
Pour l’entendre parfaitement, il eit bon de remar
quer que quelques Juriiconfultes s’attachant trop rigoureuièment aux textes du D r o it, fuivant leiquels ,
lorique les conditions ne font pas réunies, il iùmt que
l’une des conditions arrive, pour que la iubilitution
ait Ion effet, étendoient la décifion des L oix au cas
même où l’inilitué ou grevé laiifoit des enfants , &
penfoient que le fubilitué de v o it, à leur préjudice,
profiter du bénéfice de la fubilitution, contre l’avis
de Papinien.
L ’Empereur adopta la décifion de Papinien, nonfeulement en faveur des enfants légitimes des grevés,
mais même en faveur des enfants naturels qui ont été
inilitués ou fubftitués, lorfque ceux-ci laiiTent des enf?.its légitimes.
�8
Les anciens Jurifconfultes fe font accordés fur le
véritable fens de cette Loi -, ils ont penfé unanimement
qu’elle devoit être reflreinte au cas particulier dont
nous venons de parler.
Parmi les modernes, Ricard dans ion Traité des D ifpoiitions conditionelles, chap. 5 , N. 388 & iuivants,
a penfé que cette Loi eil générale , que les particules
disjonctives font devenues conjonctives dans tous les
cas par la diipofition de cette Loi •, ce qui paroi't d’au
tant plus furprenant, que le même Auteur obferve,
N . 3 8 3 , qu’il n’y a aucun exemple dans tout le D ro it,
dans lequel une difpofition qui fe trouve parfaite dans
les termes dans lefquels elle efl conçue, foit convertie
en une autre difpofition différente, pour donner aux
uns & ôter aux autres, contre les termes dont le te£
tateur s’efl iervi.
Quoi qu’il en io it, cet Auteur prétend que la decifion de cette Loi n’eil pas établie fur une coniidération particulière qui ne regarde que la faveur des
enfants ; mais fur cette confidération générale, que le
teilateur a eu prédilection pour l’héritier, en lui don
nant un titre qu’il a dû eflimer très - cher, puifque
c’efl lui qui le repréfente plus particulièrement après
ià mort.
O r , tous les Auteurs , fans en excepter F u rgo le,
conviennent que cette Loi ne préfente que quelques
exemples qui n’ont pas trait à une règle générale.
D ’ailleurs, indépendamment de ce qu’on demeure
convaincu en lifant cette L o i, qu’elle n’a pour baie que
la faveur des enfants de l’héritier, la coniidération que
le teilateur a pour l’héritier, ne prouveroit pas qu’il
a voulu
�a voulu préférer tout autre que lui à l’héritier qu’il lui
fubilitue dans un cas prévu.
On ne craint pas de dire qu’il répugne autant de
donner aux particules disjon&ives la force de copulatives ou conjonttives , que de donner à celles-ci la
force de disjon&ives ; elles ont chacune leur lignifi
cation & leur effet propre ; s’il eft naturel de s’en
écarter en faveur des enfants de l’héritier inilitué ,
cette limitation de la Loi generaliter qui a pris fon
fondement dans la Loi Cum avus i o z j f de condition& demonjîr. ne peut pas être étendue à tout autre
cas ; & la condition alternative doit demeurer dans ia
nature.
Il ell; apparent, continue Ricard, que le but prin
cipal du teftateur a été de conierver les biens aux
enfants de fon héritier , s’il mouroit fans tefler, comme
aufli de lui laiffer la liberté de difpofer, s’il ne vouloit pas mourir ab inteflat, ce qui produit deux vo
lontés différentes qu’il a joint au profit d’une même
perionne, & au fujet d’une même diljpofition, lefquelles
par conféquent doivent conjointement avoir leur effet;
d’où il conclut que c’eil la préiomption de la volonté
du teflateur & la f a v e u r de l’héritier, & non pas la
C O n f i d é r a t i o n de fes enfants qui ont donné lieu à la
déciiion de la Loi ; & que ce n’eil pas la condition
feule qui regarde les enfants, qui doit être prife con
jointement, mais auifi toutes les autres que le teilateur
a employées dans fa difpofition.
Cet Auteur ne s’eft décidé, comme l’on v o it, que
par des conjetures, pour fixer le fens qu’il donne à
la L o i, fans prendre garde qu’il attaque ouvertement
les regles meme qu’il invoque.
B
�ÏO
"• L ’on ne doit fe livrer aux conjectures, que' lor£?
que la volonté du teftateur eft incertaine: or, quelle
ambiguité peut-on trouver dans une difpoiition par
laquelle le teftateur fubftitue à fon héritier, dans le
cas qu’il décede avant fa majorité, ou au cas qu’il
décede fans fe marier?
Que par un tempérament digne de la fageffe des
L oix & des vues même du teftateur, on regarde la
fubftitution comme non écrite, lorfque l’héritier inftitué laide des enfants, parce que l’on préiiime que le
teftateur les auroit préférés, & n’a fubftitué que parce
qu’il a ignoré qu’il en exiftoit, ott n’a pas prévu qu’il
en naîtroit ; mais il ne fuit pas de-là qu’une disjonctive puiiTe jamais paifer pour conjon&ive, & qu'on
doive faire dans tout autre cas la même violence aux
expreiîions qui marquent l’intention du teftateur.
L ’on rend à cet Auteur l’hommage qui lui eft dû \
mais s’il s’eft furpaffé dans la matiere des donations
e n tre -v ifsil eft fort au deifous de lui-même dans les
autres traités qu’il nous a laiiTés. On convient générale
ment qu’il n’a lait qu’ébaucher la matiere des fubftitutions; & ion Annotateur a été forcé d’avouer que l’opi
nion de Ricard, fur notre queftion, eft plus conforme aux
maximes des Pays coutumiers, où les fubftitutions font
moins favorables qu’aux maximes du pays de Droit écrit.
Au refte, à l’autorité de Ricard nous oppoferons cel
le de M. Henris.
L ’interprétation que ce dernier nous donne de la
même L o i, Tome 2 , L. 5, Q. 4 , Ed. de ijofty porte
la convi&ion dans les eiprits.
Après avoir obièrvé la différence qui fe rencontre
�11
entre les Loix -du D igefte & celles du C o d e , que c e t
les-ci font prefque toujours obicures & ambiguës, & le
plus fôuvent ne’ réiolvent de doutes que pour en faire
naître de plus grands , il raifonne ainfi :
« ,, Quoique lTEmpereur parle généralement , il fait
plutôt une exception à la réglé générale, qu’il n’en
,, établit une.
„ En matiere de conditions, il faut faire cette difFé„ rence entre les conjonctives & les alternatives ou di£*
„ jonctives ; qu’au lieu que par les conjonctives , il faut
„ qu’elles foient toutes accomplies ; au contraire, aux
>, alternatives, c’eil afTez que l’une arrive, comme il
„ efld iten la Loi 5 ,jfd e condit. inflit. S i plures con,i Jditiones conjunclim datœJ in t, il faut attendre l’évé,, nement de toutes : Scdji Jint datœ disjunclim , com
b in e elles fubfiflent fé parement, c’eil aifez que l’une
„ arrive.
„ Si le teflateur a d it, qu’en cas que l’héritier meure
„ fans enfants & fans tefler , il fubllitue ; il faut, pour
j, donner ouverture à la fiibilitution , & que l’héritier
„ ne laifïe peint d’enfants , & qu’il ne faife point de
,, teflament ; mais fi le teflateur a dit qu’il fubflitue
„ en cas que l’héritier meure fans enfants ou fans tefler,
„ il fuffit qu’il n’ait point fait de teflament, pour don„ ner lieu à la fubftitution , comme étant faite en l’un
„ ou l’autre cas.
„ Donc en matiere de fubflitution , c’efl le propre
„ des claufes ou conditions alternatives , que l’une ou
„ l’autre ait lieu ; comme au contraire , c’eil le propre
» des conditions copulatives , & qu’une même particule
» üe & joint enfemble, de ne pouvoir être féparées,
�& de n’opérer aucun effet qu’en cas du concours de
„ toutes.
„ C ’eil à quoi, continue-t-il, Juilinien n’a pas voulu
,, déroger abiolument ; & nonobilant ce qu’il a dit en
„ ladite Loi generaLiter, les particules & , vel, aut,
,, ne laiflent pas de demeurer dans leur véritable figni„ fication , iàns qu’il foit permis de s’en départir ; au„ trement il feroit permis à un chacun de les inter„ prêter à fafantaifie, ce qui cauferoit de la confuiion)
„ il faut donc tenir communément que la conjonctive
„ iùbfiile pour une conjonctive, & que la disjondive
,, doit opérer pour unedisjon&ive. Quorsiim enimverba,
„ niji ut demonjlrent mentern dicmtis ?
„ Voici l’exception que Juilinien a voulu apporter:
„ il a confidéré que le teilateur ayant dit : fi l’héritier
,, meurt fans enfants , ou fans faire de teilament, je
,, lui fubilitue un tel, il peut arriver qu’il laiiTe des en„ fants &. ne fàffe pas de teilament ; ôc que par ce
„ défaut, & ne s’attachant à la rigueur de la lettre, la
„ fubilitution feroit ouverte par la réglé in alterna„ tivis veldisjunclivisfujficitunam conditionemevenijje:
„ or comme cela feroit trop rude, & qu’il n’y a pas
„ d’apparence que l’héritier laiifant des enfants, le te£
„ tateur ait entendu que le fubilitué leur fut préféré,
„ l’Empereur a cru devoir faire cette exception, en
„ faveur des enfants, en établiifant qu’en ce cas la di£
„ jondtive aura le même effet que la conjonctive ; &
„ qu’ayant dit : S i fine liberis vel fine tejlamento, c’eil
„ la même chofe que s’il avoit dit : Si fine liberis &
yyfne teflamento ; ôc comme cette converfion fe fait
„ contre la propriété des mots, ce n’eil auiîl qucfavore
�,, liberorum, qu’elle a été établie ex prefumpta mente
3) teflatoris ; n’étant pas à croire que le teilateur ait eri~
,, tendu préférer le fubilitué aux enfants de l’héritier;
,, prudens enim conJiLium teflatoris qui nonJolumhœre„ dem, Jed etiam ejus Liberos prœtulit jubflituto. L. Lu„ dus , jf. de hœred. inflit.
„ Mais comme cette exception à la réglé commune
„ n’a été introduite qu’en faveur des enfants de l’hé» r(irjef> & que cette converfion des particules , n’a
„ ete introduite qu’afin que la condition ne iubfiilant
» Pas Pour alternative, les enfants ne fuiTent pas .exclus
„ par le fubilitué; auili s’enfuit-il que leur faveur ceflant^
,, c eil-a-dire, l’héritier n’ayant point d’enfants, les con„ ditions fubfiflent pour alternatives, & la disjon&ive
„ pour disjondive en faveur du fubilitué.
„ M. Henris cite une foule d’Auteurs pour fbn opi„ nion ; conclut d’après eux , que la Loi generaliter ,
„ ne doit s’entendre qu’en faveur des enfants de l’héritier.
„ B re f, cette condition J i fine liberis, appofée en„ tre ou après d’autres conditions négatives & alterna„ tives , n’opere une conjonétion contra propriam vim
,, verborum, qu’en confidération des enfants, pai une
n préiomption favorable & tirée des ientiments que la
nature nous infpire, parce qu’il faut croire que le
teilateur n’ayant fubilitué à fon héritier qu’à défaut
„ d’enfants, il eil cenfé les avoir préférés ou iùbilitués;
r cela fe fait pour éviter une chofe abfurde, une in„ juilice évidente ; qu’en ce cas , l’équité l’emporte,
„■& l’intention préfumée prévaut aux paroles.
, Par exemple, dit-il,
fans nous écarter de notre
„ L o i, fi latÆ/iilitution étoit conçue en ces termes: Si
�x4
„ fîlius meus moriaturjine Liberis velJine nuptiis , eut
„ fin e tejlamento:Sans doute qu’à s’attacher aux mots
,,*& à la rigueur , l’une de ces conditions devroit donner
ouverture à la fubilirution ; de iorte que quoique
„ l’héritier eût des enfants , s’il étoit venu à décéder
„ fans avoir tefté ,1e iubiiitué feroit appellé, à l’excluj, fion des enfants; y ayant donc en cela de l’inju£
tice & de l’abfurdité, pour l’éviter & fe conformer
au'ièns commun, il a fallu néeflairement d’une di£^r:jon6Hve‘ éh faire une çonjcn& ive,'& forcer les mots
■,-pour s’accommoder à la; volonté Jdu tefiateur.
■„ Mais dans la même,efpece s’il n’y a qu’à diiputer
„ le s deux autres con d itions,^ fine nuptiis veL fine
¿tejlam ento, & que l’héritier grevé vienne à fe marier,
„ mais; décede fans faire aucun teftament, pourquoi
„ voudra-t-on en ce cas, faire violence aux mots, &
„ d’une alternative en faire u n e copulative fans aucune
5Î néceflité & fans raifon apparente ? Qu’importe-t-il
„ que l’héritier de l’héritier emporte les biens, ou que
ce foit le fiibilitué ? N ’y ayant donc rien d’injuile
j, ni d’abfurde, & au contraire la condition du fubilitué
„ étant la plus favorable , pourquoi voudroit-on fe
„ départir au propre fens des termes, & pourquoi ne
pas laiiTer les conditions dans leur lignification na
tu r e lle ?
„ Il fout donc conclure que Juitinien n’a entendu
„ faire ce changement des conditions alternatives en
„ copulatives, que parce que la condition Jine liberis,
„ s’y rencontre, & en faveur des enfants : il s’en eft
nettement expliqué lu i-m tm e;& pour rendre raiion
9} de fa décifion & en expliquer le véritable motif, il
�,, fuffit, de pefer ces termes: Cuienim ferendus.ejl in-{
„ teLleclus sJi forfait quideni teflamentum non fecerit ,
„ pojîeritatem aûtem habuerit, propter hujufmodi.yer-^
n borum angujlias Liberos ejus omnifruclu paterno penè
,, defraudari ? Après quoi l’Empereur ajoute : Vifrïh
„ itaque impiam objlruentes ; & dit qu’il établit une
„ réglé qui fera auili-bien reçue des peres que des
j, entants , & de laquelle ils feront également fatisfaits.
„ Quelle peut être cette efpece d’impiété que l’Emj? pereur veut prévenir, fi ce n’efV l’injure faite aux
enfants de l’heritier, s’ils étoient exclus par le fubflitue, par la rigueur d’une ou de deux conditions alternatives ? Leur confidération ceffant , où peut fe
,, rencontrer cette impiété? E t qu’importe qui iuccede?.
5, Ou plutôt en l’efpece que nous traitons (V eit toujours.
„ l’Auteur qui parle) n’e ft - il pas plus jufte qu’u n i
„ parente de la teilatrice recueille fes biens, qu’un
étranger? Ainfi fi Juftinien n’avoit reflreint fa peniée
„ a la iêule faveur des enfants de l’héritier inititué;
loin d’aller au-devant d’une injuftice, il l’auroit plutôt établie.
„ I>u-moins il s’écarteroit du but qu’il s’eft j>ropoie;
car il eft certain que chacun eft c e n f é préférer le^
„ liens; 8t que cette inclination naturelle qu’on a pour
„ fon propre fan g, efl commune en tous les hommes
Les raifonnements de ce favant Magiflrat les feuls
fans doute que l’on puifTe faire adopter à l’efprit & au
cœur difpenferont d’entafler de nouvelles autorités.
Qu’il loit permis cependant d’en rappeler deux parmi
celles qu’il nous indique lui-même.
. Charondas, qui a expliqué la .Loi generaJiter de la
�*6
même maniéré, enfeigne qu’elle efl tellement fondée
fur la faveur des enfants, qu’elle ne peut avoir lieu ,
finon au cas que l’héritier en ait laiiTé j que ce n’eil
qu’à leur conlidération que le fubilitué eil exclus , &
que pour l’exclure on tait violence aux termes ; que
n’y ayant point d’enfants , les conditions alternatives
doivent demeurer en leur force ; & qu’en ce cas nulla
Jît converjio altemativœ in conjuncîivam , & rapporte
un Arrêt qui l’a jugé.
Fernana , qui a fait un Commentaire particulier fur
notre L o i, fuppofe qu’un pere qui ayant deux enfants,
en fait l’un héritier, & fubilitué l’autre , fi l’héritier
décede fans enfants ou fans teiler ; & réfout que n’ayant
point eu d’enfànts, encore qu’il ait teilé, la fubilitution
doit avoir lieu ; le fubilirué, dit-il, eilappellé ious une
condition alternative ; il fuffit donc qu’il y ait une par
tie qui ioit vraie ; il ajoute que l’alternative ne fe chan
geant en copulative quefavore liberorum, comme l’Empereur l’a allez déclaré , c’eil un cas fpécial que l’on ne
pe.it pas tirer à conféquence; 8c puifquec’eil en taveur des
enfants que ce changement fe fait, il ne peut avoir lieu, à
contrario fenfu, lorfqu’iln’ya point d’enfants; il faut en
demeurer à la réglé commune pour les autres cas; c’eilà-dire, que la faveur des enfants ne s’y rencontrant pas,
il faut que l’alternative demeure en fa force & faiTe ion
office, n’y ayant point de perfonne pour qui l’on puiiTe
lui faire violence ., & au contraire la préfomption de la
volonté du teilateur étant plutôt pour le fubili tué, que
pour celui au profit duquel l’héritier a difpofé ; car de
aire que le Légiilateur, en parlant du cas où il y a
des enfants de l’héritier, n’a fait que montrer un exem.
�%7
t pie, cela ne tombe pas Tous lesfens', puifqu’^1 a fr|ouvent répété ce cas, & que leur faveur cellant, on ne
. voit pas d’autre motif pour lequel iL fût* néçeffaire de
forcer les paroles, & convertir une alternative^en
_copulative.
•
* '•
* ,1 1 eil bien fingulier que le fieur Salvage prétende
que M. Henris s’eit borné à prouver que la Loi generaliter a reitreint ion opinion au cas ou le fubilitué eil
deicendant du teflateur, attendu que dans l’efpece pour
laquelle il a écrit, c’étoit un des enfants du teftateur qui
réclamoit la fubilitution.
M. Henris ne diflingue pas file fubilitué eil defcendant du teilateur, ou s’il n’eil qu’un parent collatéral,
&. refout indiiiinélement que l’exception d e . la Loi
gerceraliter y?* été introduite qu’en faveur d e s enfants
de l’héritier inilitué ; que s’il n’en a point, la fubilitution doit avoir fon eifet.
^
On avoue que dans l’efpece qui a donné l i e u à, ia
diilertation, le iubilitué étoit deicendant du^teilateur j
mais ce n’efl pas l’efpece qu’il faut confidérer., mais ce
qui fait le fondement de ion avis qui eût été le même
à l’égard d’un collatéral, puiiqu’il fait voir que la loi
n’a dérogé à la regle commune qu’en faveur des enfants
de l’héritier
Bretonnier annotateur de M. Henris , témoigne
affez dans iès oblervations fur la même queilion, qu’il
eil du même fentiment. ;
On ignore s’il a dit ,1 e contraire dans, quelque
coniùltation ; mais l’on préfume que l’efpece étoit
différente, ou qu’il s’eil décidé par d’autres motifs.
, On croit n’en devoir pas dire, davantage pour écarter
le Tuifrage de Ricard, ;& en faire fentir, l ’abfurdité.
C
1............... ...
�Comme F ùrgolè, qu’il a entraîné dans ion erreur,
ti'a écrit que pour le Parlement de Touloufe, nous nous
Bornerons à lui oppofer Mrs. D olive, M eynard, L a
roche , &c.
L e iieur Salvage invoqueroit en vain la jurifprudence. L ’Arrêt unique du 10 juillet 1 6 5 5 , rapporté
¡par SoefVe, tome I , Cent. 4 , chap. 9 7 , & par Ricard
a l'endroit cité, a feulement jugé qu’en matiere de
fubilitution , la condition Ji fine Liberis, fe rencontrant
avec une ou plufieurs autres conditions, il fuffit qu’une
des conditions ait été accomplie*, pour empêcher l’effet
"de la fubilitution, ce qui différé de notre efpece. L a
juriiprudence eft conforme à l’avis de M . Henris.
On peut voir l’Arrêt cité par Charondas*dans iès
Réponies, liv. 7, chap. 16 1 , ôc liv. 10 , chap. 85 ,
qui a rejeté la prétendue diflin&ion entre le fiibflitué
qui eft parent collatéral, & celui qui deicend du teflateur, & a jugé que l’un comme l’autre, ne peuvent
•ctre exclus de la fubilitution que par les entants de
l’H éritier inftitué.
Les Auteurs du Parlement de Touloufe en rappor
tent une foule d’autres femblables.
C ’eil auiïî ce qu’avoit jugé la Sentence du Bailli
de .Montbrifon, qui donna lieu à la differtation de
M . Henris : fi elle avoit été attaquée par la voie de
4 ’appel, cet Auteur n’auroit pas manqué de le dire.
Ainfi donc la faveur du fubflitué, l’intention de la
teflatrice, les loix, les interprétés & la jurifprudence,
ïe réuniffent pour affurer aux demandeurs la propriété
qu’on leur contefle.
Il efl démontré que la L oi generaliter ne reçoit
point d'application -â notre efpece.
�ip;
■Si Philippe Salvage s’étoit marié- & avoit laiiTé des
enfants, la iubilitution fe feroit évanouier quoiqu'il fu$
décédé avant fa majorité, conformément à la L oi
generaliter. La particule disjon&ive fe feroit convertie,
dans ce cas, en copulative *, mais la faveur des enfants
çeflant, il n’y a plus de prétexte pour l’entendre contre
fa fignification naturelle, ôc violer l’intention formelle
de la teilatrice.
Forcé de iè rendre fur l’exiilence de la fubflitution,
le fieur Salvage fe retranche à dire que Jeanne Chartron
n’étoit pas propriétaire de la maiion & du jardin qui
ont ete iubititues, qu’ils faifoient partie de la fucceilion
d’Andrieu ion mari. Il ie préfènte plufieurs réponfes.
i°. L e fieur Salvage n’a juilifié d’aucun a¿le a l’appui
de cette allégation -, au contraire, il paroît que la pro^
priété de la maifon en queilion appartenoit à Jeanne
Chartron, foit d’après l’énonciation portée par le teila
ment qui a été fait dans fa maiion , foit d’après l’inven
taire que le fieur Salvage fit faire après fa m ort, dans
lequel il eil dit expreHément que ladite maiion appar
tenoit à Jeanne Chartron, veuve d’Andrieu.
7 j°. L e fieur Salvage fe mettroit vainement en frais
pour éclaircir ce point. En fuppofant que la propriétéi
de la maifon en queilion eût appartenu à ion marij
& que Jeanne Chartron eût été chargée de la rendre
à ion fils lorfqu’il auroit atteint l’âge de vingt-cinq
ans, cette propriété auroit paiTé fur la tête de Jeanne
Chartron, loi t à caufe de la caducité de la fubflitution
réfultante de ce qi*e Pierre Andrieu étoit décédé en
minorité, foit parce que ladite Chartron étoit héritière;
légitime de fon fils -, on a même lieu de penfer qu’il y
avoit des difpofitions en fa faveur,
�3 °- Quand même Jeanne Chartron n'auroit pas été
propriétaire, elle auroit valablement iiibilitué des im
meubles qui auroient appartenu à iès petits-enfants :
en acceptant ia fucceiïion, ceux-ci n’auroient pas été
admis à réclamer contre íes difpoiitions ; il y a même
cette circonitance que Philippe Salvage vendit, eri
* 7 3 2 , une maiion iile dans la rue du Rieu, qui appartenoit conilamment à ladite Chartron.
. 4°. Enfin,-le fieur Salvage eil d’autant moins recevable à propoièr cette objection , que G u y Salvage
ion pere, n’a joui des biens de ladite Chartron qu’en
vertu du teilament qui contient la iubilitution, ôt
que ne tirant fon droit que de ce teilament, il n’eil
pas recevable à équivoquer fur les difpofitions qu’il
renferme.
L a derniere obje&ion du fieur Salvage, la feule
fur laquelle il paroiiTe infiiter, coniiile à dire que
l ’a&ion des demandeurs eil prefcrite. Suivons-le dans
cette nouvelle illufion.
* Il oppofe que la fubilitution a été ouverte le 24
Janvier 17 4 0 , jour du décès de Philippe Salvage;
qu’à cette époque, Marie BefTon a pu & dû former fa
demande en ouverture de la fubilitution ; que s’étant
écoulé plus de trente ans de iilence, le droit de Marie
BeiTon & des demandeurs fe trouve preicrit.
Il avoue qu’il pourroit y avoir du doute relativement
à la maifon dont G uy Salvage avoit la jouiiïànce juiqu’à
fon décès ; mais il ajoute que fi ledit Salvage en a
joui jufqu’en 1748 , ce n’eil pas en vertu du teilament
de Jeanne Chartron, mais uniquement en vertu d’une
rétroceflion que lui fit, en 1737 , Philippe Salvage
ion fils, des biens qui lui appartenoient du chef de fa
�11
/nere, ià fœur-, fes aïeul & aïeule ; de laquelle il infere
que dans ce moment Gui Salvage avoit remis a ion fils
lç fidéicommis , & par conféquent Marie Befibn auroit
pu agir. Hâtons-nous de le torcer dans ce dernier re
tranchement.
'
Déjà il n’eil pas vrai que l’uiufruit de G u y Salvage
fut borné à la jouiflarice de la maifon en queilion il
embrafloit auiTi la jouiiTance de la boutique, du jardin,
du mobilier , & outils qui forment l’objet de la fubilitution.
•-v-Cet ufufruit ayant été légué par le même teilament
qui contient la iubilitution , il fuit que les droits de
G uy Salvage & ceux de Marie Beiïon émanoient du
meme titre, & n’avoient qu’une même origine.
¿ ’ G u y Salvage a reconnu l’exiilence de la iubilitution
au cas prévu par la teilatrice, que íes petits - enfants
viendroient à décéder Jans mariage ou avant Leur ma
jorité ; d’après cela, il a lui-même fait procéder, après
le' décès de la teilatrice , à l’inventaire du mobilier
fubilitué ; il a déclaré dans cet iuventaire , que c’eil en
préience & avec Marie Beifon , héritiere iubilituée, &
pour exécuter la volonté de ladite Chartron fa bellemere portée par ion teilament, qu’il date.
' • Cet inventaire a déterminé invariablement leurs
droits,refpedifs , & la qualité qu’ils ont eu depuis, l’un
à l’égàrd de l’autre ; &, quoique l?efpérance du fidéi' commis àit été réalifée en faveur de Marie Beifon ,
&■fa vocation décidée au décès de Philippe Salvage [
elle ri’avoi’t^néanmoins à cette époque-, aucune attion
contre G uy Salvage , pour le contraindre au délaiffement1des biens' fubilitués ; parce que le titre qui lui
aifuroit _dès4 ors la propriété des biens, en coniervoit
�12,
l’ufufruit audit Salvage*, en forte que fi Marie BelTon ,
qui n’a jamais pu agir que contre G uy Salvage ,s ’étoit
avifée de le faire , elle auroit évidemment iuccombé,
ion droit étant fubordonné à l’ufufruit dudit Salvage.
C ’eifc une puérilité de dire qu’elle devoit agir pour
la conièrvation de la propriété; le teftament de Jeanne
Chartron étoit commun à l’un & à l’autre ; l’inven
taire auquel ils avoient fait procéder conjointement ,
l’un pour la conièrvation de ion ufairuit, l’autre pour,
la propriété qui lui étoit fubilituée conditionnellement
^écartoit entr’eux'toute efpece de fin de non-recevoir ,
& équipolloit, ou plutôt étoit une reconnoiiTance mu
tuelle & irrévocable de leurs droits , à laquelle aucun
d ’eux n’a pu déroger.
D è s - là il eft manifefte que la jouiÎTance qu’a eue
G u y Salvage des biens en queilion, ne peut iè rappor
ter , du moins vis-à-vis de Marie BeiTon , qu’au legs
d’uiuiruit des biens iîibilitués ; qu il n a pas dépendu
de lui de changer l a c a u f e de ia poifeilion , & de nuire
à la propriété de Marie BeiTon.
A la vérité, s’il sétoit écoulé 30 ans depuis le décès
de G u y Salvage jufqu’à la demande en défiftement,
l’a&ion de la demoiièlle Drappeau feroit prefcrite;
mais G uy Salvage n’étant décédé qu’en 1 7 4 ^ & ta
demande ayant été formée en 1 7 7 7 , il n’y a pas le
temps requis pour la prefcription.
Inutilement G uy Salvage avoit-il eu la précaution *
de fe faire céder par fon fils, par un a&e de 1737 que
l'on ne voit pas, les droits qui lui étoient échus du
chef de fon ayeule. En fuppoîànt que cet a&e exifte,
le fils n’a pu tranfmettre au pere plus de droit qu’il
n’en ayoit ; or il eil évident qu’il n’étoit que proprié
�.
*3
taire conditionnel des biens en queltion, & n’a pu en
difpofer par conféquent, a u préjudice de la fubilitution.
Cette vérité n’à pas beioin d’autre preuve.
Si Philippe Salvage avoit quelque droit fiir les biens
en queilion de fon chef, le défendeur peut les exercer ;
on le réfer ve de les contredire: mais les a<5les pailés
entre le pere & le fils, peuvent d’autant moins être
oppoiés à l’héritiere fubftituée, qu’il n’en a jamais été
notifié aucun à Marie BeÎfon, laquelle, par conféquent,
n’a pas eu de motif pour agir, & n e pouvoit, comme
on 1 a déjà obfervé, le faire utilement qu'après le décès
dudit Salvage, c’efl-à-dire, après Textin&ion de ion
ufufruit.
On obferve même que les ailes collufbires qui auroient été foufcrits entre le pere & le fils , pour frau
der la fubilitution, ôc enrichir le fruit d’un fécond ma
riage , fourniroient une circonftance de plus pour ren
dre le fieur Salvage défavorable.
A défaut de plus légers prétextes, le fieur Salvage
a cherché à exciter la commifération des Magiflrats,
en infinuant que les objets compris dans la fubilitution
formoient fa principale reflource.
\
Cette confidération feroit aifez indifférente ( quand
«lie feroit vraie), pour la décifion de la caufe. i l n’en
feroit pas mieux fondé à retenir des biens que Jeanne
.Chartron avoit fubflitués à Marie Beifon : mais pour
montrer qu’il en impofe en tout point, on croit devoir
rappeller qu’il eft propriétaire d'une maifon, jardin &
autres fonds dans un des Fàuxbourgs de cette ville,
qu’il lui en appartient une autre auprès de celle qui
eft fubflituée.
L e fieur Salvage eft d’ailleurs pourvu de lai Cure
�24
de Giou, qui eft plus que fuffifante pour fournir aux
befoins d’un Ecclefiaftique qui vit felon les maximes
de l’Evangile.
Concluons, en nous réfumant, que la fubflitution
écrite dans le teftament de Jeanne Chartron, en faveur
de Marie B effon , a été ouverte par le décès de Phi
lippe Salvage, fans avoir été marié, quoiqu’il eut
atteint fa majorité ;
‘ Que la fubftitution comprend la maifon , boutique ,
jardin, défignés par le teftament, foit qu’ils ayent
appartenu en totalité à Jeanne Chartron, ou qu’elle
n’ait été propriétaire que d’une partie;
Que l’action des demandeurs eft entiere;
Que fi , dans le fait, Jeanne Chartron étoit proprié
taire des biens fubflitués, ou fi l’on a approuvé fon
teftament, recueilli & difpofé de fes autres biens ; & fi,
dans le Droit, c’eft la volonté de la teftatrice qu’il faut
confulter dans l’interprétation de fes difpofitions, au
lieu de fe livrer à des differtations académiques pour
établir, c o n t r e la f a i n e r a i f o n , q u e l a p a r t i c u l e disjonctive doit être réputée copulative, & que la L oi generaliter, qui n’a envifagé que les enfants de l’héritier
inftitu é, doit être étendue à touts les autres cas, le
fy ftème du fieur Salvage, appuyé fur des fondements
auffi fragiles, n’eft pas éloigné de fa chute.
M O N S I E U R D E V I X O U Z E S , LieutenantParticulier , Rapporteur.
Me. A r m a n d , Avocat.
V i g ie r , Procureur.
A VILLEFRANCHE-DE-ROUERGUE,
Chez V e d e ilh ié , Imprimeur du Roi.
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Drappeau, Jean-Baptiste-Géraud]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
de Vixouzes
Armand
Vigier
Subject
The topic of the resource
successions
droit écrit
doctrine
usufruit
substitution
Description
An account of the resource
Mémoire pour Me. Jean-Baptiste-Géraud Drappeau, diacre, héritier de demoiselle Catherine Faliès sa mère, et sieur François-Louis Drappeau, bourgeois, habitans de la ville d'Aurillac, demandeurs ; contre Me. Guy Salvage, prêtre, curé de la paroisse de Giou, défendeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez Vedeilhé (Villefranche-de-Rouergue)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1780
1714-Circa 1780
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
24 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0714
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Giou-de-Mamou (15074)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53909/BCU_Factums_M0714.jpg
doctrine
droit écrit
substitution
Successions
usufruit
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53908/BCU_Factums_M0713.pdf
d4f84e38779f3a881cf71c3c9e640c32
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Text
OBSERVATIONS
SUR
LE
M É M O IR E
DE M. N E I R O N - D E S A U L N A T S .
�AVER T I S S E M E N T .
M . Neiron ayant eu l’attention de ne distribuer son
mémoire contre M . le procureur im périal, par le titre ,
mais contre moi par le fa it, que le 18 au so ir, et n’ayant
pu m’en procurer un exemplaire que le 19 au matin , car
j’étois à Clermont le 1 8 , j’ai eu à peine deux heures
pour répondre à ses inculpations. Il m’a été impossible
d’être aussi laconique que je l’aurois dû , et encore plus
impossible d’avoir recours aux talens d’un défenseur. Je
réclame donc l’indulgence des lecteurs sur ma réponse; ils
me pardonneront, je l’espère. Ce n’est pas dans la vie active
et le tumulte de la carrière m ilitaire, qu’on s’exerce à bien
écrire ; mais on y apprend à bien penser et à bien agir :
c’est à la pratique de ces vertus que s’est toujours bornée
mon ambition.
�OBSERVATIONS
De
m
.
c h a b r o l
; a n c ie n m i l i t a i r e ,
Sur le mémoire signé N E I R O N - D E S A U L N A T S ,
intitulé : M émoire justificatif, pour Joseph NEIROND e s a u l n a t s , habitant de la ville de R io m , accusé
à la police correctionnelle; con tre.M , le Procureur
! impérial. '
Si M . N eiro n -D esa u ln a ts, dans son m ém oire contre M . le pro
cureur im périal, ne cherchait qu'à égarer l'opinion publique et celle
de ses juges , en dénaturant l’affaire qui a provoqué sa dénoncia
tion au tribunal de p olice correctionnelle ; si ses efforts ne te n
doient qu’à surprendre un jugem ent favorable à sa cause , je ne
prendrois pas la peine de repondre à son m ém oire.
M ais M . Neiron
en se plaignant de ce que je suis son adver
saire, m'accuse d’un système de vexation contre l u i , et de cons
p ira tio n contre sa propriété, sa san té et celle de sa famille. ( V o y e z
page 1 . et page
5 , à la note qui appartient à la page 4 de son
mémoire. )
Je dois donc au public l'exposé de cette a ffa ire , et à l’honneur
de repousser une assertion aussi injurieuse que dénuée de fondement.
M . Neiron a réduit le meuniet Jean Debas , et toute sa fam ille,
A
�(o
à la misère îà plus profonde, et cela, sans b u t, sans m o tif comme
sans intérêt, en mettant à sec un m oulin, leur unique patrimoine.
Pour diminuer aux yeux .du public l’odieux d ’une pareille entre
prise , M . Neiron s’est permis de dire, avec un ton de m ystère, qu’il
n ’en agissoit ainsi que pour mes intérêts, parce que ce moulin me
devoit jadis une prestation en b lé , supprimée par les lois révolu
tionnaires : c’étoit pour me la faire payer qu’il en agissoit ainsi.
Il disoit à d’autres que son but étoit de me venger des torts de cet
homme.
Je vis donc ce pauvre meunier , accompagné de sa fam ille, venir
implorer ma clém ence, et me prier d’accepter une rente sur ce
m o u lin , pour désarmer ce qu’il appeloit ma colère. J’îgnorois abso
lument alors l’entreprise de M . Neiron : le meunier m ’expliqua son
infortune. Je consolai ce m alheureux, et refusai ses offres. Je lui
assurai que s’il n ’y avoit pas un an révolu depuis cette dernière
entreprise, il seroit infailliblement maintenu au possessoire: je me
trompois. Com m e M . Neiron avoit déjà usurpé, depuis an et jour,
une porte d’entrée et de surveillance dans son enclos, appartenant
à ce moulin , le tribunal faisant céder le principal, qui étoit l’eau,
à l’accessoire, qui étoit la porte, cumula les deux actions, et ren
voya le malheureux m euniçr au pétitoire , quoiqu’il n’y eût pas
quinze jours que son moulin eût cessé de moudre.
Pour atténuer encore, dans l ’opinion publique, la dureté de son
procédé, M . Neiron publia dans tous les cercles que c’étoit pour
rétablir la salubrité dans son en clo s, qu’il avoit vidé son étang ,
et qu’il ne devoit point d’eau à ce moulin. . .
E t parce que j’ai tendu une main secourable à cette fam ille, que
je l’ai consolée dans son désespoir, que je l’ai nourrie de mon pain,
il plaît à M . Neiron de me qualifier « de persécuteur contre sa
» personne, et dé conspirateur contre ses propriétés, sa sa n té, et
» celle de sa fam ille. »
M ais M . Neiron , qui attribue l ’insalubrité de son enclos à cet
amas d ’eau qui form oit6on étang, a sans doute rempli son objet;
car non-seulement il n’a plus d 'étan g, mais quoiqu’il affecte de
À
�( 3 )
répondre que le m eunier vouloit le rétablissement de son étan g,
afin d’exciter l’opinion contre ce m alheureux, il sait bien que Jean
Debas n’a pas la prétention d’exiger qu'il rétablisse son étang ; il
lui a dit et répété dans différentes écritures dont M . Redon lui a
donné communication. Jean Debas ne demande aqtre chose à
M . Neiron que le rétablissement du cours d ’eau dans la, direction
et la hauteur de ses rouages, au lieu de le diriger par le nouveau
lit qu’il a fait creuser en l’an 12 , à une quinzaine de toises plus
loin. C ’est donc dans le lit ancien et ¡habituel que demande Jean
Debas qu’on fasse couler l’eau, au lieu du lit nouveau ; et quand
M . Neiron allègue l’impossibilité de remettre les eau* dpns leur
ancienne direction sans remplir de nouveau son étang, il n’est pas
de bonne foi , il sait bien le contraire. 11 sait bien que toutes les
iois qu il faisoit pêcher son étang, le moulin de Jean D ebas continuoit son m ouvem ent, et que les eaux lui.étoient transmises alors
par le béai de précaution , appelé vulgairement la rase de la V e rgniere. M . D avid.de M allet laissa une fois son étang à sec pendant
trois mois de suite , et cependant l’action du m oulin ne fut pas
discontinuée un seul jour. D ernièrem ent, en messidor an i 3 , lors
de l’enlèvement des foins de l’enclos , il fut nécessaire, pour faci
liter leur exploitation , de rétablir les eaux dans l’ancien béai de
précaution ; l’eau se rendit si abondamment au m oulin, qu’il tourna
une matinée entière.
.
- L a joie de cette misérable fam ille, ce jo u r - là , fut si v iv e ,
qu’elle ne peut se dépeindre. Ils crurent M . Neiron ramené enfin
à des sentimens de justice envers eux ; ils crurent que des jours
de bonheur alloient enfin succéder à tant de larmes. Hélas ! cet
espoir cessa l'après-midi. Les foin s.enlevés , ,1’eau fut sur le champ
rétablie dans le nouveau lit, et alla, comme auparavant, inonder
le chemin, q u i, pendant le changement de scène, fut praticable.
Jean Debas offre de prouver ce fait par témoins. M . Neiron ose
cependant nier l’existence de ce béai, canal ou rase de précaution,
«t accuser M . le sous-préfet d ’avoir créé idéalement ce canal : ce
sont ses termes. Il suppose encore que ce m agistrat, « après avoir
�( 4 )
» approuvé le dessèchement de son étang, ordônne cependant des
» mesure^ qui tendent à le remplir d’eau ; » ce qui seroit une dé
rision, si cela étoit véritable. Mais M . le sous-préfet a dû voir par
le rapport de l’expert - géom ètre, M . Manneville , que le canal
existe. Jean Debas offre d’en faire la preuve, que telle étoit sa
destination et son usage constant, et il conjure M M . les juges de
nommer des commissaires pour vérifier son assertion : ils verront
qui de lui ou de M . Neiron en impose au public et à la justice.
L e mémoire de M . N éron, page 8 , assure qu e, « si je n’ai pas
» dicté l’arrêté de M . le so u s -p ré fe t, je l’ai au moins sollicité
» éloquemment et d ’une manière imposante; et qu’à cause de son
» désir général d ’obliger, et du peu de régularité des formes en
» administration, il se laissa aller à des erreurs. »
Mais la plainte des maire et adjoint a été formée en ventôse de
l ’an i 2 , et ce n ’est que quatorze mois après, qu’il a plu à M . le
Sous-préfet d ’y répondre, en prairial de l’an i 3. M . Neiron con
viendra qu’il fa u t, ou que mes manières imposantes et mon élo
quence aient été long-temps infructueuses, ou mises en usage bien
tard. En v é rité , quand l’amour de la justice ne seroit pas aussi
naturel à M . le so u s-p ré fe t, cette circonstance, dans le délai de
quatorze mois , suffiroit pour démentir pareille accusation.
Je défie à qui que ce soit de prouver que j ’aie jamais provoqué
cet arrêté de l’adm inistration, relatif à l’inondation du ch em in ,
qui fait l’objet de l’attention de M M . les juges de la police correc
tionnelle. Quoique j’eusse, autant que personne, le droit de me
plaindre, je m ’en suis reposé sur le zèle et le ministère des maire
et adjoint, qui sont chargés de la police des chemins vicinaux. Quant
à M . le sous-préfet, j’ai toujours imaginé que sa lenteur à prononcer
derivoit de son désir et de son espoir de voir term iner, par l’ar
bitrage , l’affaire du moulin , ce qui mettoit fin à tout.
« C ’est pour défendre sa propriété, sa santé et celle de sa fa » mille contre m oi, que M . Neiron se vante d’avoir employé des
» moyens aussi pacifiques qu’honnêtes. » ( Voyez p. i '\ de son
mémoire. )
�( 5 )
Je demanderais d’abord en quoi j’ai pu violer sa propriété, at
taquer sa santé et celle de sa fam ille. N e sem ble-t-il pas entendre
un ravisseur, q u i, se voyant aperçu, se met à crier au voleur,
afin de détourner sur un tiers l’attention du p u b lic, et pouvoir se
soustraire à la peine?
M . Neiron dépouille un meunier de son unique patrimoine , le
réd u it, et sa fam ille, à la misère la plus profonde : et c’est pour
se défendre contre moi qu’il emploie des moyens honnêtes et
pacifiques.
Voyons quels sont ces moyens ; c’est sans doute d’avoir con
senti à se soumettre à un arbitrage, mais les parties adverses y
ont concouru comme lui.
« M . Chabrol, dit M . N eiron, présida au compromis (vo yez
» p. 7 ) avec intérêt, avec chaleur. »
Il est très-certain qu’après avoir amené ces gens à com prom ettre,
je leur couseillai de passer l’acte par-devant notaire, au lieu de le
passer sous seing privé, comme le désiroit M . N eiron , qui avoit
déjà commencé à le libeller; c’est moi qui insistai, d’après la con
fiance que ces sept malheureux m ’avoient tém oignée, pour que
tout moÿen de révoquer l’arbitre fû t ôté à chaque partie. Cela
donna lieu à des plaintes sévères de la part de M . Neiron contre
moi. Je laisse au public à juger de quel côté étoit le piège.
» Je ne reconrtois pas la loyauté de M . Chabrol ( s’écrie
» M . Neiron , p. 7 ) , qui sollicite l’administration pour faire
« rendre provisoirement l’eau à son moulin. »
Je proteste que je n’ai ni hâté ni retardé l’arrêté de l'adm inistra
tion , et je défie qu’on m ’ait entendu en provoquer l’exécution ;
mais quand j’aurois sollicité l’administration de prononcer, il n’y
auroit là rien de déloyal ; et certes , ce n’est pas à l’école de
'M . Neiron que j’irai prendre des leçons de loyauté! J’ai eu une
peine sincère de l’avoir vu dénoncer à la police correctionelle : j’en
ai bien des témoins ; et quand M . Neiron met dans ma bouche
»> que je conviens que j’ai sollicité l’administration contre lui sans
« prévoir les mesures sévères qu’elle pouvoit prendre, » il sait bien
�( 6 )
que je ne l'ai pas dit > et que c'est un rêve de son cerveau bizarre
et fertile en inventions. Je proteste encore que je n ’ai sollicité, ni
directement ni indirectement, cette rigueur auprès de l’adminis
tration. M . Neiron m ’accuse encore, page 2 , « de cacher mon irilé» rêt particulier sous le masque d’un intérêt public supposé. »
O n verra plus loin le fruit de cette m échanceté, en attendant
que M . Neiron nous explique, s’il le p e u t, de quel intérêt public
il entend parler. Il s’agit d ’un moulin et d ’une prairie ; certes, c ’est
un intérêt bien privé que celui de ces malheureux ! Si le public y
est pour quelque chose, ce n’est que par l’intérêt que nous devons
tous au malheur et à l'oppression.
Venons maintenant à la note de la page 4 *
Après avoir d it , page 4 , que M . de Nocase avoit cédé sans ga
rantie , en 17 5 6 , aux périls, risques et fortune, ce moulin en ruine;
ce qui est un faux exposé et une manière astucieuse de rendre les
termes de cet a cte , parce que les mots , périls, risques etfortuné,
et sans garantie , s’appliquent aux héritiers du meunier déguerpis
s a n t, afin que lu i, ou les siens venant à rentrer dans le’ m oulin,
M . de N ocase, qui ledonnoit à nouveau b a il, n ’eût rien à démêler
avec les meuniers. M . Neiron ajoute :
» M . C h a b ro l, devenu acquéreur, n esu ivit pas.les erremens
» de M . de Nocase ; il fit faire une nouvelle reconnôissancé au
» m eu n ier, dans laquelle il lui assure la prise d ’eau à mon étang
» dans mon parc. Je n’ai pu voir cet acte ; mais la véracité de ceux
»
»
»
»
»
»
»
»
qui m ’en ont instruit est assez justifiée par la conduite do M , C habro’l , ancien colonel. M . Chabrol père eut pour o b je t, dans cette
innovation , de ne pas laisser son moulin , ou la rente qu’il produisoit, à la merci des propriétaires de l’étang...... D e cette nouvelle reconnoissance est résulté un droit de garantie....... de la
part du meunier contre M . C h a b ro l, ex-colon el, depuis que je
tiens mon étang en vidange......A u lieu de la subir généreusem e n t, M . Chabrol subsistue sa protection en faveur du meunier,
» et un système de vexation contre moi. »
C ’est là le fruit du germe jeté avec perfidie , page 2 , par
M , Neiron : en voilà le poison distillé à sa manière.
�( 7 )
Quand on veut remplacer des moyens d’attaque ou de défense
par la calom nie, au moins faut-il en imaginer de -v ra ise m b la b le s ,
et surtout on ne doit pas en machiner d’absurdes. Quoi ! M . Chabrol
père , qui avoit sur ce moulin des titres des quinzième et seizieme
siècles , auroit préféré de se procurer un titre nouveau par lequel
il auroit mis sans nécessité le sort de son moulin à la merci de la
fantaisie ou de l’avidité d ’un voisin , tandis qu’il en étoit à l’abri
par ses anciens titres ? une pareille absurdité tombe d’elle-même.
M . Neiron qui , en toute occasion , se montre détracteur de
M . C h a b ro l, mais qui cependant lui fait la grâce de lui accorder
quelques lumières et du talent , comment persuadera-t-il au public
et à ses juges ce chef-d’œuvre d’imposture? M ais M . Neiron vouloit me donner l’odieux d’être injuste envers Jean D ebas, comme
le privant de son recours en garantie contre moi. C ertes, si Jean
Debas avoit eu un pareil titre , ses conseils auroient été coupables
de ne pas l’en instruire , et moi bien plus encore de substituer,
comme ose m ’en accuser M . N e iro n , une vaine protection aux
indemnités que je lui aurois dues.
Que M . Neiron nomme les personnes officieuses dont la véracité
lui est si connue, qui l’ont instruit de l’existence de ce contrat
nouveau ; qu’il nomme le successeur du notaire qui lui offroit
expédition de titres; qu’il justifie de la note , qui sans doute indi
quera la date de l’inféodation de i ^56 : sans cela, son échafaudage
de calomnie croulera de lui-m êm e.
Page i 3 du mémoire :
« M . Neiron est fâché de me voir prendre confiance aux arti» fices de la chicane , etc. »
Sans doute il est juste qu’il se réserve à lui seul un patrimoine
qui lui appartient & tant de titres, et dont il se fait une aussi
solide gloire : je lui en laisse la possession, sans la plus légère envie.
Je ne m ’occuperai point ici des moyens de Jean D e b a s , Jean
Julien et consorts ; ils seroient surabondans , puisque la question
soumise au tribunal de police correctionnelle ne regarde aujour
d ’hui que l’inondation et la dégradation de la voie publique. Je me
contenterai d’observer que le Code civil, article 633 f prononce que le
�( 8 )
possesseur du fonds supérieur ne peut rien faire qui aggrave la ser
vitude du fonds inférieur. O r , Jean Debas ne doit passage sur
son héritage inférieur qu’à un filet d’eau plus ou moins considé
rable, selon les temps secs ou pluvieux, découlant de l’enclos SaintGenest. Je ne discuterai pas la loi Prceses de servitutibus etaquas,
et ne distinguerai pas les exceptions auxquelles elle est assujétie. Je
n ’examinerai point si les arrêts dont se prévaut M . Neiron s’ap
pliquent ou non à l’espèce dont il s’agit, entre lui et Jean Debas,
Je laisserai aussi sans réponse le système de diffam ation ourdi
contre le juge de paix de l’Ouest et son huissier, quelque fabuleux
qu’il soit ; car tout cela est étranger à la question qui doit être
jugée par le tribunal correctionnel; mais je donnerai à l’impression
la version fidèle de ma lettre, du 14 messidor, à M . T eillard ,
puisque M . Desaulnats s’est permis de la dénaturer en la tron-*quant, ainsi que la copie de la transaction surprise par lui à Jean
Julien , par laquelle il a la loyauté de le faire renoncer au bénéfice
du jugement obtenu , au provisoire, contre lu i, pour l’arrosement
des prairies environnantes.
Permettez-moi une dernière observation, monsieur Neiron.
A u lieu de distiller ce fiel surabondant qui vous dom ine, au lieu
de vous répandre en injures qui, fussent-elles fondées, ne changent
rien à la question dont le tribunal est sa isi, cède? p lu tô t, tout
vous y invite, cédez aux scntimens de justice et d?humanité que ré
clam ent, depuis quinze m ois, le malheureux Jean Debas et scs com
pagnons d ’infortune.
Q uoi! cette famille entièroque vous précipitez dans un abîme de
misère , n ’est donc rien à vos yeux ! Calculez les suites de son dé
sespoir ; vous, son plus près vojsin , la verrez-vous, sans remords ,
tendant aux âmes charitables des. mains desséchées par la soif et la
faim , et réduite à implorer un morceau de pain pour conserver
une existence que vous liii aurez rendue.insupportable ?
. , ,
A h ! faites cesser un spectacle aiissi cruel pour votre respectable
et digne épouse; ne la réduisez pas , elle, le modèle de toutes les
vertus, à gémir en silence d ’un maljieuf dont y o u s vous êles rendu
coupable*
�( 9 )
Et vous, jeunes beautés, vous, les dignes filles d'une telle m ere,
qui embellissez nos cercles , qui en faites l’ornem ent, et par votre
modestie , et par vos charm es, implorez la justice de votre pere
envers ces malheureux ; obtenez-leur la restitution de leur patri
m oine; et que les roses de l’innocence et de la pudeur , qui colorent
vos teints de l i s , ne soient plus exposées à la confusion, devant le
spectacle déchirant d’une famille malheureuse par la persécution de
celui qui vous donna le jour.
Pour vous , organes vivans de la l o i , appelés à prononcer sur
les intérêts les plus chers de vos concitoyens ; ah ! ne souffrez pas
que le temple auguste de la justice soit infecté par l’haleine empestée
de l’hydre sans cesse renaissant de la chicane ; fermez pour jamais
à ce monstre l’entrée du palais de T hém is ; et que le timide orphelin,
que la veuve éplorée, fassent entendre à jamais des cris de joie et
de bénédiction sur les oracles que vous aurez prononcés.
C H A B R O L , ancien militaire .
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PIECES J U S T I F I C A T I V E S
A l'appui des observations de M . C h a b r o l au mémoire
de M . J S e i r o n - D e s a u z n a t s .
V
ersion
dénaturée par
M. N
eiiion.
CoriE de ma lettre du 14 m essidor,
1.
■1,.
L e citoyen Jean D ebas, propriétaire du mou
lin , les citoyens Jean
Julien , et autres proprié
taires du pré voisin du
m oulin, consentent à ce
que les pouvoirs donnés
par le compromis soient
transférés à M . Touttée,
et qu’on écrive à M . Re
don d’envoyer l’ordre à
son secrétaire de délivrer
a u x parties respectives
les pièces déposées par
elles à l’appui de leurs
prétentions réciproques.
à M . T e illa r d .
M.
L e citoyen Jean D ebas, propriétaire
du moulin du Breuil ; les citoyens Jean
Julien, M ichel D o m a s, Jean V a le ix ,
Pierre Souslefour, Vincent Longchamb o n , possesseurs de prés environnant
ledit m oulin, consentent au désir que
vous avez manifesté de la part de M .
Desaulnats , vu l’absence indéfinie de
M . Redon , d ’engager ce dernier à se
départir de sa qualité d’a rb itre, qu’il
avoit bien voulu accepter en vertu du
compromis passé le 28 prairial an 12.
Ils consentent aussi à ce que les pou
voirs donnes à M . R ed on , par ce com
promis , soient confiés à M . T o u ttée ,
comme vous avez dit que le désiroit
M . D esaulnats; mais ils demandent
qu’au préalable il soit passé un acte au
thentique , pour transférer les pouvoirs
donnés à M . Redon dans les mains de
M . T o u ttce , dans le cas où le premier,
B
�C Ï3 >
ne devant pas revenir de quelque tem ps
de Paris , consentiroit à se désister de
sa qualité d’arbitre dans cette affaire;,
et qu’on écrive ensuite à M . R edon, encommun , pour lui soumettre ce nouvel
acte conditionnel, et lui demander son
départem ent, dans le cas d’un séjour
encore prolongé ,.et, s’il y consent, d’en
voyer l’ordre de délivrer aux parties res*
pectives les pièces déposées par elles , à
l’appui de leurs prétentions réciproques^
Voilà r m onsieur, ce qu’ils m ’ont
chargé de vous transmettre en réponse
à votre d ém arch e.. . . .
' Q uant à la lettre que vous me faites
l’honneur de m ’écrire, m onsieur, où
vous me dites « que je dois voir M . F a yn d it,p o u r qu’il fasse cbnnoltrede suite
» son agrément à M» le procureur im» périal * de suspendre les mesures ul»> térieures qui concernent son minis» tè re, » vous avez sans doute confon
du les deux affaire» que s’est attirées
M . Desaulnats, e t c r , . . . ,
V o u s voyez, monsieur, que Jean D e Bas, Jean Julien et consorts r n’ont au
cun caractère pour suspendre ou arrêter
le ministère de la justice de police corTectionnelle^ S’il appartient à quelqu’un
d’arrêter le cours de la justice dans cette
seconde a ffa ire , ce ne pourroit être que
M . le préfet : mais il me semble que
c ’est bien plutôt aux magistrats euxmêmes qu’il appartient de combiner
«ntr’eux ce que le devoir leur permet oui
�( *3 )
leur défend dans la distribution de la
justice.
Je su is, etc.
E xtra it de la transaction surprise h Jean Julien par M* Neiron.
Jean Julien, H ypolite Julien, Jean V a le ix , Pierre Souslefour,
Michel D o sm a s, Vincent Longchambon , plus h e u re u x que Jean
D e b a s , furent maintenus dans le droit d ’arroser leurs prairies ,
par un premier jugement du 21 germinal an 12 , et finalement par
un second jugem ent, portant débouté d'opposition, rendu par
<léfaut devant le même juge de paix, le 6 floréal an 12.
Après tous les délais et les chicanes possibles de la part de
M* Neiron , pour éluder et ne point obéir à ce jugement , il
feignit enfin d <3 6e rendre. Pressé par l’huissier C o la s, qui déjà
instrumentoit avec m enace, il fit insérer dans le procès verbal de
l ’huissier,.« que ce jugement ne pouvoit recevoir d ’autre application qu’aux eaux du G uargoulloux, et qu’il consent à ce qu’elles
»> soient dirigées dans les prés de Julien et consorts, et que s’ils
h éprouvant quelques obstacles , ils ne proviennent pas de son f a it ,
mais de celui du citoyen C h abrol, propriétaire du Chancet , et
» autres , ayant avec lu i, par titres com m uns, le droit d ’user de
>> celte eau du Guargoulloux pendant quelques nuits d’é té , parce
» qu’ils avoien t, dans le contour de ladite source, une digue et
» ouvrage de l’art à leur utilité com m une, et à leur charge , la» quelle ils avoient laissé détruire de manière qu e, faute de répa» rations, les mines de cette digue , et ses décombres , avoient
» rendu im praticable, ou réduit à un petit volum e, le cours que
;> le répondant ( le sieur Neiron ) , pour son propre avantage, et
» avant l’instance possessoire inue par les requérans, laissoit
» prendre auxdites eaux dans une direction qui se trouve favorable
» aux prés des requérans, sans que le répondant s’y croie obligé....
» qu’il n’ empôchoit pas les requérans de se pourvoir contre le
» citoyen Chabrol et consorts sus-énoncés, pour les contraindre à
B 2
�(
>4
)
» la réparation <îe la d ig u e , qui forme le seul obstacle à Pexécu» tion des offres du répondant pour le cours des eau x.......... E t
» attendu qu’il y a urgence, et que l’exécution est due à l’autorité
h de la chose ju g é e , avo n s, pour et au nom des requérans, pris
ü la réponse du citoyen Desaulnats pour refus de satisfaire audit
» jugem ent.... E t avant la confection du présent procès verbal, ledit
» citoyen NeironDesaulnats, et les requérans, sont tombés d’accord
» que le citoyen Desaulnats promet et consent q u e , par arran» gem ent, son moulin soit arrêté depuis m id i, au choix des requé» rans> et par eux, à compter de cejourd’hui, jusqu’à Notre-Dame
» de septembre prochain, pour conduire l’eau par voie extraordi» naire au gré des requérans , pendant lequel temps les parties
» feront des diligences pour faire interpréter le jugement dont il
» s’agit, et terminer définitivement toutes leurs contestations mues
» et à m ouvoir, tant sur le possessoire que sur le pétitoire, qui
» seront cumulés de leur présent consentement. E t ont signé
» N e iro n -D e sa u m ïa ts , J u lie n . » L e 24 floréal an 12.,
A in s i, tout, le fruit des jugemens obtenus en dernier ressort,
le 21 germinal et le 6 floréal, leur échappa par le piège dans lequel
M . Neiron entraîna ce cultivateur. C e malheureux ne comprit pas
qu’en consentant à cumuler ainsi le possessoire avec le pétitoire ,
il se mettoit dans la dépendance du sieur Neiron.
On lit dans le mémoire
de M . N eiron, p. 3 , second alinéa.
V oici la vérité dissimulée par M .
N eiron , quoiqu’il sache parfaitement le
contraire de ce qu’il ose avancer ici avec
impudeur, puisqu’il a une copipdu titre
Il n’y a pas encore cin - qu’il a collationnée lui-même sur les ti<7uante ans qu'un meu- très authentiques de Jean D ebas , en
nier, représenté aujourprésence et chez M . Redon.
cVhui par Jean D ebas ,
s'établit dans un pré que
En 176 6 , au i 5 juin , l’emphitéote
le chemin précité sépare du moulin du B reu il, Jean Barge , étant
du parc de S t.-G en est, m o rt, scs enfans mineurs négligèrent
�( i
sous l’étang. Cemeunier,
sans faire aucune convention avec le propriétaire du p arc, fix a ia
téte du béai 'Ou biez de
de son m oulin, an bord
dudit chem in., du Côté
de son p r é , de manière
à prendre les eaux dans
ce chemin , selon leur
cours fo r c é , p a r ie dégorgeoir de l’étang.
5 )
ce moulin au point de le laisser aller en
ruine. Ses héritiers, actionnés par M . de
N ocase, seigneur de Tournoeles , dont
la justice et la censive s’étendoient sur
ce m oulin , préférèrent de le déguerpir,
n’étant en état ni d’en payer les arrérages,
ni d’en rétablir les dégradations. M . de
Nocase leur fit grâce du tout. Cela est
prouvé par le titre de déguerpissement.
L e a 3 juin 17 6 6 , M . de N o ca se, en
conséquence de cet abandon èt déguerpissem ent, concéda à Jean Barge ce
moulin du B reuil, à la charge des rede
vances , etc.
Voilà l'historique tle ce m o u lin , q u eM . Neiron présente au public
et aux tribunaux comme d’une création m oderne, et de 175 6 , tandis
que des actes dont il a les copies lui disent le contraire.M ais, au reste,
c ’est la tactique ordinaire de M . Neiron. Si on lui oppose des titres,
il les dénature ; s’il a besoin de s’appuyer sur des fa its , il sait en
crée r, et de mensongers, et de calom nieux, ainsi qu’on l ’a vu
par ce mémoire.
■
N o t e d e la pqge 3 d u mé*
m o ire d e M . N e ir o n .
Jean Debas , après
s'en être fa it p rier, a
p ro d u it, è s - mains de
M . Redon, un titre q u i ,
m ’étant ci-devant connu,
n ’a pu être caché ; duquel titre il résulte qu*au
mois de juin 176 6 , M ,
R îïon sï.
Jean D ebas ne s’est jamais fait prier
decom m uniquersestitrcsjetM .N eiron,
dans un de ses mémoires en date du 20
août 1804 > communiqué à Jean Debas
par M . Redon , parle des titres de Jean
Debas comme les ayant lus avant l’arbitrage. En effet, dès le commencement
des entreprises de M . N e ir o n , Jean
Debas ayant eu recours i lui-même pour
�✓
( i6 )
Nocase , seigneur de en obtenir justice, et en ayant été acTburnoeles, céd a , etc. cueilli avec des dehors de bonté qui
le séduisirent;lui montra ses titres chez
•
! V
,
•
>
.
•'
un jurisconsulte.
Il est vrai qu’ensuite il n ’en a voulu
donner lecture à M . Neiron qu’en pré•.
-
sence de M . Redon ; il lui en fit faire
des copies, que M . Desaulnats collationna sur les titres eux mêmes, et dont
i;
*¡¡ ' '1
. ’>■ ; ' •>!> .
i' i- •’
■
.
il a des copies.
<.
Cettem esureet ces précautions furent
inspirées à Jean Debas , parce que M .
Neiron s’étoit permis de dire, même en
■
public : « Si Jean Debas s’étaye de titres
,
• •
*
< j .
S u i t e de la note.
» féo d au x, Jean demanderai le brùle« m ent. » On peut croire qix’une per' • 6onne capable d e dénaturer les titres
seroit bien plus satisfaite de les anéanti?.
!
.
: ' R ¿V o
.
C éd a , sans garantie
de sa part, a u x périls,
risques etfortune de B a
g e s , preneur , et auteur
d è Jeun D ebas,' un pré
d a n s lequel étoit un mou*
lin èn ruine, etc,
!
n^s i ,
|
C ’est surtout de ces mots que M .
Neiron veut tirer un grand avantage ,
i pour établir que le bailleur £ nouvel cmphitéose n ’avoit q u ’un usage précaire de
l ’eau, et n’en jouissoit que par tolérance;
e t , pour mieux égaror l’opinion, il ne
rapporte pas la copie de ce titre, qu’il a
cependant entre ses mains , et qu’il a collationnée lui-même devant M . R edon,
chez ce magistrat : mais il prend un dé
tour perfide pour jeter du blâme sur moi.
Nous allons en développer la noirceur.
En attendant, nous répondrons, ainsi
�!
( i7 )
que nous Favons déjà fa it, que les mots;
a u x périls r risques et fortune >s appli*
quent à l a circonstance du déguerpisBernent par les mineurs , et aux actionsen réintégrande auxquelles ne vouloit
. pas rester exposé M . de Nocase. C ’ es
ce que le titre copié tout au long auroit
établi ; mais il a convenu aux intérêts'
de M . Neiron de le tronquer selon sa
tactique ordinaire.
■
>.
!■ •
S ü j t e et fin de la,note
de la page 3.
Ce titre (c est le titre
de Jean D ebas) étant engagé dans le cabinet de
M . Redon, j ’en a i été
demander une nouvelle
expédition chez le successeur du notaire qui
avait reçu la minute ; elle
ne s’y est pas trouvée .* il
. .
-
R
éponse
»
*
Nous voici arrivés à la double perfidie
de M . N eiron contre moi t et contreM . * * * , notaire.
,
»
M . N eiron a été chez îe successeur du
notaire, commissaire à te rrie r, chargé
par M . de N ocase du renouvellement
du terrier de Tournoeles r il lui a d e mandé une expédition de» titres de Jean
D eb as, fondé-sur ce que ce» titres étant
dans le cabinet de M . Redon , absent,
y a seulement sur son r<$- il ne pouvoit s’en a id e r, et que cepen*pertoire une note (fui dant le succès de son affaire de police
prouve qne cette minute correctionnelle en dépendoit.
est entre les main» d e
IVf. Chabrol. S 'il en est
besoin -, je nommerai le
notaire ►
*
Cesuccesseur du notaire, commissaire
à te rrie r, que M . Neiron dit qu’il nom mera s’il £n est »besoin , avec une rctl—
cence bien- inutile, lui a répondu i
a Cette minute a été apnexée aux
autres minutes du terrier de T o u r » noeles par mon prédécesseur, lequel.
» terrier avoit été fini postérieurement &
�(1 8 )
« cette réin féodation. Quant à moi , je l'ai portée à la municipalité
» de Riom en 179 3 , ainsi que toutes les minutes des actes féodaux
» qui se trouvoient chez m oi, conformément à l’ordre qui en avoit
été donné lors du brûlement des titres. »
C e notaire chercha ensuite le répertoire de son prédécésseur; il
y a trouvé ces mots à l’an 17 56 , à la marge de la mention de cette
m in ute: « à la minute du terrier de Tournoeles. »
M . Neiron n’a donc pas vu , sur ce répertoire, que cette minute
est entre mes mains. C ’est donc une imposture dont la preuve sera
facile à démontrer; mais c ’étoit une jouissance pour M . Neiron de
m ’inculper, ainsi que le successeur du commissaire à terrier. Ce
notaire ne m ’a pas donné ce titre ; il auroit en cela manqué aux
devoirs de son ministère, et je n’aurois pas eu l ’indiscrétion de lui
faire une pareille dem ande, quand même j’y aurois eu l e plus
grand intérêt. Si ce notaire avoit conservé par hasard des minutes
d ’actes fé o d a u x , comme il n’est plus défendu d ’en délivrer des
expéditions depuis la loi du 8 pluviôse an 2 , et celle du 11 mes
sidor même année, Jean Debas et ses conseils auroient été fort
aise d ’en faire donner une expédition à M . N eiron, puisqu’il croit
que cet acte doit lui donner gain de cause devant le tribunal de
police correctionnelle.
Mais le sieur Neiron s’abuse étrangement : qu’il lise la copie
de cet acte qu’il a entre ses m ains, et il y lira sa condamnation; car
il établit le cours habituel de l’eau dans la direction des rouages du
moulin , et par conséquent par le pont com m unal, et prouve vic
torieusement qu’il n’a pu changer cette direction, et qu’il doit être
condamné à rétablir lé cours de l’eau dans son ancienne situation;
ce qu’il peut faire facilem ent, et sans rétablir son étang, quoiqu’il
ait avançé le contraire,
S i& x p .
F I N.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chabrol. An 7?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Chabrol
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
aqueducs
destruction de canalisations souterraines
diffusion du factum
moulins
police
moulins
terriers
Description
An account of the resource
Observation de M. Chabrol, ancien militaire, sur le mémoire signé Neiron-Desaulnats, intitulé : Mémoire justificatif, pour Joseph Neiron-Desaulnats, habitant de la ville de Riom, accusé à la police correctionnelle ; contre M. le Procureur impérial.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 7
Circa 1756-Circa An 7
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0713
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0525
BCU_Factums_M0529
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0540
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53908/BCU_Factums_M0713.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Malauzat (63203)
Rights
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aqueducs
destruction de canalisations souterraines
diffusion du factum
Jouissance des eaux
moulins
Police
terriers
-
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57159f1936cda46ba5b951e8b8b10a76
PDF Text
Text
D
É
F
E
N
S
E
SECT IO N
C
S
O
M
M
A
I
R
E
M
FOUR
Jo seph
DOUVRELEUR DE
P roprietaire, demeurant à
GARDELLE,
A r l a n c , près A m b e r t ,
Département du P u y de Dôme ;
>
CO N TRE
a ssa tio n
A n t o i n e et M a d e l e i n e
demandeurs en Cassation d ’un Jugement de la
Cour d ’Appel de R iom 3 du 29 Thermidor an 11,
I L s’agit d’un arrêt qui a décidé :
1°. Que l ’héritier d’un défunt qui, de son vivant, avait fait appel
d'un jugement de première instance , est admissible à reprendre cet
appel ;
20. Q u ’ un jugement rendu avec de simples légitimaires , n ’ oblige
p o in t l ’héritier u n ive rse l, non partie en ce jugement, et a ya n t des in
térêts totalement distincts des légitim aires ;
3 ° Q ue ce jugement ne peut avoir force de chose jugée , qu’à l’éA
.
S c i l W
E N
D
T ,
R a p p o r te u r '
M.
T iiu r io t ,
j v o c a t général.
�(2 )
gnrd de ceux avec lesquels il a été rendu , et flans la proportion do
leur part héréditaire.
A
N
J7 septembre 1 7 1 4 . —
A
L
Y
S
E
.
Arrentement, par les auteurs de l ’E x p o -
sant, aux auteurs des adversaires, d ’un moulin et dépendances.
«
Clause résolutoire : « F aute, par les preneurs, de payer ladite rente
» et de rapporter quittance des cens qui se trouveront à servir année
')) par année , demeure perm is a u x vendeurs de rentrer dans lesdits
)) f o n d s , sans aucune fo rm a lité de ju stic e . » (A c te p ro d u it, 11°. 1 .)
6 octobre 1 7 5 o , 11 octobre 1 7 5 7 , g octobre 1 7 6 6 , 20 décembre
1 7 7 2 , — Sentences du bailliage d’Ariane , q u i , faute de service de la
rente , prononcent la résiliation, et autorisent la rentrée des bailleurs.
32 juin 1785. — Sentence de la sénéchaussée d’Auvergne , confir
mative de celles précédentes. ( Pièces produites, nos. 2 et 5 .)
19 août 1785. — Procès-verbal de rentrée en possession.
C epen d an t, le propriétaire consent qu’ un des fils des'arrentataires expulsés , Antoine V e la y , continue d’exploiter le moulin, en
qualité de fermier , et sous la condition d’ un fermage annuel.
On voit, par une sommation produite sous la date du 3 i aoûti7Q2,
que le propriétaire eut encore à se plaindre de sa négligence.
1 " . septembre 1792. — Acte par lequel les V e l a y , père et fils, se
supposant toujours arrentataires du moulin, en vertu du bail à rente
résilié par cinq jugemens successifs, font à M ichel D ouvrele.ur,
offres de rachat (en assignats ) , selon le mode introduit par le décret
du 18 décembre 1790.
/
�(3 )
Refus. —- Consignation. — Contrederaande en désistement.
26 juin 1795. — Jugement du tribunal du district d’A m bert, qui
declare valables les offres et la consignation, et en conséquence main
tient les Velay dans leur prétendue propriété du moulin.
6 ju illet.— Appel par M ic h e l D o u v r e le u r , et citation en conci
liation sur cet appel.
11 juillet 1795. — Procès-verbal de non-conciliation.
22 idem. — Levée et signification de ce procès-verbal par les V e lay , qui requièrent en même tems D o u v r e le u r , de proposer sans
délai les exclusions à lui attribuées par la loi d’août 1790.
a 4 idem . — Exclusion de trois tribunaux par D o u v r e le u r , et si
gnification aux V ela y ,
r
1 " . août 1793. — Signification par ce u x -c i à Douvreleur, de leurs
propres exclusions.
y
17 janvier 1794. — Décès de M ic h e l D ou vreleu r.
Quatre enfans , savoir :
. Josep h D ouvreleur ( l’Exposant ) , fils aîné et héritier institué par
son contrat de mariage.
Jea n -Josep h y
\
Jea nne -M a rie ,
légitimaires.
J u lie , femme M a y e t, )
Assignation donnée p a r le s V e la y , en reprise d’instanco et anti
cipation sur l’appel , à qui ?
A u x trois légitimaires seulement , et point à l’héritier,
4 vendémiaire an 5 . — Jugement du tribunal de lsrioudc , rendu
entre les V e l a y , père et fils, Jea n-Joseph et J e a n n e -M a rie seu
lement, —<
■
11 confirme celui de première instance.
A a
l
�( o
Quatre années se passent. Joseph D ou vreleur , fils aîné el héri
tier universel de M i c h e l , s’occupe à rassembler les biens et droits
réfullans de son institution. Il reconnaît qu’au nombre des actions
qui lui appartiennent, est celle résultante de l’appel interjeté par son
p è r e , de la sentence d'A m b e r t, appel non jugé avec lui, et par co n
séquent encore süsbsistant pour lui.
11 en reprend la poursuite en son n o m , comme seul héritier legi
time de feu M ic h e l son père , et encore comme héritier en partie de
J u lie , sa soeur , lion plus comprise au jugement de Iiriouclc.
Il
intime les Velay devant la Cour d’appel de Riom. Il y conclut à
l ’annullation ou infirmation de la sentence du tribunal d’A m b ert, du
26 juin 17'jO.
2g thermidor an r 1. — Arrêt de la Cour d’appel de Riom , qui, vu la
sentence de 1785, et celles antérieures, portant résolution du con
trat d ’arrenteinent, l’acte de rentrée en possession , et les autres cir
constances de la cause y dit qu’il a été mal jugé par le jugement de
première instance ; le réform ant, sans s’arrêter aux offres et consi
gnations faites par les Y e la y , lesquelles sont déclarées nulles , con
damne les V e la y à délaisser à l’appelant les dix douzièmes des im
meubles en question , comme formant sa portion héréditaire ,
maintient au surplus les dispositions du jugement de ürioude vis-àvis les deux légitimaires contre
lesquels il était rendu et pas.sé en
force de chose jugée.
)
T e l e s t , en substance, l ’arrêt attaqué et contre lequel on a pro
posé quatre prétendus moyens de cassation, qu’on va biièvement
discuter.
�( 5 )
D I S C U S S I O N .
P r e m i e r
R
éponse.
Prétendue contravention à la loi d août
1790 t titre 5 , articles io ei 11.
moyen.
—
—
Ces articles portent que
l ’a p p e l a n t
proposera ses
exclusions par l’acte même de sa déclaration d’appel j qu’il n’y sera
plus recevable ensuite.
N ul doute que M ic h e l D ou vreleu r n’ayant point consigné ses e x
clusions dans son acte d’a pp el, il eût pu être empêché de les p r o
poser ensuite.
Mais ce sont les Velay eux-mêmes qui l ’ont requis et sommé d’en
proposer après son acte d’appel pur et simple ; qui l’ont ensuite an
ticipé \ qui ont ensuite actionné deux de ses enfans en reprise du
même appel devant le tribunal de Brioude ; qui enfin, intimés à leur
tour par l’ Exposant devant la Cour de Riom , sur le même a p p e l ,
n’ont jamais songé à proposer contre cet appel aucune nullité ni fin
de non-recevoir résultante du défaut d’exclusions dans l’acte originel.
De quoi viennent-ils donc se plaindre aujourd’ hui devant la Cour ?
Deuxièm e moyen. —
P réten d u e contravention à la loi de la
chose ju g ée. P réten d u e violation de l ’ article 6 du litre 27 de
Vordonnance de 1667.
R éponse.
D appel interjeté par 3H ch el Douvreleur. père*
était un droit ucqnis ñ son héritier. Cet appel ne pouvait être légale
ment vide qu avec cet héritier. Quel était-il ? Joseph Jiou vrcln ir.
Kst-ce avec lui que le jugement de Brioude fut rendu ? Non. 11 ne ld
fut qu’avec son fiè re e t sa soeur, simples légitimaires, simples créan
ciers d’une légère part dans la succession.
j
Ilien n’élait donc jugé avec J o s e p h , l’héritier universel.
D ir a -t- o n qu ’ à l ’époque du jugem ent de lîrio u d e , en vendém iaire
an
5 , il n ' y avait point d’héritier u n ive rse l; que l ’institution avait
�( fi )
été abolie par la loi du 17 nivase an 3 ; que la succession était dévolue
par égales portions aux quatre enfans ?
L ’objection n’est pas exacte. L ’ institution n’était pas abolie ; lé
galement elle subsistait. Elle 11’était que suspendue dans son exécu
tio n , par l'cflet rétroactif induement donné aux dispositions de la
loi du 17 nivose ; mais, dès le 5 floréal an 5 , la convention nationale
a prohibé cet effet rétroactif. Le g fructidor suivant, elle a p r o
clamé que les dispositions de la loi du 17 nivose ne pouvaient s’a p
pliquer qu’aux successions ouvertes depuis sa publication ; et le 5
vendémiaire an 4 , elle a déclaré nuls et comme non-avenus, tous
ju gem ens, partages et autres actes qui avaient, leur principe dans les
dispositions rétroactives de la loi du 17 nivose.
A u surplus , en supposant qu’à l’époque du jugement de Brioude ,
en vendémiaire an 5 , l’institution universelle dût être regardée
comme abolie, et la succession de M ic h e l D o u v releu r père dé
volue à ses quatre enfans par portions égales , toujours serait-il vrai
de dire que, p arce jugement,le mérite de la sentence dont était appel,
n’aurait été jugé que vis-à-vis de deux des héritiers seulement ; que
par conséquent l’appel et le droit en résultant étaient restés intacts
pour les deux autres héritiers non parties en ce jugement ; que par
conséquent ceux-ci étaient toujours recevables à reprendre cet appel
et à en poursuivre reflet ; que par suite , la sentence dont était
çtppel , a pu être réformée en ce qui concerne l’intérêt de ces deux
Jiéritiers, non parties au jugement de Brioude.
E n e ffe t, une succession, ç ’e st-à -d ir e , la masse des biens, droits ,
dettes et actions que laisse un défunt, se divise de plein d r o it , aussi
tôt son décès, en autant de parts et portions qu’il y a de têtes d ’hé
ritiers du défunt. Un droit litigieux, poursuivi par le défunt, n ’est
valablement jugé avec toute la succession, qu’autant que tous ses lié—
titiers ont été appelés , et que le jugement a été rendu avec eux
tous, Si le procès n ’est suivi et jugé qu’avec une partie des héri
tiers, rien n’est jugé pour les a u t r e s ,e t quant à leur part dans le
�(7 )
droit ou le bien qui est l’ objet du procès; rien n’ empeclie ceux ci
de faire juger de nouveau le procès pour ce qui les concerne. E t de
même que le jugement qui interviendra avec eux ne peut porter at
teinte à celui qui a été rendu avec leurs co-héritiers, de meme aussi
le jugement rendu avec ces derniers ne peut avoir l’effet d enchaîner
la conscien ce des juges et de fixer le sort des parties dans le nouveau
jugement à rendre. L e s héritiers, parties dans le p r e m i e r jugement,
peuvent avoir mal défendu leur cause , négligé des moyens décisifs ;
les héritiers non parties dans ce jugement ne doivent pas souffrir
de leur négligence ou de leur impéritie. Rien n’empêche donc que la
question jugée de telle manière avec les un s, ne soit jugée tout diffé
remment avec les autres. Ce sont deux causes différentes , dès-là que
ce ne sont point les mêmes parties.
!
C ’est le 'ca s de la maxime : res in le r alios ju d ic a ta , aliis nec
prodesC nec nocet. ( L. (i3 , D. de re judiccitâ. )
« Cùm quéeritur an exceplio rei ju d ic a lœ noceat nec ne , inspi» ciendum est an idem corpus s i t , qu a ntilas eadem , idem ju s j
» an eadem causa p eten d i, et eadem conditio perxonarum ; qitoz
» iiisi omnia concurrunl , a li a res est. » ( L . 12 , D. de excep,
rei ju d .
Ces principes sur la distinction des droits
des h éritie rs,
Fur
l ’effet d’ un jugement rendu avec les uns, non rendu avec les autres ,
ces principes qui dérivent des premiers élémens du droit , ont été
consacrés pur plusieurs arrêts de la Cour de cassation , notamment
par un arrêt du 21 vendémiaire an 11 , dans la cause de C a m u s et
consorts , contre la veuve de B r y c , sur les conclusions de M. le
procureur - général IMerlin , leijuel {lisait entre autres <linges •
« Nest-ce pas fouler aux pieds les premiers principes , n’esl-re pus
» surtout mépriser la loi dont nous venons de rappeler les ternies
» que de vouloir f a i r e opérer p o u r ou contre un héritier qui n'était
» pas en c a u se , un ju gem ent rendu /Jour ou contre son héritier '{ »
( Y o y . les œ uvres de ce magistrat. V°. Chose j u g é e , tom . a }
p.
�C 8 ).. .
T u o is it ïiE
M O Y r.N ,
— P rétendue contravention a u x articles i > 9
et 5 du titre 55 de Vordonnance de
J 667.
R k p o a ’iSE. — Que portent donc res articles ? L e premier, « qua
)> les jugemens rendus eu dernier ressort ne pouriont être rétractés
j) que par la voie de la requête civile, à l'égard de veux qu i auront
v été parties ou duement a p p e lé s , et de leurs h é r itie r s, succès•>
y seurs ou ayant-causes. »
Nulle application à l ’espèce. La sentence du tribunal d’ Ambert ,
la seule contre laquelle l’ Exposant s’est pourvu , n’était point en
dernier ressort ; elle était susceptible d’appel ; elle a été attaquée
par
voie
d’appel. C'était la seule praticable, et non celle dp la re
quête civile.
L ’article 2 , porte « que l’on pourra se pourvoir p a r sim ple re-r
» quête d ’ opposition, contre les arrêts et jugem ens en dernier r e s)> sort auxquels le dem andeur en requête n aura été partie oif
i) duem ent appelé, v
Pas plus applicable.
On n ’ a besoin de se rendre tiers-opposant à un ju g em e n t, qu'au t
tant q u ’il peut nous être lui-même opposé , c’est-à-dire , lorsqu’il
contient des dispositions contre nous , qu’il juge quelque chose avec
nous j sans cependant que nous y ayons été partie,
Mais , toutes les fois qu’ un jugement m ’est étranger et ne peut
ro’ètre o p p o sé , je n’ ai nul besoin de m ’y rendre opposant pour lo
f a i r e rétracter. I l me suffit de dire pour l’écarter,
res iriter alios
ficta.
E t , encore une fois, l’Exposant n'ayant pas été compris au juge
aient de B rio u d e , ce jugement n'ayant rien jugé avec l u i , ce juge
ment
P
�ment ne pouvant faire autorité contre l u i , il n ’ était pas nécessaire
qu'il l'attaquât par opposition.
Un autre jugement pouvait lui être opposé; c ’était celui d’A mbcrt t
rendu avec son père. Il n’avait intérêt de faire tomber que celui-là ;
or, pour faire révoquer ce jugem ent, à son égard, une seule voie lui
était ouverte ; c’était de reprendre et faire ju g e r , respectivement à
lu i, l’appel interjeté de ce jugement par son père même, C ’est cé
qu’ il a fait.
On peut voir encore dans les oeuvres du magistrat ci-dessus cité ,
au même mot, {¡. 1 1 , pag. 278, un plaidoyer dans lequel il établit que
pour écarter l’exception de la chose jugée , tirée mal-à-propos d’un
jugement dans lequel on n’a pas été partie , il n’est nullement néces»
saire de former une tierce-opposition à ce jugement.
Au.surplus, il est d’observation que l’ex p o sa n t, qui n’a connu la
jugement de Brioude que lors de la plaidoirie des adversaires devant
la Cour de Riom , a judiciairement conclu à ce que , en tant que de
beso in , il fût reçu tiers-opposant à ce jugement. Mais la Cour de
Riom n’a pas cru devoir statuer sur cette tierce - opposition , parce
qu’il l’a jugée surabondante et inutile. Elle a jugé qu'à l’ égard de
l’Exposant, ce jugement n’avait pas besoin d’être rétracté, parce qu’il
n’avait rien jugé avec lui ni contre l u i ; tandis qu’au contraire, il
devait continuer à subsister vis-à-vis de son frère et de sa s œ u r, seule»
parties en ce jugement.
C ’est ce que la Cour de R iom a très-judicieusement observé dans
ses motifs, en ces termes :
« Attendu que ce jugement ( celui de Brionde ) doit avoir tout son
» effet vis-à-vis lesdits J e a n -J o se p h et Jea n n e-M a rie Douvreleur ,
» et ne p eu t en avoir d'autre que relativem ent aux portions lè g i» timaires q u ’ ils amendaient dans la succession de leu r pore , et
» qui sont d ’ un douzièm e p o u r chacun.
» Attendu que, vis-à-vis l’h éritier, l’appel doit être jugé selon l ’in'î
B
�( 1° )
» tégralilé flu droit qno lui assurait l'institution universelle portée en
»
s o n
contrat de mariage, etc.
Q uatrièm e
moyen.
—
P réten d u e violation de Vart. i er.
de la loi du 3 vendémiaire an 4 ■
, et a lte n lâ là l ’ a utorité de la
chose ju g é e , sous un autre rapport.
Analyse des raisonnemens des adversaires sur ce dernier moyen.
L a Cour d’appel de Riom reconnaît elle-mêine qu’à l’égard du
frère et de la sœ tir , parties au jugement de llr io u d e , ce jugement
doit recevoir tout son effet, qu’il a force de chose jugée. O r , à l’épo
que de ce jugem ent, ce frère et cette soeur étaient héritiers , chacun
p o u r un quart , du père commun : car l’institution universelle de
l ’aîné n’existait point j elle était déclarée nulle par la loi du 17 nivose,
subsistante alors dans toute sa force , quant à l'effet rétroactif. Etant
d o n c irrévocablement j u g é , avec Jean - Joseph
et Jaanne - M a rie
D o u v r e le u r , que les biens en question devaient nous rester , nous
avons eu dès ce moment un droit acquis à toute la part prétendue
sur ces biens par ces deux héritiers. Donc la Cour d'appel de Riom
aurait dû nous maintenir dans la moitié du total des biens , et non
pas dans deux douzièm es s e u l e m e n t , comme formant la part légitimaire de ces deux héritiers. Donc la Cour d’appel de Riom a violé
Fart. i er. de la loi du 5 vendémiaire an 4 , qui maintient les droits
acquis à des tiers.
R éponse . — T o u t ce raisonnement porte sur une fausse entente do
la loi citée , et sur une pure supposition défait.
Voyons d’abord la loi : que porte-t-cilu ?
a L e s droits acquis d e donnu fo i , soit d des Tiiins-rossEssF.unsj
�( ** )
»
soit
ci
des
cr é an c ier s h y p o t h é c a ir e s
ou autres
;
ayant une date
» certaine postérieure à la promulgation des lois des 5 brumaire et
» 17 ni\ose an 2 , mais antérieure à la promulgation de la loi du 5
» floréal dernier , sur les biens compris dans les dispositions rap)) portées par la loi du 9 fructidor dernier , leur sont conserves ,
» S\UF
L E RECOURS DES H É R I T I E R S R É T A B L I S V E R S LES PERSONNES
J) DÉCHUES, ))
Pour la saine intelligence de cet article , il faut se ra p p e le r, 1°. que
les dispositions rétroactives contenues aux lois des 5 brumaire et 17
nivôse an 2 , ne passèient que par une sorte de violence faite par
quelques factieux à la Convention Nationale ; 20. qu’aussitôt que cette
assemblée fut affranchie du joug qui avait pesé sur elle-même pen
dant près de deux am , elle se hâta de désavouer cet effet rétroactif;
et par une première loi du
5 flo r é a l an 3 , elle commença par en
arrêter le cours ; 5“. qu’ensuite > et par une autre lo i du 9 fr u c tid o r
s u iv a n t, elle décréta formellement que toutes les dispositions con
tenues dans les lois de brumaire e tjiiv o s e , n’avaient pu avoir d’effet
quVt partir de leur prom ulgation ce qui était dire que légalement
ces dispositions n’avaient jamais pu être appliquées aux faits et actes
antérieurs ; 5 °. aussi, par une troisième lo i, celle du 3 vendém iaire
an 4 , la Convention autorisa - 1 - elle toutes les personnes q u i ,
avant les lois de brumaire et nivose an 2 f se trouvaient légalement
saisies de certaines successions, institutions ou donations, et qui en
avaient été injustement dépouillées par une application rétroactive
de ces lois, à se remettre en possession des biens et droits en dépendans , et ce nonobstant tous jugemens , transactions, consenteuiens et partages,
Cependant on fit réflexion qu’un grand nombre de citoyens, tota
lement étrangers aux iniquités commises en vertu de l’effet rétroactif
pouvaient avoir traité de bonne f o i avec les personnes gratifiées do
cet effet rétroactif j qu’ils pouvaient avoir acquis de bonne foi le»
B 3
�( 12 )
parts de biens à elles échues ensuite d’un partage fait en confor
mité , ou acquis de bonne foi des hypothèques sur ces biens. On
pensa qu’ il serait trop dur de tromper la foi de ces tiers, de les évin
cer des biens qu’ils avaient acquis à titre onéreux , ou de les frustrer
de leurs hypothèques ; en considérant surtout que la plupart des
personnes avec lesquelles ils avaient tra ité , pourraient se trouver
hors d'état de rendre les deniers qu’elles auraient reçus.
Par cette unique considération , on se détermina à maintenir les
droits acquis à ces tiers, mais uniquement ceux acquis en vertu de
contrats et à tiire onéreux , ensuite de partages effectués en exécu
tion de l’effet rétroactif.
• D e là , l’article i*r. de la loi du 3 vendémiaire an 4 , ci - dessus
transcrit :
1.
« L e s droits acquis de bonne f o i , soit à des tiers-possesseurs ;
C ’e st-à -d ire , des tiers-acquéreurs, ainsi qu’il a été expliqué par
deux décrets d’ordre du jour , des 10 vendémiaire , et 18 pluviôse
an
5.
2. « Soit à des créanciers hypothécaires.
On sait que, même sous l’ancien régime h yp othécaire, les créan
ciers d'un co-liéritier d'une succession indivise, ne pouvaient avoir
d'hypothèque acquise d’une manière certaine, qu’ après le partage ,
et sur la seule portion d'immeubles échue à leur débiteur. La loi ne
peut donc avoir entendu ici que les créanciers ayant acquis une Hy
pothèque spéciale sur les biens échus au co-hèritier , leur débiteur ,
ensuite d’un partage fait en conformité de l’effet rétroactif.
3.
a S u r les biens compris dans les dispositions rapportées p a r
» la loi du 9 fru ctid or. . . . .
Ainsi les droits conservés aux tiers, sont uniquement ceux qui ont
été acquis sur les biens p articulièrem ent échus ou adjugés en yerhi «
de l ’ effet rétroactif.
�( 15 )
« Sau f lb
ïie c o u r s d e s h é r i t i e r s
r é t a b l i s vers les p er-
» sonnes déchues.
P ar cette linale , il se voit clairement qu’aux yeux du législateur,
les héritiers avantagés par les dispositions rétroactives de la loi du
17 nivose , n’ont jamais été de. vra is, de légitimes propriétaires des
biens qui peuvent leur être échus par cet effet rétroactif; q u ’au con
traire ils n'ont été que des usurpateurs ; que les ventes , cessions ou
impignorations qu’ils ont pu faire , n’ ont pas été licites de leur part,
bien que maintenues à .l’égard des tiers , puisque la loi les soumet,
dans ce cas, à l’obligation de rapporter à l’héritier légitime, la va
leur des portions par eux aliénées ou hypothéquées.
O r cette remarque est décisive dans l’espèce.
Si les héritiers favorisés par l ’effet rétroactif n^ont jamais été
propriétaires légitimes ; s’ils n’ont jamais été légalement saisis de la
part d’hérédité qui pouvait leur revenir par cet effet rétroactif, il
s’ensuit nécessairement qu’ils n’ ont pu transmettre , tacitement et de
J)lein droit, cette même part d’hérédité à personne.
Bien certainement, on n’oserait pas dire qu’ un de ces hériliers , qui
serait décédé pendant la durée de l’effet rétroactif et avant son abro
gation , a transmis, soit à ses héritiers par voie de succession , soit à
ses créanciers par voie d’iiypotlicque tacite ou lé g a le , un droit irré
vocable à la part qui pouvait lui revenir en vertu de cet effet.
Dans l ’espèce ,o n n e peut pas plus raisonnablement prétendre que
les V a la y ont acquis un droit irrévocable à toute la part d’hérédité
qui aurait pu com péter, en conséquence de l’effet rétroactif, à JennJoseph et Jea n n e-M a rie D o u v releu r ; car, jamais l’effet rétroactif
n’a eu son exécution dans cette famille : il n’y a point eu de partage
en conformité de cet effet, entre les enfans D ouvreleur. Nul con
tra t, nul jugem ent, ni tout autre a cte, n’a assigné les parts qui au
raient pu revenir à chacun d ’eux , en vertu de l’effet rétroactif. L a
succession du père commua n’a jamais été atteinte de cet effet. L ’ins
�( »4 )
titution du fils aîné est resiée intacte. Les lcgitimairos n'ont jamais
été saisis que de leurs légitimes. Us n’ont donc pu transmettre, même
pendant la durée de l’eflet rétroactif, que jusqu’à concurrence de
leurs parts légitimaires, S ’ils étaient morts pendant celte période ,
ils n ’auraient transmis que cela à leurs héritiers. Us n ’ont pas trans-r
mis davantage à ceux qui sont devenus leurs créanciers , leurs ay a utdroits pendant la même époque.
Les
V e la y
ont fait juger
avec Jean -
Joseph
et
Jeanne~
M aria J)on vn deur , que moyennant les offres et consignations
qu’ils avaient laites en assignats , ils avaient droit de jouir en pro
priété
du moulin erf question et dépendances ; et ils l’ont l'ait ainsi
juger par une décision qui n’est plus susceptible d'être attaquée :
cela est vrai ; mais pour quelle part , dans quelle proportion
J e a n -J o s e p h et Je m ine-M arie avaient-ils droit de discuter cette
question de propriété ? Pour quelle p a r t , dans quelle proportion
cela a-t-il pu être ainsi jugé avec eux? — Pour la p a r t , dans la pro
portion seulement de leuis dioits légitimes en la succession de leur
père.
O r , leur part légitim e, leurs droits véritables en la succession de
leur p ère, n’était que d’un douzième pour chacun.
D o n c , en vertu du jugement qu’ils ont fait rendre avec ces deux
légitimaires , les V e la y n’ont du être maintenus que dans deux
douzièmes
des biens sur lesquels il a été statué par ce juge
ment.
A u surplus, et ceci est bien important à remarquer, le jugement
rendu par le tribunal de Hrioude en faveur de V ela y contre ie a n J useph et le a m ie-M a rie D o u v r e le u r seulem ent, n’a rien prononce
6ur les parts et portion* que ces deux individus devaient prendre
dans la succession de M ic h e l Douvreleur père; il ne décide rien reJativenienL à la proportion selon laquelle ils devaient y participer. L a
�( 1 5)
question à cet égard est restée entière. E n e ffe t , le jugement de
Brioude ne fait autre chose que de confirmer celui d’A m b e rt, lequel
avait statué vis-à-vis de M ic h e l D o u v re leur père , que le moulin
en question devait rester aux V e l a y au moyen de leurs offres de
remboursement.
Dès-lors , on ne peut pas dire que, par le jugement de Brioude , il
avait été souverainement jugé que , du ch e f de Jean- Joseph et de
J e a n n e -M a rie , le moulin devait rester aux V e la y pour deux quarts,
ou pour la moitié.
Dès-lors , les V e la y ne peuvent pas dire avoir été saisis, investis
par ce jugem ent, d’ une quote déterminée dans les biens de l’héré
dité ; ils ne peuvent pas dire qu’en vertu de ce jugement, ils ont
compté et dû compter sur la moitié du moulin; qu’ils avaient acquis
un droit certain à la retenue de cette moitié.
L a Cour d’appel de R iom a prononcé conformément au véritable
esprit de la loi du 3 vendémiaire an 4 , en décidant que l’institution
du fils aîné devait avoir tout son e ffe t, dès lors qu’elle était anté
rieure à la loi du 17 nivose an 2 ; en décidant par suite, que les V e
lay devaient relâcher à cet héritier les biens du moulin, dans la pro
portion qui lui compétait en vertu de son institution. Elle n'a pas
d ailleurs contrevenu à l’autorité de la chose jugée par le trib unal de
B rioude, puisque ce tribunal n’avait rien p rononcé sur les parts af
férentes aux parties, dans les biens de la succession, ni dans les dépen
dances du moulin.
Ainsi , le quatrième et dernier moyen des demandeurs n’est pas
plus admissible que les autres.
Partant leur demande sera rejetée.
M*. G U I C H A R D , A vocat.
P a r i s , ce 25 germ inal an 1 3 .
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Douvreleur de Gardelle, Joseph. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Guichard
Subject
The topic of the resource
successions
héritier universel
conflit de lois
moulins
rétroactivité de la loi
exception de la chose jugée
Description
An account of the resource
Défense sommaire pour Joseph Douvreleur de Gardelle, propriétaire, demeurant à Arlanc, près d'Ambert, département du Puy-de-Dôme ; contre Antoine et Madeleine Velay, demandeurs en cassation d'un jugement de la Cour d'Appel de Riom, du 29 Thermidor an 11.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1714-Circa An 13
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
15 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0712
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0232
BCU_Factums_G1221
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conflit de lois
exception de la chose jugée
héritier universel
moulins
rétroactivité de la loi
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PDF Text
Text
O U V E R T U R E S
DE
CASSATION,
1*
POUR
F rançois
C H A LU S
et
. C l a u d in e
M A ZU EL
Prétendu homicide par fam ine.
A p r è s avoir langui long-tem s, la femme de Chalus
à perdu la vie : il fallait accuser la maladie et la n a
ture, et l’on a accusé le mari et la personne à qui il
avait confié le gouvernement de sa maison.
O n a inventé que des alimens avaient été refusés à
a malheureuse dont l’heure fatale venait de sonner
et la faim a été le couteau dont on a armé ses assassins.
Quelle a été la source de ces reproches si graves en
eux-mêmes , et si légèrement faits?
U n avide héritier n’avait pas ratifié la donation d'usu
fruit qui avait été faite à Chalus par s a f e m m e il a
voulu l’annuller.
-
Q uelques domestiques n 'av aien t pas pardonné à ClauA ,
�< o
dine M a z u e l, regardée par eux comme leur égale , l’au- torité qu’elle avait exercée sur eux; la jalousie a tenu
des propos, et les propos ont enfanté une accusation.
Des passions étaient en m ouvem ent; un texte avait
été fourni à leurs commentaires, lorsque , Clialus vou
lant assurer une récompense à Claudine M a z u e l, l ’inep
tie d’un notaire avait laissé ridiculement prendre à
l ’acte rénumératoire ,
mariage.
la
forme
d’un
contrat
de
On a expliqué la mort d’ une femme débile , à la
quelle on devait s’attendre , par un crime tellement
nouveau dans son atrocité , qu’ il avait échappé à la
prévoyance de la lo ij par un forfait répandu,pour ainsi
dire, sur on ne sait quel nombre ou de mois ou de jours ,
commis et renouvelle à tous les instans et se multipliant
parles heures et par les minutes.
Ce qu’avaient controuvé de petites passions, on a fini
par le répéter et par le croire : une prévention s’est
établie , qui a tenu lieu de conviction , qui a résisté à
toutes les preuves, d’autant plus inflexible qu’elle était
plus extraordinaire et plus contraire à toute vraisem
blance.
Enfin Chalus a été condamné à vingt ans de fers
et Claudine Mazuel â la m ort, résultat é t r a n g e d'une
accusation fantastique o ù , en supposant le crim e, ce
�(3 )
que la qualité d’époux y a jo u ta it, est oublié et la peine
est attenuée sur la tete la plus coupable.
Il faudra dérouler les feuilles de la procédure, pour
en manifester les vices j éplucher la déclaration des
jurés, pour en décéler l ’incertitude et l ’insuffisance}
•cçinparer le jugement à la lo i, pour en reconnaître
la déplorable inconsistance ; mais il importe de etter
d’abord sur l’accusation mêmejun’eoup-d’œil explorateur.
Telle est la nature de l ’aftaire, que la demande en
cassation ne peut être séparée des élémens qui en com
posent le fond , sans perdre beaucoup de son évidence
et de son energie.
Jeanne-Marie Authier femme Chai us , avait abusé
de la v i e , commis des excès et altéré son tempérainment.
Quand elle fit, le 3 ventôse an 6 , en faveur de son
m a r i, la disposition qui assurait à. ce dernier la jouis
sance de tous ses biens , déjà elle voyait le terme fatal
s’approcher pour elle.
Dès-lors elle sentait les atteintes de la maladie qui
devait la conduire au tombeau : bientôt à la perte des
forces du corps,s’ajouta celle des facultés intellectuelles,
et on la vit décheoir dans une effrayante progression.
On tint ce discours d’elle , à Martin-Gilbert Gomot
A 2
L e fo n d de
l'a ffa ir e .
�(4 )
l ’un des témoins dont les déclarations ont été écrites ,
que « c ’était une femme perdue, au physique comme
»-au m oral, et au moral comme au physique ».
Chalus appeîla en l ’an 8 , auprès de lu i, Claudine
Mazuel dont la famille n ’était pas étrangère à la sienne:
il la chargea, dans son m énage, des soins dont la maî
tresse de la maison n ’était plus capable. Les domestiques
s’etaient accoutumés à l’indépendance et au désordre
ils supportèrent impatiemment la supériorité de la nou
velle ven u e, et plus impatiemment la réforme.
Ils furent ses détracteurs quand elle régla la dépense
et mit fin au dégât ; e t , quand il fallut venir à les
congédier, ils devinrent ses ennemis déclarés.
Cependant l ’état de la malade allait empirant, avec ,
une affligeante rapidité.
»Son appétit dépravé repoussa les alimens auxquels
elle avait été a c c o u t u m é e . Elle ne prit que du pain ,
des racines, du la it , du fromage j elle mangea de la
terre et du plâtre j elle soutint opiniâtrément de
longues abstinences.
Son estomac cessa de faire ses fonctions. Les alimens
ne firent que passer dans un corps où tout ressort était
détendu , et p a r-to u t elle porta avec elle l ’ordure et
l ’infection.
Elle fut sujette à des défaillances dont les paroxisrnes
se rapprochèrent, et durant lesquelles sa bouche rendit
une sale écume.
�Plus rapidement encore elle perdit la mémoire et
1 in
telligence.
N e reconnaissant personne , elle allait disant piteuse
ment , j e n ’ a i rien , j e n ’ a i rien , à tous ceux qui se
présentaient à elle., et savait à peine proférer d’autres
mots.
Errant dans la cuisine, elle jettait des immondices
dans les vases où la nourriture de la maison était pré
parée.
U ne manie s’ empara d’elle, plus dangereuse pour ellemême et pour les autres 5 elle joua avec le feu^ empoi
gna ds-s tisons ardens, les porta sur ses habillemens et
dans ses poclies, et fit craindre l ’embràsement de la
maison.
'
Par respect pour son infortune, on supporta long-tems
le§ inconvéniens de sa situation et le spectacle rebutant
de sa maladie.
Il fallut bien se résoudre à la traiter d’ une autre ma
nière : on choisit une chambre vaste, bien placée , où
l ’air se renouvellait facilement , et on l’y déposa.
E lle cessa d’être libre et non d’être soignée. U ne jeune
servante fut chargée de ppurvoir à sa nourriture , et C lau
dine M azuel, de veiller à ce qu’elle fût tenue aussi pro
prement qu’il était possible.
Insen sible à
cette espèce de captivité , parce qu’elle
n’avait plus la faculté ni de sentir ni de comparer , elle
11e fit entendre aucune p l a i n t e .
/
�(6 )
On lui porta du p a in , du vin ? du lait et du fromage :
elle mangea comme auparavant, ne digéra pas mieux f
ne fut pas moins prompte à répandre l ’ordure sur elle et
autour d’elle»
Si l’on alluma du feu pour la réchauffer quand il fai
sait froid, on fut obligé de ne pas la quitter; car en se
brûlant elle-m êm e, elle aurait incendié la maison.
Elle était entrée dans cette chambre avec une lueur de
vie qui s’éteignit un mois après.
On peut dire q u e , long-tems imprudente et puis victiine,inalade de l’esprit e( du corps,privée d ’intelligence
' et de force, nulle pour elle*mêine et pénible pour les autres^et perdant , chaque jour , un lambeau de ce qui lui
restait d’existence j elle acheva enfin de mourir le 27
prairial an 9.
E l l e f ut sai si e p a r s a d e r n i è r e d é f a i l l a n c e ; e l l e v o m i t
sa dernière éc u m e.
Il
est reconnu, il a été déclaré par tous les témoins
qui ont é.é entendus, que Chalus n’avait cessé de s’oc
cuper affectueusement du sort de sa fem me, de lui
donner personnellement des soins et de la recomman
der à ceux de ses domestiques.
On voit .»ussi qu’ une jeune servante était chargée de
portera la captive ses alimens, et l ’on ne dit pas qu’elle
ail manqué à ce devoir.
\
�‘
7 ^
Aucun soin ne peut prévenir un assassinat ou
empoisonnement ; un instant y suffit : la fairn , au
contraire, est un moyen lent dont le moindre secours
interrompt l’action et prévient l’effet et, s*il est vrai ,
comme les témoins l ’ont dit f que Chalus ait souvent
porté à sa femme le pain , le fromage et le vin de son
déjeûner ^ oxi peut hardiment nier que la faim ait été
la cause de sa mort.
E t il est Lien plus certain que la mort a eu une
autre cfiuse que la faim } si la jeune servante a , même
avec n égligence, accompli son service.
Pourquoi donc Chalus et Claudine Mazuel avaientils donné à l ’acté passé entre eux , le 8 g erm in al, la
forme d’ un contrat de mariage? Ce fait extrêmement
singulier ne peut être expliqué que par la simplicité
d';s deux parties et l ’ignorance grossière du notaire.
Si un projet de mariage avait été lié à celui d ’ un
meurtre , il est évident que celui-là aurait été différé.
Outre qu’ il n’y aurait eu aucnn intérêt de commencer
par la , quelque stupide que l ’on fût , il ¿toit impossi
ble de ne pas voir que, dans cette inutile précipitation >
on fournirait une preuve du crime concerté.
Ce ridicule contrat de mariage est presque un moven
justificatif j il est incompatible
l ’homicide.
avec le complot de
Claudine Mazuel avait passé un an dans la maison
�(
8
)
de Clialus et parmi les peines et les dégoûts : elle n ’v
était pas salariée , et pourtant il était naturel qu’ une
récompense lui fût assurée.
U n e donation que Chalus avait faite à' son frère le
gênait 5 ce fut sa pensée que la forme du contrat de
mariage levait cet obstacle et l ’on prit cette forme.
C ’est ainsi que les parties ont uniformément rendu raison
de ce qu’elles avaient fait.
C ’était une bévue sans doute ; mais elle pouvdit fort
bien entrer dans la tête d ’un ci-devant gentilhomme de
campague et d’une paysanne de vingt-cinq ans.
Il n ’est pas clair qu’elle ne soit pas entrée dans celle
du Notaire qui fit l'acte j et, après tout, elle n ’était pas
plus grossière que celle de constater le dessein d’ un se
cond m ariage,lorsqu’on aurait complotté la dissolution
du premier par un meurtre.
Quand le Notaire a été interrogé
l ’ébruitement de
l ’affaire et ce qu’il en avait entendu dire l ’avaient aver
ti de sa lourde sottise , et il a dit q u’il avait cru les
parties également libres j mais avouant que Chalus était
connu de l u i , comment ne savait-il pas qu’il avait une
femme ? Mais avouant qu’ il ne connaissait pas Claudine
Mazuel , comment prêtait-il son ministère à un acte de
cette importance,, sans prendre aucune information
Il y a une bon-homrnic qui est presque la caution
dç la vérité , dans ce qu’en a déclaré Chalus à son pre
mier
�mier interrogatoire , » qu’il avait dit à cette dernière
» (Claudine M azu el) qu’il voulait lui reconnaître quel» que chose pour la, dédommager de ses peines ; m us
» qu’il ne savait comment s’y prendre , ayant donné a
» son frere tous les biens dont il mourrait vôtu et saisi j
» qu’ alors ladite Mazuel lui dit qu’il pourrait lui recon» naître quelque chose par contrat de mariage...... Qu’ il
» observa.au Notaire que son épouse n’ était pas morte j
» mais qu’elle était dans line si déplorable situation y
» qu’ elle pouvait être considérée comme telle ; qu’à
» cette observation le Notaire rêva un in s ta n t } et puis
» dit au répondant que cela n’ y faisait rien. «
'V o ilà l’incident tout entier de ce contrat de maringe.
I l fut écrit le 8 germinal, et ce fut le 28 floréal que
Clialus fit conduire sa femme dans la chambre où l’on
fut enfin forcé de la retenir et où elle vécut encore un
mois.
Il est cruel d’avoir à faire des calculs de cette nature j
il faut pourtant le remarquer ; dans le plan d’ un crim e,
une telle convention de mariage aurait été trop p r é c o c e ,
ou bien la catastrophe t r op differée.
On avait t e n u d e s d i s c o u r s d ’ a p r è s les domestiques
mécontentés et congédias ; quand,Chalus laissant sa fem
me
errante
dans sa mai on , elle vivait de pommes de
terre , de pain et de fromage 5 quand, retenue dans une
chambre , elle n’y avait p a s d ’auties alimens; quand on
B
�( 10 )
l ’avait entendu répéter , presque pour toute conversa
tion , ces mots qui entraient dans sa manie , j e n ’ a i r ie n ,
j e n ’ a i rien ; ces discours se renouvellerent quand la ma
lade eut fermé les yeux : ce fut un torrent que rien ne con
tint et qui entraîna la crédulité publique , toujours d’au
tant plus facile que les choses le sont moins.
. Tout le monde savait que cette femme infortunée avait
été accablée de symptômes graves et croissans journel
lement en fréquence et en intensité j il était naturel de
voir , dans ce déclin gradu el, la cause de son trépas j la
multitude aima mieux , l'expliquant par un crime f ima
giner ce qui était affreux, mais extraordinaire , que de
rechercher ce qui était v r a i , mais simple.
U n e lettre du maire de Pontaumur informa le juge de
paix de cette mort et de la rumeur dont elle était le sujet,
et le juge de paix assisté de son greffier qui joua depuis
dans cette affaire un autre rôle et de ses assesseurs qui
n'en devaient jouer aucun , alla reconnaître le cadavre
le 28 prairial lendemain de la mort.
Deux chirurgiens procèdent à Couverture et à la véri
fication et ne décident rien. Réunis le 29 avec trois au- 1
très , ils remarquent clans l'œSophage f l’estomac et le
duodœnum, quelques signes d'inflammation ; dans l'es
tomac en particulier l’absence de la tunique veloutée;
dans l e s intestins sept à huit corps de matière argilleusc
�C 1* )
et pierreuse j à cela près v a cu ité totale (c'est leur ex
pression) et , d’ailleurs , tout dans son état naturel.
C
rs
corps argilleuxet pierreux
trouvés
dans les intes
tins , prouvaient cette inanie qu’elle avait eue , de man
ger de la terre et du plâtre.
Cette va cu ité totale pouvait être lV ffet du relâche
ment extrême dont sa continuelle malpropreté avait été
l'indice. Les chirurgiens déposeront depuis avoir apperçu quelques restes de fromage et de beurre, et l'un
d'eux avoir vu dans le rectum, un morceau entier de fro
mage et la v a cu ité totale était un symptôme d'autant
plus équivoque.
*
Cette inflammation des viscères , effet commun de
plusieurs causes , ne dénotait rien par elle-même.
Enfin cette absence de la tunique veloutée, imputée
par eux à la matière argilleuse et pierreuse trouvée dans
les intestins, ainsi expliquée , prouvait seulement que
la défunte avait avalé cette même matière, dont la pré
sence le prouvait encore mieux.
Dans tout cela, la v a cu ité exceptée, qui n’était pas
totale , puisque l’on avait reconnu quelques restes de
fromage et de beurre, i! n’ y avait rien qui dût faire
soupçonner l’action de la faim.
A u moins les chirurgiens n'expliquèrent pas comment
les auties signes par eux énumérés,, concouraient à en
produire le soupçon.
B a
�( 12 )
Et pourtant ils ôtaient appelés , non pas pour d o n n e r
une décision dogmatique sur les causes de la mort ; mais
pour déduire les raisoiis de croire à certaine cause plu
tôt qu’à certaine autre.
En lisant la description imparfaite qui constitue tout
leur rapport, on n’apprend rien. Ils n’allèguent ni prin
cipes ni expérience , la rumeur est leur guide ; ils o n t
entendu crier dans le pays , que l ’on a fait mourir de
faim la femme de Chalus, et ils déclarent que la femme
de Chalus est morte de faim.
Pourquoi n ’ont-ils pris aucune information ? Ils au
raient appris qu’ une longue maladie avait tourmenté la
malheureuse femme dont ils visitaient les restes j qu’elle
avait perdu la santé dans l ’inconduite et dans l ’intempé- *
rance j qu’elle avait été, d ’esprit et de corps, la proie
d ’ une décrépitude prématurée j et tout cela les eût éclai"
rés sur les phénomènes observés par eux.
I ls
auraient
syncopes , elle
appris q u e , sujelte depuis long-tems à des
vomissait dans leurs accès, de l ’écume,
et que sa mort s’était confondue avec un accident du
même genre, signalé par les mêmes symptômes} et peutêtre eussent-ils été amenés à confesser un appauvrisse
ment su ccessf, annonçant ses progrès par cres pâmoi
sons subites et a yan t, dans la dernière, son période
extrême.
G’est ainsi qu’ un rapport de chirurgien
aurait été
�( i3 ")
utile à la manifestation de la vérité ; mais quand ceux
qui ont été appelés, font une opération purement ma
nuelle , ne discutent rien et prononcent d’après un
bruit populaire, il n’y a point de rapport, il n’y a que
le vain et insignifiant récit d’ une inutile décTiiqueture.
On fit comparaître des témoins, tant alors que
depuis, devant le juge de paix, devant le directeur du
jury et devant le tribunal criminel : leurs déclarations
peuvent être rangées dans trois classes.
Il y a d’abord celles des domestiques et habitués de
la maison que le gouvernement de Claudine Mazuel avait mécontentés et qui furent expulsés par elle ou
d’après ses conseils ; ils la chargent de tout leur pou
vo ir, et pourtant tout se réduit aux reproches d’avoir
manqué aux égards et au respect qu’ elle devait à la
défunte, d’avoir engagé Chalus à l ’exclure de sa table
et ensuite à la renfermer dans une chambre , d’avoir
repoussé les personnes qui voulaient la visiter; e t , sur
le refus des alimens , rien que ce discours habituel de la
malade, j e n?ai rien , j e n’ a i rien , et la vague alléga
tion de la mort causée par la faim.
Ensuite il y a les déclarations des personnes qui avaient
donné plus ou moins de confiance à la censure p o p u
laire dont Claudine M azuel avait été l’objet soit a v an t,
soit après la mort de la femme C halus. Celles-ci prouvent
l ’existence d’ une rum eur dont la source était probable-
�( i4 )
menl dans les détractions des domestiques expulsés j
c’est la rumeur elle-même ) mais seulement la rumeur
juridiquement constatée.
On distingue enfin la déclaration des témoins qui, ne
cédant à aucune passion et connoissant le bruit popu
laire sans être entraînés , ont articulé des faits précis, et
affirmé ce qu’ils avaient vu.
C ’est dans cette dernière espèce de déclarations q u e ,
remontant à quelques années et descendant jusqu’au
jour du trépas de la femme Chalus , on trouve le tableau
de sa vie et les causes qui en précipitèrent la fin.
On y apprend comment cette femme éprouva et détrui
sit son tempérament, devint insensée et malade et, de
chute en chûte^ arriva au point extrême de la démence et
do la caducité et aux symptômes déplorables de ce der
nier mois durant lequel, il fut nécessaire de la confiner
dans une chambre.
encore l ’histoire des soins dont elle fut l ’ob
jet. On la voit recommandée par son m ari, mangeant
L à est
à sa table tant que l ’infeçtion qu’elle porte après elle
est supportable,
patiemment épiée lorsqu’elle a la
double manie de couvrir d’immondices la nourriture
des autres, et elle-même de feu , conduite dans une
chambre quand sa liberté est devenue trop rebutante
et t r o p dangereuse, pourvue^ quant aux aliniens, par
une domestique, et, quant à l’habillement, par une autre,
�( iS )
et enfin mourant parce qu’elle n’ était pas immortelle,
non surprenante en ce qu’elle expire alors , mais en ce
qu’elle a traîné si long-tems une si misérable existence.
Ces détails sont l ’extrait fidèle de tous les témoi
gnages qui ont été écrits.
Quand on a tout lu avec attention et avec c a lm e , on
se demande si, destinée à mourir de faim , la femme
Clialus aurait été placée dans une cliambre à deux fe
n êtres, d’où ses plaintes pouvaient se faire entendre audeliors et qui auraient ouvert une issue à. son dé
sespoir.
On se demande si Claudine M a z u e l, ayant résolu cet
homicide barbare , aurait permis qu’ une autre qu’ elle
fût chargée de porter à la prisonnière le pain f le vin et le
fromage dont elle était nourrie.
On se demande si Clialus , complice d’ un affreux com
plot, n’aurait pas pris d’autres mesures pour se dérober à
tous les regards ou s i , attentif à prescrire les soins né
cessaires a sa femme, il n’aurait pas été informé de
1 inexécution de ses ordres.
On se demande si les alimens apportés à la malade
par son mari et par la jeune fille qui en avait l’e m p lo i,
pouvaient lui être enlevés assez promptement par d’au
tres mains et si la pins mince quantité
suffi pour l’empêcher'de mourir de faim.
n’aurait pas
�( 16 )
On se demande s’il se peut que la mort de la femme
Clialus ait été tramée, préparée et causée par ce pro
cédé lent de la faim , sans que non-seulement Chalus
et Claudine Mazuel aient été d ’accord j niais encore
que les deux autres filles qui étaient au service du pre
mier j mais encore que le domestique, ou les domestiques
mâles j mais encore que toutes les personnes qui fré
quentaient la maison aient été complices du crime sans
cesse présent, sans cesse commis , qui n ’aurait pas excité les cris de leur indignation.
O n se demande enfin si le terme naturel d’ une lan
gueur prolongée n’est pas la mort,' et s’il est permis
d ’attribuer à une cause extraordinaire , ce qui a dans
soi-même, son explication.
Toutes ces considérations ont été omises dans la
poursuite dirigée contre Chalus et contre Claudine M a
zuel , et dans le jugement qui les a condamnés : c’est
justement à ce qui était extraordinaire, difficile,impos
sible à co n c e v o ir, qu’ une inconcevable persuasion s’est
aheurtée.
L’accusation.
On form a, le 7 thermidor, la liste d’ un juré spé
cial d’accusation , et Bois , greffier de la justice de paix
de Pontaumur , compris dans cette liste , ne s’excusa
pas : on ne vit pas qu’après avoir pris part , comme
officier,, aux premiers actes de l’instruction , il ne pou
vait
_
�(
17
)
^
-
vait intervenir comme juré dan s l ’exament de 1 ac
cusation.
En lisant l ’acte d’ accusation , on voit la mort préten
due violente de la femme Cholus,en être le m otif uni
que et, depuis, quand la loi le défendait , on ajouta un
prétendu fait de bigamie et une prétendue atteinte a
l ’honnêteté publique.
Bientôt on prépare le jugement défin itif: un premier
tableau de jurés est annullé ; m ais, dans le tableau
nouveau, se trouvent les noms de deux hommes qui
n ’avaient été compris ni dans, la liste des jurés spé
ciaux, ni même dans la liste commune des jurés.
On remplace deux jurés actifs par deux hommes sans
caractère , et l’on remplace un juré adjoint par un
li'Mniue inscrit sur la liste des jurés spéciaux; comme
si la primauté n’avait pas été due au tableau des jurés
actifs.
Ensuite a une première liste de témoins , une se
conde est substituée: des témoins sont retranchés ; un
témoin est ajouté.
Arrive le moment critique où le jury doit s’expli
quer ; il est interrogé sur deux chefs , et il n 'y avait
qu’ un chef d’accusation.
v
U n e tentative de bigamie est niée, ce qui a rapport La .léchn«™
à cet acte réaiunurutoire que Chalus avait fujt Sm
(î" J,lr«
«le-jugement,
c
�( i8 )
la forme d’ un contrat demariage • mais les<jurés affir- .
ment qu’il y a eu action déslionnête et attentat publi
quement fait aux bonnes mœurs.
C ’est ensuite sur un plan et dans des termes singuliers
qu’est établie la déclaration du ju r y , relative à la mort
de la femme Clialus.
Il est constant
9 fait-on dire aux jurés , que cette
femme fut quelquefois maltraitée j
Qu’elle fut enfermée dans une chambre j
Que cette mesure ne fut pas commandée par la né
cessité j
Que Chalus et Marguerite Mazuel ont pris part à
cette mesure j
Que la femme ,Chalus est décédée peu de tems après
dans cette chambre j
«
Q u’ elle n’ est pas décédée de mort naturelle j
Que cette mort est due à une privation d ’ alim ens j
Que cette privation ne fut pas volontaire j
Q u ’elle fut l ’ effe t de manoeuvres étrangères à la
fe m m e Chalus ;
Que François Chalus est convaincu d'avoir concouru
à cette p rivation d 'a lim en s ;
Qu’il y a concouru sciem m ent ;
�0 9 )
Qu'il n 'y a pas concouru avec préméditation j
Que Claudine Mazuel est convaincue d 'avoir concouiu
à cette privation (Valimens ;
Qu’elle y a concouru sciem m ent ;
Qu'elle y a concouru avec prém éditation.
Enfin le tribunal prononce : Clialus est condamné à
la peine de vingt années de fers pour avoir concouru,
sciem m ent et sans prém éditation à la privation d’alimens à laquelle est due la inort de sa fem m e, en vertu
de l’art. 8. sect. 1. tit. 2. part. 2. du code p é n a l, suivant
lequel » l'homicide commis sans préméditation est puni
» ainsi. «
Et Claudine Mazuel est condamnée à la peine de mort
pour avoir concouru à cette privation d'alimens scient*
nient et avec prém éditation , en vertu de l'art. 1 1 por
tant que » l’ homicide commis avec préméditation sera
» qualifie d’assassinat et puni de mort «
Quelle obscurité et quelle indétermination là où la
loi desire tant de précision et tant de clarté !
U ne femme q u e l q u e f o i s maltraitée , enfermée dans
une chambre, par une mesure sans nécessité, à laquelle
on a pris p a r t , décédée dans cette chambre d’ une mort
non naturelle due h une privation d ’alimens non vo
lontaire , effet de manœuvres ; des accusés qui ont co n
couru à cette privation d’alimens , qui y ont concouru
sciemment l'un avec, l'autre sans préméditation !
C 2
I
�( 20 )
Il n 'y a pas un m o t dans cet entortillement qui ne soit
la matière d'un doute et d'un commentaire. Q u ’ e s t - c e
que prendre p a r t à une mesure ? Comment la m o r t
est-elle due à une privation d'aliinens ? Q u ’ e n t e n d - o n
par ces manœuvres dont la privation d’alimens a e t e
l ’effet? Que signifie le mot cojicourir , appliqué à une
privation d’alimens? D e quelle manière Chai us et C lau
dine Mazuel y ont-ils concouru , etc. etc. etc. ?
Et c’est ensuite de cette déclaration vague , quand il
reste tant de sujets de d o u te, et d’après des i n c u l p a
tions qui ne sont pas définies , qu’ un Tribunal r é s o u t
une condamnation à vingt ans de fers et une condam
nation à la mort !
Après avoir tracé ce tableau des faits , de l'instruc
tion , de la p r o c é d u r e , de l ’examen et du j n g e m e n t ,
on est p r e s q u e tenté de s’arrêter là e t, sans discussion ?
de livrer cet incohérent assemblage à la justice et à la
raison des Magistrats qui doivent juger la demande en
cassation.
Pour faire annuller et cette procédure et ce
ju gem en t,
fout-il autre chose que les exposer à nud dans
le u r
pro
pre défectuosité ?
L e s 011 vet lurps
(Je cassation.
C ’est en les renfermant dans le cercle d’ une démons-
�( 21 )
tration abrégée, que l ’ on va indiquer les ouvertures qui
doivent assurer le succès de la demande en cassation.
et
Il faut distinguer la procédure >la déclaration du Jury
le j u g e m e n t e t les vices qui leur s o n t r e s p e c t i v e m e n t
propres.
D e nombreux reproches pourraient être adressés à la La procédure,
procédure ; on ne dira pas tout.
Il y a sur les procès-verbaux du 28 et du 29 prairial
qui en sont la pièce fondamentale , cette premiere re
marque à faire , que des officiers sans compétence y ont
concouru. L e juge-de-paix à qui la loi donnait isolément
le titre d’officier de police ( loi de brumaire an 4 , art.
21 et s u iv .— loi du 7 pluviôse an 9 , art. 4 . ) , le juge-depaix s’ y fit assister de ses assesseurs, adjoints nécessaires
de ses fonctions civiles, étrangers à ses fonctions de po
lice ; et leur présence hétérogène priva ces actes de tout
caractère légal.
a dit q u e ces p r o c è s - v e r b a u x f u r e n t la p i è c e fon
damentale de la p r o c é d u r e . La l o i ne v e u t - e l l e p a s en
effet que » lorsqu’il a été commis un délit dont l’existence
» peut être constatée par un procès-verbal } le juge-deOn
» paix se transporte sur les lieux pour y décrire en détail
» le corps du délit ? «
Telle était la nature du fait , qu’il exigeait le trans\
. •
�'.( aa )
'
port et le procès-verbal ; et si l’acte est n u l, il ne reste
rien de la poursuite dont il fut le principe.
Si les procès-verbaux sont le fondement de la procé
dure, la déclaration affirmative du jury d ’accusation
est la base de toute poursuite déterminée devant le tri
bunal criminel.
Celle que l’on fit donner contre Clialus et contre C lau
dine M azu el, fut rendue défectueuse par la participa
tio n , en qualité de ju r é , du greffier de la justice de
paix de Pontaumur.
Il avait écrit et dû écrire les procès-verbaux du 28 et
du 29 prairial : le premier de ces actes faisait mention de
sa présence et de sa signature j il était terminé par ceg
mots , « et avons signé avec notre secrétaire-greffier. »
O n trouve établie, dans la loi, une incompatibilité pré
cise entre le titre de juge et les fonctions de juré ( loi de
brumaire, art. 484)5 et elle garde le silence à l ’égard du
titre de greffier.
Il s’ensuit qu’absolum ent, un greffier n ’est pas inca
pable j mais il est contre la nature des choses que dans la
même affaire il soit juré, étant ou ayant été greffier. Les
fonctions publiques ont été départies séparément et
une telle confusion n’y peut être reçue.
�(
*3 )
On voit que les accusés furent présentes deux fois au
débat» U ne liste de témoins leur avait été signifiée le
18 fructidor. On leur en signifia une nouvelle le 9 ven
démiaire , où les mêmes témoins ne furent pas tous com
pris , et ensuite on produit au débat un témoin dont le
nom n’ y avait pas été. Contravention à. laloidebrum airej
art. 346.
,
Quand il s’agit de former le tableau du jury de ju
gement, on y inscrit en remplacement de deux jurés qui
t
manquent, deux hommes qui n’ étaient n i sur la liste
spéciale , ni sur la liste com m une, et l’on remplace un
juré adjoint par un homme appartenant à la liste. Con
travention à l’art. 5 i 8 d e là loi de brumaire an 4 , e$ à
la loi du 6 germinal an 8, art. 4 et 5.
V oilà ce qui regarde la procédure.
Il faut passer maintenant à la déclaration du juré
de jugement.
On remarque d’ abord que l’acte d’accusation avait
eu pour objet un seul d élit, celui que l’on supposait
avoir eu pour eifet la mort de la femme Clialus , et il
fallait s’arrêter là; car, selon la lo i, les jurés ne peu
vent prononcer sur d’autres délits que ceux qui sont
portés dans l’acte d’accusation. ( L o i de brumaire
046.)
\
art
Déclaration
du J u ry .
�( H )
On se fait une autre règle : les jurés sont interro
gés, et s’expliquent en premier lieu sur le fuit de ce
ridicule contrat que le notaire Chevalier avait écrit
entre elles.
Dirait-on que la loi ne prononce pas la nullité de la
déclaration où les bornes de l’acte d’accusation sont
ainsi franchies? La nullité est de droit quand on a fait ce
qui était interdit expressément.
Dirait-on que cette partie de la déclaration n’a donné
lieu à l’application d’aucune peine, et qu’il n’y a point
d ’intérêt de s’en plaindre? Il y a toujours un intérêt de
demander que des actes non conformes à la loi ne soient
pas entretenus, et puis n ’y a-t-il pas lieu de soupçonner
que si l’attention des jurés n ’avait pas été partagée, ils
auraient mieux examiné le ch e f d’accusation qui devait
véritablement les occuper ?
,
Relativement à ce ch e f d’accusation, toutes les règles
ont été blessées dans la déclaration des jurés : tout ce
q u ’ il
y fallait essentiellement faire entrer y a été om is,
tout ce qu’il importait d ’éviter y a été employé.
Où est,dans l’ordre tracé pour cette déclaration par le
tribunal, la première question tendant essentielIement
« à savoir si le fait qui forme l’objet de l’accusation
» est constant? (L o i de brumaire , art. 374 ) ”
Pour qu’il y eût un d élit, il fallait, selon le thème de
l ’accusation *
�( 25 )
l’accusation, que la mort cle la femme Chalus fût arri
vée par l ’effet de la faim , des alimens lui étant refu.
ses , et des obstacles étant rnis à ce qu’ elle en reçût.
G’ est à cette définition du délit qee la premiere ques
tion devait répondre.
Que la femme Clialus eÆt été quelquefois maltraitéej
qu’elle eût été enfermée dans une chambre ; qu’ elle fût
morte dans cette chambre ; que sa mort eût été l’effet
d’ une privation d ’ a lin ien s; tout cela pouvait ê tr e ,
sans qu’il y eût un délit, et n ’était par conséquent pas
le fait formant l’oî jet de l ’accusation.
Il est fiit mention ensuite de manœuvres étrangè
res à la Ja n in e ( halus , dont cette privation d }alim ens
fut l’effet ; et c’est dans ces manœuvres que le délit a
dû consister , et que doit être le f a i t qui J'orine l ’ objet
de Vaccusation ; mais quelle idée les jurés ont-ils atta
chée à ces expressions?
Proprement le mot manœuvre signifie l ’attirail d’ un
vaisseau ou l’ action de son équipage et encore le m ou
vement d’ une armée : on l’emploie, au figuré, pour
exprimer des procédés et des moyens appliqués à de
certains desseins ou la conduite qui a été tenue pour
arriver à un certain but j et alors il est vague et par
conséquent équivoque P abstrait
et
par conséquent
obscur.
D
�( *6 )
Il ne convient à des jurés ni de parler au figuré ni de
faire des déclarations abstruses ou énigmatiques. Les
questions qui leur sont faites doivent, comme leurs ré
ponses , se réduire aux termes les plus simples , les plus
facilement intelligibles. Si leur pensée a besoin de tra
vail pour comprendre ce qu’ils ont à vérifier, s’il faut
ensuite que l’on étudie ce qu’ils ont déclaré, ce ne sont
plus des hommes d’entre le peuple appelés pour recevoir
une impression et la manifester $ ce sont des juges char
gés de discuter et les arguties prennent la place de la
conviction«
Quelle est la grande attention de la loi lorsqu’elle règle
la marche de l ’examen par jurés? N ’est-ce pas de faire
en sorte que les résultats soient exempts de toute combi
naison ? Pourquoi distingue-t-elle les questions sur le
f a i t , sur ses auteurs , sur sa m oralité , sur la gravité du
d é lit, sur ses circonstances, sur l’intention qui y fut
apportée, sur les excuses des accusés ( d it art. 3 7 4 ) , si
ce n'est afin que les jurés , à chaque fois qu’on les inter
roge , n ’aient à percevoir qu'un point sim p le, facile à
saisir, et sur lequel il y ait dans l ’affirmation ou la ne
gation , une explication suffisante et pleine ?
!N’est-ce pas encore dans le même objet , que la loi
défend
( art.
les questions
et les déclarations
complexes
3 77 ) ?
Faire consister un délit ou le fait qui fo r m e Vobjet
�( 27 )
d ’ une accusation dans des ‘manœuvres ^c’estne pas fane
aboutir l’examen à ce résultat simple et exempt de corn
lunaison que la loi désire, et contrevenir à ^institution
. des jurés dans son essence. Sur une telle interrogation ,
affirmer ou nier né suffit p a s pour qu’il y ait une expli
cation pleine.
Il reste à Savoir quelles ont été ces manœuvres , quel
rapport elles ont eu avec l ’effet qui a été produit , et
comment elles ontcontracté la nature du délit.
On voit b ie n , pour terminer la discussion de ce pre
mier p o in t, qu’ en énonçant ces manœuvres , dont la
privatiàn d'alim ens fut l’ effet pour là femme Chalus ,
le tribunal a eu la volonté de provoquer, et les jurés
celle de donner une déclaration sur un f a i t f o r m a n t
l’ objet de Vaccusation j mais on eàt forcé en même tems
de reconnaître que cette volonté n’ a pas été accomplie.
Et il- s’ ensuit qu’ il y a eu contravention à. la loi qui
prescrivait une première question, tendant essentiellement a savoir si le fait qui formait l’objet de l ’ accusatioilj était constant ou non.
Selon la méthode de la l o i , la seconde question et la
seconde déclaration devaient avoir lieu sur la conviction
des accusés : avaient-ils commis le délit ou y avaient-ils
coopéré ? voilà ce qu’il y avait à éclaircir. Et l’on a
�\
( *8 ) •
■
continué d’être hérissé d’ambiguité et enveloppé de
ténèbres.
'
Après dénonciation de cette espèce de fait principal
que la femme Chalus fut enfermée dans une c h a m b r e ,
l ’ un» et l’autre accusé est déclaré convaincu d’avoir
p r is p a r t à cette mesure.
Après l ’énonciation de l'autre fait principal des
manœuvres étrangères à la fem m e Chalus d o n t l ’ e f f e t
fut la privation cValimens , l ’ un et l ’autre accusé est
encore déclare convaincu d ’ avoir concouru à cette p r ivation d ’ a lim e n s.
P ren d re p a r t ou
co n co u rir ,
c ’est ,
à
quelques
nuances p r è s, la même chose j mais ces mots , em
ployés ab solum en t, expriment encore des abstractions
qui ont besoin d'être déterminées. Il n ’y a rien de pré
cis jusqu’à ce qu’il soit dit comment il a été p ris p a rt
et comment il a été concouru.
I l se peut que,, sans être coupable } l ’on ait p r is p a r t
ou concouru au fait qui constitue le plus grand crim e,
par des procédés éloignés qui viennent accidentelle
ment s’y rattacher.
Celui qui a retenu violemment un v o y a g e u r, afin
que l ’assassin l’atteignît et le frappât ; a p ris p a r t ,
a concouru au fait du d é l i t , et il est coupable : c e l u i
qui a arrêté le voyageur par quelque acte fortuit sc
�( a9 ) .
trouve fatalement avoir pi'is p a r t , avoir concouru au
fait j et il est innocent.
Il y a cela de remarquable que la privation d ’a limens dans laquelle on place la cause de la mort , est
attribuée à des m anœ uvres, et que ce n ’ est pas à ces
manœuvres que les accusés sont déclarés convaincus
d’avoir concouru ; et l’on sait que l’ action la plus in
nocente peut se trouver en concours avec la plus cri
minelle.
A i n s i , la seconde question prescrite par la loi,m an
que comme la première. On ne v o i t , aucun fait cons
tant dont les accusés aient pu être reconnus les auteurs j
mais sur-tout les accusés ne sont déclarés convaincus
d’avoir commis aucune action déterminée , ni d’avoir
coopéré à aucun fait précis , par aucun procédé défini.
I l y a donc encore contravention à la loi d’après la
quelle une seconde question devait être posée , ten
dante a savoir si les accusés étaient convaincus d’avoir
commis le délit ou d’ y avoir coopéré.
V oilà la déclaration du juré d e j u g e m e n t destituée de
ses deux élémens essentiels ; la, loi n’a pas été mieux
accomplie dans les détails.
Il a été reconnu que la femme C h alu s fut enfermée
dans une chambre , et les jurés ont dit ensuite que
�( 3° )
cette mesure ne fut pas commandée par une indispen
s a b l e nécessité. L a défense des accusés avait consi&té à
objecter l’état d’infection et d’imbécillité de la malade
et son habitude dangereuse de jouer avec le feu. Pour
quoi ces représentations n ’ont-elles été la matière d ’au
cunes questions ? L rs jurés n’auraient pu nier ni l’in
fection , ni l ’im bécillité, ni la risquable habitude; e t ,
d ’après ces circonstances reconnues , qui auraient dû
être considérées en premier lieu comme plus favórables
aux accusés ( dit art. 3 7 4 ) , les jurés auraient été
moins positifs sur la nécessité de la mesure.
Ceci appartenait à la moralité du fait et se trouvait
dans la cause et l ’omission fut une contravention à la
loi qui voulait qu’après les questions principales , on
f î t aux jurés celles « qui , sur la moralité du f a i t , ré» sultaient de l’acte d’accusation , de la défense des
» accusés et du débat , en commençant par les plus
» favorables aux accusés, ( d it art. 374. )
D e même sous le rapport du fait prétendu de la p r i
v a tio n d ’a lim e n s, il avait été allégué, pour la défense
des accusés , que la femme Chalus était parvenue à un
tel point d ’appauvrissement, que son estomac recevait
et renvoyait la nourriture sans la digérer ; que souvent,
par caprice ou par dégoût, elle s’était abstenue de man
ger; qu’elle avait cessé de vouloir d’autres alimens que
du p a i n , du l a i t , du fromage et du v i n ; que tout
�(
3i )
cela lui était porté journellement en plus ou moins
grande quantité; que les recommandations de son mari
étaient à cet égard aussi fréquentes qu’affectueuses ;
qu'une domestique avait été particulièrement chargée
de ce soin , et que le mari le remplissait souvent luimême.
Si l’on avait mis les jurés à portée de s’expliquer su®
ces particularités , après les avoir vérifiées dans les élémens du débat, il eût été difficile qu’ils attribuassent
la mort de cette femme à cette privation d’alimens , à
laquelle leur déclaration s’arrêta si absolument.
D e même encore,, les accusés avaient invité les juges
et les jurés à considérer les syncopes dont la femme:
Chalus avait été travaillée à différens intervalles , longtems avant l’époque où elle fut enfermée dans une
chambre i dans lesquelles , parmi d’autres symptômçs
semblables , elle avait vomi de l’écume comme dans la
pâmoison , qui s’était confondue avec sa mort ; et si
les jurés avaient été avertis par une question positive
de l’attention que méritait cette conformité d’attaques
xnultipliees , ils auraient été moins légers A caractériser
cette mort et ses causes.
C ’est parce qu’il n’y a point de délit là où il n’ y a
point d’intention de mal faire , que la loi a exigé
l’examen et la définition de ce qu’elje appelle la mo*
�( 32 )
r a lité du fait. Les jurés doivent être interrogés sur
l ’intention dans laquelle les accusés ont agi : la néces
sité de cette question fut dans l ’esprit de la loi de bru
maire ( dit art. 374 ) ; elle avait été littéralement
établie dans la loi du 14 vendémiaire an 3 .
On ne trouve dans la déclaration donnée contre Cha
lus et contre Claudine Mazuel f aucune explication sur
l ’intention qu’ils apportèrent dans leur conduite à l ’égard
de la femme Chalus.
A la vérité , les jurés ont dit que les accusés avaient
concouru sciem m ent à la privation d’alimens imposée
à cette femme , et même que Claudine Mazuel y avait
concouru avec prém éditation y mais pour avoir su ce
que l ’on faisait et pour l ’avoir prémédité , on n ’a pas
nécessairement eu la pensée qu’on commettait un
crime.
Si jamais une déclaration relative à l ’intention des
accusés dût être désirée, ce fut dans l ’affaire de Chalus
et de Claudine Mazuel. Aucun fait n ’y était articulé
dont la nature ne fût équivoque.
Même en reconnaissant.qu’il n’avait pas été indispensablement nécessaire de renfermer la femme Chalus
dans une chambre , on pouvait découvrir que les accu
sés , croyant à cette nécessité f s’étaient mépris et
n ’avaient été guidés par aucune pensée criminelle.
M êm e en reconnaissant que la privation d ’ alim cns
avait
�( 33 ) }' “
avait causé la m ort, on pouvait saisir, dans les circons
tances , des raisons de cro ire , si les accusés y avaient
concouru, qu’ ils ne s’étaient pas attendu au résultat
d’une privation qu’ on n’affirmait pas avoir été totale.
En un m o t , la loi voulait que l’on posât la question
relative à l’intention, et que les jurés fussent tenus
« d’y prononcer par une déclaration formelle et dis» tincte, et ce à peine de nullité ; » et la contravention
qui ne saurait être plus évidente , ne doit pas être
impunie.
On a vu que les déclarations principales données
par les jurés contre Chalus et contre Claudine Mazuel
ne remplissaient pas l’objet de la l o i , faute d’avoir leur
sens simple et déterminé ; il suit de là qu’ un autre
principe y a été blessé ; celui qui interdit les déclara
tions complexes , et le même reproche doit être fait
aux jurés à l’égard des articles accessoires.
Sont-ce des questions simples que celles-ci, si la me
sure d’ enfermer la femme Chalus fut commandée par
une indispensable nécessité , et si les accusés sont con
vaincus d’avoir pris part à cette mesure? Les jurés ne
sont-ils pas obligés de combiner, relativement à la pre
mière , la position dans laquelle était la malade et ce
qu’il y avait de raisonnable à faire ; et relativem ent à la
seconde , ce que firent les accusés pt ce que leurs proE
�(34)
cédés eurent de rapport avec la résolution d’enfermer
la femme C h alu s, et avec l’accomplissement de.cette
résolution ?
E t les questions si la femme Chalus est décédée de
iliort naturelle, si cette mort est due à une privation
d ’ a lim e n s , si cette privation fut l ’effet de manœuvres
étrangères à la femme Chalus , si les accusés concou
rurent à cette privation cPalimens , n ’offrent-elles pas
chacune en elle-même , plusieurs points à considérer ?
N e faut-il pas , pour répondre à la première , après
avoir conçu l’idée de ce qu’on appelle une mort natu
re lle , se représenter l ’idée contraire et
faire
com
paraison ?
N ’est-on pas obligé , à l ’égard de la seconde, de v é
rifier d’abord s’il y a eu privation d ’ a lim e n s, ensuite
de se rendre raison de la durée qui put rendre cette
privation mortelle , et enfin de voir si tel fut le cas
et si l ’événement ne peut être rapporté à aucune autre
cause ?
Quand on passe à la troisièm e, n ’a-t-on pas besoin
ds définir les m anœ uvres, d ’en rechercher l’existence
dans les faits , et d’établir le point par lequel ces m a
nœuvres se rattachent àf la privation d*alimens dont
il s’agit ?
Enfin , n ’entre-t-il pas dans la nature de la qua
trième, que, pour la résoudre, on ait à se rendre raison
�(3 5 )
en général de ce qui peut constituer le concours de
quelqu’ un à quelque évén e m en t, ensuite d’ un fait qui
ait constitué ce concours et en dernier terme du rap
port qui lie le fait à l’événement?
C ’est dans l’article 377 de la loi de brumaire qu’ est
cette disposition formelle , qu’ il ne peut être posé aucune
question com plexe, et il est bien clair qu’on ne s’y est
pas conformé dans la déclaration prise et xdonnée
contre Contre Chalus et contre Claudine Mozuel.
On avait annoncé que cette déclaration était contraire
aux règles dont L’observation y était ordonnée j mainte
nant ce reproche est démontré.
Reste le jugement.
Le jugement.
Qu’est-ce qu’ un jugement en matière criminelle? C ’est
l’acte par lequel le tribunal, après avoir comparé au fait
qui a été déclaré, les dispositions de la lo i, applique le
précepte qui y co n vien t, et en ordonne l ’exécution.
C est pour préparer la comparaison et sa conséquence,
que les jurés ont dû déclarer le fait qui a été rendu cons
tant, la conviction q u ia été,acquise contre les accusés
et les circonstances qui déterminent la nature du délit j
ensuite le juge n’ est que l’instrument de la lo i, dont il
prononce les paroles sur l'affaire et sur les accusés.
Et l’application du précepte de la loi qui convient au
E 2
�(3
6
)
cas ainsi défini, est si bien l ’objet unique du jugement
et la seule chose que les juges aient à faire, q u e , si le pré
cepte a été mal choisi dans la loi et ne se trouve pas ré
pondre au délit f il y a ouverture de cassation.
Il y a ouverture de cassation \ dit la loi'de brum aire,
i° . lorsqu’il y a eu fausse application des lois pénales
(art. 456 ).
,
Pour apprécier le jugement rendu contre Chalus et
contre Claudine Mazuel , il faut faire la comparaison
dont il dût être le résultat.
—
Ce n ’est ni de la chambre dans laquelle la femme
Chalus fut enferm ée, ni de cette mesure de l ’enfermer,
ni de la part que les accusés y avaient prise , que la
raison de punir a été tirée.
D u reste, quel est le fait constaté et quelle est la con
viction définie? La femme Chalus est décédée non de
m ort naturelle , mais d’une mort due à une privation
d ’ alim ent qui ne f u t p a s volontaire de la p a rt de la
fe m m e C h a lu s , qui f u t au contraire V effet de m a
nœ uvres étrangères à e lle , et les accusés ont été con
v a i n c u s d ’ a v o ir concouru à cette p riv a tio n d ’ a lim en sy
sciem m en t, et l ’un des deux a v e c prém éditation.
Quelles ont été les dispositions pénales que le tribunal
a regardées comme répondant à ce fait ? Voici celles
qu’il a .transcrites et appliquées.
�( 37 )
Il est dit dans la loi que « l’homicide commis vo» lontairement avec quelques armes , instrumens et
» par quelques moyens que ce soit , sera qualifié et
» puni selon le caractère e t les circonstances du crime. »
(Code pénal,, part. 2 , tit. 2, sect. 1 , art. 7 . )
Que « commis sans préméditation il sera qualifié
» meurtre, et puni de la peine de vingt années de fers,
» (art. 8 .) »
Que « commis avec préméditation il
sera qualifié
» assassinat, et puni de mort, (art. 1 1 .) »
Trouvait-on dans la déclaration des jurés le fait
d’ un hom icide commis volontairem ent avec quelque-S
armes , instrumens et p a r quelque moyen que ce f û t ,
sans prém éditation par l’ un des accusés, et avec p ré
m éditation par l’autre? Alors le tribunal criminel a bien
comparé et bien ju g é , puisqu’il a condamné l’ un des
accusés à vingt ans de fers, (art. 8 , ) et l’autre à la
mort, (art. 11 ) j mais dans le cas contraire il a mal
comparé et mal jugé.
Il y a hom icide lorsqu'une personne a été tuée par une
ou plusieurs autres en employant des a r m e s , des ins
trumens ou d’autres moyens , et cela suppose une ac
tion sans laquelle par conséquent le fait de l ’homicide
ne peut être affirmé.
U n e privation d*alim ens avait été la cause du tré
pas de la femme Chalus, Il n’ y a là point d’action , et par
�(
38 )
dans le sens de la lo i, point d’hom icide.
Les jurisconsultes disent, en matière civile, pour rendre
odieuse la personne qui refuse les alimens qu’elle doit
à une autre, que celle-là semble tuer celle-ci, necare
'videtur; niais en matière criminelle ce n’est pas d’après
ce qu’ un accusé est censé avoir f a i t , c’est sur ce qu’il
a fait réellement qu’on le condamne.
conséquent,
Il s’ensuit de l’adage des jurisconsultes que la per
sonne à qui des alimens sont d u s , a une action relative j
que cette action est urgente, provisoire et favorable;
mais la personne qui la doit est condamnée à la déli—
v ia n c e , et non pas aux fers ou à la mort.
Cette action civile en délivrance d’alimens ne peut
être intentée ni par le pu p ile, ni par l ’insensé incapable
de vouloir j elle appartient, pour eux , à leurs familles.
Pourquoi le frère de la femme C h a lu s, si ardent depuis à
poursuivre son beau-frère, ne s’occupa-t-il point du sort
de sa sœur vivante ?
N e voit-on pas qu’au moyen de ces actions données
pour les alimens , la loi n’ admet pas la possibilité de
l ’homicide par famine? C ’est ainsi que la définition d ’ un
tel homicide ne se trouve pas dans ses dispositions
Dirait-on que la disposition générale embrasse toutj
que la famine est l’un de ces quelques moyens que ce
�( 39 )
io iid o n t il y est fait mention? Cette disposition générale
n’est rien par elle-même ; elle réserve la qualification et
la déclaration de la peine qui en dépend pour les dis
positions suivantes , et c’ est là qu’est véritablement ex
primée la volonté de la loi.
Si la disposition générale avait par elle - même quel
que consistance, tout aurait été expliqué par la distinc
tion de la non préméditation et de la préméditation,
(art. 8 et 1 1 ) } et après avoir dit que l ’homicide com
mis avec préméditation serait qualifié d’assassinat et puni
de m ort, (art. 1 1 ) , on n’aurait pas eu besoin d’ajou
ter que « l’homicide commis volontairement par poison
,J serait qualifié de crime d’empoisonnement et puni de
» mort, (art. 1 2 ) . On n’ajouta pas une qualification
pour l’homicide commis par famine , parce qu’ un crime
ainsi qualifié n ’était pas dans l ’ordre des choses
possible^,.
Quand il y a accusation prouvée d'assassinat, les
juges appliquent l’art. 11 j quand il y accusation prou
vée d empoisonnement , i l s a p p l i q u e n t l ’art. 12 ; ce
n est jamais sur l’art. 7 , dans lequel il n ’ y a a u c u n
précepte pénal, que la c o n d a m n a t i o n est fondée. Quand
il y a accusation d’homicide par famine , alors mêmequ’elle pourrait être prouvée,
les juges ne trouvent
dans la loi aucun texte à appliquer.
Contre Chalus et contre Claudine M a zu e l, on a appli-
�( 4°)
que l’art. 8 et l’art. 11 ; mais il n’y avait déclaration d’au
cun faitauquel l ’ un ni l’autre se rapportât. On reprochait
aux accusés, non d’avoir commis , mais d’avoir omis;
non d’avoir tué 7 mais de n’avoir pas nourri ; et la nature
du fait n’admettait aucune comparaison avec des textes
de lo i, où l’action est toujours supposée.
I l ne peut être nié cependant que l ’homicide } de quel
que inaniere qu’il soit com m is, est un crim e , et que l’a
nalogie des cas prévus et des cas non prévus dans la l o i ,'
donne matiere à argumenter des uns aux autres. C ’est ce
que l’on aurait fait dans l’ancienne jurisprudence , lors
que l’on condamnait pour les cas résultans du procès;
mais la jurisprudence nouvelle ne permet aucune argu
mentation , aucune application de peine par analogie.
Sans doute , il importe que le crim e, de quelque li
vrée qu’il s’enveloppe , soit puni; mais il importe encore
plus que la loi seule punisse et que les juges soient
vmuets quand elle n’a pas parlé.
Dans le fait principal déclaré constant par la
d é c la
ration des ju r é s, de la mort de la femme C h a lu s,
par suite d 'u n e p r iv a tio n da U m ens , il est donc clair
qu’il n ’y avait rien qui pût autoriser la comparaison
avec les textes dans lesquels la loi définit et qualifie
l ’ h o m i c i d e ; c’est ce qui n’est pas moins manifeste lors
qu’on descend aux détails dans lesquels ce fait devient
p e r s o n n e l à Chalus et à Claudine Mazuel.
C ’est
�(4 0
C ’est l’ accusé qui a commis , sans préméditation , ce
que la loi définit un homicide que l’on doit condamner
à vingt ans de fers; c’est à l’accusé, qui a commis avec
préméditation le même homicide , que doit être appli
quée la peine de mort j quand on a lu la déclaration
de jurés donnée contre Chalus et contre Claudine Mazuel , il reste que ni l ’ un ni l’autre n’a rien commis
et que la prétendue mort par p r iv a tio n d ’ alim ens leur
est étrangère.
Des m anœ uvres ont été la cause de cette p riv a tio n
d ’ alim ens. Les jurés ont-ils reconnu que les accusés
aient été les auteurs de ces m anœ uvres ? Nullem ent.
Ont-ils reconnu que,de quelque manière, les accusés y
soient intervenus, y aient pris part? Nullement encore.
Comment entend-on, dans la déclaration, qu’il y a ,
des accusés , au fait dont il s’agit quelque rapport ?
C ’e s t, disent les ju rés, qu'ils ont co n cou ru , non pas
aux manœuvres qui sont le véritable délit ; mais à la
p riv a tio n d ’a lim en s, qui est l ’effet de ces manœuvres*
En sorte que toute cette déclaration, en mettant de
l ’ordre dans les idées qu’elle exp rim e, se réduit à ce ci,
que la femme Chalus est morte pour avoir été privée
d’alimens par l’effet de certaines m an œ uvres, et que
les accusés, sans que ces m anœuvres aient aucunement
été les le u r s, se trouvent cependant avoir concouru
d’ailleurs,on ne sait par quelle co-incidence , avec ces
m anœ uvres 7 un fait de la privation d’alimens.
F
�(40
Vous avez fermé une porte , par laquelle l ’homme
qui a été assassiné uu quart-d’heure après dans la rue,
a u r a i t pu se réfugier chez vous ; vous avez laissé sur
line table le couteau dont l’assassin s’est saisi ; vous
avez concouru à la mort; mais vous n^avez pas con
couru au crime. D e même , la femme Chalus a péri
par l ’effet de certaines m a n œ u v res, e t , sans avoir
été acteurs dans ces manœuvres , Chalus et Claudine
Mazuel ont co n co u ru t la mort qui en a été le produit«
V oilà tout ce qu’il y a à dire d’après la déclaration des
jurés , ce qui diffère grandement de la conviction d’être
auteurs ou complices du fait et d ’avoir commis le crime
d ’homicide avec ou sans préméditation.
Ain si la déclaration , considérée dans son point prin
cipal ou dans ses détails^articuliers , ne peut être mise
à côté des dispositions de la loi ( art. 7 , 8 et 11 ) que
l ’on ne reconnaisse la dissemblance des cas ; et il y a
ouverture de cassation ( loi de brumaire , art. ^56 ) ;
puisque des dispositions pénales ont été tirées hors de
leur cas précis et que c ’est ce déplacement qui consti
tue la fausse application.
Il
est tems de terminer ce développement des raisons
d’annuller et le procès et le jugement dont Chalus et
Claudine Mazuel ont si justement à se ptaindre. Les
ouvertures de cassation qu’ils proposent ne sont pas in-
�( 43 )
certaines j des préventions n ’auront pas atteint le T r i
bunal devant lequel ils sont enfin parvenus \ et c est
avec confiance qu’ils déposent devant lui leur demande
et leur légitime espérance.
' Des préventions ! il est trop vrai que jusqu’à ce jour
elles ont tout fait dans cette malheureuse affaire.
Claudine Mazuel a fait jalouser l’autorité que Clialus
lui avait donnée dans sa maison , et des domestiques
mécontens ont répandu une diffamation vague et té
nébreuse.
•
U n héritier a été intéressé à laisser subsister un pré
jugé qui pouvait un jour lui fournir des armes contre
la donation d’usufruit qu’ il se proposait d’irnpugner.
Dans le public on aime à s’entretenir des faits qui
sortent de l ’ordre commun et même à y croire.
A force de répéter que l ’on faisait mourir de faim la
femme Chalus , on a fini par faire de ces vains discours
une opiuion enracinée.
Ces bruits répandus tireront de la consistance de cette
imprudente bêtise d’ un contrat de mariage passé lors
qu’ un mariage n’était pas permis.
U n .murmure universel établi sur des rapports vagues
qu’on ne vérifia point, précéda et suivit l’événement du
trépas de la femme Chalus. On n’examina rien j on se
l
�(
44 )
plut à croire e t , comme une contagion , cette persua
sion sans cause se communiqua aux Jurés et aux Juges.
O ù était cependant la raison d’expliquer par une cause
si extraordinaire un événement si naturel ?
A près des années de maladie , lorsque , de progrès
en progrès , tous les principes de la vie avaient disparu ,
ne fallait-il pas que la femme Chalus arrivât au terme
fatal ?
Elle mourut parce qu’étant m ala d e,la crise fatale la
surprit : elle aurait pû. expirer plutôt sans que l ’on dût
en être étonné.
Dans sa situation il n’y avait point d’instant qui ne
fût l’ instant possible de la mort.
C H A B R O U D , Défenseur.
D e l ’ im p r im e r ie d e R e n a u d ie r e , r u e d e s P ro m v a ircs t n , 5 6 4
�
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chalus, François. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Chabroud
Subject
The topic of the resource
homicide par famine
démence
autopsies
médecine légale
jury d'accusation
condamnation à mort d'une femme
homicides
rumeurs
Description
An account of the resource
Ouverture de cassation, pour François Chalus et Claudine Mazuel ; Prétendu homicide par famine.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Renaudière (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1798-Circa An 8
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
44 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0711
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pontaumur (63283)
Rights
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Domaine public
Relation
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autopsies
condamnation à mort d'une femme
démence
homicide par famine
homicides
jury d'accusation
médecine légale
rumeurs
-
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78101a3cbf1e857c4884aba5d16a5e2c
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Text
CON SU LTA TI ON S.
L E C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a pris lecture, 1°. du.
contrat de mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette
avec Marie-Léonarde Cornudet, du 14 mai 1778 2° du
contrat de mariage de Marie-Joseph Maignol avec Gilberte
Ducourthial, du 2 avril 178 3 30. d’un mémoire à con
sulter
E st d ’ a v i s q u e , d'après les anciennes et les nouvelles
lo is, le prem ier enfant mâle , issu du second mariage de
Gilbert Ducourthial avec Marie-Léonarde Cornudet, doit
avoir, en préciput, le tiers des biens de la succession de
son p è re , et un quart dans les deux tiers restans.
Gilbert Ducourthial fut marié deux fois. En premières
n oces, il avoit épousé Marie - Gabrielle de Villette. D e
ce premier mariage issut Gilberte D ucourthial, actuelle
ment épouse du citoyen Maignol.
A
�CM
E n 1 7 7 8 , Gilbert Ducourthial épousa, en secondes
n o c e s , M arie-Léonarde Cornudet.
Par une clause expresse de ce contrat de mariage , il
est dit que Gilbert D ucourthial, futur époux, instituehéritier du tiers de tous ses biens présens et à venir, l’un
des enfans qui naîtra du présent m ariage, et ce par préciput et avantage ; laquelle institution est faite en faveur
de celui ou celle que les futurs choisiront conjointement,,
par quelques actes que ce soit, ou qui sera choisi par le
survivant des deux futurs, auquel le droit en appartiendra
par clause expresse, aussi par quelques actes que ce soit;
et en cas que le choix rien ait pas été ¿fait, ladite ins
titution sera au projit de Vaine des m âles, s'il y a des
m â les, et s'il riy a point de m âles, au profit de îa în ée
des Jilies.
D e ce mariage sont issus trois enfans maies. Gilbert
Ducourthial est décédé depuis le mois de juillet 1793.
Marie-Léonarde Cornudet, sa seconde fem m e, étoit dé
cédée plusieurs années auparavant \ ni l’un ni l’autre n’ont
fait d’élection. Dans cette circonstance, lie fils aîné demande
s’il doit profiter des avantages qui lui paroissent assurés,
par le contrat dé mariage de ses père et mère.
L ’édit des secondes noces, de i 56o, qui ne permet pas
à ceux qui sé remarient, et qui ont des enfans d’un premier
lit, de se donner réciproquement au delà de la portion de
l’enfant le moins prenant, avoit lait naître des doutes à cet
égard: on craignoit sur-tout en droit écrit, qu’en faisant
de pareilles institutions, ce ne fût un moyen de frauder la
loi ; mais la dernière jurisprudence, fixée par difl'érens ar
rêts, dontl’un du 29 avril 1719 , et l’autre du 11 août 1 7 4 ^
�(
3
)
.............................................................
rapportes par Lacombe, est que de pareilles dispositions
sont valables. C’étoit aussi la jurisprudence de la ci-devant
sénéchaussée d’Auvergne. L e dernier commentateur de la
coutume, tome II, titre X I V , art. X X V I , page 3^4 >raP" *
porte une sentence du mois de juin 1773 , qui confirme uni?
institution d’héritier, en faveur des eufans à naître d’un
second mariage. A in si, en ne consultant que l’ancienne
jurisprudence, il est sans difficulté que l’exposant doit avoir
en préciput, le tiers des biens qui lui a été donné par le
contrat de mariage de ses père et mère : on dit en préciput,
parce qu’il est de principe qu’un don fait de cette riianière,
n’est pas sujet à rapport, même en ligne directe.
Les lois nouvelles ne font pas non plus obstacle à la récla«
snation des exposans: on peut même dire qu’elles décident
la question en sa faveur.
,
Il est vrai que d’après les dispositions des art. X X III et
X V II des lois du 17 nivôse et 22 ventôse de l’an 2, l’élection
laissée au choix de l’un des époux étoit nulle, si elle n’avoit
été faite que le 14 juillet 1789 et depuis, et que tous les héri
tiers présomptifs venoient alors par égalité ù la succession
de ci/jus.
Mais il ne peut plus être question de ces lois, non plus
que de celle du 5 b ru m a ire précédent, puisqu’elles ont été
annullées, quant à leur effet rétroactif, soit par la loi du
3 vendémiaire de l’an 4 , soit par la nouvelle constitution.
Il faut donc se référer au moment du décès de Gilbert
Ducourthial, à l’effet de savoir si h cette époque, il existoit
quelque loi qui put empêcher l’effet de la disposition faite
en faveuj* de l’exposant, par le contrat de m ¡r age de scs
père et mère : or, il n y avoit pas alors de loi qui eût prosA 2
�(
4
)
erit de semblables dispositions, et annuité des conventions
contractuelles, faute par l’un des conjoints d'avoir exercé
la facu lté d'élire, stipulée dans un contrat de mariage ; et il
n’y en a pas depuis, attendu l’abolition de FeiFet rétroactif
L a loi du 7 mars 1793, antérieure au décès de Gilbert
Ducourthial, abolit, à la vérité, la faculté de disposer de
ses biens, soit à cause de m o rt, soit entre-vifs, soit par
donation contractuelle en ligne directe; mais cette loi, dont
la défense n’est relative qu’aux dispositions futures, n’a
néantit pas les dispositions qui étoient déjà faites, etn ’o bligeoit point les père et mère à les révoquer : o r , ce n’est
point en vertu d’une disposition faite postérieurement à la
loi du 7 mars 1793, que l’exposant réclame le tiers des
biens dé son père, comme un don qui lui a été fait en préciput; il le réclame en vertu d’une disposition bien anté
rieure à la loi, en vertu drune disposition respectée et con
firmée même par les lois postérieures.
E n e ffe t, l’article p re m ie r de la lo i du 18 p lu viô se d e r
n ie r , p o r te : « L e s a va n ta g e s, p ré lè v e m e n s , p ré c ip u ts, d o -
* nations entre-vifs, institutions contractuelles, et autres:
«dispositions irrévocables de leur nature, légitimement
* stipulées en ligne directe avant la publication de la loi du
« 7 mars 1793 ? et en ligne collatérale ou entre individus
« non parenS', antérieurement à la publication de la loi du
* 5 brumaire a'n 2, auront leur plein et entier effet, con
ic formément aux anciennes lo is, tant sur les successions
* ouvertes jusqruà ce jour que sur celles qui s’ouvriroient à
« l’avenir
L ’avantage ou le préciput dont il s’agit, a été stipulé
dans un contrat de mariage, passé antérieurement à la loi
�du 7 mars 1793 ; à défaut d’élection de la part des père et
m ère, ces avantages étoient destinés au premier enfant qui
naîtroitdu mariage : il n’y a pas eu d’élection*, les père et
mère sont décédés avant les lois des 5 brumaire et 17 nivôse
de l’an 2 ; par leur décès, l’avantage s’est fixé et est devenu
irrévocable sur la tête du premier enfant mâle; il doit par
conséquent en profiter.
Le père ne pouvoit, dira-t-on, faire un choix postérieu
rement à la loi du 7 mars 1793, puisque cette loi prescrivoit l’égalité entre tous les enfans, dans l’ordre de succéder
à leurs ascendans, et on pourroit en conclure que la dis
position n’étant pas irrévocable de sa nature, ne peut sub
sister : mais cette objection n’est pas fondée, si Ton fait
attention que la loi de 1793 n’interdit que les dispositions
qui pourroient être faites à l’avenir ; qu’elle n’anéantit pas
celles qui existoient alors ; qu’elle valide, au contraire, ce
qu’elle n’annulle pas. ( A rt. X X V I de la loi du 22 ventôse ).
O r,l’avantage dont il s’agit, est assuré à l’exposant, non par
une disposition postérieure à la promulgation de la loi du
7 mars 1793; mais par une disposition bien antérieure, puis
qu’elle remonte au 14 mai 1778 : cette disposition n’ayant
été annullée ni par les père et mère, ni parla lo i, doit donc
avoir son effet, puisqu’elle est devenue irrévocable par les
décès des père et mère avant la promulgation des lois des
5 brumaire et 17 nivôse de l’an 2.
Cette résolution doit éprouver d’autant moins de diffi
culté , qu’elle a pour principe et pour fondement la dispo
sition de l’article 7 de la m êm e loi du 18 pluviôse dernier.
Cetarticle est ainsi conçu :
« Les élections d’héritier ou de légataire, et les ventes à
�(
6
)
« fonds perdu, qui ont été annullées par les art. XXlI et
« X X V d e la loi du 17 nivôse, à compter du 14 juillet 1789,
« sont rétablies dans leur effet p rim itif, si elles ont été
« faites par acte ayant date certaine avant la publication de
« ladite loi du £7 nivôse ».
Des termes de cette lo i, il résulte évidemment que les
élections d’héritier qui ont été faites antérieurement à la loi
du 17 nivôse, et non à celle du 7 mars 17 9 3 , doivent être
maintenues: ainsi, l’exposant étant saisi de l'effet de l’insti
tution par le décès de son p è re , arrivé avant la publication
de la loi du 17 nivôse, on ne sauroit lui contester légitime
ment l’avantage qu’il réclame.
D é l i b é r é à R iom le 14 germinal an
française une et indivisible.
5 de la république
T O U T T É E , T O U T T É E , GASCHON.
f
LE SOUSSIGNE qui a yu la consultation ci-dessus et
des autres parts ;
, que s’il n’est pas impossible de tirer des lois nou
velles , quelques inductions favorables aux enfans du pre
m ier lit de G ilbert D ucourthial, les raisons déduites dans la
E stim e
consultation ci-devant transcrite, doivent contribuer beau
coup à faire incliner en faveur de l’exposant. On pput même
ajouter aux raisonnemens delà consultation. En effet, en
supposant que par 1<; défaut d’élection, fait antérieurement
�(
7
)
à la loi du 7 mars 1793, la disposition ne se fût pas déterminément fixée sur la tête de l’aîné des mâles du second
lit, il est au moins une chose incontestable; c’est que le
contrat de 1778 lia irrévocablement les mains de l’insti
tuant respectivement aux enfans du premier lit. Par ce
contrat, il prescrit irrévocablement que les enfans du se
cond lit ou l’un d’e u x , emporteroient dans sa succession un
tiers des biens, par préciput et avantage sur les enfans du
premier lit. C est sous la foi de cette promesse irrévocable
de sa nature, que le second mariage fut accompli ; par
conséquent les enfans du premier lit, n’ont point le droit
d examiner et de critiquer la prétention de l’exposant.
L a loi du 18 pluviôse dernier, n’a attribué à tous les
enfans du même p è re , en se référant à celle du 7 mars
1793 j Que ce dont le- père n’étoit pas dessaisi déjà. Les lois
nouvelles n’ont pas p u , n'ont pas même entendu faire ,
plus que ne le pouvoit le père ; or ic i, de même que
Ducourtliial père ne pouvoit pas remettre l’égalité entre
tous ses enfans du premier et du second l it , de même les
lois nouvelles ne sauraient la rem ettre, sans avoir un effet
rétroactif.
D é l i b é r é ùR îom , le 14 germ inal an
française, une et indivisible.
5 de la république-
DE VAL.
�m ém o ir e a c o n su l t e r
ET C O N S U L T A T I O N .
J_ E citoyen Titus s'est marié deux fois ; il a eu de son
premier m ariage, avec dame Marie Laurette , une fille
nommée G ilberte, et de son second, avec Suzanne D ailly,
trois en fan s, Pierre , Jean et Jacques.
Par ce contrat de mariage , Titus a institué pour son
héritier du tiers de tous ses biens présens et à v e n ir, l’un
des enfans qui naîtroit dudit mariage , et ce, en préciput
et avantage ; laquelle institution étoit faite en faveur de
celui ou de celle que les futurs choisiroient conjointement,
par quelques actes que ce lu t, ou qui le seroit par le sur
vivant des deux futurs époux, auquel le droit en appartiendroit par clause expresse , aussi par quelqu’acte que ce
fû t; et dans le cas où le choix n’en ait pas été fait, ladite
institution profiterait à Tainê des mâles ; et s’il n y a pas
de maies , à l’aînée des filles. Telle est la clause portée par
ledit contrat qui est du 14 mai 1778.
L e père commun a marié sa fille unique du premier lit,
et par son contrat de mariage antérieur à la révolution,
il lui a constitué en dot une somme de 1 5,000 liv- 3payable
en cinq termes de 3,000 liv. chacun, de deux en deux
ons , sans intérêts qu’à défaut de payement terme par
terme î
�( 9 -V
.
^epne i;-et moyennant cette ¿constitution, il fut stipulé
q u ’elle demeureraitforclose dè.;lôütes succcssionsidirectes
et collatérales de l’estoc paternel, sous la réserve quil fit
de la rappeler <auxdites successions par quelquacte que ce
fû t : cet acte est de 1.783................. , a
.
;p
t - T itu s, père com m ua, est mort le 27. juillet 17 9 3 , l*
mère e$t morte avant, sans avoir fait de cliqix de l’un, des
eniàns, Il s’agit maintenant de'savoir , i° . :si -cette'Jinsti*
tuti( -, contractuelle.est valable en faveur des enfansldii
second lit,
ir î,> t *1_
• î\ j
-, •.juuiü .j.. i.j
a 0.' Si yen le supposant,n’y ayant paseu d’élection delà
part des père et m ère, 1c’est 1l’aîné mâle qui doit en pro
fiter; .
.. i •
• •;
. ... l'j'-- c . . [
30. Quels sont les droits delà fille du premier lit dans
la succession du père commun ? la forclusion prononcée
contre elle doit-elle avoir son effet ?
... Enfin , y ayant des enfanfc mineurs, quelle doit être la
forme du partage ? -.¿j
•;
• • > Jnu ù
.
.
CO N SULTATION.
L e C O N S E I L S OU S SI G NÉ',’qui a lu les deux
contrats de mariage dont il s’a g it,
E
stim e
1
, sur les questions proposées,
1°. Que l’inst;itution contractuelle, faite par un père dans
son second contrat de mariage au profit des enians à naître
d’icelui, est valable et doit avoir sou exécution.
B
�( IO }
Dans le principe, cette question a partagé les auteurs,
>et il paro ît qu’elle a été diversement jugée par les tribu
naux. ' '
r
"
*
v C e u x qui ont soutenu qu’elle étoit nulle, se sont fondés
sur ce que les enfans du second ,lit,, n’étaut encore Sus
ceptibles de la part de leur père et m ère, ni d’am our,
jiî de haine’, les dispositions que l’un des conjoints fait
«n leur)faveur., ne sont censées faites qu’en contemplation
de l’autrejcorijoint; on présume que, ne pouvant lui donner
directement au delà d’une portion d’enfant, l’on a voulu
éluderda loi par une disposition'indirecte, èt que d'après
l ’/*dit'Adüscáecorides, inoces ,'Ujon me p ou voit donner aux
pères, mères et enfans du second mari ou autres personnes
•parod0l etj fraude .'intérpaiés. :J‘ •»
i„„» •’
Une femme, dit Chabrol, qui ne peut pas profiter de
ces libéralités pour elle-même, n’a pas moins d’empressexnentûài’les procurer, à ¿es; enfans à naître; s’ils lui survi
ven t, ils ont ce que leur mère n’auroit désiré avoir que
p o u r e u x j et s’ils lui pr<5décèdent, elle peut retrouver
souvent', dans leur succession, les biens qu’elle leur a
-r
-- s
r ««
» f - **
procure?.^
Les partisans de cette opinion citent à son appui plu
sieurs arrêts: le prem ier, du mois de novembre i 588 ,
rapporté par Mo^tluolon., ,,
*
L e sècoàd qu’on trouve dans Soefve, du 18 juillet 1.645.
Un troisième recueilli par Brodeau sur L o u e t, L. Nsomm. 3 , du .3 août 1647.
.
1
quatrième ,!;qu’on ¡trouve au journal 'du .Balais ,
du 7 spptombre a 673.
1
Enfin ,1 cèlui connu saus :1e nom de Laparra, du 18
�mai 1736.,j rapporta .par l’Epine de GrainV[ille. Tous ,•
dit- on , ont an nulle des dispositions faites^en faveui- des
enfans à naître d’un second mariage.>
Mais si l’on se donne la peine d’entrer ten connaissance,
de cause de ces jugemens:, on s’aperçoit bientôt qu’iisi
sont rendus sur des circonstances particulières, et n’ont
aucune application à l’espèce qui se présente ici.
D ’abord celui de Montholon , d’après. Rousseau de
la C om be, n’a pas jugé la' question. « Il s’est trouve ,>
« dit-il, verbo Noces, qu’il,s’agissoit d?une donation faite.
« non à des enfans? d?un. second l i t , mais à des colla-?
ce .téraux. »
Celui de 1645 paroît avoir jugé qu’une mère remariée,
n’avoitpu donner aux enfans du second mariage ses meubles
et acquêts, et le quint de ses propres, au préjudice des enfans
du premier lit, dont la légitime n’avoji; cependant pasiété
blessée; mais indépendamment de l’injustice évidente qui,
paroît en résulter, il est rendu pour une coutume diffé
rente de celle-ci, où les pères et mères ne peuvent succéder
aux propres de leurs enfans.
Celui de 1647 se trouve dans-tous les recueils^ il fut rendu
consulhs classibus ,• il annulla une donation contractuelle,
faite au profit d’enfans à naître , par une femme qui se
remarioit \ m a is B ro d e a u , qui le premier l’a recueilli, dit
que cette donation étoit tout-à-fait extraordinaire, injuste
et barbare, étant faite à l’exclusion perpétuelle des enfans
du premier lit , au point qu’à défaut denians du second
lit, les collatéraux étoient appelés.
Il n’est pas étonnant qu’une pareille disposition ait été
«mnuUée ; i° . elle, étoit faite ab irato> et 20. comme l’obB 2
�serve Chabrol > il est évident que le lllari aVoit été le seul
objet de cette libéralité ; et cela est si v r a i, que la donation
c o n tra ctu e lle en contenoit une clause particulière, puis
qu’il y étoit d it, suivant Brodeau, qui le rapporte et qui
le connoissoit bien, puisque l’arrêt fut rendu sur le rapport
d e son gendre, « et au cas qu’il riy ait pas d’enfans y lesdits
* biens appartiendront audit sieur de Saint-M artin seul r
* qui étoit le futur époux , et au x sien s, sans que les enfans
« du premier m ariage, n i les héritiers de ladite fu tu r e y
a puissent rien prétendre n i demander, sinon que ladite
« G uilbou, si elle survit, auquel cas elle jouira desdites
« acquisitions sa vie durant seulem ent, et après retour« neront aux héritiers dudit sieur de Saint-M artin. »
L ’arrêt de 1673, a bien aussi annulléune donation faite
aux enfans à naître d'un second mariage; mais elle avoit
pour principal objet la fèmme ; c’est ce que soutenoit les
défenseurs des enfans du premier lit: « au f a i t particulier y
« disoient-ils, ainsi qu’on le lit dans les auteurs du Journal
« du palais , il est certain que la donation dont il s’agit, est
« moins faite aux enfans qu’à leur mère ; c’est le fruit de ses
« charmes et de ses caresses : la passion extrême qu’avoit
te pour elle le sieur de Tersam , a été colorée d’une affection
« apparente pour une postérité qu’il ne connoissoit pas, et
* qu’il ne pouvoit encore aimer. »
Cela est si vrai que Rousseau de la Com be, qui rapporte
aussi cet arrêt, verbo Noces, s’en fait un moyen pour prou
ver que les enfans communs, nés ou à naître, ne sont point
compris dans la prohibition, pourvu qii ils n aient servi
de prétexte pour donner au second conjoint.
E nfin, l’arrêt do 1738 de Laparra, a été rendu en pays
�..........................
( *3 )
cle droit écrit, où la mère succède à son enfant*, en sorte
que l'on pouvoit dire que la disposition ¿toit faite en fa
veur de la femme, puisqu’elle pouvoit en profiter.
Mais l’espèce qui nous divise est bien différente ; les
pai'ties et leurs biens étoient régis par une coutume qui
exclut les ascendans de la succession des descendans, et qui
donne la préférence aux collatéraux du centième degré
sur eux; ils ne peuvent succéder que quand il n’y a aucun
parent de la ligne. Cette coutume est même si contraire
aux ascendans sur le droit de successibilité ; qu’elle.rend
propre, pour l’empêcher, ce que toutes les autres coutumes
declarent acquêts, et ce que celle-ci rend acquêt pour tout
autre parent que les ascendans; ainsi il faut faire une grande
différence en matière d’institution contractuelle, en faveur
des enfans à naître d’un second mariage, entre le pays de
droit é crit, et celui de coutume.
Dans le prem ier, la seconde femme peut être l’objet de
la lib éralité d’un mari ; mais jamais elle ne peut le deve
nir dans le second, puisqu’elle ne peut succéder aux enfans
dudit mariage, ni aux descendans d’eu x, à moins qu’il n’y
ait aucun parent de la ligne ; et dès lors la p ro h ib itio n ne
peut plus exister , puisqu’il n’y 'a plus d’intéressd.
M ais ce n’est pas seulem ent avec des raisonn em en s tranchans qu’ on v e u t écarter les p ré ju g és que l’on vient de
discuter; la jurisprudence, en faveur de la validité de pa
reilles institutions, est irrévocablement form ée, soit par
les anciens arrêts qui ont jugé la question in termini's, soit
par les nouveaux; et la presqu’universalité des auteurs,
n’hésitent pas de la consacrer par leur opinion bien pro
noncée.
�c h .y
L e premier-arrêt qui ait admis l’institution d’héritier en
faveur des.en-fans a naître d un second mariage, est rapporté,
par C h opin , liv. 3., ehap. i ei‘. lit. 1er. sur ja coutume d'An
jou , en date du 7 septembre 1675.
L e second, du 19 juillet i 65g.} rapporté par Ricard
T r a it é des Donations, partie.3 , n°. 1243, et par l’au
teur du Journal du Palais, a confirmé une donation faite,
à des enfans à naître, par un troisième contrat de mariage:
c’est l’arrêt des Lagrange. On demandoit la réduction da
la donation, conformément à l'édit des secondes noces. La.
disposision fut confirmée pour le tout.
L e troisième,j ..se trouve au Journal des audiences,y sous
la date du 29 avril 1719 ; il fut imprimé-dans le temps. Il
a déclaré valable une institution contractuelle, faite en fa
veur des enfans à naître, par un second contrat de mariage,
par Jean Chaussard de Felletin, en Marche.
L e quatrième est intervenu le 11 août 1740, au rapport
de M. Bochard de Sarron. Il est rapporté par la Com be,
verbo Noces. Dans l’espèce de cet arrèt, Jacques de Gagnou
de. Vilène , lieutenant général des armées , âgé de soixantequinze ans , qui avoit un fils du premier litco n v o la n t en
secondes noces avec daine Claude-Antoinette Dassé, avoit
donné aux enfans de ce futur mariage tout ce que la coutume
du Maine lui pennettoit de donner à ses enfans- puînés. L a
donation a été confirmée eu faveur des enfans du second
mariage , quoique la dame Dassé eût la gajxle-/toble de
jîes cîïfans.
Rousseau de la Combe annonce en thèse générale, que
celui qui sq remarie, peut donner à ses en fans du second lit;
et qu’il faut tenir pour constant que les enfans communs,
�( * 5' )
nés ou à naître, ne sont p a s compris dans la prohibition
pourvu qu’ils n’aient pas servi de prétexte pour donner
au second conjoint; mais que quand c’est la femme qui
sè remarie en pays de droit écrit ,1a donation est suspecte,
à cause de la puissance paternelle.
En effet, les lois romaines, ni l’édit des secondes noces,
n’ont pas défendu les donations des pères et mères, en
laveur de leurs enfans communs ; et comme c’est une loi
pénale, on ne peut pas l’étendre d’un cas ù un autre ; il
faut au contraire la restreindre, sur-tout quand elle est
■une exception au droit commun. T o u t le monde eonnoît
•les motifs qui donnèrent lieu dans le temps à rendre l’édit
des secondes noces. C’étoit une dame d’Âlègre , qui avoit
sept enfans de son premier m ariage, et q u i, en se rema
riant , avoit donné presque tous ses biens à son second
mari. Cette loi prohibitive est donc une exception au droit
commun qui permet de faire la condition d’un enfarft
meilleure que celle de l’autre ; elle a été introduite par dès
considérations d'honnêteté publique, qui ne peuventavoir
pour objet les enfans communs des deux époux.
« Il seroit étrange, » disoit l’auteur du J o u r n a l dù palais,
daus la cause jugée par l’arrêt de 1673, «que les législa'« teurs q u i se sont p a rticu lièrem en t attachés à former des
« obstacles au x secondes noces , n’eussent point parlé des
•«enfans, s’ils eussent prétendu les comprendre dans la
« prohibition ; mais ils n’avoient garde de penser à eux ; il
« y en a deux raisons sans répliqué. »
«La première est, que ce sont des sujets innocens que la
«loi doit protéger, puisque, autorisant les secondes noces,
« elle laisse par une conséquence nécessaire, les enfans qui
.
�( i6 )
« en naissent, clans la possession du droit commun ; c'est-àa d ire , q u e comme ces enfans né sont pas encore au monde,
« et n éanm oin s-y doivent venir par une voie légitime > la
« loi ne peut pas avoir pour eux de l’indignation, qu’elle ne
r fonde jamais que sur un démérite naturel ou moral.
« La seconde raison est, que l’ordonnance ne peut com
te prendre les enfans communs dans la .prohibition, que par
ce les mêmes motifs quiy ont donné lieu, savoir, en faveur
« de l’honnêteté publique, et par la crainte de la suggestion ;
et mais il ne se rencontre rien de tout cela dans la qualité
a innocente des enfans, et sur-tout dans des enfans à naître,
* qui n’ont que le suffrage de la nature qui parle pour eux.
« Il ajoute que presque tous les docteurs avoient décidé,
« que la loi hcic ed icta ti , et l’édit des secondes noces, ne
« concernent point les enfans communs.
« Car d’opposer que les enfans à naître ne peuvent avoir
« excité la libéralité des pères et mères, par leur mérite, par
* leur sexe, ou par quelques autres qualités; c’est ignorer
« que les enfans étant la fin du mariage, il est assez naturel
ce que leurs pères et mères pensent ¿\ eux avant leur nais« sance , et qu’ils se les représentent, comme s’ils étoient
« effectivement nés; de là vient que dans les clauses des
ce contrats de m ariage, les enfans ù naître ont ordinaire"
et ment la meilleure part, »
Brodcau sur L ouet, lettre N , somm. 3 , n°. 12 , a traité
également cette question: et Aucuns de nos docteurs fran
ç a i s , dit-il, tiennent que la prohibition de l’édit des
« seconds noces a lieu , non seulement ù l’égard des con« joints, mari ou femme , mais encore des enfans du
« prem ier ou du second m ariage........Mais néanmoins il
« est
�« est indubitable , que cela ne doit avoir lieu qu a Tegard
¡k des enfa n s du prem ier lit de l’un des conjoints, qui
«sont censés et réputés une seule et m ê m e personne avec
« leurs père et mère , el qui est dans la prohibition de l'edit
« et non des enfans communs issus de leur m ariage, qui
« sont capables de recevoir toutes sortes à!avantages,
« s a lifia légitime aux enfans An premier l i t , si la coû
te tnme ne dispose du contraire; la présomption naturelle
« étant que la m ère faisant la donation , est plutôt portée
« par l’affection de ses enfans que de son mari ; ou si elle
« le considère, c’est comme père, et non comme mari.
Cujas sur la loi hâc edictati, inprincipio cod. de secundis
jiuptiis, q u e B ro d e a u r a p p o r te , d écid e cette q u estion dans
les term es les plus form els : «
■potest vidua dare, non p?'o« vigno sedfdio cornmujii, nato ex secundis nuptiis : licet
« sit eadem ratio , non tamen idem ju s , q u ia jilio com« muni ut donet mater naturalis affectio f a c i t provigno
« ut donet noverca, maritalis ajfectus f a c i t , non certè
« novercalis,* provignum non semper accipiam pro percc sona supposita, sed excogitatamfraudent edicto inspi« cabor in provigno , non in f li o communi. »
B ro d e au cite les d eu x arrêts de i 5ç)5 et de 1 6 2 6 , q u i
o n t co n firm é de pareilles donations.
L e b r u n , traité des successions , liv. 2 , ch ap . 6 , sect.
distinction 2, est du même avis: « L e second conjoint, dit« i l , est la première personne prohibée , et nulle autre ne
« fest qu’à cause de lu i......... O n demande si les enfans du
« second mariage sont compris dans cette prohibition et il
« semble qu’ils n’y sont pas compris: car, si d'un côté on les
« considère comme les enfans du second con join t, de l’au»
G
�C 18 )
« tre, on les peut regarder comme leS enfans de celui qui a
« passé en secondes noces, et comme des objets légitimes
« de ses libéralités ».
« Si les enfans decelui à quiil est défendu de donner, sont
« dans la prohibition ; aussi rien n’est plus légitime que de
« donner h ses propres enfans......... Il faut prendre en
« toutes choses, autant qu’il est possible, l’interprétation;
« la plus favorable; o r , il est bien plus favorable de dire
cc que ces donations se font par la charité du sang, que
« de dire que c’est par l’effet des suggestions.. . . Aussi nos
cf docteurs, entr’autres M . Cujas, sur la loi hâc edictati,
« cod.deseciind. nupt. ayant agité la question, ont été d’avis
« que ce cas n'étoit pas compris dans l’édit ; ce que j’estime
« devoir avoir lieu, pourvu que les enfans n’aient pas
« servi de prétexte pour donner au second conjoint. S i
« color non jfuerit quœ situs, comme dit la loi item s i y r
uff. de sénat. Mace.d. et particulièrement pour l’espèce
• la loi suspitius 4 9 , j f . de donat. item s i color v eî
« titulus, ut sic dixerim , sic donationi quœsitus , n ih il
« valebit traditio ,* id e s t, si hoc exigit uxor, ut aliquid
« ex ea re intérim commodisentiret m antus ».
Lebrun dit ensuite que la donation faite par une femme
qui se remarie en pays de droit écrit est suspecte, parce
qu’en donnant aux enfans de son second mariage, elle
donne à son second mari, à cause de la puissance pater
nelle; mais que hors ce cas particulier, les donations
fa ite s aux enfans com m uns, ne sont pas réputées com
prises dans fédit.
E nfin, le dernier commentateur de la coutume d’A u ver
gn e, traite aussi cette question dans le plus grand détail,,
�( 19 )
et après avoir rapporté les arrêts pour et contre que nous
avons cités, il dit que la dernière jurisprudence -parait
décisive pour la validité de ces dispositions.
« Les arrêts, dit-il, de 1719 et de 1740 j on*:
jUl^s*
te prudence, et celui des Laparra de 1736 ne la détruitpas,
» puisqu’il est dû à la circonstance particulière du choix
« laissé à la seconde femme ; elle est sur-tout favorable
« dans cette coutume où les père et mère ne peuvent
« pas succéder à leurs en fa n s, même dans le mobilier
« venu des successions et donations en ligne directe, et
« oùles dispositions en faveur d’enfans à naître sont assez
« fréquentes ; l’édit des secondes noces, en déclarant les en« fanspersonnes prohibées, ne s’entend que des enfans déjà
« nés des conjoints , avec qui le mariage se contracte , et il
« suffit que la disposition puisse s'appliquer à d’autres causes
« que riinpression du conjoint, pour qu’elle doive avoir
« tout son effet. On doit plutôt rapporter la disposition à
« des motifs purs qu’à des causes illégitimes, quand ils se
« combattent. Il est difficile d’ailleurs de concevoir, com« ment un second mari pouvant profiter directement au
«moins d’une portion d’enfant, selon l’édit, ses enfans
«a naître seroient dans une plus grande prohibition que
« lui. Il nous semble donc que la règle générale est pour
« la validité de la disposition , saiif les exceptions légitimes
« dans des cas où il est visible que le donateur n’a eu d’autre
« motif que l'impression et la suggestion du nouveau con
te joint ou la volonté de l’avantager lui-même.»
Ainsi donc , il faut tenir pour constant que la disposition
du tiers de leur fortune, faite par les père et mère du
consultant dans le second contrat de mariage du premier
C 2
�(20)
en faveur de l’aîné des mâles à défaut de choix, est inat
taquable. Ce n’est pas la mère qui se remarioit, c’est le
père. La mère ne pouvoit profiter directement ni indirec
tement delà disposition, puisqu’en cette coutume, ni l’un
ni l’autre ne pouvoîent succéder à leurs enfans au préjudice
de la ligne collatérale : la puissance paternelle n’étoit ici
pour rien, puisque la femme n’avoit pas d’autres enfans,
et que par conséquent elle ne disposoit pas à leur préju
dice. Enfin il ne se rencontre dans l’espèce aucun prétexte
pour annuller une disposition permise dans tous les temps 5
les enfans du second lit n’ont pas servi de canal pour avan
tager l’un des conjoints, puisque dans aucun cas, ni l’un ni
l ’autre ne pouvoit leur succéder. Il ne s’agit pas ici d’ailleurs
d’une disposition universelle; mais seulement du tiers de
la succession au profit du mâle et au préjudice seulement
d’une fille du premier lit, avantage habituel que toutes
les familles faisoient au profit des mâles , à l’exclusion des
filles que la loi déclaroit forcloses, quand elles étoient
mariées par père et mère»
T o u t concourt d o n c , on le répète, à rendre cette dispo
sition inattaquable. Le droit d’é lire, accordé au survivant,
dans le cas où il n'auroit pas été exercé du vivant du prédé
cédé, ne changcrien a cette décision, parce qu’il n’en résultoit au profit de la femme aucun avantage, puisque d’ailleurs
elle pouvoit mourir la première, ce qui est réellement
arrivé , et que sa survie ne l’auroit pas rendue plus parti
cipante de la disposition du mari.
I» y a même plus, c’est que , sans les nouvelles lois, le
consultant n’eri auroit pas moins exclu sa sœur du premier
lit, parce qu’elle éloit forclose, moyennant la dot à elle
�( M \
constituée, et qu’elle ne pouvoit venir à la succession de
son père sans y être rappelée \ et si les nouvelles lois ont
produit cet effet, l’on ne peut rien conclure de cet événe
ment qui ne peut être rétroactif, contre la disposition anté
cédente qui a transmis a l’aîné mâle du second l it , une
Buccession qu’il auroit eue dans les anciens principes, sans
le secours de la disposition.
S e c o n d e
Q u e s t i o n .
N y ayant pas eu d!élection, tous les enfans du premier
et du second l i t , doivent-ils profiter de la disposition f
ou appartient-elle à Taîné mâle ?
Cette question peut avoir été controversée dans les temps
voisins de la loi du 17 nivôse an 2 , dont l’effet rétroactif
avoit tourné les têtes ; mais elle ne peut pas en faire une
aujourd’hui.
L art. X X III dit bien que dans le cas où un époux dé
cédé , (f avant ou depuis le 14 juillet 1 7 8 9 , auroit conféré
»au conjoint survivant, la faculté d’élire un ou plusieurs
« h éritiers dans ses b ie n s , l’ é le c tio n , si elle n’a eu lieu que
« le 14 ju ille t 178 9 o u d e p u is , d em eu re n u lle et de nul
« effet; et tous les h éritiers p ré so m p tifs, au préjudice dés
ir quels elle auroit été faite,sont, nonobstant toute exclu« sion, appelés à partager la succession de la même manière
* et par les mêmes règles que celles ouvertes depuis et
« compris le 14 juillet 1789. » .
L ’article suivant,porte : « Tous actes portant institution
« nominative d’un héritier, néanmoins subordonnéaau cas
�« où un tiers ne disposeroit pas autrement des biens com
te pris en la même institution , sont nuls et de nul e iïe t, à
«dater du 14 jui^ct *789, si à cette époque le droit dé
« l'institué n étoit pas devenu irrevocable, soit par le décès
« du tiers, soit par transaction authentique passée avec lui. »
Mais, i° . cette loi ne peut avoir d’effet rétroactif; les
lois des 9 fructidor an 3 , 3 vendémiaire an 4 , et 18 plu
viôse an 5 , ont confirmé toutes les dispositions irrévocables
de leur nature, faites avant la publication de la loi du 7 mars
*793>^u^a défendu toute espèce d’avantage en ligne directe,
ainsi que les élections faites avant la publication de la loi du
17 nivôse an 2.
L ’article V II de la loi du 18 pluviôse an 5 , porte :
« Les élections d’héritier ou de légataire, qui ont été
« annullées par l’article X X III de la loi du 17 nivôse
« an 2 , à compter du 14 juillet 1789, sont rétablies dans
« leur effet prim itif, si elles ont été faites par actes ayant
« date certaine avant la publication de ladite loi du
« 17 nivôse, »
Ainsi a disparu l’effet rétroactif et désastreux de cette
dernière loi.
Dans l’espèce particulière, la succession s’est ouverte
avant cette loi. La mère est morte avant la r é v o lu tio n ,
.et le père, le 27 juillet 1793 * la loi du 17 nivôse n’a
donc pu avoir aucune influence sur cette succession ; il
faut juger l’institution dont il s’agit, par les anciennes
lois qui la donnent à l’aîné mâle.
L ’on n’a pas oublié qu’à défaut d’élection , c’étoit lui
qui étoit appelé à la recueillir; et la mort du père, sans
l’avoir faite, équivaut ù un acte qui la coiitiendroit.
�( 23 )
• Ces principes anciens n’ont point été altères par les
nouvelles lois, parce que la succession s est ouverte avant
et dans un temps utile ; et on peut d’autant moins les
révoquer en doute, qu’ils sont attestés par tous les auteurs,
et sur-tout par Ricard, traité des donations , partie i re*>
chap. 3 , section 12, n°. 672 et suivans. Cet auteur traite
la question de savoir si les legs laissés à la volonté d’un
tiers, sont valables, et il distingue entre ceux qui dé
pendent absolument de la volonté de ce tiers pour les
faire subsister ou les annuller, et ceux dont le choix du
légataire dépend seulement de ce tiers,comme dans l’espèce.
« Le premier exem ple, d it - il, est au cas que l’électiorr.
c< qui est laissée à un tiers par le testateur, ne regarde
« pas la substance du legs qui est certain et fait au profit
« de quelqu u n , mais seulement le ch o ix de la personne
« entre un certain nom bre, ou de la chose léguée entre
« plusieurs choses qui sont désignées, ou du temps ; et
« pour lors le legs est valable. N ec enim in arbitrio
« ejus qui rogatus e s t, positum est om n ino, an velit
« restituere , sed qui potiùs restituât. »
En conformité de cette opinion, il a été jugé à l’au
dience de la grand’chambre , par arrêt du 18 mai 1687,
que ce n’est pas laisser à l’arbitrage d’a u tru i , quand le
testateur, après avoir fait un legs constant et déterminé y
laisse à la volonté de son héritier de choisir entre les
personnes désignées : cet arrêt est rapporté dans le journal
des audiences.
« Ricard ajoute que l’expérience a fait connoître que
« ces sortes d’institutions étoient d’un usage fort fréquent
« au marnent où il écrivoit, particulièrement dans le-
�( h )
pays de droit écrit, où les maris et femmes ont coutunie de se déférer entreux cet honneur, de laisser
au survwant la liberté} de choisir un héritier universel entre leurs enfans j ce qu'ils pratiquent par le
principe d'une sage p olitiqu e, cl afin de transmettre
toute la puissance entre les mains de celui q u i survit,
tt lu i conserver, par ce m oyen, le respect de ses
enfans. »
L on volt donc que les principes anciens valident l’instilution dont il s’agit.
Les mêmes principes veulent que si l’auteur de la dis
position avoit prévu le cas où le tiers, chargé d’élire,
ne feroit pas de ch o ix , et s’il avoit nommé lui - même
éventuellement un des éligibles pour recueillir sa dis
position , i\ défaut d'autre ch o ix , sa nomination condi
tionnelle et éventuelle devenoit pure et simple par l’ex
tinction du droit d'élire, ou par la mort du chargé de
cette élection, sans l’avoir faite. .
>
E nfin, les nouvelles lo is, au lieu de contrarier les1
anciennes sur ce point , ne font que les confirmer ; la loi
du 17 nivôse avoit bien annullé toutes les dispositions de
ce genre, antérieures au 14 juillet 1789; mais l’on a vu
que l’article V II de celle du 18 pluviôse an 5 , avoit
rétabli toutes celles faites par actes ayant une date certaine
avant la publication de la loi du T7 nivôse : ainsi l’élection
auroit pu valablement être faite ju sq u e -là , et par la
même raison, l’aîné maie avant été désigné pour la
recueillir, à défaut d'élection d’un autre , doit en profiter,
comme s i, avant sa m ort, le père l’eût choisi de nouveau.
Nous trouvons encore cette question décidée dans un
rapport
«
«
«
«
ce
«
»
»
�f 25 5 . .
- ,
■
■'nppott fait au nom d'une commission, pat* le citoyen
•Bergier, le 13 ventôse an 7 ; un article du projet de
•résolution par lui présenté, porte.que si-l’auteur de la
•disposition avoit prévu le cas de non-élection de la part
du tiers qu’il en avoit chargé, et s’il avoit nommé un
héritier ou légataire pour recueillir à défaut d'autre choix,
sa nomination , conditionnelle dans le principe , est de
venue pure et simple par l’extinction du droit d’élire ,
et l’ héritier ou légataire spécialement nommé pour le cas
p ré v u , a recueilli seul h bénéfice de la disposition.
En dernière analise, on ne voit pas pourquoi la fille
du premier lit viendroit contester au consultant ce foible
avantage; car quand le défaut d’élection le lui auroit
enlevé, ce qui n'est pas même proposable, elle n’en seroit
pas plus avancée, parce quelle n’en profiteroit pas, mais
bien les enfans du second l i t , parce qu’étant seuls ins
titués et seuls éligibles, le défaut d’élection ne profiteroit
qu’à e u x , et non à la fille du premier lit qui n’étoit pas
dans cette classe.
ST r o i s i è m e
III.
Q u e s t i o n .
Quels sont les droits de la jille du premier lit ?
Cette fille a été forclose par son contrat de mariage*
mais la loi l’a relevée de cette forclusion. Le père n'est
mort qu'en juillet 1793; à cette époque, la loi du
8 avril 1791 et celle du 4 janvier 1793, avoient frappé,
«t elle est appelée à recueillir, en rapportant ce qu’elle
D
�à reçu , sa portion des deux tiers de la succession ah
‘in testa t, qui seront divisés entre tous les enfans par
égale portion : cela ne peut pas faire de difficulté. Elle
rapportera aussi la moitié de son trousseau ; mais ce qu’elle
prendra dans la succession sera dotal, parce qu’une clause
qu’on trouve à la fin de son contrat, porte que tout ce
qui lui échoira' sera dotal j si elle ne peut pas les rap
porter , elle prendra m oins, et lès autres héritiers feront
les prélèvemens de d ro it, de manière que l’aîné maie ait
la moitié de toute la succession paternelle, et les trois
autres, par égalité, l'autre moitié : chaque lit prélèvera
aussi, avant partage, la dot de la m ère, et chacun sup
portera, au prorata de son1émolument , lés autres dettes
de la succession. Exemple : supposons la succession du
père de -230,000
y compris le rapport des i 5,ooo
la portion de l’aîné maie sera de 1 1 5,000
parce que
le tiers de 230,000 & est de 76,666 ^ 13 ^ 4
et que
le quart, dans le surplus, est de 38,333 ^*6^8
en sortô
que la fille du premier lit, conservant les i 5 ,ooo
argent,
n’aura plu s, en b ien s-fon d s, que 22,333
8
Comme les deux enfans puînés du second lit sont mineurs,,
le partage doit être fait en justice, et provoqué par un
majeur ; il ne pourrait avoir lieu sans cela.
DÉLIBÉRÉ à Clermont-Ferrand , le 19 nivôse an 9.
;
B O Y R O T , D A R T I S - M A R C IL L A T ■Je suis du même avis, et-par les mêmes raisonsP I C O T -L A C O M R K
�( v j.y L e soussigné, qui a lu la consultation cl "dessus, est
du même avis *, les motifs qui lui servent de fondement
sont trop anvpleroent discutés dans oetteconsultation, pour
qu’il soit nécessaire d’y rien ajouter. Ce qui est décisif
en faveur du consultant, c’est que sa mère avoit prédécéde
son père, et que celui-ci est décédé le 28 juillet 1793>
et qu’ainsi son droit à l’ institution étoit acquis avant la
loi du 17 nivôse an 2,(
D é l i b é r é à R io m , le 12 pluviôse, an 9 de la ré -i
publique.
TO U TTÉE.
L e soussigné est du même avis sur tous les points, et
par les mêmes motifs.
D é l i b é r é à R io m , ,1e 2 ventôse, an 9 de la répu
blique.
PAGÈS.
L e soussigné est du même avis, par les mêmes m otifs,
en ajoutant que cette question ne peut être décidée que
par les principes de l’ancienne législation , encore ca
vigueur à l’époque de l’ouverture de la succession.
L e zz ventôse an 9 .
M A U GUE.
�Q U E S T I O N S PROPOSÉES.
G i l b e r t D U C O U R T H IA L , veufde Marie de Vîllette,.
contracta un second mariage le 14 mai 1778; il avoit'
une fille unique d’un premier mariage.
T ro is enfans sont issus du second.
Gilbert Ducourthial est décédé le 27 juillet 1793 ; sa
seconde femme étoit morte avant lui.
Les quatre enfans des deux lits ont survécu et vivent
encore.
Il s'agit de régler leurs droits respectifs sur la succes
sion de leur père commun.
Jean-Baptiste-Gilbert Ducourthial de Lassuchette, fils
aîné du second l i t , croit avoir droit de prendre, dans
cette succession, un fiers en préciput et avantage sur ses
co-héritiers, et de partager avec eux les autres deux tiers
par égalité ; ce qui lui attribueroit la moitié de la suc
cession entière ; il fonde sa prétention sur la clause du
contrat de mariage en secondes noces, de G ilbert, son
p è re , du 14 mai 17 78 , dont la teneur suit :
<r Ledit............futur ép o u x , en faveur du présent
« m ariage, a institué et institue héritier du tiers de tous
« ses biens présens et à ven ir, Tun des enj'ans qui naîtra
« du présent mariage , et ce par préciput et avantage *
« laquelle institution est faite en faveur de celui ou celle
k que les futurs époux choisiront conjointement, par
�2
9
)
« quelques actes que ce so it, ou qui sera choisi par ie
« survivant des deux futurs, auquel le droit en appar«• tiendra, par clause expresse, aussi par quelques actes
k que ce soit ; et en cas que le choix rüen ait pas étéf a i t ,
« ladite institution sera au profit de Vainé des m âles,
« s’il y a des mâles , et s’il n’y a point de m âle, au profit
« de l’aînée des filles. »
Gilbert D ucourthial et sa seconde épouse sont décédés
l’un et l’autre, sans avoir fait d’autre choix entre leurs
enfans com m uns, pour recueillir l’effet de l’institution
portée par cette clause, que le choix conditionnel qui
y est contenu enfaveur de Vainé des m âles, en cas qu’il
n’en fut pas fait d'autres.
En cet état, le citoyen Lassuchette, fils aîn é, e st-il
fondé à soutenir,
i° . Que Gilbert D ucourthial, son p è re , a pu vala
blement avantager, par son contrat de mariage en secondes
noces, Vini des enfans à naître de son second mariage,
du tiers de ses biens en préciput?
2°. Que Xindétermination de l’institué, à élire entre
tous les enfans à naître du second mariage, ne vicioit pas
la disposition ?
3°. Qu’elle n’ëtoit pas viciée non plus par la circonstance
que la seconde fem m e devoit concourir au choix de cet
héritier, dans le cas où il seroit fait du vivant des deus
époux, et même de l’élire seule, si elle avoit survécu ?
40. Que l’élection de l’aîné des mâles, faite dans l’acte
même qui contient l’institution , pour recueillir éven
tuellement, et dans le cas, qui est arrivé, où il n y auroit
pas d’autre choix , étoit également une disposition valable
�( 3° )
dans le p r in c ip e , ci; quelle aoit produire son plein et
entier effet, nonobstant la révocation des dispositions de
ce g e n r e , prononcée par les articles X X III et X X I V
de la loi du 17 nivose an 2 , postérieure de cinq mois
au décès de Gilbert Ducourthial ?
5°. E n fin , que le décret du 7 mars 1793 , qui avoit
interdit tous avantages en ligne directe, quelques mois
avant le décès de Gilbert Ducourthial, n’est pas un obs
tacle non plus à ce que le citoyen Ducourthial fils aîné
profite d une disposition en préciput, qui a sa source dan9
un contrat de mariage antérieur de plus de quatorze ans
à ce décret.
Opi?iions du Conseil sur les questions proposées.
L a première observation à fa ir e , pour résoudre les
questions proposées avec justesse et précision, est qu’il
ne s’agit point de régler le partage d'une succession
ouverte depuis la loi du 17 nivôse an 2 ; mais d’une
succession ouverte près de six mois avant cette loi, dès
le 27 juillet 1793.
Seconde observation. L a rétroactivité de la loi du
17 nivôse, qui remontoit en arrière pour régler des
successions et des dispositions ouvertes depuis le 14 juillet
1789, fut rapportée par les lois des 9 fructidor an 3 ,
trois vendémiaire an 4, 18 pluviôse an 5 ; elle ne doit
plus en conséquence avoir d’application qu’aux successions
ouvertes depuis sa publication. Les droits acquis avant
celte époque, sont maintenus, consacrés, inviolables.
Troisième observation. Le sort de l'élection faile par
�( 3 0 #
le contrat de mariage du 14 mai 1778 , du cit. Ducourr
thial - Lassuchette, fils aîn é, pour recueillir le tiers de
la succession de son père en préciput, dans le cas ou
aucun autre des éligibles ne seroit choisi par ses père et
m ère, ou par le survivant des deux, avoit été invaria
blement fixé ayant la loi du 17 nivôse, par la mort de
ses père et mère ,* car le décès du survivant avoit éteint
sans retour la faculté qu’ils avoient pendant leur v ie , de
le déchoir da cet avantage.
De ces trois observations préliminaires, résulte la con
séquence , que ce n’est point par la loi du 17 nivôse,
que doivent se décider les questions proposées ; mais
■uniquement par les lois antérieures.
Raisonnons maintenant d’après ce point de départ:
i ° . L ’aveuglement seul pourroit révoquer en doute la
valid ité, sous le régim e ancien, des donations de biens
présens et à v e n ir, des institutions contractuelles, et de
toutes autres dispositions éventuelles faites par contrat
de m ariage, en fa v e u r des erfans à naître du mariage y
tant elle étoit disertement prononcée par les ordonnances
de 1 7 31 , art. X V I I et X V I I I , et de 174 7, art. X II.
On ne sauroit non plus m é c o n n o ître la cap acité des
enfans d’ un second m a r ia g e , p o u r r e c e v o ir de pûreillcs
dispositions et en p r o fit e r , en avantage sur les enfans du
premier lit, dans les pays où le statut permettoit en général
au père de famille d’avantager un ou plusieurs de ses
enfans, sur les autres, sans distinguer les lits ( comme en
Auvei’gne, où étoient situés les biens de G ilb e rt Ducourth ial,)et sans accorder de privilège aux enfans du premier
mariage,, sur ceux du second.
�. ( 3a' ) .
La seconde fem m e, il est v r a i, n’auroit pu être vala
blem ent instituée par son m ari, que pour succéder à une
' p a r t (Tarifant \ mais son incapacité,relative et limitée ne se
communiquoit point à ses enfans à naître ; et leur aptitude
personnelle à recevoir de leur père tous les avantages
permis entre enfans en gén éral, ne fut jamais mise eu
question; on avoit seulement prétendu autrefois que les
avantages faits dans un contrat de mariage en secondes
noces , aux enfans qui naîtroient du m ariage, étolent
prohibés, lorsqu'ils étoient excessifs, comme ceux qui
seroient faits h la seconde femme elle-même , parce qu’ils
étoient inspirés par la même séduction.
Mais ce système ombrageux a perdu tous ses partisans,
depuis que les arrêts du parlement de Paris, des 19 avril
1719 et i l août 1740 (1 ), ont ramené à la raison et aux
principes sur cette question. On ne voit plus, dans les
avantages faits par contrat de mariage eu secondes noces,
aux enfans à naître du mariage, que çe qui y est véri
tablement; je veux dire un acte de prévoyance trèsnaturel, très-favorable et très-sage des familles, qui, ne
voulant pas abandonner aux hasards de l'avenir le sort
des enfans à naître du mariage, s’occupent de l'assurer A
l’avance, et en font une des conditions du mariage. La
société est intéressée au maintien de stipulations si rai
sonnables, sous la foi desquelles les mariages se contracleut,
pt sans lesquelles ils ne se seroient pas contractés. Ne soyons
(1) Ils sont rapportés dans le recueil des arrêts notables do
la C o m b e .
donc
�donc pas surpris si tous les suffrages ?e sont reunis, depuis
soixante an s, pour en proclamer la validité.
D ’un autre cô té, il ne faut pas perdre de vue la mo
dération avec laquelle Gilbert Ducour thial use de la
faculté d'avantager l’un de ses enfans à naître du second
lit ; il ne lui destina que le tiers de sa succession en préciput; c’est-à-dire, deux quinzièmes seulement de plus que
la part d’enfant dont la seconde femme auroit pu être
gratifiée elle-même par l’événement.
Cette modération est la preuve de la sagesse qui inspira
le don. La passion est prodigue sans mesure, parce qu’elle
est un délire. Des dispositions modérées ne sauraient donc
en être le fruit.
Concluons que les considérations particulières se joi
gnent ici aux principes généraux, pour ne laisser voir
dans l’institution faite par Gilbert Ducourlhial en faveur
d un des enfans à naître de son second mariage, qu’une
disposition dont le principe fût légitime et pur. Nouveau
motif pour les tribunaux d'en ordonner l’exécution sans
hésiter.
a°. Mais on semble prétendre que l’institution dont il
s agit étoit vicieuse dans sa forme , en ce que rinstitué
etoit indéterminé , et que sa désignation avoit été subor
donnée à un choix futur.
Ce moyen pourrait être de quelque considération, s’il
s’agissoit d’une disposition postérieure à la loi du 17 nivôse
an 2, qui a aboli pour l’ avenir les dispositions dont l’ap
plication seroit laissée au choix d’un tiers.— Mais il s’agit
ici d’une disposition faite en 1778. O r , à cette épo
que, loin que les donations et institutions électives fussent
E
�( 34 )
•prohibées, la validité en étoit expressément consacrée par
les articles L X I I , L X III, I jX IV , L X V e tL X V I de l’or
donnance de 1735, sur les testamens, et par celle du mois
d’aout 1747 sur les substitutions, art. XII.
Enfin, les articles X X IIIe t X X I V de la loi du 17 nivôse
an 2 , rapprochés de l’art. V II de celle du 18 pluviôse
an 5 , lèvent tous les doutes; car le résultat du rappro
chement est la confirmation des institutions subordonnées
à une élection, lorsque le droit de l’institué élu étoit
devenu irrévocable par le décès de la personne qui avoit
droit d’en élire une autre, avant la publication de la loi
du 17 nivôse an 2 : o r, l’institution dont le citoyen D ucourthial-Lassuchette réclame l'exécution, est dans ce casr
puisque son père et sa m ère, qui auroient pu révoquer
le choix qu’ils avoient fait de leur fils aîné pour recueillir
le tiers des biens de Gilbert D ucourthial, l’un d’e u x , et
choisir un autre de leurs enfans pour recueillir à sa placer
ctoient décédés l’un et l’autre bien avant la loi du 17
nivôse an 2.
30. Mais on insiste et l’on dit : A la bonne heure l’insti
tution conditionnelle et subordonnée à un choix éventuel,,
dont le citoyen Ducourtliial-Lassuchette veut tirer avan
tage, n’étoit pas vicieuse dans son essence ; mais elle l’étoit
par la circonstance que le disposant avoit conféré à sa
seconde épouse le droit de choisir entre ses enfans, celui
qui recueille! oit le tiers assuré en avantageau second lit. Ce
droit d’élire lui offroit une perspective éventuelle, qui
pouvoit lui ouvrir des chances pour faire tourner le-don
à son p ro fit, quoique personne prohibée; et Ton cite en
faveur de cette subtilité systématique, l’exemple de ce qui
�(35)
■
r-
r
fut jugé par l’ arrêt rendu entre la veuve et les enlans
Laparra, le 18 mai 173^*
La réponse est facile et tranchante. L ’arret de Laparra
fut un arrêt de circonstances. L ’institution élective q u iï
annulla , étoit universelle , et réduisoit les enfans du pre
mier lit à leurs simples légitimes de rigueur.
La succession Laparra étoit ouverte en pays de droit
écrit, où la mòre succédoit à Ses enfans, au préjudice de
leurs frères et sœurs consanguins.
Cette mère qui avoit survécu à son mari, avoit spolié
scandaleusement la succession, consistant principalement
en mobilier; et elle avoit d’ailleurs pratiqué toutes sortes
de fraudes du vivant de son mari, pour réduire à peu
près à rien les légitimes des enfans du premier lit. L ’in
dignation plaidoit la cause de ces victimes délaissées, et
l’on peut en conséquence appeler l’arrêt qui an n u lla
1 institution contractuelle faite à leur préjudice, un arrêt
ab irato.
O r , qu’a de commun cet étrange préjugé avec l’insti
tution dont il s’agit ici?
L institution de L a p a r ra é to it u n iverselle ; cellc-ci n'est
q u e d u tiers.
La seconde femme de Laparfa avoit survécu à son m a ri,
ets’étoit emparée de toute la succession , pour en détourner
la meilleure part à son profit. Ici la seconde femme de
Gilbert Ducourthial est mortelong-temps avant son mari,
et n’a profité, ni pu profiter de rien dans sa succession.
La femme Laparra avoit la perspective de succéder à
scs enfans, et elle pouvoit abuser du droit d’élire qui lui
avoit été confié, soit pour jou ir, eu retardant son ch o ix ,
E a
�( 36)
soit pour y mettre un prix et des conditions à son avantage.
La secon d e femme de Gilbert Ducourthial n’avoit pas
la même perspective, quand elle auroit survécu à son
mari ; la coutume qui régissoit les biens destinés à ses
enfans, l’auroit exclue de l’espoir d’y succéder: elle n’auroit pas mieux réussi à s’approprier par des voies détour
nées, une portion conséquente du patrimoine de son
m ari, sur-tout une portion équivalente à la part d’en
fant , dont il lui étoit permis de la gratifier ostensible
ment *, la médiocrité de la disposition dont l’application
lui avoit été confiée, y auroit mis un obstacle invincibleIl n y a donc aucun parallèle à faire entre deux espèces
si différentes. Tout étoit fraude dans l’affaire deLaparra,
tout est loyauté dans celle-ci j la fraude et la loyauté au
ront-elles jamais le même sort ?
Voilà encore la troisième objection des adversaires
du citoyen Ducourthial a în é , qui s’évanouit.
4°. La quatrième question ne peut pas faire la ma
tière d’un doute. La même législation autorisoit en effet,
les élections conditionnelles et révocables, faites par con
trat de m ariage, en faveur d’un enfant à naître indivi
duellement, pour recueillir à défaut d’autre ch o ix , et
l'héritier ainsi désigné éventuellement, recueilloit sans
difficulté le bénéfice delà disposition, toutes les fois qu’il
n’en étoit pas déchu, par un choix contraire.
L ’article X X I V de la loi du 17 nivôse, abrogea ces
règles pour Tavenir ; mais il en consacra les effets pour
le passé y en faveur des héritiers éventuels, dont le droit
seroit devenu irrévocable par le décès de la personne
ayant droit de révoquer. ,
�C 37 )
.
.
, . ..
L ’article vouloit que le décès qui avoit rendu la dis
position irrévocable, fût antérieur au 14 juillet 1789mais cette rétroactivité est rapportée. Il suffit en con
séquence , que le décès de la personne ayant pouvoir de
révoquer , soit antérieur à la publication de la loi du
17 nivôse an 2. Dans le fait particulier, le décès de
Gilbert Ducourthial est antérieur, et de beauconp, à la
publication de la loi du 17 nivôse an 2: concluons donc,
que la disposition conditionnelle qu’il avoit faite en fa
veur de son fils aîné du second lit, est conifirmée par
la loi même dont ses frères et sœurs voudroient se pré
valoir pour l'attaquer.
5°. Il reste la principale difficulté à éclaircir; elle est
tirée de la loi du 7 mars 1793, par laquelle il fut dé
crété en principe, que « la faculté de disposer de ses
« biens, soit à cause de m ort, soit entre-vifs, soit par do« nation contractuelle, en ligne directe, était abolie, et
« qu en conséquence, tous les descendans auroient un
« droit égal sur le partage des biens de leurs ascendans.
, Appuyés sur ce texte, les adversaires du citoyen
Ducourthial-Lassuchette , lui diront sans doute, « si vous
«échappez à l’article X X I V de la loi du 17 nivôse,
« parce que le décès de n o tre père est antérieur, au
«moins n’échapperez - vous pas au décret du 7 mars1
«17935 car notre P^re n’est m ort qu’après ce décret1,
« et conséquemment dans un temps où la loi assuroit à
« tous ses enfans un droit égal au partage de sa succes« sion , et prohiboit l’avantage du tiers en préciput que
« vous revendiquez. » *.
L a réponse est dans les articles I et V II de la loi du
�( 38 )
18 pluviôse an 5 , qui détei-minent sans équivoque le sens
dans lequel il faut entendre et appliquer le décret du 7 mars
L793 , en ces termes:
t
çt Les avantages , prélèvemens , précïputs , donations
«entre-vifs, institutions contractuelles, et autres disposi« tions irrévocables de leur nature, légitimement stipuo lées en ligne directe avant la publication du décret du
« 7 mars 1793 ,,auront leur plein et entier effet, confor« mément aux anciennes lois , tant sur les successions
« ouvertes jusqu’à ce jo u r, que sur celles qui s’ouvriront
« à l’avenir. » ( Article I.er )
« Les élections d’héritiers ou de légataires.... qui ont
« été annullées par les articles........ de la loi du 17 nivôse,
«à compter du 14 juillet 1789, sont rétablies dans leur
« effet prim itif, si elles ont été faites par acte ayant, date
«certaine avant la publication de la loi du 17 nivôse. *
( Article V il. )
L e contrat de mariage du 1 4 mai 1778 , contenoit deux
dispositions très-di$tincles ; sa vo ir , une disposition princi-»
pale, qui étoit une institution du tiers des biens de Gilbert
Ducourthial en faveur de l’un des enfans à naître de son
second mariage, par préciput et avantage, et une disposi
tion secondaire, qui étoit la désignation particulière de
l’aîné des mâles pour recueillit’ ce tiers de.biens , dans lc>
cas où il ne seroit pas fait choix d’un autre enfant du second
lit, pour en profiter préférablement à lui.
L a disposition principale étoit pure , sans c o n d i t i o n ,
et irrévocable de, sa nature ,• eUe a,uro.it profité à tous les:
enfans du second l i t collectivem ent, à défaut de- choixvalable d’un seul d’entre eux,, pour recueillir exclusive-
�Trient ; la disposition secondaire , qui appliquent l a vantage du tiers à l’aîné des mâles particulièrement ,
étoit conditionnelle , et pou voit être ré v o q u ée , par 1 élection. d’un autre enfant.
' Toutes deux sont également confirmées par les deux
articles de la loi du 18 pluviôse an 5 , qui viennent
d’être rapportés.
L ’article Ier. confirme en effet la disposition princi
p ale; car elle se range incontestablement dans la classe
des dispositions contractuelles, irrévocables de leur na
ture , et antérieures à la publication du décret du 7 mars
1793, que cet article a maintenues pour être exécutées
coivformément aux anciennes lois , puisqu'elle est con
tenue dans un contrat de mariage de 1778.
, Quant à la disposition secondaire , elle est maintenue
par l’article Y I I ; car cet article rétablit dans leur effet
prim itif, non pas seulement les élections d’héritiers ou
de légataires faites en ligne directe par acte ayant date
certaine avant la loi du 7 mars 1793, mais indéfiniment
les élections faites avant la publication de la loi du ijn iç ô s e
o-n 2. ; de sorte qu’une élection qui auroit été faite an
térieurement à la publication de la loi du 17 nivôse, seroit
confirmée par cet article : ce qui décide bien nettement
ce point de droit, que la prohibition de disposer en ligne
directe, prononcée parle décret du 7 mars 179 3 , n’enïportoit pas la prohibition de choisir un d’entre plusieurs
éligiblds, pour recueillir l’effet d’une disposition contrac
tuelle , irrévocable de sa nature , qui auroit été faite anté
rieurement au décret de 1793. Dans Tèspèce, non seule
ment l’élection du citoyen D ucourthial, fils aîn é, étoit
�. C 4° ) . A
antérieure, soit À la loi du 17 nivôse an 2 , soit au décret
du 7 mars 1793 ? puisqu’elle étoit contenue dans le contrat
même de 17 7 8 . Mais elle étoit d’ailleurs devenue irré
vocable plusieurs mois avant l^;loi du ly nivôse , par le
décès de celui qui seul auroit pu la révoquer par un choix
contraire.
Ainsi la validité, sous tous les rapports, se trouve proüoiiçée sans équiyoque, par les deux textes précités.
O
b
j
e
c
t
i
o
n
.
L a validité de la disposition principale, au profit des
enfans du second lit collectivement, ne peut pas être mise
pu problème, à la bonne heure; mais la validité de l’élection.
conditionnelle deil’aîné de ces enfans, pour recueillir seul,
k l’exclusion des autres, est loin d’être aussi certaine. Cette
élection étoit révocable par le changement de volonté de
son auteur;, qui pouvoit jüsqu’à son dernier soupir, en
enlever le bénéfice au citoyen Ducourthial aîn é, par le
choix d'un de ses frères, pour recueillir à sa place: or,
jl est de principe que de pareilles dispositions, qui restent
mobiles pendant toute la vie du disposant, et ne devien
nent immuables que par son décès, doivent être consi
dérées comme si elles n’avoient été faites que le jour de sa
mort. Mais si l’on considère l’élection dont le citoyen D u
courthial aîné prétend se prévaloir, comme si elle eut été
faite le 27 juillet 1793 seulement , jour du décès de Gilbert
Pucourthial père, il en résultera qu’elle sera réputée faite
dans un temps où elle n’étoit plus permise , puisque toute
disposition étoit prohibée alors depuis plusieurs mois, en
ligne
�ligne directe ; donc il faudra la regarder comme nulle et
*
•
non avenue.
’
R é p o n s e .
Ce raisonnement repose sur des bases évidemment
erronnées.
i°. C’est une première erreur de prétendre que Gilbert
Ducourthial n’auroit pas pu faire le 27 juillet 1793 , jour
de son décès, l’élection qu’il avoit faite en 1778, sous le
prétexte que le décret du 7 mars 17935 lui en avoit inter
dit la faculté. L ’art. V II d elà loi du 18 pluviôse an 5 ,
déjà rapporté plus haut, décide bien positivement le con
traire ; car il déclare valables les élections d’héritiers, faites
dans l'intervalle de la loi du 7 mars 1793, à celle du 17
nivôse an 2 ; il maintient l’effet primitif de toutes celles
qui avoient précédé la publication de la loi du 17 nivôse,
indéfiniment sans exception, sans distinction entre celles
qui étoient postérieures à la loi du 7 mars 1793, et celles
qui etoient antérieures. Cette décision positive de la lo i,
au surplus , n’est que l’application d’un principe reconnu
de tous les tem p s; car dans tous les te m p s , on a v o it pensé
que celui qui clvoisissoit tin de plusieurs éligibles pour
recueillir une disposition p r é e x ista n te , ne faisoit point une
disposition nouvelle ; et conséquemment qu’il ne contrevenoit point aux lois prohibitives des nouvelles dispo
sitions.
Après cela , qu’importeroit donc que l’élection faite
en faveur du citoyen Ducourthial aîn é, en 1778 , dût
n’être considérée que comme faite le jour du décès de
son père? elle n’en seroit pas moins valable. Il ne seroit
F
�( 4 0
pas moins vrai de dire qu’elle est‘textuellement main
tenue par l’article V II de la loi du 18 pluviôse, qui
e n co re une fois maintient indistinctem ent , toutes les
élections antérieures a la loi du 17 nivôse..
20. Les citoyens Ducourthial p u în é s n e se font pas
moins illusion, lorsqu’ils invoquent à l’appui de leurs
prétentions le principe d’égalité des partages établi par
les lois de 1793 ^ et de l’an 2. Us ne veulent pas voir
que ces lois n’ont pas été faites pour régler les intérêts des
donataires entre eux, mais seulement pour régler les in—térêts des héritiers légitimes, mis en opposition avecceux des donataires. G’est cependant ce qui est bien tex
tuellement et bien énergiquement exprimé dans l’articleL V II de la loi même du 17 nivôse, qui porte :
tr Le droit de réclamer le bénéfice de la lo i, quant aux
a dispositions qu’elle anmille, n’appartient qu’aux héritiers.
« naturels..»
Il est reconnu que la disposition, du tiers des biens de
G ilbert D u co u rth ial, qui est l’objet du litige , loin d’êtreannullée,. est au contraire maintenue par rapport aux
héritiers de G ilbert D u cou rth ial, en général; que le con
trat de 1778 , qui la contient , doit avoir sa pleine et en
tière exécu tio n , en faveur des enfans du second lit, consi
dérés comme donataires en préciput , au préjudice de la
fille du prem ier lit, qui n’a pour elle que le seul titre
d’héritier. Ce titre seul ne donne pas aux citoyens D u cour
thial p u în és, de plus grands droits qu’à leur sœur ; consé»
quennnent, dès qu’il n’attribue aucune part à cette fille
unique du premier lit, il n’en attribue aucune non plu$
à, ses frère s, sur le tiers des biens en litige.
�C 43 3
Cela posé, ce ne peut ôtre qu’en se présentant comme
^donataires concurremment avec leur frère aîné, en vertu
du contrat de mariage de 1778, qu’ils peuvent élever des
prétentions sur le tiers des biens , et en demander partage ; ce ne peut être qu’en faisant le raisonnement que
voici :
« L ’avantage du tiers en préciput fait par Gilbert D u«courthial en 1778, h celui des enfans à naître de son
« second mariage qu’il choisiroit, est bon en so i, et doit
* profiter aux trois enfans éligibles par égalité, s’il n’y a
« eu de choix valablement fait en faveur d’aucun des trois.
« O r , il n y a point eu de choix valable, puisque le seul
«■qui ait été fait, celui qui étoit contenu dans le contrat
« merae de mariage , du 14 mai 1778 , a été annullé par
« le décret du 7 mars 1793. »
Hé bien! ce raisonnement, quand il ne seroit pas ren
versé par l’art. V II delà loi du 18 pluviôse, s'écarterait
victorieusement par l’article L V II de la loi du 17 nivôse,
qui vient d’être rappelé. Il établit en effet, pour règle généiale, que le bénéfice des nouvelles lois relatives à la
pi ohibition de disposer, ne peut être réclamé que par les
héiitiers naturels en leur qualité d’héritiers seulem ent , et
non Par des donataires contre d’autres donataires. En
un m o t, les nouvelles lois prohibitives des dispositions ,
ne sont qu’en faveur des héritiers ; aucune n’a prononcé
de nullités qui aient pour objet de faire passer les choses
données d’un donataire à l’autre.
Concluons que les frères puînés du citoyen D ucourthialLassuchette sont sans action et sans droit, pour disputer à
leur frère aîné un préciput dont le père com m un l’a avan-
'
r 2
�C4 4 )
tagé par l'acte le plus favorable de la société , par un contrat
de mariage : d’un préciput qu’il pouvoit lui ôter, mais
qu’il a voulu lui conserver. En vain ils feront des efforts,
pour se l’évolter contre la volonté paternelle , ils n’en;
feront que d’impuissans.
Paris par le jurisconsulte ancien sous-signé, le 8 germinal an g..
B E R G 1E R ,
D
é l i b é r é
à
L e C O N SE IL SOU SSIGN É qui a vu le mémoire à.
consulter et les diverses consultations au bas rapportées,
pour le fils aîné du second lit. de feu Gilbert Ducourthial.
de Lassucliette
des résolutions contenues d&ns ces consul-' tâtions. Trois questions y ont été traitées..
i° . Si l’institution contractuelle d’un tiers des biens
faite en faveur des enfans du second lit, est valable?
2°. Si cette institution profite à tous les enfans} ou*
¡»u fils aîné exclusivement?
3°. Quels sont lés droits de la fille du premier lit?
L a première et la troisième question ne présentent
point de difficulté sérieuse..
Lors du contrat de m ariage, l’inégalité dé succession,
entre les enfans n’étoit pas prohibée; ils pouvoient être
" avantagés les uns sur les auti’es : on avoit éclairci et con
damné le doute , si des enfans du second lit pouvoient
être mieux traités que ceux du premier. Le contrat du,
E s t d ’a v is
�second mariage assura donc irrévocablement aux enfans*
du second lit ua avantage alors licite.
20. Par les lois existantes, lorsque le père maria sa
fille du premier l i t , il avoit le droit en la dotant, de
la forclore de toute succession de son estoc ; il en usa ,
sauf de la rappeler. Mais la loi du 8 avi'il 1791 rendit
ee rappel inutile; elle le fit clle-mcme en> prononçant
l'abrogation des coutumes qui excluoient ou qui permet
taient d’exclure les filles. La fille du premier lit est donc
héritière comme >les autres enfans , sauf le rapport.de ce
qu’elle a reçu;
3 • Mais à qui appartiendra le tiers réservé dans' le1
contrat de mariage aux enfans à naître du second lit
et donné par ce contrat a celui d’eux qui seroit choisi ,
et à. défaut, à lam é?, G est la seule question véritable-'
ment litigieuse..
Bans l’ancien d ro it, elle ne souffriroit aucun doute. Les
lois nouvelles y ont-elles apporté quelque changement ?
On peut dire contre le fils aîné, que le contrat du
second mariage assura sans doute irrévocablement au se
cond lit j le tiers des biens , mais en même temps il ne
donna ii aucun des enfans à en. naître la.certitude de re
cueillir ce tiers. Uni seul y. étoit appelé, d’après le choix
que se réservoit le donateur ou instituant. Il est vrai
qu’à défaut de ch oix, l’aîné étoit appelé : il est vrai encore
que la loi du 18 pluviôse an 5 , a confirmé , art. 1er. ]es
institutions contractuelles stipulées en ligne directe avant
la publication de la loi du 7 mars 1793 , et que par l’ar
ticle V II, elle a rétabli dans leur effet aboli par la loi du 17
nivôse an 2 , les élections d’héritier, qui auroient été fa i-
�( 4M
tes par acte ayant diue certaine avant la publication de
la loi du 17 nivôse.Mais, dira-t-on, l’article V II n’est pas
a p p lic a b le , puisquil n y avoit pas d’acte d’élection, lors
que le père est mort : et 1 article Iei*. n’est pas applicable
non plus , parce qu il n y avoit point en faveur de l’aîné ,
de disposition irrévocable. L ’irrévocabilité n’est résultée
que de la mort du père, qui perdit avec la v ie , la puis
sance physique de choisir. Mais de son vivant, la loi du
■
7 mars 1793 , lui avoit ôté la faculté du ch oix, en dé
clarant que tous les descendans auraient un droit égal
sur le partage des biens de leurs ascendans; d’où il suit
que tous les enfans du second lit ont e u , par la loi du
7 mars, un droit égal à ce préeiput qu’il avoit destiné
en se mariant, à l’un d’e u x , mais dont il ne lui a plus
été permis depuis le 7 mars 1793-, de disposer en faveur
de l’un, au préjudice des autres.
Voilà les objections dans toute leur force. Les réponses
à donner nous paroissent satisfaisantes.
Il doit être convenu d’abord que l'institution étoit
irrévocable, puisqu’elle étoit faite par contrat de ma
riage; elle étoit une des conditions promises à la future
épouse et à ses parens.
Il n’y avoit d’incertain que le choix entre les insti
tués, et si ce choix n’avoit pas été fait, l’institution auroit appartenu à tous.
Mais le choix fut placé-dans l’institution même ; l’ins
tituant en se le réservant déclara que s’il n’usoit pas de
cette réserve, elle s’appliquoit dès lors à son premier
né. L ’aîné eut donc, par une des clauses de l’institution,
le droit de la recueillir,'si son père ne disposoit pas au-
�C 47 7
trement. H avoit donc sur ses frères qui n’étoient qu e ligibles, l’avantage d’être élu conditionnellement', c està-d:re, si le père ne térrioignoit pas une autre volonté.
La condition qui Tauroit dépouillé n’étant pas arri
vée , son droit remonte au titre qui lui fut donne par
le contrat, titre irrévocable de sa n a t u r e ; conditionnel
par une réserve dont l’exercice négligé a laissé subsister
^institution en faveur de l’aîné dans toute sa force-.
Cela est d'autant plus vrai que dans l’intention du com
mun des testateurs, l’aîné étoit l’objet dés choix et des
préférences; et si l’on se réservoit de p o u v o i r appeler
un de ses frères, c’étoit bien plus pour le contenir dans
le devoir que pour lui donner- des co-partageans. C’est
dans la même intention qu’afin que la réserve derchoisir
ne lui nuisît pas,, on déclaroit qu’à défaut d’élection il
seroit héritier.
L e défaut d’élection n’est donc que la ratification de
*|V •
linstitution de l’aîné, si un autre n’est appelé : o r, la ra
tification se porte à l’acte. C’est donc du contrat de ma
riage de son père que l’aîné tire son droit, et ce con-,
trat à. la date 1778 , est régi par les lois de ce temps,
et nullement par la loi du 7 mars 1793^
Il
n’est pas même vi'ai que - cette loi eût ôté au père
le droit de choisir; car ne lui inhibant d’avantager un
de ses enfans qu’à l’avenir , elle ne détruisoit pas
l’avantage déjà fait à celui des enfans qu’il éliroit, encore
moins annulloit-elle l’avantage déjà fait à l’aîné , en
cas de non élection.
Le but de la loi du 7 mars fut d’abolir pour l’avenir,
toutes dispositions qui n’avoient pas encore donné un titre
.
�( 43)
irrévocable, elle ne pouvoil embrasser l’hypotlièse dont
il s’agit; car, ou elle empechoit le père d'élire, ou elle
lui en laissoil la faculté. Si elle lui en laissoit la faculté, il
pouvoil donc dans cette espece particulière avantager un
de ses enians : si elle empêchoit l’élection, elle auroit donc
détruit une disposition contractuelle et par conséquent
irrévocable, ce qui est absurde; elle auroit eu eiTet ré
troactif. Le père avoit donné. (U n e institution contrac
tuelle est une donation ). Le père avoit donné à un seul
parmi les enfans qu’il avoit d’un second lit, et l’on prétendroit qu’il a donné à tous!
On a tort de dire que quand le père est m ort, il 11 y
avoit pas d’élection-, il y en avoit une bien expresse dans
le contrat : le père ne l’ayant pas révoquée, pour lui en
substituer une autre, elle doit avoir son effet.
Trois lois sont à considérer : celle du 7 mars qui abolit
pour l’avenir la faculté de disposer en ligne directe ; elle
ne touche pas aux dispositions antérieures .et irrévocables.
La loi du 17 nivôse fut plus hardie', elle annulla ré
troactivement tous les avantagas faits aux enfans depuis
]e f4 juillet 1789; elle ne détruisit pas les droits du con
sultant, qui remontent à 1778 : l'effet rétroactif de la loi
du 17 nivôse an 2, fut lui-même d’ailleurs rapporté par
la loi jdu 9 fructidor an 3. Le donateur ou instituant,
décédé le 27 juillet 1793 , est donc mort sous l’empire
de la loi du 7 mars précédent, qui ne touchoit pas aux
dispositions irrévocables qu’il avoit faites.
Enfin la loi du 18 pluviôse an 5 maintient expressé
ment , par l’article I.cr. les dispositions irrévocables de leur
nature, stipulées en ligne directe avaut la publication do
la
�( 49)
la loi du 7 mars 1793 ; et par l'article V I I , elle maintient
les élections ayant date certaine et antérieure à la publi
cation de la loi du 17 nivôse.
O r , la disposition de 1778 est antérieure au 7 mars
* 793Elle est irrévocable de sa nature ; car elle est comprise
dans un co n trat de mariage.
Quand on dit qu’elle pouvoit être révoquée au préjudice
de l’aîn é, on argumente d’une faculté qui n’a pas été
exercée, et q u i, quoique son exercice eût appelé un autre
héritier, ne changeoit pas la nature de la disposition, n’empêchoit pas qu’un seul parmi plusieurs ne fût irrévocable
ment favorisé. L a réserve du choix dans une institution
contractuelle n’en altère pas l’essence, et ne fait pas que
l’institution en soi ne soit irrévocable: elle donne droit, et
titre irrévocable à celui qui sera appelé. L ’appel seul est
contingent et facultatif ; la donation ne l’est pas : tous les
appelés ont l’espérance d’être donataires.
Celui en faveur de qui l’espérance se réalise, prend son
droit de la donation qui lui est appliquée.
L article V II de la loi du 18 pluviôse est décisif j il main
tient les élections faites avant la publication de la loi du
17 nivôse. O r il y a ici une élection de l’aîné dans le contrat
même de mariage en 1778.
L ’article V II de la loi du 18 pluviôse juge deux choses •
1 °, que l’élection antérieure au 17 niyôse est bonne, et à
plus forte raison celle qui date de 1778 ; 20. qye la loi du
7 mars 1793 n’avoit pas prohibé les élections qui n’étoient
que l’exécution d’actes irrévocables de leur nature, tels
que les donations, ou devenus tels par les événemcns, tels
G
�( 5o ')'
que les testamens après le décès de leurs auteurs ; que les
élections ne furent supprimées que par la loi du 17 nivô>e,
et que les corrections faites ù.cette loi les out rétablie^ pour
le passé.
> 7^1
. '
-’ .
O r , il s’agit ici d’une donation faite un entre plusieurs:
donation irrévocable et permise en 1778.
Il
s’agit de l’élection de ce donataire , faite dans la dona
tion même, si le donateur n’eu appeloit pas un autre.
Avant son décès arrivé en juillet 1793 , ou il eût pu en
appeler un autre , ou il ne l'auroit pas pu. A u premier cas,
il 11e l'a pas voulu ; sa volonté , que rien, ne génoit alors,
est encore exécutoire aujourd’hui. A u second cas, l’élec
tion qu’il avoit faite, s’il ne disposoit pas, doit être exé
cutée. Les lois nouvelles ont éteint les élections à faire, ou
qui n’avoient pas donné un droit : elles respectent les autres.
O r , l’aîné a droit par le contrat de mariage. Le dépouil
ler , ce seroit rétroagir ; ce seroit tomber dans cette absur
dité de le dépouiller , parce que la condition sous laquelle
le testateur l’avoit appelé ( le défaut d’autre ch o ix ), est
arrivée.
D É L IB É R É i\
Paris, le
2
germinal an 9.
SIM É O N . P O R T A L IS . M U R A I R E , président
au tribunal de cassation. F A V A R D .
L E C O N SE IL SO U SSIGN É , qui a lu une consultation
délibérée à Paris, le 2 germinal an 9 , et plusieurs autres,
données ¿1 Riom et à Clermont-Ferrand \
E s t n u m ê m e AVIS sur les trois questions traitées dans
çcs co n su lta tio n s, d o n t les résolutions sont uniformes,
�( Si )
Sur ïa première question, il est sans difficulté qu en 1778,
époque du mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette
et de Marie-Léonarde Cornudet, sa seconde femme, le
père pouvoit avantager, par son contrat de mariage ou
autrement, un de ses enfans plus que l’autre; que de plus,
un conjoint qui se rem arioit, ayant un enfant du premier
l i t , pouvoit donner à ses enfans à naître du second lit, et
qu’en conséquence, ceux-ci n’étoient point compris dans
la prohibition de l’édit des secondes noces.
La jurisprudence sur la faculté du conjoint, qui contractoit un nouveau mariage, ayant des enfans du premier,
de faire des avantages aux enfans à naître de sa nouvelle
union, après avoir v a rié , avoit été irrévocablement fixée
par l’arrêt du parlement de Paris, du it août 1740 , qui
est rapporté en forme avec les moyens des parties dans le
recueil des arrêts notables de Rousseau de la Com be, chap.
79. On trouve au même en droit, à la suite de l’arrêt du 11
août 1740 , un autre arrêt semblable, du 29 avril 1719 ,
qui fut levé au greffe, et dont l’espèce est également rap
portée par la Combe.
L institution d’héritier, contenue au contrat de mariage
de 1778 , étoit donc valable dans son principe.
Sur la d eu x ièm e q u e s tio n , cette lib é ra lité du père subsistoit dans toute sa force, au 27 juillet 1793, jour qu’il
est décédé, et le fils aîné du second mariage est le seul
qui en doive profiter.
La loi du 17 mars 1793 défendit aux pères et mères
d’avantager, par quelque acte que ce fû t, un enfant plus
que l’autre, et voulut que les successions en ligne directe
fussent partagées entre les enfans, par portions égales:
G 2
�.
c
S
z
5
mais cette loi ne régloit que l’avenir, et non le passé.
L ’effet rétroactif attribué depuis aux lois des 5 b ru
maire et 17 nivose an 2 , en rétrogradant jusqu’au 14
juillet 1789, a été aboli, et par conséquent l’institution
d’héritier, qui avoit été détruite, est redevenue en pleine
Vigueur.
Quant au droit du fils aîné du second lit , les autres
enfans ne peuvent le lui contester.
L e contrat de mariage de X778 ,. contient deux disposi
tions :1a première est une institution d’héritier pour untiers,
au profit de celui des enfans à naître que les père et mère
ou le survivant d’eux voudront choisir ; la seconde est
une vocation éventuelle exprimée dès-lors formellement
au profit du fils aîn é, au défaut de nomination de l’un
des enfans par les père et mère ou par le survivant.
N ’y ayant point eu de choix ni par les père et mère,
conjointement, ni par le citoyen Ducourthial qui a sur
vécu , le fils aîné s'est donc trouve seul donataire, non,
pas par une disposition nouvelle, mais par la disposition
que le contrat de mariage renferme.
La loi du 7 mars 1793 n’a point défendu les élections
d’héritier ou de donataire à faire en vertu d’anciennes
dispositions. Une élection d’héritier ou de donataire n’est
point une donation proprement dite. Ce n’est que l'exé
cution d’une disposition déjà existante. Les prohibitions
sont de. droit étroit. Celle contenue dans la loi du 7 mars
1793 doit donc être restreinte dans le cas des.donations
postérieures à sa publication.
* I>’aillcurs; le fils aîné n’avoit pas besoin detre élu. Il
�(
6
3
)
•
•
.
tStoit institué éventuellement par le contrat de mariage
m êm e, dans lc'Càs où üri'aüttû que lui ne seroit pas
nommé.
i
v
r k afn i Vàrticle V II de ta loi du ià pluviôse an 5 , donnée
en explication du rapport de l'cfîet rétroactif, porte : « T^S
« élections d’héritier ou de légataire , et les ventes à fonds
«perdu q u io n t été annullées par les articles X X III et
« X X V I de la loi du 17 nivôse, à compter du 14 juillet
« 1789 , sont rétablies dans leur effet prim itif, s i elles ont
« étéfa ites par acte ayant date certaine avant la publi« cation de ladite loi du 17 nivôse. »
D e pareilles élections pouvoient donc s’effectuer jusqu’à
la publication de la loi du 17 nivôse an 2 , nonobstant la
loi du 7 mars 1793. O r , dans l’espèce proposée, le citoyen
Ducourthial étant décédé le 17 juillet 1793, quand on
considéreroit le défaut de choix de sa part comme une élec
tion du fils aîné du second l it , cette élection seroit valable.
Mais ce dernier a de plus en sa faveur une nomination
écrite dans le contrat de mariage de 1778 , pour le cas où
les pèi*e et m ère, ou le survivant d'eux, n’éliroient pas:
ce qui met son droit hors de tout doute.
Il est m êm e o b se rv e r, q u e l’article V I I de la loi du 18
pluviôse ne parle point du cas où le donateur prévoyant
le défaut d'élection, a désigné éventuellement, comme
ic i, celui des éligibles, par lequel il entendoit que la dona
tion fut recueillie.
Sur la troisième question, la fille du premier lit étant
exclue par la coutume, sa renonciation à la succession
future de son père n*a pas plus d’effet que lu forclusion
�( 54 )
légale. A in s i, elle a le droit de succéder avec ses frères, en
vertu des lois des 8 avril 1791 et 4 janvier 1793.
D é lib é r é
à Paris i par le citoyen F e r e y ancien
jurisconsulte, le 8 germinal an 9.
F E R E Y,
** I
A R io m , de l'imprimerie de L a n d r io t , imprimeur du tribunal
d ’app
e l
An 9
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Ducourthial, Gilbert. An 9]
Creator
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Touttée
Touttée jeune
Gaschon
Deval
Boyrot
Dartis-Marcillat
Picot-Lacombe
Pagès
Maugue
Bergier
Siméon
Portalis
Muraire
Favard
Ferey
Subject
The topic of the resource
partage
successions
secondes noces
conflit de lois
droit d'aînesse
Description
An account of the resource
Consultations [contrat de mariage de Gilbert Ducourthial de Lassuchette avec Marie-Léonarde Cornudet et contrat de mariage de Marie-Joseph Maignol avec Gilberte Ducourthial, du 2 avril 1783]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
1778-An 9
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0710
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
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BCU_Factums_M0527
BCU_Factums_M0127
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partage
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MÉMOIRE
EN
TRIBU N AL
ds
CASSATION.
RÉPONSE,
P O U R
J
ean
- B
apti st e
-C
èsar
CHAM PFLOUR-
D ’A L A G N A T , propriétaire , habitant de la
ville de C lerm ont-F errand , département du
P u y - d e - D ô m e , défendeur
C O N T R E
P
B O Y E R , juge au tribunal civil de
l arrondissement de la même ville, demandeur,
i e r r e
Quod genus hoc hominum
VIRG.
Pierre B O Y E R , juge au tribunal d’arrondissement
de Clerm ont, a été long-temps mon procureur et mon
A
�c o
homme d’aflaires; il me servoit avec exactitude, je le
récompensois avec générosité.
Je me croyois quitte envers lu i, de toutes les manières,
lorsque tout à coup il s’est prétendu mon créancier d’une
somme de 23,337 francs 10 centimes.
I l devoit à l’une de ses filles une dot de 20,000 francs;
il expose, dans sa citation, que c’est à moi à payer la
.dot.
U n jugement solennel du tribunal d’appel, séant à
R iom , a réduit les prétentions de Boyer, i°. ¿1 une
somme de 1,800 francs 13 centimes, qui étoit due par
iéu mon frère', et que je ne contestais pas ; 20. à une
somme de 2,400 francs que je paye deux fo is, parce que
malheureusement j’avois laissé le titre entre les mains de
Boyer.
Boyer m’a fait signifier le jugement, avec sommation
de l'exécuter. J ’ai p ayé; il a reçu. Aujourd’hui il se
pourvoit en cassation.
On sent que cette démarche n’a été qu’un prétexte
pour répandre un libelle contre moi. L e jugement du
tribunal d’appel avoit fait grande sensation ; le public
s’étonnoit qu’un homme aussi peu délicat, siégeât parmi
^es magistrats du département.
Il a cru détruire cette première impression, et ne s’est
pas aperçu qu’il augmentoit le scandale par ses écrits.
J ’avois évité toute publicité ; je ne voulois laisser au
cunes traces d’une affaire qui le déshonore ; je m’étois
contenté de faire valoir mes moyens h l’audience, et mon
défenseur avoit eu tous les égards qui pouvoient s’ac
corder avec mes intérêts. Je croyois devoir cette con-
�( 3 )
descendance à un liomme qui avoit eu autrefois ma con
fiance : mais puisque Boyer me force d’entrer en lice ;
puisqu’il cherche à faire suspecter ma loyauté, je ne dois
plus garder de ménagement. Je vais faire connoître cet
homme qui veut que ¿'honneur lui survive, et qui se
dit sans reproche, (i)
Boyer débute par son extrait de naissance; il a soixantesept ans : il pourvoit dire comme V ....., soixante-sept
ans de vertus. 11 aficcte de rappeler souvent qu’il est juge :
un plaisant qui sait l’apprécier, a dit que Couthon Vavoit
nommé parce q u il le connaissait, et que le gouverne
ment îavoit conservé parce q u il ne le connoissoit pas.
Boyer dit qu’il a été mon ami; il m’a dénoncé comme
émigré! Boyer se dit mon a m i, et il m’a fait rembourser
en assignats discrédités tous les anciens capitaux qui
m’étoient dûs!
( i ) U n citoyen de C lerm ont réclam e contre l ’assertion de B o y e r,
et lui fait au contraire de grands reproches : c ’est le cit. Bourdier.
11 devoit à défunt B e ra u d , mon beau -p ère, une rente annuelle de
5 o fr. ; il avoit laissé écouler plusieurs années d’ai rérages : le
citoyen B oyer étoit chargé d ’en poursuivre le recouvrem ent. Bour
dier lui donna douze louis en or à com pte ; mais il n ’eut pas la
précaution de retirer de qu ittan ce, parce que B oyer prom ettoit de
la lui faire donner par la dam e Beraud. B oyer a oublié cette cir
constance : s’ il a une quittance qu’ il la m ontre, a toujours dit le
délicatB oyer : etles douze louis seroient perdus pour le cit. B o u rd ier,
si je n ’avois eu connoissance du fa it. Je les alloue au citoyen B our
dier : c’est encore une somme à ajouter à toutes celles que j ’ai
données à B o y e r , qui voudra bien la regarder com m e une nou
velle marque de reconnaissance,
A 2
�( 4 )
Boyer se dit mon am i; il fut cause de ma réclusion,
et a eu l’atrocité d’insulter à mes malheurs !
Je dois lui rappeler qu’un jou r, cri sa qualité de
commissaire de Couthon , il se rendit à la maison des
Ursulines, où on avoit entassé une foule de victimes. Sa
mission avoit pour objet de séparer les femmes, et de
les conduire dans un autre cachot. Non seulement il se
permit de.les traiter avec une rigueur digne de ces temps
affreux, qui lui convenoient si bien, mais il eut la barbarie
d’y ajouter les sarcasmes, et n’oublia pas son a m i, qu’il
désignoit agréablement sous le nom de sœur César.
M oi Champflour, ami de Boyer!mais l’âge, la fortune,
les goûts ne permettoient point des rapprochemens de ce
genre. Boyer faisoit mes affaires, discutoit mes intérêts;
je payois ses vacations, les momens qu’il a employés pour
moi ne furent jamais stériles. 11 convient lui-mêm e, dans
sa citation, que je lui ai donné des marques de ma recon
naissance , et on sent bien que suivant le dictionnaire de
B oyer, des témoignages de reconnoissance ne sont que
de l’argent.
Enfin, cette amitié ne remonte pas bien lo in , puisque
au l’apport de B oyer, ce n’est qu’en 1.783 ou en 178 4,
que je lu i a i été présenté. Quel luxe d’expressions ! Boyer
n’étoit pas juge alors ; pour être admis dans une étude,
il faut moins de cérémonie que pour être introduit dans
un hôtel.
Mais il se trompe encore, ce n’est qu’en 1786, et aumois
de janvier, que j’ai eu le malheur de le connoître. Je vais
rendre compte des faits qui ont occasionné le procès
jugé à R iom , et donné lieu au mémoire auquel je suis
obligé de répondre.
�Ma famille est ancienne et fort connue dans la ville
que j’habite*, mes ancêtres se sont illustres dans la magis
trature , et l’un d’eux fut annobli pour services rendus a
l’étut. G’étoit autrefois le plus haut degré de gloire auquel
vm citoyen pût parvenir ; il est permis de le rappeler.
M on père m’a laissé une fortune considérable , que
j’ai accrue, loin de la diminuer. La propriété principale
que je possède est située près de Clerm ont, clans un
des plus beaux cantons de la Limagne ; elle ne fut jamais
hypothéquée. J ’ai toujours été à l’abri des besoins, et
en état de soutenir avec dignité le rang où mon nom
et ma condition m’avoient p lacé, dans un temps où il
existait des distinctions parmi les citoyens. Il n’est pas
de propriétaire qui ne soit forcé, dans la v ie , de recourir
à des emprunts. Cette ressource m’étoit ouverte de toute
part, et quoi qu’en dise B oyer, je jouissois du plus grand
crédit.
Boyer , qui ne connoît que l’almanach ou le praticien
français, a eu besoin de lire un roman, pour y copier
un tableau d’infortune ou de détresse, qu’il a bien voulu
m’appliquer; mais personne ne m’a reconnu à ce portrait
touchant.
La charge de receveur des décimes du clergé, apparienoit à ma famille. L e commis qui l’avoit exex’C’ée avoit,
comme bien d’autres, enflé son mémoire. Je fis examiner
les pièces de comptabilité par Boyer, que j’avois chargé
de mes affaires -, le commis se trouve débiteur au lieu
d’être créancier. Boyer fit ce travail comme tout autre
l’auroit fait. Je payai ses soins et son zèle-, je lui iis
�. c 6 )
encore un présent considérable ( 1 ) : il n’y a rien là de
m erveilleu x , et personne ne s’attendrira sur le sort de
B oyer, puisque de son aveu, il a été récompensé de son
travail.
J ’étois et je suis encore créancier des citoyens V ir y ,
mes cousins, pour le montant de la charge de receveur
des tailles, qui venoit également de ma famille. 11 est
connu de tout le département, que j’ai acquis un bien,
provenu des citoyens V ir y , pour avoir les moyens d’être
payé ; et Boyer est absolument étranger à cette affaire ;
je ne l’en ai jamais occupé.
En 1789, j’eus besoin de quelques fonds *, Boyer me
p rêta, le premier novembre de cette même année, une
(1)
Il n ’est pas inutile de détailler ici les différens cadeaux que
j ’ai faits à B o y e r ; vingt couverts d’a rg e n t, dont huit à filets; huit
cueillers à ra g o û t, douze cueillers à café , six salières d 'a r g e n t,
une écuelle d ’argen t, avec son couvercle et assiette, le tout d ’un
travail recherché ; deux porte-huiliers d ’a rg e n t, à b a te a u , trèsbien ornés ; six flam beaux d ’argent , deux cueillers à s u c r e , à
jour ; deux tabatières d ’or pour le m ari et la fem m e'; une m ontre
d ’or à répétition, deux m outardiers et deux cafetières d ’argent ; un
c a b rio le t, un fusil à deux co u p s, deux pistolets et une se lle , cin
quante cordes de bois à b r û le r, une feuillette de B o rd ea u x , tout
Je bois nécessaire pour parqueter sa m a iso n , faire ses alcoyes et
séparations , le tout en planches de n oyer et p o irie r , et tant d ’auIres choses qui ne reviennent pas à m a m ém oire.
En a r g e n t, soixante-dix louis , q u ’on lui fit accepter com m e
bénéfice du jeu , quoiqu’ il n ’eût rien avancé.
J’ai donné en différentes fois à sa servante vingt-cinq louis ; je
ne parle de cette largesse , que parce que je sais (ju’ à m onsieur
çfle en rendait cjuçlijiie ch ose.
�( ? }
somme cle 5,ooo francs, avec intérêts a cinq pour ccnl,
sans retenue. L ’année suivante 1790? je renouvelai mon
billet pour une autre année, à la même échéance, et
le 5 novembre 1790, il me prêta encore une somme
de 2, 5 o o francs. Je lui remboursai cette dernière un
mois après. Je voulus retirer mon b illet; il n’eut pas
le temps de le chercher au même moment ; je négligeai
de le redemander, j’en ai été quitte pour le payer une
seconde fois; mais j’ai appris à être plus exact, et je
suis étonné que Boyer ne se soit pas vanté de ce que
je lui ai cette obligation.
A u mois de juillet 1792, je m’absentai momentané
ment du département pour des affaires importantes.
Boyer répandit que j’étois émigré ; il me dénonça comme
tel, le 27 octobre 1792 ; sa déclaration (1 )contient l’énu
mération de tous les effets actifs que je lui avois con
fiés ; il prend la précaution de faire enregistrer les deux
billets que j’avois souscrits à son profit les 1 et 1 x
novembre 1790, quoique je lui eusse remboursé le
second (2).
Je revins à mon domicile dans les premiers jours de
(1) V o y ez sa déclaration, pièces justificatives.
(2) Je dois rappeler à B o yer , que je lui reprochai devant le juge
de paix et ses assesseurs, qu’en le payant en 1 7 9 3 , il me iaîsoit
rembourser deux fois la som m e de 2,5oo francs. Q ue vous ai-je
rép o n d u , me dit-il ? — Q u 'il falloit vous payer encore une fois !
A lors m ’adressant au'juge de paix et à ses assesseurs, je m ’écriai :
Quelle opinion d evez-vou s avoir d ’un hom m e qui se fait payer
une seconde fois ce qu’il a déjà re çu ? I^e juge de paix et ses asses
seurs sont très-m ém oratifs de ce f a it , et peuvent l'attester.
�( 8 )
mars 1793; Boyer ne m’attendoit pas; je suis instruit de
toutes ses manœuvres. On sent que ce u’étoit pas le moment
de discuter, surtout avec Boyer qui étoit alors en crédit ;
je crus ne pouvoir mieux faire que de le mettre hors
d’intérêt, et dans l’impuissance de me nuire. Je payai
le montant des deux billets, quoique j’eusse remboursé
le second, un mois après sa date, et je n’oubliai pas de
le remercier de sa complaisance : il eût été dangereux
d’aigrir l’ami et le protégé de Gouthon.
Mais Boyer s’étoit encoi’e fait un autre titre de créance;
il me.dit avoir emprunté d’une nommée Martine .Delarbre , une somme de 800 fr. pour le compte de mon
épouse et de ma belle-mère. Comment se pouvoit-il qu’il
eût fait cet emprunt? Il avoit présenté, quelque temps
auparavant, le compte de ces dames, et n’avoit point parlé
de cette somme de 800 francs; s’il la leur avoit donnée,
sans doute il auroit retii'é d’elles une reconnoissance :
ces dames n’en avoient aucune mémoire : point de recon-*
noissance ; mais il la réclam oit, il fallut payer ( 1 ).
(1) À propos de M artine D e la rb re , B oyer lui avoit em prunté
cette somme de 800 fr . le i 5 avril 1790. C ’est le
23
du m êm e
m o is , huit jours après ce billet , qu'il fit le com pte des dames
Beraud et Cham pflour , et il ne fait nulle m ention de cet em
prunt pour leur com pte. Je me suis procuré ce billet des m ains
des héritiers de M artine D elarb re. J'ai rem arqué qu ’il étoit de la
somme de 840 fr. payable dans un an ; la som m e de /to fr. étoit
pour tenir lieu des intérêts. Il contient deux endossemens en
m arge, de la som m e de 4 ° fr* chaque ; Tun , du 12 septembre
1792 ; l’a u tre , du 27 m ai 1793. O n y voit encore , que sur la date
du i 5 avril 1790, B oyer a effacé lç mqt d i x de la fin de la d a te ,
' ‘
Mes
�( 9 )
Mes rapports avec Boyer furent absolument interrom
pus : destitué comme ju g e , il ne fut remis en place
qu’après le 13 vendémiaire ; et pendant sa destitution,
il se déroboit à tous les, regards ; il ne fut pas même
lort en crédit jusqu’au 18 fructidor an 5 ; mais à cette
époque, il reparut avec a u d a c e il étoit cependant hu
milié de ce que je lui avois retiré ma confiance; il me
iil parler par plusieurs personnes pour opérer un rappro- '
chemcnt. Le prétexte fut un arrangement par lui fait
avec feu Champilour-Desmoulins, mon frère, en 1789.
Suivant Boyer, il s’étoit chargé de payer aux créanciers
de mon frère une somme de 12,000 francs; cette somme
n’avoit pas été entièrement comptée, et c e qui a voit été
payé, ne l’avoit été qu’en assignats. Boyer ne vouloit faire
pour y substituer le m ot onze ; ce qui donne au billet la date de
1791 au lieu de 1790. L ’encre qui a trace le trait sur le m ot d i x ,
et écrit le m ot o n z e , l’approbation de la rature et la lettre ini
tiale B , est infinim ent plus noii’e que celle du corps du b illet et
de la signature qui le term ine. Ges changem ens ne paroissent
avoir été faits que lors de l’endossement de la som m e de 40 fr.
du 27 mai 17 9 3 : cet endossement est postérieur au rem bourse
m ent que je lui ai fa it, Il.voulqt alors rem bourser M artine D elarbre
en assignats, sur le prétexte que je l’avois rem boursé de m êm e.
C elte fille lui répondit qu’elle lui avoit donné de l’or provenant
de ses épargnes, et q u ’elle ne lui avoil pas prêté pour m on com p te;
alors il effaça le m ot d ix pour y substituer le m ot onze. 11 avoit
deux objets ; l ’un , de faire croire que cette fille ne lui avoit donné
que des assignats ; l ’a u tre , de rendre plus probable l’em prunt qu ’ il
disoil avoir fait pour ces d a m e s, en lui donnant une date posté
rieure au com pte qu ’il avoit fait avec elles , et qui se trouvoit
trop rapprqclié de Iq dfite du billet pour qu’on ne soupçonnât pas
su délicatesse,
B
�C IO )
"aucun bénéfice sur ces payemens ; maïs comme je lui avoxs
remboursé en assignats les sommes qu’il m’avoit prêtées
en 1790? il étoit juste aussi que je lui comptasse,
d’après l’échelle, de la perte qùe je lui faisois éprouver.
Cette proposition étoit raisonnable; je l’acceptai; mais
j’exigeai qu’il fût passé un compromis, pour nous en
rapporter définitivement ù deux amis communs. L e
compromis eut lieu : Boyer a transcrit cet acte en entier,
page i 5 de son mémoire.
Qui pourroit croire que cette proposition n’étoit qu’un
piège tendu à ma bonne f o i, et que Boyer ne cherchoit
qù’un prétexte pour m’engager à payer encore une fois
les sommes qu’il m’avoit prêtées en 1790? Il crut s’être
fait un titre polir me forcer à lui donner une indemnité;
et bientôt, révoquant le compromis, il me traduisit au
tribunal civil du Puy-de-D ôm e, où il étoit juge.
Mais n’anticipons pas sur les événemens ; il est im
portant de faire connoître l’étrange marché que Boyer
avoit fait avec mon frè re , le 28 mai 1789*
Champflour-Desmoulins, mon frère, étoit un jeune
m ilitaire, généreux, dissipateur, qui avoit dépensé au
delà de sa légitim e, et me devoit encore une somme
assez considérable ( 1 ).
(1) J’ai dans les m ains une quittance de m on fr è r e , de la tota
lité de sa lé g itim e , en date du 1 " avril 17 8 4 ; un billet de l u i ,
du 1 " m ars 1 7 8 9 , par lequel il se reconnolt m on débiteur de
4,fioo fra n c s; et un second, du
25
août 1791 , par lequel il re-
connoît m e devoir la som m e de 15,920 fr. M algré ces avances
considérables, je n ’ai cessé de venir au secours de m on frère dans
tous les Icinps ; j ’ai une foule de lettres de l u i , par lesquelles il
m ’exprim e sa reconnoissance.
�C ïi )
II lui restoit pour toute ressource une creance de
16,000 francs, portant intérêt à 9 et demi pour cent,
sur le prix de la charge de receveur des tailles de
l’élection de Clermont, dont le tiers appartenoit a notre
père. Cette somme étoit due par le citoyen V iry 5 notre
oncle, titulaire de cette charge.
Mon frère avoit des créanciers qui lui donnoient de
l’inquiétude; il communiqua ses craintes à Boyer qui
trouva les moyens de le tranquilliser. Il proposa ù mon
frère de lui faire une cession de 12,000 francs sur l’o
bligation des 16,000 que lui devoit notre oncle V ir y ,
et qui rapportoit i , 5oo francs de revenu : à cette con
dition , il se cliargeoit de payer 12,000 fr. aux créanciers
de mon frère.
Comme Boyer est obligeant et fécond en ressources,
le léger Dèsmoulins accepte sans balancer ; il ne s’agit
que d’appeler un notaire pour consommer la cession.
Mais un actc.de ce genre seroit bien coûteux, entraîneroit des droits, d’enregistrement considérables; il faut
eviter cette dépense, et il -y a un moyen tout simple.
Donnez-moi, dit - il à Desmoulins , une procuration
notariée, pour m’autoriser*à recevoir les 16,000 francs
et les intérêts que vous doit votre oncle ; vous recounoîtrez, par celte p r o c u r a t i o n , que f ai déjà payé les
12.000 fra n cs ¿1 vos créanciers, et vous consentirez,
par la même procuration, que je me retienne cette somme
sur celle que je recevrai de votre oncle V iry.
Ce marché fut conclu : Boyer devint créancier de
12.000 francs, produisant neuf et demi pour cent d’inté
rêts par année, sans avoir donné un sou ; et ce n’est point
B 3
�ici une assertion aventurée ; Boyer l’a reconnu dans le
compromis du 1 5 fructidor an 7-, il a renouvelé cet aveu
'd evan t le juge de p aix , devant les premiers juges, et
devant le tribunal d’appel ; il est condamné par le
jugement à me remettre cette obligation , comme fa ite
■pour cause ¿fausse, ou sans cause -préexistante (1 ).
V i t - o n jamais un homme délicat se nantir d’une
créance aussi importante $ sans bourse délier! et Boyer
veut-il que Thonneur lui survive, lorsqu’il est condamné
i\ remettre une obligation consentie pour causej^ausse !
Je reprends le récit des faits. L e 13 vendémiaire
(1) E n m êm e.tem ps que m on frère sousçrivoit cette ob ligation ,
¡1 avoit donné à B o yer l'état de ses dettes. C ç t état étoit ainsi
conçu :
1“. A M . L a v ille , M .B Ia u d c a u tio n ................................. i , 5oo fr .
A la N anon , cuisinière de m on f r è r e .......................
A D u fra isse -L a p icrre , dom estique de M . d eFlagbeac,
cî . ...............................................................................................
Goo
1,200
M . B o yer , ma c a u t io n .....................................................
2,800
A m adam e S a u z a d e ...................................... .................. 2,900
A C a ze , p e r r u q u ie r .........................................................
5i5
A F a b re , c o n f i s e u r .........................................................
1,218
A l’abbé A u b i e r .....................................................
1,200
A B l a t i n ................................................................................
260
A B r a c h e t, t a i l l e u r ...............................» ......................
3Go
T
o
t
a
l ..........................................................................1 2 , 3 5 5
fi-
V oilà les dettes que devoit payer B oyer ; il n ’en a acquitté
d’autres que celles de C a z e , Fabre et Blatin , que je lui ai allouées.
( E x tr a it (lu livre jo u r n a l de mon fr è r e , dans leq u el il avoit in s
crit les dettes dont B o y e r é to it ch a rgé).
�( 13 )
un 8, Boyer obtient une ccdule du juge de paix de
la section de l’Ouest de Clermont - F errand, où je
suis domicilié. Il y expose , entre autres choses , que
depuis nombre d’années, il m’a rendu des services nota
bles -, qu H a reçu d’abord de m oi des marques de re
connaissance • il n’oublie pas de rappeler que je lui
ai remboursé en assignats des sommes qu’il m’avoit
prêtées en 1790 ; que l’époque des remboursemens de
certaines de ces sommes les assujétissent à l’échelle de
dépréciation, ‘ suivant les conventions des parties; qu’à
la vérité elles avoient compromis entre les mains des
citoyens Costes et Louyrette, mais qu’il peut révoquer
la clause compromissoire, sans anéantir les conventions
ou les aveux ; e t , comme les arbitres n’avoicnl autre
chose à faire qu’un calcul qui seroit pén ib le, il vaut
autant recourir aux voies judiciaires. En conséquence,
Boyer me cite pour me concilier sur les demandes prin
cipales et provisoires qu’il est dans l’intention de former
contre moi.
H me demande au principal, i° . la somme de 8,55ofr.
pour les causes énoncées au compromis; 2°. les intérêts
de cette somme, à compter depuis l’échéance des eiïels;
3°. la somme de 6,200 fr. par lui prétendue empruntée
du citoyen Lescuricr, pour le compte de mon frère,
par obligation du 3 juillet 1789; plu s, la somme de
72 fr. pour le coût de l’obligation de 12,000 fr. 4°. la
somme de 3,180 fr. aussi empruntée du citoyen Bugheon,
le 28 mai 1789 , et qu’il n’a remboursée que le 27
décembre 1792, avec 135 fr. pour intérêts ou frais.
Boyer demande encore une somme de 267 fr. 20. cent.
I
�C *4 )
payée à B latin , négociant, le 8 juillet 1789; celle de
315 fr. payée au nommé Gaze, coiffeur, le 10 du même
m ois; celle de 1,218 fr. donnée à Fabre, marchand:
ces trois sommes payées à la décharge de feu Desmoulins,
mon frère , n’ont jamais été contestées.
Mais Boyer réclamoit aussi une somme de 2,400 fr.
qvi’il disoit avoir donnée au citoyen Lahousse, cafetier,
pour un eifet souscrit par mon frère, et qui étoit échu
le 1 janvier 1789. J ’avois payé cette somme, à Lahousse
depuis long-temps ; l’effet s’est trouvé entre les mains
de B oyer, par une suite de confiance; il a étrangement
abusé de cette circonstance, ainsi que je l’établirai dans
un moment.
E n fin , Boyer demandoit une indemnité pour une
somme de 2,804 fr. qu’il disoit avoir cautionnée, sans
savoir en Javeur de qui.
Telles étoient les demandes principales, et comme
Boyer se trouvoil dans le besoin , pour faire face à la
dot par lui constituée à sa fille cadette, il me cite à
bref d élai, pour être condamné à lui payer, par pro
vision et à bon compte, une somme de 18,000 fr.
Boyer étoit-il doue dans le délire? à qui persuadera-t-il
qu’il a emprunté, pour le compte de mon frère, 6,200 fr.
cî’une part, et 3,180 fr. d’autre, sans se faire donner
aucune reconnoissancc par celui pour lequel il faisoit
les emprunts ? Comment se fait-il qu’il ne l’ait pas même
déclaré aux créanciers ? P o u rq u o i, quand Bugheon a
obtenu contre lui une sentence do condamnation, n’a-t-il
pas déclaré qu’il n’étoit point le véritable débiteur, et
pourquoi n’a-t-il p;is fait dénoncer les poursuites de
Jiuglieon ù mon frère ou à ses héritiers ?
�C l5 )
Répondra-t-il qu’il étoit nanti, au moyen de l’obli
gation qu’il s’étoit fait consentir avant d’etre creanciei ?
Mais cette obligation est contenue dans une procumtion q u il’autorisoit à toucher la somme de 16,000 francs,
et les intérêts à raison de i , 5oo Francs par année ; il ne
devoit se retenir que la somme de 12,000 francs: il etoit
donc tenu de rendre compte de sa procuration; il devoit
donc établir que les sommes empruntées de Lescuner
■et de Bugheon avoient été reçues par mon frère , ou
qu’elles avoient toui'né à son profit. Reçues par mon
frère! mais cela étoit impossible, Boyer ne devoit lui
rien compter ; il ne prenoit l’obligation de 12,000 francs
que pour payer des dettes jusqu’à concurrence de cette
somme. O r , de son aveu, il n’a l'ien payé aux créanciers
de mon frère, si on en excepte les objets minutieux de
Blatin, Caze et F abre, qui ne se portent qu’à 1,800 francs :
mon frère n’a pu toucher ces deux sommes , puisqu’à
l’époque de l’emprunt de Lescurier, Desmoulins étoit
à son régiment -, j’en ai la preuve écrite.
Je demandois sans doute à Boyer une chose raison
nable, et je n’ai cessé de répéter ces offres. Prouvez-moi
que les créances que vous me présentez aujourd’hui ont
été employées pour ‘le compte de mon frère ; qu’il a
touché les sommes ou qu’elles ont servi à payer ses
dettes, et je vous les alloue. Boyer a regardé ces propo
sitions comme une injure, et m’a fait assigner.
N on, ces différentes sommes n’ont point été empruntées
pour mon frère; elles l’ont été pour le compte personnel
de Boyer ; il les prit en 1789, et eut l’adresse de tirer sur
moi la lettre de change de Bugheon , et c’est avec ce
�( 16 )
môme argent qu’il m’a prêté en 1789 et en 1790 la
somme de 8 , 55o francs, dont j’avois besoin ; de sorte que
par un calcul qui n’est pas encore venu dans la tête de
l’agioteur le plus d élié, il retiroit deux fois son argent ,
et par le prêt qu’il m’avoit fait, que je lui ai remboursé,
et en mettant ces deux sommes sur le compte de mon
frère : si ce n’est pas une preuve de délicatesse , c’est au
moins fort adi’oit, et l’expression est modeste.
Boyer embarrassé de répondre à ces argumens, qui
étoient simples, ( et les plus simples sont les meilleurs ) ,
affecta de répandre à l’audience, qu’il avoit dans les mains
un écrit émané de m oi, et que cet écrit étoit accablant.
Mais il le gardoit pour la réplique, afin de bien connoîlre
tout ce que je ferois plaider pour ma défense, et de m’attérer par cette preuve que j’avois moi-même donnée.
Ce fameux écrit parut enfin : c’est une note qu’il a
transcrite au bas de la page 11 de son mémoire.
Je dois encore expliquer ce que c’est que cette note.
A vant d’en venir aux discussions judiciaires, j’exigeois
que Boyer m’instruisît de tous les faits et me fît connoîLre le montant des sommes qu’il disoit avoir emprun
tées pour mon frère.'
Boyer me présente une feuille de papier, et me prie
d’écrire ce qu’il va me dicter. « M . Boyer a emprunté
« pour mon frère ,
« 1°. A M . Buglieon 3,000 francs.
« 20. A M . l'abbé A u b ier 1,800 francs.
« 3°. A M . Lescurier 5,000 francs.
J ’en écrivis bien d’autres; mais à mesure que les
sommes grossissoient, je faisois des objections; je de
mande is
�( *7 ) ‘
, '
mandais comment ccs prétendues créances etoient éta
blies. Eoycr prend de l’hum eur, et retire le papier:
c’est cette même note qu’il a eu l’indignité de produire,
et q-i’il annonçoit comme un moyen accablant. Mais en
quel état le produisit-il? Il ne produisit qu’un papier
coupé, de la longueur de quatre lignes, dont il vouloit
se s e rv ir:1il avoit supprimé le reste, et l’avoit côupé
avec cles ciseaux ( x ).
Pour le coup, ce fut Boyer qui fut attéré, et publi
quement couvert de honte. Malheureusement pour lu i,
la créance de Yabbé A u b ier se trouvoit intercalée entre
Buglieonet Lescurier; et cependant il n’avoit pas demandé
la créance de l'abbé A ubier. S’il avoit supprimé les
autres qu’il ne demandoit plus •, il ne pouvoit pas ôter
celle de l’abbé A ubier; cependant il convenoit qu’elle
ne lui étoit pas due. O r, il n’y avoit pas plus de raison
pour demander celles de Bugheon et Lescurier , quecelle
d’Aubier : celle-ci étoit aussi-bien établie que les autres:
pourquoi ce choix ou cette préférence ? Etoit-ce parce
que les sommes étoient plus considérables?
Qu’on remarque d’ailleurs combien les sommes de
Bughçon et Lescurier cadroient bien avec celles qu’il
xn avoit prêtées eu 1790 î et 011 est bientôt convaincu
du double emploi,
(1) Lorsque les arbitres, qui étoient présens à l'au d ien ce, aper
çurent cette note ainsi défigurée et coupée avec des c ise a u x , ils
firent éclater un m ouvem ent d ’indignation contre l’infidélité du
citoyen B oyer. Plusieurs citoyens de C le r m o n t, qui étoient éga
lement à l ’audience, s’en aperçu ren t, et ont publié que les rieurs
n ’ éloient pas du côté du citoyen B oyer.
G
�C iS )
Je poussai plus loin Boyer sur cette note singulière;
je me rappelai que parmi les sommes qu’il m’ùvoit. fait
écrire sous sa dictée, et sur le môme papier, il^avoit
porté entre autres, une somme de 600 fr. qu’il disoit
avoir payée pour mon frère au citoyen LenormandFlagheac. J ’écrivis au citoyen Flagheac, et le priai de me
dii’e si mon frère avoit été son débiteur, et si Boyer
lui avoit payé cette somme de 600 fr.
I>e citoyen Flagheac me répond que mon frère ne lui
devoit rien, et que Boyer ne lui avoit jamais rien payé.
Je présentai cette lettre à l’audience , et fis interpeller
Boyer sur ce fait. Boyer convint des faits, et répondit
au président qu’en effet il croyoit avoir payé cette somme,
mais qu’il s’étoit trompé.
Boyer croit avoir payé une somme de 600 francs, et
n’en a pas tenu note ! il n’en a pas même retiré des
quittances, lorsqu’il a payé différons créanciers ! Quand
on connoît B o yer, il est impossible de croire à ces
omissions.
On ne croira pas non plus que B oyer, procureur
pendant quarante ans, qui a gagne 300,000 francs de
fortune, ait signé un compromis de confiance ( 1 ) , sans
savoir ce qu’il contenoit : c’est cependant ce qu’il a osé
dire à l’audience sur l’interpellation du président!! !
On ne croira pas davantage que Boyer n’eût pas pris des
reconnoissances de mon Irère, s’il avoit payé pour lui
les sommes qu’il me demande, et celles qu’il ne in’a pas
(1) B oyer a ajoute de sa m ain son p ré n o m , qui avoit été laissé
en blanc dans le double du com prom is que j ’ai en mon pouvoir.
�( l9 )
demandées, lorsque ces prétendus payemens remontent a
1789, et qu’il est établi que mon frère a reste à Clermont
pendant toutes les années 1790 et 1 7 9 1 5 sans que Boyer
lui eût jamais dit un mot de ces emprunts.
C’est ici le cas de parler de la lettre de change de
Laliousse, montant à 2,400 francs, et que j’ai été con
damné à payer par le jugement dont Boyer a imaginé de
se plaindre.
1A
En 1788 mon frère Desmoulins avoit souscrit une lettre
de change de la somme de 2,400 ’francs , au profit du
citoyen Laliousse ; elle étoit payable dans les premiers
jours de janvier 1789. M on frère éprouva une maladie
grave dans le courant de 1788 -, il avoit de grandes inquié
tudes du désordre de ses affaires, et dans son délire ne
cessoit de parler principalement de la créance de Laliousse.
Il 11e revoit que poursuites et contraintes par corps, etc. Je
crus devoir lui mettre l’esprit en repos , et j’imaginai
qu’en lui présentant sa lettre de change, je parviendrois
a diminuer son m al, ou au moins à faire cesser le délire.
Je me rends chez Laliousse; je n’àvois pas alors les fonds
nécessaires pour payer le montant de la dette; je priai le
citoyen Iiiiliousse de vouloir bien me remettre la lettre
de change de mon frère, et j'offris de souscrire à son
profit un effet de pareille somme.
lie citoyen Laliousse s’empressa d’accéder à ces arrangemens; je pris la lettre de change et la portai à mon
frère; j’ai acquitté depuis l’cifet que j’ai souscrit.
M on frère, par une suite de la confiance qu’il avoit
en Boyer , lui remit tous les papiers d’affaires ou de
famille; et parmi ces papiers se trouva la lettre de change
dont Boyer a su faire son profit.
�( 20 )
Boyer n’ignoroit pas que cette lettre de change avoit
été acquittée; mais il lui falloit un prétexte pour s’en
faire payer par moi. M on frère n’existoit plus : il ignoroit les arrangemens que j’avois pris avec Lahousse; en
conséquence il va trouver ce dernier, lui présente la
lettre de change, dont il a reçu le montant, et l’engage
à mettre son acquit au bas de l’effet.
Lahousse n’a pas l’habitude d’écrire ; il prie Boyer de
lui dicter les mots .nécessaires, et celui-ci lui fait écrire
que c’ctoit-rfe.y deniers de lu i Boyer. L e cit. Lahousse,
dont la probité est bien connue, malgré la malignité
de B o y e r, refusa de signer l’acq u it, en se récriant
contre la surprise qu’on vouloit faire à sa . bonne foi.
Boyer retira l’effet sans signature ; il a osé depuis former
la demande en payement de cette somme ; le tribunal
d’appel m’a condamné au payement, sur le fondement
que Boyèr étoit nanti du titre. La rigueur des principes
a enü’aîiié les opinions ; c’étoit bien assez d’avoir à le
juger comme juge, sans le juger comme homme', mais
cet homme est un juge!!!
Mais je demanderai à B o yer, comment et à quelle
époque il a payé cette somme à Lahousse ?
Boyer a d it, en plaidant, qu’il l’avoit acquittée î\
l’échéance : 011 se rappelle que l’échéance étoit au mois
de janvier 1789; cependant ce n’est qu’au mois de mai
suivant, que Boyer se fit consentir par mon frère l’obli
gation de la somme de 12,000 francs; et ce qu’il y a de
plus certain, c’est qu’à l’époque de cette obligation Boyer
n’avoit rien payé pour le compte de mon frère; il étoit
' nanti avant d’être créancier; il en convient lui-même.
�( 21 )
II ne l’a pas pavée depuis, puisque la lettre île change
étoit sortie d’entre les mains de Laliousse , lo n g -temps
avant son échéance. Tous les laits que je viens de mettre
en avant, sont attestés par une déclaration authentique et
enregistrée, de Laliousse’:, déclaration que j’ai produite u
l’audience (i) : aussi,lorsque j’ai satisfait auxeondanmations
prononcées par le jugement en dernier ressort, j’ai sommé
Boyer de me remettre cette lettre de change, afin d’en
poursuivre le recouvrement contre Laliousse; mais Boyer,
qui craint une demande en recours de Lahousse, s’est
refusé à cette remise, quoiqu’il ait reçu l’argent; et ce
refus fait aujourd’hui la matière d’une instance qui est
encore pendante au tribunal d’appel de Riom.
Il est d’autant plus extraordinaire que Boyer ait eu l’impudeur de réclamer le montant de cette lettre de change,
que malgré les arrangemens pris avec mon frère, il a
refusé de payer ses créanciers, et me les a toujours ren
voyés. C’est ainsi que j’ai payé 1,800 francs au citoyen
Dufraisse, que mon frère lui devoit depuis 1786, par
lettre de change renouvelée à chaque échéance, en prin
cipal et intérêts. C’est ainsi que j’en ai payé Lien d’autres,
notamment la créance de la dame Sauzade , et toutes
celles comprises en l’état que j’ai donné en note, à l’ex
ception de celles de F a b rc, Caze et Blalin.
Je pouvois sans doute me dispenser de ces payemens,
puisque mon frère me devoit des sommes considérables :
je l’ai fait pour honorer sa mémoire.
(1) L a déclaration de Laliousse est im prim ée à la suite d u me«noire.
1
�C 22 )
.T’avois présenté nn autre état qui m’avoit été donné
par mon frère, et qui a disparu à l’audience, lorsque je
le communiquai à Boyer : je dois rendre compte de cctte
anecdote que Boyer a encore malignement dénaturée dans
son mémoire.
M on frère avoit fait la note des sommes que j’a vois pré
cédemment payées pour lui, et m’avoitremis cet état pour
ma sûreté ; il étoit sur une demi-feuille de papier com
mun. Comme il étoit écrit en entier de sa m ain , et que
mon frère n’existoit plus , cet état étoit une pièce pro
hante qu’on ne pouvoit contester : je m’en iis un grand
moyen, lors dé la plaidoirie, surtout pour la lettre de
change de Lahousse, parce que mon frère y avoit écrit
que j’avois retiré cette lettre de change, et que j’en avois
payé le montant de mes deniers. Boyer, qui ne connoissoit pas cette pièce, en demanda la communication ; elle
passa dans ses mains , dans celles de son défenseur et de *
tous ceux qui étoient au barreau, qui écoutoient avec
intérêt la discussion de cette cause. X>a pièce subit le plus
rigoureux examen. M on défenseur plaidoit le prem ier,
parce que j’étois appelant : Boyer avoit surpris un juge
ment par défaut, au tribunal dont il est membre, et je
m’étois pourvu par la voie de l’appel pour abréger.
L e défenseur de Boyer prit la parole après le mien ;
il discuta longuement sur cet état qu’il avoit a la main;
pas un mot sur les prétendues ratures ni sur les dates.
L a cause est continuée à une nuire audience; mon
défenseur s’aperçoit avant l’audience que cet état manquoit à mon dossier; lui et moi la cherchons vainement;
jiqiis demandons tous deux avec confiance, soit à Boyer,
v
�( 23 )
soit à son. défenseur, s’ils n’auroient pas retenu cette pièce
par mégarde; réponse négative, l’état ne s’est plus retrouve.
Alors Boyer imagine de faire plaider que c’est moi qui
ai retiré cette pièce, parce que j’en avois falsifié ou rature
les dates. On voit que Boyer ne perdoit pas la tête ; mais
le tribunal, qui avoit saisi tous les détails de cette cause,
avec son attention et sa sagacité ordinaires, n’approuva
pas cette tournure insidieuse, et parut indigné de la mau
vaise foi de Boyer. L e président interpella son défenseur,
et lui demanda comment il étoit possible que ces pré
tendues ratures ou falsifications eussent échappé la veille
au défenseur ou à la partie, lorsqu’ils avoient entre les
mains la pièce sur laquelle ils avoient si longuement dis
cuté, et qu’ils ne se rappelassent ces circonstances que lors
que la pièce avoit disparu. L e défenseur fut également
interpellé sur la créance de Lahousse- : le tribunal lui
rappela la mention qui en étoit faite par mon frère ,
que j’avois acquitté ceLte créance de mes deniers : l’argu
ment étoit serré -, le défenseur en co n vin t, et Boyer fut
jugé par le public. Aujourd’h u i, Boyer ose reproduire
cette calomnie dans son mém oire, lui Boyer, le seul eu
état de nous apprendre ce que la pièce est devenue !
M e blamera-t-on maintenant de m’être refusé à 'payer
une indemnité à Boyer, à raison de la perte qu’éprouvoient
les assignats, lors du remboursement que je lui ai fait?
Mais d’abord, j’ai payé deux fois partie de ces sommes.
2°. J ’ai remboursé, dans le courant de mars 1793, dans un
temps où les papiers avoient encore une grande valeur (1).
(1) Boyer ne peut pas équivoqner sur l ’époque de ce rcm hour-
�Cm )
Il est vrai qu’en m’acquiliant je retirai les effets, que
je déchirai comme inutiles, et il 11e restoit plus de traccs
du remboursement.
Qu’a fait l’ingénieux Boyer, pour me donner plus de
défaveur sur ce remboursement? Il plaide que je ne lui
ai donné ces assignats qu’en messidor an 4.
On lui observe que cela est impossible -, qu’à cette épo
que les assignats étoient retirés de la circulation; alors il
Tépond que c’çst au moins en messidor an 3 : quelle
confiance peut mériter cette assertion ?
30. Je n’ai promis cette indemnité qu’à condition que
le compte seroit fait par les citoyens Costes et Louyrette,
par nous réciproquement choisis : Boyer a révoqué le
compromis.
40. E nfin, je n’ai consenti à cette indemnité qu’autant
qu’elle seroit récipi*oque, et que Boyer m’indemniseroit
lui-même du bénéfice qu’il auroit fait sur les payemens
qu’il disoit avoir faits en assignats pour mon frère. Boyer
n’a rien payé *, il n’y a donc pas de réciprocité.
6cm cnt.
J’cn aî fa it un , clans le m êm e tem p s, au cit. L o u y r e tte ,
l ’un des arb itres, que B o yer lui-m ême pressoit d ’exiger son paye
m en t c l d ’im iter son exem ple , sur-tout à raison de m a prétendue
ém igration.
Depuis le co m p ro m is, il eut la m auvaise foi de prétendre que
le rem boursem ent avoit été fa it beaucoup p l u s tard ( en messidor
ail 4. ) L ’ arbitre L o u y re tte le releva sur cette assertion. L e dé
licat B o ye r se liàta de lui répondre : mais vous avez intérêt de
dire com m e m o i, puisque nous avons été rem boursés dans le m êm e
temps. O n conçoit actuellem ent le m o tif de la grande colère de
B oyer contre L o u y rette.
T els
�(a5).
•Tels furent les moyens que je fis valoir avec sécurité;
mon défenseur y mit toute la dignité qui convenoit à ma
cause, méprisant les commérages, les p r o p o s de taverne
et de café , qui furent prodigués par mon adversaire; je
me contentai d’exposer les faits.
_ Ce qu’il y a de plus singulier, c’est que Boyer a plaidé
pendant deux grandes audiences ; il se plaint de n’avoir
pns été défendu! et son mémoire est une copie littérale
de sa défense. Il fut couvert, dit-il, par mes vociféra
tions , et le tribunal, ne voulant rien précipiter dans sa
décision, ordonna un délibéré, et n’a prononcé qu’après
le plus mûr examen.
E n fin , il a été rendu un jugem ent, le 27 germinal
an 9, qui a infirmé celui rendu par défaut au tribunal
d’arrondissement de Clermont, i°. quant aux condam
nations prononcées contre m oi, en payement de la somme
de 6,200 francs, montant de l’obligation de Lescurier ,
du 3 juillet 1789, et de celle de 3,180 francs d’a u tr e ,
montant de la lettre de change de Buglieon , du 28 mai
de la même année, intérêts et frais qui leur sont acces
soires ;
1
20. Quant à la condamnation prononcée contre moi
en nouveau payement de la somme de 8, 55o francs que
j’avois déjà acquittée en assignats, et aussi quant à la con
damnation en indemnité de cautionnement d’une obligagation de 2,804 francs, prétendue contractée par Chain»)ilour-Desmoulins, au profit cCune personne inconnue;
3°. En ce que les intérêts ont été adjugés à E o yer,
à compter des époques des payemens; 40. Enfin, en ce
que j’ai été condamné aux dépens; cmendunt, Eoyer est
D
�( 26 )
débouté de toutes scs demandes relatives à ces diiïerens
chefs, sauf à lai à agir en garantie, le cas échéant; (c’està-dire, dans le cas où il seroit recherché pour ce prétendu
cautionnement envers une personne inconnue).
Je suis condamné à payer la somme de i,8ôo fr. 13 cen.
montant des sommes payées à Blatin, Eabre et Caze, que
j’offrois; maisjesuis égalementcondamné à payer les 2,4oof.
montant de la lettre de change de Lahousse, que certai
nement je ne devois pas, et avec les intérêts seulement
du jour de la demande.
Boyer est condamné à son tour à me remettre l’obli
gation de 12,000 francs qu’il s’étoit fait consentir par mon
frè re , comme faite pour cause fa u s se ou sans cause
-préexistante, et devenue sans intérêt comme sans objet.
Tous les dépens, tant des causes principales que d’appel,
sont compensés, à l’exception du coût du jugement auquel
je suis condamné.
Ce jugement, dont Boyer a pris la peine de faire im
primer les motifs et les dispositifs , est principalement
m otivé, relativement aux créances Lescurier et Bugheon,
sur ce que ces deux actes n’établissent que des dettes person
nelles à Boyer, et qu’il ne justifie pas en avoir employé
les sommes à l’acquit des dettes de Champlîour-Desmoulins.
Sur les aveux répétés de Boyer, dans le compromis
devant le juge de p aix, devant le tribunal d’appel, qu’au
moment de cette obligation de 12,000 francs il n’étoit
créancier d’aucune somme, et qu’il devoit seulement l’em
ployer à payer différentes dettes contractées par mon frère ;
Le tribunal a pensé que par une suite naturelle de ce
nantissement, Boyer devoit rapporter les quittances justi-
�( 27 )
ficatives de l’emploi de cette somme, ainsi que les actes,
titres et dôcumens relatifs au compte à faire.
En ce qui touche la demande en nouveau payement de
la somme de 8,55o francs et en indemnité de ce cautionne
ment envers une personne inconnue ;
Il est dit, i °. que cette somme a été par moi payée à Boyer,
et de son aveu, qu’il m’a en conséquence rendu les effets ;
2°. Que la loi veut que les payemens faits et acceptés en
assignats soient irrévocables ;
3°. Que je n’ai consenti à revenir sur ce payement qu’en
considération d’un compte à faire devant des arbitres, et
parce que réciproquement Bôÿer se soumettait à ne ré
péter les sommes qu’il disoit avoir payées en assignats pour
le compte de mon frè re , que suivant la môme propor
tion, et d’après l’échelle ;
4°. Que la révocation du compromis de la part de Boyer
fait cesser mon consentement;
5°. Que la matière de ce contrat réciproque ne subsiste
plus, puisque Boyer n’a fait d’autres payemens que ceux
dont la répétition est jugée ne lui être pas due.
6°. Le tribunal décide , quant à l’indemnité du caution
nement , qu’il n’y a pas lieu à statuer sur une demande
qui n’a pas d’objet présent, sur un cautionnement qui ne
paroît point, et qui est fait au profit d’une personne qu’on
ne désigne -pas.
La condamnation des sommes; dues à B latin , Cazc et*
Fabre, est motivée sur mon consentement; celle de la
lettre de change de Lahousse, sur la circonstance que Boyer
est saisi du titre, ce qui forme en sa faveur une présomp
tion de payement,
-
D a
�C rf)
À l’égard des intérêts que Boyer avoit demandés depui«
l’époque de ses prétendus payeinens , comme ces créances
ne produisoient pas d’intérêt de leur nature, ni par la
convention , ils ne pouvoient être adjugés que du jour de
JLa demande.
B o yer, présent à la prononciation de ce jugement,
croit avoir fait un assez grand profit; il part, criant
à tous ceux qu’il rencontre, qu’il est fort content, qu’il
a gagné son procès.
Cependant il fait signifier ce jugement à mon avoué,
le 5 floréal an 9 , sans approbation préjudiciable, pro
testant au contraire de se pourvoir par la voie de la
requête civile ou de la cassation.
Bientôt il réitère cette signification à mon domicile,
soit,y les mêmes réserves ,* mais il me somme en même
temps d’exécuter ce jugement, quant aux condamnations
qu’il prononce (1).
Je m’empresse de lui faire un acte d’ofFre par le minis
tère de deux notaires, le 12 floréal an 9 , d’une somme
de 4,655 francs 10 centimes, montant des condamnations
en principal et intérêts ; mais je lui fais en même temps
sommation de me remettre les titres, notes et procédures
dont il a fait usage au procès, notamment la lettre de
(1) C es réserves et protestations de B o yer m e rappellent l ’anecdole d'un vieux p ra ticie n , qui voyageant dans les tén èb res, fu t
assailli par un orage violent ; les éclairs lui servoient quelquefois
à sc reconnoître dans l'obscurité. Il s’écrioit ;i chacun : J e t’ accopie en tant que lu m e s e r s , ne voulant faire aucune approbation
préjudiciable.
C om m e l u i , B oyer ne m arche jam ais sans protestations.
�( 29 )
clinnge souscrite par feu mon frère au profit de Laliousse,
et la note dont il s’étoit servi à l’audience, sur laquelle
étoient inscrits les noms de Ijescurier, Vabbé A ubier
et Buglieon, comme créanciei's de mon frère.
Je me réserve, par le même acte , de me pourvoir
ainsi et contre qui il appartiendroit, pour la répétition
du montant de la lettre de change souscrite au profit
du citoyen Laliousse.
Boyer ne laisse pas échapper l’argent; il me restitue
même l’obligation de 12,000 fr. {cellefa ite pour cause
Jausse); mais il refuse de me rendre les autres pièces,
surtout, dit-il, la lettre de change et la, note, sous le
vain prétexte qu’il entend se pourvoir contre le juge
ment du tribunal d’appel, et que ces pièces lui étoient
particulièrement nécessaires.
Il me parut d’autant plus extraordinaire , que B o yer,
qui m’avoit fait sommation d’exécuter le jugem ent, qui
reeevoit le montant des condamnations qu’ il prononce en
sa faveur, voulût se retenir des pièces ou des effets dont
le montant étoit acquitté.
Je pris le parti de me plaindre de ce procédé , comme
d une rébellion à justice ; et dès qu’il s’agissoit de l’exé
cution du jugement, que ma demande en remise de ces
titres en étoit une suite nécessaire, je présentai une re
quête au tribunal d’appel ; je demandai que Boyer fût
condamné à me remettre les titres, ou à restituer les sommes
que je lui avois comptées.
J ’obtins, le 7 prairial an 9 , un premier jugement qui
inc permet de l’assigner à jour fixe sur cette demande.
L e i 5 du même mois, jour capté, il se laissa condamner
�( 3° )
par défaut ; il a formé opposition à ce jugement dans le
d élai, et a fait paroître en même temps son m ém oire, ce
chef-d’œuvre d’iniquité, également injurieux pour m o i,
mes arbitres, mes conseils et les juges ; il m’appi'end, par
ce lib elle, qu’il s’est pourvu en cassation contre le juge
ment du 27 germinal an 9.
Telle est l’analyse exacte de la cause : j’ai peut-être été
minutieux dans les détails ; mais je ne voulois rien omettre
d’important. Il me reste encore à répondre à quelques
faits consignés dans son mémoire -, je laisserai ensuite à
mon conseil le soin de discuter les moyens qu’il propose,
pour obtenir la cassation du jugement dont il se plaint.
Celui dont Boyer a emprunté la plum e, le fait bon et
compatissant! R isum teneatis. B oyer compatissant ! et
les larmes du pauvre arrosent les champs que Boyer a
acquis ou usurpés pendant quarante années de vertus !
Il ne s’agit que de consulter les hal)itans de la commune
de Solignac , que Bo3Ter habite dans ses loisirs ; et le déli
bératoire du conseil, du 9 frimaire an 9 , qui autorise le
maire à poursuivre Boyer en désistement des ruloirs et
communaux dont il s’étoit emparé pour agrandir son pré
de Pasgrand.
Mais pour peindre ma détresse, et rappeler les ser
vices signalés qu’il m’a rendus , Boyer a mal choisi, en
prenant pour exemple la vente d’une de mes maisons.
Qu’on examine cette vente, du 16 janvier 1786 (1); elle
contient deux délégations seulement. Par l’une d’elles,
(1) Je n’avois pas encore été présen té au citoyen B o ye r à celte
époque.
�31 ^
l ’acquéreur est chargé d’acquitter une rente de 300 *-r* au
principal de 6,000 francs ; et certes, un homme obéré ne
va pas choisir le remboursement d’une créance dont le
principal n’est pas exigible ; il paye les plus pressés , sur
tout s’il y en avoit eu qui eussent obtenu des contraintes
par corps.
Un menteur devroit surtout avoir de la mémoire , et
ne pas s’exposer à recevoir un démenti aussi formel.
Boyer veut encore que je lui aie obligation du mariage
de mes filles. J ’en ai trois , toutes établies ; elles ont porté
à leurs maris une fortune au moins égale, et j’estime assez
ines gendres , pour être persuadé qu’ils s’honorent de
m’appartenir.
Boyer a été ma caution pour le citoyen Bonnet (1) ,
(1) B oyer dénature les fa its , relativem ent au citoyen B onnet.
C e n ’est pas l u i , com m e il le prétend , qui a seul souscrit le billet
d ’honneur : nous l’avons souscrit conjointem ent et cum ulativem ent
le 9 août 1790. J’ai heureusem ent conservé le b ille t; il est de la
somme de 27,300 fr. J’en ai acquitté le m o n ta n t, partie en im
m eubles , partie en num éraire. J’ai donné en im m eubles , au m ois
de juillet 17 9 2 , douze jo u rn au x'd e te rre , situés dans les appar
tenances de C le r m o n t, dans le m eilleur ca n to n , près les jardins
des Salles ; plus , une grange située à C lerm ont : les douze jour
naux sont en valeur de plus de 18,000 fr. J’avois refusé de la
grange 5,000 fr. J’ai com pté en outre , en num éraire , la somme
de 8,400 fr a n c s , intérêts co m p ris, à la demoiselle B o m p a rt, 4
qui le citoyen Bonnet avoit cédé la lettre de change. C es payem ens
ont été faits les 21 m essid o r, 21 et
25
therm idor an 6 : j ’en rap
porte les acquits de la demoiselle B om part.
�( 32 )
et quelques autres créanciers dont il fait rémunération.
.Mais Boyer a-t-il été dupe de ses cautionnemens ? Qu’il
le dise , s’il l’ose. Mais de ce que Boyer a été ma caution,
tons ceux qui le connoissent en tireront la conséquence
que je n’étois pas dans la détresse, et que Boyer n’avcnturoit rien lorsqu’il se prétoit à ces arrangemens : je
pourrois en dire davantage ; mais je ne veux pas revenir
§ur des choses consommées, et que j’ai bien payées.
Boyer veut se justifier de la dénonciation qu’il a faite
contre moi , comme émigré ; il dit que sa dénonciation
a été précédée de huit autres. Je n’ai pas vérifié ce fait;
mais ce que je sais bien, c’est que tous ceux qui l’ont fait,
n’ont agi que par les conseils et par les ordres de Boyer;
jusqu’à ma femme et mes filles qu’il persécutoit pour
pallier ses torts : il les conduisit ù R iom , chez le citoyen
Grenier, jurisconsulte éclairé.
Mais ce jurisconsulte étoit alors procureur-syndic du
district de Riom ; et malgré sa moralité bien connue, il
se seroit bien gardé ( surtout devant Boyer ) d’arrêter
une démarche qu’il désapprouvoit. Boyer n’a pu cepen
dant déterminer ma femme et mes enfans à signer la dé
claration qu’il leur avoit rédigée.
E st-il bien étonnant, d’après ces services signales,
que mon retour n’ait pas fait disparoître les bruits de
mon émigration? Il n’en falloit pas tant en 1793; et
j’aurois eu moins d’inquiétude, si j’avois été dans cet état
de détresse que Boyer peint d’une manière si touchante.
On sait qu’il falloit cire propriétaire pour, être- inscrit
sur la liste fatale,
Boyer,
�( 33 )
Boyer! en citant ma sœ ur, femme Blot ( i ) , vous parlez
d’une femme respectable; elle désavoue tous les faits sut
lesquels vous n’avez pas voulu qu’elle fût iuterpellee.
Accoutumée à vivre dans la retraite , loin du tumulte de
la société, elle fit avec effoi't le voyage de Riom , pour
se rendre à l’audience et vous donner un démenti ; elle
assista à une séance de trois heures : vous vous gardâtes
bien de rien dire devant elle; vous craignîtes d’être con
fondu : elle ne quitta qu’après la plaidoirie ; et vous osez
dire que je la iis sortir à dessein ! Si je pouvois être sen
sible à toutes vos calomnies, si elles pouvoient aller jus
qu’à m o i, cette imposture m’afiecteroit plus vivement.
Lorsque vous dites que j’ai connu l’obligation consentie
par mon frè re , avant que vous fussiez son créancier ;
que j’étois chez vous lorsque vous avez souscrit la lettre
de change au profit de Bugheon ; je vous répondrai cn-
( 0 B o ycr prétendit en p la id a n t, que les som m es empruntéesde Bugheon avoient été versées dans le tablier de m a sœ u r, pour
qu’elle les fit passer à D esm o u lin s, m on frère, : ce fait étoit de la
plus insigne fausseté. M a sœur chargea expressément m on défen
seur de le désavouer à l’audience ; elle y vint elle-m ême pour lui
donner un d ém en ti, et lui apprendre qu’il confondoit les épo
ques. L a somme qui avoit été versée ès mains de m a sœ u r , étoit
celle de 2,900 fr. prêtée par la dam e S au zad e, que j’a i'a c q u itté e ,
B oyer ne l ’ayant pas fait.
L a dame Sauzade s’en est expliquée elle-m êm e de celte m an ière
au citoyen B o y e r , lorsqu’il a voulu lui arracher une déclaration
contraire. L a dam e Sauzade répondit à B o y e r , que la som m e
prêtée par le citoyen Bugheon son fr è r e , n ’avoit pas été comptée
à Pesm oulins : elle est toujours prête à attester ce que j’avance,
Ë
�(
3
4
} .
'
core par le mentiris impudentissimè du bon père V a lérien. J ’étois alors brouillé avec mon frère; nous avions
absolument cessé de nous voir. Il est vrai que vous tirâtes
sur moi la lettre de change, que j’en passai l’ordre à
Bugheon ; mais je ne le fis que pour vous servir de dou
blure, suivant votre expression ; et j’atteste sur mon hon
neur, qu’il ne fut point question de mon frère : vous
saviez trop bien que dans ce moment je ne me serois pas
engagé pour lui.
Un des grands argumens de B oyer, pour prouver que
l’emprunt fait à Lescurier n’étoit pas pour son compte,
est de dire qu’il a pris de Baptiste, notaire, une quit
tance du coût de cette obligation.
Il existoit, ajoute-t-il, un concordat entre les notaires
et les procureurs, d’après lequel ils ne devoient pas se
prendre d’argent entre eux. Cela peut être ; mais cette
quittance est pour le droit de contrôle : or, il n’y avoit
pas de concordat entre la régie et les procureurs; et,
lorsque celui qui contracte paye le contrôle, il est d’u
sage d’en x-etirer un reçu, pour que le notaire ne puisse
pas le répéter. Cette précaution ne devoit pas échapper
à Boyer.
M ais, dit-il encore, vous avez au moins connu la
cession que m’avoit faite votre frère, puisqu’elle est
comprise dans un acte de dépôt que nous avons fait
ensemble chez Chevalier, notaire, le premier complé
mentaire an 4.
Sans doute je l’ai connue à celte époque , puisque c’est
précisément sur cette pièce que vous avez renouvelé vos
rapports avecinoi, et nous avons été di/isés, lorsque je
�( 35)
vous en ai demandé le compte. Vous prétendiez en
avoir fourni le montant, à la vérité en assignats; vous
m’offriez de me faire raison du bénéfice, à condition q u i
je vous indemniserois à mon tour du remboursement
que je vous avois fait : c’étoit là le piège que vous me
tendiez ; e t , lorsqu’après plusieurs années de discussion,
j’ai voulu éclaircir ce fa it, il s’est trouvé que vous n’a
viez rien payé, que j’avois été votre dupe; vous avez
cru avoir un titre contre m o i, et vous m’avez fait
assigner.
L ’état dont j’ai fait usage à l’audience, est celui que
vous aviez donné aux arbitres : j’en argumentai pour
prouver votre mauvaise foi ; et les arbitres présens
vous apprirent*que j’avois toujours refusé d’allouer d e,
prétendues créances dont je ne voyois pas l’emploi.
Boyer adresse son mémoire au tribunal de cassation:
en changeant le lieu de la scène , il croit pouvoir répéter
impunément ce qu’il a déjà fait plaider ; il a même le
courage de faire imprimer une lettre qui le couvrit de
confusion‘; c’est le billet sans date, où j'ai projtitué,
par foiblesse, le titre d’ami.
Je dus apprendre au public, lorsqu'il en fit parade ,
les motifs qui l’avoient dicté. C’est après la journée du
18 fructidor. J ’nppartenois à une classe alors proscrite;
j’avois été dénoncé comme ém igré; et quoique j’eusse
obtenu ma radiation, Boyer avoit fait des menaces; il
disoit h tous ceux avec lesquels j’ai des relations, qu’il
vouloit me perdre et qu’il me perdroit.
Ma famille, mes amis, étoient alarmés; 011 m’engage i
à avoir des ménagemens pour un homme dangereux : je
E 2
�cède. Bover étoit alors juge à Riom ; il faisoit des voyages
f'réquens de cette ville à celle de Glcrmont ; il clierchoit
surtout à épargner les voitures ; j’envoyois la mienne à
R iom , je lui écrivis pour l’engager à en profiter, ce qu’il
accepta bien vite : il trouva le billet flatteur; il ne s’attendoit pas à une pareille prévenance ; il a gardé la lettre
pour prouver qu’il ne me demandoit rien que de juste :
voilà sans doute un singulier moyen.
Dois-je relever ces expressions grossières de v o l , de
calomnies, qu’il répète jusqu’à la satiété ? Il me semble
entendre ce voleur qui erioit bien haut de peur qu’on
l’accusât, et qui n’en fut pas moins découvert.
Il est encore ridicule, lorsqu’il prétend que j’écarlois
rafiluence des honnêtes gens qui accouroient chez lui ;
semblable à ce charlatan de la foire, qui s’enroue en criant
de laisser passer la fo u le, et qui n’a jamais pex-sonne.
Il me reproche d’avoir fait des démarches pour le faire
desti tuer de ses fonctions de juge : ai-je besoin de lui rap
peler que sa place est à v ie , à moins que le gouvernement
n’acceptât sa démission ?
Il a la jactance de dire qu’il n’a jamais rien sollicité ;
il a sans doute oublié les lettres qu’il obtint, par importunité, de quelques-uns de ses collègues, lorsqu’il fut dest’tué après le 9 thermidor. Mais Boyer a si souvent manqué
de mémoire dans toute cette affaire, qu’il ne faut pins
s'étonner de rien , pas même de ce qu’il insulte les arbi
tres , quoiqu’il eut choisi le citoyen Louyrette. Mais tous
•deux sont au-dessus de ses injures; tous deux jouissent de
feslime publique, et tous les deux commissent trop bien
B oyer, pour être affectés de ses calomnies ou de sa colère.
�( r , ) __
.
Boyer se permet encore de critiquer ma conduite ; et
rêvant toujours à son affaire, il prétend que j’ai donné
une fête à ma maison de campagne pour célébrer mon
triomphe.
Je suis assez heureux pour avoir des amis ; j’ai le plaisir
de les réunir quelquefois, et dans la belle saison je les con
duis à ma maison de campagne, située à une demi-lieue de
Clermont. Sur la fin de prairial, plus de deux mois après
le jugement, je donnai à dîn er, à Beaumont, à plusieurs
citoyens , parmi lesquels se trouvoient les premiers fonc
tionnaires du département. L a réunion fut joyeuse ; nous
fîmes des vœux pour le gouvernement, pour le premier
magistrat de la république, et Boyer n’est pas un être
assez important pour qu’on daigne s’en occuper, surtout
dans un instant de plaisir et de joie : son nom rappelleroit
des choses que précisément on veut oublier.
Je le livre donc à l ’opinion publique, à lui-même , à
ses remords : j’en ai déjà trop parlé. C’est à mon conseil
qu’il appartient de discuter les moyens de cassation qui
terminent son volumineux et insignifiant mémoire.
Signé, C H A M P F L O U R .
�CONSULTATION.
i i E C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a examiné la
procédure et le jugement rendu contradictoirement,
entre les citoyens Cliampflour et B o y e r, le 27 germinal
an 9 ; le mémoire en cassation du citoyen B o y e r, et
celui en réponse du citoyen Champflour ;
E s t i m e que le jugement du tribunal d’appel est
régulier dans la forme , et qu’au fond il est favorable
au citoyen Boyer, qui ne devoit pas s’attendre à obtenir
la condamnation de la créance du citoyen Lahousse.
L e tribunal de cassation ne pouvant connoître du fond
du procès, on se dispensera d’entrer dans aucun détail
sur les différens chefs de créances réclamées par le citoyen
Boyer ; on s’occupera uniquement des moyens qu’il fait
valoir pour obtenir la cassation du jugement ; et ces
moyens sont si extraordinaix-es, si foibles, qu’on seroit
tenté de croire, comme le dit le citoyen Cliam pflour,
que le pourvoi en cassation n’a été qu’un prétexte pour
distribuer un mémoire contre lui.
En .effet, il s’élève contre le pourvoi en cassation du
citoyen Boyer, une fin de non recevoir invincible. l i a
approuvé le jugem ent, en faisant sommation de l’exé
cuter , en recevant le montant des condamnations qu’il
prononce , et scs réserves doivent être rangées parmi
ces protestations banales, si souvent employées par des
praticiens renforcés, qui 11e manquent jamais d’accepter,
¿■afts se fa ire aucun préjudice.
Il est vrai que le pourvoi en cassation n’arrête p;>s
�l’exécution d’un jugement en dernier ressort. M ais, dans
quel cas les protestations ou réserves peuvent-elles etre
nécessaires ou utiles? Ce n’est jamais que lorsque celui
qui a éprouvé des condamnations, est poursuivi pour le
payement*, alors, s’il croit avoir éprouvé une injustice;
s’il est dans l’intention de se p ou rvo ir, il ne doit payer
que comme conti’aint; il est tenu de protester, de mani
fester son intention , sans quoi il y auroit de sa part un
acquiescement préjudiciable.
Mais , lorsque celui qui a obtenu des condamnations,
en poursuit l’exécution , veut profiter du bénéfice du
jugement qui emporte profit , quoiqu’il ait succombé
sur plusieurs chefs ; dans ce cas , il n’est plus recevable
à attaquer ce même jugement : tout est consommé par
l’acceptation.
O r, le citoyen Boyer, en faisant signifier le jugement
du 27 germinal an 9 , au domicile du citoyen Champflour,
lui a fait sommation de l’exécuter, et commandement de
payer les sommes dont la condamnation étoit prononcée
en sa faveur. L e citoyen Champilour lui en a fait des
offres à son domicile ; le citoyen Boyer a reçu et donné
quittance; tout est donc terminé, et les protestations ou
réserves deviennent insignifiantes.
S’il en étoit autrement, il n’y auroit aucune récipro
cité : le citoyen Champflour seroit obligé de payer des
sommes auxquelles il a été condamné, sans pouvoir se
soustraire ni différer l’exécution du jugement, et donneroit à son adversaire des armes contre lu i, pour faire
casser un jugement dans les chefs où l’adversaire a suc
combé. Il faudroit syncoper le jugement, le casser dans
�( 40 )
une partie, et le laisser subsister dans l’autre : ce seroit
une monstruosité dans l’ordre judiciaire. Si le citoyen
Boyer avoit l’intention de se pourvoir en cassation, il
étoit indispensable de suspendre absolument l’exécution
du jugement, de n’en tirer aucun profit, pour que dans
le cas où le jugement auroit été cassé, les parties eussent
été remises au même état qu’elles étoient avant le juge
m ent, et pussent plaider de nouveau sur tous les chois
de demandes.
Cela devient impossible aujourd’h u i, dans l’état où
en sont les pai’ties : les choses ne sont plus entièi'es, par
le fait du citoyen Boyer ; il y a donc un obstacle insur
montable à sa demande en cassation.
Mais quels sont donc les moyens que propose le cit.
Boyer, pour faire annuller un jugement solennel qui
est le résultat du plus mûr examen ?
Il oppose, iQ. que la cause a été plaidée pendant deux
audiences ; que le 23 germinal il fut ordonné un délibéré
au rapport du citoyen C a th o l, à qui les pièces furent
remises sur le champ, Il ajoute que ce délibéré ne fut
prononcé que le 2 7 , sans rapport préalable ni plaidoirie
de la part des défenseurs; ce qui, suivant lu i, est une
contravention aux articles III et X de la loi du 3 bru
maire an 2 , qui, dans ce cas, exige un rapport à l’au
dience publiquement.
Avant de proposer un pareil moyen, le citoyen Boyer
auroit dû lire plus attentivement le jugement qu’il attaque,
et qu’il a lui-même fait signifier. Ll y auroit vu que les
défenseurs ont été entendus, le jour que le jugement a
été pi’ononcé. Boyer dçvroil surtout se rappeler, puisqu’il
étoit
�(4 0
étoit présent à l’audience; qu’il assistoit Son avoue pour
prendre ses conclusions, lorsque le jugement fut^prononee.
Ce fait, au surplus, est constaté par le •jugement qui ,
sans doute, mérite plus de confiance, que 1’assertion de
Boyer. Il porte expressément ces mots : « L e tribunal,
« après avoir entendu les avoués et défenseurs des parties,
« pendant'dèûx précédentes audiences, et à Vaudience
« de cejourd’h u i, après en avoir délibéré, etc ». Voilà
qui répond , sans doute , à l’objection d’une manière
péremptoire.
- D ’ailleurs, un délijbéré n’oblige point à un rapport,
Joussc, sur l’article III du titre V I de l’ordonnance de
1667 ■
>explique ce que c’est qu’un délibéré. « Il a lieu,
« d it-il, lorsqu’après la plaidoirie des avocats ou des pro« curcurs, l’affaire paroît de trop longue discussion pour
« pouvoir être jugée à l’audience; auquel cas, ou pour
« autres considérations, les juges font remettre les pièces
« sur le bureau, pour en être délibéré sur.le registre,
K sans mémoires ni écritures. L e greiïier les reçoit et les
« présente aux juges, et l’un d’eux s’en charge : 011 en
« délibère ensuite , si le temps le perm et, à l’issue de
« 1 audience , ou du moins le lendemain ou autre jour le
« plus prochain , cl le jugement se prononce à l’audience
« par celui qui a présidé au rapport du délibéré. »
Ces sorles de délibérés sont autorisés par l’article III
du' titre V I , et par l ’article’X du titre X V I I , sans qu’il
soit besoin d’aucun rapport , écriture ni mémoire. A in si,
quand il seroit v r a i, contre la teneur du jugement, qu’il
a été ordonné un délibéré.ès mains de l’un des juges,
F
�( 42)
ce seroit la stricte’exécution de l’ordonnance,loin d’être
.une infraction a la loi»
11 est extraordinaire qu’on veuille citer aujourd’hui la
loi du 3 brum aire, d’après l’arrêté des consuls , qui or
donne l’exécution de l’ordonnance de 1667. Cette ordon
nance est un code de procédure, et la loi du 3 brumaire
an 2 est négative de toute procédure*, l’une ne peut donc
pas exister avec l’autre : l’exécution de l’ordonnance
-abroge donc nécessairement la loi du 3 brumaire , si
funeste dans ses effets.
Il est cependant difficile d’expliquer, même en sup
posant que cette loi fût toujours en vigueur , quel argu
ment le citoyen Boyer pourroit tirer des art. III et X
qu’il invoque dans son mémoire. L e premier n’a aucune
espèce de rajyport à la cause ; il p orte, « que si les parties
« comparaissent, il ne sera notifié au procès que l’exploit
.« de demande et le jugement définitif; si l’une d’elles ne
« comparait point, il lui sera notifié de plus le jugement
u préparatoire : la notification de tout autre acte de pro« cédure en jugement n’entrera point dans la taxe des
« frais. »
On- ne voit pas ce que cet article peut avoir de commun
avec un délibéré. L ’article X n’est pas plus déterminant:
« Les juges cîes tribunaux, porte cet article, pourront,
« comme par le passé, se retirer dans une salle voisine
« pour l’examen des pièces; mais immédiatement après
« cet exam en, ils rentreront à l’audience pour y déli« bérer en public, y opiner à haute voix , et prononcer
« le jugement. Ils pourront encore, si l’objet pnroît
« l’exiger, nommer un rapporteur, qui fera son rapport
�« le jour indiqué dans le jugement de nomination, lequel
c< a p p o rt devra être fait, pour le plus tard , dans le délai
« d’un mois. »
Sans doute le citoyen Boyer ne prétondra pas que le
jugement est nul , parce que les juges n ’ont pas opine
à haute voix. Ce mode, qui a entraîné tant de. dénon
ciations , n’est plus usité. L ’objet de la cause n’exigcoit
pas un rapporteur; il n’y en a point eu de nommé : le
délibéré n’a eu lieu que pour examiner avec plus de çoin
les diilerens chefs de demandes', et le citoyen Boyer doit
se féliciter de cette précaution ; elle lui a valu la con
damnation du billet de Lahoussë, qu’il n’auroit pas ob
tenue si la cause avoit été jugée de suite et sans autre
examen.
A in s i, ce premier moyen de cassation est absurde et
inadmissible, d’après la teneur du jugement, la dispo
sition de l’ordonnance, et même la loi du 3 brumaire.
L e citoyen Boyer oppose, en second lie u , que le ju
gement viole la disposition de l’article I du titre 111 de
l’ordonnance de 1667, pour avoir compensé les dépens,
hors le coût du jugement auquel le citoyen Champilour
est condamné \ il se fonde sur ce que le citoyen Cliampflour est condamné à payer la somme de 4,200 francs,
dont il n’avoit point fait d’olïïes; d’où il tire la consé
quence que tous les dépens étoient h la charge du citoyen
Cham pilour, réputé débiteur.
L e citoyen Boyer n’est pas heureux dans ses a p p l i
cations : il est vrai que l’article qu’il invoque veut que
toute partie qui succom be, soit condamnée aux dépens
F 2
�( 44)
indéfiniment, sans que pour quelque cause que ce, soit,
elle en puisse être déchargée.
Mais le citoyen Champflour a-t-il succombé? L e citoyen
Boyer a formé contre lui huit chefs de demandes princi
pales; ses prétentions se portoient ù une somme de 23,317 f.
10 cent. 11 n’a réussi que sur deux chefs, et il ne lui a été
adjugé qu’une somme de 4,200 fr. O r, il est de règle et de
principe, que si le demandeur perd plus de chefs qu’il n’en
gagne , surtout lorsque ces.chefs n’ont pas occasionné plus
de dépens que les autres, il doit au contraire supporter une
portion des. dépens. C’est ce qu’enseigne Jousse, sur l’art,
de l’ordonnance invoqué par le citoyen Boyer. V oici com
ment il s’explique, nomb. 5. « Lorsqu’il y a plusieurs chefs
« de demandes portés par l’assignation, et que le doman
te deur obtient sur les uns et perd sur les autres, alors il
« faut ou les compenser, si le demandeur perd autant de
« chefs qu’il en gagne, et que ces chefs n’aient pas occa« sionné plus de dépens que les autres , ou condamner la
« partie qui perd le plus de chefs, en une certaine portion
« de dépens; ce qui doit pareillement avoir lieu sur l’appel,
« lorsqu’il y a plusieurs chefs de condamnation portés par
« la sentence dont une des parties s’est rendue appelante,
« sur partie desquels l’appelant vient à obtenir, et à perdre
« sur les autres ».
Dans l’espèce particulière, le citoyen Champflour a
fait infirmer le jugement sur tous les chefs principaux,
et n’a succombé que sur deux objets, dont le premier
n’étoit pas contesté. Tous les chefs de demande étoient
contenus dnns le même exploit, et ont bien évidemment
occasionné autant de frais les uns que les autres. L e
�( 45 )
.
.
citoyen Champflour auroit donc pu rigoureusement
exiger que le citoyen Boyer fût condamné en la majeure
partie des dépens ; cependant ils ont été compenses ,
et le coût du jugement a été entièi’ement à la charge
du citoyen Champflour. Comment donc le citoyen Boyer
a-t-il imaginé de s’en plaindre, et de se faire un moyen
de cassation de ce qu’il a été trop favorablement traité.
L e citoyen Boyer ne s’est pas entendu lui-môme dans
son troisième moyen. Sans doute 011 doit exécuter lit
téralement les conventions des parties, maintenir les
obligations qu’elles ont volontairement contractées.
Mais lorsque les conventions ou les obligations sont
purement conditionnelles, la première règle est que les
conditions soient pleinement accomplies, avant que la
convention, soit exécutée : la condition est la base et
le fondement de la convention-, l’une ne peut subsister
qu’avec l’autre. Il n’est sans doute pas besoin de s’appe
santir sur une vérité aussi,certaine, enseignée par tous
les auteurs; et ce principe ne sauroit être controversé.
O r, quelles sont donc les conventions des parties? En
quoi consistoient les obligations contractées par le citoyen
Champflour? Il promet d’indemniser Boyer du payement
qui l lui a fait en assignats, à condition qu’il seroit fuit
un compte entre les parties, et que Boyer l’indemniseroit
à son tour des sommes par lui payées en assignats pour
le compte du citoyen Champflour-Desmoulins. Ce n’étoit
ici qu’un contrat réciproque ; le citoyen Champflour
n’étoit obligé qu’autant que le citoyen Boyer le seroit
lui-meme. Boyer révoque le compromis passé entre les
parties'*, Boyer n’a fait aucun payement pour le compte
�du citoyen Chnmpflour-Desmoulins, ou, ce qui est la
‘même chose, ceux qu’il prétend avoir faits ne lui sont
point alloués. Il n’y a donc plus de consentement, dès
que Boyer révoque le compromis ; il n’y a donc plus de
réciprocité, dès que Boyer n’a fait aucun payement : il
ne peut plus offrir en compensation aucune indemnité,
et cependant la compensation avoit été la cause première
et essentielle du contrat; elle en étoit la condition prin
cipale, et tellement liée à la convention qui avoit eu
lieu entre les parties, que sans l’accomplissement de la
condition, la convention est demeurée imparfaite. C’est
ce qu’a décidé le tribunal ; c’est ce qui a été parfaitement
développé dans les motifs ; et si Boyer prétend que dans
un contrat synallagmatique et réciproque, le citoyen
Champflour a pu s’obliger sans qu’il s’obligeât lui-même;
qu’il pouvoit se jouer de ses engagemens, tandis que le
citoyen Champflour étoit obligé d’exécuter les siens,
cette prétention paroîtra nouvelle ; mais au moins ne
la regardera-t-on que comme un moyen d’appel, et non
comme un moyen de cassation, parce qu’il n’y a ni vio
lation de form e, ni infraction à la loi dans la décision
du tribunal.
Les lois des 12 frimaire, 5 thermidor an 4, i 5 fruc
tidor an 5, sont également mal appliquées.
Premièrement, le remboursement avoit eu lieu long
temps avant le disci'édit total des assignats, qui a provo
qué la loi du 12 frimaire : Boyer avoit reçu volontaire
ment, et r oient i non f i l injuria.
Les lois des 9 thermidor an 4 et i 5 fructidor an 5 ,
nu se sont occupées que des obligations pures et simples,
�( 47)
et non des conti*ats conditionnels; il étoit donc inuLile
de grossir un mémoire d’une foule de citations qui n’ont
aucune analogie avec la cause, et ne doivent pas occuper
le tribunal de cassation, qui ne peut examiner le fond du
procès.
L e quatrième moyen du cit. Boyer n’est encore qu’un
grief d’appel. Il se plaint de ce qu’on ne lui a pas adjugé
les lettres de change de Bugheon et Lescurier ; il va jusqu’à
dire qu’il auroit pu se faire payer l’obligation de 12,000 f.
quoiqu’il n’en eût pas fourni le montant ; il revient sur
la fameuse note qu’il produisit au tribunal, et qui le cou
vrit de confusion. Il prétend que cette not e, qui émane
du citoyen Cliampflour , prouve que Desmoulins, son
frère, a louché les deux emprunts. Il convient de s’être
obligé à rapporter les quittances justificatives de l’emploi
de 12,000 francs*, mais il prétend avoir prouvé , par ce
fameux écrit, c’est-à-dire, la note qui émane du citoyen
Cliampflour, que Desmoulins, son frère, avojl louché
les deux emprunts, et que lui Boyer a rempli le montant
de l’obligation que Desmoulins lui avoit consentie. Il se
plaint de ce que cette obligation n’a pas été maintenue
par le jugement; la confession de celui qui est muni d’un
pareil titre, ajoute-t-il, ne peut être divisée en matière
civile.
Tout est erreur et confusion dans ce grief, et feroit
craindre qu’il n’y eût de l’égarement chez le citoyen Boyer.
Il se plaint de ce que celte obligation de 12,000 francs
n’a pas été maintenue, et il s’est bien gardé d’en demander
l’exécution. Qu’on lise son exploit inlroductif de l’ins
tance, et tout ce qui a été écrit au procès; o n ’verra que
�. u 8)
loin de conclure au maintien de cette obligation, il a
toujours déclaré qu’il n’en avoit pas fourni le montant.
C ’est d’après ses déclarations réitérées, que le citoyen
C h a m p ilo u r a demandé la remise de cet acte, et le juge
ment l’a ordonné en motivant, sur les aveux de Boyer,
que l’obligation étoit consentie pour cause f a u s s e , ou
sans cause préexistante.
■
A l’égard des lettres de change souscrites par Boyer,
au profit des citoyens Bugheon et Lescurier, rien n’établissoit que l’emprunt eût tourné au profit du citoyen
Çhampflour-Desmoulins ; il n’en a pas reçu le montant ;
il ne devoit pas même le toucher, d’après les conven
tions, puisque ces sommes devoient être employées au
payement des dettes du citoyen Çhampflour-Desmoulins;
çt Boyer n’a payé aucune de ces dettes.
Pour l’écrit prétendu émané du citoyen Champilour,
ce dernier en a suffisamment expliqué l’origine et les
causes dans son mémoire. La forme de cet écri t, la
créance de Tabbé A u b ie r , intercalée entre celles de Les
curier et de Buglieon, et dont le citoyen Boyer n’a pas
demandé le payement, dénotent assez le cas qu'on doit
faire d’un pareil écrit, que le citoyen Boyer auroît dû
précédemment supprimer; mais le jugement ne pou voit
ordonner le maintien de l’obligation de 12,000 francs,
puisque Boyer n’en avoit pas formé la demande : le tri
bunal ne pou voit condamner le citoyen Champ.flour au
payement d’une dette que tout prouve être personnelle
au citoyen Boyer; et enfin, quand le tribunal auroit mal
jugé en celle partie, ce scroit un grief d’appel, et non
un moyen de cassation.
Dans
�( 49 )
.
Dans son cinquième et dernier m oyen, le citoyen Boyer
rappelle une loi du 3 octobre 17 8 9 , qui perm et a l a v e n i r
de prêter de l ’argent à term es fix e s , avec stipulation
d’in té rêts, suivant le tau x déterm iné par la loi , sans
eutendre rien in n o ver au x usages du com m erce.
L e citoyen B oyer argum ente de cette l o i , p o u r p ro u ver
que le jugem ent dont il se plain t auroit dû lu i adjuger
les intérêts de la somme de 4?200 francs qu i lu i a été
allouée , à com pter du payem ent q u ’il d it en a v o ir fait.
L e jugem ent ne lu i adjuge cet in térêt qu ’à com pter de
la demande ; d o n c , suivant le citoyen B o y e r , il y a in
fraction à la lo i du 3 octobre 1 7 8 9 , p ar conséquent ou
v e r tu r e à cassation.
E t range conséquence ! S u ivan t les anciens prin cipes,
l ’argent étoit stérile de sa n a tu re , et ne p o u v o it p rod u ire
d’in té r ê t, lorsqu’il s’agissoit de p r ê t, qu’autant que le p rin
cipal étoit aliéné entre les mains du d é b ite u r , ou qu ’ il
existoit une dem ande judiciaire en payem ent.
L a lo i citée n’a pas d éro g é à ce p rin cip e ; elle a seu
lem ent laissé la faculté, p o u r l’aven ir, de stipu ler l’in térêt
au taux ordinaire , par l’obligation ou le b illet ; c’est-àdire , que lorsque cet in térêt est stipulé par l’écrit ém ané
du d éb iteu r, les tribun au x do iven t l'a d ju g e r, con form é
m ent a la convention ; mais s’ il n’existe aucune stipula
tion , l ’intérêt n’est d û , com m e a u tre fo is, que du jo u r
de la demande.
O r , il n’y a aucune convention de cette nature entre
les p arties, puisqu’au contraire les sommes réclam ées par
le citoyen B o yer étoient contestées ; que d ’ailleurs le
p réten d u p rêt étoit antérieur à la loi*, il y a p lu s , c’est que
G
�( 5° )
dans les emprunts prétendus faits par Boyer, il est même
convenu qu’on avoit calculé l’intérêt qui devoit courir
jusqu’au terme fixé pour le payement, et que cet intérêt
avoit été confondu avec le principal. C’est ainsi que cela
a été pratiqué pour Lescurier et Bugheon, et pour les
sommes adjugées à Boyer; tel est d’ailleurs l’usage abusif
et usuraire qui s’eSt introduit dans le commerce.
Ainsi les prétentions du citoyen Boyer ne tendraient
à rien moins qu’à se faire adjuger l’intérêt des intérêts,
et à faire admettre l’anatocisme dans les tribunaux.
Il
invoque une clause du compromis, où il est dit que
les citoyens Louyrette et Costes, arbitres, feront aussi le
compte des intérêts, conformément à la loi. Mais celte
clause d’usage et de style, ne se rapporte pas à la loi du 3
octobre 1789; elle n’obligeoit les arbitres qu’à compter
les intérêts légitimement dûs , et sans contredit les arbitres,
loin d’adjuger les intérêts de la créanceLahousse , auroient
au contraire rejeté le principal.
Mais le citoyen Boyer a l’évoqué le compromis ; mais
le citoyen Boyer n’a pas exécuté les engagemens qu’il
avoit contractés ; mais le citoyen Boyer ne peut pas argu
menter d’un acte qui n’existe plus, qu’il a lui-même détruit.
L e citoyen Boyer, en terminant son mémoire, annonce
que scs moyens sont encore mieux développés dans sa
requête en cassation; comme la requête n’est communi
quée qu’autant qu’elle est admise, il y a lieu de penser
que le citoyen Cliampflour ne sera pas obligé d’y répondre.
D é l i b é r é à R i o m , p a r l e s anciens jurisconsultes
soussignés, le i 5 vendémiaire an 10.
TOUTTÉE, PAGES.
�( 5i )
Le
c o n s e i l
s o u s s i g n é
est
du même avis par les
mêmes motifs. A Clerm ont-Ferrand, le 30 vendémiaire
an dix.
DARTIS-M ARCILLAC.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a lu attentivement la
présente consultation, est parfaitement du même avis et
par les mêmes raisons. Délibéré à R io m , le 3 brumaii*e
an 10.
ANDRAUD.
�P I È CE S
J U S T I F I C A T I V E S .
D É N O N C I A T I O N
DE
P IE R R E
B O Y E R ’,
A n térieu re à l’inscription du cit. Cham pflour, sur la liste des ém igrés.
E x tr a it des registres , contenant le s déclarations des créanciers
sur ém ig rés, tenus au ci-deva nt d istrict de C lerm on t, n°. 74*
A o , o . a d ’ j i u i vingt-sept octobre m il sept cent quatre-vingtd o u ze, a été déclaré par le procureur syndic du d istrict, q u ’il lu i
avoit été signifié un a c te , en sadite qualité , par le m inistère de
W e l l a y , h u issier, en date de cejourd’h u i, à la requête du citoyen
Pierre B o y e r , avoué au tribunal de district de cette co m m u n e ,
par laquelle il lui est déclaré qu’il étoit bien notoire que depuis
bien des années ledit B oyer avoit eu la confiance de Jean-BaptisteCésar Cham pflour-d’A la g n a t , pour lequel il avoit fa it des affaires
im p ortan tes, et s’étoit p rê té , à son égard , à tout ce que l’on peut
faire pour obliger un galant h o m m e ; q u ’il l ’avoit fait de la m a
nière la plus gén éreu se, ainsi qu’il étoit connu de la fa m ille , 11e
s ’attendant à d ’autre reconnoissance qu ’à celle que se doivent des
amis ; qu’il l ’avoit principalem ent obligé , en souscrivant d iffé rens emprunts faits par ledit C h am pflour, notam m ent un billet de
la som m e de 17,000 francs au profit du sieur R o c h e fo rt, et autres
quatre de
85o francs
ch acu n , le
3
m ars 1 7 9 1 , pour lesquels objets
il y avoit un acte d ’indem nité : 20. d ’un autre de 12,000 fr. prêtés
audit sieur C ham pflour par le citoyen B r u n e i, pour lequel il y
avoit égalem ent indem nité ; qu ’il avoit en outre passé l’ordre de d if
férentes leltres de change tirées sur lui par ledit sieur Charnpflour, dont il étoit dans l’im possibilité de donner
le d é t a il,
attendu qu’il y en avoit à très-longs term es, notam m ent celles
�dos sieurs Bonnet chirurgien, G u y o t de V ic-le-C om te, et- a u lie s, qu i
lui étoit dû à lui-m ême par billet 7,9^0 francs : p lu s , qu il lu i
eto it dû par le d it G ham pjlour-D esm oulins la somme de 12,000
fra n cs par acte devant notaire , lesq u els 12,000 f r . (1) lu i B o y er
avoit emprunte’s pour le s com pter audit Cham pjlour ou à ses créan
c ie r s , e t fo u r n i de se s deniers ce q u i n’ avoit pas é té emprunte ;
m ais que cette somme lu i avoit é té déléguée ci prendre sur les
sieurs de V iiy père et f i l s
par le m êm e a cte du 28 'm a i 1789 ,
lesq u els devaient audit Cham pjlour la som m e de 16,000 fr a n cs
portant quinze cents fr a n cs d’ intérêts ; q u ’i l é to it m êm e porteur\
du titre obligatoire q u i é to it com m un avec le sieu r Champjlour.
a în é e t la dam e B l o t , a u x q u e ls i l étoit dû p a reille som m e.
. Q u ’il avoit été instruit par bru it public que ledit sieur Gésar
Cliam pflour étoit ém igré; q u ’il croyoit devoir prendre les précau
tions qu’exigeoient ses intérêts , e t de faire en conséquence la pré
sente d éclaratio n , avec protestation de faire toutes poursuites néces
saires : lequel acte éloit signé dudit sieur B o yer et de l’huissier.
Q u e M . le procureur-syndic croyoit ne devoir être tenu à autre
chose sur cette sign ification , que de la déposer au secrétariat du
d is tr ic t, pour valoir et servir audit B o yer ce que de raison ;
que les lo is, soit du 8 avril, soit du 2 septem bre d e rn ie r, ne le
rendoient en aucune m anière dépositaire ni surveillant des inté
rêts des créanciers d ’émigrés ; que l ’article V I de la loi du 2
septem bre, prescrivoit au contraire aux créanciers ce q u ’ils avoient
h faire , pour être conservés dans leurs droits , privilèges et hypo
thèques , et être colloqués utilem ent sur les deniers provenans de la
vente des biens des émigrés ; que par conséquent l’acte du sieur
B o yer, q u i, sans être un acte inutile, ne rem plissoit pas néanm oins
(1) O n voit que B o y er ne c o m p to it pas sur m on r e t o u r , lorsqu'il v o u lo it
s'approprier les 12,000 francs énoncés en l'obligation de m o n frère ; q uoique
cette obligation fût consentie de son a v e u , p o u r c a u s e f a u s s e , il ne la portoit pas moins com m e une créan ce légitim e q u ’il vo u loit s’a p p r o p rie r , saut
doute p o u r l'i n t é r ê t d e la n a tio n . Y o i l à ’cet h om m e qui veut que l'h o n n e u r
l u i survive !
�.
(
5 4
}
..
le but de la loi $ur scs intérêts ; et q u ’il ne pouvoit sans autrem ent
se charger, ni sans porter aucun préjudice aux intérêts de la nation
faire la déclaration ci-dessus, et requérir que ledit acte soit déposé
nu secrétariat ; ce qui a été l a i t , sa u f audit B o y e r , s’il le juge à
p ro p o s, à parer aux inconvéniens qui résulteraient de cette décla
ration im parfaite pour ses intérêts ; et au registre a signé
procureur-syndic. N °. 406.
L e d it jour
5
B
e r n a r d
,
décem bre 1 7 9 2 , est com paru au m êm e directoire
de district le citoyen Pierre B o y e r , avoué au tribunal du district
de C lerm o n t, y h a b ita n t, lequel craignant de n ’avoir pas entière
ment* rempli le vœu des décrets par l’acte qu’il a fait signifier
au citoyen Bernard , procureur-syndic de ce d istrict, le 27 octobre
d e rn ie r, a décla ré qu’ i l croyuit devoir la réitérer, e t Vétendre
notamment:sur des objets
qui
doivent
profiter
a
la
républiq ue
,
clans la supposition que J ea n -B a p tiste-C ésa r Cham pjlour-B eaum ont , d o m icilié en cette 'ville ju s q u ’au 14 ou 1 5 ju ille t d ern ier,
s o it ém ig ré, ce que le requérant ignore a bsolu m en t, le sieur
Cham pflour ne lu i ayant a n n on cé son voyage que pour la v ille
de L y o n ,
ne
se
tr o u v a n t
tas sur la
liste des
ém ig rés
,
dans la
q u elle Joseph Cham pjlour son frè re e st inscrit. E n conséqu ence ,
le requérant déclare de nouveau , avec offre d ’ affirm er s}i l en e s t
req u is, ou s i cela p eu t être nécessaire (1) , qu’il est notoire que
depuis huit années il a eu la confiance du sieur Cham pflour , pour
lequel il a fa it des affaires im portantes et heureuses égalem ent
notoirem ent connues ; que par su ite, il s’est prêté à son égard à
tout ce qu ’on peut faire pour obliger un galant hom m e ; q u ’il l’a
lait de la m anière la] plus généreuse, ainsi qu’il est connu de sa
fa m ille, ne s’attendant à d ’autre reconnoissance que celle que se
doivent des amis ; qu’il l’a principalem ent obligé en souscrivant
( l ) Mîi feintne nt l’ un dp mes gendres firent de vains efforts pour arrêter
la d ém arche <Ie B o y e r ; ils offrire n t de le rassurer, par des «ngagemens soli
daires sur leur furtune personn elle, de ;out ce q u ’il pourroit perdre : m.iis
Boyer avoit d ’autres v u e s; il com pto it se faire adjuger m on bien de Be.uw
;npnt.
�( 55 )
.
différens emprunts fa ils par ledit sieur Cliam pflour pour se liquider
envers des créanciers pressans, lesquels il a signé avec lui comme
si les emprunts étoient com m uns , notam m ent cinq billets à ordre.
L e F \ de i 7,000 francs en p rin cip al, au profit du sieur R o clieiort de R io m , et les autres quatre de
3
85 o
francs ch acun, le
mai 1 7 91 , pour lesquels ledit sieur Cliam pflour a fourni le
meme jour une indem nité au requérant dont il a fait le dépôt
présentement.
20. Q u ’il a souscrit avec ledit C ham pilour Un autre billet de
la somme de ia,Goo francs prêtée ù ce dernier par le citoyen
B ru n e i, habitant de cette v ille , du
5
5
m ars 1791 , payable au
mars de la présente année, ignorant le requ éran t, si ledit billet
a été acquitté, pour lequel il y a indem nité du même jo u r, et qu’ il
a également déposé.
6 . Q u 'il a passé l’ordre de différentes lettres de change tirées
en sa faveur par ledit sieur C h am p ilo u r, et dont le requérant a
passé l’ordre en faveur des p rêteu rs, desquels ¡1 est dans l ’im pos
sibilité de donner le détail y en ayant à longs termes et n ’en
ayant pas gardé des notes, com ptant sur la probité et l ’exactitude
du sieur C h am pilour; m ais qu’il en connoit plusieurs, notammeuL
celle du sieur B on n et, chirurgien de cette v ille , dç 8,400 fr a n c s ,
et qui éloit auparavant de 27,300 francs.
4
• Q u ’il a souscrit et accepté deux lettres de change de 3,000 f.
chacune, en faveur du citoyen G u y o t, ’de V ic - le - C o m te , juge du
tribunal du district de B illo m , payable le i " - février 179$, pour
lesquels il y a indem nité du 1 " . février 178 9 , de la part du sieur
C ham pilour , en faveur dudit in stan t, laquelle le requérant a éga
lem ent déposée.
5°. Q u ’il a passé l ’ordre
en faveur du citoyen C h arb on n ier, d ’une
autre lettre de change de la somme de 4>24 ° fr a n c s , tirée par le
sieur C h am p ilo u r, en faveur du req u éra n t, le i 5 m ars 1791 ;
G\ Q u ’il est dû au requérant, i°. la somme de
5, 25o
fr. suivant
le billet consenti par le sieur C h am p ilo u r, le 1 " . octobre 1790 ;
2 . autre somme de 2,5oo f. portée par billet du 11 novem bre 1790;
�( 5G )
5*. enfin d ’une som m e de 400 f . payée en son acquit au citoyen
D essaignes, pour le m ontant d ’un billet de pareille somme , du 22
août 1790» suivant sa q u itta n ce , au dos du 17 janvier 179 1.
T o u s lesquels billets le .requérant a déposé à l’in s ta n t, en exé
cution de l’art. V I de la loi du 2 septembre dern ier, sa u f à les
re tire r, s’il est n écessaire, lesquels ainsi que les indem nités sont
tim brés et non contrôlés.
l i a d écla ré d é p lu s , e t c e
tour
l ’in t é r ê t de
i. a
n a tio n
, sauf
à réaliser sa déclaration à la m u n icip a lité de cette v ille j con
form ém ent à la l o i , q u ’ i l a en ses m ains le s objets suivons , con
cernant le sieur Cham pjlour e t son fr è r e : i°. un dou ble de
traité p a ssé sous sein g privé entre les sieurs A r ta u d -d e-V iry ,
père et fils, et les sieurs Jean-César C bam pflour, Josepli C h am p flo u r, o fficier, et Claudine Cbam pflour et Jean G érard B l o t , son
m a r i, du 14 octobre 17 8 2 , par lequel les sieurs de V ir y se sont
obligés à leur payer la som m e de ,48,000 fr. pour leur portion ,
dans la charge que possédoit le sieur de V i r y , et l’intérêt de cette
so m m e , sans pouvoir la rem bourser de dix années , à com pter de
l’époque du tr a ité , sur le pied de
4 >5 oo
fran cs p ar a n n é e , c ’est-
à-dire, i,5 o o francs c h a cu n , en in térêts, et 16,000 en p rin cip al,
sans préjudice de leurs autres droits ; lequel traité a été suivi d ’une
sentence contradictoire de la ci-devant sénéchaussée de cette v ille ,
du 29 janvier 1 784? portant condam nation de ladite som m e et
des in térêts, sur laquelle som m e de iG,ooo fr. revenant au sieur
C b a m p flo u r, o fficier, il en a cédé au requérant celle de 12,000 f.
par acte du 28 m ai 1 7 8 9 , en sorte q u ’il n ’est plus dû au sieur
Cbam pflour cadet que /¡,ooo ira n c s, et les intérêts de deux années
qui écherront le 14 du présent ;
2°. Q u ’ i l a une procédure contre le sieur de V ir y , père, au nom
des sieurs Cbam pflour et B lo t , au sujet de la com ptabilité des béné
fices de la m êm e charge de receveur des tailles, alors exercée par le
sieur de V i r y , père , dans laquelle le déclarant a fait un projet de
requête qui l’a occupé plus de six m o is, quoiqu’aidé de mém oires
et relevés pris sur les registres-journaux et som m iers pris par le cit.
L o u •/v rctle
�( 57 >
Lonyrette qui y a , de sa p a r t , em ployé au niôilïS trois m o is , sans
désemparer", et qu’il sem b le, d ’après le com pte de clerc à m a ître ,
que le sieur de V ir y est débiteur d ’environ 120,000 fr . envers les
sieurs Cliam pflour et B l o t , le sieur C ham pflour aîné ayant une
portion plus forte que les autres, com m e héritier de son père qui
avoit l’usufruit des biens de la dam e E spin asse, sa fe m m e , e lle s
autres n ’ayant de prétentions effectives sur cette somme que depuis
le décès du sieur Cliam pflour p è re , époque à laquelle la succession
maternelle a été divisée par tie r s , entre les trois enfans venus de
leur mariage , lesquelles pièces le déclarant ne pouvant déposer non
plus que le traité et la sentence, attendu que les deux dites pièces
sont co m m u n es, tan t avec ledit B lot et le déclarant q u ’avec les
irères C liam p flou r, et qu’il en est de m êm e de la procédure, excepté
que le requérant n ’y est que pour son travail qui lui est encore d û ,
offran t cependant de com m uniquer lesdites pièces à qui il appar
tiendra , m êm e avec déplacem ent.
3°.
E n fin , qu’ i l a en ses m ains trois contrats de 'vente sous
seing prive' -3 de d e u x parties de m aison situ ée en ce lte v ille ,
v i s - c i - v i s le s c i- d e v a n t A u g u s t in s } e t d ’ un m oulin sur le
chem in de Clerm ont ,
a lla n t à C liam alières ; les deux pre
m ie r s , du a 5 septembre 1 79° > l
consenti en faveur de Jean
L è b r e , dit M arcillat a în é , et l’autre en laveu r de M agdelaine
C h a rles, veuve de Claude D o n ces, sellier ; et le tro isièm e, du 1'*.
avril 1791 , en faveur d ’H crm cnt Jaco b , tra ite u r, habitant de
celte v ille , m oyennant les prix y én o n cé s, desquels il a pareille
m ent fait le dépôt présentem ent, observant que les objets vendus
appartiennent à ladite B eraud, épouse du sieur C liam pflour a în é ,
com m e faisant partie de la succession du sieur B era u d , son père,
Desquelles déclarations et dépôt le déclarant a requis acte et
récépissé des effets déposes, sans préjudice à lui de tous ses droits
et moyens contre les prêteurs, et au registre a signé B
C op ie certifiée conjorm c :
L A B R Y ,
secrétaire.
II
oyer
.
�d é c l a r a t io n
J
e
du
c it o y e n
l a u o u s s e
.
soussigné recon n ois, déclare et confesse qu’en l’année 1788,
j ’avois prêté au citoyen Cham pflour - D esm oulins, la som m e de
2,400 fr a n c s , de laquelle il m ’avoit fait une lettre de change
p ayable au com m encem ent du m ois de janvier 1 7 8 g ; que long
tem ps avant l’éch éan ce, le citoyen Cham pflour aîné me dit que
son frère D esm oulins étoit inquiet à raison du payem ent de cette
lettre de ch a n g e , et me p ro p o sa , pour le tran q u illiser, de m e
faire lui-m êm e un effet de pareille so m m e , payable à m a volonté ;
ayan t accepté sa proposition pour faire plaisir à lui et à son frè re ,
je lui rem is ladite lettre de change, et il me fit un billet de pareille
so m m e , q u ’il me paya ensuite.
D éclare et co n fesse, en o u tre , que lo n g -tem p s après avoir été
payé du m ontant du b illet représentant ladite lettre de ch an g e,
le citoyen B oyer me présenta la m êm e lettre de ch a n g e, en me
disant : V o ilà un effet dont vous avez été p a y é ; il faut y m ettre
votre acquit ; lequel il me dicta : et com m e il m ’avoit fa it écrire
que c ’étoit des deniers de lui B o y e r, je refusai de le sig n e r; dé
clarant en outre que le citoyen B oyer ne m ’a jam ais rien p a y é ,
ni pour les citoyens C h am pflour, ni pour personne, et que j ’ignore
absolum ent pourquoi celte lettre de change s’est trouvée entre les
m ains de B o y e r , de laquelle je n’avois plus entendu p a rle r, que
depuis l ’année dernière que le citoyen Cham pflour et d ’autres per
sonnes vinrent chez m o i, et m e dirent que le citoyen B oyer prétendoit s ’en faire payer par le citoyen Cham pflour aîné.
C e 29 n iv ô se , an g de la république.
D éclaration de ce que dessus.
LA U O U SSE .
Enregistre à R io n i, le d i x - s e p t germ inal an n e u f, fo lio 48 ,
recto e t verso. Jieçu un f r a n c , p lu s d ix centim es.
P O U G I I O N.
�Saint - A rn aud, le 7 frimaire an 8.
J'ai reçu ta lettre, m on cher C h a m p flo u r, par laquelle tu me
demandes un éclaircissem ent sur une créance de 600 francs que
le citoyen B oyer réclam e de la succession de ton f r è r e , qu’ il d it
n' a voir p a yée au nom de ton fr è r e , je ne puis te dire que ce que
j' ai répondu au citoyen B o y e r, qui est venu m e voir il y a quelque
tem ps, et qui me parla de cet objet. Je cherchai bien à m e rap
peler , et depuis j’ai encore tâché de m e ressouvenir si je n ’avois
pas quelque notion sur ce tte affaire. Je sais que ton frère m ’a dû
plusieurs fois de l’argent qu’il m ’a toujours parfaitem ent payé ;
ainsi je n ’ai rien à réclam er : mais je ne m e rappelle pas que
jam ais il ne m ’ait rien été payé , au nom de D esm o u lin s, par
le citoyen B o y e r; je le lui ai déclaré com m e je te le m ande ic i,
parce que j’e n ’en ai pas la m oindre idée. Je serois aussi fâché
de te faire to rt, que je le serois de porter préjudice à la récla
mation du citoyen B o y e r, à qui j’ai fait la m êm e déclaration que
je te fais là. M ille respects à m adam e de C h am pflo u r; et re ço is,
m on cher a m i, l’assurance de m on bien sincère attachem ent.
L E N O R M A N D .
A R I O M , de l ' im prim erie de L a n d r i o t , seul im prim eu r du
T rib u n a l d ’appel. — A n 10.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Champflour-d'Alagnat, Jean-Baptiste-César. An 10?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Champflour
Toutée
Pagès
Dartis-Marcillat
Andraud
Subject
The topic of the resource
créances
assignats
Couthon
émigrés
inventaires
contre-révolution
Blatin
Aubier (abbé)
lettres de change
notables
opinion publique
séquestre
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Jean-Baptiste-César Champflour-d'Alagnat, propriétaire, habitant de la ville de Clermont-Ferrand, département du Puy-de-Dôme, défendeur ; contre Pierre Boyer, juge au tribunal civil de l'arrondissement de la même ville, demandeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
1789-Circa An 10
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
59 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0709
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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assignats
Aubier (abbé)
Blatin
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émigrés
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0da52d34874d59fd769b71a67bbd6661
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CONSULTATIONS
SUR
LA N U L L I T É
d ’ UN
DIVORCE.
�CONSULTATIONS
SUR M É M O I R E I M P R I M É ,
P O U R
M a r g u e r it e
C O U G U E T -F L O R A T , veuve du sieur
de Reyrolles ? intimée
CO N TRE
C a t h e r i n e M A I G N E , appelante de jugem ent du
tribunal de première instance séant au P u y , rendu
le 24 flo réa l a n 13.
I
»
L E C O N S E I L S O U S S I G N É n’hésite pas à penser, avec
l’estimable auteur du mémoire imprimé pour la dame Couguet-,
A
�C2 )
Florat i que le jugement du tribunal du P u y , q u i, sans s’arrêter
fantôme de divorce opposé a cette veuve , a décidé que le
aieur de Reyrolles est mort son époux, rend un hommage trop
pur aux mœurs , à la justice et aux lo is, pour que l’appel porté
devant la sage cour de Riom doive lui inspirer des craintes.
La demoiselle Ma:gne se pare de la qualité de seconde femme
et de veuve du divorcé de Reyrolles; mais elle sait bien que ce
sont là des titres usurpés; que son mariage essentiellement nul,
pour avoir été précipité, quand il auroit été précédé d’un divorce
r é e l, ne 1 arracha point à la honte du concubinage, et ne couvrit
m êm e pas ses désordres de l’excuse et du manteau de la bonne
foi ; car elle ne pouvoit pas.ignorer, lorsqu’elle engagea sa foi
au sieur de R eyrolles, divorcé depuis dix mois seulem ent, elle
ne pouvoit pas »ignorer , disons-nous , la loi qui interdisoit à
l'époux divorcé de contracter un nouveau mariage dans l’année
du divorce (1) : ce mariage en outre présente d’autres vices
inutiles, quant à présent, à rapporter.
D ’un autre c ô t é , jamais elle n’a , pendant ce prétendu ma
riage , goûté les douceurs de la maternité.
Ce n’est donc ni pour couvrir son hon neur, ni pour conser
ver un état à ses enfans, qu’elle s’acharne à dégrader cette
épouse infortunée; c’est uniquement pour retenir, sans retran
chement et sans partage , la riche dépouille du d éfu n t, devenue
sa proie par un testament surpris à la crainte et à la foiblesse ;
uniquement pour nager dans un superflu plus abondant, et le
réserver à des collatéraux avides.
Ah ! si la balance de la loi pouvoit être un instant flottante ou
incertaine dans cette lutte affligeante pour les mœurs , l ’im
pulsion du sentiment et l’humanité la feroient pencher bien vite
en faveur de l’épouse légitime , à qui la cupidité ose disputer les
(i) A r t. a , §.
5 de la loi du ao septembre 1792.
�(3.)
avantagesi matrimoniaux que le plus solennel et le plus 'saint
des contrats lui avoit assurés, et qu’ une courtisanne voudront
réduire au plus extrême dénûment.
»
Mais la dame Florat de Reyrolles n’a pas besoin d émouvoir
le sentim ent, pour réunir les suffrages à la cour d’appel comme
elle les a réunis en première instance : il lui suffit de faire pailer
la loi.
n
L e sieur de Reyrolles lui engagea sa foi aux pieds des au tels,
le 8 novembre 1774 , avec toutes les formalités légales que la
loi du temps exigeoit pour former un mariage indissoluble. Ce
m ariage, légalement contracté, ne devoit être dissous que par
la mort de l’un des époux. Une loi postérieure en disposa autre
ment , et voulut que ce lien sacré pût être rompu , entre les
deux époux , par le divorce , dans les formes qu’elle déter
mina. Le sieur de Reyrolles , dans le délire de la passion qui'
l’égaroit, voulut tenter de rompre par cette nouvelle voie les’
sermens qui l’unissoient A son épouse ; mais conduisit-il l’en
treprise au terme marqué par la loi? il s’en faut bien. Un acte
de divorce précipité , arbitraire , et monstrueux dans sa contexture , la fit avorter au tiers de la route ; car le divorce provoqué
par lui seul le »4 mai 1ygS, sur la simple allégation de l’incom
patibilité d’humeur et de caractère , devoit être précédé de trois
assemblées de parens dans un intervalle de six mois de délai au
moins , afin de préparer par de sages conseils , et de mûrir par
la réflexion, un rapprochement entre les époux , q u i est le pre
mier et le principal vœu de la loi (1). lîlt bien ! il fut prononcé
le 28 juillet même année, à la suite d’une seule assemblée de
parens ou d’amis conciliateurs , par une complaisance de l’offi
cier de l’état civil , qui eût été coupable , si sa prévarication
n’étoit pas excusée par l’ineptie dont il a consigné la preuve
dans l’exercice de cet acte de l’autorité publique, en pronon
çant non la dissolution du mariage civil et religieux tout à la fois,
(1) A rticles 8 , 9 , 10 et s u iy a n s , §. 2 de la loi du 20 septembre 1792.
A 2
�(4)
que les époux avoient contracté devant le njinis.tre du c u lte , sui
vant les lois du. temps, le 8 novembre *774, mais seulement la
dissolution des conventions civiles du m ariage, contractées la
veille devant Couguet jeune et H éraud, notaires.
Une prononciation si prém aturée, quand on veut y trouver
la dissolution du mariage par divorce fondé sur l'incompatibi
lité d’humeur qui n’y est pas , et si bizarre , quand on se borne
à y voir la dissolution des conventions matrimoniales qui y est
seu le, peut-elle être présentée de bonne foiaux tribunaux comme
un acte de divorce sérieux? Le bon sens , la raison et la loi y
verront-ils jamais autre chose qu’une monstruosité , ou un jeu
du délire et de l’esprit de vertige ?
Vainem ent on multipliera les efforts pour y trouver un acte
de divorce légalement prononcé par le consentement mutuel des
époux : jamais on ne parviendra à faire illusion.
, i°. Le consentement mutuel des époux n’avoitété mis par l.a
loi au rang des causes légitimes de divorce , qu’avec des condipropres à en assurer la spontanéité , la réflexion et la per
sévérance. Ces conditions n’étoient pas livrées à l’arbitraire des
époux ; elles avoient été tracées avec soin par le législateur, et im
périeusement commandées. Ce genre de divorce de voit être provo
qué par le mari et par la femme réunis, et agissant conjointement,
par un acte de convocation de six au moins de leurs plus proches
parens, signifié par un huissier, non de la part de la femme au
m ari, ou de la part du mari à la femme , mais par un acte de
convocation signifié aux parens de la part du mari et de la femme
conjointement (1) ( celle-ci autorisée expressément à cet effet
par le mari ) (2) ; l’assemblée des parens de voit se former par u n
(1) A rtic le s 1 et 2 J e la loi du 20 septembre 1 7 9 2 , §. 2.
(i) L'autorisation <le la fenune par le mari n ’est pas littéralement exigée
p.*r la loi du ao septem bre 179 a , mais elle est prescrite par les lois générale»
po ur tous les actes q u i concern ent la personne de la fem m e en puissance d u
n n r i.
�concert unanime deâ éponx ; en un m o t, ci jour f i x é , et au heu
convenu avec les parens ou amis. Un officier municipal devoit
être requis de s’y rendre , à l’effet de dresser un acte contenant
simplement que les parens ou amis avaient entendu les époux
en assemblée dûment convoquée , et qu’ ils n ’avoient pu les
concilier (1).
Un mois au moins après la date de cet acte , les époux persé
vérant dans leur dessein , avoient la faculté de se p r é s e n t e r , tou
jours conjointement et de concert, devant l’officier public charge
de recevoir les actes de m ariage; e t , sur leur demande , cét
officier public ¿toit tenu de prononcer leur divorce sans con
naissance de cause (i).
Est-cé avec un pareil concert que les époux de Reyrolles pro
cédèrent pour faire prononcer l a dissolution de leur m a r i a g é ?
non. Les vit-on se réunir pour convoquer c o n jo i n t e m e n t et db
concert l’assemblée de leurs parens et amis à un jour convenu
entr’eux? non. Point d’acte fait de concert par les époux réunis ,
mais seulement des actes isolés et hostiles de chaque côté ; point
de convocation notifiée conjointement aux parens , mais seule
ment des réquisitions réciproques et successives du mari à la
fem m e, et de la femme au mari : partout la marche et les ca
ractères du divorce par incompatibilité d’humeur ; nulle part la
marche et les caractères du divorce par consentement mutuel
et spontané.
20. Les époux se présentent le 27 ju in devant les parens :
sera-ce pour le ur exposer qu’il leur est impossible de supporter
plus long-temps le t o u r m e n t de le u r union , et qu’ils demandent
c o n jo in te m e n t le divorce? nullement. Le mari rappelle l’acte
signifié de sa part à son épouse, le 24 m ai, à l'effet de pro
voquer le divorce par incompatibilité d ’humeur; la fem m e, de
son cô té, rend compte de l’acte de représailles que l’amour-
(1) A r tic le 4.
(a) Articlu
5 de la même loi , même §. 2.
�(
6
)
propre irrité lui avoit fait notifier à son m ari, le 27 du même mois
pour lui déclarer qu’il n’avoit fait que prévenir ses 'intèntions,
qui étoient les mômes que celles de son mari; cë qui veut dire
qu’elle désiroit comme lui un divorce pour incompatibilité tl’hu
meur , si les tentatives trois fois réitérées de conciliation voulues
par la lo i , étoient infructueuses. Les arbitres firent aux deux
époux les représentations qu’ils jugèrent propres à les rappro
cher. La daménile Rôyrolles, loin de se refuser .Vune concilia
tion qu’elle désiroit , leur répondit qu’elle ¿toit disposée ¿1
suivre en tous points la volonté de son m a ri; et par consé
quent de se îéunir à l u i , s’il vouloit se désister de son projet
de divorce. Le m ari, au contraire, déclara qu’il persistoit au
divorce ; mais il est clair qu’il persista seul , et que tout se
d éd uisit, de la part de la fem m e, à une résignation passive à
la volonté de son époux.
Que voit-on dans tout cela qui ressemble au concert unanime ,
au consentement réciproque, persévérant et également spon
tané des deux cô té s , que la loi demande pour autoriser le di
vorce par consentement mutuel? rien assurément. On n’y voit
donc pas les préliminaires impérieusement exigés pour ce genre
de divorce.
3°. Enfin on ne trouve pas non p lu s , dans l ’acte de divorce
du 28 ju ille t, la preuve de l’accomplissement de cette impor
tante condition exigée par l’article 5 de la lo i, que le divorce
fut prononcé par l’officier public, sur la demande des épou x;
car il ne fut demandé ni par le' m a ri, ni par la femme. Le
récitatif de l’acte prouve en effet qirils se bornèrent à requérir
cet officier de prononcer la dissolution de leur contrat de m çriage passé devant Couguet jeu n e et H éraud, notaires : ce
n’étoit pas là l’objet du divorce, ni de la mission que l’officier
public avoit reçue de la loi. Le divorce ne détruit pas les con
ventions matrimoniales , il ne détruit que le mariage lui-méme,
par rapport à la personne des époux ; c’est-à-dire, l'engagement
de rester unis jusqu’à la m o rt, et soumis aux devoirs qu’en-
�(
'7
)
traîne la société conjugale contractée devant les ministres de
la loi. Cp fut bien là le prononcé de l'officier p u b lic, puisqu il
déclara que leur mariage, ¿toit dissous , et qu’ils etoient librck
de leurs, personnes ; mais ce n’étoit pas ce que les époux lui
avoient dçmandé.<-Encore une fo is , ce n’étoit pas du mariage
contracté entr’eux le 8 novembre 1774 5 devant le ministre de
la loi et du cu lte, qu’ils avaient requis l’oFiicier public de pro
noncer la dissolution , mais uniquement du contrat de mariage
passé la veille devant Couguet jeune et Héraud , notaires. Leur
réquisition éloit dérisoire , elle étoit un je u ; l’officier public
eut l’ineptie de ne pas s’en ap ercevo ir, et de prononcer gra
vement un divorce qu’on ne luj demandoit pas. Que conclure
de là? que cette prononciation arbitraire et i£ o ffice, d u n d i
vorce qui n'étoit pa.s demandé, n’est qu’ une monstruosité, une
illusion, un vain formulaire de paroles vides de sens , que le
poids de la loi fit rentrer dans le néant au même instant où
elles sortirent de la bouche de la sottise affublée du costume
de l ’autorité publique. Sunt verba et voces, prœtereà que nihil.
Les époux restèrent donc époux après avoir joué cette e s p è c e
de comédie ridicule.
,
Aussi l ’épouse a trouvé protection et accueil dans les organes
de la lo i, en première instance : pourroit-elle craindre d’étre
repoussée dans une cour, appui de l’infortune et gardienne de
l’ordre public?
Oui » vous serez repoussée, nous dira avec une insultante
arrogance l’qpulente demoisel}e M a i g n e , parce que vous avez
élevé contre v o u s de s fins de non-recevoir insurmontables, soit
par la constante adhésion que vous avez donnée au divorce pen
dant onze années, consécutives , vous, dame Florat-Reyrolles,
qui venez aujourd’hui faire entendre pour la première fois des
plaintes; soit par votre silence jusqu’après la mort du sieur de
I\eyrolles.
Des fins de non-recevoir contre l’ordre public et dans des
questions d’état! La demoiselle Maigne se fla tte -t-e lle donc
�ta)
que la cour d'appel oubliera cette maxime aussi ancienne que
la société , et qui vient d’étre renouvelée par 1’articlè 6 du
Code civil : ct
ne Pcut déroger par des conventions par
ie ticulières au x lois qui intéressent l'ordre public et les
u bonnes mœurs ? » Il faudroit cependant l’o u b lie r, et ad
mettre en principe qu’il est permis de déroger par des con
ventions privées, aux lois qui intéressent l’ordre public et les
m œ urs, pour valider par une adhésion, soit expresse, soit
tacite, un divorce dans Içquel les formes légales ont toutes été
méprisées , et pour donner de la consistance à ce fantôme.
Loin de nous un si étrange abus , qui frapperoit d’impuissance
les lois régulatrices de l’ordre so cia l, et ne laisseroit que le
caprice pour directeur de l’ordre public et des mœurs ! Sans
doute il est permis de transiger sur les intérêts civils qu’un di
vorce valablement prononcé laisse h régler entre les époux ; ce
ne sont là que des points secondaires et de droit purement
privé : mais transiger sur la -validité du divorce en lui-m êm e,
et rendre valide, par une approbation formelle ou tacite, celui
qui seroit nul par la violation des formes légales, c ’est là un
objet qui intéresse l’ordre public ct les bonnes mœurs , un
objet par conséquent qui ne sauroit être du domaine de la
volonté aibitraire des parties.
L ’arrét de la cour de cassation , du 24 pluviôse an i 3 , que la
demoiselle Maigne appelle à son secours , n’a rien de contraire
à ces règles. On l’a démontré dans le mémoire, pag. 2G et 27 ; et
la seule lecture des motifs de l’arrèt de la cour d’appel de T rê v e s ,
qui étoit attaqué , et qui fut maintenu , suffit pour cette démons
tration. L e sieur Boehler, après avoir reconnu dans plusieurs
contrats la validité du divorce obtenu par sa fem m e, avoit cepen
dant tenté de le faire annuller par justice. Son épouse repoussoit
les nullités, et d’ailleurs elle se prévaloit de ce que son mari avoit
reconnu la validité du divorce. L ’arrét avoit déclaré le mari
non recevable dans sa demande en nullité ; mais pourquoi? non
parce que le mari avoit reconnu la validité du divorce , mais parce
�G
9
)
que cette validité étoit réelle. A tten du que les moyens de n u l
lité sont sansfo n d em en t, étoit-il dit dans l’arrét : ce m otif tranche
tout.
«v^mcr
>
Enfin répétons ce qu’on a dit dans le mémoire , qu’il n y a pas
eu un seul acte d’approbation d irecte, expresse et form elle de la
validité du d iv o rce , en ce qu’il avoit dissous ce m ariage, et
déclaré les époux libres de leurs personnes ; pas un seul acte d’exé
cution du divorce , sous ce point de vue , de là part de la dame
Florat de Reyrolles.
Pourquoi donc n’avez-vous pas formé opposition au second ma
riage de votre époux, si vous ne regardiez pas le premier comme
dissous, lui dira-t-on encore? Elle répondra : Pourquoi mon époux
a t-il trompé ma vigilance, en anticipant de deux mois le terme
d’une année, pendant lequel il lui étoit interdit de former de
nouveaux liens, dans le cas même où son premier mariage eût été
légalement dissous (1)?
9i
Mais encore , pourquoi différer jusqu’après la mort du sieur de
Reyrolles pour réclamer le titre d ’épouse, si vous n’en étiez pas'
déchue? continuera-t-on. Pourquoi? parce qu’il auroit fallu se
mettre aux prises avec l’implacable Maigne, qui auroit fait réparer,'
par un second d ivorce, les vices du premier. Mais , après tout,
la lin de non-recevoir qu’on voudroit induire du silence gardé pen
dant toute la vie du sieur de Reyrolles , n’auroit eu de poids ,
même sous le régime des lois romaines , que dans le cas où l’acte
de divorce n’auroit été attaqué que plus de cinq an s ap rès le décès
du sieur de Reyrolles. Ici la nullité a été demandée, non-seule
ment dans les c i n q ans , m ais même dans les six mois du décès. La
fin de non-recevoir dont il s’agit n’est donc qu’une illusion. C ’est
ce que la cour de cassation a formellement décidé par arrêt rendu
en l’an 10 , entre la demoiselle Preaudeau et l ’héritier de Davign on , son mari divorcé (2).
(1) A r t i c le 2 ,
3 de la loi du 20 septembre 1792 , précitée.
(2) Cet arrêt est rapporté dans le recueil de Sirey , an 10 , page
65 .
�(
10
)
Il ne nous r e s t e pins qu’à parler d’une dernière fin de non-recevoir que l’on prétend puiser dans la loi transitoire du 26 germinal
an 1 1 , d’après laquelle on raisonne ain si, comme dans l’affaire
M a c - M a h o n . « Le texte de l’article i er. de la loi est ainsi conçu :
« Toiis divorces prononcés par des officiers de l’état c iv il, ou au« torisés par jugement , avant la publication du titre du Code
« civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément aux
« lois qui existoiçnt avant cette publication.
cc Le terme générique tous , embrasse indistinctement la génécc ralité des actes qualifiés divorces , afin qu’ils aient leur effet,
cc Le législateur 11e demande qu’une chose ; c ’est qu’ils soient
cc prononcés par un officier de l’état c iv il, quelle que puisse être
cc l’irrégularité de leurs formes. 33
Notre réponse est prompte , et nous la tirons de l’arrét même
qui intervint dans cette affaire célèbre , dont le détail se trouve
dans tous les recueils , et où on remarque que la loi transitoire
du 2G germinal fut spécialement discutée. L ’émigré rentré MacMahon ne fut pas déclaré par la cour de cassation, non recevable à demander la nullité du divorce prononcé contre lui
pour la cause d’absence, par le m otif-que la loi transitoire
du 06 germinal an 11 , interdisoit toute réclamation contre les
divorces prononcés avant la publication du Code c iv il, quel
ques nullités de forme qu’on pùt leur reprocher : la cour de
cassation repoussa, au contraire, absolument ce m oyen, nous
dit l’arrétiste (1). Le sieur Mac-Mahon fut seulement déclaré
non recevable , à cause de sa qualité d’émigré rentré ; et
cc attendu qu’il résulte des dispositions de la loi du 20 sepcc tembre 1792, expliquées par l’avis du conseil d’état, du 11
« prairial an 12, approuvé par l’empereur le 18 du même mois,
cc que les al/sens de France rentrés ne peuvent point attaquer
cc les actes de divorce faits pour cause d absence , dans ce sens
( t ) R e ç ç u i l de S i r ey , an i 3
,pope
�(
11 \
« qu’ils puissent remettre en question 1 affaire, et d iscu terla
« cause de divorce. »
Tous les cloutes sont dissipés , ce semble.
La nullité absolue de l’acte de divorce prononcé entreles époux
de Rf;yrolles , le 28 juillet 1793 , ne peut pas être mise en pro-,
blèma ; elle u’est co u verte, et elle ne pouvoit l’étre , par aucune
fin <le non-recevoir. Le jugement du tribunal du P uy , q u i, en
l'accueillant , a déclaré le mariage des époux Couguet-Florat et
Claude de Rey rolles subsistant jusqu’au décès de ce dernier , et
q ui a m aintenu, en conséquence, la dame de Florat dans les
titres et les droits de veuve du sieur de Reyrolles , ne pourra donc
trouver que des approbateurs parmi tous les amis de l’ordre et
des mœurs.
;
A
D é l i b é r é à Clerm ont-Ferrand, le 8 janvier 1806.
'l
11
BERGIER, BEIL LE-BERGIER.
IMWI
LE CONSEIL
b
ui
r/i
S O U S S I G N E , qui a vu la présente con
sultation , est entièrement du même avis et par les mêmes
raisons. Le divorce étant n u l, dans une matière d’ordre p u b lic,
les fins de non-recevoir ne peuvent pas couvrir la nullité. On
ne croit pas pouvoir rien ajouter , ni aux moyens établis dans
la consultation pour prouver la nullité du d ivo rce, ni aux ré
ponses qui y sont faites aux fins de non - recevoir proposées.
On n a rien trouvé dan s le m é m o i r e de la demoiselle M aigne,
qui a paru après cette consultation , qui n’ait été prévu ; et il
ne reste dans ce mémoire que l’apologie du divorce.
D élibér é
à Riom , le 19 janvier 1806.
ANDRAUD,
GASCHON,
BORYE.
�C« )
L e CO N SE IL SO U SSIG N É , qui a vu le mémoire en réponsede la demoiselle M aigne, la consultation de,M M . Andraud ,
Caschon et Borye , du 19 janvier 1806 , et revu sa consulta
tion première du 8 janvier, qui, quoiqu’antérieure au mémoire
de la demoiselle Maigne, en a prévenu les m oyens, et y a
répondu d’avance,
, avec un nouveau degré de confiance , à penser
que le divorce prononcé entre le sieur de Reyrolles et la dame
C ou gu et-F lorat, le 28 juillet iy g 3 , est nul de toute nullité,
et que les fins de non-recevoir par lesquelles on prétend en.
écarter l’examen , ne sont que de pures illusions.
Si la demoiselle Maigne a c r u , dans son mémoire , ou plutôt
dans son libelle, prouver que la modération n’est pas son carac
tère , et que son ton n’est pas celui de la d écen ce, elle a par
faitement réussi : si elle a prétendu persuader que le tribunal
du Puy a mal jugé, en décidant que le sieur Reyrolles est mort
l ’époux légitime de la dame Couguet-Florat, elle a manqué son
but.
Rien de nouveau dans ce m ém oire, qui n’ait sa réponse dans
celui de la dame Couguet Florat et dans les consultations im
primées qui l’accompagnent. Un seul fait mérite d’être relevé :
en veut parler de l’exploit d’assignation donnée, d it-on, à la
requête de la dame Couguet F lorat, au sieur de Reyrolles, à
comparoitre et se trouver le 28 juillet, par-devant l’officier
p u b lic, pour voir prononcer le divorce d’entre les parties, lui
déclarant que comparant ou n o n , i l y sera procédé tant en
absence qu'en présence (1). La demoiselle Maigne a-t-elle pesé
cette dernière phrase , lorsqu’elle a produit l’exploit dans leP ersiste
(0
V oir
le* pages
38 et
5g du mémoire de la demoiselle Maigne,
l
�( i3 )
quel on la trouve, comme une pièce tranchante et décisive,^
pour caractériser le divorce par consentement m utuel? Si elle*
l’a pesée, comment n’a t-elle pas aperçu que cette pièce esti
au contraire une démonstration que le divorce provoqué n étoit
qu’un divorce pour incompatibilité d ’humeur et de caractère ?
En e ffe t , le divorce pour incompatibilité d’humeur et de
caractère, est le seul qui puisse être prononcé sur l’assignation
donnée par un seul des époux à l’autre, et en l'absence comme
en présence de l’époux appelé , d’après les articles 5 et 6 , sec
tion 5 de la loi du 20 septembre 1792, relative aux actes do
1 état civil. Quant au divorce par consentement m u tu el, ce
11’est pas sur l’assignation donnée par l’un des époux s e u l, au
jour qu’il lui plaît de fixer, que la loi veut qu’il soit prononcé,
c ’est sur la demande qu’en font conjointem ent les deux époux,
qui se présentent spontanément et d’un commun a cco rd , à cet
e ffe t, devant l’ofiicier p u b lic, en la maison com m une, aux
jo u r et heure qu’il aura indiqués. ( Art. 3 de la loi citée. ),p.
Ici la pièce produite par la demoiselle Maigne prouve irré-f:
sistiblement que les deux époux ne se présentèrent pas spojir
tanément et sans assignation devant l’officier public , aux jouf
et heure qu’il leur avoit indiqués, pour requérir conjointement
le divorce ; qu’ils ne comparurent l’un et l’au tre, au contraire,
que sur l’assignation donnée par un s e u l, et aux jour et heure
que le provocant avoit lui-méme indiqués : donc elle prouve
irrésistiblement qu’ils ne comparurent pas pour requérir un di
vorce par consentement m u tu el, mais uniquement pour requérir
un divorce pour incompatibilité d ’humeur et de caractère ; d’où
il suit que ce n’est qu’un divorce pour incompatibilité d'humeur
qui fut prononcé, et par conséquent un divorce dont il est
impossible de se dissimuler la nullité , puisqu’il fut prononcé
prématurément, et sans observer les délais et les trois épreuves
successives qu’exigeoit la loi pour ce genre de divorce. Ainsi
la pièce que la demoiselle Maigne a produite en triomphe sc
�( 14 )
retourne contre elle-même , et ne servira qu’à mieux assurer
sa défaite.
v
D é l i b é r é à Clermont-Ferrand, le 21 janvier 1806.
BERGIER.
*
A RIOM , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Janvier 1806.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergier
Beille-Bergier
Andraud
Gaschon
Borye
Bergier
Subject
The topic of the resource
divorces
remariage hâtif
nullité du mariage
Description
An account of the resource
Consultations sur mémoire imprimé, pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée ; contre Catherine Maigne, appelante de jugement du tribunal de première instance séant au Puy, rendu le 24 floréal an 13.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1774-1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0708
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0309
BCU_Factums_M0706
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53903/BCU_Factums_M0708.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Brioude (43040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
divorces
nullité du mariage
remariage hâtif
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53902/BCU_Factums_M0707.pdf
2bdf7c70a5b6c7421ed12494518465ac
PDF Text
Text
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MEMOIRE
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LA VALIDITÉ D UN DIVORCE.
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�M É M O I R E
COUR
EN
RÉPONSE,
D ’A P P E L
DE RI OM.
POUR
D am e C a t h e r i n e M A I G N E , veuve du sieur
R e y r o l l e s , appelante d’un jugement rendu
au tribunal du P u y , le 24 floréal an 13;
1
M a rg u erite
CONTRE
C O UGUET-FLORAT,
intimée.
'T hesaurus est malorum, mala mulier.
H e s i o d
L
A femme Couguet ose entrer en lice avec la dame
veuve de R eyrol l e s et telle est son audace, qu’elle prend
l’initiative, et s’empresse de publier sa honte et son infam ie
A
.S: ’il
■s
�( o
Elle figuroit dans la cause comme intimée; il étoit dans
l’ordre qu’elle attendît , sinon une provocation de celle
qu’elle outrage, au moins une défense publique de sa part.
L a dame de Reyrolles, plus modestè, auroit désiré ne
laisser aucunes traces d’une discussion de cette nature :
la solennité de l’audience étoit déjà assez pénible. Il est
cruel sans doute d’être obligé de révéler à la justice les
écarts et les excès d’une femme sans pudeur, qui n’a
pensé à l’infortuné, jadis son époux , que lorsqu’il a
cessé d’exister.
Mais la femme Couguet a de grands motifs pour tâcher
de prévenir l’opinion. Elle devoit se hâter de faire son
apologie; elle n’a pas craint de prostituer les noms d’é
pouse et de mère : et poiiÎToit-elle' invoquer la faveur
de'ces noms sacrés, quand elle en a méconnu tous les
devoirs, lorsqu’elle a voulu rompre les liens solennels
qui l’unissoient à son époux, lorsqu’elle s’est déshonorée
par ses excès?
Pour diminuer ses torts, elle accuse celle qu’il lui plaît
de nommer sa rivale ; elle insinue avec adresse qu’une
femme bien née ne pouvoit lier son sort à celui d’un
homme dont l’épouse étoit vivante.
Est-ce bien la femme Couguet qui tient ce langage?
Ignore-t-elle que la dame veuve Reyrolles, sans intérêt
comme sans ambition, ne céda qu’à la pitié; qu’elle étoit
loin de prévoir alors que son mari pût jamais parvenir
à la fortune?
O u i, elle eut le courage d’offrir à un malheureux les
consolations qui étoient en son pouvoir. Sa résolution fut
un sacrifice à l’amitié : elle conserva l’estime publique.
�(3 )
Sa dém arche, approuvée de ses am is, justifiée par ses
concitoyens, fut excusée par ceux-là même qui ne com
posent pas avec les principes, et dont on respecte l’opi
nion en feignant de la braver.
Tout s’envenime dans la bouche de la femme Couguet :
des réunions de société deviennent, des liaisons criminelles.
Mais il n’y a point de scandale lorsqu’il y a titre légi
time -, et l’état de la dame veuve Reyrolles est incontes
table aux yeux de la loi.
L e précepte sublime qui consacre l’indissolubilité du
mariage n’est pas sorti de la main des hommes ; il fut
souvent au-dessus de leurs forces. Charlemagne, le plus
grand de nos rois, fit divorce avec sa première femme,
et sa seconde épouse n’en fut pas moins reine légitime.
Cependant les historiens vantent la ferveur et la piété
de ce monarque : suivant eux, son zèle pour la religion
fortifia sa puissance. Sans, vouloir remonter à des exemples
anciens, on sait que le divorce, admis dans la loi de M oïse,
le fut long-temps parmi les chrétiens, et existe encore en
Pologne comme loi fondamentale, quoique les Polonais
soient catholiques.
Enfin, le héros invincible qui nous gouverne, qui a
porté le nom français au plus haut degré de gloire et de
prospérité, a voulu que le divoi’ce fût maintenu dans la
grande chartre.çle nos lois. La disposition du Code civil
doit désarmer la censure et la critique, qui d’ailleurs ne
seroit qu’une burlesque déclamation, une misérable pa
rodie chez la femme Couguet.
La dame veuve Reyrolles sait apprécier ces indécentes
claïueuis. Puisqu elle se voit obligée de descendre à une
A 2
�(4 )
justification publique pour repousser la calomnie, elle va
se renfermer dans le récit exact des faits de la cause, et
p ro u vera bientôt, par l’analise des actes qu’elle a en son
pouvoir, qu’en parlant defa its et gestes, cette expression
familière et déplacée dans un mémoire ne peut convenir
qu’à une héroïne de la classe de la femme Couguet, fort
accoutumée d’ailleurs à ne rien gazer.
F A I T S .
11 n’est que trop vrai que le sieur de Reyrolles a eu le
malheur d’épouser Marguerite Couguet. Ce mariage fu
neste eut lieu par une suite de circonstances dont le sieur
de Reyrolles ne s’est jamais rappelé qu’avec chagrin.
L e sieur de Reyrolles père, parvenu à un âge avancé,
étoit épris des charmes de la dame Bertrand, veuvô
F lo ra t, mère de la femme Couguet. Cette femme artifi
cieuse ne voulut consentir h son mariage avec le sieur
de Reyrolles père, qu’autant que le fils Reyrolles épouseroit Marguerite Couguet; et, pour n’être pas déçue de
ses espérances, elle exigea que le mariage de sa fille
précédât le sien, ce qui est arrivé.
L e consentement du sieur Reyrolles fut un efTet de
son obéissance et de son respect : mais il pressentoit déjà
ce qu’il avoit à craindre; et il n’a pu compter aucuns
raomens heureux pendant la durée de son union.
La dame veuve Reyrolles se respecte assez pour passer
sous silence les écarts de la demoiselle Couguet. Les lettres
qui furent trouvées dans un m ouchoir, les voyages fréquens, les longues absences, les séjours à B ord, Aurillac
�(5)
et L im o g es, feroient un épisode peu digne de figurer
dans un mémoire.
La fortune de la demoiselle Couguet ne devoit pas la
flatter de l’espoir d’un mariage aussi avantageux. L e sieur
Reyrolles fils, héritier institué de son p è re , exerçant un
état honorable dans la société, pouvoit, sans être taxé
de présomption, avoir des vues plus élevées pour son
établissement.
'
En effet, par le contrat de mariage du 7 novembre
I 7 7 4 ? on voit que la demoiselle Couguet se constitue
en tous ses droits échus par le décès de son aïeul, dont
la dame Solliliage , son aïeule, étoit usufruitière. Elle
garde le plus profond silence sur la succession paternelle.
La généreuse aïeule veut bien lui faire, en avancement
d’hoirie , le délaissemeht de la jouissance de quelques
misérables contrats de 5o sous, 7 livres 10 sous, et de
10 francs: le plus considérable est de 60 francs. Parmi
ces contrats, plusieurs ne sont que des rentes constituées.
T otal, 5600 francs par an, payables de cette manière, et
à la charge de les rapporter au partage, ainsi que les
arrérages courans.
Il est stipulé un gain de survie de 1200 francs, un
douaire de 400 francs, et un logem ent dans la maison
de l’é p ou x .
,
La demoiselle Couguet, peu de temps après son ma
riage, ne se conduisit pas de manière à mériter l’estime
publique, et s’inquiéta peu de ses devoirs : elle n’a pres
que jamais habité avec son époux ; et c’est après neuf ans
d’absence que le sieur de Reyrolles se détermina à user
du bénéfice de la loi du 20 septembre 1792,
�(6)
L e 24 mai 1793 ? le sieur de Reyrolles fit signifier à
la dame C o u g u e t un acte par lequel il déclara « qu’il
« e n t e n d o i t jo u ir de la fa c u lté du divorce, aux termes
« de la l o i , sur le fondement que sa femme avoit quitté
« la ville de Brioude depuis entour n e u f ans, et encore
« plus sur leur incompatibilité d’humeur et de caractère. »
Il nomme pour composer le conseil de famille les sieurs
D a lb in e et Croze, tous deux juges du tribunal de Brioude,
et le sieur Grancliier, receveur du droit d’enregistrement
de la même ville.
Il fait sommation à la demoiselle Couguet d’en nom
mer aussi trois de sa part, dans le délai d’un m ois, de
les indiquer, afin qu’ils puissent se réunir à la maison
"commune pour tâcher de concilier les ép o u x, et leur
faire les représentations convenables.
L e 27 du même m ois, la demoiselle Couguet répond,
par un acte signifié au sieur R eyrolles, « qui? n a f a it
k que la prévenir en lui notifiant, par acte du 24 mai,
« qu’il entend jouir de la faculté du divorce; elle accepte
a la déclaration, et lu i notifie de sa part quelle veut
« jo u ir de la même faculté. » Elle nomme et indique les
«¡•>urs Couguet-Florat, Martiuon-I'lageat, et Caldaguet,
pour composer le tribunal de famille, et se réunir à ceux
nommés par son m ari; elle les assigne en conséquence
par le même acte, pour etre présens le 27 juin lors pro
chain devant l’officier public qu’elle désigne, et à raison
du divorce resp ectiv em en t demandé par les deux époux.
IL résulte du premier procès verbal dressé par l’officier
public de la ville de Brioude, que les-parons réunis, ayant
fait des représentations aux époux, la dame Couguet ré-
�(7 )
ponclit qu’elle étoit disposée à suivre en tout point la
volonté de son m ari, et q u e , s’il persistoit a demander
le divorce, elle y donnoit les mains.
L e mari ayant persisté, il fut dit qu’il n’y avoit lieu a
conciliation, et ce fut la dame Couguet qui s’empressa de
faire signifier à sa requête le procès verbal, par acte du
9 juillet 1793; elle annonce que ce procès verbal a été
rédigé par l’officier p u b lic, sur la demande en divorce
fo rm ée respectivement par les parties, et conformément
à l’article 4 du §. 2 de la loi qui détermine les causes,
le mode et les effets du divorce.
Elle donne assignation au sieur de R eyrolles, pour
comparoître le 28 du même mois devant l’officier public,
et pour y voir prononcer le divorce d’entre les parties,
suivant et conformément à l’articlb 5 du même §. de la
loi du 20 septembre 1792.
E n fin , sur cette assignation, les parties comparassent en.
la maison commune , le 28 ju illet, jour capté, assistées de
Jean Tourrette , Jean R o u x , Laurent G ran et, et Pierre
Dalbine ; Vun et Vautre requièrent Vojficierpublic de pro
noncer la dissolution de leur mariage, et l’officier public
le prononce ainsi sur leur réquisition , après avoir cons
taté que les époux avoient observé les délais exigés par
la loi.
Ce divorce a été approuvé par la femme Couguet. On
aura bientôt occasion d’analiser une longue série d’actes
par lesquels la femme Couguet a pris la qualité dqfem m e
divorcée.
Elle a gardé le plus profond silence pendant onze an
nées que le sieur de Reyrolles a survécu.
�Le
( 8 }
an 2 , le sieur Claude. R eyrolles, alors
receveur du district de Brioude, a contracté mariage .avec
la demoiselle Catherine Maigne ; elle étoit alors sous la
puissance de son père. Ce mariage a été célébré solen
nellem ent , et après les affiches et les formalités d’usage.
Par son contrat, la dame de Reyrolles s’est constituée
une maison située à Brioude , meublée et ustensilée,
estimée amiablement à 20000 francs ; un trousseau, bagues
et bijoux , évalués à 2400 fr.; plus, la somme de 12000 fr.
prix de la cession de ses droits maternels échus au profit
de ses frères , et le cinquième qui lui revenoit dans une
somme de 3000 francs, faisant partie de la succession de
la dame Lagrange, sa mère.
La fortune de la dame Reyrolles lui permettoit de vivre
dans une honnête aisance ; la condition de l’épouse étoit
au moins égale à celle du m ari, et toutes les convenances
se trouvoient réunies. Son contrat est honoré de la pré
sence de ses parens, et des premiers fonctionnaires de la
ville*, on y voit le sieur Vauzelles, les sieurs Dalbiue et
Pissis , juges, etc.
L e sieur de Reyrolles s’estimoit heureux de cette alliance,
et n’a cessé de donner à son épouse des px-euves de sa
tendresse, de son affection et de sa confiance.
L e i 5 pluviôse an 5 il fait son testament, par lequel
il institue la dame son épouse pour lui succéder en tous
ses biens, sans aucune condition ni reserve.
Cet acte ne peut être considéré comme le fruit de la
séduction ou de la foiblesse; il est fait dans un temps où
le sieur de Reyrolles jouissoit de la meilleure santé ; il est
o lographe : c’est un monument d’amour et de tendresse.
°
Une
9 messidor
�Une disposition aussi absolue est la plus douce recom
pense de l’affection , de ces tendres soins , de ce zèle ern- —
pressé, qui consolent des maux de la vie.
Ce n’est qu’après ce testament que le sieur de Reyrolles
a obtenu la place de receveur général du département de
la Haute-Loire. Ce premier emploi de finances, qui a aug
menté sa fortune parce qu’il en a rempli les fonctions
avec exactitude, l’obligea de résider en la ville du P u y,
clief-lieu du département.
Mais il n’y fixa pas son domicile d’une manière per
manente; ses biens , ses propriétés à Brioude ne devoient
pas être négligés ; l’exploitation ne pouvoit être confiée
absolument à des éti'angers ou des mercenaires.
Son épouse se chargea de ce soin, mais alloit souvent
séjourner auprès de son m ari, comme celui-ci venoit tous
les mois à Brioude se délasser de ses travaux , et jouir des
charmes de l’amitié , du plaisir qu’il avoit toujours goûté
dans un intérieur aimable et paisible.
La dame de R eyrolles, pour repousser les injures et les
atrocités de la femme Couguet, a cru devoir se munir d’une
partie de sa correspondance avec son époux ; elle a porté
toutes ses lettres, principalement de l’an 1 2, qui fut la der
nière année de la vie d’ un époux chéri. Partout on y trouve
les expressions les plus tendres d’amitié et de confiance ; on
les voit se terminer sans cesse par ces mots touchans : J e
suis tout à toi pour la v ie , ménage ta santé.
C’est ainsi qu’il écrivoit encore à cette amie si chère
le 4 floréalan 12 , trois jours avant sa mort funeste qu’il
¿toit bien loin de prévoir , et qui fut un de ces coups
B
�( 1° )
de foudre qui n’affligent que trop Souvent la pauvre
humanité.
L ’infortuné se sentit mortellement atteint;il veutm ourir
dans les bras de son épouse: on fait partir sur le champ
un exprès en toute hâte. L a dame Reyrolles recevant la
nouvelle,' mande à l’instant même le sieur Chautard y*
/officier de santé, en qui son maiû avoit confiance, et marche
jour et nuit pour rejoindre son époux.
S Elle a la douleur de le trouver sans espoir; ses forces
se raniment pour faire des adieux touchans à une femme
désolée ; on l’arrache à ce spectacle funeste au moment
où le sieur de Reyrolles expire. Il a cessé d’exister à dix:
heures du soir : on fait partir son épouse à l’instant même,
toujours accompagnée du sieur Chautard qui l’avoit suivie ;
elle est de retour à Brioude dès le lendemain.
Cependant la maladie du sieur Reyrolles étoit connue;
déjà on savoit à la préfecture qu’il n’y avoit pour lui
aucun espoir de retour à la vie. Dans le moment même
de sa m ort, le préfet fait requérir le juge de paix de se
transporter dans la maison du défunt pour y apposer les
scellés. Cette précaution étoit impérieusement commandée
par l’intérêt public, chez un receveur général. La nature
de ses fonctions ne permettoit aucun retard, n’auroit pas
même excusé les procédés, les convenances qu’on observe
ordinairement partout ailleurs.
L e sieur de Reyrolles a rendu le dernier soupir le 7
floréal an 1 2 , à dix heures du soir. Dans le même ins
tant, le juge de paix procède à l'apposition des scellés ;
l ’inventaire n’a eu lieu que le 18 prairial suivant: la dame
�(II )
veuve Reyrolles n’y a comparu que par un fonde de pou
voir. L ’inventaire a été fait en présence d’un conseiller de
préfecture délégué par le p réfet, et de tous les ayans droit.
On a trouvé le testament de la dame de R eyrolles, con
tenant au profit de son époux une disposition u niverselle,
une tabatière ornée du portrait de ladite dame de Reyrolles : ces objets étoient déposés parmi les effets les plus
précieux.
L e fam eux -portefeuille maroquin vert, si indécem
ment réclam é, est également compris dans l’inventaire ;
et si la daine Vauzelles a été présente à cette opération^
elle en avoit le droit comme la plus proche parente *. mais
c’est pour la première fois que la dame veuve Reyrolles
a entendu dire que. le sieur Vauzelles av o it rendu plainte
en soustraction d’un prétendu testament. C’est encore une
de ces assertions calomnieuses que peut se permettre une
femme qui n’a rien à perdre.
L e sieur de Reyrolles , loin d’avoir liésilé ou témoigné
quelques regrets sur ses dispositions libérales envers son
épouse, n’a manifesté qu’une seule crainte. Peu versé dans
l’étude des lo is , il avoit voulu s’éclairer sur les disposi
tions du Code civil relativement aux testamens.
La dame son épouse seroit en état d’établir qu’il a con
sulté plusieurs jurisconsultes, p o u r avoir la certitude que
le Code civil ne changeoit rieu à la forme des testamens
olographes; et lorsqu’il fut entièrement rassuré, il vint,
avec toutes les démonstrations du plus tendre in térêt,
témoigner à sa femme la satisfaction qu’il éprouvoit en
la comblant de ses bienfaits.
11 étoit disposé A renouveler ses. dispositions, pour lui
B 2
�( 12 )
donner une nouvelle preuve de son amour, et sa femme
mit tous ses soins à le détourner de ces tristes idées, qui
ne sont so u ve n t que des pressentimens sinistres.
C o m m e n t a-t-on osé dire que le sieur* Reyrolles a v o it
changé d’affection, lui qui, dans un moment de danger,
après une dénonciation calomnieuse, ne crut devoir con
fier qu’à son épouse ces manœuvres ténébreuses de quel
ques ennemis perfides, et la chargea d’aller le justifier
auprès du gouvernement?
'y-«-L a femme Couguet ignore-t-elle que la dame Reyrolles
se rendit à Paris en l’an 9 , pour y rendre compte de la
conduite de son époux, et parvint à dissiper tous les
nuages, sut éclairer les ministres, et justifier son époux
avec autant de dignité que de succès? A
Elle n’a pas encore ignoré qu’au retour de la dame
de Reyrolles, son époux s’empi’essa de publier ce service
signalé, et d’en témoigner sa reconnoissance dans les
expiassions les plus affectueuses et les plus tendres.
Enfin, dix années d’une union heuréüse avoient pénétré
les époux d’un attachement réciproque, d’une confiance
sans bornes, et leur bonheur fut toujours sans nuage.
Quel singulier contraste va présenter la femme Couguet
dans sa conduite ! A peine a-t-elle allumé le flambeau de
l’iiym en, qu’elle indispose son époux par une légércté et
une coquetterie qui lui font négliger tous ses devoirs.
Bientôt elle s’avilit par des liaisons scandaleuses et crimi
nelles ; des scènes continuelles et publiques la signalent
et l’exilent des sociétés honorables ; elle abandonne la
maison de son époux, après avoir souillé le lit nuptial:
elle ne fut mère qu’en se déshonorant.
;
�( i3 )
Elle court, voyage, .s’arrête pour déposer des fardeaux
incommodes ,;suites ordinaires de l’incontinence et de la
débauche. Ses déportemens la font chasser de la maison
du sieur Galdaguet, où elle s’étoit réfugiée à Limoges;
et c’est après neuf ans d’absence que le sieur de Reyrolles
use enfin du seul remède que lui présentoit la loi.
L a femme Couguet va au-devant du divorce ; d’abord
elle déclare avec impudeur que son, époux n a f a it que
la prévenir , quelle est dans Vintention d’user de la
même fa cu lté. Bientôt elle prend l’initiative -, c’est elle
qui fait notifier le premier procès ve rb a l, et assigne son
m a ri, pour voir prononcer le divorce respectivement
demandé.
a
Elle se glorifie bientôt de la qualité, de fem m e di
vorcée ; elle la prend dans tous les actes qui se suc
cèdent.
q
L e 17 vendémiaire an 2 , traité entre elle et son frère ,
où elle se qualifie de ci-devant épouse du sieur de
Reyrolles.
Dans un acte précédent, du 23 septembre 1793?
devant Salveton, notaire, elle avoit traité en la même
qualité de ci-d ev a n t épouse, avec le nommé Gabriel
Sabbatier.
L e 10 frimaire an 3 elle reçoit de Jacques Eymard ,
devant Grenier , notaire, une somme de 3000 francs,
principal d’une rente foncière due à sa famille; elle
traite toujours comme ci-devant épouse.
L e 17 prairial an 3 , elle fournit encore une quit
tance notariée au nommé Jean Pruneyre fils; elle se dit
fem m e divorcée du sieur Reyrolles.
�( *4 }
Mais le 13 frimaire an 5 , traité entre le sieur Claude
R e y r o lle s et M arguerite Couguetj^femme divorcée dudit
R e y r o l l e s , et traité qu’il est important d’analiser.
Par cet acte, les parties exposent qu’elles sont en ins
tance au tribunal c iv il, à raison des offres que le sieur
de Reyrolles avoit fait faire à la dame Couguet, de ce
qu’il avoit reçu de sa dot.
O u*rapporte qu’il est intervenu une sentence le 28
fructidor an 4 , et par défaut, qui ordonne, avant faire
droit (définitif aux parties, qu’elles procéderont au compte
de leurs créances respectives devant le juge de paix dé
la ville de Brioude.
On procède volontairement à ce compte. L e sieur de
Reyrolles produit l’inventaire des meubles et effets dé
laissés par l'aïeule de la dame C ouguet, le partage qu’il
a fait avec le sieur Couguet, comme fondé de pouvoir
de la femme Florat.
Il présente ensuite l’état des sommes qu’il a payées à
la décharge de la succession de la dame Solliliage, les
créances qu’il a reçues , etc.
Jja femme Couguet fait à son tour ses réclamations
dans le plus grand détail, et notamment elle répète la
■pension que le sieur Reyrolles ne lu i a pas payée pen
dant Vannée antéi'ieure à leur divorce.
Elle demande les intérêts de ses capitaux, qu’elle pré
tend avoir couru à son profit depuis la dematide en
divorce.
Compte fait, le sieur de Reyrolles se reconnoît débi
teur de la somme de 6000 livres, numéraire, qu’il paye
ù l’instant, et dont le traité porte quittance,
�r
( Í5 ¿
. . . .
f..
‘ Il lu i cèd ef pour tenir lieu des intérêts, íes arréragés
dé rente q ù i(ônt couçù pendant la durée du mariage, et
qui se portent à, une somme de 5oo francs.
L e sieur Reyrolles déclare qu’il n’a reçu d’autre rem
boursement de capitaux, qu’une rente de 20 francs due
par André R onrie, et que ce capital a été compensé avec
autre de pareille somme qu’il a payé en décharge de la
dame Solliliage, au sieur Thomas , curé de Brioude; il
déclare encore qu’il n’a point prélevé un legs de 1000 fr.
que la femme Couguet prétend lui avoir été fait par
son aïeule.
L e sieur de Reyrolles ajoute q u e , voulant renvoyer
la femme Couguet entièrement indem ne, il lui remet
présentement quatre couverts d’argent. Celle-ci lui donne
décharge de tous les titres et dossiers qui la concernent,
«tdont l’énumération est contenue au traité. Enfin il est
dit que les parties se tiennent respectivement quittes, et
se désistent des demandes qu’elles se proposoient de former
l’une contre l’autre.
Depuis cette transaction qui liquidoit tous les droits
de la femme Couguet, et faisoit cesser les rapports qui
avoient existé entre les parties , le sieur de Reyrolles
n’a plus entendu parler d’une femme qu’il méprisoit à
juste titre.
Survient un autre incident qu’on ne peut passer sous
silence.
« L e j 6 brumaire an 6, Marguerite Couguet-Florat,
« fem m e divorcée de Claude de Reyrolles,' habitante de
« la ville de Brioude, comparoît devant l’oilicier public
« de cette commune, pour y déclarer que le 23 mes-
�( i6 )
«
a
«
«
«
«
«
s icior an 3 , trois heures du s o ir , elle s est accouchée
d’im e n f a n t fem elle , et a requis de constater sa naissance, et les prénoms d’Anne-Eugénie qu’elle entend
lui faire porter; ce qui a été fait en présence de François
Perron, Jacques Jonquoi, et Marie Magaud, veuve de
François M artel, sage-femme, qui a déclaré avoir
accouché la dame Couguet-Florat de sa dite iille. »
Cette singulière déclaration si tardive, puisqu’elle n’est
que de l’an 6 , apprend que le 23 messidor an 3 , c’està-dire, deux ans moins vingt-un jours, après la prononcia
tion du divorce,la femme Couguet a accouché d’une fille ;
elle se garde bien de nommer le père de l’enfant, et ce
n’étoit pas alors au sieur de Reyrolles qu’elle en attribuoit
la paternité, Pourroit-elle avoir oublié que le père est fort
connu, que plusieurs lettres bien tendres, écrites par elle,
dans lesquelles elle parloit de cet enfant de Vam our,
se trouvoient entre les mains d’une femme outragée,
divoi’cée par rapport à cette liaison scandaleuse, et ont
été lues publiquement à l’audience de la cour d’appel,
pour fonder un reproche, et écarter son témoignage
dans une enquête faite entre ces deux époux? Que la
femme Couguet se tienne pour bien avertie que ces lettres
ne sont pas perdues.
E nfin, pendant onze années entières, la femme Couguet
a vécu sans élever aucune prétention, jouissant de sa
liberté , et se félicitant d’ un divorce qui la rendoit maî
tresse de ses gôuts et de ses passions : elle s’y livra avec
indécence et sans frein ; elle a môme pris le loisir de dé
libérer avant aucune levée de bouclier.
I x sieur de Reyrolles étoit décédé le 7 floréal ; les
scellés
�( ï7 )
scellés sont apposés ; l’inventaire est fait et parfait au Puy
comme à Biioude, et partout où le sieur de Pieyrolles
avoit des t)iens : silence de la fem m e Couguet. On ap
prend bientôt que la dame Maigne étoit héritière uni
verselle de son mari , et que ses affaires étoient dans le
meilleur ordre.
L a femme Couguet conçoit l’idée d’y avoir part, ti’ois
mois après le décès. La première démarche de la dame
Couguet, après ce délai, est de prendre le deuil du sieur de
Reyrolles; elle se montre couverte d’un crêpe funèbre.
L e 2 messidor an 12 , et en vertu de son contrat de ma
riage du 7 novembre 1774, elle s’intitule veuve du sieur
de Reyrolles, et prend une inscription sur ses biens, de
la somme de soixante-six mille livres.
Le 25 du môme mois elle demande une cédule au juge
de paix du P u y , où elle expose qu’elle entend demander
contre Catherine Maigne , qui se prétend héritière testa
mentaire du sieur de R eyrolles, le payement et la res
titution de scs droits matrimoniaux.
Llle fait également des saisies-arrêts entre les mains
du sieur Dursus, receveur général, successeur du sieur
de Reyrolles.
E x p liq u a n t plus amplem ent ses prétentions lors du
procès verbal lait au bureau de p a i x , le 19 therm idor,
elle conclut, i°. au payement de la somme de 6000 francs,
à laquelle elle se restreint pour la valeur du trousseau
qu’elle s’étoit constitué lors de sou contrat de mariage,
et q u i, par cet acte, est estimé à 300 livres.
20. A u payement de la somme de 1100 francs, pour
bagues et joyaux-, 30.-celle de 400 francs par année pour
C
�( 1 8 }
le montant de sa pension viduelle ; elle demande qu’il
lui soit délaissé un logement dans la maison de son mari,
aux offres qu’elle fait de fournir un état des meubles,
linges et ustensiles qui lui seront délivrés pour habiter
ce logement ; plus 5ooo francs pour les habits de deuil ; et
enfin une somme de 5 oooo francs à laquelle elle veut
bien se restreindre pour ses droits dotaux reçus par le
sieur de Reyrolles, avec les intérêts à compter depuis
la demande.
Pour ôter tout prétexte à la dame veuve Reyrolles ,
qui ne manqueroit pas de présenter l’acte de divorce ,
elle en demande la n ullité, ainsi que de tout ce qui a
précédé et su ivi, parce que tout est contraire à la loi.
La dame veuve de Reyrolles répond, par son fondé
de pou voir, qu’elle est citée devant un juge incompétent ;
et sans préjudice de ses moyens de nullité et d’incompé
tence, elle demande la nullité de l’inscription et de tous
autres actes que la dame Couguet s’étoit permis de faire
contre e lle , sans droit, comme sans qualité.
L e même jo u r, 19 thermidor an 12, exploit de la dame
Couguet, devant le tribunal d u P u y , où elle reprend les
mêmes conclusions.
Simples défenses sur l’incompétence , le 12 brumaire
an 13. L e sieur de Reyrolles avoit toujours été domi
cilié et imposé à Brioude. L e 29 frim aire, jugement du
tribunal du P u y , qui retient la cause.
La dame veuve Reyrolles, sans préjudice de ses moyens,
demande, par requête du 20 ventôse an 13 , la main
levée provisoire de l’inscription et des saisies-arrêts faites
à la requête de la femme Couguet.
�( *9 )
L e 6 floréal an 13 , jugement qui a c c o r d e la mainlevée
provisoire de la saisie-arrêt faite entre les mains du sieur
D ursus, receveur général.
Enfin ,. la cause portée sur le tout à l’audience du tri
bunal du P u y , le 24 floréal an 1 3 , il y fut rendu un
jugement contradictoire, dont la teneur suit:
cc L e tribunal, sans s’arrêter ni avoir égard aux fins
« de non-recevoir proposées par la dame M aigne, ni aux
cc autres fins et conclusions dont l’a dém is; faisant droit,
« quant ù ce , à celles prises par la dame C ouguet, a dé« claré nul et de nul effet l’acte de divorce du 28 juillet 1793,
« ainsi que tout ce qui l’a précédé ; comme aussi a déclaré
« nul et de nul effet le traité passé le 3 frimaire an 5 ,
« entre la dame Florat et le sieur de Reyrolles ; i*emet
« la dame Florat au même état qu’elle étoit avant lesdits
« actes; condamne la dame M aigne, en sa qualité d’hé« riticre du sieur d eR eyrolles, à faire payement et dé« livrance à ladite Couguet, i°. de la somme de 300 fr.
« pour le montant du trousseau stipulé au contrat de ma« riage du 7 novembi’e 17 74 ; 2°. de celle de 1200 fr.
« pour le montant de ses bagues et joyaux ; 30. celle de
« 4 ° ° francs annuellement, montant de la pension vi« duelle ; 4 0. à fournir un logem ent garni et meublé dans
« le dernier domicile du sieur de R eyrolles, suivant son
cc état et sa fortune, à la charge par la dame Couguet,
cc suivant ses offres, de faire bon et valable chargement
cc du mobilier qui lui sera rem is, pour être rendu à qui
« et dans le temps de droit ; 5 °. ù payer la somme
« de iôoo francs pour tenir lieu de l’habit de deuil cl
« de celui de son domestique; aux intérêts des sommes
C 2
�C 20 )
* adjugées depuis la demande; et sur le payement d elà
« somme de 5oooo francs, résultante des cas dotaux de
« la femme F lo rat, ordonne que les parties contéste
te ront plus amplement; qu’à cet effet elles fourniront
« leurs états respectifs , sauf impugnation.
« Et au surplus, a maintenu les saisie et inscription
« faites à la requête de la dame C ouguet, l’a renvoyée
« en continuation de saisie jusqu’au parfait payement des
« condamnations prononcées contre la dame M aigne,
« pour lesquelles le tribunal ordonne que le présent juge« ment sera exécuté en la forme de l’ordonnance, no
ie nobstant appellation, et sans y préjudiciel’ ; a condamné
« la dame Maigne aux dépens. »
Les motifs des premiers juges sont curieux a connoître ; ils examinent d’abord les différentes questions qui
naissent dans la cause.
i°. La loi du 26 germinal an 11 rend-elle inattaquables
les divorces faits en exécution de la loi du 20 septem
bre 1792, fussent-ils irréguliers et contraires aux formes
prescrites par cette loi ?
20. L e divorce dont excipe la dame Maigne est-il nul?
30. La nullité a-t-elle été couverte par la qualité de
fem m e divorcée résultante des actes opposés, par la
possession d’état de la femme Florat de fem m e divorcée,
par le mariage de la dame M aigne, et par le décès du
sieur de Reyrolles?
4°. Dans le cas où le divorce seroit déclaré n ul, le
tra ité du 13 frimaire an 5 est-il infecté du même vice?
5°. Faut-il adjuger ù la femme C ouguet, eu tout ou en
partie , les demandes par elle formées?
�.
c 21) ................................... ... ....
6°. Doit-on maintenir les saisies-arrets et înscuptions
auxquelles elle a fait procéder?
j
3
rj°. L ’exécution provisoire doit-elle être ordonnée?
« Considérant, sur la première question , que la loi
« du 26 germinal an i i , en décidant que tous les di« vorces auront leur effet conformément aux lois qui
« existoient avant la publication du Code c iv il, a par là
« môme laisse dans leur entier les droits qui étoient acquis
« en vertu des lois précédentes.
« Que cette vérité se puise dans la loi même , puisque,
« dans sa seconde p artie, elle ordonne que les divorces
« commencés seront continués suivant les formes exigées
« par les lois en vigueur à l’époque de la demande en
« conciliation..
« D e ces deux dispositions, il en résulte cla irem en t que.
« la loi du 26 germinal an 11 n’a pas interdit les plaintes
« fondées sur la loi du 20 septembre 1792 , ou sur toutes
« autres; que d’ailleurs la loi du 26 germinal offriroit une
« antinomie , en ce que , par la partie première , les di« vorces faits sans égard pour les formes prescrites seroient
« inattaquables, tandis que, dans la seconde partie, clic
« rappelleroit les citoyens à la stricte observation de ces
« mômes formes.
« Considérant que la fin de non-recevoir opposée se
« trouve encore en contraste avec l’avis du conseil d’état,
« du 18 prairial an 12 , qui permet aux émigrés et aux
« absens rentrés d’examiner la forme extérieure et maté« rielle de leurs divorces, puisque d’après la l o i , n’y ayant
« aucune forme i\ suivre à leur égard , on ne leur a pas
« permis de scruter le seul acte requis pour opérer la
�( 22 )
dissolution de leur m ariage, si la loi du 26 germinal
an 11 avoit validé sans distinction tous les divorces;
q u ’enfin le rejet de cette fin de non-recevoir est encore
appuyé de l’arrêt rendu par la cour de cassation, le
30 ventôse dernier.
« Considérant, sur la seconde question, que pour pou
voir apprécier justement les moyens de n u llité, il est
d’autant plus indispensable de connoître les motifs qui
ont fait provoquer le divorce, que la loi du 20 sep
tembre 1792 a créé des formes particulières ù chacun
des motifs propres à opérer la dissolution du mariage-T
que le moyen le plus sûr de parvenir à cette connoissance, est de remonter à l’origine de la provocation,
et de s’attacher aux actes qui ont suivi.
« Considérant que l’acte du 25 mai 1793 contient de
la part de défunt de R eyrolles, au nom de qui il est
signifié, l’expression formelle qu’il veut faire prononcer
le divorce pour cause d’absence depuis neuf ans, et
pour incompatibilité d’humeur et de caractère ; que
cette intention n’a pas été contrariée parla dame Florat,
puisqu’on trouve dans l’acte en réponse, du 27 du mois
de m ai, qu’elle accepte la déclaration faite par son
mari ; qu’en la faisant, il 11’avoit fait que prévenir ses
intentions, qui étoient les mêmes que celles de son
mari ; que lors de la comparution à l’assemblée du 27
juin, les époux ne changèrent pas les motifs du di
vorce ; d’un côté , les actes ci-dessus analisés sont trans
crits dans le procès verbal; et de l’autre, 011 y dit que
le sieur de Reyrolles persiste dans le divorce par lui
provoqué.
�« Que l’acte du 17 juillet suivant n’a pu operer ce chan
te gem ent, quoiqu’il contienne citation pour voir pro« noncer le divorce, de conformité à l’article 5 du
2
« de la loi du 20 septembre 1792, attendu que cet acte
« n’est signifié qu’à la requête d’un seul époux , de qUL
« il ne dépendoit pas de se départir des motifs de pro« vocation sans le concours de la volonté de l’autre.
« Attendu aussi que cet acte ne peut être considéré
« que comme l’exécution des poursuites antérieures, puis« qu’il porte assignation pour les voir clôturer par l;i
« prononciation de l’officier civil; qu’il est donc évident '
« que le divorce se rapporte aux actes des 26 , 27 mai
« et 27 juin 1793 ; qu’il n’a eu d’autres motifs que l’ab« sence et l’incompatibilité d’humeur et de caractère, et
« que c’est sous ces deux rapports qu’il doit être examiné.
« Considérant que les motifs de l’absence reposent sur
« des faits faux, la dame de Florat n’ayant habité Limoges
« que du consentement de son mari ; que d’ailleurs l’ab« sence ne remonte pas à cinq ans sans nouvelles ; qu’en« suite le divorce seroit nul , pour n’avoir pas été pré« cédé de l’acte de notoriété exigé par l’article 17 du §. 2
« de la loi du 20 septembre 1792.
« Considérant que ce d ivorce fait p o ur cause d’in co m « patibilité d’hmmeur et de caractère est également n u l ,
« les époux s’étant affranchis du délai, des preuves, des
« assemblées périodiques prescrites par les articles 8 , 9 ,
« 10 et 11 de la loi du 20 septembre 1792, et n’ayant pas
« voulu observer les délais prescrits pour la première
“ assemblée, pour avoir composé cette assemblée d’amis
�C 24 )
cc au lieu de parens, et pour n’avoir pas obtenu de l’of« ficier civil l’ordonnance exigée par l’article 5 de la sec
te tion 5 de la loi du 20 septembre 1792 , sur l’état civil
« des citoyens.
« Considérant que fût-il possible de rapporter ce di
te vorce au consentement m utuel, malgré ce qui a été
« précédemment établi, malgré que la citation du 20 mai
« i'793 ait ¿té faite de conformité à l’article 29 du §. 2,
« c’est-à-dire, de conformité au mode déterminé pour
« l’incompatibilité d’humeur et de caractère, il seroit
« toujours nul, faute par les époux d’avoir fait assigner
« conjointement les parens, d’avoir observé le délai d’un
« mois plein entre le jour de la convocation et celui de
« l’assemblée, formalité exigée par l’article I e r . du §. 2;
« que ce divorce seroit n u l, dès qu’il avoit été mis en
« fait que le mari avoit à Brioude un oncle, des cousins
« germains et parens rapprochés, que l’épouse avoit aussi
« des cousins germains; dès que rien ne constate l’appel
cc des parens, ni les motifs de leur absence de l’assemcc b lée, quoique l’article I e r . du §. 2 exige impérieuse-^
cc ment que les plus proches parens soient appelés; elle
cc ne permet d’en appeler d’autres ou des amis qu’à défaut
cc des premiers : que cc divorce seroit enfin nul, en sup« posant toujours qu’il eût été fait par consentement
ce mutuel, puisque l’article 4 du même §. 2 exige que
« les époux comparoissent à l’assemblée et demandent
« conjointement le divorce; ce qui 11e se rencontre pas
« daus le procès verbal du 27 juin, où on lit que la femme
« Couguet-Florat leur a fait réponse qu’elle éloit disposée
cc à
�( 25 )
tt à suivre en tout point la volonté de son mari, et que
« si son mari persiste à requérir le divorce, elle y donne
« les mains.
« Considérant que le divorce est encore n u l, quand
« môme on ne s’attaclieroit qu’au procès verbal du 28
« juillet 1793, puisqu’il est positif que les deux époux,
« s’étant présentés devant l’officier public, n’ont requis
a nommément que la dissolution de leur contrat de ma« riage, et non l’acte de célébration consistant dans la dé« claration faite par les parties devant le curé de la paroisse
« de Notre-Dame de Brioude, qu’elles se vouloient res« pectivement pour époux-, puisque les opérations de l’of« fxcier public sont, aux termes des articles 7 et 8 de la
« section 5 de la loi du 20 septembre 1792, sur l’état civil
« des citoyens, subordonnées à la réquisition des époux ;
« qu’ainsi la réquisition qui fut laite par les mariés de
« Reyrolles et F lo rat, le 28 juillet 1793, ne se rapportant
« qu’au contrat de mariage, il en résulte que l’ofiieier civil
« n’a prononcé que sur cette demande, qui, étant hors de
« son attribution, ne devoit pas être portée devant lui;
« qu’ainsi il auroit commis un u ltra p e tit a , et que coû
te séquemment l ’acte de célébration qui forma le lien co n c< j u g a l , le 8 n ovem bre 1 7 7 4 , est resté dans son e n tier,
« et n’a reçu aucune atteinte par la déclaration de l’officier
« public, du 28 juillet 1793, soit qu’on ne la regarde
« que comme se rapportant à la réquisition faite soit
« qu’on ne la considère que comme ayant pour objet la
« dissolution de la célébration du mariage.
« Considérant, sur la troisième question, qu’il étoit
« certain, avant le Code c iv il, abstraction de toutes
D
�(
?
â 6 }
.
« choses tenant à l’ordre public, que pour constituer
« une approbation, il falloit le concours de trois choses,
« i° . que l’acte vicié fût transcrit ou rappelé, 2°. que
« les nullités eussent fixé l’attention des parties, 30. que
« ces dernières fussent capables de traiter : principes qui
« ont été confirmés par l’article 1338 du Code civil;
« que suivant ces principes il ne peut y avoir de doute
a que les actes opposés à la dame Florat ne peuvent être
« considérés comme des approbations, puisque l’acte de
« divorce n’y est ni transcrit, ni rappelé ; et que les
« parties gardant le silence sur les nullités , la dame
« Florat n’étoit pas capable de traiter, puisque l’effet le
ce plus sensible de la caducité du divorce, est de laisser
« sous le lien marital la femme qui n’en pouvoit sortir
« qu’en se conformant à la loi du 20 septembre 1792;
« que d’ailleurs pour que cette approbation fût valable,
« il falloit le concours de toutes les personnes intéressées
« dans l’acte n u l, et qu’ici le sieur de Reyrolles n’ayant
« pas approuvé le divorce, puisqu’il n’a pas pris la qua0 lité d’époux divorcé, il-s’ensuit que quand il existeroit
« une approbation , elle seroit insuffisante, le divorce
« ne pouvant subsister pour l’un des époux, et être in« signifiant pour l’autre.
« Considérant que quand on pourrait trouver dans les
« actes opposés tous les caractères qui les feroient regarder
v comme approbatifs, ils seraient encore indifférons dans
« la cause, attendu que s’agissant du divorce, q u i, à
« l’instar du mariage, tient au droit public, il n’est pas
« permis aux particuliers d’y déroger, suivant la loi 38,
« au if. JÜe perdis, et l’art. 6, titre préliminaire du Code
�(
2
7
5
« civ il, confirme par un arrêt de la cour de cassation,
et du 6 pluviôse an 1 1 , qui a décidé que l’état des pei« sonnes n’est pas dépendant de leur volonté , qu’elles
« ne peuvent le changer qu’avec le secours de l’autorite
« publique.
« Considérant que la possession d’état de femme di« vorcée de la dame Florat ne peut résulter de quelques
« actes , d’autant mieux que ce qui y est contenu se trou« veroit contrarié, i° . par un plus grand nombre d’actes
« par elle produits, dans lesquels elle n’a pas pris la
« qualité de femme divorcée; 20. par l’envoi d'argent
« qui lui a été fait par son m ari, et où celui-ci lui a
« donné le nom de Florat-Reyrolles ; que cetle posses« sion d’état, fû t-elle vraie, deviendroit indifférente,
« ainsi que le mariage de la dame M aigne, aucune lo i,
« tant ancienne que moderne, n’ayant décidé qu’il étoit
« défendu à un premier époux de réclamer son état,
« malgré une possession contraire, et malgré le second
« mariage de son conjoint.
« Considérant que la demande de la dame F lo r a t ne
« peut être rejetée, de cela qu’elle est venue après le
« décès de son époux, la loi Principaliter, au code Do
« lib er, n’ayant été reçue par la jurisprudence, ainsi
« qu’il a été jugé par un arrêt de la cour de cassation,
« du 14 vendémiaire an 10, qui a confirmé la nullité d’un
« divorce contre l’enfant né du second mariage de l’époux
« divorcé ; d’ailleurs cette lo i, fût-elle suivie , la dame
« Florat se trouveroit dans l’exception qu’elle prononce,
« n’ayant pas agi directement en nullité du divorce, mais
« bien par action secondaire, suite de l’cxceplion qui
D 2
�( *8 )
« lui a été opposée devant le bureau de ¡paix et devant
.« le tribunal.
1 r
« C o n s id é r a n t, sur la quatrième question, que le di»
« vorce étant n u l, la dame de Florat n’a jamais cessé
« d’être l’épouse du sieur de Reyrolles ; qu’en cette qua« lit é , et aux termes de leur contrat de mariage, l’alié« nation des biens de l’épouse étoit prohibée, puisqu’ils
« se trouvoieut dotaux; que cette prohibition, s’étendant
« ù tous les actes passés ù des tiers, comprenoit néces« sairement ceux faits avec le mari ; qu’ainsi la nullité
« du traité du i 5 frimaire an 5 est le corollaire immé« diat de la nullité du divorce.
- « Considérant, sur la cinquième question, que si plu
es sieurs des demandes de la femme Florat ne sont pas
« susceptibles de difficultés, à cause qu’elles ont été dé« terminées par l’acte du 7 novembre 17 74 , il n’en est
« pas de même de celle relative à la restitution de la
« dot, de celle en payement de l’habit de deuil, et de
<c celle en condamnation de 6000 francs pour le trous« seau; que les 5 oooo francs réclamés pour la dot 11e
a sont pas justifiés être dûs à la femme Florat, et que
« cette justification ne peut résulter que des titres cons« tatant le retirement, de la part du sieur de Reyrolles,
« de semblable somme due à son épouse; que la somme
« de 5ooo francs pour habit de d e u il, paroît exhorbi« tante, et nécessiter une réduction ; que le trousseau
« ayant été estimé 300 francs dans le contrat de mariage,
« la dame Florat n’étoit pas fondée à demander 6000 fr.
v au lieu des 300 francs dont on vient de parler.
« Considérant, sur la sixième question, que d’après
�C 29 )
« les'm otifs c i- ’devant déduits, la dame Florrit étant
« créancière de l’hoirie de son m ari, on ne peut que
« maintenir les saisies-arrêts et les inscriptions auxquelles.
« elle a fait procéder.
- « Considérant, sur la septième et dernière question,
« que la dame de Florat est porteuse d’ un titre p a ré ,
« qui est le contrat de mariage du 7 novembre 1774 >
« établissant les demandes qui lui ont été adjugées ;
« qu’ainsi l’exécution provisoire doit être prononcée ,
« attendu qu’elle est un point d’ordonnance, etc. »
• Ce tatras mal digéré n’étoit susceptible ni d’analise,
ni d’abréviation ; il eût été encore plus inintelligible :
et ce jugement n’a pu.soutenir l’épreuve d’une discussion
provisoire.
Sur la demande en défenses et en mainlevée de saisie
formée par l’appelante, est intervenu arrêt de la co u r,
du 8 fructidor an 13, qui ordonne qu’au principal, sur
l?appel? les parties procéderont en la manière ordinaire;
et cependant fait défenses à la femme Couguct de mettre
le jugement dont est appel à exécution; fait mainlevée
provisoire à l’appelante de la saisie-arrêt faite entre les
mains du sieur Dursus, receveur général du département
de la H a u t c -L o ir c . E u conséquence, autorise le tiers saisi
à vider ses mains en celles de la dame veuve Reyrolles;
quoi faisant, il en demeurera bien et valablement déchargé ;
k la charge néanmoins par l’appelante de donner bonne
et suffisante caution, de représenter les objets saisis, s’il
cfet ainsi dit et ordonné en lin de cause; laquelle caution
sera reçue devant le tribunal d’arrondissemëntde Brioude,
qui est à cet effet commis. Ordonne que. lors de la déli-
�( 3° )
vrance des objets saisis, procès verbal d’iceux sera dressé
par le premier notaire sur ce requis, parties intéressées
présentes ou dûment appelées. Les dépens sont réservés
en définitif.
En cet état , la femme Couguet n’a pas craint de
publier un mémoire où elle essaye de justifier sa con
duite, et auquel la dame veuve de Reyrolles est bien
obligée de répondre. Mais avant d’examiner les objec
tions de l’intimée, et de discuter les moyens victorieux
qui s’élèvent en faveur de la dame veuve Reyrolles, on
demandera à la femme Couguet pourquoi elle s’est dis
pensée de rappeler que c’est à sa requête que le procès
verbal du 27 juin a été siguiiié, avec assignation au 28
juillet, pour voir prononcer le divorce réciproquement
demandé.
Cet acte fait crouler son système de nullité , et il étoit
prudent,de le passer sous silence.
- On lui reprochera :aussi de ne pas avoir bonne mé
moire, lorsqu’elle dit que l’acte du 28 juillet 1793 lui a été
porté par un valet du comité révolutionnaire; elle devoit
se rappeler que ces comités n’étoient pas établis à cette
ép o q u e, que le sieur de Reyrolles n’en a jamais été
membre ; et. on verroit même dans le décret qui les forme,
que la place de receveur de district, qu'occupoit le sieur
de Revrolles , le rendoit incapable de faire partie de ce
comité : mais le trait est lancé,.et qu’importe qu’on soit
ou non exact,
Mais il est impossible de se défendre d’un sentiment
d’indignation, ù la lecture du passage de son mémoire
où elle'parle du fruit de ses débauches et de sa dépra-
�(30
.
valion : le sujet étoit délicat. Suivant elle, le sieur de
Reyrolles, par un tendre penchant qu’il ne pouvoit vain
cre , vient furtivement rendre hommage à ses charmes ;
et quoiqu’il parût à la dérobée, et avec toute la timi
dité d’un esclave, elle sc livre sans réserve, et bientôt
les suites sc laissent apercevoir.
'■
■
Voilà la première fois, dans tout le cours de l’ins
truction, que la femme Couguet a osé se démasquer, et
fait entrevoir ses vues artificieuses.
Cependant, d it- e lle , sa grossesse fournit un vaste
champ à la malignité de ses ennemis : le sieur Reyrolles
lui-même fut entraîné à douter, contre sa conviction
intime.
Femme audacieuse et vile! comment a-t-elle l’impudeur
de s’exprimer ainsi sur un fait aussi public? veut-elle
faire rappeler que, bravant tous les regards et la honte,
elle aiïectoit d’insulter au sieur Reyrolles en se montrant
sans cesse au public, et affectant de passer et repasser
sous les fenêtres du sieur Reyrolles, avec l’homme qui
l’avoit affichée?
Pour donner quelque vraisemblance à cet odieux ro
man où le vice est toujours en action, elle oublie la date
qu’elle a donnée elle-m êm e à sa déclaration de mater
nité , faite en l’an 6 , quatre ans après son divorce, et
où on v o it, d’après elle-même et la sage-femme, qu’elle
a accouché le 23 messidor an 3; elle répond que c’est
une erreur de date, qu’elle vouloit dire que cet événe
ment avoit eu lieu en l’an 2, onze jours après le mariage
du sieur de Reyrolles avec la dame Maigne. Mais l’ar
tifice est grossier : une mère ne commet pas de pareilles
�( 32 )
erreurs; et de telles assertions achèvent de la couvrir de
mépris.
Plus loin elle est encore inconséquente, lorsque, sup
posant clxez le sieur de Reyrolles un v if repentir de ses
fautes, duos.ce moment terrible de vérité, elle dit qu'il
a fait un testament par lequel, révoquant celui du i5 plu-viôse an 5 .,; il laisoitau premier objet de ses amours un
legs de 40000 fr., et donnoit le surplus de ses biens au
sieur Vauzelles. Mais que la femme Couguet s’accorde
doue avec elle-même!
. :
S’il étoit vrai que le sieur Reyrolles eût eu le bonheur
d’être p ère, s’il avoit triomphé de la foiblesse de sa pre
mière femme après l’avoir abandonnée et fait prononcer
son divorce, il étoit naturel que ses regards se tournassent
sur l’être infortuné qui lui devoit le'jour.
.. Dans ce moment terrible il eût voulu être juste, et
l’amour paternel eût été le dernier mouvement do son
cœur. Comment donc auroit-il dépouillé cet enfant d’une
fortune que la. femme Couguet voudroit faire croire si
considérable, pour enrichir un étranger, à la vérité son
p a r e n t , mais qui 11e dévoit occuper que la dernière place
dans son affection ?
Etrange contradiction ! et lorsque la malignité lui fait
dire que ce testament a été soustrait, qu’on a enlevé un
certain portefeuille de maroquin vert ( qui cependant
est inventorié )., que» le sieur Vauzelles a rendu plainte
eu soustraction , on rie peut que lui répondre mentiris
iu/pudenlissime. La dame veuve de Reyrolles rapporte
le certificat du magistrat de sûreté du tribunal du P u y,
c< qui atteste qu’il ne lui est jamais parvenu directement
�( 33 )
« ni indirectement aucune plainte officielle ou judiciaire
« sur l’imputation faite de la soustraction d’un testament
« prétendu fait par feu M . de R eyrolles, non plus que d un
« portefeuille contenant des papiers et effets du sieur de
« Reyrolles. »
C’est encore vouloir tirer parti de to u t, que de faire
un reproche à la dame veuve Reyrolles d’avoir décliné
la juridiction du Puy : on lui pardonnera sans doute
d’avoir manifesté un sentiment de préférence pour ses
juges naturels, et qui avoient certes une plus grande counoissance locale. Mais la femme Couguet prétend que la
dame veuve Reyrolles n’a demandé son renvoi q u i raison
de ce qu’elle étoit trop connue au Puy. Comment pouvoit-elle y être connue, si elle n’y a jamais résidé ? La
femme Couguet, dans son délire , ne s’aperçoit pas de ces
petites contradictions *, elle oublie qu’elle venoit de dire
que la dame de Reyrolles n’avoit jamais résidé avcc son
époux pendant son séjour au Puy : elle dit ensuite qu’elle
y étoit trop connue.
Que signifient d’ailleurs ces digressions ? ce n’est pas le
point de la cause. La dame Reyrolles n’a pas insisté sur
l’incompétence ; elle a consenti de plaider au fond : il ne
s’agit donc que de discuter le mérite du jugement dont
est appel,
M O Y E N S .
La défense de la dame veuve de Reyrolles se divise en
deux propositions principales.
Dans la prem ière, elle établira que le divorce d’entre
le sieur Reyrolles et la femme Couguet a été valablement
E
�( 34 )
prononcé ; qu’il est conforme en tous points] à la dispo
sition de la loi du 20 septembre 1792.
Dans la seconde, elle démontrera que ce divorce, fût-il
irrégulier, la femme Gouguet seroit aujourd’hui non recevable à s’en plaindre : elle y a acquiescé. Des fins de nonrecevoir insurmontables écartent sans retour sa prétention
ambitieuse.
§•
y, .
I er-
I jô divorce est valable.
La loi du 20 septembre 1792 , dans son préam bule,
suppose qu’il est urgent de faire jouir les Français de la
faculté du divorce. « Cette faculté, aux termes de la loi,
« résulte de la liberté individuelle dont un engagement
« indissoluble seroit la perte. » L e magistrat, le citoyen ,
n’a pas le droit de scruter les motifs du législateur; l’un
est l’organe et le ministre de la l o i , l’autre doit se sou
mettre avec respect.
Parmi les causes du divorce , la loi dit qu’il a lieu ,
io. par le consentement mutuel des époux; 20. sur simple
allégation d’incompatibilité d’humeur ou de caractère ;
30. sur des motifs déterminés, parmi lesquels elle place
l’absence de l’un des époux sans nouvelle pendant cinq ans.
L e §. 2 de cette loi indique le mode de divorce par
consentement mutuel. L ’article 4 de ce §. -porte : « Les
« deux époux se présenteront en personne à l’assemblée;
« ils y exposeront qu’ils demandent le divorce. Les parens
« ou amis assemblés leur feront les observations qu’ils
« jugeront convenables; si les époux persistent dans leur
�« dessein, il sera dressé, par un officier municipal requis
« à cet effet, un acte contenant simplement que les parens
« ou amis ont entendu les-époux en assemblée dûment
« convoquée, et qu’ils n’ont pu les concilier. La minute
« de cet acte, signée des membres de'l’assemblée, des deux
cc époux et de l’officier m unicipal, avec mention de ceux
« qui n’auront su ou pu signer , sera déposée au greffe de
« de la municipalité ; il en sera délivré expédition aux
« époux gratuitement, et sans droit d’enregistrement.»
L ’article 5 du même §. s’exprime ainsi : « Un mois au
« m oins, et six mois au plus après la date de l’acte énoncé
« dans l’article précédent, les époux pourront se prê
te senter devant l’officier public chargé de recevoir les
« actes de mariage , dans la municipalité où le mari a son
« domicile*, e t , sur leur demande, cet officier public sera
« tenu de prononcer leur divorce, sans entrer en con« noissance de cause. Les parties et l’officier public se
« conformeront aux fo rm es prescrites à ce\sujet dans
« la loi ? sur les actes de naissance, mariage et décès. »
Cette dernière loi sur les actes de naissance, section 5 ,
articles 3 et 4 , contient des dispositions qu’il est égale
ment utile de rappeler.
« Lo rsqu e deux ép ou x ( art. 3 ) demanderont conjoin
te tement le d iv o r c e , ils se présenteront accompagnés de
c< quatre témoins majeurs devant l’officier public , en la
« maison commune, aux jou r, lieu et heure qu’il aura
« indiqués ; ils justifieront qu’ils ont observé les délais
« exigés par la loi sur le mode de divorce ; ils représen
te teront l’acte de non-conciliation, qui aura dû leur être
« délivré par leurs parens assemblés; et, sur leur réquiE 2
�( 36 )
« sition', l’officier public prononcera'que leur mariage
« est dissous.
« Il sera dressé acte du tout ( art. 4 ) sur le registre des
« mariages ; cet acte sera signé des parties, des témoins
« et de l’officier p u b lic, 011 il sera fait mention de ceux
« qui n’auront pu ou su signer. » *'
Inapplication de ces lois se fait bien naturellement à l’es
pèce particulière où se trouvent les parties. Il est vrai q u e,
p;;r le premier acte du 24 mai 1793,1e sieur de Reyrolles
notifie à la femme Couguet qu’il veut jouir de l'd faculté
du divorce, sur le fondement qu’elle a quitté la ville de
Brioude depuis entour neuf ans, et dans laquelle il a appris
qu’elle étoit revenue depuis quelques jours ; et encore
p lu s, sur leur incompatibilité d’humeur et de caractère.
Dans ce premier acte, c’est l’époux qui provoque , et
il demande le divorce sur simple cause d’incompatibilité.
Il étoit tout simple qu’il prît cette form e, ayant cessé
de cohabiter depuis long-temps avec la femme Couguet;
n’ayant aucun rapport avec elle, il ne pou voit ni requérir,
ni prévoir son consentement, surtout lorsque la loi lui
ofl’roit un moyen plus simple , qui ne l’obligeoit à aucun
aveu , et le dispensoit de publier des torts d’ un genre que
le mari ne se plaît jamais à révéler.
Il nomme en conséquence trois parens ou amis qu’il
indique, avec sommation à la femme Couguet d’en nom
mer trois autres, à l’effet de comparaître dans le délai
d’un m ois, à compter de la notification, en la maison
commune, etc.
Jusque là tout est conforme à la loi pour le mode pres
crit sur simple incompatibilité.
�( 37 )
Trois jours après, le 27 m a i, la femme Couguét lui
notifie de sa part q u il ne f a i t que la prévenir, en dé
clarant qu’il entend jouir, de la, faculté du divorce ; elte
accepte la déclaration , et dit qu'elle veut j o u i r de la
même fa cu lté ; en conséquence , elle nomme les sieurs
Couguet, son frère, Martinon - Flageat, et Caldaguet,
pour composer l’assemblée de famille ; elle fait plus, elle
notifie ses intentions au domicile des trois individus nom
més par son mari, elle les requiert de se trouver ù la maison
commune, le 27 juin lors prochain , par-devers l’oflicier
municipal qu’elle dénomme, à raison, est-il d it, du di
vorce par eux respectivement demandé.
Certes, voilà bien un divorce par consentement mu
tuel , puisque , d’une p a rt,. elle semble fâchée que son
mari l’ait prévenue, e t , de l’autre, elle apprend aux ar
bitres que le divorce est respectivement demandé.
• E h! qu’on ne dise pas, comme les premiers juges,
que ce divorce est fondé sur l’absence , ou sur incom
patibilité d’humeur , et qu’il est nul sous ces deux rap
ports : ce n’est là qu’une absurdité,
-, Il falloit, dit-on, pour constater l’absence , un acte de
notoriété , et c’eût été un motif déterminé. L ’absence n’est
pas le motif de la demande; si le mari expose ou se
plaint de ce que sa femme n’habite pas la ville de Brioude
depuis neuf ans, il fonde encore plus sa demande sur
l’incompatibilité d’humeur.
Mais cette première sommation ne fait qu’annoncor
l’intention, le projet du mari d’agir seul, et de se passer
du consentement. Cette sommation étoit inutile, car la
�( 38 )
lo in ’en e x i g e pas lorsqu’il y a conspntemeqt m utuel, il suffit
que les é p o u x se présentent en personne à l’assemblée,
a c c o m p a g n e s de leuis parens ou îiinis«
Ainsi il ne faut compter pour rien cette première som
mation , qui n’eût été utile qu’autant qu’il y auroit eu
résistance de la femme; et alors il falloit passer par les
épreuves que la loi prescrit. Mais dès que la femme Couguet
loin de résister , annonçoit au contraire sa satisfaction de la
demande du m ari, il ne s’agissoit que de se présenter
à l’assemblée, et la femme Couguet a tant de crainte d’un
changement de volonté, qu’elle s’empresse d’assigner ellememe les pareus indiqués, et les requiert de se trouver
devant l’officier public.
Ce n’est pas to u t, après le procès verbal de non-con
ciliation, au jour indiqué , c’est elle qui prend la peine
de le signifier au sieur de Reyrolles; et quel est son lanr
gage! ce elle signifie le procès verbal de non-conciliation,
« dressé entre les parties, par le sieur Borel, officier mu
tt n icipal, en présence de l’assemblée de fam ille, le 27
te juin , sur la demande en divorce fo rm ée respectivetc ment par les parties ; lequel procès verbal, dit-elle,
et a été dressé suivant et conformément à l'article, 4
te du §. 2 de la loi qui détermine les causes , le mode
ce et les effets du divorce, du 20 septembre 1792; elle donne
te assignation au sieur de R eyrolles, à comparoître et se
« trouver le 28 juillet, à dix heures du m atin, par-devant
« l’oflicier.publie chargé de recevoir les actes de mariage
te et déeès, dans la municipalité de la ville de Bi'ioude ,pour
te roir prononcer le divorce d’entre les. parties, suivant
�( 39 )
. . '■
« et conformément à Part. 5 du même §. de la loi du 20
« septembre 1792, lui déclai'ant que , comparant ou n on >
« il y sera procédé tant en absence que présence. »
O r, ces articles 4 et 5 du §. 2 delà loi du 20 septembre,
sont précisément ceux qui' s’occupent exclusivement du
mode de divorce par consentement mutuel. C o m m e n t
la femme Couguet peut-elle aujourd’hui récriminer, après
un consentement si souvent répété •, lorsqu’il a été dans
son intention de divorcer, lorsqu’elle choisit, pour abréger
et jouir plus vite de sa liberté, le mode de consentement
mutuel, exprimé e n ‘tant de manières, au point qu’il est,
impossible de l’envisager sous un autre rapport ?
Vient ensuite l’acte de divorcef'Et que font les époux?
ils se présentent l’un et l’autre spontanément, assisté , non
pas comme au procès verbal de non-conciliation, de trois
parens chacun , mais assistés simultanément de quatre té
moins majeurs, conformément à l’article 3 de la loi sur
les actes de naissance, décès et mariage. Que dit l’officier
public ? il expose que Claude Reyrolles et Marguerite
Couguet l’ont requis de prononcer la dissolution de leur
mariage , contracté le 7 novembre 1774 ; et l’officier pu
blic , après avoir vérifié que les é p o u x ont observé les
délais exigés par la loi , et visé l'acte de non-conciliatio n , du 27 juin , dont la minute est déposée au secré
tariat, prononce, au nom d e là lo i, que le mariage
d’entre Clan de Reyrolles e t Marguerite Co ugu e t est d issous,
et qu’ils sont libres de leurs personnes comme ils l’étaient
avant de l’avoir contracté.
Il est curieux de lire dans les motifs du jugement dont
est appel, que l’officier public n’a pas dissous le mariage,
�( 4© )
qu’il n’a a n n u l l é que le .contrat, et n’a point parlé, de l’acte
de célébration•, çjue si 1^ premier yst anéanti, le second
reste, et, qu’alors il n’y a (pas de divorce.
Sans doute que les premiers juges n’ont pas lu cet acte ,
car autrement ce motif seroit un clief-d’œuvre d’ineptie,
ce qu’on ne doit pas supposer. Ce n’est pas le contrat
qu’annulle l’officier public , ce n’est pas du contrat, dont
les parties demandent mutuellement la dissolution, mais
bien du mariage; et l’officier public prononce, sans ambi
guité comme sans équivoque, que le mariage est dissous,
sans relater alors la date du pontrat.
Il est à remarquer encore que les parties, comme l’officier public, ont si bien entendu procéder suivant le mode
prescrit pour consentement m utuel, que dans son visa il
ne rappelle que le procès verbal de non-conciliation,
seule pièce requise par l’article 4 du §. 2 de la loi ; il ne
fait aucune mention de la pi'emière sommation du m ari,
fort inutile , dès que la femme désiroit et demandoit ellememq le d ivorce, mais qu’il auroit fallu rappeler si le
divorce avoit eu lieu de tout autre manière. Enfin l’of
ficier public se conforme en tout point ù la loi sur les nais
sances, mariages et décès, aux termes de l’article 5 invoqué
par la femme Couguet, et dont elle fait elle-même l’ap
plication au divorce qu’elle désire et sollicite.
11 faut maintenant laisser à la femme Couguet le plaisir
de jouer sur les mots, de dire qu'il y a trois divorces au
lieu d'un. Que les ép o u x, par un seul acte, ou par deux
actes si précis, aient consigné leur volonté mutuelle de
divorcer, il semble que ce fait est absolument indifférent.
Il suffit sans doute qu’ils aient manifesté leur consente
ment
�(4 0
...
.
.
ment réciproque, et que, pour y parvenir, ils aient simul
tanément convoqué leurs parens ou amis au nombre ,
jo u r, lieu , h eure, et devant l’officier public , conformé
ment à la loi.
’
Cette loi d’ailleurs ne prononce pas la peine de nullité
pour l’inexécution littérale de quelques dispositions indif
férentes. La seule peine qu’elle prononce en cas d’inexé
cution de quelques-unes des formes par elle prescrites, est
exprimée dans la section 5 , n°. 9. « L ’officier public qui
« aura prononcé le divorce, et en aura fait dresser acte
« sur les registres des mariages, sans qu’il lui ait été jus« tifïé des délais, des actes et des jugemens exigés par la
« loi sur le divorce, sera destitué de son état, condamné
« à 100 francâ d’amende, et aux dommages-intérêts des
« parties. »
Il résulte des termes de la l o i , que le divorce une fois
prononcé a toujours son effet : c’est un changement d’état
irrévocable, et consommé par l’acte du divorce. S’il y a
inobservation dans les formes préliminaires , c’est à l’of
ficier public qu’elle en attribue la faute ; elle punit ses
omissions comme sa négligence , mais elle ne prononce
aucune peine contre les parties, et n’a pas voulu qu’on
annullât u n divorce, p r o n o n cé. On ne peut suppléer aux
dispositions pénales , ni les étendre au delà de ce que la
loi a voulu et prévu : tout autre système seroit subversif
des règles et des maximes les plus constantes.
Enfin , il est bien extraordinaire que ce soit surtout la
femme Coiiguét qui entreprenne de' se plaindre des vio
lations de forme , lorsque c’est elle q u i, par des acles gé
minés, a donné au divorce le caractère de consentement
F
�( 42 )
mutuel ; elle devroit surtout apprendre dans quel article
de la loi elle a trouvé que les époux qui demanderont
conjointement le divorce ne peuvent former cette de
mande par des actes séparés : le divorce ne sera-t-il pas
réciproque, lorsqu’il a été mutuellement accepté?
L a femme Couguet objecte encore que la loi exigeoit des
parens pour composer l’assemblée de famille*, que ce n’est
qu’à leur défaut que la loi permet de se servir d’amis: elle
reproche au sieur de Reyrolles d’avoir manqué à cette
forme essentielle, en ne nommant que des amis.
Xi’objection porte sur un fait inexact. M. Croze- Montbrizet, alors juge, et actuellement procureur général im
périal à Alexandrie, étoit un des plus proches parens du
côté paternel. Le sieur de R eyrolles, dont la mère étoit
de L y o n , n’avoit aucun parent maternel que M . Vauzelles,
ex-législateur. Il est notoire qu’ils étoient alors divisés,
et ne se voyoient jamais : circonstance qui empêcha sa
convocation.
Quant à la femme Couguet, elle suivit la même mar
che ; elle ne convoqua qu’un seul parent et deux amis.
La loi qui permet de remplacer devant l’officier public,
dans la première assemblée, les parens par des am is, même
ceux qui ont été compris dans la sommation , indique
assez qu’elle n’a pas exigé rigoureusement ce. choix; elle
n’a pas voulu qu’on fît constater préalablement le défaut
de parens par des actes de notoriété ou des sommations
judiciaires, pour une forme purement administrative.
Dans l’espèce de l’arrêt de la cour , rendu pour des
parties de celte v ille , une foule de circonstances s’élevoieut
contre le divorce, où il n’y avoit qu’une seule partie pour-
�niib
( 43 )
suivante.‘I c i , aü‘contraire, les deux parties ont concouru
aux actes préliminaires et à l’acte de divorce : elles ne
peuvent donc revenir contre leur propre fait.
T e l est le malheur de la femme Couguet , qu’elle est
réduite à récriminer contre de prétendues nullités qui
sont de son fait; non-seulement elle a agréé, approuvé
les arbitres nommés par son m ari, en faisant notifier scs
intentions au domicile de chacun des arbitres, par l’acte
du 27 mai 1793 , et en les requérant de remplir leur
mission, mais elle-même n’a nommé qu’ un seul parent
et deux amis. Comment pourroit-elle donc s’en plaindre?
Il est donc évident, i«. que le divorce a été fuit et pro
noncé par consentement m utuel, et sur la réquisition
réciproque des deux époux ; 20. que toutes les formes
prescrites par la loi ont été régulièrement observées;
§. I I .
L e divorce f û t - i l irrégulier, la fe m m e Couguet est
aujourd'hui non receçable ¿1 Vattaquer.
L e Code c iv il, en laissant subsister le divorce dans
notre législation-, a prescrit d’autres formes et d’autres
motifs ; mais le législateur a senti en même temps que
s’il devoit être plus rigoureux, il ne devoit exciter aucunes
secousses, aucun retour sur ce qui étoit déjà fait et con
sommé avant la publication de cette partie du Code.
Cette précaution annonce qu’on a voulu jeter un voile
sur des divisions intestines que la révolution avoit sou-
F a
�( 44 ) '
vent excitées, et qu’il ne falloit pas- rouvrir des plaies
déjà cicatrisées. Une loi transitoire, du>a6 germinal an 1 1 ,
a manifesté l’intention du législateur.
•
E lle porte : « Tous divorces prononcés par des o jji« ciers de Vétat civ il, ou autorisés par ju g e m en t, avant
« la publication du titre du Code civil relatif au divorce,
« auront leurs effets conformément aux lois qui existoient
« avant cette publication. »
En appliquant cette loi à l’espèce particulière , le di
vorce dont il s’agit a été prononcé par l’officier public
de la commune de Brioude, lieu du domicile des parties,
^ët^par le fonctionnaire qui seul en avoit le pouvoir.
La loi ne va pas scruter tout ce qui s’est fait avant, tout ce
qui a précédé la prononciation du divorce ; elle s’exprime
en termes généraux et absolus : Tous divorces pronon
cés , été. Dès-lors que peuvent signifier les détails minu
tieux dans lesquels la femme Couguet cherche à se perdre
pour écarter les termes de la loi ? Si la femme Couguet
pbuvoit prouver que l’acte a été dressé par tout autre que
celui qui en avoit le caractère et le pouvoir , qu’il a été
prononcé par un citoyen qui n’étoit pas officier public,
alors elle soutiendroit peut-être, avec quelqu’apparence
de raison, qu’il n’existe pas de divorce.
Mais lorsqu’il y a prononciation légale du divorce,
entre deux époux majeurs , apx*ès sommation , procès
verbal de n o n - c o n c il ia tio n , dans les délais prescrits par
la lo i, sur la demande réciproque des conjoints; qu’ils
ont eux-m êm es signé l’acte de d ivo rce, comme une
preuve de leur réquisition, de leur persévérance, de
�t«5 )
.
,
v
leur consentement, et dejleur approbation a la. disso
lution du m a riagealo rs tout est ir r év ocablemen t {Con
sommé -, la loi ne permet aucun retour«/ ! hiîfc-1*rn>m
E t de quelle importance pourroient être certaines
irrégularités qui se rencpntreroient d a n s 'les'actesj pré
liminaires? Ces actes préparatoires, qui doivent être
naturellement comparés à de simples actes de procédure,
ne peuvent plus être examinés lorsqu’il y a approbation
ou acquiescement. Toutes les nullités, les défauts de
forme, se couvrent par le silence des parties, lorsqu’ils
ne sont pas produits in limine litis. ^
. , •: 0; si ob
L a dame Couguet dira7t-relle qu’elle, n’a pas approuvé
ces actes prélim inaires, lorsqu’aussitôt après ^ p r o n o n
ciation du divorce, elle a pris la qualité de Jbmme di
vorcée dans une foule de traités, quittances, dont, on a
fait l’énumération en commençant; lorsqu’elle a tran
sigé avec le sienr de Reyrolles, le 13 frimaire an 5 , où
elle est en qualité comme fem m e divorcée ,•
Jn/
Lorsque dans cet acte elle reçoit tout ce qui lui est dû,
tout ce que le sieur de Reyrolles avoit reçu pendant le
m ariage, pour elle ou à cause d’elle ;
Lorsqu’on voit qu’elle s’acharne à demander une pen
sion que le sieur, de R eyro lles ne lui avoit pas payée la
dernière année du mariage, ( ce qui prouve encore une
séparation antérieure ) ;
, Lorsqu’elle demande les intérêts de sa dot, à compter
de la demande en divorce ; et qu’enfin elle donne dé
charge au sieur de Reyrolles de toutes les pièces, par
tage, titres, dossiers, que le sieur de Reyrolles avoit
eus en son pouvoir?
�E lle
• (, 4 6 )
à la vérité, que dans d’autres àctes pos
térieurs elle n’a pas pris la qualité de fem m e divoïcée,*
mais dans les actes qu’on a examinés, si elle ne se dit
pas femme divorcée, elle ajoute encore à ses approba
tions multipliées, puisqu’elle ne prend d’autre nom que
le sien , sans y ajouter jamais celui du sieur de Reyrblles. La qualité de femme divorcée n’est pas si glorieuse
qu’on ne puisse bien se passer de la prendre : mais lors
qu’on ne prend pas le nom du m ari, c’est qu’on se re
garde comme absolument libre, c’est qu’on a oublié ou
qu’on veut faire oublier qu’on a été mariée.
Enfin n’a-t-elle pas approuvé le divorce, en voyant
sous ses yeux le mariage du sieur de Reyrolles sans au
cune opposition de sa part, en gardant le silence pendant
plus de dix ans sans se plaindre?
A-t-elle cru honorer la mémoire du sieur RejTolIes,
ou en imposer au public, par cette jonglerie de prendre
le deuil trois mois après le décès du sieur de Reyrolles,
lorsque le lendemain de sa m ort, elle affecta de se livrer
à ses habitudes de plaisir et de dissipation ?
La dame Couguet a essayé d’écarter ces fins do nonrecevoir, qui paroissent insurmontables.
Elle prétend d’abord que celle résultante de la loi
du 26 germinal an onze, n’a pas môme le mérite d'être
fondée sur le bon sens; elle y trouve que le législateur
a déclaré ne valider que ce que la loi existante lors du
divorce approuvoit expressément. Suivant elle, la dame
Reyrolles a tronqué la lo i, quand elle a voulu en in
duire quVt compter de sa publication 011 ne pouvoit plus
attaquer les précédens divorces : il en résulleroit, dit-elle,
répond,
Ji
�( 47 )
que si la veille de la loi un divorce avoit été prononcé
sans aucune épreuve , les époux n’en resteroient pas
moins séparés à jamais.
Cette objection bien analisée s’évanouit bientôt •, d’aboid , il ne s’agit point ici de divorce prononcé avec
précipi tation et sans épreuve ; on a distingué, dans cette
discussion, les irrégularités essentielles et absolues, de
celles qui auroient pu se glisser dans la forme de quel
ques actes pi ¿'liminaires et peu importans ; et on n’est
pas allé jusqu’à dire que les formes inhérentes à l’acte
e^divorce étoient couvertes -par la lo i; mais on soutient
qu il résulte du sens et de la lettre de cette l o i , que les
ivoices prononcés par l’officier public doivent obtenir
leur effet.
.f f
_
,, pp ?a
eî^t vou^u cIue les divorces prononcés par
o iciei public, en vertu de la loi de 1792, pussent être
encore attaqués, elle auroit dit que les divorces prononcés
V
officier de ¿état c iv il, conformément au x lois qui
oient avant la publication, auroient leur effet : dans
™ S’ e^
#en ajQUtant sans aucune interruption ces mots :
l^ f f '7m^[nen^’ ctc’ » ^
suite de la prononciation de
icier ch il, alors on auroit pu dii'e que la loi permet
.. examen des formes antérieures au divorce prononcé.
^ M ais la dame C o u g u e t tronque la loi par la transpo
sition d u n de ses membres; transposition qui en altère
tout le sens. En effet, la loi ordonne d’une manière ab
solue que les divorces prononcés, etc. seront exécutésla suite, conformément aux lo is, etc., ne vient et ne se
rapporte qu’aux effets civils qui sont la suite du divorce,
�( 48 )
et pour lesquels la loi du 20 septembre 1792 a un titre
particulier intitulé , D es effets du divorce; effets qui sont
bien différons de ceux que lui attribue le Code c iv il,
puisque, dans la première ( n°. 6 ) , les droits de survie,
douaire, et autres gains, sont, dans tous les cas de di
vorce, éteints et sans effet, tandis que, dans le Code civil
( art. 299 ), les gains et avantages matrimoniaux sont
réservés aux époux, dans le seul cas de divorce de con
sentement mutuel.
L a loi du 26 germinal a doue voulu fixer cette diffé
rence des effets, en consacrant tous les divorces faits par
les officiers de l’état civil.
L a question est purement grammaticale. Il est évident
que le texte de la loi est conçu de manière à ce que les
mots conformément aux lois ne se rapportent point aux
divorces "prononcés, mais bien ¿1 leurs effets, que la loi
a voulu déterminer.
Enfin cette loi est fondée sur un grand motif d’intérêt
public. En décrétant cette proposition, en confirmant
tous les actes de divorce prononcés par les officiers pu
blics ou par jugemens, elle a voulu par là consacrer les
possessions d’état, sur lesquelles sont fondés l’honneur
et le repos des familles.
La femme Couguet, aujourd’hui si formaliste, a mé
prisé le titre d’épouse, a fui pendant longues années la
compagnie de son mari. Peu occupée de la dignité de
son état, elle n’a témoigné aucuns regrets sur la demande
du sieur Reyrolles; elle s’est empressée d’y donner les
mains ; elle a provoqué elle-même la prononciation du
divorce,
�....................... . .. ( 4 9 )
' . . . . .......... . . .
divorce; et sans doute si elle eût fait entendre line voix
gémissante lorsque les choses étoient encore entières,
avant que le sieur Reyrolles eût formé d’autres nœuds,
elle eût pu se flatter d’inspirer quelqu’intérêt. Mais main
l
tenant qu’il existe un autre mariage , de quelle consé i♦
x
quence ne seroit-il pas d’enlever l’état de la dame veuve
Reyrolles, lorsqu’elle a contracté sur la foi publique,
après un divorce prononcé pqr Foiïicier de l’état civ il,
et surtout après l’indifféreqpe et le. silence de la. femme
Couguet, qui n’a pas réclamé lors.cfè la publication du
second mariage ?
Eh quoi ! n’est-il pas honteux d’entendre dire par la
femme Couguet qu’elle étoit forcée d’exécuter un divorce
n u l, et qu’elle ne devoit point faire entendre.sa v o ix ,
dans la crainte que son mari.ne divorçât plus régulière
ment une seconde fois? Elle croyoit_donc ce diyorce nul;
et cependant elle l’approuvoit par des açtes m ultipliés,
et dans toutes les circonstances; elle voyoit les affiches et
publications du nouveau mariage du sieur R çyrolles, et
se gardoit bien de se montrer, de peur qu’il ne divorçât
plus régulièrement. Quelle idée donneroit-cile de sa ino1 alite ! Ainsi les acte.s approbatifs , sopi, silence même ,
n etoient q u ’ une longue suite de perfidie ; elfç.se réservoit
de demander la nulliTe 3 ü divorce , lorsque l’état des
choses auroit changéj lorsquef son époux auroit cessé,
d’exister, lorsque ne pouvant plus se réunir à celui qu’elle
n’avoit cessé d’humiljer, elle n’auroit ^lus^qu’un vîl ih - ‘
t.érêt pour mobile j lorsque son époujç^auroit, porté la dé
solation, et fait le dernier outrage à uneüim jlle lionqG
j
�.
( 5o )
rable, qu’il a u ro it enlevé, sans le savoir, l’honneur, l’état
et lu foi’tune d’une autre épouse.
A quel degré d’infamie faut-il être descendu, pour
oser manifester une aussi coupable prévoyance , pour se
faire parade d’un raffinement de méchanceté ! Ne sei’oilelle pas elle-même la complice de l’erreur de son ép o u x,
du piège qu’elle lùi auroit tendu, du précipice qu’elle
auroit creusé sous les pas de celle qu’elle nomme sa rivale ?
Dans quel code pourroit-elle trouver la récompense de
cette atroce perfidie ?
Quel est donc le but de la femme Couguet en attaquant
le divorce ? ce n’est pas par un sentiment de respect pour
la dignité du mariage, par attachement à ses devoirs, ou
pour se réunir à son époux.
Tant qu’il a été libre, elle l’a méprisé; lorsqu’il a con
tracté de nouveaux^ nœuds , elle s’est glorifiée du titre de
femme divorcée , o u , si elle oublie cette qualité , elle ne
prend que son nom de fam ille, sans jamais y ajouter celui
du sieur de Reyrolles. C’est donc un intérêt pécuniaire,
auri sa cra ,fa in es, qui l’a déterminée dans ses démaiches, tandis que la dame veuve Reyrolles défend son hon
neur, son état, et la possession paisible de cet état pen
dant dix années.
T o u t est favorable quand il s’agit de défendre son état;
tout est odieux dans ce qui tend à le faire perdre ; e t,
dans le doute, il faut toujours pencher pour conserver
^honneur des citôyens. C’est ainsi que s’exprime le célèbre
Cochin , dans larcause de la dame A rta u d , t. i de ses
œ uvres, p. 596.
�(50
M ais, dit la dame C ou guet, les fins de non-recevoir
ne peuvent être opposées lorsqu’il s’agit d’ une question
d’état.
L ’état des hommes est sacré aux yeux de la loi *, il tient
à l’ordre public , et on ne peut jamais déroger à ce qui
est d’ordre public.
Cette m axim e, très-vraie dans certains cas, doit cepen
dant être modifiée. Il est constant, en thèse générale ,
que tous actes volontaires, toutes transactions sur l’état
des' citoyens, ne lient pas irrévocablement les parties qui
ont contracté \ il faut toujours l’intervention de l’autorité
publique.
h
A in si, par exemple, deux époux ne pourroient pas
transiger aimablement sur la dissolution de leur mariage.
M ais, lorsque l’autorité publique est intervenue, lorsque
l’officier de l’état civil a prononcé le d ivo rce, et dé
claré , au nom de la lo i, que les époux étoient libres,
alors les approbations données aux actes préliminaires
font disparoître des moyens insignifians de forme.
C’est ce qui a été disertement jugé par un arrêt de la
cour de cassation, du 24 pluviôse an 1 3 , que la femme
Couguet a vainement entrepris de combattre. Cet arrêt
a jugé une question d’oi*dre p u b lic, qui naissoit de l’ar
ticle 6 du Code civ il, ainsi conçu : « On ne peut déroger,
.« par des conventions particulières, aux lois qui inlé« ressent l’ordre public et les bonnes mœurs. » Cet article
est tiré de la loi 45 au ff. D e regulis ju r is , privatorum conventio ju r i publico non derogat.
Dans l’espèce de cet arrêt, le sieur Boehler a v o i t ,
�(52)
comme la fe m m e Couguet, reconnu clans plusieurs con
trats la validité du divorce que sa femme avoit provoqué
et obtenu. Il tenta cependant de le faire annuller en
justice par des défauts de forme. L ’épouse, en repous
sant les nullités prétendues, opposoit que le sieur Boehler
étoit non recevable, attendu qu’il avoit reconnu la vali
dité du divorce par des actes subséquens.
La cour d’appel de Trêves adm it, par son arrêt, les
fins de non-recevoir. Il est vrai que cette cour, par son
premier m otif, disoit que les moyens de nullité étoient
sans fondement; mais, par un second, il étoit disertement exprimé et décidé que le mari avoit pu et voulu
renoncer aux droits qu’il avpit de contester les effets civils
du divorce de son épouse.
Pourvoi en cassation pour contravention à l’art. 6 du
Code civil; arrêt de la cour de cassation ; qui regarde l’ap
probation donnée par le mari à la régularité des actes, et
la reçonnoissance par lui faite, dans dès actes p ublics, de
la qualité prise par son épouse dqfem m e divorcée, comme
péremptoire. On ajoute que le Gode civil, en bornant sa
défense à ce qui concerne les objets d’intérêt public , a
voulu permettre l’efFet des reconnoissances, et celui dçs
transactions sur l’intérêt civil et privé : ce qui est for
mellement exprimé dans l’article 2046 du Code civil, et
ce que la loi ti’ansitoire de floréal an* 11 a spécialement
appliqué au divorce; en conséquence, la cour rejette, etc.
La femme Couguet oppose de bien foibles réflexions
sur cet arrêt. Suivant elle, ce n’est qu’ un arrêt de cir
constance, comme si la coiU’ régulatrice pouvoit s'ar
rête y
�( 53 )
rêter à des circonstances, lorsqu’elle est exclusivement
instituée pour veiller à la conservation des lois, et en
empêcher la violation.
M ais, dit la femme G ouguet, ce n’est ici qu’un mari
qui avoit capacité de traiter, et qui n’a transigé que sur
les effets civils du divorce , au lietí^ qu’e lle , qui étoit en
puissance de m ari, n’avoit pas la /liberté d’approuver ou
de transiger.
/
Mais par la loi de 1792, la femme mariée est habile
à poursuivre l’action en divorce j et à en suivre les eifets;
elle a à cet égard la même capacité que le mari.
Si l’arrêt de la cour de Trêves avoit jugé que le di^
vorce n’étoit pas n u l, il jugeoit aussi que les approba
tions écartoient la demande en nullité. Mais ce qui rend
encore la dame de Reyrolles plus favorable, il n’y avoit
point, dans l’espèce du sieur Boehler, un second mariage;
au lieu qu’ici il faudroit prononcer la nullité d’un ma
riage contracté publiquem ent, légalement et de bonne
fo i, sur la foi d’un divorce prononcé par l’autorité pu
blique, et approuvé par les parties intéressées.
Ainsi croule le système de la femme C o u g u e t : la
dame veuve Reyrolles ne poussera pas plus lo in la dé
monstration. Il est tem ps de terminer sa défense. La
femme Gouguet ne peut in sp irer aucun intérêt ; elle
ne plaide que de lucro captando. L a dame de R eyrolles défend son honneur, son état, le titre sacré d’é
pouse. Combien il lui en a coûté de se voir obligée de
descendre dans l’arène ! Si la femme Couguet a employé
les couleurs les plus noires contre elle, en amoncelant
�( 54 )
des calomnies, la dame Reyrolles s’est attachée à ne dire
que la vérité. Elle s’adresse à des magistrats éclairés,
pénétrés de toute la gravité d’une question d’état, qui
sauront apprécier le roman de la femme C ouguet, et
conserver à l’appelante son titre d’épouse, et l’état qu’elle
a possédé pendant plus de dix ans sans réclamation.
Signé M A I G N E , veuve D E R E Y R O L L E S .
-i
M e. P A G E S ( de Riom ) , ancien avocat.
M e. V E R N I È R E , avoué licencié
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r io t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Janvier 1806.
�
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Factums Marie
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[Factum. Maigne, Catherine. 1806]
Creator
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Subject
The topic of the resource
divorces
remariage hâtif
nullité du mariage
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour dame Catherine Maigne, veuve du sieur Reyrolles, appelante d'un jugement rendu au tribunal du Puy, le 24 floréal an 13 ; contre Marguerite Couguet-Florat, intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1774-1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0707
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0706
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0524
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Coverage
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Le Puy-en-Velay (43157)
Brioude (43040)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
divorces
nullité du mariage
remariage hâtif
-
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d01873fd93da70a3f6cb5df4286cf407
PDF Text
Text
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M É M O I R E
P O U R
M argu erite
C O U G U E T - F L O R A . T , v e u v e d u sieur
d e R e y r o l l e s , intimée;
COUR
C O N T R E
r-
d ’a p p e l
i
V
C a t h e r i n e M A I G N E , se d is a n t a u s s i veuve d u d it
d e
sieu r d e R e y r o lles , appelante.
ri o m
.
section.
L A demoiselle M aigne n ’est pas satisfaite d'a voir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une form ule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa h aine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas cra in t, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
Une première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sur des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le m ieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudroit pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel dès lois de l'em pire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sacré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
L a dame de Reyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d’abord adopté par la demoiselle M a ig n e, et son premier
A
�c 2 y ,
mouvement avoîl été d’user d’une représüille bien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position de rendre compte
des faits el gestes de sa rivale, elle n ’avoit'rifch tu dé te qui la tourrnentoit depuis tant d’années, et il lui^paroissoit consolant de la
poursuivre encore, comme urir’remords Vengeur, de la forcerrà
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une liaine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que cette jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour ; en consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d ’écarter de son récit
touj«* les épisodes étrangèr^»à ses moyens. L a réclamation d’un
état crvil présente d’ailleurs trop d’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
3 L e mariage est-il un contrat d’ordre public; c ’est-à-dire, une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , après un divorce
n u l, traiter irrévocablement avec son m ari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé?
T elle est la principale question de cette cause ; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver difficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
en jour ces antiques maximes, dont nous n’avons éprouvé l’ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
A ujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la m agistrature, a reconquis sa dignité prim itive;
et tout ce qui tend à la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
F A I T S .
L a dame C o u g u et-F lo ra l contracta mariage avec le sieur de
R eyrolles, médecin , le 7 novembre 177/»» et se constitua en dot
ses biens échus et à échoir, c’est-à-dire, qu’elle donna plein pou-
�voir à son époux, ¡de rechercher et régir une fortune -inc^nnuc^a
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation i(d un^douaire,, et
autres avantages m atrim oniaux.^
,{Les premières! années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m ère, et possédant*toute l’affection de son époux , la damende
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroit détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullemenl: à c r a i n d r e , et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur. j n6fono<
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrem ent, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne^se règlent
pas toujours par leur estime. D ans sa fierté , elle abandonna^un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, e^ se retira c h e z la^dame
de F lo ra t, sa grand’mère. if;
il. C et éclat, imprudent peut-être , tourna tout entier au profit de
sa xivale; la dame de Reyrolles fut privée de tout secours , denses
bijo u x; et poussée d ’infortunes en infortunes, pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu’elle les reçût de la demoiselle
M aigne. T e l étoit, après dix ans de m ariage, l’humiliation à laquellb
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer. •
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise , la dame de Reyrolles se trouvoit
encoi’e heureuse des égards de son époux; mais l’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se fa ir e , céda à l’évidence : l’indignation
étouffa tous les calculs d’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Los sieur et dame Caklaguès, parens de la dame de Reyrolles ,
alloient s’établir à Lim oges. Affligés de sa position , ils lui propo
sèrent un asile ; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d’être délivrée d’une surveillante incom m ode,
l^pressa de consentir à cette séparation.
Combien étoit déjà changé le sort de la dame de R eyrolles! elle
avoit un époux; une étrangère lui faisoit oublier ses scrmens et
ses devoirs : elle avoit eu un enfant; la m ort, moins cruelle, le lui
A 2
�< 4 )
avoit ravi à l ’âge où il «toit incapable'de tendresse. C ’est ainsi
qu’épouse sans époux , mère de famille sans enfans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
c o n s o l a t i o n s de l’amitié et aux fantômes d e ,l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de R eyro lles, par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement de la révolution
elle ne reçut plus rien , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d ’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints. Il est certain qu’il eût fait
son bonheur de rompre, ses chaînes, et de mériter l’affection de
son épousp, si la prévoyance allarmée de la demoisellt/ Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
vo yo il, et il n’osoil voir; il vouloit, etnepouvoit s’enhardir à vouloir:
l'homme le plus impérieux n’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. L e premier acte de loiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, est l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes ;
il reste désormais sans d éfense, et se dévoue a l’esclavage.
L a demoiselle Maigne triompha , et le premier usage de sa
victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors existoit une loi récente, que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la m onarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours d’intervalle, et avant d ’attaquer la
religion dans ses solennités, il n’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire à prononcer ; et le lien du mariage, malgré son antique
inviolabilité, fut dissoluble indistinctement par le divorce.
Celte innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s'empressât pas de la saisir. En conséquence , le
34 mai 1797»
>1 lut signifia à la dame de R eyrolles, de la part de sou
�( 5 )
m a ri, un acle par lequel il déclaroit qu’ il entendoit divorcer pour
cause d’absence, et pour incompatibilité d’humeur et de caractère,
en conséquence dé quoi il nominoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa part trois parens ou amis.
11
Dans cette conjoncture que pouvoit faire une épouse? plaider?
les tribunaux n ’éloient pas compétens ; résister? la loi ne le lui per-’1*
mettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, et le divorce n ’en alloit pas moins à sa fin.
^
Quoi qu’il en s o it, le 27 mai il fut déclaré , à la requête de
la dame de -Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 24
ellé nommoit trois parens , ajoutant que le sieur de R eyro lles, en
\
provoquant son divorce , n ’avoit fait que prévenir ses intentions'.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de fa m ille, tou-’
jours motivée pour absence et incom patibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : Sur quoi ladite Couguet-Florat leur a répondu
qu’elle était disposée à suivre en tout point la 'volonté de son
mari ; mais que si son dit mari persiste ¿1 requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
Celte réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-même insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de l’incompatibilité s’accordoient mal avec l’im
patience de la demoiselle M aigne. On crut donc découvrir dans
les diresde la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m u tu el, pour lequel il n’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1783, un mois après la seule
assemblée de fam ille, on fit rédiger un acte de divorce , dans lequel
on suppose qu’il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fut porté à la dame de Reyrolles par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en d is e , après la date qui
lui a été donnée : elle sign a, il n’y avoit pas à hésiter ; d’ailleurs
son refus , en l’exposant, n’eût fait que rendre celle pièce inu-
�■'itfi1! ubnsiilO fi il î f -ci.-i'ii l
' s;>^ijf:n^ f ‘ !nni
a .ni,tile içt forcer à reprendre la suite du premier mode de divorce.
A^nsi s’acconiplit cette œuvre d’iniquité, et la demoiselle M aignc
eut enfin levé lç plus grand des^obstacles Ornais comme si le d e l
se fu t joué de ses plus clières espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoit tant hâtée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que le sieur de R eyrolles,
p é n é t r é dejla perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à ses pre
miers" engagemens.
11
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d ’un esclave. Enfin , une
grpssesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
.j'M ais .les assiduités du sieur de Reyrolles n ’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse. T ro p adroits pour faire un é cla t, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébrauler l’imagination foible d’un homme que le premier mouve
ment faisoit agir, et q u i, dans ce qui concernoit ses passions , ne
savoit jamais penser par lui-méme. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la darne de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa perte : Inquirebant niala s ib i , et dolos
totd die medilabantiir.
L a grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
à leur malignité; l’époux lui-même fut entraîné ii douter contre sa
conviction intim e; et ce que la dame de R ejrolles avoit cru être le
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
T o u t d’un coup la scène change : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son m a
riage avec la demoiselle Muigne est consommé le n messidor
an 2 , douze jours avant que la dame de Reyrolles , sur son lit
de douleur, donnât le jour à une malheureuse créature sous d ’aussi
sinistres auspices.
�Non , le ciel nç l’a point béni, ce fatal mariage î II a entendu ^aua"
thème ,pronjpjnç^ par 4une épouse dans sa désolation ; fet elle n a
pas eu la douleur de savoir plus* heureuse qu’elle celle qui 1 avoit
*J; !-, *î ’ .. •, i ./ ‘
1M'
/ I J
#’
chassée du lit conjugal. En portant un nom usurpé , la demoi
selle M aigue ne trouva plus dans le sieur de R eyrolles cet être
soumis sur lequel elle avoit exercé tant de fois une capricieuse
1
-.;or>
puissance.,
L a demoiselle Maigne avoit calculé cet effet habituel du mariage j
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’ürie époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitué de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an
5 . Quelque temps après, une séparation
volontaire les a éloignés jusqu’à la m ort.
^
Cependant la dame de R eyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupee
des soins maternels que demandoit le premier âge de sa fille ^elle
attendoit avec résignation que le sieur de R eyrolles, rendu de nou
veau ù ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d’un retour à la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l ’abus de son administration.
I
.11 avoit recueilli la succession considérable de l’aieule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’étoit emparé des effets m obiliers, sans compte
ni mesure.
Néanm oins, demeurant libre d ’en fixer la consistance , et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 > un acte d’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le montant , d it-il, d e ce q u ’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours éludé de
déclarer ce qui pouvoit lui être dû ; qu’ elle ne cherchoit qu’à re
tarder la libération dudit Reyrolles , qu’il étoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame de Reyrolles répondit qu’elle ctoit surprise et lassce
�.,
( 8 )
des procédés ¡niques de son m ari, et refusa les offres. 11 y eut
procès' verbal 'de non''conciliation , après leq u el’eÏÏê' fu t assignée
le oi
su iv a n t dcvaRt le tribunal du Puf*; en réalisation
et v a l i d i t é desdites offres.
^
Ces diligences avoient lieu à la dernièVe heure du papier-monnoie;
numéraire reparut au commencemçnt de l’an 5 ; et, dans ce pre
mier iustant où l’opinion en augmèntoit la valeur, le sieur de R e y
rolles se hâta de faire proposer S sa femme une modique sómme de
6ooo francs pour tout terminer ; ajo u tan t, pour l’intim ider, que
si elle ne l’acceptoit pas , les offres de l'an 4 seroient jugées vala
bles , parce qu’elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la dame de Reyrolles demanda-t-elle à être éclairée sur
la valeur réelle de sa propre fortune; il Fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n ’avoir que les mandats offerts
au lieu du numéraire prom is, Si cile s’exposoit à aller plaider dans
un tribunal presque incon nu, à tlôuze lieues de son domicile.
L a dame de Reyrolles signa donc un traité le 16 frim aire an 5 ,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avcca son
ïjiari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un partage de 1786, il lui revenoit 6126 liv. 10 sous; ù quoi
ajoutant d’autres articles touchés par son m a ri, quoique non com
pris dans l’inventaire, en valeur de 873 liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des 6000 fr. qu’il voiiloit
p a ye r, et dont l’acte porle quittance.
A compter de cette époque les époux furent séparés , et la dam e
de Reyrolles n ’eut plus qu'à s’étourdir sur le passé et à supporter
m e s s i d o r
,
l e
son sort avec courage : elle se consoloil avec sa fille, et cette con
solation même lui lut enviée. Ajirès le 18 fructidor , on lui donna
l’ularine sur le sort de cette enfant , qui n’aVoit pas encore d’état
civil. O11 lui persuada que les peines de la loi pourroient l’attein
d re, et elle se décida à faire u n e déclaration ù Pofiicier public. On
n ’eut garde de transcrire la qualité qu’elle vouloil se donner, par
la raison qu’il eût Oté incivique de mépriser un divorce, et que
le .sieur de R eyrolles, redevenu puissant, n ’auroit pas trouvé bon
q u ’ il
�Y... . r -ijj.vï
( 9 )
vïw v w
r W '
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui^étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Com m e ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 m es
sidor an 5 . Cette erreur a été reconnue par la demoiselle M aigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d ’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de R eyro lles, nommé receveur du
département de la H au te-L o ire, alla s’établir au P u y. L à , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle M aigne,
qui liabitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui l’a conduit
au tombeau.
A cette époque terrible, où l’hom m e, ne trouvant plus d asile
dans les illusions du m onde, voudroit réparer dans un instànt les
fautes de sa vie toute entière, l ’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d’attester qu’il n’avoit rien plus à coeur que de
se réconcilier avec sa fem m e, et de lui en donner, par un testament
honorable, la seule preuve qui fû t désormais en son pouvoir.
j En e ffe t , il est de notoriété au P u y que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par lequel , cassant celui qu’il regardolt
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 4 o °00
à la dame de Reyrolles personnellem ent, et faisoit en faveur du
sieur Y auzelles , ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de 11e pas se hâter assez ,
elle envoya au Puy le sieur Granchier le mercredi , et arriva ellemême le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
sieur de R eyro lles, q u i, à ce qu’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tête avec un mouvement con
vulsif. Quoi qu’il en so it, il expira le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle M aigne que
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
sieur de R eyrolles, et en attendant les scellés qui 11e dévoient être
posés que le lendemain , au lieu de verser des larmes stériles qu’il
13
�Valoit mieux, r é s e r v e r . -pour la pantomime.de& audiences , la~de~
moiselle M a i g n e étoit libre de tout parcourir,[[Un ¿çertainc,pqrte-;
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n ’an
plus paru; et le public qui se trompe rarement en ¡conjectures dé
sintéressées, parolt avoir été imbu de l’idée que dans çe porte-feuillen
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier!tes-c
tament. E t qu’on ne dise pas que c’e s t jà une fable de pure im a-p
gination ; ce bruit ayoit pris une telle consistance, que le sieur
Y auzelles, légataire, a rendu sur ce m otif une plainte en suppres-ip
sion de ce testament. .u; ju
jo
,JLa dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’qn fait
qu’elle n ’a appris que par.Ja notoriété,publique. C e n’est point las
fortune du sieur de Reyrollfes qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut,son état civil, sa dot , et ner
dispute point à la demoiselle Maigne une opulence chèrement,*
achetée, et dont la source équivoque n ’est de nature à donner du
crédit que-vis-à-vis quelques collatéraux.
•/[
■ Après la ;mort du sieur de Rqyrolles, ce n ’étoit plu§ que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence, ;
le, 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses d ot, trousseau et gains m atrim oniaux, e t, en tant que de
besoin, en nullité du divorce et actes postérieurs.
; L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cotte tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d’enrichir sa fidèle m oitié, ne s’allioit guère avec un domicile
constamment séparé, et à douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle M aigne, qui avoit toujours habité Brioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de R eyrollcs, proposa un déclinatoire, soit qu’elle criU qu’il n ’avoit pas transféré au Puy son do
micile de d roit, soit qu’elle fût entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n ’avoit pas le même domicile de fait que celui qu’elle disoit
son époux; elle ignoroil que le sieur de Reyrollcs avoit acquis une
maison au l Ju y , s’en déçlaroit habitant dans les actes publics, et
�( ( i l ' 1)
. . . . .......
a^oil mêmë fait’l*â‘ÿ ê r sà' cotë’ttidbilière à Bri6üdéï,T!h consequetibé/
et par çes' tntotifs P'^lle ftit’ déboütéè dè son déclmatÔÎTé 'par J1* ^
ment du 23 f l a i r e
,jb T m n ob
JioT* 5iav .9»Uu»‘
A u fond la dCm'oiselle Maignë'Tépondit que la dame dë Reyrolles*}
n ’étoit^pasirecëvable’dàns s a ’ dem ande, soif à causé de la loi <ïtiia
26 germinal ran'l i n é d i t parce que la defilande n’ avoit êt<^ form ëèâ
qu'après la mort du sieur d e;ReyrolIes, soit parcé que la darfie dë'*
Reyrolles étoit divorcée par uri' acte requis èt'signé pat ellé>niâtne;’§
qu'elle avoit traité avec son >màri en qualité dc'xfemniê' divorcée,
el avoit pris la même qualité dans plusieurs autres8actes^^110" *
tamment dans la déclaration dé naissance-druri 'ertfant ilé ^ n - a n
après le divorce; qu’à l’égard d’elle-même1Catherine M aigne 9^elltí^,,
n ’avoit ipoint à craindreJle sort de'ce'dW orce* parce qu’tillé étôit*
mariée légitim em ent, héritière unîversélle'J1'e t que le ''sieur d e 1
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette Volonté pendënt
ans, qu’à sa:imort on avoit trouvé le testament dd la démôiselfel5
M aigne parmi ses papiers les plus préùieuoc.'
1 5' -'
¿11 est inutile de rappeler les moyens opposés par la datïielBe
Reyrolles à cette défetièe de la demoiselle M a ig n e , les fa itsT*61- ';
devant narrés les indiquent; et il suffit de dire qü’en déclarant lé ’^
divorce n u l, les premiers juges ne virent plus dans la dame d e ’
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance m aritale, n ’ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , n i:rprendre
une qualité qu’elle n’ avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an i 5 , le tribunal du P u y , sans s’arrêter aux fins de
non-récevoir proposées par Catherine M aigrie, déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 175)3, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du 3 frimaire an 5 ; remit la dame de Reyrolles au'
même état où elle étoit avant lesdits actes ; condâmna Catherine*
M aigne, en qualité d’héritière du sieur de R eyrolles, à lui payer,
i #.
3oo fr. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 1774 ; 2°* 1200 fr. pour ses bagues et
joyaux; 3“. 400 fr. pour sa pension viducllfc; 4*. à lui fournir un
logement garni et m eublé, suivant son état et Sa fortune, dans le
B 2
�( I;2 >
à qui et dans le temps de droit; j . à payer à ladite dame de.Reypi
rplles ¿l5 o° fr - P our S0D Jeuil.flt pe^uj de.s^ dwqestique; et à,l'égard
(jj^p^yemept
d o tale tribunal o r d o n n a . p a r t i e s conteste--.
rfiiei^plup amplement, et à, cet e ff& fournirpienLjeurp^tats w s«
pe^tifs, çauf débats. Les inscriptions de,la dame de Reyrolle^ furent,
HiaintepyejS jfjsqy a parfait; .payement,, et, il fu t ordonné que ledit
jùg^riiepM eroit exécuté en la fpyme de l'ordonnance nonobstant;
l’?PPçl*b nos: ■bujili .Yi ei nobpr,.
*’ ‘
C çt.te^ p n ièrç d$posit/pn^dçnx*a lieu »à lat demoiselle,Maigne de;
h ^ e r singulièrep.entjiSQn appel et $es poursuites. Impatiente de;
jQuip Sjap^eptr^vp^clle r^mfliïtra à la çour que la douairière d ’un
receveur génér^l ne pouvoi^vi^re^ayec des saisies qui arrêtaient des l
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressait pour les rendre. L a c o jir, par son arrêt provisoire du
24 floréal an i 3 , a fait défense d’exécuter le jugement jusqu’à son
nYàtw '
ï»Vta ■'*'
. >v
*
^pg.r^i5îs s°u,t aujourd’hui sur le point.de faire juger le fond
de la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude,
une décision qui ne peut être que conforme à la morale et à la
juS.^ÇC^vyi,
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T o u te la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce(
paradoxe : L e mariage est une siqiple convention privée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui,supplée les form es'
de ta loi , ou qui en dispense.
• •
L a défense de la dame de Reyrolles est de d ire , au contraire,'-,
q u elle mariage est un lien destiné à l’union de deux fam illes,
intéressant la société entière, et ne pouvant être dissous que danaj.
la rigueur des formes légales.
Sans.jdoutc la solution de ces deux systèmes cpt écrite dans le
�{ *3 )
. . .
cœur de tous «eu*>qm:tt^äüront 'pas oublié ¿iéè'^A’incipcS1îïnrôÂ'abléi^
qui résistent au. fi'acasr*des‘ rövölutionä et à l’ébloiiiss?enienÎ des
8ystèmes.''intjb oJibel h i ^ e q é .‘ Ö ^iioib *b «r moJ » ^ b Jo ^-iuv «
b Ic i il est constant' qu ’en
77/v1^ datafté!‘d e R eyrolleV a été m artel
i n . . I_LA lès-'solennité*
A.
h l ! /■! n ( lO f >
ilO^ que^ 'CftYl
avec toutes
fcivilès" é t '‘ Mfcfeligieuseé^et
son ep'oux
n'est m ort qu’en' 'l'an^ i'ai 111 s’dgitMotìc^cl’exàm irier^i l^ 'iilanage ^
a été légalem eril dissoüs par uufTd h ô rco . M a is lar>'(liw*ii ^"ill 'îW j^
l« r oppose des fins dc'non-riécevoii*, qu’il faut bxâiîiitttir?3et‘^èsT
prétentions donnent1 lieu aux questions suivantes ^1
S ’’darri e j
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son di'voVïc
après lai. mort de son m a ri^ e t malgré la' lo i i du 26'‘gÇi^in'dl^an
onze ?' 2*.t À u fond , le rdivorce opposé éàt-il -valable?1^ 3S P i e „
divôtee n ’a pas été:Valable , a-t-il* p ü n éaft& o in s7être validé
^
la convention particulière de là damende Reyrolles ?
kI r ' " - t'vt6' vd
wip l ì
.»Vil 1 eolqmoo
,
l«o~7
'
iv.Yiq 1‘ P(R E M I È R e T Q ’u e's t i o n .
” >ri
}n*;mf)^u[ al-îjJuoèzs D aôrrewL
,t ‘ t 6 i ftc loinoft fcc
L a dame de Reyrolles est-elle recevable à demander là 'n u llité *1
hde son divorce aprè¿¡la mort de son inari, et m a lg ré Ici toi
a'du 26 germinal an 11 ?
;,jlno!> fil 0
ftl . -* r -,
i
iloieiDr-b bnil
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?-I
sur une loi rom aine? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
defunctorum post quinquennìtmì qùeràtur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’c6t pas même écoulé six mois de son
décès à' la demande.
■ C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la demoiselle
Maìgne. L ’artldfc'ì 88!'porte que \i l ’époux au préjudice duquel a
» été contracté un second m ariage, peut en demander la nullité ,
» du vivant même de l’épôux'qui étôit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir aVaht la mort de l’époux,
qu’à titre de grâce ; et il semble', par ses expressions, que c’est à
regret qu’elle y a consenti : elle laisse entrevoir le Conseil de ne pas'
user de ce consentement- ; et ce mot
qui terrible potir ainsi
aAAÂ jüul
^ 7 ®
�( i4 )
dire,échappéaà:1a, plume du logislatçur, ¿^ ¡cepen d an t de lajplus,,
gr^n^c m oralitc.jâ arr '>/■
eulq b iul on ttora s i Imfii;’Q u’est-ce en effet qu’une d e m a n d e ^ ce,genre i form ée par Té-y
poux abandonné contre l’époux coupable, si, ¡cc^ n’,êst une espèce de
dénonçiation..ouvrant le champ le plus .vasjte à,la discorde, et ren
d a n t désormais, toutp, réconciliation impossible?
Est-ce une foible épouse qui, du vivant de son m ari, osera Tapp e l e r , .devant ,les tribunaux pour lui dire : Je veux qu’on vous o^ igç
à me rester fidèle? Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti-v
quUéj.Ja^sensible Hypparette a reconquis par un appel en justice,
la,tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigne-»**
roiçnt d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient'j
leuç amour propre par un,abandon plus éternel! C ar les homm es,
qui font les institutions, n’on.t^créé, que .la .puissance, maritale,; et
quels que soient les dons que le sçxe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foible^se „ ,çe pouvoir d ’éqpilibre n'est plus
qu’un^ divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige. Malheur donc à l’épouse inconsidérée qui tenteroit dq
proclamer son abandon et de çhercljer son,époux jusque dans les
bra§ d ’une riyale !
11 est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
conjugal, peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
mariage est comme l ’amour de la patrie. Cunctqs ducit, eÇ inir*
memores non sintt esse sut,
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyroljps que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur lia-*
bilalion séparée , urje haine qu’ils ne dissimuloient plu s, annon-,
çoient une rupture prochaine; et sar,S lcs difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroit vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit ù personne qu’il n ’étoil retenu que par celte çonsideratiçu. Quoi qu’il en. soit, la daine de Reyrolles a lait ce qu’elle
�devoit^fatèe j
((!& * )'
,
„
'fjlTèlIé'a eti de l ’esp o ir, elle a g a rd é ie Silcnce'V
et quand la m ort ne lui a plus présenté qu ’une étrangère à pour
suivré^'éllé-Sï réclâïrië’Be's'dfoit^inüri10^ 3nu UP 3j
n39° B"
L a demoiselle Maigne ri’è'st pas le'prem ier héritier qüv'àit opposé que là nullité d’un divorce ne pouvoit pas être demandée contre
lui. M ais la cour de cassation a décidé le contraire Jpar arrêt du
14 "vendémiaire anf,io .
i f>Y
li:
■■o.-aïo. ->nu
L a deuxième fin7de non -recevoir‘ n ’ a pas même le hlérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
' *
'»rut;
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : Tous divorces :
■prononcés, etc., auront leurs effets / o n en a conclu qu’à com pler'
dé fcétte loi il n’étoit plus possible^d’attaquei* les précédons divorces?*
«C’est-à-dire que si la veillé de la loi nouvelle un divorce‘avdit1
été prononcé sans aucunes épreuves ,fIles époux n ’en seroient pasP
moins séparés à jam ais; et c ’est ainsi qu'on fait Finjure ali légtà-P
lateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses. ainu^
l M àis la demoiselle M aigne n’a réussi à se faire un moyen dè là'P
loi du-a6 germinal qu’en1 tronquant entièrement l’article invoqulél3^
« T o u s divorces‘prononcés par des officiers de l ’état civ il,"6 tr('
» autorisés par jugem ent, avant la publication du titre'd ù Codef1^
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément aux
» lois qui existoient avant cette publication. »
Ainsi le législateur n ’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante 3
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, nisi lotâ
legeperspeeld, judicare. M aintenant que l’article entier est rétabli,
l ’objection de la demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
.
L e divorce du 28 ju illet iy g 3 est-il valable ?
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�(
16
)
de procédures. L e sieur de R e yro llcs, plus pressé qu’il ne dcvoit
l ’è lre , a m a l g a m a to u t , et interrompit au milieu de son cours une
p r e m i è r e procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’ y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductive. L e sieur de R eyrolles, par son exploit ori
ginaire du 24 mai 179 3, avoit form é demande en divorce, soit
pour absence depuis neuf ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoit être dem andé , comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2\ loi du 20 septembre 179 2, § . 1 , art. 4. )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen
dant cinq ans sans nouvelles, il lui falloit pour première pièce
un acte de notoriété constatant celte longue absence ( § . 2 , art. 17) :
mais sa femme étoit près de lui le 24 mai 1793.
S ’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon comportoit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dame de Reyrolles n’étoit allée à
Lim oges qu’avec l’agréncient de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n ’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : l'exploit n’en dit rien.
Pour incompatibilité d ’hum eur, le sieur de Reyrollcs avoit sa
marche tracée d ’une manière positive.
« Il convoquera une première assemblée de parcns, ou d ’amis à
» défaut de pareils , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
») la convocation. ( § . 3 , art. 8. )
» La convocation sera faite psr l’un des officiers m unicipaux....
» L ’acte en sera signifié à l’époux défendeur. ( A rt. 9» )
» Si la conciliation n ’a pas lieu , l’assemblée se prorogera à deux
» mois , et les époux y seront ajournés. A l’expiration des deux
» m o is. . . si les représentations ne peuvent encore concilier les
époux,
�« époux.,
§e,prorogera à^trbis mois* (t Ar.U-. 10 e t - n . )
(i>) Si,^.lja, tr,bisicmGl?éançe-le(provoquant persiste , acte en sera
>tpressé. l l 9JuL>en- scip -délivré expédition >qqu’il fera signifier à
» l’époux "défendeur. » ( A rt. 12. )
;" ! *®BCÏ
„ L e sieur^de Reyrolles provoqua un divorce le 24 mai ,.sans acte
de^convocation d’un officier, municipal, j J ^iviJDiihoaiQi .obnfitnob
Il ne nomma, point 4 <r parens ; iljindiqua.seulem ent' des amis ,
sans même exprimer, cjue ce fû t à-défaut de parens.
aiioq
^ L a première assemblée eut lieu le 27, juin 1793 .11 en fut dressé
acte; mais aucune signification n’a été faite à?la dam e-de Rey-;
rp lles, parce que les moteurs craignoient que» dans l ’intervalle les
choses fussent pacifiées.
8ns p n h .intîbnéf? oaroads
Il n’y a ainsi pas eu, de divorce pour^incompatibilité d’humeur p
pas plus que pour absence. nu ,jluo-r
g o lk ^ f-»- ^b'r.j-r.a 0! i£ . nC e seroit donc lun divorce pan consentem ent m utuel qu’il faui*
droit valider.
: r»n ohatoo ou
M ais l’acte prim itif,y,est un obstacle perpétuel; oniveütcepen-:
ejant que les actes qui suiv/entaient corrigé cette première procédure.
^ La loi en exigeoit une absolument différente. : ? T^iigie^c jiollfit
s«. L e ’ mari et.la, fqmme qui demanderont conjointement le d i-j
»i^vorce, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins'
» des plus proches parens , ou d’amis à défaut de parens. ( §• 2 ,i
art, t " . )
» f;
•
■<{iu io '.oniiai
(>> L ’assemblée,sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec^
» les parens ou amis. . . . L ’acte de convocation sera <signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( A rt. 2. ) '*
' ' •
» Les deux époux se présenteront en personne à l’assemblée ; ils
» ,y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( A r t . 4. )
. L e but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires. „ ,
. fr i f
-,vf ; c i:
o.
L ’incompatibilité pouvoit n ’avoir lieu que d e là part d’un époux:
la procédure devoit donc avoir des formes hostiles ; c’est pourquoi
U convocation devoit être réglée par un officier m u n icip al, et un
•I G
*—
�( 18 )
huissier devoit sommer répouxr défendeur do concourir à la form a
tion de l'assem blée, et d 'y com paroître.><ib al il, ooirf c iup 'nub
M ais le divorce par consentement m utuelisupposoit.dedaipart
des époux un accord préalable né d’une égale satiété’ de vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation ¡insupportable ;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches;
i A in s i, bien loin de'se signifier par huissier une nomination de
parens , et par actes séparés , ce qui marqueroit une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensemble les
parens,'en les choisissant par moitié; elle a voulu qu’ils demandassent
le divorce conjointement .* ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
«i):L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et que l’autre y a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n ’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquée.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l’Un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i, provoqué par une dem ande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n ’étoit pas dans son cœur ; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord m êm e, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n ’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
Non omnium quai à majoribus constitutn surit ratio reddi potest.
11 est encore un principe bien constant en tait de lois rigoureuses,
c’est que toutes les formalités doivent être suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du l\ germinal an 2 a étendu cette peine
à l'inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 1789.
�( * 9 )
C e serolt donc s'abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a précédé le divorceiprononcé le 28 juillet 1793 ¿lies actes
préliminaires d ’un, divorce*par consentement mutuel.
.icl-fl
Non - seulement r. cette* procédure n ’est pas conforme à la l o i ,
mais le sieur de R cyrollesja donné un autre nom au divorce par
lui demandé.i II a requis seul le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’i l n ’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une dem ande, tellement
indélébile qu’elleine comportoit ni opposition ,r<ni débats , ,ni ju
gement.
eimpr
Lors de l’assemblée , la dame de Reyrolles ne parolt .encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas le divorce , elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, ¿/son m a r i y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veut le divorce ,
c’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
¡min
Voilà cependant ce que l ’officier public , dans l’oubli dejses
devoirs , a reçu comme les épreuves suffisantes d’un divorce.-.. >y-ib
U n divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeait
une toule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenté
d ’un seul acte et de trente-trois jours de délai.
... ext’
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice , pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa forme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa fam ille, car il n’a appelé aucun de ses parons à
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les doux procédures une dif
férence notable. Pour l’incompatibilité d ’h u m eu r, il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m u tu el, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
S i , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eut été égal
d’avoir des am is, c ’étoit inutilement que lu loi étoit plus exigeante
C 2
�!
i
( 20 )
pour le consentement mutuel. M ais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffit de remarquer que la loi
ne vouloit des àtttis q u 'à défaut de parens.? S & sa .
w i c r ’' !
Oseroit-on. supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n ’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai , il falloit au moins l'exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que celte formalité a été'rcm plie. Déjà
la cour d’ap p el, dans une cause sem blable, a annullé un divorce
entre des habitans deR iom , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n’exprimoient pas que des amis n ’eusSent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité, qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguetet Héraud ,
notaivés , le 7 novembre 1774* Mais jamais on n ’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. A vant 1792, l’église donnoit tout à la fois l ’état
civil et le sacrement ; le mariage ne tenoit son essence que de la
célébration. Or , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 novembre
qui a été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d’intérêt, et totalement incapable d’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d’enregistrement et de publi» cation que l'étoient les jugemens de séparation » ( §. 5 , art. 1 1 . )
O r , le divorce opposé ne paroit pas même avoir été enregistré.
On avoitobjectéà Iadame de Reyrolles qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n ’en a jamais donné l’ordre ; m ais, quand on supposcroit le contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer à son tour un divorce par con
sentement mutuel ?
U n exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’humeur , et cet exploit même
seroit une nullité de plus.
�C 2 1 .0
s ,,; “ '" t W ' Î s ' ! ï m e
<[j; oupicm -t sb Jiliiia ;i
U E S T I
0
Tî.
S i le divorce n'a pas été valable, a-t-il pu néanmoins elre valide
,l par une convention particulière de la dame de Reyrolles? '
'>■
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.ru ■ii n
_
rr
t;'
U n contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut sans doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôjL qu’elles
.en. ont exprimé ^ „vo lo n té..
:Ji.
rJi
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis- .
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les fornies^
rigoureusement exigées. Cette différence est sensible, et tient à la
nature du contrat de mariage.
n
Oser dire,qu’il est un simple contrat privé n ’est qu’une hérésie^
insoutenable; elle est condamnée par toutes nos lois ; et les ^°"-^
mains eux-mêm es, qui cependant admettaient la répudiation et
.divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu’ils avoient ^
sur l’importance çlu mariage.
, n.
,
,
« Parmi toutes les institutions hum aines, a dit Justinien, rien^
» n’est si sacré et si important que le mariage, car c’est par lui que
» sc forme la suite des génératioiis; c’est par lui que se peuplent
» les régions et que les cités fleurissent : il est le conservateur de^
» la république et la source de sa prospérité. »
N ihil in rebus mortalibus perindé 'venerandum est atque matrimonium : quippeecc quo liberi , omnisque deinceps sobolis sériés
existâ t} qnod regiones atque civitates fréquenter reddat, undè
denique reipublicœ coaugmentatio fia t. ( N ovell. i/jo. )
T o u t ce qui lenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoieut aussi considérées comme objet
d’intérêt public : Ileipublicœ interest dotes mtdieram salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’atlention du législateur; il en
déterm inoitlcs form es, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nom bre, leur influence et leurs représentalipns fussent un frein ù la rupture du mariage, ( jf . D e
divortius et repudiiis. )
�iSV.El si
formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nidlum divortium ralwn est. ( L . 9 . eod. ) *
3»
■cetlemullité n ’aüroit pas été textuelle, elle eût été pro
noncée' par la loi qui portoit que toutes[lés conventions faites contre
le'droit civil, contra juris civilis régulas t étoient nulles de plein
droit, etUic produisoient aucune action. ( L . 28, f f . D e pactis.)
\s' O r, il n?étoit pas douteux que la form e de dissolution du mariage
ne fû t réglée par le droit civil : Jure civili dissolvere solet matri-ntoninmM^ L . 1 1 , f f . D e divort. et rep. )
l e s
Q
u
a
n
d
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l’état
des hommes n’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hominis ■vel conditio personarum mutari non potest. ( L . liheros, c. D e lib. c .)
ob Sans- doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n ’est pas susceptible d’être validé par des conventions particulières;
et ilirésisteroit d’ailleurs au bon sens que la loi eût exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
dispenser indirectement.
tr
'ii M ais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
?pour le divorce, avoit aussi prévu que des époux trop peu attachés
à son observation pourroient se permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
Pactiones sanè si quæ adversus prœsentia scita nostrœ majestatis fuerint attenlatœ, tanquam legibus contrarias nullam liabere ■vohtrnus fimiitatem. ( L . 8 , code D e repudiis. )
Ainsi la question est disertement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n’a pas été légalement fa it, les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
'
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi française. On dem ande,
dit Vinnius, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
oui, répond-il, s’il s’ngil de valider le mariage : Ut sponsa manval sponsa, placcl Iransaclionem valcrc; mais la transaction est
�(
23 )
absolument n u lle , s’il s?agit de relâcher le lien’ du mariage. ( P in n .
D e trans. ) ,v\ )
«\v\Y&rc u\ui'
■
'
1tj 11 ■*'' fP
L a demoiselle M aigne t opposera-t-elle la loi du 20 septembre
1792. M ais quelle, que fù tll’opinion du tem ps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilité spontanée du
» m ariage, disoit lis rapporteur de celte l o i , la liberté d en con» tracter un second , après un premier qui ne seroil pas légalem ent
» rom pu, seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d’une manière 1resconforme aux principes enseignés par les lois romaines. :iui
« L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
)> Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’apres
)) que le premier aura été dissous conformément aux lois. » mv
j: Que la demoiselle M aigne ne se dissimule pas toutejla force de
l’expression ne peuvent. T outes les fo is, dit Dum oulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de droit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
n (nii
Il en résulte donc que la demoiselle M aigne n ’a jamais pu être
l’épouse du sieur de Reyrolles , dès que son divorce n ’a pas été
fait conformément aux lois.
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n’est plus c la ir , et il est difficile d’y voir que si le divorce
n’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le m a r i a g e par
des conventions particulières.
D ’ailleurs , suivant le Code civil , il faut pour la validité d une
convention, 1“. la capacité de contracter, 2°. une cause licite dans
l’obligation. ( A rt. 1108. ) O r, suivant l’art. 11 2/,, la femme mariée
est incapable de contracter elle-même ; e t , d’après l’art. 1 i5 3 , la
cause est illicite quand elle est prohibée par la l o i , ou contraire à
l’ordre public.
Se départir de son étal civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une femme mariée puisse faire; et cependant <Ile n’a
Tas la capacité de faire des dispositions bien moindres. Com m ent
�(, 24 )
t r a i t e r o i t - e l l e librem ent avec son m a r i , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré- sider? ( A r t . a i 5 et 2 i 4 * ) q ne 'n .. \ii
Ui
L e mari lui-même , chef de la puissance maritale , ne peut y
x déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i 388 . ) C om , m ent donc concevoir que le mariage soit dépendant d’une transac
tion , quand la puissance maritale n ’en seroit pas susceptible, elle
g qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du m ariage?
t. Jusqu’ici la dame de Reyrolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce; e t , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
: traité seroit nul : mais il n ’en existe d ’aucune espèce ; et ce que la
»demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an 5 et de quelques
Ê'exploits; io
ar <usb L a dame de Reyrollea, objecte la demoiselle M aigne, s’est donnée
¿plusieurs fois la qualité de fem m e divorcée: donc elle a approuvé,
s (elle a ratifié, elle a validé son acte de divorce.
•Ji<> Ge qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince in térêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de< mariage.
• M ais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s, et perdre
■par un seul mot son état civil ? Un mineur cesse-t-il de l’êtreen
se disant majeur? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d’être
engagé dans les liens du mariage?
L ’exécution d’un acte n u l, dit M . Cochin dans son 37*. plai
d o y e r, n ’en a jamais opéré la ratification; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclam er, si chaque acte d ’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n ’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu’il ne faut considérer que
l’acte nul , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrolles ayant coopéré par sa signature
à un premier acte n u l, c ’est-à-dire , à son d iv o rce, tout ce qu’elle
a fait ensuite n’en a été que l’exécution.
11 falloit qu’elle réclamât ou exécutât. M ais, étant en puissance
maritale ,
�( * 5 )
m aritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamér à compter du
décès de. son mari : jusque-là ellç éto ird o n c forcée d’exécuter un
divorce n u l, car son intérêt n’étoit pas de réclamer , de peur que
son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première execution
du divorce ; et on a vu comment elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e c o m p t e d'ins
truction qu’il lui devoit comme m andataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoit d ’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand cette partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance m aritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
!
L a dame de Reyrolles n’a point traité sur son divorce : elle n’ a
fait que l'exécuter par contrainte. Pour exister , elle fut obligée de
form er quelques demandes ; et sans doute pour la régularité des
exploits, ne pouvant se dire’ autorisée du sieur de R eyro lles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle demandoit.
n Mais toutes les fois que cette qualité n’étoit pas de form e néces
saire , la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre ; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée ;
elle a meme prouvé, par les registres de son m a ri, qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de Floral-Reyrolles après le
prétendu divorce.
L exécution d’un acte n u l, on le répète, n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dum oulin sur cette matière. « L a ratification d ’une
» obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en
» rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
» cette obligation, la mention du m otif de l’action en rescision
» et l’intention de réparer le vice sur lequel cette action est fondée. »
( A rt. i 338 . )
Une donation nulle ne peut même être ratifiée : il faut la refaire
en forme légale . (A r t. jojçj. ) U n divorce auroit-il moins intéressé
D
�( 26?
le législateur? et pensera-t-on qu’il fût plutôt susceptible d’une
simple ratification?
jurisprudence ne s'est jamais écartée de ces principes. Un
L
a
’
jugement a été cassé le
messidor an 4 , parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d’une vente de
bien dotal en coutume d’A uvergne, « attendu que les formalités
» n’ ont pas été remplies, et que l’ exécution pendant plusieurs
» années du traité du ...... n’ a pu valider un acte nul dans son
» principe. »
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renversés par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en tlièse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d’ordre publie,
et qu’on est non recevable à 'demander la nullité d’un divorce quand
on l ’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n ’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d’un
tel paradoxe. II n’étoit question devant elle que d’un divorce va
lable, d ès-lo rs la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une arme trop puissante
pour qu’il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec cette seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aise de voir que la demoiselle M aigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d’un arrêt de
circonstance.
« L e sieur B ocliler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la validité du divorce obtenu par sa fem m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» C elle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d ’ailleurs et pé» rcinptoircmenl que son ci-d eva n t mari étoit non recevable >
» attendu qu’il avoit reconnu la validité du divorce.
» A rrêt de la cour d ’appel séante à T rê v e s, qui admet la fin de
n non-recevoir ; attendu que les moyens de nullité étoient sans
» fondement ; et encore, attendu que le mari a pu et voulu renoncer
�( 27 )
» au droit qu’ il avoit de pontes ter les effets civils du divorce de aon
» épouse.
Boni1 ■
’
“
i> Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article 6 du Code
« c iv il.
'pooiiK, , ...
.«■
3'
>5 '» L e demandeur soutenoit qu’une convention „tendante à lairc,
» valoir un acte de divorce n u l, seroit contraire à l’ordre public,
» et aux bonnes mœurs ; qu’ain si, en supposant le tait de recon« noissance ou consentement par le m ari, la cour d’appel n auro.it,
» pu conclure, en point de d ro it, que par la force de cette çon» vention le divorce fû t devenu inattaquable.
,ncbn "
» A r r ê t . — Attendu qu’en ajoutant à la considération de là non
» application des lois invoquées par le demandeur a u x , .actes pars
» lui attaqués, celle de l’approbation par lui donnée h la régulant^
»- de ces actes, et même celle de la reconnoissance par lui faitç.d_an$9
» d’autres actes publics de sa qualité de fem m e divorcée, à cell^j
n qui a fait prononcer le divorce d ’avec lu i, la cour d’appel n a
» pas violé l’art. 6 du Code civil, q u i, défendant de déroger,par.
» des conventions particulières a Vordre public et aux bopyqfy
» mœurs, et bornant sa défense à ce qui concerne ces objets d ’in»' térêt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissancçs,ct cc^ui
» des transactions sur Vintérêt civil et privé ; ce qu’il a formelle-;.
» ment exprimé dans Fart. 2046, et ce que la loi transitoire do.
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i 3 . — Section des requêtes. »
( Sircj', an 1 5 , pag. 2 25. )
Combien de différences notables entre cet r.rrêt et la cause!
Après un divorce demandé et obtenu par une femme , c’est le
mari qui, n’étant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
Il traite librem ent; il n’est pas incapable.
11 traite sur les inlérdts civils du divorce.
11 ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il reconnoit par plusieurs actes la 'validité du divorce.
D a
�( »8?) )
En
p la id a n t
jfil ne peut pas m êm e prouver que le divorce ait été-
nul d’aucune n u llité. ! »Myin /I olfoeiomob c l 9rnmo 3 àbioàb seq îaa '8
L a c o u r d’appel en effet ne se décide que par ce m otifif: q
En cassation, l'époux n ’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l, et il se borne à une dissertation polémique
s u r l’effet de la ratification qu’il a donnée. >
noi
p
A insi la position de la question n’étoit pas de savoir s’il avoitr.
pustransiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décidé la cour de cassation ; et/n
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n’en résulte qu’une >
plus grande conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tcnoit
à l’ ordre public et à Vintérêt civil et privé, et qu’elle ne s’est dé- \\>
cidée à juger aussi Je sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
L e m otif pris de l’art. 2046 du Code le prouve. 11 porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d’un délit. O n n ’est doncrd
pas libre de traiter aussi pour l’intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, et divorcée pour sa fam ille et pour elle-m êm e,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ intérêt; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc b h n loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle M aigne , en citant cet a rrê t, a prétendu , avec
le rédacteur, que l’article G du titre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure et incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces 11e sont pas d ’ordre
public.
Il est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�commoiun-doute;»mais il termine de maniéré à prouver qu i! ne
s’est pas décidé comme la demoiselle M aigne l’entend, onuaur, !• \v\s\
Cependant sa.première application semble fautive j car en (rédui
sant la définition? d'ordre public ù ce qui concerne l’état de la
république-, quodadstatum reipublicce pertinet, il n’ appas remar-joe
qué que l’expression jus publicum étoit alternativement employee uô
parties lois romaines pour le droit public et pour l’ ordre public;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, com m eaq
on peut le prouverJpar des exemples.
¡JbI-.
:-'ü
nu
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire lai_falcidie it
n’éloit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction , à peine par son héritier de payer une somme aux léga-, 12
taires, cette disposition étoit déclarée nulle, comme contraire^au lq
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires
&
Cependant une telle nullité n’intéressoit aucunement Vétat\de la.hd
république.
..
o io y ib
Si en donnant la dot au mari on avoit stipulé qu’il ne contribueroit pas aux frais d’inhumation que la loi mettoit à la chargeaq
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins unesq
action en répétition contre le m ari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation , parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire auüt
droit public (2)... Cependant encore l’état de la république étoit
fort étranger à cette convention.
.110
____________________ __________________________________ l:
(1) Frater curn hceredem sororem scriberet, et alinm ab eà, oui donattim %>olebat, j tipulnri curavit ne falcidià uCeretur , et ut certain pecurtiam , si contrd fecisset , preestare , privatorum cautions legibus non esse
refragandum conslitit et ideo sororem
rétention habi
ta ram , et actionem ex stipulant denegandam. ( L. i 5 ,ff. A d leg.falc. )
:
j u
r e
v u h l i c o
<■ m
(a) Neralitis queerit si is (/ni dotent dederat pro muliere , stipulatus
est.... Ne qtiid maritus in fanus conferret, an fitneraiia maritus leneatur>
et ait... Si alius funeravit, posse eum maritum convenire, quia pacto hoo
*us ruiiu cu ii infringi non possit. (L . 20 ,ff. De relig. et sumpt.)
�( 30 )
• Ccs dJspófcitioTiá n ’étoient donc que d'ordre public? et la loi ne
v o u lo il' >á¿ qti’elles pussent êtie é lu d a s1 par des conventions partic id U 'r e s ^
Cotnm ent donc seroit-il proposable de'supposer à la
Volubition' de dissoudre le mariage!, un moindre intérêt d ’ordre
piibÚc? et au lieu de se jeter dans ^application vague de la loi 6 ,
cod . D e petetis ; ' cl de l’art. 6 du C o d e, comment ne pas trouver
une' nullité radicale aux divorces faits' sans toutes les formalités ,1
quand la loi a dit : Nnllum ratum est divortium, n isi, etc.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : Pactiones mdlam habere vohnnus
Jirmitatem, tanquam legibus contrarias? enfin, comment ne pas
voir'urie disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tem bre, quand elle dit qu’un second mariage ne peut être contracté
qu'après un divorce IdgaH
■
' ' ~
Quand les lois sont si claires, comment sero it-il possible de
penser' qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité de femme mariée, ait pu s’en priver elle-m êm e en se disant
divorcée, et en ne transigeant pas même sur la validité du divorce
qii’on lui oppose?
•
-îo
Que reste-t-il donc à la demoiselle M aign e, si ce n’est de faire
diversion à la cause par la naissance d’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre'
une épouse et sa rivale, déterminé à fixer son irrésolution par un
retour à ses devoirs , en est tout à coup détourné par une séduc
tion toujours active ; habitare fa cit sterilem in domo , et la mcie
de ses onfans, repoussée comme une vile e sc la ^ , est obligée de cédcr
ù une étrangère lea honneurs du lit conjugal.
Eh ! qu'importe à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle à scruter la conduite d’une épouse ? Si cette conduite
étoit blâm able, cet adultère qu’elle proclame ne seroit-il pas
�son propre ouvrage? n ’eil porteroit - elle pas le poids éternel?
Mais il1ne s’agit point ici de la naissance d’un entant; il suffit
à la darne de Reyrolles de déclarer qu’elle n’a point à en rougir,
et qu’elle est à même|de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n’est ici employé
que comme moyen de la cau se, et parce que la qualité de ienune
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. M ais ne seroit—il
pas bizarre q u e , dans la commune où un divorce a été prononcé,
l’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objection est donc absolument nulle , et rentre d’ailleurs dans la
discussion précédente, où elle Irouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle M aigne,^
et se justifie la décision des premiers juges. (|[~.
^
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui est ôté , mais_(jl lui^.
en reste la fortune. L a dame de Reyrolles se borne à vouloir, çe
qui lui appartient , d ’après son contrat de mariage. N ’est-ce pas
assez qu’elle soit réduite à le demander à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
envier , et que le sort de l’une et de l’ autre soit aujourd’hui si
différent?
T T
‘
'
Une réglé de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e ,e l le yœuj
du législateur n ’a pas balancé : M elius estfavere repetitioni quam
cidventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans cette loi
seule , s’il n’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion, l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de R eyrolles; elle le sera de même aux yeu x de la
co u r, puisque les lois ne réputent pas son mariage dissous. L a
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. A in si, les principes demeurent dans toute leur force , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-rccevoir. Mais que signifient de misérables
�( 3 2 )
subterfuges dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront qu’un mariage ou un d ivorce, c’e s t - à - d ir e , un objet
majeur et d ’ordre public. Alors disparoitront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T ,
veuve D E R E Y R O L L E S .
M e D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licencie avoué
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r io t, seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Frim aire an 1 4
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 4?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
assignats
substitution de testaments
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée; Contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles , appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 4
1774-Circa An 4
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0706
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0615
BCU_Factums_M0309
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Le Puy-en-Velay (43157)
Brioude (43040)
Rights
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Domaine public
assignats
divorces
substitution de testaments
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e69c6b6506b285ce5d41f1396d09c474
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COUR
M E MOIRE
D ’A P P E L
SÉANT
A RIOM»
P O U R
J a c ques C H A V E ,
appelant
C O N T R E
-
Jeanne
‘
}
rr
V A L L A , et E l i s a b e t h F E R R I E R ,
sa fille , majeure, intimées
l A recherch e de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. Dans ce secret de
la nature , le législateur ne pouvoit que s’en rapporter à
la crédulité de l’h o m m e, ou se jeter dans le vague des
conjectures :1e prem ier parti seul étoit juste; la loi l’adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nomm er son pèrç
que celui qui a voulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc etre plus lé g a l, plus lib re , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incomA
�C2 )
patible avec elle *, car si elle n’est pas clairement l’effet
spontané de la réflexion , le but moral de la loi n’existe
plus.
L ’appelant l’éclame contre l’oubli de ces principes, et se
place sous la protection de la c o u r, pour faire annuller un
acte in fo rm e, auquel on l’a fait participer par la violence
il demande à n’être par forcé de reconnoître un enfant
qui ne fut jamais le sien.
Les premiers juges n’ont pas voulu admettre la preuve
qu’il étoit à même d’offrir -, et si cette opinion pouvoit
prévaloir , il en résultèrent que contre le vœu de la loi ,,
un homme donnerait son nom malgré lui à un enfant
7
n a tu rel, seroit contraint de prendre soin d’un étranger T
et de lui laisser sa succession..
• .i : V:
F A I T S . .
Jeanne V alla,. et Elisabeth F errier, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t, mairie de Chambon. Leurs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques Chave>
/ qui demeure à la distance d’environ une lieue de leu r
domicile.
... ■•
Son â g e , plus avancé même que celui de la mère,, ne lu î
eût donné aucun prétexte de se rapprocher de là fille.. Uni
séducteur à cheveux blancs est rare *, au village il ne connoît pas l’oisiveté qui-nourrit les illusions, et la monotonie'
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Cbnve,,
lorsque tout d’un coup il s’est trouvé m êlé à leur destinée^
�(
3 )
par une de ces sourdes manœuvres que l’enfer seul peut
faire concevoir.
U n matin à huit heures ( le 21 germ inal an 9 ), Jacques
C h a v e , m alade, est brusquement arraché de son lit par
deux frères de la fille Ferrier , suivis de trois autres jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyés
par le sieur de Bannes, maire de Cham bon , et comman
dent à Chave de les suivre dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et les suit.
L à il trouve Jeanne V alla qui paroît en grande colère ,
l ’accueille par des injures grossières, lu i dit que sa fille est
accouchée, depuis quinze jo u rs, d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le récit de sa fille et de M . le maire de
Chambon , et qu’il faut signer sur le champ l’açte de
naissance.
Chave , étourdi d’une vespérie aussi inattendue, pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des frè re s,
et les menaces de leurs trois hommes d’escorte, veut élever
la v o ix , et invoquer la notoriété publique;des bâtons sont
levés contre lui pour toute réponse : il sollicite la justice
du maire , mais le maire le prend à part pour lui dire
qu’il falloit céder à la circonstance „ et que sa^ie n’étoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à Cfcave quel intérêt pres
sant le maire lui - même avoit à ce que la calomnie eût
une direction certaine. .I
O n comprend alors que cette dernière insinuation a
ébranlé le courage de Chave. ¡Le sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efface quelques mots, en subs
titue d’autres, et remet une plume à Chave : une seconde
résistance amène de nouvelles violences. I l fait enfin ce
qu’on exige •, il signe.
�( 4 )
E n sortant de chez le m aire, les satellites le mènent au;
cabaret se fon t donnerii b o ire , le forcent h p ayer, mettent
l ’enfant dans ses bras , lui font les plus horribles menaces
s’il dit un m ot ; et se retirent.
Sa n s doute il manque à ces faits beaucoup de circons
tances im portantes; mais C h a v e , glacé d’épou vante»,,
étoit-il libre de réfléchir?- La plupart de ces détails ont
échappé'à sa m ém oire, ou plutôt à son attention.
Enfin C have, revenu de son étourdissement,, put réflé
chir sur lés conséquences de l’acte qu’ont venoit de lui.
e x to rq u e r, et sur le parti qu’il a voit à prendre;.
L a démarche la plus pressée et la plus indispensable,.
ëtoit de se débarrasser de l ’innocente créature qu’une
mère dénaturée avoit rejetée de ses bras pour l’aban
donner aux soins d’un étranger. Chave hésita s’il la
ra p p o rtera it, dans la n u it, à la porte des F e rn e r : cepen
dant la re lig io n , l’humanité , péüt-être la terreur pourhii-m Bm e, Tertiportèrent sür son: d égo û t, et il fit porter
Penfant à une nourrice.. j
’
^Mais, aussitôt, e t:en'sîgne de-sa protestation, il rendit
plainte au,1juge de- paix de Tence ; le juge de paix lerenvoya au magistrat de sûreté “. mais comme la plainteéto it dirigée auîssï C ontre'lél(h iaîre, les autorités déli—
’
1i
'' »
b é r è r e n t,:e t 'n e i'ésbhïrènt rien.,
Chave in q u iet, et ne voulant pas que son silence p u t
déroger à son d r o it, se d é c id a A citer, le 5 floréal an g r
tant Jeanne V aïla et sa fille , q u e le maire lu i- m e m e ,
pour v o ir-dire qu’ il serôit Vôstitué contré la réconnoissànce de paternité qui lu i''a v o it été extorquée par la
violen ce, et que le maire seroit tenu de rayer du registre
�ce qui concernoit ladite reconnoissance *, et la m ere et
la fille pour être condamnées à reprendre l’en fan t, payer
ses alimens chez la nourrice , avec dommages-mterets.
O n pense bien qu’au bureau de paix la fille Février
ne manqua pas de faire la réponse d’usage, qu’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et qu’elle
seroit en état de prouver les familiarités de Chave- avec
-elle; celui-ci Pen'-défia, et ajouta même qu’il offroit de
prouver ceu x avec qui elle avoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d’ç u tr e , puisqu’il
n’est permis de rien prouver ; et la fille F errier ne
risquoit rien à faire bonne contenance. Q uoi qu’il en
so it, un prem ier jugem ent, du 28 pluviôse an 10 , m it
le maire hors de procès, comme ne pouvant êti’e jugé
sans autorisation , et appointa les autres parties en droit.
Cet appointement ne fournit pas plus d’éclaircisse
ment. Chave persista toujours à offrir la preuve de la
violence exercée contre lu i \ et les femmes F e rrie r, q u i,
au bureau de paix.,, n’avoient paru avoir aucune crainte,
firent leurs efforts pour soutenir cette preuve inadmis
sible. L eu r système p réva lu t; et le 14 fructidor an 10 ,,
le tribunal d’Yssengeaux rendit le jugement qui suit..
« Considérant Ique l'brticfle a'du titre 20 de l'ordonnance de iGGy
défend de recevoir la p r e u v e p a r témoins contre et outre le contenu
aux actes publics; qu’à la vérité la fo rce, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il fqut articuler
de menaces graves, qui feroient craindre pour la vie metus mortis
ou que la partie obligée auroit souffert charte privée, ainsi que
l’enseignent Dom at en ses Lois civiles, et Pothier en son T raité
des obligations ;
�(
6
)
» Considérant que Jacques Chave n ’a articulé qu'il lui ait été
fait a u c u n e m e n a c e , ni qu'il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son dom icile, ni dans celui du maire où il s’étoit
r e n d u pour reconnollre pour lui appartenir l ’enfant dont s’étoit
a c c o u c h é e Jsabeau F errier; et qu’étant dans ce dernier dom icile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
¿prouvés, contre ceux qui s’en seroient rendus coupables envers
s a personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant Chave avoît offert expressément de faire
preuve de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit privé alors d’un moyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite alors au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de Bannes, m aire, qui avoit trop d’intérêt
à en cacher l’irrégularité pour la faire soupçonner. A u
reste, Chave s’est pourvu en la cour contre le jugement,
et il sera question d’examiner de quelle influence la form e
de cet acte doit être pour la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêmement dure
contre les enfans naturels; et cependant, par une étrange
inconséquence, elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jo u rd ’hui la loi a fait pour eux
davantage : mais sans vouloir percer le mystère qui
couvre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences ; elle ne voit dans
l’enfant né hors le mariage qu’ une innocente créature
�( 7 ')
digne de la pitié de tout le m o n d e, mais ne tenant à la
société que par celle qui lui a donné le jour. Si cepen
dant un homm e , guidé par des apparences qu’ il aie droit
d’apprécier lui - même , et cédant à l ’impulsion de sa
conscience, veut se donner le titre de p è r e , la loi le
lui perm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mariage :
mais comptant pour rien aujourd’hui toutes les démons
trations extérieures, elle exige une déclaration authenti
que et non équivoque ; elle prescrit h l’acte une solen
nité plus grande que pour la naissance môme de l’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, qu’elle a ôté
tout prétexte â l’astuce, et n’a laissé de voies qu’au faux
ou à la violence. M ais à qui peut être réservée l’une o u
l’autre de ces voies criminelles ? Ce n’est pas à la fille timide
q u i, rougissant encore d’une première foiblesse^et par
tagée entre l’amour de son enfant et la honte de sa nais
sance, n’en ose nommer le père que dans le secret de son
cœ ur, et se fait l’illusion de penser que le mystère dont
elle s’enveloppe la protégera contre l’opinion qui fait
son supplice..
Mais que feront ces femmes déboutées , qui ne voien t
dans la prostitution qu’une habitu de, dans leur avilisse
ment qu’un éta t, et d ans leur fécondité qu’un accident ?
Incertaines elles-mêmes d’une paternité qu’elles déféroient
nnguères suivant leurs convenances, elles nTen arrachoient
pas moins des sacrifices pécuniaires aux hommes qui leur
étoient souvent les plus étrangers , mais qu’épouvantoit
la perspective d’une honteuse et publique d isc u ssio n . Si
on leur laisse entrevoir aujourd’hui une tolérance quoi-
�(B )
conque, q u elc.u r coûtera-t-il de tenter d’antres voies pou r
en venir aux mêmes lins? E t s’il est près de leur demeure
un cito3ren paisible, q u i, par ses mœurs,douces et réglées,
puisse passer pour pusillanim e, quelle difficulté y aura-t-il
de répandre adroitement que c’est là le-coupable, d’inté
r e s s e r , contre lui quelque personne crédule, de l’effrayer
lui-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ameuter s'il
le faut ceux qui ont un intérêt réel au succès de la négo
ciation ! Jadis il falloit des témoins, aujourd’h u i il ne faut
qu’ une simple signature ; tou t cela peut s’exécuter avec
rapidité : ce n’est qu’un changement de complot.
Heureusement cette rapidité même ne laisse pas au
crim inel le calme de la réflexion : souvent ses fautes le
trahissent, e t, quelques légères qu’elles soient, il faut les
compter avec scrupule; car on est bien assuré q u elles ne
sont pas un simple résultat de sa négligence, mais qu’elles
ont échappé à l’excès de sa précipitation.
Ceux qui ont guidé la fille F errier dans ses démarches
n’ont pas visé à l’exactitude ; la cou r en sera convaincue
bientôt par la forme de l ’acte de naissance qui fait son titre.
U ne seconde découverte la convaincra encore qu’il’ne
s’agit point ici de rép arer, envers une fille sé d u ite, des
torts que la m alignité suppose toujours. L a fille F errier
a , le 20 prairial an n , donné une nouvelle preuve de
sa continence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m ère, que l’acte apprendm êm e avoir
été sage-femme en cette circonstance.
Il ne paroît pas que pour cette fois la mère et la fille
F errier aient jugé à propos de réunir un conseil pour
disposer du nouveau n é , et lui élire un père à la p lu
ralité
�( 9 )
rallié des suffrages; il est vraisem blable'que la précédente
tentative les avoit intimidées.
Q u o iq u ’il en soit, et soumettant cette découverte precieuse aux réflexions de la c o u r , l’appelant n e s’en occu
pera pas plus long-temps , et se contentera d’observer,
quîil n’y a rien de légal dans la prétendue déclaration de
paternité qu’on lui a fait signer, et au surplus que les faits
de violences articulés suffiront pour la détruire. C ’est à
l’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i
'è
i° . L a déclaration de -paternité n e s t pas légale.
ï,a loi du 12 brum aire an 2 s’occupoit de trois espèces
d ’enfans naturels, après avoir décrété en principe qu’ils
étoient successibles.
i° . Ceux dont le p èreéto it décédé, et il leur suffisoit
de prouver une possession d’é ta t, par des soins donnés
à titre de paternité, et sans interruption*, 2°. des enfans
dont le père et la m ère seroient encore) vivans lors du
Code c i v i l , et leur état civil y étoit renvoyé; 30. de ceux
dont la mère seule seroit décédée lors de la publication
du C o d e , et alors la reconnoissarice du p è re , faite devant
l ’officier pu blic, rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’ un enfant de la seconde espèce ; et le pré
tendu père , quel qu’il s o it, de môme que la m è re , sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle urgence y a v o it - il de
prévenir la publication du Code civil , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s , et qu’elle
B
�t IO )
ajournoit au contraire! ? 'N’apercevroit - on pas déjà le
dol dans cette extraordinaire prévoyance?
D ira -t-o n que le Code civil prescrit aussi une décla
ratio n authentique, et qu’ on n’a pas violé la loi en la
devançant ? Mais qui blâmera les législateurs de l’an 2 ,
d’avoir voulu p révoir que leur système ne seroit peutêtre pas celui du Code civil ? qui leur reprochera d’avoir
su p p osé.'que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de m aturité, et de s’être défiés de leur
prem ier système sur une innovation aussi im portante?
Ils voulurent régler le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la loi transitoire du 14 floréal an 1 1 ,
nous apprennent assez qu’il n’y a eu , dans l’intervalle de
l’an î à Fan 11 , aucune législation touchant les eufuns
naturels. Les bulletins de la cour de cassation sont aussi
l’emplis d’arrêts qui ont cassé tous les jugemens dans les
quels les tribunaux avoient voulu régler , même p rovi
soirement , le sort de quelques cnfans naturels, pendant
cette lacune de. n eu f ans.
1
11 ne pouvoit donc être question de fixer l’état de
l’enfant d’Elisabeth Ferrier qu’après le Code civil , dont
l’art. 334 porte que la reconnoissanee sera faite par un acte
authentique, si elle ne-l?a pas été par l’acte de naissance.
Mais fût-il indifférent que là reeonnoissance contestée
ait été faite avant ou après le Code c iv il, m algré la sus
pension totale exigée par la cour de cassation, et rappelee
par la loi transitoire; cette reconnoissance n’en est pas
moins irrégu lière, car elle -n’est faite ni par -l’acte;de
naissance lui-même, ni par un acte séparé authentique.
V o ici comment cot actetist littéralem ent écrit nu registre.
�« D u huitième joiif du mois de germinal, l’an g de la rcpu« blique française. A cte de naissance d e Jacques, f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et on y a substitué au-dessus, dans l'interligne,
» F e r r i ë r , que Von a encore effacé, et Von a écrit à côte C i i a v e . ),
» né hors‘de m ariage, né le septième jour du mois de germ inal,
» à sept heures du soir, fils d’isabeau Ferrier, non m ariée, domi» ciliée du lieu de la M arctte, susdite commune ,-et-Isabçau Ferrier,
!i
•:.. i
r;
» non mariée; le sexe de L’enfant a çté reconnu u n e ( On a couvert
(
. 11
N
#
t
.
» d’ encre la lettre e . ) J i ls , n é h ors d e m ariag e : p rem ier t é m o in ,
» Jean-Pierre Ferrier , deméùraht
Cliam bon , département de
» la H a u te -L o ire , profession de cultivateur, âgé d e tren te-n eu f
» ans; second tém oin, Pierre R u e l, demeurant à C liam bon, dé» partement de la H a u te -L o ire , profession de tailleur d’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite par
» Marie R u e l, sage-fem m e de ladite accouchée, avons inscrit le
» sus-nommé Jacques F e r m e r ( Ce mot est raturé, et Von a mis
» au-dessus, dans Vinterligne, C i i a v e . ), portant l e n o m d e s a
» m è r e ( Ces mots ont été rayés, et Von y a substitué ces mots :
» l e n o m d u p è r e . ) ; et o n t la d é c l a r a n t e n e s a v o i r - s i g n e r , e t l e s
« témoins signé. F errier, R u e l, signé à l'original. »
u L ed it Jacques Cliave père reconnolt ledit Jacques Son fils, de
» ladite déclaration de la présente, acte; le reconnoît pour son
» véritable fils, avoir droit à tous ses biens, en présence de Jean» Louis Riou. ( -\J ci est un renvoi. ) Constaté suivant la lo i, par
» moi Annet de Bannes, maire de la commune de Cliam bon, fai» sant les fonctions d’officier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e Bannes, maire, signé.
»
E t de Pierre C a llo n , et de Jean-Pierre F rescbet, et de Jean» Pierre F errier; et dit Jacques Chave a signé avec les témoins.
B a
�( 12 )
j> Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer > C h a v e ,
» R io u , Frescliet, Terrier. D e Bannes, m àire, signé. »
( N ota. L ed it renvoi est en marge, en travers. )
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecture
de la H aute-Loire,
BARRÉS.
I f est aussi évident qu’il puisse l’être, que cet acte se
compose de deux parties bien distinctes , qui ne sont pas
d’un même contexte , ne sont pas l’ouvrage du m ême
m om ent, et cependant ne sont pas deux actes absolu
ment séparés.
,
i° . A cte de naissance bien parfait et très en règ le, d’un
enfant né d’’Isabeau F e r r ie r , sans m ention du père.
O n lui donne le nom de sa mère. Il y a deux témoinsde cet acte, Joseph Ferrier et M arie Ruel. L ’acte est
donc complet : le vœu de la loi du 20 septembre 1792
est rempli.
2°. V ien t ensuite une déclaration de C h ave, qui est à
la suite du prem ier a c te , et qui a exigé des surcharges.
M ais p e u t-o n , de bonne f o i , y v o ir un acte authen
tique , une reconnoissance de paternité telle que la loi
la commande et que la raison la conçoit ?
Cet acte n’a aucune date , parce qu’en eiïet il a eu lieu
le 21 germ in al, et a été ajouté a un acte terminé depuis,
le 8. Comment supposer en effet que cette déclaration
finale fait partie de l’acte du 8? Les témoins dénommée, au
premier ne signent pas la déclaration»
�( 13 )
On a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire rien approuver aux premiers témoins. L e maire
seul approuve to u t, même ce qu’il lui plaira de raturer
encore -, les autres témoins , Cliave lui - même , ne font
aucune approbation. O r , il est de principe que les ratui’es
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n’y a appro
bation des parties et témoins.
11 est un autre principe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’importance qu’ils aient, c’est que les témoins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le frè re , qui ont déclaré la naissance le 8 , n’ont pas signé
à la lin. Si c’est un seul et même acte, les vins l’ont signé
au m ilieu , et d’autres à la fin : chose bizarre et rid icu le,
qui ne peut s’allier avec la gravité de l’acte qu’on prétend
maintenir.
Que p e u t- il résulter d’un acte de cette espèce , si ce
n’est de la pitié pour ses rédacteurs , et une conviction
intime que ce n’est pas C have qui est allé déclarer la naissance d’un enfant comme s’en disant le père?
L e but de la loi n’est donc pas rem pli ; car dans quelque1
forme que dût être une rcconnoissance de paternité , il la
falloit dans l’acte même portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p articu lier, daté lui-m êm e , et
qui ne fût pas rédigé dans une forme ayant pour but de le
rattacher à un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous que l’article 334 du Code civil dit
que la reconnoissance sera faite par l’acte de naissance,
ou par un acte athentique; à quoi l’article 62 ajoute que
l’acte de reconnoissance sera inscrit sur les registres à sa
d a te, et qu’il en sera fait mention en marge de l’acte de
naissance.
�( i4 )
Rappelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter pour rien les reconnoissances antérieures
au code , quand l’auteur est vivant. Il en est de cela comme
des testamens antérieurs à l’an 2, qu’il falloit refaire pour
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. L a loi
a eu ici un but plus moral : les changemens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l’importance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
pour tant d’autres actes! U n seul mot équivoque en un
testament, détruit toute la volonté d’un père de famille-,
une donation exige encore des formes plus m ultipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans que celui où il s’agit
de transmettre son nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
en core, de vaincre l’opinion et de surmonter sa propre
répugnance ? D ’ailleurs , pourquoi ne pourrions - nous
pas dire pour un tel acte ce que Ricard dit des testamens,
« que toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leur solennité consiste dans les formes ? »
A u jo u rd ’hui il faut y ajouter une vérité bien certaine ,
c’est que la seule supposition qu’un homm e est tenu et
obligé de se charger d’ un enfant naturel sans sa libre
v o lo n té , est incompatible avec le système indubitablement
reçu sur la législation des enfans naturels.
/
2.0. Cette déclaration de paternite est nulle , s ’il y a
violence. L e s j à i t s articulés suffisent. l i a preuve en
est admissible.
O n est extrêmement sévère dans le m onde pou r juger
�( i5 )
des effets de la peur d’autrui ; e t , quand on en com
mente les particularités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu’on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à régler pour soi-même;
ca r, en deux cas semblables , le même individu se conduiroit rarement deux fois d e là m ême manière. Mais
celui qui raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il raisonne , tandis que le prem ier effet de la terreur
est d’absorber toutes les réflexions , pour ne laisser place
qu’à une seule idée dom inante, la couscrvation de soi-meme.
Quelques auteurs, partageant sur ce point les idées du
v u lg a ire , sembleroient aussi se montrer difficiles a ad
mettre la plupart des excuses fondées sur la crainte. 11
faut distinguer, disent-ils, la crainte grave et la crainte
légère , et on ne peut trouver de m oyen rescisoire que
dans celle qui suffiroitpour ébranler la fermeté de l’homme
le plus in trépide, m etus non va ni hom inis , sed q u i in
hom inem constantissim um c a d a l, 1. 6 , ff. Quod metûs
causâ.
Ces auteurs, s’en tenant à une loi isolée démentie par
beaucoup d’autres, n’ont pas voulu apercevoir, dans cette
rigueur étrange, un m onument de la fierté romaine p lu tôt
qu’une règle généi'ale. Ce p e u p le , qui avoit détruit le
temple élevé p a rT u llu s à la C rainte, n’étoit, en la pros
crivant par ses lois, que conséquent avec lui-m êm e. Sous
■un système de conquêtes sans bornes, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel romain pouvoit alléguer une
crainte légère! E levé dans les cam ps, son excuse m êm e
eût consacré sa honte , et la loi étoit rigoureusement juste
eu exigeant de lui l ’intrépidité d’un soldat.
�C 16 )
La France militaire ne réprouvera pas cette législation
sé vère; elle l’eût créée elle-m êm e, s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des maximes nationales; la théorie
principale des lois consiste à les approprier aux mœurs
de ceux qu’elles doivent régir.
Gardons-nous donc de l’exaltation , quand elle est hors
•de mesure; ne nous obstinons pas à trouver un Scévola
dans un laboureur timide , qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
L es auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D o m a t surtout, à qui les premiers juges ont fait
l ’injure de prêter une opinion si contraire à son discer
nement , D o m a t, dont l’ouvrage immortel n’est que le
précis des lois romaines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que pour en blâmer la rudesse.
« Nous avons v o u lu , d it-il, rétablir les principes na« t.urels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit romain parmi celles de cette sec« tio n ......... Toutes les voies de fa it, toutes les violences,
v toutes les menaces, sont illicites; et les lois coudâm
es lient non-seulement celles qui mettent en péril de la
« vie ou de quelque to u rm en t, mais toutes sortes de
«
«
«
«
«
«
voies défait et mauvais traitemens. E t il faut remarquer
que comme toutes les personnes n’ont pas la même
fermeté pour résister à des violences et â des menaces,
et que plusieurs sont si foibles et si timides , qu’ils ne
peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
un ne doit -pas borner la protection des lo isco n tre les
a menaces
�« menaces et les v io len ces, à ne réprim er que celles
« q u i sont capables d’abattre les -personnes les pluè
« intrépides ; mais il est juste de p ro té g er aussi les plus
« tim ides............
*
« Il est tr è s -ju s te , et c ’est notre u sa g e, que tonte
« violence étant illic ite , on réprim e celles même q u i
« ne vont pas à de tels ex cès, et qu’on répare tout le
a préjudice que peuvent causer des violences qui enga« gent les plus foibles à quelque chose d-’injuste et de con« traire à leur intérêt : ce qui se trouve même fondé sur
« quelques règles du droit ro m a in ............et Ces règles
« sont tellement du droit n a tu re l, qu’ z'/ ne p o u r v o it y
« avoir d’ordre dans la société des h o m m es, si les
« moindres violences ri étoient réprimées. » ( Sect. 2 ,
des vices des conventions , préambùHi. )
I l est peut-être inutile, après avoir cité D om at, de faire
d’autres recherches ; mais les premiers juges ont encore
fait l’ injure à P othier de lui prêter des principes qui ne
sont pas les siens.
Cet auteur cite les lois rom ain es, et par conséquent
les rappelle telles qu’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que « le principe qui ne
« connoît d’autre crainte suffisante pour faire pécher un
« contrat par défaut de liberté, que celle qui est capable
« de faire impression sur l’homme le plus cou rageu x, est
« trop r ig id e , et ne doit pas être suivi parm i nous à la
« lettre ; on d o it, en cette m a tière, avoir égard ci Page y
« au sexe et à la condition des personnes (i) ; et telle
(i)Exprcssions copiées mot pour mot en l’art. 1112 du Code civil.
C
�C i8 }
« crainte qui ne seroit pas jugée suffisante pour avoir
« intim idé l’esprit d’ un homme d’un age m ûr ou d’un
« m ilita ire , et pour faire rescinder le contrat qu’il aura
« f a i t , peut être jugée suffisante à l’égard d’une femme
« ou d’un v ie illa rd , setc. » ( T raité des obligations,
page i re. , chap. ie r>? no, 2 5 , i n f i n .)
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
f o r t i f i é e par d’autres citations, on les puiseroit dans les lois
romaines elles-m êm es, qu’il ne faut pas juger par un
fragm ent un ique, et q u i, au contraire, nous enseignent
ce que Dom at et Pothier viennent de nous apprendre.
T o u t consentement doit etre lib re , disent plusieurs
lo is; et, pour être restitué, il n’est pas besoin d’une v io
lence corporelle, mais seulement d’une crainte inspirée
à celui qui contracta ^ quoad ju sta m restitutionis cau
sant m in i refert utrimi v i an metu quis c o g a tu r .. . .
et quoad effectum ju ris ntrobi deest co n sen su s, ac
libera voluntas p a tien tis, u tvelle non videatur. L . 1 , 3 ,
rj et
quod met. C. L . 1 1 6 , de reg.jur. ( in Corvino.')
Ces lois étoient bien moins dures que ne l’ont sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la crain te, quand même Chave auroit été
hors d’état de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
inspirée ; non tamen nccesse est designare personam
quœ rnetum iiitu lit, sed su jjicit
probare
m etum , quia
inetus habet in se ignorantiann. J . 14- ff. e°d ‘
E n fin , ce qui achève de convaincre que ces lois savoient
aussi se mettre à la portée de la foiblesse des hom m es,
c’est qu’elles expliquent qu’ il n’étoit pas nécessaire de
prouver l’existence d’un danger réel , mais seulement
j
�( r9 )
la crainte de ce dan ger, qui en effet devoit détruire le
consentement. S i causa fu is s e t , cu r periculuni tim eret,
quam vis periculum ie r c non f u i s s e t . . . . non conside-
ratur eventus, sed ju sta opinio. L . 1 4 e°d ‘
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc tin guide bien sur.
A u lieu d’adopter l’antique rigueur d’une loi oubliée par
les Romains eux-m êm es, il a jugé que la crainte inspirée
à Chave n’avoit pas été un m otif suffisant pour le con
traindre ; et cependant il ignoroit jusqu’à quel point
Chave avoit été contraint ou menacé ; il l’ignoroit et a
voulu l’ignorer toujours, en refusant de s’éclairer par une
preuve : cependant les faits articulés étoient graves. Chave
offroit et offre encore de prouver ces faits articulés , et
notam ment, i° . que le 21 germ inal les frères F errier et
d’autres hommes armés de bâtons sont venus chez lui ;
2.°. qu’ils l ’ont forcé de se lever et de les suivre, en le
menaçant ; 30. que chez de Bannes ils se sont opposés à
toute explication, l ’ont injurié, menacé et frappé; 40. que
de Bannes l’a pris à part pour l’exhorter à céder à la foi’ce
et éviter un plus grand mal ; 5 °. qu’on l’a forcé de venir
dans un cabaret, où on lui a remis un en fan t, avec de
nouvelles menaces.
M ais, a dit le tribunal d’Yssengeaux, C h ave, sorti de
sa maison et conduit chez le m aire, pouvoit réclamer.
Ce seroit une réflexion bien naturelle, si les faits môme
de la cause n’étoient déjà venus la détruire ; car ce maire
lui-m êm e étoit si peu disposé à user de son autorité ,
qu’ il est difficile de ne pas le juger au contraire intéressé
à l’événement.
Mais à quelle p ro tectio n , il faut le d ir e , auroit pu
�(
20
)
s’attendre un m alheureux à la merci de cinq .individus,
dans le domicile isolé d’un maire de v i l l a g e ? Battu à ses
y e u x , C h a v e pouvoit-il se croire dans un asile inviola-'
ble ? L e maire lui-m êm e, l ’e x h o r t a n t à céder à la fo rc e ,
m ettoit le com ble à sa terreur, et déclaroit, ou sa propre
c o m p lic ité , ou au moins son impuissance.
L ’acte le moins important d elà vie seroit vicié par une
sem blable violence , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incompatible avec la moindre contrainte. U n
père de famille a contracté un engagement sacré envers
ses enfans par son m ariage; mais ce lu i-là même qui
auroit procréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien civil : son honneur et les sentimens de la
nature deviennent leur unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. Les enfans naturels n’ont point de
famille ; tel est le langage de la lo i : elle ne veut pas qu’ils
en aient une. Quand leur père se nom m eroit hautement
dans le m onde, il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volonté seroit donc se croire plus sage
qu’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’un père , si elle consi
dère comme un vice m oral de lui donner un fils que
sa propre volonté cependant n’a pas désavoué , peut-on
soutenir l’idée révoltante qu’ un hom m e sera contraint
malgré lui d’adopter un enfant dont il n’est pas le père?
Q ui lui donnera la force de su p p o rter, dans sa de
m eure, la vue habituelle d’ une créature si étrangère,
placée là pour sa honte im m uable, sans aucune com
pensation satisfaisante ? et qui oseroit répondre que dans
�( 21 )
cette situation de désespoir, aigri par un sentiment d’in
justice , il pût assez maîtriser une fureur co n v u lsiv e,
qui seroit tout à la fois le tourm ent de l’innocence et
son propre supplice ?
Eloignons plutôt de vagues suppositions fondées sur une
pure chimère. L a prévoyance des magistrats distinguera
la vérité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne point à un homm e l ’enfant
qu’il repousse avec m épris quand la lo i n’en fait pas
un devoir. L a cour doit prononcer ici sur les consé
quences d’un acte l i b r e e t tout prouve qu’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qui donne lieu au procès. C h av e,
conduit par la fo r c e , menacé dans sa route , a signé
sous le bâton; et, pour se servir des expressions de D om at,
si un consentement de cette espèce étoit jugé valide ? ce
seroit un attentat au droit naturel ; il n y auroit plus
d’ordre dans la société des hom m es.
L a conduite d’isabeau F errier , l’époque de ses cou
ches , c’est-u-dire, de celles qui donnent lieu au p rocès,
le choix de ses croupiers , le lieu de la scène, la cir
constance qu’ un, acte de naissance a été changé * e tc ,, tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , mais qui seroieot oiseuses , tant que la preuve
de la violen ce ne sera pas ordonnée.
Cette p re u v e , sans contredit, est adm issible; aucune
ordonnance ne la prohibe ; et ce qui étonne, c’est que
les premiers juges n’aient pas voulu prononcer en connoissance de cause.
Il est possible'que la m alignité toujours avide de calom
nie } et toujours difficile àdétrom per prétende que Chave
3
�(
22
)
n’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth Ferrier
de ce dont on l ’accuse : mais il en prend le ciel à tém oin,
cette femme lui fut toujours étrangère,
C h a v e , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se voir revivre dans un fils qu’il
cro iro it le sien ; à son âge et avec ses principes religieu x,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans-mobiles ne
peuvent donc être vaincus que par. quelque chose de
plus puissant en core, une conviction in tim e, une insur
m ontable répugnance.
• Il ne demande pas à être cru sur p a ro le; et si son
prem ier moyen ne suffit p a s, il offre la preuve des vio
lences qui l’ont forcé à donner sa signature : et certes,
quand la cour se sera assurée que Chave a été forcé de
sortir de son dom icile, m ené chez le maire par cinq
hommes , menacé et battu , elle appréciera alors toute
la valeur d’une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F errier sera
convaincue qu’il ne lui est plus libre de faire de sa pro
géniture une charge publiqu e, peut-être s’efforcera-t-elle
de mettre un terme à sa fécondité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rapporteur.
(
4
M e. D E L A P C H I E R , avocat.
M e. M A R I E , licen cié avoué.
A R IO M , de l'imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Therm idor an 1 5
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1801-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0705
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0307
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53900/BCU_Factums_M0705.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chambon-sur-Lac (63077)
Rights
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Domaine public
reconnaissance de paternité
-
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ee78d5b603f27fc41685d5776aa3a255
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Text
Q U E S T I ON
A
J U G E R
.
*
U n e F ille dotée par ses Père et Mère dans son con
trat de mariage ? en pays coutumier de la ci - devant
Province d’Auvergne , et instituée leur héritière e n
cas que le F i l s vint à prendre l’état ecclésiastique ou
a décéder sans E nfans d’un légitime mariage ? a-t-elle
recueilli le f ruit de cette institution , le F ils , son frère y
étant décédé après les Père et Mère ? sans s’être ma
rié ni fa it Prêtre ?
Quæ ab in it io in u tilu f u i t in s t itu ti o ex post f u t o convalescerc
n o n potest.
L . 201.
1
question, quoiqu’assez importante du coté de l’intérêt, n’eut
cependant pas mérité d’être présentée par la voie de l’impression ; mais
onauroit pu la trouver nouvelle, et se.laisser séduire par l’appareil
C
e t te
TRIBUNAL CIVi
de la
H A U T *
- 1 .0 1 « .# .
�C
2
)
de la disposition ; les réclamans ont d’ailleurs si fort compté sur l’af
firmative ; il* on^ tant Pris ^e précautions pour s’en assurer le résul
tat, q«e Pour dissiper tout doute, toute incertitude, l’on a cru né
cessaire de développer les ^principes dans lesquels la décision doit
être puisée. Un le fera avec le plus de méthode possible . et l’on au
ra l’avantage d’établir que ces principes se réunissent pour la négative,
et qu’ils ont été consacrés par la jurisprudence sur des contestations
semblables à celles qui se présente.
Matthieu Marie, notaire à Langcac, et Agnès Conte eurent de leur
mariage trois enfans, deux filles et un garçon,
Elisabeth , l’aînée , fut mariée à Dominique Morin , et par leur
contrat de mariage, en date du 4 novembre 174g ( v. s. ) , ses père
et mère lui constituèrent une dot de trois mille livres, payable à di
vers termes. ]1 y eut en outre la disposition suivante : “ a été pareilM lement convenu que si sieur Melchior Marie, seul fils et unique desd.'
„ sieur Marie et demoiselle Conte , »présent étudiant, venoit à prendre
M l’état ecclésiastique , ou à décéder sans enfans, en légitime mariage,
w audit cas, ledit Marie et ladite Conte, son époufe , ont instirué et instituent par ces présentes, ladite future épouse leur héritière univer„ selle, de tous les biens dont ils se trouveront saisis lors de leur
décè* , sauf néanmoins la légitime dudit Louis Melchior Marie »
„ au cas qu'il entrât dans l ’état ecclésiastique , non profé, et de Ca„ thérine • Michelle M arie, leur autre fille cadette, telles qu’elles se„ ront réglées par leurs père et mère , à la charge, de plus ,par les fu,, turs époux , après le décès desdits Marie et Conte, tt dans le cas
)3 ci - dessus , d’entretenir ledit Melchior Marie dans les études , lui
„ fournir tous les frais qu’il conviendra jusqu’à ce qu’il soit parvenu
}> à l’ordre de prêtrise et sans diminution de sa légitime , et au cas
» que lesdits futurs époux fussent tenus de lui faire un titre clérïcalÇ
il lui sera fait sur sa légitime » et seront tenus de lui en payer l<t
�» revenu , sa vie durant. Au cas contraire, ils seront tenus de lui
»s payer sa légitime ; ensemble celle de ladite Michelle Marie , aux
» termes réglés par .leurs père et mère , ou à défaut par leurs com-^
it muns parens, à commencer à leur majorité ou établissement, sans
s» néanmoins que la présente institution faite , puisse rien deroger au
33 payement de la dot de ladite future épouse dînant la vie de.ses53 dits père et mère. „
Quelques années après , Catherine - Michelle , l’autre fille , con
tracta mariage, et il lui fut constitué une dot sans autre stipulation.
Melchior Marie, resté seul dans la maison , y vécut à la compagnie
de ses père et mère , et ceux - ci étant décédés, il s’empara de leurs
successions, se regardant comme unique héritier.
Cette qualité, il l’ayoit incontestablement, quoiqu’il n’y eût pas, à cet
egatd >de disposition en sa faveur, parce qu’en pays coutumier d’AuVergne, la fille mariée et dotée, père et mère vivants, étoit forclose
°u exclue de toutes successions, tant qu’il y avoit mâles ou descen
dons d’eux , à moins qu’ella n’eût été mariée dans la maison ; sans
institution de dot, ou qu’on lui eût reservé dans un premier con
tât de mariage , le droij: de succéder. C’étoient lies dispositions des
articles X X V , X X V I et X X V I I du chapitre X l l de la coutume.
Il n’y avoit rien , comme l’on voit , dans l’espèce qui pût empecher
^ffet de la forclusion, les filles, ainsi, qu-’on l’a observé, ayant été
mariées du vivant de leurs père et mère. Aussi le fils jouit - il des
biens des père et mère paisiblement et sans opposition de la part de
personne.
Elisabeth Marie, femme Morin, devint veuve ayant une fille : elle
la maria au citoyen Lamothe , homme de loi. Celui • c i , non moins
act'i\ non moins intéressé qu’éclairç , imagine que le contrat de maïiage de fa belle - mèr e contient une bubstiiution' ou une déposition
A %
�C
4
5
équivalente ; aussitôt il le fait publier et rnreghtrer en la ci-devant
sé n é ch a u ssé e
d’Auvergne, à tviom , et répand le bruit que son oncle
n ’est pas »héritier ; que les biens, de la famille sont substitués à ha
belle - mère.
Cependant Melchior Marie est actionné, comme héritier de son
père, de la part de plusieurs créanciers , et par ses sœurs mêmes, qui
le poursuivirent en cette qualité pour être payées de leurs dots. 11 ne
put satisfaire , et l’on fit vendre judiciairement sur lui certains fonds.
Non contente de ces premières hostilités , la prétendue jiéritière ou
substituée prit cession d’un des créanciers , et fit nombre de saisies
entre les mains des débiteurs ou fermiers de son frère. On rapporte
les difterens afles.
Les biens étoient peu considérables, ils n’eussent pas donné à vivre
3i l’homme le plus économe, et comment auroient-ils suffi à Melchior
Marie qui étoit dans un état d’infirmité pitoyable ! il avoit perdu la
vue dès l’âge de vingt - huit ans , et étoit absolument incapable de rien
faire : aussi manqua - t - i l bientôt de tout.
C ’est dans cette détresse que sa sœur et son neveu , après l’avoif
vexé de toutes les manières,
l’attirèrent chez e u x , et feignant de
é
l’acceuiller, ils lui firent souscrire , sous prétexte d’une procuration , un
acte sous seing privé, par lequel il approuvoit la prétendue substitu
tion , et abandonnoit tous les meubles et immeubles réels et fictifs de
l ’hoirie du père commun. Cet acte est du 0 novembre 177* ( v. s, ).
11 eut été aussi aisé de lui faire signer son arrêt de mort , puisqu’il
çtoit entièrement privé de là vue.
Ils ne furent pas plutôt parvenus à leurs’ fins, que les ménagemens
et les soins diminuèrent , il en resta si peu que cet infortuné se vi*
forcé tfi quitter un asile, devenu pour lui une prison. 11 ne lui étoit
permis de parler à personne, ni de sortir. A peine fut*il un niomeuî
�c v ï
en liberté , qu’il en profita pour ? .ohfipper ; et soupçonnant qu’il
avoit été pratiqua,, à bon egard, ^neique supercherie, il protesta pardevant notaire, coutrc tous actes sous seing privé qu’on lui auroit
fait souscrire, et révoqua les procurations qu’il avoit pu donner (*)•
Ainsi abandonné à ses propres ressources, et ne pouvant se procu
rer que quelques portions de fruits échappées à la vigilance de ses
créanciers: il eut recours à des parens éloignés et aux étrangers. Les
uns et les autres, touchés de sa situation , lui fournirent successive
ment la nourriture et pourvurent momentanément à ses besoins les
plus pressants. 11 vécut de cette manière plusieurs années , et pour
s’acquitter envers ses bienfaiteurs, il leur vendit quelques pièces de
fonds, en valeur peut-être de dix * huit cents livres. Les acquéreurs
furent les citoyen Marin , Servant , Costet, Dussuc , Parra , Frugère ,
'Itonchaire , &c.
^ lui restoit une maison , une vigne et deux champs , les meil
leurs objets de la succession) :j en vertu, sans doute, de l’acte-d’aban
don , qui avoit été surpris ; mais d’autorité privée, Elisabeth Marie et
son gendre se mirent en possession de ces fonds. D ès-lors plus de
Moyens à leur frère et oncle pour subsister ni pour se faire rendre
justice, livré à la misère et au désespoir , il ne vit de ressource que
dans la charité compatissante, et pour la solliciter sans humiliation,
rï quitta le lieu de sa naissance. Ce fut à Riom et à Clermont qu’il
montrer sa pauvreté, il y vécut deux ou trois ans, et revenant
chez lm^ il s’arrêta k Brioude où il fut auberge par un parent : enfiu
générosité ayant ses bornes , il mourut à l’hospice national
en *78 i.
Marie, qui n’avoit pas eu de parens pour l’empêcher de souffrir
et de mandier, n’en eût pas non plus après sa mort pour faire hon, ts Prestations furent faite* devant Chau«hat, notaire > et son [confrère, p**
***• dut«. 1775.
u I 9 ,janricr
�i
\
neur à sa mémoire T sa sœur sachant qu’il avoit laissé des dettes;
car ce n ’est qu’à l’extrémité qu’on mandie, répudia sa succession avec
déclaration que les biens dont elle jouissoit, nppartenoient h l’hoi
rie de son père , à qui elle avoit succédé suivant la clause de
son contrat de mariage. Dès ce moment les acquéreurs futent menacés
d’éviction.
La veuve Morin ne tarda pas à décéder, et le citoyen Lamothe,
conjointement avec Catherine M o rin, son épouse, a actionné en
désistement presque tous ceux qui avoient acquis de leur oncle ; ils
veulent qu’il n’ait pas été héritier de son pire ; ils veulent qu’ils n’ait
pu vendre, même pour se procurer des alimens; il veulent enfin,
qu’il ait été nourri gratuitement par les acquéreurs de ses biens,
par des étrangers ; et ils oe rougiroient pas de faire perdre les
créances les plus légitimes , qui furent le prix des ventes , tout
cçmme ils n’ont pas eu honte de se soustraire, par une répudiation
au payement des dettes que leur oncle n’avoit contractées que par
l ’injuste détention qu’ils faisoient de scs biens ( eertant de îucro
captattdo ) ; mais si l’intérêt étouffa chez eux la voix de la natute,
celle de la juftice se fera entendre pour proscrire une prétention aussi
mal fondée que leur conduite a été blâmable.
Qu'elle est la nature des clauses du contrat de mariage d’Elisabeth
Marie ? c’est ce qu’il fuut examiner.
Elles ne peuvent renfermer qu’une substitution quelconque ou une
institution conditionnelle ; et déjà, l’on peut assurer que , sous l’Uft
ni sous l’autre rapport , elles n’ont dû produire aucun effet.
Ce n’est pas une substitution qu’elles présentent. Une substitution
suppose use institution ( est im tilutio s°. gmdti ) , et la substitution
n’ïyant eu lieu dans, le pays eputumipr d’Auvergne , qu’en c o n tr a t
de'mariage, il faudroit pour qu’il existât une substitution en faveur
�(
7
)
d’Elisabeth Marie dans son contrat de mariage, qu i» y ^ut e un*
institution en faveur d’une autre personne. O r, cela ne' pouvoit e r<^,
parce qu’elle fut seule contractante , et qu’on ne pouvoit aire une
institution d’héritier qu’en faveur des futurs conjoints ou de eurs
descendans ; tout connue les substitutions par contrat de mariage,
ne se faisoient point au profit des conjoints : ils étoient, au contraire»
institués héritiers.
Ainsi, il est impossible de concevoir une substitution dans le contrat
de mariage d’Elisabeth Marie, et si ses père et mère eussent voulu
cn faire une , elle auroit été nulle, attendu que dans 1 hypothese ,
fils n’avoit été et ne pouvoit être institue héritier.
....
Au reste , si l’on pouvoit voir une substitution , elle seroit pupil
laire , vulgaire-ou fideicommissaire’t et des clauses du contrat bien
avalisées ^ l’on ne peut induire aucune de ces substitutions.
I
Par la pupillaire , l’on succède au puppille , ainsi qu il est décidé
institutes ( d extiterit heres Jîlius ipù
fô subititutus.
T it- de r u p il l S u is .) et dansl’eipèce il se seroit agi des successions
des père et nière > puisqu’ils instituèrent leur fille héritière universelle
biens dont ils se trouveroient saisis lors de leur décès.
La vulgaire est celle qui est faite à un héritier qui ne peut OU
ne Veut accepter, Qui ne peut, -verb.grat., s’il décède avant le disposant,
ct ^«i ne veut , si la succession étant ouverte, il déclaré ne pis
Voul°ir l’accepter. Ici encore il n’est pas question d’un »ubstitué de
cettc espèce, Melchior Marie, ayant survécu à ses père et mère, et
accepté leurs successions.
n’y trouve pas non plus la substitution fideicommistaire , attendu
le fils qUi auroit dû être institué, ne fût ou ne pût être charge
fidcicommis , n’ayant pas contracté mariage.
�C 8 )
S i, comme il est certain, le contrat de mariage ne contient pas une
substitution, pourquoi le-fit-on publier et enregistrer? cette formalité
'fut aussi vexatoire qu’inutile.
- I l faut donc reconnoitre dans les clauses une institution condi
tio n n elle ; car, Jes père et mère d’Elisabeth Marie, voulurent la faire
héritière de tous les biens dont ils mouroient saisis, si son frère enibrassoit l’état ecclésiastique, Ou s’il décédoit sans enfans d’un légitime
mariage,
Mais’on ne doit pas croire que cette institution , telle qu’elle, puisse
être assimilée à ia substitution , et qu’elle en ait l’effet; elle n’a
aucun de ses caractères. L’institution ne saisit qu’au décès, et n’em
pêche point les aliénai'ons de la part de l’instituant. La substitution
au contraire, assure du moment l’objet substitué à la personne appelée,
l ’institué étant chargé de remettre. De là , vient la néceseitc de
la publication , de l’enregistrement, de l’inventaire , même du bail
: de caution : formalité qui n’ont lieu daus le cas de l’institution.
A qu’elle époque auroient - elles dû être remplies, ces formalités?
Etoit-ce au décès des péri et mère ? mais en vertu de la forclusion
prononcée par la lo i, les deux filles furent écartées de la succession,
et le fils resta seul habile à succéder; aussi se m e t-il en possession.
Certainement la prétendue héritière ne prit aucun? précaution pour
faire connoitre ses droits ; au contraire , elle approuva dans son frère
la qualité d’héritier , en acquerrant de lui l’oiTics de notaire , dont
avoit été pourvu le père commun. Ce ne fut que long-temps après
.q u ’elle s’avisa de faire enregistrer son contrat de mariage.
Failloit-il attendre la mort du fils pour faire inventaire? Alors la
succession devoit être prise en l’état, qu’elle se trouvoit, et les alié-,
; nations ne ponroient être querellées.
Quoiqu'il
�( 5 )
Quoiqu’il en soit, et sous quelque point de vue que Von consiqète
l’institution dont il s’agit, sa nullité ou sa caducité est positive.
Il est certain qu’on n’a droit de disposer que de ses propre*
tiens t et qu’on ne peut, par contrat de mariage ou testament, les
faire passer d’une personne à l’autre , qu’au moyen de la substitution.
Ï1 est certain aussi, que si la substitution est faite par testament , il
faut pour sa validité que le testateur ait sous sa puissance , au temps
de sa mort, le pupille auquel il substitue, il est certain encore, que
la substitution vulgaire n’a lieu que lorsque l’héritier institué meurt
avant le testateur ou refuse d’accepter après l’ouvciture de la suc
cession.
De ces principes, il suit que Marie père , ne pût assurer ses biens * sa fille pour les recueillir après sa m ort, et à l’événement de l’un
des cas prévus, parce que, on le répète, ce fut la fille et non le fils
qui contracta mariage, et qu’il auroit fallu que celui-ci eût été institué
héritier sous la condition que les biens passeroient à sa soeur s’il
niouroit sans descendants légitimes. Le père faisant autrement ne
pouvoit empêcher son fils dp lui succéder et de dçvenir irrévocable
ment son héritier,
ï l n’y avoit qu’un seul cas qui put rendre fructueuse la disposi
tion, celui où le fils seroit décédé avant son père; ou convient qu’alors
les biens , objets de la disposition , auroient passé à la fille ; elle les
auroit tenu de ses père et mère; elle leur auroit succédé immédiate
ment; et c’est alors , aussi, qu’elle eût joui de l’avantage qu’on avoit
entendu lui faire sur sa sœur ; cependant la forclusion auroit cessé
pour celle-ci, et elle eut eu en corps hériditaire un sixième des biens ; mais
le fils, ayant survécu, devint l’héritier de ses père et mère : il eut ce
dfoit et par la loi , et par la nature. Par la lo i, en ce que ses sœurs,
au moyen de leur manage , étoient lordoses de toutes successions;
ct
la nature, attendu sa qualité de fils ou d’héritier nécessaire*
ij
�(
IO
)
ï q«alité ^ue ses père et mère n’au/ oient Pu lüi dirc
suns heres
d e ue*paru n c institution pure et sim ple, c’est-à-dire, per verba de
per ré 4 U
f veur j e sa sœur, ou par une ex-hérédation formelle:
prasentt* en iavc
,r
,
. .
telle est la loi ; et l’on voit que les pere et mere ne firent qu une insti
tution conditionnelle en faveur de leur fille , qu’une disposition insuf
f i s a n t e , aux termes de la coiitume, pour la retenir dans la famille, et
qui ne poavoit que donner l’espoir de^succéder, la condition s’accom
plissant ; mais cet espoir , elle l’avoit par la défaillance du mâle qui
faisait cesser toute forclusion.
Elisabeth Marie fut donc forclose par son contrat de mariage de*
successions de ses père et mère , puisqu’ils ne la retinrent, ni ne la
marièrent dans la maison. S’il en est ainsi, il impliqneroit que,
malgré l’existance de son frère, seule cause de la forclusion, elle
eût pu succéder immédiatement à ses père et mère.
Le véritable héritier fut Melchior Marie, mais s’il succéda seul à
ses père et mère , les biens durent passer libres sur sa tête ; il en
devint le vrai maître, et sa qualité d’héritier fut ineffaçable semel
heres semper heres.
Du moment de son addition , les biens délaissés par les père et
mère se confondirent avec les siens présents et futurs, l'our penser dif
féremment , il faudroit supposer que le père eût le pouvoir de faire
la loi dans la succession de son fils , el d’empêcher la confusion des
biens. O r, l’on n’oseroit soutenir qu’un père ait pu disposer, en rien ,
de la succession de son fils, par contrat de mariage ; il ne le pouvoit
que par testament, lorsqu’il a voit son fils sous sa puisiance , et que
celui-ci décédoit en pupillarité ( si extiUrit heres filitts , ipsi filio fit
substitutes tit. de pupille t subst.). En parlant des biens du fils, l’on
entend, aussi bien, ceux recueillis de la succession de son père que
les siens propres ; et encore Marie père n’auroit pu faire une pareille
disposition, parce qu’en pays coutumier d’Auvergne, l’on ne peut pic
testament faire un héritier.
�(
ïI
)
Le "contraire rcsulteroit pourtant de la prétention de» demandeurs.
Leur mère auroit succédé à ses père et mère ; tandis que leurs suc
cession» avoient été appréhendées par le fil* ; 'tandis que tout ctoit
consommé, et qu’il ne pouvoit plus être question^ que de la]succession
âe ce fils.
Mais diront les adversaires , le droit de succéder étoit assurék notre
mère ; il ne fut que suspendu jusqu’à l’événement de l’un de» cas
prévus; et cet événement ayant eu lieu par le décès du fils sans
descendant, notre mère à dù recueillir les biens paternels et maternels.
On répondra encore que les auteurs communs ne purent porter
1 événement des conditions au-delà de leurs décès; parce qu’il n’étoient
Maîtres de leurs biens que pendant la r ie , qu’à défaut de disposition
C pure et simple , leurs biens devoient légalement appartenir au fils, et
qu étant une fois en sa possession, ils ne pouvoient plus lui échapper.
Ces biens , dès l’ouverture des successions, entrèrent dans la com
position de la fortune du fils, et cessèrent d’être paternels ( patern*
iiie desierunt ).
L institution, par l’effet qu’on voudroit lui donner , seroit une eipècd
de substitution, et la substitution, comme il a été d it, n’est valable
qu autant qu’elle auroit pour fondement une institution : on ne peut
donc donner à l’inttitution conditionnelle, dont il s’agit» la valeur
d’une substitution, à moins d ’a d m e ttre q u e de» mariés peuvent être
substitués à un tiers non - contractant, et que cette tierce personne,
n’a pu être chargée de reiïïeitrëVioit tenue de conserver.
Si l’on disoit que celui qui fait une disposition, a la liberté d'imP°îer telle charge qu’il lui plaît ; /que dans ce cas, il n’importe que
soit pur institution ou autrement que le substitué profite ; la réponse
«croit que ia charge ne peut être imposée que sur les biens dont la
personne grévée profite par le même contrat ; que dans l’espèe la perB a.
�(
12
^
sonne en faveur
iaYCUl de qui
1 seroit la charge , se trouvcroit elle - même
g re v é e
n’y ayant Pas eu Vautre personne centractante ; et qu’il im
plique que la disposition et la charge tombent sur le même sujet.
E n fin , les biens des père, et mère devoient naturellement passer
au fils ; d’un côté, parce qu’il n’avoit été fait aucune disposition qui
l’en privât : on voit, au contraire, que la fille ne pouvoit venir aux
successions qu’à défaut du fils , dans l’un’ ou l’autre cas prévu , ce
qui suppose une addition préalable de la part du fil*, d’autant qu’une
succession ne peut pas rester sans maître ; d’un autre côté , il étoit
seul habile à succéder par la forclusiou opérée contre ses soeurs.
Cette forclusion les empèchoit de prendre part aux successions, tant
qu’il y auroit mâle; et le père e û t-il voulu les rappeler à sa suc
cession , il ne le pouvoit sans le consentement du fils. ( * ). Une
autre raison qui empèchoit qu’Elisabeth Marie ne pût succéder immé
diatement à ses père et mère , son frère vivant, c’est qu’elle auroit
profité de la portion de l’autre fille , accrue au mâle par la forclusion ,
et qu’elle ne le pouvoit, article X X X I , même chapitre X IV de
la coutume.
'Ainsi tout concourt , tout se réunit pour la négative de ta
question. 11 seroit bien singulier que Melchior Marie eût été habile
à succéder à son père; qu’il eût, en effet, accepté la succession, et
que cette succession appartint cependant à sa iceur. Encore une fois,
celui qui est héritier ne peut cesser de l’étre. Si Elisabeth Marie n’a
pas dû recueillir le fruit de la disposition faite en sa taveur , c’est
par la faute du disposant , son père , c’est: ici le cas d’appliquet
l’axiôme , qui n'a~pas~boiilu ce qu'il p o u v a i t p e u t ce qu'il voudrait,
c’est-^-dire, que Marie père , n’ayant pas voulu instituer purement
et simplement sa fille héritière, comme il en avoit la faculté , ne put'
faire qu’elle lui succédât dans le cas où son fils, décédant apiès lu i.
( * ) Article X X X I X , chapitre X I I de la coutum«.
�( 13 )
ïë ieroit fait prêtre ou n’auroit pas laissé de postérité. Pour se con
vaincre de ce défaut de pouvoir, il suffit de considérer qu’Elisabeth
IVlarie ne dût ni ne pût par l’institution, faite en sa faveur, être saisie
des biens de ses père et mère, à leur décès ; cette institution n’étant
que conditionnelle; que par la même disposition , le fils devoit les
recueillir ; qu’il ne pût le faire qu’en qualité d’héritier ; et que cette
qualité a été absolue.
Au reste, si la veuve Morin se croyôit héritière , pourquoi ne se
mit - elle pas en possession des biens au décès de son père, et pour
quoi ne fit - elle pas faire inventaire ? il semble qu’elle le pouvoit,
aux ternies de son contrat de mariage, en fournissant à son frère la
nourriture et l’éducation, jusqu’à ce qu’il eût pris un parti ; mais combien,
eue été ridicule cette conduite !
Quelle apparence que Marie père, entendant que son fil« con
tactât mariage , n’ait pas en même - temps entendu lui laisser la
libre disposition de ses biens ! Supposer qu’il n’eût pas cette intention,
ce seroit penser qu’il n’auroit pas voulu procurer a ion fils un étâ^ tssement sortable ; car, réduit à la légitime de rigueur , en oas
e non. enfant, quelle dot pouvoit - il prétendre? quel mariage pouvoit - il taire? L’événement méritoit, sans doute, d’être apprécié : et
la famille de la fille recherchée , n’auroit pas manqué de le faire ;
elle eut eu des craintes. Mais le contrat de mariage annonce que les
père et mere pensoieiit que l’etat du' fils poürroit être fixé de leur
vîvant, puisqu’il y disent, en deux endroits, que la légitime sera
payée au fils de la manière qu’ils l’auront réglée.
Aux principes' et aux raisonnement , se joint l’autorité de la chose
jugee. Chabrol, ( * ) dernier commentateur de la côutume', rapporte
deux affaires semblables h celle-ci.
(
) Page
6 , tome 3 de 1011 Commentaire sur la Coutume.
�C 14 )
e
,
étoit
entre
deux
filles d’Anne Montb*issier et Jacques
La première
Montboissier :' voici l’espèce.
Louis M ontboissier , mariant Anne sa fille, l’institua son héritière
¿ans le cas où ses fils de'céderoient sans descendans. Jacques Mont
boissier fon fils décéda , en effet , sans postérité après son père , el
disposa de tou* «es biens en faveur d’autre Jacques'Montboissier, par
contrat de mariage de ce lu i-ci avec Catherine Chabannes, du 20 avril
i f 13. Anne Montboissier laissa deux filles ; elles réclamèrent les biens
de Louis Montboissier, leur ayeul.en vertu de l’institution faite* à leur
mère. J ’acques Montboissier, donatsire, leur opposa qu’elles n’avoient
pu succéder qu’aux biens délaissés par Jacques, leur oncle ; qu’il ne
s’en étoit pas trouvé, au moyen des dispositions par lui faites ; et que
la convention èc succéder, faite par son père, conditionnellement n’avoit
pu l’empêcher de donner ses biens entre vifs.
11 est rapporté que1les parties terminèrent à l’atniable sur le refu*
de Chassannée , célèbre jurisconsulte du parlement de Paris , de se
rendre en Auvergne , pour juger arbitraleinent l’affaire.
Cette contestation étoit sans doute en plus forts termes que
celle dont il s’agit ici , puisque celui , auquel les filles Mont
boissier vouloient succéder , avoit disposé gratuitement , au pré
judice de l’institution, des biens de Louis, auteur commun. Cependant
Chabrol a pensé que la question, étoit moins importante qu’elle ne
-parut. C£ L’institution d’héritier, d it - il, conditionnellement faite par
„ Louis Montboissier, ne pouvoit regarder la succession de Jacques
n Montboissier., dès qu’il avoit survécu à son père, l’institution d’hé(> ritier étoit devenue sans effet, et il étoit propriétaire inconimuta]t bis des biens dont il avoit disposé. „ L ’auteur étoit donc d’avis que
le prédécè* de l’instituant ayoit rendu l'institution caduque.
�(
iç )
' l ’antrë espèce ( * ) étoit entre des parties de Brioude. Annet
Marie et Anne Bon curent quatre filles et un garçon ; ils marierent
Marguerite avec Pierre Gueffier, et lui constituèrent une dot de six
mille livres ; moyennant cette dot elle renonça à toutes successions
directes et collatérales , en faveur de son père , à condition toute
fois qu’à défaut de mâles et descendans d’eux , elle auroit sur les biens
deses père et mère la somme de deux mille livres , par lesdit préciput
sur les autres fille* en moins prenant ou rapportant, la somme de qua
tre mille livres.
Trois ans après le contrat de mariage, en date du 10 janvier 1647 »
Marie père meurt et sa succession est partagée entre ses trois filles
non mariées et Pierre son fils. Pierre 11e se maria point et décéda en
> alors il s’élèva une contestation entre ladite Marguerite Marie,
femme!Gueffier, et Anne Bon, sa mère, tant de son chef, que, comme
tutrice de ses autres filles.
Marguerite Marie prétendit qu’en vertu de la clause de son con
trat de mariage, elle devoit avoir un préciput de deux mille livres ,
et une part dans la succession de son père ; Anne Bon de son coté se
refusa au prélèvement, et offrit le partage par égalité : il fut rendu
un jugement contradictoire en la sénéchaussée d’Auiergne, qui dé
bouta la femme Gueffier de sa demande en préciput , et ordonna le
partage. Elle fit appel au parlement , où il intervint un arrêt, le 20
juillet 1673 , qui confirma la sentence de Riom. Ce fut par le motif
^ue, le fils ayant recueilli la succession , la condition s’étoit termi
née au décès du père. On trouve cet arrêt avec les moyens des par
ties dans le journal du palais du parlement de Paris, par Blondeau , &c.
Le dispositif de cet arrêt s’applique trop évidemment à la question
que nous traitons pour qu’il soit besoin d’en tirer des conséquence».
( ) Chabrol, page
450,
tom. x.
�\
<
16
)
Il
y a un autre arr^fc dans le~)ournal des audiences sous k date
du 2 a0Ût x 6S4- > tom> 3 - PaSe 50 j , dont l'espèce est encore plu*
r e s s e m b l a n t e . Les parties étoient de Semur, aussi pays coutumier d’Au
vergne : il s’agissoit de la succession de Gilbert Malleterre. Ce Gilbert
JVIaîleterre et Gilberte Seauve , ayant de leur mariage trois enfans ,
deux filles et un garçon , marient leurs filles et les font renoncer
à toutes successions directes et collatérales, en faveur du mâle,' avec
la différence que dans le contrat de mariage de la cadette, il y eût
cette clause ; “ et en cas que leurdit, enfant mâle vienne à décéder
M sans enfans ; tout l e surplus des biens desdits Malleterre et Seauve,
’ „ dont ils n’auront pas disposé , appartiendra à ladite future et aux
siens*
Malleterre père, fit testament, le 4 mai i£ g o , par lequel il institua
jean son fils héritier de tous les biens dont il mourroit saisi, à 1*
charge de psyer h Marien Pacaud,son petit-fils, la somme de onze
cent soixante-six livres : il faut observer que le domicile et les bien*
du testateur étoient situés en pays coutumier d’Auvergne ; que dans
ce pays on ne pouvoit faire un héritier par testament ; et que 'celui
qui avoit été désigné te l, 11’étoit réputé que légataire du quart des
biens : mais déjà les deux filles avoient renoncé en faveur de lcur
frère, et leur renonciation étoit même inutile , attendu que la forcltf'
sion s’opéroit par leurs mariages, de sorte que le fils étoit seul héritier.
Le décès du père arriva dans la même anne'e , et Jean , son fils, fut
saisi de tous les biens ; mais il mourut quelques mois après.
Marguerite Malleterre prétendit devoir succéder seule en vertu de
la clause de son contrat de mariage, à laquelle elle donna la force
d’une substitution. Mais Marien Pacaud, fils de la fille aînée , soutint
que la clause ne contenoit qu’une disposition conditionelle dans ^
cas du décès de Jean Malleterre, avant son père , et que le cas c00tiaii®
�(
i
?
5
_______
traire la rendoît caduque par l’esprit et les termes mêmes de la clause
et par les principes de droit commun de la coutume d’Auvergne.
Les parties engagèrent ainsi un procès qui fut jugé par les pre- ,
miers juges en faveur de Marien Pacaud, c’est-à-d ire conrre la, pré
tendue substitution. 11 y eut appel de la part de la sœur cadette pardevaut le bailli de Montpensier ; sentence audit baillage qui infirma
celle du juge de Semur ; ii en fut interjeté appel au parlement , et
par arrêt dudit jour , * août 1684 . il fut dit que .la sentence du
juge de Semur sortiroit son plein at entier effet.
Cet arrêt, comme l’on voit confirma le principe que le prcdccès
du père rendoit caduque l’institution conditionnelle,
O n s’attend que les demandeurs insisteront beaucoup sur la va
lidité des dispositions conditionnelles, et qu’ils invoqueront l ’autorité
de Ricard, en son traité des donnations ; mais vains efforts ! ils s’agit
ici d une institution conditionnelle par contrat de mariage, et Ricard
ne parle que de celles faites par testamens ou des legs conditionnels. Il
s est meme fait la difficulté si elles pouvoient être admises, et l’on voit
qu il ne s’est décidé pour l’affirmative , que dans le cas où il n’y *
que des héritiers collatéraux et ab intestat, bien différens des héritiers
naturels, tels que les enfans, qui doivent toujours être institués hérîtiers. C ’est ce que l’auteur fait entendre dans un endroit ( * ) , où il
J*’lt “ quoique l’institution d’héritier puisse dépendre de l’échéance
»» d’une condition ; néanmoins, elle ne peut être faite sous une condition
» résolutive , soit que le temps «oit certain , soit qu’il soit incertain ,
>» d autant que celui qui a une fois commencé d’être héritier 11e peue
» plus cesser de l’être. „
1
( -)
Traité X I , Chpitrç XI.
*
»
i
�(
18 )
Au lieu que ce sentiment soit favorable aux demandeurs; il con
damne, au contraire, leur prétention; et en effet , penser , comme
fait l'a u te u r que celui qui a commencé d’étre héritier ne peut cesser
de l’étre,c 'e s t décider que Melchior Marie, qui survécut à son père»
et qui se saisit de ses biens, comme héritier, ne peut cesser de l’étre.
Les demandeurs ne diront .sans doute pas que ce fût à toute
autre qualité que celle d’héritier que Marie fils se mit en possession,
et jouit des biens de son père , puisqu’ils le firent condamner plu
sieurs .fois sous la qualité qu’ils lui contestent aujourd’hui.
Quels moyens , qui n’ayent été prévus ou discutés , pourroient
rester aux adversaires pour soutenir leurs prétentions ? ils n'en auront
d’autres, sans doute, que ceux résultans d’une mauvaise application
des principes, et que la chicane peut suggérer. I l invoqueront, sans
cesse, la faveur des contrats de mariage. Ils répéteront qu’une insti
tution doit avoir son effet ; mais ils ne sauroient parvenir à obs
curcir les lumières de la justice, ni à lui faire illusion ; ils ne sau-,
roient , non p lu s, faire adopter un système tant de fois proscrit.
C
A U
O S T
E
T ,
P U Y . de l’imprimerie d e J. A. C
H o m m e de L o i
r e s p y
, Imprimeur.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Marie, Melchior. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Costet
Subject
The topic of the resource
coutume d'Auvergne
dot
jurisprudence
successions
Description
An account of the resource
A juger. Une fille, dotée par ses père et mère dans son contrat de mariage, en pays coutumier de la ci-devant province d'Auvergne, et instituée leur héritière, en cas que le fils vint à prendre l'état ecclésiastique ou à décéder sans enfans d'un légitime mariage, a-t-elle recueilli le fruit de cette institution, le fils, son frère, étant décédé après les père et mère, sans s'être marié ni fait prêtre ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de J.A Crespy (Le Puy-en-Velay)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1748-Circa 1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0704
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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Langeac (43112)
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coutume d'Auvergne
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Text
M É M O I R E
pour
P
i e r re
COUTANSON et
‘
M
arguerite
C H E C L I N , sa femme, intimés
;
C O N T R E
r
Jacques
C H E C L I N , appelant.
L E QU E L des articles C X X X I ou C X X X I V Je l’o r
donnance de 1 5 3 9 , doit-on appliquer à la renonciation
faite par la femme C o u ta n so n , en m in o r ité , par ordre
de sa mère qui é toit sinon sa tutrice légale, tout au moins
son administratrice ?
Si on préfère l’article C X X X I V ,
a-t-il eu réclam a
tion dans les dix ans ?
Jacques Chéclin est-il recevable sur son a p p e l, à sou
tenir les intimés non-recevables de ce qu’ils ont été inA
�(. * )
dûm ent forcés de reproduire devant les mêm es juges
de première instance, une demande en nullité de celte
renonciation implicitement comprise dans la demande en
p ar t a g e , dont ils
n’ont été déboutés qu ’avec la faculté
d’exercer par action principale cette demande en n u llité ?
F A I T
S.
L e s frère et sœurs Chéclin et cinq autres enfans, sont
nés du mariage d ’A n d r é
l i e père est décédé en
du 16 du m êm e m ois, il
à une somme de 800 fr.
Chéclin avec M arie Coutanson.
mars 1770. P a r son testam en t,,
a légitim é chacun de. ses enfans
avec u n ameublement.. Il a ins
titué p o u r son héritière fiduciaire sa v e u v e , à la charge
p a r elle de rendre l’hérédité à celui ou à celle de leurs
enfans qu ’elle jugeroit à propos r dans le cas où elle v ie n droit à décéder sans avoir fait ce c h o i x , le testateur nom m a
Jacques C h é c lin , appelant, p o u r recueillir l’entière h é
rédité. L a m ère fut nom m ée tutrice de leurs en fa n s,
avec décharge de toute reddition de com pte et revenu.
Cette veu ve le fut encore aux sept enfans, sans excep
t io n , par avis de parens e t ordonnance de justice du
26 avril 1 7 7 ° > à la réquisition du ministère public ,
et elle déclara que q u o iq u e lle pût se dispenser d'accepter
cette c h a r g e , n éa n m oin s elle veu t bien se ch arg er de
la tu te lle , e t p r o m it de bien et fid è le m e n t v a q u er a u
devoir, de sa charge.
P a r le contrat de mariage des in tim és, du 9 février
1 7 7 3 , leur mère et belle-mère constitua il sa fille 1,000 fra u lieu de 800 qui lui a voient été légués par le p è re ,
�<3 )
et d’autres o b je ts, le tout payable à longs termes de 60
francs p a r 1a n , p o u r tenir l i e u , est-il d it, a la future ,
de sa portion dans la succession de son père , qu i étoit
é c h u e , de tout augm ent et supplément ; et au m o y en
de c e , la fille’ mineure r e n o n ç a , sans dire aù profit de
q u i, à tous ses droits paternels ; mais immédiatement
après cette clause,elle se constitua en t o u s ses b i e n s , et donna
plein et entier p o u v o ir à son futur de les rechercher.
L ’appelant contracta m a r ia g e , le 27 m ai 1787', les in
timés ne furent point appelés à cet acte : la m ère rem it
au fils l’hérédité dont
elle ’étoit c h a r g é e , ‘ et
décéda
quelque temps après.
P a r exploit du 13 p r a iria l'a n 2 , les intimés p r o v o
quèrent un tribunâïi:de famille p o u r obtenir le partage
des biens d’A n d r é lChééliri : et M a rié JC o u ta n so n , aùtéurs •
commiirts. 1’>
■i;''1 »1 '•">
n
i
- >!>I. vlfinn?
L e 2 nivôse ail 7'^ lè tribunal du P u y rendit u n j u - ’
gemeht con trad ictoire, par lequel « considérant que la
» demande en n u llité , form ée à cette audience par les
»' demandeurs, tend à anéantir cet a c t e ,, e t dévient par
» lt\ p rin cipale; que d’ après les nouvelles lois, les trib u a n a u x n e pouvoient en connoître sans au préalable a vo ir
» épuisé la voie de la conciliation; c’est le cas de la rejeter.. . . . . . relaxe ledit Jacques .Chéclin , de la de»• inandc en partage.. . . . à la charge.. . . .'‘ de payer.. . . .
»• en argent ou en- fond et à l e u r i c h o i x . . . . . s d i/ f a u x
» m ariés G outanson et C h éclin à se p o u r v o ir ," s Us y .
» so n t fo n d é s , contre la ren o n cia tio n . . . . . . »
C e jugement fut e x p é d ié , mais nullement signifié. L a
discussion s’ étant de reclief engagée devant le tribunal
A
a
�(4 )
d’Yssingeaux* substitué à celui du P u y , d’après la cédule
du 28 germinal an 7 , les parties ne regardèrent ce ju g e
ment que c o m m e étant d’ instruction; elles le reconnurent
expressément dans la rédaction du jugement du 5 ther
m id or, dont est appel. Elles discutèrent au fond- L a nullité .
de la renonciation fut prononcée en conséquencpde l’articleC X X X I d e r}’pi’donnance de 1 6 3 9 et.le partage ordonné.
L a cause appelée à tour de rôle , en ce t r ib u n a l, à l'au
dience du 2 prairial dernier, a été plaidéejm ai^, sur lesconclusions du citoyen substitut f il asursis d’un m ois, p endant 1
lequel temps l’expédition du ju gem ent ,du arnivôse an 7
seroit rapportée.
Cette expédition est jointe :/la transcription qui vient
d’en être faite par extrait, p ro u v e ;,qu:en effet les expres-j,
sions. sont u n débouté de la demande ren; partage * sauf lajj
faculté de demander la nullité de la renonciation ; mais
celui dont est appel établit aussi que les parties , ‘ en. cayse
principale, s’arrêtant plus au sens q u ’ aux m ots de cette rédac
tion,n’ont regardé ce j ugem en t indivisible et contradictoire,
qu e com m e simple instruction, puisqu’elles ont discuté sur
le fond.
,r
M O Y E N S .
Il ne peut être question , dit l’appelant j de l’article .
C X X X I de l’ordonnance de 1539 , parce ^ue M arie Cou-
tanson n’a jamais été tutrice ni protutrice de sa fille , puis
que celle-ci étoit âgée de 17 a n s, conséquem m ent p u b è r e ,
h l’époque du décès d’A n d r é C l i é c l i n , et parce que cette
m è r e , d?un c ô té , n ed evo it aucun com pte d’administration
à l’époque du contrat de m ariage de sa fille , d’autant
�(.5 ) .
q u e lle en ¿toit expressément dispensée p ar le testament ;
d’ un autre , elle n’a reçu aucune disposition p o u r elle
ni pour son üls , de la part de sa fille : qu au surplus les
parties étant domiciliées dans le c i - d e v a n t F o r e z ,
il
convient d’écarter la jurisprudence du ci - devant parle
m ent de T o u lo u s e , mais b ie n de s’aider d é la juris
prudence de celui de Paris qui n’admettoit que le laps de
dix a n s , conform ém ent à l ’article C X X X I V de cette l o i }
que sous ce î-app.ort j les dix ans utiles ont été r é v o lu s , soit
qu’ on les fasse courir de l’ époque de la m a jo r ité , soit
qu’on admette la suspension du délai jusqu’au 27 mai
178 7 , que la m ère a fait l’ élection d’héritier en faveur de
son fils , parce que dans ce c a s, au lieu de regarder faction,
du 1 3 prairial an 2 , com m e demande en n u llité , il faut
seulement la considérer com m e demande, en p a r t a g e , et
ne rapporter cette demande en nullité qu’au 28 germinalan 7 , d’autant plus que cette dem ande est l’exécution du
jugement du 2 nivôse an 7 , qu i conséquem m ent a a c q u is ,
par l’exécution , la force de chose j u g é e , et-établit une fin
de non recevoir contre une dem ande qu i est irrévo ca-.
blement prescrite.
'
;
R É P O N S E .
Cette discussion sc divise en deu x parties.
l0> C ’est l’ai-ticlc; G X X X I et non l ’article C X X X I V de
l ’ordonnance de 1 6 3 9 ? les oi'dormances de 1549 et de 166 7,
qui doivent être la base de la décision.
2 0. Si on se déterm inoit par l’article C X X X I V , la
réclamation a été faite dans les dix ans.
L es autres questions ne sont que les accessoires des
deux principales.
�P R E M I È R E
p
a
r
t
i
e
.
« N ous déclarons toutes dispositions d’entre-vifs ou tes» tamentairbs, qui seront ci-après faites par les donateurs
» ou testateurs, au proiit de leurs tu teu rs, curateurs, gar» diens, baillistres et a u t r e s l e u r s a d m i n i s t r a t e u r s ,
» être nulles, de nul effet et valeu r.» A r t . C X X X I de
l'ordonnance de 1639.
•
..
«• E t quant au six-vingt-unzièm e article, faisant m en» tion des donations, nous voulons et o rd o n n o n s, en in» terprétant ledit article , que toutes donations entre-vifs
» et testamentaires, qui seront faites par les donateurs
» ou testateurs, au profit de leurs tuteurs, curateurs,
». gardiens,.baillistres et A U T R E S A D M I N I S T R A T E U R S ^
» soient ¡nulles, et de nul effet et valeu r ; et telles les'
» avons déclarées et déclarons par ces présentes ; ensemble
» celles q u i:frauduleusement seront faites durant le tem p sL
» de ladite administration , ià personnes interposées, v e » nant directement ou indirectement au profit desdits
» tuteurs , curateurs , gardiens , baillistres et A U T R E S
» A D M I N I S T R A T E U R S . » O rdonnance de 1549.
Ces ordonnances ont été confirmées par celle de 1 6 6 7 ,
tit. X X I X , art. I ; elle oblige non-seulement les tuteurs,
protuteurs, curateurs, fermiers judiciaires, séquestres,
gardiens , mais encore TOUS A U T R E S QUI A U R O N T A D M I
N I S T R É l e s b i e n s d ’ a u t r u i , « à rendre com pte aussitôt
» que leur gestion sera fin ie , et les réputé com ptables,
» encore que le com pte soit clos et a r r ê t é , jusqu’à ce
�C7 )
» qu’ils aient pîvvé le reliq u at, s’il
en
est d û , e t remis
» toutes les pièces justificatives.»
T e l ctoit encore le droit romain. L e tuteur etoit censó
toujours tuteur jusqu’à ce qu’il eût rendu com pte \ non est
¿functus offîcio n is i ra tion es reddiderit. Ju sq u e-là il ne
p ou vo it être déchargé par quelqu’acte que ce f û t , suivant
la l o i , s i q u id e s t , ult. de auct. et cons. tutor. ,* et la glose
entend par ces mots ys i q u id 3toutes sortes de conventions
entre le m ineur et le tu te u r, m ê m e les transactions; u t
a ccep tilla tio , pactu m de n on p eten d o , tra n sa ctio vel
delegatio. Il en étoit de m êm e de toute espèce d ’adm i
nistrateur. L o i s i q u is , ÍF. de negot. gest.
D ans le m êm e d r o i t , l’action tutélaire ne prescrit que
par trente ans. Il n’est pas possible de b o r n e r , par des
conventions p articu lières, le cours de cette prescription
légale; c’est ce qui a rrivera it %si on ad m ettoit la nécessité
de se p o u r v o i r , dans les d ix a n s , contre des actes q u i
em porteroient la décharge de la tutelle.
.
M ornac cid leg. X X I X . , cod. liv. I I , tit. I V , .s’exp rim e
,
inhil prodesse tutari quod transigerit in genere de tuteîce suce administrai
e : ùtià nec si auditâ parte raiionum suarum ,minor Ja ctas m ajor , Jiberationern gé
néraient de cwleris omnibus ad tuleïam spectantibus
dcdcnt.
quippè rationes reddV, discuti , dispimgi et claudi tandem autore judice. ¿íliiis et n isiità
h œ cfia n t , nihil agit, cùm us que ad annos t r i c i n t a
ainsi : Docem us enun quotidianis rerum experùnentis
lo ti
O p ortet
possit mijior petere rationern , sub prelextu specicrum
post repertarurn
quœcumque generalis
intercesserit
transactio : serva/nusque in eo vulgari. Lèg. cum sei\
�(
8)
de cond. e t dem onstr. Q u œ v u ll r.iim q u i s it ra tio n ib u s
reddendis o b n o x iu s reddere oportere rat ione s , u t dis c u tia tu r sigittaùm q u id q u id egerit ç e l non e g c n t , cim i
a géra debuisset.
M ais rien n’est plus
énergique
que ce q u ’enseigne
]VL. D u v a l dans son excellent traité de rebus d u b iis , en in
terprétant les deux articles C X X X I et C X X X I V : « E t
» parce que souvent y a difficulté sur lesordorinanccsfaites
» par L ouis X I I et François I , touchant la prescription
» de dix ans contre la rescision des contrats faits par les
» majeurs et mineurs ; it e m , si ladite prescription a lie u ,
» les dispositions faites par iceux m in eu rs, au profit de
>3
leurs tuteurs ou A D M I N I S T R A T E U R S ........ item pou r le
» régard du tuteur ou A U T R E
ad m in istr ateu r
qui
» auroit j o u i , par l’espace de dix ans, des choses à
'» lui délaissées par son m ineur après sa m a jo r ité , ou
» avant la reddition de com pte ; le doute est grand
» à s a v o ir , si ladite prescription de dix ans a lieu en ce
» cas.. . . . . . M o v et d ubium qu òd le x est generalis et in » d istincte loqu en s............ Sed co n tra ria v i est -verum.
•» C ar il y a autre ordonnance touchant les dispositions
» faites par les m ineurs, au profit de leurs tuteurs, les» quelles elle déclare nulles, de nul effet et valeur.
» V o le n s en im occurrere h u ju s m o d i d isp osìtio n ib u s
3) et G ontractibus qu a s habet p rò ù ifectis. Pourtan t l’au tre
>3 ordonnance doit recevoir, restriction et déclaration de
» celle-ci \ c’est-à-dire, q u ’elle n ’a lieu p ou r le regard des
33 dispositions faites au profit des tuteurs et adm inistra>3 teurs, soit par contrat ou donation quelconque entre33 vifs , ou à cause de m o rt; n’y fait rien de dire que l’or
donnance
�C9 ) ' '
» donnance touchant la prescription de dix ans subse» q u en te, l’autre annullant les dispositions faites avecles
» tuteurs........ Car toutes les deux sont au m em e caliieu
» et publiées en m em e te m p s, l’an 1539 \ p ou rq u oi la
» présomption de droit est que l’une se corrige par \ autre,
» joint qu’elle est conform e au droit com m u n qui annulle
» les contrats faits avec les tu te u rs , soit p o u r le regard
» de la disp ositio n , ou de la tradition et possession. »
C ’est aussi la doctrine d e P a p o n jurisconsulte du F o r e s ,
pays des parties ; liv. V , tit. V I , nom b. 9 , de ses a rrê ts,
et 3me. n otaire, liv. I X : « L e m in eur dans les 30 a n s ,
» contre la quittance peut v e n i r ................ à cause de dol
» dudit tuteur................ Les d ix ans de l’ordonnance ne
» sont propres en
» reçu dans les 30
C ’est aussi l’avis
nance de 1667 , à
ce cas ; ainsi devra le m in eur être
ans après son âge parfait. »
de R o d i e r , com m entateur de l’ordon
l’article cité.
L a jurisprudence du
parlement de T o u lo u z e a été
constamment conform e à ces au to rités, suivant le lé m o inage uniform e de M eyn ard , de D o liv e , de
de Catelan.
Serres ,
Il y a eu des variations au parlement de P a r is : dabôrd
un arrêt de 1662 avoit adopté l’art. C X X X I . O n eu
trouve d’autres conformes dans Brodeau , lettre T ; dans
B a r d e t , tom. I I , liv. V , sous la date du 7 juillet 16 3 6 , qui
pi'ononca la nullité d’ une renonciation faite par une, fille
héritière de son p è r e , au profit de sa mère tu tric e , qui
n’avoit point fait d’inventaire, et ne lui avoit rendu aucun
com p te..D ive rs autres rapportés par C h e n u , B r o d e a u ,
Bardet et M o ntholo n , ont adopté l’article C X X X I V 3
B
�( 10 )
m êm e sur de simples quittances données par des mineurs
à des tuteurs, sans compLe préalablement rendu. 11 en est
cependant plusieurs , notamment celui du
iïiîiis i 5y 5 ,
qui sont étrangers à notre esp èce; mais l’ordonnance
de 1667 a ramené à la pureté des p rin cip es; et depuis
cette époque , le parlem ent de Paris a rejeté la fin de
ifon-recevoir des dix a n s , p o u r n’adopter que la pres
cription de trente ans. L es arrêts sont des 18 février 170 3 ,
17
décem bre
1706 et 26 mars
r a pp o rt é au journal
1707. Celui de 1706
des audiences, torn. V ,
liv. V I ,
cliap. X L V , édition de 1 7 3 6 , a annullé une transac
tion qui avoit été faite avec un h o m m e chargé de
p ro c u ra tio n , et qui avoit administré p ou r des mineurs.
M . l’avocat g é n é ra l, J o l y - de - F l e u r y , o b serv a , i Q. que
l ’on ne pouvoit appliquer à l’espèce l’art. C X X X I V ; q u ’il
n ’y a nulle prescription p ou r un administrateur qui n’a
rendu compte ; qu’il est toujours débiteur. 2°. Q u e tout
administrateur de biens de mineurs est p rotu teu r , et est
toujours présumé, frauduleux.
, Il est inutile, il la cause de rem arquer la contrariété des
arrêts uniformes du parlement de
T o u lo u z e avec
la
jurisprudence vacillante de celui de Paris : d’une p a r t ,
il n’y a plus eu de variation depuis l’ordonnance de 1667 :
d ’un autre côté r la com m une de Bas en Busset étoit
un dém em brem ent du L an guedoc ; pendant le temps où
il a e x is t é , le parlement de Paris a consacré par trois
a r r ê ts , le prem ier du 30 août 1 7 0 7 , rapporté par H cnrys,
les deux autres des 2.1 juillet 1768 et 12 juillet 1 7 7 0 , la
m axim e rappelée par C hopin : trib u n a liu m
n ullarn pcirii k g u m rnutationem .
v a ria tio
�X ” )
R a v io t, arrêtiste de D ijo n , distíngueles transactions, des
décharges. Il soutient que la jurisprudence qui accorde
trente années au m in e u r , est préférable p our l’ utilité p u b li
que. Il a transcrit un arrêt du 12 août 1 7 1 6 , qui a consacré
l’usage de cette c o u r , p o u r les trente ans. Enfin Lacom be f
au mot restitution , sect. Ire. n°. 4 , rapportant un arrêt
du 26 janvier 1 7 4 5 , rappelle les mêm es principes que
fit valoir M . l’avocat général Gilbert.
Les jurisconsultes ont assimilé l’obligation de rendre
com pte à celle de rendre un d é p ô t , et les décharges pures
et simples qui en sont données à des donations nulles’ de
nullité absolue. Ils en concluent qu¿ l’action dure 30 an s,
soit p ou r faire rendre le d é p ô t , soit p o u r reven diquer
contre une disposition surprise par le dol à l’ erreur , et à
une facilité irréfléchie.
■x
Personne ne m éconnoît l’autorité des arrêtés de M . de
L a m o ig n o n , rédigés, d ’api-ès la lettré du célèbre A u z a n n e t,
par le concours des jurisconsultes et des magistrats les plus
renom m és et en expérience et en p r o b it é , dans le temps
où L ou is X I V ayant donné , c o m m e , de nos jours ./Bona
p a rte , la paix à l’E u ro p e , prit com m e ce héros dont on
connoît les sollicitudes p o u r la rédaction des différens
c o d e s , toutes les précautions p o u r retrancher la chicane.
Les arrêtés 127 et 1 2 9 , portent les mêmes dispositions
que l’article G X X X I de l’ordonnance de 1 ^ 3 9 , et les o r
donnances <le 1549 et 1667.
Bien loin que la législation nouvelle ait p orté aucun
c h a n g e m e n t, le régulateur suprême des tribunaux a con
sacré les mêm es principes par trois jugemens des 13 prai
rial , 3 messidor au 4 et z 5 frimaire an iq ,
Ba
�rL e prem ier a admis la nullité d’ une cession faite par
P ie r r e D u ra n d , en faveur de son frère, C la u d e , quoique
celui-ci ne fût pas majeur lors du décès du dernier de ses
ascendans, et q u ’il y eût eu un autre tuteur. Il a été regardé
c o m m e étant administrateur comptable.
Le
deuxièm e
a cassé com m e contraire ¿\ l’article
C X X X Í de l ’ordonnance de 1639 , et à l’article 1er. , titre
29 de l’ordonnance de 1 6 6 7 , et com m e contenant une
fausse application de l’article C X X X I V de la m êm e ordon
nance de 1 5 3 9 , un jugement du tribunal d'appel d’E v a u x ,
q u i a voit déclaré non-recevable, p our n’avoir pas été for
m ée dans les d ix ans de la m a jorité, la demande en nullité
d ’ une renonciation faite par une fille m in e u re , au profit
de son beau-frère , m oyennant une constitution qui lui
fut faite par sa m è r e , tu trice, qui ne lui avoit pas rendu
compte.
L e troisième a jugé dans l e ’ sens de l ’article C X X X I V
de l’ordonnance de 1 5 3 9 , en cassant un jugem ent du tri
b u n a l d’appel de P a r is , qui àvoit écarté la fin de non-recev o i r , en qualifiant donation des actes qui n ’en avoient pas
le caractère. Ce jugem ent, loin d’être contraire aux deux
autres, les corrobore en faisant ressortir la différence que
les jurisconsultes et les avocats généraux , lors des arrêts
précités, ont faite, des deux articles C X X X I et C X X X I V .
L a fem m e intimée est dans un cas bien plus favorable
que Gabrielle Laporte. C e lle - c i avoit renoncé au profit
de son b e a u - f r è r e , au lieu que M arguerite Chéclin n’a
dirigé sa l’enonciation qu ’en faveur delà masse de l’hérédité.
Si dans la rigueur du droit on ne considéroit pas sa m ère
com m e étant sa tutrice, on ne peut au moins contester et
�( ?3 ) a
le fait d’administration en lui-m êm e et les -titres.qui la lui
ont c o n fé r é e , le testament du p è r e , l’acceptation sponr
tanée q u ’elle a faite de la justice de la qualité de tu trice, et
sa promesse judiciaire de rendre compte. Ce seul fait d’ad
ministration assujétissoit cette m ère à rendre compte. L es
lois s’expliquent gén ériquem en t p o u r tous les adminis
trateu rs, que l’arrêt de 1706 a appliquées à un simple
mandataire. Mais les expressions de l’ordonnance de 1667 ,
ne peuvent laisser aucun prétexte d’équivoque. D ’après le
procès verbal de cette o rdo n n an ce, on avoit inséré dans
la prem ière rédaction ces expressions ^ é c o n o m e , com m ise
s a ir e e i m a n d a ta ire, et le législateur préféra celle $ adm i
n istra teu r, em p loyée dansles ordonnances de 1639 et 1549.
H é ! qu ’im porte que le père co m m u n ait dispensé , par
son testament, sa-v e u v e , qu’il n o m m o it tu trice, de faire
inventaire et de rendre com pte? D ’abord, M arie Coutanson
s’est obligée judiciairement de fid è le m e n t v a q u e r aü de
v o ir de sa charge. Sans d o u t e , le prem ier d evo ir d’une
t u tr ic e , d’une usufruitière j d’ une administratx-ice , est de
faire inventaire, de constater ce qu ’elle prend et d’en ren^
dre compte.
M ais d’ailleu rs, cette obligation ne souffre point de
dispense ; elle e s t , de droit public , établie, par la loi V ,
ita autem , J f. liv. 2 6 , tit. 7 , n ° . 7 , J u lia n u s . Q u id a m
decedens f i l i i s su is dederat tut or e s , et a d jece ra t, eos
aneclogistos esse 2>olo, et a it J u lia n u s tutores n is i bonarn
fid e m in a d m in istra tion e p rœ stiterin t, d a m n a r id e b e r e ,
qu am vis testam ento com p rehen sian sit ut a n eclogisti
essent : n ec eo n om in e e x c a u s â jid e i-c o m m is s i q u ic q u a m co n seq u i d e b e b u n t, ut a it J u lia n u s : ac est ver a
�( M )
ista sen ien tla ,-i>nemo en im j u s p u b l i c u m r e m i t t e RE POT e s t ' lut ju s m o d i cd u tio n ib u s n ec m u t are f o r
mant a n tiq u itu s constituta/fi.
■
M a r i e C o u t a n s o n n ’a point usé de bonne foi en n e
faisan t point inventaire , et en exigeant une renonciation
b lo c , de la:part sa fille , sans lui p r é s e n te r seulement
d’ instruction.
;
e n
,
Cette renonciation n’est qu’une simple décharge en
faveu r d’un comptable , g ra tu ite , puisque la mère n’a
rien fourni de sasubstance ; elle s’est opérée p a r l e dol
et la fraude , en privant sa fille de la plus légère con noissance de la succession. O n peut appliquer la dispo
sition de la loi I X q u i ciim tu t. 9. §. 2. j f . de tu torib.
q u i ignorons univers a quœ in vero e r a n t in stru m en tu m
tra n sa ctio n is sin e a q u ilia n a stip u îa tio n e
7 ioii tam d ecip itu r qu iim paciscitur.
in terp osu it
- Cette m ère , cette tutrice ou administratrice co m p ta b le,
a encore usé de dol , en laissant entrevoir à sa fille l’espoir
d’une élection d’ h éritier, qui l’eut fait profiter de l’effet
de sa renonciation;
> -i
Q u e les novateurs, entraînés par l’exemple.du tribunal
d’É v a u x ,'n e disent donc plus qu e les a ffa irés doivent
a v o ir u n e fin , q u i l f a u t proscrire les vieilles rech erch es.
Ce seroit substituer l’arbitraire aux lois. Ces lo is , en
c l a s s a n t chaque prescription dans les termes qu’elle a éta
blis , n’o n t introduit d’autre âge que celui q u ’elles ont
com biné avec toutes les circonstances qui rendent plus
ou moins favorable la lenteur de ceux qu ’elles ont re
connu être dans l’impossibilité d’agir , par ce principe
con tra non valentem agere non c u r rit prœ scriptio. Ainsi
�( i 5 ) #
une affaire de deu!x siècles est toujours jeun e, tant qu’ellen’est point trop vieillie par le laps dei temps utile qu ’ il
iaut pour l’éteindre.
. D E U X I È M E
t
P A R iT I E , '
?
• 1• ' ' A A
Il y a discordance sur l'époque où l'action a dû etre
e x e rc é e ,e t sur l’époque où elle l’a été réellement.
L ’appelant prétend que l’intimée a dû agir dès l’ins
tant de sa niajoi'ité , qui a eu lieu le 23 février 17 7 7 ?
et qu’elle n’a form é sa demande que le 28 germ inal an 7.
Celle-ci soutient au contraire qu’il, y a eu suspension
de prescription , tant qu ’elle n’a p u a g ir, et q u ’elle l’a
fait u tile m e n t, le 13 prairial an 2.
L ’in tim é e , en m êm e temps q u ’i l l u i f u t fait une d o t ,
se constitua en outre en tous, ses biens présens et
à v e n ir , p our la recherche 1desquels elle donna sa p ro
curation à son mari. O r , en quels autres biens présens
p ou vo ien t consister cette constitution p a rticu lière, si ce
n’est dans la demande en partage auquel la m ère ^venoit
de la faire renoncer , dans les biens de son p ère! M ais
la fem m e a manifesté , par ce m êm e acte , son intention
de réclamer contre la renonciation qu’il renferme , et
elle n’a pu le faire sous la puissance maritale , soit parce
que l’autorisation du mari étoit indispensable, soit parce
qu il en avoit été expressément chargé par le contrat de
mariage. Souscc prem ier r a p p o r t , il y a eu suspension de
prescription. Il est reconnu constant dans le ressort du
ci-devant parlement de T o u l o u z c , conform ém ent à la loi
1 6 , if. de f u n d o d vlcili, que la prescription du fond dotal
�( 16 }
ne court pas contre la fem m e pendant le m a ria g e, sinon
qu ’elle eût com m encé auparavant ; Serres , liv. I I ,
tit. V I I I , page 192 ; Catelan et V e d e l , liv. I V , chap.
X L V ; Despeysses liv. Ier. , tit. X V , sect. I I I , n°. 29.
C ’est aussi ce qu’enseignent D o m a t , liv. I I I , tit. V i t ,
sect. V , n°. V I I ; L a c o m b e , verbo prccscn 'pt., sect. V I I ,
n°. 1 i H e n ry s , liv*. I V , Q . 175.
M ais la prescription a été suspendue de diverses autres
manières.
t O h p oürroit ërriployer, p ou r p rem ier m oyeu , l'effet
dé la puissance maternelle m éconnue dans le droit rom ain ,
ét qüi semble êtrô. adoptée par plusieurs de nos auteurs
m od ern es, d’après les rédacteurs du répertoire dejurisprudence, verbo p u issa n ce p a ter n e lle , sect. I I , et le projet du
code c i v i l , surtout d ’après l’arrêté 128 de M .l e P. L am o ignon , au sujet précisément dé la prescription dont il s’agit
au p ro c è s; « ladite prescription de trente ans, dit ce ma*
» g istra t, ne çourt au profit du père et d e L A MÈRE, de
» l’aïeul ou d e i / à ï e u l e de leu r v i v a n t , nonobstant que
» la tutôllé soit iiniél »
* *
«
Cependant la veuvë Chéclin avoit d’autant plus d auto
rité sur'sa fille qu’elle lui avoit été transmise par le père
dans son testam ent, et confirmée par la justice , en sa
qualité de tutrice , qualité synonymifiée avec celle de
m a ît r e , suivant la loi ad ea
f f . de reg. ju r . où
celui qui dispose en faveur d ’une personne à laquelle il
est soum is, est réputé disposer contre sa v o lo n té ; velle
non cred itu r q u i o h seq u itu r in ip e n o dornini. L a volonté
est l'âme de toute disposition , et l’on ne regarde point
com m e volonté
celle qui est forcée. C oa cta voluntas
n on
�n on
( *7 ) #
h abetur pro voluntate Cujas ad til. ,cod. s i qtas
aliqu cm tu to ri p roh ibu er. val côeger. Décision fondue
sur ce qu’il n'est vien qu i soit si contraire au consente
ment que la force ou la crainte qui l'extorque : N ih r f
con sen su i tam co n tra riu in est qiutm i’is a tq uc m etus.
L o i 1 1 6 , ff. d e ‘ reg. ju r .
î.. ;•1
S i , com m e il n’en faut pas d o u te r, la m ère a usé de. sa
puissance sur sa f ille , en la faisant r e n o n c e r , il est bien é v i
dent que la m êm e cause a forcé cette fille au silence , p en
dant tout le temps que sa m ère a vécu-j et le gendre a' telle
m ent partagé la condescendance et la crainte de sa fem m e ,
que non seulement il n’a pas usé de la procuration p o u r
rechercher le bien d o t a l, mais encore il s’est abstenu de
rien recevoir. N e résulte-t-il pas m êm e de ce silence une
protestation continuelle contre la m odicité de Ja constitu
tion co n v en tio n elle, et une intention bien manifeste de
réclam er contre?
M ais un second m o y en de suspension de la prescription,
est la qualité d’ usufruitière de la m ère par le testament du
père. L a fille n’avoit pas intérêt.d’agir pendant la durée de
cet usufruit. L a jurisprudence sur ce point est trop cer
taine p our s’ étendre davantage.'
U n troisième m oyen est la confusion des droits actifs et
passifs, dans les mariés Coutanson et Chdclin. O n n’a pas
perdu de vu e que. la l’enoncialion dont il s’a g i t , n ’a été
dirigée en faveur de personne ni acceptée par personne.
L ’appelant p ou r écarter l’idée q u ’elle eiit été faite en fa
veur de personne p ro h ib é e , a soutenu qu’elle lournoit au
profit de la masse de l’hérédité du père ; mais cette masse
-étoit en dépôt. L a remise p o u vo it en avoir lieu en faveur
G
�I 18 )
de l’intimée , parce que M a rie Coutanson a eu la Iiberto
pendant toute sa vie d’ élire l’intimée p ou r la recueillir :
ainsi c e lle -ci auroit agi doublement contre scs intérêts T
de faire un procès à sa mère. E n se l'aliénant, elle eût
é c a r té des dispositions bénévoles p ou r la transmission de
l ’ h é r é d i t é de son p è r e , et elle se lut attiré son anim adver
sion , à raison de la succession maternelle 5 elle a donc
agi sagement par le silence, 7ie m a ter pejus ja c e r e t .
M ais, rép o n d l’adversaire, tous vos motifs de crain te,
d’espérance ,, ont cessé par les dispositions universelles
faites par la mère , tant p o u r sa substance que p o u r celle
d’A n d r é Chéclin , par son testament du 3 janvier 1785 , et
par m on contrat de mariage du 27 mai 1787.
L a répliqué est absolue. J e n’ai connu ni l’un ni l’autrede ces actes. L e prem ier p ou voit être ré v o q u é à chaque
instant. Quant au second, la m ère n ’y ¿r appelé ni sa fille ni
son gendre. O n peut conclure que c’est là le dernier pé
riode du d o l , et que c’est afin d’ éviter la réclamation contre
la renonciation, qu’elle a eu l’astuce de laisser ign o rer la
disposition irrévocable portée par le contrat de mariage deJacques Chéclin.
E n un m o t , la renonciation n’ étant dirigée qu'au p rofit
de la masse , elle n’a pu être que conditionnelle ou casuelle.
E lle Cdt profité à la renonçante , si elle eût été élue à re
cueillir cette m êm e masse d’ h éréd ité, et il falloit nécessai
rem ent attendre le sort de cette incertitude, de cette espé
rance.
i l doit donc dem eurer p our bien con stan t, que les inti
més n’ont pu , n’ont dû agir qu ’après le décès de la n iè r e
arrivé depuis le 27 mai 1787.
�( *9 )
. -
I l l’es te à p rou ver que l’action utile a ¿te intentee le 13
prairial an 2 , conséquemment avant les 10 ans.
O h ! sur ce p o i n t , l’adversaire s’est créé une logique tout
à fait com m ode •, mais tout à la fois contradictoire et ridi
cule.
L e prem ier jugem ent du 2 nivôse an 7 , a débouté les
intimés de leur demande en p artage, sauf ¿1 eux à se pour
v o ir contre la renonciation.
L ’adversaire veut-il écarter,,à la faveur du n on bis in
idem , cette demande en nullité de la renonciation, sous le
prétexte qu’elle a été rejetée par ce jugem ent ? Il a soutenu
dans le procès verbal de n on -con ciliation du 14 floréal
an 7 , et il l’a répété jusqu’ à satiété, dans ses causes et
m oyens d’a p p e l, sans en a vo ir dit m ot lors de la p lai
doirie sur laquelle est intervenu le jugem ent du 5 ther
m id o r an 9 , que cette demande a été comprise dans la
demande en p a r ta g e , du 13 prairial an 2.
L u i rétorque-t-on ce la n g a g e , p o u r établir d’après lui"môme que l’action en nullité a été introduite dans les 10
a n s? lis e retourne et v e u t tout à la fois blanc et n oir!
‘t a n t ô t , que cette demande ait été form ée le 13 prairial
an 2 , et qu’en-prêtant au jugem ent du 2 nivôse an 7 , la
chose jugée et l’exécution , elle soit éteinte j tantôt, que
cette demande n ’ait été f o r m é e , p o u r la prem ière fois,
q u e le 28 germinal an 7 , et qu’ étant postérieure au terme
de 10 ans, elle soit anéantie par cette espèce de prescrip
t io n , de dix ans.
Séparons les élémens de cette b ig a rru re , de ce sophisme.
L e jugem ent du 2 nivôse an 7 a d ébou té, sauf l’action
en nullité ; c’est absolument la m êm e chose que s’ il avoit
G 2
�( 20 )
p ro n o n c é, quant à p r é s e n t, non recevable, ou un sursis,,
afin d’observer la form e de la conciliation, dès que l’ex
ception pérem ptoire de la nullité a b so lu e, eloit consi
dérée
comme
devant être une action p rin c ip a le , sujette
à cc préalable.
A u f o n d , chacune de ces trois dispositions renferme
J e u x parties indivisibles. L e d ébou té, la ü n de non rece
v o ir , le sursis,. ont également en vue le sort de la de
mande en-nullité , qui doit être la base du rejet défi
n it if, ou de l’accueil de la demande principale; en sorte
q u e , quelle que soit l’expression, ce n’est dans-le vrai q u ’un
jugem ent d’instruction, et l’appelant l’a si bien r e co nn u ,
en cause p rin c ip a le , q u ’au lieu de s’attacher à cette pré
tendue fin de non rec e v o ir, il a discuté le fond de la ques
tion , et par
il est devenu lui-m êm e non-recevablc'
u l’opposer sur l’appel.
C'est en vérité abuser étrangem ent des m ots, que doprêter à la demande du 28 germinal an 7-, une telle accep
tion d’exécution du jugem ent du 2 nivôse an 7 , qu’on
en infère une approbation du d é b o u t é , bien p lu s , une
persuasion d’un débouté p u r et sim p le, et définitif-, mais
si l’appelant l’eût pensé a in si, eu cause principale, que
ne s’en tenoit-il à cette prétention ? D e ce qu ’il a dé
fendu au f o n d , ne peut-on pas lui r é t o r q u e r , dans son
système de divisibilité d ’exécution du ju g e m e n t, du 3
nivôse an 7 , qu ’il a lui-m êm e exécuté la seconde partie
de cc jugem ent purem ent et simplement ; car si les inti
més ont été bien éloignés de demander le payem ent
du p rix de la renonciation, l’appelant a bien senti qu ’il
lui eû t été inutile de l’offrir^
�( ai ) ^
M aintenant ayons p o u r certain que l’adversaire, en
avouant, soit dans le procès verbal de non-conciliation ,
soit dans les causes et m oyens d’appel, signifiées le 28 ven
tôse dernier, aveu indélébile en s o i, com m e conform e au
principe, au surplus form ellement accepté p a rla réponse
signifiée le 24 floréal, que la demande en nullité de la renon
ciation a été comprise dans la demande eu partage, du 13 fri
maire an 2 , d’après la m a x im e g en era lis p etiiio in clu d it ea
om n ia qu œ in câ petitiona p o ssu n t in clu d i. Cet axiom e
est encore ap pu yé par un a u tre: P e ii t i o h o n o rn m p o s
sessiom s h œ red ità iis ad dition em prœ supponit. L a d e -v
mande en partage exclut l’idée de préférence du p rix
d une renonciation. I n c lu sio u n iu s est ex ch tsio a lteriu s.
Semblable discussion sur ce p o in t, et sur l’application des
art. G X X X I et G X X X I V de l’ordonnance de 1 6 3 9 , a
été jugée en ce t r ib u n a l, m êm e section présidée par le
citoyen V e r n y , . i\ l'audience du 18 germinal dernier.
L e 20 février i y û ô , Jeanne B a rth élém y , par son contrat
de mariage avec Jean P a g è s , r e n o n ç a m o y e n n a n t 330 fr.,
aux successions de son p ère é c h u e , et à celle à échoir
de sa m e r e , non présente au contrat, en faveur de Jean
Barthélém y son frère. L e m ari en donna quittance. L e 10
février 1786 , Jeanne B arth élém y fit assigner les en fans
héritiers de Jean B arthélém y p o u r venir à division et
partage. J ugem ent du tribunal du lJu y , du i t fructidor
an 7 , q u i déclara , q u a n t à p r ése n t, n o n -recev a b lc, sur
ce qu'elle auroit dû sc p o u r v o i r , avant to u t, contre la
renonciation de ses droits héréditaires. L e 11 bru m aire
an 8 , nouvelle demande en partage , avec conclusion en
nullité de la renonciation. Les défendeurs opposèrent doux.
�fins de n o n -rc c e v o ir, l’une résultante de la quittance
donnée par l e m a r i , l’autre de ce qu’il s’étoit-écoulé près
de (rente ans depuis le décès, et plus de quarante ans depuis
la r e n o n c i a t i o n . J ugem en t du tribunal de B riou de, du 3 ger
m in a l
■ voir,
an 9 , q u i , sans s’arrêter* aux deux fins de non-rece«
ordonne le partage. A p p el. A l’appui on a invoqué
•l'article C X X X I Y de l’ordonnance de 1639; on a désavoué
la qualité de tuteur dans le frère. L ’intimé s’est prévalu de
l ’article C X X X I , de la qualité d’administrateur com ptable,
et des deux premiers des trois jugemens du tribunal de cassa
tio n , dont il a été fait mention. A l ’audience, i l prit fantaisie
à l'appelant d’im agin erlam êm e fin de n on -rccevoir, qu’op
pose Jacques C h é c lin , sous le prétexte d’avoir exécuté le
jugem ent du P u y qu i déclaroit, quant à p rése n t, non-recevable. C ’est ce qui donna lieu à la quatrièm e question insé
rée dans ce jugement: « Si une demande en partage, ne con». tenant point de conclusions sur l'action en rescision
» contre la renonciation , est suffisante p ou r admettre la
» prescription ? » L e jugem ent de Brioude fut confirm é,
plaidant le citoyen Pagès-M eym ac , p o u r l’intimée. L e
m o tif qui se rapporte à la -quatrième question est ainsi
conçu : « Considérant, qu'à l’époque à laquelle a dû cesser
» la prescription de ce droit est celle du 4 février 1 7 8 ^ ,
» jo u r où l'intimé a form é contre les appelans la de» mande en p a rta g e , laquelle a été continuée par l’exploit
» du 11 brum aire an 8, qui contient faction en rescision
» contre la renonciation dont il s’agit.
Il
ne p a r o î t pas qu ’on puisse rien opposer à ce p ré
ju gé si conform e au principe ; il y a absolument parité
de raisons pour fixer l ’époque de la demande au 13 prairial
�( 23)
an 2 , continuée'’ par la cédule du 28 germinal an 7, qui
contient la demande en nullité de la renonciation dont
il s’agit : d’autant plus que la prem ière de ses demandes a
eu expressément p o u r objet de SE RÉGLER. SUR LES
successifs.
C ’est en vain que l’appelant s’est flatté d’exclure par des
d roits
chicanes, les intimés, d’une succession de valeu r de plus de
30,000 francs ; sans doute l’injustice d’une pareille ten
tative est assez démontrée*
Q u e l’on pèse la va leu r de celte renonciation par
elle -m ê m e , par la m ère qui l’a o b ten u e, par la fille qui
l ’a fa it e ,p a r la concordance de la loi et de la jurispru
dence dans le lieu de la succession , par la faculté de
réclamer dans les trente ans , m êm e par l’action intentée
réellement dans les dix. ans j il doit rester évidem m ent
dém on!ré que cette renonciation est caduque , com m e
étant faite au profit de la renonçante , si l’élection fidu
ciaire à laquelle elle p ou voit prétendre , eût été faite en
sa faveur ; que la m è r e , ne fût-elle considérée que com m e
curatrice ou simple administratrice , a joint à sa puissance,
à son ascendant, le d o l s o i t en privant sa fille m ineure
et qui étoit sous sa dépendance , d’un c o m p t e , m êm e
d’instruction , soit en lui laissant l’espoir de l’élection
d héritier ; qu’en obéissant aveuglém ent , la fille a réclamé
contre cette renonciation au m om ent m êm e qu ’elle l ’a
faite , e n se c o n s t i t u a n t ses d ro i t s p r é s e n s qui ne p o u vo ien t
être autres que ceux auxquels l’ a u t o r i t é maternelle venoit
de la faire re n o n c e r, et en donnant sa p rocu ration à son.
mari pour en faire la recherche ; q u e , bien-loin d’a vo ir
ap prouvé cette renonciation faite à vil p rix et à termes.
�( H )
élo ign é s, il n’a été reçu aucun «compte ; que ce silence
m êm e est une interruption ; qu ’il n’a pu courir de pres
cription , d’a b o r d , en puissance maritale, puis, parla nature
de la r e n o n c i a t i o n , tant que 1 usufruit a d u r é , tant que
la c ra in te révéreritielle ou tout au moins l’espoir d ’être
élue ont subsisté ; q u ’enfin il n’y a point à hésiter d ’a p p li
qu er l’art. C X X X I de l’ordonnance de 1 6 3 9 , et q u e ,
quand la cause seroit décidée par fart. C X X X I V , l ’action
en nullité est implicitement renferm ée dans la cédule du
•13 prairial an 2 , dans l’intervalle des d ix ans ; q u e c o n séquem m ent le jugem ent dont est appel doit être con
firm é avec amende et dépens.
P a r conseil, C O U I I E R T - D U V E R N E T , anc. juj'îsc*
\
C R O I Z I E R , a vou é.
J L i E C O N S E I L S O U S S I G N E , qui a vu le présent
m é m o ir e , e s t i m e qu’il a été bien jugé par le jugem ent
du tribunal d ’ Yssingeaux.
L a m ere avoit été nom m ée tutrice de sa fille par le
testament du p è r e , antérieur seulement a sa m ort de peu
de jours. P eu im p orte qu’elle fût alors pubère! le père
avoit jugé qu ’elle avoit besoin d ’ôlre mise en tutelle; les
parens en jugèrent de m ê m e , lors de la confirmation de
la tutelle , qu i fut faite par le juge des lieux. L a mère ellem êm e accepta la tutelle de sa fille p u b è re, com m e celle
des autres enfans : de p lu s, la m ère avoit l’usufruit des
biens
�(* 5 )
biens du père p ar son testament; mais cet usufruit ne
pouvôit frapper sur. la légitim e de la fille ; par consé
quent devo it n on seulement u n com pte d’in stru ctio n ,
mais m êm e un com pte d’administration p our la jouis
sance de la légitime.
tant qu’elle ne l’avoit
puler de sa fille, dans
ciation qu i em portoit
D ès q u ’elle devoit u n c o m p t e ,
pas rendu , elle ne p o u vo it pas sti
son contrat de m a ria g e, une renon
la décharge du com pte. D ’un autre
côté , cette renonciation qui n’étoit dirigée en faveur de
p erso n n e, ni acceptée par jpersonne, contrastoit singu
lièrem ent avec la clause subséquente du contrat de m a
riage , par laquelle la fille se constituent tous ses biens et
donnoit p ou vo ir à son futur m ari d’en faire la recherche.
L a dernière clause détruisoit la prem ière. L a nullité de
la renonciation doit donc paroître évidente.
A -t-o n dû se p o u r v o ir , p o u r faire déclarer cette n u llit é ,
dans les dix ans, term e fatal des actions rescisoires, ou
l’action s’est-elle p rorogée jusqu’à trente ans? L ’article
C X X X I de l’ordonnance de 1 6 3 9 , celle de 1549 et l’art,
p rem ie r de celle de 1667 , mettent hors de doute la durée
de l’action pendant trente a n s , et l’article C X X X I V de
l’ordonnance de 16 3 9 , n,£l nulle application aux actes
passés entre les m in e u rs, m êm e devenus majeurs, et les
tuteurs qui n’ont pas rendu compte. C ’est ainsi qu’on le
jugea dans les temps les plus rapprochés de l’ordonnance
de i5 3 9 , dont l’intelligence devoit être alors plus c o n n u e ,
comme on peut le v o ir dans le passage du traité de rebus
à u bü s , de M . D u v a l , qu’on a transcrit dans le m ém oire.
Si dans la suite on s’é lo ig n a , contre tout p rin cip e , de cette
jurisprudence ou fut obligé d’y r e v e n ir , lorsque parut
D
�(
)
l ’ordonnance de x 6 6 7 , et à dater de cette é p o q u e , le»
arrêts rejetèrent constamment la fi.11 de non-vecevoiv de 9
lo a n s; aussi la jurisprudence de la sénéchaussée cTAuvergno
s’y étoit-elle toujours conform ée. O11 peut en citer trois
sentences, parmi un grand nom bre d’autres l’une au, rap
p o rt du conseiller N e v r e z é , du 22 juillet 1749 ; la seconde
rendue à l’audience , lors de la prem ière cause de l’avocat
B e a u la to n , à présent juge
du tribunal,, du 24 juijle.lj
de la m êm e an n ée, et la troisièmeudu 4 juin l 'j ô i j att
ra p p o rt du conseiller Brujas. .
,•
Ce ne fut que dans les p rem ierstem p s de la révolu tio n *
qu ’on parut vo u lo ir renouveler les questions, sans néanr
moins qu ’aucune des milliers de. lois qu ’çlle a enfantés,
ait dérogé aux vrais principes de la matière et a u x ordon
nances qui les avoient consacrés; mais le tribunal de
cassation les a maintenus. O n connoît surtout celui de ce
tr ib u n a l, du 3 messidor an 4 , qui a cassé le jugem ent du
tribunal d’E v a u x , du 1,9 floréal an 3; et rien de plus tran
chant que les motifs et le dispositif de ce jugem ent du
tribunal de cassation.Premier m otif: «Q ue l’article C X X X I
5) de l ’ordonnance de 16 3 9 , déclare nulles toutes disposi» tions faites en faveur des tuteurs et autres admiuistra» teurs, directement ou indirectem ent, avant le com pte
» re n d u , et q u ’ une renonciation faite par un m ineur en
» faveur d’une
personne qu i administrent ses biens et
» agissoit p ou r les héritiers d ’un c o m p ta b le , présentoit un.
» avantage indirect on faveur de ses héritiers, :» Second
m otif : « Q u ’en pareil cas1, l’action subsiste pendant trente
53 a ris, parce que selon l’article Ier- du titre
X X I rK d e
» fordonnance de 16 6 7 , lu comptable ne cessant d e l c t r e
l
�( 27 )
» que par la reddition de son c o m p te , c’est le com pte
» seul q u i p eu t éclairer le m in e u r sur ses intérêts. »
T roisièm e m o tif : a Q u e l'article C X X X I V de l'ordonnance
» de 1 5 3 9 , qui restreint le délai à d ix an s, n’ est relatif
» qu'aux actions rescisoires qui n’ont rien de com m un avec
» celles en nullité , qui durent trente ans, et p o u r lesquelles
» il n’est pas besoin de lettres. » E n fin le dispositif, qu i casse
» le jugem ent du district d 'É v a u x , com m e contraire aux
» articles C X X X I de l’ ordonnance de 1 5 39, et prem ier
» du titre X X I X de l ’ ordonnance de 1 6 6 7 , e t com m e
» con ten a n t une f a u s s e app lication de Tart. C X X X I V
» de l 'ordonnance de 1 539. »
L e s autres questions qu’on a vo u lu élever dans cette
a ffa ire, sont trop bien discutées dans le m é m o ir e , p o u r
qu’ on pense qu’ il soit nécessaire de rien ajouter aux moyens
qui y ont été e m p lo y é s , et qu ’on adopte pleinement.
D é l i b e r È à R i o m , le 11 messidor an 10.
ANDRAUD.
À R i o m, de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur
du tribunal d’appel, — An 10. — 1802»
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
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Title
A name given to the resource
[Factum. Coutanson, Pierre. 1802]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Couhert-Duvernet
Croizier
Andraud
Subject
The topic of the resource
tribunal de familles
minorité
tutelle de la mère
doctrine
ordonnance de 1539
Description
An account of the resource
Mémoire pour Pierre Coutanson et Marguerite Chéclin, sa femme, intimés ; contre Jacques Chéclin, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1802
1770-1802
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
27 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0703
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0209
BCU_Factums_M0210
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Yssingeaux (43268)
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minorité
ordonnance de 1539
tribunal de familles
tutelle de la mère
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Text
f
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*‘
MEMOIRE
••
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*
P o u r
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G i l b e r t - L o u i s B A R A T I E R , ju g e s u p p lé a n t d u trib u n a l d 'a r r o n d is s e m e n t d e G a n n a t , i n t im e et a p p e l a n t ,
-CONTRE
• . J os e p h
B O S T , habitant de la commune de Montigne t,
et G i l b e »r t e B O S T sa s œ u r ,* habitante de la ville
* , .»
de G a n n a t , appelans et intimés
E T
.
E liza b e th
E tie n n e
ENC ORE
;
C O N T R E
T A I L H A R D A T , et
J ea n -B a p tiste-
C R E U Z E T son m a r i , habitans de la
ville de Moulins
T A I L H A R D A T , prêtre, habitant de la
commune de St.-Aubin •
A
n t o in e
G ilb e rt
C h a rles
P A R R I O N , J e a n - B a p t i s t e L A P L A N CHE , e t
La Cenne C A M U S sa f e m m e , tous habitons de la
CAMUS D E
FONTENAY,
commune de Bellenave, intimés.
L e cit. Baratier est donataire on entre-vifs dé Gilbert Baratier et
Gilberte Bost,, scs oncle et tante.
■■ •
Cette donation remonte au 14 novembre 176 7.
„
*■ '•
* fc
"t
Elle comprend tous leurs biens meubles et immeubles présens,
sauf une réserve.
"
.
.
A.
•
�La propriété Je ces biens réside donc sur la tête du cit. Baratier
depuis plus de, trente-six ans.
,
C ’est sur la foi de cette donation qu’il a contracté mariage- ,
Oii’il
est^ né'six’ ^enfaiis de cette union.
„
#•«
V.
C ’est sur cette donation que repose son existencC sociale et celle
de sa nombreuse famille.
*
C e llç don’ation est attaquée aujourd'hui par le citoyen Bost et
sa sœur.
. c.
Elle a*été confirmée par le tribunal d’arrondissement de G annal,
pour les immeubles, qui forment la presque universalité des^bjftts
donnés.
«
■
■
L e cit. Bost et sa sœur sont appel ans de ce jugement.
Elle a été annullée quant au mobilier.
■'
L e cit. Baratier ,esl appelant en ce chef.
‘
;
*ï, 1
.
. £
L a contestation pimente aussi quelques autres objets sççchidaires,
pour lesquels le cit. Baratier et le'cit. Bost et sa .sœur sont respec
tivement appelans ou intimés.
A en juger par le mémoire de soixante-dix-sept pages d’impres
sion , signifié par lé"citoyen Bost*, cette discussion doit paroître
effrayante.
'Toutefois , le cit. 'Baratier espère qu’ avec de l’ordre il par
viendra à porter partout la clarté et la conviction.
Ir/ y a dans presque toutes les affaires le chapitre des person
nalités; ce chapitre n ’a pas été oublié dans celle-ci par le cit. Bost.
Sa censure est en défaut contre le cit. Baratier neveu, partie au
• procès. Son absence ¿1 l’époque de la donation, ses bons procédés
envers la famille B o st, la manière tendre et affectueuse dont le
cil. Bost a été lui-même accueilli et traité pendant toute sa jeunesse
dans la maison du cit. Baralior, son caractère connu de bonté,
*tle bienfaisance et de loyauté, en ont imposé au cit.. B ost, et ne
lui ont pas permis de hasarder contre lui la plus légère inculpation.
11 s’en est amplement dédommage contre la mémoire du c it._
Baratier oncle.
�( 5 )
Il est si Facile de calomnier les m orts, et de prêter une couleur
défavorable à des ,faits qui remontent à quarante a n s , surtout
hors des lieux où ils se sont passés!
On aura occasion de relever ces inculpations , et de justifier la
mémoire du cit. B aratier, dans le cours de celte discussion, en
traitant les différons objets auxquels elles ont quelque rapport.
On ne pourroit s’en occuper dans ce moment, sans s’exposer a
des répétitions, et sans mériter le reproche qu’on fit à ce voyageur
qui, pressé d’arriver, perdoit son temps à tuer des sauterelles qui
l'incommodoient dans sa route.
O B J E T S
DE
D I S C U S S I O N .
§. r TPrétendue nullité de la donation, tirée des biens présens et h venir.
A r
p f. r,
L e cit. Bost avoll accumulé , en cause principale, les moyens de
1 cit. Bost.
nullité contre la donation.
1
L a première nullité éloit fondée sur ce qu’elle avoit été reçue
par deux notaires hors de leur résidence.
« Auj ourd’h u i , en cause d ’appel, dit le cit. Bost dans son mé« moire, page 9 , on n’entend pas insister sur le premier moyen de
« nullité , et on tombe d ’accord que les actes passés par des notaires
« hors de leur résidence ne sont pas moins valables ,, lorsque les
« notaires ont instrumenté dans l’étendue du ressort de la justice
« où ils ont été reçus et im m atriculés......................A insi c ’étoit in« considcrvmcrit qUe ce moyen avoit été proposé au tribunal de
<( première instance , et on n'a garde d’y insister sur l’appel. »
L a seconde nullité éloit fondée sur ce que le procureur constitué
du donataire avoit, disoil-on , excédé scs pouvoirs.
« On 11’insistera pas non plus sur le deuxième-moyen de nullité,
« dit encore le cil. B o s t , même page 9.................. On croit devoir
« abandonner ce m o yen , parce qu’en examinant plus attentivement
A 3
•
«
�(4)
u
«
«
«
«
la procuration , on y a \n ([u outre le pouvoir donne an procu—
reur constitué, de souffrir dans la donation la réserve de
i5,ooo fra n c s, il lui a été de plus donné un pouvoir général de
consentir à toutes autres clauses que ses donateurs voudroient
attacher à sa donation. »
L a troisième nullité étoit tirée de ce que la donation, d’après
le cit. B o s t , cornprenoit des biens présens et à venir; et il s’expli
que ainsi sur ce troisième moyen, page 10.
« Mais il n ’en est pas de même du troisième m o ye n , fondé sur ce
« que la donation comprend tout à la fois des Liens présens et
« à venir, et on ne croit pas devoir le négliger. »
11 est bon de s’arrêter un instant à ces dernières expressions, pour
en déterminer le vrai sens, et en connoître toute la valeur en langage
de palais.
L e premier moyen de nullité avoit été proposé inconsidérém ent.
L e second l’avoit été parce qu’on n ’avoit pas examiné assez atten
tivement la procuration.
Mais à l’égard du troisième, on hésite si on l'abandonnera ou si
on insistera à en faire usage. On se détermine à le hasarder, parce
qu’enfin , tout pitoyable qu’il est, on n e croitpas devoir le négliger.
A u surplus, on ne sera pas étonné de ce peu de confiance du
cit. Bost dans ce troisième moyen, quand on verra qu’il est aussi
inconsidéré que le premier, et qu’il n’a été proposé, comme le
second , que parce qu’on n ’a pas examiné assez attentivement la
donation, dont on a même tronqué les expressions les plus essen
tielles, en affectant de les transcrire en lettres italiques, tout autre
ment qu’elles ne sont dans le texte.
Quoi qu'il en soit, ce troisième moyen est donc fondé sur cc que,
d’après le cil. Bost, celte donation comprend des biens présens et
des biens à venir.
O r, premièrement, il est faux que la donation dont il sagit com
prenne des biens à venir.
Secondement, le fait seroitvrai, q u ’il seroit sans conséquence pour
les biens p résen s, d ’après l’aveu consigné dans plusieurs endroits
�(5 }
du mémoire du cit. B o s t, et spécialement page
58 , où il s’exprime
en ces termes :
« 11 est vrai que c ’est par deux clauses différentes du même acte;
« que dans la première il est fait une donation de biens presens,
« et que dans la seconde il est fait une donation de biens à venir. »
Nous disons, en premier lieu, qu’il est faux que la donation
dont il s’agit comprenne des biens ii venir.
E t , en e ffe t, on Ht dans cet acte que Gilbert Baratier, et Gilberle Bost son épouse, donnent à Gilbert-Louis Baratier, leur
neveu , « ¡\ titre de donation pure, simple , irrévocable, et entre« x'ifs, tous uns chacuns leurs biens meubles et immeubles pre'sens,
« droits et actions qui leur compétent et appartiennent, de quelque
« nature qu’ils soient, en quoi qu’ils puissent consister, et en
« quelque lieu qu’ils soient situés, et sans qu’il soit nécessaire de
« les rappeler ici expressément. »
Les donateurs se réservent ensuite, premièrement, la propriété
de la charge de contrôleur au grenier à sel de G an n at, dont est
pourvu Gilbert Baratier, donateur : secondement, des meubles
ineublans, pour une somme de 1,000 francs, à prélever sur ceux
compris dans la donation : troisièmement, la propriété et dispo
sition d’une somme de 19,000 francs, laquelle, après le décès des
sieur et dame donateurs, sera payée et acquittée sur les biens
compris en la donation, dans le cours d’une année, en deniers ,
effets ou immeubles, au choix du donataire, et par estimation à
dire d’experts, à ceux ou à celles au profit desquels lcsdits sieur et
d a m e d o n a t e u r s o n auront disposé.
Vient ensuite l a c l a u s e dont le cit. Bost abuse contre le cit.
Baratier, soit pour en induire une d o n a t i o n de biens à venir, soit
pour en induire la conséquence que celte prétendue donation de
biens à venir vicie celle très-réelle des biens présens, qui précède.
On a vu que le cit. Baratier, donataire, étoit neveu du cit. Gil
bert Baratier , donateur ; et par conséquent dans l ’ordre de lui
succéder.
�(6 )
L e cit.. B a r a l i e r , oncle, n’entendoit pas que la donation qu’il
faisoit à son neveu, de ses biens présens, pût nuire à la portion
héréditaire que lui assuroil la loi dans sa succession.
M ais il vouloit eu même temps disposer à son g r é , soit de ses
réserves,
soit des acquêts ou conquêts qu ’ il pourroit fa ir e , de
m anière qu ’il n ’entendoit réserver à son neveu que sa portion dans
sa succession , telle qu’elle lui seroil déférée par la l o i , et sans lui
assurer une obole.
Ce qui signifioit, en d’autres termes, qu’il entendoit seulement
que la donation de tous scs biens présens fut en préciput et avantage,
et rien de plus; ce qui étoit alors de droit en ligne collaléralle,
mais ce qui étoit sans doute ignoré, soit du cil. Baralier donateur,
soit des notaires rédacteurs.
Quoi qu’il en s o it, c’est dans ces vues qu’a été rédigée la clause
qui suit :
« Et le cas arrivant qu’ils ( les sieur et dame donateurs ) vinssent
« à décédei^i(7/^v avoir disposé de tout ou partie des choses re'ser« v ées, ensem ble des acquêts qu’ ils pourront avoir f a it du jour et
« date (les présentes , lesquels, bien entendu, leur demeureront
« pareillement réservés, ils veulent et entendent que ledit Gilbert« Louis Baratier, nonobstant la présente donation , soit conservé
(f dans son droit de succéder , comme héritier, auædites réserves
« et conquêts ; lu i fa isa n t, quant à p résen t , donation et institu« Lion d e s a p o r t i o n i i é k é d i t a i r e , pour ledit cas oii ils décéde« roient sans avoir autrement disposé de tout ou de partie desdites
« réserves et conquêts. »
On a dit plus liaut qu’il n ’y avoil pas, dans cette clause, de
donation de biens à venir, et rien n’est plus évident.
D i s t i n g u o n s ici l es donateurs, e t c o m m e n ç o n s par G ilbert Baratier.
Il ne donne i-ien , il n ’assure rien à son neveu dans ses biens ù
venir ; tout se réduit, dans celle clause , à ceci :
S i, à mon décès, je n ’ai pas disposé de tout ou partie de mes
réserves, ou de ce que je pourrai acquérir par la suite, j’entends
que ruon neveu , donataire, y conserve sa portion héréditaire : o u ,
�ce qui revient au mêm e, je veux que la donation que je viens de lui
faire soit en préciput et avantage, et ne nuise pas à ses droits héré
ditaires, si je laisse quelques Liens dont je n’aie pas disposé.
O r , il est évident qu’avec une pareille clause le cit. Baratier
oncle ne donne rien.
E t , en effet, ou le cit. Baratier, donateur, aura disposé avant
son décès de ses réserves et de ses acquêts, ou il n ’en aura pas
disposé.
S'il en a disposé en totalité , le cit. Baratier n’a rien à y prétendre.
S ’il n ’en a pas disposé en tout ou en partie , le cit. Baratier étant
son héritier de d r o it , il recueille sa portion héréditaire de ce dont
il n’aura pas été disposé, par l’effet seul de la loi, et sans avoir
besoin de cette clause.
C ’est donc une pure superfluité que ces expressions de donation
et institution , pour ledit cas où il décéderoit sans avoir autre
ment disposé de tout ou de partie desdites résen'es ou conquéts.
Et on voit que toutes les parties ont mis si peu d’intérêt dans
ces expressions de donation et d’ institution, qui se trouvent jetées
an hasard dans cette clause qui est d ’ailleurs inutile dans toutes
scs parties , qu’elles ne sont pas même suivies de l’acceptation du
cit. Baratier ou de son fondé de pouvoir.
C ’est ici le moment de relever l’infidélité du cil. Bost.
Après avoir dit, page G de son mémoire, » qu’il n’est pas inutile
« de rapporter exactem ent et mot pour mot les termes de la dona« tion faite tant par le mari que parla fem m e, » il transcrit cette
donation tout entière, et il termine celte transcription en ces termes :
« I j I . s q u i . d o n a t i o n s le procureur constitué dudit (jilbert« L o u is Baratier a pour lu i reçues et acceptées. »
Et plus loin, page 11 , il répète :
« E t cela a été si bien entendu, qu’après celte disposition il est
« dit : L e s q u e l l e s d o n a t i o n s , ce qui se rapporte tant à la première
« des biens présens, qu’à la seconde des biens à venir, le procureur
« constitué du donataire a pour lui reçues et acceptées.
« Q u ’on prenne bien garde, ajoute le cit. Bost, à ce terme de
�« donation
em ployé
(8 )
dans la seconde clause, et à Vacceptation qui
« en est faite , etc . »
^
Eli ljicii ! qu'on lise attentivement l’acte de donation , cl on n ’y
trouvera pas un mot de cette acceptation ; on y verra au contraire
qu’il n ’ v a d ’acceptée que la seule donation des biens présens.
On y lit en effet ce qui suit :
« Ladite donation ainsi faite sous la réserve, en faveur desdits
« sieur et dame donateurs, et du survivant d’eux, de la jouissance,
«' u s a g e et usufruit de tous les biens meubles et immeubles qui y
(t sont compris , promettant les tenir, de ce jour, à titre de cons« titut et précaire , en entretenir les immeubles en état de répara« tions usufruitières , jusqu’à ce que ledit usufruit en soit consolidé
« à la propriété; et quant aux meubles et choses mobilières coni« pris en la présente donation , indépendamment de ceux desdits
« meubles ci-dessus réservés, il en a été dressé un état signé et
« certifié desdits sieur et dame donateurs, qui sera annexé à la
« minute des présentes, pour, ledit usufruit et jouissance finis, être
« lesdits meubles et eflets mobiliers remis audit sieur donataire.
«
L
aqu elle
d o n a t io n
,
ledit C o m b e t , audit nom de fondé de
« ladite procuration dudit G ilbert-Louis B a ra lier, et pour lu i, a
« reçue et acceptée avec reconnoissance, et a promis en exécuter
« et accomplir toutes les clauses et conditions, et se sont dès à
« présent lesdits sieur et dame donateurs
démis , dés'dtus et
« dessaisis desdits biens. »
Il est donc clair qu’il n ’y a eu qu’une seule donation acceptée , et
non plusieurs , et que cette donation acceptée est celle des liions
présens , dont les donateurs se sont réservé l ’usufruit, cl dont ils se
sont dès à présent d ém is, dessaisis et dévelus en faveur du dona
taire.
C ’est donc une infidélité manifeste, et une double infidélité de
la part du cit. Bost, d’avoir altéré deux fois le texte de l’acte, et
d ’avoir imprimé en lettres italiques, l e s q u e l l e s d o n a t i o n s , au lieu
de l a q u e l l e d o n a t i o n , pour en imposer à la justice , et tromper la
bonne foi des lecteurs.
Quoi
�( 9 )
.
.
Quoi qu’il on soit, il reste dém ontré, quijint au cit. Baratiei
oncle, qu’ il n’a rien donné au cit. Baratier neveu , par cette clause
• 1
1**1
purement surabondante; qu’il n’a, rien voulu lui donner, e qu 1
n ’a l'ait que s’en référer au ministère de la loi.pour sqportion
ditaire, dans le cas o ù , à l’époque de son d écès, il luiresleroit quel
ques biens dont il n’auroit pas disposé, comme tout ou partie de sa
réserve ou des conquéts qu’il pourroit fair.e , fi compter de ce jour.
Mais cette clause , insignifiante pour le^it..Baratier oncle , 1 est
encore bien davantage pour la dame Baratier, tante du donataire.
L e cit. Baratier, donataire, n ’étoit pas dans l ’ordre de lui succé
der ; et comme toute cette clause se réduit à dire que nonobstant
la présente donation, qui comprend tousles b i e n s présens des dona
teurs , il ne sera pas exclus de sa portion héréditaire dans les ré
serves ou dans les conquéts , dans led it cas ou ils décéderaient
sans avoir autrement disj>osé de tout ou de partie desdites
réserves et conquéts ; il est évident que la dame Baratier ne donne
rien au delà des biens présens compris dans la donation , qu’elle
n ’ assure rien , puisque le cit. Baratier neveu n ’a point de portion
héréditaire à espérer dans sa succession.
Celle clause est donc absolument pour elle dans la classe D ç
inutilibus stipulationibus, qui forment la matière du titre X X du
liv. 111 des Instituts, que la loi suppose comme non écrites ; comme
si on donnoit un esclave mort ou un bippoeentaure qui n ’existe
pas. A t si <juis rem quœ in rerurn naturd non e s t, aut esse potest,
duri stipulatus fu e r it, v elu ti stychum qui mortuus s\t quem nji~
vere credebat, aut hippocentauruin qui esSe non p o ssit, inutiles
erit stipulatio.
j
M a i s le cit. Baratier peut aller plus loin : supposons qu’en effet
il y eût dans cette clause une donation de biens à venir, comme
le prétend le cil. Bost; ce seroit en tirer une très-laussc consé
quence, d’en conclure que cette donation des biens à venir, cir
conscrite dans une clause distincte et séparée , peut porter atleinte
B
�;i la donation fies biens présens, quol'on-convient être on elle-même
aussi régulière -et aussi parfaite* qü’il'soit possible d e le désirer.
Q u a n d l’article X V !d c l’ortlo'nriancé 'du i y 5 1 interdit'les dona
tions de b i e n s ' présens et à'N-criir1, lioi’s feonirdt de mariage, à
peine de n u llité desdites donations, même pour les biens présens ,
c e t t e loi suppose une donation solidaire de biens présens et à venir,
‘qui comprenne promiscuemoiit ces deux naturps de biens dans une
même clause, et'par une-même diction.
.
CJini dorintor eodem sermone , tj'fuso scilicet et g e n e m li,
Universas res suas sit com p lexa s, comme le dit V a lla , D e rebus
d u b iis , traité 2.
11 importe peu en effet que dans le même acte on fasse plusieurs
donations, les unes êntre-vils, de biens présens, et les autres d ’une
àutre nature, qui comprennent des biens à venir; les premières
peuvent être valables, et les secondes ne l ’être pas, parce que,
é t a n t distinctes, séparées et indépendantes les unes des autres, leur
sort est également indépendant, et leur régularité ou irrégularité N
ne sont pas solidaires.
,11 ne faut pas confondre la donation en elle-même avec Pinstrument de la donation.
' L a donation entre1vifs ne doit comprendre d’autres biens que
c e u x tpd appartiennent au donateur dans le temps de la donation :
ce sont les termes de l’ordonnance; et la donation entre-vifs, faite
au cit. Baratier; la seule par lui acceptée, ne comprend que les
biens qui apparlenoient àu’donateur dans le temps de la donation.
L a loi a donc été parfaitement observée, et tout est terminé à
cet égard, quant à la forme et quant au fond.
Quand le même acte qui contient cette donation e n t r e - v i f s de
biens présens, qui à tons les degrés de perfection qu’il est possible
de désirer , conliendroit cent autres dispositions de tout autre
genre, toutes nulles, dès qu’elles sont distinctes et séparées de
celle-ci, elles lui sont étrangères, et ne peuvent lui communiquer
les vices dont elles peuvent être infectées.
�C-» )'
Indépendamment que la raison le-: ,icut .a i n s i r*cl! 11 ost l “ us
propre à démontrer que tel est l’esprit de;ççtte ordonnance , que la
disposition textuelle de l’article X V I dp celte loi.
;o,. - ■ i
Cet articlo déclare nulles les donations,qui ,■quoiqu'elles ne oom-v
prennent que les biens présens, seront faites à condition de payer
les dettes et charges de la succession du (Jonateur, ou autres con
ditions dont l’exécution dépend deda s e u l e v o l o n t é du. donateur.
« Et en cas, est-il ajouté, qu'il ëc soitlréservé la,libçfté,de disk, poser d’un-effet connais, dans la; donation , ou d ’un*« somme fixe
« à prendre sur les>biens donnés , voulons que leditreffet ou ladite
« somme ne puissent être censés compris dans la donation, quand
« même le donateur seroit mort sans en avoir disposé : auquel cas ,
«■ledit effet o u ladite somme appartiendront aiijs. liqritiers. du ddnar j
« leur, nonobstant toutes clauses ou stijfulations cqlitraires'. » !
Cet article suppose des donateurs q i û , ço,rtivne les,sieur et.dame
Baratier, se sont fait une r é s i d e dur les bien&dûnnés, d’une somme ,
quelconque.
f- ' ♦
11 suppose que ¿es donateurs.ont stipulé q u e cçl.te;M’serve appnrlicndroit au donataire, dansdfiica» où. ils, n ’eik aujçoievxt pas-disposé..Cet article décide q u e , . nonobstant çett,e\sp'-fHdation > qui £sl
comprise dans ces expressions .¡générales!, S 7{Q'[io,b,st'fint lotîtes,. IcA
clauses ou stipulations contraires1 , la. §omme -.réservée Appar^.
tiendra aux héritiers des donateurs.
i
Mais cette loi n’annulle pas pour cela la disposition première, qui
est entre-vifs et des biens présens ,( parG(i qu’cll'ejêM c o m p l è t e et
parfaite, et indépendante de cette disposition iSééondaire avec la?:
q u e l l e cite n ' a r i e n d e c o m m u n .
E t il ne faut pas perdre
de
vue que la
-
,
■■.Wv''î.
décision
a
de'cet article X V I
est en bien plus forts ternies que l ’espèce qiii se présente,, puisque la,
loi suppose une disposition , à la vérité éventuelle ,.- niais formelle,\
des objets réservés, en faveur du donataire, fei\,çaô de .îiqu-djô'pôsi-.
lion au profit de tout autre ; au lieu que,- dans l’espèce, il n ’y a , de
la part de la dame Baratier , aucune espèce dé'disp'Osition au profit
de liaratier neveu, puisque, toute la;clause n’a.trait qu’à la portion>
B 2
�( 12 )
héréditaire, et que Bar aller neveu n ’étoit pas dans l’ordre de
lui succéder; el qu’à 'l ’égard dé Baralier oncle, il ne donne égale
ment rien à son neveu dé sa réserve et aulres Liens à venir, puis
que tout se’ réduit , dans Cétte cluuse , à dire que si le cit. Baralier
oncle n ’a pas disposé de cette réserve ou de scs autres biens à
venir, le cit. Baràtler neveu y conservera sa portion héréditaire ;
c’e s t - à - d i r e , q u 'il!H e ’sera pas exclus de sa succession, et qu’il
y prendra la portion'que là loi lui déférera.
A u surplus, ce que décidé cet arlieleX V Id e l’ordonnance de 1731,)
est décidé dans lemêmè seils par les auteurs qui ont prévu la ques
tion, par le texte du nouveau Code civil, et les discours des célèbres
jurisconsultes qui ont présidé à sa rédaction, et enfin par la juris
prudence du tribunal civil du département, qui a' précédé le Iriburtal d’appel.
..
' »
On a déjà vu précédemment ce que dit à cet égard Vrilla, dahs
son traité D e rebus d u b iis, que la donation des biens ài venir ne peut
vicier la donation des biens présens, que lorsque ces deux natures
de biens sont cùniùlées et confondues de manière à ne former qu’un
seul tout : Ciun dotiator eodem sermotie, effuso scilicet etgenerali,
universas res siltiS} sit com jjlexus ; c onfme s’il étoit d it, dans la
donation dont il sagit, que les sieur et dame Baratier donnent, à
titre de donation p u r è , simple , irrévocable et entre-vifs, tous
uns chacuns leurs biens meubles et immeubles présens et à
venir, droits et actions} ■elc.
Alors ce seroil'le c a f de l’application de l’ordonnance,parce que>
la donation des biens présens et à venir seroil faite eodern serm one, effuso scilicet et generali ;■et il y auroit lieu de dire, avec
Valla , à l’endroit'cité, qu’on^ne peut les diviser, et que la donation
des biens présens doit suivre le sort de celle des biens a venir : E t
ipsa donatio respecta înobiliunl et immobilium futurorum non
su b sistâ t, nec in alir\ rebus sustinenda m detur, ne eadern res
y e l oratio diverso jhre censeatur.
:
:
C ’est ce qui fait dire à Sallé , dans son commentaire sur cette
ordonnance, que « le législateur n’ai pas jugé à propos de permettre
�( >r> )
« la séparation dos Lions présens cl des biens à venir, parce qu il
« est en effet contraire a u x véritables principes de diviser, après
« co u p , un acte qui a été originairement un dans l’ esprit des
« contractans. »
Nous lisons, dans le nouveau Code civil, ce qui su it, liv. III,
art. C C X X X I 1I.
« La donation entre -■vifs ne pourra comprendre que les biens
« présens du donateur ; s i elle comprend des biens à v en ir, elle
« sera nulle h cet égard. »
Et le cit. Bigot de l ’ réameneu nous donne, dans son discours,
l’explication de cet article, en ces termes :
« On avoit, dans l’ordonnance de 1 7 3 1 , déclaré nulle, même
« pour les biens présons, la donation qui comprenoit les biens pre« sens et à venir, parce qu’on regardoit ces dispositions comme
« indivisibles, a moins que l’ intention contraire du donateur ne
« f û t reconnue.
« Il est plus naturel de présumer que le donateur de biens pré« sens et à venir n ’a point eu intention de disposer d ’une manière
« indivisible : la donation ne sera nulle qu’à l’égard des biens à
« venir. »
Il résulte de ce passage, premièrement, que la disposition de
l’ordonnance de 1751 n ’étoit fondée que sur la présomption de
l’indivisibilité des biens présens et à venir; ce qui supposoit, comme
on Fa dit précédemment, qu’elle étoit faite par la même clause, et
d’une manière générale : eodem serm one, ejfuso s c i l i c e t e t generali.
Secondement, que cette présomption de la loi c e s s o i t lorsque
l’ intention contraire du donateur étoit reconnue ; à plus Jorle raison
lorsque, comme dans l'espèce, c e t t e intention c o n t r a i r e étoit évi
dente, et que la disposition des biens présons et la disposition pré
tendue des biens à venir étoient contenues dans deux clauses dis
tinctes, séparées, et étrangères l’une à l’autre.
Enfin ces principes ont été consacrés en l’an 7 , par un jugement
du tribunal civil du département, rendu en bien plus forts termes
que l’espèce qui se présente.
�Il
s ’agiss oit
( l/l )
d’une donation enlrc-vifs, faile par François Rigaud
de Chadelcuf, au profit d’Anloine Rigaud son fils, le 11 mars ï'JÇp,
de différais bestiaux et meubles détaillés audit acte; plus, d ’une
m a i s o n , grenier, aisances et dépendances , appelée Lagoulelte, et
tic tous les objets qui s’y trouveraient au décès dudit Rigaud père.
Cette donation comprenoit, de la manière la plus formelle, des
biens à venir, les objets qui se trouveraient dans la maison don
née, au décès du donateur. Ces biens h venir éloient dans la même
clause que les biens présens.
Mais il a suffi que les biens présens fussent distingués , ou
pussent l’être des biens à venir, qu’il n ’y eut pas ind ivisibilité ,
pour qu’on ait regardé cette stipulation des biens i venir comme
sans conséquence.
L e jugement rendu, en l’an. 7 , sur la plaidoirie des cit. M arie
et T a r d if, sans s’arrêter à la demande en nullité de ladite dona
tion , dont la veuve Rigaud, et les frères et sœurs du donataire
ont été déboutés, a ordonné qu’elle seroil exécutée selon sa forme
et teneur; en conséquence envoie Antoine Rigaud en possession de
tous les immeubles compris en ladite donation, ensem ble de tous le$
meubles , denrées et bestiaux, qui y sont inventoriés seulement.
Il 11'est pas nécessaire de faire sentir la différence de l’espèce
sur laquelle il a été statué par ce jugement, de celle qui se pré
sente à décider pour le cit. Baratier.
Dans la première, la donation de biens à venir étoit expresse et
formelle : dans celle du cil. Baratier il n ’y a point de donation
réelle de biens à venir; puisque tout se réduit à 11e pas l’exclure de
sa portion héréditaire dans la succession de son oncle, s’il n ’a pas'
disposé de scs réserves ou d e scs acquêts futurs, et q u ’ e l l e se ré
duit a b s o l u m e n t à ricri , de la part de la lanlc, puisqu il n’y a pas
<\c portion héréditaire pour le cit. Baratier, de son osloc.
Dans la première, la donation de biens piV:sens et à venir éloifc
dans la même clause : et dans celle du cit. Baratier, d ’après le cit.
Bost lui-même, la donation dés biens présens, et la clause où il
croit trouver une donation de biens
venir, sonl absolument dis-
�tinctos, séparées ,• indépendantes, étrangères 1 une à 1 autre, et n ont
a b s o l u m e n t ri(in d e c o m n i u n .
Le cit. B o s t auroit donc luit sagement de négliger ce preten u
moyen de n u l l i t é , qui est aussi inconsidéré que le p r e m i e r , e t aussi
ridicule que le second , qu’il avoit proposés en cause piincipale, et
qu’il a abandonnés sur l'appel.
Au surplus, le cit. Bost annonce assez le peu de confiance qu d
place dans ce moyen, par ces conclusions subsidiaires qui tex minent
son mémoire : « E t ou la donation de 1767 , quant a u x unmeu« M e s, seroit jugée v a la b le ............... audit cas , dire qu il a etc
« mal jugé parle jugement dont est appel, aux chefs dudit juge« ment qui déclarent non-recevables , ou qui déboutent les appe« lans des demandes en remploi et récompense, etc. »
C ’est donc à ces remplois et récompenses que paroissent se b o iner les espérances du cit. Bost. O n -verra bientôt jusqu’à quel point
elles sont fondées. M ais, pour suivre la marche qui nous est tracée
par le cil Bost, dans son mémoire, il laut discuter avant ce qui
est relatif aux meubles compris dans la donation, et à l’état qui
en a été f a i t , et qui a été annexé à la minute de celle donation.
S- I IPrétendue n u llité de Vétat du mobilier.
L a donation a été annullée, dans c e t t e p a r t i e , p a r l e motif que A p p e l
cet état des meubles n’est pas signé par le cit. B a r a l i e r ou son du cit. Baratier.
fondé (le p o u v o i r , mais seulement par les sieur et dame Baratier,
donateurs.
L e cit. Baralier est appelant en ce chef, et il lui sera facile de
justifier son appel.
v
Il faut encore commencer, sur cet article, comme sur le précé
dent, par rectifier une seconde infidélité commise par le cit. Bost
. dans la transcription de celte donation : on lit ce qui suit, page 8
de son mémoire.
�( 10 )
« Et q u a n t aux meubles et choses mobilières compris en la pré« sente donation , il en sera dressé un état signé et certifié desdits
s i e u r et dame donateurs, qui sera annexé à la minute des pré« sentes. »
A u lieu de ces expressions, II en sera dressé un é ta t, l’acte
porte : « Il en a été dressé un état signé et certifié desdits sieur et
« dame donateurs, qui sera annexé à la minute des présentes. »
Ces expressions, a été ou sera, ne sont rien moins qu’indiffé
rentes.
Il est rare que l’état du mobilier soit fait avant la donation, ou
dans le même instant mathématique que la donation ; cela est même
impossible , lorsque les parties ne savent pas signer: c’est alors un
second acte qui ne peut être fait que par le ministère des notaires ,
et qui ne peut se faire qu’après le premier.
Lors même que les parties savent signer, cet état ne se fait ordi
nairement qu’après coup. Il peut être long, et n ’être parachevé
qu’au bout de quelques jours : et cela est indifférent, pourvu qu’il
soit parachevé dans le délai de l’enregistrement, parce qu’il suffit
que cet état soit annexé à la minute lorsqu’elle est présentée à l'en
registrement.
Lorsque cet état est fait après la donation, c’est le cas le plus
ordinaire, et celui prévu par l’ordonnance, alors il faut rigoureuse
ment qu’il soit signé par le donataire, parce qu’il devient, en quel
que façon, un acte secondaire qui ne peut avoir de vertu que par
les signatures respectives des parties, et que sans la signature du
donataire, celui-ci ne seroit pas censé instruit de ce qu’il c o n tien t,
de la quantité et de la qualité des objets dont il est devenu pro
priétaire par l ’effet de la donation.
Mais lorsque cet état est fait avant la donation, qu’il est préexis
t a n t , qu’il est énoncé comme tel dans la donation, et réuni à la
minute à l’instant même de sa rédaction, alors le donataire, en
acceptant la donation et en la signant, remplit le vœu de la lo i , et
il ne reste rien à désirer pour le complément de la donation.
O n ne voit p a s, en e f f e t , cc que pourroit produire dans ce cas
uno
�(
;
une seconde signature; elle ne rendroit pas la donation plus cer
taine pour la quantité et la qualité des objets donnés , plus irrévo
cable dans ses effets: tout est déterminé d ’une manière invariable
par l’état fait et signé par les donateurs avant la rédaction de la
donation, énoncé comme tel dans la donation même, et qui a fait
une partie intégrante de cette donation , qui a été acceptée et
signée par le fondé de pouvoir du donataire.
Si l'on veut se convaincre que tel est l’esprit de cette ordon
nance , il suffit de poser l’hypothèse d ’une donation qui comprend
tous les meubles et effets provenus d'une succession , avec la men
tion formelle qu’ils sont donnés tels qu’ils sont énoncés dans l’in
ventaire juridique qui en a été fait la veille, lequel inventaire est
annexé à la minute de la donation : personne, sans doule, n ’osera
prétendre que cette donation est sans effet pour ces meubles, quoi
que cet inventaire ne soit pas signé par le donataire.
O r , si le défaut de signature, de la part du donataire, de cet
inventaire juridique, ne nuit pas, dans l’espèce proposée, à la dona
tion des meubles qui y sont désignés, comment peut-on soutenir
que c'e défaut de signature du donataire doit être plus rigoureux et
plus fatal pour l u i , lorsqu’il s’agit d’un état et inventaire fait par le
donateur lu i - m ê m e , signé par lu i, préexistant à la donation,
énoncé comme tel dans la donation , et d ès-lo rs ne faisant qu’un
avec la donation qui est acceptée et signée par le donataire?
Il faut sans doule respecter la loi quand elle est écrite, et s’y
conlormer : mais il faut aussi savoir la circonscrire dans les cas
qu’elle a prévus; en faire une application juste, telle qu’elle soit
avouce p a r lo b o n sons et la raison, et éviter surtout les subtilités
et les arguties, qui ne sont propres qu’à déshonorer la législation.
Au surplus, c’est une erreur de croire qu’une donation entrevifs, qui comprend des effets mobiliers dont l ’état seroit défec
tueux , seroit frappée de nullité pour ce qui concerne ce mobilier.
L ’ordonnance porle seulement: « Faute de quoi, le donataire ne
« pourra prétendre aucun des meubles ou effets mobiliers compris
x< dans la donation. »
C
�( i8 )
L a loi se contente, dans ce cas , de refuser au donataire l’action
pour demander la délivrance de ce mobilier au donateur ou à ses
héritiers.
D ’où il faut conclure, que si tout ou partie de ce mobilier a été
délivré au donataire par le donateur, ou que le donataire en ait été
mis en possession de son consentement, comme l’a été le cit. Baratier pour les meubles qui garnissoienl l’appartement qui lui a été
abandonné pour son logement et celui de sa famille, il est en droit
de retenir ce mobilier, comme maître légitime des choses données,
sans que le donateur ou ses héritiers aient aucune sorte d’action
pour les revendiquer.
A u reste , il n ’est pas inutile d’observer que tout le mobilier
compris dans l’état annexé à la donation, appartenoit au cil. Baratier oncle ;
»
Q u’il avoit été acquis pendant la durée de son premier mariage
avec la demoiselle Cluzel ;
'
'
Qu’en épousant Gilberte B o s t, en 1762 , elle n’apporta, dans sa
maison , que son trousseau ;
Q u ’elle n ’a pas recueilli de mobilier depuis son mariage, son
père étant mort insolvable, et a ja n t été forcée de renoncer à sa.
succession ;
Q u ’enfin, ce mobilier, personnel au cit. Baratier, n ’a pas fait
partie de la communauîé d’entre lui et Gilberle Bost, attendu que,
par une clause expresse de leur contrat de mariage, les futurs n’ont
confondu , pour former la communauté, qu’une somme de 5oo liv.
chacun , avec convention que tous leurs autres biens, meubles ou
immeubles, leur sortiroient nature de propres.
D ’ou il résulte que, quelle que fût la décision delà question qu’é
lève le cit. Bost sur cet état du mobilier, il ne pourroit, dans aucun
cas, en rien espérer, quand ce mobilier seroit encore en nature, et
quand il 11’auroit pas été presqii’cnlièremcnt dévasté par lui et par
sa sœ ur, pondant les quatre dernières années de la vie de leur lan te,
comme le cit. Baratier a offert de le prouver en cause principale;
offres qu’il a formellement réitérées en cause d’appel, par sa requêlc
�( T9 )
du 15 prairial dernier, en sc rendant appelant du clief du jugement
qui a mis les parties hors de cour et de procès sur ce point.
§.
III.
Prétendue nullité de la donation, pour les remplois.
Cet article a pour objet les actions en reprise de la dame Bara- A. r r e t,
tier sur la communauté, pour raison de ses propres aliénés.
du cit. Boit.
Ces actions en reprise étoient comprises dans la donation, d’une
manière implicite et explicite.
D ’une manière implicite, en ce que cette donation comprenoil
tous les biens présens de la dame Baratier, sans aucune exception ,
que d’une somme réservée.
D ’une manière explicite, en ce que cette donation comprenoit
tous les droits et actions qui lui compétoient et appartenoient, de
quelque nature qu’ ils fussent, en quoi qu’ils pussent consister, et
en quelque lieu qu’ils fussent situés, sans qu’il fût nécessaire de
les rappeler expressément.
M ais, dit le cit. B ost, l’ordonnance porte qu’il sera fait un état
des meubles et effets m obiliers compris dans la donation.
Les actions en reprise sur la communauté, sont mobilières de
leur nature.
Elles n’ont pas été comprises dans l’état du mobilier annexe k
Ja donation.
Dès-lors, soit que cet état soit régulier ou qu'il ne le soit pas,
cette donation ne peut être valable pour ces actions en reprise,
qui y ont été omises.
Ce raisonnement n ’est iondé que sur une erreur manifeste.
11 est faux en principe que les actions en remploi, ou reprises
sur la com m unauté, soient dans la classe des effets m obiliers,
dont l’ordonnance exige l’insertion dans l’état du mobilier annexé
à la minute de la donation.
Rien ne le prouve mieux que le texte même de la loi, qui porte
que « si elle renferme des meubles ou effets mobiliers dont la
C 2
�( 20 )
u donation ne contienne pas une tradition r é elle, il en sera fait
« un état s i g n é des parties. »
Ces e x p r e s s i o n s , dont ih donation ne contienne pas une tra
dition r é e l l e , annoncent assez de quelle nature doivent être ces
effets m obiliers, pour que la loi en exige l’insertion dans l’état du
mobilier; ce sont les meubles meublans, linges, bijoux, argent
comptant, billets, promesses, lettres de change, effets au porteur,
et généralement tout ce qu’on appelle effets de porte-feuille.
T o u s ces effets mobiliers sont susceptibles d’une tradition réelle,
de la main à la main, et, à défaut de cette tradition réelle, la loi
exige qu’il en soit fait un état qui soit annexé à la donation ,
pour en fixer la nature et l’espèce, la quantité et la qualité; sans
q u o i , Lous ces objets étant fugitifs, et reslans à la possession du
d o n a t e u r , ils pourroient disparoître à sa volonté, et la donation
en seroil illusoire.
Mais il n ’en est pas de même des actions en remploi, des droits
successifs, ou autres droits de ce genre.
D ’une part, ces sortes de droits sont fondés sur titres authen
tiques, qu'il ne dépend pas du donateur de dénaturer , et à la cer
titude desquels l’insertion dans l’état du mobilier ne peut rien
ajouter.
D ’autre part, ces droits exigent des liquidations embarrassantes,
souvent interminables, sans lesquelles l’insertion dans un état
annexé à la minute de la donation, est impossible.
D e sorte que, ou il faut convenir que l’insertion de ces sortes de
droits dans cet état est inutile, et qu’elle n ’est pas exigée par l'or
donnance, ou il faut aller jusqu’à dire qu’une donation de droits
successifs ou d’actions en remploi, avant le partage ou la liqui
dation d’une succession ou d ’une communauté, sera nécessairement
nulle ou impraticable, ce qui seroitahsurilç.
A u surplus , rien n’est moins rare que des étals de mobilier
annexés à des donations entre-vifs ; il s’en trouve en grand nombre
chez tous les notaires, et on ne trouvera pas un seul exemple qu’on
ait compris dans ces états, ni des droits successifs, ni des actions
�A 2
' l ^
en remploi , et encore moins une .universalité de droits de ce
genre, rjui sont nécessairement vagues et indéterminés de leur
nature, et qui ne peuvent être compris dans une donation, que
comme ils l’ont été dans la donation du cit. Baratier : « T o u s leurs
« biens meubles et immeubles présens, ilroil$iel actions qui leur
«
«
«
«
compétent ,ct appartiennent, de quelque nature q u ’ ils so ie n t,
en .quoi .qu’üs-puissent consister, et en quelques lieux qu’ils
soient situés, sans qu’il soit besoin de les rappeler, ici expressoment. »
M ais, d ’ailleurs, à quoi bon, dans l’espèce particulière qui se pré
sente, cette insertion dans l’état du mobilier des actions en remploi,
de la dame Baralier,7 sur la communauté d’entre elle et son mari?
Elle donnoit au cit. Baratier neveu tous les biens qui composoient la communauté, qui avoient été acquis aux dépens des
deniers provenue de ses propres aliénés, et qui les remplaçoient de
droit et de fait.
En donnant ces biens, qui formoient son gage pour ses remplois,
elle renonçoit, incontestablement aux droits qu’elle pouvoit avoir
sur ces mêmes 1/iens; car il est évident qu’on ne peut donner une
chose quelconque, sans se dépouiller des droits qu’on a sur la
chose donnée.
t
11 y a mieux : le mari et la femme donnoient l’un et l’autre
1 universalité de leurs biens, soit propres, soit de communauté, au
cit. Baratier neveu.
Le cit. Baratier neveu représentoit donc tout à la fois, et la dame
Baralier tante, qui étoit créancière de ses remplois, et le citoyen
Baratier oncle, qui on étoit débiteur, et qui avoit aussi de son
côte des actions semblables sur la communauté, spécialement pour
les dettes qu’il avoit payées du chef de sa femme.
Le cit. Baratier étoit donc :tout à la fois créancier et débiteur
de lu i-m ê m e,,ç t dèsrlors les deux qualités étoient confondues
idans sa perçpnne, et la créance étoit éteinte.
i l n ’y avoit donc pas lieu, dans l’espèce particulière qui se pré
sente, à. l’inseflion dans l’état du mobilier de ces actions respect
�tivcs en remploi, qu’avoient l’un contre l'autre la ’dame Baralier
et son m a r i , quand dans la thèse générale cette insertion eût été
exigée par l'ordonnance.
M a i s on a vu que le cit. Bost en suppose très-gratuitement la
n é c e s s i t é , qu’elle n'est ni dans le texte ni dans l’esprit de la loi,
et qu’elle est même impossible, surtout quand on donne, comme
dans l’espèce, une Universalité de droits et actions de ce genre, qui
ne peuvent être connus et déterminés que par l’effet d'une liqui
dation plus ou moins lente, et plus ou moins susceptible d ’em
barras et de discussions.
Ir, est assez inutile , d ’après-ce qu ’on vient de dire, de discuter
l ’état plus ou moins exagéré de ces remplois :, que donne le cit.
Bost dans son mémoire.
'
Il se présente cependant deux observations importantes sur cet
état, qu’on ne doit pas passer sous silence.
L a première est que le cit. B o s t, dans ¿et état des reprises
de la dame Baratier contre l a : communauté ,• n e s’est occupé que
de l’actif, et a absolument oublié le passif, c’est-à-dire, les dettes
de la famille Bost, qui ont été payées au-* dépens de la commu
n a u té , et qui diminueroient d’autant ces prétendus remplois, s’il
étoit vrai que le cit. Bost fût fondé à les répéter.
Ce passif consiste, entr’autres objets, en 8,950 francs de con
trats tie rente que les enfans Bost furent chargés de payer en l'ac
quit de leur père, par le traité qu'ils passèrent avec lui le 19 sep
tembre 17^5, et qui ont été entièrement payés aux dépens de la
communauté des sieur et darne Baratier, et spécialement par le
cit. Baratier neveu.
Il consiste encore en la créance des héritiers Lachaussec , qui
avoit pour cause.la restitution-de la dot d'Elizabeth Lachaussée,
dernière, femme (lu cit. Bost père, créance omise-dans ce traité
du 19 septembre 1765, qui a été réglée à 5 ,600 frimes par un
traité du 19' mai 1786 , et qui n ’a même été pàyee que tout
récemment'par le cit. Baralier n eveu, av-ec les intérêts qui eft
sont échus depuis ce Irailé,
�(
25 ) -
La-seconde observation qui se,présente estrelative à,une somme
de plus do 9,000 francs, forman,t(-lii por,tion tl^GUbert^ost, dit le ,
Bossu, dans le prix du dornaifiq 1prpivçn.u; dq0la .danic Mjcbçjp,«-,,,.
situç près d^JQpnjon., et vendu,.ep 1763 an .cit. :Cony,, que l^cj,t.l;
Bost prétend devoir faire p a f tiu ,de ces remplois.
Si l’on en croit le cit. B o s t , le •.çit.^ara.tier/o n c le ,fu t ,à peipe
marié .avec Gilbcrte Bost, qu’il ^orma^le ^1t i s s e
se^rçt^dr^
« Jiiallrç de tout ou da xla p lus grqnde pai'lie^ dç, l(t fortune de, cette \
«JtwM e*-» r a g c ; 5 .
.y»
. %
. .- ! '
« Q u ’il y avoit à peine un an qu’il étoit marié, lorsqu’il engagea^
(t Antoine et Gilbert Bost, ses deux beaux-frères, à vendre, conjoin« lement avec lui et avec sa fem m e, un domaine assez considé« rable qu’ils,¿ly,oient recueilli de la dame Miçlielçt leur
.... ■
rj.-.i
; ,v
. Que Gllbçvt Bost, vivant et habitant avec le c it.IParalier.,<?l;1
«, sa sœur, c’est Ici cit. Baraficr quipst censé^ay.oir profit«' de cette
«< somme, avec d ’autant plus de raison, qu’il, est inort chez eux
« qiialrcjinois après, et qu’il n’ a pas été fait d’inventaire après sa
« mort. » Page 28.
i;l
.
■, ■ • h;-.-
L a réponse à ces inculpations, contre la^nemoire du cit. Baratier.
on cle, sç trouve d ’abo.rd dans le mémoire du c it .jB o s t , où on lit,
page 26, ce,qui s u it :
,
;
r. j , , ,
-
,
« 11 est vrai que les deux contrats de vente fo t iç jo i que le prix}
" en fut payé comptant aux trois vendeurs. »
Si ces aclos fo n t fo i de ce fa it, npus pourrions noys dispenser det
n o u s o c c u p e r d e c e q u ’ e s t d e v e n u c e p r i x , q m , . u n e f oi f}, l o u c h é ,
etoil
et n ’a laissé a u c u n e trace.
.
.,I(,
,
.
..•
M ais, pour la justiiîcnli<m «le .la in«imgir<j r]u cit. ..î’p a lie r ^pn,
doit rappeler quelques laits qui sont ^le notoriété dans G a n n a t, et
qui peuvent être attestés par tous les çUoyens de çette ville, «[ui
ont été .contemporains du cit. jBar^tier^t des deux^Çrpres, Bost.,
Gilbert ot(iAnloino Bost, frères ¡de la darue Bnralier, a voient
vécu plusieurs années, Jiors de la imi.spnfJcj leur père av^nt le mariage
de leur sœ u r; ils avoient alors, il. peu prèç pour lo.ulc fortune
j
�( 24 )
Y
/_
pnlr’eu:: c l l e u r sœ ur, le domaine situe* près le D o n jo n , qui, à
raisoh deTc^oignemént de i 4 ;à ï 5 lieue^ de' leur demeure, ne leur
1
prodüisoit presque rien; ils'aivdFeiit'd’aillbuWn'iené, l’Arï et Î'autre,
unc vie dissipée qui les a'voit forciés itîc coHtraeterbeaucoupde délies,
cc fut pour les payer qu’ils ftirèhtiercés de vendre ’c d'domaÎne,
' Les. contrats de vente/bni’y b i j comme’ lè dit le cit. Bost, que
cTidcun des vendeurs toùcha'le tiérs du prix; Gilbert et Antoine
Bostven payèrent lcrùt^ dèltes», et le cit. Baratier eiViploya son tiers
à payer les acquisitions qu’il avoil faites en cômrnunauté avec sa
-v •
; .
femme, r,:!" J
Irni‘ ;
'
’ 1
Ces ÿlooo fr. consommés, il ne relsloit 5 Gilbert B o st, dit lo
Bossu , dont la fortune et la santé' étoient également ruinées ,
d’autres ressources qûe quelques prétentions litigieuses contre son
père, sur lesquelles il ne pouvoit pas compter pour sa subsistance :
il se jeta alors dans leé bras de '¿a sùeiir et de son beau-frère, qui le
reçurent dans leur niàisôiv, bt'liü'donnèrôiit tôus les secours dont il
v
eut besoin jusqu’à sa mort.
C ’est donc m i e fable absolument conlrbuvéë par le cit. Bost,
que cet accaparement de la somme de 9,000 fr. de la part du
cit. Baratier oncle, et une calomnie gf'atuite contre sa mémoire.
A in s i, d’après le cit. Bost lui-m èm é, ces prétendus remplois, en
écartant l’absurde prétention d ’y réunir les 9,000 IV. touchés par'
Gilbert Bost, du prix de la vente du domaine de la succession Michelet, formeroient, suivant soii calcul, une somme de 16,907 liv.
i 3 sous 4 deniers; sur'quoi il faudroit distraire le passif, payé par
la communauté ,1 montafilt comme 011 l’a vu précédemment, à
8 ,f)5o francs , d ’une p a r t, en contrats de rente dûs par le cit. B o s t ,
portés par le traité tlti ic) Septembre 1766 ; et 3,600 francs, d’autre,
pour la créance des héritiers' Lachaussée, réglée par le traité (lu 18
mai 1785; ce qui réduirôit cctôbjel à une somme d ’environ /|,ooo ir.
Ail reste, quand le cit. feo'sl' mel taiit d ’importance, soit à ces
remplois, soit à l’ état du mobilier qu’il-prétend''défectueux, et qu’il
veut en faire résulter la nullitddé lrï donation'pour ces différons
objets, il ne s’aperçoit paysans doute qiVil agit sans iiïtôrél, 01 i
mémo
�( a5 )
même contre ses propres intérêts , parce que la donalion ne peut
être annullée dans quelques parties;, sans que les^ objets qui en
seront distraits soient imputés sur la réserve que s’est laite la dame
Baratier, et dont elle a disposé'iiu profit du cit. Bost.
T elle est d’abord la réserve de 1,000 Irancs, faite par les dona
teurs, à prélever sur le mobilier; il est bien évident que si la do
nation étoit nulle, pour ce mobilier, le donataire seroit aliranclu
de'cette réserve^ :'i’
;r ’
' '
11 en est de même de la réserve de ig,ooo francs, faite par l es sieur
cl daine Paralier, « laquelle, est-il dit dans l’acte, a p r è s le décès
« des sieur et dame donateurs, sera payée et acquittée sur les biens
« compris eu la présente donalion , dans le cours d'une année, soit
« en deniers , effets ou immeubles, au choix dudit sieur dona,« taire. »
La donation est d'une totalité de biens ; la réserve est laite sur
cette totalité, et le payement de cette réserve est à prendre sur
cette totalité.
Cela posé , il est encore évident que , s’il y avoit une partie
quelconquede celte donation qui pût être annullée, ou pour laquelle
le donataire n ’eût pas d ’action , il sei’oit libéré d’autant sur cette
réserve, puisqu'il seroit privé de la matière qui étoit destinee à
eüecluer le payement de la somme réservée.
Ainsi, d ’une p a rt, attendu que les remplois se réduisent à peu
de chose, d’après la distraction du passif payé par la c o m m u n a u t é ;
et d’autre part , attendu que le mobilier se réduit à rien -respecti
vement aux h’éi’itiers Bost, soit parce qu’ il appartenoit en entier
au cit. B a r a t i e r oncle avant s o n mariage avec Gilberle B o s t , que
dès-lors il n ’ i i i oi t i>;is ontrô dans la c o m m u n a u t é , et qu’il faisoit
partie de ses biens propres et personnels, sur lesquels les héritiers
Bost n ’ont aucun droit, soil encore parce que ce mobilier a été
presque entièrement dévasté-par le cit. Bost et sa sœur, dans les der
nières'années de la vie de la dame Baratier, il est évident qu’ils ne
relroiivcroient pas dans ces remplois et dans ce mobilier ce qu’ils
pcrdroityiil sur la réserve.'
D
�CaG ).
. .
Mais le cit. B a r a l i e r n ’a. pas besoin d ’insister sur ces réflexions
secondaires : il a démontré précédemment que les moyens qu’on
lui oppose s u r l’an e t l’autre o b je t, ont leur source dans une fausse
a p p l i c a t i o n dç l’ofdonnance de 17.31 ; qu’à l’égard des remplois,
l ’ i n s e r t i o n de ces sortes de reprises dans l’état du mobilier, n ’est n i
d ’ u s a g e ni praticable ; et que pour les autres objets mobiliers com
p r i s dans cet état, sa préexistence annoncée dans la donation en
fait un seul et même acte avec la donation, qui est parfait par la
signature et l’acceptation de la,donation de la part d u donataire;
§• i v .
R e la tif à E lizabeth 1 \iilhardat, fem m e Creuzel.
L e cit. Baralier, privé de la douceur d ’avoir des enfans de son
premier et de son second mariage, prit auprès de lui Elizabeth
Tailliardat sa nièce.
L e cit. Bost veut qu’on lui paye la somme de i , 5oo l’r . formant
moitié de celle de 3 ,000 fr. à laquelle il évalue les alimens qui lui
ont été fournis par la communauté.
L e cil. Baratier a dit en cause principale, et il ne cessera de le
répéter, que cette demande est une vraie dérision.
Il seroit singulier que le cit. Baratier, qui auroit pu avoir cent
convives par jour à sa table, sans que sa femme eût pu le trouver
mauvais, n ’eût pas eu le droit d’y appeler sa nièce.
Les enfans Bost y ont été comme elle dans leur, .enfance, et il
11e seroit pas venu en idée au cit. Baratier de réclamer comme une
perle pour la communauté les dimens que son oncle a pu leur,
fournir.
Il s’en falloil bien (railleurs que la demoiselle Tuilbardal iut
à charge dans la maison de son onclic : elle possédoil sa confiance
et celle de sa tante; son travail, et les. soins qu’elle-se donnoit
pour la tenue de leur ménage el pour leurs affaires, faisoient plusque compenser le peu de dépenses qu elle, leur occasionoit.
�( 27 ')
Quanl aux autorités qu’invoque le cit. Bost, heureusement pou:
1 honneur ¡des auteurs qu’il cite, on n’y voit rien qui puisse la\onser une aussi étrange prétention.
'
• > <
• Il n ’en-est pas de même de la somme de G,oobfr. à prendre sur
fia réserve, que le cil. Baralier oncle a constituée à la demoiselle
Tailhardat, en la mariant avec le cit. Bonnefont, en 1 77 2'
Il est certain que si la demoiselle Tailhardat a reçu c e s G,ooo fi.
cette somme a dû avoir été payée talix dépens de la c o m m u n a u t é ,
et qu’il eu est du récompense à la succession Bost.
Comme la demoiselle Tailhardat est en cause, il y a long-temps
que le cit. Bost auroit dû prendre les moyens que lui donne la loi
pour parvenir à la découverte de la vérité.
Le cit. Bost trouve plus-commode de grever le c i t . Baralier de
celle somme de 6,000 fr. envers la communauté, sous prétexte qu il
doit être m ù n i d e s quittances que la d e m o i s e l l e T a i l h a r d a t a du
en fournir ii son oncle,
■r .
M a is , premièrement, le payement de celle so m m e, s’il a eu
lieu, n ’est pas de son fait : ainsi il n’est pas étonnant qu’il ne soit
pas muni des quittances.
Secondement, s’il les avoit, son intérêt seroit de les produire,
puisque, soit comme débiteur de la réserve, soit comme héritier
en partie de son oncle, il a 2,000 fr. à gagner, si ce payement est
justifié.
Troisièmement, il offre son serment, si on l’exige, q u ’ il n'a en
sa possession, et n’a jamais eu aucune quittance de cette somme
de G,000 fr.
A u surplus, après le.décos du cit. B aralier o n cle, tous ses papiers
sont restés à la disposition de Gilherle B o s t, sans q u ’elle ait pris
la précaution d'en faire inventaire, quoique sou contrat de mariage
eu contînt la clause expresse.
Depuis, la plupart de ces papiers ont suivi le sort du mobilier.
Pendant que le cit. Fost et sa sœur faisoient charger noeluniemenl
le mobilier de la maison Baratier, sur des chars à bœufs, pour le
conduire tantôt à leur domaine de Grand val, tantôt" ailleurs, ils
D a
�t ? 8 ‘).
faisoicnl m môme tnrtips ¡charger des grands sacs pleins de papiers i
faits que 11««cil- B a r a t i e r . a articulés et offert de prouver en cause
principale, et dont il a de rechef .offert la preuve en causc d’appel.'
Les p a r t i e s . <5nt été ri)¡ses hors.'de cour sur ce chef/; Le cit.
B a r a t i e r en est appelant, et il espère obtenir sur cet objet l a justice
qu’on lui a refusée en- cause principale.
Ouoi qu'il en soit, il'suffit qu’après le. décès du cil. Baratier
o n c l e , tous ses papiers soient restés à la disposition de G i l b c r l o
Bost, et que celle-ci ait omis d’en faire inventaire, comme l’y
o b l i g e o i t une clause expresse) de son contrat! de mariage, pour
qu’il soit également contraire à la justice et à la raison de vouloir
rendre le cit. Baratier garant de la perte, de ces quittances , quand
le payement feeroït certain , et qu’il senoit prouve que ces quittances
ont existé : à plus forte, raison lorsque ce payement est absolument
incertain, et que le cit. B o st V p as-m êm e pris la peine de suivre
la marche que lui traçoit la loi pour s’en assurer, par l’aveu môme
.r i
de la dame Tailhardat, qui est en causc.
§. v .
i
Piestiiutiun de jouissances.
A r r e l
d u
cit. E ost.
,
L e cit. Bost a demandé en cause principale la restitution des
jouissances perçues par le cit. Baratier, de partie des biens com
pris dans la donation.
.
11 a demandé la restitution de ces jouissances, perçues pendant
la vie du cit. Baratier o n c le ,'e t , après son décès, pendant la vie
de la dame Baratier.
•>';
"<•
Le jugement dont est appel a déclaré le cil. Bost non-recevable
dans sa demande :
.
r,
Pour les jouissances;antérieures a u décès du cit. Baratier, parce
q u ’il
étoit maître de seairevenus, et qu’il cn.pouvoil disposer à son
b
Pour les jouissances postaieures , parce que le. cil. Baratier les
�( 29 )
avoit perçues à titre onéreux , et en vertu (le traités passés avec
la dame Baratier elle-même :
Et enfin, pour les unes et les autres, parce que la dame Baratier
avoit survécu plus de douze ans à son m ari, cl qu’elle les avoit
approuvées par son silence.
Le cit. Bost est appelant de ce chef du jugement, non pas quant
aux jouissances perçues du vivant du cit. Baratier oncle; il aban
donne celte prétention; mais ([liant aux jouissances perçues depuis,
jusqu'au décès de la dame Baralier.
C e chef de discussion exige des détails qui pourront paroilrc
fastidieux: mais le cit. Baralier doit à la mémoire de son oncle,
il se doit à lui-même de mettre sa conduite au grand jour, et de
]trouver qu'il a acheté bien chèrement ces jouissances qu’on lui
reproche si amèrement.
Lorsqu’on l’année 1774 le cit. Baralier neveu contracta mariage
avec la demoiselle Savy, le cit. Baratier son oncle étoit accablé de
dettes.
11 devoit du chef de la famille Bost 8 ,y 5 o fr. de contrats, et
beaucoup d’années d’arrérages qui en éloient accumulées.
Il devoit du même estoc près d e 4 >ooo fr. aux héritiers Lachaussée,
pour la.reslilution de la dot de la dernière femme du cit. Bost père.
Il uevoit une multitude de contrats sur ses propres ou sur les
acquisitions de la communauté, tous également arréragés.
11 devoit encore beaucoup de dettes exigibles, pour des emprunts
qu’il avoit faits, soit pour payer aux héritiers Cluzel ce qu’il avoit
reçu de sa première femme, soit pour d’autres objets; el ces dettes
croissoiont tous les jours par le cumul des arrérages des rentes et
des inicl'els, et par l’eUet d ’une mauvaise administration.
L e cit. Baralier neveu reçut 20,000 fr. de la dot de sa f e m m e ,
en effets du cil. Savy son beau-père.
Il en employa 8,000 fr. à payer les dettes les plus urgentes de
son oncle.
de
11 lui restoil en 1777, trois années après son mariage, un effel
1 2 , 0 0 0 lr. du cit. Savy : il lallul encore en faire le s a c r i f i c e .
�(
1
5o )
iO cil. Baralier oncle devoit au cit. P ila i des arrérages de renies,
accumulés pendant longues années; il avoil aussi f a it , en d iffé ra is
temps , des emprunts du cit. P i l â t , par lettres de ch a n g e , qui
avoienl grossi par degrés, par le calcul des intérêts toujours ajoutés
au capital.
Par le dernier compte fait entre le cit. Pitat et le cit. Baratier
oncle, le i “r. avril 1776, toules ces sommes réunies s’étoicnl
trouvées monter à celle de 12,000 Ir.
L e cil. Baratier oncle souscrivit encore une lettre de change do
c e l t e somme au cit. Pitat ; mais le cit. Pital exigea le cautionnement
du cit. Baratier neveu, que celui-ci 11c put refuser.
A l’échéance, la lettre de change fut protestée; ce protêt fut
suivi d’une sentence du tribunal de commerce, portant condam
nation par corps contre l’oncle et le neveu.
L e cit. Baratier étoit encore débiteur par lettre de change d ’une
somme de 0,260 fr. envers le cit. G eoffroy, de Clermont.
L e cit. Baralier neveu avoit encore été forcé de cautionner cette
letlre de change, comme celle du cit. Pitat.
11 y avoit, comme sur la première, protêt et sentence par corps.
On menaçoitde mettre l’une et Paulredeces sentences à exécution,
11 étoit urgent de prendre 1111 parti.
Il fut passé un acte, devant R o lla t, notaire à G a n n a t, le iG
octobre 1777 , entre le cit. Pital et les cit. Baratier oncle et neveu,
dans lequel, après le narré de ces faiIs, 011 lit que le cit. Baralier
oncle, n ’ayant aucun moyen pour satisfaire ii la dellc du ciloy,
Pital, il a proposé h son neveu d’employer à sa libération un billet
de 12,000 fr. à lui dû par le cit. Savy, son beau-père; laquelle
som m e, y e s t - il d it, form e le restant de celle de 0.0,000 fr .
constituée à M arie- Thérèse Savy son épouse.
Pour dédommager son neveu de ce sacrifice, il lui propose do
lui abandonner pour un temps la jouissance de son bien de Ghabannas.
L e neveu souscrit à ces propositions : et commenl'anroil-i! pu
§’y refuser, étant exposé à deux sentences de conLrainte par corps.
�( 51 )
q u ’il étoit m ena cé à c h aq ue i nstant de Voir m et tr e à e x é c u t i o n ?
Il abandonne donc au cit. Pilât le billet de son beau-père, de
12,000 fr. Il retire la lettre de change et les sentences; il paye
en outre tous les intérêts et les frais.
Il se charge aussi de payer les
5, a 5 o
fr. dûs au cit. G e o f f r o y ,
ensemble les intérêts et frais.
Et le cit. Baratier oncle lui abandonne pour huit années la jouis
sance du bien de Chabannas , avec différentes autres conditions
très-onéreuses, qui ne seroient rien moins qu’indifférentes, dès qu'il
s’agit de prouver la sincérité de cet acte, mais que le cit. Baralier
se trouve forcé de passer sous silence, pour abréger cette discussion.
Quoi qu’il en soit, on voit que le résultat de cet acte, est que
le cit. Baratier sacrifie la dot de sa femme pour payer les dettes
de son oncle, qui lui donne en remplacement des jouissances passa
gères , q u i , soit par leur nature, soit par leur peu de durée, sont
bien éloignées de pouvoir entrer en compensation avec les capitaux
dont on exige le sacrifice, et auquel il lui est impossible de se
refuser, d’après les engagemens par corps qu’on a commencé par
lui faire contracter.
Le cil. Baralier a ici en sa faveur, non pas seulement le texte
des actes, mais la notoriété publique : tous ses concitoyens sont
instruits de ces faits; et le cit. Bost lui-même connoît mieux que
pci sonne toule la sincérité de ces actes, et toute la franchise et
la loyauté de sa conduite.
Ces premiers sacrifices du cit. Baratier neveu avoient bien suffi
pour mellre son oncle à l’abri des contraintes par corps.
Mais il lui restoit une multitude d ’autres créanciers q u i , avec
le temps, devinrent pressans.
A ces dettes se joignit, en
1785,
un
vide
considérable dans la
caisse de la poste aux lettres, dont il étoit directeur à Gannat.
Sa destitution fut prononcée par l’administration des postes;
et le cit. San terre, contrôleur des postes, fut envoyé à G a n n a t ,
dans les premiers jours de juillet de cette année 178 5 , p o u r m e t t r e
à exécution l’arrêté de l’administration.
�( 02 )
L a position du cit. Baratier oncle étoit aussi critique que la
première fois. On assembla les conseils et les amis communs, et
on passa un second acte devant le même Rollat, notaire à Gannat,
le ?.(’> juillet 1785, entre le cit. Baratier oncle, Gilberte Bost sou
é p o u s e , et le cit. Baratier neveu, par lequel lesdits Baratier et
Gilberte Bost, oncle et tante, donnent pouvoir à Baratier neveu,
de vendre et aliéner, conjointement et solidairement avec lui, le
domaine de Lyonne et des Bernard , à la charge d ’en employer le
prix à payer les dettes passives dont il fut fait un état double, signé
des parties, montant à 22,558 liv. i 5 s. 9 d. qui est produit au
procès, et qui est d’autant plus authentique, qu’il est écrit de la
main du cit. Santerre, contrôleur des postes, qui a péri à L yo n
sous la hache révolutionnaire, au mois de décembre 1795.
Il est ajouté, q u ’attendu que par cette aliénation ledit Baratier
neveu se trouvera privé de la jouissance de ce domaine de L yo nne
qui lui avoit été délaissé par son contrat de m ariage, scs oncle et
tante lui abandonnent en remplacement le bien de Ch aban nas, tel
qu’il lui a déjà été délaissé par l’acte du iG octobre 1777.
A u moyen de ces conventions, les sieur et dame Baratier renon
cent expressément, solidairement l’un pour l’autre, à toute espèce
d ’usufruit sur le bien de Chabannas, et notamment à celui qu’ils
s’étoient réservé tant par leur contrat de mariage que par la dona
tion du 14. novembre 1767.
L e cit. Baratier ne put alors parvenir à vendre ce domaine. On
sait à quel degré d’avilissement tombèrent les denrées en 1784 et
les années suivantes; le discrédit des biens fonds fut à son comble,
et la vente fut différée de concert entre le cit. Baratier et ses oncle
et tante.
Mais le cit. Baratier n’en remplit pas moins ses engageinens; il
fit face au débet de la caisse des postes, il lit des emprunts, il paya
les créances exigibles et les arrérages de rente, enfin il ;i depuis
remboursé les capitaux; e t, à force de sacrifices, il a assuré à son
oncle et à sa tante la jouissance paisible des biens qu’ils ont con
servés, dont ils ont en effet joui sans le plus léger trouble jusqu’à
Jeur mort.
Tel
�( 33 )
T e l est l’lnstorique des actes sur lesquels sont fondées les jouis
sances dont le cit. Bost réclame la restitution.
On ne voit, dans tous ces actes, que des arrangemens de famille
fondés sur l’intérêt des sieur et dame Baralier, qui, au moyen de
la perte de quelques jouissances, se sont débarrassés de toutes leurs
dettes, et en ont chargé leur neveu, auquel on n’ose pas reprocher
d ’avoir jamais m anqué, à leur égard, un seul instant à ses engagemens.
•
En vain le cit. Bost veut-il tirer avantage de ce que ce domaine
de Lyonne n’a pas été vendu du vivant du cil. Baralier oncle, et
faire considérer l’acte de i y 85 comme une simple procuration révo
quée par sa mort.
L e cit. Baratier neveu éloit chargé de payer des detles pour le
montant de ce domaine, elles ont été payées; son oncle et sa tante
n o n t plus été inquiélés par leurs créanciers : le but essentiel du
traité étoit rempli par là. Les. sieur et dame Baratier n ’avoient
d autre inléret que de se mettre à l’abri des poursuites de leurs
créanciers; et, soit que le domaine fût vendu, soit que le cit. Baratier
en jouit en attendant le moment favorable de s’en défaire avan
tageusement, cela étoit absolument indifférent, soit au cit. Baratier
oncle, soit à la dame Baratier, soit à ses héritiers.
On ne voit pas d’ ailleurs quelle conséquence veut tirer le cit. Bost
de cette révocation de procuration par le décès du cit. Baratier
oncle ; le cit. Baratier neveu étoit propriétaire de ce domaine en
verlu de la donation de 1767 , et indépendamment de l’acto
de 178?»; ainsi, loin d ’avoir moins de droit de faire cette vente
après le décès du cit. Baratier oncle , il est(évident qu’il en avoit
beaucoup plus , et quC cette procuration du cil. Baratier oncle
lui devenoil superflue.
Q u an t'à l’usufruit qu ’avoit la dame B a r a lie r , soit en vertu de
son contrat de m ariage, soit en vertu de la donation de 1767 , sur
les biens de son m a r i , ou de la com m unauté , elle y avoit formel
lement renoncé par F a d e de
i
785 , pour ceux de ces biens qui
avoient été abandonnés par cet acte au cil. Baralier neveu.
E
�( M )
En vain le cit. Bost prétend-il encore que la dame Baralier n ’a pu
renoncer à tout ou partie de son usufruit, du vivant de son mari.
D ’une part, c’est une erreur en principe; premièrement, en
ce qu’un don mutuel d’usufruit ne s’entend que de ce que les
conjoints laisseront à leur décès, ce qui n’empêche pas les alié
nations , et autres dispositions faites sans fraude ; secondement,
en ce que cet abandon d’une partie de son usufruit, de la part de
la dame B aratier, étoit nécessité par les circonstances, et lui assuroit la jouissance paisible de tous les biens dont l’usufruit lui
étoit conservé.
D ’autre part, quand cet acte de 1783 eût été susceptible de
critique, elle n’avoit que dix ans pour s’en plaindre après la mort
de son mari , et pour se faire restituer dans ses droits , confor
mément à l’ordonnance de i 53 c), et à toutes les lois connues en
matière de restitution.
Or , non-seuicmènt il s’est écoulé plus de douze années depuis le
décès de son m ari, dans un silence absolu de sa part, sur cet
acte de 1785 ; non-seulement elle l’a vu exécuter journellement
sous scs yeux; mais elle a même ajouté aux abandons contenus
dans cet acte, en délaissant au cit. Baratier une partie de l’ap
partement qu’elle s’étoit réservé, pour l ’aider à loger sa nombreuse
famille.
C ’est donc avec raison que le tribunal de première instance a
déclaré le cit. Bost non-recevable dans ce chef de demande, soit
parce que les jouissances perçues par le cit. Baratier, ne l’avoient
été qu’à titre onéreux , soit parce que le défaut de réclamation ,
3de la part de ï a ’darrie Baratier,'dans les dix ans depuis le décès
:’de son m a r i, auroit rendu cet acte inattaquable, quand, dans le
principe , il eût été susceptible de l’être.
TMOÇt ,
'
!
�(
55 )
S-
V
mu'«<o'1« <**•
1.
R e la tif a u x actes approbatifs de la donation.
L e principal but du cit. Baratier, d é fa is a n t usage de ces actes ,
a été de justifier la mémoire de sou oncle, que le cit. Bost n a
cessé d’inculper, dans tout le.cours du procès, comme ayant
abusé de son autorité , et employé de mauvaises voies pour ob
tenir de sa femme la donation du i4 novembre 1767.
L e cit. Baratier a dit, et avec raison, que la dame B ar at i er avoit
vécu, depuis cet acte, plus de vingt ans avec son mari, dans la
.plus parfaite union, et qu’elle avoit fait journellement des actes
approbatifs de cette donation, tels que les ventes qu’elle a con
senties avec le cit. Baratier neveu , comme son donataire, le 29 fé
vrier 1768, le 3 o novembre de la même année, le 22 juin 17S1 ,
et plus spécialement encore le 2G juillet 1785, p a rle s arrangemens qu’elle a faits avec lui pour payer les dettes de la maison,
et s’a ss ur er, ainsi qu’à son m ari, la joi^issance paisible des biens
q u ’ils avoient conservés.
L e cit. Baratier a encore dit, et avec raison, qu’elle avoit sur
vécu treize ans à son m ari, et que pendant ce long intervalle, où
elle jouissoit de la plus parfaite indépendance, elle 11’a cessé éga
lement d’approuver, de confirmer cette donation;
Soit en abandonnant avec complaisance à son neveu une par
tie de son logement qui lui devenoit inutile, et qui étoit néces
saire à son neveu pour loger sa nombreuse famille;
Soit en r e c e v a n t de lui, e t en lui donnant quittance notariée
de la finance de Foffice de contrôleur au grenier à sel, qu’il avoit
fait liquider;
Soit en disposant, au profit du cil. Bost, de sa réserve, par l’ acte
du 7 juin 1793, dans lequel la donation est rappelée à toules les
lignes ;
Soit enfin par une multitude d ’aulres acles qui se sont passés
E 2
�( 3G )
journellement entre les parties, pendant plus de c4w)mi ù trniae ans
qui se sont écoules depuis la donation jusqu’au décès de Gilberte
Bost.
L e cit. I3ost fait de grands efforts pour prouver que des actes
approbatifs d’une donation, faits par la donatrice, n ’ont pas la
v e r t u de lui donner une validité qu’elle n ’auroit p as, d’après la
maxime tirée de Dumoulin , confirmatio n ih il dnt.
On n e conteste pas ce principe; aussi n’est-ce pas dans ce sens,
comme on l’a vu précédemment, que ces actes ont été rappelés
et produits.
Mais il n ’en est pas de même des actes faits par l’héritier de la
donatrice après son décès ; son approbation alors est une vraie
confirmation , et qui le rend non-recevable à en faire la critique.
L e 12 brumaire an 8 , après le décès de Gilberte Bost, Joseph
Bost, reconnoissant le cit. Baratier comme donataire très-légitime
de son oncle et de sa tante, lui fait signifier la disposition que sa
tante a faite à son profit, de sa réserve, par l’acte du 7 juin 1795.
On lit, dans cette signification , que, comme ledit cit. Baratier
est donataire de ladite G ilberte B o s t , et de définit G ilbert
B ara lier, de tous leurs b ie n s, par acte reçu D e là n , notaire à
C h a r ro u x , le 14 novembre 176 7, il lui donne copie de l’acte
contenant disposition à son profit, de la réserve portée par ladite
donation, à ce qu’il 11’en prétende cause d’ignorance.
E t le cit. Bost ne peut pas prétexter que cette donation lui étoit
inconnue, puisqu’elle avoit dû nécessairement passer sous ses yeux,
lors de l’acte du 7 juin 1793, et qu’elle étoit encore censée sous
ses yeux dans le moment où il la datoit et l’analisoit dans cette
signification.
11 résulte de cette signification deux conséquences également pré
cieuses pour le cit. Baralier.
L a première, que ce n ’est qu’après coup, et parce qu’il l’a cru
utile ;Ysa è'ause, ‘qu’ il a imaginé lés inculpations qu’il s’est permises
contre la mémoire du cit. Baralier oncle, en cause principale et en
cause d’appel.
�L a seconde, que cette donation étoit régulière aux yeux du cit.
Bost, nu’elle éloit revêtue de toutes les formes voulues par la loi,
et qu’il bornoit toutes scs prétentions, sur les biens compris en la
donation, à la réserve que s’étoit faite Gilbcrte Bost, et dont elle
avoit disposé à sou profit par l’acte du 7 juin 17^5.
§.
y 11.
Créances du cit. Baratier contre le cit. B ost.
i
Ces créances consistent en trois articles.
"
Le premier est la créance payée par le cit. Baratier aux héritiers
Lachaussée, en l’acquit de la famille Bost.
Cet article est allouai par le ciU Bost. L a créance a été fixée à
5,Goo francs, par un traité de 1785 : il esl dû au cit. Baratier
1,200 francs pour le tiers de celte somme, non comprisses intérêts.
L e second article a pour objet le prix de l’office de contrôleur
au grenier à sel, dont le cit. Baratier oncle est décédé pourvu, et
que Gilberte Bost a touché le 26 nivôse an 2.
Cet article est alloué par le cit. Bost, et monte, à l’échelle, à
1,128 francs, non compris les intérêts.
L e troisième est relatif à un contrat de i 5o francs de rente,, au
.1
principal de 2,600 francs, dû par le cit. Bost et sa sœur, comme
héritiers de leur père.
L e cit. Baratier en a formé demande devant les premiers juges.
11 y a été déclaré non-recevable.
11 est appelant de leur jugement en ce chef. . ■■
L e c i t . Bost combat cet appel, pages 4;7,» 4 $ ct 49
son
moire, et il o p p o s e a u c i t . B a r a t i e r , premièrement, que ce contrat
de rente n’est dû qu’en vertu d’un acte du 18 janvier 17G8, pos
térieur à la donation ; que dès-lors il n ’a pu en faire partie.
Secondement, que dans tous les cas la donation seroit nulle pour
cet o b je t, à défaut de signification aux débiteurs.
On répond, quant au premier m o yen , qu’ il y a de la part du
cit. Bost erreur dans le fait et erreur dans. les conséquences.
�( 38 )
Erreur dans le fa it, en ce que, lorsque le cit. Bost père eut
abandonné ses biens à ses enfans et gendre, par le traité du 19 dé-,
ceinbre 1765, à
charge de payer ses dettes, il fut passé un pre-<
niier traité sous seing privé entre les sieur et dame Baratier, et
Antoine Bost leur frère et beau-frère, le 01 janvier 1766, qui est
rapporté et produit au procès par le cit. Baratier, par lequel le
domaine de Grandval fut délaissé au cit. Bost.
Et comme la valeur de ce domaine excédoit de 2,600 francs les
droits du cit. Bost, il s’obligea à payer aux sieur et dame Baratier
1 5o francs annuellement, jusqu’au remboursement de celle somme
de 3,600 francs, qu’jl pourroit faire faire quand il le jugeroit à
propos.
‘ Ces arrangement furent ensuite passés pardevant notaires, le
iS'janvie'r 1768.
On lit dans cet acte qu’Antoine Bost s’oblige de payer les i 3o fi.
annuellement, à coinpter du 5 i janvier 1766, jour du traité
seing privé; et toutes les autres conventions portées par cet
remontent à la même époque du 5i janvier 1766, comme la
en possession du cit. Bost, du domaine de Grandval.
C ’est donc de ce jour 3 1 janvier 1766 qu’éloit due la rente
sous
acte
mise
dorit
il s’agit, et non du 18 janvier 1768, jour de l’acte pardevant
notaire.
'
Mais veut-on que ce contrat ne remonte qu'au 18 janvier 1768,
lu conséquence qu’en tire le cit. Bost n ’en est pas moins erronée.
En effet, le cit. Baratier étant donataire de tous les biens présens
de ses oncle et tante, par l’acte du 14 novembre 1767, s’il n ’étoit
pas donataire de ce Contrat de 2,600 francs dû sur le domaine de
Grandval, il étoit donataire d’une porlion quelconque de ce do
maine de Grandval, jusqu'il concurrencé de celte somme qui éloit
due par forme de retour de lot; ce qui seroit bien plus avantageux
pour le cil. Baralier, la valeur de ce domaine étant au moins qua
druple de la somme pour laquelle il fut délaissé au cit. Bost.
Ainsi le cil. Bosl raisonne contre ses propres intérêts, quand il
cherche ù prouver que l’existence de ce contrat est postérieure à
la donation.
�( 5g )
L e second moyen opposé par le cit. B o s t, tiré du défaut de
signification de la donation, n ’est fondé que sur une erreur de droit.
L e cit. Bost a, h la vérité, en sa faveur, le sentiment de Ricard,
et de quelques autres jurisconsultes qui ont été égarés par l’opinion
de cet auteur d ’ailleurs très-recommanduble.
M ais, comme le dit Rousseau de Lacombe dans son Commen
taire sur l’article X V de l’ordonnance de 17 5 1 , « O n lient cotn« munément, au contraire, et avec raison, que la réserve d’ usu*
« fr u it a effet de tradition en ce c a s , et rend une telle donation
« 'valable contre le donateur ou ses héritiers ; et par arrêt du
« 17 août 173g, rendu au rapport de M . N o n e t, la donation d’une
« rente sur la ville a été jugée valable contre l’héritier du donateur,
« quoiqu’elle n ’eût pas élé signifiée au payeur. »
A u surplus, il ne reste rien à ajouter sur cette question, à ce
que dit M . Cochin dans sa 81°. consultation , qui se trouve à la
fin du tome V de ses Œ uvres, qui est intitulée en ces termes :
S i les donations de droits incorporels manquent de tradition,
quand elles ne sont pas signifiées.
« Il n y a aucune loi, dit cet auteur, qui ait établi la nécessité
« de signifier les donations aux débiteurs des sommes cédées; les
« donations de cette nature ne sont pas distinguées des autres, ni
« assujetties à d’autres formalités. Il est même très-important
« d observer que dans l’ordonnance des donations, de 1731 , lors
« de laquelle on a discuté toutes les questions traitées par Ricard,
(< on n a mis aucun article qui oblige de signifier les donations des
« rentes constituées à ceux qui en étoient les débiteurs; ce que le
« législateur n’auroit pas omis, s’il avoit jugé cette formalité néces« saire. »
Il
ajoute qu en effet il n ’y a aucune raison pour établir la né
cessité de cette signification;
Que ce n ’est pas un bon moyen de dire que quand la donation n'est
pas signifiée, le donateur n ’est pas saisi, parce qu’un transport ne
saisit que par la signification. « Car ce terme, dit-il, de saisie ou
« saisine renierme une équivoque qu’il est facile de lever.
�( 40 \
« T o u t transport, quoique non signifié, oblige le cédant envers
« le cessionnaire, et par conséquent saisit le cessionnaire relative« ment au cédant; en sorte que le cédant ne peut plus disposer
« (]c ]a chose cédée, et, s’il le fait, il en est garant et responsable
(f
«
«
«
«
envers le cessionnaire. Il est vrai que, relativement à un tiers,
le cessionnaire n ’est saisi que par la signification; par exemple,
relativement à un débiteur, à un second donataire, ou à un
créancier du cédant, le cessionnaire n ’est saisi que par la signification : mais pour la v alidité de la donation il suffit que le
(( donataire soit sa isi par rapport au donateur , c ’est-à-dire, que
<( celu i-ci soit dépouillé de la propriété, et qu’ elle ait p a ssé au
« donataire ; o r , pour cela la signification n’ est pas nécessaire,
« et par conséquent la donation par elle-m êm e est parfaite entre
a e u x , ce qui suffit.
i< Il est vrai, ajoute encore cet auteur, que le donateur peut
« l'ecevoir le remboursement du débiteur, tant que la donation
« ne lui est pas signifiée : mais il n ’a pas le droit de le recevoir ;
« et, s’il le fait, il doit rapporter le prix au donataire; et c’est h\
« précisément ce qui rend la donation valable. Il n’est pas néces« saire que le donateur ne puisse contrevenir de lait à la donation ;
r< i! suffit qu'il ne le puisse de droit. »
Il
termine par dire qu’il y a , à la vérité, arrêt pour et contre sur
cette question; qu’il y en a eu un rendu il y a trois à quatre ans
en la seconde chambre des enquêtes, qui a confirmé une pareille
donation , qui n ’avoit point été signifiée, « et qu’ en consultant les
« règles et écartant les préjugés, on est persuadé que la signifi« cation n’ est point de l’ essence de la donation, q u e lle n’ est
« établie par aucune l o i , et qu’ elle n ’est pas nécessaire pour
« rendre la donation irrévocable. »
ici en plus forts termes que cette consul
tation de AT. Cochin, et l’arrêt de 17^9 rapporté par Rousseau de
L e s p a r t i e s se t r o u v e n t
L.icombe.
II
s’agissoit, dans l’une et l’autre espère, de simples rentes cons
tituées , taudis qu’il s’agit ici d ’une rente causée pour retour de
lot,
�(
41 )
l o t , qui tient de la nature des rentes foncières, et réellement im
mobilières, tandis que les rentes constituées ne sont que dans la
classe des immeubles fictifs.
A u surplus, on ne sauroit trop le répéter, le cit. Bost conteste
cette re n te , contre ses propres intérêts, puisque si la rente n étoit
pas d u e , il appartiendroit au cit. Baratier la propriété d’une por
tion du domaine de G ra n d v a l, correspondante à la proportion de
ces 2,600 fr. avec la somme totale de 14,000 fr. pour laquelle ce
domaine avoit été délaissé au cit. B o s t, p a r le traité du 31 janvier
17 6 6 , rédigé en acte authentique par l’acte du 18 janvier 1768.
Q u an t au remboursement de ce co n tra t, fait à la dame Baratier
par le cit. Bost et sa sœ ur, nul doute q u ’ils n ’ aient été en droit
de le faire, dès que le cit. Baratier ne leur avoit pas notifié sa
donation.
M a is , com m e le dit M . Cochin , le donateur n’ a pas droit de
le recevoir, e t, s’ il le f a i t , il doit rapporter le prix au donataire.
E t comme le cit. Bost et sa sœur se trouvent héritiers de G ilberte
B o st, qui a reçu ce rem boursem ent, et qui n’ avoit pas droit de le
recevoir, il s’ensuit qu’ils doivent en rapporter la valeur au cit.
B a ra tie r, ou plutôt q u ’ils restent débiteurs du m êm e c o n tra t,
comme ils l’ étoient avant le remboursement.
L e cit. Baratier a rempli sa tâche : il se flatte de n ’avoir rien laissé
à désirer sur tous les objets de la contestation qui divisent les
parties : il ne lui reste désormais qu ’à attendre son jugement avec
la sécurité que doivent lui inspirer la bonté de sa cause et les lu
mières de ses juges.
L e cit. C A T H O L , rapporteur.
B
0 IR 0
T ; ancien jurisconsulte.
M AN D E T
je u n e , avoue'.
�
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Factums Marie
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An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Baratier, Gilbert-Louis. An 8?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cathol
Boirot
Mandet
Subject
The topic of the resource
successions
donations
jurisprudence
Description
An account of the resource
Mémoire pour Gilbert-Louis Baratier, juge suppléant du tribunal d'arrondissement de Gannat, intimé et appelant ; contre Joseph Bost, habitant de la commune de Montignet, et Gilberte Bost sa sœur, habitante de la ville de Gannat, appelans et intimés ; et encore contre Elizabeth Tailhardat, et Jean-Baptiste-Etienne Creuzet son mari, habitans de la ville de Moulins ; Antoine Tailhardat, prêtre, habitant de la commune de Saint-Aubin ; Gilbert Camus de Fontenay, Charles Parrion, jean-Baptiste Laplanche, et la citoyenne Camus sa femme, tous habitans de la commune de Bellenaves, intimés
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 8
1767-Circa An 8
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
41 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0702
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Monteignet sur-l'Andelot (03182)
Gannat (03118)
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Domaine public
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�MÉ MO I R E
P O U R N i c o l a s B E A U C L A I R , Cordonnier, c o u r
habitant du lieu de T e i l , commune de Saine- d £ArÏo*m.
C ernin, arrondissement d’A u rilla c A ppelant;
CONTRE
P ier r e-PAUL
V A N E L et Dame
M a r g u e r i t e C A L O N N E , son E p o u se,
habitans du lieu de Rageaud même commune de
Saint- Cernin, intimés.
D
acres authentiques, cimentés de plusieurs
titres muets, et de la destination du père de fa
m ille, sollicitent en faveur de l ’Appelant le par
tage des eaux de la prairie de la Rivière.
En l ' an 9 , les intimés ont donné les mains à ce
partage, et tout étoit consommé. A u jo u r d ’hui plus
ambitieux qu' a l o r s , ils veulent avoir la propriété
exclusive de ces e a u x , et le jugement dont est
appel la leur attribue. C e jugement sappe sous tous
A
es
�co
les rapports les principes les plus familiers de notre
législation tant ancienne que moderne, et l'équité
seule le réprouve.
Les Juges d’Aurillac, ont mal interprété les articles
C C X V et C C X V I de la coutume de Paris, et cette
coutume ne régit pas même les parties ; pourroitelle d’ailleurs paralyser des titres positifs^ et rendre
sans effet l’aveu des intimés l
F A I T S :
En pluviôse an 6 , un expert s e u l , du consen
tement de toutes les parties intéressées, procéda au
partage de la succession de M . de Galonné.
D e cette succession dépendoit une prairie consi
dérable appelée de la Rivière, qui fut divisée en
plusieurs lo t s ; ^estimation fut la même pour tous.
L e premier lot échut aux intimés, et le troisième
à la demoiselle Jeanne-Françoise de Galonné; il est
inutile de parler des autres. Le partage ne fait aucune
mention des eaux de cette prairie, ensorte que pour
le moment elles restèrent indivises, ainsi que nous
Rapprend l ’expert par une déclaration dont on ne
contestera pas la sincérité : n©us en parlerons dans
les moyens.
Avant le partage, et lorsque la prairie de la Ri
vière ne formoit qu'un to u t, elle étoit arrosée, i®.
par les eaux qui naissent dans le premier l o t ; 2°.
par un réservoir qu’un chemin public sépare de la
Prairie: ce reservoir est situé dans un pâcher qui
Appartient à un sieur D e vè ze .
�(
3)
Postérieurement au p artag e} cette prairie a été
arrosée comme elle Tétoit du temps de M . de
Calonne; c ’est-à-dire, que toutes les eaux qui nais
sent dans la partie échue aux intimés, tout comme
celles du réservoir, ont servi à son entière irrigation;
plusieurs rases anciennes traversent la prairie, pour
conduire les eaux d’un bout à l ’autre.
L e 13 vendémiaire an 9 , Jeanne-Françoise de
Calonne , vendit à l’Appelant le troisième lot de
la prairie, et la vente lut faite avec les servitudes ac
tives et passives, prises et perceptions d ’eau dues et
accoutumées.
Les intimés qui par des arrangemens de famille
sont aujourd’hui propriétaires des deux tiers de la
prairie et d’une grande partie des biens de M . de
Calonne, virent avec peine que Beauclair avoit ac
quis ce q u ’ils convoitaient depuis long-temps; aussi
ne tardèrent-ils pas à le v e x e r, en détournant les eaux
lorsqu’il étoit absent, pour en profiter au delà du
temps qu’ils pouvoient les retenir, eu égard à
l ’étendue de leur terrein. L ’intention des sieur et
dame V a n e l étoit de forcer Beauclair à leur vendre
ce quJil avoit acquis; celui-ci voulut conserver sa
propriété.
Cependant les intimés se rendirent justice; ils con
vinrent que l’Appelant avoit droit au partage des
eaux, et il ne fut plus question entre les parties que
de nommer des experts pour procéder au règlement.
En conséquence, le 2 1 thermidor an
le sieur
V an el, i’ Appelant et une T oinette Bouiges qui a
A 2
�(4 )
acquis un journal de la prairie de la Rivière, passèrent:
un compromis, par lequel ils donnèrent pouvoir aux
sieurs Rames et V i d a l , géomètres, de procéder à la
division des eaux qui servent à l ’arrosement de la
totalité de la prairie, et ce par jours et heures, ( est*
il dit ) conformément au partage.
D ’après cet acte, il ne pou voit plus y avoir de
difficulté sur le d.roit de l’Appelant, et tout sembloit
consommé; mais bientôt celui-ci crut s’appercevoir
qu’ il existoit de grandes relations entre les intimés
et les experts; et par prudence, il révoqua le com
promis le 17 messidor an 10. D ’ailleurs, il y lut forcé
par le retard des experts , puisque déjà il s’étoit
écoulé environ un- an depuis leur nomination.
Plusieurs mois se passent, et les parties jouissent
' alternativement des eaux; mais bientôt les intimés
s’en emparent exclusivement en l’absence de Beau
clair, qu i, suivant l’usage du pays, fait de longues
campagnes pour travailler de son état.
Ces voies de faits mirent l ’Appelant dans la néces
sité de recourir à la justice; en conséquence, il assi
gna les intimés, le
fructidor an 1 1 , au tribunal
d ’Aurillac, pour voir ordonner le partage des eaux
de la prairie de la Rivière ^ eu égard à la portion
d’un chacun.
Quelle fut la défense des sieurs et dame V a n e l . ?
Ils prétendirent que l ’Appelant n ’a v o it ni titre ni
possession, et que d’ailleurs le partage de l’an 6
repoussoit sa demande, parce qu’il avoit été fait sous
l ’empire des articles C C X V et C C X V 1 de la coutume de
�Paris, qui n’admettent de servitudes entre cohéritiers
que celles qui sont établies par le partage, et que dans
l'espèce, le partage de Tan 6 ne faisant aucune men
tion des eaux de la Prairie, chaque cohéritier avoit
dû prendre les lots avec leurs avantages et leurs
inconvéniens.
Q u elqu e extraordinaire que soit ce système, les
premiers juges l ’ont adopté le 1 7 frimaire an 13 .
L e i<? germinal s u ivan t, Beauclair a interjeté
appel de leur jugement, et c ’est sur cet appel que
la Cour doit prononcer.
M O Y E N S .
Il est de principe que la destination du père de
famille vaut titre à l’égard des servitudes continues
et apparentes; et il y a destination du- père de famille,
lorsqu’il est prouvé que le fonds actuellement divisé
appartenoit au même propriétaire, et que c ’est par
lui que les choses ont été mises dans l ’état duquel
résulte la servitude. Cette maxime n’a jamais éprouvé
de controverse en pays de droit écrit, ni dans la
plupart des coutumes.
Cela est si vrai, qu e , même entre étrangers lors
q u ’il étoit question de savoir si un particulier avoit
acquis un droit de servitude par la possession de
30 ans, l ’on examinoit le genre de servitude; et
lorsqu’elle étoit continue et apparente, l’on admettoit la prescription.
Personne n’ignore que les servitudes continues
et apparentes sont celles ¿ont l’usage est ou peut
�être continuel, sans avoir besoin du fait actuel de
l’homme; com me, par exemple, des conduites d’eau,
et qui s’annoncent par des ouvrages extérieurs, tels
que des rases propres à faciliter leurs écoulemens.
Un petit nombre de coutumes, comme celle de
Paris, qui est étrangère à ce p ro c è s , sembloienc
n’admettre la destination du père de famille, qu’au
tant qu’elle étoit rédigée par écrit; mais aussi quel
ques commentateurs, et particulièrement l ’auteur de
l ’architecture moderne, sur l’article i l 6 , ont pensé
que le titre n’est pas toujours nécessaire, lorsque
la destination a été forcée. D ’ailleurs, en fait de ser
vitudes continues et apparentes} le titre prend son
origine dans la servitude e l l e - m ê m e , parcequ’à
défaut de titres authentiques, il existe des titres
muets qui attestent le droit de servitude : c ’est le
v œ u de l’article 692 du code civil.
Cela posé, quelle est l’espèce de servitude donc
il s’agit? C ’est une servitude continue et apparente;
elle est continue , puisqu’il s’agit de prise d’eau dont
l ’usage est ou peut être perpétuel; elle est apparente,
puisqu’il existe des grandes rases, qui conduisent
dans toute la prairie les eaux qui l ’arrosent.
Les intimés ne contestent point que du vivant de .
M de Calonne, père, les eaux dont il s’agit servoient
à l’irrigation de l'entière prairie: c ’est ainsi qu’il en
a disposé jusqu’à son décès; or, sa destination équi
valant à un titre, 1*Appelant qui a acquis le troi
sième lot de la prairie, n’a-t-il pas le droit de de
mander le partage des eaux.?
�(7 )
M ais, qu’avons nous besoin d e l à destination du
père de famille pour faire ordonner ce partage? Les
lois Romaines qui régissent les parties ne sont-elles
pas positives? La loi 3 3 , § i . er, ff* de servitutibus prœdium rusticorum, après avoir établi que
les servitudes étant attachées aux fonds et non aux
personnes, ne peuvent passer d^une personne à
Pautre, si le fonds n’y passe, nous dit que si le fonds
pour lequel la servitude étoit établie, se divise entre
plusieurs propriétaires, comme entre héritiers léga
taires, acquéreurs ou autrement, chaque portion
conservera rusage de la servitude, à proportion de
son étendue.
P er plurium prœdia ciquam ducis, quoquo modo imposita servitutc, nisi partum vel stipulatio etiam de
hoc subsecuto est neque eornm cu ïvis, neque alii vicius poteris haustum ex vivo cedere.
Écoutons encore ce que nous dit la loi 2 4 , au
digeste de servit, præd. Rust. ex meo aquœ duc tu
labeo seribit cuilibet posse me vicino commodare, proculus contra ut ne in meam partent fw id i, aliam quam
ad quam servitus acquisita s it , uti ea p o ssit. Proculi
sententia verior est.
Ces lois ne sont point équivoques, elles vont
même jusqu^à ordonner le partage des e a u x ,
quoique quelques portions de terrein divisés en
eussent moins de besoin, ou que l ’usage en fut moins
utile.
Plusieurs auteurs nous enseignent le même prin
cipe, et particulièrement celui que Tillustre d’ Agues»
�( S )
seau, appelle avec raison le jurisconsulte des juris
consultes.
V ou d roit-on nous opposer encore ce qu’on a dit
en première instance, que lors du partage de la suc
cession de M . de Calonne, les parties se sont sou
mises à prendre les lots tels qu’ils seraient formés,
avec leurs avantages et leurs inconvéniens, et q u ’il
n’a été établi de prise d’eau en faveur d’aucun lot !
Mais outre que l ’objection se réfute par les principes
que l’on vient de rappeler, elle ne peut naître que
de l’oubli d’une maxime également certain e, qui
nous apprend que l’égalité doit être l ’ame et la base
des partages; or cette égalité ne serait-elle pas rom
p u e , si les intimés étoient propriétaires exclusifs des
eaux de la prairie l
Q u o i , les eaux couleroient dans la portion des
aieur et dame V a n e l , et le lot de l’Appelant ne
seroit point arrosé; l’herbe croîtroit en abondance
dans une partie du pré dont on nous assure que l’es
timation a été la même pour tous les journaux, et le
surplus seroit stérile? Loin de nous un pareil système,
les lois le condamnent, la justice ne peut le to lér e r,
l ’égalité le proscrit. S’il en étoit autrement, le lot de
Beauclair ne lui rapporterait pas de quoi payer les îm-f’
po ts, tandis que celui des intimés leur donnerait
un produit considérable ; la portion de l ’Appelant
seroit totalement à sec, sans les eaux qu’il réclame ;
o r, les prés ne produisent, qu’autant qu’ils sont arrosés.
Mais q u o i , tous les successeurs de M . de Calonne
ai ont-ils pas un droit égal à la division de ces eaux 1
ce
�( ? )
ce droit ne leur est-il pas acquis par la seule qualité
de cohéritiers? Les eaux de la prairie de la Rivière (ont
partie de la succession, et fo rm ent'u n e propriété
comme le fonds lui-même; or l’Appelant qui a ac
quis le troisième lot de la prairie , doit avoir les
mêmes privilèges que sa venderesse.
Si les intimés eussent consulté Despeisse, cet au
teur si célèbre pour le droit écrit, partie première,
section 4 , n°. ÿ , ils auroient vu que dans le partage
d’une succession, l'on ne doit rien laisser d’indivis.
C e jurisconsulte ne fait que répéter ce que dit la loi
lieredes, § 25 , ff. fam iliœ erciscundœ.
Plusieurslois romaines, notamment laloi Pomponius
ont porté ce principe si loin , q u ’elles veulent qu s i ,
lors d’un partage, les pigeons d^un colombier n’y
sont point, ils soient divisés quand ils y retournent,
tant on doit observer l ’égalité entre copartageans.
Pour que la servitude fut éteinte, il faudroit que
le partage en fit une mention expresse ; c ’est-à-dire,
que l ’expert eût délaissé au troisième lot une plus
grande quantité de terrein, à raison de ce qu’il étoit
privé des eaux; il faudroit en un mot qu’il y eut com
pensation , mais cela n’a point eu lieu.
C e qui tranche la difficulté, c’est que les actes s’in
terprètent par leur éxécution; or, depuis le commen
cement de l’an 6 , époque du partage, les eaux ont
arrosé toute la prairie. La demoiselle de Galonné
n ’a jamais éprouvé de contradiction ; et si après
qu ’elle eut vendu son l o t , les intimés se sont par fois
emparés des eaux au delà du temps qu’ils devoient
ü
�les percevoir, ce n’est quJen l’absence de Beauclair,
ec presque toujours pendant la nuit.
Une autre règle pour l ’interprétation des actes ,
c ’est que si l’intention ne se découvre pas par l’ex
pression , et qu’on puisse l’interpréter par quelque
usage des lieux ou des personnes qui ont fait la con
v e n tio n , ou par d’autres voies, il faut s’en tenir à
ce qu’il y a de plus vraisemblable. S i non appareat
qu'ici action e s t, erit consequens ut id sequamur quod
in regione ïn qua actum est frequentatiir.
D ’abord , interprétons le partage de l’an 6 par
l ’usage des lieux, et nous demanderons aux intimés,
dans quel autre partage les experts ont oublié de
faire mention des eaux l Q u ’ils en rapportent un seul
où les eaux d’une prairie de laquelle l’on a fait plu
sieurs lots soient restés indivises. N o n , les experts
ne sont pas accoutumés à de pareils oublis.
Interprétons ce partage par la personne qui a fait
la convention, c’est-à-dire, par ^expert qui a procédé.
Eh bien ! écoutons sur ce point le sieur Rames dans
sa déclaration du 1 7 messidor dernier.
Je n'ai pas divisé, dit-il, les eaux des prés du do
maine de Rajeaud, ainsi que du domaine de la M o i
n e , par la raison que la famille Calonne étoit pressée,
et qu’il fallut abréger le procès-verbal de partage des
immeubles, et cette division fut renvoyée après le
partage.
« Je déclare aussi que M . Franiatte et moi avons
» été chargés de procéder à la division des eaux
» de la prairie de Rajeaud, mais une des demoiselles
�» de Calonne ayant vendu sa portion a B eau clair,
il y eût entre celui-ci et M V an e l des conven» tions notariées pour procéder au partage des eaux.
L ’expert continue en ces termes : « Si Beauclair
» est privé des eaux dont la portion par lui acquise
» étoit arrosée lors de l'estimation que j’ai faite de
» ce pré en totalité, il n’aura plus la môme valeur
» que je lui donnai lors de ma visite sur les lieux ;
» et n’ayant plus la même valeur, lé g a lité qui est
« l ’ame des partages sera rompue, et il n’y aura plus
" l’équilibre que je cherchai alors ».
Q u e les intimés lisent cette déclaration, et qu’ils se
taisent.
Enfin, interprétons le partage de lJan 6 , par ce qu'il
Y a de plus vraisemblable. E s t - i l à présumer que
lors du partage les parties aient entendu consentir à
ce qu’une portion du pré fût arrosée et que l ’autre
ne le fût point? N o n , cela ne peut entrer dans l ’idée
de tout être raisonnable.
Mais pourquoi nous appesantir sur cette partie de
la discussion ; les intimés n’ont-ils pas formellement
démandé le partage des eaux? oui sans doute ils y
ont consenti, ils l ’ont sollicité; ils ont reconnu le
droit de l ’Appelant. D elà résulte une fin de non
recevoir contre leurs prétentions.
L on n’a pas perdu de vue le compromis du a r
thermidor an 9 , par lequel les différens propriétaires
de la prairie, donnèrent pouvoir à des arbitres de
procéder à la division des eaux. C e compromis ex
plique le partage, il nous apprend que tous les coB 2
�( 12 )
héritiers ont avoué que les eaux de la prairie avoient
resté dans ^indivision.
Il est vrai que ce compromis a été révoqué; mais
que résulte-t-il de cette révocation? Il en résulte que
les arbitres ont été dessaisis du droit qu’on leur avoit
attribué de procéder au partage des eaux, mais elle
ne détruit' pas le fait essentiel que les copropriétaires
de la prairie dont il s’agit ont reconnu que les' eaux
de cette prairie devoient se partager. Par cet a c te ,
l ’on n’avoit pas dit aux experts, vous jugerez s’il y
a lieu à la distribution des eaux, mais vous en ferez
la division pro rata ïngeram. Ainsi ce com pro m is,
quoique, r é v o q u é , n’emporte pas moins Faveu que
tous les propriétaires du pré ont droit aux eaux qui
naissent dans une partie seulement, tout comme à
celles qui découlent du réservoir; et un droit re
connu par toutes les parties, ne peut plus être mis
en doute, ni être révoqué, puisque toutes les parties
en étant convenues, elles sont censées avoir accepté
l ’aveu les unes des autres, et le contrat s’est formé
entre tous, ensorte que quand bien m ê m e , ce qui
n’est pas, l’Appelant n’auroit eu aucun droit au par
tage des eaux, il lui seroit acquis par cet acte.
C ’est en conformité de ces principes, q u e , le 2 7
messidor dernier, la C ou r vient d'accorder un neu
vième à un cohéritier, quoique par sa seule qualité,
il n’eût droit qu’à un douzième.
C ’est encore pour conserver l’unité de cette juris
prudence, qu e , par arrêt du 2,9 du même mois, la
C o u r , dans l’affaire des Fontalard contre Roche 9
�C 13 )
v u leurs aveux et approbations géminés, en infir
mant un jugement du Tribunal de Mauriac, a admis
ce dernier au partage des biens de Fontalard père ,
quoique dans l ’origine il ne parut pas y avoir de
droit.
Concluons donc avec raison, que tout est con
sommé entre les parties par le compromis du 21 ther
midor an 9 , et que lJobstination des intimés est
vraiment singulière.
L e sieur Vanel semble avoir redouté lui-même
l’effet du compromis; aussi dans le procès-verbal de
non conciliation, on le voit glisser adroitement que
ce compromis n’a pu lier sa iemme, et qu’il est per
sonnellement étranger à la contestation.
Deu x réponses à ce moyen. La première, c ’est que
postérieurement au partage, le sieur V anel a acquis
en son nom de différens cohéritiers plusieurs lots de
la prairie; or, en sa qualité d^acquéreur, n’a-t-il pas
pu valablement compromettre ?
La seconde, c ’est que l’objection ne seroit fondée,
qiv’autant qu'il s’agiroit d’aliénation. O r , qu’est ce
que le compromis de l ’an 9 ? C ’est une explication
du partage , un acte d’administration que le sieur
V an e l a pu faire en sa qualité de mari. Dans tous
les c a s , comme le mari a la jouissance des biens
dotaux de son épouse, et que l ’Appelant a un titre
qui émane du sieur V a n e l , il devroit toujours per
cevoir les eaux jusqu’à la dissolution. du mariage
des intimés.
Q u e reste-t-il maintenant pour établir le mal jugé
�C h )
du jugement d’Aurillac? Il ne nous reste qu’à en
refuter les principaux motifs.
" Les premiers juges ont d’abord mis en principe
que le partage de Tan 6 avoit été fait sous l ’empire
de la coutume de Paris; et partant delà, ils ont jugé
en point de droit qu’aux termes de l ’article C C X V de
cette couturne, il n’y a de servitudes établies sur les
différents lots que celles qui sont énoncées dans le par
tage; et que ce partage de l’an 6 étant muet sur
les eaux de la prairie, ^Appelant n’avoit aucun
droit de servitude sur le lot des intimés.
C e moyen renferme une double erreur. D ’ abord
la coutume de Paris n’a jamais été suivie dans l'ar
rondissement d’Aurillac pour les servitudes rustiques.
E n second lieu, l ’article C C X V de cette coutume
ne dit pas ce qu’on a voulu lui faire dire.
Aurillac est situé en pays de droit écrit; o r , per
sonne n’ignore que ce pays-là se régit par les lois
romaines.
A R o m e , les maisons formoient des îl es, chaque
propriétaire avoit pour ainsi dire à lui seul une petite
cité qui ne communiquoit point avec ses voisins..
D e là le silence des lois de ce peuple sur les servi
tudes urbaines, elles fussent devenues sans objet.
Dans la suite les hommes sentirent la nécessité
d’avoir entr’eux des rapports plus particuliers, ec
bientôt les villes ne formèrent plus qu’un amas de
maisons que l’on joignit les unes aux autres.
A lo r s , il fallut créer des servitudes urbaines, e t
faire des lois sur cette matière. L a ville de Paris
�r( i ; )
par son grand nombre d’édifices et sa nombreuse
p o p u la tio n , fut la première qui en sentit la nécessité.
Plusieurs jurisconsultes s’en occupèrent, et lorsque
leur ouvrage eût paru, il fut adopté par quelques
provinces, vu le silence des lois romaines. Mais la
coutume de Paris n’a jamais reçu dJexécution en pays
de droit é cr it, pour les servitudes rustiques; et pour
quoi? C Jest parce que Jes lois romaines se sont assez
expliquées sur ce point. Eclairons encore cette vérité
par un exemple.
L a coutume de Paris veut qu’aucune servitude ne
puisse s’acquérir sans titre; et cependant en pays de
droit écrit, comme dans la plupart des c o u t u m e s ,
n ’attribu e -t-o n pas tous les, jours la servitude à
celui qui a une possession paisible et continuelle de
3 0 ans ?
C ’est donc mal-à-propos que les premiers juges
ont prétendu que le partage de la succession de M .
de Calonne avoit été fait sous l ’empire de la c o u
tume de Paris.
N o n seulement la coutume de Paris est étrangère
au procès, mais encore les juges d’Aurillac en ont
mal interprêté le sens. Q u e porte l’article C C X V l
Q u e « Quand un père de famille met hors ses
y> mains partie de sa maison, il faut spécialement
» déclarer quelles servitudes il retient sur l’héritage
» qu’il met hors ses mains, ou qu’il constitue dans
» le sien; il les iàut nommément et spécialement
» déclarer, tant pour l’ endroit, hauteur, mesure,
» qu’espèce de servitude, autrement toutes cons-
�( i 6 )
» titutions générales de servitudes, sans les déclarer
» comme dessus , ne valent »,
Nous le demandons à l ’homme le plus subtil ;
quel rapport a cet article à la contestation qui nous
divise ? D ’a b o r d , il paroît évident qu^il n’a trait
qu’aux servitudes urbaines, puisqu’il ne parle que
du cas où le père de famille met hors ses mains partie
de sa maison , et qu’ensuite il s^exprime par ces
mots ; hauteur, mesure, expressions étrangères aux
servitudes rustiques.
Mais fût-il vrai que cet article étendit scs dispo
sitions jusqu’aux servitudes rustiques, au moins fautil convenir qu’il n’est point applicable entre cohé
ritiers : ses termes font assez sentir qu’il doit se res
treindre aux ventes faites par le père de famille. Si
celui-ci vend un héritage à quelqu’u n , il est naturel
que cet héritage soit libre, à moins que la servitude
soit formellement réservée. Les servitudes étant oné4
reuses pour le propriétaire qui en est g ré vé , l’on
présume que les propriétés en sont exemptes, jus
qu’à la preuve du contraire. Ici M . de C alon ne.i /a
rien mis hors ses mains, pour nous servir des expres
sions de la coutume; to u t, au contraire, y est resté.
Quoique la prairie de la Rivière ait passé dans les
mains de plusieurs copartageans, néanmoins ceuxci représentent le père de famille, il ne font qu un
avec le déiunt. C ’est donc avec raison, que nous
avons dit que le principal motif du jugement dont
est appel, contient une double erreur.
Les premiers juges, par une suite de leur système-,,
ont
�( r7 )
ont prétendu que la destination du père de famille
de voit être rédigée par écrit, conformément à la c o u
tume de Taris; l ’ensemble de la discussion détruit
ce moyen.
Il ne nous reste plus qu’à faire une observation
subsidiaire.
L ’on a vu que les eaux qui arrosent la prairie sont
de deux espèces. Les premières naissent dans le lot des
intimés; les secondes s’écoulent d’un réservoir et
traversent un chemin public avant dJarroser la prairie.
O r , en point de droit, les eaux qui traversent un che
min public deviennent publiques comme le chemin
lui-m êm e, et par conséquent tous les riverains ont
droit au partage; sous ce point de v u e , les intimés
ne peuvent pas conserver la propriété exclusive de
toutes les eaux.
Notre tâche est maintenant remplie; nous avons
prouvé que le jugement dont est appel doit être in
firmé, les raisons en sont simples.
Q u e les intimés ouvrent donc les y e u x , il en est
temps; une plus longue obstination les rendroit in
justes. Mais q u o i , ne s'aveuglent-ils pas sur leurs
propres intérêts? N e doivent-ils pas desirer eux-mêmes
l ’infirmation du jugement dont est appel? Si ce ju
gement pouvoit être confirmé, alors, sans dou te,
l ’Appelant formeroit une demande en garantie ou
dommages, intérêts contre Jeanne-Francoise de Ga
lo n n é , qui lui a vendu son l o t , avec ses prises d’eau
dues et accoutumées, et celle-ci à son tour n ’attaC
�( 18)
queroit-elle pas le partage de l’an 6 pour cause de lésio
n
Ainsi que les intimés se consolent; leur fortune
seule auroit dû les rendre plus justes, sur-tout envers
un cordonnier qui n’a pour toute ressource que son
trava il et quelques journaux de prés dont on lui
conteste l’irrigation. Mais plus on est riche, dit un
auteur moderne, plus le désir s' irrite et croît avec
les moyens de s’enrichir davantage. L ’am bition,
com me un exacteur c ru e l, nous prescrit sans cesse
une nouvelle tâch e, les travaux se succèdent sans
fin , et le terme ou l'on veut se reposer, s’éloigne
à mesure qu’on croit en approcher.
M ,c D E V E Z E , d’A u rilla c, Homme de lo i,
M ° * * * * * A voue,
À RIOM, DE L’IMPRIMERIE
DE,
Mr. DÉGOUTTE
�?/•
_ j MUv-f <ru^ /à-X'fat^L tAu.u (t* h-~~Ì2/(rtUc^-
ftàWitrU- (j — ïï&ppnl Je /incutf ,
d tyjú J Jtc JfUVLl'U /Im <AA2 f/vywXL. LuMr<JA^;
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/vignettes/BCU_Factums_M0101_0017.jpg
Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Beauclair, Nicolas. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Devèze
Subject
The topic of the resource
partage des eaux
experts-géomètres
servitude
droit coutumier
experts
jouissance des eaux
Description
An account of the resource
Mémoire pour Nicolas Beauclair, cordonnier, habitant du lieu de Teil, commune de Saint-Cernin, arrondissement d'Aurillac, appelant ; contre Pierre-Paul Vanel et Dame Marguerite Calonne, son épouse, habitans du lieu de Rageaud, même commune de Saint-Cernin, intimés.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de M. Dégoutte (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
Circa An 6-Circa An 13
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0701
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Saint Cernin (15175)
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53896/BCU_Factums_M0701.jpg
Droit coutumier
experts
experts-géomètres
Jouissance des eaux
partage des eaux
servitude
-
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727cadb2ee7f18f795defa3bd17b5e59
PDF Text
Text
x ir-
T 77*r"
1 / fU M c& L e l—
M JH cccC r
¿Z X /O C & f^ .
¡nrL p j # P R É C I S
i d '/û ÿÿv l-
ù* ÛUAOM-J
—
'
Le sieur P i e r r e R O U H E R , avoué licencié, appelant;
CONTRE
Les héritiers bénéficiaires de P r i e s t C H A P U S ,
intimés.
Q U E S T I O N S .
•
L ’ordre, pour la distribution du p rix d ’une vente ju d icia ire
d oit-il avoir lieu entre tous les créanciers ayant des privilèges,
ou des hypothèques inscrites ou légales existantes sur les biens
•vendus, ou seulement entre les créanciers personnels de l ’ex propriè ?
Ou celui qui ouvre un ordre n ’est-il tenu que d ’appeler les
créanciers de l ’exproprié , quoiqu’il connoisse les autres ; et
l ’adjudicataire ne peut-il, n i exiger leur a p p e l, n i le fa ir e ?
F A I T S .
L e 9 août 1809, vingt-deux articles de propriété ont été
yendus sur Amable Morand.
J’en ai été adjudicataire.
A
�♦
(
a
«
«
«
cc
cc
cc
cc
2
)
L ’art. 7 du cahier des charges est ainsi conçu :
cc Dans le cas de recherches hypothécaires de la part des
créanciers des anciens propriétaires, ou desdits.propriétaires
eux-ménies , contre l’acquéreur de tout ou partie des objets
ci-dessus détaillés , lesdits acquéreurs ne pourront a u ssi, sous
quelque prétexte et m otif que ce soit, exercer aucune action
en garantie contre les poursuivans , y u que chaque adjudicataire achète les immeubles grevés, non-seulement^ des inscriptions faites sur Amable M orand, mais encore de celles
des anciens propriétaires", si aüciiftëS'ÿ'“#; 3ïy
Les héritiers Chapus , qui avoient poursuivi la vente judiciaire
des biens de M orand, ont ouvert l’ordre pour la distribution
de s o n prix ; mais au procès verbal ils n ’ o n t annexé que l’extrait
des inscriptions prises sur Amablè M orand, et n’ont sommé de
produire que ses créanciers personnels.
Averti par l’extrait de la matrice du rôle , inséré dans le
jugem ent d’adjudication, que dix-neuf articles des biens vendus
provenoient d’acquisitions faites récemment par Morand , de
différens particuliers qui y sont dénommés; assuré par la véri
fication que j’avois faite au bureau des hypothèques, qu’il n’en
avoit fait transcrire aucunes, et qu’il existoit une infinité d’ins
criptions sur ses vendeurs, j’ai été plus qu’étonné de voir que
les poursuivans, qui connoissoient parfaitement tous les anciens
propriétaires, n’eussent pas sommé leurs créanciers de produire
à l’ordre.
J’ai alors reconnu leur b u t , en se mettant à l’abri de toute
action en garan tie, en cas de recherches hypothécaires ; j’ai
admiré leur prudence et leur tactique, et j’ ai cru que je n’étois
pas obligé d’en être la dupe.
Si les poursuivans ont eu la faculté d’interdire à l’adjudi
ca ta ire , en cas de recherches hypothécaires, toute action en
garantie contre eu x, ils n’ont pas celle de faire un ordre illégal.
Intéressé à me libérer valablem ent, promptement, et à n ’étre
exposé à aucunes recherches hypothécaires; assuré de parvenir
�(
3
)
à ce triple but, si l’ordre commencé é to it régulièrement achevé
entre toutes les parties intéressées, j’ai cru être en droit d’in
tervenir à l’ordre ( 1 ) et d’exiger que l’état de toutes les ins
criptions existantes sur les biens vendus ( 2 ) fût annexé au
procès verbal d’ordre , et que tous les créanciers ayant des
privilèges ou des inscriptions inscrites ou légales fussent sommés
de produire ( 3 ).
A cet effet j’ai présenté une requête, et consigné mes dires
au procès verbal d’ordre.
Vingt-deux créanciers de Morand avoient produit ; les hé
ritiers Chapus seuls ont contesté.
I l est bien certain , ont-ils dit , qit Am dble M orand ayant
acquis d ’une foule de particuliers les immeubles que l ’on a
fa it vendre sur l u i , si l ’on ¿toit obligé d ’appeler tous ceux de
qui il a a c h e té , et leurs créanciers , i l y aurait plus de trois
cents individus à appeler à l ’ordre; ce qui consommerait la
totalité de la somme ci distribuer.....
(1) Q u’on ne dise pas que l’adjudicataire est étranger à la procédure, qu’il
ne doit pas répondre d’une omission commise par le poursuivant ; ce raison-*
nement seroit subversif de tous les principes sur cette matière. Quiconque veut
acquérir n’est ni ne peut être étranger à aucun des actes nécessaires pour régu
lariser l’acquisition : cette excuse ne sauveroit pas l’adjudicataire de la juste
réclamation d’un créancier hypothécaire qui a un droit réel sur l’immeuble
vendu, et qui, au mépris de l’injonction positive de la lo i, n’a pas été mis en
mesure d’enchérir, et de faire colloqucr sa créance dans son rang. R épertoire
d e ju risp ru d en ce de. M e r lin , tome 1 1 , p. 662, au m ot S a is ie im m obilière.
(2) Art. 752 du Code de procédure. ( A rt. 3i de la deuxième loi du 11 bru
maire an 7 : « L ’ordre sera ouvert au g reffe......sur la remise d’ un état certifié
« par le conservateur, de toutes les inscriptions existantes sur les immeubles
« aliénés. » )
(3) Les créanciers hypothécaires et inscrits doivent seuls concourir à la for
mation de l’ordre..........O n doit mettre dans ce rang les créanciers ayant des
hypothèques inscrites sur l ’ i m m e u b l e adjugé, mais créées par des anciens pro
priétaires dont la possession étoit antérieure à celle du débiteur saisi. B.èper~
taire d e ju risp ru d en ce d e M e r lin , page 677, au mot S a is ie im m obilière«
A 2
�.
..
.
(4
)
L e poursuivant ne peut quappeler les créanciers inscrits d u ’
saisi ; il ne connoit n i ne peut connoître les autres q u i ont
hypolhique sur les biens vendus.........
L e créancier, pour suivre son hypothèque , a u x termes de
l ’article 2166 (lu Code Napoléon , doit surveiller les différentes
mutations de l ’immeuble hypothéqué, et inscrire sur le nouveau
propriétaire à fu r et mesure de chaque v en te......
On c o n ç o it bien que si les anciens propriétaires des im
meubles vendus sur M o ra n d , et leurs créanciers , venoient à
Vordre, q u ’ils prim eroient, à n en pas douter, les créanciers
de M orand; mais dès q u ’ils n ’ont pas eu la précaution d ’ins
crire sur ce d ern ier, c ’est eux qui doivent venir à l’ordre, et
l’on n ’est pas tenu de les y a p p e l e r , parce qu'ils ne se sont
pas f a i t connoître par une inscription sur M o r a n d . ........
I l n ’est pas douteux que s i, après l ’ordre f a i t , il se pré
sentait des créanciers des vendeurs de M o ra n d , ils 11e pour
raient en aucune manière rechercher, n i M e. R o u h er, n i les
créanciers qui auroient touché , parce q u ’ils seroient venus
trop tard; que par leur fa u te et leur négligence ils auroient
perdu leurs droits , n ’ayant pas inscrit sur M orand.......
D ’après ces motifs , ils ont demandé que je fusse déclaré
non recevable , etc.
J’ai répliqué; e t, en substance, voilà ce que j'ai d it:
Un immeuble hypothéqué est un gage donné pour l’acquit
tement d’une obligation ( art. 2114 du Code Napoléon ); il en
est affecté tant que l ’inscription subsiste ( art. 2164, 2180 );
elle subsiste tant qu’elle n’est pas radiée ou éteinte : s’il est
vendu , le prix en appartient à tous les créanciers (art. 2*77 ( i) ,
2184 ) qui y ont des privilèges ou des hypothèques inscrites ou
lég ales , pour être collo.juea et puyés suivant l’ordre de leurs
(1)
« Les créanciers personnels (d u tiers détenteur ) , après tous ceux qui ont
« inscrit sur les précédens propriétaires, exercent leur hypothèque à leur rang.,
« sur le bien délaissé ou adjugé, »
�( 5 )
créances ou inscriptions ( art. 2166 ). Dés que le prix appartient
à tous les créanciers , l’ordre pour sa distribution doit avoir
lieu entr’eux tous (1) ( art. 762, y 53 du Code de procédure;
art. 3 i de la seconde loi du 11 brumaire an y ) : un ordre
fait seulement entre les créanciers personnels de l ’exproprié,
s’il y en a d’au tres, est illégal et n u l , parce que le prix de
l’immeuble vendu ne doit pas servir à payer ses dettes person
nelles , mais toutes celles au payement desquelles il est affecté...
Pour conserver ses droits hypothécaires, un créancier ne peut
pas être obligé de surveiller chaque m utation, d’inscrire h fur
et mesure sur le nouveau propriétaire, parce que l’hypothèque
est un droit réel sur un immeuble ( art. 2114 )> et le suit en quel
ques mains qu’il passe (2) ; parce qu’on ne peut inscrire sur un
individu qu’en vertu d’un titre personnel contre lui ( art. 2124»
2x48 ) ; parce qu’autrement le régime hypothécaire seroit une
chim ère , puisqu’alors un débiteur pourroit à son gré priver
son créancier du gage qu’il lui auroit d on n é, en le faisant
passer, par des ventes clandestines, à un acquéreur inconnu ,
qui le revendroit à un autre entre les créanciers fictifs 011 réels
duquel on feroit faire un ordre ; et parce qu’un vendeur
(1) Dans les cas ordinaires, les privilèges et les hypothèques sont constitué*
par le même débiteur. Mais il peut arriver qu’ils aient été constitués successi
vement sur la tête de plusieurs propriétaires, sans que l’unité de l’ordre soit
divisée. Répare, d e ju risp ru d en ce d e M e r lin , tome 8 , p. 772 , au mot Ordre.
(2) L ’liypothèque donne au créancier hypothécaire le droit de suivre l'im
meuble hypothéqué dans toutesmains où il passe... Ce droit de suite n’est pas seule
ment actif, il est encore passif, et il n’a pas moins d’importance sous ce dernier
aspect. Ce droit que nous appelons passif, consiste en ce que dü moment où
une hypothèque sur un immeuble est établie et consolidée par l’inscription,
cette hypothèque no peut être purgée à la suite d’ une aliénation volontaire ou
fo rcée, sans que le créancier soit personnellement appeté, pour veiller à ce que
le prix soit porté à sa vraie valeur, et à ce que dans la distribution de ce même
prix il soit colloqué dans le rang que son titre lui assigne. Ibid. tom. 5 , p. goo»
jiu mot H ypothèque.
A 3
»
�(
6
)
( art. 0182 ) ne transmet la chose vendue que sous l’affecta
tion des mêmes privilèges et hypothèques dont il étoit chargé.
Comment les poursuivans ont-ils pu s’imaginer qu’ils étoient
dispensés d’appeler les créanciers inscrits des anciens proprié
taires, et ceu x-ci, parce qu’il y en a plus de trois cents? Ainsi
je dois donc être exposé à plus de trois cents demandes hypo
thécaires ! . . . .
C elte m ultitude extraordinaire démontre l’impérieuse néces
sité où je suis d’exiger que l’ordre soit régulièrement fait. La
publicité d’une saisie immobilière n’oblige pas les créanciers
à se présenter à l’ordre ; la loi veut qu’ils soient sommés de
produire (1) ( art. y 53 du Code de procédure ) ; tant qu’ils ne
l ’ont pas été , leurs droits sont intacts (2). Le juge-commissaire
n’en peut pas plus prononcer la d éch éan ce qu’ordonner la ra
diation de toutes les inscriptions non utilement colloquées ; et
cependant il doit terminer l’ordre par ces deux dispositions
(art. 759 du Code de procédure) : comment le fera-t-il, si tou®
les créanciers ne sont pas appelés (3)?
(i)
L e créancier hypothécaire a exclusivement le droit d’exiger, de la part
du poursuivant, une notification qui l’avertisse des poursuites en expropriation;
il a exclusivement le droit d’attendre une sommation de production de son titre.
lb i d . tome n , page 6 6 1, au mot S a is ie im m obilière.
(a) Si l ’omission de la notification provient de la faute du poursuivant.. . . r
«lie ne peut nuire au créancier omis. Le créancier est partie essentielle dans la
procédure ; il doit y être appelé nécessairement : tous les actes qui peuvent
«voir été faits sans qu ’il ait été appelé , sont nuls à son égard ; ils ne peuvent
porter aucune atteinte à son hypothèque, qui est sous la sauvegarde de la loi.
lb id . tome i x , page 66a, au mot S a isie im m obilière.
(3)
Lorsqu’on est parvenu à cette distribution (d u prix e n t r e tous les créan
ciers h y p o t h é c a i r e s , suivant leur o rd r e ), toutes les hypothèques ou privilèges
préexistans, dont l’immeuble étoit g rev é , sont anéantis; les hypothèques de»
créanciers utilement colloqués sont éteintes par le payem ent; celles des créan
ciers qui n’ont pu obtenir une collocation utile, soit à cause de leur négligence,
»oit à cause de l’insuffisance du produit de la vente, sont effacés par l’autorité
de la loi; et le fonds, parfaitement libre entre le* mains du nouyel acquéreur^
�( 7 ) ^
En cet ¿fat, la cause a été portée à l ’audience ; et sur rapport,
le tribunal a rendu le jugement qui suit :
« Attendu que le Code judiciaire ayant prescrit les formalités
« pour l’ordre et distribution des deniers du prix d’un immeuble
cc vendu par expropriation, les dispositions de cette loi doivent
fi seules servir de règles pour statuer sur la validité de la pro-;
« c é d u re ;
« Attendu que l’art. 762 du Gode de procédure ayant ordonné
« qu’un extrait de toutes les inscriptions e x i s t a n t e s , délivré par
cc le conservateur, seroit annexé à l’ordre, a suffisamment ex« pliqué que ces inscriptions seules doivent servir de règles
cc pour déterminer la collocation ; que n’exigeant pas la preuve
cc de l’existence d’autres hypothèques , on ne peut ajouter à
cc la l o i , mais qu’il faut se contenter du rapport des seules
ce inscriptions a p p a r e n t e s ;
cc Attendu que la disposition suivante confirme encore ce
cc principe, en disant que les créanciers seront sommés de procc duire par acte signifié aux domiciles élus par leurs inscriptions;
cc d’où il appert qu’il faut nécessairement des inscriptions exiscc tantes sur l’exproprié, pour nécessiter l’appel de ses créanciers
cc de la part des poursuivans à l ’ordre ;
cc Attendu que l’art.
du même Code ajoute encore un
cc nouveau poids à ces décisions, en prescrivant au juge-com cc missaire de dresser son état de collocation sur les pièces
cc produites, et en imposant au poursuivant l ’obligation de dé« noncer aux créanciers produisant, la confection de l’état de
cc collocation ; que du rapprochement de ces d is p o s i t io n s , i l
« résulte que dans tout son systèm e, la loi ne r e g a r d e comme
« devant être à l’ordre et ne pouvant y participer, que les
n ’aura plus d’autres hypothèques que celles qui pourront être imposées par
nouvel acquéreur lui-m êm e,
au mot Transcription.
ou par scs suççesseurs. Ibid, tome l 5, page
le
�(
8
)
« seuls créanciers q u i se sont f a i t connoître par leurs inscripcc tions sur l ’immeuble dont le p rix est en distribution ( 1) ;
« Attendu que la prétention par laquelle on veut assujétir
« les poursuivans à appeler à l’ordre , non - seulement les
« créanciers inscrits, mais encore tous autres créanciers quel« conques (2) qui peuvent avoir eu jadis quelques droits sur
« l ’immeuble dont Me. Rouher s’est rendu adjudicataire, est
« évidemment contraire à la l o i , répugne à la raison , en ce
« qu’elle obligeroit les poursuivans à des démarches d’une exé« cution im praticable, puisqu’il leur est impossible de connoitre
cc quelles peuvent être les différentes créances auxquelles cet
cc immeuble peut avoir été assujéti dans les mains des auteurs
cc de l ’ e x p r o p r i é , o u dans celles des vendeurs de ces auteurs;
« ce qui remonteroit même à l’infini, et p a r conséquent ne peut
cc être accueilli ;
cc Attendu qu’en outre , le refus fait par ¡’adjudicataire de
cc payer actuellem ent le prix de la vente (3), sous le vain pré« texte qu’il faut encore appeler à l’ordre tous les créanciers
ce hypothétiques (4) qui peuvent avoir eu des droits sur l’imcc m eu b le, est en opposition avec l’art. 7 du cahier des charges;
et q u e, d’après cet article (qui est ici transcrit en en tier), il est
cc manifeste que l’adjudicataire s’est soumis à payer le prix indécc pendam m ent de toutes les inscriptions quelles q u e lle s soient;
cc qu'ainsi il s’est fait la loi à lui-méme ; qu’il ne peut l’enfreindre ,
cc et par conséquent qu’aucun prétexte d’inscriptions possibles ,
(1) Dcmandois-je autre chose ?
(2) Ma requête d’intervention, répondue par M . le président, m e s conclu•ions signifiées, et le procès verbal d’o rd re, où tous les dires o n t été consigné»,
prouveront que je n ’ a i pas formé une demande a u s s i ubsurdc.
(3) A qui? qui le dem andoit? où ce refus est-il consigné? Le procès verbal
d ’ordre prouvera encore qu’il n’étoit question ni de demande ni de refus à cet
¿gard.
(4) Je n’ai jamais demandé que l’appel des créanciers ayant des hypothèque^
inscrites ou légales sur les immeubles vendus, à l’époque de la vente.
�« valables ou non, ne peutle dispenser de remplir son engagement
« form el, et de payer dès l’instant (1 ) le prix de la vente , et
« de satisfaire aux autres charges de l’adjudication ;
« Par ces motifs, le tribunal, sans s’arrêter à l’incident élevé
« par M°. Rouher, dans lequel il est déclaré non recevable, ou
« dont en tout cas il est débouté, ordonne qu’il sera passé outre,
cc dans l’état actuel des ch oses, à l’ordre , etc. »
Il résulteroit de ce jugement, non-seulement qu’un ordre ne
doit être fait qu’entre les créanciers personnels d’un exproprié,
mais que je dois payer le prix de mon adjudication et le montant
de toutes les inscriptions possibles, valables ou non , qui frapperoient sur les biens que j ’ai acquis : comme de telles dispo
sitions m’ont également paru contraires aux lo is , à l’équité et
à mon obligation, j’ai cru devoir en interjeter ap p el, et de
mander, comme j’avois fait en première instance, que tous
les créanciers, soit de l’exproprié, soit des précédens proprié
taires, ayant des privilèges, ou des hypothèques inscrites ou
légales, frappant le 9 août 1809, jour de l’adjudication, sur les
immeubles qui m’ont été vendus, soient sommés de produire
à l’ordre ; et qu’à cet e ffe t, l’état de toutes les inscriptions soit
annexé au procès verbal d’ordre, si mieux n’aiment>les intimés
que je sois subrogé à leur lieu et p la c e , comme poursuivant,
à la charge par m oi, ainsi que je m’y soumets, d’annexer dans
le mois cet état de toutes les inscriptions au procès verbal
d’ordre, et de sommer tous les créanciers qui y seront dénom
més , de produire.
Je me bornerai à observer que les premiers juges n’ëtoient
pas saisis de l’interprétation du cahier des charges; car les hé
ritiers Chapus et m o i, nous étions parfaitement d’accord sur le
sens de l’ai t. 7, et nous entendions que cet article ne signiiïoit
et ne pouvoit signifier autre chose, si ce n’est, qu’en cas de
recherches hypothécaires, je ne pourrois pas exercer d’action en
�C 10 )
garantie contr'eux comme poursuivant la vente : autrement, il
n’y auroit pas eu d’ordre à ouvrir ; Morand devoit venir me
demander le p r ix , et chaque créancier le montant de son ins
cription valable ou non.
Alors , pour l’acquisition de quelques immeubles épars, situés
dans la commune de Loubeyrat, pays de montagne, dont aucun
n’est en nature de pacages', dans lesquels il n’y a pas un seul
arbre , où on ne sème que n eu f setiers de seigle , où on ne
récolte que cinq petits chars de foin, et dont le revenu est porté
en la matrice du rôle, à 141 fr. 55 cent. ; indépendamment de
plus de 35oo fr. que j’ai payés pour les frais de v e n te , je serois
obligé de payer le prix qui est de 11200 fr. ; plus, 167170 fr.
43 c . , montant des inscriptions prises sur Morand ; et enfin 3 à
400000 f r . , en ne portant qu’à 1000 francs , l’un dans l’au tre,
le montant des inscriptions prises par chacun des trois cents
créanciers et plus des vendeurs de Morand !.....
ROUHER.
V A Z E I L L E , avoué licencié.
À R I O M de l’imp. de T H IB A U D , imprim. de la Cour impériale, et libraire,
rue des T au les, m a iso n L a n d r i o t . — Mai 1 8 1 0.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Rouher, Pierre. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rouher
Vazeille
Subject
The topic of the resource
créances
hypothèques
créanciers hypothécaires
Description
An account of the resource
Précis pour le sieur Pierre Rouher, avoué licencié, appelant ; contre les héritiers bénéficiaires de Priest Chaput, intimés. Questions. L’ordre, pour la distribution du prix d’une vente judiciaire, doit-il avoir lieu entre tous les créanciers ayant des privilèges, ou des hypothèques inscrites ou légales existantes sur les biens vendus, ou seulement entre les créanciers personnels de l ’exproprié ? Ou celui qui ouvre un ordre n'est-il tenu que d’appeler les créanciers de l’exproprié, quoiqu’il connaisse les autres ; et l’adjudicataire ne peut-il, ni exiger leur appel, ni le faire ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1809-1810
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0635
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Comps (03092)
Rights
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Domaine public
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hypothèques
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DISSERTATION
SUR L A NA TU RE DES PERCIÈRES
DANS
L A
C I - D E V A N T
P R O V I N C E
E T
C O U T U M E
D’AUVERGNE.
ou p a r c i a i r e , a g r i e r , c h a m p a r t , t e r r a g e ,
e tc ., autant de termes synonymes employés dans les
divers pays, pour ne signifier qu’une même chose, c ’est-à-dire,
la portion de fruits que le propriétaire de l’héritage perçoit
pour son droit de propriété ; l’autre portion des fruits devant
appartenir au détenteur de l’héritage, pour le prix de son travail
et de la culture.
P e r c i è r e
c a r po t,
C ’est ainsi que s’en explique le glossaire du droit français ,
au mot champart : « C’e s t , d i t - i l , le droit de gerbe de blé
« et légumes que le seigneur de la terre p r e n d s u r le champ,
« avant que le laboureur enlève son blé, qui autrement s’ap
pelle terrage.
Il en est dit autant au mot perciére : cum
dominus fu n d i capit partem in fructibus cum colono.
�( 2) .
Ce d ro it, sous quelque dénomination que ce s o it, s’établit
non seulement par titre , mais aussi par une possession suffisante
à prescrire : c ’est ce que nous apprend la Thaum assiéres, dans
son commentaire de la coutume de Berri, tit. io , art.
.
Et il en doit être de même en Auvergne, o ù , par l’art. 2
du tit. 17 de la co u tu m e, tous droits et actions, cen s, rentes,
servitudes et autres droits corporels ou incorporels se pres
crivent, acquièrent ou perdent par le laps ou espace de trente
ans.
On voit aussi dans l ’art. 21 de la coutum e de Saintonge ,
au bailliage de Saint-Jean-d’A n g é ly , que les terres peuvent
être tenues à titre eïogrier,non-seulement par baillette expresse,
mais aussi par trente ans possédées ; et cet article ajoute que
si celui qui les tient ainsi les la is s e chômer pendant trois ans, le
seigneur pourra reprendre lesdites terres.
L ’article 24 de la coutume de Berri porte que les Cerragiers
ne pourront vendre ou autrement aliéner; lesdites terres terragières sans la licence et consentement du seigneur, si ce
n’est qu’il fût permis par le b a il, convention ou autre moyen
valable.
D e toutes ces autorités semble sortir la preuve que la pro
priété du fonds, réside toujours dans la personne du bailleur
à percière, champart, e t c . , et que le preneur n’est qu’un véri
table colon, partiaire ; et c ’est ainsi qu’on a vu qu’il étoit nommé
dans le glossaire du droit français , au mot p a rcia ire, où le
bailleur est appelé dominus fu n d i, et le preneur colonus. Il
n’y a en effet de différence entre le bail de métairie et le
bail à percière , si ce n’est que le bail de métairie est fait
pour un temps déterminé de trois a n s , ou de trois à s ix , ou
de six à neuf ; au lieu que le plus s o u v e n t le bail à perciére
est fait pour un temps indéfini ; mais le preneur, à l’un et à
l’autre titre , n’est jamais qu’un co lo n , q u i, comme le ferm ier,
ne jouit que pour le maître de la chose.
Quelle est d’ailleurs la nature de la percière ou du champart?
23
�(
3
)
est ce un droit féodal ou seigneurial, ou un simple droit foncier?
il faut distinguer.
;0
Ecoutons d’abord le grand maître de la m atière des droits
seigneuriaux, Me. Charles D um oulin, appelé à juste titre le
Papinien fra n ça is, et ce qu’il dit dans la préface du titre des
censives de la coutum e de Paris.
Quoique souvent, dans les coutumes de F ran ce, il soit fait
mention du champart , oe n est pas cependant un droit sei
gneurial et qui engendre des droits de lo d s, si ce n ’est dans
les coutumes qui le disent expressément 5 mais autrement le
champart est compris entre les droits privés et les servitudes
particulières, quoique quelquefois il puisse concourir avec le
cen s, comme avec quelque autre charge sur le même fonds;
c’est-à-dire , par une convention particulière, toutes les fois
qu’elle a été stipulée : noca quod quatnvts sœpè in consuetud in ib u s fia t mentio de campipartu, tamen non est ju s domi
nicale , nec laudimka trahit n isi ubi consuetudo hoc expresse
dicit. A lia s inter jura^privata et servitutes particulares computatur, quamvis quandôque possit concurrere cum censu, ut
q u o d lib e t ejusdem rei privatwn onus, •videlicet e x impositione
particulari ubi cumque ità pactum fu it.
Après cela on ne peut pas être surpris de lire dans la nouvelle
collection de Denizart, au mot champart, tom. 4,pag. 428, que
« le champart ( même droit que la percière ) est celui dû pour
« toute autre cause que la reconnoissance de la directe, soit au
« seigneur, soit à tout autre; qu’il se gouverne par les mêmes
« principes et par les mêmes règles que les rentes foncières,
cc et qu’il faut titre ou possession équivalente pour pouvoir
« le prétendre, et qu’il se perçoit comme tout autre droit, etc. »
LaThaum assîères, sur l’art.
de la coutume de Berri, avoit
dit aussi que cc les terrages ( même droit que la perciôre ou
cc le champart ) n emportoient pas, dans cette coutume, les lods
cc et ventes , quoiqu il soit le premier droit établi sur l’Iiériu tage libre et allodial, non plus que dans les autres coutume*
23
�( 4 )
et qui n’ont pasfde dispositions contraires; » sur quoi il renvoie
a u passage de D um oulin, et il ajoute que « cela ajlieu dans
« cette coutuïne, qui admet le franc-alleu, et rejette la règle,
« nulle terre sans seigneur. » '[
: ' .
Et sans doute il en doit être de même dans la coutume d’Au
vergne, qui, comme celle de Berri, admet le franc-alleu , rejette
aussi la règle , nulle teire sans seigneur | et reconnolt la règle
toute contraire, nul seigneur sans titre. !
i iQue l’Auvergne soit un pays 'de franc-alleu , c’est ce qui ne
peut être la matière d’un doute ; et c ’est ce qui est attesté
par tous les auteurs qui en ont parlé.
M azuer, que M. d’Aguesseau appelle un de nos plus excellens
praticiens, et dont l’ouvrage avoit principalement pour objet
les coutumes d’Auvergne, avant q u ’ e ll e s fussent rédigées par
écrit, y atteste la franchise et la liberté des héritages, même
à l’égard des seigneurs justiciers : non sequitur, res quam
possideo est in tua furisclictione ergo teneo à te in fenclum ,
et hoc innuitur, quod dominus debet ostendere rem pro quâ
prœtendit.
• A ym o n , le plus ancien des commentateurs de la coutume
d’Auvergne, expliquant l’art. 19 du titre 1 7 , l’entend sans dif
ficulté du franc-alleu d’origine : omnia præsumuntur libéra
et allodialia pro ut fu eru n t primœvo jure.
Bessian, qui vient après Aym on dans l’ordre des commen
tateurs, sur les articles 4 et
du titre 2, rappelle les termes
de l’art. 19 du titre 1 7 , et il en tire cette conclusion : qualibet
res prœsumitur allodialfs et libéra, nisi contrarium probetur.
Itigaltius, qui a fait un traité de prœscriptionibus Arvernorum,
assure aussi l ’allodialité de la coutume d ’A u v e r g n e ; et loin de
la f a ir e d é r i v e r d e la prescription d u c e n s , q u i y est aussi admise,
il ne regarde cette prescription que comme une suite du francalleu : aliud servatur in A rvernia, in quâ prœ dia, libéra et
optima conditione quilibet possidere potest; undè eu ni quilibet
prœsumptione furis communis, sit in quasipossessione libertatis
5
�C5 )
et immunitaUs ci censu, talem immunitabem acquiri triennio
qui s dubitet ?
Basmaison , dont la paraphrase sur la coutume d’Auvergne
est si estimée, ne s’explique pas moins clairement : « Tout
cc héritage, dit-il, de sa première nature est franc et allodial’ :
« la coutume maintient en cette liberté naturelle les héritages
cc situés dans son district, pour charger de la preuve du contraire
« ceux qui prétendroient des fiefs , des cens et autres servitudes,
cc s’ils n’en font point apparoir. »
Consul, qui a fait des notes et des sommaires sur la coutume
paraphrasée de Basmaison, a ainsi conçu le sommaire de l ’ art.
19 du titre 17 : le franc alleu a lieu en Auvergne.
Ce ne sont pas seulement les commentateurs de la coutume
d’Auvergne qui pourroient être suspects de favoriser leur pays ;
tous les autres auteurs qui ont eü"occâsIon de parler de l’Au
vergne , au s u j e t du Tfanc-allen, ont également reconnu dans
cette province le franc-alleu naturel. On peut voir sur cela
la Thaumassières, dans son traité du franc-alleu , chap. 4 ;
Salvaing, dans son traité des fiefs, partie 2, pag. 11 ; Ferrières,
dans son commentaire de la coutume de Paris, art. 68, n. 20,
et les annotateurs de Duplessis, titre 2 , chap. 2 , pag. m .
Com m ent d’ailleurs auroit-on pu méconnoitre le franc-alleu
de la coutum e d’A u v erg n e , à la vue de l’art. 19 du tit. 17?
Toute personne , soit noble ou roturier, peut tenir auclit pays ,
haut et bas, héritages fr a n c s , quittes et allodiaux de tous
cen s, charges , J if fs , et autres servitudes quelconques.
Le franc-alleu de l’Auvergne a été tellement reconnu, qu'on
ne connolt qu’un seul exemple où l’on ait tenté de le contester,
mais où il fut confirmé par un arrêt du parlement de Paris, du
août 1748, rapporté par Denizart au mot franc-alleu; arrêt
rendu contre la dame de la seigneurie d’Eybes en Auvergne ,
et par lequel il fut jugé que le seigneur devoit prouver sa directité par titres, et en justifier par la possession.
On a voulu en dernier lieu assimiler les baux à percière
3
�avec les baux à rente, pour conclure, d’après les articles i r”.
et 2 du tit. i de la coutume d’Auvergne , que le bail à perciére
emportoit la directe seigneurie , et que par conséquent il devoit
être placé dans la classe des droits féodaux supprimés. Mais on
abuse de ces deux articles, non-seulement pour les rentes, mais
plus encore pour les perciéres , qui sont d’une nature toute
différente.
Voyons d’abord à l’égard des rentes.
L ’art. xer. du tit. i porte que tout cens ou rente établi sur
fonds ou héritages certains emporte directe seigneurie, s’il n’ap
pert du contraire.
Et l’art. 2 veut que celui qui acquiert cens ou rente sur
héritage quitte et allodial, ilacquiére directe seigneurie, quoique
de la directe il ne soit fait aucune mention.
Quoiqu’au premier coup d’œil ces d e u x premiers articles sem
blent assimiler le cens à la ren te, néanmoins si on jette les yeux
sur les articles suivans, on comprendra aisément que les termes
dont se servent les deux premiers articles ne peuvent s’entendre
que d’une rente proprement qualifiée censuelle, et non de toute
rente foncière en général.
C’est ce qui paroit d’abord indiqué dans l’art. , qui porte
que celui qui est obligé à asseoir cens, ou rente censuelle , il
faut qu’il baille rente en directe seigneurie. L ’article ne dit pas
simplement ren te, il dit rente censuelle ; et le même article dis
tingue une autre espèce de rente, qri’il appelle rente rendable,
et qui peut être également une rente foncière.
Les articles
et
distinguent également la rente censuelle
de la rente rendable, et annoncent suffisamment que ce lle -ci
n’emporte pas la directe, puisqu’ils portent que quand on donne
rente rendable au lieu de cens, il faut fournir le tiers-plus, pour
l ’ i n t é r é t de l a directe ; et que l o r s q u e a u contraire on donne
rente en directe, elle est prise pour tiers-plus.
3
3
3
4
5
Mais rien n’est plus clair pour distinguer la rente en directe
de la rente rendable, que la disposition de l’art. 6 , qui porte
�(
7
)
. que celui qui est tenu asseoir rente absolument sans autre
adjection, il en est quitte pour asseoir rente rendable.
D ’où il est démontré que dans la coutume d’A uvergne, quand
on ne se sert que du mot rente seulement, cette rente ne peut
jamais être considérée comme une rente censuelle, et que pour
donner cette qualification à une rente quelconque, il faut l'a d
jection de censuelle ou de directe seigneurie, ou autre équi
valente.
C’est ainsi qu’en effet se trouvent expliquées les dispositions
de la coutume d’A uvergn e, dans un acte d e notoriété rendu
public par la voie de l’impression , du prairial an , q u i fut
donné par les jurisconsultes de R iom , qui avoient exercé en la
sénéchaussée d’Auvergne la profession d’avocat pendant vingt,
trente, quarante et cinquante an s, et qui attestoient qu’ils avoient
toujours ainsi pratiqué et r é s o l u en consultation ; et que, dans la
coutume d ’ A u v e r g n e , quoique les rentes s u r h é r i t a g e s allodiaux
f u s s e n t très-fréquentes, il n’y avoit pas d’exemple que pour de
pareilles rentes , lorsqu’on ne les avoit pas qualifiées censuelles,
ou qu’on n'y avoit pas stipulé la directe seigneurie, aucun des
tribunaux de la province eût accordé les droits de lods.
Ces principes constans en matière de rentes foncières, ac
quièrent encore plus de force pour les baux à percière, qu’il
seroit ridicule de confondre avec les baux à rentes foncières ;
car, comme on l’a déjà dit, le bail à percière ou à champart
conserve au bailleur toute la propriété de l’héritage , le bail à
percière ne différant pas essentiellement du bail à colonage,
dans l’un et dans l’autre le bailleur recevant une quotité de
fruits pour son droit de propriété, et le preneur u n e autre
quotité pour le prix de son travail et de la culture; en sort# que
l ’un et l’autre participent également au bénéfice de l’abondance,
et au péril de la disette, tandis que dans le bail à rente le
bailleur perçoit t o u j o u r s une somme fixe o u , une quantité de
grains déterminée , qui ne reçoit aucune augmentation par
l’abondance, ni diminution par la disette.
5
3
�(
3
)
Aussi, à l’égard des baux à portion de fruits, trouve-t-on le der
nier état de notre législation fixé par les avis du conseil d’état, ap
prouvés par les arrêtés du gouvernem ent, qui sont rappelés dans
l’instruction donnée par le conseiller d’état, directeur général
de l’enregistrement et des domaines, le i pluviôse an 1 1 , et par
lesquels avis du conseil d’érat et arrêté du gouvernement, il est
décidé que «les lois portant suppression des redevances seigneu« riales et féodales ne sont point applicables aux baux à com
te plant on portion de lruits dont les clauses'portent la réserve
te de la propriété, et quelles preneurs doivent être considérés
« comme des fermiers à cet égard; et il est ensuite ajouté qu’à
<c l ’égard des clauses qui portent la réserve de la propriété ,
« ce n’est pas seulement celles qui en contiennent la réserve
« e x p r e s s e , mais que cette r é s e r v e dérive encore de la faculté
cc d’expulser le détenteur dans le cas de mauvaise c u l t u r e , m
O r, cette faculté est naturellement attachée aux baux à perc iè r e , agriers ou cham part, comme on peut le voir dans la
plupart des coutum es,com m e dans celles d’Etampes, d’Orléans,
de Saint-Jean-d’A n gély, et particulièrement encore dans celle
de la Marche, voisine et contiguë de celle d’Auvergne, et où il
est d it, dans l’article 329, que si celui qui a reçu une terre à
titre d’agrier laisse cet héritage en friche, celui qui a donné
ladite terre peut la reprendre.
Ainsi le droit de reprendre la terre en cas de mauvaise cul
ture emporte nécessairement la réserve de la propriété, suivant
les avis du conseil d’état, approuvés par les arrêtés du gouver
nement.
On a encore é le v é , dans ces derniers temps, la prétention que
les percières qui se trouvoient dues à d’anciens seigneurs s u r des
héritages situés dans l’étendue de leurs j u s t i c e s , étoient, par
cela seul j réputée» r^odalun, ot «a uouvoient par conséquent
comprises dans la suppression des droits féodaux ; mais cette
prétention se repousse invinciblement de plusieurs manières.
D ’ un cûté , le bailleur à perrière restant toujours propriétaire
5
�9
( (
)
des fonds qu’il a concédés à ce titre , ces fonds 21e sont pas d’une
nature différente que ceux qu’il a .conservés, et dont il jouit;
et les lois nouvelles n’ont pas privé les anciens seigneurs de leurs
héritages, de quelque nature qu’ils- fussent, p rés, terres,
b o is, etc.
M ais, d’un autre côté, la question se trouve jugée dans les plus
forts termes, par un arrêt de la cour d’appel de Riom, dônt le
pourvoi en cassation a été rejeté par un autre arrêt de la cour
de cassation, rendu sur les mêmes motifs cjue celui de la cour
d’appel, sur les conclusions de M. le procureur général Merlin.
Il s’agissoit du droit de percière sur nn très-grand nombre
d’héritages allodiaux, situés dans la ci-devant justice de la terre
de Blanzat, coutume d’Auvergne, qui avoient été donnés à ce
titre de percière à plusieurs habitans de Blanzat.
Depuis la r é v o l u t i o n , ces habitans a v o i e n t r e f u s é la presta
tion de la percière; elle fut réclamée par le sieur de la S a l l e ,
seigneur de Blanzat, et lui fut accordée par les premiers juges,
dont le jugement fut confirmé par un arrêt de la cour d’appel
de Riom. Les habitans de Blanzat se pourvurent en cassa
tion, s u r le fondement que les percières dues à un ancien sei
gneur étoient des redevances féodales supprimées par les nou
velles lois.
Le pourvoi donna lieu à une grande discussion , où rien ne fut
oublié de part ni d’autre ; mais il fut rejeté par l’arrêt de la cour
de cassation, du 2.4 vendémiaire an i . On peut voir tous les
moyens qui furent em ployés, dans les recueils de Denevers et
de Sirey ; il suffira, quant à présent, de transcrire ici l ’a r r é t de la
cour de cassation, et les motifs qui en a p p u i e n t la décision.
« La c o u r, après un long délibéré en la chambre du conseil ;
cc A t t e n d u que la coutume d’Auvergne étoit purement allocc diale, ainsi q u e c e l a résulte de la c o m b i n a i s o n d e plusieurs
cc de ses articles, et de la j u r i s p r u d e n c e constante du p a y s ;
« que par conséquent toutes les redevances dues sur les biens
« situés dans le ressort de cette coutum e, qui étoit soumise à
« la maxime nul seigneur sans titre, étoient de leur nature
3
�I
( r° )
te réputées purement fo n ciè r e s, à moins que le contraire ne
cc fût positivement stipulé par acte valable; qu’il est d’autant
<c moins permis de supposer qu’en Auvergne les redevances
« connues sous le nom de percières étoient exceptées de cette
« conséquence générale résultante de l’allodialité, et réputées
« de leur nature seigneuriales ou censuelles, que, de l’aveu des
« demandeurs, il n’en est pas dit un seul mot dans les divers
« titres de la c o u t u m e , qui concernent les droits seigneuriaux
« et féodaux, et qui en font une longue énumération ; et qu’en
c< outre la cour d’appel met en f a i t , ce qui n’est pas contesté
« non plus, qu’il est de principe reconn u, qu’à la différence
cc du c e n s , dont la coutume ne permettoit de demander que les
c< trois d e r n i è r e s a n n é e s d ’a r r ë r a g e s , ort pou voit au contraire
cc demander vingt-neuf années d’arrérages ou f r u i t s d e l à percière;
« Que l ’article de Ja loi du
août 1792, n’oblige que les
« propriétaires des droits féo d a u x ou censuels à représenter le
« titre prim itif, et que l’article 17 dispose que les rentes pure« ment foncières ne sont point comprises dans la disposition
« de cet article ; que si ce même article 17 ajou te, et autres
cc redevances qui ne tiennent point à la fé o d a lité , et q u i sont
cc dues à des particuliers, et à des particuliers non seigneurs
cc n i possesseurs de f ie f s , on ne sauroit induire de ces dernières
cc expressions, non - seulement que le législateur ait dit, mais
« encore qu’il ait entendu dire que désormais, et par déroga« tion aux lois antérieures, toutes les rentes purement foncières,
cc lorsqu’elles se trouvent dues à des ci-devant seigneurs ou
« possesseurs cle fie fs , seront présumées féodales, et obligeront
« les propriétaires à représenter le titre prim itif;
cc Attendu enfin que par aucune des clauses des nctes pro<rc duits au procès, il n’est établi que les deux percières dont il
cc s’agit eussent un caractère féodal ou seigneurial, rejette, etc.
cc M. Malville, président; M. Rupperon, rapporteur. »
Il 11’y a de différence entre l’affaire du seigneur de Blanznt,
et celles qui pourroient s’élever avec quelques autres anciens
seigneurs de la ci-devant province d’A uvergn e, si ce n’est que
5
5
25
�C
11
)
le sieur de Lassalle rapportoit des titres qui établissoicnt ses
percières, au lieu que les titres de la même nature que pouvoient avoir la plupart des anciens seigneurs, avoient péri dans
les incendies ordonnés dans la plus grande effervescence des
premiers temps de la révolution; incendies dans lesquels on sait
assez qu’on avoit confondu les titres de toute nature, féodaux
ou non, qui s’étoient trouvés dans les archives des anciens sei
gneurs, où le plus souvent une populace effrénée s’étoit introduite.
Mais au défaut de titres, la possession vient au secours et en
tient lieu.
_ On a déjà vu dans l’article 2 du titre 17 de la coutume d'Au
vergne , qu’en général toutes sortes de droits s’acquièrent ou
se perdent par une possession de trente ans.
On a vu dans d’autres coutum es, particulièrement pour le
droit d’agrier., champart, terrage ou percière, que ces pres
tations peuvent s’établir par baillettes expresses ou autrement,
par trente ans possédées : ce sont singulièrement les termes
dont se sert l’art. 21 de la coutume de Saint-Jean-d’Angély.
C ’est aussi la doctrine des auteurs, comme on peut le voir aux
endroits ci-devant cités de la Thaumassières, et de la nouvelle
collection de Denizart.
Et le tribunal civil de Riom a récemment admis la preuve de
la possession de la percière pour madame de Praslin, dame de
la terre de Randan; ce qui détermina les détenteurs à en passer
de suite de nouvelles reconnoissances.
On ne sauroit mieux terminer cette dissertation, qu'en rap
pelant la distinction que faisoit si judicieusement M. le pro
cureur général M erlin, en portant la parole lors de l’arrét de
la cour de cassation, pour les percières de la terre de Blanzat:
voici comme il s’exprimoit.
« Un droit de percière ou de cham part, réclamé par un
« ancien seigneur, est-il présumé féodal par cela seul que le
« titre n’en est pas rapporté?
« Le champart n’est pas essentiellement féodal. A in si, pour
« savoir si un champart que possédoit un seigneur étoit un
�( 12 )
« droit féod al, il faut distinguer. Ou ce champart se percevoit
« dans un pays allodial, c ’est-à-dire, dans un pays où tout bien
« étoit de droit présumé franc-alleu, s’il n’étoit prouvé fief, ou
« il se percevoit dans un pays soumis à la règle nulle terre sans
« seigneur.
« Au premier cas , le cham part, quoique possédé par un
« seigneur, n’étoit pas réputé seigneurial, parce q u e , pour avoir
« ce caractère , il eût fallu que les héritages sur lesquels il se
« percevoit eussent été concédés par le seigneur qui en faisoit
la perception , sous la réserve du domaine direct , et qu’en
« général, dans ces contrées, cette séparation qui constituoit
« essentiellement la seigneurie, ne pouvoit être prouvée que
par titre ; et c ’est ce qu’en effet établissent tous les auteurs
d e s p a y s allodiaux, etc. »
Après une longue discussion, pour prouver la distinction ,
M. le procureur général finit par dire : « Il ne nous reste qu’à
cc examiner si la coutume étoit ou non allodiale, m O r , on con
çoit bien par tout ce qu’on a établi ci-devant, que M. Merlin
n’a pas dû hésiter sur l’allodialité de cette coutume.
Aussi-a-t-on vu que c ’est ainsi qu’elle est reconnue dans le
premier m otif de l’arrêt de la cour de cassation Attendu, y
est-il dit, que la coutume d’Auvergne étoit purement allodiale,
ainsi que cela résulte de la combinaison de plusieurs de ses
a rtic le s ,e t de la jurisprudence constante du pays. »
Com m ent, après tout ce la , pourroit on placer dans la classe
des droits féo d au x, les percières qui sont dues aux anciens
seigneurs..dans la coutume d’A uvergne?,
La présente dissertation a été faite et rédigée par le s o u s s i g n é ,
ancien jurisconsulte, sous-doyen des avocats prés la c o u r d’appel
de Riom , le 2 7 f é v r i e r 1808.
ANDRAUD.
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•* ■
A R IO M , do l’im prim erie de
!■
>
T
h ibau d . L a n d r io t ,
im prim eur de la C our d'appel.
-
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Droit de percière. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Andraud
Subject
The topic of the resource
percière
franc-alleu
champart
coutume d'Auvergne
droits féodaux
doctrine
Description
An account of the resource
Dissertation sur la nature des percière dans la ci-devant province et coutume d'Auvergne
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
avant 1661
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0634
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Randan (63295)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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champart
coutume d'Auvergne
doctrine
droits féodaux
franc-alleu
Percière
-
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750587255a75aeadc640561ca543bf43
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Text
P R I N C I P E S
DE
LA
M A T I È R E
t
DES SÉ P A R A T IO N S
«
DE BIEN S,
Extraits du mémoire manuscrit de P. A n d r a u d ,
ancien jurisconsulte
P O U R LA D A M E
L e s séparations de biens entre mari et femme ont été
établies dans notre droit français , dans les mêmes cas
et pour les mêmes causes pour lesquelles, par le droit
romain, la femme pouvoit, pendant le mariage, demander
la restitution de sa dot.
La jurisprudence romaine avoit eu ses p ro g rès, et
A
�!
( 2 )
s'étoit à cet égard formée par degrés. D ’abord , dans le
droit du digeste, par la loi 2 4 , au tit. soîuto m atrim onio ,
l’action de la femme fut resserrée dans des bornes assez
étroites; dans le droit du code, par la loi 2 9 , au titre
de ju re dotiuni , cette action reçut plus d’étendue ;
mais dans la novelie 97 elle en reçut encore davantage.
Cette progression de la jurisprudence romaine est trèsbien expliquée par Barthole , dans son commentaire de
la loi 24, if. soîuto m atrim onio . Voici sts termes traduits
fidèlement, quoiqu’avec moins d’ énergie: Circa hoc sunt
tria ju ra : scilice t , ju s digestorum , et hoc providet
m ulieri plenè ,* ju s cod icis, et hoc -providet pleniùs ; ju s
autein authenticorum , et hoc providet plenissimè. B a rthole ajoute que par le droit du digeste, la femme pouvoit
agir pour se faire rendre sa dot, lorsque le mari étoit
réduit à une extrême m isère, et que déduction faite de
ses dettes, ses biens ne suffisoient pas pour la restitution
de la dot : Secundùm ju s digestorum rnulier poterat
agere , cùm v ir erat in extrernâ m iseriû , et bona sua
non sirfficiehant ad exactionem dotis , deducto cere
alieno { 1). Mais par le droit du code, quoique les biens
du mari fussent sutlisans pour répondre de la dot, si le
mari étoit menacé de tomber dans l’indigence, et de ne
pouvoir pas vivre honorablement suivant son état, cela
( 0 L . 2 4 soîuto matrimonio. S i constante matrimonio,
profiter inopiarn mariti¡millier agere velit, undè exactionem dotis
inilium accipere por/armfS'? et CQnstat exindè dotis exactionem
competere, ex quo evidentissirnè appamenit mariti\facultates ad.
exactionem dotis non sujfîcere. y '
�c 3 3
suifisoit pour que la feimue pût répéter sa dot : c'est
encore ce que dit Barthole : Sed per jus codicis provismn
est pîeniùs , q u ò d , licei bona m ariti sujficiant ad exaciionetn dotis, tawen s i maritus laborat inopia , et habet
in bonis p a rim i , tamen habet in bonis tantum quod
sufficiat ereditaribus et doti; tamen quia opus est vivere
honorijìcè et omnia expeiidit, et m ulier pateretur neces
sitatevi secimdùm ista tem pora, hodiè potest agere (i).
Enfin Barthole dit encore que le dernier état du droit
romain, dans la novelle 9 7 , pourvoit encore plus parfai
tement à la femme, en décidant que quoique le mari ait
non seulement de quoi payer ses créanciers, cl faire face
-à la dot, cependant s’il y a lieu de douter qu’il dérange
ses affaires, parce qu’il commence à mal user de ees biens
et de ses facultés, alors la femme peut agir pour la resti
tution de sa dot, quoiqu’on pût en douter par les lois
précédentes. Jt^.in, per jus authenticorum est provisum
pienissime. E cce r ir habet tantiim quod sujjiciat creditoribus et d o ti , et est d ives, tamen est dubium quòd
rergat ad inopiam , quia malè utitur sud substantiel,
et secundùm ista ju ra m ulier non poterai agere, sed hodiè
est sibiprovisum pîeniùs, et etiani tune potest agere(2).
( 1 ) L. 2.cj, cod. de jure duiium. Ubi aulem adirne matrimonio
çonstiiuto, maritus sit ad inopiam deductus, et sibi mulier prospicere velit, resytic sibi suppositas velit tenere, non obesse ei
matrimonium consîitutum.
( 2 ) Nov. 9 7, cap. 6. Deâimus mulieribus élection em , etiam
constante matrimonio, si malè res maritus gubemet, et accipere
eas, et gubernare, sibimet eulpam inférât, eut inox viro inchoante
nialè snbstanlid uti, non pcrcepit, et non auxiliata est sibi,
A a
�U )
Sur quoi Barthole observe que ces lois ne dérogent point
les unes aux autres , les dernières ne faisant qu’ajouter aux
premières, pour pourvoir plus pleinement à l’intérêt de la
femme : Unum ergo ju s non cor'rigit a liu d , sed addit
a lte ri, pleniùs providendo.
On trouve la même doctrine dans tous les interprètes
du droit romain , sur la loi 2 4 , if. soluto matrimonio. Ils
disent tous que pour que la femme puisse répéter sa d o t ,
il suffit que le mari soit menacé d’une ruine prochaine :
V iro vergente ad inopiam , etiarn constante mat ri monio , m ulier potest dotem exigere. C ’est ainsi que
s’en explique Balde. Il suffit que le mari ait commencé
à mal user de ses biens et de ses facultés, pour que la femme
puisse répéter sa dot. Cùm m aritus ad inopiam ver g î t ,
?>eî ùicohat malè uti substantiâ sua , pro dote agit et
excipit. Ce sont encore les termes de Salicet. M êm e doc
trine dans la glose d’Accurse. Hodiè autem constat priiis
et post posse a g i, scilicet quandô v ir cœpit maie uti
suâ substantiâ. Godefroy, sur la même lo i, dit également
qu’il suffit que le mari ait commencé de mal user de ses
facultés : Hodiè sujficit s i inchoaçerit malè uti suâ
substantiâ.
Mais combien toutes ces autorités ne reçoivent-elles
pas encore plus de poidj par celle de notre illustre Cujas r
le plus savant et le plus profond de tous nos jurisconsultes.
C’est dans son commentaire du digeste, sur la loi \ , % V ,
de dotis collatione y qu’il dit que la femme peut se faire
rendre sa dot, si le mari est dissolu dans ses mœurs, ou
si sa fortune commence à déchoir : Est unus casus itz
quo j constante m atrim onio, dos repeti potest, p r opter
�......................... ( 5 )
inopiarn videlicet m ariti , quod sit dissolutus m oribus ,
aut eo quod bonis labitur ; et il ajoute que cela doit
avoir lieu , lors même que l’indigence du mari ne seroit
arrivée que par malheur ou par accident, sans qu’il y evit
contribué de sa faute : E t hoc generaliter verum est ,
swe maritus inopsfactus sitvitio suo, sU>e casu aliquo.
Mais les docteurs vont encore plus loin , et ils prévoient
deux cas où il sembleroit que, la séparation seroit moins
nécessaire.; par exem ple, celui où le mari et le beau-père
scroient i]un et l’autre obligés à la restitution de la dot*
Ils disent que même, dans ce cas, il suffit qu'il y en eût
un des deux qui ait commencé à mal user de ses facultés,
quoique .l’putre soit ^olvable , pour que la femme ait fac
tion pour répéter sa dot : Quod si ambo tenecintur socer
et v i r , et aller vergit ad inopiarn, potest etiam agi , cùm
malè uti inchoatum sit. Ce sont les paroles d’Accurse.
N ’est-il pas juste, en eifet, que la femme ayant exigé une
double obligation , celle de son mari et celle de son beaupère, il y ait à craindre qu’une de ces obligations vienne
à lui manquer, pour qu’elle puisse répéter une dot qu'elle
n'a confiée que sur la foi de cette double obligation ? L e
même docteur prévoit un autre cas, celui où le mari
présente une caution solvable qui s’oblige à la garantie
de la do t, et il décidç, que même encore en ce cas , là
femme peut toujours répéter sa do t, et il donne une raison,
sensible qui s’applique à l’un et à l’autre cas, c’est que la
caution ne répond de la dot qu’après la dissolution du
mariage; ce qui n’empêche pas que la dissipation du m ari,
pendant le mariage , ne le mette hors d'état d’en soutenir
les charges, et de faire vivre sa femme honorablement,
�.
..( 6 )
...
.
la dot ne lui ¿tant donnée que pour soutenir les charges
du mariage: Sed penè in îioslro ca.su virum velle dure
Jîdejussores de dote restituendâ , soluto matrirnonio ,
num quidevitabitexàctîuiiem dotis adprœ seris? Seddi'co
contra , quia v ir débet retinere dolem ad susteritatiàhem
su i et uxuris. Barthole , à l’endroit cité , avoit aus^i,
comme Accurse, prévu le cas où le mari présenterait une
caution , et il avoit également été d a v is, que la caution
n ’ é m p e c h o it p a s la r e s titu tio n de lâ dot, parce q u e , disoit-il,
Il y avoit plus1'de'sàreté dans la chose que dans la cau
tio n : M elim est habere res qnàm cautiones.
liés principes du droit romain ont été admis dans notre
droit 'français. Î,egrand , dans son commentaire de la cou
tume de T royes^iom . i , p a g '3 7 2 , dit que la femme peut
agir contre son* mari pour la restitution de 6a dot, et se
•rJ“
*
.. ■ , I
1 .
,
' ^
^
faire séparer de biens'dès l’instant où le mari a commencé
à mal user de scs facultés, et que même la notoriété pu
blique suivit pour preuve de son Mauvais ménage. Renusson, 4'ahs son traité de la conimunàuté/part.‘X',«h. 9,
ni 3*, dît que, la séparation de biens ‘peut etre ordonné«
p a r justice, et que la fetntrie peut la demander, lorsque
son mari est mauvais ménager; en'un m ot, quand il n’y
f
. .
a, pas de sûreté pour la femme de laisser la possession de
goriîiîen à son m ari, à l'exemple de ce qui sc pratique dünS
le droit romain* et il cïle sur cela les lois du digeste, du
code et dés novellesi'Pôthier^ *dans son traité de la com
munauté, part.’ 3.5 ch. I , §. 1 , n. 6 1 0 , après avoir éga
lement rappelé les lois romainés, dit q'u’il n’est pas néces
s a i r e ' 1, °pour que là’ fti'rtthie soit reçue à demander làsépaf
>
- i. / * • »
* *' •
ration , que son mari soit entièrement insolvable, parce
�C 7)
que la séparation seroit alors un remède inutile ; mais
qu’il suffit qu’il commence à le devenir, et que le mau
vais train que prennent ses affaires donne lieu de craindre
qu’il ne le devienne de plus en plus. Les commentateurs
de la coutume de Paris disent aussi, qu’il n’est pas né
cessaire qu’ un homme soit ruiné pour que la femme puisse
demander la séparation ; mais qu’elle doit être accordée
lorsqu’on connoît un dérèglement, une débauche pu
blique, un attachement au jeu, et d’autres commerces
indignes, et que le mari vergit ad înopiam. Ferrières,
sur l’art. 324 de la coutume de Paris. D ’autres motifs
encore, donnent lieu à la séparation de biens 5 par exem
p le, lorsque les(biens du mari sont en décret; le B ru n ,
traité de laicommimauté, 1. 3 , ch. 1 , n. 5 et 7 ; la Thaumassière, sur la coutume de B e rry , til. 1 , n. 49. Il en
est de même de la cession de biens faite par le mari ;
Renusson, à l’endroit cité, n. 66 . On pourroit citer beau
coup d'autres auteurs ; mais il n’en est aucun qui tienne
un langage différent, et on ne croit pas qu’on puisse citer
d’arrêts qui aient jugé le contraire, à moins d’une espèce
tout à fait favorable.
Telle est celle d’un arrêt du dernier février 16 5 9 , que
l’on trouve dans le recueil de Soefve , et où la séparation
de biens fut rejetée par deux circonstances, l’une parce
qu il étoit constant que l’échec que le mari avoit reçu dans
sa fortune ne procédoit que des faillites qu’il avoit eu le
malheur d’éprouver dans son commerce, et l’autre parce
qu’il avoit déposé une somme produisant intérêts, équi
valente à la dot et à l’augment de dot, les parties étant
domiciliées en pays de di’oi-t écrit.
�C 8)
On ne pourroit pas non plus se prévaloir de l’arrêt
rendu entre le marquis et la marquise du Pont-du-Chateau , le 27 janvier 17 4 0 , dont il est fait mention à la
suite des œuvres du célèbre avocat Cochin , par la raison
qu’ il étoit établi que le marquis du Pont-du-Chiiteau avoit
trois fois plus de biens qu’il n’en falloit pour répondre de
la dot de sa femme et de ses gains éventuels ; et ensuite
on voit même dans le plaidoyer de Cochin, tom. 5 , p 7 1 8 ,
qu’il .convenoit que les 'dispositions du m ari, à moins
qu’elles ne fussent légères , faisoient un juste motif de
séparation : c’est ce qui résulte de ce qu’il disoit. « On
« convient qu’il n’est pas nécessaire que le mari soit ruiné
« pour que la femme puisse demander la séparation de
« biens mais aussi il ne faut pas supposer que la moindre
dissipation suffise pour autoriser une pareille action.....
« Il y a un juste milieu entre ces deux extrémités. »
C es'principes ont été consacrés par le jugement du tribunal d’appel de R io m ,d u I er thermidor an 9 , par lequel,
sans s'arrêter à l’intervention du beau-père, et à ses offres
de cautionner la dot, la séparation de biens a été confirmée,
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A* R iom , d e l’im prim erie 'de L a n d r i o t , im prim eur du tribunal
d ’appel.
— An 9.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dame**. An 9]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
mariage
Description
An account of the resource
Principes de la matière des séparations de biens, Extraits du mémoire manuscrit de P. Andraud, ancien jurisconsulte ; pour la Dame **
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
An 9
An 9
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0633
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0150
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53893/BCU_Factums_M0633.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Pont-du-Château (63284)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
mariage
séparation de biens
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53892/BCU_Factums_M0632.pdf
3cc82c918bd3e4e0977fc00123b6114c
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Text
CONCLUSIONS
D E M. M E R L I N , (*)
Procureur général impérial près la Cour de cassation t
Dans l’affaire des Légataires universels de
Mme de Chazerat, contre le Sr M azuel,
demandeur en cassation,
L e 26 messidor an 9 , Marie-Gilberte R o lle t, épouse
du sieur de Chazerat, domiciliée à R io m , fait un tes
tament olographe, par lequel, après plusieurs legs par
ticuliers, et une disposition qui assure à son mari l’usu
fruit de tous ses bien s, elle s’explique ainsi:
« Quant à la propriété de mes biens, mon intention
étant, autant qu’il dépend de moi, de les faire retourner
(*) Telles qu’il les a publiées dans son recueil des questions de d roit.
A
�(a )
à ceux de mes parens qui descendent des estocs des
quels ils me sont parvenus, je donne et lègue tout
ce dont il m’est permis de disposer suivant la loi du
4 germinal an 8 , à tous ceux de mes parens de la
branche de mes aïeul et aïeule paternels, et de celle
de mon aïeule m aternelle, qui seraient en ordre de
me succéder, suivant les règles de la représentation à
V'infini, telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant cou
tume dJAuvergne , pour être partagé entre les trois
branches, au marc la livre de ce qui m’est parvenu
de chacune desdites branches, et être ensuite subdivisé
dans chacune d’elles , suivant les mêmes règles de la
représentation à l’infini. »
L e 14 messidor, la dame de Chazerat fait un codi
cille , dans lequel se trouve une disposition ainsi conçue :
« La nouvelle loi m’ayant accordé la faculté de dis
poser de la totalité de mes biens, je veux et entends
que le legs universel que j’avois fait par le susdit tes
tament , en faveur de mes parens de l’estoc de mes
aïeul et aïeule paternels, et de ceux de l’estoc de mon
aïeule m aternelle, de tout ce dont il m’étoit permis
de disposer par la loi du 4 germinal an 8 , ait son
effet pour la totalité de mes b ien s, sauf les divisions
et subdivisions à faire entre mesdits héritiers, de la
manière expliquée audit testament*, s a u f aussi mes legs
particuliers, et les dispositions par moi faites en faveur
de mon mari 5 à tout quoi il n’est dérogé par le présent
codicille. »
L e 3 vendémiaire an 14, décès delà dame de Chazerat.
L e 29 du même mois, son testament et son codi-
�(3)
cille sont déposés, en vertu d’une ordonnance du pré
sident du tribunal civil de R io m , entre les mains d’un
notaire de la même ville.
L e i 5 janvier 1807, deux des légataires particuliers
form ent, contre les légataires universels, une demande
en délivrance de leurs legs.
Les assignés se présentent au nombre de trente-sept.
L e 11 juin suivant, d’autres parens de la testatrice,
se prétendant appelés au legs universel, interviennent
dans l’instance.
Tous, en se réunissant pour répondre aux deux léga- taires particuliers , demandent, respectivement les uns
Contre les autres, le partage de la succession de la
dame de Chazerat, et concluent à toutes les opérations
nécessaires pour y parvenir.
L e 28 janvier 1808, le sieur M irlavaud, cousingermain de la défunte, et son plus proche héritier
m aternel, présente une requête en intervention, et
demande > i°. que le legs universel porté aux testa
ment et codicille de la dame de Chazerat, soit déclaré
n u l, attendu q u e, par sa relation à la ci-devant cou
tume d’Auvergne, il est en opposition avec les art. 6
et i q o du Code Napoléon, et avec l’art. 7 de la loi
du 3 o ventôse an 12*,
que la succession ab intestat
soit partagée en deux moitiés, dont l’une pour la ligne
paternelle, et l’autre pour la ligne maternelle.
L e 18 mai suivant, le sieur Mirlavaud fait donation
entre-vifs au sieur M azu e l, son n eveu , de la moitié
de tous les droits qui lui appartiennent dans la suc
cession de la dame de Chazerat, sous la réserve de
3
A2
�(4)
l’usufruit, et de la faculté de poursuivre lu i-m ê m e ,
jusqu’à arrêt définitif, sa demande en nullité du legs
universel, sauf au sieur M azuel à y intervenir, s’il le
juge à propos.
L e 22 juin de la même an n ée, jugement du tri
bunal civil de Riom ', ainsi concu
» :
« La'dame de Chazerat a-t-elle pu ordonner, par la disposition générale, que
ses biens retourneroient aux estocs dont ils étoient provenus j qu’ils seroient
partagés entre les trois branches de sa famille qu’elle dénomme , suivant les
règles de la représentation à l’infini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-d e v a n t
coutume d’A uvergne, et ensuite subdivisés dans chacune d’elles , suivant les
mêmes règles de la représentation à l’infini î
» En exprimant ainsi sa volon té, la damo de Cliazcrat a -t- e lle remis en
vigueur, en termes généraux, une coutume] abolie? A - te lle subordonné sa
disposition aux règles de cette coutume ? et enfin sa volonté ainsi exprimée
doit-elle être réputée non écrite, comme contraire aux lois d’ordre public ?
» Attendu la maxime constante , base de toute législation , et consacrée par
l’article 6 du Code N apoléon, que nul ne peut, par des conventions'particulières, déroger aux lois qui intéressent l ’ordre public et les bonnes m œ urs,
puisque ce qui a été établi pour le bien de tous, no doit pas être interverti
par la volonté changeante des individus ; qu’il faut reconnoitre incontestable
ment pour lois d’ordre public celles qui ont un rapport direct et spécial à la
société en co rp s, dont les conséquences réfléchissent éminemment sur l’en
semble des citoyens ; que s i , à quelques égards , on peut regarder toutes les
lois comme ayant pour objet une certaine utilité publique, dans les unes cepen
dant cette utilité se borne à ne régler que des intérêts privés , pluribits ut singulis ;
dans les autres au contraire cette utilité embrasse la société entièro , elle se lio
à tous les intérêts , pluribus ut universis ; qu’ainsi lorsque le testateur fait la
distribution de scs biens , il use d’une faculté qui est toute relative à lui seul
et dans son intérêt p r iv é ; m ais lo modo dont il so sert, l’ordre qu’il doit obser
ver dans cette répartition est du domaine public , qui est pour lui-même une
barrière insurmontable.
» Attendu que parmi ces lois inviolables, l’art. 1390 a placé la prohibition
faito aux époux do stipuler entre eux d'une manière g én éra le, que leur asso
ciation sera régléo par l’une des coutumes qui régissoient ci-devant les diverses
parties de la France, qui sont abolies ; qu’en effet l’abrogation de tous ces statuts
�( 5 )
locau x, jugés nuisibles tant par leur multitude que par la bizarrerie de grand
nombre de leurs dispositions , que l’avantage d’une loi uniforme, long-temps
désiré et profondément senti, entrent évidemment dans l’intérêt commun de la
société ; que c’est s’élever contre cet intérêt de tous établi au Code pour l o i ,
qué de faire renaître ces lois anéanties, et les tirer de l’oubli auquel le corps
social les a condamnées en grande connoissance de cause.
» Attendu que les testamens, ainsi que tous autres actes ou contrats, sont
indistinctement soumis à ces principes sacrés; que la faction du testament,
comme disent les lois romaines, est incontestablement d'ordre public; que lo
premier devoir du testateur est de lo reconnoitre et de le respecter; que do plus
les grands motifs qui ont dicté cet art. i3 g o , relativement aux contrats do ma
riage , s’appliquent naturellement aux testamens ; que l’avantage du public ,
ainsi que la tranquillité des familles, no sont pas moins compromis en rappelant,
en termes généraux, dans une disposition testamentaire, une coutume abolie,
qu'en la reconnoissant dans un contrat de mariage ; que dans l ’un comme dans
l’autre cas l’intérêt public est violé, puisque la dame de Cliazerat s’est consti
tuée au-dessus de la v o lo n té générale, soit par son mépris étudié de la précieuse
uniformité de nos lois, soit en reproduisant cette multitude infinie de coutumes,
et avec elles les contestations interminables, que la sagesse du législateur a
voulu écarter.
» Attendu que la l o i , en laissant au testateur la plus grande latitude dans la
disposition de ses biens, en l’établissant l ’arbitre et le souverain de scs dernières
volontés, lui a cependant donné pour bornes toutes les règles qui concernent
l ’ordre public , les bonnes mœurs et les formalités des actes; que c ’est sous ces
conditions qu’il a reçu de la loi un pouvoir si étendu ; qu’il perd ce pouvoir, ou
du moins que ce pouvoir est rendu sans effet, dès qu’il oublie les conditions
sous lesquelles il l’a reçu.
» Attendu que la dame de Cliazerat a méconnu ou méprisé ces principes,
lorsque dans son testament et dans son troisième co d icille, au mépris de la
volonté et des intérêts de la société, elle a remis en vigueur , en termes géné
raux , une coutume ab o lie, en ordonnant que ses bi«ns retourneraient aux
estocs desquels ils étoient provenus; qu’ils seroient partagés entre les trois
branches de sa famille qu'elle dénomme, suivant les règles de la représentation
à 1infini, telle qu’elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d’Auvergne, et
ensuite subdivisés dans chacune d’elles suivant les mêmes règles de la repré
sentation à l ’infini.
» Attendu quo ce rappel en termes généraux à la coutume d’Auvergne , ren
ferme une résistance réfléchie à la volonté et à l’utilité publique, sous deux
rapports frappans : l'un en obligeant ses héritiers de faire la rechercho de la
I
I
�( 6 )
nature el de l ’origino des biens dans chaque esto c, suivant la coutume d’A u
vergne, contre la prohibition précise du C o d e ; et l ’autre en astreignant se»
héritiers à faire entre eux les divisions et sous-divisions , suivant la représen
tation à l’infini, dans les principes de la même coutume d’Auvergne. O r , la
coutume d’Auvergne a v o it, sous ces deux rapports, des maximes spéciales et
particulières à elle seule, et qui s’éloignoient de toutes les autres coutumes qui
avoient admis la fameuse règle paterna paternis , materna materais ; et que les
principes de la coutume ont été reproduits par la dame de Chazerat dans sa
famille et dans sa succession, comme un brandon de discorde et de contestations.
» Attendu qu’on objecte vainement que la coutume d’Auvergne n’est rap
pelée dans le testament que comme une démonstration, un point com paratif,
et non comme loi impérieuse : raisonner a in si, c’est jouer sur les mots et abu
ser des term es; car , comment la coutume d’Auvergne ne seroit-elle dans le
testament que comme mode d’indication, lorsque la dame de Chazerat veut
disertement, et en termes gém inés, que cette coutume soit la règle du partage
de ses biens ; lorsque presque tous les appelés par elle ont donné à leurs con
clusions la forme d’une demande en partage, d’après les maximes de la coutume
d’Auvergne; lorsque dans le fait et dans la réalité il seroit impossible à ces héri
tiers de faire co partage tel qu’il est prescrit, sans être guidés par la coutume
d’Auvergne l Ainsi c’est la coutume d’Auvergne à la m ain, qu’ilsseroient obligés
de rechercher quels sont les biens qui sont provenus de chacune des lignes
favorisées ; qu’ils scroient obligés de faire une recherche semblable pour attri
buer à chaque branche, par la subdivision, les biens qui y ont aussi été rap
portés ; qu’il faudroit distinguer les dots pécuniaires ou mobiliaires qui auront
fait souche par double confusion ; qu’il faudroit également dans le cas do la repré
sentation, savoir si l’oncle et le neveu étant en ligne'égale doivent concourir en
semble ; si au préjudice d ’une renonciation , on peut venir par représentation
de son auteur qui a renoncé; si par l’effet de la représentation, le partage doit
se faire par souches ou bien par têtes ; et une multitude d’autres difficultés
semblables : ainsi s’ouvriroit pour ses héritiers une ample carrière do débats ,
aux juges une multitude de questions épineuses, pour la décision desquelles la
coutume d’Auvergne seroit la seule régulatrice.
» Attendu qu’on no peut pas dire que la coutume sera prise ici commo
autorité seulement , et non comme loi nécessîire , puisque cette coutum e,
ses usages , sa jurisprudence , «croient la seule règle par laquelle on devroit
se diriger pour suivre la volonté et les vues rétrogrades do la testatrice ; que
la coutume ne seroit pas simple renseignement, puisquo sans elle , sans s'y
renfermer, on ne pourroit opérer la distinction des biens, éclaircir leur origine,
les appliquer à diverses lignes , aux différentes branches , découvrir les indi-
�. ( 7 )
ridus appelés par la représentation, et parvenir enfin à débrouiller les obscu
rités de ce partage laborieux. L a coutume ne seroit pas un simple mode ,
une condition, puisqu’en général les modes et les conditions peuvent se con
cevoir et s’isoler des conditions auxquelles ils sont apposés ; mais ici le mode',
la condition, prescrits par la dame de Chazerat, sont inséparables : car enfin ,
si la testatrice a institué légataires universels les trois lignes qu’elle a affec
tionnées , c ’est principalement pour prendre les biens provenant de chacune
d’elles , suivant la coutume d’Auvergne ; c ’est pour les subdiviser ensuite
d’après les mûmes principes , d’après la même origine et nature de biens ;
ses vrais héritiers seront ceux qui lui seront doiïnés par la représentation de
la coutume d’Auvergne : ainsi, et forcément, la coutume d’Auvergne se lie pt
s’incorpore à tout lo partage , et commandera à ses opérations.
9 Attendu qu’on oppose encore sans fondement que la dame de Chazerat n’a
pas généralisé son rappel de la coutume d’Auvergne , puisqu’elle l’a restreint
à une seule de ses dispositions. C ’est une erreur : car la soumission à une
coutume prend évidemment la forme de disposition générale, lorsqu’elle porte
sur un objet de disposition générale ; or , c ’est pour la nomination de ses
héritiers universels, que la dame de Chazerat invoque la coutume d’Auvergne ;
c’est cette coutume en général qui règleroit leurs qualités et leurs avantages ,
cette disposition prend nécessairement un caractère de généralité dans ce par
tage. Sans doute la dame de Chazerat eût pu aisément spécialiser sa disposition;
elle eût pu légitimement faire entre ses héritiers l ’application do tels ou
tels de ses b ien s, suivant sa volonté ; elle eût pu , par cette voie spéciale ,
faire rentrer dans chaque ligne , dans chaque branche , la portion de fortune
qu’elle en avoit reçue ; rien ne la gênoit dans cotte manière do disposer ;
par l à , elle eût rempli ses intentions, respecté l ’ordre public , et étouffé
le germe de mille contestations dans sa famille : mais au lieu do faire co
qui lui étoit permis , elle a préféré do fairo ce qui lui étoit défendu. D e telles
dispositions ne peuvent être protégées par la loi qu’elles offensent.
y Attendu qu’en vain on
prétend excuser la dame de Chazerat , en
alléguant qu’on no peut lui fairo un reproche d’avoir établi le partage do
ses biens sur la représentation à l ’in fin i, puisque cette représentation étoit
admiso par la loi du 17 nivôse an 2. Cette justification ne peut être admis«,
i.° parce qu’au décès de la dame de C h a zera t, ce n’étoit pas la loi du 17
nivose qui devoit régler soit la formo , soit le mérite de ses dernières dispo
sitions ; c’éloit le co d e c iv il, sous Pempiro d u q u el elle est décédée, et que
son testament olographe a reçu une date ; 2 .0 la testatrice est loin d’avoir
puisé dans la loi du 17 nivôse la représentation qu’elle ordonne ; cette lo i,
dans toutes les branches, sous tous les points de v u e , établit 1« représentation
�( 8 )
•
sous le rapport de la proximité du sang; au contraire, la coutume d’Auvergne
attachoit la représentation à l’origine et à la nature des biens ; il falloit avoir
pour auteur celui duquel les biens provenoient : la loi du 17 nivAse avoit
à cet égard puisé sa représentation dans l’affection naturelle , l’avoit liée aux
personnes ; la coutume d’Auvergne l’avoit fait dépendre des usages féodaux,
l ’avoit attacbée à la glèbe plutôt qu’aux liens du sang : on ne peut donc
trouver aucune analogie entre ces deux représentations , dont la so u rce,
comme les effets , étoient si difiérens.
» Attendu qu’on oppose encore , sans raison , qu’on ne peut demander la
nullité de la clause dont il s’agit, puisqu’elle n’est pas prononcée par la loi.
C ’est encore une illusion. Il y a nullité absolue dans toute disposition de la loi
négative prohibitive. En prononçant on ne p eu t, la loi use de toute sa puissance,
elle impose un devoir indispensable , elle écarte tout prétexte : excludit potentiam juris e tfa c ti. O r , l’art. 6 du Code, dispose qu’on ne peut déroger, par
des conventions particulières, aux lois qui intéressent l ’ordre public. L ’article
1D90 statue de même que les époux ne peuvent stipuler , d’une manière géné
rale, que leurs conventions seront réglées par l’une des coutumes abolies; et
ces termes impérieux , on ne peut et ne peuvent, renferment sans doute une
prohibition énergique , une impossibilité de faire de semblables dispositions ;
ils prononcent implicitement une nullité insurmontable.
» Attendu que cette nullité ne peut être écartée p arla disposition de l’article
96 7, sur lequel on veut encore s’appuyer. Cet article perm et, à la vérité, au
testateur de manifester sa volonté sous toute espèce de litres et de dénomi
nations ; de sorte que ; soit que le testateur dispose à titre de legs, de donan a tio n , d’institution d’héritier , ou sous toute autre qualification , peu im
porte, sa volonté connue, si elle est conforme à la lo i, çuœ légitim a e s t ,
reçoit toujours son exécution. Mais disposer sous toute dénomination, n’est
pas faire toute espèce de dispositions. En permettant au testateur de se
servir do toutes expressions pour dicter ses intentions, la loi no l ’a pas
autorisé à disposer sous un mode et dans une latitude indéfinis; les moeurs,
l’utilité publique , les formalités des a ctes, et tout ce qui intéresse l ’ordre
social , sont toujours pour lui une barrière in v in c ib le . C ’est d’après co
principe tutélaire que l’article 900 a voulu que dans toutes dispositions
entre-vifs ou testamentaires , les conditions contraires aux lois ou aux mœurs
soient réputees non-écrites ; cest ce que la dame de Chazerat a méconnu
et m éprisé, en faisant l ’institution d’hérititier universel dont il s’agit. Elle
a violé l ’ordro public , en subordonnant sa disposition aux règles d’une
coutumo anéantie; elle l’a vio lé, en rejetant avec affectation le bienfait de
la loi nouvelle ; elle l ’a v io lé , en prescrivant une forme de partage qui
seroit
�( 9 )
soroit une source féconde de contestations. La justice, comme la lo i, ne
peuvent accueillir une telle disposition; il faut donc la regarder comme nonécrite dans le testament de la dame de C h azerat.. . .
» En ce qui touche le partage, attendu que la succession de la dame de
Chazerat s’est ouverte sous l ’empire du Code, qu’ainsi c’est par les principes
do cette loi que le partage doit en être terminé.
» Par ces motifs, le tribunal, par jugement en premier ressort, reçoit le
sieur Mirlavaud partie intervenante dans la contestation pendante entre les
sieurs Farradesche de G rom ond, fils aîné , et le sieur Sablon-Ducorail,
d’une part ; et les héritiers et prétendans droit à la succession de la dame de
Chazerat, d’autre part ; et faisant droit sur ladite intervention, ainsi que sur
la demande en nullité du legs universel en propriété , fait par la dame de
Chazerat; sans s’arrêter, ni avoir égard audit legs universel fait au profit des
trois branches d’héritiers y dénom més, et compris au testament olographe
de la dame de C h a zera t, du 26 messidor an 9 , et codicille du 14 messidor
an II , légalement déposés, enregistrés les 25 et 29 vendémiaire an 14 , lequel
legs universel est déclaré nul et do nul e ffe t, et comme non-écrit dans ledit
testament ; ordonne que, dans la huitaine de la signification du présent juge
ment , il sera procédé au partage de la propriété seulement de tous les
biens , meubles et immeubles , provenus de la dame M arie-Gilberte A ollet,
femme de C h azerat, pour en être délaissé moitié aux parens de la ligne
paternelle , et l’autre moitié aux parens de la ligne maternelle , conformé
ment à l’article 735 du Code Napoléon, sauf les sous-divisions entr’elles , s’il
y a lieu, conformément à l’article 754 du même Code; auquel partage tous
intéressés feront tous rapports et prélèvemens que de d roit, à la charge , par
les héritiers des deux lignes ci-dessus, de souffrir , sur la totalité desdits biens,
meubles et im meubles, l ’usufruit universel au profit du sieur de Chazerat,
époux de ladite dame M arie-Gilberte Rollet...........»
Les légataires universels interjettent appel de ce juge
ment , et font assigner le sieur M azuel, donataire de
la moitié des droits du sieur M irlavaud, en déclai’ation
d’arrêt commun.
Par arrêt du 14 août 1809, la cour de Riom pro
nonça en ces termes sur cet appel :
a
L a dame do Chazerat pouvant disposer de l’universalité de ses b ie n s,
B
�( 10 )
a-t-elle suffisamment exprimé son c h o ix , en désignant les légataires collec
tivement par l’indication certaine de leur origine !
» Le testament de la dame de Chazerat est-il parfait dans la volonté qu’elle
a exprimée / l ’est-il dans la volonté de la loi 1 est-il contraire à l’ordre public ,
aux lois politiques , et au droit naturel et civil de morale l
» A-t-ello soumis sa propre volonté à la volonté générale de la ci-devant
coutume d’ Auvergno , abrogée par les lois nouvelles ?
» Etoit-ce le cas d’appliquer à son testament l’art. i 5c)o du code Napoléon ¡f
» S'il étoit vrai que des termes de la représentation à l ’infini , exprimés
dans le testament , il dût résulter , comme le prétend le sieur M irlavau d ,
que des filles forcloses , ou les descendans d’elles , dussent être exclus du
partage , cette question peut-elle le concerner f n’en demeure-t^il pas moins
exclu lui-même de la succession par le testament / n’e x c ip e -t-il pas du
droit d’autriii en agitant cette question ?
» Attendu, dans le d ro it, que la testatrice a pu disposer à volonté de l ’uni
versalité de ses biens ; qu’elle a pu choisir des légataires entre toutes
personnes capables , et les désigner collectivement ou individuellement , soit
par leurs noms ou états distinctifs , soit par des indications certaines d’origine ,
de iàmille ou de parenté , également propres à les faire connofcre.
» Attendu , dans le fait , qu’on ne conteste ni sa capacité personnelle ,
ni celle de ses légataires , ni la disponibilité de tous ses biens , ni la faculté
d’en disposer à tels titres , et de les distribuer selon telles mesures qu’elle a jugé
à propos , ni la forme extrinsèque de ses testament et codicille.
» Attendu qu’il y a certitude dans sa disposition , puisqu’on convient qu’elle
est de l’universalité des biens ;• qu’il y a certitude égale dans le nombre et
les personnes des légataires , en ce qu’ils sont désignés par leur qualité
spécifique de descendans des trois estocs indiqués , en quelquo nombre qu’ils
so ien t, et que sous co rap p o rt, leur existence individuelle n’est susceptible
d’aucun doute.
» Attendu qu’un testament qui réunit tous ces caractères, est nécessairement
parfait dans la volonté exprimée du testateur , puisqu’elle étoit libre ; et qu’il
est aussi nécessairement parfait dans la volonté de la loi , puisqu’il est fait
sous son a u to rité, et q u ’e lle n ’e x ig e rie n au delà de ce qui a été observé j
» Attendu que celui de M arie-Gilberte RoIIet de Chazerat , étant ainsi
conforme , sous tous les rapports , à toutes les règles prescrites, il est impos
sible qu'il ne soit pas aussi conformo à l ’ordre public , puisqu’il est vrai que
l’ordre est toujours le résultat de l’observation de la règle j
» Attendu que dès lors sa disposition universelle ne devoit recevoir aucune
atteinte des motifs par lesquels on l'a attaquée , et qui ont cependant décidé
�( 11 )
les premiers juges à la déclarer nulle ; que c’est en v a in , et contre l ’évidenca
du fait, qu’on lui reproche d’avoir soumis sa volonté propre à la volonté générala
de la ci-devant coutume d’Auvergne , puisque , d’une p a r t, elle a clairement
et très-expressément déclaré sa vo lon té, dont aucune loi ne lui défendoit de
prendre l’exemple dans une coutume abrogée ; que de l’autre , loin de disposer
généralement, selon le vœu de la coutume , elle s’est au contraire mise en
opposition presque entière avec elle , soit dans sa disposition , en ce qu’elle
est universelle, soit dans le choix de ses légataires , en ce qu’elle a donné à
£on m ari, soit en faisant estoquer les dots au delà de la personne des enfans ,
soit en ne réservant pas ses meubles et acquêts aux seuls parens paternels,
soit en les confondant avec les propres de ces trois estocs , pour n’en faire
qu’une seule masse divisible indistinctement entre tous , dans la proportion
des apports, soit enfin en ce qu’elle a laissé une succession toute testamentaire,
comme elle en avoit le d ro it, au lieu de laisser une succession ab intesta t,
comme le vouloit la coutume ; que c’est par suite de cette illusion , qu’on a
appliqué à son testament l ’art. 1390 du code N apoléon, qui défend aux époux
de stipuler d’une manière générale , que leur association sera réglée par una
des coutumes qui sont abrogées ; que la première erreur qui se remarqua
dans cette assertion , c ’est que l ’article cité n’a rapport qu’aux contrats de
m ariage, et que les prohibitions no s’étendent pas des actes exprimés à ceux
qui ne le sont pasj que celle-ci s’étend si peu aux testamens , qu’indépen
damment de ce que l’article même prouve le contraire par son énonciation et par
la rubrique sous laquelle il est placé , on le voit encore plus clairement par
la comparaison des art. 911 et 1172 , dont l ’u n , relatif aux testamens , dit que
les conditions prohibées par les lois , sont seulement réputées non écrites ; et
l ’autre, relatif aux contrats, veut qu’elles rendent la disposition nulle ; qu’une
erreur plus étonnante que la première , vient de ce qu’on ne s’est arrêté ni au
sens de l’article , ni à la signification grammaticale des deux mots qui y sont
employés , manière générale.
» Que cependant 011 devoit savoir que ce qui est général comprend indéfi
niment toutes les espèces sans en marquer aucune ; car si les espèces
étoient expliquées , la manière cesserait d’être générale, n’y ayant rien de si
opposé à la généralité que la spécialité. Qu’ainsi, un pacte d’association con
tractuelle soumis d’uno manière générale au régime de telle coutume , seroit
évidemment exclusif de toute volonté propre des contractans , et no pourroit recevoir son effet quo des termes do la coutume indiquée, comme un
mandat général reçoit toute son exécution de la volonté do celui qui le rem
plit , par suite de la soumission entière de celui qui l’a donné ; qu’alors on con
çoit comment et pourquoi la loi résiste à ce que les citoyens qu’elle rég it,
Ba
�( 12 )
osent s’arroger la puissance de rétablir l'autorité d’une coutume qui est abolie,
et prétendre faire produire un effet à une cause qui n’existe plus. Mais que
de près ni de loin on ne sauroit rien remarquer dans le testament de Marie
Gilberto R o lle t, qui ressemble à ce cas, puisqu’au contraire tout y est énoncé
et spécifié; qu’il n’y a pas une seule disposition qui ne puisse être exécutée,
indépendamment de toute coutume quelconque, par le seul fait de la volonté
certaine et connue de la testatrice , par la seule autorité du Code N apoléon,
et en opposition totale à celle de la coutume d’Auvergne, qu’on a si singu
lièrement imaginé avoir été p rise , d’une manière générale , pour règle de ce
testament. Q u’à la .vérité, on y parle d’estoc et de représentation à l’iniini
pour désigner les légataires ; mais que cela même prouve la sagesse de la
testatrice, qui, par l’expression la plus b rè v e , fait connoîtrc ses légataires
de la manière la plus parfaite , sous uno désignation qui a deux termes mani
festement certains, l’un , les auteurs indiqués, l ’au tro celui où cesse leur
descendance; que lorsque, pour plus grande intelligence des règles de cette
représentation qu’elle ordonne de su ivre, elle a ajouté ces m ots, selon qu'elle
avoit lieu dans la ci-devant coutume d ’Auvergne, on doit reconnoître d’abord,
qu’au moins dans le seul endroit où elle parle de cette coutum e, elle a spécialisé
la règle qu’elle en em pruntoit, et que ce n’est p lu s , comme on l ’a d it, une
manière générale de s’y référer; que dans la r é a lité , non-seulement elle n’a
rien dit que le Code réprouve, mais qu’elle l’a dit surabondamment, en ce
sens, que la représentation à l’infini s’entend assez d’elle-mêmo pour n’avoir pas.
besoin d’être expliquée par un exemple; qu’ainsi, en regardant cette citation de
la coutume comme vaine, en la supposant même condamnable, il en résulteroit seulement, qu’aux fermes du Code N apoléon, il faudroit la considérer
comme non-écrite, et qu’alors la volonté de la testatrice n’en demeureroit pas
moins entendue ; on ne pourroit l’anéantir sans violer ouvertement la loi, qui en
protège l ’exécution. Que c ’est une erreur manifeste do penser qu’il soit
défendu , en exprimant sa volonté dans un testam ent, de rappeler pour mo
dèle une loi a b o lie, lorsque d’ailleurs on ne veut rien que la loi nouvelle
ne permette; et tandis qu’on ne sauroit n ier, qu’on no nie pas en effet que la
testatrice a pu se choisir des héritiers do l’espèce et de la qualité de ceux
qu ’elle a désignés ; qu’il suffit de lire la phrase pour être convaincu qu’elle
n’a rappelé les règles de la coutume d’Auvergne , quant à la représentation
à l’infini, que pour qu’on ne se trompât pas dans l ’exécution do sa volonté ,
ou plutôt , pour mieux indiquer tous ses héritiers ; si bien , que quand elle
n’ea auroit pas dit un m o t, sa disposition n’en seroit ni moins certaine quant à
sos biens , ni moins expliquée quant à ses héritiers , puisque la représentation
à l'infini » à quoi elle auroit pu se born er, n’auroit été ni la représenta-
�( i3 )
t!on de telle coutume, ni celle de telle autre, mais telle que le mot seul 1«
signifioit, c’est-à-dire, les descendans, tant qu’il y en auroit, des estocs indi
qués. Et que si ces m ots, telle qu’elle avoit lieu, ajoutent quelque chose réelle
ment à l’expression de sa pensée , du moins il est évident que ce qu’ils y
ajoutent n’est qu’une explication do plus, et que par cela même ils témoignent
plus fortement qu’elle a eu une volonté prop re, déterminée et éclairée , bien
loin qu’elle se soit référée d’une manière générale à l’autorité d’une coutume
abrogée. Qu’il (n’est pas permis de voir des fautes là où la loi n’en voit pas ;
et que devant la loi, comme aux yeux de la raison , il n’y en pas plus à citer
une coutume abrogée pour exemple , qu’à rappeler qu’elle a existé, ou à rap
peler ce que porloit tel autre de ses statuts. Que s’il étoit vrai que des ter
mes de la représentation à l'inlini, il dût résulter , comme l’objecte la partie
de B a y le , que des filles forcloses, ou les descendans d’e lle s, dussent être
exclus du partage , cette question no saurait le concerner, puisqu’il n’en de
meurerait pas moins exclu lui-m ême, p a rle testament, de la succession ;
qu’ainsi , il ne fait qu’exciper vainement du droit d’au tru i, en agitant une
question qui n’intéresseroit que les héritiers testamentaires, et qu’ils n’élèvent
pas. Que si pour régler les proportions des partages entre ces h éritiers, il
est nécessaire de remonter à l’origine des biens, et d’en connoître la nature ,
quoique la loi ne considère ni l’un ni l’autre dans les successions ab intesta t,
il n’en résulte autre chose que ce qui résulte de la loi elle-même, c’est-à-dire,
qu’il peut y avoir, selon la loi , deux espèces de successions très-différentes,
l ’une ab intestat, que la loi a réglée comme il lui a p lu ; l’autre testamentaire,
qu’elle a abandonnée à la volonté de ceux qu’elle a autorisés à en disposer ;
qu’i c i, il s’agit de cette dernière espèce de succession , et que la volonté de
l’homme y fait taire légalement celle de la loi.
» Attendu que si la testatrice a été libre , comme on en co n v ien t, de dis
tribuer ses biens selon sa fantaisio, elle a pu aussi, et à plus forto raison ,
les partager ,p a r des motifs qui lui ont paru de justice, entre tous les descondans de ceux dont ils lui étoient provenus; et qu’aucune loi politique, ni
d’ordre public ou do droit naturel ou c iv il, pas plus qu’aucune loi morale , no
lui interdisoient de se déterminer par ce louable m otif; que c’est même un des
bienfaits particuliers de la faculté de tester, et qui n’a point échappé aux con^
seils du législateur ; que par là on peut réparer, en certains cas, les injustices
résultant d’une loi trop générale , ou d’une affection faussement présumée.
» Attendu enfin, que Marie-Gilberte Rollet ne pouvoit pas so montrer moins
attachée à la loi ancienne, qu’elle l ’a fait, en la contrariant presque en tout ; ni
mieux marquer son respect pour les lois nouvelles, qu’en usant
des facultés
qu’elles lui accordoient, en déclarant qu’elle ne youloit le retour do ses biens
�( i4 )
à leur source qu'autant que cela dépendoit d’e lle , comme cela en dépendoit
en effet ; en ne disposant que de ce que la loi lui permettoit de donner à
l ’époque de son testament, et du reste seulement, quand une loi nouvelle 1g
lui a permis ; en ne donnant rien à des personnes prohibées , et n’attachant à
ses libéralités aucune condition défendue; que toutes ses dispositions sont
légitim es, puisque la loi les autorise; et que son testament est lé g a l, puis
qu’on n’en contredit pas la forme.
» L a cour dit qu’il a été mal jugé par le jugement dont est a p p e l, bien
appelé ; émendant, déboute la partie de Ba^le ( le sieur Mirlavaud ) de ses de
mandes ; ordonne que le testament sera exécuté suivant sa forme et teneur;
faisant droit sur la demande en assistance de cause formée contre M azu el,
partie de V a ze ille , attendu qu’il est donataire de M irlavaud, intéressé par
conséquent à la cau se, et qu’il n’a pas plus de droit que son donateur,
déclare l ’arrêt commun avec l u i . . . . . . »
L es sieurs Mirlavaud et M azuel se pourvoient en
cassation contre cet arrêt.
Trois moyens de cassation ( ai-je dit à l’audience de
la section des requêtes, le 10 juillet 18 10 ), vous sont
proposés dans cette affaire. Violation de l’article 1390
du Code N apoléon, portant que les époux ne peuvent
plus stipuler, d’une manière générale, que leur associa
tion sera réglée par l’une des coutumes, lois ou statuts
locaux qui régissoient ci-devant les diverses parties du
territoire français, et qui sont abrogées par le présent
code. Violation des articles 392, 895 et ()Q5 du même
code, qui, en exigeant que le testateur fasse personnelle
ment ses dispositions de dernière volonté, annoncent
clairement l’intention de maintenir les lois romaines,
qui déclarent nulle toute disposition par laquelle un
tCBtateur confie à un tiers le choix de ses héritiers.
Violation de l’article 7 de la loi du 3 o ventôse an 12 ,
qui abroge les lois romaines, les ordonnances et les cou-
�( iS ) .
tûmes générales ou locales, dans les matières qui sont
l’objet des lois composant le Code Napoléon.
Sur ces trois moyens, il s’élève une question préalable
qui leur est commune, et dont nous devons dire un m ot5
c’est de savoir s’ils ne doivent pas être écartés tous trois,
par la circonstance qu’il s'agit ici d’un testament d’une
date antérieure au Code Napoléon.
L ’affirmative seroit incontestable, si ce testament
n’étoit attaqué que dans sa forme extrinsèque -, car il est
de principe que la forme extrinsèque d’un testament ne
dépend que de la loi du temps, comme de la loi du lieu
où il a été fait, et vous l’avez ainsi jugé le premier
brumaire an i 3 , au rapport de IVI. Sieyes, et sur nos
conclu sions , en maintenant un arrêt de la cour d’appel
de Bruxelles, qui avoit déclaré valable un testament fait
dans l’ancienne form e, le 28 nivôse an 9 , par un parti
culier mort le 19 prairial an 1 1 , après la publication des
articles du Code Napoléon, relatifs aux formalités des
dispositions à cause de mort.
Mais ce n’est point dans sa forme extrinsèque; ce
n’est point par un défaut de solennité qu’est attaqué le
testament de la dame de Chazerat : il n’est attaqué que
dans le fond de ses dispositions; et tout le monde sait
qu’en ce qui concerne le fond des dispositions d’un
testament, on ne doit s’attacher qu’à la loi du temps où
le testateur est décédé. C ’est ainsi que le 18 janvier 1808,
la section civile a jugé, en reje ta n t le recours de JeanPierre R ayet, contre un arrêt de la cour d’appel d’A g e n ,
du 3 o avril 1806, qu’un testament fait en 1787, étoit nul,
par cela seul qu’il renfermoit une clause de substitution
�.( *6 )
lidéicommissaire, prohibée par l’article 896 du Code
N apoléon, à la publication duquel son auteur avoit
survécu.
On ne peut donc pas douter que le Code Napoléon
ne doive être pris pour la règle du fond des dispositions
de la dame de Cliazei’at ; et par conséquent que si le code
Napoléon condamne la manière dont la dame de Chazerat
a nommé ses légataires universels, les dispositions de la
dame de Chazerat ne soient nulles à cet égard.
Cela posé, entrons dans l’examen des trois moyens
de cassation que les demandeurs vous proposent.
E t d’abord, en jugeant que la dame de Chazerat
avoit pu nommer ses légataires universels, par la seule
vocation de ceux de ses parens, du côté de ses aïeul et
aïeule paternels, et de son aïeule maternelle, qui seroient
en ordre de lui succéder, suivant les règles de la repré
sentation à l’infini, telle qu’elle avoit lieu dans la cidevant coutume d’A uvergn e, la cour d’appel de Riom
a-t-elle violé l’art. 1890 du Code?
Elle l’auroit certainement vio lé, si cet article étoit
applicable au testament de la dame de Chazerat; mais elle
a jugé qu’il ne l’étoit point, et elle s’est fondée sur trois
motifs :
L e premier, que l’article 1890 du code n’est relatif
qu’aux contrats de mariage, et que les prohibitions ne
s’étendent pas des articles exprimés à ceux qui ne le sont
pas.
L e second, que cet article, fût-il com m unaux testamens, 11e seroit pas applicable à celui de la dame de
Chazerat, parce que ce n’est pas d’une manière générale,
mais
�( î7 >
mais seulement pour la détermination des règles de la
représentation à l’in fin i, que la dame de Chazcrat y
a déclaré s’en rapporter à la ci-devant coutume d’A u
vergne.
L e troisième , que les termes par lesquels la dame
de Chazerat s’en est rapportée h la ci-devant coutume
d’Auvei-gne y ne forment dans son testament qu’une
clause surabondante.
D e ces motifs , le troisième s’applique également
à tous les moyens de cassation des dem andeur •, et
nous croyons devoir, par cette raison, en renvoyer la
discussion h la suite de celle du dernier de ces moyens.
Quant aux deux autres, il en est u n , et c’est le
second, qui nous paixrît dénué de tout fondement. .<
En effet, d’art. i q o du Code n’est pas seulement
applicable à la clause d’un contrat de mariage par laquelle
les futurs époux déclareroient adopter telle coutume
pour règle de leurs droits respectifs : il l’est aussi ù la
clause par laquelle ils déclareroient adopter telle cou
tume pour règle de tel droit matrimonial spécialement
désigné*, par exemple, de la communauté ou du douaire :
car, dans un cas comme dans l'autre, les futurs époux ne
spécialiseroient pas eux-mêmes leurs conventions ; ils
les laisseroient dans un vague qui ne pourroit être
fixé que par la coutume à laquelle ils se soumettroient;
et par conséquent il y auroit, dans un cas comme
dans 1 autre , soumission d’une manière générale à la
coutume.
3
, Si donc l’art. 1890 ne doit pas être restreint aux
contrats de m ariage, s’il est commun aux testamens ,
c
�\
, ( 1 8 )
nul cloute qu’il ne soit violé par une disposition tes
tamentaire qui, pour la détermination de l’ordre dans
lequel doivent venir, et des parts que doivent prendre
les légataires universels, renvoie à telle coutume, comme
il le seroit par une disposition par laquelle le testateur
s’en rapporteroit à cette coutume pour le règlement
universel de sa succession j nul doute par conséquent
q u e , dans cette hypothèse, la cour d’appel de Riom
n’ait erré dans son second motif.
Mais cette hypothèse est-elle exacte, ou, en d’au
tres termes, l’art. 1890 est-il véritablement commun
aux testamens, ou, en d'autres termes encore, la cour
d’appel de Riom a-t-elle erré dans son premier motif,
comme dans le deuxième ?
» Sur cette question, il y a deux choses à considérer^
l’esprit dans lequel a été rédigé l’art. 1390, et l’objet
auquel sa rédaction s’applique.
L ’esprit de cet article pai-oît^ manifesté par le pro
cès verbal du conseil d’état :
« lia section de législation, disoit M . T ro n ch et, a
voulu, en proposant cet article, empêcher les notaires
de continuer à insérer dans leurs actes une clause usitée
dans les contrats de mariage, lorsque les parties vouloient établir leur communauté sur d’autres principes
que sur ceux de la c o u t u m e de leur domicile : on exprimoit alors qu’elles se marioient suivant telle ou telle
coutume. Cette clause seroit nulle après la confection
du Code civil •, puisqu’il abroge toutes les coutumes ,
il n’est plus possible de les reconnoître \ o u , si on
leur conservoit une sorte d’existence, le système bien-
�(
1
9
y
Élisant de l’uniformité des lois seroit dérangé. — La pro
position qu’on discute, ajoutoit Al. Berlier, n’implique
nulle contradiction avec la faculté laissée aux époux
de régler leurs conventions comme ils le veulent : cette
faculté n’est pas ici blessée, quant à la matière ; elle
n’est restreinte que quant à la forme. Les époux stipu
leront en détail toutes les conditions de leur union ;
mais ils ne pourront, en termes généraux., se référer
à telle ancienne loi ou à telle ancienne coutume. Voilà
ce que dit l’article, et ce qu’il devoit dire par respect
pour le nouveau Code., et pour atteindre les bienfaits
qu’il permet. Ne seroit-ce pas en effet perpétuer l’exis
tence de quatre cents et quelques lois ou coutu
mes qui régissoient la France, que de permettre de
s’y référer pour les conventions à venir? Qui veut la
fin , veut les m oyens; or, plus d’uniformité, plus de
Code civil, proprement dit ; si l’on permet cette bizarre
alliance. — L e di’oit seroit hérissé (continuoit M. R é a l),
d’autant plus de difficultés, qu’il faudroit étudier à la
fois et le droit qui a existé et le droit qui existe__—
En employant ces clauses générales, disoit également
M . T reilh ard , les notaires peu instruits ignorent le
sens cle ce qu’ils écrivent dans leurs actes; ils ne peuvent
en conséquence l’expliquer aux parties. Il est bon ce
pendant que chacun sache positivement ce qu’il stipule.
On doit craindre , d’un autre côté, que dans certains pays
la routine ne fasse durer encore lo n g - te m p s l’empire des
coutumes. Il ne s’agit, au surplus, que d’empcclier
les citoyens de les rappeler’, ce qui ne gene la liberté
de personne, puisque chacun conserve la faculté de
C2
�( 20 )
faire passer dans son contrat de mariage les dispositions
de la coutume , pourvu qu’il les én o n ce....»
M . Berlier répétoit la même chose dans son discours
au corps législatif: « L e projet ne permet pas aux époux
de stipuler désormais, d'une manière générale, que leur
association sera réglée par l’une des coutum es, lois ou
statuts locaux , qui régissoient ci - devant les diverses
parties du territoire français , et qu’il abroge *, c’eût été
les rejeter dans le dédale d’où il s’agit de les retirer, et
élargir le gouffre que le code civil doit fermer. »
Voilà des motifs qui , assurément 3 s’a d a p t e n t tout
aussi bien aux testamens qu’aux contrats de mariage.
Mais le texte de loi que ces motifs paraissent avoir
d icté, com prend-il ceux-là comme c e u x - c i dans sa
disposition ?
Nullement : ce texte est restreint aux contrats de
mariage , et il y est restreint non seulement par ses
propres term es, mais encore dans la rubrique sous la
quelle il est placé. D e là comment pourriez-vous ann u lle r, comme violant ce texte , un arrêt qui a refusé
de l’étendre aux testamens ? L ’article 66 de la cons
titution du 22 frimaire an 8 , ne vous autorise à casser
les jugemens en dernier ressort, que pour contravention
expresse aux lois 5 et certes , il ne peut pas y avoir
contravention expresse à l’article i q o du Gode Napoléon,
là où on ne peut apercevoir qu’un refus de donner à
cet article une latitude qu’il n’a pas lui-mêm e.
Admettons que la cour d’appel de Riom eût p u , en
s’étayant sur l’identité de raisons , étendre cet article
aux testamens *, admettons même qu’elle eût pu justifier
3
�( 21 )
cette extension, en invoquant, non comme disposition
législative, mais comme raison écrite, les lois 12 et i3 ,
D . de legibus, Non possunt oimies , etc.
Eh bien ! dans cette hypothèse , l’arret qui vous est
dénoncé, pourra-t-il être annullé sur l’unique fondement
qu’il n’a pas fait une extension qu’il eût pu faire ?
Une question semblable a été agitée tout récemment
à l’audience de la section civile. — Les sieurs Pastoris
demandoient la cassation d’un arrêt de la cour d’appel
de T u rin , du 11 juin 1808 , qui avoit déclaré légitime , à raison de la bonne foi de son père et de sa m ère,
l’enfant né à l’ombre d’un second mariage que Thérèse
Bellone avoit contracté dans la Ligurie en 1799, du
vivant de son premier mai’i , avec Henri Pastoris. Pour
établir que ni Henri Pastoris, ni Thérèse Bellone , ne
pouvoient être censés avoir contracté de mariage de
bonne f o i, ils alléguoient, et le fait n’étoit point dénié,
ou plutôt il étoit avoué dans les termes les plus formels,
que ce mariage n’avoit pas été précédé des bans prescrits
par les lois ecclésiastiques ; ils citoient la décrétale Ciim
ïnhibito, qui en effet décidoit que les enfans nés d’un
mariage contracté sans publications préalables , entre
un homme et une femme parens au degré prohibé t
ne dévoient pas jouir des prérogatives de légitim ité,
parce que le défaut de bans ne permettoit pas de pré
sumer que leurs père et mère eussent ignoré l’empê
chement qui s’opposoit à leur union ; et ils ne manquoient
pas d’observer que quoique cette décrétale, qui, en 1799,
faisoit loi en Ligurie comme en P iém on t, ne parlât
que de l’empêchement de parenté , elle n’en devoit
�C 22 )
pas moins être étendue, par identité de raisons, à tous
les autres empêchemens, notamment à celui qui résultoit
de la non-dissolution d’un mariage précédemment con
tracté par l’une des parties j ils prouvoient même que
telle étoit l’opinion d^une foule de canonistes. — En
portant la parole sur cette affaire, nous avons dit que
sans doute la cour d’appel de Turin eût pu donner à
la décrétale Ciim inhibito l’extension que les sieurs
Pastoris l’accusoient de ne lui avoir pas donnée ;
qu’elle n’eût même fait par là que se conformer à la
jui’isprudence du sénat de C h am béry, attestée par le
président Favre ; mais que ne pas étendre une loi au-delà
de ses termes précis, ce n’étoit pas la v io le r , et qu’en
conséquence , il y avoit lieu de rejeter le pourvoi des
sieurs Pastoris.— Par arrêt du 21 mai dernier, au rapport
de M . Carnot , « attendu que les conciles n’ont pas
prononcé la nullité des mariages pour simple défaut
de publication de bans *, que l’on peut seulement en
induire, suivant les cas, qu'ils ont été clandestinement
contractés; mais que dans l’espèce,le vice de clandestinité
ne pouvant être reproché au mariage dont il s’agit,
il en résulte que le seul défaut de publication de bans
n’a pu constituer Thérèse Bellone et H enri Pastoris en
mauvaise foi *, que si la décrétale Cum inhibito a été plus
loin sur ce p o in t, que les décrets des conciles, ce n’a
été que par voie d’exception , et pour le seul cas où
les époux auraient été parens au degré prohibé ; et
que la cour d’appel, en s’en tenant à la lettre de cette loi
d'exception, sans l’étendre par induction au cas d’exis
tence du premier époux réputé m o rt, n’en a pu violer
�<>3 )
ouvertement les dispositions...............................................
La cour rejette. ............................ »
Dans cette espèce cependant, les sieurs Pastoris avoient
deux avantages qui manquent ici aux demandeurs.
D ’une part, les textes du droit romain qui autorisent
les juges à étendre les lois à des cas non compris dans
leurs dispositions, mais auxquels leurs motifs s’adaptent
parfaitement, avoient, pour la cour d’appel de T u rin ,
toute l’autorité des lois proprement dites, puisque le droit
romain étoit la loi supplémentaire du Piémont et de la
Ligurie , à l’époque de la célébration du mariage dont
il étoit question.
I c i , au contraire , ces textes n’avoient pour la cour
d’appel de Riom que l’autorité de la raison écrite.
D ’un autre côté, nulle différence quant au motif qui
avoit déterminé la disposition de la décrétale Ciim inhibito , entre les cas où les époux étoient parens au degré
p rohibé, et le cas où l'un d’eux étoit engagé dans les
liens d'un mariage non encore dissous. Il y avoit m êm e,
pour appliquer cette disposition au second cas, une raison
bien plus puissante que celle qui l’a voit provoquée pour
le prem ier5 car il importe bien plus à l’ordre public
de prévenir les bigamies, que les mariages entre les
parens à certain degré. On pouvoit donc argumenter
à fortiori du cas sur lequel portoit la décrétale Cum
inhibito, à celui qui étoit l’objet de l’urret dont il s’agit.
I c i, au contraire, bien q u ’on puisse dire des testamens comme des contrats de mai*iage, que si l’on y
toléroit l’usage de ne disposer ou de ne traiter que par
des renvois à telles coutumes abrogées par le Code Napo-
�( H )
léon , ces coutumes survivroient en quelque sorte à leur
abrogation } et que les citoyens, les jurisconsultes, les
magistrats seroient obligés de les étudier encore, comme
si elles avoient conservé toute leur autorité ; il n’en est
pas moins vrai q u e , relativement aux motifs de la dis
position de l’article i 3 g o , il existe entre les contrats
de mariage et les testamens deux différences très-sensibles.
D ’abord, avant le Code N apoléon, il étoit extrêmement rare que des testateurs se référassent, pour le
choix de leurs héritiers ou légataires universels, à des
coutumes q u i, ou étoient abrogées , ou le u r étoient
étrangères. Il faut même sortir de l’ancien territoire
français pour en trouver des exemples autres que celui
de la dame de Chazerat ; car les seuls, absolument les
seuls auteurs qui en parlent, sont Grotius et V o ë t ,
tous deux Hollandais -, le premier dans sa Manuductio
ail jurispruclentiam Hollandiæ,liv. 2. cliap. 29 '7le second,
sur le digeste, tit. de hœredibus instituendis, n. i 5 . Et
au contraire , rien n’étoit alors plus fréquent que de
voir des époux adopter, pour règle de leur association ,
des coutumes qui n’étoient ni celles de leur domicile,
ni celles de la situation de leurs biens.
Est-il étonnant, d’après cela, que le législateur ait res
treint, aux contrats de mariage la disposition de l’article
1390 du Code? Il l’a restreinte à ces contrats, parce que
ces contrats étoient les seuls actes où il étoit à craindre
que ce genre d’adoption se perpétuât. Il ne l’a pas
rendue commune aux testamens, parce qu’il n’y a pas
vu le même sujet de crainte j parce qu’il a pensé q u e ,
si quelque testateur venoit un jour à se singulariser, en
adoptant ,
�.( 2 5 )
adoptant, pour le choix de ses légataires universels,
une des coutumes abrogées du territoire français, ce
seroit une bizarrerie sans conséquence , un phénomène
qui ne mériteroit pas qu’une loi expresse lui fît l'hon
neur de le proscrire par anticipation; en un mot, parce
qu’il a dit avec les lois 4 et 6 , D . de legibus : E x his
quee forte aliquo uno çasu accidere possunt, jura non
constituuntur,....
Ensuite, le motif énoncé dans le procès verbal du
conseil d’état, par ceux qui ont parlé sur l’art. 1390,
est-il bien le seul qui ait déterminé, soit la majorité du
conseil, soit la majorité du tribunat, soit la majorité
du corps législatif, à voter pour cet article
Nous pouvons .en douter d’autant plus raisonnable
ment , qu’il se présentait pour réunir tous les suffrages
en faveur de cet article, une raison bien plus grave ,
bien plus décisive , que le motif mis en avant dans le
procès verbal du conseil-d’état.
En effet, il est de la plus haute importance que les
conventions matrimoniales soient rédigées de manière
que tous ceux avec qui l’un ou l’autre des époux peut
être dans le cas de traiter, connoissent d’une manière
certaine et positive les modifications qu’elles ont faites
à la loi, qui,
défaut de stipulations particulières, règle
l’association conjugale. Et comment auroient-ils pu ac
quérir cette connoissance ? Comment sur tout auroientils pu être assurés de l’avoir acquise, s’ils n’avoient pu
la puiser que dans les coutumes, dans les statuts locaux
abrogés, et par conséquent tombés dans l’oubli? Qui
d’eux n’auroit tremblé de voir un jour sortir de ces
D
�( *6 )
statuts, de ces coutumes, des prohibitions, des inca
pacités , des empechemens qui eussent vicié ou neutra
lisé les contrats qu’ils auroient pu faire avec l’un des
époux ? Et n’est-il pas évident que par là on eût exposé
chacun des époux au danger de ne trouver personne qui
eût voulu contracter avec lui ? L e merne inconvénient
n’étoit point à craindre dans les dispositions testamen
taires ; car de deux choses l’une : ou la coutume à laquelle
un testament se réfère , est parfaitement con n ue, ou
elle ne l’est pas. A u premier cas, sa disposition sei-a exécu
tée ; au second, elle sera sans effet, d'après cette maxime
du droit romain , ou plutôt de la raison universelle :
Quœ in testamento scripta essent neque intelligerentur
quid significarent, ea perindè sunt atque si scripta
non essent. L . 2. D. D e his quœ pro non scriptis habentur.
Que devient après cela le grand argument sur lequel
les demandeurs fondent principalement leur système
d’extension de l’art. 1890 aux testamens? Les contrats
de m ariage, disent-ils, sont par leur nature suscep
tibles de toutes les clauses qui ne blessent ni les lois
prohibitives ni les mœurs. Ils sont par conséquent bien
plus favorables que les dispositions testamentaires. Si
donc on ne peut pas , dans un contrat de m ariage, se
référer à une coutume abrogée, combien moins le peuton dans un testament ? Si donc la loi l’a prohibé pour
l’un, à'eom bien plus forte raison est-elle censée l’avoir
prohibé pour l’autre ?
Trois vices essentiels dans cet argument:
i ü. 11 n’est pas vrai que les époux aient plus de liberté
�( 27 )
dans les contrats de m ariage, que les testateurs n’en
ont dans leurs dispositions à cause de mort. Si les époux
peuvent, par les un s, faire toutes les stipulations qui
ne contrarient pas les lois prohibitives, ni ne blessent
les mœurs, les testateurs peuvent également, par les
autres, faire toutes les dispositions qui n’offensent pas
les mœurs et ne heurtent pas des lois px-ohibitives. Les
contx’ats de mariage et les testamens sont donc, quant à
la liberté des parties qui y figurent, des actes absolu
ment parallèles. On ne peut donc pas argumenter à
fortiori des contrats de mariage aux testamens.
2°. L ’argument à fortiori n’est qu’un sophisme , toutes
les fois qu’entx’c les deux objets qu’il tend à faire juger
d’après la même règle, il se trouve une différence quel
conque j et nous venons de voir qu’enti’e les contrats
et les testamens, il existe, relativement à la question
qui nous occupe , deux différences très-frappantes.
3 °. Ce n’est point par des argumens à fortiori que
l’on peut faire trouver dans un arrêt une contravention
à une loi qui ne prévoit pas précisément le cas sur lequel
il statue ; et c’est une vérité dont l’arrêt de la section
civile, du 21 mai dernier, nous fournit à la fois la preuve
et l’exem ple, en rejetant les moyens de cassation que
les sieurs Pastoris cherclioient à tirer de la décrétale
Cum inhibito.
E nfin, Messieurs, il est une grande maxime qui doit ici
écarter toute idée d’extension de l’art. 1390 du Code Na
poléon aux testamens, c’est que les lois qui disposent en
sens contraire aux principes du droit, ne peuvent jamais
être tirées à conséquence, ni étendues hors de leurs
D 2
�( 2 8 }
termes précis : Quod verà contrà rationem ju r is , etc.
L. 1 3 . D . de legibus.
On ne peut clouter, en effet, que la disposition de
l ’art. J390 ne soit contraire aux principes du droit, et
qu’en la décrétant, le'législateur n’ait sacrifié les prin
cipes du droit à des considérations purement politiques.
Il est difficile, disoit M . l’Arcliichancelier*, dans la dis
cussion de cet article au conseil d'état, de concilier
cette disposition avec celle qui précèd e, et qui laisse
aux parties une liberté indéfinie dans leurs conventions
matrimoniales,pourvu qu’elles ne blessent pas les mœurs...
Il ne doit y avoir de stipulations nulles que celles qui
blessent les principes du Gode civil.
Ces observations, il est vrai, n’ont pas empêché Fadoption de l’article qu’elles combattoient ; mais elles n’en
forment pas moins une preuve irrésistible, que cet article,
quelque sage qu’il soit, n’est pas en harmonie, même
avec les principes généraux de la matière des contrats
de mariage , et que par une suite nécessaire, il ne peut
pas être étendu au delà de son objet.
L e premier moyen de cassation des demandeurs ne
peut donc , sous aucun rapport, être accueilli.
L e deuxième est - il mieux fondé ?
Sans doute il n’est pas plus permis à un testateur sous
le Code Napoléon, qu’il ne l’étoit sous l’empire des lois
romaines, de c o n fie r à u n tiers la désignation de ses
héritiers ou légataires universels; et il faut sous le Code
N apoléon, comme il le falloit sous l’empire des lois ro
maines, que le testateur fasse lui-même cette désignation.
Mais est-ce à dire pour cela que le testateur est
�( 29 )
obligé de désigner ses héritiers ou légataires par leurs
noms individuels ? A cette question écoulons la réponse
des lois romaines : Si quis nomen hœredis quidem non
d ix erit, sed indubitabili signo eum demonstraverit,
quod penè nihil à noniine distat... valet inslitutio. L oi
9, § 9, D. de hœredibus instituai dis. L. 34 , D. de conditionibus et dernonstrationibus. Et pourquoi cela ? c’est,
dit la loi G, D . de rebus creditis, parce que la dési
gnation certaine et l’expression du nom sont tellement
identiques dans le droit, qu’elles peuvent s’employer
indifféremment l’une pour l’autre } N ihil refert proprio,
etc....
O r , n’est-ce pas désigner clairement ses héritiers ou
légataires univei'sels, que de déférer sa succession à ceux
qui dévoient la recueillir ab intestat d’après telle l o i ,
telle coutume, tel statut? Nous avons déjà dit que V oët
et Grotius regardent l’affirmative comme une vérité irré
fragable -, et, en effet, voici les termes du premier: Sed
nec dubium quin teslatar rectè testamento hceredes insti
tuât per relationem ad certum statutum , veluti instituendo eos quos ju s scabinicum v el quos ju s ces
dom icum , aut loci alterius le x dejinit ab intestatq
successores , ut id colligi potest e x his quee habet
Hugo Grotius in manuductione ad jurisprudentiam Hol~
landice. Lib. 2, cap. 26.
M a is, disent les demandeurs., et c’est leur troisième
moyen , la coutume d’Auvergne à laquelle la dame de
Chazerat s’est référée, dans le legs univei’sel que con
tient son testament, est abrogée par l’article 7 de la loi
du 3 o ventôse an 12. La dame de Chazerat s’est donç
�(
3°
)
mise, par la manière dont elle a exprimé son legs uni
versel, en rébellion contre cet article. La Cour d’appel
de Riom a donc violé cet article, en déclarant valable
le legs universel do la dame de Chazerat.
Quoi donc ! la dame de Chazerat n’auroit-elle pas p u ,
nonobstant l’abrogation de la coutume d’Auvergne, s’en
approprier littéralement les dispositions, les transcrire
dans son testament, les adapter, et à ceux de ses parens
qu’elle vouloit gratifier, et aux biens dont elle vouloit
disposer en leur faveur ? Les défendeurs sont forcés de
convenir qu’elle en avoit le pouvoir; et si elle l’eût
fait, ajoutent-tils, nous respecterions sa volonté. Mais
quelle différence y a - t - i l entre ce qu’elle eût pu dans
cette hypothèse, et ce qu’elle a fait réellement? Il n’y
en a que dans l’expression : la dame de Chazerat a dit,
en termes très-brefs, Ce qu’elle eût pu délayer dans
plusieurs phrases ; et assurémènt une disposition q u i,
développée dans un long assemblage de m ots, seroit
valable, ne peut pas être nulle parce que la testatrice
l’a exprimée avec le plus de concision qu’il lui a été pos
sible ; assurément la loi du 3 o ventosean 12, que cette
disposition n’offenseroit en aucune manière dans le pre
mier cas , ne peut pas en être blessée dans le second.
En effet, dans un cas comme dans l’au tre, ce n’est
point la coutume d’Auvergne qui régit la succession
de la dame de Chazerat ; dans un cas comme dans l’autre,
cette succession n’est régie que par la volonté de la dame
de Chazerat elle-même ; dans un cas comme dans l’autre,
la coutume d’Auvergne ne fait rien, c’est la volonté
de la dame de ChaztTat qui fait tout.
�( 31 )
Si la dame de Chazerat eût été et fût morte dans un
temps où la coutume d’Auvergne étoit encore dans toute
sa vigu eu r, et que dans son testament elle eût déclaré
instituer légataires universels ceux de ses parens à qui
cette coutume déféroit la succession, à quel titre ses
parens ainsi appelés auroient-ils recueilli ses biens ? comme
héritiers ab intestat, comme saisis par la coutume ?
N o n , ils les auroient recueillis comme légataires uni
versels, comme appelés par la testatrice. Taies instituti
( dit V oët à l’endroit déjà cité N. 18, en parlant du
cas où le testateur institue pour héritiers ceux qui doivent
lui succéder ab intestat ); Taies instituti, non e x v i legis,
sed e x testatoris volúntate succedunt.
E t l’on voudroit qu’il en fût autrement dans notre
espèce ! On voudroit que la coutume abrogée d’A u
vergne régît une succession que ne régiroit pas la
coutume d’Auvergne encore subsistante ! On voudroit
q u e , d’après les dispositions de la dame de Chazerat,
les légataires imiversels de la dame de Chazerat succé
dassent en vertu de la coutume abrogée d’Auvergne ,
tandis que si cette coutume n’étoit pas abrogée, ils ne
pourroient, d’après ces mêmes dispositions , succéder
qu’en vertu de la volonté de la dame de Chazerat !
C ’est une véritable dérision.
Est-ce plus sérieusement que les demandeurs opposent
à l’arret de la cour d’appel le principe écrit dans
l’article 6 du code, qu’on ne peut déroger, par des
conventions particulièx-es, aux lois qui intéressent l’ordre
public et les bonnes moeurs? Est-ce plus sérieusement
que l’on vient vous dire que les successions tiennent à
�( '3a ) '
.
l’ordre publie ; el que c’est attenter à l’ordre public ,
que de créer un ordre de succession contraire à la loi ?
Autant vaudroit-il dire qu’il y a attentat à l’ordre
public, toutes les fois qu’un testateur, usant du pouvoir
que lui en donne la l o i , dispose de ses biens en faveur
d’autres personnes que celles qui y seroient appelées
par la loi elle-m êm e, à défaut de testament.
Car , encore une fo is, ce n’est point de la coutume
abrogée d'Auvergne , que les légataires universels de
la dame de Chazerat tiennent leur vocation ; ils ne lai
tiennent que de la volonté de la testatrice; et la testatrice,
en se. référant en peu de mots à la coutume d’A u v erg n e ,
ne l’a pas plus remise en vigueur comme l o i , qu’elle ne
l’eût fait en calquant, comme elle en avoit incontes
tablement la faculté , ses dispositions personnelles sur
les anciennes dispositions de cette coutume.
A vant l’abrogation des coutumes, un testateur pouvoitil instituer légataires universels de ses meubles, ceux de •
ses parens qui auroient dû y succéder d’après une cou
tume autre que celle de son domicile? pouvoit-ilinstituer
légataires de ses immeubles disponibles, ceux de ses parens
qui aurbient dû y succéder d’après une coutume autre
que celle de leur situation ? Oui , sans doute , il le
pou voit : Voè’t et Grotius nous en donnent l’assurance ,
et les demandeurs eux-mêmes n’eu disconviennent pas.
Cependant on eût pu dire alors, comme le disent
aujourd’hui les demandeurs , qu’en disposant ainsi , le
testateur créoit un ordre de succéder contraire à la loi
qui devoit régir sa succession ; qu’ériger une coutume
étrangère à sa personne et à ses biens , en loi régu
latrice
�( 33 )
latrice clc sa succession , c’étoit faire ce qui n’appartenoit
qu’au législateur ; qu’il n’appartenoit qu’au législateur
d’étendre les limites d’une coutume au - delà de son
territoire. Mais ces objections aui-oient disparu devant
le principe, que ce n’étoit pas comme l o i , que c’étoit
uniquement comme disposition de l’homme , que la
coutume étrangère à la personne et aux biens du tes
tateur a'uroit régi sa succession.
Eh bien ! la dame de Chazerat a-t-elle fait autre chose ?
Si ce n’est pas usurper le pouvoir du législateur , que
de se référer à une loi existante, mais étrangère, comment
pourroit-on être censé l’usurper en se référant à une loi
abrogée ? une loi existante, mais étrangère, n’a pas plus
de force par elle-même, que n’en a une loi qui n’existe
pas \ et de même qu’il n’est permis qu’au législateur de
rappeler à la vie une loi qui n’existe plus , de même
aussi au législateur seul est réservé le droit de rendre
obligatoire dans un pays, une loi qui n’a été faite que
pour un autre pays.
La dame de Chazerat n’a donc pas plus violé , soit
l’art. 6 du code Napoléon , soit l’art. 7 de la loi du 3 o
ventôse an 12 , en disposant par relation à la ci-devant
coutume d’A uvergne, qu’un testateur mort il y a dix ans,
n ’eût v io lé , en disposant par relation à une coutume
étrangère à son domicile et h ses biens , la maxime
de droit public qui restreignoit l’autorité de chaque
coutume aux personnes domiciliées et aux biens situés
dans son arrondissement.
Et comment ne sent-on pas que si l’art. 6 du code
Napoléon , si la seule abrogation des coutumes avoit
E
�I
( 34 )
suffi pour empêcher que l’homme ne se référât , dans
ses dispositions , à des coutumes abrogées , il eût été
inutile que l’article 1390 le défendît spécialement aux
futurs époux ? Comment ne sent-on pas que de là naît,
par la règle , inclusio unius est exclusio a lten u s, la
conséquence que la chose est permise dans les testamens ?
Ecartons donc tous ces grands mots d’attentat à l’ordre
p u b lic, de blasphème contre les lois nouvelles , que
les demandeurs font sonner si haut et si xnal à propos ;
et disons q ue, quand même la clause par laquelle la
dame de Chazerat renvoie à la ci-devant coutume d’A u
vergne le règlement de sa succession, seroit absolument
nécessaire pour l’exécution de sa volonté, cette clause
n’olfriroit rien d’illégal, rien qui ne fût une conséquence
directe de la pleine liberté que le Code Napoléon accorde
à tous les testateurs auxquels il ne survit ni enfans ni
ascendans.
M ais il y a plus, et ici se présente une considération
qui doit faire rentrer dans le n éan t, non-seulement le
troisième moyen de cassation des demandeurs , mais en
core le premier et le second : la cour d’appel a jugé
que cette clause ne forme , dans le testament de la dame
de Chazerat, qu’une disposition surabondante’, qu’elle
y est inutile pour l’exécution de la volonté de la dame de
Chazerat ; que par conséquent elle ne peut pas nuire
à l’exécution de cette volonté: que c’est le cas de la
maxime , utile non viciatur per inutile.
E t qu’oppose - t -011 à cette partie des motifs de l’arrêt
de la cour d’appel ? D e grands détails, de longs raisonDcmens, qui tendent à établir que la cour d’appel s’est
�( 35 )
trom pée, en interprétant ainsi le testament de la dame
de Chazerat.
Supposons-le avec les demandeurs: en résultera-t-il
que l’arrêt de la cour d’appel doit être cassé ?
Sur cette question , M essieurs, nous nous tairons pour
laisser parler l’arrêt que vous avez rendu le 2 février
1808, au rapport de M . Vergés, en sections réunies sous
la présidence de M . le Grand - J u g e , ministre de la
justice : « Considéi'ant que la cour dont l’arrêt est at
taqué, en décidant que la société contractée le il\ octobre
1800, entre M oke et Vankanegliem , étoit simplement
en commandite, s’est déterminée d’après l'interprétation
qu’elle a donnée aux clauses du contrat social et aux
lettres circulaires écrites en exécution de ce contrat ;
que par cette interprétation, qui étoit dans ses attribu
tions , cette cour n’a violé aucune loi ; la cour rejette
le pourvoi des frères Hubert et fils. »
Dans cette espèce , il étoit dém ontré, avec la plus
grande évidence, que la cour de laquelle étoit émané
l’arrêt dont il s’agissoit, sJétoit trompée dans l’interpré
tation qu’elle avoit donnée au contrat de société du 24
octobre 1800, et que ce contrat marquoit dans tous ses
articles l’intention des parties de former entre elles une
société générale et un nom collectif; mais il a suffi qu’en
donnant à ce contrat une interprétation qui clioquoit
toutes les notions reçues en matière de société, elle n’eût
violé aucune l o i , pour vous déterminer à maintenir cet
arrêt.
Et comment pourriez-vous aujourd’hui juger autre
ment ?
E2
�( se )
C ’est, dit - on , parce que les magistrats de la cour
d’appel de R iom , ¿1 qui le texte et l’esprit de leur an- >
cienne coutume sont familiers, et qui en conséquence
savent distinguer parmi les parens de la dame de Chazerat, ceux qui seroient en ordre de lui succéder d’après
la coutume indiquée par e lle , ont supposé qu’on ne
peut pas se méprendre sur les héritiers qu’elle a voulu
se donner, et que ces héritiers, ainsi que leurs droits
respectifs, doivent être considérés comme suffisamment
désignés dans son testament. En un m o t, continue-t-on,
c’est leur érudition particulière , et n o n pas les expres
sions de la dame de Chnzerat, qui les a induits à dire
que cette prétendue désignation se trouve dans sa dis
position , et qu’elle s’y trouve même indépendamment
de l’indication de la coutume d’Auvergne. A u surplus,
ils ont tracé les élémens apparens de leur détermination
k cet égard \ o r , ces élémens se réfèrent non à des points
de fait, mais à des points de droit ou de coutum e, sur
lesquels les juges ont faussement raisonné. « Et à l’appui
de cette assertion, les demandeurs entrent dans de fort
longs développemens pour prouver, i.° que si, de la
disposition de la dame de Chazerat, on retranche la partie où elle indique la coutume d’Auvergne comme expli
cation de sa volonté, on ne saura plus dans q u e lle accep
tion elle aura employé le mot estoc} on ne salira plus
s’il faut en chercher la signification dans la classe des
coutumes de tronc com m un, ou dans celle des coutumes
soudières, ou dans celle des coutumes de côté et ligne \
2.° que dans la même hypothèse on ne sauva pas
comment doit se réglpr la représentation à l’infmi que
�( 57 )
la clame de Chazerat a établie entre ses parens ; que le
mode de la représentation à l’infini n’étoit pas uniforme
dans les coutumes qui l’admettoient ; qu’i c i , les descen
dais du testateur devoient être préférés à ceux qui
n’étoicnt parens que de son côté et ligne , tandis que
là il en étoit autrement ; qu’ici , la succession d’un
défunt qui îï’auroit laissé que des neveux , devoit se
partager par souches , tandis que là elle devoit se
partager par têtes ; q u 'ic i, la représentation à l’infini
pouvoit se faire per saltum , en sorte que l’on pouvoit
remonter à son a ïe u l, lors même que la personne avec
qui l’on concouroit , n’avoit besoin que de la repré
sentation de son père , tandis que là on jugeoit le
contraire , etc.
Mais en admettant tout cela , quelle conséquence
peut-on en tirer ? Il n’y en a qu’une seule de raison
nable : c’est que la cour d’appel de Riom a mal à pi'opos
considéré les mots représentation à Vinfini en ligne col
latérale, comme présentant par eux-mêmes un sens clair,
absolu et indépendant de la coutume d’Auvergne ;
c’est-à-dire, que pour trouver à ces mots un sens clair,
absolu et indépendant de la coutume d’A u vergn e, elle
a mal à propos supposé que les ci - devant coutumes
d’estoc et de représentation à l’infini étoient uniformes;
c’est, si l’on veut , qu’elle a jugé contre le texte de
celles de ces coutumes qui , sur le sens du mot estoc
et sur le mode de la représentation à l’infini, s’écartoient
de la coutume d’Auvergne.
O r, casseriez-vous l’arrêt de la cour d’appel de R iom ,
pour avoir jugé contre le texte de coutumes qui sont
�(
38
)
abrogées ? Proposer cette question , c’est la résoudre
poür la négative. Les dispositions des coutumes abrogées
ne forment plus des points de droit \ elles ne sont plus
que des faits 5 elles n’existent plus que comme monumens historiques de l’ancienne légishition. Les courâ
supérieures peuvent donc les méconnoître , sans qu’on
puisse pour cela les accuser d’avoir violé une loi quel
conque ; et de même que vous ne pourriez pas casser
un arrêt qui eût jugé que -tel événement constaté par
les chartes les plus authentiques , n’est jamais arrivé ;
vous ne pouvez pas davantage casser un arrêt qui
a jugé que toutes les coutumes d’estoc entendoient
uniformément le mot estoc même , et que toutes les
coutumes de représentation à l’infini étoient d’accord
sur le mode d’exercice de ce droit.
* Par ces considérations, nous estimons qu’il y a lieu
de rejeter la requête des demandeurs , et de les con
damner en l’amende de cent cinquante francs.
Arrêt de la Cour de cassation , du 19 juillet
1810, au Rapport de M. Aumont.
« Attendu que l’art. 1890 du code Napoléon est au'
livre 3 , titre 5 , du contrat de mariage et des droits
respectifs des époux ; que c’est l ’association des époux
que cet article défend de régler d’une manière générale,
par l’une des coutumes , lois ou statuts locaux , qui
régissoient ci-devant les diverses parties du territoire
français, et qui sont abrogées \ que les dispositions du
même co d e , relatives au testament, sont au livre 3 ,
�( 3g )
tit. 2, cliap. 5 , art 967 et suivans que la cour d’appel
de Riom ne peut avoir violé l’article 1390 du Code
Napoléon , en ne se croyant pas permis d’étendre aux
testamens une disposition de ce Code , faite pour les
contrats de mariage.
» Attendu que M arie - Gilberte Rollet , veuve de
Chazerat , n’a pas confié à un tiers le soin de choisir
ses légataires, et de régler la distribution de sa succession;
qu’elle les a désignés elle-même et d’une manière certaine ;
qu’elle a déterminé de même la portion revenant à chacun
d’eux dans ses biens , en appelant à les partager tous
ceux de ses parens dans les trois branches de ses
aïeul et aïeules paternels et de son aïeule m aternelle,
qui seroient en ordre de lui succéder suivant les règles
de la représentation à l’infini , telle qu’elle avoit lieu
dans la ci - devant coutume d’Auvergne , pour être
divisés entre les trois branches au marc la livre-de ce
qui lui est parvenu de chacune desdites branches,
et être subdivisés entre chacune d’elles suivant les mêmes
règles de la représentation à l’infini ; qu’en confirmant
un testament d o n t, ainsi que l'observe la cour d’appel,
les dispositions témoignent fortement que la testatrice
a eu une volonté propre , éclairée et déterminée, cette
cour ne peut pas avoir violé les articles 392 , 895 et
965 du Code Napoléon.
» Attendu que le partage de la succession de MarieGilberte Rollet entre ses légataires, aura lieu suivant
les principes de la coutume d’Auvergne, non par la
force de cette coutume qui n’existe plus comme loi de
l’E m p ire, mais par la volonté de ladite R o lle t, qui,
n’ayant ni ascendans ni descendans, maîtresse par con-
�( 40
)
séquent de disposer à son gré de la totalité de ses biens,
a pu les distribuer par testament entre ceux de ses
parens qu’elle a jugé à propos de choisir, qu’ainsi l’arrêt
attaqué ne fait pas revivre une coutume abrogée, et ne
contrevient ni à l’article 6 du Gode N apoléon, ni à l’art.
7 de la loi du 20 ventôse an 12.
» Attendu que la cour d’appel a jugé que la clause,
telle q u elle avoit lieu dans la ci-devant coutume d’ A u
vergne , n’étoit dans le testament contentieux qu’une
clause surabondante , qu’il n’y avoit pas dans cet acte
une seule disposition qui ne pût être exécutée indé
pendamment de toute coutume quelconque, et parle seul
fait de la volonté certaine et connue de la testatrice ;
qu’on ne peut voir là autre chose qu’une interpréta
tion du testament sur lequel cette cour étoit appelée à
prononcer ; que quand elle auroit mal à propos sup
posé à ces expressions , les règles de la représentation à
l'in fin i, un sens clair, absolu et indépendant de la cou
tume d’A u v e rg n e , cette erreur ne seroit la violation
d’aucune loi.
» Attendu enfin qu’il seroit superflu d’examiner s’il
y a dans l’arrêt de Riom fausse application de l’article
2 5 , titre 12, de la ci-devant coutume d’A u verg n e , puis
que cette fausse application, fût-elle réelle, il ne peut
résulter d’ouverture de cassation, ni de la violation, ni
de la fausse application d’une coutume abrogée.
» Par ces motifs, la Cour rejette le pourvoi des de
mandeurs. »
A.
C l e h m o n t , de l ’im prim erie de
grande rue Sain t-G en ès.
L a n d r i o t ,
�
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Factums Marie
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Description
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A name given to the resource
[Factum. Chazerat. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Merlin
Subject
The topic of the resource
successions
testaments
legs universels
ordre de successions
coutume d'Auvergne
code napoléonien
conflit de lois
paterna paternis
materna maternis
jurisprudence
cassation
Description
An account of the resource
Conclusions de M. Merlin, Procureur général impérial près la Cour de cassation, dans l'affaire des légataires universels de madame de Chazerat, contre le sieur Mazuel, demandeur en cassation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
An 9-Circa 1810
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
40 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0632
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0512
BCU_Factums_M0513
BCU_Factums_M0514
BCU_Factums_M0515
BCU_Factums_M0516
BCU_Factums_M0518
BCU_Factums_M0520
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Coverage
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Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
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Domaine public
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Code napoléonien
conflit de lois
coutume d'Auvergne
jurisprudence
legs universels
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ordre de successions
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Successions
testaments
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ANALYSE
D e s M ém oires et Consultations rédigés pour
P ie r r e
G E R L E , jeu n e , et ses sœurs , de
S a u x illa n g e s, dem andeurs ;
Contre J e a n G E R L E , aîné , leur f r è r e , avocat
défendeur j
Sur les questions suivantes :
1ere D e quelle manière doit être f a i t , au partage , le
rapport du pré appelé de la P érich onne ? Sera-t- i l f a i t
en nature , ou le Sieur Gerle , aîné , ne rapportera-ti l qu’ une somme de3
#
4
8
2
, fo u rn ie p a r son père en
1759 pour l ’ acquisition de ce pré , fa ite pour lui en
son nom , en qualité de père et légitim e adm inistra
te u r de son fils aîn é , alors âgé de trois ans ?
2 .° Comment se fe r a le remploi du domaine du M oulinet
et de la Bâtisse -, appartenant dans le principe à A n n e
F ilaire, mère com m une, morte ab intestat, et q u i a
été vendu par le Sieur Gerle , père ?
3. A q ui doit appartenir la réserve de la pension viagère
de 150# , que le Sieur G e r le , p èr e, s’ est fa ite dans le
contrat de mariage de son f ils a în é , héritier in stitu é,
dont i l n ’ a point disposé ?
Les e rre u rs des e sp rits s y s té m a tiq u e s , c o m m e les p rét e n t ions injustes des a m b itie u x , se d iss ip e n t au g rand
jo u r de l’im p re ssio n , p arrce que le raiso n n e m e n t et la
discu ssio n les m è n e n t au creuset de la vérité’ ( 1 ).
R a y n a l . H is t. p h ilo s , et p o lit.
I L s’agit entre les parties , de déterminer les
( 1 ) O u connaît les in trigu es et les m anœ uvres qu’on.
T R IB U N A L
D ’IS SO IR E .
�( 2 )
bases d’après lesquelles doit être fait le partage
de la succession de P ie rr e G e rle , pçre commun ,
et de celle d ’Anne Filaire , son épouse.
Pour y parvenir , il
convient de fixer les
niasses qui doivenL composer la succession pater
n e ll e , et d’en distraire tout ce qui y est étran
g e r , afin de.faire la distinction de la succession
maternelle , qui doit se partager par égalité
entre tous les enfans , tandis que la succession
paternelle est grevée d’une institution contrac
tuelle , faite en 1786 , en laveur de Jean G erle ,
aîné.
On vient de voir quels sont les objets sur
lesquels les parties sont principalement divisées
d'après le procès-verbal dressé devant le Sieur
B o n f ib , notaire , le 6 prairial an i 5 , en e xécu
tion de la loi relative aux partages. Ils seront
discutés chacun dans leur ordre,après un exposé
rapide et succinct de ce qui s’est passé dans la
famille G erle , relativement aux dispositions de
tout genre qui existent..
F A I T S
F II I N C I P A U X .
L e i 5 août 1 7 5 0 , mariage de Pierre G e r l e ,
père commun
avec Anne Filaire.
a employées pour dissoudre dans le principe la réunion
«les trois cous ils que le S ieu r G e r le j . c ava it rassemblés
pour travailler à la délense de sa cause. O u sait tout cc
qu'on a l’ait depuis pour b rou iller le client avec celui
des défenseurs qui était resté chargé du tr a v a il, et cela
afin d’einpêclier l’ impression des mémoires qui auraient
jeté un trop grand jour sur cette affaire. Mais il ne
lestera à l’a u te u r de ces petits moyens que le regret de
11 avoir pu réussir , et la faculté de répondre , si bon
liu semble.
0
�( 3 ,
Sa dot est de 5 , 5 oofr ; les époux se font un
don mutuel d’un gain de survie de 5 oo liy.
Anne Filaire obtient dans la suite un augment
de dot de 5 oo liv.
De ce mariage sont issus cinq enfans encore
vivans, Jean G e r l e , Catherine , M a rie , F ran
çois et Pierre.
Anne Filaire, mère co m m u ne, est décédée
cib intestat : sa succession doit donc s e par
tager par égalité entre tous ses enfans.
Jean G e r le , a în é , s’est marié au mois d*octobre 1786 y son père l’a institué son héritier
u n iv e rse l, à la charge des légitimes de ses au
tres enfans ; elles seront réglées par le p a r t a g e .
' L e Sieur G e r l e , p è r e , outre la dot consti
tuée à Anne F ila ire , son épouse, paraît avoir
reçu ,
P rem ièrem en t} une rente de 1200 liv.
en
p rincipal, donnée a Anne Filaire par acte du
10 janvier 1780 ;
S econdem ent ,
p a r l ’effet d ’une vente con
sentie à son p r o f i t , en qu a lité de m ari d’A n n e
F i la i r e , p a r Marcelin F ila ir e , Pierre Barisson
et Marie-Anne Filaire , en date du 5 mai i 775 ,
p artie d’un dom aine a p pelé du M ou linet et de
la B â tisse.
Anne Filaire avait déjà une portion de ce
domaine,
en
vertu d’une donation consentie
à son profit par le Sieur T e i r a s , son oncle.
L e Sieur G e r l e , père , après le
décès de
�( 4 )
6on é p o u s e , a vendu le domaine du Moulinet
et de la Bâtisse : il en a employé les fonds en
acquisitions pour son
compte. Il s’agit donc
de remplacer en fo n d s ,à prendre à dire d’e x
perts dans la succession du Sieur G erle , père ,
la valeur actuelle du domaine du M o u lin e t,
pour être reportée dans la masse de la suc
cession m a tern elle, sauf à faire compte à la
succession du Sieur G erle , p è r e , d e l à somme
de 5666 liv. qu 'il a remboursée en papier mon
naie pour son épouse , et dont sa succession
doit répéter aujourd’hui le montant en numé
raire , d’après l’échelle
papier monnaie,
Jean G e r l e ,
de dépréciation
du
aîné, ne fait aujourd’hui au
cune mention du remploi de ce domaine du
M oulinet et de la Bâtisse , aliéné par son père.
Il propose de rapporter au partage une somme
de 5284 liv. pour la valeur du pré de la Peric h o n n e , acheté en 1 7 5 g par le Sieur G e r l e ,
père , se qualifiant dans la procuration de p ère
et légitim e adm inistrateur de son f i l s , au lieu
du pré lu i-m ê m e , qui vaut aujourd’hui plus de
¿5,000 liv.
Il glisse sur la réserve de la pension viagère
qui représente un capital de i 5 oo l i v . , qui est
exclusivement dévolue aux légitimaires.
Il n ’est fondé dans aucun de ses refus
de scs prétentions.
ni
�( 5 )
TR E M IE HE
Q U E S T IO N .
l e prâ de la P érïchonn e doit-il entrer p ou r sa valeur
actuelle, et absolue dans la masse des biens destinés
à composer la succession de Pierre C trie , père corn m un , ou Jean Gerle , a în é , d o it-il en être quitte
p our rapporter à la succession de sonpère une somme
de 3 a 84 liv. pour le p r ix de ce pré ?
Cette question vraiment neuve présente un
grand intérêt par les conséquences qui résul
teront en principes , de la manière dont elle
sera résolue dans cette affaire.
Si Jean G e r l e , a în é , n ’était point héritier
contractuel de son père , s’il renonçait à l 'ins
titution d'héritier faite
en
sa fa v e u r ,
non
seulement il ne serait pas question du faire
entrer ce pré dans la niasse de la succession
de Pierre G erle ; niais Jean G erle , son fils ,
qui aurait ce pré à titre de préciput et avan
tage , serait même dispensé de rapporter au
partage les 3284 liv.
fournies par son père
pour payer le p rix de ce pré.
Car un point capital dont il faut convenir
a v a n t tout pour s’entendre sur cette question ,
c’est qu’aux termes des lo i s , l ’acquisition qui
serait faite par un père au nom de son fils
en bas â g e , incapable de co n tra cte r, et ne
possédant rien ( comme dans l’espèce) , est une
véritable libéralité , une donation indirecte, dont
le fils profite sans dilllculté , si l’objet donné
n ’excède pas la quotité disponible.
�( O
Par la même raison , le9 qualités de dona
taire ou de légataire particulier étant incom
patibles avec celle d’ héritier contractuel ( quant
à ce qui n ’est point disponible d’après la l o i ) ,
et Jean G erle ne pouvant
cumuler
les deux
qualités d’héritier contractuel et de donataire
d ’ un objet p a r t i c u l i e r s a n s blesser la légitime
de droit de ses frères et soeurs , il
ne peut
pas être question
rapport
de 3284 liv. pour
dans la cause
le prix
du
de ce p r é , mais
seulement de l’option à faire par Jean G e rle ,
aîné , entre la qualité d’héritier institué de son
père et celle de donataire du pré dont il s’agit ;
l ’ une de ces qualités exclut nécessairement l ’au
tre , in clu sio unius est alterius exclu sio .....
Cet argument résulte de la disposition te x
tuelle de l'art. 845 du code civil s ainsi conçu:
« T o u t héritier , même bénéficiaire, venant à
w une succession, doit rapporter à ses cohéri-4
» tiers tout ce qu’il a reçu du défunt par do» nation entre-vifs directem ent ou in directew m e n t, etc. »
E t l’article suivant ajoute : « Dans le cas
» meine où les dons et legs auraient été faits
» par
préciput , avec dispense
du rapport ,
)> l’héritier venanL à partage ne peut les re)> tenir que jusqu’à concurrence de la quotité
3) disponible, l'excéd a n t est su je t à rapport.))
Cette d o c h in c e s t fondée sur le grand prin
cipe de justice qui appelle la légitime des e n -
�(1)
fans , debita portio h œ re d ita tis, et qui ne per
m et pas qu’on puisse les en p riv e r , dit D o m a t,
p ar aucune sorte de disposition
Aussi la loi 20 au cod. de collatione , qui
traite la question dans l’ hypothèse de l’égalité
promise à tous les en fan s, veut que tout ce
que les enfans et autres astiendans auront reçu
de leurs père et mère , soit sujet à r a p p o r t ,
ainsi que le profit qu’ils auraient fait sur ces
avance* , quand même -elles auraient servi à
acheter une charge militaire qui aurait augmenté
de valeur , afin que le profit qui en résulte ,
accroisse la niasse de la
les copartageans
succession pour tous
et que l’égalité entr’eux ne
soit point blessée par des bienfaits.
Q u o d tam in a tiis quam in /iis qua occa
sione m ililiœ , uni hœ redum e x d e fu n c lip e c u n iis 7acquisita: , lucratur is qu i mililiarti m eruit,
tocuM h a bebit, u tlu cr u m qu od tempore m ortis
d efu n cti a d eum pervenire p otera i non solum
testamento condito qUartœ p a rti ab intestato
successionis com p utetur, sed etiam ab intestato
conferatur. h . 20. Cod. de collatione.
Si donc dans le système du partage d’une suc
cession ab intestat et par égalité , le cohéritier
qui a reçu quelqueavance ne peut faire aucun
profit personnel et doit compte à la masse du
gain qu’il a fait par ce moyen , en retranchement
sur ce qui lui resto à prendre de sa portion aflëra n te
, combien la loi doit elle être encore plus
sévère à l’égardde l ’héritier institué, qui déjà par
�( W
les„avantages qpi lu i r o n t assures au-moyen dû
^institution,, fdiminue de moitié la portion natu
relle qui sans cela reviendrait ¡aux légitimaires ?
Ainsi, l’on volt clairement quelç système du Sieur
G e rle
aîné , qui .tend .à réunir sur
têteune
double, institution, d’héritier , un double emploi
de bienfaits., répugne également à l’équité natu
r e lle , e t à l a loi positive, qui a marqué | les limite&aïudelù desquelles laiportion des légilimaires
d oit'.dem eurer. intacte.
oîn
‘
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■». ,
O bjections 'd u Sieur- G erle y a'înéi !
, ‘.'Iln- i,
‘
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’
■! ( . h »
' »wji.y
<c Je ne fais point de difficulté , djt le Sieur
Î.uuj yi.».¡
» G erlev
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. -10.
a i n e , d e r a p p o r t e r l e s 0 2 8 4 liv . q u e
^
,
Vi)r£*f~*1)' •
)) m on p ere a iournies p o u r l'acquisition, du p ré
)) de la P é r ic h o n n e : ce n'est que de la plus
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» value de .ce p ré que je v e u x p r o f i t e r , et je
», vous m ets dans la . m êm e position où vous
/l'.iV'V.W \ ‘ • ;1'.-.•
.W/.VOV , -9> . • .Oïi
.
» s e r i e z , si m ou p e r e , au lieu d a c l i e t e r ce
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» pré en m on nom ‘ eût gardé sonar<>eiit oisif
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».(Vins un kcoin de son secrétaire. » ,
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•«».. t. . i ni<\ ‘■•n>.»<>.ii1 ” • > oi.,\ .:u\
^T^éjxonfie.M a is qui peut, se dissimuler qu’avec
ds pareilles suppositions , un perei, entraîné par
V.'.le- J^éiVilcetion
ayeugle , ferait tourner,.-au
? J ^ n a i t r j ^ | S,e -ul - ^ : SÇ?<.?nlf? n?;.£,u/ , ^ t.r ini8 Ç Î -.4 ®'
tous lesf» iautrps
íes résultats
,i ,■'* tous • :j.r
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• i..éco. 1. ¡
Bfin¿lS8r.r?t ! d?i t0IIS IeS arl?^' nS t^
tent de bonifier sa fortune,?.,, •
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(focile
$?*jc-?BK°^e-*tr®s t . dwiiiiuer le prirx ,fjo?leosib¿e
-Ji-f! ¿i;,h ii;p
jiij 7''iî: ;{,in
'1
ory/ùe
�.
(o)
«les acquisitions qu’il ferait au nom de son en
fant chéri , en «sorte, que celui-ci;’,' malgré ses.
rapports
toujours
insuffisans
relativement à
ses cohéritiers , se trouverait avantagé
contre
la lettre et l’esprit de la loi , au-delà de lu quo
tité disponibléii'Car il est certain; que tout ceque le pére donne de. plus à l’un de ses enfans’
par des voie» indirectes, ■et qu^l'empêche d’ac
croître la nïâü&3 réellp de sa fortune , diminue
d’autant la portion ‘d es autres ¡cohéritiers dans
sn! succéss'ion-? } de sorte que pour décider per
tinemment la question qui divise les. parties >
il-suffît de savoir ^si la prétention tde Jean G erle *
blesse ou nôn,)les""intérêls légitimes de ses f r è res:’el soeurs et ’si leur part dans la succes
sion à 3partdger ne serait pas plus fo rte', si
Pdc'qiiisitibiï* du’ pré dont il s’agit , au lieu d’af o i r été faite par Jean Gerle
en qu a lité de
p è r e 1,et légitim e adm inistrateur de son JtlfT^y
l ’avait été en .son nom
piopre' et p rivé ; et
ç ’est ce qui n’e^t pas douteux., puisque le Sieur
G e r l e , aîné
insiste à vouloir rapporter le prix
de la chose , au lieu de la chose ‘même.
pourquoi celle distinction ,
p rjx
forment^ cjiacun
avantage p ro h ib é ?. ,
Mais
si la chose . et le
dans leur ^essence
un
_
E t en e ffe t, si clans les partages sur-tout on
j
■ •_
1
6-.:.
•
h
distingue les valeurs suivant les, époques , on ne
b
_ . : ji ■
> -, j;Ii
i ■
persuadera jamais qu’une.somme pécuniaire de
^* **
‘ I•*{* ‘‘ 4^ - *' *
ou 84 h v . , valeur de 1 7 5 g , représente la même
�( io )
masse réelle en i 8 o5 ; car si en i 8o 5 un jo u r
nal de pré vaut 3 ooo f r . , et qu’en 1759 on
ait pu en acquérir six journaux pour la même
so m m e, il en résultera que celui qui, en i 8 o 5 ,
rapportera 0000 l i v . , valeur de 1 7 6 9 , r a p - '
portera cinq fois moins qu’il ne doit réellement,
et profitera par conséquent sur ses cohéritiers des
cinq sixièmes d ’un objet donné, dont il convient
cependant devoir faire le rapport pour une partie.
E t comme dans la masse d’ un tout sujet à
r a p p o r t , on ne peut pas établir des règles dif
férentes pour chaque p artie, ni les diviser de
• l e u r ensemble, il faut refuser le rapport en
e n tie r , ou l’accorder pour le to u t; car c’est
tomber dans une contradiction palpable que
d'offrir le remboursement du p rix de la c h o s e ,
si le prix ne représente plus la chose même ;
c ’est donner et retenir ; c ’est s’embarrasser dans
un cercle v ic ie u x , qui répugne à la raison.
-
A u tr e objection du S ie u r G e r le , aîné.
« L ’héritier , d i t - i l , qui vient à partage n ’est
/ t e n u de rapporter que ce qui a été distrait de ïa
» succession. A u moyen de l’acquisition dont il
3) s’agit, le fils aine du Sieur G erle n ’ a reçu
» que dgs deniers ; il ne doit donc rapporter
)> que les mêmes objets qu’il a reçus , c’est-à
- d i r e , les
deniers
employés par le père à
V) l’acquisition du pré dont il suagit.
Réponse. Ce 11’est i c i ‘qu’un sophisme , et
l ’argument porte à faux.
-
�( >1 )
Par cetle acquisition , Jean G erle n’a jamais
rien r e ç u , ni les deniers, ni le fonds. L e p è r e ,
pour acquérir } a pris une qualité impropre et
inappliquable, puisque son fils n'avait rien à
adm inistrer ; il n’a point acquis p o u r son /ils ,
niais pour lui-m êm e, puisque de fait il n’a point
d i t qu’il achetait pour son fils ,
q u ' i l a même
constamment joui comme ayant acheté pour lui
seul; et que c ’est à ce titre que l'on reconnaît
toujours le véritable propriétaire et. possesseur.
E n effet , le fils n ’ayant jamais joui du pré,
n ’a jamais
été
débiteur du père du p rix qui
avait servi à cette acquisition.
Il n’est pas da
vantage aujourd’hui débiteur de la succession de
son père pour cet o b j e t , puisqu'il n ’a contracté
aucune obligation personnelle à cet égard : ce
n ’est pas le p rix à r é p é te r, mais le fonds acquis
par le père p o u r lu i , en son n o m , en qu a lité
de p ère et légitim e adm inistrateur de son Jils ,
qui est resté à la m ort du père dans sa succes
sion , sans avoir jamais été séparé de ses autres
propriétés. Il n’y a jamais eu de distraction ré e U
lement faite , ni de la chose , ni du prix ; il ne
peut donc pas y avoir de fiction sur ce que le fils
peut être réputé avoir reçu
de son
père par
cette acquisition , puisque de fait il n ’a rien
reçu ; on ne peut pas faire après la mort du père,
une distinction qu’il n’a jamais faite de son vivant.
On ne peut paa non plus appliquer à l ’espèce
les principes des retraits lignagers sur lesquels
le bieur G e r l e } aine, s’etend à perte de vue dans
�•(. 1 2 )
son immense consultation ; la comparaison clo
che à vu.e d’œ il...[ . ,
Dans l ’espèce d’un père qui exerce un retrait
nu nom d ’un, de ses enfans, l’intention du pèr.e
de faire profiter son fils du bénéfice de l’objçt
retiré n’est pas équivoque ; et si, comme l’objecte
le Sieur G erle , aîné, le père lie peut pas vendre
en son nom dans la suite l’héritage retrait au
nom du fils , c ’est que le droit de propriété du
fils est reconnu et assuré par le retrait même fait
en son nom. Dans celte espèce , le père ne pou
vant pas retraire pour lui-même , il valait m ieux
qu’un de ses enfuns profitât de la plus value du
fonds r e t i r é , que de la laisser perdre ; ne pou
vant pas faire mieux , il faisait sans inconvénient
la cause bonne d’un de ses enfans , et tant qu’il
ne blessait pas de celte manière la légitime na.turelle des autres, les objets retirés profitaient
sans doute à celui sous le nom duquel était fait
le retrait ; mais il n ’en aurait pas été de même si
ce moyen indirect d ’avantager un de ses enfans ,
au préjudice des auLres, avait été poussé à l’e x
cès , et que le père , après avoir vendu ses biens ,
.eût épuisé sa fortune à faire des retraits.
L a question proposée par les auteurs que cilo
Je Sieur G erle dans sa consultation et l’arrêt rap
porté par Charondas , n’a lieu qu’entre le_ père
et le fils sur leurs droits réciproques ; il n’y s’agit
point du tout des intérêts des tiers qui auraient
eu à se plaindre du plus pu moins d’extension
I
�' quelè'pèrb aurait donnée à!/sbs libéralité^ îîf:rt,y
’ ri (Îi'rit- au'ôurte parité -, ni clans Fèspèdej'ni dans
lès ÌÌécìéio,rt'sV'qui d o iv e n t's ’ én suivre/'''7''
C a r 1 ori rie prétfend -paV'soutenir qù^il 'soit.
■<l(ïfendui' :£ku:‘père cVàéqùérJr'jSdn^'èôh-fiÎ^, n'i‘Ite
blâiriei’^dé là pVëférefice^ù’ il 'dô'nnë a l ?üri d’éux
sur lüi-nierne y m àisl'ô n 'veilt d’abord qrre'célfe
'p r ifé r é h c e ', et cette intention 'd?acqüét& 'p o iir
le f ils et é n ' son nom j’fe*dit*1>ïefi déterminée--;*
Èri second lieu, que lorsqu’elle l’est, et qiièTâcquisition ainsi faite est reconnuep dur une 1tixs.~
r a lilè , el(b'entre en computation et en lignède
c o m p t e ' datons les avaïrtagës possibles r[iieiai loi
permet ali père en fâveüf d’un de ses enfant,"au
$• ’ t »• 1 i * «T' ^ 11 r t fI λ ï - »» * * ' ‘ !^■
**•*
prejudice des autres.
• »
â.JciîïiiiVrcischn.,
A in si tout ce qu ’enseignent B ourgeon ? C h à r o n das jJÎa ÎÜi'i 8 C o
LàE b arib W -
s i é r e , G r im a u d é l, è t¿.^ ri e traitant point la ques
tion qui nous o c c ü p è y lô u r décisiòn iVe form e
a u c u n
p réjugé coiitMi ‘ lfes*-ÎÎ%itiVnàirés Gé'rlé;'' '
* 'L a dernière objfectiôti 'du Sieur1 GèrleJ'Wfiê*,
consisté’«'dire ; « ^deTifis’t'i'tntion d’HéVÎtïèi fuite
» 'e n :sa- faVcur en 1786; ri’ést pas 'iii<îdmparlble
'en
» a v e c '1l ’a c q u i s i t i o n Ô ù :p r é ' ' q u i n u r a i t é f é ' f u i l b
,, sor. noni e n V 75 ’9"J, pai’òe qu'en 1786 ^ M iéi'i» loge a'ciquis n ’était poiiitnun objet àiiplif&hiarit
» a u pèÎH , et qu’il lié ï V f ü inétituti héritier
.» que de ce qui lui était pfttpre’.
■
'
'■ <“ '<} y r ’' ~
1R éponse. C ’est déjà une questiort 'tyèi-étiuî*
vbqti (5 CL que nous discuterons dan 3:l?itrslatit}1Jtjtfe
�( ’4)
celle de savoir si, après les termes de la procura
tion ainsi conçue : « de pour lu i , en son nom ,
en q u a lité de p è r p e t légitim e a d m in istra teu r
d e son f i l s , acheter, etc. , l’acquisition est censée
faite au nom du père G erle ou de son fils, qui n’a
vait rien à administrer. Mais , quand même l’ac
quisition serait faite au nom du f ils , avec les de
niers du père , lorsqu’après sa m o r t , celte acqui
sition , qui est une véritable libéralité, vient à se
rencontrer avec l’institution d’héritier qui épuise
tout ce qu’il y a de disponible dans sa succes
sion ; on ne considère pas si le père possédait
ou non , lors de l’institution d’héritier , l’objet
* primitivement donné par une disposition indi
recte 5 mais seulement s’il a pu ajouter , au pré
judice de la l o i , une seconde libéralité à la prém ière ; et c’est ce que la loi défend impérieuse
ment par ces expressions : L Jhéritier doit rap
p o r ter tout ce q u ’ i l a reçu directem ent ou in d i
rectem ent. Car on ne saurait trop répéter que ce
qui entrera d é p lu s dans le lot du Sieur G erle ,
p ar l’effet des distractions ou des prélèvemens
exclusifs , de quelque manière qu’ils s’opèrent
se trouvera nécessairement
en moins dans la
portipn de ses frères et soeurs ,e t blessera leur
légitime de droit , qui cependant doit demeurer
intacte. H é ! comment concevoir en effet qu’un
père puisse acheter au nom d’un de ses enfans
«¡an^ que celui-ci fût tenu à d ’autre rapport qu’à
ççlui du p rix ostensible des acquisitions ? Ou en
�(i5 )
seraient les légitimaires , si d’une part le pèro
achetait au nom de son fils, pour à peu près la
moitié de sa fortune , et que de l’autre il l’ins
tituât héritier pour le surplus ? Ce qui serait vala
ble pour oooo fr. , le serait pour vingt , pour
tren te, et même davantage, jusqu’à l’universalité
même de la succession , et alors que devient la
légitime ? D ébita porlio hœ reditaiis ; elle est réduiteà zéro ; ce qui ruine à fond le système désas
tre u x de Jean Gerle.
Maintenant, si l’on examine de près les termes
dans lesquels est conçue la procuration du Sieur
G e r l e , père
^
donnant pouvoir d’accepter la vente
du pré dont il s Jagit ; si l’on juge de l’effet de cet
acte par la manière dont il a été exécuté , l’on n e *
p eu tgueres y trouver une vente réelle , un titre
v i ^
y
,
d ’acquisition en faveur de Jean G e r le , fils à P ie rr e .
L ’on voit par cette procuration , que le Sieur
G erle , père, en ajoutant la qualité de p ère et lé gitim e adm inistrateur de Jean G e r le , son f i ls
^
à ces mots qui précèdent , de p o u r lu i et en son
n o m , a voulu peut-être rendre plus difficiles l e
’ï j u t j )
1 / ^
s
i
moyens de revenir contre cette v e n t e , par ^
voies de r e ir a it , de lésion
ou tout autre y mais
,
l ’on n’y voit pas bien clairement qu’il ait voulu
L< (177^
’
acheter nominativement p o u r son fils ; car cette
expression nécessaire ne s’y trouve pas.
'■
*—
^
On pourrait même dire en scindant la phrase,
que la qualité de p ère et légitim e adm inistrateur
de son f i ls , que prenait le Sieur Gerle , père,dans
cette procuration,, était illusoire et vftine j qu’elle^
i
/ITî
/
T n — /V
’
^ 1/ * ^
*
�.
( 16
.
. . . .
..
était même déplacée dans la circonstance oii Jean
G erle, âgé do trois dns , ayant pére et in è re , ne
possédaitjaucmi bien personnel qui pût être sujet
à ('administration de son père,ni fail'e face à l ’a c
quisition du pré dónt il s’agit.' Cette qualité'pré
ten d u e, sans la réalité du fait, sans'les moyens
d ’acquitter aux dépens de Jean G erle ,' fils , le
prix de cette acquisition''^ ne coristilue^pas ce
dernier propriétaire incommutablé de ce pré, qui
de fait a été joui par le Sieur G erle ,;:père , séül ,
jusqu’ à son décès.
"
..... Mn.::.
E t le Sieur G erle , pere, avait dautant plus' do
droit et de raison de jouir pendant sa vie du pré
dont il s’ a g i t , que la procuration pour acheter
porte expressément de p o u r liti et en son n o m
a cq u érir, etc. expressions qui , quoique suivies
de celles de p é r e et légitim e adm inistrateur d é
son f i l s ,n’excluent pas l’intention première d’ac
quérir p o u r lu i et en son nom ; mais qui-laissent
au contraire subsister la véritable intention
d ’acheter p ou r lu i , lorsque la fausse qualité qui
y est jointe vient a VTîs'paraître par le rappro
chem ent du véritalflfe état'des parties.
U n tuteur qui administre lesr hidni d’un mi
n e u r , achète en qualïte'^dè tiitëùr p o u r ct 'aà
nom de son mineur-, il* placé ainsi le fruit de
ses économies ou de/iém bourseiriens"q u’il re
çoit pour le mineur': ce d e rn ie r, lorsqu’il esi af
franchi de la tutelle , dévient do fait propriétaire
de ce qu’on a acquis pdür lui ‘et paye avec ses
�( 17 )
deniers. Mais dans l ’espèce, où il n ’est pas même
dit dans la procuration que le Sieur Gerle achète
pour son Gis , il serait absurde de tirer d’une qua
lité imaginaire et déplacée qu’a prise le Sieur
Gerle ., père
dans cette procuration , la consé
quence qu ’il a entendu faire celle acquisition ««
Hom de son f i ls et p ou r lu i ; tandis que sa con
duite à cet égard , pendant plus de quarante-cinq
ans , n prouvé le contraire.
Disons donc que non seulement le Siaur Gerle,
ame , ne pouvait p as, d ’apres la loi
cumuler la
qualité de donataire de ce pré , ni de son p r i x ,
r' n• *
j
avec celle d’héritier institué , si son père l’eût
ainsi voulu; mais que cet 1« disposilion même n ’est
jamais entrée dans la pensée de son père..
Cela est si prouvé,, que le Sieur Gerle , p è r e ,
avant comme après ie mariage de son fils , lors
qu’ils demeuraient ensemble , comme lorsqu’ils
ont vécu séparés, a constamment joui du pré de
^a Périchonne , comme de sa chose p ro p re , qii’il
en jouissait encore à son décès , ainsi qu’en est
convenu le Sieur Gerle , aîné, dans le proces-verbal du 6 prairial' an iô ;
Que le Sieur Gerle
o.
p è r e , 'a nommément dési
gné ce pré .domine sien dans les confins d’un
a u t r e pré conligu t}u’il a acheté depuis ;
Que le Sieur Gérle", p ère, a soutenu un procès
en so rin ô m 1'} dbnlfe le Sieur- -Portail'1, pour une
prise d?eau relative à ce pré ; "
Que jamais il ne l a considéré'^cimnie apparu
�(i8)
tenant primitivement à son fils ; que jamais ce
dernier lui-même n’en
a
réclamé la
jo u issa n ce,
qui est toujours demeurée sur la tête de son pere,
qui l’a constamment possédé anim o (lomini >
Q u ’ainsi,sous tous les ra p p o rts, le
S ie u r
Gerle»
aîné , ne peut se dispenser de comprendre le pr^
de l a Périchonne, tel qu’il existe a u j o u r d ’h u i , ^ans
la Buccession de son père^ pour en être délivre
à chacun des cohéritiers leur portion afférante »
comme de tous les autres objets propres au Sieur
G erle , père , lors de son décès.
S E C O N D E
Q U E S T I O N .
L e domaine du M ou linet et de la B â tis s e , appartenant
en propre à ¿inné P ilaire , mère commune , motte
ab in t e s t a t , et vendu p a r le sieur Gerle ,p è r e , doit
•
demeurer confondu dans la masse de sa succession >
p ou r profiter à l ’héritier institué du père , ou doit-011
en distraire la valeur représentative en fo n d s d ’égt&
v a le u r , pour composer la masse de la succession
maternelle ?
Cette
question ainsi posée ne semble paS
devoir souffrir de difficulté.
U n e partie de ce domaine appartenait en
p ropre à A n ne Filaire , épouse du sieur G er
le , père , avant la vente du su rp lu s, consentie
par Marcelin F ila ir e , Pierre Jîarisson et MarieA n n e Filaire ,
ses autres cohéritiers.
Cette
vente est consentie en 1775 au sieur G e r le >
père , en qu a lité de m ari d ’A n n e F ila ir e seu
lem ent , c’est-à-dire ? spécialement pour elle«
�( 19)
Ce sont des cohéritiers qui vendent leur p o r
tion à leur soeur , et c ’est le mari qui , dis
tinguant dans l’acte sa qualité de mari , pour
accepter la vente , de sa qualité personnelle,
pour payer les intérêts du prix jusqu’au rem
boursement, reconnaît formellement qu’il n’a
d’autre titre
à cette acquisition que celle d e
7fiari , agissant pour sa femme , uxorio n em in e »
en sorte que tout accroît et profite pour elle
dans cette affaire qui la regarde seule,' et où'
s°n inari n’est à proprement parler que
foadé de pouvoir.
4) Pierre Gerle ,
père , du
son
vivant de sou
épouse, pour des convenances et des arrange
o n s personnels, dispose de ce domaine comme
de sa chose propre , et le vend quoique d o tôl ou même p a r a p h e r n a l, puisqu’il n’avait
Point été compris dans la constitution
de dot
d’Anne Filaire.
Maintenant Pierre G erle
avait-il
le
pou
voir de vendre les biens dotaux ou même p a raphernaux de son épouse , au préjudice de ses
1 héritiers légitimes ?
Ces
biens d o iv e n t-ils être représentés en
Nature dans la masse de la succession
à la
quelle ils sont p ro p re s?D o it-o n les rapporter
en valeur équipollente , ou resteront-ils con
fondus dans la masse de la succession pater
nelle, parce qu’il a convenu au sieur G e r le ,
père , de
les aliéner ?
�(20 )
- C e sont tout autunl de questions qu’il sera
facile tle résoudre à l’avantage • des frères p111“1
nés y cohéritiers du sieur Gerle , aîné.
1
Premièrement1, 1111 point de droit nécessaire
h convenir à ;cet égard,
et qu’on ne saurait
raisonn ablem en t c o n t e s t e r , c’e s t - q u e le fonds
dotal ne peut être aliéné ni hypothèque par
le m a r i , sans les, formalités prescrites, quand
même la femme y consentirait',-!à plus fort0
raison lorsqu’il, s’a g it 'd ’un paraplîernal sur Ie'
quel le mari, n ’a aucune espèce de droit: f>in ‘
chtm dolalem
non
sulù/n hypothecae titido
darc 11e cous su lie’nta ai :i lie re. m ari tus pof!Slt
s c d n e c :a liena re; L . un. If. i 5 de rei uX01'
acti.
>•)
> '•
_.:ü
- : U n autre ip’rincipe également-inconteslab!0 »
c ’est que; quelque précaution
que' l’ on pnî*1'10
pour confondre; les biens dotauK de la feiiiin0dans ceux qui sont propres au mari , les<h°'^9
de la femme)ou'*le‘' ses héritiers sont toujolllS
les mêmes : itjuam ùis in bonis m a'riti dos slt ’
inultei 7s tam en est. L. 75 , if. de ju re doti’ll,lt'i
‘
* *' lf? i
Cela p o s é , si les aliénations -faites I>al
mari des biens propres- à la femme
ne ^0I1^
aucun préjudice à ses'h éritiers j’-et-si <-’eU*
ont le droit! do tes réclamer: en- nature aVGC
tous les accessoires et les bénéfices qui icur
sont propres , il e s t au moins certain
c
vento faite pur Piorre Gerle ,! père , du do-iUa,r'®
du Moulinet et de la liâtisse,n’a point ôté aii2teix-
�C 21 )
fans d ’Aline
Filaire
,
le
droit de demander
à l'lié—
" .
'
♦
..............
ritier de Pierre¡ G e r le la représentation du bien
de l e u r . m è r e , aliéné;,par Pierre^G.ej’ip..,
E t c’est ici sans dout,e que. les héritier? d’Anne
Filaire ont le droit de réclam er, noij pas le prix
de la chose vend ue, mais la chose même , d’après
* ' , ** } 7'
! i ! (*J
1î T" • 1 *‘ î f ) j
j'
la valeur’ actuelle', parce q u ’il n ’à pas pu dépen
dre dé Pierre Gerle', qui n’était qu ’ustifi'uïtier des
biens de ses enfans^dë dénaturer ceux qui-étaient
confiés à son administration , pour en faire le
profit particulier de son héritier institué , en en
reportant la valeur dans d ’autres _acquisitions
pour son compte.
|i
.
•t*•
•‘ ) « -
Ainsi 6e qui peut seul rétablir l’équilibre entre
les parties à cet é g a r d , et conserver leurs intorets
r ,
s
• : »♦ft ? »••••% •*
r é c i p r o q u e s , c ?e s t cl?o r t l o n n e r u n e o p é r a -
tioli d ’éîcpérts
qui’
après s'être assurés do
la valeur actuelle du ' d o m a in e 'd u M o u lin e t et
dé la Bâtisse ,'réprendront ‘en équivalant dans les
acquisitions faites par'Piérre G e rlè aûx dépens
des propt fétés'do ’ son épousé , de quoî reln'pla-
cWfcfc1qu’il en a a l i è n e p o u r faire entrer ensuite
J*'
; I ^ *1* I I * - ; * .
c e s ; objets J de distraction dans la ' masse de la
succession maternelle , à moins q u e 'le ‘ Sieiir
G erle “ aîné ,
pour éviter les frais infiniment
•
,
» J f ^! * *l '***’ **
COÛltiu^ de ces opérations / n ’offre Tui-inemê des
fajip orts e t des
distractions convenables.
Car
rïè n 'û ü inonde sans* cloute ne peut le dispenser
de re p ro d u ire dans la succession de sa m ero
è e : qu ’on lui établira aVoir cto confondu p a r des
Ju.
‘
•” •
•
�( S*)
ventes ou de tonte autre manière , dans la suc
cession paternelle dont il est héritier institué.
O n ne voit pas que le Sieur Gerle puisse rien
opposer déraisonnable à cette demande j passons
au dernier objet de discussion.
TR O IS IÈ M E
QUESTION.
A q u i appartient la réserve de la pension viagère de
i 5o //■. que le Sieur Ozrle , p è r e , s’ est fa ite dans le
contrat de mariage de Jean (ierle , son héritier institué]
Quelle est la somme capitale représentative de celte
pension , et comment doit-elle être prélevée sur la suc
cession de P ierre G erle Ì
L a clause
du c o n tr a t de
m ariag
Oe est ainsi
conçue :
« S e r a tenu ledit futur époux ( comme étant
« une charge de la présente institution ) de payer
» à telle personne qui lui sera indiquée par le
» Sieur instituant par
l’acte qu’il lui plaira ,
)) même sous signature privée , après le décès
» dudit Sieur instituant, une pension viagère de
)> cent cinquante f r . p a r an , franche de toutes
» retenues légales, de six en six mois et par
» avance )>.
L e Sieur G erle , père, n ’a pas disposé de cette
réserve ; d n^est pas dit qu’en cas de non-dis
position , elle demeurera réunie à l ’institution
d ’héritier. Cette mesure, au contraire, est annon
cée comme une cha rge de l ’ institution d ’ h é
ritier A u profit de qui doit-elle tou rn e r’
La
question est décidée en termes formels par l’art.
�I I de la lo i clu 18 pluviôse an
5
,
dont voici les
term e s :
« L es réserves faites par les donateurs
ou
» auteurs d’institutions contractuelles , qui n ’en
)) auront pas valablement disposé , feront partie
)) d e là succession ab in testa t, et seront parta)) gées également entre tous les héritiers autres
)) que les donataires ou institués , sans im puta)) tion sur les légitimes ou portions de légitimes
» dont les héritiers ou donataires auraient été
» grevés ».
Cette loi n ’a pas besoin de commentaire ; et
l ’on voit qu’elle entre parfaitement dans le sens
et dans les intentions du Sieur Gerle , père, qui
considérait la réserve qu’il
faisait comme une
charge de l’institution d ’héritier faite en fa
veur de son fils : il n ’en a pas disposé de son
v i v a n t , mais la loi en a disposé pour lui , et il
ne pouvait pas mêm e, depuis l ’an c in q , faire
de disposition à cet égard.
E n vain le Sieur G e r l e , aîné, dirait-il « que
)> cette charge de l ’institution était subordonnée
))à la volonté de son père ; qu’elle était purement
v facultative , et que
ne lui ayant point été
» imposée par son père avant sa mort , il s’en
» trouve affranchi)).
Ce raisonnement pourrait être plausible , si
la loi du 18 pluviôse , inlerprétant dans le sens
le .plu« raisonnable et le plus ju ste, l ’intention
des instituais qui ont fait des réserves } n ’avait,
|
�( 24)
en rétablissant l'effet des institutions et dona
tions qui étaient
mars 179.^ 'et
2
anéanties p ar les lois (les 7
5 brum aire an 2 , ajouté l’article
com m e un c o r r e c tif (le justice
y
,
ét ' u n e sorte
de déd om m agem ent nécessaire dans la circons
tance
pour
co n so le r
les légitimaires
de la
,
p e r t e q u ’ils faisaient de l'e s p o ir de partager par
égalité la succession entière
que les lois révolu
tionnaires des 7 m ars 1 7 9 3 et 5 brum aire an a
le u r avaient donnée , p a r un s y s tè m e de rétro
activité souverainem ent injuste.
L e s législateurs semblent avoir tout vu , fout
combiné dans cette loi qui a calmé les alarmes
que les lois révolutionnaires avaient jetées dans
la société. On voit qu’en assurant l ’effet des
donations et des institutions faites avant une
loi p rohibitive, ils ont voulu les restreindre dans
les bornes que le donateur ou l'instituant Iuimeine s était tracees 5 ils n ’ont pas voulu que le*
objets réservés par l’instituant et dont il 11’avait
pas disposé , pussent être ajoutés, même par sa
volonté , aux avantages déjà faits à l ’instituant j
ils les ont laisses aux légitimaires pour qui ils
semblaient destinés , a d solatium . C ’est un allè
gement
contre les avantages qui blessent déjà
leur portion naturelle • et aucune considéra
tion ,
encore moins celle du silence d ’un père
pour qui la loi a déjà p a r lé , ne peut entrer en
balance avec
la
volonté formelle et
ra iso n n ée
du
législateur. M ainten an t} puisque cette réserve n e
�( 25)
peut pas être
contestée raisonnablement aux
frères puînés du Sieur G erle , voyons
quelle
sera la somme dont le Sieur Gerle , aîné , sera
comptable à ses cohéritiers pour représenter la
5 o fr. réservée.
Si la rente ou pension de i 5 o f r . sans rele-
pension viagère de
j
tenue , était indéfinie , elle représenterait sans
doute un capital de 3 ooo fr. au denier vingt ;
mais comme, d’après l’usage, les viagers , en p re
nant le terme moyen des âges , sont fixés au
denier d i x , il en résulte qi:e les légitimâmes,
frères et sneurs du Sieur G erle , auront un p ré
lèvement de i 5 oo fr. à faire sur la niasse de la
succession de leur père
et le Sieur G e r l e , a în é ,
ne devant avoir aucune part dans ce prélèvement,
qui ne doit diminuer en rien la légitime des au
tres enfans, il convient de le faire avant tout, sur
le plus clair et le plus liquide des biens qui seront
destinés à composer la masse de la succession
paternelle, après même que toutes les reprises
m a te rn e lle s
auront été réglées et mises à part.
C O N C L
U S I O N S .
E n renfermant maintenant dans le cercle le
plus étroit les divers points de cette cause, on
ne peut se dissimuler ,
Sur la première question
que si l ’on pouvait
considérer l’acquisition du pré de la Périchonne
connue faite par le Sieur G e r le , père, au nom
�f 26 )
de son fils , elle serait incompatible aujourd’hui
avec l’institution d’ h éritie r, qui a épuisé tout ce
q u ’il y avait de disponible directem ent ou in d i
rectem ent dans la succession du Sieur G e r l e ,
c ’e s t - à - d ir e , dans sa fortune présente et passée;
Q u e dans cet état de choses , le Sieur Gerle ,
a în é , ne peut se dispenser de faire son option
entre les
qualités d’héritier contractuel
avec
tous ses attributs , et celle de donataire parti
culier d’un objet
qui
vaut huit fois plus aujour
d ’hui que le p rix qu’il offre de rapporter ;
Q ue si au contraire l’acquisition du pré dont
il s ’agit, par les expressions mêmes de la procu
ration , et par la manière dont elle a été exécu
tée , n 'est p a s réputée fa it e au nom du f i ls et
p o u r lu i s e u l , il n ’y a plus de doute sur les
droits du père à cette propriété , et par suite sur
la nécessité de comprendre ce pré
en nature
dans la masse de la succession paternelle.
Sur la seconde question , on voit aussi que le
remplacement en fonds d ’égale valeur à celle
du domaine du Moulinet et de la Bâtisse , ap
partenant à A n ne Filaire , mère commune , et
aliéné par le Sieur G erle , p è r e , est inévitable,
d ’après la loi qui défend au m a r i , dans tous les
cas , l’aliénation dos biens dotaux de sa femme ;
Q ue sur la troisième question , il est démontré
que la réserve de la pension viagère de
i5 o fr
par année , représentant un capital eiTecHf de
i 5 oo fr. appartient exclusivement aux légitimai-
�( 27 )
res, frères et soeurs dit Sieur G erle , aîné , héri
tier institué , et ce d ’après l’art. II de la loi du
1 8 pluviôse an 5 , dont on ne peut contester l ’ap
plication.
D É L I B É R É à Tssoire , le i.*r avril i 8 o G , p a r
le jurisconsulte soussigné.
A U Z A T.
M .e M A L B E T , avoué des légitim aires G erle.
M * T R I O Z O N - B A R B A T , avoué contre (î).
P . S . On im prim era incessam m ent, s’ il y a lion , la
discussion relative à quatre ou cinq autres oLjels de
controvei’se qui se présentent dans le partage des suc
cessions de Pierre G e r le e t d’A n ne I ’ilaire, son épouse.
P a r le prem ier, les légitimaires G erle demandent à leur
frère aîné le rapport d’une somme de mille liv. , p r o
venant d’un legs fait par le Sieur T e y r a s , curé de
Stc-Catlierine , à Anne P ilaire , sa sœur , et que le
S ieu r G erle , aîné , convient , dans une requête écrite
de sa main , avoir été reçu e par son père.
Il s’agit dans le second, d’ un autre prélèvement à faire
en faveur de Pierre , Catherine et Marie G e r l e , on
ve rtu d’ nn leslament du 26 juillet 1 7 8 8 , 'p a r lequel
M aric-An ne Pilaire , leur tante , a disposé en leur
faveur de tout h rnobilUr dont elle mourrait saisie et
vêtue , et dont le Sieur G e r l e , aillé , est encore en
possession.
Il est question dans le troisième , de savoir si au préju
dice de l’art. 85a du code civil , qui porte que les
fr a is d’ éducation ne doivent pas être rapportes , le
Sien)' G erle , aîn é, peut se prévaloir d’ une quittance
de 5oo liv. , que le Sieur Gerle , jeune , a reçue de
son pore pour étudier eu géométrie , chez le Sieur
Irançois G e i i e , son c o u s in } et si en pareille circuits-
�(28)
tance le lég itim aire a pu se défendre d’obéir à la
volo nté de son père ( 1 ).
I l s’agit , enfin , de décider si au mépris de l ’art. 2272
du code civil , qui prononce la fin de non-recevoir
contre le paiement des pensions après un a n , le Sieur
G e r le peut être recevable à prélever , sans aucune
convention à cet égard , le paiement de la pension de
M a rie -A n n e F ilaire , sa tante , dix-sept ans a p r è s sa
m ort , dans la circonstance 0u M arie-A n n e F ilaire
av a it fait en 1 78 0 , huit ans avant sa m o r t, une dona
tion au S ieur G e r l e , père , et à sa femme , de tout
ce qu’elle possédait en immeubles , et pendant q u e l le
Sieur G erle , père , n ’a rien demandé de son vivan t
po ur cette pension.
Toutes ces questions, qui se décident d’une manière plus
ou moins absolue en fa veur des légitimaires G erle ,
retardant nécessairement l ’opération définitive du
partage des biens des deu x successions que le Sieur
G e r le , aîné , possède-seul, prouvent le droit é v i d e n t
des légitimaires à des provisions proportionnées à
leu r fortune et au retard qu’ils éprouvent ou qu'ils
éprouveront dans la suite.
Jean G
erle
, entendez-vous la voix de la nature ?
Celle de la raison / .............. ..
( 1 ) N o n ta m v o lu is sc v id e tu r q u à m o b s e q u i im p e rio p a tr is v e l
d o m in i. F ab.
A CLERMONT-PERRAND,
D e l'im prim erie de J. V e y s s e t , I m p r i m e u r L ib ra ire , rue de la Treille.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gerle, Pierre. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Auzat
Malbet
Triozon-Barbat
Subject
The topic of the resource
successions
acquisitions
fils avantagé
Description
An account of the resource
Analyse des mémoires et consultations rédigés pour Pierre Gerle, jeune, et ses sœurs, de Sauxillanges, demandeurs ; contre jean Gerle, aîné, leur frère, avocat, défendeur, sur les questions suivantes : 1ere. De quelle manière doit être fait , au partage , le rapport du pré appelé de la Perichonne ? Sera-t-il fait en nature, ou le Sieur Gerle, aîné , ne rapportera-t-il qu’une somme de 3284 # , fournie par son père en 1759 pour l ’acquisition de ce pré, faite pour lui en son nom , en qualité de père et légitime administrateur de son fils aîné , alors âgé de trois ans ? 2.° Comment se fera le remploi du domaine du Moulinet et de la Bâtisse ; appartenant dans le principe à Anne Filaire, mère commune, morte ab intestat, et qui a
été vendu par le Sieur Gerle, père ? 3. A qui doit appartenir la réserve de la pension viagère de 150# , que le Sieur Gerle, père, s’ est faite dans le contrat de mariage de son fils a in e, héritier institue, dont il n’a point disposé ?
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de J. Veysset (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1759-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0631
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0630
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53891/BCU_Factums_M0631.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulinet et de la Bâtisse (domaine du)
Vernet-la-Varenne (63448)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
acquisitions
fils avantagé
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53890/BCU_Factums_M0630.pdf
76c572e3e6da6df8e5b37cbe3516a348
PDF Text
Text
r
P R E C I S
POUR
Sieur J e a n G E R L E , avo ca t, et j u g e d e paix
du canton de S a ux i l l a n g e s , i nti m é ;
CONTRE
F ra n ç o is
r i n e et
G E R L E , prêtre, P i e r r e , C a t h e
M a r i e G E R L E , frères e t sœurs,
U n e acquisition d ’im m euble particulier, faite par un
p è r e , en qualité de légitime adm inistrateur d ’un de ses
enfans en bas â g e , le p rix payé des deniers du p è r e ,
auquel des deux d o i t - e l l e p ro fite r? La translation de
p ro p riété qui s’est opérée p a r l’effet de l’acte de v e n te ,
n ’a-t-elle pas ré sid é , a b i n i t i o , sur la tête de l’en fan t,
au nom duquel l’acquisition a été faite ? o u l’objet ainsi
A
�( 2 )
acquis f a it - il partie des biens et de la succession du
père ?
L ’enfant doit-il être tenu de rapporter l’objet en na
ture , à la succession de son pèi’e ? ou n’est-il tenu qu’au
rapport des deniers employés par le père au payement
du p rix de cette acquisition, des frais et loyaux coûts,
et aux améliorations du fait de ce dernier?
T elle est la principale contestation sur neuf cliefs de
demande, qui seront développés lors de la plaidoirie.
* V
r
F A I T
S.
E n 1 7 5 9 , Pierre G e rle , père commun des parties,
en qualité de légitim e administrateur du sieur G erle, in
tim é, donna sa procuration pour acheter six journaux
d’un pré appelé la P érich o n n e, situé à Sauxillanges.
L ’acquisition fut faite par le fondé de pouvoir du sieur
G erle p è re, en cette q u alité, pour et au nom du sieur
G erle fils.
En 1 7 8 6 ,1 e sieur G erle fils contracta mariage. Son
père l’institua son h é ritie r, et .le chargea de payer, à
chacun de ses autres enfans , une légitim e déterminée.
A l’époque du contrat de mariage du sieur G erle fils
(5a mèi’e étoit décédée ab intestat) , Pierre G erle, son
père, jouissoit alors des biens de ses enfans, provenaus
du chef de leur m ère, en vertu de l’usufruit légal, effet
de la puissance paternelle alors en vigueur. Les parties
vivoient sous l’empire des lois-des pays du droit écrit.
A p rès le mariage du sieur G e rle , intim é, son père a
é g a le m e n t ! continué de jouir de ses biens, par suite du
�C
3)
môme usufruit, jusqu’au 19 août 1804, époque de son
décès.
A l’ouverture de la succession du sieur G erle p è r e ,
le sieur Gerle aîné, son héritier contractuel, a réclamé
les six journaux de pre comme à lui appartenans, ayant
été acquis pour lui et en son nom par son père ; il a
offert de rapporter a la succession paternelle les deniers
fournis et avancés par son père, et employés au payement
du prix de cette acquisition , les frais et loyaux coûts
d’icelle, et le montant des améliorations du fait de ce
dernier, s’il en existe, qui aient rendu l’objet acquis de
plus grande valeur.
M O Y E N S .
C’est un principe généralement reconnu et avoué dans
le droit, qu’un père peut acquérir pour un de ses enfans;
et que l’objet acquis par le père, comme administrateur
légitime d’un d’eux, appartient irrévocablement à Tentant
sous le nom duquel l’acquisition est faite, exclusivement
au père. C ’est ce qui nous est enseigné par tous les ju
risconsultes qui ont écrit sur cette matière.
Ils ont assimilé le cas de l’acquisition faite par le père,
agissant en qualité d’administrateur -ou de curateur d’un
de ses enfans, au cas d’un retrait lignager exercé par
l’ascendant, agissant en la môme q u a lité , sous le nom
d’ un d’eux. Ils enseignent que les effets et les consé
quences sont les mêmes dans l’un comme dans l'autre
cas, et décident que de même que le p ère, ou un des
ascendans , ne peut disposer de l’héritage ainsi retrait
A a
�(4)
de même il ne peut aliéner l’héritage par lui acquis sous
le nom d’un de ses enfans.
G rim audet, en ses œ uvres, liv. 2 , cli. 12, agite d’abord
la question de savoir si un père peut valablement retraire
sous le nom d’un de ses enfans , n’ayant aucun bien ,
l’objet par lui vendu : après avoir décidé pour l’affir
m ative, il ajoute que lors du partage des biens du père,
l ’objet acquis appartient et reste à l’enfant comme propre;
qu’il en est l’incommutable propriétaire; et que, quoique
le père ait payé le prix de ses deniers, il ne sauroit pré
tendre à la propriété de la chose ainsi acquise. V o ici
comment s’exprim e Grimaudet :
« L a conséquence suit de ce que l’enfant de fam ille,
« ou son p ère, comme curateur, peut retirer ce qui a
« été vendu par son p ère; lequel acquêt demeure propre
« à l’enfant, et le père, après, ne le pourra retenir, par la
« raison commune que ce qui est acquis de mes deniers
« n’est pas fait m ien, mais à celui qui a fait l’acquisition. »
Cet auteur fonde son opinion sur la loi S i ex eâ
p ecu n id , au cod. de re ven ditâ ; et les raisons qu’il en
donne sont, ainsi qu’il les rapporte, fondées sur l’autorité
de G odefroy. Q uia empturn pecuniâ a lic u ju s , ejus
non f i t , sed ejus eu ju s nom ine emplio facta est ; et
quando pater d o n a tjîlio , relut pecuniam in rctractiu
ilia donatio non reddit ad commodurn pntris.
L e m êm e auteur ajoute ensuite :
« Entre les enfans ès lieux où les père et mère ne
« peuvent pas avantager les uns plus que les autres, celui
« sous le nom duquel l’acquet est fa it, doit rapporter
« les deniers de Vacquét avec les f r a i s , si mieux il n’aime
�(5 )
«
«
«
«
«
«
«
«
«
la chose retirée, demeurer en l’h érédité, pour les deniers en être partagés; et pour Cacquêt être, [fa it par
le p èr e, comme curateur de son e n fa n t, il ne f a u t
dire q u 'il fa s s e sa condition meilleure que Tun de
ses autres e ifa n s : ca r il ne lu i donne rien de son
b ien , et tout ce qui part du père ( q u i sont les dem ers) , il f a u t que Venfant les rapporte ,* le nom du
curateur ne doit f a i r e que la chose appartieitne au
père et a u x autres etifans.
« Ce que nous disons que le père ne peut avantager
« l’un de ses enfans plus que l’autre, se doit entendre,
« comme nous disons en d ro it, que l’homme et femme
« ne se peuvent faire don l’un à l’autre, dont l’un soit
« plus p a u v re , et l ’autre enrichi : o r , au cas présent ,
c par Vacquêt le père n'est appauvri; ca r il ne perd
« rien du sien , et débourse seulement des deniers pour
« lesquels il se peut p o u rvo ir; et quant à îa cquêt ^ le
« fils ne lef a i t de son père, niais de Vétranger] partant
« les autres enfans ne peuvent prétendre part audit
« a cq uêt, ou dire que par icelui le père ait avantagé
« leur fr è r e . »
Brodeau, sur l’article 139 de la coutume de Paris, qui
étoit une coutume qui astreignoit à une parfaite égalité,
a consacré les mêmes principes que G rim audet; il en
seigne que « les autres enfans, après le décès du père,
« ne peuvent rien prétendre à l’héritage retiré ou acquis
« par le p è r e , sous le nom de l’un d’eux ; que le fils
« n est tenu qu’au remboursement des deniers avances
« par le père; que dès-lors n ih il abest à fa r n iliâ , et
« qu’on ne peut pas dire que la gratification et le ch o ix
�(*•)
« que le père a f a i t de la personne d'un de ses eivfans
cc soit un avantage indirect et réprouvé. »
L eb ru n , en son Traité des successions, liv. 3 , chap. 6,
sect. 3 , traite la question de l’acquisition faite par un
père au nom d’un de ses enfans, et celle du î-etrait exercé
par le père sous le nom de l’un d’eux ; et dans l’un
comme dans l’autre cas, il enseigne et décide que le fils ne
doit rapporter que le prix de l’acquisition ou du retrait,
et non l’héritage acquis ou retrait.
A u nombre 1 5 , il dit :
« S i le père a acheté au nom de s o n jï ls , LE P R IX
ci D E L’ A C Q U I S I T I O N EST SU J E T A R A P P O R T . »
A u nombre 16, il ajoute :
« Il en est de même quand un père a exercé et exé« cuté un retrait lignager au nom de son fils; car le
« fils rapporte le prix du retrait à la succession de son
cc p è re , E T N O N L’ H É R I T A G E M Ê M E , Q U I n ’ a J A M A I S
a A P P A R T E N U A U P E R E , et qui ne l’auroit pu prétendre
cc en la succession de son fils, ni comme acquêt, ni à
« titre de réversion ; en sorte q u e, quoique le retrait
cc lignager soit très-avantageux, c’est un cas où le père
« peut avantager son fils d'un projit q u i n e st point
« sujet à rapport. » I l fa u t dire de même dans le cas
du nombre précédent, et « SI LE PÈRE A P A I T POUR
«
SON EIL S U N A C H A T A V A N T A G E U X . »
en son T raité du droit commun de la F ran ce,
cliap. 7 , sect. i re. , intitulée : D u rapport de ce que le
père achète pour son fils, pag. 729, s’exprim e ainsi.
B o u r jo n ,
A u norhbre i ot. , il dit :
« T o u t avantagé d’ascendans à descendans fonde le rap-
�C7 )
«
«
«
«
«
«
«
«
«
cc
«
«
«
«
«
a
port. Si les père et m ère ont exercé un retrait lignager
sous le nom de leur fils , il doit les deniers employés
pour l’exécution d’un tel retrait , m ais Vhéritage
retiré lu i appartient. » ‘
A u nombre 2 , il ajoute:
« D e m êm e, s'ils ont acheté et payé pour lu i un
im meuble, ce q u i résulte évidemment de la proposition précédente. »
A u nombre 3, le même auteur ajoute encore:
« D a n s Tun et Vautre ca s, c ’est-à-dire, du retrait, et
de Vachat d’un immeuble de la part d’un père pour
son J i l s , ce dernier ne doit pas le rapport de la
CHO SE, qui ne vient p a s de la substance du père $
m ais l e r a p p o r t DES D E N IE R S P A Y E S par Y ascendant à ce sujet. Mais il ne doit plus les deniers en abandonnant la chose , s’il se trouvoit lésé par le retrait
ou l’acquisition, et qu’il eût été restitué contre l’effet
d’iceux. 53
E n fin , au nombre 4 , Bourjon s’exprim e ainsi :
a Soit dans le cas du retrait exercé par le père pour
son fils, soit dans le cas de Vacquisition f a it e par le
père sous le nom du même J ils, CES SORTES D ’ A C T E S
a SONT DES ACT ES DE COM MERCE E T N O N D E L I B É «
R A L I T É . 55
F e rriè rc , sur l’article 3 0 4 'de la coutumë de Paris,
glose 2 , n». I er. } tom. 3, enseigne une semblable doctrinê.
« Ce q u i est a cq u is, d it-il, par le père, de ses deniers,
« au nom dé
son fils,
est sujet'
à
rapport,
‘smViint
le
« sentiment de C karo n d as, ce qui Jest sans d o ù tè ^ e t en
'« ce cas, C’EST LA SOMME QUI E S Ï S'üJEÏTEiA'^APPORT,
�(8 )
«
ET NON L’H É R IT A G E
A C Q U IS, D’ A U T A N T
«
J A M A I S É T É D A N S LES B IE N S D U PE R E . »
QU’ l L N ’ A
B oucheul, en son T raité des conventions de succéder,
chap. 6 , n°. 21 et suivant, pag. 66 et suivantes, traite,
ex professo , la même question que la cour a à juger.
A p rès avoir fait rénum ération des coutum es, telles que
celles de N orm andie, Bretagne et T ou rain e, dont les
dispositions sont contraires aux principes gén érau x,
Boucheul ajoute aussitôt:
« M ais l’on renferme ces coutumes dans leur détroit;
« et où la coutume n’en parle pas , la jurisprudence y
« est certaine que l’héritage ainsi retiré et acquis p a rle
« p è r e , sous le nom d’ün de ses enfans , q u o i q u e
«
M I N E U R , E N BAS A G E , E T M E M E SANS A U C U N B I E N ,
«
A P P A R TIE N T,
«
D E N IE R S
«
UN
«
ONT p o u r l u i ,
NON
AU
PERE
QUI
A FOURNI
LES
, mais ci l'enfant sous le nom duquel
k L’ A C Q U Ê T oit le retrait sont faits. »
Cet auteur a fondé son opinion sur les dispositions
de la loi 8 , au cod. S i quis alteri vel sibi emerit.
A u nombre 2 6 , Boucheul ajoute :
« Quand le père ou la mère a c q u i è r e n t un héi'i« tage sous le nom de l’un de leurs enfans, ce n'est pas
a v a n ta g e
que
cette
p r é d ile c tio n
q u ’i l s
et en remboursant le p r ix , l ’ h é r i -
sans qu'il soit besoin d'en fa ir e
v rapport à ses cohéritiers , parce que c'est un bien
a t A G E EST A U F I L S ,
d qui ne vient pas d e s u s s t a n t i a
p a t r i s. »
D en izart, au mot R apport, n°. 49, dit :
« S i le père achète , au nom de son f i l s , ou exerce
« w i retrait Ugnager, l e p r i x d e l ’ a c q u i s i t i o n ou du
v. retrait
�(9 )
«
retrait est sujet à rapport
;
M A IS
NON p a s
I.’ h é -
en
« sorte q u e , supposé que Va chat ou le retrait soit
« avantageux au J i l s , LE p r o f i t QUE F A I T LE FILS
« R IT A G E ,
QUI N ’ A J A M A IS A PPAR TEN U A U P E R E ;
« N ’ EST PAS SU JE T A R A P P O R T . 55
P o th ier, en son T raité des successions, cliap. 4 , §. 2 ,
page 180, édit. n i-40. , enseigne la même doctrine.
« L o rsq u ’ un père ( d i t - i l ) a a c h e té , au nom et
oc pour le compte de son f i l s , un héritage, et en a payé
« le p i'ix de ses deniers , CE n ’ e s t PAS l ’ h é r i t a g e
« q u i e s t s u j e t a r a p p o r t ; I L N’A J A M A IS
« P A S S É D U P È R E A U F I L S , P U I S Q U ’I L N ’A
« JA M A IS A P P A R T E N U A U P È R E , A Y A N T
« É T É A C H E T É A U N O M D U F IL S ; L E F IL S
« sera donc seulement ten u , en ce c a s , A U R AP P O R T
« D U p r i x que le père a ufourni pour V acquisition. »
O n trouve la même décision dans le répertoire de
jurisprudence, par Guyot. Les articles que nous allons
rapporter sont d’un célèbre m agistrat, vivant au temps
a ctu el, collaborateur de ce répertoire ( 1 ).
A u mot légitim e, tom. 10 , pag. 386, on lit :
« L e p r i x d ’ u n e a c q ^ s i t i o n que le père fait au
« nom de son fils, et qu’il paye de ses propres deniers,
« est, sans contredit, sujet à l’imputation : on a déjà
« vu que le parlement de Flandres l’a ainsi ju g é, par
« arrêt du 14 février 1776. »
" '
Mais il est essentiel de remarquer ici que c’est du
p r ix , et non de l’héritage acq uis, dont il est fait men( i) M. Merl... procureur général à la cour de cassation.
B
�C 10 )
tion , lorsqu’il s’agit de l’imputation de légitim e. On, va
vo ir qu’il n’est également question que du p r ix , et non
de l’h érita g e, lorsqu’il s’agit du rapport.
ü n lit encore, dans le même répertoire de jurispru
dence de G u y o t, page 4 1 3 , au mot rapport, nomb. 7 :
« Nous avons étab li, à l’article légitim e, qu’on doit
« im puter, dans la portion légitim aire, LE p r i x P B l ’ A C «
Q U I S I T I O N QUE LE P ER E A F A I T E DE SES PROPRES
« D E N IE R S , A U N O M D E SON f i l s ; la même raison
« veut que LE P R I X SOIT S U J E T A R A P P O R T , a
E n fin , à la même page il est ajouté :
« Nous ne parlons ici que d u R A P P O R T D U P R I X T
« parce qu’en effet il rfy a que l e p r i x q u i y p a « ROISSE S U J E T ,
« F A IT E
PAR
DANS
LE
PER E ,
« F A N S , L’ H É R I T A G E
« Y
ÊTRE
« PÈRE;
SOUMIS
IL
N’A
CONSÉQUEMMENT
«
LE
«
APR ÈS
SA
AU
D’ ü N E
NOM
DANS
D’üN
M Ê M E SEM BL E N E
JA M A IS
IL
N’A
P O IN T PASSÉ D U
«
M ETTRE
:
LE CAS
LA
M ASS E
DE
SES E N -
D E V O I R PAS
APPARTENU
PERE
LE F IL S N ’ EST
A C Q U I S I T IO N
AU F IL S ,
P O IN T
TENU
AU
et
DE
DES BIENS DU^ PERE
MORT. »
T e lle est la doctrine univwi&ellemeut enseignée par les
jurisconsultes qui ont écrit sur la question élevée au
jourd’hui dans la famille G erle : tous ont décidé que le
f i l s , au nom duquel l’acquisition ou un retrait sont faits
par le p è re , ou autre ascendant, est propriétaire seul et
i n c o m m u t a b l e de l’immeuble acquis 011 retrait ; que le
fils <est seulement tenu au rapport des deniers déboursés
fc p a rje p è re , et non au rapport de l’héritage acquis,
su rleq uel le père n’a jamais eu aucun, droit de propriété.
�C 11 )
D e ces principes, il résulte que les six journaux de
p r é , que le sieur G erle père a acquis au nom de son
fils a în é, en 1769, ont appartenu à ce d ern ier, dès l’ins
tant même que la translation s’en est opérée par l’eifet
de l’acte de vente qui a eu lieu ; il résulte enfin , et il
est dém ontré, que cette propriété a résidé sans cesse sur
la tête du sieur G erle, in tim é, à l’exclusion de son père,
et q u e , soit le sieur G erle p è r e , soit sa succession ou
ses h éritiers, n’ont à réclamer que le p r ix , les frais et
loyaux co û ts, et les améliorations du fait du p è r e , s’il
en existe du fait du père.
Quoique le père ait fourni les deniers pour le paye
ment de cette acquisition , cette circonstance ne sauroit
donner aux enfans légitimaires du sieur Gerle^ aucun
droit de propriété sur le pré dont il s’agit. G’est ce qui
nous est enseigné par G odefroy, en ses notes sur la loi i Ie.
au cod. S i quis alteri vel s ib i, s ub alterius vom inè vel
aliéna peciinïà lîm é r ït, tit. ¿ g ~ I iv. 4. Il décide que la
chose acquise n ’appartient pas à celui qui en a payé le
prix de ses deniers, mais à celui au n om duquel la chose
est achetée.
R e s , d it-il, ejus esse
videtur, n.o?i cujus pecunia T
sed cujus nom me empta est
E t sur la lo i 8 . du même_tit.. le m ême annotateur
ajoute : y?7umâ p ecu n iâ , quod co m p a i'a tu r, fit comparantis , non ejus eu]us fu it pecuma.
\
L a circonstance de l’existence de l’institution contrac
tuelle faite en 1 7 8 6 , en faveur de l’intimd , ¿ c ia part
de son père, ne sauroit changer son état, ni porter at
teinte à son droit exclusif de propriété Stir le pré dé°la
B 2
�( 12 )
i ’érichonne ; droit dont il a été irrévocablem ent investi
dès le 7 avril 17 5 9 , c’est-à-dire, dès le moment même
de la perfection de l’acte d’acquisition faite pour lui et en
son nom par son père.
E n devenant l’unique propriétaire de ce p ré, au même
instant il est devenu débiteur envers son pèi’e des deniers
par lui avancés et fournis pour parvenir à celte acqui
sition. O r , par cet état de chose, il est démontré que
jamais le père n’a pu être considéré comme propriétaire
du pré en question, et que cette propriété a nécessai
rement résidé dans la personne du fils.
L e père, en instituant son fils-aîné héritier universel,:
ne l’a institué que dans l’action qu’il avoit pour répéter
les deniers par lui déboursés, et non dans la propriété
du pré acquis pour son fils. .Car, eucore une fois, le père
n’en a jamais été ni pu devenir propriétaire, tant que
le fils n’a pas manifesté l’intention de l’enoncer à la
propriété de cet objet.
Ce seroit renouveller une absurdité qu’on a mise au
jo u r, en cause principale, si les appelans prétendoient
que l’acquisition faite au nom du fils , par le p è r e , est
un avantage indirect; que jojy^Jjg à l’institution contrac
tuelle, le père auroit alors excédé la quotité disponible;
que leur légitim e de rigueur seroit blessée; le pré dont
il s’agit a y a n t, depuis
considérablement accru de
valeur.
Toutes ces idées systématiques se trouvent détruites
d’avance par les autorités ci-dessus rapportées. Grim audet,
B rod eau, Lebrun et Boucheul enseignent que la prédi
lection que donne un père à un de ses enfans, en achetant
�( i3 )
soùs sôn nom un. im m euble, n’est point im avantage
indirect fait à cet, enfant. B ou rjon , au n°. 4 déjà rap
porté, dit que ces sortes d’acquisitions sont des actes de
commerce et non de libéralité.
Il est impossible de concevoir que de telles acquisitions
présentent l’ombre la plus légère d’un avantage indirect,
lorsque le fils rapporte les deniers fournis par le père;
par ce rapport, le fils réintègre dans la fortune du père
tout ce qui en est sorti : et tous les auteurs ci-dessus
cités enseignent que le fils n’est tenu qu’au jrapport de
ces mêmes deniers, qui ont constitué la substance sortie
de la fortune du père, et qu’il n’est point' tenu au rapport
de l’immeuble acquis, leq uel, ab in itio , a appartenu au
fils exclusivement au père : c’est ce rapport du prix
qui a fait dire à ces jurisconsultes que la prédilection ,
ou le ch o ix d’un des eirfans, f a i t par le p è r e , lié to it
point un avantage indirect.
L e p è r e , en achetant pour son fils , n’a sertf de la
substance de ses biens et de sa fortune, que des deniers;
le iils ne doit remettre à la succession du père que les
mêmes objets qui en ont été distraits ; c’est-à-dire, qu’il
ne doit remettre que des dCfliers. Cette vérité nous est
encore enseignée par P othier, en son T raité des succes
sions, tome 6 , chap. 4 , § . 2 , page 1 77, édition in-40.
V o ici comme il s’exprime :
cc
«
a
«
« T ous les actes d’ un père ou d’une mère , dont
quelqu’un de leurs enfans ressent q u e l q i i avantage,
ne sont pas des avantages indirects sujets à rapport;
il n’y a que ceux par lesquels les père et mère font
passer quelque chose de leurs biens à quelqu’un de
�( T4 )
leurs enfans, par une voie couverte et indirecte; c’est
ce qui résulte de l’idée que renferme le terme rapport;
car rapporter signifié remettre à la masse des biens du
donateur, quelque chose q u i en est sorti. O n ne peut
pas y remettre , y rapporter ce qui n’en est pas sorti:
donc il ne peut y avoir lieu au rapport, que lorsqu’un
père ou une mère ont fait sortir quelque chose de
leurs b ien s, qu’ils ont fait passer à quelqu’un de leurs
enfans. »
E n faisant l’application de ce principe lum ineux en
seigné par P otliier, il est donc clairement dém ontré que
les légitimantes G erle ne sont fondés à réclamer que le
rapport des deniers employés par le père com m un, à
payer l’acquisition faite pour son fils aîné , parce qu’il
n’est sorti du patrimoine du père que des deniers. L eu r
système de rapport de l ’objet acquis' est une erreur : cet
'objet n’a jamais fait partie des biens du p è re , puisque
tous le^fs* jurisconsultes décident qu’il appartient au fils
et non au père. L e pré de la Périchonne n’a donc pas
pu sortir de la fortune du p è r e , n’y étant jamais entré.
C ’est vouloir se révolter contre les principes du d ro it,
que de soutenir le rapport',*'en nature, du pré dont il
6’agit.
L a propriété du pré de la Périchonne ayant résidé
ab in it io , c’e s t - à - d ir e , dès le moment m ême de la
confection de l’acte de vente par l’effet duquel la trans
lation de propriété a passé de la personne des vendeurs
«
«
«
«
«
«
«
«
«
en celle du sieur G erle fils , acquéreur, il est ridicule de
prétendre que lès appelans aient jamais pu concevoir
l ’espoir d’un droit de légitim e sur ce pré. O n ne cessera
�C *5 )
de le répéter, ce pré n’a jamais fait partie du patrim oine
du sieur Gerle p è re; il n’a eu sur cet objet qu’un droit^
d’hypotlièque pour sûreté des deniers par. lui avancés
pour son fils. L e sieur G erle fils a în é , débiteur envers
la succession de son père de ces deniers, ne profitera
d’aucun de ceux que le père a sortis de son patrim oine,
en l’apportant le prix de l’acquisition dont il s’ag it, les
frais et loyaux coûts d’ic e lle , et la valeur des amélio
rations du fait de son p è r e , s’il en existe. C ’est sur ces
deniers, que n’a cessé d’offrir l’intimé dès le moment de
l’ouverture de la succession de son père, que doit frapper
en partie la légitime des appelans, et non sur le pré de
la Périchonne qui n’est jamais entré dans le patrimoine
du père, et n’en a jamais fait partie.
Par le rapport offert par l’intim é, la succession du
père ne reçoit aucune atteinte, et l’intimé lui-même ne
reçoit
aucun avantage.
Cette succession recouvre tout ce
i
o
qui a été distrait par le p è re, de la substance de sa for
tune et de ses biens.
~'
Lesappelans nesauroient être fondés à réclamer aucune
espèce de droit de légitim e sur l’accroissement de valeur
qu’a pu acquérir le pré de la Périchonne, depuis 176 9 ,
étant démontré qu’il n’a jamais fait partie des biens du
père commun. Cet accroissement de valeur n’a rien coûté
au père ; sa fortune n’en a souffert aucune espèce de
distraction; c’est une augmentation inopinée, qui est un
accessoire du pré , produite par la chance des temps, et
indépendante du fait de l’homme. O r , dès.qu’il est dé
montré«.quç
mtfriDsA
{ le père commun.
* p ’a-jApiaifcieuoBi}
^
■‘ .'1
.1
[' - h
'Ju o O f i o h
�<r
(16)
.
tant aucun droit de propriété sur cet h éritage, c’est une
absurdité de prétendre que les appelans ont des droits
à ses accessoires.
P o u r- p o u v o ir,
G E R L E .
r
, £i’1.-:** r.•v' ;r-"
:-* Ç *
'P.
"i
J
A. R I O M , de l’imprimerie de T hibaud -L andrio t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gerle, Jean. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gerle
Subject
The topic of the resource
successions
acquisitions
fils avantagé
minorité
Description
An account of the resource
Précis pour sieur Jean Gerle, avocat et juge de paix du canton de Sauxillanges, intimé ; contre François Gerle, prêtre, Pierre, Catherine et Marie Gerle, frères et sœurs, appelans.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1759-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0630
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0631
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53890/BCU_Factums_M0630.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauxillanges (63415)
Riom (63300)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
acquisitions
fils avantagé
minorité
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53889/BCU_Factums_M0629.pdf
3d887f17cc25d0446e02274210e97129
PDF Text
Text
CONSULTATIONS
POUR
LES SIEURS DELSOL, FRERES;
CONTRE
LA
DAM E
*
VEUVE
LEUR
V IG IE R -D ’O R C E T ,
SOEUR C O N S A N G U I N E .
( V o ir , pour le fait et les questions élevées à ce sujet, la Sentence ci-jointe7 du 22
août 1808, intervenue depuis la première Consultation, et dont lesdits sieurs Delsol
sont appelants ; voir en outre (pour plus grand développement des principes consacrés
par l’Arrêt solennel du 17 février 1767, sur la transmissibilité du retour conventionnel)
la copie ci-jointe du Précis qui a été imprimé pour lors, et auquel renvoient les
Consultations. )
PARIS,
DE
L ’I M P R I M E R I E
DE
1809.
MAME
FRÈRES.
�PREMIÈRE CONSULTATION.
F A IT S E X P O SÉ S.
L
e
.
S O U S S I G N É , auquel il a été exposé,
Q ue, par le contrat de mariage passé entre le sieur GabrielBarthélemi de V igier et la demoiselle Delsol de Volpilhac, en
1760 , à A urillac, le sieur Delsol père a donné à la future sa
fille , ce acceptante , et par avancement d’hoirie , les domaine
et terre Duclaux , en qu o iq u ’ils puissent consister, aux mêmes
charges et conditions que le délaissement lui en seroit fait et
adjugé , conformément aux demandes par lui formées aux re
quêtes du Palais; et, à défaut d’adjudication de ladite demande
en délaissement, il a donné à ladite future toutes les créances
qu’il avoit à exercer sur lesdits biens en capitaux et accessoires ;
Que , par le même contrat , ledit sieur Delsol père a en
outre donné à ladite future sa fille la somme de 10,000 liv .,
qui a été délivrée audit sieur futur époux qu’à l’égard du surplus de ses autres biens qui se trouveroient lui rester lors de
son décès, il a promis de n’instituer d’autres héritiers que
ladite future sa fille , sous la réserve de l’usufruit de ces
mêmes biens , qu’il pourroit cependant vendre et engager tant
a la vie qu’à la mort, et sous la réserve en outre de pouvoir disposer d 'une somme de 10,000 liv. , qui resteroit a ladite future,
s’il n’en disposoit pas j comme aussi à la charge par sadite fille
de payer 600 liv. de peusion à la demoiselle Lagarde, sa belle-
�.
.
.
.
m ère, si celle-ci survivoit à lui donateur; qu’enfin le sieur
Delsol père s’est réservé expressément (pour le cas où ladite fu
ture épouse décèderoit sans enfants, ou ses enfants sans des
cendants et sans avoir disposé valablem ent), le droit de
réversion , tant des biens donnés que réservés , sans qu’il
put être dérogé par sadite fille audit droit de reversion, par
aucune d isposition / n i autres actes à ce contrairesj
•Qu’en conséquence, le sieur Delsol père a cru pouvoir dispo
ser du droit de réversion qu’il s’étoit réservé, comme d’un droit
qu’il avoit in bonis , et faisant partie de son patrimoine , ainsi
qu’il résulte de son testament fait en 1780, annulé pour vice
de forme seulement, par lequel il appeloit son fils aine', et
successivement ses autres enfants, parôrdre de primogeniture, '
à profiter de ce même droit;
Que ledit sieur Delsol père , décédé depuis, a transmis né
cessairement à ses héritiers tous les droits, même éventuels,
dont il étoit saisi, et, par conséquent, le droit de réversion
qu’il s’étoit réservé expressément pour le cas du décès de sadite
fille sans enfants , et de ses enfants sans enfants , et qu’ainsi ils
ont l’espérance , le cas arrivant, de recueillir, comme effets de
la succession de leur père , les biens dont il a stipulé le retour
à son profit, c’est-à-dire non seulement ceux qu’il avoit donnés
irrévocablement sous la seule réserve du retour, sans même en
retenir 1 usufruit, mais encoi'e ceux qu’il avoit compris dans
l’institution contractuelle de sa fille, avec réserve de pouvoir les
vendre ou engager (même d’en jouir en usufruit sa vie durant),
et que cependant il n’a ni vendus ni engagés ;
�( 3
A vis y relatif.
que les enfants et héritiers Delsol sont saisis de
tous les biens et droits dont leur père est décédé saisi, et qu’en
cette qualité ils ont droit, la condition du retour arrivant, à
tous les fonds et créances qu’il a pu donner à sa fille en la
m ariant, tant ceux par lui donnés irrévocablemeut que ceux
pour lesquels il l’a instituée son héritière contractuelle, c’est-àdire même à ceux desdits fonds et créances qu’il s’étoit réservé
de pouvoir vendre ou engager, et que cependant il n’a ni ven
dus ni engagés 5
Q u’en conséquence lesdits héritiers, comme propriétaires et
créanciers conditionnels, sont fondés dès h présent, non pas à
intenter aucune action pour revendiquer les fonds en question,
ou pour exiger le paiement des créances dont il s’a g it, mais h
faire tous actes conservatoires de leursdits droits éventuels ( art.
1 180 du Code civil ) , notamment à requérir toutes transcrip
tions et inscriptions nécessaires dudit contrat de mariage , aux
bureaux de la conservation des hypothèques , dans les arron
dissements desquels sont situés les fonds en question, ou ceux
affectés à l’hypothèque desdites créances ; le tout à l’effet d’em
pêcher que leur sœur et autres possesseurs desdits fojids, ou
les débiteurs desdites créances', puissent préjudicier aux droits
éventuels de propriété et d’hypothèque des requérants; comme
aussi à défendre à toute demande qui seroit formée contre eux
à fin de radiation desdites transcriptions et inscriptions.
E
st
d ’a v is
�(4 )
O B S E R V A T IO N S .
P rincip es sur la transm issibilité des stipulations
conditionnelles.
Il ne s’agit pas ici cl un retour lé g a l, qui sans doute ne seroit
pas transmissible aux héritiers du donateur décédé avant son
ouverture.
C ’estpar convention, par stipulation expresse que le donateur
s’est réservé ce droit pour l’exercer, comme tous ses autres droits,
par lui-meme ou par scs ayants-causc, quels qu’ils fussent, le
cas de la condition arrivant.
A la vérité, ce n’est qu’une espérance jusqu’à l’arrivée de la
condition, du moins tant qu’il est possible que la condition ar
rive ou n’arrive pas) , e x stipulatione conditionali tantum
spes est debitum i r i , In st., §. 4 ? D e verborum obligationibus ; mais cette espérance est transmissible, eamque ipsani
spem in hœredem transmittimus ,• s i, priusquàm conditio
c x s t e t , mors nobis contingat, ibidem. E t la raison en est que
dans le's contrats la condition'a effet rétroactif au temps de
l’acte , quasijam contracta in prœteritum em ptione, Leg. 8,
iï. D e periculo et comrnodo rei venditœ y Leg. 7 8 , if. D e
verborum obligationibus ; Leg. 16 , ff. D e solutionibus et
lïberationïbus.
Ainsi, la condition une fois arrivée , la stipulation a le même
effet que si elle avoitété faite sans condition : Ciim enim sem el
conditio e x t it it } perinde habetur ac si illo tempore r/uo 'sti
pula tio interposita est, sine conditione fa cta es set, Leg. 11,
§. 1, ff. Q u i potiores. Car dans les stipulations on ne considère
�( 5 .)
que le temps où le contrat est l'ait: Quia instipulationibus tem
pus speclatur quo conlrahimus. Leg. 18 , vers. , F iliu s f a
m ilias, fF. D e regulis jui'is.
’ Enfin, il n’est pas nécessaire que la condition arrive pendant
la vie du stipulant : C iirn quis sub aliqud. conditione stipulatus f a e n t , posteà eæistente conditione hœres ejus agere
jjp test. In st., p. 20 , D e inutilibus stipulationibus.
‘
I ls ne souffrent aucune exception.
'
Cette règle ne reçoit aucune exception , pas même pour les
faits stipulés sous condition , quoiqu’ils pussent paroitre person
nels de leur nature: Generciliter sancim us omnem stipulationem , sive in dando , sive in faciendo , sîve~lïïïæta e x
dando et f a c iendo ihveniatur, et ad hæredes et contra luc
re de s transm itti, sive specialis hœredum fiat_nientio , sive
non. Leg. i 3 , Cod. D e contrahendd et com m ittendd stipulationey ca r, comme le dit Pedius , Leg. 7 , §. 8 , ff. D e
p a ctis : Plerum què persona pacto inseritur , non ut persoîiale p a c tu m fia t, sed ut demonstretur cum quo pactum
factum est.
A in si, Tliériticr n’a point à prouver que son auteur a voulu
stipuler pour lui j c est à celui qui le prétend exclu par la stipu
lation à prouver sa prétendue exclusion : Quamvis veruni
est quod qui ex cip it probare debet quod ex cip itu r, attamen
de i p s o d u n ta x a t, at non de hœrede ejus convenisse p eti
tor, non qui e x c ip it probare-debet. Leg. 9, Si. D e probationibus etprcesiitnptionibus. E t l’on décidoit en conséquence
que, le fils de làmille qui a stipulé sous condition ayant été en- .
suite émancipé, l’action appartient au père, quoique la condition
�( 6 )
soit arrivée depuis l’émancipation. L eg . 7 8 , ff. D e verborum
obligationibus.
E n un m o t, comme le dit Jean-Jacques Schüts dans son
Compendium j u r i s , au titre D e pactis : Condiùo casualis
suspendit actûs p erfectio n en i, adeo ut ipsum ju s in sus
penso s i t , et tantum spes sit debitum iri, quæ tamen spes
in conventionibus hoc f a c i t , ut quis creditor d ica tu r} atque
res ipsius bonis annum eretur. . . . h inc apparet, pendente
conditioner aliquid subesse quod conventionem sustentât,
atque sic obligationem tanquam in utero materno latere ;
c’est un enfant dans le ventre de sa mère , q u i, une fois venu
au monde, est réputé né dès le moment de sa conception: Undè
com entiones çonditionales e x prœ senti vires accipiunt,
quod sechs est in legatis y ut itaque conventio conditionalis obligationem producat, conditio casualis omnino e x pectanda e s t . . . . conditione autem sem el e x is tente, perindè habetur ac s i ab initiopurè com entum esset, et statim venit ac cçdit dies.
P a s même pour les contrats bienfaisants. A rrêt solennel
¿1 ce sujet de 1767. '
Ces décisions s’appliquent non pas seulement aux conditions
s t i p u l é e s dans les contrats intéressés,
mais aussi £1 celles des
contrats bienfaisants.
•
Cependant La Rouvière a prétendu le contraire dans son
du droit de retour, liv. i c% chap. i 3 , où il veut que le
T
r a
i t e
retour stipulé par les donateurs, pour le cas du deces du dona
taire sans enfants, ne soit pas transmissible aux héritiers du do
nateur, décédé, avant) l’événement de la condition; et) il se fonde
�( 7 )
sur la loi Quod de pariter } ff. D e rebus dubiis , qui, dans le
fait, ne décide qu’une question de survie (comme le soussigné
l’a démontré dans la seconde partie de son précis , imprimé en
176 7, pour le sieur Réné Louis, l’héritier et consorts, contre
le marquis de Mesme, appelant de sentence rendue au parc
civil du Châtelet de Paris , le 29 juillet 1766, après cinq au
diences.)
«
Mais, comme l’a démontré pareillement le soussigné dans la
même partie de son précis, la loi C a ïu s , 45 , ff. Soluto matri
monio , et la loi Avia , 6 , au Code , D e ju re dolium , déci
dent au contraire que le retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur , quoique celui-ci soit décédé avant
l’événement de la condition sous laquelle il avoit stipule le re
tour à son profit. E t c’est aussi ce qui a été jugé en grande connoissance de cause, dans la première cause du rôle d’après la
Chandeleur, par arrêt solennel du parlement de Paris , c n j a
grand’chambre, le 17 février 1767, qui confirme ladite senteiice.
Cependant la cause de l’appelant avoit été plaidée, tant au
Châtelet qu’au parlement, par M. Tronchet, et e etoit bien le
cas de lui appliquer ce que Virgile avoit dit d’Hector : S i Pergama d extrd jd efejid i pojkï&te&t', etiam hâc defensa fu is
sent. Mais malgré les grands talents et les prodigieux efforts
du défenseur, qui passoit dès-lors à j uste litre pour un des plus
profonds jurisconsultes de ce temps, tous les magistrats,'ainsi
que l’avocat général Barentin , qui portoit la parole, reconnu
rent facilement, comme avoient fait les p r e m i e r s juges, que
pour cette fois M. Tronchet s’étoit trompé ; qu’en effet la pré
tention de son client, qu’il avoit défendu avec tant de zèle,
étoit évidemment subversive des principes généraux sur la trans
mission de toutes stipulations conditionnelles, quelle étoit con-
�.
(8 )
.
traire à toutes les décisions des docteurs et des lois sur la trans
mission du retour conventionnel en particulier, et qu’enfin
elle étoit également contraire a la jurisprudence établie par tous
les jugements rendus sur cette question, comme le Soussigné
l’avoit démontré dans les trois parties de son précis imprimé.
L e s lois nouvelles n’y ont point déro ë é'
On a cependant tenté encore dans ces derniers temps de re
nouveler la même prétention, en soutenant que le droit de re
tour , stipulé par le donateur , ne pouvoit avoir lieu qu’à son
profit personnellement, c’est-à-dire autant seulement qu’il survivroit à l’événement de la condition du retour qu’il se réservoit; mais il falloit pouvoir mettre en avant de nouveaux pré
textes, autres que ceux qui ont été proscrits si solennellement
par l’arrêt du 17 février 1767.
On a cru les trouver dans la loi des 1 5 octobre et 14 novem
bre 179 2 , qui abolit toutes les substitutions non encore ou
vertes, dans l’article 896 du Code c iv il, qui les prohibe pour
l’avenir , et dans l’article g 5 i du même Code, qui prohibe
toute stipulation conditionnelle du retour des choses don
nées , au profit d’autres que le donateur se u l, et survivant
à l’événement de la condition qui doit donner ouverture au
retour.
lin effet, a-t-on dit, nul doute que l’on doit regarder comme
une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite du
droit de retour au profit.-d’autres que le donateur vivant lors de
son ouverture : or les substitutions non encore ouvertes lors de
la publication de la loi des 25 octobre et i/j novembre 1792
sont abolies par cette loi ; donc toutes les stipulations de retour
�(9 )
au profit d’autres que le donateur, qui n’étoieni pas encore ou«
vertes à cette époque , sont pareillement abolies; et c’cst par
cette raison, a-t-on ajouté, que l’article t)5 1 du Code civil dé-,
fend de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur sur
vivant à son ouverture.
Tels sont du moins les nouveaux moyens qui ont été em
ployés au tribunal de cassation par M. M éjan, défenseur de
M. Larregoyen contre la dame de Navailles, pour faire casser,
s’il avoit été possible, le jugement de la Cour d’appel de Pau ,
du 19 thermidor an 12 , confirmatif de jugement du tribunal
de première instance de Saint-Palais j rendu au profit de la
dame de Navailles.
Mais, sans avoir égard à ces prétendus m oyens, par arrêt
rendu le 1 1 frimaire an id , en la section des requêtes, au rap
port de ÏVL Borel, sous la présidence de M. Muraire , et qui est
rapporté au commencement du troisième cahier du Journal des
audiences du Tribunal de cassation , pour l’an 14— 1806 : L a
C o u r, attendu qu’on ne peut appliquer a u x droits de retour
Vabolition prononcée par les lois des 25 octobre et 14 no
vembre 179 2, a rejeté la demande en pourvoi dont il s’agissoit.
On faisoit cependant beaucoup valoir pour M. Larregoyen
la circonstance particulière que, dans le fait, il s’étoit écoulé un
7siècle d’intervalle entre la stipulation de retour et l’ouverture
de ce droit au profit de la dame Navailles, l’eprésentant les
sieur et dame Martin, dotateurs , dont elle, dcscendoit ; que
pendant ce temps la d o t, par eux donnée à leur fille à charge
de retour , avoit passé successivement dans sa descendance par
plusieurs mains, sans pouvoir être aliénée au préjudice du droit
de retour qui pourroit s’ouvrir un jo u r, ce q u i, suivant le dé-
�( 10 )
fçnseur du sieur Larregoyen, présentait tous les caractère» d’une
'véritable substitution graduelle dans la descendance de la do
nataire , et ensuite , en cas d’extinction de cette descendance ,
*en faveur de ceux qui pour lors représenteroient les donateurs.
Mais (comme l’a observé M. Daniels, substitut du procureur
général, portant la parole ) de ce que les substitutions testa
mentaires et même celles établies par contrat de mariage ont
été abolies, il ne faut pas conclure qu’il en est de même du droit
de retour. L e s dispositions textuelles de la loi (celles du
17 nivose an 2, art. 74? £t du 23 ventôse suivant, art. 5 ,)
s ’élèveroient, ajoute-t-il, contre cette con séquence, p u is
qu’elles conservent le droit de retour (en faveur d’autres que
le donateur) lorsque les substitutions étoient déjà abolies.
D ’a illeu rs, disoit-il encore, le droit de retou rn e p e ut être
assim ilé à une véritable substitution , lorsque le donateur
<
ex erce lui-m ême ce droit ; ce n’est donc pas non plus une
substitution quand il est e x e r c é par ses héritiers qui ne re
présentent avec lui que la m ême personne ; et de là il eoncluoit que- les juges, tant de première instance que d’appel ,
avoient fait une juste application des lois de la matière (comme
l’a reconnu la Cour par son arrêt de rejet du iG frimaire an i/j..)
E lle s ne lepouvoient même p a s , quand les r édacteurs en
auroient eu ïintention.
'
E n vain insisteroit-on encore, malgré le préjugé de cet ar•r£t, sur ce que l’article 951 du Code civil a prohibé toute
stipulation de retour au profit d’autres que le donateur vivant;
•en vain voudroit-on en conclure que les rédacteurs de l’article
■oui considéré comme des substitutions véritables les stipula-
�f II )
lions de retour qui ne profileroient qu’aux représentants det
donateur après sa m o rt, et qu’ainsi ils ont entendu abolir tous
les retours conventionnels qui n’auroient été ouverts , posté
rieurement au décès des donateurs, que depuis l’abolition des
substitutions.
Quand même il seroit possible de supposer aux rédacteurs un
pareil m o tif, et que ce m otif prétendu est le seul qui ait dé
terminé la rédaction de l’artiçle, l’intention qu’on leur suppose
ne feroit pas loi toute seule et par elle-même, puisqu’elle n’a
pas été érigée en loi ; car autre chose est la loi, et autre chose est
le m otif qui a pu déterminer a la proposer , comme, en fait de
dispositions testamentaires, autre chose est la disposition et au
tre chose est le m otif ( causa dandï) qui a pu la dicter : Ratia
legandi legato nqn çoheeret, le m otif de la disposition n’en
fait pas partie. L eg . 72 , p. G, ff. D e conditionilms et demonslrationibus et causis quos in testamento scribimtur. E t
tout ce qui résulterait de cette supposition, o’est que l’article
951 seroit indubitablement un de ceux qu’il faudra rapporter
lorsqu’il sera question de la révision du Code civil; car com
ment pourroit-on laisser subsister une loi dont le seul m otif au
rait été de donner lieu (sans cependant l’ordonner ) à l’abolition
de droits acquis par des conventions qu’autoriçoient les lois et
la jurisprudence antérieures.
Ajoutez que la loi de 1792, qui abolit les substitutions non .
encore ouvertes , est odieuse par elle-même , comme contraire
au droit commun établi de temps immémorial par toutes les
lois antérieures rendues sur ce lait, et sur-tout à cette raison
écrite, qui depuis tant de siècle^ qst reconnue par tous les.peu
ples policés comme le Code universel du genre humain. Aussi
n’a-t-elle pu être provoquée que par des circonstances impérieuses,
�( 12 )
seules capables de la justifier ; mais au moins ne doit-on pas
l’appliquer à ce qui ne porte pas la de'nomination expresse de
substitution, quand mcme il en auroit d’ailleurs le caractère
et PefFet sous une dénomination différente ; à plus\ forte raison
ne doit-on pas l’étendre à des stipulations conditionnelles qui,
saisissant à l’instant même le stipulant, et ses ayants-cause con
sidérés comme la continuation de sa personne, ressemblent
• aussi peu à une substitution que le jour ressemble à la nuit. E t
il faudra toujours en revenir à dire avec la loi que ce qui* a
été établi contre la raison et les principes du droit ne doit pas
être tiré à conséquence : Q uod contra juris rationem receptum est non est p roducendum ad consequentias. Leg. 14 ?
i 5 et 16, ff. D e le gibus ; Leg. 1 4 1 ? f f D e regulis ju ris.
Il y a plus 5c’est que quand mcme la nouvelle loi auroit aboli en
termes textuels, et très expressément, tous les retours conven
tionnels qni n’auroient été ouverts que depuis celle de 1792, con
cernant les substitutions, etaprès le décès des donateurs, une pa
reille loi, attendu le vice radical de rétroactivité dont elle se trouveroit infectée, ne seroit pas susceptible d’exécution en cette par
tie. En vain voudroit-on l’assimiler à la loi qui abolit les substitu
tions établies par actes antérieurs à sa promulgation, mais qui
n’étoient pas encore ouvertes pour lofs. Il y a bien de la diffé
rence entre l'ime et l’autre, car les substitutions qui ne sont que
des dispositions en faveur de tiers non présents ni acceptants
ne peuvent saisir l’appelé qu’au moment de leur ouverture , et
même autant seulement que ? appelé l’acceptera pour lors • jus
que-là le substitué n a aucun droit acquis ; et par conséquent la
loi a pu , sans porter atteinte à un véritable droit de propriété ,
abolir toutes les substitutions qui viendraient à s’ouvrir par la
.suite, quoiqu’elles fussent établies par des actes antérieurs.
�C i3 )
Il n’en est pas de même des stipulations conditionnelles. En
effet, quoiqu’il n’en résulte qu’un droit éventuel, une simple
espérance, comme le disent les Institutes, elles saisissent de ce
droit, à l’instant m êm e, le stipulant, et dans sa personne ses
ayants-droit, c’est-à-dire ceux qui le représenteront, quant à l’ob
jet de la stipulation, lors de l’événement de la condition sous
laquelle la stipulation a été faite et conservée ; or il résulte né
cessairement de là que toute loi postérieure qui aboliroit ces.
droits éventuels enlèveroit de fait au stipulant, dans la per
sonne de ses ayants-cause , des droits acquis dont ils étoient sai
sis, ce qui seroit une atteinte formelle au droit de propriété,
E n fin la lettre même de la clause en question nécessite
rait :, en tant que de besoin, la transm issibilité du retour
qui y est stipulé.
1
A ces considérations générales, toutes péremptoires, nous
en joindrons une particulière, et qui toute seule suffiroit, en
tant que de besoin, pour trancher la question; c’est que les
propres termes dans lesquels est conçue la stipulation condi
tionnelle de retour dont il s’agit assurent textuellement et
littéralement ce droit aux ayants-cause du stipulant, quels qu’ils
soient, comme au stipulant lui-même, le cas de la condition
arrivant; et que, de plus, les mêmes ternies sont formellement
exclusifs de toute substitution.
E t d’abord, que dans l’espèce le droit de retour soit assuré,
en tant que de besoin, par les termes mêmes de la stipulation
du donateur, à ses ayants-cause, comme au donateur lui-même,
ou plutôt au donateur dans la personne de scs ayants-droit, au
cas d’événement de la condition, en quelque temps que ce soit;
�( 4 )
c’cst ce qui résulte évidemment de ce que ce retour est stipulé,
nommément, pour les biens formant l’objet de l’institution con
tractuelle de la donataire; car assurément il étoit impossible que
le retour de ces biens particuliers qui n’étoient donnés qu’à titre
d’institution, et par conséquent sous la condition de la siirvie
de la donataire au donateur, s’ouvrit jamais pendant la vie de
celui-ci. E t puisque cependant il s’éloit réservé pourlui-même,
ernôrTpour aucun tiers après lu i, ces mêmes biens à titre de
retour conventionnel, il falloit bien que sa réserve pùt profiter
à ceux de ses ayants-cause et transmissionnaircs à titre universel
ou particulier q u i, lorè de l’ouverture du retour par lui réservé,
le représenteroient pour cet objet, comme ne formant à cet
égard qu’une seule et même personne avec lui. Autrem ent, sa
réserve n’eût pu profiter à personne en aucun cas, et la clause
_
auroit été illusoire.
E lle sitffiroit aussi toute seule pour écarter toute idée
de substitution.
Mais il est également sensible que le donateur en stipulant le
retourp o u rlü i, qt non pour aucun autre que lui-même, a néces
sairement exclu toute substitution; car enfin, comme le disoit
M. Daniels, portant la parole pour le ministère public en la
Cour de cassation, il est impossible de se substituer soi-même à
son donataire pour la chose donnée.
Il est bien vrai que le donateur qui stipule le retour pour
lni-mcrnc seulement, et non pas pour des tiers après ltii, le sti
pule aussi nécessairement pour ses ayants-cause et transrmssionnairos, soit qu’il doive en profiter de son vivant, soit que par
l’événement, le droit qu’il s’est réservé ne s’ouvre qu’après s^
�C 15 )
mort, à moins qu?il n’ait formellement excepté ce dernier cas
par sa réserve, comme par exemple en stipulant le retour à sou
profit, pour le cas seulement du prédécès du donataire.
Mais ces transmissiopnaires et ayants-cause ne forment avec
lui qu’une s.eule et même personne, qui a toujours été saisie
ab ihitio, tant de son vivant que depuis son décès, du droit
éventuel qu’il s’étoit réservé, comme de tous ses autres Liens,
sans attendre l’événement de la condition.
Ainsi, il est impossible de les supposer substitués par le do
nateur au donataire, et tout ce qui résulte de la réserve de re
tour stipulée par le donateur pour lui-même seulement, et non
pour aucun tiers après lui, c’est que la condition du retour ar
riv a n t, le donataire cesse d’être propriétaire de la chose don
née, c’est que la donation qui lui avoit été faite est alors réso
lue ou révoquée j c’est enfin que le donateur en la personne de
ses ayants-droit, en conséquence de sa réserve, se trouve avoir
recouvré sa propriété dont il ne s’étoit dessaisi que sous une con
dition résolutive qui a eu lieu -, c’est en un mot que cette pro
priété s’est réunie de plein droit à son patrimoine aussitôt l’ar
rivée de la condition résolutive apposée à la donation : or cer
tainement il est bien permis aux donateurs , nonobstant l’abo
lition de toutes substitutions, de stipuler qu’en tel ou tel cas
leurs donations seront résolues de plein droit, ab initip, comme
si elles u’avoient jamais existé, ou pour la suite seulement,
comme dans le cas de la révocation des donations pour cause de
survenance d’enfants', le tout, soit que la condition résolutoire
arrive de leur vivant, soit qu’elle n’arrive qu’après leur mort :
car les conditions résolutives produisent leur effet, lors meine
qu’elles n’arrivent qu’après la mort du stipulant , ce qui n’em
pêche pas que l’acte résolu n’ait subsisté jusque-là, s’il n’a pas
�(■ G )
¿téautrement convenu. L eg . i 5 , in princ., ff. D e in diem addictione. ) V o y e z aussi la loi finale au Code, D e legatis.
L e s observations précédentes sont égalem ent applicables
„ a u x institutions contractuelles sous conditions résolu
toires.
Il en est de même incontestablement des donations par forme
d’institution contractuelle, qui, suivant Pothier ,'Laurière, et
tous nos autres auteurs, ne diffèrent des autres donations en
tre-vifs qu’en ce qu’elles sont faites sous la condition particu
lière de la survie du donataire, et en ce que le donateur peut
encore , nonobstant la donation, s’aider des choses qui y sont
comprises , par contrats intéressés , tels que la vente ou l’hy
pothèque , mais non pas en disposer à titre graÔuit par dona
tions entre-vifs , institutions ou legs.
En effet, l’instituant contractuel doit aussi pouvoir stipuler
que sa donation sera résiliée ou révoquée, si telle ou telle con
dition arrive par la suite, n’importe en quel temps, et que ce
pendant elle aura jusque-là tout son effet; mais en ce cas les
biens qui en sont l’objet, comme étant retournés à la masse de
l'hérédité, et réunis au patrimoine du donateur, appartiennent à
ceux qui lors de l’arrivée de la condition résolutoire se trouvent
représenter ledit donateur ou instituant; etassurément ceux-ci ne
reprennent pas les biens en question en qualité de substitués au
donataire ; c’est le donateur lui-même, toujours existant dans leur
personne, qui reprend sa chose, comme ayant cessé d’appartenir à .
l’institué, au moyen delà résolution de l’institution, qui a eu lieu
par l’événement, comme le donateur ou ses représentants re
prennent la chose donnée, lorsqu’il y a survenance d’enfants,
�C *7 )
même posthumes, quoique le posthume ne soit né que depuis
son décès. Autrement, il faudrait dire, ce qui est absurde, que
le vendeur ou scs héritiers, rentrant dans la propriété de la
chose vendue par l’effet de la résolution de la vente, ou de lu
rescision du contrat, reprennent la chose vendue comme substi
tués h l’acheteur. E t il faudrait conclure de la ( ce qui seroit
encore plus absurde, s’il est possible), qu’attendu l’abolition de
toute substitution, il n’est plus permis de vendre sous condition
résolutive , ni de faire résilier aucun contrai de vente, non
plus que de disposer par donation, institution ou legs, sous
condition résolutive. Mais il faudrait aussi, avant tout, effacer
du Gode civil les articles g 53 , 960 , 962, 963 et 966, relatifs
à la révocation des donations de toute espèce pour cause de
survenance d’enfants , même posthumes, qui ne seroient nés
que depuis le décès du donateur; il faudrait notamment sup
primer ledit article 963, en ce qu’il suppose qu’au cas de la sur
venance d’enfants du donateur (avant ou après son décès ) le
retour s’opère , non pas, à proprement parler, par voie de ré
version h sa personne, mais bien plutôt par voie de réunion à
son patrimoine de tous les objets qui en avoient été distraits à
titre lucratif, et par conséquent au profit de ses représentants ,
si la réunion ne s’opère qu’après son décès ( les biens compris
dans la donation révoquée de plein droit r e s t e r o n t d a n s
LE P A T R IM O I N E DU D O N A T E U R , LIBRES DE TOUTES CHARGES
E T HYPOTHÈQUES DU CHEF D U D O N A T A IR E
, etc. )
(
Conclusion.
Tout ceci posé, nul doute que les représentants du sieur
Delsol, donateur, sont fondés à requérir, dès à présent, toutes
3
�( i8 )
transcriptions et inscriptions nécessaires pour assurer la conser
vation de leur droit de retour, a l’effet de prévenir les atteintes
qui pourroient y être portées par la donataire et autres posses
seurs des biens sujets, à réversion , ou par les débiteurs des
créances qui tiennent lieu de ces mêmes fonds.
On peut d’autant moins leur contester ce droit, que le retour
•dont il s’agit doit nécessairement s’ouvrir un jour îx leur profit,
ou au profit de leurs trùnsmissionnaires et ayants-droit, par le
fait du décès de la donataire sans enfants , attendu qu’elle n’a
pas eu d’enfanls , et que son âge avaneé ne lui laisse plus d’es
pérance d’en avoir.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce vingt-sept
juin dix-huit cent six.
LESPARAT.
�( *9 )
SECONDE CONSULTATION.
L e C O N S E I L S O U S S I G N É , q u ia vu copie (ci-jointe)
du jugement reudu en première instance par le tribunal civil
d’Aurillac , le 22 juillet 1808 , entre les sieurs Dclsol Frères, et
la dame veuve Y igier d’Orcet, leur sœur consanguine; ensemble
les mémoires imprimés qui ont été présentés au tribunal pour le
soutien de leurs prétentions respéctives ;
>
, par les raisons déjà exposées en sa Consultation
délibérée le 27 juin 1806, ainsi que dans les observations par
ticulières sur chacun des motifs dudit jugenient, qui lui ont
■été communiquées, et encore par les autres raisons qui seront
déduites ci-après ;
Que les sieurs Delsol frères sont bien fondés dans leur appel
dudit jugement, en ce que par icelui la stipulation de retour.
'réservé par le sieur D e lso lp ère , dans le contrat de mariage
de la dame d’ Orcet, sa f i l l e , a été déclarée personnelle au
dit sieur D e lso l , et caduque par son p réd écès. Qu’en effet,
(bien loin que le retour réservé soit devenu caduc par le prédé
cès du sieur Delsol père, qui l’a stip u lé), il ne peut manquer
de s’ouvrir un jour et d’opérer la réunion effective à son patri
moine, des choses sujettes audit droit, au moyen de ce que la
dame d O rc e t, sa fille, qui n’a pas d’enfants, et qui est actuelle
ment hors d’àge d’en avo ir, décédera néccssaii’emeiit sans en
fants.
•
E s t d ’a v is
�( 20
Les premiers juges avoient encore élevé deux autres ques
tions, l’une (qui est la première des trois posées dans leur ju
gement) étoit de savoir quels biens avoient é té et pouvoient
être compris dans la clause de retour réservé par le sieur
B a sile D e ls o l, dans le contrat de mariage de la dame d’ Orcet sa f ille y et l’autre de savoir si, dans le cas de transmissib ilité , ce droit de retour ne se seroit pa s confondu
dans la personne de la dame d’ O rcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son p ère ; mais leur jugement n’a dé
cidé que celle de savoir si la réserve du retour dont il s’agit
étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou si au contraire
elle avoit pu être transmise à ses héritiers ; et c’est aussi la seule
dont la solution doit nous occuper , comme étant la seule qui
soit à juger sur l’appel de leur sentence.
Ce n’est pas qu’ils n’aient émis dans les attendus de leur ju
gement leur opinion sur les deux questions qu’ils ont laissées
indécises ; mais cette opinion n’y est présentée que pour justi
fier leur jugement sur celle qu’ils ont décidée : or l’appel dont
il s’agit ne peut porter que sur ce qui a été jugé effectivement,
quelle qu’ait pu être d’ailleurs leur opinion sur d’autres ques
tions restées indécises.
I. L a stipulation du retour par le sieur D e lso l père étoit
in rem , et pourquoi ?
Q uoiqu’il en soit au surplus, nous observerons d’abord à
cet égard que, si la stipulation dont il s’agit a été jugée per
sonnelle au stipulant, et par conséquent non transmissible, c’est,
comme l’exposent les premiers juges dans leurs motifs, parceque le sieur Delsol n’a n a s stipulé nommément pour scs ayants-
�( 31 )
'Cause, et sur-tout parcequ’en stipulant le retour pour le cas pré
vu par sa stipulation, il ne l’a pas réservé aux siens en particu
lier, comme l’a fa it, dans le même contrat de mariage , la mère
<lu futur en dotant son fils.
Mais c’est précisément parceque le sieur Delsol entendoit ré
server un retour vraiment réel, in rem , à la masse de son pa
trimoine , en faveur de tous ceux auxquels il pourroit importer
que le retour eût lieu , qu’il l’a stipulé en termes g én éra u x,
non exclusifs d’aucune classe de ses ayants-cause, et non pas
seulement pour sa personne ou les siens. Taie pactum non in
personam dirigitur y sed chm general e s i t , locum inter hceredes habebit. Leg. 4 1 , ff- D e pactis.
II. Conséquences qui seroient résultées de la personnalité
de sa stipulation pour lu i et les siens seulement.
• Dans le fait, le sieur Delsol père n’avoit pas alors d’autre en
fant que la future sa fille. Peut-être même supposoit-il, attendu
son état de viduité , qu’il n’en auroit jamais d’autre : or dans
cette supposition , si par l’événement le retour stipulé ne
s’ouvroit qu’àprès son décès, soit par le décès de sa fille sans en
fants, soit par le décès des enfants de sadite fille , après leur
mère, sans descendants d’eux, il ne pouvoit pluS être représenté
par aucuns siens proprement dits , mais seulement par des col
latéraux très éloignés qu’il ne connoissoit même pas (comme l’a
dit et répété souvent la dame Dorcet elle-même), ou par d’au
tres successeurs qu’il se seroit créés à lui-même par titres uni
versels ou singuliers.
" •
'
• •
Si donc il n’avoit stipulé le retour que pour lui et les sien s,
comme avoitfaitla mère du fu tu r, alors le retour n’auroit eu
�( « )
e
lieu qu’en sa personne , ou celle des s ie n s , c’est-à-dire pour
le cas seulement de sa survie, ou de celle d’aucuns des siens
à l’ouverture dudit droit ; et ce droit n’auroit profité à son dé
faut qu’à celui ou ceux d’entre les siens qui auroient existé pour
lors. Eux seuls en effet se seraient trouvés composer la classe ou
espèce particulière et déterminée d’ayants-causc, à laquelle au
rait été réservé le retour : o r, comme le dit la loi 80, ÎT. D e regulis ju r is y In toto ju r e , generi p er speciem derogatur ;
et comme le dit aussi la loi 99, p. 5 , iF. "De legatis 3° , Sem
p er species generi derogat. E n un m o t, nuls autres ayantscause du sieur Delsol stipulant n’y auroient pu rien prétendre ,
à quelque titre que ce f û t , ni comme héritiers légitimes ou àb
in testa t, mais non s ie n s , ni comme héritiers irréguliers ,
ni comme héritiers institués , ou légataires, soit universels, soit
à titre universel (c’est-à-dire pour partie) , ni comme léga
taires particuliers, ni comme donataires entre-vifs ou à cause de
m ort, ni comme cessionnaires à titre onéreux, ni enfin comme
créanciers chirograpliaircs ou hypothécaires, quelqu’intérêt que
ces différentes classes d’ayants-cause pussent avoir à ce que la
réunion effective à son patrimoine des biens donnés et réservés
leur en eût assuré la conservation; alors en effet, au moyen du
prédécès de ceux dans la personne desquels seulement le retour
auroit pu s’opérer , toute réunion au patrimoine du stipulant
seroit devenue impossible.
Ainsi le sieur Delsol se serait interdit, pour ce cas particulier,
toute espèce de disposition, tant des biens donnés que des biens
réservés, et par conséquent de tous ceux q u i, lors de son dér
' ces, auroient pu composer son patrimoine , quoique tous fus
sent stipulés réversibles, si sa fille décédoit sans enfants, ou si
les enfants de sa fille (lécédoient eux-mêmes sans descendants :
�( ^3 )
or assurément, le cas arrivant que sa fille décédât après lui sans
enfants (comme il arrivera bien certainementJ, ou que les en
fants de sa fille décédassent après lui et leur mère sans enfants ,
comme il étoit alors très possible, il étoit bien plus naturel qu’en
ce cas tous ses biens stipulés réversibles retournassent et se réu
nissent à son patrimoine en faveur de ceux qui y auraient in
té rêt, et qu’à cet eifetle retour fût stipulé par une clause gé
nérale , c’est-à-dire à la masse de sou patrimoine , plutôt qu’à
lui-même et a u x siens personnellement, à l’exclusion de tous au
tres ayants-cause ; car n’y ayant encore alors personne qui pût
l’intéresser, au défaut de sa fille et des enfants de sa fille ou de
leurs descendants (puisqu’il n’avoit pas encore d’autres successibles que des collatéraux fort éloignes qu’il ne conuoissoit même
pas ) , il devoit préférer tous les autres ayants-cause qu’il pouxroit avoir, ou se créer à lui-même, à ceux de sa fille décédante
sans enfants, qui ne pouvoient que lui être étrangers, si lui^
m ê m e restoit en viduité. C’est même probablement par cette
raison qu’il a interdit très expressément à sa fille toute, disposi
tion préjudiciable au droit de retour qu’il stipuloit par une
.clause générale et sans aucune limitation ; et s’il n’a pas étendu
cette prohibition aux enfants de sa fille, lors même qu’ils dé
céderaient après lui et leur .mère sans descendants d’eux (quoi-,
qii’en te cas ils fussent pareillement grevés du retour à son pa
trimoine, tant pour les biens donnés que pour les biens réservés) ;
si même au contraire il leur a permis audit cas toute disposition
des biens on question ; si enfin il a stipulé à cet effet que ledit
.retour a sou patrimoine n’auroit lieu qu’autant qu’ils seraient
.décédés sans descendants d’eux, et sans avoir disposé, c’est
évidemment pareeque (à la différence de leur mère , sa fille ,
,qui dans le cas où elle survivrait à son père décédé en viduité.,
«
�( »4 )
_
ne pouvoit avoir pour succcssibles que des collatéranx fort éloi
gnés , et peut-être même inconnus) eux au contraire, décédant
ensuite après leur mère et sans descendants d’eux , avoicnt du
moins pour succcssibles , à défaut du sieur Delsol leur aïeul
maternel, d’autres parents très proches dans la personne de
leurs oncles paternels, frères de leur père; alors en effet le sieur
Delsol n’avoit aucune raison suffisante d’empêclier que les en
fants de sa fille, décédant sans enfants après lui et après leur
mère, pussent disposer des biens dont il stipuloit la réversion;, car
ces mêmes enfants ayant audit cas pour succcssibles des oncles
paternels, ou leurs enfants, le sieur Delsol pouvoit facilement
supposer que les enfants de sa fille ne seroient pas tentés de dis
poser au profit d’étrangers , au préjudice de parents aussi pro
ches , et que , s’ils usoient de la liberté qu’il leur laissoit de dis
poser , ce ne seroit qu’en faveur de ceux de ces parents dont la
position particulière exigerait qu’ils fussent plus avantagés que
les autres.
III. I l n’en étoit p a s du retour stipulé p a rla mère du fu tu r,
comme de celu i stipulé par le sieur D elsol.
Il n’en étoit pas de même du retour stipulé par la mère du
futur pour elle et les sien s> en cas de décès de son fils sans en
fants , ou des enfants de son fils sans enfants et sans avoir dis
posé ; en effet, la mère du futur ayant , lors du mariage de son
fils, plusieurs autres enfants, né pouvoit penser qu’h assurer à
ces autres enfants le retour des biens qu’elle donnoit au futur ,
son fils , si celui-ci decedoit sans enfants , ou si ces enfants décédoient eux-mêmes sans descendants : or il lui sufllsoit à cet
effet de stipuler le retour pour elle et les siens personnellement,
�( *5 )
c’est-à-dire à l’exclusion de tous autres ayants-cause; et cepen
dant de laisser non seulement aux enfants de son fils , mais à
son fils lui-même, la liberté de disposer ; n’étant pas à présumer
que celui-ci, s’il n’avoit pas d’enfants, voulût user de cette fa
culté au préjudice de sa propre mère , ou de ceux qu’elle appeloit les siens (frères, sœurs, neveux ou nièces de sonditfils),
si ce n’est en faveur de ceux d’entre eux d o n t, comme il vient
d’être d it , la position pourroit exiger qu’ils fussent plus avan
tagés que les autres. E t c’est aussi tout ce que le mandataire de
la dame veuve d’Orcet, porteur de sa procuration rédigée à Mau
riac , et comparant pour elle au contrat de m ariage, étoit
chargé de stipuler, sans pouvoir s’en écarter, ni y rien changer. ,
IV . Peut-être le sieur D e ls o l auroit-il stipulé le retour dans
la même form e que la mère du fu tu r, s 'il avoit é té dans le
m êm e cas.
Il en auroit peut-être été de même de la stipulation du sieur
Delsol père , s’il avoit été dans le même cas ; mais n’ayant pour
lors d’autre enfant que la future, s’il avoit restreint de même
à sa personne et a u x siens le retour qu’il stipuloit, cette res
triction auroit eu l’inconvénient d’annoncer des espérances d’a
voir d’autres enfants d’un second mariage ; et quoiqu’il ne pen
sât peut-être pas alors à se remarier , il auroit au moins donné
lieu par-là au futur et à la famille du futur d’exîgëFdè lui qu’a
vant tout il s’expliquât sur ce point. Q ui sait même s’il n’auroit
pas fallu leur donner des assurances positives que ce qu’ils pouvoient craindre n’arriveroit pas ?
D ailleurs il pouvoit très bien se faire que, le cas prévu du re
tour arrivant, il n’existât aucun parent successible du sieur
�( *6 )
Delsol père capable de le représenter, ou qu’il n’y en eût que
de très éloignés qu’il n’auroit jamais connus; et c’est même ce
qui serait nécessairement arrivé, s’il étoit resté veuf : or il étoit
bien naturel qu’il pû t, au moins pour ce cas particulier, se don
n e r par a c t e s entre-vifs ou de dernière volonté, à titre gratuit
ou onéreux , tel successeur universel ou singulier, qu’il jugeroit
«Hpropos, à l’eiTetde recueillir , emtout ou partie, le bénéfice
du retour en question.
Il devoit donc, comme il ¡l’a fait, se réserver le retour par une
stipulation générale , de manière que le cas prévu arrivant, en
quelque temps que ce f û t , de son vivant ou après sa m o rt, il
y eût lieu au retour in rem , ou k Son patrimoine, en faveur de
ses ayants-cause, ou de qui de droit, et non pas seulement à sa
personne ou a u x s ie n s , à l’exclusion de tous autres ayantscause, le tout sans que la donataire, sa fille, pût préjudicier
ou déroger à ce di’oit de retour par aucune disposition.
-
-
V . L e s prem iers ju g e s ont supposé que la personnalité d elà
stipulation du retour par le sieur D e ls o l résultoit de la dé
fe n se qu’il a fa ite à sa fille d’y déroger. Combien cette
supposition est absurde /
Cependant, s’il faut en croire les premiers juges, la défense
faite par le sieur Delsol père à la dame d’O rcet, sa fille, de dé
roger a u droit de retour qu’il stipuloit, prouveroit au contraire
qu’il ne l’a stipulé que pour lui personnellement, n’étant pas
présumable , disent-ils , qu’il mît sa f ille (lors unique) dans
un tel état dinterdiction (pour le cas où elle décèderoit sans
enfants; car c’cst de ce cas uniquement qu’il s’agit) , et ce en f a
veur de parents éloignés avec lesquels il n’avoit aucune re-
�( 27 )
lation , que les parties même ne connoissoient p a s , a in si
que la dame d ’ O rcetl'a plusieurs fo is dit et é c r it, sans que
c e fa it ait é té désavoué.
' Il auroit donc été bien plus convenable, suivant eux , que le
sieur Delsol père se mit lui-meme dans l’interdiction , et ce en
faveur des étrangers que sa fille, décédante sans enfants, jugeroit à propos de préférer h. tous les ayants-cause qu’il se seroit
créés à lui-même , ou à ceux qui (comme il pouvoit arriver, et
comme il est arrivé effectivement) lui seroient survenus : or
on sent combien est absurde une pareille supposition.
V I. L ’institution contractuelle de la dame d 'O rce t} q u i, sui
vant les prem iers ju g e s , prouverait la personnalité de la
Stipulation du retour p a r le sieur D e ls o l son p è r e ,
• en démontre au contraire la réalité.
Enfin , suivant les mêmes, ladimitation du retour dont il s’a
git à la personne du stipulant résulterait s u r - t o u t d e l a
circonstance que le sieur D e ls o l, après avoir fa it à sa
f il le une donation entre-vifs, l ’a instituée en même temps
son héritière universelle ; e n e jfe t , ajoutent-ils, il seroit ab
surde de supposer qu’il eût fa it et voulu fa ir e } contre cette
héritière , une réserve qui ne devoit et ne pouvoit p r o f i t e r
q u ’à elle-m êm e, puisqu’en admettant là t r a n s m i s s i b i l i t é d u
retour} cette transmission'ne pouvoit a v o i r lieu qu en fa v eu r
de cette m êm e héritière.
'
Mais ils supposent par-là que l’institution contractuelle de
la demoiselle Delsol par son père est- une institution pure et
simple , q u i, une fois ouverte au profit de l’instituee par le pré
décès de l’instituant, ne pouvoit cesser en aucun temps d’avoir
�'
( ,8 )
^
tout son effet, qu’en un mot cette institution n’étoit affectée
d’aucune condition résolutoire , tandis qu’au contraire cette
même institution ( qui à la vérité ne pouvoit être révoquée
par aucun acte postérieur ) devoit cependant se résoudre de
plein d ro it, comme la donation, par le seul fait du décès de
l’instituée sans enfants , ou de ses enfants sans descendants et
sans avoir disposé ; car c’est ce qui résulte textuellement de la
clause par laquelle le sieur Delsol ( après avoir promis de n’ins
tituer d’autre héritier que la future sa f ille dans les autres
biens ( non donnés ) qui se trouveront lui rester lors de son
d é c è s) s’est réservé , (pour le cas où ladite future saillie décèderoit sans enfants , ou ses enfants sans descendants, ou sans
avoir valablement disposé ) , le droit de réversion et retour,
tant des biens donnés que réservés , sans q u il puisse être
dérogé par sadite f i l le audit droit de réversion par aucune
disposition, n i autre acte à ce contraires. O r , bien loin que
cette clause puisse faire présumer la personnalité du retour sti
pulé par le sieur Delsol père , comme le prétendent les pre
miers juges , la vérité est au contraire qu’il en résulte une
nouvelle preuve de sa transmissibilité ; et cela , quand même on
voudrait ne comprendre dans la classe des biens réservés dont
la réversion est nommément stipulée , que ceux non donnés
qui existoient pour lors , et qui lui seraient restés lors de son
décès , à 1 exclusion de tous ceux qu’il aurait acquis depuis sa
stipulation \ car enfin il est bien évident que le droit de retour
(qui pouvoit s’ouvrir pendant la vie du stipulant pour les biens
qu’il donnoit) ne pouvoit s’ouvrir qu’après sa m o rt, pour les ,
biens réservés , soit que (comme on n’en peut douter) il ait
entendu désigner par biens réservés ce qu’il appelle dans lemême acte les biens institués (c’est-à-dire la totalité de ceux
�( *9 )
non donnés qui Iuiresteroient lors de son décès, et généralement
tous scs biens, à l’exception des biens donnés, èt de ceux qu’il
auroit depuis vendus ou engagés), soit même , qu’il n’eut en
tendu comprendre sous cette dénomination que ceux des biens
non donnés qu’il possédoit lors du contrat de mariage de sa
fille et qu’-il auroit conservés jusqu’il sa mort.
E t qu’on ne dise pas , comme l’ont fait les premiers juges ,
que les m ots, biens réservés, ont échappé à Tinadvertance
du réd a cteu r, qui (suivant eux) ti avoit que les notions les
plus obscures sur la nature et les effets des institutions
contractuelles y car ce sont bien plutôt les premiers juges
eux-mêmes q u i, comme on l’a pu voir déjà , et comme 011 le
verra encore plus particulièrement ci-après , sont dans le cas
qu’on leur fasse ce reproche 5 et au surplus , quoi qu’il en soit,
ils ont bien prouvé par-là qu’il étoit absolument impossible ,
malgré toutes leurs subtilités, et pour ainsi dire leurs tours de
force , de restreindre aux biens donnés un retour stipulé pour
les biens tant donnés que réservés. Il faudra donc toujours
en revenir à dire que le retour des biens réservés (q u i, dans
tous les cas , sont nécessairement des biens non donnés), ne
pouvant s’ouvrir avant la mort du stipulant,. étoit bien cer
tainement transmissible à ses héritiers ou autres ayants-cause
or, il devoit en être de même du retour des biens donnés, puis1
qu’il est stipulé par la même clause et dans les mêmes termes.
V II. Lorsque le retour s’ouvrira par le fa it du décès de la
dame d ’ O rcet sans enfants , son institution contractuelle
sera comm e non'tivenue.
Peu importe enfin que la dame d’O rccl, en sa qualité d’hé-
�( 3o )
îilère instituée contractuellement, soit quanta présent la seule
représentante de son père. Du moment que le retour s’ouvrira
par le fait de sou décès sans enfants, elle n’aura plus été héri
tière contractuelle , attendu la clause résolutoire apposée à son
institution. A lo rs, en effet, il sera vrai de dire qu’elle n’aura
été qu’héritière ah intestat de son père, concurremment avec
ses frères, c’est-à-dire pour partie seulement; et par consé
quent elle n’aura laissé dans sa succession , à ses ayants-cause,
quels qu’ils puissent ê tre , que sa part afférente dans tous les
objets dont la réversion.au patrimoine de son père aura eu lieu
par le fait de son décès sans enfants.
Il est vrai , comme l’observent les premiers juges , qu’en
droit romain une institution d’héritier par testament (autre
que celui fait ju r e militari) n’auroit été susceptible d’aucune
limitation ou résolubilité, quand même cet héritier testamen
taire n’auroit été institué que e x re certd, ou pour une certaine
quotité , telle que la moitié ou le tiers de l’hérédité, ou à
compter de tel temps , ou enfin: jusqu’à, tel temps; qu’en effet
l’héritier ainsi institué par testament valable , étant seul insti
tué , auroit é té, de droit,, héritier pour le to u t, pour tous
les cas et pour tous les temps , sauf seulement les droits des légitimaires ; mais c’est pareeque chez les Romains personne ne
pouvoit mourir parti/n te status, partim intestatus (à moins
qu’il n’eut teste ju re m ilitari) ; car , comme l’observe Pérez en
ses Institutes impériales, e x institutione hceredis ad certum v e l e x certo tempore fa cta sequeretur quod quis deced erep o sset, pro parte te sta tu s, et p ro p a rte intestatus.
�( 3i )
V III. L e s institutions contractuellesy inconnues ch ez les Ro
mains , n’ont rien de commun avec leurs institutions tes
tamentaires.
•
«
Il n’en est pas de même des institutions contractuelles abso
lument étrangères au droit romain, et qui cependant ont été
admises dans les ci-devant provinces dites de droitécrit, comme
dans tout le surplus de l’ancienne France \ en effet, suivant
tous nosauteurs (quoi que disent au contraire les premiers juges),
ces institutions d’héritier par contrats ne ressemblent aucune
ment aux institutions testamentaires des Romains , si ce n’est
à celles faites ju r e m ilitari, ou à leurs legs universels , soit aux
legs de toute l’hérédité ou de tous les biens, soit aux legs de
partie de l’hérédité ou de partie des biens, partis etpro p a rte,
(que notre Code civil qualifie legs à titre universel), avec cette
différence seulement qqe nos institutions contractuelles, d’ori
gine française et absolument inconnues clicz les Romains, sont
irrévocables comme tenant de la nature des contrats, tandis
que les legs et autres dispositions testamentaires de toute es
pèce peuvent toujours être révoquées par le testateur jusqu’à
son décès.
IX . A utrem ent elles ne pourroient ja m a is avoir lieu pour
partie , tandis q u e, suivant P o th ie r , elles ont lieu in
contestablement pour partie comme pour le tout.
S’il en pouvoit être autrem ent, il faudroit aller jusqu’à dire
que l’institution contractuelle pour partie des biens ou de 1 hé
rédité, ou même seulement pour quelques uns des corps certains
qui la composent, auroit l’effet d’une institution universelle
pour toute l’hérédité ; car c’est ce qui résulterait du principe
�( 3a )
posé par les premiers juges (dans le second attendu de leur troi
sième question), que Tinstitution contractuelle form e un v é
ritable héritier q u i N E DIFFÈRE QUE DE N O M DE £ HÉRITIER
t e s t a m e n t a i r e (des Rom ains), q u a n t a i ’ u n i v e r s a l i t é
*
9'
f
9 *
t
d u t i t r e : or personne jusqua présent navoit ose mettre en
avant une hérésie aussi monstrueuse, et il étoit réservé aux pre
miers juges d’en faire la base de leur jugement.
Il leurauroit cependant suffi, pour se garantir d’un pareil écart,
de consulter sur cette matière jios auteurs élémentaires, tels
que Polluer, dans son introduction au titre 17 de la coutume
d’Orléans. Ils y auroient vu , par exemple, à la fin du n° 17 de
l’appendice de cette introduction, que l’institution contractuelle
y est définie la donation que quelqu’un fa it de sa succession
en tout ou e n p a r t ie , p a r contrat de m ariage, à l’une des
'
parties contractantes} ou a u x enfants qui naîtront du fu tu r
mariage y au n° il\ du même appendice, que de m êm e que la
succession testamentaire dans les provinces oh elle est ad
m ise y fa it cesser la succession légitim e et a b i n t e s t a t ,
de m ême la succession contractuelle fa it cesser la su cces
sion légitime ou ab intestat pour le total, lorsque l ’héritier
contractuel a été institué héritier pour le total, ou po u r l a
p a r t ie p o u r l a q u e l l e il a é t é i n s t i t u é ; d’où il conclut, à la
fin dudit n° 24 > que, lorsque l’héritier contractuel étranger
a é té institué s e u l e m e n t po u r u n e p o r t i o n , p u t a p o u r
LA MOITIÉ , il succède a u x propres , de m êm e qu’a u x au
tres b ie n s, pour l a p o r t i o n p o u r l a q u e l l e i l a é t é i n s
t i t u é , et que l ’héritier l i g n a g e r ab intestat « y succède que
pour cette m oitié y et ensuite au n» 25 qui suit, que Tenfant
héritier contractuel de so n p e re , pour u n e c e r t a in e p o r
t io n , PUTA. POUR UN TIERS OU POUR UN QUART, n ’e ST PAS
�(33)
OBLIGÉ E N V E R S SES FRÈRES E T SOEURS, HÉRITIERS LÉGITIMES
E T AB
INTESTAT
POUR
LES A U TR E S P O R T IO N S , CM
rapport
de ce qui lu i a é té donné ou légué par son père.
X . D an s les pays de droit écrit elles ont lieu pour partie et
par conséquent ad tempus ou ex tempore, vu sur-tout
q u elles y sont considérées comme de véritables dona
tions entre-vifs.
.
Dira-t-on qu’il n’en étoit pas de même dans nos provinces cidevant régies par le droit écrit ? Mais s’il est vrai, comme le
dit Laurières (au sommaire du n° 23 du chapitre premier de
son Traité dès institutions et substitutions contractuelles), que
ces institutions ont pris leur origine des lois romaines q u i
perm ettaient a u x soldats i n p r o c i n c t u de s'instituer héri
tiers par des pactes réciproques de succéder, il en résultera
nécessairement que les institutions contractuelles, comme les
legs universels , ou à titre universel, peuvent avoir lieu, même
en pays de droit écrit, ou pour un temps seulement, ou à par
tir de tel temps, ou pour partie seulement de l’hérédité ou des
biens , ou même pour un tel corps héréditaire , etc. ; car as
surément 011 ne pouvoit pas appliquer à celui qui testoit ju re
m ilita ri, la règle : Nerno potest decedere partim testatus
partim intestatus.
C’est ce qui résultera pareillement de ce que dit et répète
souvent le même auteur , notamment au n° a3 de son chap. 3 ,
et au chap. /|, nos 8 et suivants , que les institutions contraç tuelles y en pays de droit écrit, sont réputées vraies dona
tions entre-vifs~de biens présents et à ven ir, par lesquelles
Finstituant s'interdit la fnnulté de disposer non seulement
�( 34 )
a titre gratuit, mais même à titre on éreu x, par ven te, hy
pothèque ou autrement s i ce n’est pour pressante et ur
gente n écessité y car on conviendra sans doute que les dona
tions peuvent se Hure pour n’avoir effet que jusqu’à tel temps,
ou ù compter de tel temps, etc. E t il faut bien que le sieur Delsol pèrç, reconnu pour procureur très instruit, ait eu connoissance de cette jurisprudence, puisqu’il a cru devoir se réserver
l’usufruit de ce qu’il appelle les ¿tiens institués (c’est-à-dire de
ceux pour lesquels il inslituoit sa fille son héritière contrac
tuelle) , ainsi que la faculté de pouvoir les vendre ou engager.
X.I. L ’héritier institué contractuellement ne pourroit être
a ssim ilé , suivant Laurières , même en pays de droit
écrit > qu’à lliéritier des Romains institué in castrensibus,
qu
jure militari.
Si donc ,on vouloit absolument assimiler l’héritier institué
contractuellement à l’héritier institué du droit romain, ce ne
pourroit être au moins qu’à l’héritier institué in castrensibus,
ou par testament fait ju re m ilitari, qu’il faudroit le comparer ;
et c’est aussi cc qu’a fait Laurières au n° i 56 dudit chap. 4 > où
il remarque que , quoiqu’il y eût accroissem ent de l ’institué
i n bo n is ÇyiSTKHNSiBUs a Théritier a b in t e s t a t du sold at,
i l n’y avoit p a s accroissem ent de l’héritier a b in t e s t a t ,
quand il répudioit, lï l ’héritier institué i n ca str en sibu s ;
après quoi il ajoute : E t , par la même raison, il n’y apas a c
croissement parm i nous de Théritier ab intestat à Théritier
contractuel, ou dùlégataire universeldiineportion de biens,
(qutiiqu’i l y ait accroissem ent du légataire universel, ou de
Fhéritier contractuel, d’une portion de biens ou de succès-
�( 35 )
s ion , à Théritier ab intestat) , parcec/ue, comme on Fa d it ,
l ’héritier ab intestat est héritier solidairement de tous les
biens du d é fu n t, au lieu que l’héritier contractuel, ou le lé
gataire universel, n’étant supposé successeur q u e d ’ u n e
p a r t i e s e u l e m e n t , il ne peu t rien prétendre a u -d e l a d e
l a p a r t i e q u i l u i e s t d o n n é e , l’usage étant certain par
mi nous que chacun peut mourir p a r t i m t e s t a t u s , p a r
t i m i n t e s t a t u s , com m e les soldats romains y car, comme
le remarque très bienLoisel (liv. 2, t. 5 , règle a i , de ses Ins
titutes coutumières), nos Français comme gens de guerre ont
reçu plusieurs patrim oines, et divers-héritiers, d’une même
personne : or il faut convenir que ces propositions sont toutes
précisément les contradictoires de celles que les premiers juges
ont cm nécessaire* de consigner dans les motifs de leur jugement,
pour le justifier autant qu’il étoit eh eux.
X II. I l résulte évidemment de tout ce que dessus que le
sieur D e lso l a stipulé un retour à son patrimoine in rem ,
et qu’au contraire celu i stipulé par la mère du fu tu r étoit
personnel à elle et aux siens.
Tout ceci posé , il doit maintenant demeurer pour constant
et suffisamment démontré, que si l’on voit, dans le même con
trat de mariage, d’un côté, le sieur Delsol père se réserver, par
une clause générale , le droit de réversion ou retour pour le
cas du décès de sa fille sans enfants , ou des enfants de sa fille
sans descendants , avec stipulation expresse que sadite fille ne
pourroit déroger h ce droit de retour par aucunes dispositions ,
ou autres actes à ce contraires, et cependant, que les enfants de
sadite fille , pareillement grevés dudit droit de retour pour le
�( 36 )
_
_■
_
cas de leur décès sans descendants, pourroient faire telles dis
positions qu’ils jugeroient à propos ; si en même temps on y
voit d’un autre côté la mère du fu tu r, qui stipuloit le retour
pour elle et les sie n s , en cas de décès de son fils sans enfants,
ou des enfants de son fils sans enfants, ne point défendre à son
fils de déroger audit droit de retour par aucunes dispositions ,
mais au contraire laisser aux enfants de son fils et k son fils luiijnême toute liberté à cet égard , ce n’est pas, comme l’ont sup
posé les premiers juges dans leurs motifs, que les contractants
aient entendu restreindre au sieur Delsol père personnellement
le retour qu’il stipuloit, et cependant assurer à tous les ayantscause de la mère du futur le retour qu’elle se réservoit. Leur in
tention au contraire étoit évidemment, à raison de la différence
des circonstances où chacun se trouvoit pour lors, que le retour
stipulé par le père de la future eût lieu généralement comme
retour ou réversion in rem h son patrimoine, en faveur de tous
ceux qui auroient intérêt à ce que son patrimoine fût conservé
dans son intégrité , mais que celui stipulé par la mère du futur
fût seulement personnel à elle et a u x siens.
X III. Princip es élém entaires sur la transmissibïlité de tou
tes stipulations conditionnelles, tant suivant le droit ro
main que suivant le Code N apoléon. L a présomption lé
gale de leur r é a lité ne peut être balancée que par des preu
ves écrites dans la clause même de leur p e r s o n n a l i t é .
Voilà ce que les premiers juges auroient vu dans les stipu
lations de retour dont il s’a g it, s i , au lieu de s’arrêter à de pré
tendues conjectures toutes insignifiantes qu’ils ont entassées
sans mesure, comme s a n s discernement, dans leurs motifs, ils,
�('37 )
avoient considéré , ainsi qu’ils le devoient, que la stipulation
de retour dont il s’agit est une de celles dont le vrai sens, dé
terminé par la loi même , n’a jamais été abandonné à l’interpré
tation arbitraire des juges, et qu’au surplus, comme ils en con
viennent eux-mêmes dans leurs motifs, toute stipulation de re
tour est, de droit, transmissible aux ayants-cause du stipulant,
lorsque celui-ci ne l’a pas limité à sa personne.
A la vérité , ils supposent en même temps que cette limita
tion est de droit, et qu’elle doit se suppléer lorsqu’il n’a rien été
dit de contraire; mais ils ignorent donc, ou feignent d’ignorer,
que tout au contraire les lois, tant anciennes que nouvelles,
ont érigé en présomption légale, à laquelle on ne pourroit op
poser aucune autre espèce de présomption ou conjecture, celle
résultante de ce que le stipulant n’a pas exclus, en termes ex
près, du bénéfice de sa stipulation conditionnelle, et de celle de
retour en particulier, ses héritiers ou ayants-cause.
? Cependant ils ne pouvoient méconnoitre cet adage si sou
vent rappelé dans les livres élémentaires, tels en particulier que
les Institutos, et aujourd’hui consacré en tant que de besoin par
le Code Napoléon, que le bénéfice des stipulations condition_nelles se transmet nécessairement.aux ayants-cause du stipulant
décédé avant l’événement de la condition : E x stipulalione
conditionali tetntum spes est dcbitum i r i , eanxquê ipsani
spem in hœredem transniittimus, sipriusquàm conditio e x
tet mors nobis contingat. Inst., p. 4, D e verb. oblig. Ciun
quis sub coiulitione stipulatus f u e r it , licet cuite conditionem decesserit, postea existente conditione hceres ejus
agerepotest. Inst. , p. a 5., D e inutil, stipul.
Ils auroient du savoir au moins que , suivant l’article 117Q.
du Code Napoléon , la condition accomplie a un effet ré-
�( 38 )
^
t.ro a c tif au jo u r auquel 1engagement a étécon tra cté, et que}
s i le créancier est mort avant Iaccom plissem ent de la con
dition y ses droits passent à son héritier. Qu'ainsi, comme
le décide l ’article i i a a dudit Code, on est ce n s é avoir stipulé
pour.ses héritiers et ayants-cause , à moins que le contraire
ne soit e x p r i m é , o u j n e r é s u l t e d e l a n a t u r e m ê m e d e l a
c o n v e n t i o n (comme, par exemple, parcequ’il s’agiroit d’un
droit d’usufruit ou d’usage, ou de tout autre droit personnel au
stipulant, mais non pas bien certainement, comme l’insinuent
les premiers juges, parceque quelques circonstances pourroient
donner lieu de le faire soupçonner.) Enfin, ils auroient dû con
clure de là que l’ayant-cause du stipulant, quel qu’il s o it, et en
quelque temps que la condition arrive, n’a point à prouver que
son auteur a voulu stipuler pour ceux qui le représenteroient
lors de l’arrivée de la condition -, qu’en un mot c’est à celui qui
je prétend exclus par la stipulation, à le prouver, c’est-à-dire,
suivant l’article 1 1 1% dudit C ode, à prouver que cette exclusion
est écrite dans la stipulation même. Quamvis verum est quod
qui excipitprobare debet quod excip itu r, attamen de ipso
d u n ta xa t, a tn o n d e hœrede ejus convertisse, p e tito r , non
qui e x c ip it , probare debet. Leg. 9 , ft'. D e prob. et prœs.
Q u’en e f f e t , il y a en ce cas présomption vraiment légale ,
ju r is et de ju r e , que la stipulation est in rem , et non pas
limitée à la personne du stipulant, comme le soussigné l’a déjà
d é m o n t r é dans sa Consultation précédente, délibérée le 27 juin
1806 , et comme il l’avoit démontré avec bien plus de déve
loppement encore dans son Précis (ci-joint), imprimé en 17G7,
pour les sieurs Lliéritier , Fourcroi et consors , contre le mar
quis de Mesme , et sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du
17 lévrier même année : or une présomption de cette espèce ,
�^
( 3cj )
contre laquelle on ne doit admettre aucune présomption con
traire, ne pourrait être balancée ou détruite que par des
preuves positives et bien formelles, evidentissimis et in scriptis habitis , comme le dit la loi a 5 , p. 4 > in f in e , ff. D e
pvob. et prœs.
Il faudrait donc démontrer par écrit, c’est-à-dire, comme le
porte ledit article 112 2 , par les expressions mêmes de la stipu
lation, que celui qui a stipulé sous condition (quoiqu’il n’ait
pas parlé de ses ayants-cause ) a cependant témoigné vouloir les
exclure, ayant par exemple déclaré expressément ne vouloir
stipuler que pour le cas où il survivrait à l’événement de la con
dition.
Autrement, et a défaut de preuve écrite de cette espèce , il
sera toujours censé, comme Te dit V iunius, a d rem fam iliarem respexisse , c’est-à-dire avoir voulu acquérir, ou con
server, ou reprendre, et avoir en pleine propriété ( le cas de la
condition arrivant, en quelque temps que ce fût) , ce qui fait
l’ objet de sa stipulation conditionnelle, le tout a l’effet de'pou
voir disposer librement par actes entre-vifs ou à cause de mort
du droit éventuel qui en résulte, comme de tous ses autres
droits, soit ouverts, soit seulement éventuels : or tel est le cas
où s’est trouvé le.sieur Delsol père , qui, en stipulant un droit
de retour auquel sa fille ne pourrait déroger par aucunes dispo
sitions (quoique les enfants de sa fille le pussent) n’a exclus
aucun de ses ayants-cause du bénéfice de sa stipulation.
�( 4o )
X IV . Preuves par le testament du sieur D e lso i, et par les
consultations qu’il avoit p rises d'avance sur ce point, qu’il
étoit bien convaincude la r é a l i t é de sa stipulation.
Aussi voit-on que le sieur D elsol, toujours bien convaincu de
la réalité de son droit en a disposé par testament peu de_ jours
avant sa m ort, comme d’un droit vraiment reelTra rem , quoi
que ce droit purement eventuel ne dût s’ouvrir, suivant toutes
les apparences, qu’après sa mort et même bien long - temps
après.
Effectivement par ce testam ent, après avoir institué son fils
aîné et successivement ses autres enfants, par ordre de primogéniture, ses héritiers universels, il avoit déclaré -vouloir e x
pressém ent que, dans le cas ou la dame Jeanne-M arie D elsol,
épouse du sieur de V i g i e r , viendroit à décéder sans en
fa n ts ou descendants , son héritier recueille et profite du
droit de réversion , par lu i stipulé dans le contrat de ma
riage de sa f ille avec ledit sieur de V ig ie r , etc. E t si ses
dispositions à cet égard n’ont pu recevoir aucune exécution, c’est
uniquement pareeque le testament a été déclaré nul pour vice
de forme. Comment en effet auroit-il pu douter un instant de
son d ro it, lui qui savoit bien n’avoir pas limité sa stipulation
au cas de sa survie , et qu’il ne s’agissoit pas d’un droit d’usu
fruit ou d’usage, ni d’aucun autre droit personnel de sa nature ?
Il avoit bien présumé cependant que sa fille , en cas qu’elle
lui survécût, prétendrait le retour éteint par le seul fait de sa
survie, et qu’alors elle s’opposerait à l’exécution de toute espèce
de disposition qu’il aurait cru devoir en fairè, pour le cas où. il
s’ouvriroit en quelque temps que ce fut.
Eu conséquence il avoit pris dès l’année 1 7 7 1 , neufans avant
�'
( 4 0
sa mort, (un mois avant son second mariage) la précaution de con
sulter M. Chabrol, jurisconsulte de Riom, regarde pourlors à bien
juste titre comme l’oracle de la province*, et ce jurisconsulte, quoi
qu’il ne connût pas encore l’arrêt de 1767 quia fait cesser tous les
doutes sur ce point, avoit répondu par sa consultation du a/j. sep
tembre 17 71 ( conformément à laTdecîsîôn'IIeTIenrys sur sem
blable espèce) que M. Delsol ayant stipulé le retour, en cas de
décès, non seulement de sa fille, mais des enfants de sa fille sans
descendants (comme il n’étoit pas vraisemblable qu’il eût entendu
survivre aux enfants de sa fille et à leurs descendants, et qu’il eût
étendu si loin sa pensee; comme d’ailleurs il est de principe que
les stipulations son cemeèTTaTtës7tant pour les stipulants que
pour leurs héritiers ou ayants-causc), il devoit être supposé
avoir éntendu que cette réserve et convention slFt^iJdrdïérit
bien loin , et pouvaient durer encore après lui.
,
Il en a été de même de MM. A u d râ ^ e jeune , u jjytteeet
Ducrochet, jurisconsultes distingués de Riom , qu’il a encore
consultés les 1 5 décembre 1*778 et 2 janvier 1779, plus d’un an
avant sa m ort, et q u i, en lui faisant la même réponse, l’ont '
appuyée de nouvelles autorités notamment de celle de l’arrêt
solennel de 1767 , qu’ils présentent comme ayant levé tous les
doutes sur ce poin t, s’il pouvoit y en avoir encore.
X V . E n vain voudroit-on assim iler la stipulation du retour.
in rem a unJidéicom m is.
Mais, disent encore les premiers juges (dans le septieme at
tendu de leur première question), la clause par. laquelle le
sieur D e lso l a voulu fa ire rentrer dans sa fa m ille, après son
décès et celu i de sa f i l l e , les biens réservés ou institués, ne
(>
«
>
�.
.
(4 °
.
pourvoit être envisagée que comme une cliarge de fid éico m i
m is, comme une véritable substitution dont il aurait voulu
grever sa f ille , et laquelle seroit abrogée par lés lois du
i 4 novembre 1792. Ainsi ils supposent que le retour dont il
s’agit seroit un retour à la fa m ille du sieur Delsol en particu
lier , à l’exclusion de tous ses autres ayants-cause, tandis que
dans le fait c’est un retour indéfini et illimité à son patrimoine,
et par conséquent à ses ayants-cause, quels qu’ils puissent être,
c’est-k-dire un retour k lui-même, dans la personne de ceux qui
à son défaut le représenteront pour les choses sujettes à ce droit,
lors de son ouverture. O r , certainement on ne pourra jamais
concevoir que le retour a son patrimoine, ou à soi-même, soit
une véritable substitution fidéicommissaire. Il faudroit au moins,
pour constituer une telle substitution, que ce retour eût été
stipulé en faveur de tiers, autres que les représentants néces
saires du stipulant, pour venir en second ordre après celui qu’il
a gratifié directement; ou si l’on veut encore, au profit du
moins d’une classe particulière et déterminée de ses représen
tants et ayants-cause , à l’exclusion de toutes les autres classes ,
comme j par exemple , au profit des siens seulement.
Il ne peut pas en être de même du retour indéfini stipulé par
une clause générale, sans aucune espèce de limitation, tel que
celui stipulé par le sieur Delsol père, à raison des circonstances
• particulières où il se trouvoit, comme on l’a vu ci-dessus ; en
effet, il y a cette différence entre le retour conventionnel et la
substitution fidéicommissaire, que le retour général et indéfini,
apposé pour tel cas, à une convention quelconque, même à
celle de succéder , la résout, et fait rentrer , le cas arrivant,
tous les biens dont il avoit été disposé sous cette condition, par
donation ou institution , dans le patrimoine du stipulant, pour
/
�(43)
les remettre entre ses m ains, ou à son défaut dans celles de ses
représentants, qui ne sont à cet égard et pour ce qui concerne
cet objet que la continuation de sa personne. Aussi voit-on que
la loi du 17 nivose an 2 (quoique les substitutions fidéicommissaires fussent alors abrogées) a conservé les retours convention
nels dans leur intégrité, et qu’en conséquence la Cour de cas
sation, par son arrêt du 11 frimaire an 14 (dont le soussigné a
rendu compte dans sa Consultation de 1806) , a maintenu un
droit de retour indéfini et illimité, comme n’ayant rien de com
mun avec la substitution fidéicommîssaire, quoique son ouver
ture n’eût eu lieu que plus d’un siècle après le décès du donateur
qui l’avoit stipulé.
X V I. D e V exposé ci-dessus résulte la solution des trois
questions posées p a r les prem iers ju g es.
De tout ce qui vient d’être exposé résulte incontestablement
la solution de la seconde des trois questions posées par les pre
miers juges , qui étoit de savoir si la réserve de retour stipu
lée par le sieur D e ls o l père étoit lim itée à sa person n e, et
pouvait être transmise à ses héritiers: or cette question est la
seule qu’ils aient jugée , et par conséquent la seule qui soit k
juger sur l’appel; mais il en résuite encore,, en tant que de besoin,
la solution des deux autres questions qu’ils ont pareillement posées (quoiqu’ils n’aient pas pris sur eux de les juger, s’étant
contenté à cet égard d’émettre leur opinion). En effet la pre
mière de ccs deux questions étoit de savoir quels biens ont été
et pouvoient être compris dans la clause par laquelle le sieur
Delsol s est réservé le retour, et l’autre de savoir si, dans le
cas de transmissibilité , ce droit de retour ne seroit pas confon-
�( 44 ) '
...
du dans la personne de la dame d’Orcet avec sa qualité d’hen
tière contractuelle de son père : or on a vu ci-dessus, d’une part,
que la stipulation de retour par le sieur Delsol père comprenoit
en termes exprès les biens par lui donnés à sa fille, et en outre
la totalité des biens non donnés qu’il laisseroit au jour de son
décès; et d’autre part, que le retour ne devant s’ouvrir que par
le fait du décès de la dame d’Orcet sans enfants (c’est-à-dire lors
de la révocation de son institution contractuelle), il étoit im
possible que ce droit de retour, en quelque temps qu’il s’ouv r it , se confondit un seul instant dans sa personne avec sa qua
lité d’héritière contractuelle de son père ; et l’on a vu de plus
que la dame d’O rcet, qui n’a pas d’enfants, étant actuellement
hors d’àge d’en avoir, le droit de retour dont elle est grevée ne
peut manquer de s’ouvrir un jour au profit de ceux qui se sont
trouvés être héritiers ab intestat du sieur Delsol père décédé
sans avoir testé valablem ent, c’est-à-dire au profit de la dame
d’Orcet elle-même pour sa part héréditaire, et pour le surplus
au profit des sieurs Delsol, ses frères j le tout attendu que l'é
vénement de la condition apposée au retour (comme toute es
pèce de condition apposée à une stipulation), a un effet rétroac
tif au jour même de la stipulation, comme on l’a vu ci-devant:
or il résulte de là, en dernière analyse, que les sieurs Delsol frères
ont été bien fondés à exercer les actes conservatoires de leur
droit, quoique ce droit ne soit qu’éventuel; et ils doivent croire
que c’est aussi ce qui sera jugé sur leur appel par les magistrats
supérieurs qui en sont saisis.
Délibéré à Paris par le soussigné ancien avocat, ce 24
mars 1809.
LESPARAT.
�L e
C O N S E IL S O U S S IG N É , qui a pris leclure des deux
consultations délibérées et rédigées par M. Lesparat, les 27 juin
1806 et 24 mars 1809, ensemble du jugement rendu en pre
mière instance par le tribunal d’Àurillac, entre madame d’Orcet
et MM. Delsol, le 22 juillet 18085 vu d’ailleurs le précis imprimé
sur lequel est intervenu l’arrêt solennel du 17 février 1767,
adopte entièrement tous les principes déduits dans les deux con
sultations précitées, où la doctrine sur les clauses de retour est
établie avec un jugement exquis et une cia* té parfaite. Il s’ho
nore
sur-tout de professer, avec le respectable jurisconsulte qui
en est l’auteur, l’opinion que l’article g 5 i du Code Napoléon,
quelles qu’aient été les intentions de ses illustres rédacteurs (ce
qui est fort inutile à approfondir), n’a nulle influence sur une
question qui procède d’une.convention faite ayant le Code; et à
ce sujet il croit devoir observer que si (par application de ce
principe sur l’impossibilité de donner effet rétroactif aux lois )
on croit devoir contester à l’article 1179 du Code Napoléon
(quoique confirmatif d’un droit antérieur) toute influence sur
la question de présomption légale pour la réalité du retour, celte
présomption légale se retrouve, quant à l’espèce, dans le droit
romain, qui, lors des conventions, étoil la loi coërcitive des
parties domiciliées en pays de droit écrit. Le Conseil pense donc
�<( 44 ter )
que le jugement du tribunal de première instance sera réformé
sans coup férir par la cour d’appel, et que la stipulation de re
tour sera réinvestie de tous les effets que lui a assignés la volonté
des parties.
Délibéré a Paris, ce 17 m a r i 809.
‘
BELLART,
B O N N E T, D E L V IN C O U R T , LA C A LPR A D E .
�IN a p o l e o n ,
PAR LA GRACE DE
DlEU
ET LES CONSTITUTIONS DE l ’E m -
f i r e , E m p e r e u r d e s ' F r a n ç a i s , R o i d ’I t a l i e , e t P r o t e c t e u r d e l a
, à tous présents et à venir, S a l u t :
Le T r i b u n a l civil de première instance établi à Aurillac, chef-lien ■
de préfecture du département du Cantal, a rendu le jugement suivant :
Entre dame Jeanne-Murie Delsol, veuve de sieur Gabriel-Barthélerny
V i gier-d’O rcet, habitant de la ville de Mauriac, demanderesse en exé
cution de jugement du six aoûl dernier, et défenderesse en opposition,
comparante par Me. Labro, son avoué, d’une part;
Sieur Pierrc-François Delsol, propriétaire, habitant de la ville d’AuC o n f é d é r a t io n du R h in
rillac, défendeur et opposant, comparant par M '.R am pon, son avoué,
d’autre part;
Sieur Gabriel-Barthélemy Delsol, proprie'taire, habitant de la ville
de Paris, aussi défendeur et opposant, comparant par Me. Bonnefons,
s o n avoué, d’autre part;
En présence de sieur Antoine Desprats, propriétaire, habitant dudit
Aurillac, aussi défendeur, comparant par Me.Manhes, son avoué, d’autre
part :
Ouï le rapport de l’instance d’entre les parties, fait publiquement à
l’audience par M. Delzons, président, membre de la Légion d Honneur,
en exécution du jugement du dix-neuf février dernier, à l’audience du
vingt-un juillet, et après qu’il en a été délibéré à la chambre du conseil,
en exécution du jugement d'hier vingt-un juillet; vu le procès, les con
clusions desdits sieurs Pierre-François et Gabriel-Barthélemy Delsol,
tendant à être reçus opposans au jugement rendu par défaut faute de
' plaider, le six août dernier, que faisant droit sur leur opposition, ledit
jugement fût déclaré nul et de nul effet, au principal la dame dO rcet
iut déclarée purement et simplement non reccvable dans sa demande, ou
en tous cas déboutée, sous^Ia réserve que font les sieurs Delsol, d exer
cer contre tous détenteurs des biens soumis au droit de retour les droits
et actions résullans de leurs qualités de transmissionnaires, ainsi qu’üa
�( 46 )
'
aviseront, et que la dame d’Orcet soit condamnée aux dépens ; vu les
conclusions de la dame d’O rcet, tendantes à ce que les sieurs Delsol fus
sent déboutés de l’opposition par eux formée par leur requête du vingt- ^
trois août dernier au jugement du six du même mois, qu’il fût ordonné
en conséquence que le susdit jugement seroit exécuté suivant sa forme
et teneur, et que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés aux dépens ;
vu aussi les conclusions du sieur Desprats, tendantes à ce qu’il fût donné
acte des offres qu’il avoit toujours faites de payer le prix de son acquisi
tion, en , par la dame d’Orcet, lui donnant bonne et suffisante caution,
ou en faisant juger la validité de son paiement vis-à-vis des sieurs Delsol
ses frères ; en conséquence, et dans le cas où elle parviendroit à faire ju
ger par jugement en dernier ressort, que le droit de retour dont s’agit
e s t irrévocablement éteint, que lesdits sieurs Delsol fussent condamnés
aux dépens de la contestation, même vis-à-vis de lui Desprats; et au cas
contraire où le tribunal décideroit que le droit de retour peut s’ouvrir
encore en faveur des sieurs Delsol, en ce cas, que la dame d’Orcet fût
déclarée non recevable dans sa demande en paiement du prix du pré
de Cancour, qu’elle fût condamnée à restituer les six cents francs par
elle reçus, avec les intérêts légitimement dus, et en outre en six mille
francs de dommages-intérêts résultans de l’éviction, et en tous les dé
pens.
Dans le fait, en l’année i j 4° > 1° sieur Basile Delsol, procureur au
bailliage d’ A.uriüac, épousa la demoiselle Thomas; de ce mariage il
n’issut qu’une tille qui se maria avec le sieur de Vigier-d’Orcet -, dans leur
contrat de mariage, du deux juin 17G0, le sieur Delsol donna par dona
tion entre-vifs pure et simple, à la demoiselle Delsol, sa fille, par avan
cement d’hoirie, le domaine, terre et seigneurie du Claux, en quoi que
ladite terre'ct domaine du Claux puissent être et consister, aux mêmes
clauses, charges et conditions que le délaissement lui en sera fait, confor
mément à la demande qu’il en a formée aux requêtes du palais, et au
cas où ladite demande en délaissement desdits biens 11e lui seroit pas ad
jugée, ledit Delsol, pour dédommager sa fille dudit domaine et terre du
�( 47 )
Claux, lui donna et délaissa toutes les créances qui lui étaient dues par
lesdits biens en capital et accessoires; le sieur Delsol donna aussi par
même donation entre-vifs à ladite demoiselle Delsol sa fille la somme
de dix mille livres, qu’il paya comptant ; et à l’égard du surplus de ses
autres biens qui se trouveroient rester audit sieur Delsol lors de son dé
cès, il promit de n’instituer d’autre héritière que la demoiselle Delsol,
sa fille, sous la réserve de l’usufruit de tous les biens institués, et de pou
voir vendre et engagèr lesdits biens ainsi qu’il jugera à propos, tant en
la vie qu’à la m ort, et encore de disposer d’une somme de dix mille liv .,
et n’en disposant pas, la réserve tournera au profit de sadite fille; et au
cas où ladite demoiselle future épouse viendroit à décéder sans enfants,
ou ses enfants sans descendants, ou sans disposer valablement, ledit sieur
Delsol se réserva expressément le droit de réversion et retour, tant des
biens donnés que réservés, sans qu’il pût être dérogé par sa fille future
épouse audit droit de réversion par aucune disposition ni autres actes
à ce contraires. P ar le même contint, le sieur de Vigier oncle, pour et
au nom de la dame Moissier, usant du pouvoir donné à ladite dame par
le sieur de V ig ier, son mari, dans son contrat de mariage du onze
février 1722, nomma ledit sieur de Yigier futur c'poux, pour recueillir
l’efFet de ladonation de la moitié de tous ses biens par eux faite au profit
de celui de leurs enfans à naître qui seroit choisi par eux ou par le sur
vivant d’eux; et en vertu du pouvoir spécial porté en ladite procuration,
il donna à titre de donation entre-vifs audit sieur de Y igier, futur
époux, tout le surplus des biens, meubles et immeubles, présents et à
venir de ladite dame, et réserva à ladite dame Vigier la liberté de dispo
ser par acte entre-vifs ou à cause de mort d’ une somme de dix mille
livres à prendre sur les biens par elle donnés; se réserva pareillement,
ladite dame Yigier, (et pour elle ledit sieur procureur constitué), le retour
et réversion à elle et aux siens des biens par elle donnés audit sieur futur
époux, dans le cas où il viendroit à décéder sans enfants, ou ses enfants
sans descendants, ou sans avoir valablem ent dispose.
Ce ne fut que
plus de onze ans après le mariage <le sa fille que, le vingt octobre 1771,
le sieur Delsol en contracta un second avec la demoiselle Dubois. Dans
�( 48 )
ce secoud contrat de m ariage, les époux donnent la moitié de leurs biens à un des enfants à naître qui seroit choisi par eux ou par le survi
vant.— Le 11 juillet 1780, le sieur Delsol fit un testamentpar lequel,après
avoir légué mille livres à la dame d’Orcet, et soixante mille livres à cha
cun de ses trois enfants, il institua pour son héritier universel son fils
aîné du second lit, et, a son défaut, ses autres enfants par ordre dé primogéniture, voulant expressément que dans le cas où la dame d’Orcet
viendroit à mourir sans enfants, ouses enfants sans descendants, sonliéritier profitât du droit de retour par lui stipulé dans le contrat de mariage
de sa fille. — Ce testament fut déclaré nul pour vice de forme par sen
tence du bailliage d’Aurillac du vingt-neuf août 1782, laquelle ordonna
le partage de la succession du sieur Delsol, pour en être délaissé aux
enfants du second lit trois douzièmes pour leur,légitime de droit, et les
neuf autres douzièmes à la dame d’Orcet, en vertu de l’institution con
tractuelle. Ce partage fut ainsi exécuté. — Devenus majeurs, les sieurs
Delsol frères, tant eu leur nom que comme cohéritiers de Sophie, leur
sœur morte ab intestat, ont passé avec la dame d’O rcel, les dix ventôse
et vingt-trois germinal an neuf, deux actes séparés par lesquels les sieurs
Delsol, en approuvant le partage des immeubles de leur père, cédoient
à la dame d’Orcet le huitième revenant à chacun d’eux dans l’argent
comptant, le prix du mobilier, les créances perçues, et lçur part dans la
somme de dix mille livres portée par le contrat de mariage du deux juin
17G0, en quoi que le tout puisse êlre cl consister, sans autres réserves
que celles ci-après : (la dame d’Orcet demeure chargée des dettes de la
succession; au moyen de ce, les parties se tiennent respectivement quilles
du pas se jusqu ahuy, et promettent ne plus se rien demander l’une à
l’antre.)— Parmi les biens restés ¿1 la dame d’Orcel étoil une partie de
la montagne appelée de Broussette ; elle l’a vendue au sieur Delsol aîné,
par acle du vingt-huit fructidor an d ix, moyennant douze mille livres,
dont il a payé huit mille livres, et la dame d’Orcet l’a tcuu quitte des
quatre mille livres restantes, au moyen de ce qu’il a renoncé au quart
des créances à recouvrer. — Le sieur Delsol n’a vu aucun danger dans
cotte acquisition. — Le quinze avril 1806, la dame d’Orcet vendit au
�( 49 )
sieur Desprats un pré appelé de Cancour, lequel fait partie des biens
du sieu r Delsol. — Peu après a paru l'arrêt de la cour de cassation, du
onze frimaire an quatorze, qui a validé un droit de retour convention
nel et coutumier, auquel on \ouloit appliquer la loi suppressive .des
substitutions. Alors le sieur Desprats, craignant à tort d'être un jour
évincé de’ son acquisition, refusa d’en payer le prix; sur le commande
ment qui lui a été fait le onze juillet, il a répondu que le droit de retour
étant une stipulation conditionnelle qui passe aux héritiers, il avoit
juste sujet d’appréhender d’être troublé dans la propriété du pré de
Cancour, et de demander par conséquent à résoudre la vente, ou à re
tenir le prix, ou à payer sous caution. Ce refus obligea la dame d’Orcet
à se pourvoir en justice, et à demander contre le sieur Desprats la con
tinuation de ses poursuites, et contre les sieurs Delsol la nullité de la
clause. Cités au bureau de paix, l’aîné a répondu qu’il ne connoissoit
pas le contrat de mariage de sa sœ ur, qu’il ignoroit si son père avoit
stipulé un droit de retour, qu’en le supposant ainsi, il n’auroit qu’une
espérance. On a pre'tendu pour le cadet qu’il avoit changé son domi
cile à Paris, et sous ce prétexte on a éludé la clôture du procès-verbal
jusqu’au onze août. Assignés au tribun al, chacun d’eux a constitué
avoué, et après avoir tergiversé pendant plus de huit mois, ils ont de
mandé par des exceptions séparées à être mis hors de cause, s’agissant,
disoient-ils, d’un droit non ouvert. Dans cet état, la cause porlée à l’au
dience du cinq juin 1807, ^ intervint un jugement par défaut qui or
donna qu’ils défèndroient au fond. Ils ont fait signifier des défenses le
deux juillet, en protestant de se- pourvoir contre le jugement du cinq
juin. Quoiqu’ils eussent donné leurs moyens par écrit, les sieurs Delsol
n’ont pas voulu les plaider à l’audience. L e six août un second jugement
par défaut a déclaré nulle la clause du droit de retour, et a ordonné la
continuation des poursuites contre le sieur Desprats. Les sieurs Delsol
ont formé opposition à ce jugement, et ce n’est que le dix-neuf février
1808 qu’ils se sont enfin présentés à l’audience, où, sur plaidoiries res
pectives pendant quatre audiences, il a été ordonné une instruction par
écrit au rapport de M. Delzons., président.
n
�( 5o )
Dans le droit, la cause présente à ju ger,
i° Quels biens ont été, et pouvoient être compris dans la clause de re
tour réservée par le sieur Bazile Delsol dans le contrat de mariage de
la dame d’Orcet sa fille;
2° Si cette réserve étoit limitée à la personne du sieur Delsol, ou pouvoit êlre transmise à ses héritiers;
3 ° Si dans le cas de la transmissibilité, ce droit de retour ne se seroit
pas confondu dans la personne delà dame d’Orcet avec sa qualité d’héri
tière contractuelle de son père.
~
Sur la première question, attendu,
i° Q u e, conformément au Code civil, dans l’interprétation des con
ventions , on doit plutôt rechercher quelle a été la commune intention
des parties contractantes, que s’arrêter au sens littéral des termes j
que les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans celui qui
convient le plus à la matière du contrat ; que toutes les clauses des
conventions s’interprètent les unes par les autres, en donnant à cha
cune le sons qui résulte de l’acte entier; que, dans le doute, les con
ventions s*interprètent contre celui qui a stipulé, ou qui pouvoit faire
la loi ;
2° Que l’objet du droit de retour conventionnel est de faire rentrer
dans les cas prévus, dans le domaine du donateur, les choses par lui
données; que dès-lors, on ne peut le supposer ou l’admettre que dans
les conventions et cas où un donateur s’est dépouillé de sa propriété.
et peut ensuite la reprendre ;
• 3 ° Que le sieur Delsol ayant fait une donation entre-vifs à sa fille, et
l’ayant, par le mem^ o n tratv instituée son héritière universelle, il seroit
contradictoire et comrb la nMure d’une institution que la réserVe de re
tour par lui stipulée en même temps, s’appliquât, a u x biens quifaisoient
l’objet de cette institution, dont la propriété et toute disposition à titre
onéreux ne laissoient pas de rester en son p o uvoir, et dont il ne se dépouilloit pas ; qu’il seroit dès-lors ridicule de supposer qu’il songeoit à
faire rentrer dans scs mains cc qui n’en oorloit pas, cl ne pouvoit pas
en sortir'cie son vivan t;"
‘
!
"
’
�( 5 i )
i: 4 0lQ ue sens c^e t’actc entier , et l’intention' Lien connue des parties
étoit d’assurer , dès l’instant/à la dame d’Q rcct, à titre de donataire, et
tant en nue propriété' qu’ usufruit, une partie de la fortune de son père ,
et le surplus aprèsfsa m ort, sans cfue»la donataire pût cependant dispo
ser de rien, au préjudice de son père, clans les cas prévus par la clause
de rçUmr ; .
>
i
5 ° Qu’il s’ensuit» dès-lors que, quoiqu’on lise dans cette clause que le
sieur Delsol se réserve le droit de réversion et retou r, lailt des biens
donnés,que réservés, les principes ci-*dessus énoncés permettent d’au
tant moins de supposer que, par les mots de biens réservés, les parties
-avoient entendu les biens de l’institution, que peu de lignes aupàravant
elles les avoient désignés sous le nom de biens institués ; qu’il est plus
naturel do croire que les-mots biens r é s e r v é s ont échappé à l’inadver
tance du rédacteur; d’autant plus que toute la contexture de la partie
t du contrat de mariage, qui concerne les dispositions du sieur Delsol,
prouve que ce rédacteur avoit les notions les plus obscures sur la nature
et les effets des institutions contractuelles ;
6° Qu’il se peut encore (car toute conjecture est admissiblè dans l’in
terprétation d’une clause aussi extraordinaire) que, par retour des biens
• réservés ou institués, on ait voulu entendre la caducité de l’institution
en cas de prédécès de l’héritière instituée et de ses*enfants ;
70 Que s’il falloit donner quelque sens, quelques effets à la clause de
retour des biens réservés, y reconnoitre les biens de l'institution, et
supposer que le sieur Delsol vouloit les faire rentrer dans sa famille
après son décès et celui de sa fille ; cette clause contrariant évidem
ment la nature et les principes du droit de retour > ne'pouvoit être en
visagée que comme une charge de fidéicommis, comme une véritable
substitution dont il auroit voulu grever sa fille, et laquelle seroit abrogée
par les lois du quatorze novembre 1.792.
Sur la seconde question, attendu ,
• J'
■
■: ‘ ‘ 1
l ° Que quoique la majorité des auteurs, et plusieurs même très
estimables, aient lenu quVn général l'effet de la stipulation de retour
conventionnel, eu faveur du donateur, sans qu’il fût fait mention de se*
�...
( r' 2 )
.
.
héritiers, étoit transmissible à son héritier comme toute autre stipulation,
même conditionnelle, apposée dans les contrats ; quoiqu’il se trouve
même deux arrêts qui l’avoient ainsi jugé, tous s’accordent cependant à
dire, et la saine raison suffît pour prouver, que cette transmissibilité ne
peut avoir lieu lorsque la stipulation de retour a été limitee à la per
sonne du donateur ;
2o Que , dans l'espèce actuelle, cette limitation à la personne du sieur
Delsol rés'ulte évidemment, soit de la circonstance que la
V ig ie r^ mère du futur époux, lui faisant donation de tous biens, s’en
réserva le retour pour elle et le s s i e n s , tandis que le sieur Delsol ne le
re’serva que pour lui ; que cette différence remarquable dans les deux
clauses insérées dans le même a cte, d’ailleurs parfaitement semblables,
annonce clairement que les parties vouloient, quant à ce , leur donner
une étendue différente ;
3 ° Que celte différence dans la stipulation s’explique encore par la
.
circonstance importante que la dame de Vigier avoit plusieurs enfants,
pour lesquels sa sollicitude maternelle l’engageoit à conserver ses biens,
au lieu que le sieur Delsol n’avoit qu’une fille unique , et aucun proche
parent ;
/¡° Que la prohibition si entière, si absolue de disposer, que le sieur
Delsol imposoità sa fille, prouve encore qu’il ne stipuloit que pour lu i}
n’étant pas présumable qu’il mît sa fille dans un tel état d’interdiction
e n f a v e u r d e p a r e n t s é lo i g n é s , a v e c l e s q u e ls i l n ’a v o i t a u c u n e s r e la
ti o n s , q u e le s p a r t ie s m ê m e n e c o n n a i s s a ie n t p a s , a in s i q u e l a d a m e
d ’O r c e t l’a p l u s i e u r s j Ois d i t e t é c r i t , s a n s q u e le f a i t a i t é t é d é s a
voué ;
.
.
5 ° Que celte limitation résulte sur-tout de la circonstance que le sieur
Delsol, après avoir fait à sa fille une donation entre-vifs , l’instiluànt en
même temps son héritière universelle, il seroit absurde de supposer
qu’il eût fait et voulu faire contre cette heriliere une reserve qui ne devoit et ne pouvoit profiter qu’à elle-même , puisqu’en admettant le sys
tème de transmissibilité du droit de retou r, cette transmission n’auroit
pu avoir lieu qu’en faveur de celte même héritière.
)
�C 53 )
Sur la troisième question , attendu ,
i» Comme il vient d’être d it, que l’action résultante d’une réserve
de retour, même indéGnie, ne pouvoit profiter qu’aux héritiers comme
faisant partie des actions héréditaires ;
.
20 Q ue, dans l’espèce, la dame Dorcet, étant seule héritière univer
selle, forme un véritable héritier qui ne diffère que de nom de l’héritier
testamentaire, quant à l’universalité du titre; que cette institution met
l’institué à la place des héritiers du sang, et le cas avenant, le saisit de
tous les droits de l’hérédité ;
3 ° Que les autres enfants même de l’instituant, suivant les principes
univèrsellement reçus lors du décès du sieur Delsol, perdoient par FefFet
de cette institution la qualité d’héritiers et ne conscrvoient qu’uu simple
droit à une portion des biens à titre de légitime ;
4 ° Que dès-lors la réserve de retour transmissible, quoique dirigée
contre un héritier institué, (s’il étoit possible de la présum er), se seroit
confondue avec l'effet de l’institution par le concours de deux qualités
de donataire grevée de retour, et d’héritière seule appelée à en proGter.
L e T R IB U N A L déboute les sieurs Jean-François et Gabriel-Barthélemy Delsol de l’opposition par eux formée au jugement par défaut faute
do plaider, du six août 1807, ordonné que ce jugement sera exécuté
selon sa forme et teneur; en conséquence, déclare personnelle au sieur
Delsol père, et caduque par son prédécès, la stipulation de retour par
lui réservée dans le contrat de mariage de la dame d’Orcet sa fille, or
donne que les poursuites commencées contre le sieur Desprats seront
continuées, en cas de refus ultérieur de sa part dè payer les termes du
prix.de la vente du pré de Cancour à proportion de leur échéance,
ainsi que des intérêts, tous dépens compensés entre toutes les parties,attendu la proximité des sieurs Delsol et dAmc d’Orcet, que les premiers
n ont pas provoqué l’instance, cl attendu que le sieur Desprats a pu avoir
jusqu’à un certain point un juste sujet de crainte sur la validité de son
acquisition et la sûreté de ses fonds j et sera, le présent jugement comme
fondé en titre, exécuté vis-à-vis le sieur Desprats , nonobstant cl sans
�( 54)
préjudice de l’appel, à la charge néanmoins par la dame d’Orcet de don
ner, en cas d’appel, bonne et suffisante caution>à concurrence des ca
pitaux exigibles. Fait et jugé au tribunal civil de première instance,
établi à Aurillac, chef-lieu de préfecture du département du Cantal , le
vingt-deux juillet mil huit cent huit, séants, messieurs Delzons prési
dent, membre de,la légion d’honnqurjjDelzorts et L aval, juges. Man
dons et ordqrçnons à tous huissiers sur ce requis de mettre le présent
jugement à exécution, à nos procureurs près les tribunaux de première
instance d’y tenir la m ain, à tous commandants çt officiers de la force
publiquo de prêter main-forte lorsqu’ils en seront légalement requis. En
foi de quoi le présent jugement a été signé par le président et par le
greffier. Sign é à la m inute, monsieur D e lz o n s , président j et BrunoH ,
greffier. Pour copie conforme à l’expédition, sig n éL abro , avoué. ”
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CAUSE
du rôle de
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PO U R le sieur René-Louis L IIÉ R IT IE R et consbrs, intimés ; (de 17670
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C O N T R E messire J o s e p h . marquis de M E S M E S .
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sieur Louis Lhéritier, par l e contrat de mariage de demoiselle MarieAlberline Racine, sa belle-nièce, avec le sieur marquis.de,Ravignan, du
18 mars 1 7 1 2 , a promis donner à la demoiselle, lors future épouse, la
somme de 3o,ooo liv ., qu’il lui a effectivement payée peu après; mais il a
été stipulé en même temps q u e l a d i t e s o m m e r e t o u r n e r o i t a u d i t s ie u r
L h é r i t i e r , d o n a t e u r , e n c a s d e d é c è s d e l a d e m o is e lle f u t u r e é p o u s e
s a n s e n f a n t s , e t e n c o r e e n c a s q u ’i l y e û t d e s e n f a n t s , e t q u ’ils v i n s
s e n t à d é c é d e r a v a n t d ’ê tr e p o u r v u s , o u a v a n t d ' a v o i r a tte in t l ’â g e
d e m a jo r i t é .
,
t
,
L a donataire n’avoit alors que vingt-trois ans et dem i, le donateur étoit
dans la soixantième année de son âge, et il avoit deux enfants mâles âgés
l’un de dix-sept ans et l’autre de treize (1). C’est donc évidemment pour
ses enfants et héritiers, encore plutôt que pour lui-même, qu’il stipuloit
cette réserve, dont il ne pouvoit pas se flatter de profiter personnelle
ment.
Quoi qu il en soit, le donateur est decede en i " 3o. Long-temps après,
et le 3o novembre 17C4, la demoiselle Racine, donataire, est décédée sans
avoir laissé d’enfants, ni de son premier mariage avec le sieur marquis de
Ravignan, ni de son second mariage avec le sieur comte de Darnpus.
En conséquence, les intimés, comme représentant le sieur Louis L hé( 1) Laine’ , conseiller au parlement, a s u r v é c u au donateur son père, dont il aliérilé. Il estaujourd hui représenté par les intimas, scs héritiers bénéficiaires, <jui sont en müne temps héritier»'
substitués du donateur leur oucle.
Delà trans
mission de*
stipulation!
Condition-
neiies , et
de celles du
retour tu
particulier
�( 5 6 )'
ritier, donateur, ont formé contre le sieur marquis de Musinés, dona
taire universel de la demoiselle Racine, veuve Dampus, et chargé à ce
titre de ses dettes antérieures au premier avril 1749» leur demande en
restitution des 5o,ooo liy. données par leur auteur, conformément à la ré
serve stipulée p arle contrat de 1712.
L a cause portée à l’audience du parc civil du Châtelet de Paris, il y est
intervenu le 29 juillet dernier, sur les plaidoiries respectives des parties
pendant cinq audiences, sentence par laquelle, attendu le décès de la
dem oiselle R a cin e, veuve D a m p u s, sans enfants j le marquis de
Mesmes, son donataire universel, est condamné à restituer aux intimés
les 3o,ooo liv. dont la réversion avoit été stipulée par leur auteur. C ’est
de celte sentence que le marquis de Mesmes est appelant. Il ne sera pas
difficile d’en établir le bien jugé.
A. cet effet, nous examinerons les principes généraux sur la transmis
sion de toutes stipulations conditionnelles ; les décisions des docteurs et
des lois sur la transmission .du retour conventionnel en particulier, et
l’état actuel d elà jurisprudence sur cette question.
P R E M I È R E
P A R T I E .
P rin cip es généraux sur la transmission de toutes stipula
tions conditionnelles.
\
.
Un seul mot suffît pour justifier la sentence dont est appel, c’est que
la condition sous laquelle le retour a été réservé, se trouve aujourd’hui
purifiée par le décès de la demoiselle Racine, donataire,«ans enfans.
Inutile d’opposer que le donateur est décédé avant l’événement de la
condition. Celte circonstance est des plus indifférentes, parccquc le re
tour a été stipule pour avoir lieu, non en cas de p réd é cè s, mais simple
ment en cas de décès de la donataire sans enfants : o r , cette condition se
trouve purifiée par 1 evenement.
Il est vrai que les héritiers du donateur n’ont pas été appelés nommé
ment à recucillii le profit du retour; mais les héritiers n’ont pas besoin
de la vocation de l’homme pour profiter des droits dont leur auteur est
�( *7 )
,
décédé saisi ; ils n’ont besoin que de celle de la loi qui les saisit de lous les
droits du défunt, qui les subroge à sa saisine en la continuant en leur per
sonne. En conséquence, il leur suffit que celui auquel ils succèdent ail été
vraiment saisi du droit qu’ils réclament, que ce droit ail fait partie de ses
biens. Or les actes entre-vifs, même conditionnels, saisissent Loujours à
l’instant même, sans attendre l'événement de la condition. Les actions qui
en résultent, quoique non encore ouvertes, sont in bonis du stipulant :
conlractus, ctsi condilionalis, tamen e x prevsenti vires accipit, dit
Vinnius. I n contractibus id tempus spectatur quo contrahim us, dit la
loi 78 , ff. de verb. oblig.
D e là , celte règle générale rebattue dans tous les livres élémentaires,
et notamment dans les Institutes, que les stipulations conditionnelles se
transmettent à l’héritier, quoique le stipulant soit décédé avant l’évèncment de la condition. E x s t i p u l a lio n e c o n d ilio n a li ta n tin n s p e s e s t d e b itu m i r i , e a m q u c i p s a tn s p e m in h œ r e d e m tr a n s m ittim u s s i p r ii/s
q u à m c o n d i t io e x s t e t , m o r s n o b is c o n t i n g a t , liv. 3 . t. iG. p. 4 - C ù m
q u is s u b a l i q u â c o n d itio n e s ti p u la tu s f u e r i t , p o s t e à e x is te n te c o n d i î i o n e , h œ r e s e ju s a g e r e p o t e s t , même liv. t. 20. p. i 5 .
En vain voudroit-on apporter quelqu’exceplion à cette règle; les lois
décident qu’on n’en doit admettre aucune : O E N E R A L I T E R s a n c im u s
O M N E M s t i p u l a t i o n e m s iv e in d a n d o , s iv e i n f a c i e n d o , s iv e m i x l a e x
d a n d o e t fa c ie n d o in v e n ia tu r , e t a d h œ re d e s e t c o n lr a h œ re d e s Ira n sm i t t i , S I V E SPECIALIS' H ÆREDUM F I A T MENTIO, SIVE NON:
jiv. i 3 . cod. d e c o n tr a h . e t c o m m . s tip u l.
En vain opposeroit-on que le stipulant qui n’a parlé que de lui-même,
qui n’a pas nommé ses héritiers, a entendu restreindre la stipulation à sa
personne ; la loi répond qiiela stipulation n’en est pas moins r é e l l e : p leriu n q u sen im , ul Pedius a it, persona p a clo Inseritur, non ut p ersonalc pactum f i a t , sed ut dem onslretur cum quo paclum faclum est,
liv. 7. p. Ulrum. 11’. de pactis.
P ou r tout dire en un inol, l’héritier n’a point à prouver que son auteur
a voulu stipuler pour lui. Il lui suilil qu’il n’y ait pas eu d’intenlion de
l’exclure. O r celte intention n’est pas à supposer lorsqu’elle 11’cst pas ex
'
8
�_
Traité
n. 65o.
.
( 58)
primée. C’est ¡1 ceux qui le prétendent exclus à prouver son exclusion :
Quamvis verum est qu od qui ex cip it, probare debet q u o d excipitur ;
attam en de ipso dum taxat, a tn o n de hcerede ejus convertisse petitor,
non qu i e x c ip itp r o b a r e debet ; liv. 9. II'. de prob. et preef.
Il en est autrement des dispositions (1) conditionnelles de l'homme ou
de la loi. Elles 11e se transincltent pas à l’héritier de l’appelé décédé avant
l’événement de la condition , ( et voila pourquoi le retour légal n’est pas
transmissible ) mais c’est pareeque les héritiers ne recueillent du chef de
leur auteur> et comme transmissionnaires, que les droits dont il est dé
cédé saisi : or les dispositions conditionnelles 11c saisissent qu'au moment
de leur ouverture. Jusque-là elles ne sont point m bonis de l’appelé.
Inutilement le testateur en auroit-il ordonné la transmission ; elle n’auroit pas lieu pour cela, dit R icard, pareeque le testateur ne peut pas donner à ses dispositions un effet rétroactif, que les lois leur refusent, ni
opérer une transmission qui n’est l’ouvrage que de la loi, et qui ne dérive
Xoalis de
pas de l’inlention de l’homme. Il est vrai qiie dans ce cas l’bérilier viendroil de son chef et en son nom, comme appelé lui-mênje en vertu de la
vocation expresse du testateur; mais il ne viendroit pas comme transmissionnaire, ce qui est bien différent à tous égards. Æ iu d e n im est trans-
sione™su m issioy et aliud est vocatio.
‘
■omnicnceSi donc la transmission a lieu pour les stipulations conditionnelles , et
ment.
. . .
.
.
1
non pour les dispositions, cela ne vient pas, comme 011 vo it, de la diffé
rence d’intention,, puisque l’intention même expresse est incapable d’opé
rer la transmission dans les dispositions conditionnelles ; il est évident
que c’est la saisine seule qui transmet, pareeque la transmission n’est
elle-même qu’une continuation de saisine.
L e sieur marquis de Mcsmes , dont les prétentions ne s’accordent pas
avec ces principes, fait tout son possible pour en éliuli;r l'application;
(1) I.a disposition proprement dite, par opposition aux stipulations, est un acte pur de la voloutë
qui se passe hors la présence, et sans la participation de celui (pii eu est 1 objet. Telles sont les dispo
sitions testamentaires. Telles- sont aussi les substitutions contenues dans 1rs acles entre-viCs, aux«juuls le substitutn’interviciit pas; car sil iutervenoitpour accepter, il scrrçit donataire couditionn<l, et l’acte seroit à son égard un pacte, uue convention, uu contrat, une stipulation, et non pas
une dispusltion..
'
�C *9 )
forcé de convenir que tous actes entre-vifs, purs et simples ou condition
nels, saisissent actuellement et nécessairement, il ne veut cependant pas
rcconnoître que la transmission en doive être la suite ; il aime mieux la
faire dériver de la présomption générale, qu’en stipulant pour nous,
nous sommes censés avoir parlé pour nos héritiers; puis, restreignant
celte présomption aux seuls contrats intéressés, il en conclut que la trans
mission des stipulations conditionnelles n’a pas lieu lorsqu’elles se rencon
trent dans les contrats bienfaisants.
Mais i° il est faux que les contrats intéressés soient les seuls dans les
quels le stipulant est censé avoir parlé pour scs héritiers ; la règle est
générale pour toute espèce de contrats, puisque les lois n’ont fait aucune
exception, puisqu’au contraire elles ont exclu toute exception par la gé
néralité et l’universalité absolue de leurs expressions. G e n e r a l i t e r
s a n c im u s O M N E M s t i p u l a t i o n e m ........... tr c in s m itli, s iv e s p e c ia lis h œ ~
r e d u m / i a t m e n t i o , s iv e n o n .
a° Le sens do la règle n’est pas précisément quo nous sommes pré
sumes avoir pensé à nos héritiers et ayants-cause, et avoir positivement
voulu stipuler pour eux ; car il est bien rare que les contractants y pensent,
positivement, et on ne présume pas ce qui arrive rarement. Le vrai sens
de la règle est seulement que le stipulant, qui n’a pas formellement res
treint la stipulation à sa personne, ne peut pas être supposé avoir voulu
exclure scs héritiers. Or celle présomption, nécessairement applicable à
toute espèce de stipulation, suffît toute seule, non pour en opérer la
transmission, car c’est la saisine seule qui l’opère , mais pour écarter les
obstacles qui pourroient l’arrêter ou la rendre inefficace.
Que le contrat soit intéressé ou bienfaisant, il n’importe (i). Puisque
(i) En matière de contrats, dit Ricard, la stipulation qui en fait le principal commerce oblige
dès-lors réciproquement les parties de l’accomplir au cas de la condition qui, à proprement parler^
ne passe que pour une restriction, pour le cas prévu par. les parties seulement, ei laisse au surplus la
convention pure et simple, de sorte que lechéance arrivant, la condition est cense'e comme non
écrite. Pour ce qui concerne le legs au contraire, la couilitiou en affecte tellement la disposition ct
la substance, qu’il ne subsiste absolument qu’avec e l l e ct que par elle ; de sorte que comme ce n ’est
p a s le titre de g ra tu it ou d ’onéreux qui p r o d u i t cette différence, mais la qualité de l acte, s ’il
est testam entaire, c’e st-à -d ire , s a n s stip u la tio n , et un p u r acte de la volonté d'une personne ,
�( 6° )
dans l’un et dans l’aulre la saisine y a lieu de plein droit, comme l’appe~
Jant en convient lui-m êm e, il faut bien qu’elle soit continuée dans la per
sonne des transmissionnaires. On ne peut pas les supposer exclus par le „
Stipulant,, lorsque celui-ci n’a pas prononcé leur exclusion;, o r , s’ils ne
sont pas cxclus, il est dans l’ordre des choses que, comme successeurs
universels ou singuliers du transmettant, ils succèdent à la saisine com
mencée en sa personne, comme à tous scs,autres droits, quand même il
n’auroit point du tout pensé à eux.
D’ailleurs on peut dire que tous ceux qui contractent, sans même qu’ils
aient jamais pensé à la transmission, ont cependant, du moins im p l i c i t e
m e n t et éminemment, une véritable intention de transmettre. En ofl'et,
quiconque stipule veut a v o i r , posséder, acquérir, en un mot ajouter ou
r é u n ir & son patrimoine ce qui fait l’ol»jet de sa stipulation, a d r e m j ' a m i l i a r e m r e s p i c i t , comme dit Yinnius; s’il ne stipule que conditionnelle
ment, il ne veut a v o ir que pour le cas de la condition., mais il veut a v o ir
pour ce cas-là en quelque temps que la condition puisse arriver : or, a v o ir
une chose, c’est incontestablement être en droit d’en jouir, faire et dis
poser comme de tous ses autres biens, de la vendre, de l’engager, delà
léguer, etc., et par conséquent de la, transmettre à sesayants-cause, à
plus forte raison à ses héritiers.
Ainsi quand même la transmission ne dériveroit que de l’intention detransmettre, comme cette intention se rencontre, non à la vérité e x p l i c i t e m e n t , mais du moins i m p l i c i t e m e n t et é m i n e m m e n t , dans toute
espèce de stipulation apposée à toute espèce de contrats , sans même que
ou s’i l est conventionnel et f a i t entre deux personnes, i l n ’y a pas de doute que les donations
suivies d’acceptation, p a rticip a n t à la nature de ces derniers actes, les conditions qui s’jr ren
contrent ont un effet rétroactij au jo u r de la do n a tio n , ainsi <[uc dans les autres contrats. El ail
leurs : si une donation sous condition estfa ite entre-vifs, quoique la condition u arrive qu’après
la mort du donataire, ses héritiers ne laisseront ¡¡as de. jo u ir du bénéfice de la donation, comme
ayant clé p a r f a i t e tiu moyen de ¡[effet rétro a c tif q u iT s f d onné à j a donation, du fo u r b u ’elle a
été passée; car, ajoute-t-il, uTn'cstpa's seulement la qualité de donation entre-vifs qui f a i t la
transmission au profit des héritiers du donataire, mais l ’effet rétro a ctif du droit et de !* posses
sion au jo u r du contrat. Traité des dispositions conditionnelles, chap. 5, § i , n. ao4. Tiaitc des
substitutions, chap. 4, partie première, u.. l4a et i44..
�( 61 )
le stipulant ait jamais pensé à scs héritiers; il seroit toujours vrai de dire,
d’après les lois, que les stipulations conditionnelles sont toutes transmissibles de leur nature, soit qu’elles se trouvent dans des contrats intéres
sés , soit qu’elles sc rencontrent dans des conlràts bienfaisants. II seroit
toujours vrai de dire que le transmissionnaire n’a rien à prouver, et que
c’est à celui qui prétend l’exclure à prouver son exclusion.
Nous convenons avec le sieur marquis de Mesmes que si la stipulation
étoit personnelle, la transmission n’auroit pas lieu en faveur des héritiers
du stipulant ; mais là personnalité ne se présume jamais. Pour la supposer
il f a u t ( dit M. Potlner en son Traité des obligations, t. i. p. 75 ) que
cela soit exp liq u é clairement dans la convention; et ainsi, ajoute-t-il,
de ce que la personne envers laquelle j e contracte qiieh/u engagement
est nommée p ar la convention, iln e s’ ensuit p as que Yintention des
parties ait été de restreindre à sa personne le droit qui en résulte ; on
doit penser au contraire qu’elle n’est nom m ée que p o u r marquer avec
qui la convention estfaites
Nous convenons encore avec Fontanella, qu’en fait de stipulations con
ditionnelles, lorsque la condition est perso’nnelle, c’est-à-dire de nature
à 11c pouvoir s’accomplir que dans la personne du stipulant, Quandà
apponitur irt personâ stipulatoris, la transmission ne peut y avoir lieu
qu’autant que le stipulant auroit lui-même recueilli l’objet de la stipula
tion par l’existence de la condition purifiée de son vivant; mais c’est parceque, comme il l’ajoute fort bien , la condition n’étant pas arrivée pendant
la vie du stipulant, son décès la rend impossible, et qu’ainsi il ne reste
plus d’espérance à transmettre. Ce cas n’est donc pas une exception à la
règle*générale du paragraphe E x conditionali, qui n’en reçoit aucune;
c’est seulement une espèce dans laquelle la règle du paragraphe ne peut
pas recevoir son application, pareeque le paragraphe, parlant de la trans
mission des stipulations conditionnelles, suppose que la condition puisse
encore arriver, quoiqu’après le décès du stipulant : or elle ne peut plus ,
arriver après son décès? si elle ne tlcvoil s’accomplir
en sa personne.
Pour appliquer à notre espèce le principe de Fontanella, il faudroit
prouver que la condition sous laquelle le retour a été stipulé ne pouvoit
�( 62 )
s’accomplir qu’en la personne du donateur el de son vivant; mais il n’en
est pas ainsi. L e fait du de'cès de la donataire sans enfants, qui fait la seule
condition du retour, pouvoit s’accomplir indifféremment du vivant du
donateur ou après son décès. Celte condition étoit absolument extrin
sèque à sa personne, pour nous servir des expressions de cet auteur, cl
dès-lors il est constant qu’elle n’a pas pu rendre la stipulation person
nelle.
Il est vrai que, suivant Iîicard et le journaliste des Audiences, les clauses
de retour doivent s’interpréter strictement; mais ils n’ont jamais conclu de
là qu’il fallût en empêcher la transmission. La seule conséquence qu’ils
aienttirée de ce principe est qu’il ne faut pas étendre ces sortes de clauses,
et qu’ainsi le retour étant stipulé pour le cas du décès du donataire sans
enfants, il ne falloit pas l’étendre au cas du décès de ses enfants sans
enfants.
O r, ce n’est pas donner de l’extension à une stipulation que de la sup
poser transmissible aux héritiers du stipulant. Cette transmissibilité est
une suite nécessaire de la saisine attachée à toute stipulation, et de l’in
tention à'avoir et acquérir quise rencontre dans tous les stipulants, lors
même qu’ils n’ont pas pensé à leurs héritiers ; car nous n’avons véritable
ment que ce que'nous pouvons leur transmettre.
Aussi, quoique dans le droit romain les stipulations proprement dites,
Solem nes verborum con cep lion es, fussent de droit étroit cl très-étroit,
quoiqu’on leur donnât le nom propre de contrats strictijuris, par oppo
sition aux contrats de bonne foi, quoiqu'on conséquence on les interpré
tât toujours en cas de doute contre le stipulant, quia debilitlegem aperhiis dicere contractm , ]a règle étoit cependant sans aucune exception
de les declarer transmissibles aux héritiers du stipulant, Gcncrahlcr sancimus om nem stipulalionem , etc.
>
Au contraire, les dispositions conditionnelles, qui cependant sont sus
ceptibles de l’interprétation la plus large, ne profitoient pas aux héritiers
de l’institué ou légataire décédé avant leur ouverture, à moins qu’ils n’y
fussent compris expressément; mais c’est pareeque la transmission dans
ce cas est impossible, comme nous l’avons observé déjà , à défaut de sai
\
�(63 )
sine préexistante. Dès-lors l’héritier de l’appelé ne pouvoit être admis à le
remplacer que par voie de vocation, comme appelé lui-même. Or la vo
cation doit être expresse et ne se supplée pas (à la différence de la trans
mission , qui est toujours de droit en cas de saisine préexistante), ¿ tliu d
est transmissio, et aliud est vacatio.
En deux m ots, toute stipulation conditionnelle est nécessairement
transmissible à l’héritier du stipulant, si la condition peut encore recevoir
son accomplissement, parcequ’au moyen de la saisine attacliée aux actes
entre-vifs, le droit qui en résulte a fait partie des biens du transmettant,
dès le temps même de l’acte. II n’est pas nécessaire pour cela de donner
à la clause aucune extension, pareeque c’est la loi seule, la force'de la sai
sine, et non pas l'intention positive de transmettre, qui opère la trans
mission. Il est vrai que la saisine elle-même dépend en quelque sorte de
l’intention du stipulant; mais c’est seulement en ce sens qu’elle ne s’ap
plique qu’aux droits que les parties ont eus en vue, et pour les cas qu’elles
ont exprimes. Du reste, une fois que la condition prévue par les parties
est arrivée, il devient constant que la saisine h eu lieu ab ini/io, et que la
transmission s’en est suivie, sans que les stipulants y aient seulement pensé.
Il ne pourroit y avoir de question que sur le point de savoir sous quelle
condition les parties ont entendu contracter,, si c’est seulement sous la
condition exprimée dans l’acte, ou si c’est encore sous la condition de la
survie du stipulant; mais pour suppléer cette seconde condition, lors
qu’elle n’est pas exprimée, il fuudroit ajouter à la lettre de la clause : or
c’est ce que la plus grande rigueur ne peut pas autoriser.
S E C O N D E P A R T I E .
Décisions des docteurs et des lois sur la transmission du
retour conventionnel en particulier.
Aussi Fontanclla décide-t-il affirmativement que le retour convention Uc pactiü
nel passe aux héritiers de celui qui l’a stipulé, quoique la condition du nuptialibus
clausula 4,
^ retour ne s’ac complisse qu’après son décès. E t quainvis non esset dietmn glossa ¿4,
n. a3 .
nisi quod reverlcrentur bona donata ad donatorem , nihilominiis
�( 64 )
..
reverti debuissent a d ejus hœ redem , ilio ante donatarium defuncto,
si posteà acfimpleretur co n d itio , quia contractus conditionalis trans_
mittitur a d hœ redes ; ex vulgan paragraphe), E æ con dilion a li.
Il s’objecte la loi Q u o d de pariter, ff. de rebus dubiis, qui paroit sup
poser le contraire ( i ) ; mais il re'pond avec Barlliole et les glossaleurs, qui
depuis ont été suivis par M* Potliier en ses Pandecles Jusliniennes, que
cette loi ne décide pas la question de retour dont il ne s’agissoit pas, mais
seulement une question de survie, savoir, qui des deux de la mère ou de
la fille, péries par incme accident, e'toitcenséô avoir survécu : Q u o d de
pariter mortuis tractavimus in aliis agitatimi est ut ecce, etc. ; qu’à la
vérité, la décision sur la question de survie présuppose le retour dont il
s’agissoit non transmissible, mais qu’apparemment le stipulant avoit ex
prim é, comme seconde condition du retour, l’événement de sa survie, et
que le jurisconsulte aura négligé de rapporter cette circonstance, parcequ’elle n’étoitpas relative à la question principale, ainsi que cela se voit
fréquemment dans les lois du Digeste et du Code.
Cette interprétation lui paroît d’autant plus nécessaire, que sans cela la
loi Q u o d d e p a r i t e r contrediroit manifestement la disposition absolue et
impérative du paragraphe E x c o n d i t i o n a l i , sur la transmission de toute
espèce de stipulation conditionnelle, et les décisions des lois Caius et A v ia
( dont il sera parlé tout-à-l’heurc), sur la transmission du retour en par
ticulier.
”
Il est vrai que Paul de Castres, Covarruvias etMcnocliius ont pris la loi
Q u o d de pariter dans un sens tout différent. Ils en ont conclu que la sti
pulation du retour de la dot pour le cas du décès du mari ou de la femme
pendant le mariage renfermoit tacitement la condition de la survie du
stipulant: habet ista stipulatio tacitam conditionem , si stipulalor sup erv ixerit; mais ils sont obligés de convenir en iniine temps que cette
(i) Quod de pariter mortuis tractavimus in aliis agitatum est ut ecce: Si mater stipulata est dotem
à marito mortuà filid in m atrim onio sibi reddi, et simul cùm filia periit, an ad hærcdem malris
actio ex stipulata competeret ? et divus Pius rescripsit non esse commissam stipulationem , quia
mater filiæ non supervixit : itom quaeritur si extraueus qui dotem stipulatila est, simul cuin marito •
decesserit, vel cum eà propter <|iiam stipulatili esset, an adhæredera actio competerei?
�( <35 )
décision qu’ils supposent à la loi Q u o d de p a rile r est singulière et sans
exemple : Casus est singularis in istâ lege , d it Paul de Castres, nec recordor alibi h oc vid isse : encore du moins, ajoute-t-il, lorsque le retour
est poûrlivoir~Tieu dans le cas du décès du mari p en d a n t le m a ria g e, i^
semble que la faveur des mariages futurs peut faire préférer la donataire
survivante aux héritiers du donateur, afin qu’elle ait une dot pour se
rem arier, ce qui est de l’intérêt public. I n hoc m ajor ratio quant in
p r im o , scih cetfa vo re dolis u t e x ed m u lie rp o ssit iterinn nubere. Mais
lorsque le retour est stipulé pour le cas du d éc è s d eîaT e mine p en d a n t le
m a n a g e, il n’y a pas même raison de faveur (à moins que ce ne soit pour
favoriser le second mariage du mari survivant ) ; se d in p rim o casu
non sic.
Si nonobstant ces raisons pérem ptoires, Paul de Castres et ses secta
teurs ont persisté dans leur interprétation, il ne faut pas croire qu’ils aient
entendu pour cela se départir des décisions d u paragraphe E x condition a li et des lois Caius et A v ia . Ils conviennent qu’en général le retour
conventionnel est transmissible comme toute autre stipulation condition
nelle; seulement ils en exceptent le cas particulier qu’ils supposent dans
la loi Q uod de p a r ile r, c’est-à-dire, celui où le retour a été stipulé pour
avoir lieu, m ortu â f d lâ i n m A T R I MON 10 , ou m ortuo IN M A T R I
m o n i o m an to; de sorte que lorsque le retour est stipulé sous toute autre
condition que celle du décès du mari ou de la femme p en d a n t le ma~
n a g e , i n m a t r i m o n i o ; lorsque, par exemple, comme dans notre
espèce, il est réservé pour le cas du décès de la femme non précisém ent
p e n d a n t le m ariage, mais en général po u r le cas' de son décès sans en
fants, pendant le mariage ou en viduité, alors, suivant les mêmes doc
teurs, les principes reprennent leur em pire, la transmission du retour
s’opère de plein d ro it, on ne sous-entend plus la condition de la survie du
donateur, et l’on suit sans difficulté les règles générales sur la transmission
des stipulations conditionnelles, et notam m ent les décisions des lois Caius
et A v ia .
Celte doctrine se trouve fort bien explique'e p ar Pierre Barbosa, chan
celier de P ortugal, l’un des principaux sectateurs de Paul de Castres. C’est.
0
�( ^6 )
sur la loi C a i u s , if. s o lu lo m a l r i m o n i o , versiculo q u o d c ù m ita . Après
avoir conclu de celle loi et de la loi ¿ d v ia , codicc d e j u r e d o t i w n , que
le retour conventionnel est transmissible, il s’objecte la loi Q u o d d e p a r ite r , qu’il entend dans le même sens que Paul de Castres, Covnrruvias
et Menoehius ; mais il y répond en disant que celle loi n’a lieu que pour
le cas particulier dont il y est parlé, lorsque le retour doit avoir lieu m o r t u â i n M A T n i M O N i o J iltâ . N e g u e o b s t a t d ic t a l e x Quod de pariler,
q u ia l o q u ï t u r q u a n d o q u is s t i p u l a t u r d o te m s ib i r e d d i , m o r t u â
IN
M A X R I M O N I O f i l i d ; n a m tu n e t a c i t a s u b in te llig ilu r c o n d itio s u p e r v i v e n t i œ , u t ib l t r a d u n t d o c t o r e s ; s e d s i g e n e r a l i t e r c o n c e p t a s i t s t i p u
la tio n p r o c e d e r e t i d q u o d s e n t i t is t e x l u s c u m s im ilib u s .
Ainsi la loi Q u o d d e p a r i t e r , de quelque manière qu’on veuille l’en
tendre, est sans application a noire espece ; car il ne s’agit pas dans la
cause deTetour stipulé pour avoir lieu, m o r t u d i n m a t r i m o n i o f i l i â .
D’ailleurs le mari ne gagnant plus la dot par sa survie, comme dans l’an
cien droit, la faveur de son mariage Futur ne milite plus contre les héri
tiers du donateur, et l’intérêt public n’est plus compromis par la trans
mission. En vain diroit-on que le mari survivant profite encore aujour
d’hui, à cause delà communauté, de la moitié de la somme constituée en
dot à sa femme. Il faudroit au moins que la somme n’eût pas été stipulée •
propre de communauté : or, dans l’espèce de la cause, les 3o,ooo liv. don
nées par le sieur Lhérilier ont été stipulées propres.
Il n’en est pas des lois C a iu s et A v i a , comme de la loi Q u o d d e p a r i
le r . Elles sont toutes deux très précises pour la question qui nous divise.
Dans la première ( i ) , il s’agissoit d’une dot donnée au mari par l’aïeul
(i) Caius Se'i'iis avus maternus Sei® uepti <jusberat in patris potestate, certam pecunUe quantitàtem dotti nomine Lucio Tilio marito dedit, et instrumento dolali tjusinodi pacumi et stipulalio—
nem complexus est,si iuler Titium Luciuminaritum eiSeiam divortium sineculpù mulieris factum
esset, dos omnis uxori vel Caio Seì'o avo materno redderetur reslituereturque. Quaeio, cùm Seius
avus maternus statini vità defuncti!» sii, et Seia posteà sine culpà suà diverter.t, vivo patre suo
in cujus potestate est, an et cui actio ex hoc pacto et slipulalione compelat, et utrum ha=redi av
materni ex stipulatu, ali nepti? Respondí in persona quidem neptis viileri inutiliter sti}.ulationetn
esse couceptam, quoniain avus maternus ei stipulatila propomtur ; quod cùm ita est, hxredi stipulatoris, quandocunaque direrterit mulier, acùo competere videtur-
�( 67 )
nialerncl de la femme, et par celui-ci slipule'e re'versible au profit de la
femme, oy de lui donateur, en cas de divorce san? la faute de la femme.
L e divorce arriva, mais le donateur qui s’étoit réservé le retour (du moins
en icco n d ) étoit prédécédé!; nonobstant ce prédécès, le jurisconsulte
(supposant nulle la stipulation faite en premier au profit de la femme ,
quia nem o a lteri stipulavip o te s t) décide que les héritiers du donateur
doivent profiter du retour en qualité de tra:ismissio.inaires, comme auroit pu faire le donateur lui-menie. Q u o d c ù m ita e st, hœ redi stip u la to n s , quandocum que diverterit millier, actio com pelere videtu r.
La loi A v ia n’est pas moins expresse. La question étoit desavoir si le
retour de la dot, n’ayant été réservé que par un simple pacte, et non par
une stipulation en forme, il étoit transmissible aux héritiers du donateur.
L ’empereur répond qu’il faut distinguer si la dot, dont le retour a été
réservé par le pacte est une dot profeclicc, (c ’est-à-dire donnée par celui
qui a la puissance paternelle) ou si elle est adventice. Lorsqu’elle est profectice, c o m m e en ce cas le donateur est assuré du retour légal qui n’est
pas transmissible, on suppose qu'il s’en est contenté, et que c’est pour
cela qu’il n’a pas eu recours à une stipulation en forme; mais lorsque la
dot est adventice, telle que celle donnée par les étrangers ou les ascen
dants maternels qui ne peuvent pas prétendre le retour légal, alors le re
tour qui en a été réservé par un simple pacte est transmissible aux héri
tiers du donateur. A v ia tua eo n im quee p ro J iliâ tua in dotera d é d itt
etsiverb o ru m obligatio non intercessit, aclionem e x fid e convcntionis
a d te, s i hœres ex titisti, tran sm itiere p o tu it , nec enirrTëadem causa
est patris e t m a tn s paciscentium ; q u ippe m atris p a c tu m actionem
•prœscriptis verbis con stitu it; p a tr is , dotis actionem conventione simp lic i m inim e creditu r innovare.
Quelque claires que soient ces deux lois, il s’est cependant trouvé
un docteur (i) q u i, pour les concilier avec la décision attribuée par Paul
de Castres et autres à la loi Q u o d de p a r ite r , a essayé de leur donner une
autre interprétation. Par exemple, il suppose que dans 1espèce de la loi
(i) Barthélemi Socin, sur la loi Quod de pariter.
�( 68 )
A v ia , la donatrice avoit survécu à l’ouverture du retour qu’elle s’étoit
réservé, et par rapport à la loi Caius , il prétend que cVst la stipulation
expresse faite en premier au profit de la femme mariée qui a fait présu
mer de la part du dotateur (pour le retour stipulé ensuite à son profit )
une dérogation à la disposition prétendue de la loi Q u od de pariter ;
mais cette double solution se réfute d’ellc-même. En effet, pour ce qui
est de la première, il est sensible que si la donatrice avoit survécu, il n’y
.auroit pas eu de distinction a faire entre le pacte de l’ascendant maternel
et celui du père, pour déclarer le premier transmissible, et non pas l’autre :
tous les deux auroient été également transmissibles, puisque le retour
même légal se transmet, lorsqu’une fois il a été acquis au père par sa sur
vie. A l’égard do la loi C a ius, il n’est pas possible de concevoir que la
circonstance de la stipulation expresse de retour faite en premier au profit
de la femme ait pu influer aucunement sur la transmissibilité de celle
faite en second par le dotateur au profit de lui-même ; il est évident que
la décision de là loi auroit été la même, quand cette circonstance ne s’y
seroit pas trouvée.
Aussi cet auteur finit-il par reconnoîlre que ces solutions sont plus sub
tiles que solides, et qu’il faudroit bien se garder de les suivre dans la pra
tique, dans les jugements : cogita lam en quia pulchra est conclasio ,
N O N T A M E N F O R T E I N J U D I C A N D O ESSET A B A L I A O P I N I O N E
RECEDENDUM.
E t effectivement, comme il le dit fort bien au même endroit, si ce
n’étoit le double sens dont la loi Q uoil de pariter paroît susceptible , il
n’y auroit pas un seul docteur dans tout,le monde entier qui n’opinât pour
la transmission du-retour conventionnel dans tous les cas. N o n esset
doctor in Jiiundo quiconlrarium non consuleret, si non vidissct tslutn
textum .
T R O I S I È M E
P A R T I E .
E x a m e n de la Jurisprudence*
1° Suivant Papon, au titre des Donations, art. 38 , il a été jugé que
la rétention fa ite p a r un d o n a te u r q u e si le donataire meurt sans en-
�(
).
J a n ts , la chose donnée retournera au don ateu r sans fa ir e m ention
d ë fsie n s, est réelle'et non p e rso n n e lle , p a r ain si transm issible à l ’he- *
ritier du donateur, s’il se trouve m o r t, lorsque la con dition d 'ic d ltT
rétention a dvient.
2° M. Maynard, 1. 8. c. 33. rapporte que par sentence de la sénéehausse'e de Lauserre, le retour stipulé par un oncle donateur au pays de Querci,
pour le cas du décès de son neveu donataire sans enfants, ledit cas étant
arrivé, quoiqu'après le décès du donateur, fut ju^é transmissible aux
héritiers du donateur, n o n o bstan t le défau t de ce m o t sien ou a ulrs.
e’quipolent.
...»
3 ° Le même M. Maynard rapporte que sur l'appel du cette sentence
par arrêt rendu à son rapport, au mois de janvier 1574-j coniirmalil de
la sentence, le retour fut adjugé aux héritiers du donateur.
4° Fonlanella nous assure que la même chose a été jugée contre lui même, le 10 avril 1G09, par le consistoire de la principauté de Catalogne.
Conatus f u i defendere q u o d non p o tera n t ( dotem vindicare hærcdcs
donatoris præmorlui) fu n dans intentionem in dispositione legis Quod de
pariter, et eorum quee super ea dicunt superius allegati de subintelligen tid cotulilionis superviventiœ , se d non p o tu i oblinere; im o d ecla - _
ra tum fu it expresse sub die 10 y lp r d is anno 1G09, itifa vo rem hœ redum ; et cela pareequ’il n’y avoit pas de preuve que le donateur eût
limité le retour au cas de sa survie, su m en do expresse m otivum qu od
non con staret con ceptam fu isse stipulationem respectu reversionis a d
donatorem , siisJilice su pervixisset, ac p ro in d è regulando eum casum
ex dispositione p a ra g ra p h i E x conditionali sim pliciter conceden/i
transm issionem a d h œ redes, qu ando non aclest expressa conditio
superviventiœ.
*
5° La même chose a encore étédécide'e
présente par Mes
d a n s
l ’ e s p è c e
Blaru, Normand, L e Clerc de Yeaudonne et Guéaux deRevcrsoaux, com
missaires nommés par le conseil pour juger les contestations relatives a la
succession du sieur JLhéritier donateur. E11 effet, par leur arrêt de partage,
ils ont réservé aux parties, par un acte séparé, l’espérance du retour sti
pulé par le sieur Lhéritier en ces ternies : les parties on t encore l’espé
ran ce, le cas arrivant, de la réversion de la som m e de
3qqoo
livres
'
�( 7°*)
donnée en dot p a r le sieur Lhéritier père à m adam e la marquise de
R a vig na n , sa ( b e l l e ) nièce.
6° Enfin la sentence dont,eSt appel, rendue sur les plaidoiries solen
nelles des parties pendant cinq audiences, a jugé en faveur des héritiers
du donateur, sur le fondement que la condition exprimée p arle dona
teur pour donner lieu au retour s’étoit. vérifiée : attendu le décès de la.
dem oiselle R a c in e , veu ve D a m p u s, sans enfants.
L e marquis de Mesmes auroit bien voulu pouvoir opposer à cette suite
de décisions quelques décisions contraires capables de les balancer. Mais
quelques recherches qu’il ait pu faire, il ne lui a pas été possible d’en
produire une seule; en vain excipe-t-il de l’arrêt rapporté par Mornac ^
au titre de dote profectilia. Il y étoit question du retour d’une dot cons
tituée par mi père naturel a sa fille bâtarde, et par conséquent profeclice,
comme le dit Mornac lui-même et comme le prouve fort bien H cnrys,
]. G. c. 5 . part. 3o, où il e'tablit que le retour légal a lieu au profit du père
naturel pour la dot par lui constituée, comme étant censée prqfectice ,
à cause de l’obligation où il est de doter; or il ne s’agit point ici d’une
dot profeclice.
D’ailleurs, si l’on examine bien l’espèce de l’arrêt de Mornac, on verra
qu’il n’est pas même précis pour le cas de la dot profeclice. En effet, Moi'nac dit lui-même que le retour avoit été stipulé seulement pour le cas du
décès de la fille sans enfants. O r, la fille n’éloit pas décédée sans enfants,
puisque scs enfants lui avoient survécu. D ecesserat presbyter POST e a q u e s p v r i a A C L I BE RT . Il est vrai que les enfants étoient dé
cédés sans enfants, et c’est apparemment sous ce prétexte que les héri
tiers du jirêtre dotateur revendiquoient la d ot, en étendant la condition
du décès sans enfants , au cas du décès, et des enfants sans enfants.
M a i s c o m m e l’ont fort bien observé Ricard etle Journaliste des Audiences,
les stipulations en général et celles de retour en particulier étant de droit
étroit, ne doivent pas être étendues d’un cas à un autre. Dès-lors, on ne
pouvoit pas adjuger le retour aux héritiers du prêtre dotalcur. Lui-même
auroit été exclus à défaut d’événement de la condition prévue (i).
(i) Ageliatur de lVcsbytcro qui cùra donaret filiæ sjmriæ 3oo aureos iudotem, conditioner
�( 7/ )
Si des jugements nous passons au suffrage des auteurs français, nous
v e rro n s que la question y est toujours décidée uniforme'ment en faveur
des transmissionnaires, notamment lorsque la donation est faite par au
tres que les ascendants (comme par exemple par un bel-oncle), notam
ment lorsque le donateur, étant plus âgé que le donataire, a cependant
prévu non seulement le décès du donataire sans enfants, mais encore le
deces de ses enfants sans enfants ou avant leur majorité.
L a réversion conventionnelle, dit Le Brun, traité des Successions,
]. i. c . 5 . sect. 2, passe a nos héritiers si nous ne l’avons limitée, ce qui
se f a it quelquefois, en ne la stipulant qu’au cas du prédécès du do
nataire ; mais quand nous Vavons stipulée simplement au cas du dé
cès du d onataire sans enfants, alors nous avons parlé pour nos hé
ritiers ou ayants-cause.
Quant a la réversion co nventionnelle , dit Lacom be, au mol Réver
sion , elle ne concerne vas m oins les héritiers du d onateur qui l’a sti
p ulée , que sa personne m ême. N am plerum que ta/n hœredibus nostris quant nobismelipsis cavemus, 1. 9. de Prob. s lin s i si un ascendant
fa it donation à son fils ou à sa f i lle , « condition de réversion, si le
donateur meurt sans e n f a n t l e s choses données passent a u x héri
tiers du donateur p rédécédé, si elle n’a été limitée.
L e retour conventionnel, dit 1auteur de la nouvelle collection de Ju
risprudence, au mot Retour, n’a d ’autres règles que celles de la con
vention............. et com m e les conventions passent in hæredes et ad
hæredes, il s’ ensuit que si le donateur prédécède, la réversion doit
appartenir à ses héritiers qui le représentent, lorsque la condition
sous laquelle elle est stipulée est arrivée, à moins que la réversion
n’eût été stipulée personnelle, et qu’elle n’ ait étélim iléepar des clauses
qui l’em pêchent d’être transmise a u x héritiers.
Domat, en son traité des Lois Civiles sur le Retour, après a vo ir décidé,
illam tabuli3 n u p t i a l i b u s adjecerat (si sine l i b e r i s filia d e c e s s e r i t , dos a d se reverterctur) nullà factà
mentionc hæreduin. Suscepti crani liberi ex eo matrimonio q u i b u s superstilibus decesserai Presby
ter, pusteàque spuria ac i i i e r F i ^ î û n l liæredis PresbyterTdolem illam u tprofeciitiam ex clau»«14 reversionis.... à petitione sui suromoli sunt.
1
�( 72 )
conimc tous les auteurs ci-dessus cités, qu’en général le retour stipulé
par un ascendant ou tout aulre donateur doit se régler comme les autres
conventions, et non à l’inslar du retour lég a l, ajoute que cela est encore
p lu s ju s te p o u r les donateurs autres que les ascendants. La raison
qu’il en donne est que les donateurs étrangers (tel qu’éLoit le sieur Lhéritier par rapport à la demoiselle Racine, sa belle-nièce ), n’ayant pas la
même affection pour la famille de leurs donataires, on présume encore
plus aisément d’eux que des ascendants, qu’ils ont voulu préférer leurs
propres héritiers a la famille de celui contre lequel ils ont stipulé le re
tour.
Enfin, suivantIlem js, quoiqu’en général le donateur, même ascendant,
qui se réserve le retour soit censé le faire tant pour lui que pour ses
héritiers, cette présomption légale devient bien plus forte encore, lors
que, comme dans notre espèce, il a prévu non seulement le décès du do
nataire sans enfants, mais encore le décès de scs enfants avant leur ma
jorité. E n effet, dit-il, quoique le p ère su rv iv a n t, l’ordre de la nature
en so it tro u b lé, c’est p o u rta n t chose a ssez co m m u n e, m ais qiCun
père pen se .survivre a sa fille e t au x enfants qu’elle p e u t laisser, qu'il
étende si loin sa p e n sé e , c’est ce qu’on y,e p e u t p a s présum er. D o n c ,
ajoute-t-il, qu an d le p ère a stip u lé que la d o t sero it réversible, s i sa f ille
décédoit sans enfants ou scs enfants sans enfan ts, il ne s ’est p as
p ersu a d é que to u t cela p û t arriver lui' viva n t, et p a r con séqu en t il a
bien entendu q ue cette stipu lation f û t aussi bien profitable à ses héri
tiers qu’à lu i-m êm e, au trem ent il n’au roit p a s eu une visée s i longue,
et s’il n’avoît cru que de stipu ler le retour p o u r lu i, il en au roit res
treint la condition e lle s term es, l i s e sero ït contenté d é p o r te r dît p r é
décès de sa fille sans enfanU, et il n’auroit p a s ajo u té et de scs enfants
sans eiifail
L e marquis de Mcsmes oppose à ces autorités le sentiment de Bouclieuil, de Bretonnier sur Henrys, et de M°. L aR ouvière; mais Boucheuil
ne se décide que d’après l’arrêt de Mornac, qui, comme nous l’avons vu,
n’a pas de rapport à l’espèce. Bretonnier se décide sans donner aucune
raison de son avis; ainsi on ne peut pas deviner quel a été son motif:
�(
)
d’ailleurs, l’espèce sur laquelle il donne son avis, qui est celle de Henrys,
est bien différente de la nôtre, où le donateur est un bel-onclc, et par
conséquent un étranger; au lieu que dans l’espèce de H enrys, c’est un
père assuré du retour légal de la dot profeclice par lui donnée. Par rap
port à Me. La Rouvière, il ne c^evroit plus être nommé dans cette cause,
d’après les preuves qui ont été administrées au châtelet, que cet auteur
n’a pas connu les premiers principes ‘delâTm aüère, et qu’il n’a pas en
tendu les docteurs par lui cités.
*
CONCLUSION.
Nous ne croyons pas qu’il reste la moindre difficulté dans cette cause;
car il ne faut pas regarder comme telle l’opinion isolée de deux auteurs
induits en erreur par des autorités mal entendues. C ’est toujours aux
principes qu’il en faut revenir. O r, les principes élémentaires du d ro it,
ceux dont n o u s avons été rebattus dans les écoles, et qui retentissent
j o u r n e l l e m e n t dans les tribunaux, sont que les stipulations condition
nelles se transmettent à l’héritier du stipulant, nonobstant le prédécès de
celui-ci, que les actes entre-vifs, même conditionnels, opèrent la saisine
in instanti, que les conditions y ont un effet rétroactif, que, suivant la
règle le m ort saisit le v i f les héritiers succèdent à tous les droits dont
leur auteur est décédé saisi, qu’ils n’en pourroient être privés que par
une volonté expresse du stipulant qui auroit formellement restreint la
stipulation à sa personne, que c’est à celui qui les prétend exclus à prou
ver leur exclusion, que les conventions sont toujours censées réelles, que
la personnalité ne s’y suppose jam ais, qu’elle doit être prouvée par des
expressions qui la nécessitent, etc.
L e marquis de Mesmes ne doit pas se flatter que la cour déroge en sa
faveur à ces principes consacrés par l’antiquité la plus respectable, adop
tés par toutes les nations policées et qùi' font une partie essentielle de la
législation universelle et du droit des gens.
11
En vain voudroit-il en éluder l’application par des distinctions imagi
naires; l’esprit actuel de notre jurisprudence est de prévenir, autant qu’il
est possiblej toute incertitude dans les jugements, en n’admettant que
10
�C 74 )
des principes clairs, et en rejetant toutes les distinctions arbitraires que
ia subtilité des docteurs avoit multipliées à l’infini. Ce seroit aller directe
ment contre cet esprit, et nous rejeter dans le chaos affreux d’incertitude,
dont la bonté du prince et la sagesse de la cour travaillent tous les jours
à nous retirer, que d'admettre les distinctions imaginées par le marquis
de Mesmes pour le besoin de sa cause.
Les principes ne doivent être limités que par des exceptions aussi clai
rement établies et aussi notoires que le principe même. Telle est, par
exem ple, l’exception qu’ une jurisprudence constante, uniforme et ayant
force de loi a établie pour le cas précis de la stipulation de reprise de l’ap
port èn communauté p arla femme renonçante. L a personnalité de cette
stipulation (unique dans son espèce, comme l’observe M c. P otliier, en
son traité des Obligations , à l'endroit déjà cité) est aussi notoire que la
réalité de toutes les autres; et en conséquence, il n ’y a ja m a is de diffi
culté lorsque le cas de cette exception se présente. Il n’en est pas de
même de celle qu’imagine aujourd’hui le marquis de Mesmes. Elle n est
autorisée par aucune lo i, aucun usage. E n vain voudroit-on l’assimiler à
la première. L a différence est des plus frappantes.
En effet, la stipulation de reprise de l’apport en communauté est con
traire à toutes les règles de l’égalité, qui fait l’ame des sociétés. Elle change
la société des conjoints en une véritable société léonine, où la femme
est assurée des profits sans courir aucuns risques ; en conséquence une
stipulation pareille seroit proscrite dans une société ordinaire, comme
contraire au droit naturel. Si elle est tolérée dans la société conjugale,
c’est uniquement à cause de la grande faveur des contrats de mariage,
qui autorise toute espèce de clause, lorsqu’elle ne va pas jusqu’à offenser
les bonnes mœurs ; au contraire la stipulation de retour ne r e n f e r m e rien
que de très conforme aux premiers principes du droit d es gens, étant
permis à tout donateur. 4’imposer à sa libéralité telle charge qu’il juge.à
propos. Dès-lors on ne doit pas être surpris que la jurisprudence des
arrêts ait déclaré la première stipulation personnelle, et non pas l’autre.
,
Quod contra juris rationem introduction est non est producendum
ad consequentias
,
�( 75 )
Indépendamment de cette considération particulière aux clauses de
reprise, qui peut-être a paru suffisante pour les faire déclarer person
nelles, il y en a une générale tirée des principes du droit, qui a pu encore
conduire à la même décision. C’est que la condition sous laquelle est sti
pulée la reprise de l’apport de la femme en communauté, c’est-à-dire, sa
renonciation à la communauté, est purement potestative , étant au pou
voir de la femme stipulante de renoncer ou de ne pas renoncer. O r,
presque tous les anciens docteurs ont soutenu que ces sortes de condi
tions ( si p e tie r o , si renuntiavero, etc.) étoient personnelles et ne pouvoient s’accomplir que dans la personne du stipulant, quia viden tur
a p p on i in persond stipulatoris; et effectivement ces conditions paroissent se référer directement à la personne du stipulant pour leur exécu
tion. Il n’en est pas de même du cas de décès du donataire sans enfants,
qui fait la condition ordinaire du retour. Cette condition est casuelle} et
non potestative. Elle n’est au p o u v o i r d ’a u c u n e des p a r ties contractantes.
Elle est a b s o l u m e n t extrinsèque à la personne du donateur stipulant,non apponitur in p erson d stipulatoris, pour nous servir des expres
sions de Fontanella. 11 n’y a donc aucun prétexte de la faire déclarer per
sonnelle, et dès-lors c’est incontestablement le cas d’y appliquer les prin
cipes généraux qui ont été établis pour la transmission des stipulations
conditionnelles, et notamment la disposition du paragraphe E x con d itionali et des lois Caius et A v ia .
M. B À R E N T I N , a v o c a t - g é n é r a l .
Me. L E S P A R À T , avocat.
B u r e a u l’aîné, procureur.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Bonnet
Delvincourt
Lacalprade
Barentin
Lesparat
Hureau l'aîné
Subject
The topic of the resource
successions
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
nullité du testament
fideicommis
jurisprudence
dot
stipulation
Description
An account of the resource
Consultation pour les sieurs Delsol, frères ; contre la dame veuve Vigier-d'Orcet, leur sœur consanguine [suivi de] Arrêt du Tribunal civil de première instance d'Aurillac [suivi de] Précis pour le sieur René-Louis Lhéritier et consors, intimés ; contre messire Joseph, marquis de Mesmes, appelant.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Mame frères (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1760-1809
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
75 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0629
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0531
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Aurillac (15014)
Rights
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contrats de mariage
dot
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substitution
Successions
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Text
NA P O L É O N ,
par la grâce de D ieu et les constitutions,
Empereur des Français, Roi d’Italie, et Protecteur de la con
fédération du R hin, à tous présens et à venir-, s a l u t .
La Cour d'appel séante à R io m , département du Puy-deD ôm e, a rendu l’arrêt suivant :
Audience de la première cham bre, du lundi 24 juillet 1809.
Séans MM. R edon, premier président, chevalier de la légion
d’honneur; Bonnarme , C a th o l, Branche , Barret-D ucoudert,
Landois , Girot , juges de la première chambre ; assistans
MM. V ern y, T outtée, D ucrohet, juges auditeurs; e t M. le pro
cureur général impérial.
,
'
Entre Claude Bellavoine , propriétaire , habitant du lieu
d'Ecole , mairie de B ro û t, appelant de jugemens rendus au
tribunal civil de l’arrondissement de Gannat, les 21 novembre
1806, et 13 mars 1807 , aux fins des exploits des 2 3 et 25 no
vembre 1807 , comparant par Me Pierre G ourbeyre, son avoué,
d’une part ;
E t Jean-Jacques Rochefort-Dally, propriétaire, habitant de la
ville d’Artonne, intim é, comparant par Me. Guillaume T a rd if,
son avoué;
Et Antoine-A mable Decom bes d e s Morelles , maire de la com
m une de Broût, habitant au château: des Morelles, commune
de Broût, aussi intimé, comparant par M e. Jean-Baptiste Marie,
son avoué, d’autre part.
Encore entre les habitans et corps commun de la commune
de Broût, section , poursuites et diligentes de G ilb e r t Bonnamour-Foi et dudit Bellavoine, fondés de pouvoir, et commissairesà n o m m é s adhocipardélibératoire du conseil général de
ladite com m une du 7 février 1806, homologué par le conseil
de la préfecture du département de l'Allier, par arrété du 12 mars
suivant , demandeurs e n in te rv e n tio n a u x fin s des requête et
ordonnance du 27 octobre 1807,com parans par ledit Me Gourbeyre l e u r a v o u é d ' u n e p a r t
■1
A
�(
2
)
Et lesdits Rochefort et D ecom bes, défendeurs , comparons
par lesdits M°\ T ard if et Marie, leurs avoués, d’autre part.
Encore entre ledit Decombes , demandeur en opposition à
l'arrêt par défaut, rendu par la Cour le 20 mai 1808, aux fins
de la requête du 4 Juin suivant, comparant par ledit Me. M arie,
son avoué, d'une part ;
E t ledit B ellavoihë, défendeur, com parant par ledit M6. Gour
beyre, son avoué, d’autre part.
Encore entre lesdits Rochefort et D ecom bes, demandeurs eu
opposition à l’arrêt par défaut, de la C our, du 22 août 1808,
aux fins des requêtes des 24 et 26 dudit m ois, comparans par
lesdits Mes. T ard if et M arie, leurs avoués, d’une part.
E t ledit B ellavoin e, défendeur, comparant par ledit Me. Gourb é y r e , son avoué , d ’autre part.
'
1
Encore entre ledit Decom bes, demandeur en intervention, et
incidemment appelant, aux fins des requêtes des 17 et 21 juillet
dernier, comparant par ledit M e. M arie, son avoué, d’une part ;
Et ledit Bellavoine, défendeur, et ledit Rochefort, aussi dé
fendeur et intimé , comparans par lesdits Mes. Gourbeyre et
T a rd if, d’autre part.
Ouïs pendant quatre audiences les avoués des parties, M e. Vissac,
avocat dudit Bellavoine, M?. Delapchier, avocat dudit Rochefort,.
et M. le substitut du procureur général impérial.
,
M e. G ourbeyre, pour ledit Bellavoine, a conclu à ce qu’il
plaise à la Cour recevoir les intimés opposans aux arrêts par
défaut , des 2.0 mai et 22 août 1 8 0 8 chacun pour ce qui le
concerne ; au principal, mettre l’appellation et ce dont est appel
au néant; émendant, et fai^apt cp q iieles premiers juges auroient
dû faire, déclarer le sieur Rochefort purement et simplement
non recevable. en ses demandes, ou en,tout cas l’en débouter ^
sur j£s. ;demandes dudit BellaY.oipe contre, le maire de B roùtr
mettre ,lç& parties horg, de cour r dépens compensés ; ordonner,
que l’amende sera rendue, et condamneras sieur Rochefort a u x
�(
3
)
dépens des causes principale et d’appel envers ioutes les parties,
même en ceux compensés.
Me. M arie, pour ledit D ecom bes, n conclu à ce qu’il plaise
à la Cour recevoir lem aire de Broût intervenant dans la cause
pendante entre Bellavoine et Rochefort-Dally ; recevoir les parties
respectivement opposantes aux arrêts par défaut ; dire qu’il a été
bien jugé par le jugement du 21 novembre 1806, sur la demande
formée par Bellavoine contre le maire de Broût ; dire qu’il a été
mal juge par ledit jugement,- sur la demande formée par Roche-fort-Dally contre Bellavoine; déclarer cette demande irrégulière
et nulle, subsidiairement non recevable ; subsidiairement encore,'
débouter Rochefort-Dally de cette demande; garder et maintenir
la commune de Broût dans le droit, propriété et jouissance du
bois des Brosses, et condamner Rocheforc-Daily aux dépens;
supprimer tous termes injurieux imprimés et écrits par Bellavoine
contre le sieur D ecom bes, et le condam ner aux dépens.
M®. Tardif, pour ledit Jlochefort, a conclu à ce qu’il plaise
à la C our, en ce qui concerne Bellavoine seul, recevoir le sieur
Rochefort opposant à l’arrôt par défaut, du 22 août 1808; sta
tuant sur l’appel, déclarer le sieur Bellavoine purement et sim-:
plement non recevable dans son appel du jugement du 21 no
vembre 1806.
En ce qui concerne la demande en intervention des sieurs
Bellavoine et Bonnam our-Foi, sur laquelle la Cour a sursis à
statuer jusqu’au jugement du fond, débouter les sieurs Bella
voine et Bonnamour-Foi de leur demande en intervention , et
les condamner aux dépens faits sur icelle.
Subsidiairement, en1ce qui-touche la prétendue litispendance,
lii propriété du bois contentieux, quant à Bellavoine seul, et à
la commune de Broût représentée par son maire, sans s’arrêter
aux prétendus moyens d'irrégularité, et à la- fin de non-recevoir
résultante de la prétendue'litispendance, dire
a été bien
ju gé, mal et sans cause appelé des- jugemens dont est appel ;
ordonnèr que ce dont est appel sortira son-plein et entier eif’e t,
A 2
�( 4 )
et condamner Bellavoine aux dépens de la cause d’appel et de la
demande en intervention.
P O I N T S
DE
FAIT.
r
Le 18 pluviôse an 10, Rochefort assigne au tribunal civil de
G annat, Bellavoine, i°. pour voir dire que ledit Rochefort est
seul et unique propriétaire d’un bois taillis appelé les Brosses,
situé en la commune de Broût ; 20. voir faire à Bellavoine dé
fenses d’y envoyer pacager ses bestiaux, y couper aucun arbre
et arracher aucune souche \ 3 °. être condamné eu 1200 francs
de dommages-intérêts.
Bellavoine dénie avoir coupé aucun arbre ni arraché aucune
sou che, et soutient que le bois des Brosses étant une propriété'
communale, il n’est point partie capable ni pour accorder n i
pour contester la demande.
Par exploit du 19 fructidor an 12, il la dénonce aux habitans
de Broût, dans la personne du maire, et les somme d’interyenir
et de prendre son fait et cause; et par un second exploit, du
21 janvier 1806, il les assigne en assistance de cause et garantie
simple.
Le 7 février 1806, délibératoire du conseil municipal de Broût,.
qui, i°. nomme le sieur Bonnamour-Foi et le sieur Bellavoine
pour commissaires ; 20. arrête que l’on prend le fait et cause d e
Bellavoine ; 3 °. donne aux deux commissaires pouvoir non-seu
lement de défendre à la demande de R ochefort, mais encore de
l ’actionner en désistement de toutes les usurpations qu’il a faites
sur les biens com m unaux des liabitans de Broût. Bellavoine se
charge de faire les avances des frais jusqu’au premier jugement»
L e 12 mars 1806, arrêté du conseil de la préfecture d'AlIier,.
qui homologue ledit délibératoire, et autorise le maire ou les
fondés de pouvoir qu a nommés le conseil, à plaider soit en de
mandant , soit en défendant.
L e 4 juillet: 1806, défenses du sieur Decombcs, maire, où i l
�( 5 )
conteste la demande du sieur Bellavoine , et conclut à en être
renvoyé, avec dépens, sa u f à fa ir e valoir en temps et lieu tous
les droits de la. commune contre le sieur Roclufort-Dally.
Le 21 novembre 1806, jugement du tribunal civil de Gannat,
portant :
« Attendu que par l’acte du 22 février iy 5 5 , la propriété du
« bois dont s’agit réside essentiellement sur la téte du sieur
« R ochefoi't-D aily, puisque c ’ést celui qu’il représente qui a
ce concédé ce droit de p acag e, d’après la rétribution énoncée
« en cet acte ;
« Attendu que le père de la partie de Juge est un de ceux
« à qui ledit acte est commun ;
« Attendu que l’acte de 17 55 n’est point entaché de féodalité ;
ce Attendu que les individus dénommés en l’acte de 1766 ont
ce traité sur leurs intérêts privés , et non pas sur ceux de la com
te mune ;
ce Attendu que l’exploit introductif de l’instance, du 18 plu« viôse an 10, n’est point n u l, parce que le défendeur a sufficc samment connu l’objet en litige, puisqu’il n’existe qu’un bois
« seul des Brosses dans la commune de Broût ;
« Attendu que dans tous les cas la partie de Juge auroit
« couvert son moyen d’exception, en défendant au fond avant
CC que de le proposer;
« Attendu que les parties sont contraires en faits sur la ques« tion de savoir si le sieur Bellavoine a ou non fait des coupes
cc et arrachemens dans les bois dont il s’agit.
cc En ce qui touche la demande formée par la partie de Juge
ce à celle de Bassin ;
« Attendu que la demande formée par la partie de Gay à
cc celle de Juge est purement personnelle à cette dernière, et
ce que dés-lors c ’est à elle à se défendre seule ;
ce Le tribunal déclare la partie de Mc. Gay propriétaire du
cc bois dont s’agit; ordonne néanmoins, avant faire droit sur la
jx demande en dommages-intérêts formée par cette dernière,
�m
qu’elle fera p reu ve, dans les délais de l’ordonnance, que cellô
de Juge a commis des dégradations dans le bois dont s’agit,
en y coup an t, arrachant, faisant couper ou arracher par les
gens de sa maison les arbres et souches enradiqués dans le
bois des Brosses , sauf à ladite partie de Juge la preuve contraire, dépens réservés à l ’égard desdites parties de Juge et
de Gay ;
« Faisant droit sur la demande de ladite partie de Juge contre
« celle de Bassin, renvoie cette dernière de là demande contre'
« elle form ée, et condamne ladite partie de Juge aux dépens
« faits à son égard. »
Le sieur Bellavoine signifie ledit jugement, avec réserve d’eit
interjeter appel quant aux chefs où il est grevé, et sommation
au sieur Rochefort de faire son enquête.
L e 16 janvier »807, enquête du sieur Rochefort, laquelle ne
prouve rien.
Le *3 mars 1807, jugement entre Rochefort et Bellavoine,
par lequel Bellavoine est renvoyé de la demande de 1200 francs
pour dommages'-intéréts, et condamné aux dépens, hors ceux
de l’enquéte qui sont à la charge de Rochefort,
Les a 3 et 2$ du même m ois, appel de ces deux jugemens
par Bellavoine, contre Rochefort et le maire de Broût.
'
Le 26 octobre 1807, acte devant Andriveau, notaire à SaintPourçain, enregistré au bureau de Saint-Pourçain le lendemain,
par lequel Bellavoine donne en échange une église à la commune
de Broût, laquelle délaisse en contre échange dix-neuf hectares
et deux décares, à prendre dans les communaux des Brosses,
situés dans ladite commune de Broût, et appartenons- ci ladite
commune. Il y est dît : E n conséquence, le conseil municipal
de la commune de Broiit promet et s’oblige de fa ire toutes les
diligences convenables pour se fa ire maintenir dans la pro
priété , possession et jouissance desdits terrains communaux
«
«
«
«
«
«
«
des Brosses.
Le 27 octobre 1807, requête par laquelle Bellavoine et Bon-
�(
7
)
namour-Foi demandent, au nom des Iiabitans de B roû t, section
■SL, d'être reçus intervenans, acte de ce qu’ils prennent le Fait
et cause de Bellavoine , le mal-jugé des jugemens de Gannat,
et le débouté des demandes de R o ch efort, avec dépens.
Le 23 novembre 1807, arrêt de la C o u r, q u i, i°. remet la
cause d’un m ois, pendant lequel temps les habitans de Broût
s’assembleront de nouveau pour délibérer et s’expliquer sur les
défenses fournies par leur maire ; 20. autorise Bellavoine à faire
la recherche et le retrait des titres et procédures qu’il parviendra
à découvrir, concernant le bois des Brosses , comme aussi à faire
faire vidimé de tous titres et procédures étant dans les archives
de la commune de B ro û t, et ayant trait audit bois.
Le 21 février 1808, procès verbal fait par Flourit, notaire
près la C o u r, constatant qu’il ne s’est rien trouvé dans les archives
de Broût qui puisse servir à la contestation.
Le 27 avril et jours suivans, 1808, autre procès verbal du
même notaire , contenant vidimé de plusieurs pièces trouvées
entre les mains du sieur À ven ier, sous-inspecteur dans la con
servation des eaux et forét6 pour l’arrondissement de Gannat.
Le 20 mai 1808, arrêt par défaut, qui ordohne, x°. que dans
trois jours le maire de Broût déposera au greffe de la Cour ,
prem ièrem en t , les titres renfermés dans une enveloppe N°. 4 »
mentionnée dans le procès verbal du 21 février 1808; seconde
ment, sa correspondance avec Rochefort, et en exprès une lettre
par laquelle ce dernier proposoit de prendre un tiers des com
munaux , et d’en laisser deux tiers à la commune de Broût ;
20. que Bellavoine donnera au maire de Broût communication
des titres qu’il s’est procurés en vertu du compulsoire du 23 no
vembre 1807.
Le 4 juin suivant, opposition du maire de Broût.
Le 22 dudit mois, délibératoire du conseil municipal de Broût,
portant, i°. annulation et rapport de celui du 7 février 1806j
2°. défenses à Bellavoine de s’en prévaloir; 5 °. que le maire se
concertera ayec les avoués et avocats, pour que les frais faits
�(8)
ne retombent pas sur la commune ; 4°- fIue
commune n’in
terviendra qu’autant qu’elle acquerra des titres suffisans pour
prétendre à la propriété des Brosses.
Le 28 du môme m ois, envoi officiel de ce délibératoire, par
le maire à Bellavoine.
L e 22 août 1808, arrêt par défaut, qui, attendu une première
instance au conseil des parties sur le bois des Brosses, annulle
la nouvelle demande de R ochefort, sauf à lui à reprendre l’ançienne, met hors de cour sur les demandes de Bellavoine contre
le maire de B roût, et condamne Rochefort aux dépens envers
toutes les parties.
Les 24 et 26 du même m ois, opposition de Rochefort et du
maire de Broût.
Bellavoine découvre ès mains de Me. C ochu, ancien avocat
au conseil des parties , les titres et procédures de l’ancienne
affaire audit conseil. Le 2g novembre 1808, il lui notifie l’arrét
du 23 novembre 1807, e t, en tant que de besoin, il saisit les
pièces.
Le 26 septembre 1808, délibératoire du conseil municipal de
Broût, portant, x°. que la commune n’entend en rien ni pour
rien entrer dans la contestation de Bellavoine, ni dans les pour
suites qu’il a faites, qu’elles sont personnelles à lu i, et que tout
çe qu’il a fait est étranger à elle ; 2°f que la commune se réserve
tous ses droits contre lui et Rochefort; 3 °. que les propositions
de Rochefort, en sa lettre du 6 avril 1807, sont provisoirement
acceptées; 4°* qu’avant de transiger avec lu i, l’on consultera
pour savoir si la commune ne pourroit pas demander la totalité
des Brosses.
Le 4 décembre 1808, arrêté du conseil de la préfecture du
département de l’Allier, portant, i°. que les dispositions des
délibératoires des 22 juin et 26 septembre 1808, qui annullent
celui du 7 février 1806, donnant pouvoir à Bellavoine et Bonnamour-Foi d agir contre Rochefort-Dally , sont approuvées j
£î°. que la commune ne peut se dispenser de participer aux frais
qu’a
�(( 9 )
q ù ’a entraînés la poursuite de l’a ffa ire , si Bellavoine çn exige le
remboursement; mais qu’il y a lieu de faire régler par la Gour
Ceux étant indispensables, et de laisser à Ifi charge de Bellavoine
ceux qui n’ont'été (que la suite de sa passion contre le m aire,
et de son obstination à le .faire intervenir au nom des habitans
de Broût, malgré sa volonté prononcée de ne point plaider tqnt
que les titres de la commune ne seroient pas découverts.
Le 16 décembre 1808, arrêt de la Cour , portant : ; ^ _
« La Cour, sans qu’il soi;t besoin de statuer sur le mérite de
cc la saisie-arrêt du 29 novembre dernier, ordonne que son arrêt
« du 23 novembre 1807 sera exécuté selon sa .forme et teneur;
«ien conséquence, autorise Bellavoine A retirer p^r lui ou uu
« fondé de pouvoir,' des .mfiins dudit Me. ¡Cochu, les titres et
cc procédures dont il s’a g it , à la charge par lui d’en donner dé« charge audit Me. C cch u , quip/inlà en demeurera yidablejnent
ce déchargé ; .comme aussi à la charge par ledit Bellavoine dq
« payer ce qui sera dû audit Me. ‘Cochu , sauf.à répétertcontre
« qui .il appartiendra. Paur sûreté desdites p ièces, la Cour
« ordonne qu’inventaire double en sera fjiit et signé pqr ledit
« Me. Cochu , .pour l'un des doubles être joint aux pièces, et
cc remis en même temps au sieur Bellavoine; et l’autre rester
cc au pouvoir dudit Me. Cochu ; ia Cour ordonne en outre que
te lesdites pièces seront cotées par -première et dernière , et
« paraphées par ledit M,!. Cochu. »
Le i er. février >1809, Bellavoine .fait signifier iledit arrêt à
Me.(Ç ochu, qui lui exhibe dîun arrêté du conseil de la préfec
ture d’AUier, du 23 décembre 1808, portant :
ce iLa délibération prise le 9 du présent m ois, p a rle conseil
ce municipal de Broût, >et qui a pour objet dû faire retirer par
a*le m aire, des mains<de M e.iG ochu, avocat au conseil d’état,
« h Paris, tous les titres et pièces qui concernent le communal
ce des Brosses ,-pst approuvée et'homolpguée pour..avoir.son plein
« >et-entier effet. ))
'Le 6 mars 1809, arrêt deMa^Cour, quioçdonne que dans le
B
�(I0 -)
mois le maire de Brout sera tenu de retirer lesditës pièces,des
mains de MR. Cochu , sous inventaire raisonné ;<St paraphé dudit
M°. C ochu, pour les déposer ensuite- dans.lesiarçhives de là comm iin èd e Brout, sinon autorise ledit Bèllavoinè»à les retirer luir
m êm e, pour lés déposer au jgréfféide l'a/Gourv et servir à l'ins
truction de l’affairé:
■ > ü n o u n ' ; . j j J u g ' o y ¡ a ; > ' t :i ; i . J : i u : < i ii>L e ^5 du même m ois, inventaireipanM®. Cochu. - • ■ >
Le 5 i du-même mois, procès verbal notarié^ constatant.que
le mairë:de Brout a* retiré lesdites ipièces.^ c i;;-. . i
‘Le 3 i'm ài 1809', baillé'copie par l'avoué du maire de Broût
à l’avoué de Bellavoine , d’un aveui et dénombrement de la terre
de la Font-Saint-Màgerandy fournï au roi pai\Gilbert de Capony,
représenté par Rochefort ; et ’reçu par la chambre des domaines
de la généralité de Bourbonnais, le 24 juillet 1674.
Le 8 juin suivant, baillé copie dudit aveu et dénombrement
par l’avoué dudit Bellavoine ’à l’avoué dudit Rochefort.
Le 17 juillet 180g , -requête-du maire de Brout, portant :
« Q u’il vo u s'p la ise, M essieurs, recevoir l'exposant, en sa
ce qualité cle maire , intervenant dàns Vinstance d ’appel pencc dante entre Claude Bellavoine et le sieur Rochejbrt-Dally;
te lu i donner acte de l'appel incident qu ’il interjette, en tant
et que de besoin, du jugem ent d u 'a i novembre 1806; dire qu'il
te a été mal-jugé par ledit jugem ent; amendant, déclarer la
ce demande form ée contre Bellavoine irrégulière et nulle , et
*c subsidiairement non recevable , et condamner le sieur Roec chefort-£yally aux dépens des causes principale et d ’ap pel,
te sa u f à ce dernier à se pourvoir 'ainsi qu’il avisera contre la.
ec commune ; supprimer les termes injurieux répandus dans les
te mémoires de Bellavoine, et le condamner aux dépens. »
Le 21 dudit mois , autre requête du maire de Broût, portant:
ce Q u ’ i l vous plaise, M essieurs, adjuger au sieur Decombes
ce les conclusions qu il a prises par sa requête signifiée le 17 du
« courant ; subsidiairement encore , dans le cas où la Cour
ce penseroit qu’il puisse être statué entre le sieur Rochefort-:
�( II )
D aily et {la'commune de Broût, sur la question de,propriété
du bois d es Brosses, dçiïner acte à l ’exposant de ce qu’il
adhère à tous moyensiproposes par /e sieur Bellavoine , pour
établir, le droit de.pràpriété en faveur de la commune ; en
conséquence, débouter le sieur Rochefort-Daily de sa de-.
mande cof/tre Bellavoine , garder et maintenir la commune
dans le droit et propriété du bois des Brosses, et condamner
le\siéur D a ily au x dépens. » [ . J
ü
t..
Les pièces et titres rapportés sont* ,i5jiun aveuiet dénombre
ment fourni au roi par Charles de Capony, seigneur de la FontSaint-M agerand, le 2^ août 1609 ; ilrcontient l’énumération et
la désignation de tous Jes bois faisant partie de ladite seigneurie :
le bois des Brosses n’y est point compris* Le sieur Rochefort
prétend qu il ne comprend'pas l'universalité des .bois faisant
partie de cette seigneurie.'/.-lu! ^ ¡r.o’ i 1.' *»I: -iü'-m
2°. Un terriei du 16 mai i 653 , énonçant le bois des Brosses
comme bois commun.
•<I *•■'!* ■
■
:rv;
,v" ,
« Plus, ,y, .¡est-il; d it, iinQiterfe au terroir des iBrosses, contec< nanti deux sèpteréés'ou'enwiron, joignant, etc. ; de m id i, le
cc boià du »seigneur, à cause «dés Brosses ; de nuit et bise:, les
« bois càmmnns appelés. les'}J3rosses•••.»¿v.1 •«
v,
3 °. Un àveu et, dénombrement de la terre de la Font-SaintMagerand, fourni au roi par Gilbërt'de Capony ; lé 24 juillet 1674,
où le bois des. Brosses\ dont ilAs’agit',, non^seulement n’est pas
porté .cpmmé propriété faisant, partie de ladite té rrë , mais encore
est donné pour. confins>iV\plusieurfe, des\ immeubles composant
•ladite terre, et 'cela sous la dénomination •botfvcommiin appelé
le Bois-D ieu, le bais commun appelé les Brosses, le Bois D ieu
appelé les-Brosses.
vv '.
••
,\A v'.
. v 4* U ne transactiorudu/20 septe.mbre i683v,passée entre.Gilbert
«
«
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«
«
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d e ,G»pony j . seigneur i e / la ,Font-iSaiptrMagçi:an.di'
François
Viard de Vjginaire représenté par, BeüaVoine ( jiar laquelle le
sieurride Ggpcfniy concède ¡au-sieur.[Viar^. pçnir.ses domaines de
JLamothe, et de$ Gravoinçs:, la faculté du>pacage.danç les corn*
B 2
�C 12 )
mimaux de la justice de la Font-Saint-M agerand, iftoyennant
le droit de blairie, comme les justiciables de ladite seigneurie.
5 °. Une vente notariée, du 29 novembre 171a , du domaine
de Château fort, fa r le sieur Yiard à Jean Bellavoine, père de
l ’appelant*
• 6°. Un procès verbal de la maîtrise des eaux et forêts de
Montmarault, du 20 juin 1763 ,■de tôus les bois de la terre de
la Font-Saint-Magerand, dans lequel celui des Brosses n’est pas
coiripris comme appartenant au soigneur de la Font-Saint-Magerartd.
70. Une transaction sur procès, passée entre Gabriëllè de
G apony, et Marieri M aréclial, son m ari, aïeux de RochefortD a lly , d’une part* et Jean Bellavoine et autres, ut singtili,
d’autre part, par laquelle, i°w Jean Bellavoine et autres s’obligent
h payer au seigneur de la Font-Saint-Magerand le droit de blairie;
20. les sieur et daine Maréchal continuent de leur accorder le
droit de pacage dans le bois des Brosses-* que Jean Bellavoine
et autres recoiinoissent appartenir du seigneur de la Font-SaintM agérand, en sa qualité de seigneur} à la charge de se conformer
à l’ordonnance des- eaux et forêts , et sans pouvoir par lesdits
justiciables fa ire pacager leurs dits bestiaux dans les autres
bois, places, terres hernies et vacans, vu que lesdits justiciables
n ’y ont l ’exercice d'aucun droit n i d ’usage généralement quelconque, âppnrtenans et dépendait s de ladite baronie ; tout le*
quel surplus,de bois'; de quelque espèce qu’il se puisse , places *
terres hennés et vacans, demeurant expressément réservés à
ladite dame , pour en jo u ir et disposer comme elle aviserti, etc. ;
accordé que lorsque le bois des Brosses se trouvera en état de
coupe , pour la fa cilite desdits justiciables , et pour leur pro
c u r e r une continuité de liberté de pdcage dans ledit bois,
■
lesdits seigneur et dame \ leurs successeurs' et ayans cause , ne
p ourront le fa ire exploiter que la moitié à la,fo is au p lu s, etc.
8°. Le i/f avril 1779» le procureur du roi eh la maîtrise des
eaux, et forêts de Motttmarault demanda et obtint permission
�C 1 3 )'
d'assigner les liabitans de Broût en règlement des bois, commu
naux Bois-Dicu Ou-les Brosses , Servoiron et Bois-Blanc.
- L e ï 8 du même m ois, assignation en conséquence.
90. Les 26 et 3 o mai suivant, délibératoires des liabitans, qui
arrêtent de demander au conseil des parties autorisation pour
partager lesdits bois communaux , pro rata fugerum. Le sieur
Maréchal, seigneur de la Font-Saint-Magerand, y donne son con
sentement. Ces délibératoires sont approuvés par M. l’intendant
de la généralité de Bourbonnais.
L e 17 octobre 1779, le sieur Maréchal révoque son consen
tement, et proteste contre lesdits triage, partage et changement
de ce bois , comme contraires aux vrais intérêts des seigneurs
et liabitans.
io°. Demande au conseil des parties par les liabitans en au
torisation à partage. Le conseil renvoie au grand-maître des
eaux et forêts.
1 1°. Requête du sieur Maréchal, au grand-maître, par laquelle
il demande le triage de ces bojs communaux, pour en avoir un
tiers.
12°. Le 2& juillet 178ô, mandement du grand-màitre à la maî
trise de Montmarault, pour dresser procès verbal, i°. de l’état
des b ois, 2°. des titres du seigneur de la Font-Saint-Magerand
et de ceux des liabitans, 3 °. du nombre des habitans ainsi que
<le leurs maisons et bestiaux.
i 3 6. Le 20 septembre et jours suivans, 1780, procès verbal
des bois en question.
i4°. L e 2 mars et jours suivans, 17 8 1,»procès verbal des dires
de Gilbert-Henri Maréchal fils, propriétaire de la seigneurie de
la Font-Saint-Magerand. Le même procès verbal contient l’analise de ses titres.
1.
Dans ce procès verbal on remarque les passages suivans, tirés
des dires et titres du sieur M aréchal : cc A rem ontré, dit et soucc tenu que les bois des Brosses, Servoiron et Bois-Blanc, dont
« est question, appartenoient en propriété audit sieur Gilbert-
�( H )
Henri M aréchal, en sa qualité de seigneur justicier de là bâ
rouie de la Font Saint-Magerand, ainsi que toutes les terres
bennes et vacans , dans l’étendue de ladite ju stice , à l’exclusion de tous les justiciables de ladite baronie, qui n’ont de
tout temps eu et exercé qu’une simple faculté de vaine pâ-,
ture pour leurs bestiaux, qu’ils ont envoyés dans lesdits bois
cc comme dans les autres places , hennes et vacáns de ladite
« justice, pour raison de laquelle faculté lesdits justiciables de
« la Font sont assujétis à un droit de blairie envers le seigneur,
c< de ladite baronie ,
i
• >
cc A cause du bétail bouvain que lesdits sujets tiendront paa cageans dans les bois, justice et communs dudit séigneur,
ce Les terres et broussailles vagues dudit seigneur, appelées
c< les Brosses ,
cc Pour la souffrance et patience que prétoit ledit seigneur à
cc sesdits justiciables d’aller pacager dans les bois et autres terres
« vacantes qui lui appartiennent par la coutum e,
cc Pour la permission d’envoyer pacager leurs bestiaux dans
cc les communaux de ladite justice de la Font,
t
cc Ainsi qu’il a acoutumé être payé par les autres propriécc taires et colons qui ont des bestiaux pacageans dans les conir
cc muns dudit seigneur.
' , • .
'
cc La propriété foncière des bois des Brosses, de Servoiron et
cc Bois-Blanc, a de tout temps appartenu au seigneur de la Fontcc Saint-Magerand, comme faisant partie et dépendans de. ladite
cc terre, et un droit inséparable de ladite justice ,; et que-les
cc habitans domiciliés ,dans l'étendue de la justice/ de la baronie
cc de la F o n t, n y ont et n’ont jamáis e u -áucuni droit que la
cc faculté de la vaine pâture pour leurs bestiaux, que leur ront
cc accordée leurs seigneurs , ainsi que dans les autres places ,
cc terres liermes et vacans situés dans la circonscription ,de la
cc même justice,
’’
•'
>
*•
ni) -eo-jir j-> - :i > ¡- ’>
cc Ne pouvoiént envoyer pâturer lëurs bestiaux)dans' les boi§
« et autres places , terres hennes et vacans.' ».
• •>
«
te
«
cc
«
«
�Dans le même procès verbal est énoncée une sentence du
27 juillet
en conséquehce de la transaction du 11
septembre iG83 , condamne Jean Bellavoine au payement du
droit(de blairie et pacage, à raison d’une coupé blé-seigle, me
sure la Font ', suivant et a in si q u 'il a cicoutum è être p a y é p a r
‘les autres p ropriéta ires ou colon s q u i o n t des b e stia u x p a ca g ea n s dans les com m uns d u d it s e ig n e u r , q u i son t dans l ’é te n
d u e de la d ite F o n t-S a in t-M a g era n d .
1
Le sieur Maréchal fils révoque la demande en triage formée
par son p ère, en qualité de son tuteur légitime. :
i 5°. Une vente devant notaire, consentie par Gilbert Vigier
à Gilbert L afont, de sept boisselées de terre au terroir des
Brosses , confinées en bise par le communal des Brosses , le
14 floréal an 6.
Le sieur Decombes ne prenant pas le fait et cause de Bella
voine, en conformité du délibératoire du 7 février 1806, et de
l’arrété du 12 mars suivant, ledit Bellavoine1s’est cru autorisé
à dire dans un mémoire imprimé en juillet 1808, que de diffé
rentes circonstances il résulte que ledit sieur Decombes est un
mandataire infidèle , un mandataire prévaricateur.
Le sieur Bellavoine prévenu que le sieur Decombes vouloic
demander la suppression de ces expressions, comme étant in
jurieuses au sieur D ecom bes, dans un second mémoire impri
mé en juillet 1809, a d’abord déclaré que ledit sieur Decombes
est un homme d ’honneur, et qu'issu d'anciens magistrats trèsrecommandables , il ne pouvait être que l ’héritier de leurs
vertus. Le sieur Bellavoine expliquant ensuite, d’après M. Mer
lin, procureur général à la Cour de cassation, en son Répertoire
nouveau, les causes qui produisent la prévarication, a dit qu’il
accusoit ledit sieur Decombes d’une profonde indifférence,
d une négligence préjudiciable aux intérêts des habitans de la
commune de Broût, section^/. Le sieur Bellavoine a invoqué
les articles du Code Napoléon sur le mandat.
�( i6 )
P O I N T S
DE
DROIT.
/*\
(
En ce qui touche le sieur Rochefort-Dally, les biens communs
sont-ils censés appartenir à la commune qui les possède?
Rochefort-D ally rapporte-t-il quelque titre établissant en sa
faveur la propriété du bois des Brosses ou Bois-Dieu?
C eux qu’il produit ne concourent-ils pas au contraire avep
ceux des habitans de Broût à prouver que le bois des Brosses
a toujours été une propriété commune desdits habitans?
Cette conséquence ne résulte-t-elle pas principalement de
l ’aveu et dénombrement du 24 juillet 1674, et de la transaction
du 20 septembre i 683 ?
La transaction de 1755 n’ayant été passée qu’entre le seigneur
de la Font-Saint-Magerand et quelques habitans , ut sin g u li,
peut-elle préjudicier aux habitans , Ut universi, par lesquels
elle n’a pas été consentie?
Etoit-ce comme seigneur, ou comme simple particulier, que
en 1782 le sieur Maréchal réclamoit la propriété du bois des
Brosses ?
j Si c ’étoit comme seigneur, seroit-ce un effet de l’abus de la
.puissance féodale?
Est-ce au mépris des lois, et des aveux des seigneurs,, que
RochefortrDally a été maintenu par les premiers juges au droit
et possession du bois dont il s’agit?
Cette question de propriété devoit-elle être jugée avec le corps
commun des habitans de Broût, section A ï
L e corps commun étant mis en cause p a r B ellavo in e,.et çon■çluant en la Cour à être maintenu en la propriété du boise*!
question , est-il nécessaire de statuer sur la nullité de l’action
nouvelle’du sieur Roohefortj n’est-ce pas plutôt leicas .de pro
noncer sur le fond ?
Bellavoine ayant >dit devant les premiers )juges n’avoir pas
qualité suffisante pour faire valoir le 'droit de propriété des
habitans,
�( *7 )
habitans, étoit il recevable à appeler du jugement qui a décidé
cette question de propriété?
En ce qui touche la demande en garantie de Bellavoine contrp
-le maire de Broût, et celle en suppression d'injures du jnaire
de Broût contre Bellavoine
'
L e maire de Broût est-il repréhensible de n’av.pir pas engagé
sa commune dans un procès i sans ayojr préalablement découvert
les titres nécessaires?
■
■, ' '
Au moyen de l’hommage rendu par. Bellavoine en son second
•mémoire, y a-t-il lieu dé statuer sur la demande en suppression
;d’injures?
Signifié à Mea. T ard if et M arie, le 6 septembre 1809, les copies
en six feuilles grand papier. Signé Sim ond, huissier audiençier
•en la-Cour. Enregistré à Biom le 7 septembre 1.809, fol. 4 v°. '•
;ï€çu ,55 centimes. Signé Ppughon,icom m i?.'
Après avoir ouï aux audiences des 1 7 , xg et
de ce mois,
“Çoui-beyré , a v o u é de Bellavoine, en ses conclurions ; Vissac ,
son avocat, en sa plaidoirie; T ard if, avoué de Rpchefort-Dally,
en ses conclusions; D elap ch ier, son avocat, en sa plaidoirie;
JMarie, avoué de Decombes des JYIocelles, en ses conclusions et
plaidoirie ; et M. Touttée , substitut du procureur général
¡impérial.
Et après qu’à l'audience du 2 1 , la <iause a été continuée à
vcejourd’hui pour la prononciation de l’arrét ;
Attendu que de plein droit les biens communs sont .censés
^appartenir à la commune qui les possède, et.qu e la partie de
Delapchier ne-rapporte aucun titre qui établisse ¡en sa faveur. la
•propriété du, bois des Brosses ou B o isiD ieti; qu’au contraire,
ceu x qu’il produit concourént avec ceux des habitans cle Brpût
pour-prouver que ce bois p. toujours été une (propriété commune
d-eces habitans;
:
..1.
r
Q u e1c est en e f f e t .ce. qui. .résulte îsurtout de l’aveu et dénon1'
'brement 4 u 24 juillet Î1B74 ,¡fourni nu»roi par Gilbert de C apony,
alors seigneur baron de la Font-Saipt-Magemudj dansfequel, pprès
G
�( i8.) f
avoir donné la circonscription générale de sa te rre , et déclaré
différens- droits et quelques dom aines, il rappelle et confronte
avec détail tous les bois qui lui appartiennent dans l’étendue
de sa terre, au nombre de sept, composant cent quatre-vingttrois septerées, sans y comprèndre; le Bois-Dieu Ou des Brosses-,
qui est de trois cents arpens ;
’
Que de là seul résulteroit la présomption que ce bois ne lui
appartenoit pas, d après la règle , que la ôhose exprimée exclut
celle qui ne 1 est p a s, parce qu’un aveu et dénombrement devant
être une description exacte et fidèle de tout ce qui composé le
fief servant tant en domaines qu’en arrière - fie f, cen s, rentes
et autres droits quelconques, on ne sauroit croire que le seigneur
qui l’a fourni ait eu l’imprudence de s’exposer à la peine portée
par la coutum e, qui déclaroit les objets recélés par fraude, acquis
au seigneur féodal ; qu’on ne peut pas penser non plus que ce
seroit par oubli qu’il auroit omis un bois si important, qui à luï
seul est beaucoup plus étendu que ne le sont ensemble lés sept
autres qui ont été déclarés , et qu’on le peut d’autant moins-,
que ce bois est rappelé en divers endroits du dénombrement,
comme confin de plusieurs des 'objets déclarés appartenir au
seigneur j
Mais attendu qu'outre ce défaut de déclaration du .bois des
Brosses, il y a encore dans ce même dénombrement, reconnoissance formelle du seigneur de la F on t, que ce bois est un bois
com m un, tantôt en l’indiquant comme confin d’un étang, sous
l’expression de bois commun de ladite fo rêt, appelé Bois-Dieu-,
tantôt en disant d’une terre qu’elle joint le bois commun appelé
Bois-Dieu, puis en disant encore d’une autre, qu’elle joint d’orient^
nuit et bise , le bois commun des Brosses ; ailleurs, qu’une telle
pièce de terre tient le Bois-Dieu appelé des Brosses, etc.
Attendu que dans un autre endroit de ce dénombrement, un
autre bois appartenant aussi aux liabitans est rappelé pour confins,'
sous l’expression de bois commun appelé Servoiron, et que cebois ne leur est pas contesté;
�( *9 )
Attendu que par l'expresSion, bois com m un, on ne peut en
tendre que le bois d’une communauté, et par conséquent celui
du corps com m un des habitans ; et que puisque la même expres
sion employée pour le bois de Servoiron, témoigne, quant à ce
bois, la propriété des babitans, elle la témoigne nécessairement
de même quant au bois des Brosses ;
Attendu que ces expressions de bois commun des Brosses ,
bois cominun de Servoiron, sont répétées dans plusieurs antres
titres du ci-devant seigneur, et qtfe le droit de blairie dont il se
prévaut, loin de lui attribuer la propriété des choses sujétes à
ce d ro it,.la dément au contraire, puisque, d’une part, c ’étoit
seulement un droit de haute justice et de protection pour le
vain pâturage sur Je territoire, et q u e, de l’autre, on voit dans
une transaction du 20 septembre i 683 , que le seigneur avoit
étendu ce droit jusque sur tous les communaux de sa ju stice, et
par conséquent sur le bois des habitans, q u i n'o nt pas d’autres
communaux que les bois des Brosses, de Servoiron et Bois-Blanc;.
A ttendu, quant à la transaction d e jjâ ^ ^ y V e lle iVa été passée
qu’entre le seigneur et quelques habitans , comme “individus ;
qu’elle prouve seulement qu alcfrs le -seigneur lit des etlorts pour
s’attribuer la propriété du bois des Brosses, sous le. prétexte de
certains titres et jugemens qui lui confxrmoient le droit de blairie, ^
et sous quelques avantages qu’il parut laire à ces individus pour
leur offrir le pacage dans ces bois ; mais que tout ¿é'q u 'il a ju j.
leur f aire dire ou souffrir qui fût dit dans cet acte, ne sa~ùroit~
'préjudicier aux habitans avec qui il n’est pas consenti ;
Que malgré cette transaction, les habitans n’eîTdemeurèrent
pas moins en possession de leur bois des Brosses, dont ils avoient
joui de temps immémorial ;
Q u’en 1779, les habitans, poursuivis par le procureur du roi
de la maîtrise de M ontm arault, pour les mésus qu’ils avoient
commis dans leurs bois communaux, arrêtèrent de demander à
être autorisés à partager leurs bois des Brosses et de Servoiron,
un proportion des propriétés de chacun ; ■
•■
qu’à cet effet ils préG a
�( 20)
sentèrent requête au conseil du r o i, et que le seigneur y consentit
sous la condition du triage ;
Que ce consentement au partage et cette demande en triage
sont une nouvelle reconnoissance de sa p a r t, de la propriété
des habitans ;
Q u’à la vérité , son fils révoqua ce consentement et cette
dem ande, comme ayant été faits par son père , tuteur et non
propriétaire , et soutint qüe les bois des Brosses'.) de Servoiron
et Bois-Blanc lui appartehoient en propriété ornais qù’il expliqua:
en être propriétaire è n 's a qualité»de seigneur justicier de La
baronie de la Font - Saint - M agerand , ainsi que de toutes les
terres hernies et nimeans", dans l ’étendue 'Tle'izrztîteju stice, et
que les justiciables n’avoient exercé la vaine pâture dans lesdit&
b o is, comme dansics~a 7itre 7 ~piaccs, terres hermés et vacans:
de ladite ju stice , qu’en payant un droit de blairie ;
Q u’ainsi il mëloit ^tii meme titre de propriété , et comme
seigneur haut justicier seulement \ les bois des Brosses et de
Servoiron , et~Tes terres hermes et vacans j ce qui démontre
que ce ne seroit qu’une propriété de puissance féodale, et ser-.
viroit encore à expliquer le s m'entions de propriété qu on a in
sérées en la transaction de 17^6
*
Attendu enfin ce qui résulte des lois de 1792 et 1793, no
tamment de l’article 9~ cté~Iâ première l o i , et*~cles articles i cr.
et 8 de la section 4 de la seconde, relativement à la propriété*
des biens communaux ;
Attendu que c’est en mépris de ces lo is, et des aveux des4
seigneurs, que la partie de Delapchier a été maintenue au droit
et possession du bois dont il s’agit ;
Attendu que cette question de p ropriété auroit^ dûjkre ju g é e a vec le corps com m un ;
— - 1^
Et Attendu qu "le corps commun appelé par la partie de V issaa
intervient dans la clause", et conclut à être maintenu dans ht
propriété du bois^en^ejuestion ;
Attendu que la partie de Y is s a c , quoiqu’elle ait dit devant
�(
ZT
)
íes premiers juges n'aVoir qualité saffísn'nt'e pour faiio valoir Im
propriété des habitans, n’en est has moins recevable à appeler
comme habitant, d tinjugem ent qui a décidé cette question de
propriété contre l u i . commeaImT|je individu ; que d’ailleurs il
avoit appelé le maire’ideTIrou^ t son aide et garantie.
En ce qui touche ladite demande en garantie de la partie de
Y is s a c , contre celle de Marie ; et la demande de la partie de
M arie, en suppression d’injures, contre celle de Vissac;
Attendu que si le maire n’a pas pris le fait et cause de la partie
de Vissac, en première instance, nonobstant le délibératoire qui
l’autorisoit, c’est qu’il étoit alors dépourvu de titres nécessaires
pour établir les droits de la commune ; que les titres qui devoient
être mieux connus de la partie de Y is s a c , n’ont été découverts
que depuis le jugement; qu’il eût été imprudent au maire d’en
gager sa commune dans les frais d’une discussion qu’il étoit dans
l’impuissance de soutenir; que sa conduite est justifiée par des
délibérations postérieures, et que c ’est injurieusement qu’on s’est
permis de le taxer de prévarication ;
Mais attendu l’hommage rendu par la partie de Vissac à cellede M arie, dans son dernier m ém oire, et qu’ainsi il n’y a lien
___
à statuer,
La Cour reçoit les parties de Delapfchiér et de Marie, oppo
santes à l’a r ré rp a r J élau t , du 22 août 1808, lequel demeurera
sans effet. Et faisant droit au fond et principal, sans qu’il soit
besoin de statuer sur la n u llité, reçoit' la partie de Marie inter
venante ; et faisant droit tant sur sa demande que sur l’appel
de la partie de Yissac , dit qu’il a été mal jugé par le jugement
dont est appel , bien appelé ; ém endant, déboute la partie de
Delapchier de ses demandes ; garde et maintient les parties, de
Marie au droit, propriété et jouissance du bois des Brosses ; fait
défenses à ladite partie de Delapchier de le£ y troubler, aux
peines de droit. Sur la demande en garantie de la partieVde
Yissac , contre celle de M arie, met les parties hors de cour,,
dépens entre elles compensés ; et sur celle de la partie de Marie.,,
�( 22 )
en suppression d’injures, contre celle de Vissac , déclare n’y
avoir lieu à statuer : condamne la partie de Delapchier aux dépens
envers toutes les parties, même en ceux ci-dessus compensés;
Sur le surplus des dem andes, met pareillement les parties
hors de co u r, et ordonne que les amendes seront rendues;
Faisant droit sur les conclusions du procureur général, ordonne
que la requête en trente-quatre rôles , signée Bassin, avoué près
le tribunal civil de l’arrondissement de Gannat , signifiée le
4 juillet 1806 , a la requête des habitans de Broût, à Bellavoine,
sera et demeurera réduite à trois rôles ; lui fait défenses de la
porter dans son état de frais pour un plus grand nombre de rôles
que celui ci-dessus fixé ; et s’il a déjà reçu les frais de ladite
req u ête, audit c a s , le condamne à restituer ce qu’il en aura
reçu au-dela du montant des trois rôles. A la minute ont signé
R edon, premier président, et A rm and, commis-greffier.
Mandons et ordonnons à tous huissiers sur ce requis , de
mettre ledit arrêt à exécution ; à nos procureurs généraux et
aux procureurs près les tribunaux de première in stan ce, d’y
tenir la main ; à tous commandans et officiers de la force pu
blique , de prêter m ain-forte lorsqu’ils en seront légalement
requis. En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le premier
président et le greffier.
Collationné : G a r r o n , greffier en chef.
Enregistré à Riom le 11 septembre 1809 : reçu 3 fr. ; expéd.
sous le N°. 68, 82 fr. ; p lu s, pour dixièm e, 8 fr. 50 centimes,
Signé Poughon.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la Cour d'Appel de Riom. Bellavoine, Claude. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
droit de blairie
terriers
contentieux post-révolutionnaires
Description
An account of the resource
[Arrêt de la Cour d'Appel de Riom. Bellavoine, Claude. 1809].
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
An 10-1809
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0628
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0626
BCU_Factums_M0627
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communaux
contentieux post-révolutionnaires
droit de blairie
pacage
terriers
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D EU X I EME
CONSULTATION
COUR
D ’A P P E L
DE RIOM.
POUR
*
.
:
Le sieur B E L L A V O I N E , appelant ;
l re. CHAMBRK.
C O N T R E
Le sieur R O C H E F O R T - D ’ A I L L Y , intimé.
. !
L e
C O N S E I L S O U S S I G N É , qui a lu et e xam in é,
1 °. L a requête par lui présentée au ci-devant conseil du r o i ,
en l’année 1780, au nom des hab itan s, corps et com m unauté
de la collecte de la Font-Saint-M agerand , dépendante de la
paroisse de Brou t , généralité de M oulins, poursuites et dili
gences du sieur Claude Bellavoine, alors syndic de ladite com
m unauté ; ladite requête tendante à ce qu’i l fû t permis auxdits
habitans de diviser et partager entre e u x , au prorata de leurs
propriétés particulières, deux cantons d e com m unaux dépendans
de leur territoire et c o ll e c t e l’un appelé le B o is -D ieu ou le s
B rosses, et l’autre le bois de Servo iron , à l’éffet par eux de
pouvoir défricher lesdits terrains chacun pour la portion qui
l e u r e n avoit été assignée
3o
2 . L e s d élib éra tio n s de l ad ite c o m m u n a u té ! en d a te des 20,'
mai e t 1 e r a o u t 1 7 7 9 j o i n t e s à l a d i t e r e q u ê t e
‘
5°. L e s p ro cè s v e r b a u x d u lie u te n a n t d e la m aîtrise d e M o n tm arault,endate l'undes 20septembre 1780et jours suivants
e t l 'a u t r e d e s 2 m ars 1 7 8 1 e t jo u rs su iv a n s , dressée e n v e r tu
A
�( O
du renvoi fait par. le conseil à M. le grand-maitre des eaux et
forêts du département du Bourbonnais , et de la commission
dudit grand-m aitre, à l’effet de constater l’état de ces b o is , et
les droits et prétentions tant desdits habitans que du seigneur
de la Font-Saint-M agerand , dans lesquels procès verbaux sont
insérés les dires respectifs des p a rties, et leurs réquisitions ;
4°. La consultation délibérée par le soussigné et par M e. Robin,
le 26 décem bre 1782, sur la prétention de propriété desdits
b o is , élevée par le sieur M a ré ch a l, alors seigneur de la F o n t,
dans le cours desdits procès verb au x;
5°. Les titres respectivem ent invoqués lors de ladite contes
tation , et mentionnés auxdites requête et con sultation , et no
tam m ent les copies ou extraits d’aveu x, terriers et autres titres
de la terre de la F ont-Saint-M agerand, des 2 novem bre 1 4 1 1 ,
2,4 juillet 1674» 8 juillet 1621 , et autres ;
6°. E t enfin le m ém oire imprimé pour M. de R ocliefortd ’A illy , héritier et représentant de l’ancien seigneur, sur la co n
testation actuellem en t pendante en la Cour d’appel de R io m ,
et ce lu i imprimé pour le sieur. Pellavoine :
Consulté sur la question de savoir si M. de Rocliefort-d’A illy
est,fondé à réclarçier., com m e il le fa it, contre les habitans de
B roût, la. propriété, exclusive des bois dont il s’agit , ou si la
com m unauté çst bien fondée à se défendi'e de cette a c tio n , et
à, soutenir au contraire la propriété à laquelle elle croit avoir
dxçif-.sur ces, jnémes, ,bois , com m e étant t^es' com m unaux qui
lui appartiennent, tant par leur*¡nature que d’après ses titres eç
frOfi ancienne possession f, u r f
r
E
s t im e
• ; :;f HU' ' [•'[');;•' :
; :
S- ;
que la prétention de M. de R o c h e fo rt, comme héri-»
tipr. .de, M-,
fondée ;
la com m une est
légalem ent e n ^ r o ^ i ^ d é f e n d r e , et,qu,e la propriété, çte
ladite c o m m u e , est é ta b lis sa n t su r les lois anciennes ,et nou
velle^ qui régissant,}çette m atière, que sur la jurisprudence bien
constante / et& ur l’application qui d o it se faire de« nues, et des
�C 3 )
autres aux titres que les habitans in vo q u en t, e t à ceu x m êm e
que l'ancien seigneur avoit produits.
Pour m ettre cette vérité dans le plus grand jo u r, on croit
devoir exposer d ’abord les principes qui résultent tant de l’an
cienne législation sur la propriété des biens com m unaux , que
\ des lois nouvellem ent portées sur cette m atière depuis la
ré vo lu tio n , et notam m ent de celles des 28 août 1792, et 10
juin 1795.'
Il sera facile ensuite d’en faire l'application à l’espèce a c
tu e lle , et de se convaincre qu’elles se réunissent toutes en fa
veur des habitans de B r o û t, contre la prétention de M. de
Rochefort.
§.
1« .
Principes de l’ancienne législation sur la p?'opriété des
biens coTtiTnimaux.
T ous les auteurs qui ont traité de cette espèce de biens ,
nous apprennent que leur origine remonte au partage des terres
après la conquête des Gaules par les Francs.
Q uand Clovis et ses successeurs s’en furent rendus m aîtres,
on fixa le domaine r o y a l, et on distribua les autres parties
aux p rin ces, aux hauts seigneurs et grands capitaines , pour
leur form er des établissem ens, et les récom penser des travaux
de la guerre.
Ces distributions se firent à la charge du service m ilitaire ;
ce qui forma dès-lors les grands fiefs, c ’est-à-d ire, les grandes
et les petites provinces : ces concessions, qui n ’étoient d’abord
qu'à v i e , devinrent héréditaires vers le neuvièm e siècle.
Les p rin ces, seigneurs et capitaines ne pouvant cultiver ces
grandes possessions, les redistribuèrent, à l’imitation de lenrà
souverains, à leurs capitaines, hommes d’armes et soldats, qui
form èrent de ces possessions particulières des habitations, en y
bâtissant des châteaux et des manoirs. Chacun d’eu x s’efforça dô
A 2
�(4 )
peupler son canton; et pour ce t e ffe t, à l’envi l’un de l’autre,
ils attirèrent autant qu’ils .piirent des h a b i t a n s , non-seulem ent
pour la culture des terres, mais encore p o u r l ’établissement des
arts et m étiers, et du com m erce.
Mais com m e il ne süffisoit pas de donner à ces habitans un
simple terrain à cu ltiver, et qu’il leur falloit des pâturages pour
la nourriture de leurs bestiaux , et outre cela des bois pour
bâtir et se c h a u ffe r , les nouveaux seigneurs donnèrent à ces
habitans des terrains incultes pour le pâturage de leurs bestiau x,
et des cantons de bois pour y prendre des matériaux de cons
tru ctio n , et y trouver leur chauffage et différentes autres choses
nécessaires à la vie. Ces terrains cédés par les seigneurs for
m èrent dès-lors les biens com m un aux, connus depuis leur ori
gine sous le nom de com m unes et com m unaux.
L a plupart des concessions furent faites sous des conditions
très-dures, très-onéreuses; les concessionnaires furent assujétis
à des c o rv é e s, à des tra va u x, à la banalité de four et de m ou
lin , etc.
L es titres de ces concessions originaires ne se trouvent plus
dans les archives d’aucune com m une ; mais il n’est pas moins
certain que la propriété des biens concédés appartient à la
com m unauté des habitans , et que le seigneur n’y pouvoit rien
prétendre de plus que les autres habitans.
F rém in ville, dans son T raité du gouvernem ent des biens et
affaires des com m unautés, page 2 8 , s’exprim e ainsi : « Dans
« le fait il n’y a aucuns auteurs, surtout les plus respectables,
te qui ne s accordent unanimement sur la propriété des com « inunes et com m unaux, en faveur des communautés et habi
te tans. Legrand, sur la coutum e de T r o y e s , art. 168, chap. 3 ,
« n°. 1 , dit que tous les usages et pâturages appartiennent
« régulièrem ent à la com m unauté des habitans du lieu et tercc ritoire où ils sont assis, lesquels sont estimés être entre leurs
«t domaines et propriétés, et que les seigneurs des lie u x, quoi« que fondés en justice et territoire, ne peuvent prétendre qu’ils
« leur appartiennent. »
�'
C 5 )
'
Basmaison , sur l’art. 5 du titre 28 de la coutum e d’A uvergn e,
d it: « Q u a n t aux hernies, com m unaux, terres vacantes, bruyères
« et buissons, les seigneurs justiciers prétendent leur appartenir,
« à cause de leur justice ; mais la co u tu m e, conforme au droit
« co m m u n , les attribue à l’universalité des habitans résidans en
« m êm e ju s tic e , sans que le seigneur ait aucun avantage ni
« préférence à ses sujets , que d’en prendre com m e l’un d’eux. »
B on iface, dans le tome 4 d’un R ecu eil d’arrêts du ci-devant
parlement de P ro ven ce, en rapporte un du 22 août 1672, rendu
par le parlement de D ijon , en une cause évoquée du parlem ent
de Provence , dans laquelle le seigneur ayant prétendu qu’il
a vo it, de d ro it, la propriété des terres gastes, il fut répondu
que cc bien loin que le seigneur fût fondé sur le droit de pro« priété des terres gastes, par l’opinion des docteurs qu’il allé« g u o it, au contraire, suivant le sentim ent des mêmes d o cteu rs,
« c ’étoit la communauté qui étoit fondée dans la présomption
cc du droit d’en avoir la propriété et le domaine utile ; car
cc D u m o u lin , sur la coutum e de P aris, titre des fiefs, §. 68 ,
cc n. 6 , page 12 9 3 , tient que les biens incultes et stériles n’apcc partiennent point aux seigneurs de fiefs et ju rid ictio n , mais
cc aux propriétaires des territoires : H ujusm odi sterilia et incidta
« non speelant a d dom inum ju r isd ictio n is, sed a d dom inum
cc terrîtorii; et ainsi aux habitans qui ont le domaine utile.
cc E t avant D u m o u lin , Antibolus , bien inform é des usages
cc de Provence , dit en son traité D e muneribus e t honoribus,
cc §. 4 , sur la f i n , n. 194, que suivant la coutum e générale de
cc la p ro vin ce, les habitans sont les maîtres et les propriétaires
« des pâturages du terroir, et non les seigneurs juridictionnels.
« Autant en dit le com m entateur de M a th e u s , de a ffectis,
cc sur la décision 289, n. 1 2 , qui se fonde sur le sentiment de
cc C ra v e tta , en son conseil 164, qui est exprès et formel ; car il
cc décide résolutivem ent que les biens incultes sont en propriété
cc aux habitans, non aux seigneurs des lieux : Terrœ herbidco
cc e t incuUœ queü à nem incre p eriuiilur occupai ce, picvsumuntur
�( 6 .) .
.
« esse universitatis in cujus territorio sitcc sunC; et il cite Paul
cc de C astres, en son conseil 376. »
L es conventions originaires entre les seigneurs et les habitans,
qui constatoient cette propriété en faveur de la c o m m u n e ,
furent long-tem ps e x écu té e s, parce que les titres existaient j
mais lorsque le temps les eut d étru its, les seigneurs , abusant
de leur autorité , p ro fitèren t, dans les quinzièm e et seizièm e
siècles , des troubles du royaum e pour s’emparer de la propriété
de tout ou de partie des biens com m unaux. Leurs usurpations
continuèrent à un tel point, que sous Henri III le tiers-état en
porta ses plaintes au m onarque, qui assembla les états généraux
à B lois, où il fut rendu une ordonnance c é lè b re , par l’art. 2.84
de laquelle il fut enjoint aux procureurs du roi de faire inform er
diligem m ent et secrètem ent contre tous ceu x q u i, de leur propre
au to rité , avoient ôté et soustrait les lettres , titres et autres ren"sêignemens de leurs su je ts, pour s’accom m oder des com m unes
"dont ils jouissoient auparavant, ou , sous prétexte d’a c c o rd , les
"avoient forcés de se soum ettre à l’avis de telle personne que
bon leur avoit se m b lé , et d’en faire poursuite d ilig en te, décla
rant dès à présent telles soum issions, com prom is, transactions
ou sentences arbitrales ainsi fa ite s , de nul effet.
Les dispositions de cette loi prouvent, i°. que plusieurs sei
gneurs , pour parvenir à usurper la propriété des co m m u n es,
avoient soustrait les titres et autres renseignem ens qui prouvoient que cette propriété appartenoit aux habitans ; 20. qu’ils
avoient ensuite fo rcé les m ôm es habitans de se soum ettre à
l’avis de personnes à eux d évo u ées, et de faire ainsi des tran
sactions , ou de laisser rendre des sentences arbitrales, au m oyen
desquelles les vassaux se trouvoient dépouillés de leurs biens
com m unaux.
M algré cette lo i, les usurpations continuèrent ; car Lou is X I I I ,
en son ordonnance de 1629, art. 206, fut obligé de les réprimer
e n c o re , en réitérant les défenses portées par celle de Blois. Cet
article ao6
est conçu en ces termes :
�(7 )
« Nous voulons que lesdites défenses aient lieu pour les sei« gneurs et gentilshommes qui usent de semblables exactions
« sur leurs hôtes et tenanciers , leur défendant pareillem ent
« d ’usurper les com munes des v illa g e s, et de les appliquer à
« leur profit, ni les ven d re, engager ou bailler à e u x , sous les
« peines portées par les ordonnances ; et si aucunes ont été
« usurpées , seront incontinent restituées : à quoi faire nous
« enjoignons à nos baillis , sénéchaux, subtituts des procureurs
« généraux des lie u x , de tenir la main et faire toutes diligences
« pour ce requises et nécessaires. :»
C ette ordonnance fu t fa ite, ainsi que celle de Blois, sur les
plaintes et doléances faites au roi par les députés des états du
ro y a u m e , convoqués et assemblés dans la ville de Paris , e»
Tannée 1614 > e t sur les avis donnés à sa majesté par les assem
blées des notables, tenues à Rouen en l’année 1 6 1 7 , et à Paris
eu 1626.
Elle fut publiée et enregistrée au parlement de P aris, le roi
y séant, le i 5 janvier 162g.
Il est vrai que plusieurs parlemens ne l’enregistrèrent point ;
mais ses dispositions étant conform es à celle de B lo is, relative
^
--------
ment à l’objet que nous exam inons, elle n’en a pas moins d’au
torité, et fournit une nouvelle preuve que les seigneurs avoient
continué leurs usurpations sur les biens com m unaux appartenans
aux habitans.
Outre les moyens d’usurpation que beaucoup de seigneurs
avoient em ployés pour s’emparer des biens com m unaux sans
rien p a yer, un grand nom bre, abusant de la détresse des com
m unautés, avoient acheté à vil prix des biens com m unaux.
P our anéantir ces aliénations, Louis X I V donna un é d it, au
mois d’avril 1667, dont voici le préambule :
« Entre les désordres causés par la licen ce de la gu erre, la
« dissipation des biens des communes a paru des plus grandes ;
« elle a été d’autant plus générale» que les seigneurs, les offi
ce ciers et les personnes puissantes, se sont aisément prévalus
jj
'
'—
—
/
^
�(8)
« de la foiblesse des plus nécessiteux. Les intérêts des com m u
te nautés sont ordinairem ent des plus mal sou ten u s, et rien n’est
« davantage exposé que ces biens dont chacun s’estime le maître.
« En e ffe t, quoique les usages et com m unes appartiennent au
« au public , à un titre qui n’est ni moins favo rab le, ni moins
cc privilégié que celles des autres com m unautés qui se main« tiennent dans leurs biens par l’incapacité de les a lié n e r, sinon
« en des cas singuliers et extraordinaires, néanmoins on a par
ce tagé ces com m unes ; chacun s’en est accom m odé suivant sa
« bienséance. »
O n voit que ce préambule p ro u ve, i°. que les usages et com
munes appartiennent au p u b lic, c ’est-à-dire, à la com m unauté
des habitans ; ce qui consacre la vérité des principes que nous
avons établis ci-devant sur la propriété des habitans ;
2°. Q ue les com m unautés étoient dans l’incapacité d ’aliéner
leurs biens co m m u n au x, sinon en des cas singuliers et extraor
dinaires ;
3°. Q ue néanmoins les seigneurs et les personnes puissantes
avoient abusé de la foiblesse ou de la détresse des com m unautés,
pour se faire vendre tout ou partie de ces biens.
Pour remédier à ces m a u x, par l’art. i er. de ce t é d it, il flit
ordonné que dans un mois à com pter du jour de sa publication,
les habitans des paroisses et com m unautés, dans toute l’étendue
du ro y a u m e , rentreroient, sans aucune form alité de justice ,
dans les fonds , p ré s, pâturages , bois , terres , usages , com
munes et com m unaux1, droits et autres biens communs , par
eux vendus ou baillés à baux à cens ou em phytéotiques, depuis
l’année 1620, pour quelque cau se'et occasion que ce pût ê tre,
m êm e à titre d’échange, en rendant tou tefois, en cas d’échange,
les objets échangés.
Par ce m êm e éd it, Louis X I V voulut rem édier encore à des
usurpations qui avoiént une1apparence de fondement.
Vers le m ilieu du seizièm é s iè c le , beaucoup de séigneurs de
fiefs avoient formé devant lés tribunaux des demandés pour se
faire
�C9 )
faire adjuger exclusivem ent la propriété d’une portion des biens
com m unaux ; les uns en avoient obtenu le tiers , d’autres la
m oitié, d’autres les deux tiers. Il avoit été rendu une grande
m ultitude d ’arrêts à ce t égard. O n trouve lestro is premiers dans
le R ecueil d’arréts de Papon; les autres sont cités dans la Con
férence de l’ordonnance des eaux et forêts. L ’édit d’avril 1G67
renferm e sur cet objet la disposition suivante, article 7 :
« E t seront tenus les seigneurs prétendant droit de tiers dans
« les usages, com m unes ou com m unaux des com m unautés , ou
« qui auront fait le triage
leur p ro fit, depuis l’année i 63o ,
ci d’en abandonner et délaisser la libre et entière possession au
« profit desdites com m unautés, nonobstant tous contrats, tran« saction s, a rrêts, jugem ens et autres choses au contraire. »
Art. 8. « Et au regard des seigneurs qui se trouveront en pos
te session desdits usages auparavant lesdites trente années, sous
« prétexte dudit tiers , ils seront tenus de représenter le titrr»
te de leur possession par-devant les commissaires à ce députés,
« p o u r , en connoissance de c a u s e , y être pourvu. »
On voit que par l’article 7 tous les triages faits au profit des
seigneurs, depuis l’année i 63o , furent anéantis, et que pour
les triages antérieurs , dont les seigneurs se prétendoient en
possession avant trente ans , ils furent assujétis à représenter
le titre de leur possession devant des com m issaires, pour y être
p o u rvu .
Pour assurer enfin aux com m unautés la pleine et entière pos
session des biens com m unaux, le m êm e édit prononça de la
manière su ivan te, par les articles 10 et 11.
«
rt
et
cc
«
Art. 10. « Et au m oyen de ce que dessus, faisons très-expresses
inhibitions et défenses à toutes personnes, de quelques qua
lités et conditions qu’elles soient, de troubler ni inquiéter les
habitans desdites communautés dans la pleine et entière possession des biens com m unaux. 5)
Art. i l . tc Et auxdits habitans, de ne plus aliéner les usages
de leurs com m unes, sous quelque cause et prétexte que ce
B
�cf puisse ê tre , nonobstant toutes permissions qu’ils pourraient
cc obtenir à cet e ffe t, à p ein e, contre les consuls , échevins et
cc procureurs syn d ics, et autres personnes chargées des affaires
« desdites c o m m u n a u t é s , qui auront passé les contrats ou assisté
« aux délibérations qui auront été tenues à ce t e ffe t, de trois
« mille livres d’am ende, de nullité des contrats, et de perte du
« prix contre les acquéreurs. »
T e l étoit l’état de la législation fra n ça ise, relativem ent à la
propriété des biens com m unaux, et aux droits de triage que les
seigneurs avoient p réten d us, lorsque l’ordonnance sur les eaux
et forets, du mois d ’août 1669, fut rendue.
L e titre 26 de cette ordonnance a pour titre : D es b o is, prés,
m arais, la ndes, p â tis, p êch eries, et autres biens appartetians
a u x com m unautés et habitait s des paroisses.
Les art. 4, 5 et 19 de ce titre concernent le tiers qui pourroit,
dans certains c a s , être distrait et séparé au profit des seigneurs.
V o ici les termes de ces articles :
Art. 4. « Si néanmoins les bois étoient de la concession gracc tuite des seigneurs, sans charge d’aucuns ce n s, redevances,
« prestations ou servitu d es, le tiers en pourra être distrait et
« séparé à leur p ro fit, en cas qu’ils le demandent , et que les
c< deux autres suffisent pour l’usage de la paroisse , sinon le
u partage n ’aura lieu ; mais les seigneurs et les habitans jouiront
cc en commun , com m e auparavant ; ce qui sera pareillem ent
cc observé pour les p ré s, m arais, lies, pâtis, land es, bruyères
cc et grasses pâtures, où les seigneurs 11’auront autre droit que
cc l’ usage, et d’envoyer leurs bestiaux en pâtu re, com m e prècc miers habitans, sans part ni tria g e , s’ils ne sont de leur concc cession, sans prestations, redevances ou servitudes. «
Art. 5. « La concession ne pourra être réputée gratuite de la
cc part des seigneurs, si les habitans justifient du contraire par
ce l ’a c q u i s i t i o n qu ils en ont faite, et s ils ne sont tenus d’aucune
cc charge ; mais s’ils en faisoient ou payoient quelque recon« noissance en a r g e n t, corvées ou autrem en t, la concession
�( n )
passera pour onéreuse , quoique les habitans n’en m ontrent
pas le titre, et em pêchera toute distraction au profit des seigneurs, qui jouiront seulement de leurs usages et chauffages,
ainsi qu’il est accoutum é. »
Art. 19. ce Tous partages entre les seigneurs et les com m u
te nautés seront faits par les grands-maîtres, en connoissance de
« cau se, sur les titres représentés par avis et rapport d’experts,
cc et se payeront les frais par les seigneurs et par les habitans,
« à proportion du droit qu’ils auront dans la chose partagée. »
O n voit qu’il résulte des dispositions des articles 4» 5 et 19,
que pour obtenir la distraction du tiers des biens com m unaux,
il fa llo it,
.
i°. Q ue le seigneur demandât cette distraction ;
20. Q u ’il fût prouvé que ces biens étoient de la concession
gratuite des seigneurs , sans aucune charge d’aucun cens , re
d evan ces, prestations ou servitud es;
5°. Q ue l;i concession devoir passer pour onéreuse , si les
habitans faisoient 011 payoient quelque reconnoissance en argent,
corvée ou autrem ent, quoiqu’ils ne représentassent pas le titre
«
«
«
ce
de cette concession ;
4°. Q u ’il falloit en outre qu’il fût constant que les deux
autres tiers desdits^ biens com m unaux fussent suffisans pour
l’usage de la paroisse ;
5°. E n fin , que le partage fû t fait par les grands-m altres, et
en connoissance de cause , sur les titres représentés par ayis
et rapport d’experts.
Ces partages 11e pouvoient jamais être faits à l’amiable. V o ici
à cet égard ce que dit D enisart, n er lo com m unauté d ’habitans,
n. 10 :
c< L ’usage ne perm et pas de faire partager les communes
te entre les habitans et le seig n eu r, par des actes volontaires,
ce On présume que l’autorité du seigneur serviroit à lui faire
cc donner plus qu il ne doit lui revenir. Il faut donc que ces
« partages soient faits judiciairem ent, qu’il y ait une demande,
B 2
✓
�( 12 )
«
«
«
«
«
«
«
«
te
«
«
que les habitans soient ouïs , que le m inistère public ait eu
com m unication de la procédure , et donné ses con clu sion s,
qu’il y ait un arpentage et un plan ordonné , préalablem ent
faits. C e n’est qu’après ces précautions, et les autres instructions ( que ^l’avantage public peut suggérer aux gens du roi
et aux ju g e s), qu’on peut ordonner de semblables partages;
et uft a r r ê t du conseil d’état, du 20 août 17371 rendu entre
les seigneurs et les habitans de V ernot , en B ourgogne, a
cassé et annullé le partage qu’ils avoient fait à l’am iable, par
le ministère de l’arpenteur de la maîtrise de D ijo n , sans avoir
observé ces fo rm alités..»
Un principe aussi certain que ceu x que nous venons d ’établir,
est que le seigneur ne pouvoit jamais prescrire aucune partie
des biens com m unaux.
Frém inville , dans le Traité précité du gouvernem ent des
biens des communautés d’habitans, traite la question de savoir
si le seigneur , ou quelqu’un des habitans , ou m êm e des
étrangers qui auroient usurpé et se seroient emparés de partie
des biens co m m u n au x, ont pu les prescrire ; et voici com m ent
il s’exprim e relativem ent aux seigneurs :
cc Q uant au seigneur h au t-ju sticier, qui jouit de partie des
« com m unes, il ne peut jamais les prescrire contre une coin«. munauté d’habitans dont il est le c h e f et le premier de tous,
« y ayant une association intim e entre eux. C ’est une des plus
« grandes raisons que l’on puisse o b je c te r, mais elle n’est pas
cc la seule ; une seconde est qu’il est le protecteur et le tuteur
« né de tous ses habitans et sujets , et en cette qualité il ne
cc peut jamais prescrire aucune possession ni chose qui apparcc tiennent à la communauté de ses habitans : c ’est ce qui est
« décidé par nombre d’arrêts qui ont jugé que le roi ne peut
« jamais prescrire contre les ecclésiastiques, pnree qu’il est
cc est leur protecteur né ; ce qui est égal en même q u a lité , au
« seigneur, vis-à-vis de ses habitans.
« La troisièm e se tiro de la bonne foi, qui seule em pêche la
�( i3 )
prescription des choses qui sont à notre corinoissance, qui ne
nous appartiennent p a s, en ce q\ie le seigneur ne peut s’em
pêcher de rapporter et de com m uniquer à ses habitans ses
terriers qui établissent sa directe noble ou rotu rière, c e .q u i
lui est dù en fiefs ou en cens sur les héritages qui environnent,
touchent et servent de lim ites et de confins à ces places, co m
munes et com m unaux; et au m oyen de cette com m unication,
qui ne peut être refusée par le seigneur, parce que les terriers
des seigneurs sont titres com m uns entre le seigneur et les
censitaires, il sera aisé de voir au clair s’il y a de l’usurpation,
et la quantité et contenue de ce qui a été distrait et séparé
de ces places com m unes.
« O r , si le seigneur ne peut pas p rescrire, parce qu’il est
réputé premier habitant, par conséquent associé, il le peut
encore moins avec ses titres et terriers, puisque personne ne
peut prescrire contre son propre titre , lequel confinant les
places communes , il ne peut pas ignorer qu’elles ne lui ap
partiennent p as, et qu’il n’en a que la jouissance pour ses bes
tiaux. , conjointem ent avec ceux de tous les autres habitans
de la com m unauté............ E n un mot , il faut regarder une
com m unauté d’habitans com m e mineure , en elle-même insé
parable de minoi'ité , parce qu’il n’y en a aucune dans laquelle
il n ’y ait toujours des enfans mineurs depuis le berceau jusqu’à
vingt-cinq ans; en sorte qu’il est du tout impossible de pres
crire contre une com m unauté d’habitans. Ainsi ces sortes
d’héritages sont, de m êm e que la nature des ch em in s, sen
tiers et voies publiques, pour les secours, besoins de la société,
et le bien du co m m erce, lesquels, grands ou p etits, sont et
appartiennent à l’état et au public , et ne peuvent recevoir
d’altération par la prescription.
cc L on ne prescrit point contre la pblice générale, l’utilité et
la sûre te publiques : c ’est le sentiment de Diinod , dans son
Traité des prescriptions, chap. 12 , e t celui de D om at, en ses
Lois c iv ile s , üv. 8 , de la possession et prescription, titre 7 ,
sect.
5,
n. ». 33
�C 14 )
C ’est conform ém ent à ces principes de notre ancienne légis
lation , que par l’article 8 de la loi du 28 août 1792 , il a été
dit que « les com m unes qui justifieroient avoir anciennem ent
« possédé des biens ou droits d’usage quelcon q u es, dont elles
« auroient été dépouillées en totalité ou en partie par des ci« devant seigneurs, pourroient se faire réintégrer dans la procc priété et possession desdils biens ou droits d ’usage, nonobs« tant tous les é d its, déclarations , arrêts du con seil, lettres
cc patentes, jugem ens, transactions et possessions contraires, à
cc moins que les ci-devant seigneurs ne représentent un acte
« authentique qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté lesdits
ce biens. »
Mais si les seigneurs ne pouvoient jamais prescrire, par la
possession, une partie des biens com m unaux, il étoit également
certain que ni les habitans, ni les seigneurs, u’en pouvoient
changer la nature en les d éfrichant, et que par conséquent les
défrichem ens ne pouvoient couvrir et valider les usurpations.
Les principes sont encore incontestables â cet égard.
Ilenaudon, dans son D ictionnaire des fiefs, -verbo terres gastes,
s’exprim e ainsi :
cc La jurisprudence du parlement de Provence est que les
te herbages des terres gastes appartiennent aux habitans, et qu’il
ce n’est point permis au seigneur de défricher ou de vendre la
ce terre gaste. ?■
>
, F rém in ville, dans le T raité précité , s’exprim e de la manière
suivante :
et Les communes et com m unaux sont et appartiennent de
ce droit au public , et les habitans propriétaires qui ont droit
cc d’en jo u ir, doivent les conserver dans leur intégrité; ils n’ont
te pas m êm e la liberté d’en changer la su rfa ce , et de les mettre
ce eu autre culture que celle où leur destination les a fixés. «
Ces principes sont consacrés par un arrêt du conseil , du
29 mars 173 5, par lequel il fut fait défenses à toutes sortes de
personnes , sans distinction de qualité , propriétaires de sei-
�( iS )
gneurie, de d éfrich er, ni de faire défricher, ni de souffrir qu’il
fût défriché aucuns bois ni pâtis com m unaux, appartenans aux
habitans desdites seigneuries, à peine de mille livres d ’amende.
D e la série des principes de l’ancienne législation, que nous
venons d’établir, il résulte donc qu’il étoit certain en droit,
i°. Q ue la propriété des biens originairement destinés au
pâturage , aux chauffage e t constructions des habitans , leur
appartenoit ;
r
2°. Que les habitans ne pouvoient les vendre ;
3 °. Q ue les seigneurs ne pouvoient en demander le partage
que dans les cas fixés par la l o i , à certaines conditions , en
remplissant les formalités prescrites, et que ce partage n’a jamais
pu être valablement fait par des transactions ;
4°. Q ue les seigneurs ne pouvoient prescrire par aucun temps
aucune partie de ces biens com m unaux;
5". E n iln , que ni les habitans ni les seigneurs n’en pouvoient
changer la nature, ni les défricher, ni par conséquent acquérir
des droits par les défricliemens.
T els sont , sur cette matière , les principes de l’ancienne
législation.
Voyons actuellem ent ce qui a été statué par les lois nouvelles.
§.
P n n c / p e s de la n o u v e lle
I I.
lé g is la tio n
su t '
la m ê m e
m atière.
Les vrais principes découlent aujourd’hui des lois des 28 août
1792, et 10 juin 1795.
L ’article 8 de la loi du 28 août 1792 porte :
« Les com m unes qui justifieront avoir anciennem ent pos« sédé des biens ou droits d’u sage. quelconques , dont elles
« auront été dépouillées en totalité ou en partie.par des cicc devant seigneurs, pourront se faire réintégrer dans la propriété
�(
t<
«
«
«
«
1
6
}.
et possession desdits biens et droits d’ usage, nonobstant tous
édits, déclarations, arrêts du co n seil, lettres patentes, jugem ens, transactions et possessions contraries, à moins que les
ci-devant seigneurs ne représentent un acte authentique qui
constate qu’ils ont légitim em ent acheté lesdits biens. »
L ’article 9 porte :
« Les terres vaines et v a g u e s, ou gastes , landes , bois ou
« va c a n s, dont les communautés ne pourroient pas justifier avoif
« été anciennem ent en possession, sont censée^ leur appartenir,
<c et leur seront adjugées par leç tribunaux, si elles form ent leur
« action dans le délai de cinq ans, à moins que lesdits seigneurs
cc ne p rou ven t, par titres ou par possession e x c lu siv e , continuée
cc paisiblement et sans trouble pendant quarante an s, qu’ils en
« ont la propriété. «
L ’on voit que ces deux articles s’ appliquent à deux cas différens.
L e prem ier cas , qui comprend toute espèce de biens et
droits d’usage , est celu i où les com m unes justifieront avoir
anciennem ent possédé des biens ou droits d’ usage quelconques,
dont elles auront été dépouillées en totalité ou en partie par
les ci-devant seigneurs.
Dans le cas d’ancienne possession justifiée par les com m unes,
elles doivent être réintégrées dans la propriété et possession
desdits biens ou droits d’usage, nonobstant tous édits, transac
tions , etc. , etc. ; et le seul moyen que les ci-devant seigneurs
aient de les en em p êch er, est de représenter un acte authen
tique qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté lesdits objets.
L e texte de la loi est à cet égard bien clair et bien formel ;
il ne soulfre ni incertitude ni équivoque. Une seule condition
y est imposée aux com m unes, c ’est de justifier de leur ancienne
possession. C e fait une fois constaté , rien ne peut plus faire
d'obstacle à leur réintégration , qu’un acte de vente légal et
authentique.
L a raison de cette disposition est sensible.
.f'
Dés
�C 17 )
D è s qu’il est une fois prouvé qu’une com m une a ancienne
m ent posséd é, elle n’a pu avoir été dépossédée que par une
vente légitime ou par un abus de pouvoir.
Si c ’est par un abus de po u vo ir, c e n’est plus qu’une usurp a tio u , qui doit écrouler avec tous les actes qui l’étayent.
D ans le second cas , qui est ce lu i de l’article 9 , il s’agit de
terres vaines, ou gastes, landes, b o is, lierm es ou vacans, dont
les communautés 11e pourront pas justifier avoir été ancienne
m ent en possession.
* f
D ans le cas de non justification de possession ancienne de
la com m unauté , la loi déclare que ces objets sont censés ap
partenir aux com m unes; elle ordonne au x tribunaux de les leur
ad juger, si elles form ent leur action dans le délai de cinq ans.
Néanmoins cet article donnoit aux ci-devant seigneurs deux
moyens d’em pêcher la réintégration des communes.
L e premier , de prouver par titres qu’ils en avoient la pro
priété.
Le se c o n d , de prouver qu’ils en avoient une possession ex
clusive , continuée paisiblement et sans trouble pendant qua
rante ans.
Mais de ces deux m o yen s, donnés d’abord aux c i-d e v a n t
seigneurs pour em pêcher l’effet de la réclam ation des co m
munes , celu i fondé sur la possession de quarante ans leur fut
ôté par la loi du 10 juin 1793.
L ’art. i er. de la section 4 de cette loi porte :
« T ous les biens com m unaux en général j connus dans toute
« la république sous les divers noms de terres vaines et gastes,
« garriques, pacages, pâtis, ajoncs, bruyèi-es, bois com m uns,
« herm es , vacans , p a lu s, marécages , montagnes , et sous
« toute autre dénom ination quelconque, sont et a p p a r t i e n n e n t
« de leur nature à la généralité des habitans et m e m b r e s des
cc communes et sections de co m m u n es, dans le territoire des« quelles les com m unes sont situées ; et com m e tels lesdites
cc com m unes ou sections de com m unes sont autorisées à les
G
�( 18 )
« revendiquer, sous les restrictions et modifications portées par
« les articles suivans. »
L ’art. 8 , qui renferm e une de ces m odifications, porte :
« La possession de quarante ans exigée par la loi du 28 août
« 1792, pour justifier la propriété d’un ci-devant seigneur sur
cc les terres vaines et vagues, gastes, garriques, landes, marais,
« b ien s, h ern ies, vacans, ne p o u rra, en aucun c a s, suppléer
« le titre légitime ; et cc _ titre légitim e ne pourra être celui
« qui émaneroit de la puissance féodale , mais seulement un
cc acte authentique qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté
cc lesdits b ie n s, conform ém ent à l’article 8 de la loi du 28 août
« 1792. M
O n voit que par cet article de la loi du 10 juin 1793, elle
a ùté aux ci-devant seigneurs le m oyen fondé sur la possession
exclusive et paisible de quarante ans , que l’article g de la loi
du 28 août 1792 leur avoit laissé, pour opposer à la demande
en réintégration form ée par une com m une qui ne pouvoit pas
justifier son ancienne possession.
Il résulte donc de l’état actuel de las législation sur cette
m a tière ,
i°. Q ue les com m unes qui justifient avoir possédé anciennem ent
des biens ou droits d’usage quelconques , dont elles avoient été
dépouillées en tout ou en partie par des ci-devant seigneurs ,
peuvent en réclam er la propriété et la possession , nonobstant
tous é d its, transactions et possessions contraires ;
a°. Q ue le ci-devant seigneur, en ce c a s , ne peut en em pê
ch er la réintégration qu’en représentant un acte authentique
qui constate qu’il a légitim em ent acheté lesdits biens ;
3°. Q u ’à l’égard de tous les biens com m unaux en g é n éra l,
connus dans toute la république sous les divers noms de terres
vaines et vagues , gastes , garriqu es, lan d es, pacages , pâtis ,
a jo n cs, b ru y è re s, bois com m uns, hermes , va ca n s, palus,
m aiais, m aiécages, m ontagnes, et sous toute autre denom ina
tion quelconque > ils appartiennent, de leur n atu re, aux co m -
�( i9 )
m îm es, et que les ci-devant seigneurs n’en peuvent retenir aucune
p a rtie , quand m êm e ils prouveroient qu’ils en ont joui par une
possession exclusive et paisible , continuée pendant quarante
ans , et qu’ils ne peuvent les conserver qu’en produisant un titre
authentique autre que celui qui ém aneroit de la puissance féo
dale , qui constate qu’ils ont légitim em ent acheté cette espèce
de biens.
D 'après ce résultat incontestable des lois de 1792 et 1793, il
est donc certain que pour qu’une com m une puisse réclam er la
propriété des biens com m un aux, connus dans toute la république
sous les noms détaillés dans l’art. i Fr. de la section 4 de la loi
du 10 juin 179 J, il 11’est point nécessaire que la com m une pro
duise aucun titre de propriété, ni qu’elle prouve aucune pos
session , parce que la loi décide que la propriété de cette espèce
de biens lui appartient par sa nature; que les ci-devant seigneurs t
ne peuvent y rien prétendre sur le seul m otif de possession ,
quelque longue qu’elle s o i t, et que le seul moyen qu ils aient
de conserver la totalité ou une partie de ces biens com m unaux
de droit par leur dénomination et leur nature, est de produire
un titre authentique autre que celu i qui émaneroit de la puis
sance féodale, qui constate qu’ils ont légitimement acheté cette
espèce de biens.
La loi n’exige donc p a s, h l’égard de cette espèce de biens
com m unaux , que les communes articulent aucune possession,
ni qu’elles produisent aucune espèce de titres.
La loi les en déclare propriétaires de droit ; elles n’ont rien à
prouver, rien à justifier : la loi a tout fait pour elles ; elle les a
rétablies dans la propriété que leur donne la nature et que leur
donnoient les anciennes lois.
E t l’on ne peut pas dire que cette exacte justice que la nou
velle loi leur a rendue , s o it, com m e on a souvent affecté de
la représenter, une exagération révolutionnaire , p u i s q u ’i l est
bien prouvé par 1 analise ci-devant faite de notre ancienne légis
lation sur celte m atière, que l a loi d u 28 août 1792 n'a fait que
C 2
�( 20 )
renouveler en faveur des com m unes des mesures de protections
que l’on trouve répétées dans une foule d’édils et d’ordonnances
de nos rois , et que la réintégration des com m unes dans les
biens qu’elles avoient anciennem ent possédés , a fait de tous
temps l’objet de leur sollicitude.
C e n’est donc pas le principe en lu i-m ém e, mais seulem ent
l’abus qu’on en a fa it, qui a p u , dans certains c a s , être consi
déré com m e révolutionnaire.
D ’où il suit que non-seulem ent toutes les fois que les com
munes justifient réellem ent de leur ancienne possession sur des
biens ou droits d'usage quelconques, mais m êm e toutes les fois
qu’elles réclam ent la propriété de leurs biens com m unaux, de la
nature de ceux indiqués par l’article i eri de la section 4 de la
loi du 10 juin 179^ > leur réclam ation doit être accueillie avcc
tout l’intérêt que m érite cette classe d’hommes laborieux , et
le bien m êm e de l’agriculture à laquelle ils se consacrent.
§. I I T . '
A p p l i c a t i o n d e s lo is à V e s p tc c a c i u e llij.
Pour faire cette application, et pour prouver que la prétention
de M. de R oohefort, sur les terrains dont il s’a g it, est insou
tenable , nous n’avons que deux vérités à établir.
La prem ière , que les biens dont est question sont compris
dans ceu x détaillés en l’article i cr. de la section 4 de la loi
du xo juin 1795.
L a deuxièm e , que M. de R ochefort et ses auteurs n’ont
produit aucun titre authentique qui constate que lui ou ses
auteurs avoient acheté légitim em ent aucune partie des bois qui
font l’objet de la contestation.
E t c ’est surabondamment que la possession ancienne des ha
bitans sera p ro u v é e , puisqu ils n ont pas même besoin d ’aller
ju sq u e -là , d'après les lois qui viennent d’être rappelées.
�( 21 )
Plus surabondamment encore, qu’il sera établi par uno m ul
titude de titre s , par ceu x m êm e que le ci-«levant seigneur
invoque en sa faveur, que la propriété des bois dont il s’agit
appartient aux liabitans , et ne peut pas raisonnablement leur
être contestée.
O r , ces différentes v é rité s, déjà établies dans la discussion
qui a eu lie u , pourront être facilem ent portées jusqu’à l’évi
d en ce, par le rapprochem ent des principes et par l ’exam en des
titres.
i°. N u l doute que les bois qui font l’objet de la contestation
ne se trouvent compris dans la classe des bois auxquels s’applique
l’article i Pr. d e là section 4 de la loi du 10 juin 1793, et dont il
fait rém unération. Il indique nom inativem ent les bois communs,
pacages et palus , com m e étant du nombre de ceux q u i ap
partiennent , de leu r nature , à la généralité des habitans et
m em bres des communes.
U 11’est pas contesté que le terroir des B rosses, de la conte
nance d ’environ trois cents arpens , selon le procès verbal du
lieutenant de la maîtrise de M ontm arault, du 20 septembre 1780,
est et a toujours été en nature de bois. Ce 11’est point un terrain
inculte et va g u e , propre seulem ent au vain pâturage des bestiaux;
c ’est un terrain couvert de bois, et qui l’a été dans tous les
temps. La seule inspection de ce procès verbal suffit pour s’en
convaincre , puisque son existence et son état actuel y sont
décrits dans le plus grand détail, ainsi que les dégradations qui
y ont été successivem ent commises par les habitans.
20. Il n’est pas moins certain que M. de R ochefort et ses
prédécesseurs , seigneurs de la Font , n’ont jamais représenté
aucun titre d’acquisition qui leur ait transmis la propriété e x
clusive de ce bois. S ’ils en ont jo u i, ils ne l’ont fait qu’en qualité
d’habitans , dans la proportion de leurs propriétés territoriales,
et de m ême que le i’a isoient tous l'es autres habitans.
3°. Il est également prouvé que les habitans sont depuis un
temps immémorial en possession et jouissance , non pas d u it
�( 22 )
simple pacage ou pâturage sur le bois des Brosses, mais de la
c o u p e , de l’exploitation de ce b o is , et de sa libre disposition
pour tous les usages et leurs b( soins; jouissance, par conséquent,
anim o d o m in i, et de la nature de celle qui caractérise la pro
priété ; et que cette jouissance a en lieu tranquillem ent et pai
siblem ent, sans que le seigneur les en ait em pêchés. E t quoique
cette jouissance n’ait pas été bien ordonnée ni bien administrée,
com m e elle devoit l’être au désir de l’ordonnance de i6Gg , et
que ce soit le désordre de cette administration qui ait éveillé
le zèle des officiers de la maîtrise , et provoqué la demande
form ée par le procureur du ro i, il n’en est pas moins constant
q u ’eux seuls usoient et abusoient de ces bois, qu’eux seuls en
jouissoient et en étoient en possession. Cette possession seule
suffiroit donc pour assurer aux liabitans la propriété qui leur est
aujourd’hui contestée.
Si en effet le mot com m unal peut désigner un simple usage,
lorsque sa propriété est distincte et séparée , il est également
certain q u e, lorsqu’elle ne se trouve, pas dans une autre m ain,
la présomption naturelle est q u ’elle se trouve dans celle de
l ’usager.
La raison en est que l’ usage ou la possession est l’origine de
la propriété.
Dornnii/im cœpit ci posscssione. L. 1, fÎ.D e a ç q u ir . 'vclomiLt.
ver. hceretl.
C elte vérité est surtout incontestable h l’égard des pays tels
que l’A uvergne, dans lesquels n’étoit point admise la m axim e:
N ulle terre sans seigneur; maxime dont tous les effets ont d’ail
leurs été universellem ent abrogés par l’art. 11 du décret du a5
août 1792.
Aussi Boivin , auteur célèbre du pays de F ra n c h e -C o m té ,
n’ hésite-t-il pas à déclarer que dans ce pays les com m unaux
sont censés appartenir plutôt aux vassaux qu’aux seigneurs ,
qui n’ont qu’un droit d usage comme les liabitans, et l’orsqu’ils
?sont liabitans eux-m êm es, sans pouvoir prétendre en aucune
m anière à la propriété.
�( 23 )
T erriton a mugis censentur esse subditoriim qi/àm dominorum , n isi qitoad jurisdictionem .; et domimis n ih il p otest in
pascuis territo rii, n isi u t incola , ratione univevsitatis , cum
pascua sint unà'ersitatis hom inum , S ic enim suam partent
habet in u su , sicu t a lins incola; e t cum habitat sequitur quod
in proprietate n ih il //¿ris potest.
L e même auteur ajoute qu’il ne peut également demander
que sa part aux bois des habitans, quand ils se partagent : Quia
77i pascuis et a h is rebus non plus ju ris habet quam alius incola.
Et l’on voit que c'est là précisément la doctrine qui a été
consacrée par l’article i er. de la section 4 de la loi du 10 juin
1795.
Vainement donc allégueroit-on pour M. de Rochefort, comme
on l’a fait quelquefois pour les ci devant seigneurs, dans d’autres
affaires de m ême nature, que M. le procureur général Merlin
avoit enseigné que cette disposition n ’étoit point applicable
aux bois.
On n’a fait alors, ce qui 11’arrive que trop souvent lorsqu’il
s’agit d’autorités graves , que tronquer l’opinion de ce savant
.
magistrat, pour la dénaturer.
M. Merlin n’a jamais dit en effet que l’art. 1,r. de la section 4
de la loi du 10 juin 17q 5 n’éloit pas applicable aux bois com
munaux , qui y sont nominativement compris.
Ce qu’il a dit, c ’est qu’il étoit absurde d’étendre sa disposition
à tous les bois en général, situés sur le territoire d’ une com
mune. Mais biftn loin de contredire le principe posé dans cet
article, il lui rend formellement hom m age, en déclarant que
tout ce qui en résulte c est que les bois communs sont censés
appartenir à la commune qu i les possédé.
E t ce principe au surplus n’est point une innovation , puisque,
comme 011 l’a déjà établi, tous les anciens édils et ordonnances
que l’on a ci-dessus rapportés, s’accordent à regarder les com
munaux comme la propriété privative des communes.
4'\ La propriété des habitans sur les bois dont il s’a g i t , est
�( 24 )
dém ontrée non-seulem ent par les titres qu’ils produisent, mais
par ce u x m êm e que M. de R ochefort invoque contre eux ; et
la plupart de ces litres sont d’un poids d’autant plus grand en
faveur des habitans , qu’ils ém anent du seigneur m êm e de la
Font-Saint-M agerand.
L ’un des plus importans est l’aveu et dénom brem ent du 24
juillet 1674» fourni au roi par le seigneur de la F o n t, dans
lequel ce seigneur déclare et spécifie de la m anière la plus dé
ta illé e.e t la plus exacte , les limites et la circonscription de sa
t e r r e , ainsi que les différehs droits de dîmes et autres qui lui
ctoient dûs , et la circonstance exacte de chacun des bois et
autres domaines qui en dépendent ; et cependant il ne com prend
pas dans cette description les bois des B rosses, ce qu’il n’auroit
sûrem ent pas manqué de faire s’il en eût été propriétaire.
Il est sensible que cette omission équivaut à une reconnoissance négative , mais très-form elle , que ces bois ne lui appartenoient pas. C ’est ce qu’enseignent les axiomes de droit les
plus familiers : Q u i de uno d ic it, de aÏLero negat........Inclusio
unius est exclu sio alterius.
D ans cet a v e u , le seigneur indique exp ressém en t, comme
étant sa propriété , le bois de B o s t , celu i des T ii/cts, le bois
P oug etan , le bois des Sapins , le bois des P r e a u x , et le bois
des Corbs ; il énonce la quantité d’arpens que chacun d’eux
contient , et leurs confinations exactes. Pourquoi donc n ’en
auroit-il pas fait autant du bois des Brosses, s’il eût regardé ce
bois com m e lui appartenant?
E t l’on ne peut pas m ôm e supposer que ce soit par oubli
qu il ait lait cette omission ; car dans ce môme aveu il parle
plus d une lois du bois des Brosses; il le rappelle et le cite en
cinq ou six endroits , mais il 11’en parle et ne l’indique que
com m e étant un des confins de ses autres propriétés, et com m e
étant un bois commun. Cette dénomination de bois commun
appelé les Brosses , est répétée et multipliée avec affectation ,
tant pour ce bois que pour celui qui est nommé Servoiron.
„
On
�(25)
O n ne peut clone pas douter que le seigneur de la F o n t, lorsqu’il
faisoit ce dénom brem ent, ne connût très-parfaitem ent et ne
distinguât lu i: m ém e les bois qui lui appartenoient en propre,
et qui constituoient le domains de sa terre , de ceu x qui appar
tenoient à la com m unauté des habitans.
La même énonciation et dénomination de bois communs
appelés les Brosses , est répétée dans un terrier de la seigneurie,
en date du 16 mai i 653.
E lle est de m êm e appliquée au bois de Servoirou, dans l’acte
de bail à cens , du 8 ju illet 1626, relatif à un ténement de bois
appelé le bois de la Fouilhouse.
Il y a donc ici non-seulement preuves négatives, mais même
preuves expresses et positives, émanées des anciens seigneurs
de la F o n t, qui attestent la propriété des bois tant des Brosses
que de Servoiron , en faveur de la communauté des habitans ;
et ces preuves ne peuvent être ni détruites ni m ême balancées
par aucuns des différens titres analisés dans le procès verbal
du 2 mars 1781.
D éjà le soussigné s’est expliqué sur ces prétendus titres, dans
la consultation du 26 décem bre 1782, à laquelle il croit suffisant
de se référer à cet égard. On y a combattu les inductions pré
tendues résultantes , soit du droit de blairie énoncé dans le
terrier de i 5 i g , com m e appartenant au seigneur de la FontSaint-Magerand , et de l’ usurpation de deux septérées sur le bois
des Brosses, approuvée par le seigneur moyennant un cens d’une
coupe de se ig le, soit du terrier de i 53 i , opposé par le m êm e
droit de blairie, soit aussi du contrat d’échange du 11 avril 1672,
du terrier de 1678, de celui de i 653 , du dénombrement du
1er. décem bre 1673, et d’une multitude d ’autres pièces relatives
à ce procès verbal du 2 mars 1781.
- L ’acte dans lequel M. de R ochefort paroit mettre le plus de
con fian ce, est la transaction du 22 février
passée par le
père du sieur Bellavoine , tant en son nom que com m e se faisant
D
�( 26 )
fort de plusieurs autres particuliers habitans de la Font-SaintMngerand.
Les réponses 'victorieuses qui s’appliquent naturellem ent à
cette transaction, ont déjà été indiquées dans notre précédente
consultation ; nous devons donc encore nous y référer.
N ous ajouterons seulement que les inductions prétendues ré
sultantes des reconnoissances particulières que cette transaction
parolt présenter, ne pourroient, dans aucun c a s , nuire au gé
néral des habitans, parce qu il est de principe inconstestable en
cette m a tière, q u ’une simple reconnoissance surprise à quelques
m alheureux habitans , ne peut porter aucune atteinte à des titres
formels et nom breux qui établissent en faveur de la com m une
une possession immémoriale et une pleine propriété.
cc II est de p rin cip e, dit M. Merlin dans ses Questions de droit,
« tome 2 , page 33g , qu’une simple reconnoissance ne peut pas
cc priver un propriétaire de son domaine , ni convertir en propriété le droit d’usage auquel il étoit précédem m ent asservi.
« La simple reconnoissance , dit D um oulin , ne dispose pas,
« ne change en rien l’état des choses : S im pi e x recognitio non
cc d isp o n it, ncc im m utat statum rei. Quand une reconnoissance
cc est sim ple, ajo u te-t-il, c ’est-à-dire, non m otivée, la qualité
« de la chose n’en reçoit aucune a ttein te, et l’e rre u r, quand
cc on la découvre, doit faire place à la vérité : S i sit sim plex
c< recognitio, non im m utatur quaiitas rei quœ tanquam erronim
cc ceelit veritati. . . . . Il y a des siècles ( dit M. ITenryon dans
« le Répertoire de jurisprudence , article prescription ) , il y
cc a des siècles que cette maxime forme la règle des tribunaux :
« on v o i t , en paroourant les arrétistes, qu’elle a servi de base
CC à ùne m ultitude d’arréts. — D u n o d , T raité des prescriptions,
cc p. 5o , en rapporte trois des années 1698, 1700 et 1717. — L e
cc p rem ier, sur la représentation du titre p rim itif, déboute les'
cc jésu ites de D ole-d e leur prétention à la propriété d ’un bois
cc sur leq u el ils exerçoien t depuis cent ans, des açtes de procc
cc
priétairès.
�C 2i )
« Les deux autres réduisent pareillem ent aux term es des
cc titres an cien s, une possession de so ixa n te a n s , appuyée de
« reconnoissance. Un arrêt du parlem ent de P a ris , de l’année
« 1672, a jugé suivant les mêmes p rin cip es, contre les religieux
« de l’abbaye de Lompont et ceu x de Valseng. U n droit d’ usago
cc avoit été concédé originairem ent à cette abbaye , dans un
cc canton de la forêt de Villers-Cotterets. Ces religieux avoient
cc transmué la dénomination de l’ usage en celle de très-fonds ;
cc ils s étoient attribué la qualification de très-fonciers ; ils s’arcc rogèrent à ce titre le tiers du prix de la vente des bois , et
cc plusieurs siècles avoient confirm é cette usurpation. L e duc
cc d ’Orléans se détermina enfin à réclam er ses droits ; les titres
cc originaux furent produits, et prévalurent sur la longue pos
te session des religieux, m êm e sur les reconnaissances dont ils
cc tiroient avantage. — A ces quatre arrêts M. Henryon en
cc ajoute trois de 1729, 1733 et 1770, rendus au conseil après
« des instructions très-approfondies , et par lesquels le cantoncc nement lut ordonné entre des communes originairement usacc g è re s, qui prétendoient être devenues propriétaires , par le
cc seul effet d’une longue possession appuyée de reconnoissances
ce multipliées de la part des propriétaires véritables. »
Enfin cette doctrine a été confirmée par arrêt de la Cour de
cassation , du 18 brumaire an 1 1 , sur le plaidoyer de M. le
procureur général, duquel ce passage est extrait.
V o ici les termes de cet a r r ê t, sur le point de droit dont il
s’agit : ce Attendu que le sieur G roslier, en reconnoissant la
« commune propriétaire de cette fo rê t, par sa sommation du 4
« décem bre 1762, ne s’est pas dépouillé de la propriété de la
« forêt de C hesonge, et ne l’a pas transférée à la com m une;
•« que cette reconnoissance erronée et dénuée de cause n ’a v o i t
cc rien pu changer à l’état des choses , suivant la maxime de
cc Dum oulin : S im p lc x recognitio non d ispon it, nec im inutat
ce statum rei ; que dès-lors elle ne peut pas constituer en faveur
cc de la commune un titre attributif de propriété. >>
D 2
�( *8 }
Les mêmes principes s’appliquent ici en faveur de la com
m une, contre une reconnoissance surprise à quelques particuliers
q u i, dans aucun c a s , n’auroient pu sacrifier ni com prom ettre
les droits du général des h abitans, à l’égard desquels cet acte
étoit res intercilios a cta , et qui leur étoit d’autant plus étranger,
que leur syndic n’y avoit été ni partie ni appelé, et qu’il n’auroit
m êm e pas pu y stipuler pour eux sans y avoir été préalablement
autorisé dans la forme voulue par les lois.
Il n ’est donc pas à craindre que la transaction du 22 février
J755 puisse être avec fruit invoquée par M. de R o ch efo rt, au
soutien de sa prétention contre la com m une de Broût.
5°. A tout ce qui vient d’être dit, les habitans de Brovit sont
bien fondés à joindre les inductions résultantes en leur faveu r,
de différentes pièces ou titres déjà invoqués par le sieur Bellavoine, dans le mémoire qu’il a fait imprimer sur l;i contestation
particulièrem ent engagée contre lui ; telles entr’autres que la
transaction du 20 septembre i 683 , passée entre le seigneur de
la F on t, d’une part, et le sieur Viard de V iginaire, aujourd’hui
représenté par le sieur Bellavoiue , sur le procès qui existoit
alors entre e u x , dans laquelle on voit que le seigneur de la
Font reconnoît expressément l’existence des com m unaux, et la
propriété que les habitans y a v o ie n t, puisqu’il y permet aux
propriétaires des domaines de la Mothe et des Gravinges de
faire pacager leurs bestiaux dans les com m unaux de ladite
ju stice de la F o n t , en payant le droit de blairie comme les
justiciables ; ce qui prouve invinciblem ent qu’il y avoit des
biens com m unaux dans, la justice de la Font ; et.com m e il est
certain que l’on n’en a jamais connu d’autres que les bois des
B rosses, de Servoiron et B o is-B lan c, il n’est pas douteux que
c ’est à ceu x-là que s’applique la reconnoissance que le seigneur
donnoit à leur propriété en faveur des habitans.
Mais surtout ce qui est bien tranchant et bien décisif pour
l ’établissement de cette propriété communale, c ’est, d’un cùté,
la poursuite entamée en 1779 par M. le procureur du roi en
�( 29 )
la maîtrise de Montmarault , pour faire régler les bois des
Brosses, e tc ., etc. ; poursuite qui prouve bien que ce magistrat
et la notoriété publique les considéroient com m e com m unaux ;
et d’autre part , la demande en triage de ces com m unaux ,
formée en 1780 par le sieur M aréch al, alors seigneur de la
Font ; demande dont l’existence est établie par le mandement
de M. le grand-m aître des eaux et forêts , du 26 juillet de la
m êm e a n n é e , et par les autres pièces relatives à cette procé
dure en tria g e , qui sont sous les ye u x du soussigné.
Au nombre de ces pièces est une expédition signée de M°.
C h a s te l, alors procureur de M. M aréch al, de la requête par
lui présentée à M. le grand-maître des eaux et forêts, à l’effet
d’obtenir le triage, et dans laquelle il présente h chaque page
les trois cantons de bois dont il s’agit, c ’est-à-dire, les Brosses,
Servoiron et le Bois-Bianc , com m e étant des biens communs
a u x habitons de la collrcte de la Font- S a in t • A /ag erand,
paroisse de B roi/t; énonciation cjui y est répétée plusieurs fois
tant dans le corps de ladite requête que dans ses conclusions,
et qui en est m êm e la base et le fondement.
Car l’on sait qu'avant la révolution telle étoit la nature et
l ’essence du droit de triage, et que tous les auteurs s’accordoient
«à le définir « le droit qu'ont les seigneurs particuliers, autres
« que le roi et les engagistes de ses dom aines, et les gens de
a m ain-m orte, de demander le partage et de s’approprier une
« portion des biens com m unaux et usages. » ( V id e D en isart,
Répert. de ju risp ., verbo triag e .)
L a demande en triage formée par le seigneur de la Font à
l’époque à laquelle ce d ro it, aujourd’hui aboli, étoit encore en
vig u eu r, viendra donc encore à l’appui de la défense des habitans, et au soutien de leur propriété.
E nfin, l’exam en approfondi du procès verbal de 1781, et des
assertions que le seigneur de la Font y faisoit insérer, n’offre
encore rien qui justifie sa prétention, et ne peut au contraire
que conduire à la condam ner ; car tous ses dires , tous ses^
�( 3° )
raisonnemens, ne tendoient qu'à prouver seulem ent que les bois
qu ’il réclam oit lui appartenoient com m e seigneur ju stic ie r de la
F o n t; et en cela il parole qu’il vouloit u ser, et de son titre de
ju sticier, et de l’art. 33 1 de la coutum e de Bourbonnais , voisine
de celle d’A u v e rg n e , qui dans son article 33 1 , titre 26, portoit
que les terres herm es e t vacans sont au seigneur h a u tju sticier ;
et que pour pouvoir s’appliquer la disposition de ce t a r tic le ,
i l v o u l o i t faire considérer les bois des Brosses, de Servoiron et
Bois-Blanc , com m e des terres hermes et vacans : prétention
que dém entoit expressément l’art. i er. du titre 8 de l’ancienne
coutum e du m ême pays du Bourbonnais, qui porte expressément
que cc 11e sont pas réputées terres hermes et vacans les terres
« ou pâturaux dont aucunes v ille s , villages ou communautés
cc jouissen t, sans préjudice des droits seigneuriaux, blairies et
cc autres , tels que les seigneurs justiciers avoient accoutum é
cc prendre. »
Mais quand cette prétention du seigneur eût été admissible
en 178 1, elle ne pourroit plus l’étre aujourd’h u i, que les nou
velles lois font disparoitre, et sa qualité de haut-justicier , et
tous les droits qui ponvoient alors en dépendre.
En un m o t, plus on examinera les titres respectivem ent in
voqu és, les vrais principes de la m atière, et l’application qu’ils
reçoivent dans la cause a ctu elle, et plus l’on se convaincra que
la prétention de M. de R ochefort n ’est pas soutenable.
La com m une de Broût doit donc espérer que lorsque les différens moyens qui viennent d’étre in d iqués, et les principes qui
ont été rappelés , auront reçu , dans l’instruction de la cause ,
tout le développem ent dont ils sont susceptibles , la défense
sera favorablem ent accueillie par tous les tribunaux, et que la
prétention de M. de R o ch efo rt, sur la propriété des bois dont
il s’agit, n’obtiendra aucun succès.
T o u t ce qui vient d’étre dit s’applique au fond m êm e de la
question et de la contestation.
Q uant à la fo rm e , il n’y a qu’un mot à dire , et il seroit bien
�(3
1
)
superflu de s’y arrêter plus long-tem ps. L ’action de M. de
R ochefort concernant les droits de la com m une entière, et tous
les habitans qui la composent s’y trouvant intéressés u t universi,
il est de toute évidence qu’elle ne doit être dirigée et ne peut
l’étre régulièrem ent que contre le corps et l’universalité desdits
habitans, en la personne des magistrats m unicipaux qui la re
présentent, et qui seuls ont droit de stipuler pour elle et de
la défendre.
D éliberé à P a r is , par l’avocat au Conseil d ’état et en la Cour
de cassation, soussigné, ce 27 février 1809.
Sign é C O C H U.
A R IO M , de l’im prim erie de T HIBAUD - L a n d r i o t , im prim eur
de la Cour d’appel. — Mars 1809.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Bellavoine, Claude. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cochu
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
droit de blairie
terriers
contentieux post-révolutionnaires
Description
An account of the resource
Deuxième consultation pour le sieur Bellavoine, appelant ; contre le sieur Rochefort-d'Ailly, intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1779-1809
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0627
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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BCU_Factums_M0626
BCU_Factums_M0628
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Moulins (03190)
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323a09604271e8b9759fedacd825d3d2
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C
O
P
I
E
D’U N E P R E M I È R E
CONSULTATION
POUR
Le sieur B E L L A V O I N E , appelant;
C O N T R E
L e sieur R O C H E F O R T - D ’ A I L L Y intimé.
L e
C O N SE IL S O U S SIG N É qui a pris lecture d’une requête
présentée au conseil du roi par les habitans et com m unauté du
territoire de la Font-Saint-M agera n d , dépendant de la paroisse
de B ro u t, généralité de M oulins, à ce qu’il le ur soit permis de
diviser et partager entr’e u x , au prorata de leurs propriétés par
ticu lières, deux cantons de com m unaux dépendans de leur ter
ritoire et c o lle c te , l’un appelé le Bois-D ieu ou les Brosses, et
l ’autre le bois S ervo iro n , à l’effet par eu x de défricher lesdits
terrain s, chacun pour la portion qui leur en aura été assignée ;
de trois délibérations de la com m unauté , des 23 , 3o mai et
1er. août 1 7 7 9 , jointes à ladite requête ; de deux procès v e r b a u x
du lieutenant de la maîtrise de M ontm arault, en vertu de la
commission du grand-m aitre au département du Bourbonnais ,
en d a te, l’un du 20 septem bre 1780, et jours suivans, et l’autre
du 2 mars 1781, et jours su ivan s, à l’effet de constater l’état de
A
COUR
D ’A P P E L
DE RIOM.
ir e . CH A M B R S-
�ces b o is , et les droits et prétentions tant desdits liabitans que
du seigneur de la Fônt-Saint'M ageiaud ainsi que le nombre
desdits liabitans, d e 'le u rs feu x et b e stia u x; lesquels procès
verbaux ont dû être remis audit sieur grand-maître des eaux et
forêts au départem ent de B o u rb o n n a is .e t par lui envoyés au
c o n se il avec son a vis, pour être ensuite ordonné par sa m ajesté,
sur la susdite re q u ête , ce qu’il appartiendroit ; de différentes
pièces qui viennent à l’appui de la prétention de propriété desdits
liabitans , et notamment d’une copie informe et par e x tra it,
d’a v e u x , terriers et autres titres de la terre de la Font SaintM agerand, à com m encer par un aveu de ladite terre, du 2 no
vem bre 1411 ; d’une copie collationnée d’un autre aveu de la
m êm e te rre, du 24 juillet 1G74; d’une expédition d’ un bail à
cens d’un bois appelé de la F ouilh ouse, fait par le seigneur de
la Font-Saint-M agerand, le 8 juillet 1C21 ; et enfin de différens
renseignemens Consulté sur la prétention de propriété desdits bois appelés
le Bois-Dieu ou les B rosses, et le bois Servoiron, élevée par le
sieur Gilbert-ÏIenri M aréchal, ch eva lier, seigneur, baron de la
F on t-Sain t-M ageran d , au procès verbal tenu par le lieutenant
de la maîtrise de M ontm arault, le 2 mars. 1781 , et jours suivans,
que cette prétention du seigneur de la Font-Saint-,^
Magerand n’est point fo n d é e , et que les liabitans sont incon
testablem ent propriétaires des bois et com m unaux dont il s’agit.
A ne considérer que la possession des liabitans, il serait trèsdifficile au seigneur de leur contester leur p ro p riété, parce
qu’elle a les caractères de la propriété , et qu’elle parolt assez:
ancienne pour leur avoir acquis prescription.
\l;
E stim e
L e bois des B ro sses, de la contenance d ’environ trois cents
a rp e n s, selon le procès verbal du lieutenant de la maîtrise dé
M o n t m a r a u l t , du 20 septem bre 1780, n’est point un terrain;
inculte et vague , propre seulem ent au yain pâturage des bes
tiaux ; il est couvert de b o is , et par l’énoncé des titre s , i t
�C 3 )
Fa été dans tous les temps. L e lieutenant de la m aîtrise dit
dans son procès verbal qu’après avoir contourné ledit bois ,
l’avoir routé , traversé et exam iné dans le plus grand d é ta il,
il a remarqué que toute la superficie se trouve bien couverte
en recrues essence de chêne , à l’exception de quelques trèspetites.parties mouillées qui sont m êlées de bois blanc.
S i les liabilans n avoient fait qu’envoyer leurs bestiaux au
pâturage , dans un terrain ainsi couvert de bois , e t que le
seigneur de Saint-M agerand eût joui des b o is, q u ’il les eut
exploités, coupés et vendus, ou autrem ent administrés comme
sa chose propre et son dom aine, il n ’y auroit pas de d iffic u lté
que cette simple jouissance du pâturage n ’eût pu acquérir par
quelque temps que ce f û t , la propriété d u terrain et du bois
aux habitans.
»
.
Mais dans le fait , la jouissance des habitans n ’a point été
bornée au pâturage ; elle s’est étendue constamment aux bois
mêmes qui couvroient le terrain : il ne paroît point que le
seigneur ait jamais exploité et administré ces bois com m e lui
appartenans, et qu’il ait em péché la jouissance des habitans.
Il est vrai que cette jouissance n ’a pas été bien ordonnée et
administrée ; que les bois n’ont point été aménagés comme
ils devoient l’ê tre , au désir de l’ordonnance de 1669 pour les
bois des com m unautés; qu’enfin cette jouissance a co n sisté,
de la part des habitans , à faire une m ultitude de coupes sans
m esure, par triage et par jardinage, ainsi qu’il est énoncé au
procès verbal du 20 septem bre 1780.
Mais il ne reste pas moins pour constant qu’ eux seuls ont
usé et abusé de ces b o is, qu’eux seuls en ont joui , que le
seigneur ne les en a point em pêchés , et qu’il n ’y a rien pré
tendu.
O r , "une jouissance ipareille<est évidem m ent la jo uissan ce de
la propriété m êm e ; et lorsqu’elle est im m ém oriale, elle devient
un titre de propriété très-respectable.
- 1 >
H ÿ .a plus de difficultés p o u r le terrain appelé S e rv o iro n ,
A
2
�4
C
) #
parce q u e , malgré cette dénom ination, il ne se trouve point
de bois sur ce terrain absolum ent inculte et propre seulement
au vain pâturage : il est bien certain que quoique le vain pâ
turage emporte avec lui toute l’utilité d’un terrain pareil , et
que le seigneur ou propriétaire ne paroisse pas en jo u ir, parce
qu’il n’en retire aucune utilité particulière-et privée, cependant
c e vain pâturage n’est et ne peut être par lui-m êm e a ttrib u tif,
par quelque temps que ce soit , de la propriété du terrain ,
parce qu’il n’annonce point la propriété , parce qu’il est ou
peut être l’effet de la culture et de l’inculture du terrain, parce
qu'enfin il ne contrarie point les droits du propriétaire, com m e
la coupe d’un b o is, la récolte d’un cham p, etc. Ainsi le pâtux’age des bestiaux des liabitans sur le terrain de Servoiron , ne
leur donneroit aucun d ro it, quoi.que ce terrain ne soit plus en
bois ; et s’ils avoient à invoquer leur possession de ce terrain
pour en réclam er la prop riété, ce ne pourroit être qu’en arti
culant et prouvant qu’il étoit autrefois en bois ; qu'alors eus
seuls jouissoient de ces bois , et qu’ils en ont joui tellem ent
qu’ils l’ont enfin épuisé ; que le seigneur ne les en a point em
pêchés ; que loin de là , il leur en a laissé arracher jusques à
la dernière souche , ce qui dans le vrai paroit être arrivé.
Mais les liabitans ne sont point réduits à invoquer la sim ple
possession, tant pour ce bois ou terrain de Servoiron que pour
le bois des Brosses ; ils ont en leur faveur des titres qui éta
blissent ou constatent leur propriété , et qui sont d’autant plus
décisifs vis-à-vis des seignenrs de la Font-Saint-Magerand, qu’ils
sont émanés de ces seigneurs même.
L e soussigné a sous les ye u x une copie collationnée authen
tique d’un aveu et dénombrement reçu en la chambre du do
maine de Bourbonnais, le 24 juillet 16 7 4 , et fourni au roi par
G i l b e r t de Capony, chevalier, seigneur, baron de là Font-Saint; dans lequel aveu ce seig n eu r, après avoir donné
la circonscription générale de sa te rre , et déclaré différens droits
M agerand
de dime et a u tre s, et quelques domaines,, d é clare , spécifie et
�( 5 )
confronte avec détail tous les bois qui lui appartiennent dans
l’étendue de sa te r r e , sans y com prendre les bois D ieu ou des
Brosses et de Servoiron ; ce qui est une reconnoissance négative
mais très-formelle que ces bois ne lu i appartenoient pas, selon
la maxime : Inclusio unius cxclu sio a lién a s. Les bois énoncés
par le seigneur , com m e son d o m a in e, dans le dénombrement
dont il s’agit, sont celui de B ost, de huit septerées; le bois des
T ille ts , de cinquante septerées ; le bois Pougetan , de quatrevingts septerées; le bois de G ra ve ray , de trente septerées ; le
bois des Sapins , de sept septerées ; le bois des P r é a u x , d’une
septerée ; et le bois des C o rb s , de sept septerées. Ce sont les
seuls bois qui aux termes du dénombrement appartiennent au
seigneur : et l’on ne peut pas dire que c ’est par oubli ou par
confusion de nom que le seigneur n ’a pas compris le bois D ieu
ou des Brosses, et le bois de Servoiron, car ces bois sont énoncés
sous cette d é n o m i n a t i o n d a n s u n e q u a n t i t é d ’e n d r o i t s d u m ême
d é n o m b r e m e n t ; m a i s il n’en e s t parlé q u e c o m m e des confins,
et ils sont expressément désignés com m e bois communs. « Plus,
cc lit-on dans un en d ro it, un autre petit étang appelé les R is s ,
« a tenir un cent de nourrains', joignant les bois communs de
« ladite F o n t, appelés B o is - D ie u , d’orient, etc. Pluü , li t - 011
« ailleurs , une autre terre appelée le cham p de Tirelouse ,
« contenant trois septerées ou environ, joignant le bois commun
cc appelé le B o is-D ie u . Ailleurs : plu s, une terre au terroir des
cc B rosses, contenant deux septerées ou environ , d’orient, etc. ;
cc dé nuit et de bise , le bois commun appelé les Brosses. Ailleurs
encore : plus , est du au seigneur trois quarterons seigle ,
cc mesure de S ain t-P ourçain , par la dame de B aym ont, suivant
tc sa reconnoissance , à cause d’une pièce de terre tenant le
cc bois D ie u appelé les Brosses. D ans un autre endroit : plus,
« est dû a u d i t S e i g n e u r de la F o n t, quatre q u a r t e r o n s seigle
cc et (leux g e lin es, par dame G ilbert de Baymont et M e. Pierre
cc Goltfiiard
curé de B r o iit, suivant leur reconn oissance, à
cc cause de la m oitié du bois revenant appelé la -Fouillouse',
cc
A
3
�( 6 )
« contenant, e tc ., jo ig n a n t le bois com m un appela S cryotron,
« de b is e , etc........ »
L e seigneur de la Font-Saint-M agerand , auteur du dénom
brem ent qui contient ces énonciations, connoissoit et distinguoit
donc lui-m êm e des bois par lui déclarés com m e son dom aine,
c e u x appelés le Bois-ÏDieu ou des B ro d e s, et le bois Servoiron?
il r e c on n o issoit donc lui-m êm e que ces derniers ne lui appartenoient p a s, que c étoient des bois com m uns, c ’e st-à -d ire ,
appartenans à la com m unauté des Kabitans ?
Un terrier de la seigneurie, à la date du 16 mai i
, énonce
de m êm e le bois des Brosses , com m e bois com m un : « P lu s ,
v y est-il d it, une terre-au terroir des Brosses, contenant deux
« septerées ou environ, joignant d’orient le chem in de la Font
(c à Saint-Pont ; de midi , le bois du seig neur, à cause des
« Brosses ; de nuit et bise , les bois communs appelés les
655
k Brosses. )>
L e bail à cens d’ un ténem ent de bois appelé le bois de la
Fouilhouse , fait par un seigneur de la Font-Saint-M agerand ,
le 8 ju illet 1626, et dont il a été remis une expédition sous le&
yeux du soussigné, énonce aussi le bois Servoiron com m e bois
com m un : « C ’est à savoir, y est-il d it, un ténem ent de bois
« appelé , etc. , tenant le bois com m un appelé Servoiron ,
« d’orient. »
Ces titres émanés des seigneurs de Saint-M agerand , joints à
la possession effective et im m ém oriale des liabitans sur le BoisD ieu ou des B rosses, et sur le bois ou terrain de S e rvo iro n ,
rendent sans contredit la propriété des h a b itan s, de ces- bois'
et terrains, constante et inattaquable.
L e sieur M a ré c h a l, seigneur actuel de la Font-Saint-M age
rand , a cependant réclam é et réclam e encore cette propriété,
et il a excipé pour cela de differens titres analisés dans le procès
verbal du 2 mars 1781 ; mais aucun de ces titres ne peut détruire
ceu x qui viennent d’être expliqués, ni la possession des habitans
qui s’y joint.
�7
C
)
i°. L e droit de blairie, énoncé dans le terrier de 1019 com m e
appartenant au seigneur de Saint-Magerand, et dû par les liabitans, loin de prouver que les bois en question appartiennent au
seig n eu r, prouveroit au contraire qu’il les a aliénés m oyennant
cette red evan ce, et qu’ils appartiennent aux habitans ; m a is,
dans le vrai , ce droit paroît plutôt relatif au vain pâturage
général sur le territo ire, et il 11e fait rien à la question de pro
priété des bois dont il s’agit.
L ’usurpation de deux septérées sur le bois des Brosses, énoncée
au m êm e terrier com m e approuvée par le seigneur moyennant
un cens d’une coupe de se ig le , ne fait que constater cette usur
pation, mémo sans tirer à conséquence pour le surplus du bois,
qui est toujours resté com m un. L ’ancienneté de cette entreprise
sur les bois communs , rendroit'difficile l’action en délaissement
que la com m unauté pourroit'exercer ; mais la com m unauté est
toujours dans le cas de dire q u e si o n lui a p r i s u n e partie de
ses bois, le s u r p l u s lui est resté, et d’opposer la maxime : Tantum
prœscriptum quantum possessum.
.)
!
53
20. L e terrier de i i , opposé pour le même droit de blairie
et les d eux septerées prises sur le bois des Brosses , reçoit les
m êm es réponses.
;
°. D e m êm e du contrat d’éch an ge, du u avril 1672, en c e
qu’il énonce le droit de blairie.
4°. D e m êm e du terrier de 1578.
°. D e même du contrat d’acquisition, du 21 juillet 1682.
6°. Le dénombrement de-160g, en ce q u ’il énonce des droits
de blairie, charrois>, manœuvres, guets et autres droits seigneu
riau x, n’est pas plus favorable au seigneur; et s’il étoit rapporté
en e n tie r, il ne lui seroit vraisemblablement pas moins contraire
que celui de 1674;» ci-dessus analisé. On d o it y trouver, comme
dans c e lu i- c i, le bois D ieu ou des ¡Bro'sses , et de Servoiron,
com m e bots communs.
fr-- . -¡l4> .
*
7°;i L a sentence de i
i , et les au très, ¡rendues à la suite en,
1608, 16 4 1, 1672 et 1678, ne font qu’établir le droit de b la irler
et non la propriété réclam ée par le seigneur.
3
5
65
�8°. L e terrier de i
( 8 )
les mêmes réponses que ceu x
655 reçoit
ci-dessus.
n 90. L e bail à cens , du 8 mai 1715 , n’annonceroit qu’upc
nouvelle usurpation, susceptible des m êm es réponses que celle
de -deux septerées ci dessus ; mais on ne voit pas m êm e dans ce
bail que les six quartelées accusées soient prises sur le bois des
•Brosses.
•
*
io°. L e dénombrement du i er. .décem bre 1675 , fourni par
G ilb e rt,d e Capony., n ’est opposé que pour le droit de blalrie,
e t le droit de blairie n’em porte point au profit du seigneur la
propriété des bois en question.
, 1 1 0. , 120. , i °. Les écritures et les sentences extraites sous
ces numéros ne sont d’aucune con séqu en ce, par la m é m e raison
qu’elles ne sont relatives qu’au droit de blairie.
14°. O n doit écarter de m êm e la transaction du 22 février 1765,
dont le fond n’est encore relatif qu’au droit de blairie. Q uant
aux énonciations accessoirem ent faites dans cette transaction,
de la propriété des bois dont il s’a g it, prétendue appartenante
, au seigneur de la Font-Saint-Magerand , et aux dispositions pour
l'aménagem ent de ces bois , relatif au pacage et p atu rag e, ces
énonciations et dispositions peuvent d’autant moins être opposées
aujourd’hui à la com m unauté , q u e , d’un c ô té , il n étoit point
question , dans les contestations terminées par cet a c t e , qup
cette prétendue propriété appartenoit réellem ent au rseig n eu r,
dès qu’iils étoient conservés dans le droit de pâturage de leurs
bestiaux, moyennant la redevance de blairie:qui avoitrfait l’objet
des contestations, e t , d’un autre côté , que cette transaction n’a
point été passée avec la communauté , mais seulement avec
quelques particuliers qui étoient à la dévotion ou à la discrétion
du.seigneur. Il n ’étoit point au pouvoir de ces particuliers de
iraiter ou transiger.sur les biens com m unaux du corps des habita n s, ou de souifrir aucunes énonciations \ou dispositions con
3
traires aux droits de la communauté. Pour que la transaction
dont il s’agit pût être opposée à cette .com m unauté , il faudroit
�qu’elle eût été passée avec elle ou avec ses légitimes représentan s, après une délibération égalem ent arrêtée par la com m u
nauté , et que le tout eût été suivi d’ une homologation en ju stice ;
à défaut de c e , ni la transaction passée avec un petit nom bre
de particuliers seu lem en t, ni les actes d’adhésion souscrits par
quelques autres particuliers, et extraits au procès verbal à la
suite des autres pièces auxquelles on vient de répondre, ne
peuvent servir de titre contre la com m unauté; elle en peut de
mander la n u llité , au moins à l’égard des énonciations de pro
priété et des dispositions des bois dont il s’agit, et à être main
tenue dans sa propriété de ces b o is , ou des terrains qui les
représenten t, conform ém ent à sa possession im m ém oriale, et
aux propres titres du seigneur, ci-dessus analisés.
D é lib é r é à P a ris, le 26 décem bre 1782, par les soussignés,
avocats au parlement et au conseil du roi. Signe Robin et Cochu
Pour copie : signé C O C H U .
A R I O M , de l’im prim erie de
T h ib a u d - L a n d r io t ,
de la Cour d’ appel. — Mars 1809.
imprimeur
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bellavoine, Claude. 1809]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Robin
Cochu
Subject
The topic of the resource
communaux
pacage
droit de blairie
terriers
contentieux post-révolutionnaires
Description
An account of the resource
Copie d'une première consultation pour le sieur Bellavoine, appelant ; contre le sieur Rochefort-d'Ailly, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1809
1779-1809
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
9 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0626
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0627
BCU_Factums_M0628
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Broût-Vernet (03043)
Moulins (03190)
Rights
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droit de blairie
pacage
terriers
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MÉMOIRE
POUR
J oseph
D A U B I N , P i e r r e M O U R G U Y E et G a b r i e l l e
B A R E Y R I E , fe m m e B A P T I S T A L , cu ltivateu rs,
habitant au village de M o n c e l, co m m u n e de SainteEulalie, appelans et défendeurs en pérem ption ;
CONTRE
L e sieur A n d r é C A B A N E , se d isa n t ancien ferm ier
de La terre de S a in t-C h a m a n t, in tim é et demandeur.
IVV%W VVW\VWVV\»WV^
L
E sieur Cabane prend le prétexte d ’une péremption
pour poursuivre l ’effet de plusieurs sentences féodales,
contre les appelans, qui cependant ont régulièrement
p a yé ce q u ’ils doivent eux-m êm es, mais que la pagésie
forcerait de p a y e r des sommes considérables p o u r les
cens de tout leur village.
i
�( o
L a révolution a éteint la pagésie et la féodalité; le
sieur Cabane l’avou e : il avou e aussi q u’ une dem ande
en pérem ption d ’appel a pour résultat d’obtenir la
confirmation de la sentence attaquée; d’où il faudrait
conclure que si le législateur a annullé la sentence et
l’a p p e l, il s’ensuit nécessairement q u’il ne reste plus
de procès en pérem ption.
Mais ce n’est pas ainsi que raisonne le sieur Cabane.
I l dit que des sentences rendues au.profit du seigneur
peuvent n’être pas féodales ; que d ’ailleurs il n’y a
procès que sur la pérem ption d ’ un a p p e l, ce qui est
un procès indépendant de l’a p p e l; d’où il conclut que
la Cour doit juger la p é re m p tio n , sans s’inquiéter de
l ’objet pour lequel on plaide.
V oilà tout le système que les appelans ont à com
battre ; mais en prouvant q u ’il n’y a ni pérem ption
de f a i t , ni procès à ju g e r , ils se préserveront d’ une
injustice criante qui aurait pour résultat de les forcer
à payer la dette d ’autrui, sans avoir aucun m o y e n de
recouvrem ent.
F A IT S .
L e s agens du sieur de L ig n era c, seigneur de SaintCham ant et Sain t-M artin , formaient presque annuel
lem ent des demandes contre plusieurs censitaires, et
obtenaient sentences sur sentences.
C ette multitude de poursuites, gardées par devers
eux , n’est certainem ent pas une preuve de n on paiement. Ori sait que le moindre retard occasionnait
�(3 )
des diligences, toujours en pagésie contre les prin
cipaux len an ciers, et toujours avec des réserves des
condamnations précédentes.
L e 6 février 1 7 6 4 , G abrielle Berghaud et L ouis
M o u rg u y e furent assignés à la requête du marquis de
L ig n e r a c , seigneur de S a in t - d ia m a n t , devant le juge
de Sain t-M artin , com m e tenanciers de tout ou partie
du village M o n c e l, pour p ayer audit seigneur trentehuit seliers seigle, trente setiers a vo in e , sept livres un
sou a r g e n t , e t c . , pour les c e n s , rentes et droits sei
gneuriaux d u s a u d it seigneurf sur ledit v illa g e, par
reconnaissances solida ires, et c e , par chacune des trois
dernières années éch u es, avec l ’intérêt : le sieur de
L ign erac termine par in d iq u e r le paiem ent à faire
entre les mains du sieur C a b a n e , son ferm ier-gén éral,
a vec réserve de tous autres dus, droits de lods, etc.
Sur cet e x p lo it, le juge du seigneur rendit une
sentence par défaut le 17 mars 1764« L e sieur Cabane
en rapporte une copie in fo rm e, et sans form e exécu
toire.
^
Aussitôt que les autres censitaires du village furent
informés de cette dem ande en pagésie qui allait re
tom ber sur e u x , ils s'en plaignirent. On vo it par une
requête du 17 mai 17 6 6 , que les nom m és L a b ru n ç,
A lzia c , L ouis Berghaud et M e y lia c articulèrent avoir
payé exactem ent leurs cens au sieur Cabane , qui
endossait leurs paiemens sur les liéves sans donner de
quittances; ils d em a n d èren t, en c o n s é q u e n ce , p e rZ
�m
mission de l’assigner po u r vérifier le fait ^et leur donner
quittance des sommes par lui reçues.
L e juge donna
une simple ordonnance portant
permis d ’assigner; et ce qui ne sera pas vu sans éton
n e m e n t, le sieur Cabane interjeta ap p el, au parlem ent,
de cette ordonnance du ju g e , qui permettait de l’as
signer pour déclarer ce q u’il avait reçu. C e ne serait
donc pas lui qui aurait obtenu les sentences qu’il s’ad
juge aujourd’h u i? car a u r a it-il osé étouffer la voix
de ceu x q u ’il poursuivait indirectem ent en la personne
de leurs co-paginaires.
L e 18 janvier 1 7 6 8 , Louis Bareyrie et Louis M ourg u y e furent assignés à la requête du seigneur, pour p aye r
solidairement les dernières années des cens du village. L e
29 février 1 7 6 8 , le juge du seigneur rendit une autre
sentence par d é fa u t, qui adjuge lesdites conclusions.
Elle est dans la m êm e form e que la précédente.
Pendant que ces poursuites étaient dirigées à la re
quête du seigneur, contre Bareyrie et M o u rg u y e , il
en existait d’autres contre François D au b in en vertu
de sentences obtenues contre lui en 176 9 et 1 7 6 1 ,
pour la m êm e pagésie. Ses meubles et ses bestiaux
furent exécutés le 14 mars 1 7 7 1 , avec dép lacem en t,
toujours cl ici requête d u seigneur.
L e 4 mars 1774, Louis M o u rg u ye et ledit Joseph
D aubin furent assignés en pagésie pour payer les trois
dernières années du t é n e m e n t, toujours à la requête
du seigneur, et ils y furent condamnés par d é fa u t, par
sentence du 27 août 1774*
�(55
Ils ont été encore assignés en 17 7 8 et 178 1
condam nés par sentences des
19
décem bre
et
17 7 8
et 17 décem bre 178 1 ; toutes ces sentences sont sans
form e e x é c u to ire ; la dernière seule est signée du
greffier, mais en seconde expédition. Il paraît que
ces mêmes sentences furent successivement attaquées
par appel porté à Salers ; aucune des parties n ’a les
procédures qui y furent faites.
• L e 2 n ovem bre 1 7 8 4 , le sieur C a b a n e , en qilalité
de ferm ier général des terres pour tors appartenantes
a u sieur de L ig n e r a c , fit signifier les sentences de
>1768, 1 7 7 4 , 1 7 7 8 et 178 1 à Louis- B a r e ÿ r ie , Louis
M o u r g u y e et Joseph D a u b i n y a v e c somïnation de. lés
e x é c u t e r , ret- assignation en liquidation des grains.
C e u x - c i notifièrent au sieur C a b a n e , par exploit du
1 7 no vem b re 1 7 8 4 , qu'ils persistaient dans l’appel déjà
interjeté des deu x premières sentences, èt q u’ils inter
jetaient appel des d eu x dern ières, corn m e nulles, in
compétentes et attentatoires à l’autorité de la sénéchaus
sée d ’A u vergn e , saisie de la contestation ; en consé
q u en ce, ils assignèrent le sieur Cabane h y p r o c é d e r ,
co m m e se d isa n t ancien ferm ier et aux droits du sieur
de L ig n e r a c , tant pour lui que pour ledit s e ig n e u r,
dont il prenait le f a i t et cause.
L e sieur Cabane se p résen ta, sur cet a p p e l, le 10
février 1 7 8 5 ; il dit que sa présentation ne fut suivie
d ’aucunes autres procédures.
L e i 3 août 1 7 8 8 , il demanda la pérem ption de
l ’a p p e l, et obtint sentence par d é fa u t, le 1 4 juillet
�•i 6 )
1 7 8 9 , qui prononça ladite p é re m p tio n ;le 4 août 1 7 8 9 ;
les Bareyrie en interjetèrent appel situ pie au parlement.
On ignore s’il fut pris des lettres de relief sur cet appel,
et si le parlement fut saisi. L a révolution a dévoré
ou paralysé tout ce qui tenait aux matières féo d ales,
et il n ’est pas su rp ren an t, ni que la trace de ce qui
a pu exister soit perdu, ni que toutes les parties aient
gardé le silence depuis. 1789.
L e s lois de 179 3 ayant condam né aux flammes les
titres et sentences qui porteraient signe de féodalité
ou qui la renseigneraient, certainem ent le s.r Cabane
a dû s’y con form er , et voilà pourquoi il n ’a plus les
•expéditions exécutoires dés sentences du sieur de L i gnerac ; .voilà pourquoi ne, réclam ant rie n , pendant
vingt an s, contre des censitaires qui avaient payé leur
¡item ré g u liè re m e n t, et qui ne devaient plus p ayer la
portion des autres, tous les d o c u m e n t,to u te s les traces
de leurs procédures se sont pierdues en presque totalité*;
et aujourd’hui on veut q u’ils en soient victimes.
.
L e sieur Cabane s’est souvenu en 1809 de l ’appel
de 1 7 8 9 , et il a pensé que s’il pouvait l’attaquer par la
pérem p tio n , il obtiendrait par cette voie indirecte une
confirmation de se n ten ce, que la C our ne pourrait .pas
prononcer directement.
En conséquence, par exploit du 22 février 18 0 9 ,
le sieur Cabane' a assigné en la C our d ’appel Joseph
D u u b in , et Louis M ou rguye ( d é c é d é ) , pour voir dé*
clarer l’appel sim ple, du 4 août 1 7 8 9 , n u l , périmé et
com m e non a v e n u , et voir ordonnev l’exécution de
la sentence attaquée.
�(7 )
P a r autre exploit du i 3 juillet 1 8 0 9 , il a assigné
M o u rg u y e fils , et G abrielle B a r e y r ie , fille de L ouis ,
po u r voir déclarer le m êm e appel de 1 7 8 9 , p éri, désert
et n u l, voir en conséquence ordonner l ’exécution de
la sentence attaquée.
L e s parties en sont venues à l ’audience de la C o u r ,
le 10 mars 1 8 1 0 ; les appelans ont soutenu qu’un
appel sim p le, et non suivi d’ajo u rn em en t, ne pouvait
pas tom ber en pérem ption , et que la désertion ne
pouvait jamais avoir lie u , sans que l ’appelant eût droit
de ren ou veler son appel.
L a C our n’a pas d ébouté expressém ent le s.r Cabane
de ses demandes en p érem ption et désertion , mais
elle a ordonné que les parties mettraient leur procé
dure en é t a t , sur l ’appel du 4 août 1 7 8 9 , et a remis
la cause d ’ un m o is, pour y statuer.
L e sieur C a b a n e , en notifiant cet arrêt, le 22 m a i,
a u x a p p e la n s, les a assignés co m m e co-débitcurs so
lidaires , pour lui voir adjuger les conclusions prises
par les deu x exploits de 1 8 0 9 ,
en tout cas, pour
procéder sur l’appel de 1 7 8 9 , et voir prononcer le
b ien -ju gé de la sentence du 14 juillet 1789.
Ces conclusions prouvent que le s.r C aban e n’aban
donne pas sa prétention de faire déclarer cet appel
péri et désert. C ep en d an t, quoique l’arrêt de la C our
ne soit pas m o tiv é , et ne statue pas e x p r e s s é m e n t sur
ses premières conclusions, il est évident que la C o u r
n ’a pas entendu les a d o p ter, ni m êm e les laisser re
�( 8 )
p ro d u ire, car elle n ’aurait pas ordonné de faire une
procédure sur un appel périm é ou désert.
'
Mais puisque le sieur Cabane ne veu t pas se croire
jugé sur ce poin t, les appelans le prendront au m ot
pour demander eux - mêmes un arrêt positif sur ses
demandes en pérem ption et d ésertio n , qui étaient la
seule chose a ju g e r, f a u f à lui à recom m en cer toute
procédure nouvelle q u’il avisera.
..
;
MOYENS.
»
I l ne peut y avoir lieu à pérem ption pour un appel
simple : car l ’ordonnance de Roussillon ne fait périm er
que les in sta n ces, et un appel simple n’en est pas
u n e , dès q u ’aucun juge n ’en est saisi. T e lle a été sur
ce point la jurisprudence constante.
Quant à la d ésertio n , elle n ’est point opposée à
D a u b in , assigné par le prem ier exploit du n
février
i 8 ° 9 , qui ne contient aucunes conclusions à cet égard.
11 suffît donc d’y répondre au nom des M o u rg u y e et
Bareyrie.
D ’abord la désertion est incompatible ave<j: la p é
rem p tion ; car si un appel pouvait périm er, il ne serait
pas désert. L e sieur Cabane devait d ’abord conclure à
la désertion, qui était la première fin de non-recevoir
ù opposer dans l’ordre de la procédure; il a dem andé
q ue l’appel fût déclaré p én et désert. A i n s i , en s’o c
cupant
�( 9 )
cupanf de la pérem ptio n , il a renoncé à la désertion;
de m êm e que s’il eût conclu au bien jugé et à la p é
remp tion, il aurait renoncé à la pérem ption : à plus
forle raison f a u t - i l lui dire qu’ ayant assigné D au b in
et M o u rg u y e p è r e , en fé vrier 1 8 0 9 , sans parler de
désertion, il n ’a pu y conclure contre M o u rg u y e fils,
par un exploit postérieur.
L a désertion, au reste, n’est plus prononcée par les
tribunaux depuis 1790 ; lorsque des tribunaux
ont
vou lu renouveler cet ancien u sa g e, la C our de cas
sation n ’a point approuvé leurs décisions, et cela par
un m o tif bien sage et bien simple.
f
!
C ’est q u ’avan t la r é v o lu t io n , la jurisprudence g é '
nérale était d’accorder trente ans pour interjeter appel,
en sorte que la désertion prononcée ne produisait que
des eifets frustratoires, puisqu’elle n’em pêchait pas
de refaire l’appel : aussi plusieurs parlemens avaient
l ’ usage de converir en anticipation les demandes en
désertion q u i , d ès-lo rs, se réduisaient à des dépens,
com m e le dit B r o d e a u , lettre P , n.° 14.
Mais depuis que les appels sont limités à un délai
plus c o u r t, c ’e st-à -d ire , à trois mois et à dix ans, la
désertion a paru un abus à r é f o r m e r , puisqu’on ne
peut pas la faire m arch er avec le droit de recommencer
un appel pendant trente ans. V o ilà pourquoi la dé
sertion est ab so lum en t to m b ée ien désuétude : on en
est convaincu p a r le grand nom bre d ’arrêts qui se
trouvent aux Bulletins de cassation.de l ’an 7 , de l ’an 9,
de l ’an 10 et de l’an 1 1 . Par-tout on voit les désertions
3
�C 10 )
proscrites ; et nulle part on ne voit q u ’il en ait été
toléré yne seule , m êm e par simple rejet.
Il y ;a donc lie u , en statuant sur les demandes du
sieur C a b a n e , de le débouter de ses conclusions en
pérem ption et désertion. O r , on le r é p è t e , c’était là
l ’objet unique de ses conclusions avant l ’arrêt du 10
mars 1 8 1 0 ; et il ne peut pas les confondre a vec le
b ien jugé de la sentence de 1 7 8 9 , puisqu’au lieu de
se départir de sa prem ière d em a n d e, qui y était en~
core plus in com p atib le, il la renouvelle et y persiste.
1.
...
•
. . .
C ep en d a n t, si la C o u r croyait devoir statuer sur les
nouvelles conclusions du sieur C aban e , il s’agira de
savoir an fond s’il a pu reprendre une procédure de
pérem ption en m atière fé o d a le , au préjudice des lois
qui ont éteint tous les procès y relatifs; et subsidiai.rem ent, s’il y a pérem ption.
¡
; .
/
; 1 *. ,.
A b o r d o n s , dès à présent , le subsidiaire, qui sera
plus brièvem ent e x p é d ié , et disons q u ’il n ’y a pas de
pérem ption.
;
I / a p p ë lp o r t é e n la sénéchaussée d’A u v e rg n e , était un
appel d'incom pétence. On soutenait que les .premiers
appels ayant saisi la sénéchaussée, le s.r Cabane n’avait
revenir devant le juge du seigneur pour dem ander une
; pagésie en vertu de reconnaissances de cens soumises
.au juge supérieur. E n effet, la sénéchaussée seule était
com péten te pour accorder ou refuser les arrérages de
ces mêmes c e n s , échus pendant le procès ; il fallait
�( n )
y conclure devant e l l e , el' non saisir un juge déjà
dépouillé, pour multiplier les sentences et les appels.
Cet appel d’in com p élen ce n’était pas susceptible de
p é re m p tio n , suivant l’opinion des auteurs, conform e
au texle m êm e de la loi.
B o u s s e a u - L a c o m b e , v .ù péremption , 'n.° 1 2 , dit
q u ’elle n’a pas lieu ès-causes ou procès du dom aine,
n i es-appels d ’incom pétencè, parcè que cela regarde' le
d r o it’public.
C ètte décision est conform e à la loi Properandum
d ’où est tirée l’ordonnance de Roussillon. Censetnus
itaque omnes lites non ultrà triennii meta s , post litem
contestatam , esse protrahendas ( except is tantum m odo
c a u s L s quœ a d /u s J is c d le p ertin en t , vel quai a d p u blicas respiciunt fun ctiones).
N ’y a u r a i t - i l pas en effet un inconvénient grave
que le silence d ’ une partie, souvent occasionné par la
difficulté dç-réunir des co-intéressés, ou par des pour
parlers d ’arrangemeris, p û t donner la force de chosejugée h des sentences rendues par des personnes sans
caractère, et peut-être quelquefois dans des matières
o ù il serait choquant que ces sentences ne fussent pas
réform ées?
C ertes, les juridictions sont de droit p u b lic, cela est
incontestable; et s’il est encore incontestable qu’une
partie ne peut déroger au droit public par une con
vention p a rticu lière, com m ent le poU rrait-elle par
son silence? C ’ést donc une monstruosité que la loi
a voulu prévoir et é v ite r, en disant que la pérem ption
4
�(
12
)
n ’aurait pas lieu pour ce qui tient au droit p u b lic, aux
fonctions publiques ; en un m o t , à l’ordre des juri
dictions.
Mais quand la pérem ption e û t pu exister ic i avant
1 7 8 9 , il est impossible d’adopter que la procédure y
relative ait seule resté d e b o u t , quand l ’appel et les
sentences sont anéantis com m e chose féodale.
A cela le sieur Cabane o b je c te , i.° q u ’il ne s’agit
pas de féodalité , parce que c ’est uu ferm ier qui est
cré a n c ie r, et que la suppression n ’atteint pas les fer
m ie rs; 2.0 que quand l’objet du procès serait féo d a l,
il n’est queslion que de juger s’il y a pérem ption ; ce
qui est une procédure indépendante.
Répondons d’abord que le sieur C aban e se dit fer
m ie r , sans l’établir par des b a u x de ferm e. I l a pris
ce lle qualité dans une signification des sen ten ces, en
1 7 8 4 , et l’appel lui en a été notifié, co m m e se d isa n t
ferm ier et a u x droits d u sieur de Lignerac.
Q uoiqu’il en s o i t , com m en t l’objet du procès ne
serait-il pas fé o d a l, lorsqu’ il s’agit de cens demandés
à trois censitaires, par le seigneur, et en cette qualité,
pour la totalité de la redevance assise sur un ténemerit.
A la v é r ité , il y a des cas où les fermiers ne sont
pas atteints par la suppression féod ale, mais c ’est quand
ils se sont procuré un titre personnel, em portant no
vation.
U ne lettre du com ité de législation, écrite au tri
bun al du district de Riorn, le 9 prairial an 2 j a décidé
qu’ une rente constituée au profit d ’ un fermier, en 173 0 ?
�( I3 )
devait être p a y é e , quoiqu’elle dérivât d ’arrérages de
cens. U n e lettre du ministre de la justice , écrite au
commissaire du d irectoire, à P a u , le 22 pluviôse an 7 , '
décide de la m êm e m an ière,
pour une obligation }
consentie à un f e r m ie r , pour cens. R ien n’ est plus
légal que ces décisions, puisque le ferm ier était censé
avoir touche ce q u i lut éta it d û , et l ’avoir échangé
contre une obligation q u i, par cette fic tio n , rentre
d a n s la classe des autres obligations. M ais cette r é
flexion du ministre prouve par e lle -m ê m e que le fer
m ier n ’aurait pas été ex e m p t de la suppression, s’il
n ’y avait pas eu engagem ent personnel à son p r o fit,
,
dônt l ’effait aVait été de dénaturer Corigine féodale
et é v i d e m m e n t le titre ne cessait d ’être féodal que
par novation.
L a n o va tio n , en e ffe t, peut seule em pêcher de re
garder c om m e féodal ce que la loi déclare tel. Novatio
est p rio n s d e b itiin alùum debitum trans/usio
p m rim a tu r.
u t p rio r
Si donc la prem ière dette est étein te , il
n ’en reste q u ’ une entre de simples particuliers, et la
féodalité est évanouie. M a is , hors ce cas d irim ant, la
règle générale reste; et il est aisé de m ontrer que les
fermiers ne sont pas à l ’abri des suppressions féodales.
L a loi du 2 5 août 1 7 9 2 , supprime tous les droits
féodaux. L ’art. 10 porte que les arrérages, m êm e ceu x
dus en vertu de ju g e m e n s , ne sont pas exigibles; l’art,
12 éteint tous tes procès relatifs aux droits féodaux.
O n a quelquefois argum enté de l ’art. i 3 , qui c o n
serve aux fermiers lès actions qui leur sont réservées
�(. *4 y
par l’art. 3 7 .d e la loi du i 5 mars 1 7 9 0 , de se faire
restituer les sommes payées aux seigneurs, pour les
droits écliu s, depuis Le,4 août 1789.
M ais en lisant cette loi de 1 7 9 0 , on rem arque q u’elle ,
est
relative aux. droits de bannulilé; et de justice, sup
prim és Le. 4 aoû,t 1 7 8 9 ; il y est dit que les b aux sont
résiliés
depuis la suppression, et que si les fermiers ont
p a y é au seigneur des pots de v in , ils les répéteront au
prorata de la non jouissanceU n e dernière loi du 28 nivôse an 2 , a déclaré ne
pas com prendre d a n s l’annullation des procès fé o d a u x ,
ce u x in ten tés, i.° par des vassaux ou censitaires, pour
restitution des droits.exigés d’e u x ; 2.0 par des ci-devant
ferm iers, pour restitution des pots de vin qu'ils ont
avancés, ou des fermages q u ’ils ont payés à raison des
droits qui leur étaient afferm és, et dont ils n’ont pu
jouir.
• . 1
1.
A in si, bien loin q u ’il résulte de l ’ensemble des lois une
exception pour les fe rm ie r s , et un droit subsistant en
leur fa v eu r, contre Les censitaires, il faut en con clure,
au contraire, que la loi ne s’est occupée d ’eux pendant
lfo is.fo is, que pour leur donner une action contre Le
seigneur seulement, et que,, par co n sé q u e n t, elle les
a laissés pour tout le reste dans la règle générale de
la suppression, a moins qu ils n’eussent, c o m m e 'o n
l a déjà d i t , un titrç. nouyel et personnel.
C ç point; dej(drpitj£g confirme’ quand ,011 suit les lois
pQ^tqrieiu’es^; Coü^ du', 1.7 juillet. ^ 7^ 3, en ordonnant
le bj-ulemqnt de, toq$. les, titres fé o d a u x , y assujétit
�( :* 5_)
tous les dépositaires desdits titres, e t 1déclare q u îe lle:y
com prend tous jug em en s et arrêts qui porteraient re
connaissance des droits féodaux , o u q u i les rensei
g nera ient. Les registres et cueilleretsisont désignés en
core pour le brûlem ent. Or, fout, Immonde se rappelle
q u e lès fermiers furent les premiers à brûler leursTre
gistres de recettes.
-
'
'
(
U n e autre p re u ve qup la loi n’excep tait personne,
c ’ est q u’il fallut une exception expresse j l e >9.frimaire
an 2,' par esprit^d’équité en
CQ^-dèbitéurs
qui avaient p ayé la part dé leurs
co - obligés en
-vertu de lâ pagésie; et e n c o r e , ce droit ne fut ouvert
‘Cju’ a itelui qui prouverait a v o ir 'p a y é par autorité de
ju s tic e . C o m m e n t d o n é :un ferm ier aurait-il un pri-vilége, sous prétexte q u ’il a payé son ferm age (m ais
^volontairement), lorsque le co-débiteur p o u r s u iv i m a is
non c o n d a m n é , n ’aurait pas d ’action en pareil c a s , et
supporterait la suppression.
■
P eu t-être bien aurait-on pu accorder ce privilège
à un ferm ier, dans un tems où la jurisprudence exa
minait la vraie qualité du d e m a n d e u r, pour savoir
•s’il était seigneur ou n o n ; car lorsqu’ on adm ettait le
propriétaire lui-mêm e à dem ander un cens sous p ré
texte que l ’abolition n ’était p ro n o n cée que
c o n tr e
les
seigneurs , il était très - conséquent que les fermiers
réussissent par le m êm e motif.
Mais aucun tribunal ne reviendrait h cette jurispru
dence, depuis l ’avis du conseil d’é t a t , du 3o pluviôse
�( 16 )
an i * , et sur-tout depuis les décrets im périaux des i 3
messidor an i 3 , et 2 5 avril 1807, portant que Lorsque
le titre ne présente aucune a m b ig u ité, celu i auquel ce
titre est opposé, ne peut pas être a d m is a soutenir q u ’il
n ’ avait pa.s de seigneurie. . ) i
-
.. ¡i. i ■ ; •■'q
l i e sieur C aban e ne. se dissimule |jas qiie cës décrets
le condam nent visiblement ; mais il croit y échapper,
en disant q u ’il y a cHose ju g é e par les sentences q u’il
produit. C ’est une double erreur,; c a r , i . ° i c ’est dé
cider la question par là question e lle rm ê m e , puisqu’il
y a appel de ces sentences , et que la pérem ption
- q u ’il dem ande est dirigée contre cet appel j 2.0 il crée
u n e autre exception im a g in a ire , puisque quatre lois
successives ont annullé ’positivem ent Les ju g em etis et
arrêts portant condam nation de droits fé o d a u x , ce qui
prouve que la chose jugée n ’est pas pour elle un titre
m eilleur.
' -'h
¡' ..
■
;/=; .
•-* 1 •
R em arquons en core, quoique ce soit sans une grande
u tilité , que ces sentences sont rendues a u p r o fit du,
sieur de L ig n èra c, seigneur, pour les cens de sa terre;
à, la v é r i t é , on voit à la fin du dispositif, que ce
seigneur indique le sieur Cabane co m m e devant re
c e v o ir le paiement des condamnations : mais quel tour
de force ne faudrait-il pas pour profiter de ce bout
d ’o reille, afin de changer le rôle des parties et effacer
les qualités du dem andeur! Cette argutie mesquine
peut-elle être proposée sérieusem ent, et ne serait-elle
pas indigne de la C our?
Il
�( *7 )
I l suffit, sans d o u te , de rem arq uer que /c seigneur
seul est en q u a lité dans les sentences. Elles em porten t
donc tout le privilège du cens.
E nfin, que le sieur Cabane réponde à cette question:
Si les censitaires avaient fait débouter le dem andeur de
sa d e m a n d e , contre qui auraient-ils eu action pour les
dépens ?
Concluons d o n c , sur cette prem ière partie des p r é
tentions du sieur C a b a n e , que l’objet des sentences
q u ’il poursuit est f é o d a l , et que rien ne peut les faire
excep ter de la suppression.
V o y o n s actuellem ent co m m e n t un e pérem ption
aurait le privilège inoui de neutraliser toutes les lois
féodales, et de ressusciter, pour le sieur C aban e seul,
un genre d ’action abandonné par tout le m onde et
par lu i- m ê m e , depuis la ré v o lu tio n , lorsqu’il s’est agi
purem ent de cens.
Retenons bien que la loi a supprimé non-seulement
les droits f é o d a u x , mais encore tous les procès y re
latifs.
A p rès les lois des 25 août 1 7 9 2 , et 1 7 juillet 1 7 9 3 ,
qui portaient expressém ent cette suppression, il paraît
q u e , sous divers prétextes, des poursuites eurent lieu
de la part de quelques ferm iers, et que des censitaires
eux-m êm es voulurent faire prononcer par les tribunaux
q u ’ils ne devaient rien. Alors une loi du 9 brum aire
an 2 , déclara de n ouveau nuls et com m e non a ven u s,
tous jugem ens sur les procès intentés à raison des droits
féodaux ou censuels, /ensemble les poursuites fa ite s en
5
�t j l * )■
exécution desdits ju g e n ie n s; ordonna qué'les frais'pos*
térieurs aux lois d ’aboliliôn seraient à la charge des
avoués qui les auraient faits
et défendit au x ju g e s ,
à: peine de forfaiture, de prononcer sur les instances
indecises.
'-S
-A |) !••••.■ ;
lit U-.-y.- *■:'.>! vi
Trës-certûinemen^‘, a|jrès 'cètte l o i , le ^sieùr'Ccibàne
n e se serait pas cru fondé à poursuivre les censitaires1
d e 'S a in t - d ia m a n t ; et il ¡a bien prouvé , par le fa it,
qWil partageait sur ce point l'opinion générale. C orn -'
m e n t d o n t'a u rait-il aujourd’hui5 un drüit Iqii’il n’ava it pas alors, et en quoi les lois'seraient-elles devenuesplus 'indulgentes sur la féodalité ? *
!i
f
fclJamîlis , au contraire^'ellës n rdht ' é t é 1 fiioiris éqirî-’"
vaq ues depuis que lés décreis' impériaux-'on't tpre’scrit1*
de ne: pas! considérer•'s i ' ( é 'vàëhictiidèur''ësè seigneur fniais 'àeulernèrit si leHttré de sa dem andé est féo d a l:
car s’il n’y a pas d’am biguïté sur le •litre ^ il ÿ :a ''s u p -:
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"E qu iv oq ii er a it -o n' en co rf e ^s iir fc'è’ff e 1rfYnbrgüi t é ë ri; dt - 1
sant q u ’un ferm ier peut po u rsu ivre? Mais a v e c ' c e
cercle vicieux où a r riv e ra it-o n
si cV '^ est^ if 1juger
dé1 la féodàlit'é'par Ld jpér50/i/ze';du??cféarifcier?'eltf c’estP
ce qùô la loi prbâcrii absolument.’ Sa s é v é r ité èitctelle y >
q u ’ il n ’y a pas seiilémènl siippression par le signe féo
dal, mais encore par le mélange de féodalité’.
Dès q u ’il y a dans les litrés oiipôsés par le sieur C à - :
b n n e , signe ou m élange 'de féodalité ,l il në reste à eri
tirer que deux conséquences'incontestables; ‘
-'i -
j.° Si les sentences sont féodales, la loi les a déclarées
�C 19 )
nulles et com m e lion aven u es, y eût-il arrêt ou 'ch oseju g ée ( L o i , 17 juillet 1 7 9 3 , art. 3 , 6 et 8 .) ;
1
.
2.0 L ’annullaiion ne se borne pas aux se n te n ce s’ et
arrêts; elle s’étend aux-'poursuitespostérieures ( L o i , 1
9 brum aire an 2 , art. i . e ,) .i!
'
.Ainsi, toute procédure tendant à rappeler ou faire
rev ivre ce que la loi a a b o li, est rép rou vée et inadmis
sible.
*>'»«;«!
; :
D ’après de telles lois, n ’ëst-cé^doné pas une p u é
rilité que de dire à une C o u r soütyëraine : V o u s 'n ’aurez
pas à juger l'appel <£une Seritencé féo d a le ■vous aurez
seulement à' juger la péremption de l\'appel d ’u'ne sen
tence f é o d a le ?
'■
1:1 ■
'
ol ?
iji A b u s des mots1 et pure cacop'hdnie. 11
i i't
Quand il existe un ap p el, l’intim é n’est pas réduit à
*r r
■
,
.
j
f
}
un seul m o yen de défense; il pdut 1 attdquer par des
vices 'dé f o r m e / ‘ des fins de nôn-receVÔir,: làn là pé^
rem ptioiî : tout cela est égal au± ÿ ë u i de la'{loi;; tout
cela rentre ddris les exceptions dür défendeur.*'5' :
;
“ L e résultat uniform e dè cès éxcèp tio n s‘est'rd 5arriver
à ia cdnformation}de La
al la q u é e 'jla f uH'&ppël ;
o t j cëTréèültat'est-l&' b u t'd u p r o c è s : Cn bm>nibuiyrk'spicë
J in e m .
• ^11slv i Y b q q r, i-. <h
■Il n ’est donc pas permis de croire que la C o u r veuille
juger un-fragm ent de procès*sans regarder iYson::ori“
gind et à èës conséquences. ^ ::J :H >
J «. ■
i* •
U n e péremption d ’ailleurs'est si peu un prdcès nou
veau, q u’elle ne s’introduit^pas par un exploit à domi
cile , et en i . M instance. L'usage a toujours été de c o n -
�( 2° )'
d u r e par r e q u ê t e , quand il n’y a pas de décès su rven u ;
et le code a c tu e l, article 4 0 0 , en fait un devoir. L e
sieur C ab an e a lui-même constaté cet usage, en signi
fiant sa demande en p é r e m p t i o n , 'par req uête signi
fiée à procureur le 12 août 1788.
I l a donc lu i-m ê m e considéré la pérem ption com m e
un m o y e n de procès.
I l l ’a proposée co m m e un e exception.
I l a con d am n é son propre système.
M ais quand on serait privé de le citer lui-m êm e pour
prou ver q u ’ une pérem ption d’appel n ’est pas un procès
nouveau, et indépendant , la raison seule dirait que
quand le fonds du procès est a b o l i, il n ’est pas plus
perm is de plaider po u r la pérem ption q u e pour la
prescription. ,
\
L a féodalité n’est pas la seule m atière abolie par la
révolution ; et il est sans exem ple que des procès re
viven t sous prétexte de savoir s’ils sont périmés. N e
trouverait - on pas rid ic u le , par e x e m p le , que par
suite d ’un procès en m atière b én é fic ia le , un d é v o lu tairç qui aurait obtenu un b énéfice con testé, vînt re
prendre devant les tribunaux actuels la pérem ption
d ’un appel y rela tif?
L a loi n’a permis q u ’en u n seul cas de plaider sur
les matières supprimées ; c ’est dans les retraits lign a g e r s , et seulem ent pour les dépens. L à on pourrait re
prendre une dem ande en pérem ption; mais l’exception
confirme la r è g l e , q u i de uno d i c i t , de aitero negat.
Au demeurant, l’idée conçue par le sieur Cabane,
�' ( 21 )
d ’isoler une pérem ption , n’est q u ’ un piège contre des
censitaires qui ne doivent r i e n , et qui seraient plus
victimes de la suppression de la féodalité, que si la fé o
dalité existait encore.
' En effet, un arrêt de pérem ption emporterait de plein
droit la confirmation de cinq sentences féodales.
L e s censitaires n’auraient aucuné voie pour en em
pêch er l’exécution. I/accès au x tribunaux leur serait
ferm é ; fous les degrés de juridiction seraient épuisés,
et le prem ier juge ne pourrait réform er une décision
ém an ée de lui. L e sieur C aban e ferait donc exécu ter
sans obstacle des sentences dont l’arrêt aurait prononcé
im plicitem ent la confirmation : car quel juge pourrait
arrêter des poursuites faites par suite d ’un arrêt de la
C our ?
Ces poursuites forceraient les appelans à p ayer la
dette d’a u t r u i, sans m oyens de répétition. O n dit la
dette d ’a u tru i, c a r , encore une fo is , les censitaires,
poursuivis par le sieur C a b a n e , ont p a yé régulièrem ent
leur portion des cens.
Ils prouven t par les quittances de cens à eux données
chaque année par les préposés du seigneur, sur un cahier
particulier, savoir,par le sieur C a b a n e , j usques et compris
1 7 8 0 ; p a r l e sieur L a d e n , depuis 1780 jusqu’à 178 6;
et enfin par le sieur Coudert , pour les années posté
rieures.
Ainsi ce n ’est que par la force de la solidarité et de
la pagésie que le sieur Cabane veut faire p a ye r a u x
D a u b in , M ou rgu ye et B areyrie ce q u ’ils 11e doivent pas»
6
�( 22 )
Mais une loi du 20 août 1792 a supprim é la soli
darité; c ’est donc pour l ’éluder qu’il veu t se prévaloir
de sentences qui com prennent le cens de tout un
ténement.
Si la solidarité existait encore , l ’action serait re
poussée par l’exception cedendarum a ction um . L e sieur
C aban e ne pourrait se faire p a y e r , q u ’en subrogeant
à ses actio n s, pour être remboursé du co - débiteur
solidaire. ( C o d e civil, art. 2037.)
O r , co m m en t pourrait - il subroger à une action
é te in te ? com m en t serait-il en état de justifier ce que
doivent les co-débiteurs ? com m ent et par quelle vo ie
les forcerait-on de p ayer une portion de cens inconnue?
Ces difficultés a ch èven t de m ontrer q u ’il est toujours
im prudent d’éluder les l o i s , m êm e les plus sévères.
Chacun en profite dans ce q u ’elles ont d ’avan tageux
pour l u i ; et souvent hors de l à , les taxe d’injustice.
A u reste, il ne s’agit pas de m ontrer que la dem ande
du sieur Cabane causerait aux appelans un tort consi
dérable : il suffit d’avoir prouvé q u ’elle tend à la v io
lation de la lo i, et ce serait s’aveugler vo lo n ta irem en t,
que d hésiter à s’en dire convaincu,
»•
M .e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M . e G A R R O N , licencié-avoué.
A RIOM , de l'imprimerie du Palais, chez J.-C. SALLES.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Daubin, Joseph. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Garron
Subject
The topic of the resource
pagésie
cens
contentieux post-révolutionnaires
droits féodaux
ferme
Description
An account of the resource
Mémoire Pour Joseph Daubin, Pierre Mourguye et Gabrielle Bareyrie, femme Baptistal, cultivateurs, habitant au village de Moncel, commune de Sainte-Eulalie, appelans et défendeurs en péremption; Contre Le sieur André Cabane, se disant ancien fermier de la terre de Saint-Chamant, intimé et demandeur.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1764-Circa 1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0625
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0420
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53885/BCU_Factums_M0625.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sainet-Eulalie (15186)
Montcel (63235)
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Domaine public
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contentieux post-révolutionnaires
droits féodaux
ferme
Pagésie
-
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x m a m i Ai9aLEMx?sjii£±t m m
M E M O I R E EN R É P O N S E ,
POUR
C
a t h e r in e
M O L I N , et les S.r et dame V E N D R I E Z
et B O R N E , intimés ;
CONTRE
J e a n et autre J e a n
CH O U V E N C
, appellans.
Q U E S T I O N S .
1 .° L a procédure des app elans a -t-elle é té périm ée de p le in
droit dans le ressort du parlem ent de T o u lo u se ?
2 .° S i elle n'est p a s p érim ée, p e u v e n t-ils , com m e tiers acqué
reurs, repousser L'action des in tim és p ar la p rescrip tion de
d ix a n s , dans le m êm e parlem ent ?
3 .°
S 'il n y a p as p rescription , les app elan s so n t-ils rece
vantes en la d ite q u a lité d'acquéreurs d'un co h éritier, à form er
tierce op p osition à des ju g em en s en dernier r e s s o r t, rendus
su r a p p o in tem en t, entre leu r vendeur et ses autres co h é ritie rs,
p ou r le règlem ent de leurs droits resp ectifs à la su ccession
com m u n e ?
3
4 -° T hérèse M o lin a -t-e lle eu 10 ou o ans p o u r se pourvoir
con tre un e renoncia tion surprise en m in o r ité p a r des p rotuteurs,
dans l ' ignorance de ses droits et sans être inform ée que les testam ens de ses p ere et m ère étaien t n u ls ?
C ette question d o it-elle être décidée par une ju risp ru d e n ce
a u tre q u e ce lle du parlem ent de T o u lo u se ?
5 .°
3
C atherine M o lin a -t-elle p e r d u , p a r la p rescrip tion de o
A
�c o
a n s, le droit de dem ander le p a rta g e , pendant sa coh a b ita tio n
dans la m aison p a tern elle ?
6.° L e testam ent de Catherine F erra p ie , sans signature ,
ou déclaration nég a tiv e de la te sta tr ic e, et sans lecture à ladite
testa trice , e s t-il valable ? Q u e ré su lte -t-il p ou r ou contre sa .
v a lid ité de c e q u 'il est antérieur à la p u blica tio n de C ordon
n a n ce de 1735 ?
rj.° L a prem ière su b stitu tion q u 'il c o n t ie n t, est-elle J id é icom m issaire ou fid u c ia ir e ? L a seconde est-elle une su b stitu tion
p u p illa ire ? E st elle v a la b le? A - t- e lle transm is la succession à
M arie B iolin , dernière appelée ?
8 .° L e testam ent de P ierre M olin , q u i a sim plem ent lé g u é
u n e légitim e à ses en/ans p u in és , esi-il n u l p o u r vice de prétérition ?
F W W i 'V V % % V V W V X W W \ W % V % .‘W
I
V.
t.
W
%
r. t . fi sont les questions importantes et nombreuses qui
divisent les parties et qui ont occupé La Cour pendant plusieurs
audiences. Une expédition infidelle 'du testament de Catheriue
F e rra p ie , rapportée-par les Chouvenc , contenait deux expres
sions, dont ils abusaient en faveur de leur cause. L a Cour s’est
vue forcée d ’ordonner une collation vidimée de la minute de cet
a c te ; aujourd’hui la nouvelle expédition est rapportée, et les
intimés se verront enfin en possession de leurs droits successifs,
après avoir plaidé 22 a n s, et s u b i , pour faire juger un simple
p a r ta g e , quatre degrés de juridiction. .
■ F: A I T S.
• r. ,
■ ...
Pierre M olin a v a it , dit-on , pour frères M a rc e lin , Biaise , et
Ig n a ce K o lin . Tous , excepté le dernier , s.*mt inutiles’ à la
cause; et pour 11e pas l’embrouiller , les intimés se contentent
d’en rappeler lts noms , pour passer'à lu descendance de Pierre,
m arié à Catherine Ferrapie. ils ont eu six enfuns.
.
■> ' 1
�C3 )
P ie r r e M o l i n , m ort en 1743.
C a t h e r in e F e r r a p i e , m orte en 1735.
2.
3.
I
4.
S.
a.e m a ri }
N ... D ejoux.
3.e m a r i ,
C laude- L a m b e rt
Lacroisière.
Jeanne Bor ne,
Louis V e n d r i e z ,
intimés.
L e 20 mars 1735 , Catherine Ferrapie fit son testament. Elle
légua à ses six enfans leur légitime de droit, à titre d’institution.
.Voici les dispositions et la forme de ce testament:
Catherine Ferrapie institue pour ses héritiers universels Ig n a c e
M o lin , curé de Chain bon, son beau-frère, et Pierre B o ye r, son
o n cle , « à la charged e rem ettre, quand bon leur sem blera, ladite
« hérédité à P ie r r e , fils de la testatrice, et au cas que ledit Pierre
« M olin vint à mourir sans p o u v o ir disposer, ou sans avoir
« recu eilli ladite hérédité, elle lui subslitue M arie. Ladite testa
it trice fait ladite institution sans d ista clio n de quarte et sans
« qu’ils soient obligés de rendre aucun com p te des fr u its de
« ladite hérédité , et à la charge de faire entretenir et élever ses
« e n fa n s .. . . Fait et récité audit T e n c e , dans la
m a iso n
d’autre
« sieur Pierre M o lin , en présence d e ..............témoins soussignés.
« L adite testatrice ille de ce enquise et requise............. ”
L e 20 mai 1743 , Pierre Molin père, lit son testament : « il
« institue pour son héritier Pierre M o lin son fils. . . . Il donne
« et leg u e à ses cinq autres enfans leur légitime de droit} . . . .
« et attendu le bas âge de son héritier, il prie Ig n a c e M o lin ,
« curé de Cham bon , son frère, et M a r ie , sa lille , de régir et
a. administrer ses biens , jusqu’à ce que son héritier soit en état
A z
�,U )
'
« de le faire..........Fait et récité à T en ce , maison du testateur ».
Pierre M olin mourut le 21 du même mois de mai 1748. A lo rs
Marie Molin , m a je u re , et mariée dans la maison paternelle ,
s’empara des deux successions. Ignace Molin était curé de C liam bon , Pierre B oyer était mort en 1740; et Pierre Molin , appelé
" aux deux successions, s’ engagea aussitôt qu’il en eut l’âge. Il
3
mourut à L ille le novembre 1748, et on fut long-tems dans la
famille à douter de sa mort.
Quelques années après, 011 trouva l'occasion de marier la plus
jeune sœur, Thérèse M olin, avec le sieur Borne , d ’ une province
étrangère, moins capable par conséquent d’avoir l’œil aux allaites
5
de la maison , et par le contrat de mariage du
juin
, le
sieur Cham barliac lui constitua 1,900 fr. de dot, en bien expri
mant que c ’ était pour les successions du père , de la mère , de
la sœur d é cé d é e, et même 011 ajouta celle du frère , quoiqu’on
n ’eût pas de nouvelles de la mort. Thérèse M olin, m in eu re, re
nonça à toutes successions , et s’obligea de la confirm er et ratiJ îc r à sa majorité. On ne s’ est jamais avisé de lui demander cette
ratification. Mais , indépendamment de cela , malgré son éloi
gnement, elle aurait cherché à se pourvoir, sans l’apathie du sieur
Borne son m ari, et si encore sa famille, flattée de l’alliance du
sieur C h a m b a rlia c , n’eût toujours persuadé que Marie Molin
était l’héritière de ses père et n è r e . Quand le sieur C h a m b a rlia cd é céd a , elle passa en de secondes noces avec le sieur D ejoux,
puis en de troisièmes, avec le sieur L am b ?rt-L a cro isière, qu’elle
institua héritier universel , et qui acheva , à peu de chose près ,
de dissiper la succession.
Thérèse Molin , veuve, revint habiter près de sa f.¡mille, et
ne connut qu’alors l ’étendue du sacrifice qu’on avait extorqué
de son inexpérience. L e 22j<mvjer 17813, elle assigna Marie M olin
et L acro isière, son troisième m a ri, en partage des successions
de ses père, m è re, irère et sœurs, pour lui être délaisse sa p o r
tion adorante.
A p rè s cette dem ande, elle fil donation de ses biens à la dame
�.( 5 ) . .
V e n d rie z , sa fille, qui intervint' L e procès fut appointé à T e n c e ,
et le 2 novembre 1 7 8 4 , il intervint sentence qui ordonna le par
tage du c h e f de Jeanne seulement : et avant faire droit sur le surplus , ordonna une estimation préalable des biens des père et
mère commun?.
L e s deux parties interjetèrent appel de cette sentence ; les pro
cédures se continuèrent en procès par écrit jusqu’à la révolution.
L e tribunal du district du Piry fut choisi pour connaître de cet
appel.
Ce tribunal rendit son jugement le 26 janvier 17 9 3 , sur pro
ductions respectives, el jugea dans ses motifs:
i.° Que le te>fanu'nt du père était nul par prétention; 2.0 que
la substitution, portée dans celui de la mère, avait saisi Pierre
M o in de la -iuccess’on , et que ledit M olin élant mort après
quMorze an s, les substitutions s’étaient alors éteintes ; .° que
la renoue iulion de Thérèse Molin était n u lle , comme n’étant
dirigée au profit de personne , comme faite par une mineure ,
3
a vec convention de ratification non effectuée, et com m e dirigée
au profit d’ une protutiice , et que l’action avait duré trente ans.
E n conséquence , ce tribunal q^donna le partage desdites suc
cessions, pour être délaissé à la dame V e n d riez sa portion, expli
quée et calculée audit jugement.
D e son co té, Catherine M o lin , sortie de la maison paternelle
à la mort de sa s a \ ir , en 1788 , avait assigné Lambert-X-acroisière, son héritier, le 27 novembre d e là m ême année pour venir
à partage, et lui expédier un cinquième du c h e f de son p ère, et
seulement un douzièm e, du chef de sa mère, parce qu’elle avait
aussi vécu dans la croyance , que M arie M olin était héritière
par des testamens q u ’elle n’avait jamais vus ; elle demanda éga
lement les successions colhjtérciles.
Une sentence du 17 août 1790 ordonna ce partage , pour être
expédié un douzième des biens de la m è re, un dixième des biens
du p è r e , et dans les mêmes proportions pour les successions col
latérales.
�/
(6)
^ c s ueux parties interjetèrent encore appel ; Catherine M olin
alors ayant eu connaissance du testament de sa m ère, rectifia
ses conclusions, et demanda un seizième du c h e f maternel.
L e F u y était aussi saisi de cet appel qui
s’instruisit en
procès par écrit par plusieurs écritures, et il était sur le point
de recevoir sa décision, lorsque fut rendu le jugement ci-dessus,
du 26 janvier 1793.
O n présume sans peine que Lncroisière, succombant vis-à-vis
M a r ie - T h é r è s e M o l i n , en dernier ressort, n’avait garde de
plaider plus long-tems contre Catherine, devant le même tri
bunal. Il demanda accommodement ; les parlies traitèrent , le
19 février 1 7 9 3 , et comme on le voit , en grande connaissance
de cause.
Lacroisière, par cet acte , dit qu’il adhère nu jugem ent , en
dernier resso rt, du 26 janvier , et consent que des experts fassent
le partage des portions revenant à T hérèze Molin.
Il y consent aussi vis-à-vis Catherine Molin , mais avec con
vention qu’ elle ne réclamera les jouissances que depuis 1788.
Il est convenu que les experts expédieront d ’abord la miiison
q u ’ il occupe , un domaine et un ja rd in , et déduiront les créances
q u ’il a acquittées en vers Jean-Antoine M o lin , à la décharge de tous.
E t comme évidemment ces biens ne suffisaient pas, il apprend
qu’il a vendu aux nommés C h ouven c , l'r a is s e , C u o q , B o y e r ,
JDcléage , et laisse à Catherine et Thérèse M o lin , à se pourvoir
contre eux , ainsi qu ’elles aviseront.
Enfin , celles-ci font le sacrifice de tous leurs dépens, tant des
causes principales que d’appel.
L e 26 février 17 9 3 , les intimés signifient à ces tiers acquéreurs,
uon-seulement ce traité, mais encore le jugement du 26 ja n v ie r,
pour qu’ils l ’attaquent s’ils s’y croient fondés.
L e 11 a v r il, ils les assignent tous en désistement et jugement
c o m m u n ; l a p l u p a r t acquiescent à la demaude. L e moyen des
Chouvenc n’était pas alors d’attaquer le jugçinent du 26 janvier
1790 , mais de dire qu’ils avaient des lettres de ratification.
�_C 7)
L e 19 prairial an 2 , un jugem ent ordonne le désistement en
expliquant que les intimés épuiseront, i.° les biens libres, 2 ° ceux
abandonnes par les acquéreurs , qui ont acquiescés avant d 'en
venir a u x Chouvenc. Ils sont condamnés à rapporter les jouis
sances , seulem ent depuis la demande comme acquéreurs de
^ b o n n e foi.
~
D e puis celte époque le tems d e l à péremption s’accomplit: ce
n ’ est que le 9 vendémiaire an 8 , que les C h o u v e n c signifient l’ex
ploit de l’an 4 a Cat herine Molin s e u le , pour assister en la cause.
1 L e 16 ger ninul an 9 , les intimés ont assigné les Chouvenc en
la coui-, pour se voir démettre de leur appel.
C ’ est en la cour , seulement pour la première fois , que les
Cliouvencont imaginé d ’attaquer le jugement du 26 janvier 1793,
par tierce opposition. Leur résistance soutenue est fondée sur
leu.i! prétendue bonne.foi : cependant ils ont acquis d ’une cohé
ritière qui avait l'ne sœur dans la maison; ils ont f¿iit plus, ils lui
ont payé le prix de la vente, quand elle était séparée de biens.
M O Y E N S .
' S i, quand les intimés ont plaidé avec le sieur Lacroisière, ils
avaient eu le moindre soupçon de la vente faite aux C h o u v e n c ,
le même procès aurait tout term iné: e f c e r t e s ,e n voyant tonte
la résistance du sieu^Lacroisièrè^'et combién le tribunal clu P u y
a approfondi les questions de ce procès , ile s t aisé de v o ir que les
moyens des Chouvenc n’auraient rien i hang’é à sa décision. Quand
ils 1ont été appelés devant les tribunaux de la Haute-Loire et de
L ’A rd é ch e , l’idée 11e leur est pais même venue d ’attaquer le j u
gement du 26 janvier 179.3 , et de faire rejuger u n procès qui
lèur était étranger , et d o n t,l’issue eût indubitablement été la
rtiêtiie; mais a Riom^ une d iv e rs ité , ou plutôt une innovation
Jurisprudence a changé leur plan. L es Chouvenc veulent a u
jourd’hui faire tout remettre en question; mais avant d ’aborder
lc>fouds , ils Sont arrêtés par des questions préalables
s’acit
:l ■
O d'examiner.”
qu’il
�C a )
P R E M I È R E
Q U E S T I O N .
L a p rocédure des a p p elo n s-est-elle p é r im é e ?
L a loi Properandum et l’ordonnance de R.oussillon veulent
que tous les procès soient promptement jugés ou entrètenus par
des procédures, sinon l’instance est déclarée périe.
L e parlement de Paris avait modifié ces lois par un arrêt dé
règlement de 1692 , qui voulait que la péremption n’eût lieu
qu’après une demande ; mais cet arrêt n’a eu d’eiïet que dans son
ressort. A u parlement de T o u lo u s e , au contraire, l’ordonnance
de Roussillon était suivie à la rigueur; la question de savoir si la
procédure avait été entretenue sans discontinuation , était même
devenue un formulaire dans le dispositif des sentences; la pé
remption y a toujours eu lieu de p lein droit, et le juge la suppléait
si 011 ne la demandait pas.
!
1 ' "■
Cette jurisprudence a dû se maintenir, et s’est maintenue etl
effet en la Cour. Quand des questions de péremption se sont pré
sentées pour l’ancien ressort de T o ulo use, la Cour a ju g é , notam
ment l e s 'i 8 pluviôse an 11 et 12 nivôse an 1 2 , que la pérçrnption
avait eu lieu de plein droit, m ême pendant la révolution , et la
suppression d p avoués.
......
.
On objecte que lps intimés on.t couvert la péremption eu anti
cipant le 16 germinal an 9. ,
vt, ,
, [ ¡; - . ;i| ifj . ¡,
Mais 1.0 cet exploit assigne Içs Chouvenc p0u r,?,e;voir déme^lre
de leur a p p e l, et cette expression générale et indéterminée com
prenait toutes les voies légales qui pouvaient conduire à celte
démission d’appel ; il serait donc bizarre dç dire jqqe c e lu i- ^ a p prouve un a p p e l, qui assigne l’appelant aux.
s*en, v^irj
démettre., Il.f/JUt bien que la péremption mê ms f i i t , pr o noncçe.
en justice,
et
personne n’osera cxigçr qu e: ce ln i/p û -la prétend,
acquise, soit obligé de s ’en tenir à ce .moyen sç.gl, ;:.par en Cour
d’appel il p ’^.a,p,as d^exçeptjpns.s.ur lesquelles il.fjHM statuer.pr,\hi-\
la b iem en t, comine l’exige, en première instance, ro^dÿnnoncb:
de
�(9 )
de 1C67., On sait assez qu’il faut, en Cour so u v era in e , proposer
tons ses moyens à la fois.
2 .0
Celte question a été discutée par M . v le procureur géné
ral M e rlin , en ses nouvelles questions de droit , v.° a p p e l, §. 9,
avec sa profondeur ordinaire, et il décide que d’après le système
de l’ancienne et de la nouvelle législation, la péremption est un
moyen de droit public tendant à l’abréviation des parties , et
qui 11e se couvre pas. L es ordonnances, dit-il, le veulent a in s i,
les anciens arrêts y sont conformes, et la loi du 14 octobre 1790,
qui s’est occupée de la procédure des justices de paix, dit qu’a
près quatre m o is , l'in sta n ce sera périm ée de droit et Ûaction
étein te ; d o n c, a jo u t e - t - i l, le juge doit déclarer la péremption
acquise, lors même que la partie intéressée 11’y conclurait pas.
M . r Merlin , en sa discussion , ne s’occupe p a s , comme 011
pourrait le croire , des péremptions de quatre m ois, qu’il ne cite
que pour comptiraison. L ’ordonnance de lioussillon lui semble
aussi c la ire , toutes in sta n ces d isco n tin u ées pendant trois ans
so n t éteintes et péries. A va n t son arrêt de 1692 , le parlement
de Paris le jugeait ainsi. On trouve deux arrêts précis des 27
juillet 1604, et 27 août 1610. Menelet et Bouchel enseignent les
mêmes principes.
« L a péremption, dit B o u c h e l, une fois acquise, 11e se couvre
« point par une procédure volontaire , depuis faite en l’instance
v périe, ensorte que nonobstant q u o n ait repris cette insta nce],
« on peut faire juger la péremption................ L ’ordonnance de
« Iloussillon porte que toutes instances sont éteintes et péries.
« C ’est un droit p u b lic auquel on ne peut déroger».
P a r une fatalité attachée aux lois humaines , les auteurs con
temporains les trouvent ordinairement très-décisives et sur-lout
très - respectables ; mais à la longue ce respect s’allaiblit singu
lièrement. D e la vient que les auteurs du 16.c siècle voyaient, dans
l ’ordonnance de 14 9 3 , ce que nous 11e voulons pas y voir; tandis
que par une inconséquence bizarre, nous trouvons la loi du 14
octobre très-impérative, quoique ces deux lois disent positive
ment la même chose.
B
�( 10 )
A u reste, il s’agit ici de suivre la jurisprudence du parlement
de T oulouse; la péremption y ¿tait jugée de p lein d r o it, et c ’est
dire assez qu’elle y était un moyen de droit public.
L es C houvenc ont cru trouver une interruption dans le chan
gement de personnes; mais c’est 1111 rêve de dire que Jeanne
Borne n ’ait pas été en cause avant l’an 8; elle était en qualité dans
le jugem ent de 1793. Quant à Chouvenc fils , il lui a plu d’inter
ven ir comme donataire, sur l’appel, mais son père est toujours
en cause, et s’il a laissé accomplir la péremption , elle n’en est
pas moins bien acquise contre le légitime contradicteur.
D E U X I È M E
Q U E S T I O N .
L e s appelans , tiers acquéreurs , p eu v en t-ils in v oq u er, à T o u
lo u se , la prescription de d ix ans ?
L e s Chouvenc font des efforts incroyables pour l’établir, et
pour forcer à être de leur avis les auteurs même du parlement
de Toulouse q u i , sans exce p tio n , sont d’un avis contraire.
Cependant les Chouvenc débutent par convenir ( pag. 9 de leur
m é m o ir e ), que M arie M olin ne p ou v a it p as vendre la p o rtio n
de ses coh éritiers, q i i i l est
t r e n t e
a n s
UTILES
c e r t a in
que ces cohéritiers avaient
p ou r réclam er contre to u le V ü N T E fa ite par
Vun d'eux.
M ais , continuent-ils, la question concerne Vacquéreur ; on
leur demandera d’abord comment il est possible d’avoir trente
ans pour se pourvoir contre les v e n te s, et de ne pas les avoir
c o n t r e V acquéreur ; comme ce serait inexplicable, il vaut mieux
dire que les Chouvenc ont été forcés de reconnaître l ’évidence
du principe.
A u reste , en examinant la question en elle-même , ce n’est
pas dans le Code civil qu’il faut la chercher, cardans une grande
partie de ses articles, et notamment sur les prescriptions, il a
adopté tantôt le pur droit romain , et tantôt la Coutume de Paris.
Mais pour ne pas faire de confusion à l’a ve n ir, et respecter le
�C i1 )
passé, l ’art. 2281 lermine le Code par dire que les prescriptions
com m encées seront réglées conformément aux lois anciennes.
11 faut donc chercher
ailleurs que dans le Code, s’il y a lieu
à la prescription de dix ans; et même si nous trouvions de l’obs
curité dans les lois romaines qui régissaient les parties , il fau
1
drait dire avec la Cour de cassation que ''usage est V interprète
le p lu s sûr des lo is , et s’en référer à ce qui a été jugé de tout
tems sur ce point par le parlement de Toulouse.
Mais la loi n’est nullement o bscure,
et si 011 trouve au
Code une loi qui établit la prescription de dix ans en faveur
du tiers possesseur, on voit aussitôt après l’authentique malœ
J id ei qui l’ explique et la com m ente, en déclarant que les dix
ans n’ont lieu que quand le vendeur a été de bonne foi. Malce
J id e i possessore a lién a n te , cessât lon g i tem poris prescriptio ,
s i verus dom inus ig n oret j u s suum et alienationem fa c la m .
Si ce commentaire de la loi elle-rnême ne paraît pas assez clair,
si comme les Chouvenc le disent, il y avait moyen d’en torturer
le sens en présum ant que les intimés ont connu la vente, nous
trouverons la suite de l’authentique dans la novelle d’où elle est
tirée, et il sera très-clair alors que ce n’est que la bonne foi du
vendeur qu’il faut considérer. S i auteni ig n orâ t verus a lien a ta rum rerum dom inus, non a liter hune e x c lu d i n is i p er triennalem prescription cm : n on valente dicere eo q u i res h o c modo
p o ssid et quia ipse bond fid e p o ss id e t, quando ip se à m al à Jide
posfiidenle h o c a cccp it. Novell. 1 1 9 , ch. 7.
Puisque la loi est si claire et si positive, il faudrait donc s’é
tonner que le parlement de Paris jugeât pour la prescription de
dix ans, en faveur de l’acquéreur, si nous ne savions que la Cou
tume de Paris en a une disposition expresse, et que dans les moin
dres doutes, elle était la règle pour ce parlement.
Quant au parlement de T o ulo use, tous les auteurs de sou res
sort attestent, sans exception, que la prescription de dix ans 11’y
est admise que pour l’hypothèque, et que le tiers possesseur ne
prescrit que par trente ans.
B a
�(
1 2
)
_ \
Bouiàric , page 182 , a , sur ce s u j e t , une discussion très-ap
profondie. Serres, page i 5 y annonce la seule prescription de
trente ans com m e un principe non contesté. Graverol et Laroc h e ila v in , p.
5 io;
Çatelan , p. Boy, disent « que le parlement
« de T oulouse n ’a pas reçu cette usucapion de d ix ans , que
« Justinicn m ême avait transformée en prescription de trente
« an s; q u ’ainsi le tiers acquéreur purge l ’action hypothécaire
« par dix ans , et non le droit de propriété pour lequel il faut
« trente ans ».
F urgole , en son traité des test,-miens, loin.
3 , pag. 4 1 7 ,
s’ex
plique ainsi : « A n parlement de Toulouse , on ne connaît d’autre
« prescription pour l'acquisition ou la perle des droits person« nels ou réels que celle de trente ans. Ainsi un héritier pourra
« demander pendant trente an s, même à celui qui possède avec
« un titre, lequel n ’est pas capable de lui attribuer la propriété,
« c.mune ayant été consenti à non dom ino.
Ces principes sont élémentaires dans les pnrlemens de T o u
lo use, A ix , Bordeaux et Grenoble. O n peut consulter là dessus
encore Catelan , livre 7 , chap. 21 ; Lapeyrère , lettre P , n.°
5
83 ;
jflontvalon , page i o ; Decormis , loin. 2., col. ÎS89 ; Brelonier ,
v.° prescription ; M . r M e r lin , v.° hypothèque , § . i
3,
et la
m axim e est tellement devenue triviale dans les parlemens du
droit é c rit, que suivant Dupérier , » la prescription de dix a n s ,
« en ce cas, n’est plus maintenant que pour les écoles».
Cela peut paraître étrange dans un parlement qui 11e s’y con
formait p a s; le docte Domal y avait rélléchi lu i-m ê m e, et ne
s’en étonnait pas : « L es lois, disait-il, qui marquent le teins des
« jjrescriptions ne sont que des lois arbitraires, car la nature ne
« iixe pas quel teins il faut pour prescrire----- Il se règle difle« remment en diverses provinces , et il y a même de celles qui
« se régissent par le droit écrit où l’on n’observe pas les divers
« tems de prescription du droit romain. 11 y en a où elles ont été
« réduites à une seule prescription de trente ans. »
Nous verrous sur la 4;e question, que la Cour de cassation a
�>3
(
)
consacré, par trois arrêts, la nécessité de suivre la jurisprudence
du parlement de Toulouse , et expressément sur la matière des
prescriptions.
Concluons donc que les Chouvenc ne peuvent invoquer la pres
cription de dix ans , dans un ressort où on ne citerait pas un seul
arrêt ou jugement q u i , en semblable cas , l ’ait jamais admise.
D ans leur propre système , il faudrait les supposer de bonne f o i,
et il est impossible q u ’ ils le fussent.
L a lo i, au reste, n ’est nullement en leur fa v e u r, et ce n’est
que surabondamment q u ’il y a lieu d ’invoquer l ’invariabilité
de la jurisprudence.
T R O I S I È M E
Q U E S T I O N .
L a tierce op p osition des appelons est-elle recevable ?
« Pour être reçu tiers opposant, disent les auteurs, il ne suffit
« pas d’avoir inte'rét de l’attaquer, il faut avoir été partie n éccs« saire dans le procès jugé. »
L e s Chouvenc étaient - ils donc parties nécessaires dans le
procès d ’entre les intimés et le sieur L acro isière5 de quoi s’a
gissait-il? d’ un partage.
M ais un partage de succession ne pouvait être fait q u ’entre
cohéritiers. A .ctio fa m ilicc erciscundœ so lis hœredibus com p e lit.
'
L es questions d ’un partage sont tellement étrangères ;\ tous
autres, que quand un tiers achète la portion d ’un cohéritier ,
les autres peuvent l ’expulser en le remboursant , pour l ’einpôcher de pénétrer les secrets de la famille. Aussi en droit, l ’ac
tion en [partage est-elle , par sa seule définition , exclusive de
toute admission étrangère : A c t i o fa m iliœ e r c is c u n d œ est a ctio
c w ilis qud cohecredes
dividundâ.
1 JSTT £ R
se agunt de com m uai hœ reditate
Jusque-la un acquéreur n ’est pas partie nécessaire dans un
partage ; il a suivi la foi de son v e n d e u r, et quand la novelle
119 le réputé acquéreur de mauvaise f o i , par cela seul que ac-
�*4
(
)
c e p il à tnahî J id e p o ssid en te, il est bien plus difficile encore de
supposer que deux cohéritiers ont nullem ent et inutilement
procédé pour avoir omis d ’appeler un tiers possesseur, quand
toutes les affaires de la maison leur étaient inconnues.
L es C houvenc n’ont pas dû être assignés nécessairem ent•
L 'ordonnance de 1667 d’ailleurs ne donne pas la faculté de
tierce opposition à ceux qui ont été condamnés par eux-mêm es,
ou leurs ayant-cause.
O r comment expliquer l’étendue de ce mot ayant c a u s e , ce
sont, disent les auteurs, ceux qui représentent le condamné à
titre universel ou à titre singulier, pour la chose litigieuse. A i n s i ,
dit R o d i e r , un créancier , 1111 acquéreur sont des ayant cause.
Nous allons voir encore que le Droit romain les place sur la
m êm e ligne.
A u if. des appels et au code des évictions , les lois entendent
si bien que le créancier et l’acquéreur soient des ayant cause du
propriétaire ou vendeur, et qu’il a pu être condamné hors leur
présence, qu’elles lui acccordent le droit d’interjeter a p p el, comme
condamnés eux-mêmes en sa personne
S i em ptor de proprietate vie tus e s t , eo c e s s a n te , auctor eju s
appellare p o lerit / il cm s i auctor egerit et victu s s i t , non est
deneganda em ptori appellandi fa c u lta s . . . . I d que ità co n stitutum est in persond créd ito n s. L . 4. if- de appellat.
L ’acquéreur et le créancier sont donc identifiés avec le procès
du vendeur ; et quand celui-ci a lui-même interjeté a p p e l , la loi,
toujours juste , permet encore à l’acquéreur d’ intervenir au
procès, si le vendeur paraissait suspect dans les moyens qu’il
propose. Q uin ctiam si a u ctor a p p e lla v e r it, deindè in causa;
d ejen sio n e suspectus v is u s e s t, perindè defensio causœ em ptori
com m ittenda e s t , atque si ipse appellasset. L . ead.
L e Code civil s’est conformé à ces principes, sur-tout en ma
tière de partage, et bien loin de vouloir que des cohéritiers soient
passibles d’aucune résistance étrangère , après le partage con
s o m m é , il 11’admet les créanciers qu’à in terv en ir à leurs fr a is ,
�C 15 )
sans pouvoir ensuite attaquer le partage autrement que s’il y avait
été statué au préjudice d’ une opposition par eux formée (art. 882).
Il y a plus ; car si , par l'effet du partage , un seul cohéritier
avait obtenu tout l’immeuble commun , à titre de licitation ,
envain tous acquéreurs ou créanciers des autres cosuccesibles
tenteraient de l’évincer , l ’art.
883
lui répondrait « que chaque
« cohéritier est censé avoir succédé sez// et im m édiatem ent à tous
« les effets compris en son l o f , 011 à lui échus par licitation. »
A in si Thérèse et Catherine M olin o n t , dans la portion qui
leur est attribuée par un jugement en dernier ressort, une pro
priété qui leur est transmise e x causa an tiq u a , et qui est réputée
leur appartenir depuis l'o u vertu re des successions. Ainsi les
C h o u ve n c, qui n’étaient pas parties nécessaires au procès relatif
au pa rta g e, mais qui pouvaient seulement y in terven ir, trouvent
aujourd’hui un mur d’airain dans la chose ju g é e , et ne peuvent
plus faire juger avec eux seu ls une demande en partage , de
successions qui leur sont étrangères.
S i, après s’être pénétré de toute la puissance de ces principes,
il fallait en venir à la jurisprudence, les arrêts abondent en faveur
des intim ées, et on n ’en citerait pas un seul qui lut favorable
aux Chouvenc.
Parm i le grand nombre d ’arrêts qui se trouvent dans tous les
livres, nous 11e puiserons que dans des sources indubitables ,
pour qu’on ne puisse pas même présumer que l’espèce de ladécicision n ’a pas bien été saisie.
i.° M . r C o c h in , en ses notes alphabétiques, tom.
dit; « jugé par arrêt du
5 , pag, 527,
3 i mai 17^6, en faveur des sieur et dame
« Miissol contre M . r le président A m elot et le comte de Tavanes,
« que le tiers détenteur , assigné en déclaration d ’hypothèque
« par ceux qui ont obtenu des arrêts contradictoires contre son
« vendeur , 11e peut y former tiei’ce opposition, quoique so n
« a cquisition y so it antérieure. »
2.0
M .r Merlin , au répertoire, v.° tierce opposition , cite
deux arrêts. P a r le premier, « la dame de Conllans était en procès
�(
1
6
}
« avec un seigneur voisin pour m ouvance de fief, .
'
elle vendit
« sa terre. . . . on continua de plaider avec elle. . . . elle perdit
« son procès par arrêt de 1728 . . . son acquéreur ayant réclamé
«..de? droits seigneuriaux, l’autre seigneur lui opposa cet a rrê t. . .
« l ’acquéreur y forma tierce opposition , on lui répondit q u ’il
« devait s’imputer de n’êlre p is intervenu : par arrêt du
31
« mai 1742, il fui déclaré non i-eeovabledanssa tierce opposition.»
P a r le 2 .c arrêt, « le marquis de L usignan ve n d it, en 172 0 ,
« des terres au sieur D auriac. . . . L es héritiers de la dame de
M onriquel firent; en 17 2 7 , confirmer , sur a p p e l, une sentence
« de 1718 , contre le .marquis de L usign an seul. M . r D auriac
« soutint qu|on aurait dû l ’a p p e le r, et forma tierce o p p o sitio n ....
« O n lui répondit q u ’il devait intervenir. . . . q u ’il était censé
« avoir été partie dans l ’arrêt par son vendeur , q u ’en cette
•« partie il était l 'ayant eduse du marquis de L usignan. Par arrêt
« du 6 septembre 1760 ,.il fut déclaré non recevable. »
3 .° L e
B u lle tin o fficiel de cassation rapporte 1111 arrêt du 12
fructidor an g , dans lequel , pendant un bail à ferme , de
forges, moyennant 122,400 f. , le s.r Forestier se fit envoyer en
possession de ces forges, par jugement en dernier ressort et par
défaut du
3 janvier 1792.
. . G o d et, créancier, forma tierce oppo
sition , et dit que cette dépossession était le fruit d ’une collusion.
Néanmoins l’arrêt, « vu les art.
5 et
11 du Litre 27 de l ’ordon-
« nance de 1667, et l’art. x.cr du titre
35 . . . . Attendu
que la
« reserve du droit des tierces p erso n n es, 11e concerne que celles
« qui n’ont pas été parties appelées ni représentées.. .. que le
« sieur Godet , comme créancier de Lessurt , était a cet égard
« son ayant cause. . . . que Lessart a élé appelé. . . . que G odet,
« en qualité de son ayant cause , 11’aurait pû être recevable à
attaquer
c e
ju g e m e n t, q u ’autant q u ’il eût été justiiié que L es
te sari aurait élé lui-même admissible à se pourvoir. . . . q u e les
« juges de C a n , en adm ettant la tierce opposition du cit. G o d e t ,
« onl violé l ’art. 5 de l’ordonnance concernant P a utorité de la
« C hose j u g é e , et ont contrevenu formellement à l ’art. i . cr du
titre
�J7
C
)
* « titre 3 S , qui ne permet de rétracter, autrement que par requête
« civile , les jugemens rendus en dernier ressort , avec ceux
« qui y ont été parties, ou leurs ayant cause................... Casse
« et annulle etc. »
V o ilà donc la pleine confirmation de la loi 4 CF. de a p p ella tion ib u s et du code civil. L ’acquéreur ou le créancier peuvent
intervenir s’ils suspectent ; ils peuvent même attaquer la chose
ju g é e , par la voie de l’a p p e l, aux risques et périls du vendeur ,
si le jugement est en premier ressort; par la requête c i v i l e , s’il
est en dernier ressort.
T o u t cela encore ne serait pas accordé contre un partage , s’il
n ’y avait eu fraude évidente. A u cu n s de ces arrêts ne sont dans
l’espèce d ’ un procès de succession. S o lis hæredibus com p elit.
D e u x autres moyens résistent à l’admission de la tierce oppo«sition des appelans. i°. Les tierces personnes ne sont admises in
définiment à s’opposer, d’après l ’ordonnance, que par la raison
bien naturelle qu’ils ne connaissent pas le jugement. Mais il a
été signifié aux Chouvenc en 1793 ; et ils n’ont formé tierce op
position qu’après dix ans. 2°. D ans les circonstances de la cause,
c ’était de leur part une action principale, et ils devaient épuiser
les voies de conciliation.
L es Chouvenc objectent qu’ils ignoraient le procès. Cepen
dant ils veulent que les intimés aient connu leur vente, bien plus
occulte sans doute qu’un procès , qui a duré depuis 1783 à 1793,
dans une petite commune. Quand ils voyaient Catherine M olin
dans la maison paternelle, pouvaient-ils bien acheter de bonne
foi sans sa participation? quand ils l’en ont vu sortir; quand
Thérèse est revenue de l’Ardèche dans son pays natal, n’ont-ils
pas dû présumer qu’elles allaient intenter 1111 procès, ont-ils pu
se defendre de l ’inquiétude naturelle à celui qui a acquis une
chose indivise, et qui sur-tout en a payé le prix capital a une
femme séparée de biens.
A u reste , s’il y a de l’inconvénient pour un acquéreur d’être
condamné sans être en cause, n’y en aurait-il pas un plus grand
C
�( i8 )
encore, d’exiger en règle générs’ é , que '^ut cohéritier dût sa
voir s’il y a des a c q u ére u rs, avant d erecherch r ses iiro t ; , cYstà-dire lût tenu de connaître les forces de la succession , lors
qu’au contraire il a le droit de les puiser dans un inventaire, ou
dans une preuve de commune renommée.
Si les acquéreurs étaient parties nécessaires dans une action de
partage , serait-ce donc pour en discuter toutes les questions et
tous les actes de la famille? Une telle prétention résiste à toutes
les notions reçues
% ?
;
Q U A T R I È M E
Q U E S T I O N .
T hérèse M o lin avait-elle d ix ans ou trente ans p ou r se p ou r
voir contre sa renonciation ?
C ette qu estion doit-elle être d écidée p ar u n e ju risp ru d en ce
autre que c e lle du p arlem en t de T o u lo u se ?
L a nécessité de discuter ces deux points ne m arque que plus
fortement tout le danger qu’il y aurait d’admettre les Chouvenc
à pénétrer, par une voie d’intrusion , dans une famille étrangère,
pour dire à des cohéritiers : vous avez péniblement obtenu un
régleiiK nt de vos droits, on a annullé deux testamens : J e m ’y
o p p o s e ; je veux faire rejuger tout c e la ; je veux scruter vos
testamens, vos contrats de m ariage, tout ce qui s’est passé dans
votre maison depuis i y
35
jusqu’en 1798. V o s cohéritiers n’y
seront pas môme a p p e lé s, car il y a chose jugée avec eux , et
c ’ est moi seul qui veux faire ré g le r, avec vous tous , vos droits
successifs, je suis à présent, dans la succession de vos ancêtres,
la seu le partie légitime.
Si ce système des Ch ouvenc, qui cependant est toute la base
(7u procès a c tu e l, ne révolte pas au premier ap erçu ; s’il faut
trouver en eux le seul lég itim e contradicteur, voyons donc par
quelle juiisprudence la chose ju g é e et remise en litige doit être
reju g ee.
Thérèse M o lin s’était pourvue en 1783, contre une renoncia-
�C
)
tion de 1 7 . E lle y a été recevable, parce que dans tout le par
lement de T o u lo u se, et pendant plusieurs siècles, on n’a pas un
55
seul exemple que les actions en nullité aient été prescriptibles par
moins de
3o ans. Nous avons vu
sur la z .e question que toutes les
a ctio n s y étaient réglées à cette d urée, à la seule exception de
l ’ac
tion hypothécaire.
L es Chouvenc ayant leur procès en cette C o u r , ont été séduits
par une innovation de jurisprudence , qui n’a même pris quelque
consistance que depuis le Code civil et par induction de l’un de
ses articles; jusques là , la Cour d ’appel ne s’était pas prononcée
et 011 trouverait même dans l’ un deses arrêts que les anciens prin
cipes en celte matière n’étaient pas oubliés.
Mais quand cela serait autrem ent, n’est-ce pas une folie des
Chouvenc de penser que la Cour d’ap p el, par un nivellement
désastreux, ramènera à sa jurisprudence , même la chose jugée ,
m ême des questions nées en 1783 , dans un parlement étranger,
et à une époque où la Cour d’appel aurait indubitablement ju g é
com m e lui.
Qui donc ne verrait pas le danger incalculable qui en serait la
suite, et non-seulement dans le cas de la chose déjà ju g é e , mais
encore quand elle serait pleinement en litige? Soumettre brus
quement un vaste pays à une jurisprudence qui jusqu’alors lui
était in con n ue, serait sans doute porter le trouble dans des
familles, dérouter tous les gens d’affaires qui n ’auraient plus désor
mais que des conseils vagues à donner aux autres, et une marche
incertaine à tenir pour eux mêmes.
Les lois ne sont pas un ordre donné au peuple ; elles sont
réputées être émanées de l u i , par le pouvoir que leg e regid
il en a donné au prince. E n les exécutant, il les explique, et la
manière d’expliquer les lois par l ’usage , dit V m in u s ,
d après un auteur lalm , vaut mieux que ce qu’011 lit dans la loi
elle-même. P lu s valere leges quœ m oribus com probalce s a u t,
quant quœ scripto c o n s ta n t, vérité bien plus marquée encore
par la maxime si connue, que la jurisdrudence est le meilleur
G a
�( 20 )
interprète des lois. Consuetudo est legum optim a interpres.
L a jurisprudence en ellet qui n’est pas seulement un mode de
ju g e r , mais d ’après la définition de Vinnius , J u stitiœ habit us
p ra cticu s , n’a pas cessé d’être une espèce de législation impérative, depuis que les anc iens ressorts des Cours sont confondus.
Quand R om e n’avait pour règle que la loi des 12 tables, les dé
cisions des jurisconsultes responsa prudentum fixaient la m a
nière de les interpréter, et cette jurisprudence, devint une législa
tion additionnelle; et lorsque des Proconsuls et des Préfets furent
envoyés dans les provinces, il leur était prescrit de soumettre les lais
à la jurisprudence et de respecter les usages. Prœ ses p ro v in ciœ ,
probatis h is q u æ in o p p id o , frequenter in eodem controversice
g e n e r e , servata surit, causa cognitd statu it. L . 1. cod. quœ s.
long. cons.
L a Cour d’appel donne tous les jours cet exem ple, en décla
rant dans ses arrêts qu’elle est déterminée par la jurisprudence
du parlement de Toulouse.
L a Cour de cassation que l’on pourrait croire, par le but de
son institution, plus attachée à la lettre de la loi qu’aux diverses
jurisprudences, s’est souvent prononcée de la manière la plus for
m elle sur la question qui nous occupe.
« Considérant (porte un i . er arrêt du 2 messidor an 11 ) , que
« les dispositions du droit romain 11e font loi dans les pays même
« q u ’elles régissent , que dans les points et selon le sens qui ont
« été adoptés par la ju risp ru d en ce ; qu’il est constant que, par
« une longue suite d’arrêts sem blables, te parlem ent de T ou« lo u se a ju g é , etc. » ( S i r e y , page 3 0 9 ).
2.0
Dans une autre cause, du
5 'floréal
an 1 2 , la Cour de cas
sation a dit: « Considérant que quoique en général on puisse par
« le droit romain acquérir les servitudes par 10 ans entre prê
te sens, et 20 ans entre absens ; cependant, d’après la jurispru<1 dence du parlem ent de T ou lo u se constatée par divers arrêts ,
« les servitudes discontinues ne pouvaient s’acquérir que par la
« possession im m ém oriale, et que c ’est ainsi q u ’i l a entendu la
« l o i , etc. casse et annulle, etc. » ( L u l l t l i n , n.° 92).
�3 .°
( 21 )
Un arrêt du 2 Í du même mois a jugé de m ê m e , « que la
* jurisprudence des arrêts rendus par une Cour souveraine, non
« étrangère au pouvoir législatif, pouvait être considérée comme
« fixant le sens des dispositions législatives. » ( S i r e y , p. 2 6 7).
Si donc la Cour admet les Chouvenc à discuter les questions
qui ont été agitées au Puy avec L acroisière, elle ne les jugera
évidemment que par la jurisprudence du parlement de Toulouse.
Thérèse Molin a renoncé en 17 5 5 , cela est vrai; mais, i.° elle
était mineure , et la convention porte q u ’elle sera tenue dè con
firm er et ratifier àsa majorité. E lle n’en à rien fait.
11 n’y
a donc
pas de partage final là où il y a lieu de le confirmer en majorité;
ce n’est jamais qu’ une mesure provisionnelle.
2.° On fit renoncer Thérèse Molin à tous droits et supplém ent.
I l est évident qu’on lui Ht entendre en minorité q u ’elle n’avait
qu’une légitime de rigueur. JJonc 011 la trompait. Sa renoncia
tion d’ailleurs n’est dirigée au profit de personne.
3 .°
Si on suppose qu’elle a approuv é les testamens, une appro
bation tacite ne suffisait pas; car il fallait les connaître. Celui-là
seul prescrit le droit de réclamer contre une destination de légi
t i m e , qu i agnovit ju d ic iu m d efuncti. T els sont les principes
invariables comme la Cour l’a souvent ju g é , et notamment les
21 thermidor an 8 , et 4 pluviôse an 10.
4«° L e testament de 17^5 a été expedié par le notaire, avec
des expressions qui en changeaient le sens. C ’elait donc induire en
erreur les parties intéressées. Thérèse Molin pouvait croire Marie
Molin substituée, puisque la condition du décès de P ierre, sans
avoir rem is, était remplie , tandis que celle de son décès, sans
avoir r e c u e illi, ne l’était pas. O r , non vidèntur qui errant c o n
sentit e , et la prescription.ne court que du jo u r d e là découverte
de la vérité.
5 .°
Thérèse M o lin , née en 1733, avait deux ans au décès de sa
.
mère , et dix ans au décès de sou père en 1743 Marie Molin
alors avait vingt-cinq ans ; car elle était née au mois de février
�C 22 ) f
1718. L e père l ’avait chargée de régir et adm inistrer conjoinletement avec Ignace M o lin , curé de C ham bon; et les Ghouvenc
qui connaissent plus d’actes de la famille que les intimés n’en ont
jamais connus , nous apprennent que ledit Ignace Molin parle
dans son testament de scs droits légitimâmes sur les biens de ses
père et mère , dont jo u iss a it M arie M o lin .
L a voilà donc évidemment protutrice , ou au moins c o m p ta
ble depuis 1 7 4 3 , -enversune sœur de dix ans, qui naturellement
ne pouvait se mêler des affaires de la maison. L e frère n ’avait
que douze a n s, et s’absenta quand il put s’enrôler. L a chance
était donc bien inégale, lorsqu’il fut traité en 17IS0 , entre Marie
M o lin qu i, pendant douze ans, avait connu toutes les forces de
la succession et le vice des testameiis, et Thérèse M olin qui
ignorait tout.
• O r , le parlement de Toulouse n ’a jamais hésité d ’admettre en
pàreil cas le réuonçant non v isis ta b u h s , a se pourvoir pen
dant trente ans. Q u ’on consulte M a y nard , liv. 2 , cliap. 99 et
100 ; D o liv e , liv. 4 , chap. ï 6; Catelan, liv. 8 ; Iiretonnier, v.°
restitution ; -ou plutôt qu ’on' parcoure tous les auteurs de ce
parlement , ou cens (pii mentionnent sa jurisprudence , 011 ne
trouvera nulle 'part que l’art. i3 4 de l ’ordonnance de i r> ait
53
été jamais appliqué à cette espèce.
L e parlement de P a r is , après l ’ordonnance de i539 , jugea
long-teins , comme le parlement de T oulouse a toujours jugé
L e s ailleurs d u i e m s même de cette ordonnance , notamment;
M r D u v a l , de rebus dubiis , enseignaient q u ’il n’y a contre les
actions en nullité que l ’action trentenaire. Quaranlo ans après
le parlement de Paris changea sa jurisprudence', niais enfin il la
changea de nouveau après l’ordonnance de 1667 ; et il a inva
riablement ju g é depuis que l’art. 134 de l’ordonnance de i539
né s’appliquait q u ’aux actions rescisoires.
Cette jurisprudence constante s’est maintenue ju sq u ’au Code
civil. On a vu encore, dans les discussions sur ce Code, les clibrts
des sections réunies de la Cour d’appel de Paris, pour faire main
�C 23 )
tenir l ’action cle-trente a n s , et 011 n ’y voit d’opposition que dans
les deux Cours d ’Orléans et de L iège.
L e tribunal civil du Puy-d é-D ôm e commença par suivre les
anciens principes.
11 jugea le
28 pluviôse an 4 , entre les
Cham pom ier et S e z e l, que l ’action en nullité avait duré trente
.ans, en floréal an
.
5,
à la vérité il changea de jurisprudence.
Cependant la Cour de cassation ne lui donnait pas cet exemple;
elle avait ju g é 011 thèse le
3 messidor an 4 , que
Gilberte Laporte
avait été recevable pendant trente ans à se pourvoir contre sa
renonciation faite par son contrat de m ariage, en faveur de son
beau-frère, et voici les motifs bien précis de son arrêt.
3
« Attendu que l’art. i i de l’ordonnance de i
53(),
déclare
« nulles toutes dispositions en faveur des tuteurs ou administra« teurs. etc. directement ou indirectem ent, avant le compte
« rendu , et q u ’une vente , f lile par une mineure en faveur d ’une
« personne qui administrait ses b ie n s , présente un avantage
« indirect ;
« Attendu q u ’en pareil cas l ’action subsiste pendant trente an s,
« parce que suivant l’art. i . e r, tit. 29 de l’ordonnance de 1667,
« le comptable 11e cessant de l ’être que par la reddition de son
« com pte, c ’est le compte seul qui peut éclairer le mineur sur
a ses intérêts;
« Attendu que l ’art. 134 de l ’ordonnance de i53 9 qui restreint
« le délai a dix ans , n ’est relatif q u ’aux actions rescisoires,
« qui n’ont rien de com m un avec celles en nullité qui durent
« trente a n s , et pour lesquelles il n ’était pas besoin de lettres ,
« casse et annulle , etc. »
,11 est
même remarquable que le Bulletin officiel ju s q u 'à ce
j o u r ne mentionne aucun arrêt qui contrarie le précédent.
L a Cour d ’appel de Ilio m ne s’est prononcée, pour les d ix
ans , pour la première f o is , que le 18 prairial an 11 , c ’est-àdire, depuis le Gode c i v i l , et par induction de l ’article 475. On.
verrait même , dans un arrêt du
25
nivôse an 10 , que la pre
mière section avait admis une femme pendant trente ans, et jugé
�24
(
)
encore que l ’action n’avait couru q u ’après le décès du père, qui
avait constitué la dot maternelle par le contrat attaqué. Mais si
cet arrêt ne juge pas la question isolément et en thèse, il paraît
au moins certain que la Cour n’a jamais jugé en faveur de dix
a n s , avant le Gode civil.
Com m ent donc concevoir que la Cour put infirm er le ju g e
ment du P u y qui a admis Thérèse M o lin , après d ix ans , lors
que ce tribunal a jugé comme son parlement , comme le par
lement de Paris , comme la Cour de casation elle-iuême.
C I N Q U I È M E
Q U E S T I O N .
L 'a c tio n de Catherine M o lin est-elle prescrite par trente ans ,
q u o iq u ’e lle ait co h a b ité la m aison p atern elle ?
L e s Chouvenc se sont attachés singulièrement à établir celte
prescription par des citations qui n ’ont pas la moindre analogie.
i .° D argentré q u ’ils invoquent sur l ’art. 276 de Bretague , ne
s’occupe pas de la question. D o m a t, au tit. 7 du liv.
3 ne s’en
occupe pas davantage. L e Code c i v i l , art. 2243 se contente de
dire q u ’il y a interruption naturelle, quand ce possesseur est
privé pendant un an de la jouissance de la chose. Enfin , L a pëyrère , bien loin de vouloir la prescription, dit expressément
ce ciui suit : « T a n t que les enfans sont nourris sur les biens de
«’ l ’hérédité, la prescription de la légitime ne court point contre
« eux ». Son annotateur ajoute « id e m , en matière départagé » ;
et il se fonde sur Coquille , en la question 259.
M a is , outre L a p e y rè re , on ne voit pas d ’auteurs qui aient
traité la questio n , s’être expliqués autrem ent, et si on en cite
plusieurs autres, c ’est seulement pour convaincre les Chouvenc
q u ’ils n ’ont pas voulu chercher la question où ils l ’auraient
trouvée.
D o liv e en fait une question expresse au chap.
3i
du liv.
5,
et décide que « si les enfans vivent en commun sur les biens de
« l ’hérédité , celte prescription ne court pas contre e u x , en cette
« rencontre,
�c 25>
a rencontre, depuis la mort de leur père , mais depuis seule« ment q u ’ils ont cessé d’être nourris sur ses biens , parce que
« recevant journellement leur nourriture sur le patrimoine du
« d é fu n t, ils sont censés être en possession. »
63o et 26 août i 636 .
Cette opinion est encore enseignée par Y e d e l , liv. 2 , chap. 36 ;
Serres, pag. 294; Dunod , p. ¡101 ; D espeisses, t o m .2 , p. 3 i 3 ;
et L e b r u n , liv. 3 , des successions. C ’est aujourd’hui un principe
D o liv e cite deux arrêts des 10 janvier i
incontestable, dont la raison et la justice prescriraient l’observa
tion , si les auteurs ne l ’enseignaient pas.
L a Cour d ’appel vient très-récemment de p ro n o n c e r, dans
un arrêt du i
3 ventôse an i 3 ,
le m o tif suivant :
« A ttendu que l’habitation d ’Antoine et Pierre Vescham be ,
a dans la maison paternelle , a constamment réclamé la con
te servation de leurs droits. »
A insi Catherine M olin qui a habité la maison paternelle jus
q u ’en 1788 ; qui n ’en est sortie que pour former la demande ,
n ’a pas un instant de prescription à redouter. Ce fait a été éclairci
dans le procès contre Lacroisière, qui soutenait alors, comme les
C houvenc le font aujourd’h u i , que la cohabitation n ’avait pas
empêché de prescrire.
L es Chouvenc veulent que cette"prescription ait couru à
leur égard , quand elle n ’aurait pas couru contre Lacroisière ,
il est diiïicile de concevoir sous quel prétexte, à moins que ce ne
soit pour en revenir h la prescription de dix ans , qui a déjà été
démontrée être sans application dans la cause.
Il est plus difficile de concevoir encore sur quoi serait fondée
la différence q u ’ils veulent établir entre les portions de Catherine
et J e a n n e , et celles de Marguerite et de Pierre M olin ; car l’ac
tion d un cohéritier se compose de tous les droits partiels , qu i
ad hœreditatem v e n iu n t,* et comme les portions advenues à
Catherine M olin par le décès de ses sœurs , se sont accrues à
la sienne, aussitôt leurs décès, en vertu de la règle, le mort
ja is it le v i j , Catherine M olin a é lé , dès cette é p o q u e , proV
�Ci6)
priétaire d ’une quotité plus con sid érable, et n’en a pas plu*
perdu une fraction que la totalité.
S
i x i è m e
Q
u e s t i o n
.
l e testam ent de Catherine F erra p ie e s t-il v a la b le?
« U n testam ent, dît R ic a rd , est un acte dont toute la valeur
« est dans sa so lennité, et dont toute la solennité est dans ses
« foi mes. »
E n etYet, dans cet acte si im p o rta n t, îl faut que toutes les
formalités aient été ostensiblement remplies : elles sont toutes
de rigueur d’après les ordonnances.
L e testament de 1,735 est vîcié par deux nullîtés textuelles : i.o
il est dit f a i t et ré cité en la m aison de P ierre M o lin ; mais rien
ne constate que la lecture ait été faite à la testatrice.Cependant
la loi l ’exige impérieusement; et il est bien indispensable q u ’ un
testament soit lu à celui qui l’a d ic té , pour q u ’il soit certain
que ce sont là ses véritables intentions;
2.0
Il n ’est fait aucune mention de la signature de la testa
trice ou de sa déclaration de n’avoir su ou pu signer , car on
y■
lit seulement : « L a d ite testa trice i l l e de ce enquise. »
O r , l’ordonnance de i y
35 dit
que « les notaires écriront les
« dernières volontés du testateur, et lu i en feront ensuite lecn ture , de laquelle il sera fait une mention expresse.... Après
« quoi le testament sera signé par le testateur , le notaire et les
« témoins ; et en cas que le testateur déclare q u ’iTne sait ou ne
« peut sig n e r, il en sera fait mention ( a r t . z 3 ) à peine de
« nullité ( art. 47 ). »
Mais , disent les Chouvenc , le testament de Catherine
3
Ferrapie est antérieur à l ’ordonnance de i y a : cela est vrai.
M ais cette ordonnance ne fait que répéter en cette partie les
dispositions des ordonnances d Orléans et de Blois.
« E t en cas que les parties ou témoins ne sauront point
« sig n e r, les notaires f e r o n t m entioji de la réquisition par eux»
�27
(
)
a faite aux parties ou témoins de s i g n e r , et de leu r réponse
« qu ’ils ne savent signer. » Ordonnance d ’Orléans , art. 84 ;
ordonnance de Blois , art. i
65.
Ces ordonnances exigent donc du testament une réponse
d ’une manière plus expresse encore que celle de 178s.
E t les auteurs qui ont écrit avant l ’ordonnance de 1735 ,
enseignent que cette réponse ne peut être suppléée par ce que
dit le notaire en son nom. ( L e M aitre , sur Paris , article 1 4
,
chapitre i . e r ; R a v i o t , question 164; M aillart , sur A r to is ,
art. 74 ).
On cite souvent R icard, comme ayant rapporté un arrêt de i6 6 z
validant un testament où il était dit : « L e q u e l n’a pu signer ,
« interpellé de le faire. » Mais on pourrait voir que R icard le
désapprouve, en disant que cela est un peu subtil , et q u ’il y a
grande apparence’ que la faveur des dispositions dont il s’agissait
contribua à faire rendre cet arrêt.
A ussi R i c a r d , n.° i 5 z 6 , citant un arrêt qui validait un testa
ment où le testateur a déclaré ne savoir signer , sans que le
notaire eût dit l ’avoir in te rp e llé , ajoute : « Il en serait toute« fois autrement , si le notaire déclarait de son nom que le
« testateur n ’a pu signer , parce q u ’encore le testament ne fait
« foi , ni de l’interpellation du notaire , ni de la réponse du
« testateur.... C ar le notaire, dit Ricard , au n;° i
568 , ne doit
« contribuer d ’autre chose que de son oreille et de sa main ,
« dans la rédaction du testament. »
L a jurisprudence s’est conformée à cette rigueur; et on trouve
dans D enizart un arrêt du
5 septembre
1768, qui a annullé un
testament du Bourbonnais , dans lequel il était dit que le tes
tateur n 'a v a it pu sig n er à cause de sa fa ib le sse , de ce en qui s.
XiC iribunal civil du Puy-de-D ôm e a ju g é deux fois de la
meuie maniéré , le 17 ventôse an 6 , sur appel du Cantal , et
le
23 pluviôse an 7 ,
erçtre les héritiers V a c h i e r , d ’A ria n e.
L a question ne paraît pas s’être encore présentée en la Cour»
mais l’art. 973 du Code civil veut aussi que si le testateur dé
fi a
�.
( 2 8 )
cla ren e savoir signer, il soit fait m ention expresse de sa d écla
ration ; ainsi la loi n ’a pas c h a n g é , et la cause actuelle fixera
sur ce point la jurisprudence.
L e s Chouvenc se sont imagine' cpie les ordonm nees d ’Orléans
et de Blois n ’avaient pas été enregistrées au parlement de T o u
louse ; mais on leur demanderait comment il se fait que tous
les auteurs de ce parlement s’y réfèrent et les citent comme lois,
sans dire nulle part que leur parlement ne les adopte pas.
A la vérité D o live dit que de son tems on n’était pas rigo u
reux sur les signatures de testamens , et que même on n’exan inait pas si le testateur avait sigué ; ' mais Serres, Boutaric
et Furgole ne disent rien de pareil. F urgole dit au contraire
que les fo rm a lités que les lo is prescrivent, p ou r la v a lid ité des
testam ens , sont de droit p u blic , et q u ’ un testament doit porter
la preuve avec lui-m êm e; que toutes les formalités de la loi ont
été religieusement observées.
D ans le testament de Catherine Ferrapie , il n’y a pas môme
11 preuve que le notaire ait parlé des causes de la non signature
de la testatrice ; car le mot ille ne signifie rien. L es Chouvenc
se sont, efforcés de persuader q u 'ille veut dire illité r é , puis
cju'illité r é veut dire ne sa it écrire, puis enfin que les mots ne
sa it écrire équivalent à la réponse ou déclaration voulue par
les ordonnances.
M ais d’abord quand cette pénible graduation pourrait mener
à quelque chose , il y aurait toujours une autre irrégularité ,
en ce q u ’une formalité rigoureuse aurait été substituée par une
simple abréviation.
U n arrêt de règlement de i
685
défend aux notaires d’ user
d’aucune abréviation ou interligne d ins toute espèce d ’actes. Si
elles ne touchent pas à l’essence de l’a c t e , elles sont seulement
elles-mêmes considérées comme nulles.
V in n iu s et la loi nous apprennènt que dans les testamens sur
to u t , qui sont testa tio m e n tis , il fiu t écrire en toutes lettres
et d’une manière intelligible sans user de simples notes ou abré-
�( 29 )
via t ion s. Ccvterum îilteris iisq u e u sita tis et leg lb ilibus scribendum esse p la ç a i t , non s ig n is , obscurisve jio tis , L G , § . u lt.
de bon. p oss.
L e mot illilé r é , au reste , ne se trouve , ni dans le diction
naire de l’A cad ém ie, ni dans le dictionnaire de pratique de Ferr iè r e , ni dans le glossaire de Delaurière ; on trouve au diction
naire de T rév o u x le mot M é tr é , signifiant celui qui ne connaît
pas les belles lettres. A u reste quand ce mot signifierait quelque
chose , il n ’y a pas dans le testament i l l i l é r é , il y a i l l e , et par
conséquent ce serait mépriser évidemment la loi que de tro u v e r,
dans ce mot biza rre, une déclaration de la testatrice, q u ’elle n ’a
pu ou su signer. Allons plus loin même , le m ot illité r é ne la
remplacerait pas.
S E P T I È M E
Q U E S T I O N .
Q u elle est la nature de la substitution du testam ent de i y
a -t-elle transm is la su ccession à M arie M o lin ?
35 ?
Quand ce testament serait valable en la fo rm e , il ne produi
rait pas encore l’effet de réduire Thérèse et Catherine M olin à
une légitime de rigueur.
C ar le système des Chouvenc à cet égard , est fondé unique
ment sur une erreur de principes, qu’ ils accréditaient encore plus
par une expression infidelle de l’expédition, q u ’ils avaient d’abord
produite, de ce testament.
Les héritiers institués, disaient i l s , étaient Ignace M olin et
pierre Boyer. Ils étaient çhargés de rendre la succession à Pierre
M olin quand bon leur semblerait. Pierre M olin est mort en 174^,’
et M arie M olin était appelée à la substitution , dans le cas où
ledit Pierre M olin décéderait sans avoir rem is la succession ; or
il est décédé sans l’avoir remise , d o n c , en vertu de la m axim e
su b slitu tu s substituto est su b stilu lu s in stitu to , Marie M olin a
recueilli l’hérédité directement des deux héritiers institués.
- D ’abord il est prouvé par l ’extrait vidim é du testament de
�c 30 )
1735 , fait en exécution de l’arrêt de la C o u r , q u ’au lieu dit
m ot remis il y a recu eilli. Gela p o s é , voyons maintenant quel
est le sens de la substitution ?
L e testament d'une mère qui , ayant des enfans , instituerait
des étrangers , serait évidemment inofficieux et susceptible de
contradiction ; mais les principes y ont pourvu en faisant une dif
férence entre la substitution fidéicommissaire et la substitution
fiduciaire.
L a première fait passer réellement la succession sur la tête du
grevé : l’autre ne lui transmet qu ’un dépôt à titre de confiance,
et le grève d’un fiduce ne compte pour rien dans les degrés de
la substitution.
Pérégrinus , qui a fait un traité sur les fidéicommis , le définit
ainsi. F id u cia riu s est hœres q u i, non su î con lem p la tio n e sed
alterins g r a liâ 'in s tilu tu s , eidem restituere hereditatem ,p o s t
diem certain v el in ce rta in , rogatus proponitur.
« Ces substitutions, disent Henrys et Bretonier, sont com
te munes dans les pays de droit é c r i t , sur-tout en faveur du sur« vivant des époux , pour maintenir les enfans dans le respect
« et l’obéissance h o c co n silio ut parenti obsequerentur..........
« Q uoique le tems de la restitution, continuent-ils , ne soit pas
« m arqué dans le testam ent, néanmoins on doit présumer que
« son intention a été que le survivant ferait bon usage de cette
0 lib e rté , et n’attendrait pas jusqu’à sa mort pour en faire la res*
« titution. . . .
« O n doit penser, dit ailleurs le même a u te u r, q u ’un père
« chérit plus ses enfans que leur mère ; q u ’il vise plulôt à leur
« utilité., et ne l’avantage q u ’ù leur considération ; qu'ainsi il ne
« l ’a instituée que par la nécessité de leur bas âge , non ut j i l i i s
m inoribus o b e s s e t, sed p o tiu s ut eis con su leret• » ( henr. t.
3
1 ,e r , p. 7 3 6 , t. , p» 69 )•
T o u s les auteurs ont adopté cette distinction , et donnent
d’autres signes du iid u ce , q u ’011 retrouve tous dans le testament
de 1735.
�C
30
' i.° Catherine Ferrapie avait un fils et des filles; cependant
elle paraissait instituer deux oncles ;
2-° Ferx-apie chargeait ces oncles de remettre l ’hérédité à son
fil s, sans distraction de quarte. Ces prétendus héritiers n’avaient
donc l’espoir d’aucun droit , de leur c h e f , à la succession ; car
tout héritier grévé de fidéicommis a le droit de retenir la quarte
trébellianique ( l. i . er § . 5 , ad treb. ) ;
3 °. E n
remettant l’ hérédité à Pierre , ils étaient dispensés par
la testatrice de rendre aucun compte des fruits. Si donc ils eussent
été de véritables héritiers , jouissant pro suo , les Fruits leur
eussent appartenu de plein droit , sur leur propre chosè , sans
aucune stipulation ;
4.0
Enfin ils étaient institués à la charge d’élever les enfans :
le but de la testatrice était donc de maintenir seulement ses
enfans dans l’obéissance envers deux oncles , u t p a ren tibu s
obsequerefitur. A cela prè-8, elle exigeait les mêmes soins pour
eu x, que si elle eut été v iv in te , sed p o tiu s ut eis con suleret.
A in s i disparaissent Pierre B oyer et Ignace M olin , simples
dépositaires, pour faire place à Pierre M olin , impubère , vé ri
table héritier en premier degré de la succession de Catherine
Ferrapie.
Pierre M olin , propriétaire de la succession, l’ayant recueillie
dès 1735, était a la vérité grévé lui-même de substitution envers
Marie Molin , mais seulement au cas q u i l vint à m ourir sans
p o u v o ir d isp o se r, ou sans a v o ir r e c u e illi la d ite hérédité.
O n voit dans cette clause tous les caractères de la substitution
pupillaire , qui consistent comme on sait à faire soi-même le
testament de l’enfant impubère , s i non e x tite r it hceresJilius ,
aut si irnpubes decesserit ( instit. ).
Pierre M olin n’est pas mort sans p o u v o ir disposer ,* car
en pays de dro.t érr.t le m ineur avait testam enti fa c tio n e m
aussitôt q u ’ il avait atteint sa puberté. O r , Pierre M olin , né
en 1781 , était puioère en 1746 , et il n ’est décédé q u ’en 1748.
Si ce in o je n n ’était pas péreinptoire , on opposerait aux
�I
(3 0
Chouvenc que la mère ne pouvait pas Faire une substitution
pupillaire ; car il faut pour cela avoir la puissance paternelle ,
comme l ’enseignent les institutes , is substituere p o te st h beris
im puberibus
q u o s
in
p o t e s t a t e
h a b e t
,
cùm e ju s œ tatis sin t
in quâ ip si testam.en.luni fa c e r e non p o ssu n l.
Il
ne reste donc que l’institution de Pierre Molin , sans charge
de substitution envers Marie. A u surplus elle serait éloigne'e
encore par le principe-enseigné par Cujas sur cette matière ;
c’est que la règle su b stitu lu s substituto n’a pas lieu en la subs
titution p u p illa ir e , et le substitué au pupille n ’est pas censé
1
l ’héritier du testateur. ( C u j a s , ad . 4 1. de vul. et pup. s u b .)
A in si le testament de 1735 , valable ou non , a transmis la
succession maternelle toute entière à Pierre Molin. Il est mort
pubère ; il est mort ab in testa t : donc ses sœurs lui ont succédé
par égalité , et ont de son c h e f recueilli cette succession.
H U I T I È M E
Q U E S T I O N .
L e testam ent de 1743 e s t- il n u l?
Il
est évidemment n u l, mais cette nullité ne change rien à
l ’ordre de succéder dans les biens paternels ; et on ne s’en occupe
que parce q u ’elle a été agitée lors du jugem ent de 1793.
Pierre M o lin père a institué son iils héritier , et a seulement
légué une légitime à ses filles ; or les institutes nous disent que le
père de famille doit instituer tous ses eufans héritiers, ou les
exhéréder nominativement, aut hœredem in s titu â t, aut exhceredem nom inatini fa c ia t , a lioquin inuti/itcr testabitur.
Celte disposition a été répétée dans l’art.
5o de
l ’ordonnance
de 1 7 3 5 , qui dit q u e , dans les pays de droit écrit, ceux qui ont
v droit de légitime , seront institués héritiers , au moins en ce que
le testateur leur donnera.
M ais l'héritier, institué par le testament de 1748, étant décédé.
ab in te s ta t, il importe peu que ses sœurs viennent de son chef
ou
�33
(
)
ou ju r e suo , à la succession de leur p è r e , il n’est pas moins vrai
de dire q u ’elle doit être partagée entr’elles par égalité.
L es Chouvenc terminent leur mémoire par d em an der, i.®
q u ’on estime les biens de la succession M o lin ; 2.0 q u ’on accorde
à Marie M olin leur venderesse , les prélèvemens qu ’elle aurait à
faire, notamment trois q u ’ils indiquent; 3.° q u ’ils leur soit ac
cordé un compulsoire pour chercher des quittances , s’il en existe.
A l’égard des .deux premiers articles, le jugem ent dont est
a p p e l, y a fait d r o i t , en ordonnant que tous les biens seraient
épuisés pour former le lot des intim és, avant d’en venir aux
Chouvenc.
'
A insi les Chouvenc assisteront à la formation des lots pour
veiller à leurs intéi’êts ; c’était tout ce que les premiers juges
devaient et p o u v a i e n t f a i r e , pour conserver l ’intérêt de toutes
les parties ; ce que demandent les Chouvenc appartient donc à
à l ’exécution du jugem ent dont est appel.
A l o r s , seulement ils pourront s’occuper des prélèvemens et de
l ’estimation des biens, sans laquelle le partage serait impossible.
Quant au compulsoire , c’est encore à cette époque qu’ils au
ront droit et intérêt d ’en requérir, s’il y a lieu , et il ne leur
sex-a pas refusé ; mais leur réclamation actuelle n ’est q u ’ une
inquiétude tracassière , fondée sur une simple possibilité de
fraude qu ’ils n ’ont pas le droit de soupçonner sans m otif; car
la fraude ne se présume pas.
T o ut prouve dans cette cause que c’est Lacroisière qui souffle
encore un tioisicme procès , après en avoir perdu deux , et les
exclamations des C h o u ven c, pour crier à la collusion , ne, sont
qu'une finesse de plus ; ils sont venus à l ’audiencc avec une
loule de papiers de la famille M olin , q u ’ ils n e'po uvaien t tenir
que de lui. T out ce cpi’ils <>nt; expliquai siit cette famille avec
tant de détails, 11e peut être de ieur science personnelle, et il
st rem arquable q u ’ils n ’o n t ■jan^Ai d e n iitn d éW com m u n ich t'io n
E
\
�( 34)
les pièces du procès par écrit ju g é en 1793 , quoiqu’il soit le
siège principal des difficultés q u ’ils elevent.
M ais tel est le résultat fréquent des tierces oppositions for
mées par les ayant cause; elles ne sont q u ’un piège tendu aux
tribunaux et une voie tortueuse de la chicane pour éprouver la
variation des jurisprudences. A u reste , si la Cour v e u t statuer
sur les questions d ’ un partage, avec l ’acquéreur d’ un cohéritier ;
si elle veut examiner le bien jugé du jugem ent en dernier res
sort de 1793 , elle reconnaîtra que les dispositions de ce ju g e
ment étaient sages et lé g a le s , et n ’y trouvera rien qui mérite
censure et réformation.
M .e D E L A P C H I E R , avocat.
M . e D A U D E } avoué.
A
R I O M ,
D e l ’im prim erie du Palais, chez J.-C. S A L L E S . ( A n X I I I ) .
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Molin, Catherine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Daude
Subject
The topic of the resource
tutelle
successions
testaments
jurisprudence
prétérition
prescription
coutume de Paris
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Catherine Molin, et les sieur et dame Vendriez et Borne, intimés ; contre Jean et autre Jean Chouvenc, appelans.
Arbre généalogique
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1735-Circa An 13
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
34 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0624
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0326
BCU_Factums_M0729
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jurisprudence
prescription
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Successions
testaments
tutelle
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MÉMOIRE
POUR G uillaum e
Bost
M o n tb ru n ,
laboureur,
habitant du village de Pigerol en A u v e rg n e , appellant-&
demandeur ;
C O N T R E
B en o it Rou ger , & P e tr o n ille
B â tisse
fa femme ; G u i l l a u m e B â t i s s e & conforts, couteliers &
laboureurs au même lieu de P ig ero l, intimés & défendeurs.
D
eux
titres pofi t ifs., qui ne peuvent ê tre affaiblis,
aff urent expreff ement à Boft M ontbrun , le droit de partage
dans une terre appartenante aux intimés, appellée le champ
de la Cartade. Le premier eft un acte de. 1692 , paff é entre les
auteurs des parties
le fécond eft fa poff effion immémoriale
de paff er avec le public fur ce chemin. C e tte poff effion a
d’autant plus de poids , que
dans la Coutume d’A u v e rg n e ,
tous droits & acti o n s , même les fervitudes, fe prefcrivent &
acquièrent par trente années.
C ’eft conformément à cette difpofition de la C o u t u m e ,
que la poff effion du public fur l e fentier litigieux a été
prouvée. Les R ouger & Batiff e prêts à fuccomber, fe font
empreff é s d’arrêter le Jugement qui alloit être p ron on cé,
�en interj.ettant appel de la Sentence qui avoit admis la preu ve
de la publicité de ce chemin.
Boft Montbrun avoit fuivi a vec fuccès l’inftruftion préfentée au premier Juge ; mais en caufe d’a p p e l , une trop
grande fécurité lui a fait négliger fa défenfe. Il faut bien que
les erreurs femées dans les écrits de fes adveriaires, aient fait
impreilion aux Officiers de la Sénéchauflee de Riom , puifqu’au mépris du titre , & d’une poiTeilion certaine , fa de
m ande, quelque légitime qu’elle fût, a été rejettée. C ’eft
contre ce Jugement que Boft Montbrun réclame.
11 va
être
facile de démontrer, qu’il eft aufïi injufte que contraire au
texte précis de la Coutume.
F A I T .
Par contrat du 14 ofrobre 1692 , Antoine BatiiTe, auteur
des intim és, a vendu à Claude Rapin , marchand en la ville
de Thiers en Auvergne , une terre de dix fepterées , & un
pré joignant lé'firanichemin qui conduit à Thiers. Pour é v iter,
en allant de Pigerôl aux immeubles acquis, le circuit de ce
grand, chemin qni_fmvprfp une montagne très-élevée , A n
toine BatiiTe, propriétaire du champ qui y eft contigu , a
accordé qu’Antoine Rapin & les jiens y auroient leur pajjage.
« Lefdits héritages vendus , porte ce con trat, avec leurs plus
» amples confins, p a s s a g e s , prinfe d’e a u , droits d’aifances
» & appartenances quelconques , anciens & accoutumés ,
» auquel & aux Jiens , icelui en a promis le garentage envers &
» contre tous ».
Claude Rapin a toujours joui de ce paflage fans trouble.
Boft M ontbrun, acquéreur des terres du iie^ir R a p in , n’a pas
eu non plus d’autre iflue pour y aller. C ette traverfe par le
�3
champ de la Cartade étoit d’ailleurs publique. Les habitants
de Pigerol & des environs y avoient toujours paffé, & ils y
païToient librement.
Cependant Benoit R o u g e r , fa femme & fes freres , fe font
imaginés qu’il dépendoit d’eux de fupprimer ce paflage.
Après des m en aces, ils en font venus aux voies de fait :
ayant rencontré les enfans de Bofl Montbrun dans le cham p,
ils les ont tous maltraités. Leur pere en a rendu plainte ; elle
a été fuivie d’une information, d’après laquelle le Juge de
Thiers a décerné des decrets contr’eux j ils ont obtenu des
défenfes du lieutenant criminel de Riom : Boft Montbrun en
ayant interjette a p p e l, par Arrêt contradictoire rendu en la
Chambre des vacations le 16 o&obre 1776 , en évoquant le
principal, défenfes ont été faites aux accufés, du nombre
d e fq u els é to ie n t les R o u g e r & B a t i f f e , de récidiver fous telle
peine qu’il appartiendroit -, ils ont été condamnés folidairement en dix livres de dommages & intérêts, & en tous
les dépens.
L’autorité de cet Arrêt n’a pu cependant les contenir. Ils
ont continué à priver B o iï Montbrun d’un paffage qu’euxmêmes font tenus, fuivant le contrat de 1
2 , de lui garantir.
Chacun ayant intérêt de conferver fes d ro its, le 27 mars
1777 , Boit Montbrun les a fait afligner pardevers le Juge
châtelain de la baronnie de T h i e r s , pour voir dire « que le
» droit de fervitude de (entier à pied fur la terre des aifignés,
» appellée la Cartade, lequel fervoit de tout temps & ancien» neté au public, tant aux habitants du village de P ig e r o l,
» & en particulier au demandeur, & c e au vu & fçu des af» fignés & de leurs auteurs , feroit déclaré lui appartenir » :
en conféquence qu’il feroit autorifé à continuer fan paflage
à pied fur le même fentier comme par le paffé ; que défenfes
A i]
‘
�4
leuir fe’r oiént 'faites de l’y troubler , ainii que ceux qui lèv
rèpréfentent ,
d’intercepter le même paffage , aux peines
de dro it, & c .
Dans un écrit du 1 3 mai 1 7 7 7 , les parties adverfes ne>fe
font défendues ,fde cette dem ande, que fur des faits entiè
rem ent fuppofésv'Ils ont d’abord fou ten u , contre la vérité
clairement prouvée , qu’i / ri avoit jamais exijlè aucun fentier
public dans la terre appellée la Cartade; que iî Claude Rapin,
faiiiflant le domaine de Pigerol , y avoit autrefois compris
un p a ila g e , une Sentence du 5 feptembre 1691 avoit fait
diftra&ion du fentier en queftion ; que Boft M ontbrun, qui
connoifloit cette S en ten ce, s’appercevant qu’elle renverferoit fa demande , s’étoit imaginé qu’en plaçant ce même
fentier fur la terre de la C a r t a d e , il parviendroit à effacer
l ’application qui réfultoit de ce Jugement ; qu’il ne falloit pas
oublier que le fieur Rapin faifirtant, repréfenté par l ’adverfaire , avoit prêté fon confentement à cette diftra&ion : c’eit
ce qui fe lit au fol. 10 v ° . des mêmes écritures.
Q u e d’ailleurs, il ne pouvoit afTujettir l’héritage par lequel
il vouloit pafler, à une iervitude, qu’autant qu’il n’y auroit
pas un autre chemin pour l’exploitation de fes terre s ; &
qu’à raifon de ce partage, il feroit obligé de les indemnifer,
fuivant un Arrêt de la Cour du 26 février 1 7 5 8 , rapporté par
D en ifa rt, & qui a été rendu pour la Coutume d’A uvergne.
Sur cet e x p o fé , Benoit R o u g e r , fa femme & conforts ont
foutenu que Boft Montbrun devoit être déclaré non-recevable dans fa dem ande, avec défenfes de pafler & repafler,
en quelque temps que ce pût être , dans le champ dont il
s’agit.
Pour détruire ces allégations, Boft Montbrun a o bfervé,
* R eq u ête du * q u e
juin 1 7 7 7 .
la fervitude qu’il réclam o it, n etoit pas ainfi qu’on le
�5
ftrppofoit , une fervitude privée & qui fut reftreinte à lui
ieul; que cette fervitude étoit publique ; qu’elle appartenoit
non-feulement aux habitants des deux villages de Pigerol &
de Montbrun , mais encore aux autres villages yoijîns & à tous
les étrangers indéfiniment ; que le fentier étant dans le champ
des défendeurs, formoit le chemin de communication de ces
deux v illag es, ainfi que lepajfage ordinaire des meuniers & de
tous ceux qui alloient & venoient de Memtbrun.à Pigerol;
qu’il leur avoit fervi de tout tems y de toute ancienneté, au vu &
au fç u des adyerfaires , fans trouble' pi.¡oppoiition de leur
part; qu’il étoit le feul à qui ils euflent voulu l’em pêcher;
que Fufage de ce chemin aufli ancien que les deux villa g es,
étoit d ’une Jî grande néccjjité, que fi on venoit à en être
p r iv é , il faudroit faire un circuit & un contour conjidérable
par le chemin le plus difficultueux ; que fon utilité Sc la néceflité où l’on étoit d’y paiTer, l ’avoit fait établir dès /’ori
gine des temps; qu’il s’étoit toujours maintenu fans inter
ru p tio n , & fans que qui que ce fût y eût trouvé d’obftacle.
■ 1
Q u e les adverfaires obligés de convenir de l’exiftence de
ce fentier, qu’ils foutiennent mal-à-propos n’avoir été prati
qué que pour eux & pour leur com m odité, venoient d’en
treprendre dans leur dernier é c r i t , d’en.changer rem pla
cement & de le tranfporter fur une autre ¿terre fituée à plus
d’un quart de lieue de celle de la Cartade : Boit Montbrun a fait
connoître que ces deux champs étoient absolument diffé
rents ; cette explication a produit fur ce point l ’effet qu’il
devoit en attendre , ainlï qu’on le verra dans un moment.
Revenant au terrein de la C artad e, il a ajouté qu’indé
pendamment du droit perfonnel qui lui étoit affuré par le
contrat du i4 o f t o b r e 1 6 9 2 , la fervitude dont cette terre
�6
ï é trouVoit chargée de tem s immémorial, étoit fondée fur
les difpofitions de la Coutume d’Auvergne , qui aux articles
2 & 4 du titre 17 , veut que la feule pofleffion trentenaire
é q u iv a l le au titre & a un droit conftitué; que la fervitude
y ‘eft nommément comprife ; & qu’elle peut être acquife
(ans titre par une pofleffion de trente ans. Enfin, il s’eft dé
fendu de l’Arrêt cité par D e n ifa rt, fur ce que l’eipece qu’il
préfente, n’avoit aucun rapport à la conteftation.
O n ne s’ occupera de la réponfe dés parties ad verfes, que
pour y expofer leur rétractation au fujèt du chemin qu’ils
affeftoient de confondre avec le fentier en litige. N ous
avions penfé, porte leur écrit du 16 août fol. 5 & fuivants,
que le chemin o u 11fentier fur lequel l’adverfaire prétend
avoir droit de paflage , étoit celui diftrait par la Sentence
de 1 6 9 1 , & cette cohfufibn a pu nous induire en erreur ; mais
dès que Boft Montbrun nous aiTure que le fentier qui donné
lieu à la conteftation , n’eft point celui dont la Sentence a
ordonné la diftra&ion , nous voulons bien l ’en croire¡ ainjl,
nous n aurons plus de dificulté à cet égard.
C ’ eft fur cette difcuflion, que le Juge châtelain de Thiers
a rendu le 6 .juin 1778 , la Sentence dont le difpofitif va
être cxpofé , il porte : « N o u s , les fins & les moyens des
» parties réfervés , ordonnons avant faire d roit, que ledit
» Boft Montbrun fera preuve devant nous dans trois jours ,
» tant par titres que par témoins, que de temps immémorial,
» & notamment trente ans avant le premier mars 2 jy y ; le fen» tier défigné au plan fignifié le 21 mars dernier, par les
» lettres A &
B
a exifté dâns la
terre defdits Batijfe &
» Rouger appellée^LA C à r t a d e , foit à l’endroit indiqué ,
» foit plus haut OÙ plus bas \ mais toujours dans ladite terre &
» aux mêmes fins ; comme a u iïi, que les propriétaires du
�7
» villag e de P i g e r o l, & autres , ont pajfé & repajfé par ledit
» fetitier, au vu & au fç u defdits Batijje & R ouger, f)our
» aller & pour venir audit village de P i g e r o l , Toit que ladite
» terre des Cartades fû t enfemencée, foit qu’elle ne le fût pas
» indiftin&emenr ; comme auffi enfin , qu’il eft d’ufage dans
» le pays & dans les pays voifins, qu’on laboure & enfe» mence les (entiers & chemins , à la charge d’en fournir
» d’autres à c ô t é , fans que le public fe plaigne ; & lefdits
» BatiiTe & R o u g e r, la preuve contraire dans le même délai
» fi bon leur femble ».
En exécution de ce Jugem ent, quinze témoins ont dépofé
les 1 1 & 1 3 du même m o is, fur les faits qui avoient été admis ; une Sentence de défenfe de la fénéchauiTée de R i o m ,
*1
'» '1 '
> t 4' ■
"furprife fur l’appel qui avoit été interjette par les Rouger &
BatiiTe, a empêché le Juge de recevoir les dépofitions de
ceux qui reftoient à entendre j on verra dans la fuite , que
les témoins attellent ,Mque de temps immémorial, le public
a-pafîe en toute fa ifo n , fur le fçntier du champ de la
Cartade.
O n ne croit pas devoir s’occuper .des illufions dont les
adverfaires ont fait ufage fur leur appel j ce qu’on peut re
procher à Boit M ontbrun, eft de ne les avoir pas combattues
a vec l’avantage que la juftice de fa caufe lui préfentoit ; mais
ce qui ne peut fè concevoir , eft que ceux qui étoient char
gés de fa défenfe, ne lui ont pas fait produire fon enquête
qui n’a pas même été en v o yé e à Riom -, ce ne peut être que
ce défaut d’inftru&ion de fa p a r t , qui a procuré aux R o u g e r
& BatiiTe la Sentence que les Officiers de la fé n é ch a u ifé e de
Riom ont rendue le a o août 1779 > & par l a q u e l l e , e n pro
nonçant des difpoiuions contraires à celle de la châtellenie
de T h i e r s , ils ont débouté Boft Montbrun de fa demande à
�n8
fin départagé fur le fentierdont il s’agit , & l’ont condamne
en tftus les dépens.
Il n’a pas héfité à fe pourvoir contre une décifion aùffi
irréguliere qu’elle eft injufte ; il demande qu ’en infirmant
cette fecônde Sen ten ce, il foit ordonné que les parties con
tinueront de procéder en la Châtellenie de T h iers, en exé
cution de celle qui y a été rendue le 6 juin 1778 ; que les
intimés fôient condamnés eh tous les dépèns qui ont été- faiti
en la fénéchauiTée dé Riom & en la C o u r , depuis ce Juge.:l.u
ment.
A van t de pafler aux preuves qui le foutiennent, il eft
néceflaire de rendre compte d’un incident qui s’eft élevé au
procès l’année dernière. Il étoit revenu à Boft Monbrun ,
qu’un a£1e ancien énonçoit le partage en litige comme exiftant en 1 6 4 2 ne fachant ni lire ni écrire, il s’en eft rap
porté fur ce point à ce qui lui en a été dit ; il a requis un no
taire de la ville de Thiers d’en lever une expédition qui lui a
été délivrée le 20 mars 1 7 8 2 , & qu’il a produite le 30 dé
cembre fuivant.
Les intimés ont prétendu que la minute de l’a ilé n’étoit
pas conforme à cette expédition ; comme elle fait foi jufqu’à
l’infcription de faux, ils étoient néceflairement obligés de la
former ; mais craignant les obftacles qu’ils auroient rencon
trés , quoique chacune des parties fût repréfentée au procès
par fon procureur, par l’abus le plus étrange des O rdon
nances de 1667 & de 16 7 0 , ils ont furpris le 10 mars 1783 ,
fu r requête noti communiquée, un Arrêt de la Cour qui a or
donné que les deux plus anciens notaires de la ville de Thiers
fe tranfporteroient chez le fieur C u ffon , chanoine , dépofitaire de la minute de l’a&e du 20 février 16 4 2 , à l’effet de fe
la faire repréfenter, pour être dreffé procès-verbal de l’état
a&uel
�9
a£hiel de cette minute ; c’eft ce procès-verbal des deux no
taires de Thiers , que les intimés ont produit le 4 juin 1763.
L ’appellant demande à être reçu oppofant à cet Arrêt furpris contre toutes les r é g lé s, fur une requête non communi
quée, & que la procédure fur laquelle il eft intervenu foit
déclarée nulle ; pour démontrer la juftice de fa réclamation ,
il va établir i ° . que le paffage dans-le champ de la Cartade,
lui eil dû par la claufe contenue au contrat de 1692 j 20. que
ce paiTage, eft acquis au public par une poiîeiîion immé
moriale ; que l’enquête qui conftate cette publicité , n’a été
faite que conformément au texte de la Coutume d’Auvergne.
Il expofera enfuite les contredits les pluspéremptoires, contre
la production nouvelle des intimés.
I.
L e contrat du 14 février iG g z , ajjure à B o ß Montbrun, le droit
de paffer par le champ de la Cartade.
C e t a& e p o r t e , ainfî qu’on l’a v u , qu’Antoine Batifle a
vendu à Claude Rapin, une terre de dix fepterées & un pré ,
joignant le grand chemin qui conduit à Thiers ; il lui a vendu
ces immeubles avec leurs paffages & autres droits exprimés
anciens & accoutumés ; ces héritages vendus, font marqués fur
le plan produit au p r o c è s , par les lettres C & D. Ces paffages ont été acordés à Claude R apin , pour lui éviter le con
tour pénible du grand chemin qui eft pratiqué en cet e n d ro it,
fur une montagne élevée d’environ cent toifes : on voit au
p la n , qu on ne pouvoit arriver aux im m eubles acquis, qu’m
pajfant par le champ d'Antoine B atiffe, qui eft la terre de la
Cartade marquée A & B } c’eft donc Je paflage dans le champ
B
�IO
de la Cartade, qu Antoine Batiffe a vendu à Claude Rapin j il
ne pouvoit pas lui en vendre un autre, parce qu’il n'y avoit
que celui-ci, par lequel on pût fe rendre aux terres joignant le
grand chemin.
C e tte vente du paffage, a de plus été faite par Antoine
B a tiffe , à Claude Rapin & aux Jiens ; le vendeur leur en a
même promis le garentage envers & contre tous. Les intimés
font convenus fol. 10 de leur requête du 13 mai 1 7 7 7 , que
le iieur Rapin eit repréfenté par tadversaire ; c’eit encore ce
qu’ils reconnoiffent dans leurs falvations ; par c o n féq u en t,
comme le fieur Rapin pour aller à fon pré & à fa terre , avoit '
droit de paffer par le champ de la Cartade, le même droit de
paffage a été inconteitablement tranfmis à Boit Montbrun.
Q ue les intimés ceffent d’alléguer que les termes du con
trat de 1692, ne fuffifent pas pour conitituer une fervitude ;
que l’héritage par qui elle ieroit d u e , n’y eit pas même
énoncé, & qu’une fervitude doit être défignée d’une maniéré
„
plus particulière.
C ’ejl en vain qu’ils fup pofent, que les termes du contrat de
1 6 9 1 font obfcurs, & qu’ils ne peuvent établir une fervitude;
quand quelqu’un vend , au-delà de fon cham p, des im
meubles avec leurs pajfages ; ces termes obligent le vendeur
à fournir à l’acquéreur , ces paffages fur fon terrein ; il ne
pourroit s’en défendre fur ce que la claufe n’a pas été affez
expliquée , parce qu’il n’y a pas d’expreifion qui foit plus
c la ir e , & que quand elle comprendroit plus de m ots, elle
n’ajouteroit rien à l’obligation qu’elle impofe.
20. Il s’agit moins ici d’une fervitu d e, que d’une conven
tion ilipulée librement par Antoine Batiffe en faveur de fon
a cq u éreu r} c ’eit fur la foi de cet engagem en t, que la vente
portée au contrat de 16 9 1 a été faite j les Rouger & Batiffe
�II
ne peuvent s’y fouftraire, parCe que les conventions tiennent
lieu de loix : contraclus legem ex conventions accipiunt, porte
le § 6 , au digefte du titre depojîd» C e t a£le fuffit donc feul
pour fe con v a in cre, que l ’appellant ne peut être privé de ce
pairage ; s’agiroit-il même d’une fervitude qui eût été conilituée dans la Coutume de P a ris , où elles ne s’acquierent pas
fans t it r e , les intimés ne pourroient en empêcher la jouifTance, puifque le titre émané du pere de fam ille, eft repréfenté ; qu’il eil cla ir, précis & fans équivoque.
C ’eft parce qu’ils ne peuvent s’en défendre, qu’ils ne
s’occupent qu’à l ’obfcurcir; ils oppofent d’abord, que le 8
janvier 177 5 , les parties ont tranfigé fur un chemin qui étoit
en litige entr’ellesj qu’il n’a pas été queilion du fentier que
B oil Montbrun réclame aujourd’hui, d’où il fuppofent qu’il
•r.y p r é te n d o it pas alors.
C ette conféquence eil erronée en .tour point. Dès qu’il
ne s’eil point agi dans la tranfaâlion de 1775 , du fentier de
la C a rta d e , elle ne peut donc pas y être appliquée, parce
qu’une trania£lion eil toujours reilreinte aux objets qui y
font compris. Tranfaclio qucecumque f î t , de his T A N T U M de
quibus inter convenientes p la ç a it, interpojita creditur, dit la
loi 9 , au digefte de tranfaclionibus. Les intimés, en haiardant
ce p ro p o s, ne font point attention que la demande introduélive de Boft M ontbrun, qui eft du z y mars i j j j \ n’étoit
pas form ée, lorfque les parties ont tranfigé le S janvier
:
il s agiffoit d’ailleurs dans cette tranfaélion, d’un partage pour
aller à un rouket, c ’eft-à-dire, à un petit moulin qui fait
tourner une r o u e , pour aiguifer des lames de coutellerie.
Boft Montbrun n e to it point dans le cas de tranfiger par
rapport au chemin de la C a r ta d e , dont il ne s’agiffoit p a s,
& fur lequel il avoit toujours paile librem ent, ai'nfi que le
B ij
�public. La tranfaâion de 1 7 7 5 , qui ne fe rapporte en rien
au procès, n’y a donc été produite de la part des adverfaires,
que pour y répandre de l’obfcurité.
Ils a ffe & e n t encore de confondre lepaiTage vendu à Claude
Rapin par le contrat de 1 6 9 2 , avec un pajfage à char, dont
c e t a£te fait enfuite mention ; parce que ce pajfage à char eft
a b fo lu m e n t différent du paflage délaifle à Claude R a p in ,
pour aller aux terres que Boft Montbrun poflede 5 il fuffit,
pour en être perfuadé, de rapporter cette fécondé claufe du
contrat de 1 6 9 1 -, on y lit : « En faveur de ladite v e n t e , a été
» c o n v e n u , que ledit vendeur plantera une borne à l'entrée
» & pajfage à char, que ledit iïeur acquéreur a fait entre la
» terre par lui acquife d’Antoine Chapel Garro , & celle dudit
» B a tijje, vendeur, appellée la Marette... duquel paiTage ledit
» iieur acquéreur demeurera à perpétuité feigneur & maître ».
C e qui prouve que Je paflage inféré dans cette claufe, eft
entièrement différent du (entier contentieux, eft d’abord,
qu’elle énonce un pajfage à char que le fleur acquéreur a f a i t ,
lorfqu’il s’agit au procès d'un fentier à pied : tel eft celui qui
eft contenu en la demande introduiHve de Boft Montbrun ,
du 27 Août 1 7 7 7 ; 2°. parce que ce paflage à char que l’ac
quéreur a f a i t , eft e n t r e la terre par lui acquife d'Antoine
Chapel Garro, & celle dudit Batijfë^vendeur ,lorfque le paflage
réclamé traverfe entièrement le champ de la Cartade j
5 0. parce que cette terre appartenante à Antoine Batifle ,
contre laquelle Claude Rapin a fa it faire un paffage à ckart
s’appelle
la M arette, qui eft fituée d’un autre
côté }
4 0. parce qu’ on ne va pas de Pigerol aux héritages vendus
par le contrat de 169** Par ta terre appellée la Marette ; au
lieu qu’on y v a dire&ement par le fentier du champ de la
Cartade. Toutes les faufles aliénions des intimés fur c e
�13
premier o b jet, font donc renverfées. L ’appellant n’auroit-il
que le contrat du 14 o&obre 1692 , il lui préfente un m oyen
certain, un moyen déciiif & même infaillible, pour faire
anéantir la Sentence de la fénéchauiTée de Riom^ Mais
indépendamment de fon droit perfonnel fur ce ch em in , il
v a être démontré, que s’étant formé de temps immémorial,
il n’eft pas au pouvoir des intimés de le fupprimer.
I I.
L e droit de pajfage dans le champ de la Cartade , ejl acquis au
public, par une poffejjion immémoriale.
O n fçait que le D roit écrit admet la prefcription a ftiv e
des fervitudes ; c ’eft ce qui fe lit en la loi premiere du titre'
24 au code , de fervitutibus & aquâ. Plufieurs de nos Coutumës ’
ont retenu ce prin'cipe, entre autres celles de Laon , de Châlons, d’Amiens & d’A rto is, & de Boulogne : dans ces terri
toires , les fervitudes font confondues a vec les autres droits.
C ette prefcription des fervitudes, eft établie le plus expreffément par la Coutume d’Auvergne , qui régit la châtelleniede Thiers ^l’article 2 du titre 17 porte :» Tous droits & actions,
» cens, ren tes, s e r v i t u d e s & autres droits quelconques
» prefcriptibles, foit corporels ou incorporels, feprefcrivent,
*> a c q u i è r e n t ou perdent , par le laps & efpace; de trente
»> ans continuels & accomplis *\
T e lle eft la L o i à laquelle doivent fe conformer les Juge
ments qui font rendus dans cette Coutume fur le fait des fer
vitudes ; comme elles fe forment fans titre fur le fonds d’au
trui , il ne s’agit que de fçavoir fi celui qui foutient que
l’héritage d’un autre y eft fournis * a ufé de la fervitude
�14
pendant trente ans ; fi ce fait eft prouvé , la fervitude eft acquife.
C e n’eft feulement point des fervitudes rurales & de la
ca m p a g n e, qu’un héritage peut être c h a rg é , après une poffeffion de trente ans ; la difpofition de la Coutume s’étend
également fur les fervitudes des villes -, c’eft ce qui eft obfervé
par Prohet,ancien avocat en la Cour,dans fon commentaire fur
la même Coutume , article z du titre ci-deflus e x p o fé , où il
dit :
Même les fervitudes & urbaines , contre l’ancien ufage
» qui avoit interprêté la Coutume des fervitudes rufliques\
» cela a été ainii jugé par ArrêtxQnàw au rapport de M . Fou» c a u t , au procès de Sablon contre Bouriin, pour fervitudes
» de maifons iïtuées en cette ville de Riom.
Boft Montbrun ayant avancé dans fa demande in tro d u ftiv e,
d ’après le texte & l’efprit de la Coutume , que le fentier
de la Cartade étoit un paflage public , il devenoit indifpenfable que ce fait fût conftaté -, c ’eft pour y parvenir , que le
Juge de Thiers a ordo n n é, par fa Sentence du 6 Juin 1778 ,
que Boft Montbrun en ferait preuve ; c ’eft ce que les Intimés
ont voulu arrêter, par un a£fce d’appel de ce Jugement ; mais
comme il n’empêchoit pas fon exécution , l ’enquête a été
faite ; on ne rapporter^ que quelques - unes des dépofitions
qu’elle contient, la C our pourra s’afîurer que toutes les autres
y font conformes.
^ Suivant le premier témoin , » indiflinclement t o u t e s les
» perfonnes qui alloient & venoient du village de P ig e r o l,
» pajfoientpar ce fen tier, fans aucune diflinclion ni réferve, au
h vu & a u fçu des propriétaires & jouiflants de la terre de la,
» Cartade ».
L e fécond témoin déclare , » que toutes les fois qu’il a ét<?
î> au village d e 'P ig e jo l , &. qu’il en eft revenu , il a paffè.
�*J
i> par ledit /entier, & a v u que t o u t e s les autres perfonnes en
» ont agi aitifi; q u i l a v u pajfer, par ce [entier, des meuniers
» rapportant de la farine avec des ânes ».
La dépofition du quatrième tém o in , porte de même , qu’à
l’égard du fentier de la terre de la Cartade, » il y a toujours
» paffêf & vu pajfer t o u t l e m o n d e qui alloit ouvenoit audit
» village de P ig ero l, en allant ou venant du côté de celui de
» Montbrun ¡fans que nul s ’y fo it oppofé».
O n lit auffi dans celle du cinquième témoin , que >> les
» a l l a n t s e t v e n a n t s de Pigerol à M em tlrun, & lieux
» y aboutiiTants , ont toujours pajfé & repajfé par ledit fentier ;
» qu’il y a même paflé des meuniers avec des ânes , en toute
» faifon de Vannée , au vu & au fç u des défendeurs , fans que
{
» périôiine s'y fo it oppofé. Les huit autres témoins fe font
.....
expliqués dé la m ê m e Tnaniere.
L e premier témoin de l’addition dê’l ’ènquête'a de plus dé*
c la ré , qu’avant le procès, "un dès vicaires de Ta" parôiiïe- de
\
Saint-Geneft, » après avoir dit la mefle dans la paroiife de
î
» P ig e r o l, fut porter le viatique à un particulier de Londée j
» que pour s ’y rendre, il paffa par le fentier dont il s'a g it, ainjî
» que t o u t e s a s u i t e ».
. Le pairage du champ de la C a r t a d e , a donc toujours été
le chemin le plus p u b lic, & fur lequel les gens du pays &
tous autres ont pafle dans tous les temps, au vu & au fç u des
parties adverfes qui ne s’y font pas oppofèes. C e tte publicité
leur étant auiïi parfaitement connue , comment ont-elles ofé
avancer au procès , * q u i l n a jam ais exijlé de fentier ni pour * Ecritures du
Guillaume B o fl Montbrun, ni pour le public j c ’eit ce qui eft
û fau x, que malgré la Sentence dont eil appel , le public
continue toujours à y paiTerj c ’eft ce que Boft Montbrun a
fubiidiairement articulé il y a quelques jours. Concluons
�16
d o n c , que le fentier du champ de la Cartade étant publie de
tout tem ps, quand l’appellant n’y auroi: pas le droit perfonnel
qui lui eft affuré par le contrat de 1692 , il a acquis irrévo
cablement d'après la Coutume d’A uvergne , l’ufage & l’exer
cice de ce p acage , qu’ainft il ne peut jamais en être
évincé.
Les intimés , hors d’état de contefter les preuves de D ro it
& de fait qui s’élevent contre leur réiiftance, n’ont de reffource que dans des propos fans application; ils fe trans
portent dans une Coutume étrangère, pour faire perdre de
vue celle d’A uvergne. Il a été ju g é , difent-ils, par plufieurs
A r r ê ts rendus dans la Coutume d’A n jo u , oîi les fervitudes
s’acquierent aufli par la prefeription, que la fervirude de
fentier ne peut être admife , ¡orfque celui qui la reclam e,
peut aller à ion champ par un autre chem in; & com me il
en exifte un le long de la terre de la C a rta d e , ce qui a été
décîH<F pour rA n jo u , doit être étendu à la province d’A u
vergne.
C ’eft aflurément ce qui n’arrivera pas, les raifons en font
fenfibles.
i ° . Les pairages que les Arrêts ont fupprimés dans la
Coutume d’Anjou , n’étoient dans l’origine que de tolé
ran ce, ainil qu’on l’a établi au procès. O n vouloit mal à
propos en abufer ; i c i , le fentier de la Cartade a toujours
été un chemin public. Pour l’interdire à tous ceux qui en
u f e n t ,il faudroit renverfer le texte formel de la C o u tu m e,
l’ufage certain du p a y s , impoferaux habitants de l ’A u v e rg n e ,
des entraves qu’ils n’ont jamais connues.
20. La différence du fol de la province d’Anjou & de celle
d’A u v e rg n e , rend déplus ces Arrêts fans application. L ’Anjou
cil un pays plat; tous les chemins en font faciles : au con
traire.
�17
traire, la haute Auvergne eft le canton de la France le plus
rempli de montagnes, auxquelles on ne peut aborder qu’avec
de grandes difficultés j tel eft le chemin qui domine fur le
champ de la Cartade, dont l’élévation peut être de cent
toifes ; on a de tout temps abrégé ces trajets longs & péni
bles , par de petits fentiers que la néceffité a fait pratiquer
dans les champs au-deifous, il peut s’en trouver plus de
mille dans le reifort de la châtellenie de Thiers : entre
prendre de les fupprimer, ce feroit porter la défolation dans
tout ce can ton , rendre le pays impraticable , s’il falloit
chaque fois traverfer ces hautes montagnes qui font cou
vertes de neiges une grande partie de l’année, lorfque ces
petits fentiers que chacun eft obligé de fouffrir furfon terrein , ne caufent a ucun p ré ju d ic e .
Il
en eft de même d’un Arrêt rendu en la premiere Cham
bre de la Cour le 26 février 1 7 5 8 , rapporté par Denifart
fur le mot Servitude, qui n’a permis de palfer dans un ch a m p ,
qu’en indemnifant le propriétaire: il s’agiffoit, dit l’arrétifte,
d’héritages fitués dans la paroifle d’id e , refort de Salers en
A u ve rg n ej o r , la Juftice de Salers eft inconnue dans la
haute A uvergne i elle peut en être éloignée de quarante
lieues; le chemin qui a fait naître cette conteftation, n’avoit
de plus été à l’ufage que d’une feule fam ille, il n’étoit pas
public comme celui de la Cartade, fur lequel tout le pays &
peux d’alentour , n’ont jamais ceiTé de paifer.
O n ne s’arrêtera pas à une autre obje& ion d’après la
quelle les intim és ont fuppofé, que des m inorités de leur
part avoient arrêté la jouiffance de trente ans qui a ete
prouvée par 1 en q u ête, parce q u ’ind ép end am m ent du droit
que le contrat de 1692 a tranfmis à Boft Montbrun, les trente
années étoient révolues lorfqu’Etienne BatiiTe leur auteur eft
C
�iS
décédé ; c ’eil ce que l’appellant a établi dans íes griefs fur
des preuves qui n’ont pu être détruites. V enons à d’autres
difficultés que la production nouyelle des intimés du 4 no
vembre 1783 a fait naître.
O n avoit dit à B oíl Montbrun, qu’un a£tedu 16 février
1 6 4 1 , énonçoit le paffage en litige , comme formant en ce
temps-là , un fentier dans le champ de la Cartade j quoique
c e fait fût indifférent après les preuves ci-deflus rapportées,
il s’en eil fait délivrer une expédition que fon procureur a
produite; comme il ne fçait ni lire ni écrire, il ignore abfolument ce qu’elle contient.
L es Intimés ont prétendu que la minute de l’a ile produit
préfentoit des ratures & des iurcharges; c’eil encore ce que
B o íl Montbrun ne peut fçavoir ; s’il s’y trouve des altéra
tions, le feul parti qu’ils euffent à prendre, devoit être, &
c e conformément à l’article 6 du titre 9 de l’Ordonnance
de 1 6 7 0 , & aux articles i er & fuivants de celle du mois de
juillet 1 7 3 7 , de faire faire à B oíl Montbrun une fommation
de déclarer s’il entendoit fe fervir de fon expédition du 20
m a rs 1 7 6 2 ; & au cas d’une réponfe affirmative de fa p a r t ,
de s’infcrire en faux contre cet a¿le ; mais au lieu de fe con
former à cette reg le , le 10 mars 1 7 8 3 , les Intimés fur une
requête non communiquée, ont furpris un Arrêt de la C o u r
qui a ordonné que les deux plus anciens notaires de la ville
de Thiers fe tranfporteroient chez le iieur Cuffon chanoine
de la ville de T h ie r s , dépofitaire de la minute de l’a£te du
20 février i ¿ 4 2 » à l’effet d’en drefler proçès-verbalj çe qui
a été fait le 24 du même mois.
�*9
C O N T R E D I T S .
\
L a procédure fu r laquelle CArrêt fu r requête du to mars ij$ 3 *
¿té obtenu, efi nulle.
Lorfque dans un p ro c è s, une piece füfpe&e de faux a été
p ro d u ite, l’Ordonnance du mois d’août 1670 porte articlé
6 , que le demandeur préfentera requête , aux fin s de faire
déclarer par le défendeur , s*il veut f e fervir de la piece
maintenue faujje.
Article 7 , le Juge ordonnera au pied de la requête , q u i
Vinfcription fera faite au greffe, & le défendeur tenu de décla
rer s’il veut fe fervir de la piece infcrite de faux ; ces difpciîtions ont été rappellées par les articles 3 8c 8 de l’Ordonnance
du mois de juillet 1737. Ces deux L o ix n’ayant indiqué que
cette p rocédu re, il n’eil pas permis de s’en créer une autre ;
celle que les intimés fe font formée , leur demande à fin de
vérification d’une piece qui n’efl: pas même arguée de faux ,
efl: nulle, parce qu’en cette matiere q u ie it de rigueur, l’Ordonnance ne permet l’examen de la minute d’un a é t e , qu’a
près que le demandeur a fourni fes moyens de faux.
D ’autres nullités infeétent la procédure antérieure & poitérieure à l’Arrêt fur requête du 10 mars 1783 j Boit Montbrun
ayant conftitué procureur fur fon a p p e l, les intimés en ayant
fait autant de leur p a r t , & leurs procédures ayant toujours
été çontradi&oires , ils ne‘ pûuvoient obtenir aucun Arrêt
que fur une demande fignifiéé de Boit Montbrun , parce qu’a
près la conftitution des procureurs, toutes les procédures qui
fe font dans les caufes , initances & p ro c è s, doivent leur'
C ij
�20
être refpeftivem ent Jîgnifiées, c ’eft ce qui fe lit aux articles
2 , 4 , 8 , du titre 11 de l’Ordonnance de 16675 cet article 8
porte q u ’après les défenfes fournies , la caufe fera pourfuivie
à l’audience fur un fimple afte figné du procureur & Jignifié\
c ’eft fur cette diipofition que devoit être réglée la procédure
abufive dont la nullité eft demandée j les intimés ayant conçu
le projet de faire vérifier la minute de l’a& e de 1 6 4 2 , la
demande devoit en être fignifiée à Boft Montbrun, puis por
tée à l’audience, pour qu’il y fût ftatué contradi&oirement ;
ils n’avoient pas le droit de furprendre de la religion de la
C o u r , un Arrêt qui n’a été rendu ni à l’audience, ni contra
dictoirement , ni par défaut j leur demande clandeftine , n’eft
donc qu’un abus intolérable & repréhenfible.
L ’article 28 du même t it r e , eft encore plus précis que les
précédens. Défendons, porte-t-il, d'avoir égard aux réponfes
à griefs & réponfes aux caufes d’a p p e l, J l elles ri ont étéjîgni-
fiées. C e t article s’applique à tous les c a s , à toutes les procé
dures auxquelles les Cours ne peuvent avoir égard, fi la ligni
fication n’en a pas été faite. L ’Arrêt à intervenir profcrira
par conféquent la requête fur laquelle l’Arrêt du 10 mars
1 7 8 3 a été furpris. La procédure antérieure à cet Arrêt eft
donc nulle, on va vo ir que celle qui y eft poftérieure l’eft
également.
L e 24 mars 1783 , les intimés ont fait fignifier à Boft
Montbrun , à fon domicile en parlant à fa perfonne , le même
Arrêt fur requête. Pour prouver que cette fignification eft
encore nulle, il iuffit de jetter les ye u x fur l’article 2 du titre
27 de la même Ordonnance : il déclare que « les Arrêts ou
» Sentences n e p o u r r o n t être fignifiés à la partie, s’ils riont
�21
» été préalablement Jîgnifiés à leur procureur, au' cas qu’il y eût
» procureur conilitué ».
C ette procédure des intimés ne préfente donc par-tout
que de continuelles tranfgreiRons de l’Ordonnance.^ Quand
cet article porte que les Arrêts ne pourront être iignifiés à
la partie , s ’ils nont été préalablement Jîgnifiés à fon procureur,
il veut par conféqu en t, que les Arrêts foient Jîgnifiés au pro
cureur; avant de l’être à la partie , ce qui n’a pas été fait de
l ’Arrêt furpris fur requête , qui n’a jamais été fignifié au pro
cureur de B oit Montbrun ; ainiî , nouvelle contravention ,
& par conféquent nouvelle nullité.
2°. Dès que l’Ordonnance établit que les Arrêts ne pour
ront être fignifiés à la partie , s'ils n'ont été préalablement
JigniJiés au procureur, elle annulle par conféquent la lignifi
cation faite à Boit Montbrun de l’Arrêt fur requête par le
défaut de JîgniJication antérieure à fon procureur j cet article
profcrit donc la fignification du même A r r ê t , ainfi que le
procès-verbal que les deux notaires de Thiers ont fait de
la minute qu’ils ont compulfée.
Vainement les intimés allégueroient-ils qu’aucun des arti
cles ci-deflus c i t é s , ne prononce la peine de nullité ; mais
fans établir ici que toute infraction à l’Ordonnance annulle
tout ce qui y eft contraire, cette nullité eit expreflement
prononcée par l’article
8 du titre premier: « D éclarons,
» porte-t-il, tous Arrêts & Jugemens qui feront donnés contre
» la difpojîtion de nos Ordonnances, Edits & Déclarations,
» nuls , & de nul effet & valeur ». Boit Montbrun en deman
dant la nullité de la procédure des intimés , reclame par
conféquent l’exécution de cette difpofition de l’Ordonnance $
c ’eit ce qui fera infailliblement prononcé, puifqu’il a en fa
�faveur le t e x t e précis des L o ix , auxquelles il n’e ft jamais
permis de porter atteinte.
Monf i eur G U E R R I E R D E R O M A G N A T , Rapporteur
M e D E C A L O N N E , A v o c a t.
M o l l i e n , Procureur.
A P A R I S , chez P. G . S i m o n , & N . H. N y o n , ,
Imprimeurs du Parlem ent, rue M ig n on , 1784.
�
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Title
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bostmontbrun, Guillaume. 1784]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Guerrier de Romagnat
de Calonne
Mollien
Subject
The topic of the resource
servitude de passage
coutume d'Auvergne
prescription acquisitive
Description
An account of the resource
Mémoire pour Guillaume Bost Montbrun, laboureur, habitant du village de Pigerol en Auvergne, appelant et demandeur ; contre Benoit Rouger, et Pétronille Batisse, sa femme ; Guillaume Batisse et consorts, couteliers et laboureurs au même lieu de Pigerol, intimés et défendeurs.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez P. G. Simon et N. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1784
1692-1784
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0623
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0622
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Glaine-Montaigut (63168)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
coutume d'Auvergne
prescription acquisitive
servitude de passage
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b3585c29f275ff21eda84af175293141
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Text
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P A R T A G E ,
U r T '^ f
P O U R G u i l l a u m e B o s t m o n t b r u n , laboureur, habitant
du village de Pigerol en Auvergne , appellant & deman
deur
C O N T R E B e n o it R o u g e r & P e t r o n ille B â tis s e ,
fa femme i G u i l l a u m e B â t i s s e & confors , couteliers
& laboureurs au même lieu de P ig ero l, intimés & défendeurs.
D E temps immémor ia l , les habitans de P igero l, ainfi que
ceux des villages v o if i n s ont paff e par un fentier qui eft
dans le champ de la Cartade appartenant aux Intimés ce
ce paffage leur fait éviter le circuit pénible d’une montagne
tres-elevee qui domine fur ce champ cette traverfe fert à
Boftmontbrun pour aller à fes terres qui en font très v oifines.
Q uoique ce fentier foi t public , & que trente années fuffifent dans la Coutume d’A u vergn e, pour acquérir les fe rv i tudes, cependant les R ouger & Batiff e ont voulu em pêcher
A
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�Bûilmontbrun d’ufer dé ce paiTage , jüfqu’au point de mal
traiter Tes enfaris ; mais par Arrêt contradi&oire rendu en la
Chambre des Vacations le 1 6 oftobre 1776 , défenfes ont
été faites aux accufés du nombre defquels étoient les Rouger
& Batiffe , de récidiver ; ils ont été condamnés folidai'rement
en dix livres de dommages & intérêts, & aux dépens.
Irrités d’avoir fubi une peine qu’ils méritoient, ils. ont
continué à priver Boftmontbrun de ce paflage , ce qui l’a
obligé de les traduire le 27 mars 17 7 7 en la Châtellenie de
>Thiers , où il a demandé à être autorifé de continuer à paiTer
u , à p ie d , comme tout le public , fur ce fentier ; que défenfes
leur^fuffent faites de l’y troubler, & d’intercepter le même
pacage aux peines de droit.
Sur cette demande que les adverfaires de Boftmontbnm
ont vivement combattue, Sentence eftintervenue en la Châ
tellenie de Thiers le 6 juin 1 7 7 8 , elle porte : « Nous, les fins
» & moyens des parties refervés, ordonnons avant faire droit,
» que ledit Boftmontbrun fera preuve devant nous dans'trois
» jours , tant par titres que par témoins, que de temps imnii» morial, & notamment trente ans avant le premier mars i j j j ,
» le fentier défigné au plan fignifié.le 1 1 mars dernier, par
» les lettres A & B , à exiflé dans la terre dpfdi.ts ïiatiffe &
» Rçuger appellée la Ca r t a d e , foit à l’endroit indiqué , foit
» plus haut ou plus bas, mais toujours dans ladite terre. , &
» aux mêmes fins. Comme auffi, que les propriétaires du village
» de Pige roi & autres, ont pajfé & rfpaffé par ledit fentier au
„ vu & au feu deJdits~Bati(Je;_& Rouge r , pour aller & pôur
>» venir audit village 1 de- R igw T ^ . foit que ladites terre dçs
>♦ Cartades/i^ enfemencée>fdit qû’ellü ne le fût pas indiftinc» tement; commeiaufli qu’il eft d'ufage dans les pays vQifins,
» quon laboure & enjemcnce Us fentier* & chcmins 9 à la fhargç
�A 3
» d’en fournir d’autres à côté, fans que le public feplaigne ; 5c
» lefdits Batifle & Rouger la preuve contraire dans le même
» délai, fi bon leur femble ».
’ Cette Sentence étant exécutoire par provifion, l’enquête
a été faite; quinze témoins qui y ont été entendus, ont dépoté
unanimement, que les allans & venans de Pigerol à Meriibruü
& autres, avoient paffé en tout temps par le fentier de lâ
Cartade au vu & au feu des Rouger & BatiiTe, fans qu’aucüh.
d'eux s3y fû t oppofé
Les parties adverfes fe voyant fur le point d’être condam
nées, ont interjetté appel de la Sentence ci-deffus tranferite}
Je procès a été porté en la SénéchauiTée de Riom; la décifion
du premier Juge étant direftement fondée fur le tette de la
Coutume , il ne parbiffoit pas qu’on pût y porter atteinte ;
cependant p#ar un’ revers dont le motif eft inconcevable , le
20 août 1 7 7 9 , les officiers de la Sénéchauflee de Riom / en
infirmant la Sentence de la Châtellenie de Thiers, ont débouté
Bjjftmontbrun- de fa demande afin de paiTage fur le fentier
dont il s’ag it, & l’ont condamné en tous les dépens.
Il n’a pas héfité à interjetter appel de cette Sentence j il
demande qu’en l’infirmant, il foit ordonné que les parties
continueront de procéder en la Châtellenie do Thiers, en
exécution de celle qui y a été rendue le 6 Juin 1 7 7 8 , Sc que
les R o u g e r, BatiiTe & confôrts foient Condamnés aux dé
pens. Le procès ayant été mis fur le bureau le y juillet,
fur le rapport qui en a été f a i t l e s opinions des Magiftrats
ont été partagées.
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O B S E R V A T I O N S . ]
Lorfqu’un droit eft fondé fur la Coutume, il eft indifpenfable d’y déférer j^elle eft la loi qui nous dirige -, on^ne peu t ,
dit du Moulin page 5 5, y rien ajouter ; quod verbis confuetudinis nih.il (it addendum. I l n ejl pas permisr dit Brodeau en fa
préface fur celle de Paris, d’éluder Ces difpo fitions ni d'y
contrevenir. Les Coutumes , obfervent les annotateurs de DupTeiîis^ page ^çz , font de droit étroit ,* enfin Dehieu', fur l’ar
ticle 256 de celle d’Amiens ,^ttefte^jue ce qui ejlprefcritpar
la Coutume doit être gardé ponBuellement.
'■
j
De-là il devient évident, qu’il eft auffi jufte que néceffaire
de fe conformer à la Coutume d’Auvergne fur le point controverfé : elle porte en l’article 2 du titre 1 7 , que tous droits
& actions, cens, rentes, s e r v i t u d e s s e p r e s c r i v e n t
e t a c q u i e r e n t par le laps & efpace de trente ans. On fait
que les Parlements régis par le Droit écrit
admettent
^ auffi les fervitudes fans titre j beaucoup de* nos Coutumes,
entr’autres celles de Laon, de Châlons, d’Amiens, de Bou
logne , d’Artois, & toutes les Coutumes de la Flandre, ont
retenu ce principe j les fervitudes y font confondues avec
les autres droits.
La Coutume d’Auvergne établiffant que les fervitudess’acquierent par trente ans, Boftmonbrun ayant foutenu dans f3
demande introdu&ive, que de tout tems & ancienneté y le fentier du champ de la Cartade fervoit au public, aux habitans
du village de Pigerol, & en particulier à lui-même. li a donc
été indifpenfable au Juge de la châtellenie de T hiers, d’ad
mettre Boftmonbrun à la preuve de ces faits j fa Sentence du
6 juin 17 7 8 , eft en tout point conforme à la Coutume., jm if-
,
�f
que fi l’enquête établit que le fentier du champ de la Carrade a été public pendant trente ans, il eil par conféquent
aiTujetti au fervice de tous ceux qui voudront y paffer * à
l’ufage de Boilmontbrun , comme à celui de tous les habitans de la contrée. C ’eil ce qu’établiront les dépofitions des
témoins entendus.dans l’enquête, quand les parties auront
été renvoyées devant le premier Juge.
Avoir entrepris, comme les intimés l’ont fait par un appel irîterjetté fans motif, d’arrêter la décifion que le Juge châtelain de
Thiers devoît rendre, c’eil avoir empêché par une voie inufitée, toujours dangereufe, & par conféquent repréhenfible,
que la juilice ne fut rendue ; le miniilere d’un premier Juge
ne peut ceiTer, qu’après une Sentence définitive j fi une pro
cédure irréguliere de la part de celui qui craint de fuccomb e r, l’empêche de la rendre, le Juge fupérieur doit lui ren
voyer la connoilïance de l’inilance ; cette réglé eil toujours
obfervée dans les tribunaux} la loi 3 0 , au digeile de judiciis ,
l’ordonne en ces termes : ubi cœptum ejl judicium : ibi finetn
accipere debet ; l’appellant doit donc avoir l’efpérance la
mieux fondée, que la Cour en infirmant la Sentence de la
fénéchauflee de R iom , renverra les parties en la Châtellenie
de Thiers , où la conteilation eil reilée indécife, & où le
titre au digeile de judiciis veut qu’elle foit jugée définiti
vement.
Il feroit par conféquent inutile de s’occuper des foibles
moyens qui font la reflource des intimés ; ce fera à eux à les
propofèr devant le Juge de T hiers, qui eil feul compétent
pour y ilatuer.
G ’eft une illufion de prétendre que le fentier du champ
de la Cartade étant public,.il ne pourroit pas être prefcriti
d’abord; parce que la difpofition des Coutumes étant géné-
�raie, le droit qu’elles attribuent de pouvoir prefcrire , s’ap
plique au public comme aux particuliers ; dès que le public
n’en eft pas excepté., comme le font certaines perfonnes , il
jouit donc du droit de. prefcrire ; fi. le public n’eil pas au
jourd’hui éri caufe, c’eft parce qu'il n’y eft pas intéreffé ,
puifque nonobftant la Sentence de la Sénéchauffée de R io m ,
il continue, comme avant, de pafler dans le champ de la
Cariade j Boftmontbrun a articulé ce fait en la Cour j comme
il eft v r a i , les intimés n’ont pas ofé le contredire. . >l "
Une autre objefoion des intimés .fur laquelle ils ont beau
coup iniifté , eft tirée de quelques Arrêts qui fuivant euît ont
limité le .texte des C outumes qui admettent la prefcription
des fervitudes, au feïïTcas de la néceflité abfôhie - iis ont oppofé- quatre Arrêts dont trois, rendus dans la Coutume d’An
jo u ; de ces trois Arrêts un feul feroit dans l’éfpece , d au
tant qu’à l’égard,des deux autres, il ne s’agiiToit pas d’un
paflage reclamé comme chemin puEÏÏc ; que d’ailleurs fui
vant les auteurs qui les rapportent, il n’étoit pas contefté
que cette poileiîion particulière, ne fût l’effet de la tolérance
Z o jt m d
& de la familiarité des propriétaires ; quant au troifieme de
ces Arrêts retidu aufïi dans la Coutume d’Anjou, dans l’efpece
UAlM^ '‘f o j duquel on fuppofe qu’il s’agiffoit d’un paffage reclamé à titre
i
de chemin public, cet Arrêt n’exifte pas, il a été impoffible
de le trouver dans le dépôt de la Cour où les minutes des
(
/¿¿w d
Arrêts fe confervent. Par rapport au quatrième Arrêt rendu
l'FU*AjÙufaj'cul CrW)J
dans la Coutume d-Auvergne , qui eft cité par Denifart ;
cette citation réunit les deux v ices des trois précédentes ,
c ’eft^H ire , qiie l’Arrêt-tel qu’il eft annoncé, n’eft pas clans
l’efoece, & que la minute ne s’en trouve pas.
Mais ürT7frrêt très-récent rendu pour la même Coutume ,
& dont l’appellant vient d’être informé , va faire connoître
�7
que fa difpoiîtion eit exactement fuivie fur la prefeription ac
tive des fervitudes ; dans cette efpece de laquelle le temps ne
permet de rapporter que les faits les plus eiîentiels, Français
Bonnet, feigneur de Charmenfac en Auvergne, reclamoit un
paffage avec chevaux & voitures par un champ devenu depuis
une cour, appartenant à Louis Bonnet, marchand à Allanchç,
il invoquoit une poiTeiïïon immémoriale qui fuivant l,e textç
de la Coutume ci-deiTus cité , lui acqueroitune ferviti}de dè
paiTage fur ce champ %après une. enquête qui prmivoitîde.fâ
part une pofTeiîion fuffifante, Sentence eii intervenue au bail
liage d’Allanche le 30 août 1775?, elle eft conçue eil ces
termes.
« Ayant égard’h ce qui réfulre des enquêtes.faites, en .exé» cution de notre Sentence interlocutoire du 22 feptembre
» 17 7 7 ,avôn? gardé & maintenu ledit François Bonner dans
» le droit & pojfejjion de pciffer & repaffer avec chars & bœufs
» poufHefervïcà 'de ^exploitation de 1fon champ de quinze fepte» rèes , dans la cour du bâtiment du domaine de Louis Bonnet &
» P atu raiy contigu, faifons défenfes audit Louis Bonnet de
» le troubler à iavenir dans Vexercice dudit droit de paffage,
» aux peines de droit, à la charge néanmoins par ledit Fran» çois Bonnet, de ne point pratiquer difterens chemins dans
» ladite cour & patural, & de prendre fon paffage par le
» même endroit, & c. »
Louis Bonnet ayant interjetté appel de cette Sentence en
la SénéchauiTée de Riom , elle y a été confirmée fur produc
tions refpeftives le 4 juillet 1780 -, le fieur Bonnet s’étant
encore pourvu en la Cour fur fon appel de ce fécond juge
ment , François Bonner y a obtenu un A rcir confirmatii^iiîà
trôifieme chambre de la Cour au rapport'de M .'Clém ènt dè
G ivry le 9 août Ji 7 8 j. ... j.. , . . . w <
^ l
�Si donc cet Arrêt rendu pour la Coutume d’Auvergne vient
de juger qu’une poffeffion de trente ans y acquiert avec c h a rs
&boeufs un droit de paffa g e dans le champ d’autrui,
confirmé une Sentence de la Sénéchauffée de Riom du 4 juillet
17 80 ; cette jurifdic ion a donc reconnu le mal jugé de celle
q u ’elle avoit rendue contre Boftmontbrun le 2 0 A0ut 1779 «
par laquelle elle l’avoit débouté de l’ufage du fentier fur le
champ de la Cartade , nouveau motif pour infirmer un Juge
ment qu’elle regrette fans doute d'avoir prononcé , & qui ne
doit pas fubfifter, dès qu’il eft auffi contraire au v oeu à l'efprit
& au texte de la coutume.
Monfieur LAMBERT D U FRESN E, Rapporteur
.
Monfieur DE BRETIGN ERES, Compartiteur,
M e DE CALO N N E, Avocat.
t
\
•
M ol l ie n , Procureur,
---------
11
1
1
A P A R I S , chez P. G. S i m o n & N. H. N y o n,
Imprimeurs du Parlement, rue Mignon, 1784.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Bostmontbrun, Guillaume. 1784]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Lambert du Fresne
de Brétignères
de Calonne
Mollien
Subject
The topic of the resource
servitude de passage
coutume d'Auvergne
Description
An account of the resource
Précis sur partage, pour Guillaume Bostmontbrun, laboureur, habitant du village de Pigerol en Auvergne, appelant et demandeur ; contre Benoît Rouger et Pétronille Batisse, sa femme ; Guillaume Batisse et consors, couteliers et laboureurs au même lieu de Pigerol, intimés et défendeurs.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Chez P. G. Simon et N. Nyon (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1784
1776-1784
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0622
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0623
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coutume d'Auvergne
servitude de passage
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MEMOIRE
AU C O N S E I L DE P R É F E C T U R E ,
POUR
Me.
P ie r r e
PAGES-MEIMAC, avocat en la
cour d’appel de Riom ;
CONTRE
Sieur E t i e n n e - A n d r é S A R R E T - SAINTC E R N IN , propriétaire, habitant de la ville
d'Aurillac.
I Ls’agit de défendre à la nouvelle pétition que le sieur
Sarret-Saint-Cernin vient de présenter ; pétition qui tendroit à enlever aux créanciers leur dernier gage, à ôter
particulièrement à l’exposant tout espoir d’être payé de
la créance la plus légitim e, puisqu’elle dérive de vente
de fonds.
—
|
1
�Les faits sont simples.
Défunt Joseph Sarret - Fabrègues , de la succession
duquel l’exposant est créancier, comme représentant
Marguerite Cambefort, veuve Pissis, avoit contracté
mariage en 174^5 avec Geneviève de Brossinhac. Le
contrat de mariage contient donation de la moitié de
leurs biens présens et à venir à celui des enfans à naître
qu’ils choisiroient.
D e ce mariage sont issus cinq enfans, Sarret-Nozières,
François-X avier Sarret-Saint-M amet , Etienne-André
Sarret-Saint-Cernin, Marianne et Geneviève.
Les quatre derniers seulement ont survécu.
En 17 7 7 , Joseph Sarret-Fabrègues se rendit adjudi
cataire des biens saisis réellement sur dame Marguerite
Cambefort, veuve Pissis, moyennant la somme de 34900 f.
Il paya partie de cette somme aux créanciers opposans,
sans la participation môme de la dame Cambefort.
En 1782, la dame Cambefort le fit assigner au ci-devant bailliage d’A u rilla c, à ce qu’il eût à rendre compte
en deniers , ou quittances valables, du prix de l’adju
dication.
L e sieur de Fabrègues présenta un com pte, d’après
lequel, déduction faite des payemens par lui faits, il se
reconnut débiteur d’une somme de 8379 francs , dont
8020 francs en capital, et le surplus pour intérêts.
Il poursuivit l’homologation de ce compte. Il obtint, la
m ê m e année 1782, une sentence par défaut, qui lui donna
acte des offres qu’il faisoit de payer la somme de 8379 fi\,
avec les intérêts qui auroient cours jusqu’au payement; et
�( 3 )
au moyen desdites offres, le congédie de la demande contre
lui formée.
La dame de Cambefort interjeta appel au parlement de
cette sentence , soutint que le sieur de Fabrègues étoit
débiteur de beaucoup p lu s, et qu’il étoit débiteur au
moins de iôooo fr. en capital; ce qui auroit aujourd’hui
doublé par le cours des intérêts.
L ’appel est demeuré indécis au parlement.
Par acte du 14 avril 17 9 1, les sieur et dame de Fabrè
gues choisirent F ran çois-X avier Sarret-Saint - M am et,
devenu l’aîné par le prédécès de Sarret - Nozières, pour
recueillir- l’effet de la donation de moitié biens présens
et_àvenir portée par leur contrat de mariage. Ils lui firent
en même temps donationdel’autre moitié de biens présens;
ils ne purent lui donner l’autre m oitié de biens à venir,
pai'ce que ce n’étoit point par contrat de mariage ;
i° . Sous la réserve de disposer, par le prémourant
d’entre e u x , d’une somme de 20000 fr. ;
20. A la charge de payer à Etienne-André Sarret-SaintGernin, p our sa légitim e, la somme de 35ooo fr. du chef
paternel, et 10000 fr. du chef maternel;
30. A la charge de payer 200000 fr. de dettes, tant
chi r ogra ph aires qu’hy po th éca i rés.
L e père commun est décédé avant la m ère, le 31 août
I792,
'
François-X avier Sarret -S ain t-M am et, donataire, a
émigré. La nation a mis le séquestre sur ses biens.
Bientôt est intervenu e la lo i du 17 nivôse an 2 , qu i
annulloit toutes les dispositions faites p ar personnes décé
dées depuis le 14 ju illet 1789. É tien n e -A n d ré Sarret , et
A 2
�(4)
ses deux sœurs, ont provoqué contre la nation le partage
par é
L ’effet rétroactif de la loi ayant été rapporté, ce par
tage a c te gnnullé par jugement du tribunal civil du
Cantal, du z 5 ventôse an 6 , à la diligence du commis
saire du pouvoir exécutif près le département du Cantal.
L e même jugement autorise ledit Sarret , confor
mément à sa demande , et conformément à la l o i , à se
retenir sur les fonds qui lui étoient échus par le partage
annullé, des fonds en payement de la légitim e, et en paye
ment de la réserve , laquelle lui a été adjugée en entier,
à l’exclusion de ses sœurs, comme celles-ci ayant renoncé,
par le contrat dé mai'iage, à la succession future du père
et de la mère.
.
En exécution de ce jugem ent, il a été procédé à un
nouveau partage; et par ce partage il lui a été expédié
en payement de la somme de 35ooo fr. , d’une part, mon
tant de la destination , et de 20000 fr. T d’autre T montant
de la ^céseuve . et des intérêts de ces sommes dûs jus
qu’alors, des fonds estimés au plus bas prix. On sait com
ment s’opéroient les partages avec la nation. On regardoit comme d’hum anité, et presque comme de justice,
d’adoucir la rigueur de la loi.
Ce partage a été homologué par arrêté de l’adminis
tration, du 21 fructidor an 6.
Étienne-André Sarret avoit en même temps soumissionné le surplus des biens_qui étoient échus à son lot
par le premier partage.
lie même arrêté du département lui eo fait vente au
p rix porté par Vestimation.
~
~ ‘
�( 5)
L e 2 thermidoran 8, arrêté qui déclare que les créances
dont les titres étaient déposés au secrétariat de l’admi
nistration du Cantal, sur l’émigré Sarret-Saint-Mamet,
sont reconnues et déclarées être en totalité àj a charge de
la nation ; qu’en~cÔnséquence $arret-Sain£Cernin ne peut
être tenu au payement de ces créances.
Cet arrêté ne pouvoit concerner que l’action person
nelle, et non l’action hypothécaire.
On connoît la loi du 9 floréal an 3 , qui a ordonné
le partage par anticipation des biens des père et mère
vivans d’émigrés.
La mère étoit vivante. Il a é té , en vertu de cette lo i,
procédé au partage de sa succession.
D u patrimoine de la mère faisoient partie les reprises
qu’elle avoit à exercer sur les Liens cle son mari. Ces re
prises ont été liquidées par un premier arrêté du 19 ger
minal an 5 , et par un second du 21 brumaire an 10 ,
modificatif du prem ier, à 33523 fr.
On n’en parle que parce que le sieur’ Sarret-SaintCernin, dans sa pétition, en fait un objet de demande
pour le tiers , comme héritier pou r un tiers de la mère;
L ’émigré Sarret est depuis rentré, et a été amnistié.
Pendant ce temps, la dame Oambefort n’a point donné
suite à sa demande; elle n’a même point déposé ses titres.
E lle est décédée en l’an 1 2 , après avoir institué l’ex
posant pour son héritier, et fait quelques legs. L ’exposant
a accepté la succession sous bénéfice d’inventaire.
C ’est ainsi que l’exposant représente la dame Cam befort.
Etant ainsi à ses droits , il a fait une insci’iptio11 au
bureau des hypothéqués sur tous les biens adjugés audit
�Etienne-André Sarret, tant pour le payement de la légi
time que pour le payement de la réserve, et générale
ment sur tous les biens dépendans de la succession dudit
Sarret père , autres que ceux vendus par la nation par
Soumission ou autrement.
tçant lu i d’autres créanciers avoient également fait
insci’ire, notamment le tuteur du mineur Roquemaurel.
Il a ensuite fait assigner ledit Sarret - Saint - Cer’nin
au tribunal d’A urillac, pour voir déclarer les héritages
par lui jouis , provenans de la succession dudit Joseph
Sarret-Fabrègues , autres que ceux par lui acquis de la
nation , affectés et hypothéqués à sa créance.
En même temps l’exposant a repris contre FrançoisX avier Sarret-Saint-Mamet, rentré dans ses droits civils,
par acte au greffe de la cour d’appel de R io m , où l’appel
étoit d évo lu , l’instance pendante au parlement.
< A rrêté de M . le préfet, du 20 fructidor an 1 3 , qui,
sur la demande hypothécaire formée contre Sarret-SaintCern in , élève* le conflit.
•
Il a été fait droit sur ce conflit par décret im périal, du
iç) octobre je.8o6 .'Ce décret statuant en même temps au
fond , déclare les héritages donnés par la nation à Sarret*
Saint-Cernin, en payement delà légitim e, francs et exempts
d’hypothèques ; mais il est décidé qu’il n’en est pas de même
de ceux pris en payement de la réserve que Sarret-SaintCei’nin ne pouvoit évidemment s’attribuer au préjudice
des créanciers.
V oici littéralement le décret.
Considérant, i°. que le conflit èst fondé, parce que, bien
qu’il s’agisse d’une action hypothécaire dont la connoissance
�C7 )
appartient de droit commun aux tribunaux, celle-ci est dirigée
sur des biens délivrés par l’arrété de l’autorité administrative, du
21 fructidor an 6 , et fondée sur une créance à raison de laquelle
il faut expliquer le sens d’un second arrêté du 21 thermidor an 8 ;
2°. Que les biens délivrés au sieur Sarret, par l’arrété du «\
21 fructidor an 6, pour sa légitime, lui ont été délivrés comme
la nation délivre les biens d’ém igrés, francs d’hypothèques ;
qt?un légitimaire pavé par elle est à l’instar de tout autre tiers
ou créancier; mais qu’il n’en est pas~ainsi^es Biens qu’elle res- )
titue aux copropriétaires et aux héritiers, qui les reprennent /
avec leurs charges, et sont tenus de les acquitter :
" J
5°. Que l’arrété du 21 thermidor an 8 a justement prononcé
que la nation, jouissant de la donation, en devoit les charges;
Notre conseil d’état entendu ,
Nous avons décrété et décrétons ce qui suit :
A r t. Ier. L’arrété du conflit, pris le 20 fructidor an i 3 , par
le préfet du département du Cantal, est confirmé.
A r t . II. T,e sieur ja rr e t-S a in t-C e rn in ne peut être tenu au \
payement d’aucune créance sur l'émigré Sarret-Saint-Mam et,
ou sur ses auteurs, si ce n’est sur les 20000 liv. de biens qui_
lui ont été délivrés en payement de la réserve contenue dansi
l’acte de donation, du 14 avril 1791, sauf auxdits créanciers à se
pourvoir vers l’autorité administrative , pour être liquidés de
leurs créances.
. Il 11e s’agissoit plus que de suivre l’eiTet de l’action hypo
thécaire sur les biens déclarés soumis à l’hypothèque. Mais
auparavant il falloit faire régler le montant de la créance,,
et faire ju g e r, avec le principal débiteur , FrançoisXavier Sarret-Saint-M amet, l’appel interjeté par la dame
Cambefoit.
Par acte du 18 févi’ier dernier, l’exposant a fait assigner
ledit Sarret-Saint-Mamet pour reprendre l’intauco de sa
p art, et voir adjuger les conclusions prjses.
�(8)
Eu cet état, Sarret-Saint-Cernin a présenté une nou
velle pétition à l’administration.
Par cette pétition , il a conclu à ce qu’il vous plaise
oi’donner qu’en exécution du décret im périal, du 19
octobre 1806, il sera procédé devant vous à la liquidation
des dettes laissées par Joseph Sarret;ce faisant, il lui soit
donné acte des offres qu’il fait de payer, à qui par vous
sera dit et ordonné, la somme de 20000 f r ., montant de
la réserve dont s’agit, avec les intérêts depuis la demande,
sous la déduction de celle de 11174 fr. 35 c ., dont il se pré
tend créancier de la succession dudit Joseph Sarret, pour le
tiers à lui revenant dans les reprises que la dame de Brossinhac, sa m ère, avoit sur les biens dudit Joseph Sarret,
liquidées par arrêté du 19 germinal an 5 , et pour raison
de quoi compensation et confusion se sont opérées de plein
droit.
C’est à cette pétition qu’on va répondre. Il ne faudra
sans doute pas de grands efforts.
D éjà, quant à la partie des conclusions , par laquelle il
demande à être autorisé à rapporter la somme de 20000 fr.
en argent, et à n’être point tenu de rapporter les fonds
même qui lui ont été donnés en payem ent, tout est ter
miné par le décret impérial.
Les termes du décret impérial ne sont point équivoques.
L e sieur Sarret-Saint-Cernin ne peut être tenu au paye
ment cf aucune créance sur Témigré Sarret-Saint-Mamet
ou sur ses auteurs, si ce n'est les 20000 liç. de biens.
Il n’est pas dit sur la somme de 20000 liv.; mais sur les
20000 liv. de biensj et comme si ce mot de biens n’étoit
pas assez clair, il est ajouté, qui lu i ont été délivrés en
�(9 )
payement de la réserve contenue dans Vacte de dona
tio n , du 14 avril 1791.
Ce sont donc les biens même qu’il doit rendre.
Il fait un singulier raisonnement. Lorsque le décret
im périal, dit-il, donne action aux créanciers de l’émigré
sur les 20000 fr. de biens délivrés en payement de la
réserve , c’est-à-dire , qu’il a entendu assujétir seulement
les biens délaissés pour les 20000 fr. au payement de cette
somme de 20000 fr. L e décret n’a pas entendu donner
aux créanciers les biens même délaissés pour le payement
des 20000 fr. de la réserve, mais seulement leur conserver
hypothèque sur ces biens, pour être payés de cette somme
de 20000'fr. ; en sorte qu’en payant la somme l’hypothèque
doit cesser; et qu’alors il se trouvera, continue-t-il, avoir
rempli le v œ u , soit de la d o n a tio n , soit du décret im
périal , q u i n’a pas voulu aggraver son sort.
Son sort est-il donc aggravé, parce que le décret im
périal l’a assujéti à rendre les fonds qu’il avoit pris en
payement de la réserve? Ne l’a-t-il pas assez favorisé, en
déclarant francs et exempts d’hypothèque les fonds à lui
délaissés en payement de la légitime ?
L e sieur Sarret n’est pas content; et parce que les fonds
qui lui ont été délivrés lui ont été délaissés au plus bas
p rix , il veut retenir cet excédant, ce bénéfice, et s’enri
chir encore aux dépens des créanciers.
C’est ainsi qu’il n’offre également les intérêts que depuis
la demande, comme si, en matière de succession, on n’étoit
pas tenu de rendre compte de tous les fruits perçus depuis
qu’on a été en jouissance; comme s’il y avoit même à cet
égai’d.à distinguer entx*e le possesseur de bonne et de mauB
�( 10 )
vaise foi; distinction qui n’a lieu que pour le possesseur
à titre particulier, et non en matière de succession, qui
est un titre universel ; comme si enfin le sieur SarretSaint-Cernin pouvoit retenir la moindre chose, profiter
en rien de la réserve, sans faire acte d’héritier ; ce qui
rendroit sa condition bien autrement désavantageuse.
C ’est ainsi qu’il demande à faire compensation de la
somme de 11174 fr* pour Ie tiers à lui revenant dans les
reprises de la mère; en sorte qu’il rendroit presque illu
soire la décision du conseil d’état.
T e l est l’effet de l’ambition qui ne connoît point de
bornes.
L e système du sieur Sarret-Saint-Cernin entraîneroit
une autre différence. La somme de 20000 fr. étant mobiliaire, se distribueroit entre tous les créanciers, même
chirographaires, au marc la livre; tandis que sur les fonds
les créanciers seront colloqués par ordre d’hypothèque et
d’ inscription; ce qui écarte encore, sans autre examen, la
prétention relativement à la somme de 11174 fr. pour
le tiers des reprises de la mère, pour laquelle créance il n’a
point inscrit.
Mais les termes du décret sont trop précis.
Ce n’est point l’hypothèque des 20000 fr. et pour par
venir au payement des 20000 f r ., que le décret a entendu
délaisser aux créanciers, ce sont les fonds même. Ce n’est
point l’hypothèque des 20000 f r ., c’est l’hypothèque de
leurs créances qu’il a entendu conserver aux créanciers,
en condamnant le sieur Sarret à restituer les fonds par
lui pris en payement.
11 s’agissoit de l’action hypothécaire formée par l’expo-
�( 11 )
sant. Si le conseil d’état avoit pensé que Sarret - SaintCernin devoit être tenu à rapporter seulement la somme de
20000 francs, il auroit débouté l’exposant de sa demande
hypothécaire, une somme mobiliaire n’étant pas suscep
tible d’hypothèque.
Il est reconnu que Sarret-Saint-Cernin s’est fait adjuger
mal à propos la réserve. En effet, la réserve , aux termes
de la loi du 18 pluviôse an 5 , fait partie de la succession;
et conçoit-on une succession, si ce n’est dettes payées ? S’il
ne s’étoit point fait adjuger la réserve, les fonds qu’il a
pris en payement seroient dans la succession ; les créan
ciers se veDgeroient sur ces fonds. Il faut donc au moins
qu’il rende les fonds, qu’il remette les choses au même
état ; heui’eux encore d’en être quitte à ce prix.
E n fin , s’il pou vo it y a v o ir du d o u te , ce seroitau conseil
d’état seul qu’il appartiendroit d ’exp liq u er sa décision.
C’est aussi inconsidérément que le sieur Sarret a conclut
à ce qu’il vous plaise ordonner qu’en exécution dudit
d écret, il sera procédé devant vous à la liquidation de
dettes laissées par défunt Joseph Sarret-Fabrègues,et qu’il
a demandé acte des offres qu’il fait de payer à qui par vous
sera dit et ordonné.
Qu’il soit permis d’observer que l’administration est
encore incompétente à cet égard, le séquestre national
ayant cessé par le retour et l’amnistie de l’émigré SarretSaint-Mamet.
A u m oyen de cette am nistie, la nation n’a directem ent
ni indirectem ent aucun droit au x biens que le sieur SarretSaint-Cernin a été condam né h restituer aux créanciers.
La nation est aussi étrangère à ccs biens qu ’à tous autres
B 2
�( ** )
biens non vendus ni aliénés, qui', aux termes du;sénatus^
consulte, doivent être rendus à l’émigré. Ce n’est point
à la nation que le sieur Etienne-André Sarret est: con
damné à rendre les fonds qu’il a pris en payement de la
réserve, c’est aux créanciers ; et c’est ce qui résulte encore
des termes du second considérant, où après avoir déclaré
francs et exempts d’hypothèque les fonds délivrés p a rla
nation en payement de la légitim e, il est dit qu’il n’en
est'pas de même des biens
restitue aux coproprié
taires et auxhéritiers qui les représentent, avec leur charge.
Ces m ots, que la nation restitue, prouvent bien qu’ellq
n’y a aucun droit.
L e décret déclare francs et exempts de toute hypothèque
les biens délivrés en payement de la légitime. Il est ajouté
qu’ il n’en doit pas être de même de ceux donnés en paye
ment de la réserve ; ceux-ci demeurent assujétis à l’hy
pothèque. Les créanciers doivent donc être colloqués par
ordre d’hypothèque. O r , est-il un exemple d’un ordre
poursuivi administrativement.
Il suiïit encore de se fixer sur les termes du premier
considérant.
« Considérant, est-il d it, que le conflit est fondé, parce’
que bien qu’il s’agisse d’une action hypothécaire, dont
la connoissance appartient de droit commun aux tribu
n a u x , celle-ci est dirigée sur des biens délivrés par l’ar
rêté de l’autorité administrative, du 2 fructidor an-6, et.
fo n d é e sur une créance, à raison de laquelle il faut expli
quer le sens d’un second arrêté du 21 thermidor an 8. »
Il est donc consacré en principe que l’action hypothé
caire , et les suites de cette action, appartiennent de droit
�C *3 )
aux tribunaux. Mais le conseil dTétat a' pensé que dans
l’espèce, à liaison des arrêtés pris par l’administration, il
y avoit une démarcation. Cette distinction a été faite: on
a affranchi de l’hypothèque, et de toute recherche de la
part des créanciers, les fonds donnés en payement de la
légitim e, et l’on a laissé assujétis à l’hypothèque les fonds
donnés en payement de la réserve.
La démarcation faite, tout rentre dans le di’oit commun.
Il y a une autre raison. L ’exposant a attaqué SaintCernin hypothécairement ; il l’a attaqué comme détenteur
de fonds affectés à sa créance. L e débiteur principal est
X avier Sarret-Saint-Mamet, donataire : c’est sans doute
avec le débiteur principal que la créance doit être li
quidée. Sarret-Saint-Mamet ayant été amnistié, dira-t-on
que c’est avec la nation que la créance doit être liq uidée ?
N o n , sans d o u te ; la nation ne le représente plus : c’est
avec l’émigi'é q u i, au moyen de l’amnistie, doit être con
sidéré comme non émigré ; et on ne prétendra sans doute
pas que l’émigré doive être cité devant l’autorité admi
nistrative. L ’émigré rentré; dans la classe des autres ci
toyens doit être c ité , comme les autres citoyens, devant
les tribunaux, et il l’a été en effet.
L ’exposant a cité Saint-Mamet en la cour d’appel de
R iom , où l’instance est encore pendante.
Il y auroit donc conilit de juridiction.
On se fondera sans doute sur ce qu’après ces mots, si ce
i f est sur les 20000 liv. de biens q u i ont été délivrés en>
payement de la réserve, il est ajouté, s a u f aux créanciers■
à se pourvoir vers Vautorité administrative pour être
liquidés de leurs créances. Mais cela ne peut s’entendre
�( T4 )
évidemment que s a u f en cas à'insuffisance des biens
restitués à la masse des créanciers ; ce qui s’accorde
avec le troisième considérant, portant que Varrêté du
21 thermidor an 8 a justement prononcé que la nation
jouissant de la donation, en déçoit les charges. Ce n’est
que de cette manière que le décret peut être entendu, et
qu’on peut en concilier les dispositions avec les principes
qu’il consacre.
L e mot s a u f n’est point un terme d’injonction ; c’est
comme s’il étoit d it , sous réserve , sans préjudice aux
créanciers de se pourvoir vers l’autorité administrative.
Si on l’avoit entendu différemment ; si l’on avoit entendu
que la liquidation dût être poursuivie absolument h l’ad
ministration, le décret seroit conçu en termes impératifs.
Il auroit été dit : E n conséquence, ordonne, etc.
Il n’est pas dit pour faire liquider leurs créances, mais
pour être liquidés de leurs créances ,• c’est-à-dire, payés
par la nation ; ce qui est une suite du troisième consi
dérant, qui porte que l’arrêté du 21 thermidor an 8 a
justement pi’ononcé que la nation jouissant de la donation
en de voit les charges.
L ’action du créancier contre la nation n’est pas un obs
tacle y ce qu’il agisse d’ailleurs contre tous ceux qui sont
tenus, ou hypothécairement, ou solidairement de la dette.
C ’est ce qui résulte de l’article 11 de l’arrêté du gouver
nement , du 3 floréal an 11 , qui a été om is, on ne sait
com ment, dans le bulletin des lo is, mais qui se trouve,
avec l’instruction du ministre des finances, dans les ins
tructions générales sur l’enregistrement, an 1 1 , n°. 146,
page 122, tome 2.
�( 15 )
Cet article porte : a T out créancier d’émigré rayé , éli
te miné ou amnistié, qui voudra exercer ses droits contre
« son débiteur, pourra, réclamer ses titres s’il les avoit
« déposés ; ils lui seront rendus , à moins qu’il n’ait donné
« quittance, et reçu son titre de liquidation définitive. »
C ’est ce qui résulte encore des arrêts de la cour de cas
sation, l’un du 14 nivôse an 10 , rapporté au journal de
Sirey, et l’autre du 5 nivôse an 1 3 , rapporté au journal
de Denevers.
Et en effet le créancier, en déposant ses titres, n’a pas
entendu se nuire et se p river, soit de l’action hypothé
caire contre les détenteurs de biens affectés à sa créance,
soit de l’action solidaire, s’il y a plusieurs débiteurs. Et
en même tem ps, en poursuivant ceux-ci, il ne renonce
point à l’action qu’il peut a v o ir contre la nation, s’il a
déposé ses titres.
Et voilà pourquoi le décret ajoute, sauf aux créanciers
à se pouvoir vers l’autorité administrative pour être li
quidés de leurs créances, c’est-à-dire, en cas d’insuffisance
des biens que le sieur Sarret est condamné à restituer, si
d’ailleurs ils se sont conformés aux lois pour avoir recours
contre la nation, s’ils ont déposé leurs titres.
Et comment concilier ¡’interprétation qu’on voudroit
donner à cette dernière partie du décret, avec le principe
consacré par le second considérant, et parles arrêtés du
gouvernement, que la nation est étrangère aux biens que
Sarret est condamné à restituer aux créanciers, et que
la nation elle-même restitue ? Si elle y est étrangère, elle
n’a point a s’occuper de ce qu’ils deviennent, ni à s’oc
cuper des actions qu’on exerce sur ces biens.
�Ci 6 )
A u surplus, l’exposant a cru devoir prendre des con
clusions à toutes fins.
C O N C L U S IO N S .
A ce qu’il vous plaise, attendu que litige sur le conflit,
par rapport à l’autorité administrative, a été terminé par
le décret impérial du 19 octobre 1806;
Attendu que l’émisrré Sarret-Saint-Mameta été amnistié ;
Attendu qu’au moyen de ladite amnistie la nation n’a
aucun droit directement ni indirectement aux biens que
ledit Sarret-Saint-Cernin a été condamné à restituer ;
Attendu que l’exposant ne demande et ne peut rien de
mander à la nation ;
Attendu d’ailleurs qu’il s’agit d’action hypothécaire,
q u i, de droit com mun, appartient aux tribunaux;
Attendu qu’il ne peut même résulter aucune garantie
contre la nation , pour raison des biens que le sieur Sarret
s’étoit fait adjuger indûment et qu’il a été condamné à
restituer et rapporter aux créanciers ;
Attendu que les termes du décret, sauf aux créanciers
à se pourvoir vers l’autorité administrative pour être
liquidés de leurs créances, ne peut s’entendre qu’en cas
d’insuffisance des biens à restituer par ledit Sarret-SaintCernin ;
Attendu que l’interprétation qu’on voudroit donner à
cette partie du décret implique avec les principes même
consacrés par les considérans du décret;
Attendu que l’exposant n’a assigné Sarret-Saint-Cernin
qu’hypothécairement, comme détenteur de fonds-aifectés
à sa créance ;
�( *7 )
Que la liquidation de la créance de l’exposant doit se
faire avec le débiteur principal ;
Attendu que l’exposant est en instance en la cour d’appel
de R io m , avec Sarret-Saint-M am et, débiteur principal,
rentré par l’amnistie dans tous ses droits civils;
Que l’exposant n’a pu agir que devant les tribunaux
contre ledit Sarret-Saint-Mamet ;
Renvoyer les parties devant les tribunaux.
E t où vous croiriez devoir faire droit sur la pétition
dudit Sarret-Saint-Gernin , en ce cas, mais très-subsidiairement seulement, ordonner q u e , conformément au
décret im périal, ledit Etienne-André Sarret sera tenu de
rapporter les fonds qui lui ont été délivrés en payemen
de la réserve, soit en payement du capital, soit en paye
ment des intérêts d’icelle ayant eu cours jusqu’a lo r s , et
non pas seulem ent la som m e de 20000 fr. , pour lesdits
héritages être vendus , et le prix distribué aux créanciers
légalement inscrits, suivant l’ordre de leur inscription ; le
condamner à rapporter également les jouissances d’iceux,
à compter du jour qu’il en a été envoyé en possession,
même en vertu du premier partage fait en exécution de
la loi du 17 nivôse, ledit Sarret-Saint-Gernin ne pouvant
retenir ces fruits, même en vertu du premier partage,
sans faire acte d’h éritier, auquel cas il seroit tenu per
sonnellement de toutes les dettes ; ce qui rendroit sa posi
tion encore plus désavantageuse ;
Débouter ledit Sarret de sa demande tendante à re
tenir sur ladite somme de 20000 fr. celle de 11174 &*•
dont il se prétend créancier delà succession dudit Joseph
Sarret-Fabrègues, pour le tiers à lui revenant dans les
G
�(i8)
reprises de la dame Brossinhac , sa m ère, sur les biens
de son m ari, comme la compensation s’en étant, suivant
lui, opérée de plein d ro it, i° . parce qu’étant débiteur
de fonds, il ne peut être question de compensation , la
compensation ne pouvant s’opéi*er qu’entre dettes demême
nature; 2°. parce qu’étant débiteur de fonds, la collocation
doit se faire entre les créanciers hypothécaires légalement
inscrits , et suivant l’ordre de leur inscription, et que ledit
Sarret-Saint-Cei’nin n’a point fait d’inscription pour cette
créance.
En ce qui concerne la liquidation de la créance de l’ex
posant , attendu que ses titres sont encore engagés au con
seil d’état ;
A tten d u , si on objectoit que l’exposant a encouru la
déchéance faute d’avoir déposé dans le temps ses titres à
l’administration, qu’il est reconnu que la déchéance n’a
lieu que dans l’intérêt de la nation ;
Que c’est ce qui a été jugé par plusieurs arrêts et déci
sions de la cour de cassation et du conseil d’état, notam
ment dans l’affaire de Brodelet, acquéreur de l’ex-prince
de Conti, attaqué aussi hypothécairement;
Que le conseil d’état l’a préjugé dans la cause même ;
qu’Etienne-André Sarret-Saint-Cernin n’avoit pas manqué
d’opposer ce moyen ; que l’exposant, dans son mémoire,
page 16 , avoit été lui-même au-devant de l’objection j
Que si le conseil d’état avoit pensé que la déchéance
étoit encourue, il auroit débouté purement et simplement
l’exposant de sa demande hypothécaire ;
Qu’au lieu de rela, il a déclaré sujets à hypothèque des
créanciers indistinctement, et sans en exclure l’exposant,
les fonds pris en payement de la réserve j
�( 19 )
Que l’exposant n’est point en discussion avec la nation;
Qu’il se venge sur des biens sur lesquels la nation n’a
aucun droit, qu'elle restitue au x copropriétaires ou aux
héritiers, avec leurs charges. ( Termes du décret. )
Attendu cependant que l’exposant n’a point en ce mo
ment ses papiers en son pouvoir ; que l’exposant ne vient
que d’être instruit de la pétition présentée par ledit SarretSaint-Cernin
Accorder à l’exposant un délai suffisant pour faire venir
ses titres.
P A G È S - M E I M A C , avocat.
A R IO M , de l' imprimerie de L andrio t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1807.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Pagès-Meimac, Pierre. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meimac
Subject
The topic of the resource
émigrés
hypothèques
créanciers
successions
créances
Description
An account of the resource
Mémoire au Conseil de préfecture pour maître Pierre Pagès-Meimac, avocat en la cour d'appel de Riom ; contre sieur Etienne-André Sarret-Saint-Cernin, propriétaire, habitant de la ville de d'Aurillac.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1777-1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
19 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0621
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0733
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Créances
créanciers
émigrés
hypothèques
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53880/BCU_Factums_M0620.pdf
2f5bc7f79b97dee109d05a2f8d9982d9
PDF Text
Text
CONSULTATION.
L e CONSEIL S O U S S IG N E ,q
7 ui a lu un mémoire à consulter,
pour le sieur P u r a y , ex-notaire à la résidence de R io m ,
E s t d ’ a v i s que plusieurs des différentes questions que ren
ferme le mémoire rentrant les unes dans les autres , il est inutile
de répondre à toutes ; qu’en les classant comme elles doivent
l’étre, on peut les réduire à trois, et que c ’est à ces trois ques
tions qu’il s’agit de répondre successivement.
Et d’abord, sur la prem ière, qui est en même temps la plus
importante de toutes, celle de savoir si un homme qui n’est pas
commerçant, et entr’autres un notaire qui tombe dans l’insol
vabilité, peut être regardé comme en état de déconfiture, ou
s i, au contraire, on a la faculté de l’envisager comme f a i l li ,
et lui appliquer toutes les dispositions du Code de com m erce,
relatives aux faillites et aux banqueroutes, il ne faut que con
sulter les principes les plus ordinaires pour la décider.
Il y a même , sur cette question, un premier point de vue
d’ordre public, qui suffiroit seul, en quelque sorte, pour se
fixer sur l’opinion qu’on doit en prendre, et en déterminer le
résultat.
En général, en e f f e t , on ne peut pas confondre les juridic
tions ;
On ne peut pas déplacer les limites qui les séparent;
O n ne peut pas surtout confondre des législations différentes.
La législation du commerce est une législation d ’e x c e p t io n ,
une législation qui n’est faite que pour un seul état de la société,
et qui a ses principes déterminés et ses règles particulières.
La législation de la déconfiture, au contraire, embrasse, par
son étendue, tous les individus et tous les états ; elle tient à la
i
A
�( * ) _
législation civile générale; elle participe aux principes généraux
de cette législation, et ce sont ces principes même qui font ses
règles.
On ne peut donc pas amalgamer ces deux législations , qui
ne sont pas de la même nature, et qui n’ont pas eu pour but
de produire les mêmes effets.
L ’ordre public s’oppose à une association de ce genre.
IVIais il s’ y oppose même par une autre considération extrê
mement importante.
La législation du commerce est, sous beaucoup de rapports,
une législation pénale»
Le législateur a eu pour objet de conserver parmi les comm erçans, et dans l’intérêt même du com m erce, qui s’exerce
toujours avec une sorte d’abandon et sans la précaution des
sûretés ou des titres , les principes de l’honneur, l’habitude de
la bonne f o i , la sincérité des relations, la fidélité de la con
fiance; et, pour y parvenir avec plus de facilité et p'ius d’effi
cacité, il a prononcé des peines sévères contre tous les délits
relatifs à leur profession, que les commerçans pourroient se
permettre.
/
Mais ces peines, le législateur ne les a prononcées que contre’
les commerçans; il ne les a point étendues aux autres individus
de la société; il ne les a point appliquées aux autres étais : c ’est
le commerce seul qui en a été le motif, l’occasion et le but,
et c ’est dans les personnes qui y sont livrées exclusivement que
la loi elle-même les a concentrées.
O r , le premier de tous les principes, c’est que les peines en
général ne reçoivent pas d’extension; et quand il y en a en par
ticulier de déterminées par la loi comte les abus d’une telle
p r o f e s s i o n , il est encore moins permis d’appliquer ces peines
à des professions qui n’ont rien de commun avec elle.
Ce seroit sortir de 1ordre naturel des choses, et mêler ensem
ble des formes qui n’ont pas de cohérence entr’elles, et qui doi
vent toujours rester separees»
�(3 )
D e quel droit, en effet, poursuivroit-on par exemple, en
banqueroute frauduleuse, un notaire qui seroit devenu insol
va b le, com m e on poursnivroit un commerçant?
La loi n’a point assujetti les notaires, pas plus que tout autre
particulier, à ce genre de poursuites.
Elle n’a eu en vue que les commerçans.
Elle n’y a soumis qu’eux.
Toutes ses dispositions n’ont qu’eux pour objet.
Le notaire a lui-même ses peines à part.
Il a les abus de sa profession ; il a ses manquemens à la
discipline ; il a ses faits de charge.
Des peines sagement graduées ont été infligées par la loi,
contre tous ces délits; et si, par événement, le notaire a com
mis des fautes encore plus graves ; s’il a trompé ses créanciers ;
s’ il s’est permis envers eux des fraudes plus ou moins coupa
bles, il est frappé alors des mêmes peines que tous les autres
citoyens , et ces peines sont conformes au genre de fraudes
qu’il a pu commettre.
Mais , dans tous les cas , ce ne sont pas les peines prononcées
contre les commerçans , qui peuvent l’atteindre. Ces peines
n’ont pas été prononcées contre lu i; la loi ne l’a point prévenu
q u ’ i l les subirait, si dans l’exercice de sa profession il commettoit des délits qui se rapprochassent de la nature de ceux que
peuvent commettre les commerçans ; il ne peut donc pas en
être l’objet, même sous ce rapport, et l’application qu’on se
permettrait de lui en fa ire , blesserait toutes les idées reçues
en jurisprudence, et seroit absolument contraire à l’ordre public.
Nous avons donc eu tout à l’heure raison d’observer qu’il
6uffiroit de ce point de vue général, de la différence des légis• lations commerciale et civ ile , pour être autorisés à décider
qu un notaire peut bien tomber en déconfiture, quand il devient
insolvable ; mais qu’il n’ust pas constitué pour cela en état de
faillite , et qu on n’a pas le droit de lui appliquer les régies que
A a
�(
4
)
le Code de commerce a créées pour les faillites, et qu’il nfa;
créées que pour elles.
Mais , si nous voulons maintenant descendre dans l’examen
des principes ordinaires de la faillite et de la déconfiture , il est
bien facile de se convaincre que la déconfiture ne peut regarder
que le particulier, et que la faillite ne peut regarder elle-même
que le commerçant.
D ’abord il faut prendre garde que ce n’est en effet qu’au com
merçant, que le Code de commerce applique l’état de faillite.
« Tout com merçant, dit l’article 437 de ce C od e, qui cesse
« ses payemens, est en état de fa illite. »
Il fautdonc, pour tomber en état de faillite, d’après cetarticle,
deux choses principales et réunies : i°. être commerçant, c ’est-à-
dire, exercer la profession de commerçant; 20. être dans l’ha
bitude journalière de faire des payemens , suivant l’usage du
commerce , et cesser tout à coup ses payemens.
Tout individu qui n’est pas commerçant, tous ceux qui exer
cent dans la société une autre profession que celle-là , un magis
trat, un avocat, un notaire, un avoué, un particulier même
sans profession, ne peuvent donc pas tomber en état de faillite.
Ils peuvent b ie n , sans doute, devenir insolvables, mais ils
ne sont pas pour cela en faillite; ils tombent alors dans ce que
la loi appelle déconfiture.
On ne peut donc pas leur appliquer les régies que le Code
de commerce n’a établies que pour les faillis ; on ne peut leur
appliquer que celles qui ont déterminé les effets de la décon
fiture, et que le Code Napoléon lui-même a tracées.
Il est bien vrai (ju’il y a quelqu’analogie entre certains effets
de la déconfiture et certains effets de la faillite, et que sous
ce rapport le Code Napoléon les place quelquefois sur la même,
ligne, et les nomme ensemble.
Par e x e m p l e , la déconfiture dissouÇ une société, comme la
faillite; comme elle } elle ne permet pas au débiteur de pré-
�(
5
)
tendre au bénéfice du terme qui lui nvoit été accordé par son
créancier ; comme elle en core, elle rend exigible même lo
capital d’une rente perpétuelle; comme elle aussi, elle donne
aux créanciers la faculté d’exercer les droits de la femme com
mune , et quelques autres effets semblables , que le Code dé
clare en se servant des termes en cas de fa illite ou de décon
fiture (1).
Mais ces dispositions du Code ne doivent pas étonner.
Il auroit été difficile qu’il ne s’établit pas quelques ressem
blances entre la situation d'un commerçant qui a cessé ses
payemens, et celle d’un particulier qui est devenu insolvable.
Cette situation, au fond, étant la même, c ’est-à-dire, tenant
de la part de l’un et de l’autre à l’impossibilité de satisfaire ses
créanciers, elle doit nécessairement, à l'égard de tous deux,
entraîner certaines suites qui soient les mêmes aussi.
Ce sont les résultats d’une même cause.
Mais il n’y en a p a s m o i n s u n e g r a n d e différence entre les
mesures que le Code de commerce prescrit contre les faillis,
et celles que la loi civile détermine contre la déconfiture.
C ’est une remarque extrêmement juste, que fait M . Locré,
dans son Esprit du Code de commerce.
« La iaillite, dit-il, soumet celui qui l’encourt à la juridic« tion commerciale, et à toutes les mesures prescrites par le
« Code contre le failli.
« La déconfiture , au contraire , laisse le débiteur devenu
a insolvable sous l’empire du droit commun, quant à sa pér
it sonne et quant à ses biens , et sous la juridiction des tri« bunaux civils (2). »
Nous concevons bien , sans doute , qu’un particulier , un
notaire entr’autres, peut faire quelques actes de commerce,
tout en exerçant assidûment la profession à laquelle il est livré.
( 1) Voyez les articles i 8 G 5 , i g i 3 , n 8 8 , e t c . , etc,
.
(a) Tome 5 , P‘'gu 20
�Nous concevons même qu’il soit soum is, pour l’exécution
de ces actes, à la juridiction des tribunaux de commerce; il
ne peut pas y avoir à cet égard de difficulté.
Mais parce qu’un notaire fera des actes de co m m erce, il ne
sera pas pour cela commerçant.
La loi elle-méme ne déclare commerçans que ceux qui exer
cent des actes cle commerce, et eu fo n t leur profession habi
tuelle (1).
La profession de notaire excluant nécessairement celle de
commerçant, le notaire qui exerce sa profession, ne peut donc
p a s , malgré qu’il fasse même des actes de com m erce, être
regardé comme un comm erçant, puisque ces actes de com
merce ne sont pas sa profession habituelle.
Et si on ne peut pas le regarder comme un com m erçant,
on ne peut donc pas non plus , lorsqu’il devient insolvable,
l ’envisager comme tombé en faillite; car on a vu tout à l’heure
que la loi disoit qu’il ne pouvoit y avoir de faillis que les com-v
mercans.
Nous prions d’ailleurs qu’on observe que le Code de com
merce lui-méme a mis un grand soin à fixer la démarcation de
la juridiction des tribunaux qu’il établissoit.
Il a bien voulu que les tribunaux de commerce connussent
non-seulement de toutes les contestations relatives aux engagemens entre négocians ou banquiers, mais encore entre toutes
personnes, des contestations relatives a u x actes de commerce (2); ce qui suppose déjà que ceux qui ne sont pas commer
çans peuvent iaire cependant des actes de commerce, sans de
venir pour cela commerçans aux yeux de la loi ; mais en môme
temps il a voulu que les individus qui contracteroient par billets
à ordre, mais qui ne seroient pas négocions, et qui ne con-
( i ) C od e de c o m m e r c e , a rtic le i<?r,
(a) A rtic le G 3 i.
�(
7
)
îracteroient pas ces billets pour des opérations de commerce y
ne fussent pas soumis à la juridiction commerciale (1).
Il a également voulu que dans le cas même où des individu»
non négocians auroient signé avec des négocians des billets à
ordre, pour d’autres opérations que des opérations de commerce,
le tribunal de commerce n’eût pas le droit de-prononcer contre
eux la contrainte par co rp s, comme il l’avoit contre les indi
vidus négocians (2).
On voit par ces nuances, pour ainsi dire, délicates de la loi,
avec quelle exactitude elle veut qu’on observe les limites des
juridictions, et jusqu’à quel point elle respecte elle-même les
droits des citoyens qui y sont soumis.
Il résulte donc évidemment de ces précautions même de lac
l o i , que ce seroit aller absolument contre son intention , que
de dénaturer les principes relatifs à la juridiction commerciale,
et de confondre cette juridiction avec la juridiction civile.
A insi un notaire, par cela m êm e q u ’il est notaire, ne faisant
pas profession h abitu elle des actes de commerce , n’est pas
commerçant aux yeux de la loi. ,
S’il n’est pas commerçant, il ne peut pas tomber en faillite.
S’il ne peut pas tomber en faillite, il n’est pas justiciable du
tribunal de com m erce, sous ce rapport.
, Il est bien justiciable de ce tribunal, sous le rapport des
actes qu’il peut faire , et relativement à leur exécution ; mais
lors même qu’il devient insolvable , il n’est pas justiciable du
tribunal de commerce comme failli , puisqu’il 11e peut pas y
avoir de faillite pour lui, mais seulement déconfiture ; il est
alors justiciable des tribunaux ordinaires, comme déconfit.
C ’est aussi l’observation que fait M. Locté.
cc Que décider , d it-il, dans le cas où un particulier ayant
« fait des actes de commerce, ne peut pas payer les engage« mens qui en sont la suite ?
(1 ) Article
( 2) A rtic le 637-,
�(
8
)
« Il est certain que ce particulier devient justiciable des tri« bunaux de commerce, quant à l’exécution de ses engagemens;
« mais puisqu’il n’est pas commerçant, la disposition, de Var
ie. ticle 407 statue q u 'il se trouve en déconfiture , et non en
« fa illite (1). »
Telle est également la jurisprudence.
A la vérité, nous devons commencer par avouer qu’il existe
un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles, qui a jugé contre le
président d’un tribunal civil, devenu insolvable, qu’il pouvoit
être réputé en état de f a i l li t e , quoiqu’il n’eût même pas l'ait
d’actes de commeice; et qu’en conséquence il n’avoit pas pu,
à compter de la manifestation de son insolvabilité, donner sur
ses biens d’hypothèque valable , comme un négociant ne le
peut pas à compter de l’ouverture de sa faillite; mais ce sys
tème a été proscrit par la Cour de cassation, dans l’affaire du
sieur L o ch e, qui lui-même avoit été commerçant, mais qui
avoit cessé de l’être lorsque l’afiaire avoit pris naissance.
L e sieur Loche , retiré du co m m erce, étoit devenu insol
vable.
Une saisie réelle avoit été jetée sur ses biens, le 4 ’v endé
miaire an 6 , après refus de payement de sa part.
Ses créanciers, postérieurement à cette saisie, et sous l’em
pire de la loi du 11 brumaire an y , prirent une inscription
sur ses biens.
, La femme du sieur Loche prétendit, contre ses créanciers,
que leurs inscriptions étoient nulles, sous le prétexte, d’une
part, que le sieur Loche avoit été négociant, et de l’autre,
que la saisie réelle occasionnée par l'insolvabilité étoit nn obs-?
tacle légitime ù ces inscriptions.
Cette prétention de la femme Loche fut accueillie par un
prrêt de la. Cour _d appel de M ontpellier, du 21 thermidor an
an 9; mais sur le pourvoi en cassation, et cc attendu que Jean
(i) Tome 5 , pages 20 et ai.
cc Lochs
�( 9)
Loche n’cbant plus dans le commerce à l ’èpoquc du 4 ven
dèmiaire an 6 , la saisie réelle alors apposée sur ses biens
( et a n n u l l é e depuis au mois de frimaire an 8 ) , n étoit pas
capable de le constituer en état de fa illite , ‘et par là 'même
de rendre sans effet les inscriptions faites sur ses biens pos^
térieurement à cette date, « cet arrêt fut cassé.
La Cour de cassation a donc bien consacré ce principe ,
qu’il ne pouvoit pas y avoir de faillite pour celui qui n’étoit
pas commerçant, qu’il ne pouvoit y avoir que de la déconfiture,
et que la déconfiture n’étoit pas regardée par la loi comme la
faillite.
Ce même principe a été consacré aussi par la Cour d’appel
de Paris, par arrêt du 12 fructidor an xx, et même en faveur
d’un notaire.
On accusoit le sieur L eroi , qui étoit ce notaire , d’avoir
souscrit frauduleusement une obligation de 20,000 francs au
profit du sieur JRondoulct; et le s créanciers du sieur L ero i
demandoient la nullité de l’inscription qu’il avoit prise en vertu
de cette obligation, comme faite sur les biens d’un failli de
puis sa faillite.
Le tribunal civil de Versailles avoit, par jugement du 9 fr u c
tid o r an xo, adopté ce système des créanciers, et annullé l’ins
cription du sieur Rondoulet.
Mais par arrêt du 1 ‘¿ .fructidor an 1 1 , « attendu, entr’autres
« motifs, qu’ un notaire n’est ni un négociant, ni un banquier,
« dont la déconfiture puisse prendre le caractère de faillite,
« et être constatée par une cessation publique de payement ;
« A tten du que Leroi étoit en plein exercice de son état de
« notaire à l’époque de l’obligation souscrite en faveur de
« Hondoulet, qu’il n’a jamais été suspendu de ses fonctions, »
Je jugement du tribunal de Versailles fut infirmé, et l’inscrip
tion maintenue.
I l y a eu aussi un arrêt semblable r e l a t i v e m e n t à un receyeur.
£
cc
te
«
ce
«
«
�(;i°)
. II y en a tin également rendu par la Cour impériale de Bor
deaux, il n’y a que quelques mois, en faveur d’un ancien ma*
gistrat.
En, un mot, il existe aujourd’hui à cçt égard un© véritable
jurisprudence, et ce principe n’est plus équivoque.
Il faut donc répondre à la première question proposée dans
le mémoire, que le notaire P uray ne peut pas être regardé
comme un commerçant; qu’à ce titre, malgré l’état d’insolva
bilité ou dè déconfiture dans lequel il est tombé , on ne peut
pas supposer qu’il soit tombé en faillite ; et que par conséquent
les dispositions du Code de commerce relatives aux faillites,
ne peuvent pas lui être appliquées.
Sur la seconde question, celle de savoir si, d’après les cir
constances énoncées dans le mémoire, on peut dire que ce
notaire a fait des actes de comm erce, et s i, en supposant
qu’il ait fait des actes de commerce, on peut le regarder comme
im négociant, les principes que nous venons de développer sur
la première question contiennent d’avance la décision de celle-ci.
Par cela seul, en e f f e t , que le notaire dont s’agit n’a pas cessé
d’être notaire, qu’il ne s’est pas fait commerçant, qu’il n’a
jamais pris de patente, qu’il a toujours; continué l’exercice de
sa profession avec une grande assiduité , et qu’il y a même joui
de la confiance publique , il est bien évident que lors mêmeque, tout en exerçant sa profession , il auroit fait des actes de
commerce , il ne seroit pas pour cela devenu commerçant.
Nous avons observé tout à l’heure que la loi elle-même supposoit à l’article 6 5 i , que d’autres personnes que dos commerçans pouvoient faire des actes de commerce ; il résulte donc
de là qu’on n’est pas nécessairement commerçant, parce qu’on
a fait des actes de commerce ( 1 ) .
. ‘
( i ) « O n p e u t fa ire des actes de co m m e rc e , d it aussi M . h o crè , sans Æ trc
« c o m m e r ç a n t, e t o n d ev ién t p o u r ces a c t e s ,
ju sticia b le d e la ju r id ic tio n ’
« co m m e rcia le j ixiais Oü n ’est c o m m e rç a n t <juc iju a n d o n fa it du c o m m e r c e
�( 11 0
Dans tous les temps il s’est trouvé quelques individus qui
ont mêlé des actes de commerce à l’exercice de leur profes
sion , et qui, à l’occasion de ces actes de commerce, ont
souscrit des engagemens commerciaux.
II s’en trouve encore aujourd’hui, comme il s’en est trouvé
sous l’ancien régime.
1
'
<i.o!
Il a bien fallu sans doute, q u e , dans ce cas-ilà, la loi déci
dât que , malgré la nature de leur profession qui les rendoit
justiciables des tribunaux civils, ils devinssent, pour les enga
gemens commerciaux qu’ils auroient contractés, justiciables des
tribunaux de commerce , qui étoient les juges naturels des
engagemens de ce genre. •
Les principes conduisoient là.
Mais il ne pouvoit pas résulter de là que ces individus dus
sent être regardés comme commerçans ; caria loi elle-même rie
donnant, ainsi qu’on l’a v u , ce titre qu’à ceux qui faisoient
leur profession h a b i t u e l l e d e s actes d e commerce , i l est m ani
fe s te que ceu x qui , au lieu de faire leur profession habituelle
de ces actes , en. ont au contraire Une toute, différente qu’ils
exercent habituellem ent, ne peuvent pas être des commerçans
aux yeux de la loi.
A in s i, en admettant même que le notaire dont il est question
dans le mémoire , eût fait en effet des actes de com m erce, on
voitqu’il neseroitpas pour cela commerçant, et qu’on ne pourroit, ni lui en donner le n om , ni l’envisager comme commerçant.
Mais d’ailleurs , qu’est-ce que c ’est donc què ces actes de
commerce qu’on lui impute ?
On dit dans le mémoire, qu’il empruntoit à des particuliers
de sa connoissance, différentes sommes qu'il plaçoit ensuite
dans les mains d’autres particuliers, à un intérêt plus fo rt, et
qu il remettoit aux préteurs des rèconnoissanées en forme dd
« sn profession habituelle , et ce n’ est (ju’alors (ju’on e s t soumis nux obligations
« et aux lois particulières sur cette profession, comme celles sar lesfa illite s .»
13 2
�( Ï2 )
lettres 'de change, sur papier imprimé, revêtu de son chiffre 7
tirées de la ville voisine, mais tirées sur des particuliers de
celle qu’il habitoit, et qui n’entroient pas dans la confection
de ces lettres qu’ils ignoroient vraisemblablement, et qu’il recevoit à son tour des emprunteurs, ou des lettres de change dans
la même forme, ou de simples reconnoissances, ou des obli*
gâtions notariées.
On ajoute qu’il inscrivoit sur un registre qu’il avoit intitulé
Livre de banque, et qu’il tenoit avec exactitude, les emprunts
qui lui étoient faits, les prêts qu’il faisoit, les remboursemens
qu’il avoit occasion de recevoir, ceux dont il avoit lui-même
occasion de s’acquitter; en un mot, tout ce petit mouvement
d’opérations intérieures auxquelles il étoit livré ; mais que d’ail
leurs , ces opérations n’en entralnoient aucune de change;.-qu’il
n’y avoit de sa p art, ni négociation , ni circulation ; qu’il n’y
avoit pas de remise de place en place ; qu’il n’y avoit pas d’acceptation, point de correspondance dans d’autres villes, point
de fonds en dépôt nulle part, point de provision pour faire face
aux effets tirés; en un m ot, rien qui respirât le change,
ou qui en donnât seulement l’id é e , si ce n’est la forme même
des lettres.
Mais comment, d’après l’énoncé du mémoire, pourroit-on
regarder cîîs prêts qui étoient faits par ce notaire , et les em
prunts qu’on lui faisoit, comme de véritables actes de commerce?
Cette forme de lettres de change n’étoit qu’une forme.
C ’étoit un titre donné sans les effets attachés à ce titre.
Il n’en résultoit pas un véritable contrat de change.
Les trois personnes n’y étoient pas réellement ; il n’y avoit
pas de remise de place en place ; il n’y avoit pas d’acceptation •
il n’y avoit pas de provision : ce n’étoit d o n c , d’après la loi
elle-même , que de simples promesses (i) ; ce n’étoit pas des
lettres de change.
( i ) A rtic le H 2.,
�( i3 )
Le titre de Livre de banque, donné an registre , ne faisoit
pas non plus de ce notaire un banquier.
On n’est pas banquier par cela seul qu’on se regarderoit soiméme comme tel, et qu’on donneroit à de simples registres de
payem ens, ou à des livres de recette et de dépense , le nom
fastueux de Livre de banque.
Ce ne sont pas là des circonstances qu’on puisse , à propre
ment parler, envisager comme de véritables actes de commerce
bien caractérisés et bien importans.
Nous en dirons autant des liqueurs qu’on dit avoir trouvées
dans la maison de ce notaire, après sa retraite, en plus grande
quantité que ne l’auroit exigé sa consommation, et dont il auroit
cédé une partie à quelques personnes de sa connoissance.
Il seroit très-possible, en effet, que ce notaire eût fait venir
des liqueurs, soit de Paris, soit d’ailleurs, au delà de ses besoins,
et pour en céder à des amis, et trouver peut-être sa provision
personnelle sur celle q u ’il auroit faite ainsi pour autrui.
Mais ce ne seroit pas là non plus un véritable acte de com
merce.
On observe d’ailleurs, dans le m ém oire, qu’on n’a trouvé
dans les papiers de ce notaire aucune note ou lettre qui indiquât
q u ’il eût correspondu, pour l’achat ou la vente de ces liqueurs,
avec aucun marchand ou fabricant, ni aucune facture qui en
constatât l’envoi.
Cette circonstance particulière vient appuyer encore notre
opinion sur ce fait, et y ajoute un d<-gré de force.
Mais elle n’existeroit pas, et on auroit trouvé quelque facture
d’e n voi, ou quelque correspondance relative à l’achat et à la
vente de ces liqueurs, que cela ne feroit pas encore grand'chose.
On donneroit même à cette vente le nom d’acte de commerce,
que cela ne changeront rien aux principes.
On a vu que, dans les principes, ce n’étoit pas quelques actes
de commerce qui faisoient un commerçant aux yeux de la lo i,
que c ’étoit la profession habituelle de ces actes.
�( H Î
O r, ici il n’y avoit p a s , de la part de ce notaire, de pro
fession habituelle des actes de commerce ; il y avoit tout au
plus mélange de ces actes avec sa profession; e t, du reste,
c ’étoit sa profession de notaire qu’il exerçoit habituellement.
On ne peut donc pas absolument le regarder comme com
merçant ; et il auroit contracté ou reçu encore plus de lettres
de change, il auroit reçu ou vendu plus de liqueurs , qu’on ne
pourroit jamais lui donner ce titre, ni lui en appliquer les effets.
Sur la troisième et dernière question, il est difficile de com
prendre co m m en t, dans la situation où s’est trouvé le notaire
dont s’a g it , et au milieu des circonstances exposées dans le
m ém oire, il a pu être poursuivi devant un tribunal de com
merce , comme f a i l l i , et envisagé comme tel par ce tribunal.
Il est évident que ce n’étoit pas les formes que le Code de
commerce applique aux faillis, qu’on pouvoit lui appliquer à
lui-méme.
Il est évident que cette déclaration de faillite , cette ouver
ture de faillite, ces agens administrateurs, ces syndics provi
soires, ces syndics définitifs, cette accusation de banqueroute
frauduleuse, ces poursuites criminelles, rien de tout cela ne
pouvoit avoir lieu.
T out cela étoit, en effet, contre les principes.
Le notaire dont s’agit n’étoit pas commerçant; il étoit tombé
en déoonfiture, et non pas en faillite.
Il n’étoit pas justiciable des tribunaux de commerce ,• si ce
n’est pour les actes particuliers de commerce qu’il avoit pu faire;
il l’étoit des tribunaux civils.
Il pouvoit bien être accusé de fraude, s’il en avoit commis;
jnais il ne pouvoit pas être atcusé de banqueroute, puisqu’il ne
faisoit pas sa profession du commerce.
Toute cette procédure dont il a été l’objet péché donc par
sa base.
On ne peut pas même la laisser subsister ; il faut qu’elle soit
détruite,
�Et c ’est à ce notaire lui-méme qu’il appartiendroit de se pré
senter, pour attaquer aujourd’hui cette compétence que le tri
bunal de commerce s’est attribuée contre les principes.
Rien n’empécheroit, en effet, qu’il ri’y fût admis.
D ’abord sa réclamation seroit fondée.
Elle seroit fondée sur les grandes maximes de l’ordre public,
sur les dispositions du Code de co m m erce, sur celles du Code
Napoléon, sur la jurisprudence des Cours, sur celle de la Couf
de cassation; en un m ot, sur tout ce q u i , en matière de dé
cisions judiciaires, constitue les règles qu’on est naturellement
obligé de suivre.
Nous l’avons démontré dans le développement de la première
question : il n’y a pas à cet égard à y revenir.
Mais ensuite toute cette procédure qui a été instruite au tri
bunal de commerce, contre le notaire, à l’occasion de sa pré
tendue faillite , est une procédure par défaut.
Le notaire étoit absent, et il ne s’est pas présenté dans ce
tribunal.
Il n’y a pas été entendu ; il n’a pas constitué de défenseur
pour lui; il n’a lait aucune espèce d’acte d’adhésion ou d’ac
quiescement aux jugemens qui y ont été rendus, et dont il est
cependant l’objet.
11 a donc le droit d’attaquer ces jugemens par la voie de l’op
position.
Le Code de commerce lui-méme (1) applique aux tribunaux
de commerce, relativement à la forme de procéder, les dispo
sitions des articles i 5 6 , i 58 et i 5g du Code de- procédure, qui
permettent l’opposition envers les jugemens par défaut, jusqu’à
ce que ces jugemens aient reçu leur exécution, suivant le mode
que prescrivent ces mêmes articles, ou qu’il y a des actes qui
prouvent que la partie déJaillante a* connu cette exécution.
(i) Article 642.
�( 1 6 )
Ici on ne peut rien opposer de semblable au notaire dont
s’agit.
II est donc encore dans les délais de l’opposition.
Et on diroit en vain que si la procédure du tribunal de com
merce n’a pas été instruite avec ce notaire, elle l’a été avec
des syndics légalement nommés pour le représenter et paroître
pour lui en justice, puisque lui-méme ne le pouvoit pas.
Mais il faut prendre garde que c ’est précisément ce système
en vertu duquel on a établi des syndics pour le représenter,
lorsqu’il n’étoit pas dans le cas de l’étre , que ce notaire atta
quera.
Il se plaindra qu’on l’ait constitué failli , lorsqu’il ne l’étoit
pas ;
Il démontrera que la procédure qu’on a instruite contre lui
pèche par sa base ;
Il fera voir qu’elle viole tous les principes ;
I L demandera, en conséquence, la rétractation des jugemens
qui ont été rendus.
E t comme , au fond , c ’est l u i , et même lui seul qui est
l’objet de ces jugemens, comme c ’est lui qui en supporte les
dispositions, comme c ’est lui qui est intéressé à ce qu’ils soient
rapportés , c’est lui aussi qui a le droit de les attaquer par la
voie de l’opposition ; et il n’y a rien ni dans les lois , ni dans
les formes, ni dans les faits, qui puisse lui ôter ce droit, ni
le priver de son exercice.
D é l i b é r é à Paris, par les anciens avocats soussignés, ce
21 avril 1812.
D E S È Z E , B O N N E T , BELLART.
A R I O M , de l’im p . dé T H I B A U D , im prim . de la C o u r im périale, e t lib r a ir e t
r u e des T a u le s , m aiso n L ah d r i ot ., —- F é v r ie r 1 8 1 3.
�
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1813
An 4-1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
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BCU_Factums_M0620
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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A language of the resource
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BCU_Factums_M0619
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Riom (63300)
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banquiers
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M
E T
É
C
O
M
O
I
N
S U
L T
R
A
E
T
I O
N
POUR
L e sieur P U R A Y , ex - notaire, appelant ;
CONTRE
Les sieurs D U B R E U L , B R U N , V E R S E P U Y ,
G U E M Y et autres, ses créanciers , intim és;
ET
CONTRE
Les Syndics à sa prétendue f a i llite , aussi intimés.
M u ltis occulto crescit res fœnore.
H orace .
L a catastrophe du sieur Puray peut servir de
leçon aux hommes ambitieux. Plus qu’aucun autre
é v é n e m e n t , elle leur montre q u ’ un travail assidu
et opiniâtre, joint à l’économie la plus rigoureuse,
i
�(2)
aidé même des secours de l’intelligence et de l ’ins
truction , est insuffisant pour acquérir des richesses,
lorsque , d’ailleurs , ces qualités essentielles ne sont
point dirigées par la prudence. Une première faute
influe sur la vie e n tiè r e , sur-tout lorsque celte faille
est le fruit d’une erreur sur laquelle reposent tous
les projets de celui qui s’y laisse entraîner.
C ’est en vain qu’au milieu de la carrière trop
courte qu’il a à parcourir, l’ambitieux sera éclairé
par l’expérience ; c’est en vain qu’il verra s’ouvrir
devant lui , et s’agrandir journellement l ’abîme qui
doit bientôt l’engloutir avec ses projets insensés :
l ’illusion, cet aliment funeste des passions, s’ oppo
sera à ce que la vérité pénètre jusqu’à lui. A lo r s ,
livré à son im agin alion , il compensera des pertes
réelles
par des gains futurs et
imaginaires ; trop
confiant dans ses forces, il croira détruire la cause
du mal par des remèdes qui ne feront que l’aug
menter.
Mais si h ces idées générales viennent se joindre
des motifs plus prochains, plus déterminans e n co re;
si l’ambitieux a conçu le projet d^arriver à la fortune
en exerçant une profession honorable; si par ses tra
vaux,
il a mérité
la confiance publique; s’il est
placé au milieu d’ une
famille nombreuse et con
sidérée ; s’il est entouré
d’amis sur
rattachement
desquels il croit pouvoir compter, comment se ré
soudra-t-il à rompre autant de liens? ira-t-il pro
clamer l u i - m ê m e un désordre qu’il croit pouvoir
�( 3 )
ré p ar e r ? s'avilir aux y e u x
de
ceux qui lui
ont
toujours témoigné de l’estime, et briser de ses propres
mains l ’instrument qu’il suppose encore pouvoir
servir à sa fortune?
Une abnégation aussi complète de ce qui honore
et enchante la v i e ,
humaines;
et il faut
paraît au-dessus
des forces
convenir que s’il se trouve
des hommes assez heureusement nés pour régler
constamment leur conduite sur ce que la sagesse et
la prudence prescrivent, il en est peu d’assez forts pour
découvrir leurs fautes au public, lorsque les résultats
sont tels qu’ils doivent blesser les intérêts d’autrui, par
suite éloigner l ’amitié le plus souvent froide pour le
m alh eu r, el donner de nouvelles forces aux manœuvres
toujours naissantes de l’envie ou de la haine.
Ce tableau présente l’esquisse des fautes que l ’on
peut reprocher au sieur P u r a y ; il en développe éga
lement les causes ; mais comment montrer celles
de tous les malheurs qui pèsent aujourd’hui sur lu i,
sur sa femme et ses enfans?
Faudra-t-il qu il remonte à l’époque où il a com
mencé
l’exercice
des
fonctions de notaire?
q u ’il
parle de son inexpérience, de ses préjugés en affaires,
qui étaient ceux du tems où il vivait ? Dira-t-il que
des emprunts considérables ont d’abord été laits par
lui ? dans le seul but de servir d ’aliment à son étude?
que bientôt les avances qu’il faisait ont absorbé les
capitaux, prêtés à des intérêts qui n’avaient d’autre
règle que la volonté ou le caprice du prêteur?
a
�{4 )
Rapportera-t-il a cette origine les différentes spécu
lations auxquelles l’on veut donner le nom d’opération
de banque, et qui n’ont, il faut l’av o u e r, d’autre ca
ractère que celui de 1 usure ?
P our montrer cette vérité, faudra-t-il le représenter
entouré de la foule de ses créanciers tous liabitans de
R i o m , recevant d’eux des sommes produisant des in
térêts excessifs, pour les placer à des intérêts égale
ment excessifs.
11 faut des victimes à l’usure. Ce monstre , trop
long-temps acclimaté en F rance, y fait gémir plus d’ une
famille. Puray se classera-t-il parmi ces infortunés?
Montrera-t-il que la profession qu’il exerçait avec
tant d’avantage et d’assiduité a elle-même concouru
à sa ruine? que pour augmenter sa clienlelle, il a fait
des emprunts considérables, pour le remboursement
desquels il a conslamment été obligé de s’en remellre
à la volonté de ses débiteurs, ou d’obtenir conlr’eux
des jugemens qui fixaient les intérêts de ses créances
à cinq pour c e n t , tandis que le minimum de ceux
qui lui prêtaient était de 9 à 10 ?
Sera-t-il inconcevable que peu d’années passées dans
des opérations aussi ruineuses aient réduit Puray à
faire sans cesse de nouveaux emprunts pour servir les
intérêts des sommes qu’il devait d é j à , et que bientôt
le fruit de ses travaux ab so rbé, il se soit trouvé ré
duit à payer l’intérêt de la valeur de la plume qui lui
servait à écrire ses actes?
Combien du projets différens n’a pas dû faire naître
�( 5)
ce bouleveisement d’affaires ! avec quelle rapidité
devaient se succéder les idées qui présentaient quelqu’espoir de gain ! Pu ray ne devait - il pas saisir
tout ce qui semblait devoir améliorer sa situation?
Aussi voit-on dans ses livres nombreux, dans ses noies,
dans les diflerens documens qu'il a laissés, les traces
de l’embarras dont il cherchait à sortir par des spécu
lations qui n'ont aucun caractère déterminé.
Mais combien de haines ne va pas exciter la défense
du sieur Pu ray ! 11 est impossible que quelques véri
tés dures, mais nécessaires à sa cau se, ne viennent
encore enflammer la colère de quelques-uns de ses
créanciers.
Po u rq u o i l'a —t —on r i d u ii au désespoir t*
L e sieur P u ray ne combat point pour ravir h ses
adversaires le gage de leur créance. Retiré dans des
contrées lointaines, éloigné des objets de toutes ses
affections, il peut supporter avec courage tous les
genres de privations; il doit et il veut consacrer le
reste de sa vie à désintéresser ses créanciers ; mais le
peut-il si on lui en ôte les m oyens, en lui arrachant
son état civil, et en flétrissant son nom?
Lo rs de la disparition du sieur Pu ray , ses créanciersmêlaient à leurs justes plaintes le reproche d’avoir
emporté des sommes énormes. Us ne pouvaient conce
voir comment ce notaire si o cc u pé , si laboiieux,
pouvait laisser un passif aussi considéiable , s il o avait
voulu aller jouir hors de sa patrie d ’une fortune hon
teusement acquisç. Aucun alors ne pensait que cet
�[
(6)
homme si actif travaillait depuis quinze ans pour l’in
térêt de quelques capitalistes , qui triplaient ou dou
blaient au moins le revenu de l’argent qu’ils y avaient
placé,et absorbaient ainsi tout le produit de ses labeurs.
Aussi l’opinion que P u r a y fuyait chargé d’o r , s'accrédila-t-elle au point qu’il devenait impossible même
de chercher à la détruire.
Sa présence seule pouvait effacer des soupçons aussi
déslionorans qu’injurieux. Son retour fut proposé ; on
fit offre aux créanciers de leur remettre la personne
et les biens de leur débiteur, en leur laissant entrevoir
combien les connaissances particulières de Puray leur
seraient utiles pour la liquidation de leurs affaires.
ii
|
!
•
L e plus grand nombre des créanciers, ceux qui
étaient les plus respectables par leurs lumières et leur
délicatesse, allaient accepter la proposition, lorsque
quelques voix s’élèvent, refusent d’adhérer aux arrangemens projetés, et sortent de l’assemblée pour aller
,
!
provoquer au tribunal de commerce l’ouverture d’ une
faillite, et dénoncer au magistral de sûreté une ban
queroute frauduleuse.
L a fuite était donc le seul parti qui restait au sieur
P u r a y : il fut chercher un asile dans les pays étrangers,
et y attendre un moment favorable pour entier en
arrangement avec ses créanciers.
Cet instant n’est point encore venu..., E n vain , à
différentes reprises, a-t-il offert un nouvel abandon
de ses biens! En vain sa mère a-t-elle proposé l’ou
verture actuelle de sa succession, pour transmettre, sur-
�( 7)
le-champ, aux créanciers la propriété directe de la por
tion qui doit revenir à son iils! En vain son épouse
a-t-elle offert l’abandon de tous ses droits! E n vain
le sieur P u r a y n’a-t-il cessé de dire que pour tout
cela il ne demandait point de quittance définitive ;
qu’il voulait laisser à tous ses créanciers l’espoir d’être
payés un jour de tout ce qui pouvait leur être dû : rien
n’a pu réussir. Les créanciers ont semblé en vouloir plus
h la personne qu’à la fortune du sieur P u r a y , et ont
répondu à toutes les propositions par le cri de guerre,
F
a illite
et B a n q u e r o u t e
frauduleuse.
L e sieur P u r a y est-il failli?
Est-il recevable à se plaindre du j u g e m e n t qui a
déclaré l ’ou ve rfu re de cette faillite?
Telles sont les questions qu’ il faudra examiner,
quand on aura établi les faits de cette cause.
F A IT S .
L e sieur P u ray encore fort jeune eut le malheur
de perdre son pè re; son éducation fut dirigée par sa
m è r e , qui y donna tous les soins de la tendresse la
plus éclairée.
Dans des tems ordinaires,• ses leçons
eussent été
>
suffisantes. L e s institutions sociales suppléent ¿'« 1 e x
périence qui manque à la jeunesse, lorsque de bonnes
éludes I ont mise a même de les connaître et de les
respecter.
P u r a y sortit de l’école pour assister à la révolution j
�(8 )
son imagination ardente adopta les systèmes qu’elle
lit naître. Son ignorance des anciennes lois , de ces
principes qui nous avaient été transmis à travers les
siècles par la sagesse de nos père s, mit obstacle à ce
qu’il pût apprécier à leur juste valeur les idées qui
devaient bientôt- les remplacer.
P u r a y se maria : il devint p è r e ; la tendresse qu’il
avait pour ses enfans le rendit ambitieux, et bientôt
il ne songea plus qu’à acquérir des richesses.
Des .fortunes colossales se taisaient alors remarquer
sur tous les points de la France ; la rapidité avec
laquelle elles avaient été faites, dans tous les métiers,
dans tous les états, dans toutes les professions, devait
faire regarder comme une chose facile , de se placer
parmi les heureux de ces lems de malheur. Un jeune
homme pouvait sur-tout ignorer et les moyens qui
avaient produit ces colosses aussi extraordinaires qu’éblouissans , et les ressorts secrets qui les faisaient agir.
P u ray crut qu’un travail opiniâtre joint aux con
naissances qu’il se supposait, était suffisant pour réaliser
les projets qu ’il avait conçus.
Il voulut choisir une profession ; celle de notaire
parut lui présenter les plus grands avantages ; il avait
alors beaucoup d'am is; ses opinions politiques qui
étaient celles de la multitude, étendaient considé
rablement ses relations, et lui faisaient espérer une
clienlelle nombreuse.
En l ’an 4 , il postule une commission de notaire : il
en est pourvu le 1 4 thermidor de la même année. Dès
cet
�(
9
)
cet instant, entièrement livré aux affaires, toutes
ses pensées n ’ont d’autre but que celui de donner
plus d’éclat et d’ utililé à l ’élat qu’il a embrassé.
Si l’adinission de P u ray au notariat eût été p ré
cédée des éludes que cet état e xig e ; si livré à un
guide sûr, il eût appris sur-tout que la confiance
publique ne s’acquiert qu’avec beaucoup de tems, et
par des épreuves aussi dures que multipliées; si enfin
son imagination trop ardente eût pu être calmée
par les conseils de la sagesse et de l ’expérience, tout
doit faire présumer que Puray aurait réussi.
Mais son premier pas fut une faute : il crut que
le m o y e n le plus sur et le plus p ro m p t pour s’al tirer
la confiance, ¿fait d ’affecter de p ou voir d o n n e r a ses
cliens des facilités qui devaient bientôt lui devenir
onéreuses.
P u r a y n’avait pas de dettes; cependant réduit à un
revenu personnel de io oo f r . , et à celui de 600 fr.
du côté de sa fe m m e , il ne semblait pas que cette
position de fortune lui permît de faire des avances
à ceux qui s’adressaient à lui.
Mais l’ambition calcule-t-elle ainsi? L e désir de
se faire un élut brillant, de s’attacher une clienlelle
nombreuse, peut-elfe celui de tenir le premier rang
dans une profession honorable et considérée, le por
tèrent non seulement à négliger les renlrees de sou
étude , mais encore à y absorber tous les ans des
capitaux considérables.
Puray était propriétaire de deux rentes, montant
3
�( 10 )
ensemble à 2000 francs : il les vend ; son étude en
absorbe le prix. Quelques immeubles ont bientôt la
m êm e destination.
Ces premiers sacrifices parurent produire quelque
effet av a n ta geux ; P u r a y ne faisait qu’entrer dans la
c ar r iè r e , et déjà il n’y voyait que des émules ; il
attribuait ses succès aux moyens qu’il venait d’eraployer : il v o u lu t, par de nouveaux efforts, les con
firmer et en obtenir de plus certains.
N ’ayant plus de ressources personnelles, il eut recours
à l'emprunt. Cette mesure extrême et toujours dan
gereuse, l’était encore bien plus au tems dont nous
parlons.
Différentes opinions s’ étaient glissées en F r a n c e ,
et s’y
étaient d’autant plus facilement accréditées,
qu’elles semblaient autorisées par la loi. L ’argent est
m archandise , Cintérêt n a cTautre réglé que La volonté
ou le caprice du prêteur : tels étaient les principes publi
quement professés; et alors la plupart de ceux qui prê
taient à 10 pour cent, croyaient qu'on devait des éloges
à leur désintéressement, et imaginaient avoir satisfait
à tout ce que l’honneur, la délicatesse ou l’amitié même
exigeaient d’eux.
P u r a y
trouva quelques-uns de ces amis toujours prêts
à obliger; la facilité d’emprunter l ’aveugla sur les
suites; il ajouta aux avances qu’il avait déjà faites, des
avances plus considérables encore; il agissait ainsi, dans
la ferme persuasion où il était que le nombre d’affaires
qu’il faisait, et les bénéfices qu’elles devaient produire,
�( II )
surpassaient de beaucoup les intérêts qu'il était obligé
de payer pour les sommes multipliées, avancées gra
tuitement à chacun de ceux qui lui accordaient leur
confiance.
Les choses se passèrent ainsi jusqu’à la fin de l’an 9 ,
et l’on doit concevoir combien ces cinq années, écou
lées en renouvellemens d’effets, durent être funestes
à Puray.
S i , à cette époque, il eût consulté sa situation, il
aurait sans doute v u qu’elle commençait à être désa
vantageuse; mais plus d'un obstacle s’opposait à cet
examen.
D ’une part, les études profondes auxquelles se li
vrait habituellement P u r a y , et qui avaient toutes
pour but la connaissance de son état; les travaux sans
nombre qu’il se créait à ce sujet : de l'autre, la préoc
cupation continuelle où le tenait l’exercice de ses fonc
tions de notaire, dans lesquelles il jouissait d’ une con
fiance aussi entière que générale , étaient bien des
motifs suffisans pour l’empêcher de se livrer à l’exa
men de ses affaires particulières, que cinq années de
travail et d’économie ne pouvaient d’ailleurs lui faire
supposer être en mauvais état.
On peut ajouter que la confiance que l’on avait en
lui, se manifestait par des témoignages, chaque jou r,
plus capables d ’exciter ses vues ambitieuses, D éjà il
avait été chargé de la perception de parties de rentes
aussi nombreuses que considérables. Cela, en ajoutant
à ses occupations, multipliait ses relations, et semblait
4
�( la
augment er ses
y
profils. E n s u i t e , plusieurs personnes
voulurent pincer leurs fonds entre ses mains, à un inté
rêt co nve nu , sauf à lui à faire un bénéfice sur ces
placemens. P u r a y ne vît dans ces propositions que de
n o u v e a u x mo yens de prospérité. Qui sait mém o s’ il
n ’avait pas dès-lois le projet d’ user de la faculté que
lui accordait la loi, do prêter à tel intérêt que ce f û t ,
pour répar er les torts que lui avaient occasionnés diffé
rons emprunts faits sous sou r è g n e ; car c’ est ainsi qu'u n
mal nous conduit dans un autre.
Bientôt son étudo fut remplie de faiseurs d ’affaires
de différons g en res: des capitalistes de toutes les pro
fessions, ceu x sur-tout qui n o n exercent aucune , et
qui calculent leur aisance moins sur leur industrie quo
sur lo taux de la p la c e , accouraient pour faire r e c e
voir, leur ar ge nt, et prenaient du notaire P u r a y , écri
vant dans son c a b i n e ! , des effets, datés de Clcrmont,
payables à liioni. A ceu x -c i succédaient dos spécula
teurs d ’ une nuire esp èce; c ’étaient ou des acquéreurs
d ’im m eu bles, qui n’avaient point leurs fonds, ou des
débiteurs poursuivis par leurs créanciers ,* ils venaient
proposer à P u ray do recevoir leur vente ou leur quit
ta n c e , et lui demnnduienl en m ê m e tems « e m p ru n te r
les sommes qui I ° l,r manquaient. ilnremcnt ils étaient
déçus dans leur e s p é r a n t o ; P u r n v , aussi facile quo
c o n f i a n t , prêtai! sou von! snns autre indemnité que lo
plaisir
de p o ^ e r un a c t e , ou l'espérance de *c fuirc
une clientflle qui lui présentai quoiqu'utilité ou quel
que jouissance d ’omotir-propre. Knfiu, c ’éloien! du»
�( .3 )
propriétaires 011 autres personnes riches et considérées,
ayant
un
besoin
actuel et
instantané de
sommes
plus ou moins fo rte s: pour ceu x -c i l’intérêt était res
treint autant que possible; P u r a y comptait sur leur
^protection, leur amitié ou leur influence.
Des relations aussi é t e n d u e s , et embrassant toutes
les classes do la société, devaient faire naître des é v é nemcns singuliers, et qui se rencontrent didicilement
dans la vie des ho mmes livrés à des occupations plus
paisibles.
P u r a y , notaire , et en celte qualité revêtu do la
confiance do plusieurs personnes étrangères à la ville
q u ’ il habitait , so trouva dans la nécessité du faire
q u e lq ue s transport« cJ’iu-goni A Pm-is ou <’i Lyon . Les
usages du c om m e rc e rendant ces opérations plus huiles
cl plus s u re s, il s’adressa à un b a n q u ie r, se fit o uvri r
un crédit sur ces de ux v i l l e s , et entra en correspon
dance av e c ceux auprès desquels il fut crédité. Mais
les banquiers do L y o n et de Paris «acceptèrent les
traites q u ’en les portant au com pte do lour confrère,
a v e c lequel ils étaient en relation.
P u r a y , prêteur et e m p r u n t e u r , avoil quelquefois
entre les matus des sommes dont il no pouvait trouver
lo placement ; plus souvent encor e les fonds loi m a n
quaient |»our les rem boursement q u ’on exigeait de lui.
Dan< ces circonstances il avait recours à 1 « banque.
Sa fe m m e fut m ala de; on lui conseilla lo b a um e
do v i e ; ce remède produisit un effet salutaire; alors
l'imagination do Pu ra y s'allum e; il vante l’eflicacité
�( H )
de ce spécifique, en fait publiquement l’é l o g e , et
veut en avoir un dépôt, sans autre but que celui
d ’en obtenir pour son usage de la meilleure qualité.
Un de ses pare n s, momentanément établi dans les,
pays où se fabrique le Kersw ase r, fit un voyage à
Rio m ; il lui vanta la supériorité de cette liqueur;
bientôt P u r a y désire en avoir ; mais n ’abandonnant
jamais ses vues d ’économie, il s’en fait faire une ex
pédition assez considérable, pour être sûr qu’il sera
approvisionné à peu de frais.
Achevons de peindre cette imagination mobile et
prompte à adopter tous les projets qui pouvaient lui
faire espérer un gain, en avouant que Puray n ’a pas
craint de participer à des spéculations passagères,
qui avaient pour o b je t, du b l é , du vin ^ du fo i n ,
de la paille et autres denrées.
Ce tableau, fidèlement extrait des différentes pièces
produites contre le sieur P u r a y , a servi à le faire
déclarer tout à la fois banquier et m ar c h an d ; ses
créanciers ont induit celle double qualité, des difFérens
registres qui ont été trouvés dans l’étude de leur dé
biteur, de sa correspondance et d’autres circonstances
accessoires.
A i n s i , suivant e u x ,
P u ray est ban quier,
1. ° Parce qu’il a tenu des registres de b a n q u e , et
qu’il les a lui même qualifiés ainsi;
2.® Parce qu'il a eu des relations avec le sieur
A l b e r t , banquier à Riom.
�C15 )
3.° Parce qu’il a été en courant d'affaires avec le
sieur M o r i n , banquier à Clerm ont;
4.0
Parce qu’il a été en correspondance avec les
sieurs Sébaud, banquier à P a r i s , et V in ce n t, banquier
à Ly o n .
5°. En fin , parce que les effets qu’il donnait à ses
prêleurs, étaient conformes aux usages de la banque,
et ornés de son chiffre et d’ une vignette.
Puray est marchand ;
i°. Parce qu’il a fait commerce de baume de v ie ;
2 0. Parce qu’il a acheté et vendu du Kersw aser ;
3°. Parce que ses registres font foi qu’il a participé
à des spéculations de commerce, sur le blé , le vin,
et autres denrées.
Suivons sur ce plan les pièces produites par les
créanciers ; et en commençant par la banque, exam i
nons si les registres que Puray a tenus lui donnent la
qualité de banquier.
L e grand nombre d’affaires et d’opérations du sieur
P u r a y , rendaient nécessaire la tenue de beaucoup de
notes. I l avait dans son étude plusieurs livres consa
crés à cet usage , et il tachait de donner à chacun d’eux
un titre, dont la briéveté pût servir à le faire décou
vrir sans peine, ai^[ milieu de tous ceux parmi lesquels
il était confondu.
C est ainsi que le 1 2 messidor an 9» c’e s f - a - d i r e ,
a 1 époque ou P u r a y , d'emprunteur (ju d cla it, réso
lut de devenir et prêteur et em p ru n te u r , ouvrit un
registre, sur la couverture duquel il écrivit iastueu-
�( i'6 )
sement le mot Banque. Que l’on ouvre ce liv r e , et
l’on n 'y verra autre chose, si ce n’esl la noie de ses
emprunts faits à R i o m , celle de ses prêts aussi faits à
R i o m , avec l ’époque des échéances ou des renouvellemens. Nulle part ne se découvre la moindre o p é
ration de banque ; point de change ni rechange, point
de transport d’argent de place en place: ainsi l’inté
rieur du livre donne un démenti formel au titre;
c’est une note de prêts et d’emprunls, mais ce n’est
point un livre de banque.
E
x e m p l e s
N». 17.
N». 62.
tirés du l i v r e :
7 therm. an g.
8 pluviôs. an 10. ijooo fr.
Intérêts retenus.
Renouvelé v. n°.
935
i 5 p. 100.
Tiré sur C...
L a tenue de ce livre cesse au 4 ventôse an 12.
Alors ces notes parurent insuffisantes au sieur P u r a y :
en effet, leur briéveté devait en rendre l’intelligence
difficile; d’ailleurs, la confusion qui y régnait, le met
tait hors d’état de pouvoir se rendre compte à lui—
même.
Il paraît que pendant quelque tems, P u ray opéra
sans registre et sans guide. En fin, le 1 1 ventôse an
1 2 , et le i 5 germinal an i 3 , il établit deux livres
destinés à remplacer celui dont on vient de parler,
et dont l’ un devait contenir la note des emprunts,
et l’autre celle des prêts.
Le
�( *7 )
Le
litre de celui du n
ventôse an 1 2 est ainsi
con cj u :
Registre de diverses sommes p l a c é e s par M. P u ra y ,
NO TA IRE
,à
INTÉRÊTS.
L e livre du i 5 germinal an i 3 a pour inscription,
ces mots :
Registre de diverses sommes
,
placées
che% M. P uraij,
NOTAIRE à INTÉRÊTS.
Ainsi le rapprochement de ces deux titres explique
donc bien ce que faisait P u r a y , et confirme cette idée
que le mot banque , écrit sur la couverture du registre
de l’an a , n’ était qu’ une indication de caprice pour
reconnaître ce livre., mais ne pouvait servir ¿1 désigner
les opérations qui y étaient mentionnées.
Aussi Puray adoptant un nouvel ordre qui l’obligeait
à se rendre à lui-même compte de la nature de ses
opérations, n’e m p l o i e - t - i l plus la dénomination de
banque pour ses livres. Il leur refuse ce titre avec
autant de soins qu’il s’interdit à lui-m ême la qualité
de banquier.
C ’est chez P u r a y , notaire, que l’on place des sommes
à intérêts.
C ’est encore P u r a y , notaire, qui- place des sommes
à intérêts.
Ainsi prêts et emprunts faits par un notaire, voilà ce
qui reste.
L ’examen des registres détruirail-il les idées si claires
qui font naître leur titre?
Qu’on les parcoure.
�( J-8 )
Celui du 1 1 ventôse an 1 2 , qui rappelle les différens prêts faits par P u r a y , contient 370 articles, tous
relatifs à des liabilans de R i o m ; il indique la nature
des effets, leur date, celle de leur échéance, leur renou
vellement, et le taux de l’intérêt.
Prenons pour exemple le n°. 1 0 1 .
« L e i 3 floréal an 1 3 , j ’ai prêté à M. N .............la
« somme de 2,000 francs à 12 po u rcen t pour trois
« mois; et il y a effet de 2,060 francs, payable le
« 3 thermidor an i 3. »
Dessous est écrit, « le 3 messidor an 3 , j ’ai reçu
« 60 francs pour intérêts, et j ’ai renouvelé pour trois
« mois, échéant le 3 brumaire an 14. »
Voilà pour les lettres de change. Ajoutons que ,
dans ce registre , se trouvent mentionnés plusieurs
prêts dont les litres sont des obligations, et même
de simples billets,
Ce registre peut-il être considéré comme un livre
de banque? son lit re , sa forme, la qualité de celui
auquel il servait , celle des personnes qui y sont in
diquées , la nature des opérations qu ’il men tionne,
les titres qu’il relate ; tout ne se réunit-il pas pour
exclure cette idée? et lors même qu’il aurait été tenu
par un homme dont la profession n’aurait point été
exclusive de celle de banquier, pourrait-on voir dans
ces livres autre chose que le bordereau du portefeuille
d’un prêteur à intérêt ?
L e registre du i 5 germinal an i 3 , contenant lai
note des sommes placées chez P u r a y , est composé
�( 19 )
de 4 1 4
articles, concernant tous des habitans de
Riom , ou de lieux circonvoisins.
Comme celui du 1 1 ventôse an 1 2 ,
il rappelle
les sommes prêtées à P u r a y ; il indique la nature des
effets souscrits par lui, leur date, celle de leur échéance,
le renouvellement et le taux de l ’intérêt.
E x e m p le :
N.° 2 1 7 . « L e 5 septembre i 8 o 5 , j ’ai pris de N....
« 460 fr. à 10 pour cent pour six mois. 11 y a effet
« de 48 3 fr. pour le 5 mars 1 8 0 7 ».
Dessous est é c r i t , « le 5 mars 1 8 0 7 , je devais
483 fr.
fr.
3 c.
507 ir.
3 c.
« Intérêts de 6 m o i s .................. 24
« J ’ai fait e f f e t pour le 5 sept. 1 8 0 7 ,
d e .........................................................
« Intérêts d'un an ..................... . 4 6
11.
« J ’ai fait un nouvel effet, au 5 septembre 1 8 0 8 ,
d e .............................................. ........................ 553
1 4 c.
Ce livre a - t - i l plus que le premier les caractères
de la banque ? s’ unissant à lui par son t i t r e , pour
en exclure 1 i d é e , ne vient-il pas également corroborer,
par sa c on textu re , les observations que nous avons
eu lien de f a ir e ? et si du prem ier, l ’on a pu dire
qu il était le bordereau du portefeuille d'un prêteur
a intérêt , ne faut-il pas assurer du second qu il est
*aussi le bordereau des dettes d’ un emprunteur a intérêt.
Ces registres ont cessé, savoir : le p r e m i e r , au
a i juillet 1808 , et le second, au 6 février 1 8 1 0 .
6
�( 20 )
Cette différence dans les époques de cessation du
registre, contenant la note des prêts de P u r a y , et
de celui établissant ses emprunts, donne lieu à quelques
observations.
L a loi de 1 8 0 7 a}?ant prohibé le prêt à u su r e , il
paraît que P u r a y crut devoir ¿’interdire toute espèce
de plac emen t; mais comme il devait lu i-m êm e des
sommes considérables, et qu’au temsdont nous parlons,
les fonds qu ’il avait confondus dans son é t u d e , la
mauvaise volonté ou l ’impossibilité où étaient ses
débiteurs de satisfaire ¿1 leurs engagemens , avaient
déjà établi dans ses affaires la mine qui devait bientôt
les r e n v e rs e r; P u r a y était obligé de continuer ses
emprunts pour servir les intérêts de tout ce qu’il
devait.
Si ce fait ressort de la combinaison des dates des
deux registres dont nous venons de parler, n ’est-on
pas obligé de convenir que P u r a y , victime de l’ usure,
sous une loi bienfaisante, qui semblait devoir la faire
cesser pour tout J e
m o n d e , a trouvé dans ce qui
faisait le bonheur de tous, un poison funeste qui
devait hûler sa destruction?
Mais arrivons à 1 8 1 0 .
Cette époque, plus que toute au tre, nous manifeste
l ’embarras de P u r a y ; il semble que l’illusion s’est
évanouie : la difficulté d’emprunter se fait sentir; les
rentrées s’opèrent avec peine; déjà plusieurs créanciers
se sont retirés après avoir inutilement réclamé leurs
fo n d s; des bruits désavantageux circulent : « Suis-je
�( 21 )
ruiné » ? Telle est la question que P u r a y devait se
faire à lui-même.
Il lui était difficile d ’y répondre ; combien d ’éléraens divers ne fallail-il point rassembler? combien
de documens imparfaits ne fallait-il pas rapprocher et
consulter pour connaître sa situation? Un travail aussi
long
ne pouvait
s’exécuter que
difficilement , au
milieu des occupations du sieur Puray. 11 osa cepen
dant
l’entreprendre ; et comme
l’espérance
reste
toujours cachée dans le cœur de l’homme m êm e le
plus m a l h e u r e u x , P u r a y croyant encore à un résultat
qui pourrait présenter un déficit peu considérable,
voulut donner un essor à son c r é d i t , on affectant
de p r e l e r , lundis q u ’il continuait ses emprunts.
Pour atteindre son but , Puray organise différens
registres : il faut les parcourir.
'
L e premier est du mois de mai 1 8 1 0 - , sur la cou
verture sont écrits ces mots : livre de banque. L ’inté
rieur de ce livre est divisé en trois parties.
L a première est indiquée par ces mots:
« Série numérique des sommes que je dois. »
E
No. n i .
x
e
m
p
l
e
:
2 0 ,7 2 3.
N°. 224.--7 j.
11 novembre 1810.
L a seconde par lie a pour titre :
« Note des demandes en remboursement, ainsi que
des échéances. »
�( 22 )
E
N o . 29.
x e m p l e
:
3,ooo fr.
12 mai 1810.
ijSoo fr.
L a troisième et dernière partie est ainsi indiquée:
«• Note des sommes qui me sont dues. «
E
No. 38.
x e m p l e
D.
:
100 fr.
5 p. 100.
I 10 novembre 1807.
Voilà P u r a y donnant le nom de livre de banque
au registre qui mentionne les sommes qu’il d o i t , et
celles qui lui sont dues. Celle dénomination, si con
traire à la chose qu’elle doit in diquer, ne peut avoir
aucune influence sur les esprits susceptibles de réflexion.
E n e f i e t , les opérations de P u r a y , en 1 8 1 0 , étaient
du mêm e genre que celles auxquelles il se livrait en l’an
i 3 ; ce dernier liv r e , comme les premiers, ne parle
toujours que d’argent prêté à des habitans de R i o m ,
ou d’emprunts faits à des citoyens de la m êm e ville:
nulle part dans ce dernier liv re , pas plus que dans
les premiers, l ’ on ne trouve une opéralion de banque
proprement dite; pas de change, pas de transport de
place en place; il n’y a d’autre différence à remarquer
que celle résultant de ce qu ’un seul livre , divisé en plu
sieurs parties, contient ce q u i , en l’an i 3 , élait ren
fermé dans deux registres ayant des titres distincts.
Cette différence, toute légère qu’elle puisse paraître,
a cependant donné lieu au titre dont on se prévaut.
P u r a y voulant indiquer ce livre d ’un seul m o t , et ne
�( *3 )
pouvant l'appeler livre d'usure, devait nécessairement
y substituer la dénomination de Livre de banque,
expression qui n’a pu abuser que ceux q u i , par habi
tude, voudraient confondre deux choses si différentes
et si essentielles à distinguer.
L e second registre est du 1 7 mars 1 8 1 0 . 11 est inti—
litulé : E ta t courant de la banque.
Ce liv r e , inventé pour établir l’état de l'entrée et
de la sortie des fonds, contient, jour par j o u r , et la
note des emprunts de P u r a y , et les remboursemens
qu’il recevait ; et celle des prêts ou des remboursemens qu’il faisait lui-même. Il indique simplement
les sommes par entrée et so rtie , s a n s m e n l i o n des
effets a u x q u e l s e l l e s se rapportent.
E
x e m t l e
:
ENTRÉE.
i,*r avril 1810.
Idem.
Reçu en placement, n°. 7 7 ,
de M.
Payé à ....
n°. So.
pour l’effet
i,ouo fr.
»»
SORTIE.
nn
1626 fr.
L ’on ne pense pas, qu ’après les explications qui ont
déjà été données, les créanciers se méprennent sur les
conséquences à tirer de ce registre : il n’établit rien de
plus que les autres; il se réfère h celui du m o i s de
mai; il en est une an nexe, et ne contient a u t r e chose
que deux calculs, dont les résultats comparés devaient
éclairer le sieur P u ray sur sa s i t u a t i o n .
L e troisième regislte, qui commence aussi au 1 7
mars 1 8 1 0 , a pour titre, Jo u rn a l général ; et sur le
�(
24
)
verso de la première feuille , on trouve ces mots : élude,
banque , dépôts , rentes, qui indiquent que tout ce qui
a rapport à ces différens objets est confondu dans le
corps du livre.
Ce registre, comme celui qui précède, mentionne
les sommes par entrée et sortie ; il n’en diilère qu’en
ce q u ’il contient tout ce que P u r a y percevait ou payait
pour quelque cause que ce f û t , tandis que le premier
ne faisait qu ’indiquer lesrésullats des prêts et des e m
prunts.
Ce livre , loin de faire naître des idées de b a n q u e ,
en est exclusif plus que tout a u t r e ; il devait éclairer
le sieur P u r a y sur sa situation ; aussi comprend-il ce
qui est relatif à l’é t u d e , ce qui regarde les dépôts,
ce qui concerne la perception des rentes; et si le mot
banque se trouve placé au milieu de tous ces objets,
c ’ est parce que le sieur P u r a y ne pouvait omettre dans
ce travail général l’objet le plus important, ses prêts
et ses emprunts malheureusement trop multipliés.
Ces trois registres ont duré jusqu’au 26 mars 1 8 1 1 ,
époque de la disparition de P u r a y ; le second et le troi
sième établissent q u e , pendant les derniers mois de sa
présence ¿1 l l i o m , les sorties ont c o n so m m e n t excédé
les rentrées, et que du 1 6 a u -26 mars, il a reçu 3 , 1 7 4
22 ce nt., et a payé 4 ,5 4 4 fr. 5 cent. Cette observation,
qui trouvera dans la suite une application plus directe,
doit cependant, dès cet instant m ôm e, faire apprécier
la justesse de l’opinion de ceux qui persistent ¿1 sou
tenir que P u r a y a fui en emportant des sommes si
considérables ;
�( ^5 )
considérables; q u e , dans leur esprit d ’exagération, ils
ne peuvent pas même en fixer la valeur.
Mais revenant, nous croyons qu’il est établi que
les registres tenus par P u r a y n’ont aucun des caractères
qui constituent la banque. Voyons actuellement s’il a
pu acquérir la qualité de banquier par ses relations
avec Albert, t
Les créanciers produisent à ce sujet quelques feuilles
informes1, écrites en partie de la main du sieur A lb e r t,
en partie de celle du sieur Sa v o u r e u x , son commis, et
enfin de celle du sieur P u ray lui-même. I l paraît qu'ils
veulent prétendre que cesfeuilles ont été ¡extraites d’un
registre destiné à consigner les opérations que ces deux
h o m m e s f a i s a i e n t e n s e m b l e e t en c o m m u n , d’où ils
induisent que P u r a y participant aux opérations d ’un
b a n q u ie r , doitiêtre1considéré lu i-m ê m e comme ban
quier.
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P ou r donner de suite une idée complète de cétt'e
pièce , il faut figurer la tête des colonnes qui divisent
çliaque page. ^
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Quel caractère peuvent avoir ces feuilles? Membres
épars d’ un travail dont on ignore l ’objet et le b u t , leur
présence dans l’étude de Puray serait-elle suffisante pour
7
�( 26 )
le faire regarder comme b an qu ier? les créanciers ne
les onl-ils pas jugées eu x-m êm es indifféientes à leur
cau se, en négligeant de les faire coter et parapher
par le juge de paix ? A ujourd’hui pourrait-on donner
quelque valeur à ces feuilles, dont on ne voit ni le
commencement ni la f i n , et qui depuis nombre
d ’années étaient restées ensevelies dans la poussière
d ’ une étude ?*■
!. r
L ’on pourrait s'en tenir là : mais P u ray doit, pour
dissiper toutes les obscurités , donner quelques expli
cations de plus. :
*
:
L o r sq u ’à la fin de l’an 9 , il se livra à des e m
prunts, avec le dessein de prêter, l u i - m ê m e , il eut
bientôt à sa disposition des sommes ’considérables.
N ’en trouvant point le placement , et voyant avec
peine qu'il payait les intérêts d ’un argent qui ne lui
produisait aucun profit, il voulut verser ces fonds
dans la caisse du sieur Albert. Celui-ci accepta : il
y eut de la part de Puray divers versemens qui furent
suivis de placemens faits par Alberl ; il paraît même
qu’à cette époque il y eut projet d ’association, mais
trouvant beaucoup de difficultés à l’organiser, l’ un
et l’autre convinrent qu’ Albert continuerait de placer
j u s q u ’a u ' moment où ils seraient d’accord sur les con
ditions de leur association projetée. Alors fut inventé
le registre dont les créanciers de P uray produisent
quelques feuilles , et qui 11’était autre cho se'q u e le
tableau de représentation des' sommes versées par
P u r a y chez Albert et placées par ce dernier. D e nou-
�( s7 )
velles réflexions les ayant bientôt convaincus qu’ il
était impossible d’établir une société entr’ e u x , leurs
relations cessèrent ; P u ray retira, ses fonds ^ et lès
choses en demeurèrent là.
Plus tard, Puray eut encore des relations avec Albert,
mais elles sont d’ un genre bien différent que les pre
mières. Pressé par des remboursemens ou des paiemens
d’intérêt, il fallut
plusieurs fois avoir recours à la
banque du sieur Albert ; mais ces emprunts deve
nant trop multipliés, le sieur P u r a y perdit bientôt
cette ressource , et fut obligé de rembourser avec
des effets de son portefeuille les sommes qu’il avait
empruntées.
Ces relations ne peuven t constituer la banque.
L a première époque xielpèut tout aji plus présenter
qu’ un projet de société qui n’a point^été réalisé. Si
cetie société eût existé, on en trouverait la preuve
au greffe, où la loi ordonnait que l’acte serait déposé.
Enfin , si l’on pouvait su pposei'jl’existence de celte
société, celle supposition serait inutile pour le but
que les créanciers se proposent ; dès que d’ une part
elle aurait cessé avant l’an i 3 , époque dès laquelle
on rapporle tous les registres, constalant les opéra
tions de Puray , et que de l’autre , cette société ne
pouvant être considérée que com me une société en
participation , n’aurait rien changé aux qualités des
parties contractantes.
L a seconde époque n’a pas besoin d’explication.
P u ray ayant dans ses besoins recours à la banque ,
8
�C 28 )
ne peut pour cela être considéré comme banquier.
11 faut actuellement se livrer à l’examen de ce qui
concerne les sieurs Morin , banquier à Clermont ,
S é b au d , banquier à P a r is , et V i n c e n t , banquier à
L y o n . L e s relalions de P u ray avec ces difïérens per
sonnages ayant paru aux créanciers le plus fort soutien
de leur système, il devient indispensable d’analyser et
d’apprécier tout ce qui est produit à ce sujet.
Sous ce point de v u e , l'affaire réside spécialement
dans le registre de correspondance du sieur P u r a y ,
où l’on fait remarquer différentes lettres écrites à ces
différens banquiers ; lettres qui, suivant les créanciers^
annoncent de la part de P u r a y des transports d’argent
de place en place et des opérations de banque. Pour
appuyer cette idée et lui donner plus de développe
ment , les créanciers produisent les lettres adressées
par M o r i n , Sébaud et Vincent à Puray.
T r a ç o n s, d’après les documens communiqués, l ’his-*
torique de ces relations.
U n e lettre du 28 novembre 1 8 0 6 , adressée par
P u r a y au sieur Morin , banquier à Clerm on t, et an
térieure h toutes celles dont on fait usage contre lu i,
s’e x p r im e ainsi :
« M e s f o n c t i o n s n o t a r i a l e s me donnant par
« fois des relations qui me metlent dans le cas, ou
« d’avoir besoin de fo n d s, ou d'en fa ire passer par
« La voie des traites , f a i trouvé sur le premier objet ,
« près de vous , une fa cilité dont j ’ai usé et userai
« dès que
vous
accueillez mes demandes. Quand au
�( 29 )
a second objet.............. , il m ’a semblé que je sortirais
« de tout e m b a r r a s, en obtenant de vous un crédit
« sur votre maison de P a r i s , et un autre sur voire
« maison de L y o n ; je vous le proposerai de 10,000 fr.
« sur chacun e, sous vos auspices et votre recomman-
a dation. M a signature , mon timbre et ma vignette
« seraient reconnus et accueillis à Paris et à L y o n ,
« et d ’ailleurs j ’aurai crédit toujours dans mes traites ?
« valeur reçue pour le compte de Morin et compagnie ....
<x pour toutes ces opérations, il s’ouvrirait nécessaia rement entre vous et mol un compte courant. »
L e s idées que fait naître cette lettre sont aussi incon
testables que faciles à fixer.
D ’a b o rd , c ’ est par suite de ses fonctions notariales,
et de ses relations comme notaire, que P u r a y , dans ses
besoins de fonds, a eu recours à la banque de Morin.
Ce sont ces mêmes relations de notaire qui le mettent
dans le cas d ’en faire passer, par la voie des traites, à
L y o n ou à Paris.
Jusques-là pas un seul mot de banque; t o u t , au con
traire, en exclut l’idée, puisqu’il n’est question que du
notariat.
P u r a y demande ensuite un crédit a Morin ; nonseulement il veut correspondre avec les banquiers, sous
ses auspices et sa recommandation , mais encore il re
connaît que la valeur de ses traites doit être reçue pour
le compte de Morin et compagnie.
Ainsi P u r a y , notaire, demande un crédit à M o r i n ,
banquier ; il reconnaît q u ’il ne peut correspondre avec
�( 3o )
les banquiers, que sous les auspices et la recomman
dation d’un homme ayant la même profession; il sent
m êm e que ses traites ne peuvent être reçues qu’au
tant qu’elles seront portées au compte du banquier
qui le crédite. P u r a y p e u t - i l manifester plus ouver
tement qu’il n’a point de b a n q u e , reconnaître d ’une
manière plus positive qu’il n’est point banquier , et
avouer plus formellement que personne ne lui re
connaît cette qualité?
Lo r sq u ’ensuife il ajoute., que les opérations qu’il
fera avec le crédit ouvert par Morin , nécessiteront
l ’ouverture d’ un compte courant entr’eux , ne com plette-t-il pas l’idée que l’on vient de se former? ne
dit-il pas bien explicitement à M o r i n , « vous, comme
« banquier , vous serez en compte avec les banquiers,
« auprès desquels vous me créditez, m o i , comme no« taire, comme simple particulier, ayant besoin de
« votre crédit pour mes affaires, je serai en compte
« courant avec vous.»
L e s propositions de P u r a y furent acceptées; une
lettre écrite par Morin , le 1 2 décembre 1 8 0 6 , l ’in
vite à se rendre à Clermonl pour convenir des bases
du crédit.
Différentes correspondances s’ouvrent bien loi après;
l’ une entre le sieur Sebaud, banquier a Paris, et le sieur;
P u r a y , notaire à R i o m . - L e s lellres écrites par Sébau d,
donnent constamment soit sur l’adresse, soit dans l’in
térieur, la qualité île notaire au sieur P u r a y , sans
jamais y ajouter celle de banquier.
�(30
L a seconde est encore entre le sieur P n r a y et le
sieur Vincent, banquier à L y o n . - - V i n c e n t , comme
S é b a u d , ne reconnaît à P u r a y d’autre qualité que
celle de notaire.
L a troisièm e, qui parle souvent des opérations qui
ont eu lieu entre les sieurs Sébaud , Vincent et le
sieur P u r a y , est entre M o r in , Banquier à Clermont,
et Puray. — M o rin , qui connaissait si bien la qualité
de P u r a y , qui n’était étranger à aucune de ses opé
rations , s’accorde avec Sébaud et Vincent pour lui
donner exclusivement la qualité de notaire.
A i n s i , voilà trois banquiers
correspondans av ec
P u r a y , qui ne lui reconnaissent ni banque, ni la qua
lité de b a n q u i e r ; qui traitent a v e c l u i , sachant q u ’il
e x e r c e exclusivement la profession de nota ir e: c o m
ment donc leurs opérations avec ce notaire pour
raient-elles être des opérations de b an qu e, proprement
dites?
Ouvrons
actuellement ces différentes correspon
dances , ’et voyons si les banquiers se sont mépris sur
Ici qualité de P u r a y , et si la nature des relations
q u ’ils avaient avec lu i, leur permettait de le regarder
com me un de leur confrère.
Commençons par Sébaud.
L e 26 décembre 1 8 0 6 , P u r a y lui annonce qu ’il
lui adressera plusieurs traites, en vertu du crédit qui
lui a été ouvert par le sieur Morin. Par autre du 29
du même mois, il ajoute que c ’est du sieur Morin qn’il
recevra ses remises; qu’il ne veut point avoir de compte
�(
32
)
particulier; que ses écritures se trouveront dans la
caisse de Clermont.
I l fait ensuite différentes trailes : Sébaud lui en
accuse réception à chaque lois, et dans les leltres'qui
ont élé communiquées , et dont la dernière est du
i 5 mars i 8 o 3 , il n’en est pas une qui ne dise :
Ou « que bonne noie en a été prise pour la porter
« au débit de la caisse des notaires de Clermont » ;
Ou « qu’il y a débit pour le compte de la banque
« de Clermont ».
Si au lieu de faire des traites, le sieur P u r a y faisait
verser des fonds dans la caisse de S é b a u d ,
Ce dernier répondait aussi constamment « qu’il
« avait instruit la caisse de Clermont du versement
« qui avait eu lieu, et qu’il en avait été donné crédit
« ¿1 cette caisse ».
Ainsi toutes les opérations de banque étaient entre
Morin et Sébaud ; P u r a y n ’y participait en aucune
m an ière; il ne recevait du banquier de Paris que les
renseignemens relatifs au crédit que lui avait ouvert
le banquier de Clermont ; c'était av ec ce dernier seul
que P u r a y avait à faire. Son compte courant était
celui d’ un simple particulier; Sébaud avait donc bien
raison de ne pas lui donner la qualité de banquier.
.
L a cor respondance de V i n c e n t , de L y o n ,
c a ra c tè re s
a des
semblables à celle que l ’on vient d’analyser.
M ô m e avis de la part de Puray.
M ê m e envo i de trailes.
M ê m e versement de fonds.
Même
�1
( 33 )
r M ê m e réponse de la part de Vincent.
L e s traites « sont accueillies au débit de Morin ».
Pour les versemeñs, il « en. crédite le compte de
M orin ».
Ainsi Vincent, de L y o n , avait donc les mêmes raisons
que Sébaud, de P a r i s , pour ne pas reconnaître en
Pu ray la qualité de banquier.
L a correspondance de Morin devait être plus consi
dérable ; P u ray
faisait à celle banque de fréquens
emprunts, qui nécessitaient beaucoup de lettres de
demandes et d’envois d’argent : outre cela , le crédit
ouvert à P u r a y exigeait souvent des explications et
des règle mens de compte. Aussi rem arque-t-on un
très-grand nombre de lettres ecrites dans le courant
des années i 3 , 1 4 , 1 8 0 6 , 1 8 0 7 , 1 8 0 8 , 18 09 et 1 8 1 0 ;
'dans aucune l’on ne trouvera une seule phrase, un
seul mot qui puisse faire penser que le sieur Morin
a regardé un seul instant Puray comme banquier.
L a plupart de ces lettres attestent , au contraire,
que P u ray était entièrement étranger aux usages du
commerce , et spécialement à ceux de la b an qu e,
dont Morin élail obligé de l’instruire.
C ’élail des mal-entendus continuels sur la valeur
des termes; c ’élail des reproches sur son ignorance
des usages de la banque de L y o n , qui ne reconnaît
point de jours de grâce pour les paiera ens; ce qui
nécessitait que les traites fussent toujours précédées de
lettres d ’avis.
E n fi n , les erreurs de P u ray en ce genre étaient si
9
�( 34 )
multipliées, que Morin ayant à craindre qu’elles ne
missent son correspondant de L y o n dans une situation
embarrassante ou fâcheu se, suspendit le crédit qu’il
avait ouvert sur cette ville, et en prévint P u ray par
lettre du 26 novembre 1808.
Ainsi cette correspondance plus que toutes les autres,
prouve que P u r a y n ’était pas banquier; qu’il ne pou
vait l’être; qu’il n’avait pas m êm e la connaissance des
usages de la banque.
S ’il était besoin d’ajouter quelque chose à la force
de faits déjà si clairs , l’on pourrait invoquer le témoi
gnage du sieur Morin lu i-m ê m e : il est créancier de
P u r a y ; il perd des sommes considérables; plus que
tout autre, il a droit de se plaindre : cependant il n’a #
pas craint de manifester son opinion sur le procès
actuel, et de déclarer qu ’il n’avait jamais regardé
P u r a y comme banquier.
S’il était interrogé, il répondrait comme il a dû le
faire devant le juge d’instruction :
« Que le crédit par lui ouvert à P u r a y , sur ses
« correspondais de Paris et de L y o n , n’était autre
« chose qu'une facilité que P uray lui avait demandée
« pour pouvoir fournir directement des mandats sur
« ces deux villes, sans l’intervention de lui Morin *.
I l dirait : « que chaque fois que Puray se prévalait
« sur ses correspondans, il était spécialement tenu de
« lui donner a v i s , par détail de sommes et de dates,
« afin qu’il pût l’en débiter, et en créditer le corres« pondant sur lequel Puray tirait.
�( 35 )
' Il dirait : « qu’i l ' n a point connu le sieur Puray
« comme banquier , qu’autrement le sieur P u r a y
« n’aurait point eu besoin de son intermédiaire ».
Il ajouterait : « que du moment où il écrivit à
« ses
correspondans de
ne
plus créditer le sieur
« P u ray pour son compte, ces correspondans cessèrent
« et ne firent plus aucune opération avec lui ».
E n fi n , si on l’interrogeait sur la nature des registres
produits par les créanciers, il répondrait sans hésiter
« qu’il ne les reconnaît point pour être ceux d’un
« banquier , tant en La forme q u a u fo n d ».
Que pourrait on ajouter à cette déclaration? ne
renfermè-t-elle pas toute la c a u s e , et tes créanciers
de P u r a y ne sont-ils pas condamnés par le seul d ’entre
e u x , capable d’apprécier et la nature des opérations,
et la qualité de leur débileur ?
Nous ne pouvons terminer sans dire un mot de la
vignette et du chiffre du sieur P u r a y ; les créanciers
disent que cet ornement placé sur leurs effets, les a
autorises à penser que leur débiteur était banquier.
S ’il y avait à raisonner sur un objet aussi fu tile,
on leur répondrait qu’ils ne pouvaient se méprendre
sur les conséquences à tirer de celle vignette, puisqu elle ne mentionnait aucun établissement de b a n q u e }
mention que P u r a y n’eût pas manqué de faire a
1 inslai des notaires de Cl er inout, et autres chefs de
pareils établissernens, si réellement il eût été banquier.
r Mais chacun des créanciers ne pouvail-il pas con
naître sur ce point le goût du sieur P u r a y ? I l était
10
�( 36 )
impossible d’entrer dans son étude, sans s’apercevoir
de sa prédilection pour les images et les tableaux de
toute espèce. C ’étaient des cartons ronges, verts, jaunes,
b le u s, avec étiquette, ornés de chiffre et vignette.
Sur un m u r , l ’on apercevait un tableau tracé et
écrit avec de l’encre de différentes couleurs. Sur son
bureau étaient des expéditions d’actes, ayant une tête
imprimée et son chiffre au-dessus; enfin, tout ce qui
l ’entourait
se faisait ainsi remarquer par quelque
caractère singulier ou bizarre.
Ses effets auraient-ils seuls été exceptés de cette
m a n i e ? mais en ce point elle avait quelque chose
de raisonnable. P u r a y ne se servait pas de papier
timbré ; il était assez simple qu’ il prît quelques pré
cautions pour reconnaître plus facilement son papier,
et empêcher qu’on ne le contrefît.
P u r a y n ’est donc point banquier.
Est-il com m erçant?
/
Parcourons les faits qu’on lui impute.
,T,e premier est
relatif au
baume
de vie. [Les
créanciers, pour montrer que Puray en a fait com
m e r c e , produisent sa correspondance avec l'inventeur
de ce spécifique.
"
;
I / o n a déjà expliqué ce fait ; il suffit d ’ajouter ici
que P u ray devint dépositaire de ce remède ; mais ce
dépôt ne le constitue pas plus marchand que le sieur
Dufaud , .directeur de la poste ne l’est , pour avoir
accepté celui des grains de santé du docteur Franck.
L e second fait de commerce porte sur le K e r s w a s e r j
�C 37 )
le; sieur P u ray en avait-, d it-o n , une grande quantité;
l ’on rapporte d’ailleurs la lettre d’envoi qui lui en
a été faite, et on en conclut qu’il est commerçant.
L ’on ne veut point répéter ce que Ton a dit plus
haut à ce sujet.
Mais il faudra que les créanciers expliquent com
ment un seul envoi de liqueur peut établir une pro
fession habituelle de com m erce; comment il peut cons
tituer même un acte de com m erce, quand il est fait à
un individu non commerçant.
j
L e sieur P u r a y était-il d’ailleurs privé de la faculté
de faire une provision de liqueur assez considérable }
p o u r p o u v o ir en céd er à ses amis ou h ses p a r e n s ?
A - t - i l établi un magasin de cette liq u e u r ? A - t - i l
cherché à Ja vendre ? C o m m e marchand, en a-t-il fait
sa déclaration à la régie des droits réunis?
Autant de questions, autant de réponses favorables
au sieur P u r a y , et qui sont la preuve de la légèreté des
imputations de ses créanciers.
L e dernier fait résulte de la production d’un registre
non coté ni paraphé , et portant pour suscription :
affaires et spéculations particulières.
Ce registre contient la note d ’une association de
P u r a y av e c divers individus pour achat et revente de
denrées, telles que froment, o rg e , etc.
Si les créanciers avaient bien e x am in é ce registre,
ils se seraient sans doute dispensés de le produire. E n
e ff e t , ces spéculations finissent en l ’an 1 1 ; il serait dif-
�( 38 )
iicile de deviner com m e n t, en 1 8 1 1 , elles pourraient
constituer un négociant.
D ’ailleurs sont-ce bien là des faits de c o m m e r c e ?
L e s propriétaires ne se permet Ieut—ils pas tous les jours
de pareilles spéculations, sa as être pour cela considérés
comme com merçan s? et P uray, en fournissant les fonds
à ceux qui se chargeaient des achats et des ventes, ne
vpouvait-il pas, sans être regardé comme commerçant ,
courrir la chance de perdre l’intérêt de son a r g e n t ,
ou d’en tirer un parti plus avantageux.
N e craignons pas de le dire : ces faits sont futiles et
11e prouvent rien. L ’esprit de prévention peut seul leur
donner quelque v a le u r ; mais aux y e u x de l’hom me
i m p a r t ia l, P u r a y
ne sera
pas plus marchand que
banquier.
Après l’examen de ces p i è c e s , il convient de fixer
son attention sur des faits d’un ordre différent, et sur
la procédure qui a été instruite contre le sieur P u r a y
depuis l ’époque de sa disparition.
L ' o n se rappelle que les registres de 1 8 1 0 avaient
spécialement été établis pour éclairer le sieur P u r a y
sur sa situation. L ’on se souvient aussi des deux livres
qui établissaient , jour par jour, l ’entrée et la sortie
de ses fonds. L e s résultats que P u r a y attendait, se
réunirent pour l’accabler. A u mois de mars 1 8 1 1 , il
11e peut
plu s
douter que le mal était irréparable. D ’ un
c ô t é , son passif se montait à des sommes énormes,
et était exigible sur-le-champ, tandis que son actif,
bien moins considérable, était d’ailleuis d’ un recou
�( 39 )
vrement difficile; de l’a u t r e , son crédit était perdu ;
les créanciers se succédaient pour réclamer leurs fonds;
e t, pendant les derniers mois, il avait été^obligé de
compter des sommes bien supérieures à celles qu ’il
avait reçues.
Quel parti prendre dans une situation aussi déses
p é r é e ? Puray assemblera-t-il ses créanciers? se livre
ra- t-il à leur discrétion ? Mais il craint de les trouver
intraitables : d’ailleurs il faut qu ’il se soumette à l ’em
barras et aux désagrémens d’ une explication ; qu ’il
entende et supporte leurs reproches; son état n'en est
pas moins perdu ; il va ajouter par sa présence à la
désolalion de sa famille.
Toutes ces raisons, tous ces
H*
préjugés, peut-être, fermentent dans sa tête, allument
son imagination, et l'entraînent loin de son pays.
J 1part le 29 mars 1 8 1 1 ; ses ressources étaient nulles:
scs registres font foi qu’à cette époque P u i a y n’avait
point d’argent à sa disposition; et dans la réalité, ses
parens les plus proches, aidés de leurs amis, réunirent
leurs bourses pour lui fournir les fonds nécessaires à
son voyage.
P u r a y , comme surpris par la foudre, n ’avait eu le
tems de rien régler. Ses papiers étaient en désordre;
los communications qu ’il avait faites ne donnaient
aucune lumière certaine sur le véritable étal deschoses.
li e bruit de sa fuite est bientôt répandu : d abord
I o n s e n é t o n n e , on refuse d’y croire; mais la cer
titude qu’on acquiert fait bientôt naître des soupçons
de tous genres.
�( 4° )
«
L e s scellés sont apposés; les créanciers se réu
nissent; ils tâchent de se reconnaître; ils se choisissent
des chefs.
,
L a famille P u r a y étudiait tous ces mouvemens : elle
entendait sans cesse répéter que Puray avait fui en
em p orta nt le gage de ses créanciers; que la voiture
qui le portait était chargée des richesses qu'il entraî
nait avec l ui , et que la nouvelle patrie qu'il allait se
choisir, le verrait bientôt dans un état aisé et florissant.
Cette imputation devait mettre au désespoir ceux
qui tenaient de plus près au sieur Puray. Ils avaient
assisté à ses derniers m om ens; ils connaissaient ses
ressources : quelqu’argent emprunté par sa mère 011
son f r è r e , la montre de sa f e m m e , quelques é c u s ,
produit des récompenses données à ses en fans dans
‘des tems plus heureux : tels étaient les trésors du sieur
P u r a y , et ses moyens d’existence pour l ’avenir.
L e retour du sieur P u r a y fut résolu, comme le
m o ye n le plus sûr de faire cesser ces calomnies : il fut
proposé à ceux des créanciers que la masse s’était choi
sis pour la diriger: mais, comme dans ces premiers mojnens il était question de faillite, et des mesures qu’elle
entra îne, l’on fit dépendre ce retour de la promesse
qu'on donnerait, de ne faire aucune poursuite jus
qu’à plus ample explication.
L e s chefs sentirent que cette proposition était avan
tageuse ; ils assemblèrent leurs commet tans, leur com
muniquèrent les ouvertures de la famille P u r a y , et
les
�( 4i )
les appuyèrent de toutes les raisons que leur sagesse
et leurs lumières purent leur suggérer.
Celte réunion se passa en discussions. Une assem
blée nombreuse, composée d’individus de sexes difiérens , de condition et d’ éducation différenles , donne
rarement des résultats que la raison puisse approuver,
lies plus sages voulaient le retour de P u r a y ; le plus
grand nombre y consentait ; quelques-uns plus pas
sionnés se l è v e n t , s’opposent à ce retour; l’assemblée
se dissout, et bientôt l ’ouverture de la faillite est
p r o v o qu é e , tandis qne dans le même tems P u r a y est
dénoncé comme banqueroutier frauduleux.
Quels étaient les créanciers qui em ploy aie nt des
m o y e n s aussi rig o u r e u x ? Y en av a it- il un qui eût traité
avec P u r a y sous la foi du commerce , qui fut luim ê m e commerçant, q u i , en cette qualité, eût des
relations d ’affaires avec. P u r a y , et pût venir dire qu’il
était fondé à regarder son débiteur com m e banquier
ou commerçant ?
R ie n de tout cela :
C étaient des liabitans de R i o m , la plupart capi
talistes, et plaçant leur argent au taux le plus avan
tageux , se faisant souscrire des effets ¿1 R i o m , payables
& R io m , ayant pour débiteur un notaire de Riom.
Qu y avaii-il donc dans les qualités des personnes et
dans la nature des prêts, qui pût faire soupçonner la
banque 011 le c o m m e r c e ?
Cependant le tribunal de commerce r e n d , le 1 3 avril
1 8 1 1 , un jugement qui déchire le sieur P u r a y failli,
11
�( 42 )
fixe l’ouverture de la faillite au 29 mars ; nomme
des agens provisoires et un juge-commissaire h la
faillite, ordonne en même tems l’apposition des scellés.
Ce jugemènt ne commet point d’huissier pour les
différentes significations exigées par la l o i , à l’efïet
de faire courrir les délais d’opposition ou d’appel.
Ce premier acte d’hostilité ne permettait pas au
sieur P u ray de paraître; il n’avait plus, que des mal
heurs à prévoir ; sa liberté était compromise : les
créanciers plutôt excités pdr la haine que dirigés par
leur intérêt , ne respectaient plus rien ; ils poursui
vaient criminellement leur débiteur, cherchaient à
compromettre sa réputation, ou à attaquer la moralité
de ses parens et de ses amis. Que pouvait faire le
sieur P u r a y ? .............. fu ir , se taire, et attendre, fut
le parti qu’il crut devoir prendre.
L e 24 a v r i l, l’extrait du jugement du i 3 est in
séré dans la feuille du département.
P a r acte du 27 du même mois, un huissier non
c o m m is, écrit avoir affiché un extrait certifié con
forme à l ’expédition, par les ag en s, du jugement
du i 3.
Cet acte est attaqué de nullité, i.° parce qu’il n’a
point été fait par un huissier commis au désir de
l ’art. i 56 . C. P . ;
2.0
Parce que l’extrait du jugement n’a point été
fait par l’huissier , ministre de 1 acte ;
3.° Parce que rien n ’établit qu’il
extrait de ce jugement ;
y ait
eu un
�( 43 )
4-° E n f i n , parce que l’acte n’indique pas le jour
de l’affiche.
L e 7 mars 1 8 1 1 , les agens présentent requête à
M. le Président du tribunal de com m erce, et lui
demandent de commettre un huissier pour la signi
fication du jugement du i 3 avril. Sur cette requête
intervient une ordonnance qui commet l’huissier Cola.«.
L e 1 4 ma i , mêm e a n n é e , le jugement du i 3 avril
est signifié à domicile par l’huissier commis par le
Président.
Cette signification est aussi attaquée de nullité; Ton.
soutient qu’elle a été faite par un huissier sans ca
ractère, le président du tribunal de commerce ne
p o u van t le commettre.
L ’on donne bientôt suite à cette procédure; des
syndics provisoires succèdent aux agens; les opéra
tions indiquées par le Code de commerce ont succes
sivem ent lieu , enfin la faillite a des syndics définitifs.
L ’an 1 8 1 2 arrrive. L e tems qui s’était écoulé depuis
la disparition du sieur P u r a y , les difïérens renseignemens que l’on avait pu recueillir; les développemens
que cette affaire commençait à recevoir; des discus
sions qui étaient 'nées entre les créanciers, et des
prétentions qu'ils avaient élevées, concouraient à con
firmer dans l’idée que l’on avait déjà eue que Puray
n’était ni marchand ni banquier. Alors l’on recueille
avec soin tout ce qui échappe ; les faits les plus légers
sont réunis aux plus graves : un mémoire à consulter
est rédigé; il est présenté à un grand nombre de juris12
�( 44 ')
consultes, qui décident unanimement qu’ un notaire
ne peut être ni marchand ni banquier, et que d’ailleurs
les fails imputés à Puray ne constituent ni le com
merce ni la banque.
Alors le 23 juin 1 8 1 2 , P u ray forme opposition
au jugement qui le déclare failli; il soutient que, n’étant
point commerçant , le tribunal de commerce était
incompétent ratione maleriœ.
A
et la
des
que
cette époque , Ton pouvait supposer que le tems
réflexion auraient conduit les créanciers à accueillir
moyens d arrangement. Ils avaient pu s’assurer
leurdébiteur était plus malh eureuxq u’eux-mêrnes;
que loin de sa patrie, et éloigné des objets de ses
affections les plus chères, des chagrins de tout genre
venaient rendre plus insupportable le dénuement
complet auquel il était réduit. En fin , ils avaient pu
apprendre que sa mère avait été obligée de faire divers
emprunts pour lui faire passer des secours. Dans cet
état de choses, n’était-il pas naturel de penser que
les élans de la passion devaient être calmés, et que
l ’on pourrait enfin s’entendre ?
L e sieur P u ray avait laissé une procuration ; on
crut que l ’instant était venu d’en faire usage. L ’on
proposa, i°- de délaisser aux créanciers toule la fortune
personnelle de leur débiteur , et de leur donner toutes
les facilités possibles pour l’aliéner, et en disposera
leur gié ;
.
2°. L a mère offrit le partage de ses b i e n s , et de
�( 4& )
délaisser la propriété directe de la porlion qui devait
revenir à son iils ;
3°. L a femme se soumit à l’abandon de tous ses
droits, reprises et avantages matrimoniaux. .
Que pouvait-on iaire de plus? Qu’obtiendront les
créanciers qui leur soit aussi avantageux, sur-tout si
l ’on ajoute que P u ray ne leur demandait point de
quittance définitive, et laissait à chacun d ’eux le
droit de r écla m er, dans l’àvenir, le montant entier
de-sa c ré an ce ?
Les créanciers ont eu tout le tems nécessaire pour
apprécier ces propositions; elles ont été connues d’ eux
comme particuliers , soumises à l ’examen de leurs
syndics, c o m m u n i q u é e s ù M. le juge-c ommissaire.
Comment concevoir qu’elles aient été rejetées, si l’on
lie suppose, d’ un côté, une passion aveugle, et de l’a u Ire,
des prétentions à une sévérité qu’on ne saurait fléchir.
Tout espoir d’accommodement étant évan ou i, il
fallut bien songer à se défendre : la famille Puray
devait croire q u e , dans la lutte où elle était obligée de
se présenter, on observerait envers elle les égards dus
au malheur, ou qu’au moins les créanciers ne mécon
naîtraient pas les usages du bavreau , jusqu’au point de
ne pas lui donner communication des pièces dont on
entendait se servir.
l
es consultai ions délibérées en faveur du sieur Puray,
avaient été communiquées à l’avocat des créanciers.
Ennemie de toute surprise, la famille voulait que l’on
pût répondre aux moyens que celte consultation con
�.
(
46 )
tenait, et donner toute l’attention nécessaire à la
question importante qui y est traitée. Ce procédé
semblait exiger quelque ret our, et il était difficile
de penser que des faits seraient cachés à ceux qui
faisaient connaître les moyens de droit dont ils en
tendaient se servir.
C ’est cependant ce qui a eu lieu : les créanciers
parurent à l’audience, armés de registres et d,e pièces
absolument inconnus à l’avocat du sieur Puray. Us
avaient eu le tems de choisir tout ce qui pouvait être
avantageux à leur système. Lettres de différentes
n a t u r e , actes de com m er ce, correspondance avec des
banquiers ; comment saisir, au milieu d ’un audiloire
‘ nombreux et dans la chaleur de la discussion, les
rapports de tant d’objets dont la valeur ne peut être
parfaitement connue et appréciée, que dans la solitude
du cabinet ?
L e rédacteur du mémoire doit en convenir; il fut
épouvanté de cette masse de preuves. Il partagea
sur-le-champ la conviction du confrère qui plaidait
conlre lui ; il le laissa connaître avec autant de fran
chise qu’il en met aujourd’ hui à déclarer que sa cons
cience avait été abusée par des apparences trompeuses.
11 se doit à lui-même d’ajouter, qu ’il a la conviction
que l’avocat des créanciers ne connaissait de ces pièces
que ce qui en a été lu à l’audience , et que si com
munication n’en a pas été donnée pour la plaidoirie ,
ce procédé est imputable aux créanciers seuls, qui
�( 47 )
peut-être dans ce dessein ont affecté de ne remettre
qug fort tard leurs pieces a leur avocat.
L e 18 août 1 8 1 2 ,
est intervenu au tribunal de
commerce jugement contradictoire, qui déclare l’o p
position de Puray tardive et non recevable.
L e sieur Puray a interjeté appel de ce jugement?
le 5 décembre
même a n n é e , et s’est également
pourvu contre celui du 18 avril 1 8 1 1 , qui le déclare
failli. — T e l est l’état de la cause.
MOYENS.
L e but principal de ce mémoire était de faire con
naître les circonstances de celte cause. Files avaient
été présentées sous tant de faces différentes. livrées
îi
des interprétations si malveillantes et si haineuses;
elles étaient enfin tellement dénaturées, qu’il était à
craindre qu’ une plaidoirie fût insuffisante pour les rélablir dans leur véritable j o u r , et pour iaire aper
cevoir les conséquences auxquelles elles conduisent.
Mais actuellement que lous les faits sont connus,
la discussion doit être courte et facile.
A u fond, la première question à examiner, est celle
de savoir si un notaire peut être considéré comme
banquier ; si exerçant une profession exclusive de la
banque et du com m erce, on peut , eu a p p r é c i a n t ar
bitrairement quelques actes qui paraîtraient é n a r g e r s
à celle profession, lui atliibuer u n e q u a l i t é qu’ il n’a
pas, lui imposer des obligations ou des devoirs au x
�( 48 )
quels il n’a pas entendu se so umettre , l ’enlacer en
fin dans des chaînes plus pesantes que celles dont le
chargeait son existence sociale.
Une consultation qui est jointe au m é m o i r e , ex a
mine ce point de la cau se, avec tous les détails quJil
peut comporter : l’on ne veut point lasser l’attention
par des redites inutiles ou fastidieuses, mais l ’on doit
ajouter quelques réflexions.
L e commerce est une des professions les plus inté
ressantes de la société ; devant y occuper une place
distinguée, elle doit, comme toutes les autres , avoir
des droits et des privilèges particuliers auxquels cor
respondent des obligations et des devoirs qui lui sont
aussi particuliers.
. Ainsi les caractères distinctifs du commerçant sont
la patente, le droit qu'il a d ’être appelé dans les as
semblées et corporations de commerçans, l ’inscription
de son nom sur les listes qui doivent servir à former
les assemblées et les tribunaux de commerce, et sur
celles que les tribunaux de commerce doivent fournir
aux autorités locales pour les transmettre au gouverne
ment.
Voilà les véritables com m erç ans, ceux que la loi
reconnaît pour tels. Les hommes attachés à d’autres
professions peuvent laire des actes de commer ce, mais
ne sont pas commerçans.
Conunent donc, P u r a y a u r a i t - i l pu être à la fois
notaire et banquier? Comme notaire, il ne pouvait
être
�( 49 )
être membre d’aucune assemblée, d’aucune corpora
tion de commerce; il ne pouvait être porté sur les
listes présentées au gouvernement; il ne pouvait être
élu membre d’un tribunal de commerce. Ainsi, sa pro
fession s’opposait à ce qu’il pût participer à aucun
des privilèges exclusivement attachés à la personne
du commerçant. L a même raison a dû le faire exempter
des charges attachées à cette qualité ; aussi, quoique
les prêts et les emprunts de Pu ray fussent parfaitement
connus , n’a-t-011 jamais pensé à regarder Pu ray comme
banquier, et à le soumettre au droit de patente; sa qua
lité de notaire excluait l’idée de toute autre profession.
Une nouvelle réflexion semble venir donner encore
plus de force à ces moyens. L ’on pourrait supposer
que le commerce peut être fait par un homme e xe r
çant une profession qui en est exclusive ; p a r exemple:
qu’un notaire tienne un magasin, qu’il y étale et
vende habituellement des marchandises; cet homme
sera nécessairement commerçant ;
il sera soumis à
à la rigueur des lois du com merc e, sans être revêtu
de leurs privilèges. Pourquoi cela ? C ’est qu’ayant
une profession principale qui l’incorpore à un ordre
quelconque, il ne figure dans la société que sous le
titre que cette profession lui donne ; mais qu'ayant
joint à cette profession des détails de commerce qui,
tout accessoires qu’ils puissent être, sont cependant
habituels; ces actes , jusqu’au moment où il les au ta
cessés, le mettent , par sa volonté, sous la juridiction
d’ une classe d’hommes qui ne le reconnaissent cepen
dant point comme leur pair.
i3
�(
)
Mais la profession de banquier ne peut jamais êlre
accessoire; l’exercice de la banque ne se restreint point
à une seule v i l l e , il embrasse tous les lieux et toutes
les distances, il fait circuler les fonds d’ un pôle à
l’a u t r e ; ses opérations ont un caractère 'public; sou
vent elles concourent à assurer le succès des plus
grandes entreprises. Ainsi, le banquier est un homme
public que le gouvernement doit reconnaître , dont
la profession ne peut êlre un m y s t è r e , qui doit être
placé parmi les comnierçans. Il faut que tous ceux
qui exercent le même état que lui sachent le point
qu’il occupe dans le monde commercial, pour pouvoir
se servir de lui dans les transports d’a r g e n t , qui sont
le signe caractéristique de celte profession. Un ban
quier dont l’ existence est inconnue, ou restreinte à
line ville ou une contrée, n’est pas banquier. Un homme
ayant pour profession principale l’état de notaire , et
pour profession accessoire celui de banquier, est un
être inconcevable.
Mais supposons un instant que la profession de notaire
ne soit point exclusive de celle de com m erçan t, et plus
particulièrement de celle de ban quier, qu'en résul
tera-t-il?
P u r a y , notaire, était-il banquier ou m archand?
Quels sont les banquiers?
« Ce sont ceux qui font un commerce par lettres
« de change et négociations d’argent de place en place,
</ pour raison de quoi ils perçoivent un certain profit.
« Par exem ple, un particulier qui est à Ca dix, veut
« faire loucher h quelqu’un une somme d’argent à
�( 5i )
« Amsterdam; il porte cette somme à un banquier de
« Ca dix, qui lui donne une lettre de change à rece« voir sur un autre banquier d’Amsterdam, son cor« respondant, moyennant un profit qu’il prend pour
« la lettre de change ainsi fournie.
« On appelle change le profit qui est ainsi p e r ç u , et
« qui n’est autre chose, en gén éral, que le droit qui
« se paye à un banquier, pour une lettre de change
« qu’il fournit sur un autre lieu que celui d’où cette
« lettre est tirée, et dont il reçoit la valeur d’ un autre
a banquier, ou négociant, 011 d’une autre personne
« dans le même lieu que celui où la lettre est fournie ».
( L o c r é , tom. 1 , p. 3. )
I c i , y a - t - i l , cle In part de P u r a y , la moindre opé
ration de banque?
<
D ’abord, quant aux effets qu’il fournissait, pouvaientils a v o i r , et avaient-ils pour but un transport d’argent
de place en place? L e fait répond à ces deux questions.
Suivant les créanciers, Puray était banquier à R io m ;
ainsi, en celte qualité, il devait prendre les fonds sur
celle place, pour les transporter dans une autre.
Rien de tout cela : Puray prend les fonds à Clermont,
en fait le transport sur R i o m , et se charge lui-même
du paiement de ses propres traites.
Il est dû un change au banquier pour les effets
qu’il fournit. L e s registres de P u ray établissent que
c’était lui qui payait des sommes quelconques a ceux
qui prenaient ses effets : ainsi les rôles étaient changés;
le droit de la banque était perçu du ban quier, par
ceux qui avaient recours à lui.
*4
�( 52 )
Quant aux effets qu’il r e c e v a i t , ils ne pouvaient
Je constituer banquier, puisque c’était pour lui que
le transport avait lieu. P u r a y , sous ce rapport, loin
d’être b an quie r, aurait au contraire pour banquier
chacun de ceux qui lui souscrivaient des lettres de
change. Pour être conséquens avec e u x - m ê m e s ,
pourquoi ses créanciers ne f o nt - i l s pas déclarer en
faillite ceux de ses débiteurs qui sont en retard de
le payer ?
E n voilà bien assez , ce semble , pour démontrer
le ridicule d’ un système soutenu avec tant d’opiniâ
treté. Mais ne nous décourageons pas et s’il est
possible , pénétrons plus avant.
.Beaucoup de g e n s, habitans de la même v i l l e ,
prêtent leurs fonds à un de leurs concitoyens. Cet
emprunteur tient registre de ses emprunts; il dit
l'intérêt qu’il en donne, il renouvelle à chaque échéance;
il en fait également mention.
Y a-t-il là une seule opération de b a n q u e ? To ut
au contraire, n’en est-il pas exclusif? l'intérêt payé
par le prétendu banquier; ces renouvellemens qui
attestent que les fonds n’ont pas été transportés, ne
concourent - ils pas à prouver que les créanciers ont
fait des prêts à P u r a y , mais n’ont fait ni entendu
faire par son mteimédiaire , aucune opération de
banque.
Actuellement l'emprunteur place les fonds qu’il a
ainsi réunis; toutes ses opérations ont lieu dans la
ville qu’il habite; à son tou r, il perçoit des intérêts;
à son t our , renouvelle > tient registre de tout cela.
�( ï>3 )
Ces registres sonl produits, et l’on ose parler de banque!
Venons.enlîn au mot de cette cause.
P u r a y a emprunté à des intérêts excessifs; il a
prêté de même.
L ’habitude de ces faits peut-elle établir une pro
fession ?
Celui qui spécule sur l’intérêt de l’argent est un
usurier , mais n’est point un banquier.
Ceux qui alimentent de leurs fonds l’entrepôt de
l ’usure, en exigeant eux-mêmes des intérêts que la loi
défend d’exiger, font
un métier que la morale et
l ’opinion regardent comme vils, que la loi prohibe
et puni t , et qui con sé quem m e nl ne peut être classé
parmi les professions que la société ne reconnaît
q u ’autant qu’elles lui sont utiles.
Arrêtons-nous i ci ; n ’avilissons point le commerce,
en insistant plus long-tems sur une vérité que doit
sentir tout
commerçant qui tient à l'honneur de sa
profession : craignons également de trop approfondir
des idées qui pourraient blesser quelques-uns de nos
lecteurs , et que le besoin de la cause a seul pu au
toriser à rendre publiques.
P u ray n’est donc pas banquier.
L ’on a démontré dans les faits qu’il n’était point
commerçant; ainsi, c’est à tort qu’on l’a déclaré failli.
L e s créanciers bien pénétrés sans doute de 1 i m
possibilité ou ils se trouvent de justifier leurs pré
tentions au fon d, insisteront sur les fins de non-recevoir qu’ils ont déjà opposées, et lâcheront de tirer
avantage du silence du sieur Puray.
�( 54 ) L e s délais d’opposition d’appel son! expirés; voilà,
n'en douions pas, ce qu’ils se plairont à répéter.
Si dans les aflàires ordinaires, une lin de non-recevoir est toujours défavorable, ici elle esl odieuse.
Quand la négligence d’ un client peut entraîner la
perte de quelques intérêts pécuniaires, le magistrat
examine avec scrupule tout ce qui peut en détruire
les effets : une nullité de procédure est alors avide
ment saisie, et l ’omission de la plus légère formalité
devient suffisante pour réintégrer dans ses droits celui
que l’on en croyait exclu.
Combien est plus favorable encore la position du
sieur P u r a y ! Il réclame l’état qu’on lui a r a v i , pour
y substituer une qualité qu’il n’a jamais e u e ; il de
mande ses juges dont on l’a distrait pour le soumettre
à une juridiction qui n’était pas la sienne , et qu’il
ne pouvait reconnaître. Peut-on plaider pour de plus
grands intérêts, réclamer des biens plus inaliénables
et plus spécialement placés sur la surveillance et la
garantie de la loi ?.
Quoiqu’ il puisse être de ces premières idée s, qui ,
en recevant le dévelopement qu’elles exigent, seraient
peut-être seules suffisantes pour faire rejeter la fin de
non recevoir proposée; voyons avec le Code de pro
dure si le sieur P u r a y était encore à tems d’attaquer
le jugement du i 3 avril 1 8 1 1 , soit par la voie de
Fopposilion, soit par la voie de l’appel ; car l’on a
pu remarquer que la cause doit aujourd’hui être
examinée sous ces deux rapports.
I l esl reconnu que tout ju gem en t par d é fa u t, rendu
�( 55 )
,
conlre une partie qui n’a pas constitué d’a v o u é , doit
être signifié par un huissier commis. Il est également
certain que ce principe est applicable aux jugemens
émanés des Iribunaux de c o m m e r c e , comme à ceux
rendus par les tribunaux civils.
( V o y e z C. P . , art. 1 56 et 4 3 5 ; C. C., art. 6 4 3 ).
L a Cour a décidé que celte formalité était néces
saire pour les significations de jugemens, portant dé
clarations de faillites; ainsi ces premières idées ne sont
plus sujettes à contestation.
Cela posé : le jugement du i 3 avril 1 8 1 1 ne com
mettait pas d’huissier. Sa signification a donc été
nullement faite , et n ’a pu faire courir les délais de
l ’appel.
Avouons cependant que les créanciers s’étant aperçu
du vice de ce j u g e m e n t , ont cherché à le couvrir 5 en
présentant requête au président du tribunal.de com
merce , et en obtenant de lui une ordonnance qui
commet Colas , huissier. Disons en même tems que
la signification du jugement a été faite par l’huissier
commis par celte ordonnance.
Cela change-t-il quelque chose au m o y e n ?
L ’article i 56 du Code de procédure porte : « Tous
« jugemens par défaut seront signifiés par un huissier
« commis, soit par le tribunal, soit par le j"g e du
domicile du détaillant, que le tribunal aura désigne ».
L ’article 4 3 5 , plus spécialement applicable aux
tribunaux de c o m m e r c e r a les mêmes dispositions.
Ainsi il faut un huissier commis, et commis par le
tribunal ; le président n ’a aucun caractère pour donner
�( 56 )
cette commission. A u tribunal seul, la loi accorde une
confiance entière; elle veut l’huissier du choix du tri
bunal, et non celui indiqué par le président seul.
Elle pousse si loin la précaution à ce sujet, que lorsque
le tribumU qui rend le jugement, n’est point celui du
domicile du défaillant , elle n'indique pas le président
du Iribunal de ce domicile pour commettre l’huissier,
elle le confond avec tous les autres juges; elle dit que
l’huissier sera commis par le ju ge que le tribunal (ren
dant le jugement) aura désigné. Ainsi tout juge n’est
donc point appelé à donner cette commission. Il faut,
ou qu’elle émane du tribunal entier, ou d’ un juge spé
cialement désigné par lui.
Ce moyen serait incontestable, si on était obligé, ou
de l’appliquer à l’ordonnance d’ un président de Iribunal
civil, ou même à celle du premier président d’ une
Cour souveraine ; perdrait-il quelque chose de sa valeur
p a r l ’emploi qu’ on en fait contre l’ordonnance d’un pré
sident du tribunal de commerce,, d’ un juge d’attribu
tion, à qui la loi refuse l’exécution de ses jugemens;
d’ un président enfin qui n’a pas même d’hôtel?
Ainsi il n’y a point de signification du jugement du
i 3 avril 1 8 i i , au moins il n’y en a point de régulière;
donc l’appel qui en a été interjeté ’est venu dans les
délais.
M a i s , d ir a-t- on: vous aviez, formé opposition à ce
jugement ; vous y avez été déclaré non recevable, pour
ne vous être point pourvu dans la huitaine du procèsverbal d’apposition d ’afliche dé l ’extrait du jugement
que vousattaquez;or, la même raison qui a empêché de
recevoir
�( 57 )
recevoir votre opposition, doit également faire exclure
votre app el, parce que l’art. 44 3 du Code de procé
dure,, veut que le délai de l’appel, pour les jugemens
par défaut, courre du jour où l ’opposition n’est plus
recevable.
Cette objection, qui est la seule que l ’on puisse pré
senter, doit fournir au sieur P u ray les moyens les plus
puissans de cette partie de sa cause.
L ’art. 45 7 du Code de commerce dit : « que le juge« ment sera affiché et inséré par extrait dans les jour« n a u x , suivant le mode établi par l’art. 633 du Code
« de procédure civile. »
Il
ajoute : « qu’il sera susceptible d’opposition, pour
« le failli, dans les huit jours qui suivront celui de
« l’affiche. »
Voilà tout ce que l’on trouve dans le Code de com
m e r c e , à ce sujet.
L ’on conviendra bien, sans doute, que le jugement
de déclaration de faillite est susceptible d’opposition
et d’appel. Nous pouvons supposer que tout le monde
sera d’accord sur ce point.
Mais quel est l’acte qui fait courir les délais accordés
pour se pourvoir? Pour l’opposition , c’est incontesta
blement le procès-verbal d’affiche de l’extrait du juge
ment. P o u r L'appel, c’est encoie le procès-verbal d af
fiche , ou c ’est une signification particulière du juge
ment à domicile.
'
Si le procès-verbal d’affiche fait courir le délai de
l ’a p p e l, alors l’article 4 4 3 du Code de procédure est
applicable; mais dans ce cas, ce procès-verbal valant
�( 58 )
signification, doit être revêtu de toutes les formalités
exigées par la loi. Il faut sur-tout qu’il émane du mi
nistère d’un huissier commis par le tribunal, au désiu
de l’article i 56 du Code de procédure, qui est appli
cable aux significations de jugement de déclaration de
faillite , ainsi que l’a jugé un arrêt de la Cour.
Cela posé : le procès-ve rbal dont il s’a g it a été fait
par un huissier non commis p a r l e tribunal;on n ’a pas
même à cet égard la ressource d’une ordonnance du
président du tribunal de commerce. Colas, ministre de
cet a c te , n’avait aucune commission : donc cet acte est
nul, comme émanant d’ un officier sans caractère; donc
l’opposition et l’appel sont également recevables.
S i , au contraire, l’on convient, qu’outre le procèsverbal d’affiche, il faut encore une signification du
jugement à domicile pour faire courir le délai de l’ap
pel , il faudra également convenir, qu’en matière de
faillite, l’opposition et l’appel sont deux voies abso
lument distinctes, qui ne se suivent ni ne se succèdent,
mais s’ouvrent chacune au moment où est fait l’acte
qui fixe les délais dans lesquels elles doivent être e m
ployées; qu ainsi le délai de l’opposition commence
à courir de la date du procès-verbal, et celui de l’ap
pel, de la date de la signification ; alors l’article 44 3
du Code de procédure n est plus applicable, parce que
le principe qu’il établit est une censéquence de cet
autre principe, que la signification régulière du juge
ment est le point de départ des délais de l’opposition
et de ceux de l'appel.
�C 59 )
Ainsi Ton ne peut échapper à l’une de ces deux
conséquences :
Ou le procès-verbal d’affiches fait courir les délais
de l ’opposition et de l ’appel; dans ce c a s , le procèsverbal étant nul, l’opposition et l’appel sont également
recevables.
Ou il faut, pour faire courir les délais d’appel, une
signification du jug em e n t, à domicile; dans ce cas,
l ’article 448 du Code de procédure n’est point appli
cable ; et en supposant l’opposition non recevable, l ’ap
pel est venu à tems, puisque la signification du juge
ment est nulle.
A ces moyens qui paraissent suffisans , on peut
encore en ajouter d’autres aussi forts , et qui con
courent à prouver et l’irrégularité du pro cès-ver bal,
et le mal-jugé du jugement qui a accueilli la fin de
non
-recevoir proposée par les créanciers.
L ’article 16 7 du Code de commerce exige l’affiche
d’ un extrait du jugement; les principes et la juris
prudence veulent un procès-verbal constatant l’affiche
de cet extrait. Ainsi deux pièces sont indispensables,
Cextrait et le procès-verbal.
Les créanciers rapportent le procès - verbal ; ils ne
rapportent point l’original de l’extrait affiché; donc
la pièce principale, la seule qui puisse établir que ce
que la loi prescrit a été fait , n’existe pas.
Ensuite l’huissier a affiché un extrait certifié con
forme à l’expédition par les agens de la faillite.
Ce n’est donc pas l’huissier qui a vu l’expédition;
ce n ’est donc pas lui qui en a fait l ’extrait. Cepen
�( 6o )
dant lui seul avait caractère pour le f aire , et les
agens à la faillite, parties intéressées, ou représentant
les créanciers , ne pouvaient, dans leur propre cause,
délivrer un extrait pareil.
Ainsi tout se réunit pour repousser les fius de nonrecevoir qui sont opposées.
L a tâche que s’é tait imposée le sieur Puray est enfin
terminée. Il a montré sa cause dans tous ses détails.
Plein de confiance dans les lumières de la Cour, il n’a
dissimulé aucune de ses fautes; il a c a c h é , autant que
possible, celles d’autrui, et n’a dit que ce qui élail in
dispensable à sa défense.
Si ses créanciers n ’eussent été que rigoureux, il
e û t gardé le silence : mais ils sont injustes; ils a t taquent
sa réputation ; ils veulent flétrir son nom ; ils le pour
suivent jusque dans sa postérité.
L e sieur P u r a y est fils, époux et pè re , ces différens
titres lui font un devoir de se défendre. Il appartient
à une famille nombreuse ; quelques amis lui restent
encore. Les reproches qu’on peut lui faire ont été ap
préciés, et tout doit faire supposer qu’un examen ap
profondi des circonstances de cette affaire, conduira
l ’homme impartial à convenir q ue, comme beaucoup
d’autres évén em ens, elle montre que le plus malheu
reux n 'est pas toujours le plus coupable.
M . e J . n- C h . B A Y L E , Avocat.
M .e M A N D E T je un e, Avoué.
J - C . S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Puray. 1813?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bayle
Mandet
Subject
The topic of the resource
notaires
banquiers
Description
An account of the resource
Mémoire et consultation pour le sieur Puray, ex-notaire, appelant ; contre les sieurs Dubreuil, Brun, Versepuy, Guémy et autres, ses créanciers, intimés ; et contre les Syndicas à sa prétendue faillite, aussi intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1813
An 4-Circa 1813
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
60 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0619
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0620
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Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Rights
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banquiers
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MÉMOIRE
P our
les
Sieurs
F ra n co is E tie n n e E b b o n
P R I G N O T , Avocat.
J a c q u e s -M a th ie u M E L L I E R ,
1
Négociants.
Et F
r a n ç o is
P O U L E T ,
A u nom et comme Syndics définitifs des créanciers unis de
Louis-Étienne Herh a n , Imprimeur-Méchanicien, breveté
du Gouvernement.
E t encore comme cessionnaircs ( au nom de la masse des
créanciers unis) des brevets d ’invention et de perfection
nement de stéréotype accordés par le Gouvernement audit
Ilerhan, les nivose an 6 , et 27 brumaire an 9 , et géné
ralement de tous les droits rescindants et rescisoires dudit
Ilerhan.
3
Appelants du jugement par défaut du tribunal de commerce
du département de la Seine, du 27 décembre 1808.
Contre le sieur Jean-Baptiste G A R N E R Y , libraire3 et
consorts, intimé.
�MÉ MO I R E
POUR,
les
Sieurs
F
-E
r a n ç o is
t ie n n e
- E
bbon
P R I G N O T , Avocat.
J a c q u e s -M a th ie u M E L L IE R .J )
> Négociants.
E t F ra n ç o is
P O U L E T ,
j
A u nom et comme Syndics définitifs des créanciers unis de
Louis-Etienne H erlian , Imprimeur-Méchanicien, breveté
du Gouveî'netnent.
T ja. fa.ii.ltte
du sieur Herhcin a jeté le deuil et la consternation
parmi ses créanciers.
S’il en est quelques u n s , qui par leur aisance, ou par des arrange
mentsparticuliers ,s o n tp e u sensibles à la perte dont ils sont menacés,
il n’en est pas de même des autres..
Le plus grand nom bre, composé de peres de famille, d'artistes,
de fournisseurs, d’ouvriers, ne voient pas sans effroi un événement
qui leur enleve le fruit de leurs tra va u x, et les moyens les j>lus pré
cieux de subsistance.
Cette aff li cti on s er oi t c o n s i d é r a b l e m e n t a ll é g é e , si l ’o n r e s t i t u o i t
a la mas se de
i/ a c t i f ,
l’é t a b l i s s e m e n t stéréotype qui en a
déta
c h é pa r des c o m b i n a i s o n s a st u c i e u s e s et en fra u d e des créanciers.
Alors, la perte (s’il y en avoit), partagée entre tous, deviendroit
presque imperceptible pour ch a cu n , et la consolation renaîtroit au
sein de familles intéressantes.
�(4)
Les invitations les plus pressantes, les conditions les plus avan
tageuses ont été faites aux détempteurs de Yétablissement stéréotype
j)onr les amener à cet acte de justice,.sans q u ’il fût besoin de l'in
terposition de l'autorité judiciaire.
M a is, aveuglés par un intérêt mal entendu'., ils ont repoussé toutes
les voies conciliatrices, et répondu aux propositions d arrangement
par des paroles .menaçantes, et des significations injurieuses.
Hommes imprudents et indiscrets ! qui livrent à 1 éclat d’une lutte
scandaleuse, lés détails les plus secrets de leur commerce! et met
tent le public dans la confidence d ’opérations qui étoient condam
nées à une éternelle obscurité !
A force d’im p ortu nités auprès du tribunal de com m erce, ils sont
p arve n u s à se p ro c u r e r le succès ép h ém ere d ’un jugem ent p a r dé
f a u t , qu i consacre leurs conclusions, mais q u i tro u ve d’avance sa
réprobation dans les p rincip es q u ’il proclam e (*).
Qui pourroit croire, en effet, qu’il existe un jugem ent qui met
hors d ’état de fa illit e , un débiteur en cessation permanente de paie
ments à'effets com m erciaux, surchargé de nombreuses contraintes
p a r corps, saisi etexécuté dans ses atteliers , dont les meubles, effets
et vêtements ont été vendus par autorité de ju stice , sur le carreau
de la place publique ; arrêté à plusieurs reprises pour dettes, et
enfin incarcéré à Ste.-Pélagie?
Que ce même tribunal établit en principe, que des à comptes
donnés par un débiteur pour suspendre la vente publique de ses
meubles ou l’incarcération de sa personne, ont l’effet d’effacer une
faillite, et de relever le failli de Yincapacité dont la loi l’avoit frappé.
(* ) L ’un d’eux est membre du tribunal. Les autres onL des rapports d'intérêts avec
plusieurs des membres du tribunal.
�( fi )
Avec une pareille doctrine il n’y auroit plus aucune sûreté; le
commerce déjà ébranlé par la foule effrayante de faillites qui se
suecedent coup sur coup, toucherait à sa subversion totale; il
n’offriroit plus q u ’une forêt-noire, où la bonne foi des créanciers
serait sacrifiée à l’astuce des spéculateurs; ce serait un combat
d’adresse et d activité, où la victoire demeurerait au plus alerte, et
où le gage commun deviendrait la proie du plusavide.
L ’effet d’ une pareille anarchie serait de détruire toute confiance,
d ’anéantir le crédit, substance alimentaire du commerce.
Sans cesse harcelés par la crainte de voir disparaître leur g a g e , à
l’aide de ventes frauduleuses, les capitalistes fermeraient impitoya
blement leur bourse , les ouvriers et fournisseurs ne voudraient plus
travailler ni fabriquer qu’au com ptant, et la stagnation la plus
pernicieuse viendrait détruire jusqu’au nom de commerce.
Telle n’a pas été, sans doute, l ’intention d’un tribunal qui donne
journellement tant de preuves de son respect pour les lois , et de son
zele pour la prospérité du commerce.
Mais n’oublions pas qu’il s’agit, ici, d’un jugement par défa ut,
rendu sans contradicteurs, et signé de confiance, sur la foi du
rapport, qui lui-meme étoit 1 effet d’une surprise.
La grande majorité du tribunal v o it, sans doute, avec peine ce
monument d’inattention figurer au greffe, parmi les actes de sa
sagesse habituelle; et les trois membres qui l’ont signé, sacri
fiant 1 amour propre à l’intérêt p u b lic , applaudiront les premiers
a 1 ariièt salutaire qui le réformera.
�(6)
F A I T S ET P R OC É DURE .
L o u i s - E t i e n n e H eriian a r e ç u de la n a t u r e , des dispositions p o u r
le mèchcinisme, q u ’il a , p a r t ic u liè r e m e n t , app liquées à l'art typo
g raphique, et à des opérations accessoires.
A force de méditations, d’essais et de sacrifices, il est parvenu à
découvrir un procédé ingénieux pour répandre rapidement des
ouvrages par la voie de l’impression, perfectionner les éditions en
les multipliant, et introduire une nouvelle branche de commerce.
Ce p rocédé, a u q u el son nom se tro u ve a u jo u rd ’h u i attaché (*),
a fait I adm iration des é tra n g e rs, et lui a m érité des récom penses
honorables de la part de notre g o u v e r n e m e n t (**).
En l’an 6 il avoit obtenu un brevet d ’invention pour quinze ans,
xjui fut suivi d’un brevet de perfectionnem ent (27 brumaire an 8.)
D’abord l’établissement avoit été placé rue de Lille.
Ses développements successifs exigeant un plus grand local, il le
transporta (en i o )j dans la rue Pavée (S.-André-des-Arts.)
84
(*) Cette manipulatioiuest connue sous la dénomination de stéréotype p a r le pro
cédé d 'lier Juin, pour le distinguer du polytipage : c’est celle que les sieurs Nicole et
G arnery ne manquent pas d’annoncer au frontispice de leurs édition s, et dans les
journ aux.
A u j o u r d ’h u i - m ê m e ( i 3 m a r s 1 8 0 9 ) , o n lit d a n s le n» 72 d u Moniteur, à l ’a r t i c le des
l i v r e s d iv e r s , § . Editions sténotypes d ’a p rès le procédé d ’Hcrhan.
.(**) Dans les jou rs complémentaires de 1 an y , Ilerlian a exposé au L ouvre l’édition
de la Conjuration de Catilina, par Salluste, iri-i a, et une trèsbelle planche grand in-fol.,
imprimée avec des formats stéréotypes rapprochés l’un de l'autre, au moyen de m a
trices creuses. Opération qui peut être regardée comme le n ecp lus ultra de l’a r t, et
cjui a été récompensée par une médaille d'or.
�( 7)
L à , il s’occupa à lui donner encore plus de valeur, en augm en
tant considérablement le nombre de ses outils, en faisant faire de
nouvelles fra p p es, graver de nouveaux caractères, en imaginant
des machines dont il n’avoit nulle part de modeles; et ce fu t, alors,
que son établissement atteignit son plus haut degré de prospérité.
Il arriva, bientôt, au sieur H erh a n , ce qui est arrivé à une foule
d’Artistes.
Ses succès rassemblèrent autour de lui des spéculateurs, q u i,
calculant les produits d’une pareille invention, méditèrent de s’en
appliquer les bénéfices; car, on sait q u ’en France (comme ailleurs),
il est rare de voir les découvertes tourner au profit de l’inventeur.
Au nombre de ceux qui témoignèrent le plus d ’intérêt et de bien
veillance au sieur H erhan, éloient les sieurs Berlin D evea ux, Garnery, Laborie et N ic o lle, qui formoient une espece d ’association
pour des spéculations utiles.
Ces messieurs s’étant bien mis au fait des ressources et des moyens
d ’un pareil établissement, conçurent le projet cl’une maison de
librairie qui seroit uniquem ent consacrée au débit Ci éditions sté
réotypes.
Mais, pour réussir dans cette spéculation, il falloit commencer
par s’emparer de Xartiste, sauf ensuite à s’emparer de l’établissement ;
il falloit s’assurer de ses travaux d’une maniéré si exclusive , q u ’il
eût les mains liées pour tout autre que pour la nouvelle maison de
librairie; enfin s’impatroniser dans son établissement, à l’aide d’un
cpntrat de louage.
L ’occasion ne larda pas à se présenter de lui faire cette propo
sition.
H erhan, en se livrant à ses travaux, avoit plus consulté son ardeur
que ses moyens ; les dépenses énormes dans lesquelles il avoit été
jeté , avoient entraîné des engagements considérables qu’il étoit
hors d état de rem plir: toute son adresse se bornoit a calmer ses
créanciers, mais n’alloit jamais jusqu’à l e s satisfaire.
Ce fut dans cette situation douloureuse que le sieur Garnery lui
proposa de se défaire de la manutention de cet établissement, pour
�(
3
)
le concentrer sur une seule maison de librairie; il lui représenta ce
parti comme un moyen d’autant plus avantageux, q u ’en le soula
geant de Fembarras des correspondances commerciales, il lui four
nirait plus de facilite de perfectionner son invention; il lui fit en
visager des conditions lucratives, à l’aide desquelles il couvrirait
successivement ses dettes , sauf, après l’expiration du b a il, à rentrer
dans sa propriété qui se trouverait considérablement améliorée.
Jïerha n , cédant à ces insinuations, souscrivit, le G frimaire an i
( 1 7 novembre 1804), l’acte étrange que les associés ont qualifié de
b a il d ’industrie ; dénomination exacte en ce sens: que Yindustrie des
3
preneurs l’emporte de beaucoup sur celle de Yartiste.
En voici les principales dispositions :
Ilerlian s’engage« à ne faire usage, pendant dix-huit ans (Jî comp
te ter du i cr décembre i8 o 4 ), de ses nouveaux procédés stéréotypes,
« ainsi que de tous perfectionnements ou additions qu’il pourroit y
« faii’e , ou de tous autres nouveaux procédés analogues qu'ilpourroit
« im aginer, que pour le
compte
de M. D e v e a u x , ses héritiers ou
a ayant cause, qui auront seuls, en conséquence, le droit derequé« rir l’emploi desdits procédés pour les ouvrages dont ils entrepren« dront l’impression pendant les dix-huit ans. »
Le sieur Uerhan « promet de les fa ire profiter, à ce su jet, de tous
« nouveaux brevets d ’invention et certificats de perfectionnem ent qu’il
« pourroit obtenir. »
Uerhan « est chargé de fo u rn ir, à scs frais, tous les caractères,
« m atéria ux, matrices et ustensiles nécessaires à l'impression par le
« moyen de ses p rocéd és, et de les faire exécuter jusqu’à parfaite
« confection , comme imprimeur desdits ouvrages. »
M. D evea u x se fait adjuger la p ropriété des clichés ou form ats
fabriqués p ar Ilerlian , à un p rix m o d iqu e et payable à trois mois
.d échéance (*).
(* ) /( sols par elicile in-18.
5 sols par cliché in 8°.
�(9)
Ilerhan s’interdit jusqu’au droit de faire imprimer lés ouvrages
stéréotypés pour M. D eveaux, si ce n’est dix ans après la mort de
celui-'ci, « qui ne commenceront à se compter c[\i après ? expiration
« des dix-huit années du b ail i l industrie. »
On p e r m e t, ce p en d a n t, à Ilerhan d’imprimer, p o u r son com pte,
tous ouvrages autres que ceux compris dans l ’état a nnexé, « mais à la
« charge que la vente exclusive?nsera donnée à M. Berlin D eveaux,
35
« avec une remise de
p o u r cent sur le prix. » (Surcroît de bénéfice
pour lui. )
Un étend cette remise de
p o u r cent aux livres déjà stéréotypés
p a r Ile r h a n , avec interdiction de les faire vendre p a r d ’autres que
35
p a r M. Bertin D eveaux.
On y stipule (art. 8) que « les billets ne porteront que la signature
« sociale de la lib r a ir ie que M. Bertin Deveaux se propose d ’établir,
« en raison du présent marché; et comme sa signature personnelle ne
« sera pas sur ces billets, il s’oblige de fournir au sieur Ilerhan Ift
« preuve de sa qualité d'associé principal dans ladite maison , et de
« sa solidarité pour tous les engagements qu elle contractera. »
M. Bertin Deveaux se réserve la faculté exclusive, pendant six
m ois, « d’acquérir tous les clichés qui se trouveront exister chez le
« sieur Ilerhan, ou lui appartenir, sans q u ’il soit perm is, durant
« le même espace de six m o is , au sieur Ilerhan d’en disposer en
« fa v eu r de qui que ce soit autre que M. D eveaux. »
Enfin l’article 12 a pour objet'les mesures propres à transmettre
ces avantages aux héritiers de M. Bertin Deveaux.
Tel est le premier acte arraché à ce malheureux artiste, au sein
de la détresse et des alarmes, et qu’on 11e peut p a r c o u r i r sans un
sentiment de pitié.
On le v o i t , après avoir consumé vingt années à former un éta
blissement qui est l’objet de son affection et de son espérance , en
abandonner la direction à des étrangers , pour travailler sous leurs
ordres, et à leur profit.
%
�( ÏO )
Non seulement ils s’emparent de ses travaux p en d a n t dix-huit ans,
mais, durant le cours de ce prëtendu bail, ils disposent de son g én ie,
de ses inventions, de son imagination , et ju sq u ’aux bienfaits du
Gouvernement.
Il n’y a q u ’ un dénuement absolu de toutes ressources qui puisse
faire concevoir un pareil sacrifice ; et deja cette considération seule
pourroit fixer à l’époque du 17 novembre 1804 la f a i l l i t e du sieur
Herhan.
C a r, e n fin , ses créanciers n ’étoient-ils pas alors autorisés à lui
dire: «Vous êtes, assurément,«?« f a illit e , et nous allons vous traiter
« comme tel.
« Nous ne vous avons avancé des fonds considérables que sur la
« foi des bénéfices que vous deviez retirer de votre établissement,
« amélioré et perfectionné; mais dès que vous abdiquez l’exploi« tation de cet établissement, pour vous mettre aiix ordres d’une
« maison de librairie qui doit s’en approprier le p r o d u it, n’ayant
« réservé pour vous q u ’une modique rétribution, à peine suffisante
« pour vous faire vivre ; puisque vous vendez à vil prix vos clichés
« faits et à f a i r e ; que vous livrez à une compagnie de commerce
« ju s q u ’à vos fa cu ltés intellectuelles ( seul gage qui nous restoit ) ,
« vous êtes assimilé à un marchand ou fabricant qui ferme sa bou« tique et son magasin, et qui se retire du commerce. »
Néanmoins on n’insistera pas sur cette é po que, parceque les ca
racteres delà fa illite vont se développer avec tant d’abondance, que
nous pouvons bien faire le sacrifice de celui-ci.
On a vu que , dans ce b a il dit d'industrie , Herhan s’étoit flatté de
trouver une ressource contre le désordre de ses affaires, et un moyen
de se maintenir dans son établissement.
Vain espoir! la rétribution de 40 pour cent, accordée à Herhan
par ce b a ild 'in d u strie, étoit trop modique pour qu’il pût la faire
servir à l’acquittement de ses dettes, et des nombreux engagements
commerciaux q u ’il avoit souscrits; il se vit donc livré à de nouvelles
poursuites q u i , en s’accum ulant, presentoient la perspective la plus
alarmante.
�( Il )
Les associés, témoins (le cet état d'anxiété, jugerent que le m o
ment étoit arrivé de porter le dernier coup , et d’enlever à Ilerhan
la nue propriété de l’établissement, à l’aide d’un contrat de vente.
. Cette vente fut effectuée le 8 brumaire'an 14 ( o octobre i o ),
par acte passé devant lioileau.
L 'association (représentée par M. Bertin D eveaux) se fait vendre
3
85
par Ilerh a n , « avec garantie de toutes saisies et revendications, t o u t
« son établissement, composé de deux im prim eries, l’une m obile,
« l ’autre sté ré o typ e , presses, fonderie, atelier m écan ique, ma« chines à clicher et à frapper les matrices, à faire les biseaux,
« poinçons, et généralement t o u t ce qui dépendroit de l ’établisse*
« m e n t, sans en rien excepter ni réserver»; M. Deveaux déclarant
les bien connoître.
Le tout pour le prix de 24,000 f r . , qui sont déclarés avoir été
payés p ré se nt eme nt en especes ayant cours de m onnoie, dont quit
tance (*).
Y
a-t-il rien de moins attendu q u ’un pareil acte? Par quel excès
de détresse ou par quelle illusion Herhan avoit-il été amené à un
pareil abandon?
Comm ent concevoir que n e u f mois seulement après le bail d ’in
dustrie, il se soit déterminé à vendre ce m ême établissement pour
la conservation duquel il s’étoit déjà résigné à des conditions si
humiliantes?
D ’un autre côté, comment concevoir aussi que M. Bertin Deveaux
ait eu le courage de s’approprier au vil prix de 24,000 f r . , un éta
blissement de la valeur au moins de
sionné plus de 80,000 f r .
seulement?
3oo,ooo
f r . , et qui avoit occa
de dépenses en essais ou échantillons
Enfin , comment M. Bertin Deveaux se perm etto it-il de faire
quittancer ces 2 4)°°° f r - > quand il étoit de fait q u ’il n avoit pas
délivre une obole à Herhan ? ( fait aujourd’hui bien reconnu et
avéré. )
(* ) Il n est pas dit a la vue des notaires.
�( 12 )
Il faut nous hâter de donner le mot de ces énigm es, même pour
Ja justification de M. Jîertin D eveaux, et ne pas laisser planer sur
sa tête un soupçon qui compromettroit sa délicatesse et sa considé
ration.
On saura, donc, que cette prétendue vente du 8 brumaire an i
n ’étoit q u ’une fiction imaginée pour faire face aux procédures dont
le sieur Ilerhan étoit obsédé, et prévenir Xexpropriation ju d icia ire
4
qui se préparoit.
Cette expropriation étoit autant à craindre pour la maison sociale
de librairie que pour Herhan , puisqu’elle auroit eintraîné la chûte
du b ail d'industrie, et des grandes espérances qui s’y trouvoient
attachées.
11 n’y avoit rien de sérieux dans cet acte : la vente étoit illusoire,
ainsi que le prétendu paiement de 24,000 f r . en especes numéraires.
Ce n ’étoit q u ’une pierre d’attente destinée à être em ployée, au
besoin, contre les créanciers ; une mesure de sûreté contre la saisieexécution.
Aussi faut-il rendre cette justice à M. Bertin D eveau x, que reconnoissant bientôt toute l’inconvenance d’un pareil procédé, il a
été le premier à abjurer l’effet de ce simulacre de vente, ainsi que
de la quittance des a4,oûo f r . , et q u e , bien loin de l’invoquer contre
les créanciers, il a agi de maniéré à en faire supposer l’abandon et
le désistement.
M ais, quoi qu’il en so it, ce même acte (sérieux ou non) fournit
un caractere bien authentique de l’insolvabilité d’IIerhan, et de son
état de fa illite dès le o octobre i8o5 (8 brumaire an 14 )•
En effet, cette vente est ou sérieuse ou sim ulée; et sous l’une et
l’autre supposition, elle constituoit Ilerhan en état de fa illite.
3
En considérant la vente d u S brumaire an i/j comme sérieuse, elle
présente un débiteur q u i, criblé de poursuites pour effets commer
cia u x , soustrait clandestinement à ses créanciers le seul gage qui
leur restoit, en le faisant passer a v i l p r ix entre des mains étran
gères, et q u i , pour leur enlever jusqu’a la ressource de se partager
ce vil p r i x , en donne quittance dans le contrat même.
�( i
3
)
On y voit un fabricant qui se dépouillé de ses ustensiles , de ses
matériaux , ne laissant à ses créanciers q u ’un atelier vuide.
O r, voilà précisément quels étoient les caractères d’une faillite,
et reconnus pour tels dans tous les tribunaux , au o octobre i o >
et sous l’empire de 1’ ordoni \ anciî de 1673.
A cette époque (co m m e aujourd’h u i) la faillite se formoit au
moment où il y avoit, de la part d’un d ébiteu r, rupture de com*
3
8 5
m erce, clôture de magasin, interruption de registre; le tout accom
pagné de cessation de paiem ents, de poursuites, de condam nations,
et de signes authentiques d ’insolvabilité.
.
Toutes ces circonstances se rencontroient chez Herhan : cessation
de paiem ents, poursuites, condamnations , insolvabilité, rupture
de commerce, clôture d ’atelier, etc.
S i , au lieu d ’une vente sérieuse, on la suppose simulée (ce qui est
la véritable hypothèse), c’est bien pis encore ; et la f a i l l i t e devient
plus caractérisée, puisque, dans ce cas, à côté de la circonstance
de cessation de paiem ents, condam nations, poursuites, rupture de
fa b rica tio n , clôture tïa telier, on voit le débiteur se constituer luimême en état d'insolvabilité com plété, en soustrayant aux créanciers
les derniers débris de sa fo r tu n e , sans leur laisser l’espoir de rien
toucher du prix qui se trouve quittancé au contrat (*).
A in si, nous pouvons d’une main sûre présenter l’acte de vente du
3
8 5
8 brumaire an 14 ( o octobre i o ) comme le signe et l’étendard de
la fa illite d’IIerhan.
Et il importe peu de dire que cet acte doit être considéré comme
non avenuy les parties l’ayant traité comme tel; car il ne s’agit pas,
ici, de savoir quelles ont été les suites de cet acte entre les parties
( ) Il ne faut pas prendre ces observations pou r une inculpation contre H erlian ,
de fra u d e et (le mauvaise fo i; artiste, il étoit, comme le sont tous les artistes, inhabile
aux procédures ; il s’en etoit remis pour le gouvernement de son entreprise a la direc
tion des associes : c’est sur ceux-ci que doit retomber le reproche de tout ce <|u’il y a
eu d’irrégulier dans celte affaire.
�( 4 )
elles m êm es, mais bien do savoir s’il ne révélé pas Xinsolvabilité.
d’Herhaa à cette époque. C ’est à ce point q u ’il faut nous fixer.
Venons, à présent, aux autres actes qui ont suivi celui du 8 bru
maire an i/|.
L ’Association, qui avoit médité de vastes opérations stéréotype*,
trouvant le local de la rue Pavée trop é tr o it, exigea qu'il fût trans
porté dans un local plus étendu (rue Pot-de-Fer, n° 14).
Si la vente du 8 brumaire avoit eu quelque réalité, c’eût été à
M. Bertin Deveaux à supporter les frais considérables de déplace
ment ; mais ils furent laissés à la charge d ’IIerh an, auquel seulement
M. Deveaux fournit quelques fonds.
Herlian se procura le reste, à l’aide d’emprunts et de nouveaux
engagements , toujours sur la foi que ses prétendus protecteurs
viendroient à son secours.
Ce fut Herhan qui solda les loyers échus du local de la rue Pavée,
et qui donna au propriétaire une indemnité de 1200 fr., pour con
sentir la résiliation du bail.
Ce fut lui qui passa en son nom le bail du nouveau local rue Pot*
de-Fer, avec le sieur V id a l de Brosses, en lui payant ooo fr. d’a va n ce ,
5
et 600 fr. de pot-de-vin.
Cependant les nouveaux engagements contractés par TIerhan pour
cette translation, avoient considérablement augmenté la masse de
ses dettes; et les p rotêts, les condamnations p a r corps, les comman
dem ents, les saisies-exécutions pleuvoient de toutes parts.
Au nombre des créanciers les plus actifs, se trouvoit le sieur
Courcier, porteur de trois lettres de change m ontant à 12,000 fr. ,
acceptées par Ilerhan.
Ces lettres de change n ’ayant pas été payées à leur échéance , le
sieur Courcier avoit obtenu condamnation par corps au tribunal de
25
com m erce; e t, de su ite , il fait procéder, par procès-verbal du
avril 1807, à la saisie-exécution des meubles et effets d’IIerhan , et
particulièrement des presses, ustensiles etm atériaux qui composoient
�( i
5
)
l ’etabltsseinent ( vendu simulativement au sieur Bertin D eveaux, par
l’acte du 8 brumaire an i/j).
Le i er mai s u iv a n t, autre saisie-exécution à la requête du sieur
Bertrand.
La poursuite et la direction de la saisie-exécution appartenant au
sieur Courcier, comme prem ier saisissant, celui-ci s’en acquitta avec
zele; et les procédures furent mentes si rapidem ent, que déjà les
a f f !c h iis indicatives de la vente forcée, place du Grand-Châtelet,
étoient placardées dans Paris et sur les portes de la maison.
Assurément il y avoit bien là un signal authentique d’insolvabi
lité, et de faillite. Ce caractere de fa illite n’étoit pas concentré
entre Ilerhan et ses p ro tecteurs, comme à l’époque du 8 brum aire
4
an i ; il étoit proclamé tant dans Paris que dans les départements,
par des affiches et annonces dans les journaux.
Dans cet é tat, tout le monde conviendra q u ’IIerhan avoit perdu
la disponibilité (le son établissem ent,qui, par le seul fait de la saisieexécution, étoit devenu le gage com m un de ses créanciers.
Cependant l’alarme avoit gagné M. Bertin Deveaux et consorts.
Ce déplacement alloit porter un coup irréparable à leurs spécu
lations.
Si l’établissement étoit une fois transporté à la place d u C liâ telet,
c’en étoit fait sans retour.
M. Iîertin Deveaux avoit bien sous la main un moyen d’arrêter
ces poursuites (au moins pour quelque tem ps), en revendiquant la
propriété de l’établissement, en exécution de l’acte du 8 brumaire
an i/f ; et en attaquant la saisie du. sieur Courcier comme faite super
non domino. Mais (com m e nous l’avons déjà observé ci-dessus)
M. Berlin Deveaux auroit cru sé m anquer à lui-rnêine de produire
un pareil acte , et de lui attacher quelque réalité. La déclaration
d ach at de cet établissement, moyennant 2 4,000 hv. payees sur-lechamp en especes de monnoie ayant cours, étoit incompatible avec
la droiture et l’exacte probité qui le caractérisent.
�1
( i6 )
Il fa llo it , n é a n m o in s, à q u e lq u e p rix q u e ce f u t , p ré v en ir l’e x
p ro p ria tio n fo r c é e , et voici le parti a u qu el on s’arrêta.
C ’étoit au
cinq
mai qu e
la
vente étoit in d iq u é e ; on o b tin t une re
mise de qu elq u e s jo u r s , durant lesquels on f a b r iq u a , le i
5,
l’acte
le p lu s étrange q u ’ il soit possible d ’imaginer.
Trois parties figurent dans cet acte :
M. Bertin Ueveaux et le sieur Ilerhan , comme
Et le sieur Athanase Laborie, comme acquéreur.
Il y est dit q u e M. Bertin D eveaux «
vfnp
'vendeurs;
au sieur Laborie
tout
« ce q u ’il a acquis du sieur I le r h a n , en im p rim e rie et d épen d an ces,
« p a r le co n trat d u 8 brumaire an il\. »
A p rè s q u o i , le sieur H erhan
vend ,
de son cô té ,
un tiers
de cette
m ê m e im p rim e rie . « L ’in ten tion des p artie s, dit l’a cte, étant que
« tous les objets q u elco n q u e s q u i font partie de cette im p rim e rie
« a p p a rtie n n e n t p o u r d eu x tiers à M. L a b o r i e , et l’autre tiers à
« M. Ile r h a n , et m êm e divisem ent et d istinctem en t. »
L e p rix des deu x tiers v e n d u s « est de 69
,333 fr. (70,000 liv.
tour-
« n o i s j , q u e Ile rh a n reconnott avoir reçus de M. L a b o rie, tant en
« especes, qu’en valeurs à satisfaction , p o u r lu i et M. Bertin De« v e a u x , q u i le constitue son mandataire à cet effet. »
P ré v o y a n t le cas où Ile rh a n ju g e r o it à pro po s de ve n d re l’autre
tiers q u i lui est r é se rv é , on y stip ule des m esures d ’exécution.
C e t acte est un tissu d’énigm es et de co ntrad ictio ns p o u r q u i
c o n q u e vo u d ro it le d iscuter sé rie u se m e n t, et la raison se fatigue
en vain p o u r en concilier les dispositions avec celles de l’acte
du 8 brumaire an 14 » et m ê m e p o u r les co n cilier entre elles.
Com m ent, en effet, Ilerhan , déjà dessaisi de son établissement,
sans en rien excepter, ni reserver, par lacté du 8 brumaire an it\
(3o octobre i8o5) s en retrouve-t-il tout a-coup propriétaire? par
quet événement celte résurrection s est-elle opérée?
Voudra-t-on expliquer cette réintégrande par la simulation de:
l’acte du 8 brumaire an i/|, qui, considéré comme non avenu , avoit
�!
( *7 )
laisse à TIerhan la propriété de son établissement? Soit. Voilà ce qui
expliquera la vente faite par Ilerhan au sieur Laborie, du tiers
de son im prim erie, sous les yeux mêmes de M. Bertin Deveaux.
Mais, alors, comment se fait-il que M. Bertin Deveaux vcnof: par
le même acte et sous les yeux de Ilerhan au sieur Laborie « to u t ce
« qu’il avoit acquis de lui en imprimerie et dépendance, p a r le con« irai du brumaire an 14 »? Comment pouvoit-il invoquer un con
trat sim ulé, et considéré par toutes les parties, comme non avenu?
8
?
C o m m en t, après q u ’il a vendu lu to u t au sieur L a b o rie , se trouvet-il encore deux tiers de ce tout à la disposition d’Herhan?
De deux choses l’une: ou l’acte du brumaire an 14 étoit n u l, ou
il étoit valable. Il n’y a pas de milieu.
S’il étoit n u l, AI. Bertin Deveaux n’a pas pu vejndre au sieur La
8
borie, ni lui transporter une propriété qui n’existoit plus entre ses
mains.
Si, au contraire, l’acte du brumaire an i , conservoit son effet,
le même argument- se reportera contre Ilerhan, qui n ’a pu lien
vendre au sieur Laborie; et, dans tous les cas, il y a n u llitií de la
vente de l’un des deux tiers de l’établissement.
II est impossible de sortir de ce dilemme.
8
4
A cette obscurité se joignent plusieurs autres: comment conce
voir que le prix du tiers seulement, vendu par M. Bertin Deveaux
au sieur Laborie, soit de
;
i
:
35,000 l i v . , quand la totalité n’étoit
portée
qu’à 24,000 liv. dans le contrat d’acquisition du 8 brumaire an i/i?
Tï’est-ce pas reconnoître authentiquement de la part du sieur Deveaux la vileté du prix de sa prétendue acquisition?
Peut-on croire que le sieur Laborie ait effectivement délivré au
sieur Ilerhan 70,000 liv. tant en especes quVn valeur h satisfaction,
ainsi q u ’il est dit dans le contrat du i mai 1807.? Auroil-on donné
une somme aussi considérable à un homme en fa illite ouverte, dont
les meubles alloient être adjugés sur la p la ce publique par autorité
de justice ?
5
Y
art-il rien de plus bizarre que de vo ir le prix du tiers vendu par
M. Bertin D eveaux, délivré à Ilerhan en sa qualité de son manda*
3
�( i8 )
taire, sans même que l’acte énonce la date de ce m andat prétendu ,
et sans q u ’il y soit annexé ?
Un acquéreur sérieux auroil-il délivré scs fonds sur la foi d’une
pareille déclaration?
E nfin , M. Berlin Deveaux étoit représenté dans cet acte par un
fo n d é de procuration spéciale (le sieur Pierre Laurav son commis);
c ’étoit donc naturellement à celui-ci qu’il appartenoit de recevoir sa
portion. Par quelle singularité cc fo n d é de pouvoirs est-il privé de
ce droit? Et par quelle autre singularité ce droit étoit-il transféré à
Herhan, q u i, dans la position où il se trouvoit, étoit celui de tous
les hommes le moins convenable à une pareille mission?
Les absurdités de cet acte se multiplient sous la p lu m e, au point
q u ’il faut renoncer à les détailler.
N é a n m o in s, nous allons essayer de pénétrer ce chaos.
D ’abord, il ne faut pas perdre de vue que toute la sollicitude des
associés se portoit sur les moyens d’empêcher l’expropriation de
l ’établissement d’IIerhan, annoncée par des placards
Pour cela, on avoit négocié avec le sieur Courcier, et ou étoit par
venu à suspendre ses poursuites (*).
Rassurés sur cet article (**), il falloit se hâter de prévenir le retour
d’un pareil embarras de la part des autres créanciers; et l’on crut
y parvenir en faisant faire par Herhan, une vente de son établisse
ment à l’un des associés , q u i , à l’aide de sa qualité d acquéreur, pou-
) Cet arrangement est consigné dans un écrit sous seing-privé entre le sieur Cour
cier, les sieur et dame Herlian, et le sieur N icollc, du 12 mai 1807 ; ori y reconnoit
qu’il y avoit des poursuites de la part du sieur Courcier, et une saisie-exécution des
meubles et effets de Herhan, et particulièrement de tout l'établissement stéréotype, et
la vente signifiée.
(**) Il faut observer, que le sieur Courcier, qui ne recevoit qu’un cautionnement cl
non le montant de sa créance, de laquelle Hcrluin restoit ob ligé, ne donna pas main
lpvée de la saisie, qui se trouve encore subsister aujourd’hui.
�C *9 )
voit s’opposer à ce qu’on saisit de nouveau les imprimeries mobile
et stéréotype.
On alla,m êm e, jusqu’à croire qu’il n’étoit pas nécessaire que cette
vente comprît la totalité de l’établissement, et qu'il suffxsoit pour
l’objet qu’on avoit en vue , que la vente fût des deux tiers, sauf à
retirer l'autre tiers des mains d’Herhau , en cas de besoin.
5
Voilà ce qui explique la vente du i m ai, à la suite de l’arrange
ment, consommé avec le sieur Courcier.
Q u a n t aux m oyens d ’e x é cu tio n , en voici encore l’explication.
On auroit pu tout simplement faire vendre à Herhan les deux
tiers de son établissement; mais on sc rappela, dans ce m om ent,
l’acte de vente du 8 brumaire an i[\, et l’on craignit q u ’il ne servit
de motif pour exiger un droit de revente. Ce fut pour prévenir cette
difficulté qu ’on imagina de faire la vente d u n tiersau n om deM . Ber
lin D ev ea u x, considéré comme propriétaire de ce tiers; de plus, pour
couvrir la contradiction qui se trouvoit entre cette déclaration et
l’acte du 8 brumaire an 1 4 ,(q u i avoit transmis à M. Berlin Deveaux,
la propriété du totjt, sans en rien réserver ni excepter, ) on inséra la
déclaration que les deux autres tiers se composoient des augm enta
tions faites depuis par Herhan.
Pour ce qui concernoit le prix de la vente des d eu x tiers, on le
porta à 70,000 liv. , pareeque cet acte étant destiné à être opposé
aux créanciers d’IIerhan, il falloit bien y stipuler un prix qui se
rapprochât de la valeur de la c h o se , pour ne pas être exposé au re
proche de v il p r ix .
Mais d’un autre côté, le prix fut quittancé, pour enlever aux
créanciers le droit de le réclam er, et d ’en faire l’objet de saisiesarrêts.
Bien entendu que les associés cherchèrent à calmer Herhan sur
les effets de cette dépossession gratuite et quittancée, en lui protes
tant « que tout ce qui se passoit n’étoit que pour son plus grand
« bien; qu’il ne devoit pas concevoir d’allarmes sur la restitution
« de ces deux tiers, qui n’étoient q u ’un dépôt entre leurs m ains,
�'(
20
)
« et flans lequel il rentreroit aussitôt que le danger de Yexpropria« lion ser oit passé. »
I l e r h a n , h ab itué à n ’agir que sous leur d ire c tio n , et s’abandonnant
aveuglém ent à leur f o i , avoit consenti de signer.
Tels sont les ressorts secrets qui ont amené cet amas A'inconsé
quences, de contradictions, et de suppositions, que les parties ad
verses ont décoré du nom de vi-ntk, et q u ’on seroit fort embarrassé
de caractériser: est-ce un e vente ? est-ce un dépôt? est-ce un p rêt?
Ce n’est rien de tout cela. C ’est un com posé in fo r m e , m o n str u e u x ,
u n imbroglio r é v o l t a n t , en contradiction avec lq v é r ité , autant
q u ’avec la saine raison.
A travers ce la b yrin th e té n é b re u x , ce q u ’il y a seulem ent de bien
clair, c’est l’intention de frustrer les créanciers d 'IIerhan, en m ettant
l'établissem ent à l’abri de saisie-exécution , et en leur enlevant la
ressource des oppositions, et des saisies-arrêts, par un e quittance
sim ulée , de m aniere q u ’ils p erdro ient tout à la fois , et le gage m a té
rie l, et sa valeur représentative.
Doit-on tro u v e r é tr a n g e , après ce la , que les créanciers Ilerhan
po u sse n t les hauts cris contre une pareille in ju stice , et réclam en t
le rétablissem ent à la m asse, de ces deux tiers , p o u r le p rix en être
p artag é, com m e n ’ayant jam ais cessé d ’être le gage com m un?
U ne autre vérité encore , c’est q u ’à ce m o m e n t m êm e où 1 on prenoit tant de soins p ou r faire vend re à Ilerhan les deux tiers de son
étab lissem ent, au préjudice de ses cré a n cie rs, TIerhan étoit frappé
d ’incapacité légale p o u r effectuer va la b lem en t celte translation ,
<;tant en état de fa illite ouverte, non seulem ent par l’inexécution c-n
p erm an en ce de ses engagem en ts, mais par la manifestation a u th e n
tique d ’insolvabilité résultant de condam nations nom breuses o b t e
nues co n tre l u i , et n o tam m en t de h saisie de tout son établissem ent
avec affiches indicatives de leur vente l*)è
( ' ) Les associés n'apporteront môme pas assez d attention , et leur prudence se Irou■voit en défaut; car en négociant pour la saisie-c.récutiun du sieur Courcier, ils
oublioient celle du premier m ai, faite à la requête du sieur Bertrand, qui subsiste
encore aujourd’hui.
�( 21 )
Il ne viendra à l'esprit de personne, de contester l'état de
fa illite d’un débiteur courbé sous le poids des condamnations,
saisi dans tous ses meubles et effets, dont la ven te'a llo it être
effectuée le lendemain sur le carreau de la p lace publique.
Ü r, quand on voudroit faire grâce aux adversaires de tous les
autres caractères antérieurs de la fa illite d’IIerhan , au moins ne
pourra-t-on pas disputer sur la date des
avril et 1er mai 1807,
époque de (\aux saisie-exécutions jetées sur tous les meubles, et parti
culièrement sur les imprimeries mobile et stéréotype.
Parlons maintenant de ce qui s’cst passé depuis l’acte du i mai
25
5
1807.
Le sieur Courcier étoit appaisé, sur la foi du cautionnement q u ’il
avoit reçu; mais les autres créanciers, qui n’avoient pas le même
avantage, recommenceront leurs poursuites (¥).
L e mois de j u i n 11e laissa pas Herhan plus tran q uille, e t,sa d é co n
fiture devenant d é p lu s en plus au th e n tiq u e et no to ire , les créanciers
re d ou b lèren t aussi d ’activité.
Entre autres p ou rsu ites, nous in d iq u e ron s celles-ci :
j 8 ju in . S aisie -exécutjon des meubles et effets d’IIerban, et de ses
imprimeries, par le ministere de G habouillet, huissier, à la requête
du sieur L iem bert, négociant à Ponthiéry, faute de paiement d’un
billet à ordre de 1,000 liv.
On voit, par le procès-verbal de saisie, qu’IIerban essaya, en cette
occasion, de tirer parti de l’acte du i m ai, en réclamant la réd u c
5
tion de la saisie a un tiers seulement de l’im prim erie, sur le prétexte
que les deux autres tiers avoient été vendus au sieur Laborie; mais
011 voit aussi que l’huissier, ne tenant aucun compte de cette allé-
0 Dès le même jo u r 1 5 m a i,
du sieur Bassand.
p ro tê t
d’un billet de 5 oo liv. sur Ilcrlian, à la requête
m ai. J u g e m e n t d u t r ib u n a l d e c o m m e r c e p o r t a n t c o n d a m n a t io n p a r c o r p s .
1 $ m ai. C o m m a n d e m e n t à fin d e p a i e m e n t d 'u n billet d e l o o o l i v . c n v e r t u d ’ un
j u g e m e n t d u tr ib u n a l d e c o m m e r c e (lu 8 d u m ê m e mois.
�C
92
galion , n’en passa pas m oins à la
)
sai si e
de l’élablissenienl en l i e r , et
celte saisie fut co ntinu ée au lendem ain ; a tte n d u , y est-il d i t , 1 im
mensité des objets.
L e lendemain 19, Ilerhan fut aiîrAtiî p ar l'huissier C a r r é , et c o n
duit à Sainle-Pélagie. Mais ayant dépêché un e x p ié s vers les sieurs
Garneryet Nicolle,\[s lui e n vo yèren t un bon de i,-jo o fr .,q u i fut .su rle-champ escompté, et em p lo yé à se tirer des mains de l ’huissier ( *).
L ’exem ple de l’huissier C h ab ouillet ayant donné l'éveil sur le
danger q u e co u roit le tiers ( laissé à Ilerhan ) , d é t r e , au p rem ier
m o m e n t , frappé de saisie-exécution , il n’y avoit pas un m om ent à
p erd re p o u r se débarrasser de celte inqu iétude , en se faisant trans
p orte r aussi ce tiers.
L ’occasion étoit favorable pour amener Ilerhan à ce dernier sa
crifice; et le service q u ’il venoit de recevoir du sieur G a rn e ry , à
l’aide de son bon de 1,200 f r . , 11e lui permeltoit plus d’opposer la
moindre résistance à tout ce qu’on exigeoit de lui.
D’ailleurs, le sieur Garnery lui représentoit le transport de ce
dernier tiers comme une opération infiniment avantageuse, et une
planche dans le naufrage.
En conséquence; troisième acte de vente, du aH juin 1807, por«tant vente par Ilerhan au sieur Garnery du tiers de « tout ce qui
« composoit l’imprimerie tenue dans les lieux occupés par le sieur
« Ilerhan , rue du Pot-de-Fer, n° i!\ ; les deu x autres tiers ayant été
« vendus/»«/- lui (**) au sieur Antoine-Athanase Laborie, par acte
« passé devant de Lacour, du i m ai dernier, etc.
5
(* ) Ce bon n’ayant pas pu servir à couvrir en entier les causes de l’arrestation, il 11e
fut reçu que pour h compte ; et il n y eut pas de main-levée de la saisie-exécution du
1 8 m ai, laquelle subsiste encore aujourdhui.
(**) Fendus p a r lu i ( Hcrlian). Voilà une déclaration bien précieuse, en ce qu’elle
confirme ce que nous avions dit : que dans l’acte du ¡5 mai, le nom de M . Bertin
Deveaux n’étoit emprunté que pour éviter le droit de revente.
�( 23 )
34 666
35
« Pour le prix de
,
fr. ( ,oooliv. tournois); laquelle* somme
« le siiMir Ilerlian reconnoît avoir rerue rlu sieur Garnery, tant en
« especes, qu’en valeurs à sa satisfaction. »
Il esl inutile, sans doute, de dire que ce paiement t'toit sim ulé;
et que Ilerhan ne rerut pas une obole de ces
fr. ; ce dernier
tiers se trai toi t comme les deux autres, sur la foi des acheteurs,
qui protestoient ne recevoir ces objets q u ’à titre de dépôt.
Arrêtons-nous, ici, un m om ent, pour considérer l’invalidité de
celte vente sim ulée, et son impuissance à produire aucun effet
contre les saisies faites et à faire.
Nous avons déjà démontré jusqu’à l’évidence, q u ’«« i m ai 1807,
( quarante-trois jours auparavant), Ilerhan étoit constitué en
fa illite ouverte, par une cessation absolue de p aiem ent, par des con
traintes par corps, plusieurs saisies exécutions, etc.
34,666
5
5
Or, dans l’intervalle du i m ai au 28 ju in , sa situation n’avoit
fait qu’empirer par de nouvelles poursuites encore plus rigoureuses,
puisque c’est clans l’intervalle du i mai au 28 juin q u ’étoit sur
venue la troisième saisie exécution du 18 m ai, par l ’huissier Chab o u illet, et l ’ arres tati on de la personne d’ IIerhan par l’huissier
Caré.
5
Son état de fa illite étoit bien connu du sieur Garnery, et il n’y
avoit personne au inonde qui fut plus instruit du désordre de ses
affaires, puisque lui-même avoit concouru à suspendre la vente sur
le carreau de la place p u b liq u e , indiquée au 5 m ai, et à retirer
Ilerhan des mains de l’ huissier Carré, qui le conduisoit en prison.
Le sieur Garnery achetoit donc le 28 ju in ce q u ’il savoit bien
n’être plus à la disposition du prétendu vendeur.
L ’établissement stéréotype étant sous la main de la justice, par
les trois saisies exécutions dont il étoit frappé, ne pouvoit plus être
vendu par la partie saisie.
Ilerhan étant en état de fa illite ouverte, il ne pouvoit plus en
etre le vendeur; ainsi, il y avoit incapacité dans la chose comme
dans la personne.
�( 24 )
Le sieur Garnery achetant ce qui n étoit p lu s « vendre d’une per
sonne qui ne pouvoit pas v en dre, s’étourdissoit, sans doute, sur cette
irrégularité, dans l’espoir q u ’elle ne seroit pas relevée (*).
Cependant le sieur L aborie, acheteur des deux tiers par l’acte du
i mai, et le sieur Garnery, acheteur de Xautre tiers par l’acte du
28 juin y le tout par indivis, 11e tardèrent pas à se partager l’univer
salité de l’acquisition, pour faire valoir, chacun de son côté, sa
portion.
Par le résultat de ce lotissement (qui fut effectué le 24 juillet sui
vant), l’imprimerie stéréotype, échut au sieur Garnery, pour le cou
vrir de son tiers; et le sieur Laborie retint Ximprimerie m obile, re
présentative de ses deux tiers
que quelque temps après il a vendue
aux sieurs Ma mes pour le prix de 80,000 liv.)
C e partage scandaleux des dépouilles d ’IIerhan et du gage de ses
créanciers, se faisoit sous l’artillerie des poursuites judiciaires qui
5
se montroient plus menaçantes que jamais.
Dès le 11 ju ille t (treize jours avant l’acte de partage entre le
sieur Garnery et le sieur Laborie), la saisie-exécution faite à la re quête du sieur Bertrand, par procès-verbal du prem ier m a i, avoit
été reprise.
On peut se rappeler qu’au mois de m ai, cette saisie 11’a.voit été
suspendue q u ’en raison de la saisie-exécution faite par le sieur Courcier, et antérieure de cinq jours (le
avril.)
Mais la saisie du sieur Courcier, ayant été paralysée par l'arran
gement du 11 niai (voyez ci-dessus page 18), le sieur Bertrand se
c r u t , comme de raison, autorisé à poursuivre la saisie exécution
commencée le prem ier mai
A ux approches de l’époque destinée à la vente, le saisissant alarmé
25
( * ) P a r la considération, peut-être, que le pis-aller seroit de restituer, après en
avoir tiré grand p arti, et qu’enfin, en achetant à grand marché les créances sur Herhan,
il p a r v i e n d r a i t à figurer a v a n t a g e u s e m e n t dans 1 a c t i f , et à retenir à titre de créancier,
ce qui lui échapperait à titre d'acqucreur.
�( a5-)
de l’embarras de faire voilurer sur la place p u b liq u e , une aussi
grande masse de matériaux et de machines aussi volum ineuses,
présenta sa requête au tribunal de premiere instance, afin d’être
autorisé à les faire vendre sur le lieu, maison de la rue Pot-deFer. (*).
Depuis ce moment, les saisies exécutions s’accumulerent l’une sur
l’autre, et se croiseront au point, que le logis d ’IIerhan étoit devenu
un champ de bataille, que les huissiers se disputoient entre eux.
Et cette déplorable lutte aboutit enfin à une -vente p u bliq u e qui fut
consommée sur le carreau de la place du grand Châtelet, le
dé
5
cembre 1807 (**).
Réduit au dénuement le plus absolu, et à la détresse la plus
humiliante, par la vente de ses vêtements de premiere nécessité (***);
il n e m a n q u o itp lu sp o u r combler l’amertume d eH erh an , que d’être
traîné en p rison , et il n ’échappa pas à ce dernier malheur.
Le 8 ju in i8 o 8 , ii fut arrêté et conduit sous les verroux de Ste.Pélagie.
Dans cette situation, le code de com m erce, récemment publié,
lui fournissoit une ressource pour abréger sa détention; il l’em
(* ) « V ous expose, M M ., qu’en vertu (l’un jugem ent du 24 mars dernier, il a fait
« saisir les meubles et effets du sieur H erlian, pour sûreté des condamnations pro« noncées contre lu i par le susdit jugem ent.
« Que les effets sont, entre autres, des presses et machines destinées à l'imprimerie,
« d’un volume très considérable, et très difficile à déplacer.
« A ces causes, ledit Bertrand requiert qu’il vous plaise, M M ., c o n f o r m é m e n t à
« l’article 6 17, du code de procédure, l’autoriser à faire vendre les objets saisis sur
« ledit sieur Ile rh a n , en la demeure de ce dernier, rue Pot-de-Fer, n° 1/», où ils sont
« maintenant. »
( ) A oyez l’adresse d’IIerhan, page iC.
1
(
) L e proces-verbal en fait foi, qu’on avoit vendu ju sq u a u x caleçons, panta
lons, cravates, etc.
4
�( 26 )
brassa, en transm ettant an greffe un e
il fixa l’o u v e rtu re au i
5 mars 1807.
déclaration
de fa illite., dont
C’étoit déjà user de beaucoup d indulgence pour lui-même, que
de rapprocher ainsi sa fa illite qui, à parler exactement, avoit com
mencé dès l’ouverture de son établissement. Du moins auroit-il pu
la dater du 8 brumaire an 14 ( o octobre i o ), époque de la vente
simulée faite à M. Berlin Deveaux.
5
85
5
Mais Ilerhan s’arrêta au i m ars, pareeque c’étoit de ce jo u r q u ’il
avoit commencé à offrir notoirement tous les signaux de détresse,
et que les caractères les plus marquants de son insolvabilité s'étoient
manifestés par des condamnations et des poursuites rigoureuses.
Le tribunal de commerce qu i, dans ce m om ent, n’étoit influencé
par aucunes sollicitations, et livré à sa propre sagesse, rendit le
3o août un jugement portant déclaration d ’ouverture de fa illite à
compter du i 5 mars 1807, nomination de commissaire (M . Goulliart),
d’un agentprovisoire, etc.
L'instruction de cette faillite fut suivie dans les formes voulues
par la loi.
Cependant les conséquences attachées à la date du i mars 1807,
n ’échapperenl pas à l ’association qui s’étoit emparée de rétablisse
ment d’IIerhan; elle commença à craindre pour les actes de vente
des 8 brumaire, i5 m ai, et a8 ju in 1807, qui se trouvant placés en
pleine fa illite , étoienl menacés d’annullation.
5
Il falloit donc pour prévenir ce danger, faire rétrograder Youverture de la fa illite à un terme postérieur au moins de d ix jours ;
et ce fut vers ce but que la ji aison de librairie stéréotype dirigea tous
ses efforts.
Le sieur Garnery fut constitué le représentant de l’association, en
ce point, et chargé de toutes les démarches actives et ostensibles,
propres à obtenir la rétractation de l’époque d’ouverture de faillite.
Les autres prirent sur leur compte le travail des sollicitations
privées.
�(
27
)
En conséquence, par exploit du 12 septembre 1808, le sieur Garnery signifia aux syndics provisoires, une opposition au jugement du
o août, au chef qui fixoit la fa illite d’IIerhan au i mars 1807.
3
5
Ses moyens d’opposition (accompagnés, d’ailleurs, d’imputations
injurieuses) se réduisoient en substance à ceux-ci: « Q u’il étoit no« toire que Ilerhan n ’avoit jamais cessé de conserver la disposition
a de son avoir, et de jo u ir de la plénitude de ses droits ». (On peut
juger à présent l’exactitude d’une pareille allégation).
« Q u’il avoit fait beaucoup de paiements depuis cette époque du
« i
5 mars 1807.
« Q u ’il est évident que par sa déclaration in fu lele, Ilerhan cher« choit à anéantir des actes authentiques, que lu i,G arn ery, et autres
« négociants, avoient passé de bonne f o i avec lu i, depuis 1 époque
« à laquelle il fait remonter sa prétendue faillite.
« Enfin, que lui requérant, avoit le plus grand intérêt à maintenir
« l'exécution d’un acte passé le 28 juin 1807, contenant vente à son
« profit du tiers de son im prim erie, établie à Paris, rue Pot-de-Fer,
« 11° i/i, etc. »
L ’exploit étoit terminé par une assignation au tribunal de co m
merce « pour voir dire qu’il seroit reçu opposant au jugem ent du
« 3o a o û t, lequel seroit rapporté comme nul et subreptice, et qu ’il
« seroit fait défense de l’exécuter, etc. etc. »
Celte signification ayant été communiquée à TIerhan, pour q u ’il
eûl à donner des renseignements sur sa situation, il a fourni du
sein de sa prison (sous le nom (I'adresse à ses créanciers), une décla
ration détaillée de ses relations avec le sieur Garnery et consorts,
qui mettoit au grand jo u r Yépoque de sa f a illit e , et l’origine de ces
prétendus actes de vente des 8 brumaire an i4 1
1807.
*5 mal
et
ju in
Le combat judiciaire s’engagea, donc, entre les parties, s u r i o u
verture de la fa illite.
�(
)
La question n’etoit l’affaire que d’un mom ent, puisqu’elle trouvoit sa solution dans l’article f\l\i du code de co m m erce, qui
porte*
« L ’époque de la faillite est fixe'e par la date de tous actes consta« tant le refus d ’acquitter ou de payer des engagements de com« merce ».
Or, ici, les actes constatant le refus d’acquitter ou de payer les
engagements de commerce se produisant en foule, et formant une
série de refus à compter du i mars 1807, il étoit facile au tribunal
de vuider la contestation, en maintenant la fixation portée au juge
ment du o août; et c’est ce qui seroit arrivé dans toute autre occa
sion , le tribunal n ’ayant pas le moindre m otif de rétracter son ju g e
ment du o août.
5
3
3
M a is, depuis ce ju g e m e n t , les choses avoient bien changé.
Une question simple en apparence jeta l’agitation dans le sein
du tribunal, et produisit une explosion qui entraîna à sa suite la
réc us ati on
volontaire de trois de ses membres.
Cette désorganisation matérielle ayant apporté quelque difficulté
pour la recomposition d’une a u d ien ce, les adversaires profitèrent
de cette o ccasion, le mardi 27 décembre 1807 ( trois mois et plus
depuis l’opposition), pour surprendre au trib u n a l, qui ne se trouvoit en ce moment composé que de trois membres (le président et
d eux suppléants) , un jugeme nt p a r défaut qui rétracte la date du
i 5 mars 1807, et la remplace par celle du 1" décembre suivant.
On sait qu’il est d’usage dans plusieurs tribunaux de laisser la
rédaction des jugem ents p a r défaut et des motifs aux parties qui les
ont obtenus.
Le sieur Garnery et consorts useront largement de cette perm is
sion, en insérant dans le jugem ent des considérants, qui font une
opposition continuelle avec la vérité et avec les premiers éléments
de la jurisprudence du commerce ; et c est un service qu’ils ont
�(
29
)
rendu à la masse des créanciers de ne leur laisser aucune incerti
tude sur des motifs qu ’on ne se seroit jamais avisé de soupçonner,
et de placer ainsi le contre-poison à côté du mal.
MOYENS.
11 sem ble, après les détails dans lesquels nous sommes e n tré s,
qu’il ne nous reste plus rien à dire pour établir que la fa illite
d’IIerhan étoit ouverte au i mars 1807 ( car c’est là à quoi se réduit,
5
quant à présent, l’intérêt des créanciers *).
5
Or, l’ouverture de la faillite d’IIerh an, au i mars 1807, étant
hors de toute contradiction, nous pourrions clore ici notre travail ,
puisque tous les raisonnements accumulés ne peuvent rien ajouter
à la démonstration mathématique qui vient d’être offerte à la cour
par l’exposé des poursuites judiciaires, et autres actes constatant la
cessation de paiem ents et l ’insolvabilité d ’Herhan.
N éan m oin s, on doit être c u rie u x de connoître c o m m e n t u n ju g e
m ent aussi étrange a p u être coloré dans ses considérants , et par
quelles illusions le tribunal de co m m e rce a été su rp ris au p o in t
de déclarer hors d'état de fa illite u n d é b iteu r su rc h a rg é de con-
(*) L e sieur G arnery et consorts s’épuisent en argumentations pour combattre les
assertions des créanciers Ilerhan , sur la quotité et la nature des créances portées au
b ila n , sur les effets qu’ils ont acquittés à la décharge de Ilerh a n , etc., etc.
CVst beaucoup de peine en pure perte ; de pareils détails pourront être portés au
tribunal de premiere instance, quand il s’agira de statuer sur la validité des ventes;
mais, devant la cour d’appel, il n’y a qu’un point à ju ger: à quelle époque la fa illite
Herhan doit elle remonter? sans s’occuper des c o n s é q u e n c e s . C ’est dans ce cercle que
lu cause doit se renfermer.
�(
3o
)
traintes par corps , saisi cl exécuté dans ses meublesel ses atteliers,
dont l’insolvabilité étoit proclamée pai'p la ca rd s, annonces, et affi
ches, devenu la proie journalière des huissiers captureurs, etc. Il y
a une contradiction si incroyable entre celte situation et le juge
ment dont est a p p e l, que chacun est tente de soupçonner qu’ i! existe
quelque m otif que nous aurions dissimulé , et qui sert au moins de
palliatif à ce jugement.
Il est donc juste de donner cette satisfaction ; et c’est ce que nous
allons faire, en analysant non seulement les motifs du jugement dont
est appel, mais même le rapport du commissaire de la faillite qui
s’y trouve inséré, et qui lui a servi de base.
§. I- .
Exam en du rapport du commissaire de la fa illite (*).
T EXTI.
« D ’abord, d ’après l’examen d’une série de procédures relatées
« dans un imprimé publié par le sieur Herhan lui-mêine, nous avions
« cru appercevoir qu’il étoit insolvable même avant le i5 mars 1807,
« e t, fondés sur l’art. 41 du code de commerce, nous inclinions
« pour le maintien de votre jugem ent du 3o a o û t, sans rien préjuger
« pour ou contre la validité des ventes faites à divers par le sieur
« Herhan, pareeque nous pensions qu’il y avoit, nies celle époque,
« cessati on de paiement. »
(*) Les reproches qui vont être faits au rapport de ce commissaire ne portent
a u c u n e atteinte à la considération qu il mérite par sa droiture, et nous sommes bien
convaincus que c’est à son insçu, et contre son gré, que ce rapport a été rendu public-par la voie de l’impression.
�( 3i )
O lî S E II Y A T I ü N S.
Le commissaire débu te par avouer que la série de procédures contre
ITerhan, établissoit son insolvabilité, même avant le i mars 1807;
que cette considération avoit d’abord entraîné la conviction q u ’il y
avoit eu , dès cette époque, cessation de p aiem en t, et que par con
séquent, la fixation portée au jugement du o août devoit être
maintenue.
Cet aveu est précieux en ce qu’il laisse appereevoir la premiere
impression qui d o it résulter de la série de pareilles procédures sur
un esprit qui est livré sans prévention, à l’impulsion du bon sens
et de la raison naturelle.
Cette impression fut si profonde chez le commissaire, que déjà
il avoit rédigé son rapport en conséquence, avec des conclusions au
mÎBouTTÈ de l’opposition.
Com m ent, donc, est-il arrivé que le même commissaire ait tout
(l’un coup abdiqué sa conviction?
Par quelle m agie cette série de procédures, entraînant la cessation
5
3
de p aie m e n t, s’est-elle évanouie à ses y eu x ?
Le commissaire va lui-même nous instruire des motifs de sa con
version.
T EXTE.
«Mais avant de vous soumettre notre avis, nous avons voulu
« entendre le sieur Garnery lui-même, et savoir de lui sur quoi il
« justifioit les motifs de son opposition. »
Observations.
Assurément c’étoit fort bien d'entendre le sieur Garnery lui-meme,
mais toutes les conférences possibles 11e pouvoient pas effacer la
série de procédures qui constituoient la cessation de paiement
à époque du i mars 1807, ni faire disparoîtré es protêts, les con
traintespar corps, les commandements, les saisies-exécutions, v e n t e
1
5
1
�( 3> )
de meubles sur le carreau tle la p la ce publique ; ces pieces parlant
plus haut que tout ce que pouvoit alléguer le sieur Garnery.
T exte.
« N ous avons recon nu qu e les créanciers poursuivants et saisissants
« désignés dans la nomenclature publiée p ar le sieur Ilerhan lui« m ê m e , ne figuroient pas au bilan. »
Observations.
On voit déjà le rapport qui s’égare et sort de la question (effet
manifeste des conférences avec le sieur Garnery).
En effet, de quoi s’agissoit-il dans cette entrevue? de savoir ce
qu ’il auroit à dire contre cette série de poursuites, de procédures,
qui annonçoient une cessation de paiement, même avant le i5 mars
1807.
C etoit sur ce point seul qu’il fàlloit que le sieur Garnery établit
sa justification, et voilà que le commissaire se jette dans une dis
cussion étrangère à cet objet ; et, ce qui est bien pis encore, le voilà
qui accumule méprises sur méprises.
Premièrement, il faut commencer par démentir formellement
l ’assertion du rapport que les créanciers poursuivants et saisissants,
énoncés dans la nomenclature publiée par Ilerhan, ne figuroient
. pas au bdan, rien n ’est moins exact ; et si le commissaire a reconnu
cette circonstance , c’est faute d’avoir bien lu le bilan, ou la nomen
clature; la preuve en est facile.
L e premier créancier saisissant qui se trouve indiqué dans la
nomenclature dont il s’agit, est le sieur Bertrand (saisie-exécution
du 1 " mai 1807), pour un billet endossé Longuet et B ial.
Or, cette même créance f i g u r e à l’article 1 2 , du chapitre , du
bilan, avec laquelle elle ne devoit faire qu’un seul et même em
ploi (puisqu’elle procédoit d un ordre passé).
3
C’est ce qui est expliq ué par cette note mise en accolade. «Il est
�(' 33 )
« à observer que cette
créance n’en fait qu’une avec celle de
« MJVI. Longuet et Rial. »
La deuxieme créance énoncée dans la nomenclature, est celle du
sieur Poulain (u8 février 1807).
Cette même créance figure au bila n, chap. , à l’article Lam y, en
ces termes: à observer que cette créance (Lamy) n’en fait qu’une
avec celle de M. Poulain.
5
liassand (poursuites du i5 avril 1807), se trouve au b ila n , sous
l’art. Lamy, avec la même observation.
v
Becheyras (saisie-exécution), figure au b ila n , à l’art. 12 , chap.
<3,
article Lamy, avec la même observation.
Ainsi des autres.
Voilà déjà la preuve d’une grande inattention. Or, quand un rapp o r t, qui doit être le siege des vérités les plus exactes en point de
fait, débute par une méprise d’une aussi grande force, c’est un
préjugé bien défavorable pour le reste.
En second lieu, quel est l’objet de cette déclaration erronée?
Et où le commissaire en a-t-il voulu venir par cette assertion?
Que la nomenclature publiée par Ilerhan des poursuivants ei saisis
sants se retrouve, ou non, dans le b ila n , quelle conséquence en
résultoit-il contre I’ époque du i
5
mars 1807, assignée à la faillite de
Ilerhan? La rédaction du bilan produit en août 1808, pourroit-elle
anéantir la série des poursuites, procédures et autres actes constatant
le refis de paiem ent a v a n t les i mais et 28 ju in ? Un failli, quelque
chose qu’il puisse fa ire , ou dire, est incapable de retarder ou d’avan
cer lepoque de sa faillite. Cette époque est fixée par des actes irré
vocables qui sont à l’abri des opérations ultérieures.
5
T exte.
« Q ü’aucun d’eux 11e s’étoit présenté à la vérification, du moins
« nominati vement . »
5
�( 34 )
Observations.
C ’est la même allégation répétée en d’autres termes, mais cette
modification (au moins nominativement), est digne d’attention, eri
ce qu’elle indique que les créanciers saisissants et poursuivants
énoncés dans la nomenclature, avaient été représentés à la vérifi
cation sous d’autres noms; ce qui revient absolument au même
effet que s’ils l’eussent été nominativement, et la chose est facile
à concevoir.
Les saisissants et poursuivants ne tonoient leurs titres que par
l’effet d’un ordre; le créancier titulaire a dû se présenter seul, à la
vérification, et l’on ne voit rien en cela qui soit relatif à l’époque
de la faillite.
T E XT E.
« En second lieu, nous avons remarqué que la grande majorité
« de ceux qui ont vérifié, ont des titres souscrits postérieurement aux
« époques de la fixation de la faillite, i mars 1807, et des ventes
« faites par Ilerhan ( 1 m ai et 28 ju in 1807 ). »
5
5
O bservations.
Q u’est-ce que cela fait pour l’éclaircissement de l’époque de la
fa illite ? Et quel rapport y a-t-il entre cette époque une fois fixée,
et des effets souscrits postérieurement.
Il est évident qu’il y a ici divagation, et que la question est déjà
perdue de vue.
Au surplus, il est bon d’observer que ces effets souscrits posté
rieurement aux i mars, i mai et 28 ju in , 11 étoient que d’anciens
effets renouvelés; que leur identité est bien établie, et que par
conséquent il y a méprise dans ce point de fait.
5
5
�(
T
35
)
exte,
« Que les sommes dues aux créanciers île sont pas toutes identi« ques avec celles portées au bilan. »
Observations.
Qu’y a-t-il de commun entre ce prétendu défaut à'identité, et
l’ouverture d elà faillite, qui est fixée au i
une aberration de raisonnement.
T
5 mars 1807? Voilà encore
e x t e.
« Que plusieurs d’entre eux ont reçu des à comptes. »
Observations.
Ces à comptes reçus n’étoient pas bien difficiles à remarquer;
puisque le bilan en f’a isoit lui-mènie mention; mais quelle conséquence en resultoit-il pour la question sur l'époque de la fa illite ?
T exte.
« Qu’il est notoire que plusieurs créanciers portés au bilan, sont
« PAYÉS. »
Observations.
Ln ee cas, ce seroit une inexactitude à réformer dans le p a ssif du
b ila n , ce qui est l’affaire des syndics aux termes de l’article 628
du code de commerce.
Or, de quoi cette circonstance sert-elle pour l’époque de la faillite?
Mais est-il bien vrai q u ’il se trouve au bilan des créanciers qui
étoient payés? Où le commissaire en a-t-il puisé la preuve? JVeseroitce point là, encore une surprise, et un résultat de sa conférence
avec le sieur Garnery?
Lli bien! il est bon qu’on sache: que, malgré cette prétendue
notoriété, le fait est faux, que des créanciers portés au bilan aient
été complètement acquittés par Ilerhan ; il est, au contraire, notoire
�( 36 )
q u ’à compter du mois de mars 1807, jamais aucun créancier n’a
obtenu de lui cette satisfaction (*).
S’il se‘ trouve des créanciers -payés, ce sont ceux dont le sieur
Garnery aura tout récemment acheté la créance à trois quarts de
p erte, pour les employer en créance au p air, et s’en fabriquer un
titre de libération du prix de la vente de l’établissement stéréotype;
spéculation qui va dans l’instant se développer.
T exte.
« A l’égard du sieur Garnery, il nous a justifié de douze dossiers,
« avec les titres retirés de chez les huissiers, qu’il a payés à la décharge
« du sieur H erhan, de diverses reconnaissances ou reçus de ce der« nier, et quantité d’autres pieces qui prouvent qvt outre sa libéra« tion, il est encore, aujourd’h u i, créancier de llerhan. »
Observations.
La production de ces douze dossiers retirés de chez les huissiers,
révélé ici le méchanisme secret de la spéculation du sieur Garnery ;
c’est lui-mème qui nous apprend, que se voyant sur le point d’être
inquiété sur sa prétendue acquisition, et sur la simulation de la
quittance de
,ooofr. portée dans l’acte du aB ju in 1807, il a traité
de plusieurs créances litigieuses sur Tlcrlian, pour les appliquer à
35
( * ) N o u s a v o n s déjà fait o b s e r v e r q u e la cessation de p a iem en t a c t e a p p liq u é e a u
' m o is de mars 18 0 7, p a r e e q u e c ’est à c o m p t e r de ce j o u r q u e l ’insolvabilité d ’H e rli a n
: é to it con statée p a r les j u g e m e n t s d u tr ib u n a l d e c o m m e r c e , q u i se su c cé do ien t a v e c
ra p id it é .
10 mars ; j u g e m e n t q u i a c c o r d e u n délai d e -vingt-cinq j o u r s s u r u n billet de 29°>fr.
1 7 mars-, id. s u r u n billet de /,Gofr.
D u d i t j o u r 1 7 mars-, a u tr e j u g e m e n t , s u r u n b ille t de /,/,ofr.
D u d it jo u r , p l u s ie u r s a u tr e s j u g e m e n ts .
24 mars-, id. s u r u ne le ttr e de ch a n g e d e 6qoo fr. (o m h * Courrier), et ainsi d e s u ite ,
d e j o u r en j o u r , j u s q u ’à l ’i n c a rc é r a t io n d H e r h a n , et sans in te r r u p ti o n .
�(
37
)
sa libération, en les faisant entrer en compensation au p a ir avec le
prix de son acquisition du 28 juin (*).
Mais, 011 voit, encore, combien ce détail sortoit de la question.
Le commissaire n’auroit-il pas du lui dire:
-Que parlez-vous « M. Garnery de créances payées ci la décharge
« de Ilerh a n , et de dossiers retirés de chez les huissiers, qui operent
« votre libération du prix de la vente du 28 ju in , et, même vous
« constituent créancier de Ilerhan ?
« Il ne s’agit point, en cet instant, de savoir comment vous avez
« acheté, ni comment vous avez payé; si vous êtes reliquataire, ou
« créancier: ce sont là des points à discuter avec la masse des créan
te ciers Herhan, lorsqu’il s’agira d’établir vos droits particuliers.
« L ’ unique objet à éclaircir entre nous, est Xépoque de la fa illit e ,
« et vos moyens d ’opposition pour faire rétracter la date du i mars,
« fixée par le jugement du o août.
5
5
« Cette date; est a p p u y é e s ur u n e série de procédures, condamna
is. lions,contraintes p ar corps, saisies-exécutions, vente de m eubles ,
« et d'autres actes constatant le refus de paiem ent d ’engagements de
« nature commerciale.
« Q u’avez-vous à dire contre l’effet et les conséquences de cespour« suites? Les avouez-vous? Ou bien les déniez-vous? Les douze dossiers
« que vous m’exhibez viennent même augmenter la masse de ces
« poursuites, en en ajoutant douze aux vingt-sept qui sont énoncées
« dans la nomenclature (**).
( ’ ) O b s e r v e z , en p a s s a n t , q u e la p ré te n tio n d u sie u r G a r n e r y , (le s’être libéré à
l ’aide des créancespayées en t’acquit d u si eu r H e rh an , f o r m e u n a v e u positif, q u ’ il n ’a v o i t
p a s p a y é comptant le p r i x d e l'acte d u 28 j u i n , et q u e la quittance q u i s’y t r o u v e
é n o n cé e étoit simulée.
( * * ) Ges douze dossiers se c o m p o s e n t e ff e c ti v e m e n t , de p o u rs u it e s et p r o c é d u r e s
a n té r ie u re s a u x v en te s des i 5 mai et 28 ju in 1 8 0 7 ; d e m a n ié ré q u e c etoit de la p a r t
d u s ie u r G a r n e r y , f o u r n i r de s a rm e s c o n t r e lu i-m ê m e , et de n o u v e lle s p r e u v e s de lu
faillite o u v e r t e
avant
les ven te s.
�(
38
)
« Hâtez-vous d o n c, sans vous occup er de détails étran g ers, de dé-
3
« duire vos moyens d'opposition contre le ju g em en t du o a o û t, au
« c h e f qui fixe la date de la faillite au i mars 1807; car c’est sur ce
« p oint seulem ent qu e je dois faire mon rapport, émettre mon a v i s ,
« et donner mes conclusions. »
5
M a is , p ar une étrange irréflexion, le commissaire (donnant dans
le piege q u i lui étoit dressé), se laissa entraîner à toute autre chose
q u e ce qu i devoit faire l’objet de son exam en, et s’inclinant devant
les douze dossiers, il proclam e le sieur G a rn e r y , non seulem ent
li béré envers Ilerlian, mais mêm e son créancier.
T exte.
« Notre mission n ’étant pas d’appurer ses co m p te s, et n’ayant pas
« entendu les parties contradictoirement , nous laissons an sieur
« Ilerlian à faire les observations q u ’il ju g era convenables.»
Observations.
Nous avons v u un e ligne plus h a u t , le rapport déclarer, que
d ’après les pièces exhibées par le sieur Garnery, il étoit i*iioitvi:,
« qu 'outre sa libération , il est encore aujourd’hui créancier du sieur
« Ilerlian ; et voilà que
« q u ’il ne peut prendre
a sieur Garnery, fautq
« ment». N’est-ce pas là
le commissaire, un instant a p r è s , déclare :
aucun avis sur Y apurement des comptes du
d’avoir ewtendu les parties contradictoireune contradiction?
Il n’e s t , d o n c , plus vrai q u ’il soit prouvé (à l’aide des douze dossiers
retirés de chez les huissiers) , que le sieur G arnery s’est libéré de son
p r i x , et soit m êm e devenu créancier du sieur Ilerlian !
A laquelle des deux assertions du
rapport fa u t-il s’arrêter?
Cette inconséquence n ’existeroit p as, si le commissaire, au lieu de
se mêler des comptes du sieur G a rn ery, se fut seulement occupé
d ’éclaireir, contradictoirement entre les parties, la véritable époqiuï
de la faillite.
�( 3q )
T E X T F.
« Nous renferm ant dans les bornes de notre m ission , et d ’après
« le court exposé que nous avons fait, il est impossible de fixer l’épo« que de la faillite d ’IIerhan au i
5 mars
180 7, com m e il le pré-
« ten d ..............»
Observations.
Impossible! co m m e n t cela arriveroit-il? P uisqu e dans les asser
tions que nous venons de relever il ne se trouve r ie n , absolum ent
5
rien qui puisse faire disparoître l’époque du i mars 1807.
Mais puisque le commissaire ne ve u t pas adopter l’époque du
i 5 mars 1807 (fixée par le ju g em e n t du
qu e choisira-t-il donc depuis le i
3o a o ù t ) ,
quelle autre é p o
5 mars? A laquelle s’arrêtera-t-il de
préférence ?
Ecoutons :
T
exte
.
« La tâche qui nous a paru la p lu s d ifficile, est la fixation de la
véritable époque de cette faillite. »
Observations.
Impossible à'un côté, difficile de l’autre! voilà un embarras dans
lequel le commissaire se place bien g ra tu ite m e n t: car il ne tenoit
q u ’à lui d’en sortir par un procédé bien sim ple; c’étoit d ’obéir à la
disposition de la lo i, qui
diîcl a rf,
la faillite ouverte, au prem ier acte
de cessation de paiem ent (art.
et (l u i fixe cette cessation par la
date de tous actes constatant le refus d'acquitter ou de payer des en
gagements de commerce ( art. /j/j 1 ).
Or, on fournissoit au commissaire une assez ample provision de
pareils actes pour lui indiquer la véritable époque qui lui paroît si
difficile à trouver.
En effet, les lois commerciales prévoyant qu en plusieurs occasions
�(
4°
)
I’ iîpoquj! <le la fa illite ponrroit 'offri r* u n g r a n d i n t ér ê t, el ne v o u l a n t
pas l iv re r u n e q u e s t i o n aussi i m p o r t a n t e à l’a rb it ra ir e (les j u g e
m e n t s , - o n t c r u i ndi s pe ns a bl e d ’assigner à l’o u v e r t u r e d ’ u n e fa illite
u n p o i n t de r e co n n o i s s a n c e p r o p r e à p r é v e n i r les d i v e r g e n c e s d ' o p i
n i o n s , et q ui s ervî t de b a s e a u x t r i b u u a u x .
Cette base est la cessation de paiement, et le enraelere de cessa
tion de paiement est signalé par la d a t e du premier acte (quel q u ’il
fut ), portant refus d'acquitter un engagement commercial.
:i Au moyen de ce procédé, toute incertitude disparoît, et quiconque
cherche de bonne foi la véritable époque d’une fa illite peut la trou
ver , sans ^autre peine que de lire la date du premier acte portant
l’aveu d’impuissance de payer, ou des premières poursuites faites
contre lui à raison de défaut de paiement.
Pourquoi donc, le commissaire, au lieu de suivre une voie si
simple, s’est-il permis, en opposition avec la lo i, de se perdre, en
raisonnements et en argumentations proscrites par elle? il va en
donner le m o tif bien franchement.
vi: ;ï;
î .':
T E XT E.
,
« Car, si on prenait pour base celle des premières poursuites diri« gées contre Ilerhan, il faudroit remonter à l’origine de son éla« blissement.
« Le sieur Ilerhan s’occupoit plus à créer et à perfectionner sou
« invention, qu’à se ménager des moyens et des ressources pour
« faire face à ses nombreux engagements. »
,.
V
Observations.
On a peine à en croire ses ye u x, en lisant une déclaration aussi
extraordinaire. Quoi ?. Le commissaire fait ici laveu , que si Ion
prenoit pour base de la faillite Ilerhan , les premieres poursuites
contre lui, sa fa illite remonteroit à Vorigine de son établissement;
eh mais! les c r é a n c i e r s Ilerhan n’ont jamais rien dit d’aussi fort,
et ils s’emparent promptement d’un pareil aveu , qui prouve que
(1
�( 4* ).
ce sont les créanciers mêmes qui font grace à Ilerhan, en ne fixant
sa faillite qu’au i mars 1807; en cela, bien moins rigoureux que
le commissaire qui la fait remonter à l ’origine même, de son établisse
5
85
ment (c ’est-à-dire au b ail d ’industrie du 5o octobre i o ).
Il csl vrai, que pour adopter cette date, il faudroit prendre pour
les premieres poursuites contre Ilerh a n , et c’est ce que le com
missaire 11e veut pas; et les raisons qui vont être déduites vont nous
offrir quelque autre sujet de surprise.
bask
k
>
T
exte
.
a Un négociant n’est pas en faillite, précisément, pareequ'il laisse
« obtenir des jugements contre lui. »
Observations.
Ici commence une abnégation continuelle des premieres notions
de la jurisprudence commerciale.
Si le rapport s’étoit borné à parler du cas où un négociant àuroit
laissé obtenir un ou deux jugements restés sans exécution, ce seroit
déjà user d’indulgence; car en bonne logique, un seul jugement
qui atteste l’impuissance d’acquitter un effet commercial, suffit
pour constituer Youverture de la fa illite. Quiconque est bien péné
tré de 1 importance attachée à la foi et à la sûreté du commerce, ne
mettra pas en doute qu un négociant qui m a n q u e à un seul engage
ment tombe en f a i l l i t e ipso fa cto . Le mot fa illite n ’exprime autre
chose que ce défaut de paiement, et jamais, dans aucune place de
commerce, on n ’a imaginé de calculer combien de foison pouvoit
f a illir , avant d’être en fa illite . Néanmoins, des considérations
puissantes exigent qu’on n’ explique pas avec autant de rigueur
le défaut d’acquittement à Yéchéance d’un effet de commerce,
lorsque d ailleurs il n ’a pas donné lieu à une explosion éclatante ;
mais ici il ne s agit ni d’un jugem ent, ni de deux, ni de trois,
etc. il s’agit d une série de contraintes par corps qui se sont succé
dés durant le cours de i o , 1806, 1807 et 1808, et qui forment
85
6
�4
( * )
une insolvabilité permanente,’ e t, même , une cessation notoire de
paiement.
Texte.
« Il faut q u ’il y ait absence de son domicile, »
Observations.
Absence de son dom icile! Celte condition est imaginaire, et de
nouvelle invention.
L ’article i er du titre i i,d e l’ordonnance de 1G73, place, il est v r a i ,
la retraite du débiteur au nombre des signes de faillite, mais ce
n ’est que démonstrativement, et non limitativement. Cet article veut
que tout débiteur qui abandonne son domicile, soit reconnu en
fa illite ; mais il ne dit pas que faute de cette circonstance, il n’y ait
pas de faillite.
>
•
Texte.
« Et cessation absolue de paiement. »
■Observations.
Absolue est ici de trop, et un vrai contre-sens; car il s’ensuivroit
que jamais on ne sauroit s’il y a f a illit e , même à la suite de p lu
sieurs effets protestés, et de plusieurs condamnations, le débiteur
pouvant, par quelques paiements partiels, empêcher q u ’il y ait ces
sation absolue.
44
L ’article
1 du code de commerce dit: « Lorsqu’il y aura cessation
« de paiement », et assurément, Ilerha.n éloit arrivé au i mars 1807,
au terme où il y avoit bien cessation de paiement, puisque la vente
de ses meubles, effets, et de scs atteliers, étoit placardée dans tout
Paris, pour être effectuée sur la place p u b liq u e, faute de paiement.
5
T
e
x T Jï.
« Mais lorsqu’il traite avec ses créanciers, q u ’il leur paie des à
�( .
43
)
« comptes, qu'il contracte de nouveaux engagements avec e u x , il ne
« p eu t être regardé comme f a i lli; telle étoit notre jurisprudence avant
« que nous fussions régis par le code de com m erce. L a loi nouvelle
« (q u a n d bien m êm e on lui donneroit un e autre interp rétation ) ne
« peut avoir d ’effet rétroactif »
Observations.
Est-il bien vrai q u ’il existoit antérieurem ent au code de commerce,
un e ju risp ru d e n ce qui puisse a u jou rd 'h u i servir d ’autorité favorable
a u x asser tions avancées dans ce rapport? et qu e le code de commerce
ait in tro d u it une législation nouvelle, dont l’effet ne soit pas a p p li
cable à l’espece dont il s’agit?
N ous p o u v o n s , en toute a ssurance, attester le co n tra ire , et p o u r ne
laisser a u cu n e in certitu d e sur ce p o in t, nous allons offrir le tableau
de la ju risp ru d e n ce s u r cette niatiere.
PR IIfC IIT S
Sur les caractères constitutifs de Vouverture de la faillite.
La cessation de paiem ent considérée sous son ra p p ort avec l’o u
verture de la faillite, présente trois especes ou hypotheses qu e nous
allons p arco u rir successivem ent.
Premiere espiîce. Un négociant, dans u n m o m ent d’ u r g e n c e , a
laissé protester plusieurs effets à le u r é c h é a n c e , et obtenir des ju g e
ments contre lui (voilà un germ e de faillite); maïs ces ju gem ents
n ’ont pas été suivis d ’e xécutio n ; il n ’y a eu ni vente de meubles,
ni scellés, ni saisie-exécution, ni incarcération.
L e débiteur a trouvé le m oyen de p ré v en ir l’écla t, de calmer ses
créanciers, en payant les u n s , en donnant des ¿1 comptes aux autres,
et obten an t des délais.
De m aniéré q u ’à la suite de cet arran gem en t, il est v e n u à b o u t
de co u vrir ses dettes , et de continuer son commerce.
�(
*44 )
Supposons, à présent, q u ’il s’éleve la question (le savoir si ce
débiteur étoit en état de fa illite par le seul fait du prem ier jugem ent
obtenu contre lui.
Il faut répondre q u ’il ne doit pas être considéré comme f a i lli, même
sous l’empire actuel du code de commerce. Pourquoi cela? parcequ ’ il n’y a aucun acte public qui ait produit au grand jour la décon
fiture du débiteur. Le germe de faillite qui se trouve enfermé dans
les protêts et jugem ents, n a pas eu le temps de se développer par
les poursuites d’exécution, et il s’est étouffé promptement entre le
débiteur et scs créanciers.
A in s i, quiconque, par intérêt, ou par malveillance, viendroit
réveiller cet événement pour y puiser des caractères de faillite,
seroit mal accueilli, et succomberoit dans sa prétention.
Mais observez bien tpie la raison décisive de cette jurisprudence
se trouve dans la circonstance q u ’il n’y a eu auparavant ni depuis,
aucun signe extérieur de faillite : lois que scellés, saisie-exécution,
v en te, incarcération au. dépôt de bilan; et si quelques uns de ces
a c tesa vo ite u lieu, tout ce qui vient d’être dit ci-dessus, cesseroit
d’avoir son application, comme on va le voir dans les especcs
suivantes.
S econde espfce . C’est celle d’un débiteur qui (comme dans l’espece
précédente (laisse obtenir plusieurs condamnations faute d'acquitte
ment d’effets commerciaux à leur échéance, et qui (pour prévenir
les poursuites commencées), souscrit de nouveaux effets, contracte
de nouveaux engagements, dont le produit lui sert à couvrir les
condamnations.'
A l aide de ces emprunts successifs, il parvient à déguiser le dé
labrement de ses affaires, et à se maintenir dans son commerce,
jusqu’au moment o ù , toute ressource venant à lui manquer, il fait
enfin sa d é c l a r a t i o n üe faillite.
A quelle époque faudra-t-il fixer Xouverture de cette faillite? serace au dernier acte constatant refus de paiem ent? ou bien faudra-t-il
�(
)
45
rem on ter ju s q u ’à la premiere poursuite (q u i p ou rroit dater de p l u
sieurs années auparavant).
La réponse est; q u ’ il faut rem on ter à la date des premieres p o u r
suites , q u o iq u ’antérieures de plusieurs années à la déclaration de
faillite. La
déclaration
a eu l’efi'et de rattacher la date de la faillite
à celle du p re m ie r ju g e m e n t de co n d a m n a tio n , et de faire r e v iv r e
tous les actes interm éd iaires , p o u r ne com poser d u tout q u ’un e n
sem ble indivisible.
En pareil ca s, la d é c l a r a t i o n d ? fa illite n ’est pas un acte consti
tutif de f a illite , mais seulem ent un acte récognitif Tel étoit le p r i n
cipe admis aux consuls et dans les cours.
4
En 175 ) le sieur L ay de Serisy, ayant déclaré sa fa illit e , la qu es
tion s’éleva sur l’époque à laquelle devoit en être fixée l’o u v e r tu r e ,
plusieurs
créanciers prétendant
la faire rem on ter à d ix années
au-delà (ce qui entraîuoit la n ullité de p lusieurs ventes faites dans
l'in te rv a lle ).
L e ‘20 ja n v ie r 1^5 5 , intervint arrêt du p arlem ent de Paris, q u i ,
« p ou r fixer l’époque de la faillite de L a y Serisy, renvo ie les créan
ce ciei s p ardevant les juges-consuls de Paris, à l’effet de donner le u r
« avis qui seroit reçu en la co u r. »
Le trib u n a l des juges-consuls s’étant fait assister de plusieurs
banquiers et négociants, donna son
avi s
le 23 m a rs, portant « qu e
5
« la faillite devoit être réputée et déclarée ou ve rtç dès le i ju in 174 5 ,
« date de la prem iere sentence obtenue contre lu i , et qui avoitétê
« suivie de nombre d ’autres, sans interruption. »
Le
8 avril s u i v a n t ,
a r r ê t q u i , en h om o lo gu an t l’a w des juges-
consuls, déclare la fa illite de Lay Serisy avoir été ouverte dès le n
ju in 1745 ( n e u f ans auparavant').
On voit par cet e x em p le, un e faillite ignorée se révéler au b o u t
de d ix a n s , et se rattacher au prem ier ju g em e n t de condam nation ;
dans une espeee, où p en dan t le cours de ces n e u f annees, il n’y avoit
eu ni vente de m eubles , ni saisie-exécution , ni .scellés , ni incarcéra-
�( 46 )
lion, ni aucun autre signe ostensible de faillite, que des jugements
restes sans exécution.
Mais cette décision étoit fondée sur le principe généralement
adopté: « Que la déclaration de fa illite fait revivre les caracteres
« de faillite cpii Tavoit précédée, en la reportant ju sq u ’au premieres
« poursuites. »
Tr oi si ème ESPECE. On vient de voir l’exemple d’un débiteur q u i,
durant le cours de sa faillite, a subi, des poursuites, sinon rigou
reuses, au moins capables de le discréditer dans l’opinion publique
(car tel est l’effet inévitable des p rotêts , et de jugem ents obtenus) ;
niais une autre espece se présente, c’est celle d’un négociant qui ,
sans avoir éprouvé la moindre poursuite judiciaire, ni protêt, ni
condam nation, e t , au contraire, pour les prévenir, a fait un
atermoiement avec ses créanciers.
A la faveur de cet arrangement, son commerce n’a pas discon
tinué un seul instant; aucun signe extérieur n’a trahi aux yeux du
public le secret de son embarras, il a souscrit et accepté des effets
commerciaux qui ont été acquittés exactement à leur échéance.
Mais, voilà q u ’il se trouve, au bout de plusieurs années, hors
d’état de remplir les conditions de son contrat d’atermoiement, et
contraint de déposer son bilan p o u r laprem iere fois.
A quelle époque faut-il placer l’ouverture d’une pareille faillite?
Sera-t 011 autorisé à remonter à la date du prem ier acte de défaut de
p a iem en t, ou bien, faudra-t-il ne calculer la faillite que du jour où
il y a eu cessation absolue et définitive de paiements?
Réponse. D ’après les principes ci-dessus exposés, la fa illite est
ouverte
a n té rie u re m e n t
au contrat d’atermoiement, et à compter du
premier acte préparatoire; quand même ce ne seroit q u ’une lettre
missive, ou une circulaire.
Dans la nui t du 26 nivose, an 6 ( i
5 janvier
1798), le sieur i r * * ,
négociant, est volé.
Le surlendem ain , uS, il écrit à ses créanciers une circulaire pour
�( hl )
les informer du malheur qui lui est arrivé, leur avouant « q u ’il se
« trouve, par là, hors d ’état de payer, ses effets à leur échéance, et
« il finit par demander un délai de n e u f mois. »
Plusieurs d’entre eux lui accordent ce délai, et B........ reste en
pleine jouissance de sa maison de commerce, sans la moindre in
terruption ni le moindre changement.
Dans l’intervalle du 26 nivose au terme accordé, quelques créan
ciers se procurent un hypothéqué sur les immeubles de B ..........et
prennent inscription;
A l’expiration des neuf mois de délai, B ...... ne se trouvant pas
encore en état d’effectuer ses paieinenls, se déclare en fa illit e , et
dépose son bilan le 9 thermidor an 7 (26 juillet 1799).
fa illite de B ...........se réduisoit à solliciter de nouveaux délais,
qui le missent en étal de couvrir son passif, ce qui lui fut accordé
par un second traité, nu moyen duquel il continua de garder, comme
par le passe', sa maison de commerce.
Cependant, les immeubles de B ..........ayant été vendus, il y eut
contestation entre les créanciers hypothéquaires et les créanciers
chirographaires, sur la question de savoir si le prix de la vente devoit être distribué par ordre d'hypothéqué, ou bien au marc la livre
(question qui emportoit celle de savoir: si à l’époque des inscrip
t i o n s , ........... devoit être considéré comme fa illi).
Ceux qui demandoient la distribution par ordre d'hypotheque,
disoient : « que B...........n ’éloit pas en fa illite ouverte à époque de
« l ’inscription prise sur ses biens. »•
1
« Comment pouvoit-on le supposer en faillite, alors, puisqu’il n’y
« avoit pas le moindre signe extérieur de son i n s o l v a b i l i t é : point de
« bilan déposé, pas un jugem ent de condamnation, pas meine un seul
«protêt ; sa maison- de commerce n’avoit rien jierdu de son activité ;
« et des lettres de change jointes aux pieces du procès, et ses livres et
« registres tenus avec la même exactitude, attestoient la continuité
« des négociations, tant avec ses créanciers, qu avec d’autres, jus« q u ’au jour du dépôt du bilan. »
�( 48 )
« Comment, en pareille circonstance, etoit il possible de faire ro« monter sa faillite à dix-huit mois au préjudice des créanciers de
« bonne foi, qui avoient pris une inscription dans l’intervalle? »
Certes , voilà une espece bien favorable.
Mais ta masse dés créanciers c/urographaires se renfermoit dans
le principe « que la cessation absolue de paiements, manifestée par
« le dépôt du b ila n , avoit 1 effet de se rallier au premier acte de dé« faut de paiem ent, pareeque la cessation absolue n’étoit autre chose
« que la suite de ce prem ier acte, et le complément d’une fa illite
« commencée. »
Or, ce commencement de faillite, ils le trouvoient dans le billet
circulaire écrit par - .......... à ses créanciers, le 28 nivose an 6 ( i
janvier 1 798), par lequel il leur annonçoit l’impuissance d ’acquitter
ses effets à leur échéance, demandant un délai de neuf mois (*).
5
15
2g prairial an 9 (18 juin 1801), jugement du tribunal civil de
première instance du département delà Seine , qui déclare la faillite
de Iî.. . . . ou v e r t u , à compter de son billet circulaire du 28 nivose
an G, et ordonne la distribution au marc la livre.
5
Sur l’appel, a r r ê t de la couf du 26pluviôse an 10 ( i février 1802),
c o n f j r m a t i f , par les motifs énoncés dans le jugem ent du 29 p rairial
(plaidant M M . Chabroud e t Delahaye).
A in s i, voilà qu’il est'jugé bien disertement:
( * ) " I ja faillite d o i t se c a lc u l e r d u 2 8 ‘n i v o s c a n 6 , disoit l e u r d é f e n s e u r ; p o u r q u ’ il
« y a i t faillite , il su ffisoit q u ’il y ait d é f a u t d e p a i e m e n t , c’c s l ce q u i se r e n c o n t r e d a n s
« l ’e sp ece. S i les c ré a n c ie rs o n t a cc ep té d e n o u v e a u x e n g a g e m e n t s , c'cst q u ’ ils y étoie n t
« f o rc é s , ce n ’e st q u e s u r
1a v e u
m ê m e d u d é b i t e u r d e so n im p u iss an c e de p a y e r . A p r è s
« le premier terme exp iré, B .............avoue de nouveau qu’il 11e peut payer, il de■
<mande un second délai. N ’est-ce pas se constituer en faillite ? S ’il a continué ses opé« rations , c’est pareeque scs créanciers le lui pernicttoient; et encore aujourd’hui qu’il
« continue sou commerce, dira-t-on qu il n est pas en faillite?. Elle n’est jamais plu»
« claire que quand le débiteur l’avoue lui-meme ». (Journal du palais, deuxieme semestre
de l’an 10, page 261J, n° yo).
�( 49 )
i ° Que le dépôt du bilan opère* une cessation absolue de paiement.
2° Q u’une cessation absolue se composant de cessations partielles,
la faillite reprend sa date au prem ier acte constatant le refus ou le
défaut de paiem ent, quelque distance qui se trouve du premier acte
de défaut de paiement.
° Q u’il n’est pas nécessaire que lé prem ier acte constatant le
refus de paiem ent, soit un acte ju d icia ire, ni une poursuite, q u ’il
3
peut également résulter d’une lettre ou d’un billet circulaire.
4
° Que les arrangements, traités et transactions qui ont lieu dans
l’intervalle du premier acte de défaut de paiement, à la déclaration
de fa illite , n’empêchent pas le rattachement des deux époques, et
ne dégagent pas le débiteur de la qualité de fa illi.
° Q u’il en est de même de la circonstance de commerce continué,
d’à comptes donnés, d'effets payés, ou souscrits de nouveau et posté
rieurement; que toutes ces circonstances disparoissent devant la
déclaration de fa illite qui vient se renouer avec le prem ier acte de
non paiement.
G° Que les considérations les plus favorables au débiteur, ou aux
tiers acquéreurs, ou prêteurs de bonne f o i , sont incapables de faire
fléchir et d’atténuer cette jurisprudence ; pareeque la considération
duc à la sûreté du commerce, ne permet aucune composition avec
les principes, ni aucune acception des personnes.
5
Tel est l’exposé au vrai de la jurisprudence antérieure au code de
commerce, et qu’il a lui-mème confirmée, en la reproduisant presque mot pour mot.
3
L ’article 4^7(qui est le premier du livre , concernant les faillites),
commence par établir en principe « que tout commerçant qui cesse
« ses payements est en état de fa illite. »
Or, qui dit cesser ses paiem ents, dit, sans doute, les paiements
d ’effets échus, sans s’occuper des effets à éçheoir; il suffit donc,
q u ’il y ait non paiem ent d ’effets échus, pour que le non payant soit
en état de fa illite.
L ’article
o, en introduisant un nouveau inode de déclaration
44
7
�( 5o )
de fa illite , exige que le f a illi fasse mention, dans cette de'claration,
du jour où il aura cessé ses paiem ents ( pour faciliter la fixation de
Youverture dé faillite).
I l restoit à savoir quelle date le déclarant adopteroit p o u r fixer
l’époque où ses paiem ents seront réputés avoir cessé; et l’article /|41
leve l’incertitude en disant :
« L ’ é p oque de la faillite est fixée soit p a r la retraite du débiteur,
« soit p a r la clôture de ses magasins, soit p a r la date de tous actes
« constatant le refus d ’acquitter ou de payer des engagements
« commerciaux. »
Ce qui rentre parfaitement dans l’esprit de la jurisprudence anté
rieure au code, que nous avons exposée ci-dessus: mais le code de
commerce considéré, aussi, q u ’il pourroit survenir certains cas, où
tin débiteur (solvable, d’ailleurs), seroit exposé à subir des actes
constatant le refus d ’acquitter des engagements commerciaux, tels
que protêts, jugem ents, etc.
Or, ne voulant pas que des actes de cette nature suffisent pour
constituer une fa illite , il ajoute cette disposition bien importante,
que les actes constatant le refus de paiem ent, n ’auront l’effet de
constituer la faillite, qu’autant q u ’ils auront été suivis d’une cessa
tion authentique en ces termes : «Les actes ci-dessus mentionnés ne
« constateront néanmoins Xouverture de la fa illite que lorsqu’il y
« aura cessation de p a iem en t, ou déclaration du fa illi. »
Ainsi nous revoyons dans cette condition, la même jurisprudence
des arrêts de
et du 26 pluviôse an 10.
'
Le code veut, il est vrai, que le prem ier acte de refus de paiem ent
tTeffets commerciaux emporte- Y état de fa illite ; mais il ne le veut
que dans le cas où cette cessation partielle aura fini par une cessation
■
définitive; ce n’est que contre les déclarants
position a lieu.
faillite
que cette dis
�( 5i )
T
exte
.
« P ourquoi nous pensons que l’époque de la fa illite du sieur
« Herlian ne peut être fixée que du jour q u i l a cessé de traiter et de
« transiger avec ses créanciers, et où il y a eu cessation absolue
« de paiem ent. »
Observations.
V o ilà , encore, le même vice de raisonnement, qui dérive du faux
principe que c’est la cessation absolue de paiem ent qui ouvre la
faillite, lorsqu’au contraire la cessation absolue ne fait que former
la clôture de la f a illit e , en lui appliquant le sceau de l'authenticité,
et sa u fla recherche de Xouverture (ainsi que nous l’avons expliqué
ci dessus).
/
T
exte
.
« Et, comme il nous est dém ontré, même par le procès-verbal d e
« vérification et d ’affirmation des créanciers, que le sieur llerhan
« a souscrit les derniers engagements qui figurent dans sa faillite
« dans le courant de novembre 1807; notre avis est: que Xouverture
« de la faillite ne soit pas fixée avant le i er janvier 1808. «
Observations.
Le rapport détermine la cessation absolue de paiement de la part
du sieur llerhan , du jour où il a cessé de traiter et de transiger avec
ses créanciers; et il place les derniers engagements, traités et tran
sactions dans le courant du mois de novembre 1807.
En quoi il y a une double méprise.
i° En ce qu’il n’est pas vrai que les derniers engagements souscrits
par le sieur llerhan soient du mois de novembre 1807, ni qu ’il ait,
dans le cours de ce mois, traité ni transigé avec ses créanciers.
�t
I
(
52
)
Jamais, ni dans ce mois de novem bre, ni dans les précédents, en
remontant jusqu’au i mars 1807, il ne s’est fait de traité ni de
transaction entre eux. à moins qu’il ne plaise au commissaire d’enten
dre par traités et transaction, des commandements, saisie-exécution,
vente de meubles, arrestation.
5
Dans le malheureux état où se trouvoit Ilerhan à l’époque du
mois de novembre 1807, saisi et exécuté dans ses meubles et vête
ments (qui furent vendus quelques jours après sur la pince pu b li
q u e ) , quelle espece d'engagement, de traité ou de transaction
auroit-il pu souscrire avec ses créanciers?
L ’im agination se confond à ch erch er ce qui a pu suggérer au
com m issaire la vision d un traité et d une transaction d'Herhan avec
ses c r é a n cie rs, et de nouveaux engagements souscrits en novembre
1807.
En second lieu, quand cette circonstance existerait, de traité, de
transaction, et nouveaux engagements souscrits en novembre 1807,
comment seroit-ce une raison de n’ouvrir la faillite q u ’au prem ier
janvier suivant? Ces prétendus traités et engagements, auxquels on
assigne la date de novembre 1807, n’ayant pas été exécutés, leur
infraction, suivant tous les principes, remettroit le sieur Ilerhan
in statu quo : donc ce n’étoit plus le cas de faire servir ces engage
ments, traités et transactions, de ligne de démarcation.
Cette ligne est indiquée au 1" janvier 1808; mais pourquoi
cette indication plutôt qn’uue autre?
G’e s t, dit-on , pareeque c’est là q u ’on trouve le terme des négo
ciations d’Herhan. Mais qu’importe donc q u ’IIerhan ait ou n ’ait
pas fait dés opérations commerciales ? et en quoi cela servi roi t-il
pour retarder époque de la faillite ? Est-ce qu une faillite est in
compatible avec de pareilles opérations?
1
Quand, en 1755, les juges-consuls de Paris, assistés de banquiers
et négociants, donnèrent leur avis uniforme que la faillite du sieur
JJeseiisj’ Temonloit à n e u f ans, antérieurement au dépôt de son bilan,
�( 53 )
ils savoient forl bien qu e durant ces n e u f ans il avoit fait des arran
gem ents, des négociations de banque et de commerce, renouvelé clos
effets, traité et transigé à plusieurs reprises avec ses créanciers; mais
cette considération ne les arrêta pas ; et qu oiqu e la cessation absolue
de paiem ent n’eût été effectuée q u ’en 1754 , ils n’en déclarèrent pas
m oins la faillite
ouverte
dès le mois de ju in 1745.
D o ctrin e q u i fut consacrée par l’arrêt du parlem ent.
L o r sq u e le 7 therm idor an 7 , le sieur I>.........eut déclare' sa ces
sation absolue de paiem en t , par le dépôt de son b ila n , un ju g em e n t
du 99 prairial an g , et un arrêt co n firm atif du 26 pluviôse an 1 0 ,
n ’en déclarèrent pas m oins la fa illite
ouverte
dès le 28 nivose an G
(d ix-liu it mois a u p a r a v a n t ), et à la date de la circulaire par lui
adressée à ses créan ciers, p ar laquelle il leur dem audoit un délai de
n e u f mois.
O r , nous avons vu q u e , dans l’intervalle de cette circulaire au
dépôt de son b ila n , sa maison de com m erce avoit subsisté co m m e
a u p a r a v a n t ; aucu ne interrup tio n dans sa correspon dan ce, soit avec
ses cré a n cie rs, soit avec d ’autres négociants : son jo u r n a l, et une
liasse jointe au p ro c è s, de lettres de change acquittées dans cet i n
tervalle, faisoient p reu ve de la continu ité de ses négociations com
merciales.
Et cependant ces considérations ne firent pas fléchir le p rin c ip e ,
qu’une fa illite remonte à la date du premier acte de cessation p a r
tielle.
T k x t e.
« Telle est notre opinion, que nous soumettons à vos' lumieres et
« à votre équité.
« Délibéré à P a r i s , ce t
3 décem bre
1808. Signé G o u l l i a r t . »
Observations.
Si, effectivement, cette opinion eût été soumise à une mûre déli
bération du trib u n a l, nul doute q u ’elle eût été couverte d’une im
�( 54 )
p r o b a tio n gé nérale ; il n ’y a v o it q u e la v o ie d 'u n j u g e m e n t
f a u t , sans délibéré,
par dé
q u i ait p u arrach er au tr ib u n a l u n j u g e m e n t
c o n f o r m e à I’ a v i s d u co m m issa ire.
§• I I .
E xam en du jugem ent p a r défaut du 27 décembre 1808.
« Considérant qu’il ré su lte , tant dudit procès-verbal de vérificaa tion, que du rapport de M. Goulliart,
« P rim o, que la grande majorité des créanciers du sieur Ilerhan
« ne sont porteurs que d’engagements souscrits postérieurement au
« i mars 1807, époque à laquelle ledit Ilerhan a fait remonter sa
«fa illite dans sa déclaration. »
5
Observations.
1
Ce considérant n’est que la répétition d’une méprise qui a échappé
au commissaire dans son rapport, et qui a été renversée de fond-encomble par le rapprochement du bilan et du procès verbal de véri
fication. Ces deux pieces établissant, au contraire, que la grande
majorité des créanciers énoncés au b ila n , et vérifiés, sont porteurs
à'engagements souscrits non postérieurement au i mars 1807, mais
antérieurement à cette époque. ( Voyez ci-dessus, page
.)
5
33
T exte.
« Secundo, que les créanciers qui le poursuivoient à cette époque
« (d u i5 mars) ont été payés depuis en totalité, et 11e se sont pas
« présentés aux vérifications. »
Observations.
Même réponse qu’au considérant précédent; c’est, encore, une
inexactitude dans le fait : il n’est pas vrai que les créanciers qui
�5
poursuivirent Herlian dans l’intervalle du i mars au a8 ju in 1807
aient été payés par lui en totalité, et qu’ils ne se soient pas pré
sentés aux vérifications (*).
T
k x t e
.
« Tertio, que la p lu p a rt des créanciers désignés au bilan, et véri«fié s , ont reçu des à-comptes depui s ladite époque du i mars 1807,
5
« puisqu’ils n’ont présenté que des titres inférieurs en sommes à
« celles portées au bilan. »
Observations.
Sur soixante et d ix créanciers portés au bilan, il y en a seulement
six qui ont subi une légere dim inution, l’une de 24 l i v . , l’autre de
l i v . , etc., et qui ne s’élevent pas au total à 600 liv.
Qui dit la p lu p a rt, dit la plus grande p artie, la majorité. O r ,
convient-il de donner cette qualification , à la modique minorité
de six sur soixante et dix?
Et puis, à quoi revient cet argument? quelle conséquence four
nit-il? q u ’ils ont reçu des à-comptes, dit le considérant. Comme si
des à-comptes donnés par un débiteur étoient incompatibles avec
son état de fa illite !
C’est l’inverse du droit commercial ; car celui qui, à l ’échéance de
33
son engagement, ne peut offrir qu’un à-com pte, atteste par cela
même son impuissance et son état de faillite.
\Jii-compte donné (au lieu de la totalité) porte le caractere d ’une
cessation partielle de paiement; et loin que l’on puisse présenter des
à-comptes comme une circonstance destructive de l’état de fa illite ,
elle en donne la preuve.
( * ) P a r e x e m p l e , la saisie-exécution à la r e q u ê t e d u sie u r B e r t r a n d , e st Au prem ier
m ai 1 8 0 7 ; et ce c r é a n c i e r a été re p ré s e n té à la vérification p a r le si e u r L a m y .
C ’est p a r c ette c o n s i d é r a t i o n , q u e le c o m m iss a ir e a v o i t a j o u t e , au moins nom ina
tivem ent, ce q u ’on a j u g é à p r o p o s d e s u p p r i m e r d a n s le considérant .
�(
56
)
Voilà pourquoi un simple acte d'atermoiement, une simple réqui
sition de délais, soit à l’amiable, soit en jugement r constitue l’acte
de fa illite commencée.
On a déjà vu ci-dessus (pages
, /¡6, f\7 et /|8) ce principe con
sacré par les arrêls des 8 avril iySS et i février (802 ; en voici un
autre plus récent contre la maison de p rêt dite Lombard-Serilly.
Le () fructidor an ic> ( il\ août i o j , les administrateurs avaient
fait afficher dans le lieu le plus apparent des bureaux, un placard
annonçant que la maison de p rêt rembourseroit ses créanciers par
douzièm e, (1e mois en mois (sans cependant demander la moindre
réduction).
Plusieurs créanciers avoient déjà reçu leur premier douzièm e,
lorsque les fonds manquèrent.
Alors il y eut apposition de scellés, et la question s’éleva de savoir
45
5
85
§i ceux q u i avoient reçu leu r douzièm e devoient le
happobteb .
à la
masse.
'
On voit que cette question étoit subordonnée à celle de savoir à
qitelle époque la fa illite s’étoit ouverte.
Ceux qui se refusoient au rapport des douzièmes payés, prétendoient que. la fa illite n’avoit eu lieu qu’à l’époque de Xapposition des
scellés.
Mais les autres créanciers lafaisoient remonter au p la ca rd apposé
dans les bureaux, qui annonroit le paiement par douzièm e; sur le
motif que « quiconque, au lieu d’acquitter en entier un engagement
« de com m erce, demande du d é la i, et ne paie que p a r à-comptes,
« est, par cela seul, en état de fa illite. »
Le tribunal de première instance s’étoit laissé entraîner par la
considération que le mode d ’à-comptes par douzième avoit été adopté
par un acte homologué (ce qui lui (lonnoit l’apparence d’un arran
gement commun à tous les créanciers), de sorte que, dans cette
maniéré de voir, l’ouverture de la faillite n avoit effectivement com
mencé qu’à Yapposition des scellés ; et c est ce qu’il prononça par son
jugement du i/j mai 1807.
Mais, sur l’appel, la Cour, par son arrêt du & ju ille t 1807, a ré-
�■( 57 )
Tabli le principe dans tonte sa p u r e té , en reportant l’o u vertu re de
la faillite au jo u r de Yapposition du p la c a r d , et en o rdo nnant le
rapport des douzièmes reçus.
Les motifs de cet arrêt formant un contraste frappant avec ceux
énoncés dans le jugement dont est appel, et faisant d’avance sa ré
probation, méritent d’être rappellés ici.
« Considérant, en d ro it, que du moment qu'un débiteur est hors
« d ’élat de payer ses dettes cl l'échéance, et qu ’il a atermoyé avec ses
« créanciers, en leur promettant et annonçant q u ’il les paieroitdans
« une égale proportion dans des ternies autres que ceuxfix é s
leurs
« titres , il s’est constitué en état de fa illite ouverte;
« Q u e , dès lors, tout son acti f est devenu le gage de tousses créan
ce ciers, de maniéré qu’il ne lui a plus été permis d’en avantager
« quelques uns au préjudice des autres; et que ceux qui ont reçu ,
« soit la totalité, soit une partie du montant de leurs créances, n’ont
« pi: les recevoir qu’à la charge de rapporter ;
« CojïsiniiiiANT, en f a i t , que le fructidor an i , les administra« leurs du lombard .Serilly ont affiché (*) au lieu le plus apparent de
« leur caisse, un placard annonçant à tous les créanciers ([u ils ne les
« paieroient que par douzième;
a Que celte annonce de leur part est un véritable atermoiement
« qui a été accepté par les créanciers, puisque le plus grand nombre
« ont reçu le douzième p ro m is, et quelques uns de plus fortes
« parts, etc. (**) »
(3
3
( * ) Il y a bien mieux dans l’espece d’Herlian : au lieu d'affiches annonçant une sus
pension de paiement, il a laissé afficher, le 2.5 avril 1807, une vente publique de tous
ses effets, meubles et atleliers.
( ** ) Une foule d’arrêts anciens et modernes constatent le principe, que le morcelle
ment de paiem ent, les délais dem andés, les traités, transactions, .et atermoiements
constituent l’état de faillite.
L ’article 3 , du titre 12 , de l’ordonnance de
porte : « Q “ e tont débiteur qui a
« passé avec ses créanciers un contrat datermoiement, ne peut plus être reçu à faire
« les fonctions d’agent de change, ni de courtier de marchandises. »
Ilest à remarquer que la même disposition 11e se trouve pas dans le code de com-
8
�(
58
)
On voit que cet arrêt considere des à-comptes payés comme un
caractcre de faillite; à la différence du tribunal de com m erce, qui
decide que des à-comptes payes sont incompatibles avec 1 état de
fa illite !
T Ex T Ei
« D’où il suit que la cessation de paiem ent voulue par la loi n ’a
«pas réellement eu lieu, do la part du sieur Ilcrhan, au i mars
« 1807, et qu’il n’a pas cessé à celte époque de faire des opérations
« de commerce. »
5
Observations.
5
Lorsque le jugement avance en p oint de f a i t qu’au t mars 1807
Herhan n’étoit pas en cessation absolue de paiements ni à'opérations
commerciales, on peut, à toute rigueur, lui passer cette proposition.
Mais quand il ajoute qu’en p oint de droit cette double cessation
absolue est nécessaire et voulue p a r la loi pour constituer l ’état de
f a illit e , c’est une espece d hérésie en nialiere commerciale, que la
Cour s’empressera de réformer. Le texte qui suit va reproduire en
core la même erreur avec plus de développement.
T
e
x T E.
« Considérant que des défauts partiels et non continus de p a ien ments, ne suffisent pas pour constituer un état de fa illit e , puisque
« Yart. 441, 11’admet pour cela les actes constatant refus d ’acquit" « ter, qu aillant qu’il y a cessation de paiem ent, ou déclaration du
«f a illi -, c’est-à-dire que le failli cesse de f a i t , ou déclare q u ’il a
« cessé tout paiem ent. »
mercc, par la raison que, dans 1 esprit de ce code, Yatermoiement se confondant
snree la faillite, il étoit inutile de faire une disposition particulière à cet ¿gard.
�(
$9 )
Observations.
«.
^^ v
* •' .'if »
Il étoit impossible d’expliquer d’une maniéré plus fautive l’ar-o
ticle 4 4 1 du code de commerce, et de lui donner un sens plus cou-,
traire à son esprit et à sa lettre.
Cet article ne vient qu’à la suite de l’art. ^ >qui porte :
« Tout commerçant qui cesse ses paiements est en état de
« faillite. »
Prélend-on que la fa illite n’est consommée qu’à la suite d’une
cessation absolue? Soit, et admettons cette doctrine (q u i, néan
4 7
moins, est susceptible de controverse).
Mais quand une fois celte circonstance de cessation absolue est
arrivée, elle ne f.iit que consommer la clôture de la faillite, et rendre
certain et manifeste ce qui existoit déjà d’une maniéré moins visible.
Alors, il reste à rechercher ’epoque à laquelle In faillite a com
mencé; car, l’instant où elle est déclarée n’est pas l’intitnnt qui l’a
formée; or, c’est cette derniere époque que l’art. 441 indique comme
celle de l’ouverture de la faillite.
La loi veut que la faillite, une fois close par la déclaration du
débiteur (ou tout acte déclaratif) , soit réputée avoir commencé au
prem ier acte (quel q u ’il soit), constatant le refus d'acquitter ou de
payer des engagements de commerce; c’est-à-dire, qu’elle consacre
en principe cette même cessation partielle, que le jugement dont
est appel, rejette comme n’effectuant pas un caractere de faillite.
1
1
Toute erreur de la doctrine contenue dans le rapport du com
missaire et dans le ju g em en t, provient de ce qu’ils confondent per
pétuellement l’ouverture de la faillite avec sa déclaration, son com
mencement avec sa fin, et qu’ils appliquent à l’un ce qui appar
tient à l’autre.
T jî xt e .
« Considérant, d’un autre côté, que ce seroit compromettre le
« sort des créanciers qui ont traité de bonne f o i avec le sieur Ilerhan,
�5
( Go )
.« depuis le i mars 1807, et ceux qoi sont porteurs d’engagements
o souscrits postérieurem entî\ ladite époque, que d’approuver la dnte
« annoncée et fixée par le sieur TIerhan en sa déclaration , puisque,
« si réellement il eut été en faillite, toute opération commerciale
« lui eut été interdite, et qu’aux termes'de l’article 442 (bi code
« de com m erce, il eut été dessaisi de p lein droit de t administration
« de tous ses biens. »
Observations.
Si l’on ignorait la main qui a rédigé les motifs du jugem ent, cc
considérant suffirait pour la déceler.
On y voit le tribunal prendre en considération les conséquences
qui résulteraient contre les acquéreurs de l'établissement de TIerhan,
en prévoyant que l’époque du i mars 1807, entraînerait la nullité
5
de ces aliénations.
C ’est comme si l’on disoit, « nous^ne voulons plus reporter à la
« date du i mars 1807 la faillite d’Iierlnm , pareeque cette fixation
« compromettrait, bientôt après, la validité des ventes faites depuis
« cette époque au sieur Garneryo. t consorts. »
Mais ce m otif, blesse toute convenance, en s’écartant de l’impartialité, qui doit être le caractere distinctif de la justice distribu
tive, et il offre plusieurs inconséquences.
D abord, le tribunal n ’avoit pas à juger, ni à préjuger la validité
des opérations survenues depuis l’époque du i mars 1807; quelque
tut le sort des opérations intermédiaires, ce futur contingent n’éloit
pas soumis au tribunal de commerce; il étoit reservé aux tribunaux
civils, et c étoit, de sa part, inéconnoître et outre-passer sa com
p éten ce, que de le faire entrer en considération pour régler son
5
5
jugement.
Ce qu’on lui demandoit se réduisoit à la fixation de la date de
l'ouverture de la fa illite calculée, non sur les conséquences qui en
résulteraient, mais sur la disposition de la loi.
On n’aime point a v o ir dans ce jugement une sollicitude de cette
�(■G. )
cspecc, ni une prédilection dé personnes, qui répugne à l'impossi
bilité de la loi.
En second lieu, y eut-il jamais de considération plus déplacée,
que celle qui est ici annoncée? Et s’il s’agissoit d’un concours de
considérations, les malheureux créanciers de ïïo rh a n , composés
pour la plupart ouvriers, de fournisseurs, de fabricants, n’avoient
ils pas le droit de réclamer la priorité?
Ne d iro it-o n pas qu'il s’agit de dépouiller le sieur Garnery
et consorts, d’une acquisition laite de bonne f o i , dans l’ignorance
absolue de Yétat de fa illite d'flerhan , et de leur faire perdre le prix
qu’ils en auroient payé?
C ’e st, effectivement, ;t l’aide de cette fiction qu’ils sont parvenus
à usurper le mouvement de commisération qui s’est glissé dans le
jugement dont est appel.
_ •
Mais il n’est rien de lo u l cela.
;
L 'établissement réclamé par les créanciers d’IIerhan , n ’a jamais
résidé entre les mains des prétendus acquéreurs, qu’à titre de d é
p ô t, et pour le soustraire à l’expropriation ; ils étoient parfaitement
instruits du délabrement des affaires de leur prétendu vendeur,puis
que les affiches pour la vente forcée de l’établissement, étoient pla
cardées sur la porte même de la maison, et que l’acte du i5 mai n’a
eu lien que pour prévenir l'effet de cette vente.
Ils connoissoient si bien la détresse de Herhan, que le sieur Garnery avoit déjà avancé i?,oo liv. pour le retirer des mains d’un
huissier-captureur qui le eonduisoit à Ste.-Pélagie (voyez ci-dessus,
page 22).
Ce qu’ils ont fa it, ils l’ont donc fait en p l e i n e connaissance de
cause, et c’est une vraie dérision de les comparer à des acheteurs
de bonne f u i , qui auroient traité de l’établissement dont il s agit,
sans soupçonner le mauvais état des affaires du vendeur.
D’un autre côte, il n’est pas, non
question de leur faire perdre
le prix de leur prétendue acquisition, par une raison bien simple :
p l u s ,
�( Ga )
c’est q u ’ils n'ont pas déboursé un denier; lo prix est resté entre leurs
m a i n s , où il est encore tout entie?’.
N ’o u b l i o n s pas q u e la q u i t t a n c e de a/j,ooo liv. p or té e a u c o n t r a t d u S
b r u m a i r e , an i 4 , c e ü e de 70,000liv. p or té e au c o n t r a t du 1
5 mai , e t
e ni i n celle de 55,000 liv. p o rt é e dans l ’acte d u 28 j ui n 1 8 0 7 ; q u e
t o u t e s ces quittances s o nt u n tissu de simulations i m a g i n é e s c o n tr e
les c r é a n c i e r s (^¥). ( Voyez ci-dessus, pa ge 19).
L e s c r é a n c i e r s d’IIerl iau n ’e nt e n d e n t pas l e u r d i s p u t e r u n e o b o l e
d e ce q u i p e u t l e u r a p p a r t e n i r l é g i t i m e m e n t ; mai s ils d e m a n d e n t ,
de l e u r p a r t , le m ê m e s e n t i m e n t de j ustice.
L e u r prétention se bo rne à faire rentrer dans la masse les objets
qu'ils se sont fait ve nd re sans rien débourser , au sein de la détresse
de Ilerhan. S a u f , e nsui te , à venir, c o nc u r r e mm e n t au partage et
à contribution p o u r leurs créances vérifiées.
S ’il y a perte? elle sera p r o p o r t i o n n e l l e ; c ar d o i v e n t - i l s , dans u n
m a l h e u r c o m m u n , p r é t e n d r e à u n e e x e m p t i o n q u i blesse la loi a u
t ant q u e la r ai s on?
N o u s n e c o m b a t t o n s pas p o u r o b t e n i r u n bénéfice, mais p o u r n ou s
d é f e n d r e d’u n e perte; n o u s ne d e m a n d o n s pas q u ’on s’écarte en
n o t r e f a v e u r des d is po si ti on s do la l o i , mai s q u e l 'autori té de la loi
soit j u g e e nt r e n o u s ; p eu t -o n se p r é s en t er p l u s f a v o r a b l e m e n t ?
Quelle différence des sieurs G a r n e r y et consorts !
(* ) C ’est un point de fait , aujourd’hui devenu au-dessus de tonte contradiction,
que MM. Bcrtin-Devcaux, L aborie, et Garnery, n’ont hikh p a y é du prix de leur
acquisition , et que les quittances sont simulée?.
Ce n’est pas que dans leur système ils eussent spéculé avoir cet établissement pour
rien; mais ils entendoient en confondre le prix avec les créances acquises, ou à acqué
rir contre Ile ib a n , et se servir de ce moyen pour se couvrir de leurs créances cutieres ;
les quittances portées dans les actes des 8 brumaire an 1/,, i 5 mai et 28 juin 1807,
5e rqpporl oient, non au prix qu’ils avoient payé, mais aux créances dont ils libéroient
Ilerhan. C ’est eu cela que leur procède est tout à fait irrégulier, et les livre aux re
proches des créanciers et à l’indispensable nécessité de rapporter.
�( 6
3
)
Tém oins d e la faillite d 'Herh a n , ils s'empressent de s’assurer, par
ava n ce, des m oyens de se c o u v rir de tout danger.
On a vu par quels actes tortueux et com pliqués, ils sont parvenus
5
3oo,ooo f r ., sans bourse délier; avec la p ré c a u
à s’em parer, p ou r le prix apparent de 10 ,ooo f r . , d’un établissement
de la valeur de plus de
tion, néanmoins, de s'en faire donner quittance; forçant , ainsi , le
m alh eureux ven d eu r de s’en rapporter à leur conscience sur l'e m
ploi du p r i x , e t , p a r-là , se constituant eux-mêmes les arbitres de
leur libération.
Devenus les maîtres de toute sa fo r tu n e , ils le livrent à l'am er
tu m e , de voir ju s q u ’au dernier de ses habillements vendus sur le
carreau de l a p la c e p u b liq u e , et d’être ensuite traîné en prison.
Arrivés au te r m e , où par l’effet de la faillite déclarée, tout l'a ctif
d ’Herhan doit être mis en com m un , iis se préparent , de lo in , le
m o yen d ’éluder cette restitution, en disputant sur l' ouverture de sa
fa illite.
Non contents d ’a v o ir abuse de la rédaction d ’un ju g em e n t signé de
confiance, p o u r y p roclam er les assertions les plus fausses, et des
principes éversifs de la sûreté du co m m erce, ils osent faire parler la
com m isération due à des acheteurs de bonne f o i ! m o tif si étrange
dans l’espèce, que s’il ne se trouvoit pas dans un ju g em e n t respectable
par son caractere, 0n n’y p ourrait voir que la plus indécente ironie.
Ainsi, inexactitude de faits, violation des principes, inconvenance
dans les considérations, il ne m anq ue rien à ce ju g em e n t de ce qui
peut lui assurer une réprobation solennelle.
Signé P r ign ot, M e l l i e r , P o u l e t , syndics définitifs.
Deuxième Section de la Cour d ’appel.
Monsieur C A H IE R , substitut de M.
le P r o c u r e u r -g é n é r a l
impérial.
Me F o u rn e l, Avocat.
Me CLEMENT, Avoué.
�
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Factums Marie
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[Factum. Prignot, François-Etienne-Ebbon. 1809?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Prignot
Cahier
Fournel
Clément
Subject
The topic of the resource
brevets
typographie
imprimeurs
banqueroute
tribunal de commerce
créances
Description
An account of the resource
Mémoire pour les Sieurs François-Etienne-Ebbon Prignot, avocat. Jacques-Mathieu Mellier, et François Poulet, négociants. Au nom et comme Syndics définitifs des créanciers unis de Louis-Etienne Herban, imprimeur-méchanicien, breveté du Gouvernement. Et encore comme cessionnaires (au nom de la masse des créanciers réunis) des brevets d'invention et de perfectionnement de stéréotype accordés par le Gouvernement audit Herhan, les 3 nivôse an 6, et 27 brumaire an 9, et généralement de tous les droits rescindants et rescisoires dudit Herhan. Appelants du jugement par défaut du tribunal de commerce du département de la Seine, du 27 décembre 1808. Contre le sieur Jean-Baptiste Garnery, libraire, et consorts, intimé.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1809
An 6-Circa 1809
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
63 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0618
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
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Text
M É M O IR E
DE RIOM.
POUR
M. J e a n - C h a r l e s N O Y E R D U S A U V A G E ,
propriétaire-, habitant de la ville du Monastier,
département de la H a u te - L o i r e , intimé;
CONTRE
A
n n e -F ran çoi se ,
se
disant
N OYER
D U
S A U V A G E , mineure M .e G A R R O N , a voué
en la C o u r , son curateur ad hoc , appelans d'un
jugem ent du tribunal civil du P u y , du 3 o août 18 1 o ;
E t l e sieur
Honoré
D E B R U S , notaire im périal,
habitant du lieu d 'A lla ir a t, commune de Sallette,
défendeur en assistance de cause.
Q U E S T I O N D ’ E T A T.
DÉSAVEU d e
p a t e r n i t é
.
U n époux infortuné, blessé dans ce qu’il a de plus
cher, se voit obligé de faire au public le récit de ses
malheurs.
�Dans quelle position cruelle, dans quel embarras se
trouve le sieur Noyer du Sauvage? Comment pourrat-il s’exprimer avec décence sur un sujet aussi vil ?
Il voudrait conserver celle dignité qui convient ;'i la
C o u r ; il craint tout à la fois de parler et de se taire;
mais le silence serait trop dangereux : il lui importe de
dévoiler un mystère d'iniquité, qui a mis le comble
a
à ses maux.
A b s e n t , proscrit, dépouillé de ses biens, au moment
où. il retrouve une patrie, il apprend que son épouse
s’est livrée, pendant son absence, aux désordres les
plus criminels, l\ tout ce que la débauche et la crapule
peuvent présenter de plus honteux et de plus avilissant.
Cette femme adultère, en proie aux passions les plus
e f f r é n é e s , ignoble dans ses caprices, dépravée dans ses
gouls, a lié son sort à celui d’un vil scélérat qui a
trouvé sur l’éc hafaud la peine de ses crimes.
Elle est devenue mère : quatre enfans sont nés pen
dant l’émigration du mari, et ces naissances lui ont été
cachées avec soin.
On lui avait annoncé que celte femme criminelle et
déboutée avait fait prononcer son divorce ; cette
démarche tendait à diminuer ses peines : au moins
n ’avait-il plus rien de commun avec cet être dégradé
et corrompu.
Mais quel a été son désespoir, lorsque plus éclairé
sur ses malheurs, il a été convaincu q u ’il n’existait
aucune trace de ce divorce sur les registres publics!
Bientôt il est instruit que quatre enlans, nés d ’un com
�( 3 )
merce scandaleux, prétendaient s’élever jusqu’à lui t
et se faire reconnaître comme nés de son mariage.
Saisi d’horreur et d’effroi à cette nouvelle, il s’informe
avec soin, dans la ville qu ’il habite, aux enviions, s’il
existe des traces de ces différentes naissances. A force
de recherches, il découvre que cette femme a accou
ché d’un premier enlant à Clermont, et de trois en
la ville de Tournai.
Il obtient les extraits de naissance , et s’empresse
d’user du moyen que lui donne la loi : il désavoue la
paternité.
Il réussit au tribunal du P u y ; le désaveu est accueilli ;
ces enfans de ténèbres, fruits de l’incontinence et du
c r i m e ,■rentrent d an s le néant : il leur est fait défense
de porter un nom auquel ils ne doivent pas prétendre.
Trois d V n lr ’eux ont eu assez de pudeur pour res
pecter cet te décision. L e jugement est aujourd’hui inat
taquable. Une seule, Anne-FrançoLse, a eu l’audace
d’interjeter appel en la Cou r, ou plutôt on l a fait en
son n o m , sans respect pour la morale publique.
L a mère, au moins, n’a pas élevé la voix; accablée
de tous les maux qui sont la suite de la débauche , elle
a fait offrir, sur son lit de douleur, une déclaration qui
pût venir au secours d’un époux offensé. L e sieur du
Sauvage a refusé tout ce qui pouvait Je rapprocher
de celle sentine dégoûtante; il est assez fort de ses
moyens. On n’a jamais prétendu qu'Anne-Françoisc
lui appartînt, on ne se défend que par des fins de nonrecevoir; on soutient que son désaveu n’a pas ¿lé fait
�( 4 )
dans le délai prescrit. On a offert de prouver qu'il con
naissait l’existence de cet enfant; qu’il était instruit
qu’elle portait son nom depuis long-tems.
C e s assertions a u d a c i e u s e s ont d o n n é lieu à u n a rr êt
i n t e r l o c u t o i r e 5 des e n q u ê t e s r e s p e c t i v e s o nt é l é fa i te s;
o n en e x a m i n e r a le m é r i t e , l o r s q u ’ o n a u ra fuil c o n
n a î t r e les faits et les ci rc o n st a n c e s p a rt ic u li èr e s d e la
cause.
F A I T S .
t
L e sieur N oy e r du Sauvage eut le malheur d ’é
pouser la demoiselle Anne-Franc.oise de V é n y , le 9 jan
vier 1782. Les conventions matrimoniales sont fort
indifférentes dans la cause; cependant il n’esl pas inu
tile d’observer que le mari reçut le pouvoir de vendre
et aliéner les biens de sa femme à la charge du rem
ploi en fonds certains.
La révolution arriva. L e sieur du Sauvage n’avait
rien à regretter dans son intérieur; il part en 1791.
L e 9 thermidor an 2 , son nom est inscrit sur la
liste des émigrés; mais déjà sa femme n’avait pas
laissé ignorer l’absence de son mari; car on voit que
dès i 7 9 2 > et ensuite, le 4 mai 1793, elle a présenté
u n e pétition au directoire du département de la HauleLoire , pour obtenir une pension , en sa qualité de
femme du sieur du Sauvage réputc émigré.
C ’est dans le m o m e n t le plus orageux, où le gou
vernement d ’alors prenait les mesures les plus san
glantes contre ceux qui avaient quitté le sol français,
�( 5 )
que la dame du Sauvage vient elle-même publier
¡’émigration de son mari!
Elle avait cependant sous les yeux de grands exem
ples! hommage et respect c'i ces épouses vertueuses
dont le dévouement généreux, le courage éclatant a
sauvé l'honneur, la fortune et la vie de leurs époux!
qui de nous n’a pas été témoin de ces actes d ’hé
roïsme, dans un sexe faible et timide, qui bravait
la misère, les supplices et la m o r t , par un attache
ment sans bornes à ses devoirs.
Mais pourquoi rappeler des souvenirs affligeans ,
qui feraient verser des larmes sur le sort de ces tendres
victimes! L e sieur du Sauvage n’a-t-il pas assez de
ses p e i n e s , et doit-il les aggraver par un contraste aussi
choquant ?
Il lui reste encore trop de choses à exprimer; il doit
dite, en reprenant sa narration, qu ’en l’ an 3 ; ses co
héritiers se virent obligés de faire le partage de leurs
biens indivis avec la nation; et que la portion qui lui
revenait fut vendue nationalement.
Dans le mois de messidor de la même année 3
la dame de V é n y , prenant la qualité de femme de
L’émigré du Sauvage, attaqua en désistement des tiers
détenteurs qui avaient acquis de son maii des ïiriiiieiT1'bles propres à la fe m m e , en vertu du p o u v o i r qu’elle
lut avait donné par son contrat de mariage.
Celte demande donna lieu ;'i une discussion sérieuse,
qui fut terminée par un jugement du tiibunal civil
de R io m , du 24 messidor an 4 ; on lit dans les faits
�( 6 )
insérés au j u g e m e n t , que Jean - Charles du Sau
vage était émigré , et que dès le 17 novembre 17 9 2,
la dame de V e n y avait présenté une pétition aux
a u t o r i t é s administratives de la Haute-Ivoire, et obtenu
une provision de 2,000 francs.
!
Il est souvent question duns ce jugementi'du' sieur
du Sauvage, et toujours avec la qualification cTémi
gré ou réputé émigré.
t
On doit donc tenir pour constant querle sieur du
Sauvage était absent depuis 1791 ; qu ’en 1 7 9 2 , il est
dénoncé comme émigré par sa femme elle-même,
d’après son indiscrète pétition ; et que le sieur du Sau
vage était encore émigré en l’an 4 , le 24 messidor.
Cette observation ne laisse pas dfêire importante
pour les faits qui vont suivre ; car c’est le 19 fructidor
qu’est née A n n e-F ra n ço ise ; >et il est curieux de
connaître son acte de naissance ; 011 va le rapporter
fidèlement.
« Aujourd’h u i, 4.“ jour complémentaire an 4 , a
« comparu en la maison co m m u n e , et par-devant
« m o i , olïicier public soussigné, Charles Blancheton,
a officier de santé, habitant de cette commune de
« Clermont-Ferrand , qui m’a déclaré, en présence de
« Benoite Guittard,
femrne d’Augüstin R a y m o n d ,
« instituteur, et de Magdeleine Jouberton, fille de
« L auren t, cultivateur, toutes deux majeures, non
te parentes de l’enfant, qu’il a accouché dans la maison
« de lui B la n ch eto n , déclarant, le 19 fructidor der« tuer, à trois heures après midi, A n n e V én y, épouse
�( 7 )
« de Charles-Àugustin Sauvage, propriétaire , habitant
« o r d i n a i r e m e n t de la commune de Monaslier , dépar
te tement de la Haute-Loire, a c t u e l l e m e n t a b s e n t ,
r d’une
1111e
qui m ’a élé représenlée, et à laquelle
« il a été donné le prénom d’Anne-Françoise, de tout
te quoi j’ai dressé, etc. 35
Voilà donc cetle femme V é n y obligée de cacher sa
honte dans une maison de santé destinée à recevoir ces
viles créatures, pour y déposer les fruits de leur incon
tinence.
La femme V é n y est abandonnée, séquestrée de toute
sa iamille, et n’a d’autre ressource que d’aller accou
cher chez un chirurgien ; elle a encore assez de pudeur
pour n e pas p r é s e n l e r sa fille c o m m e l’e n f a n t de son
é p o u x ; on se g a r d e e n c o r e b ie n de la q u a li fi e r de fille
légitime; l ’acte de naissance prouve, constate même
q u e le m a r i était absent. Ainsi il ne peut résulter de
cet acte aucune possession d’état en faveur à 'A n n eFrançoise.
La femme V é n y ne quille la maison de sanlé que
pour se livrer à de nouveaux désordres; elle fait i onnaissance avec un aventurier, connu sous le nom de
Gmne%, et bientôt elle devient féconde; trois actes de
naissance ont élé délivrés au sieur du Sauvage; il est
encore important de les faite connaître.
T/e p r e m i e r esl du 2 g e r m i n a l an 6 , d e v a n t un sie ur
B o n n e t , m e m b r e de l' a d m i n i s t r a t i o n m u n i c i p a l e d e la
ville de J ourn ai. C e m ê m e j o u r , c o m p a r a i t J e a n - B a p liste B a i g n e l , a c c o u c h e u r , d o m i c i l i é e n la m ê m e v i l l e ,
�( 8 )
seclion Egalité, « le que l, assislé de L ou is Guine%, apok lliicaire, et de Pierre François, officier de santé,
« a déclaré en Cabsence de Charles-Joseph Guirie%,"
« absent pour ses affa ires, qu A n n e T^ény, son épouse ,*
« en légitime m ariage, est accouchée aujourd’hui à
« trois heures du malin , en son domicile , rue du
« C yg n e , d’un enfant femelle, que lui, Jean-Baptiste
« Baigne! m ’a présenté, et auquel il a donné les pré« noms de Louise-Anfoinetle-Joseph ».
L e second est du 23 germinal an 7 , devant Mazure,
officier de l’état civil de la même ville de Tournai. C ’est
G a i n e z lui-même q u i , assislé de deux témoins, « a
« déclaré qu’Anne-Françoise V é n y est a c c o u c h é e h i e r ,
« à onze heures du soir, d ’un enfant mâle, qu’il m’a
« présenté, et auquel il a donné les prénoms de C ha rl es
te Isidore, le
père
et les témoins ont signé, etc. »
L e troisième acte de naissance est ainsi concu : « D u
« 6 pluviôse an 1 1 , acte de naissance de Ju lie Guine%,
« née le 24 brumaire dernier, vers onze heures du
« soir, fUle de Charles-Joseph, rentier, domicilié rue
« du C h â t e a u , et d’ A n n e V e n j , non m ariés, ainsi que
« l a décla ré, en l ’a b s e n c e du père, Jean - Baptiste
« B a ig n e l, autre Jean-Baptiste Baignet, accoucheur;
« le sexe de l’enfant a été reconnu être féminin, etc. »
L e sieur du Sauvage, comme on peut le penser,
n’avait aucune connaissance de ces faits; il obtient une
surveillance sur la fin de l ’an 9, et revient au lieu do
sa naissance; mais il ne fui amnistié,en vertu du sénalusconsulte du 6 floréal an 10, que le 8 pluviôse an 11. On
se
�( 9 )
se d o u t e b i e n q u ’ u n e f e m m e c o u p a b l e n ’a pas osé se
p r é s e n t e r à son é p o u x ; ses p a r e n s o u ses a m is i g n o
r a ie n t m ê m e le lieu d e sa r é s i d e n c e ; mais o n le ras
sure : o n lui a tt es te q u ’elle a fait p r o n o n c e r son d i v o r c e
p e n d a n t l ’é m i g r a l i o n , et q u e c e d i v o r c e a é t é trans cr it
suk
les registres publics.
Il reste dans la plus profonde sécurité, voulant sur
tout oublier qu’il fut é poux, dès qu’il n'avait plus le
bonheur d’êlre père : il avait en effet perdu, depuis
long-t ems, les deux eufans provenus de son mariage.
Plusieurs années se passent dans cet état de calme,
si nécessaire à un infortuné, qui avait traversé avec
tant de sollicitude et de crainte le tems orageux de la
révolution.
M a i s b ie n t ô t sa tra nq u ill ité est t r o u b l é e ; il n ’ e n t e n d
d ’a b o r d q u e des p r o p o s v a g u e s , q u i s e m b l a i e n t le c o n
c e r n e r , mais q u i ne lui é ta ie n t pas adressés d i r e c t e m e n t .
Son i n q u i é t u d e a u g m e n t e ; il a p p r e n d e n fi n q u ’ il n ’ exis te
pas sur les registres d e trac es d u d i v o r c e d e sa f e m m e ;
q u ’ elle a v é c u dans le l i b e r t i n a g e le plus c r a p u l e u x ,
et q u ’elle a d o n n é le j o u r à plusie urs enfa ns . 11 s en t
c o m b i e n il est i m p o r t a n t p o u r lui d e d é c o u v r i r c e m y s
t è r e d ’i n i q u i t é ; il v e u t s u i v r e les tr ac es de la f e m m e
V é n y ; toutes r e c h e r c h e s sont i n f r u c t u e u s e s dans le li eu
d e son d o m i c i l e , c o m m e dans les villes v o i s in e s ; le
ha s a rd lui f a i l d é c o u v r i r q u e la f e m m e V é n y a fait u n
l o n g s é j o u r dans la ville d e T o u r n a i ; il écrit a u x a u t o
rités d e c e l t e v i l l e ; et le i 3 m a i 1 8 0 9 , il re ço it d e l ’a d
j o i n t d e la m a ir i e d e T o u r n a i les trois a ct es d e n a is -
3
�( 1° )
sance cîuement en f o r m e , et légalisés, dont on vient
de rendre compte.
Ce n’est pas tout : il est aussi informé qu’il existe
à Clermont un premier enfant, dont on lui a caché la
naissance; il se fait délivrer l’acte de naissance $ A n n eF ran çoise, qu’on a rapporté en première ligne.
Il prend sur-le-champ son parti. L e i 5 juin 1809,
il fait notifier un acte extrajudiciaire aux quatre enfans
mineurs, et ¿1 la femme Vény. Il y expose qu ’il a nou
vellement découvert que les liens qui l’avaient uni
avec cette dernière n’avaient pas été légalement rom
pus, ainsi qu’il aurait dû le croire d’après la publicité
et la nature des liaisons q u ’elle avait eues pendant
¡’émigration de son mari; il se réserve de se pourvoir
contr’elle par les voies de droit.
Il ajoute que ne voulant pas laisser dans sa famille
des enfans étrangers, il entend former l’action en dé
saveu de paternité contre ces quatre enfans; il expose
qu’il lui sera facile de prouver que non-seulement il
était, pour cause d’éloignement, dans l’impossibilité
physique de cohabiter avec sa iemme pendant le teins
déterminé par l'article 3 i z du Code Napoléon, mais
encore pendant plusieurs années avant ; enfin , parce
qu’à l’époque de la naissance de ces enfans, et a v a n t , la
femme Vény vivait publiquement avec tout autre, ce
qui est établi par les actes de naissance, et ce qui le
serait au'besoin par d’autres preuves non équivoques.
Il duclaro que pour défendre à celle demande en
‘
désaveu de paternité, il se propose'de faire nommer
�( II )
un tuteur aux enfans, en présence de leur m ère, et
qu’il va se relirer-par-devant le juge de paix de son
domicile, qui doit être, aux fermes de l ’article 108 du
Code Napo léon, celui de la mère et des enfans.
4 juillet 1809, cédule du juge de paix, pour con
voquer le conseil de famille. L e sieur du Sauvage a
soin d’observer que ses parens ne doivent pas être con
voqués à raison de la nature de sa demande , et il
indique huit pîtrens maternels, habitant tous le dépar
tement du Pu y-d e-D ôm e.
Alors le juge de p aix , attendu l ’éloignement, et que
le cas requiert célérité, ordonne que huit personnes
par lui indiquées comme voisins o u c o n n u s pour avoir
eu des liaisons d ’a m i t i é a v e c la f e m m e V é n y , seront
appelées pour comparaître le lendemain devant l u i,
à l’effet de délibérer sur le choix et nomination d’un
tuteur ad hoc aux quatre enfans mineurs.
L e lendemain, les personnes indiquées par le juge
de paix comparaissent devant l u i , en vertu de sa
cédule et de l’assignation de la veille; le sieur Debrus,
notaire, est nommé tuteur ad hoc aux enfans, et en
accepte la charge.
L e 7 juillet , demande en désaveu do p a t e r n i t é
des quatre enfans, devant le tribunal civil du P u y ,
contre le sieur Debrus, en sa q u a l i t é de tuteur. lie
sieur Noyer du Sauvage conclut à ce qu’il soit fait
defense a ces quatre individus de se dire et de prendre
la qualité de ses enfans, aux peines de droit.
4
�( 12 )
Le
ii
juillet, même assignation, et demande ré
pétée contre la femme Vény.
La femme V é n y ne comparut pas: le tuteur seul
constitua avoué , ce qui donna lieu à uu jugement
de jonction contre la femme V é n y , en date du 10
avril 1810.
Il s’éleva quelques discussions sur l ’irrégularité de
la procédure; mais le 3 o avril 1 8 1 0 , il fut rendu
un jugement, par lequel le tribunal « Considérant
qu’il résulte des actes de naissance d’ Anne-Françoise
Sauvage, Louise-Antoinette, Joseph Guinez, CharlesIsidore G u i n e z , et Julie G u i n e z , qu’ils sont nés dans
des communes éloignées du d o m i c i l e du sieur du
Sauvage, en l’absence du sieur du Sauvage , et pen
dant son émigration ;
« Que depuis son retour, An ne V é n y et ses enfans
n ’ont pas cohabité avec lui ;
« Q u ’il paraît que le sieur Noyer du Sauvage n’a eu
légalement connaissance de l’existence des enfans de
son épouse que par l’extrait des actes de naissance qui
lui ont été délivrés à Tournai et ¿i Clermont, aux mois
de mai et de juin 1809; que sa demande en désaveu
a été formée dans les délais et en observant les formes
prescrites par les articles 3 16 et 3 i 8 du Code Napoléon;
. « Considérant, au fond, qu’il n’est pas disconvenu
que le d e m a n d e u r fût absent du domicile conjugal, et
n’eût aucun rapport avec sa femme plusieurs années
avant la naissance de ces enfans; qu’il est même de no
toriété publique que, vers la fin de l’année 17 9 3 , la
�( i3 )
femme V é n y avait f a i t , à raison de Cémigration de
son m ari, une déclaration de divorce en la maison com
mune du P uy •
« Q u’on lui a donné, dans le premier des actes
de naissance, le iilre de femme légitime de CharlesAuguslin Sauvage, ce qui n’est pas le nom du deman
deur; que dans les autres, on lui a donné le nom de
iemme légitime de Charles-Joseph Guinez; qu ’aucun
de ces enfans ne peut réclamer ainsi ni son acte de
naissance, ni la possession d’état pour se dire enfant
de Jean-Charles du N oy er du Sauvage ;
« Considérant qu ’à défaut d’acte de
naissance ,
pour prouver leur filiation avec le demandeur, on
n’établit pas la possession c o n s t a n t e d e l'état d ’e n f a n t
légitime; qu ’on n’offre pas même de prouver que le
demandeur ait reconnu ces enfans; qu’il lésait jamais
traités comme les siens; qu’il eût pourvu en celle qualité
à leur éducation, entretien ou établissement; ni même
qu’ils aient jamais été reconnus dans la société ou dans
sa famille pour ses enfans;
,
« Considérant qu’il ne peut y avoir lieu à faire
transcrire le jugement qui prononce sur le désaveu
des enfans, en marge des registres de l’élat civil,
que lorsqu’ils sont inscrits sous le nom du péri* qui
les désavoue; que leur acte d e naissa nce les affilie a.
une famille qui n’est pas la leur; et q11 a u c u n des enfans ne sont inscrits sur les registres, comme enfans
de Jean-Charles du N o y e r ;
« Par ces motifs, statuant sur la demande en désa
�( i4 )
veu de Jean-Charles du N oyer du Sauvage, donne
défaut contre la dame V é n y comparante, et demeu
rant le défaut joint îi la demande principale , par
le j u g e m e n t d u 10 avril i 3 i o , signifié par l ’huissier
com m is
le 10 m a i suivant; sans s’arrêter à choses
déduites par le tuteur des enfans désavoués , déclare
la demande régulière en la forme et bien poursuivie;
et y faisant droit, prononce qu’Anne-Fruncoise Sau
vage , Louise-Antoinette, Joseph G u in e z , ChailesIsidore
G u in e z ,
et Julie
Guinez ne sont pas les
enfans de Jean-Charles du Noyer du Sauvage; leur
fait défenses, en conséquence, de prendre son nom
à l’avenir, et de se dire nés de son m a r i a g e avec
Anne-Françoise V é n y , sous les peines de droit; pro
nonce n’y avoir lieu d ’ordonner la mention du présent
jugement en marge des registres de l’état civil des
villes de Clermont et de Tournai, attendu que les e n
fans n’y
sont pas inscrits comme enfans de Jean-
C h a r l e s du Noyer du Sauvage; déclare le jugement
commun avec la dame V é n y de Villemonl et la con
damne aux dépens, etc. »
Ce jugement a été signifié au tuteur et à la femme
Vény. Cette dernière ainsi que les enfans Guinez ont
gardé le silence. A nne-Françoise seule a d ’abord in
terjeté appel j mais ensuite elle a pretendu que sa
défense avait été absolument négligée par celui qui
avait été nommé son tuteur; elle a cru devoir pré
senter une requête en la Cour , pour demander la
nomination d ’un nouveau curateur, à l’eilet de pou
�( i5 )
voir, sous son autorisation, faire appel du jugement
rendu par le tribunal du P u y , le 10 avril 1810.
Sur cette requête non communiquée, il a été rendu
un arrêt, le 11 mai 1 8 1 1 , portant nomination de
M . e Garron, avoué en la Cou r, pour curateur à’A n n eFrançoise; et M.e Garron, tant en son nom de curateur
qu'en celui d’Anne-Françoise, a interjeté un nouvel
appel le 14 du même mois de mai.
Cette nomination de curateur sur simple requête
est elle régulière? Cette forme paraît inusitée, et n ’est
autorisée par aucune loi. L e Code Napoléon n’indique
qu’un seul mode pour la nomination des tuteurs ou
curateurs, et c ’est par la voie d’un conseil de famille.
L e sie u r d u S a u v a g e q u i ne m e t pas a u t r e m e n t d’im
portance aux discussions de forme, a cependant cru
devoir insister sur la nullité de celle nomination.
D ’ un autre côté, Arm e Françoise a aussi prétendit
que les procès verbaux du conseil de famille, des 4
et 5 juillet 1809, étaient irréguliers. Suivant elle, le
conseil de famille devait être composé de païens pa
ternels et maternels et elle n’a pas voulu faire a tien lion
qu il élait déplacé de faire comparaîlre des parons du
sieur du Sauvage, d’après la nature de sa demande;
que c ’élail dans l’intérêt même de l’a p p e l a n t e que
1 observation avait été faile; et que les païens mater
nels élant à mie plus grande dislance que celle déter
minée par la loi, devait être remplacés par des amis
ou voisins.
A u surplus, ces questions de forme sont encore
�( i6 )
intactes; elles sont soumises h la Cour qui les appréciera
dans sa sagesse, et elles ne doivent pas relarder la dis
cussion du fond.
l ie sieur du Sauvage a désavoué ces quatre enfans,
en se fondant sur l’arlicle 3 ï 6 du Code Napoléon,
dernier §. Les naissances lui avaient élé cachées ;
les enfans avaient élé conçus et nés pendant son émi
gration, lorsqu’il y avait impossibilité physique de c o
habitation entre les époux. Rien de mieux prouvé
que son absence, par une série d’actes qui émanent
tous de la femme V é n y , en 1 7 9 2 , 179^, an 3 , an
4 et an 5 . Et la cause portée en l’audience solennelle
de la Cou r, le 5 août dernier, l’évidence de sa de
mande fut portée à un si haut d e gré , que l'ap
pelante ne parvint à en arrêter la manifestation qu’en
offrant des preuves qui tendaient à établir, i.° que
le sieur du Sauvage, après sa rentrée dans son domi
cile, et notamment en l’an 10, était venu chez la dame
Demariolles, où il avait vu l’appelante, lavait reconnue
et considérée comme fille de son épouse ; 2 ° que l’ap
pelante était connue sous le nom d 'A n n e du Sauvage ;
3.° qu’elle était ainsi n o m m é e dans la pension où elle
était envoyée par la dame Demariolles, et dans laquelle
pension le sieur du Sauvage avait vu et reconnu r a p
pelante comme il l’avait fait dans la maison de la dame
Demariolles; 4.0 enfin, que le sieur du Sauvage avait
dit plusieurs fois que l’appelante ressemblait à la femme
V é n y , sa mère.
La Cour qui met toujours la plus grande nnituiilé
dans
�( i7 )
dans ses décisions, rendit, le même jour 5 août 1 8 1 2 ,
un arrêt interlocutoire, par lequel, en réservant res
pectivement les lias, elle ordonna, avant faire droit,
que l’appelante ferait preuve par témoins : que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de paternité,
formée par le sieur du Sauvage, il était venu après sa
rentrée en son domicile, et notamment en l’an 10,
chez la dame Demariolles ; qu’il y avait vu A n n e ' F rançoise, et l’avait reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; 2.0 qu’elle était connue de lui sous le nom
d ’A nna-Françoise du Sauvage - 3.° qu’en sa présence
de lui du Sauvage, et dans la pension où était élevée
l ’appelante, elle a été ainsi appelée et dén om m ée, et
q u ’il l'y a r e c o n n u e c o m m e tille de sa f e m m e , s a u f
au sieur du Sauvage la preuve contraire dans le
m êm e délai.
En exécution de cet arrêt, les parties ont respec
tivement enquêté. Il est indispensable de faire con
naître ces enquêtes à la Cour.
Le
premier témoin de l’enquête directe est M.
Gauthier, juge au tribunal civil de Clermont. Il ne
sait rien des faits consignés dans l’interlocutoire; il
se rappelle néanmoins avoir entendu dire chez la dame
Lacaussade, que M. Noyer du Sauvage était dans l’in
tention de se pourvoir en désaveu de p a t e r n i t é des
en fans que sa femme avait pu a v o i r pendant le teins
de son émigration : il ne peut préciser 1 epoque on ce
propos a été tenu , ni par qui il l’a été.
L e second témoin est la dame Lucaussade, femme
�( i8 )
François; elle ne sait absolument rien des faits in
terloqués.
L e troisième, Victoire V i g n a u , femme de Pierre
Vignau , limonadier à Clermont , dépose qu’il y a
environ sept ans, autant qu’elle peut s’en rappeler,
ayant à dîner chez elle le sieur du Sauvage, le sieur
Cellier et le sieur G e rv is , dans le cours de ce d î n e r ,
le sieur du S a u v a g e , parlant de son épouse, dit qu’il
lui serait facile de rentrer dans ses biens, mais pour
ses enfans qu'il ne les reconnaîtrait jamais, et que
c’était ce qui l’empêchait de poursuivre la rentrée
de ses biens.
L e quatrième témoin, Viclor Cellier, u n des con
vives dont parle la femme Vignau , dépose ne rien
savoir des faits interloqués, si ce n’est qu ’il y a environ
sept ans, étant à dîner chez la dame Vignau avec le
sieur du Sauvage el le sieur Gervis, le sieur du Sauvage ,
parlant de sa malheureuse situation à l’égard de son
épouse, dit qu’ils avaient eu deux enfans qui n’exis
taient plus, mais que depuis son émigration, il en
était survenu d’autres, qui n’étaient pas de lu i;
que le déclarant a y a n t cherché à le réconcilier avec
sa f e m m e , par des voies de douceur, il n’avait pu y
parvenir; qu'au contraire, le sieur du Sauvage avait
formellement déc laré qu il ne reconnaîtrait jamais ces
enfans, et q u ’il ne venait pas sa femme; qu ’il savait
qu'il y avait un de ces enfans chez la dame Demariolles, sa belle sœur, mais qu’il ne le reconnaissait
pas pour le sien.
�(<ï9 )
L e cinquième témoin, Jean-Baptiste Giron , dépose
qu’il connaît depuis long-lems le sieur du Sauvage ;
qu’il a tenu sur les fonds baptismaux un enfant à lui
déposant avec la dame Demariolles, sa belle sœur;
qu ’en l’an 12, étant allé voir cet enfant, qui était
à l’école secondaire de Ponlgibaud, à l’époque de la
distribution des prix do cette année 12 , il y rencontra
le sieur du Sauvage, qu’il n’avait pas vu depuis longtems : il lui témoigna son étonnement de le trouver
en cet endroit. L e sieur du Sauvage lui dit qu’il y était
venu exprès pour voir son filleul, fils du déclarant, qu’il
lui était fort attaché,.et qu’il voulait même le faire son
héritier, ¿1 quoi le témoin répondit que cela ne se pouvait
p a s , p u i s q u ’il a v a i t des enfans. L e sie ur d u S a u v a g e r é
pliqua qu’il n’en avait p a s , et qu’il n’en connaissait
point. Lors de cette conversation, intervint le sieur
Gauthier de B io sat, ce qui fil que le déclarant ne
poursuivit pas plus loin la conversation.
Ajoute le déposant, qu’à une époque postérieure
à celle qu’il vient de désigner, sans pouvoir la pré
ciser , il lui fut présenté, ou par le sieur du Sauvage, ou
par le sieur D e te ix , .sans pouvoir assurer par lequel
des deux, trois extraits de naissance de trois en fa n s
de l’épouse du sieur du Sauvage ; dans l’un de ces
extraits était le n o m du sieur du S a u v a g e , c o m m e père
de 1 enfant 5 dans le second, la p a t e r n i t é était attribuée
au nommé Guinez; dans le t r o i s i è m e , le père é ta it
déclaré inconnu. Cette époque r e m o n t e à-peu-près à
celle où la lille A n n e du Sauvage fut relirée des mains
6
�de-Guinez, en vertu d’un jugemeut de police correclionnelle.
L e témoin interpellé, à la réquisition du sieur du
Sauvage, s’il savait le nom que portait cette fille, lors
qu’elle était chez la dame Demariolles, a répondu qu’il
ne lui connaissait pas d’autre nom que celui A’A n n a .
L e sixième témoin est le sieur Bernard Vincent. Il
dépose qu ’en qualité d’ami, soit du sieur du Sauvage,
soit de la dame Demariolles, il s’est trouvé souvent avec
l’ un et avec l’autre, et même avec tous les deux en
semble ; que la dame Demariolles prenait soin, et tenait
auprès d’elle un enfant nommé A n n a ; que quelquefois
les personnes de la maison l’appelaient sous le nom de
du Sauvage, mais que la dame Demariolles, publique
m e n t , ne lui donnait d’autre nom que celui d’A n n a ;
quelquefois, et par inadvertance, elle la nommait par
celui de du Sauvage; néanmoins, lorsque le sieur du
Sauvage allait chez sa b elle-sœ u r, elle avait le plus
grand soin de faire disparaître cet enfant ; et cet enfant
l u i- m e m e , sans se le faire dire, avait soin de ne pas
se montrer. L e déclarant y ayant fait attention, avait
témoigné son étonnement à la dame Demariolles, qui
lui avait dit qu’elle estimait trop le sieur du Sauvage,
son beau-frère, pour lui montrer cet enfunl ; que d ’ail
leurs il n’élail pas dans ses principes de lui faire voir
un enfant q u ’ e l l e savait n’être pas à lui, quoique pro
venu de sa femme.
L e témoin ajoute h ce sujet, qu’ayant eu plusieurs
conversations avec le sieur du Sauvage, qui n'igno
�/
( 21 )
rait pas l’existence de cet enfant, qu’on lui avait dit
appartenir à sa fe m m e , et être chez la dame D e m a riolles, il lui avait témoigné avoir remarqué cet enfant,
et l’ailectation de se cacher lorsqu’il se montrait. Il le
pria de savoir où la dame du Sauvage s’était accouchée,
et où l’extrait de naissance pourrait se trouver, et s’il
avait été fait sous son nom : il voulait même que le
déclarant s'adressât pour cela à la dame Demariolles,
sans le nom mer; celui-ci montra de la répugnance sur
ce point, mais il lui offrit de s’acquitter de la commis
sion, s’il voulait trouver bon qu’il le demandât en son
nom à la clame Demariolles. L e sieur du Sauvage ne
Voulut point que la commission fût faite ainsi, en con
s é q u e n c e le d é c l a r a n t n ’e n pa rla p oi nt à la d a m e D e m a
riolles. ,■
Interpellé sur l'époque de cette conversation, le té
moin n’a su la préciser, néanmoins il a dit qu’elle se
rapportait à l’époque d’un procès que le sieur du Sau
vage oncle avait alors pendant à la Cour.
L e septième témoin est un sieur Esmelin, d’ Aigueperse. Il était fermier de la dame Demariolles; mais
il dit avoir cessé de l’être depuis cinq ans. Il dépose
qu’il y a environ dix ans, il a connu à Aigueperse,
une fille à qui on donnait le nom de du Sauvage.
Elle etail sous la direction d’un nommé Guinée, alors
logé dans l’auberge de la veuve T u p o n , aujourd’hui
occupée par le nommé Claustre son gendre. Elle y a
ainsi demeuré sous la même direction pendant quatre
à cinq mois. Guinez, qui était un liès-inauuais sujet,
�( «
)
usant de mauvais procédés envers cet enfant , on fut
obligé de se pourvoir à la police correctionnelle, où
il intervint un jugement à la requête de la dame de
Mariolles, qui remit l’enfant à cette dernière, et con
damna Guinez à un emprisonnement. L e témoin,
ayant eu plusieurs fois l’occasion de voir M. du Sau
vage , et lui ayant parlé de cette fille qu’il croyait
être vraiment la sienne, il lui rappela les mauvais
traitemens exercés sur elle par G u in e z , et la punition
qui avait été infligée à ce dernier par le jugement de
police correctionnelle; à quoi le sieur du Sauvage ne
répondit rien. Suivant le témoin, l’époque de celte
conversation peut remonter à entour huit ¿1 neuf ans,
autant qu’il puisse s’en souvenir. Il ajoute avoir vu la
petite fille en question dans la maison de la dame de
Mariolles. On l’appelait alors la petite du Sauvage.
Ce n’est que depuis cinq ans qu’il Ta connue sous le
nom d'A n n a . Enfin les conversations que le témoin
a eues avec le sieur du Sauvage, au sujet de cet enfant,
ont été tenues à l’auberge de Boyer , et point chez
la dame de Mariolles.
L e huitième témoin est M. Cliassaing, juge au
tribunal de Clermont. On a observé à ce lémoin qu ’il
avait la confiance générale de la maison Villemont ;
qu’il a été chargé de plusieurs comptes et liquidations
pour cette maison; que même il a contracté plusieurs
engngemens de garantie envers les acquéreurs de la
dame de Villemont.
Lorsque le sieur du Sauvage s’est permis de faire
L
�( 23 )
celte observation à M. Chassaing, il n’avait nullement
Fintenlion de le blesser. Mais il est du plus grand in
térêt pour lui d’écarter tous ceux qui pourraient avoir
quelques liaisons avec la seule personne qui ait préparé
celle intrigue, et qui lui a suscité cet incident dans les
intentions les plus hostiles : elle ne les a pas même dis
simulées, et les a présentées à ses créanciers comme
une ressource. Dans ses indiscrètes confidences, et à
raison de la pénurie de ses mo yens, elle croit que si
elle parvenait à faire déclarer cet enfant fille du sieuv
du Sauvage, elle aurait à répéter contre lui des pen
sions considérables, qu’elle promet à ses créanciers.
11 est
assez n a t u r e l dès-lors q u e le s ie u r du S a u v a g e
s u sp e ct e c e u x qui on t c o n l r a c l é des e n g a g e m e n s , ou se
sont r e n d u s c a u t i o n s d e la d a m e D e m a r i o l l e s .
M. Chassaing, il faut en convenir, a répondu avec
franchise : il a dit que cela était v r a i, dans le iems
qu'il élail a v o u é , mais que tous ces faits n’existent plus
depuis qu’ il est dans la magistrature; que la liquidation
de la dame Demariolles, dont il était chargé comme
avoué, se poursuit aujourd’hui judiciairement, et que
bientôt les engagemens par lui contractés ne subsiste
ront plus ; donc ils existaient au moment de la dépo
sition. La Cour appréc iera ces observations.
A u surplus, ce témoin dépose qu’à une époque
dont il n’est pus parfaitement m é n i o r a l i f , le sieur du
Sauvage vint le trouver dans l’ancienne maison qu’il
occupai! alors; il élail accompagné du s.r Levet ; il était
porteur d un eilet de 1,600 fr. tiré ou endossé par la
�( M )
dame Demariolles; il le pria de le faire négocier p arles.'
D u m a y , son gendre. C e lle négociation ayant été ef
fe c tué e , occasionna plusieurs visites chez le déposant,
de la part du sieur du Sauvage. Dans une de ces visites,
le déclarant lui demanda s’il élait ici avec la dame son
épouse; sur quoi, le sieur du Sauvage se récria, en
disant qu’il était impossible d’ habiter avec une femme
aussi immorale, aussi déréglée qu’elle; qu’il n’ignorait
pas que pendant son émigration, elle avait eu deux
ou trois enfans, dont, notamment une fille demeu
rant chez la dame Demariolles, mais qu’il désavouait
•tous ces enfans ; qu’il se proposait même de se
pourvoir en divorce contre sa fe m m e , et en désaveu
de paternité contre chacun desdits enfans; q u ’ alors
le déclarant lui dit : vous ne voyez donc pas madame
Demariolles votre belle sœur? que le sieur du Sauvage
lui répondit : je la vois quelquefois; je la vois même avec
plaisir; je fais cas de la bonté de son caractère, mais,
par égard pour moi, elle a soin de faire disparaître
l'enfant lorsque j ’entre dans la maison.
Interpellé, à la requête du curateur, sur l’époque de
ces diverses visites et conversations, le témoin déclare
n e pas se rappeler de l’épo que, que néanmoins c ’était
plusieurs mois avant l’acquisition desa nouvelle maison,
ce qui remonte à plus de cinq ans au moins; n’ayant
point a c t u e l l e m e n t sous les ye ux son contrat d’acqui
sition.
L e neuvicSme témoin est Gabriel Gervis. Il dépose
qu’il no sait rien des faits interloqués. Depuis très longtems
�( 25 )
tems et antérieurement à rémigration du sieur du Sau
vage
, il ya, eu l’honneur de sa connaissance. To ut ce dont
O
il se rappelle, ayant rencontré ledit sieur du Sauvage
dans la ville de Clerm ont, il l’engagea à dîner, ce que
le sieur du Sauvage accepta. Il y eut à ce dîner d’autres
convives, notamment lesieurCellier et la dame Vignau;
mais il ne se rappelle nullement qu’il eût été question
de rien sur celte affaire.
L e dixième et dernier témoin est le sieur Claude
Tapon. Ce témoin a été entendu au tribunal de Tliiers;
et par une singularité dont on ne peut rendre compte,
le sieur du Sauvage fut assigné pour être présent à
l ’audition de ce tém oin , le même jour qu’il assistait
à la C o u r à l ’ e n q u ê f e fa it e à la r e q u ê t e d ’ A n n a . Son
avoué de Thiers a cru devoir protester de nullité, et
se réserver tous moyens de récusation.
Quoi qu’il en soit, ce témoin a déposé qu’il a fré
quenté la maison de la dame Demariolles, depuis l’an
7 ou environ jusqu’en 1806, momentanément et par
intervalles; que dans le courant de l’an 10 et années
suivantes, il a eu occasion d y voir, à différentes fois, le
sieur Noyer du Sauvage; que même le sieur du Sau
vage lui a dit souvent, dans la conversation, q u e si la
dame de V é n y , son épouse, ne s’était pas p r o s l i l u é e
ou nommé Guinez, qui a été guillotiné, il se serait
peut-être décidé à faire du bien h A n n a , . qu il a eu
pareillement occasion de voir A n n a dans la maison
de madame Demariolles, et c e , depuis enlour 1 4 ans,
qu ’ il Ty a toujours vue depuis cet le époque jusqu’au 1110-
7
�( 26 )
menl où elle fui mise en pension, et l ’a constamment en
tendu nommer A n n a , sans autre dénomination. A n n a
appelait madame Demariolles sa tante, et la dame
de V é n y sa mère : à l’égard du sieur du Sauvage, il
ne lui a jamais dit qu'‘ A n n a fut la fille de sa fe mme;
quant à lui déposant, il est bien persuadé qu’A n n a
est fille de la dame du Sauvage, et il était d’autant
plus fondé à le croire, que c ’était là l’opinion publique,
et qa’A n n a ressemble singulièrement à la femme Vény.
L e témoin observe que lorsque le sieur du Sauvage
venait chez la dame Demariolles, sa belle sœur, A n n a
ne venait pas à table lant que le sieur du Sauvage
séjournait chez celte d am e, et elle y reparaissait lors
q u ’il était parti; il semblait qu ’on voulût faire en sorte
que le sieur du Sauvage ne la vît pas.
On demande au témoin s’il est de sa connaissance
que le sieur du Sauvage .sût qu 'A n n a était l’enfant de
Ja dame V é n y son épouse. Il répond que le sieur du
Sauvage ne lui a pasdit précisément qu’il le savait, parcequ e, malgré les soins qu’on prenait pour empêcher
A n n a de se rencontrer avec le sieur du Sauvage, il
n ’avait pas laissé de la voir quelquefois, et n’avait pu
faire autrement que de lui. trouver une parfaite res-*semblance avec la dame Vény.
Telle est l ’enquête directe faite à la requêt d 'A n n e Françoise. On sera sans doute étonné qu’elle n’ait
fait as^'gner aucun témoin qui pût déposer sur le
troisième fait dont l’arrêt de la Cour ordonne la preuve,
fait très-important puisqu’il tendait à établir q u ’en la
�( 27 )
présence du sieur du Sauvage, et dans la pension.
à.’ A n n a , elle avait été appelée et dénommée A n n a
d u Sauvage, et qu’il l’y avait reconnue comme fille
de sa femme.
L e sieur du Sauvage a remarqué cette lacune; et s’est
déterminé, à raison de ce, à faire une enquête contraire;
mais il s’est contenté de faire assigner deux seuls té
moins, la dame de Rigaud qui tenait la maison d’é
ducation où a été élevée A n n e-F ran çoise, et la dame
D echamp sa coadjutrice. Cette dernière n’a pu com
paraître; mais la dame de Rigaud a été entendue.
Elle dépose que tenant une maison d’éducation de
jeunes demoiselles, conjointement avec la dame'D ec h a m p , il lui fut a m e n é pur la d a m e D u m o n t e l d ’ A r d e s ,
actuellement décédée, u n e jeune fille, âgée d’environ
sept à huit ans, que la dame Dumontel lui dit être
la nièce de la dame Demariolles , et lui être amenée
de sa part ; qu’en effet depuis cette époque, et pendant
environ deux ans et demi, que cette nièce avait de
meuré comme externe dans sa maison, sa pension a
été payée par la dame Demariolles; mais elle n’était
connue dans la maison que sous le nom à "A n n a , nièce
de lu dame Demariolles. Pendant l’intervalle de ces
deux ans et demi, elle se rappelle que le sie u r du
Sauvage est venu une ou deux fois dans la maison,
mais que ce n’était que pour voir u n e jeune veuve
du P u y , qui y habitait ; il était chargé , do lu part de
la famille de cette ve u ve, de lu voir, et de lui porter de.
l ’argent. 11 lui en porta en effet, et il n’a jamais été ques-
8
�/
( *8 )
tion , de la pari du sieur du Sauvage, de demander des
nouvelles de la fille A n n a , qui même ne lui a jamais
été présentée.
L e sieur du Sauvage a cru devoir rapporter fidè
lement et matériellement la déposition des témoins,
avant de se permettre aucunes réflexions; il a pensé
q u e , p a r c e m o y e n , on en saisirait mieux l’ensemble,
pour comparer ensuite les faits dont il a été déposé,
avec ceux gisant en preuves.
Dans cetle matière, il n’y a rien d’indifférent; ce
n ’est qu’après la plus mure délibération que la Cour
a resserré les faits dans, un cadre étroit, a pesé ceux
qui étaient susceptibles de faire impression ou de
porter la conviction dans les esprits; elle se rappellera
su r-tou t qu ’ Anna-Françoise , ou ceux qui la font
agir, voulait prendre une plus grande latitude, et ne
mettait en avant que des laits*vagues et insignifians;
q u e , malgré ses observations, la Cour maintint son
arrêt, sans vouloir rien ajouter ni retrancher.
Ainsi A n n a avait h prouver trois faits : i°. que plus
de deux ans avant la demande en désaveu de pater
nité, et notamment, en l’an 10 , le sieur du Sauvage
est
venu chez la dame Demariolles, qu’il y a vu
A n n a , et l’a reconnue pour être la fille de sa femme.
11 convient de s’arrêter d abord sur le premier Jait.
L e désaveu de paternité est du i 5 juin 1809, et
remonte à trois ans et demi.
L e premier témoin a entendu dire, sans se rappeler
1*
�( 29 )
l ’époque , que le sieur du Sauvage voulait se pourvoir
en désaveu de paternité.
L e second ne sait absolument rien.
L e troisième a ouï dire, il y a environ sept ans, que
le sieur du Sauvage déclara qu’il ne reconnaîtrait ja
mais ces enfans.
L e quatrième tient le même langage : le sieur du
Sauvage savait qu ’il y avait un enfant chez la dame
de Mariolles, mais qu’il ne le reconnaîtrait jamais pour
le sien.
L e cinquième a voulu observer au sieur du Sau
vage qu’il avait des enfans ; celui ci lui a répondu
q u ’il n 'e n a v a i t pas. il a v u e n t r e les m a in s d u sie ur
du S a u v a g e ou du sieur D e l e i x trois e x tr a it s d e nais
sance; il ne sait pas dire lequel des deux, ni préciser
l’époque.
On* sait que ces exlrails de naissance n’ont élé con-t
nus et retirés qu ’en juin 1809 , el que le désaveu de
paternité a eu lieu dans le mois de lu découverte.
Ce même témoin n’a connu l’appelante que sous le
nom d ’ A nna.
L a déposition du sixième témoin est plus étendue;
mais il
riolles
nom d
les fois
déclare bien positivement que la dame D e m a ne d o n n a i t publiquement à cet enfan t que le
A n n a • elle faisail disparaître c e l l e fille, toutes
que le sieur du Sauvage e nl ra it chez elle; elle
estimait trop son beau-ftère pour lui montrer cet en
fant. Il n’était pas dans ses principes de lui iaire voir
�( 3o )
un enfant qu'elle savait n’être pas à lu i, quoique pro
venu de sa femme.
L e septième témoin a voulu entretenir le sieur du
Sauvage des mauvais traitemens que G ainez faisait
éprouver à cette fille ; le sieur du Sauvage ne lui a
lien répondu.
L e huitième dépose que le sieur du Sauvage lui a dit
ne pas ignorer que sa femme avait eu deux ou trois
enfans pendant son émigration, notamment un chez
la dame Demariolles, mais qu ’il désavouait tous ces
enfans, et se proposait de former la demande e n ’dé
saveu de paternité ; il ajoute aus^i que le sieur du Sau
vage lui avait déclaré, que lorsqu’ il se présentait chez
la dame Demariolles, elle avait soin de faire retirer
cet enfant.
C e témoin fait remonter cette conversation à cinq
ans ; au moment où il déposait, la demande en dé
saveu était formée depuis trois ans et quatre mois.
L e neuvième n’a aucune connaissance des faits.
. L e dixième a entendu constamment appeler cette
fille A n n a , sans autre dénomination. Lorsque le s.r
du Sauvage arrivait chez la dame Demariolles, on
faisait relirer l’enfant; elle ne se mettait pas à table.
L e sieur du Sauvage ne lui a jamais dit qu ’il connût
l ’enfant pour être celui de sa femme, mais il présume
que le sieur du Sauvage le savait.
L e dernier, la dame de R ig a u d , maîtresse de pen
sion, atteste que le sieur du Sauvage n ’a* jamais vu
A n n a chez elle; qu’ellé ne lui a jamais été présentée.
�( 3i )
Il n’est donc aucunement prouvé qu’en l ’an 10 le
sieur du Sauvage a vu A n n a chez la dame D e m a
riolles, et qu’il l’a reconnue pour être la fille de sa
f e m m e ; puisqu’au contraire il est établi que toutes
les fois que le sieur du Sauvage est arrivé chez la
dame Demariolles , on a fait disparaître l’enfant.
Second fait : E lle était connue de lu i sous le nom
d Anna-Françoise du Sauvage. Pour le coup , il n’y,
a pas un seul témoin qui ait déposé de cette circons
tance ; personne ne s’est avisé de dire que le sieur du
Sauvage ait connu ou souffert que cette fille portât son
nom; et la maîtresse* de pension apprend même qu’elle
n ’a é t é p r é s e n t é e c h e z e ll e q u e sous l e n o m d ' A n n a ,
n i è c e d e m a d a m e d e M a ri ol ie s .
L e dixième témoin, celui qui a été entendu à T h ie r s ,
hors la présence dti sieur du Sauvage, n’a jamais en
tendu appeler cet enfant que sous le nom d 'A n n a ,
sans autre dénomination , et ne fait que présumer que
le sieur du Sauvage savait qu’elle était fille de sa
fem m e; mais loin de convenir qu ’elle portât le nom
de du Sauvage, le témoin lui-même le désavoue for*
mellement.
-Ainsi, ce second fait a donc été faussement allégué.
Troisième fait : « Elle a été ainsi appelée et d é « nommée dans la pension où elle était élevée, en
« présence du sieur du Sauvage, qui l ’y a reconnue
« comme fille de sa femme. »
Celte assertion a été complettement désavouée par
la maîtresse de pension qui a élevé A n n a ; le sieur
�( 32 )
du Sauvage ne Ty a jamais vue; elle ne lui a jamais
été présentée; le sieur du Sauvage n’est venu à la
pension que pour porter de l’argent à une jeune veuve
du P u y ; aucun des autres témoins n’a déposé sur ce
fait si important : cependant la fille A n n a , lors de l’arrêt
de la Cour, s’appesantit sur celle circonslance dansses
conclusions, d’ une manière tellement précise , qu ’elle
délermina peut-être l’inlerloculoire.
Quel peut êlre l’espoir de cetle fille audacieuse?
A - t-e lle satisfait à l’arrêt de la C o u r ? Osera-I elle
espérer de porter un nom qui ne lui apparlienl pas?
Sans doute elle voudra entreprendre de discuter le
fo n d , en s’appuyaut sur une disposition d’usage , con
signée dans l’arrêt de la C o u r , « Sans préjudice des
€c fins qui demeurent respectivement réservées ». Il
faut donc la suivre dans ce dernier retranchement.
On ne croit cependant pas devoir s’occuper des
moyens qu’elle a proposés en la forme ; et ce n’est
pas sérieusement qu ’elle a prétendu que le conseil
de famille devait êlre composé de parens du sieur
du Sauvage et de ses parens d’elle A n n a . Malgré
leur éloignement, « la femme mariée n’a point d’autre
« domicile que celui de son mari ; le mineur émancipé
a a son domicile chez ses père et mère (art. 108, Code
« Nupoléon). »
« Lorsque les parens ou alliés se trouvent à la dis—
« tance de plus de deux myriamètres, le juge de paix
« peut appeler, pour composer le conseil de famille,
« dans la commune ou. la tutelle est ouverte, des citoyens
* connus
�C 33 )
« connus pour avoir eu des relations habituelles d’a« mi lió avec, le père ou la mère du mineur ( art. 409,
« Code Napoléon ). »
Il répugnerait au bon sens et à la raison, que celui
qui désavoue la paternité, fît appeler ses parens au
conseil; ce serait une contradiction évidente avec la
•demande; en soutenant qu ’il n’est pas le père, il sou
tient aussi que les enfans désavoués n’ont aucun lien
avec sa famille.
Mais si ces moyens sont ridicules, en est-il de mêm e
de la procédure singulière, inusitée, qu’a tenue la fille
A n n a ? Pouvail-elle se débarrasser à sou gré du tuteur
qui lui avait élé nominé? P o u v a it - e lle , par un arrêt
Sur r e q u ê t e , n o n c o m m u n i q u é , s u bs tit u e r un curateur
de son choix à ce tuteur légal?
To ute tutelle doit être déférée par un conseil de
famille , lorsque le père et la mère sont dans l ’in
capacité de l’être ( Art. 4o5 C. N. ). C ’est encore un
conseil de famille qui doit nommer un curateur au
mineur émancipé ( Art. 478 C. N. ). L a loi n’admet
aucune nomination sur requête. Elle a dérogé à cet
usage de l’ancienne procédure; et il ne paraît pas
douteux que M . e Garrón a été irrégulièrement n o m m é
curateur ; que l ’appel est nul et irrégulier. L a Cour
appréciera ce m o ye n , sur lequel le sieur du Sauvage
insiste pour l’honneur des règles; mais il n ’y donnera
pas d autres développemens.
Il serait encore assez inutile d’examiner la question
d ’état en elle-même; mais le sieur N oyer du Sauvage
9
�( 34 )
ne doit rien négliger dans une cause d’un aussi grand
intérê t, quelque humiliation qu’il éprouve. Combien il
est cruel de se voir forcé de dévoiler la honte d’une
femm e immorale, qui lui a porté un coup si funeste!
Son ame est liéIrie, il ne peut plus espérer de bonheur ;
des souvenirs déchirans fatiguent sans cesse son esprit
et son cœur.
Eh quoi! il était né bon, généreux et sensible; il
adorait son épouse, elle fut infidèle et perfide! Il désirait
d’être père! Ces liens touchans qui semblent perpétuer
notre existence; ces rapports aimables, d’où naissent
les charmes les plus d ou x, ne sont pas faits pour lui ! Il
fut père un instant, il est vrai! mais ses e n fa n s ont
vécu ! et lorsqu’il revient dans son domicile, lorsqu’il
a recouvré une patrie, que va-t-il apprendre— ? Mais
jetons un voile sur un tableau aussi dégoûtant, où le
vice est toujours en aclion sous les traits les plus hideux.
L e désaveu delà paternité est sans doute une demande
pénible, elle excite la curiosité publique, elle met en
évidence celui qui est forcé d’en intenter l’action. C e
pendant c’est un remède salutaire, et la loi, dans tous
les tems, a ofïert ce motif de consolation à un époux
outragé.
I,a célèbre maxime décrétée depuis plus de deux
mille an s } pater est ¿s quem demonstrant nuptice, rece
vait aussi ses exceptions dans le droit romain. Plusieurs
docteurs avaient déjà remarqué que cette règle n’était
point placée parmi les textes du droit, qui parlent de
l ’état des hommes, puisqu’elle est tiiée de la loi 5 , (1. de
�( 35 )
'la ju s voccindo; mais on trouve une exception dans la '
loi filL u m , fï‘. lus qui su i vel alieni ju r is surit : cette loi
dit expressément que le mari n ’est point tenu de recon
naître un enfant dont sa femme accoucherait pendant
une longue absence du mari d’avec sa femme : Jiliu m
eum de/in un u s , qui ex viro et u xoreeju s nascitur. Sed
si Jing am us ab/uisse m aritum , verbi gratiâ per decenm um teversian anm cuium invenisse in dom osua, pLacet
nobis JuLiani sententia hune non esse m a ritijiliiim . L a
loi prend pour exemple un enfant d’un a n , anniculum ,
après dix ans d’absence, mais elle n’en est pas moins
générale et absolue, toutes les fois qu’il y a eu impos
sibilité physique de cohabitation : tous les docteurs,
dans
c e e u s , s ’a c c o r d e n t h d é c i d e r q u e l ’e n f a n t n ’a p
partient pas au mari. C ’est la doctrine de l’avocat
général T a lo n , lors d’un arrêt du 16 janvier 16 64,
rapporté au Journal des Audiences, tom. 2 ; de Cochin ,
dans la cause de la demoiselle Ferrand , quoiqu’il
plaidât dans un intérêt opposé; de M M . Daguesseau,
Séguier, et de tous les jurisconsultes.
L ’absence du sieur du Sauvage a duré dix ans. Il
est parti en janvier 1 7 9 1 , il n’est rentré q u ’à la fin de
1801.11 n’y a pas de doute sur celle absence, le tableau
de proscription, celle liste falale est là pour l’élablir.
L a peine de mort prononcée contre les émigrés qui
rentraient ; les perquisitions cruelles et si s o u v e n t renou
velées contre le petit nombre de ceux qui ont essayé
de franchir les barrières, et qui onl élé victimes de leur
témérité, prouvent encore l’impossibilité du retour du
10
�( 36 )
sieur du Sauvage, jusqu’à la restauration du gouver
nement; une série d’acles continuels et indiscrets de la
femm e V é n y , en 1 7 9 2 , en 1793, en l ’an 3 , où elle
a toujours pris la qualité de femme de l’émigré du
Sauvage; son autorisation en justice pour poursuivre
les acquéreurs de son mari; une procédure qui a duré
contre eux jusqu'en messidor an 4; le traité qui l’a
suivie; le partage de la successien de sa mère, fait en
l ’an 4 , toujours en l’absence de son mari, sont des
preuves irrésistibles de l’impossibilité de la cohabita
tion; et lorsqu’il est notoire q u e , pendant tout cet in
tervalle , la femme V é n y vivait publiquement avec tout
autre; qu’elle s’est dite femme Guine^- a fait baptiser
un de ses enfans comme enfant légitime de ce misé
rable, ne trouve-t-on pas, dans cette horrible dépra
vation, de quoi convaincre les plus incrédules? On ne
peut pas résister à l’évidence.
Ainsi, dans l’ancien ordre, la sévérité des lois^ la
rigueur des magistrats n’eussent pas été un obstacle à
la réclamation du sieurdu Sauvage : il eût repoussé avec
succès ces enfans de ténèbres. N ’a-t-il pas encore plus
d ’avantage dans la nouvelle législation?
L e Code Napoléon, art. 3 1 2 , a admis, comme dans
l’ancien droit, la maxime pater est, e t c .« I/enfant
« conçu pendant le mariage a pour père le mari ; néan*f moins celui-ci pourra désavouer l’enfa nt, s’il prouve
« que pendant le tems qui a couru, depuis le trois cen« tième jusqu’au cent quatre-vingtième jour avant la
« naissance de cet en fant, il était, soit pour cause
�C 37 )
« d’éloignement, soit par l’effet de quelqu’accident,
« dans l'impossibilité physique de cohabiter avec sa
« femme ».
Voilà déjà une grande modification à la rigueur des
anciens principes : il ne faut plus une absence aussi
longue que celle prise pour exemple dans la loi JiUum.
L e législateur, en admetlant la présomption du ma
riage pour fixer la paternité, a vu qu’il se mettrait en
opposition avec les premiers élémens du droit et de
le raison, s'il faisait prévaloir une présomption à une
preuve positive, ou à une présomption plus forte. A u
lieu de soutenir la dignité du mariage, on l'avilirait,
on le rendrait odieux, s’il servait de prétexte à légi
t i m e r u n e n f a n t q u i , a u x y e u x du public c o n v a i n c u
par des circonstances décisives, n’appartiendrait point
au mariage.
C'est ainsi que s’exprimait l’orateur du gouverne
m en t, lorsque la loi fut présentée.
L e mari qui se voit obligé de désavouer un enfant,
n ’esl-il pas déjà trop malheureux ? Comment penser
qu’il se porle à une démarche aussi scandaleuse, s'il
était
véritablement père? L?v nature a marqué en.
caractères ineffaçables les traits de la paternité; elle a
rempli le cœur des pères et mères et celui des en/ans
des seniimens de tendresse les plus profonds ei ¡¿s plus
eclalans. Et'commenl croire qu ’ un père éloufle tous
lessenlimensde la nature! C o m m e n t croire qu’il allume
dans sa main les torches de la discorde, et qu ’au dehors
il se dévoue à l’humiliation, s’il n’est pas dans la con-
�( 38 )
viction intime que l’enfant n’est point né de son ma
riage. Ce sont encore les termes dont se servait l'orateur
du gouvernement.
L e sieur du Sauvage a le droit de se placer dans
l ’espèce prévue par le législateur; il n’est que trop
certain pour lui, que la dignité du mariage est avilie:
il en appelle au public, à tous ceux qui ont eu des rela
tions avec sa famille; à fous ceux qui connaissent la
femm e Vény. Ne sont ils pas convaincus, par les cir
constances les plus décisives, que l’enfant désavoué
n ’appartient pas au ’mariage?
Mais il ne s’agit pas ici d’une naissance tardive ou
prématurée, prévue par l’article 3 ia du C o d e . A u x
termes de l’article suivant, le désaveu est admis lorsque
la naissance de l’enfant a été cachée au mari; et suivant
l ’article 3 i 6 , le désaveu doit avoir lieu dans le mois,
si le mari se trouve sur les lieux de la naissance de
l ’enfant; dans les deux mois après son retour, si, à la
même époque, il est absent; dans les deux mois après
la découverte de la fr a u d e , si on lui avait caché la
naissance de l’enfant.
L a naissance d’^énne-Francoise a-t-elle été cachée
au sieur du Sauvage ?
A quelle époque a-t-il découvert la fraude?
A - t - i l formé sa demande en désaveu dans le délai
prescrit par la loi ?
Si le sieur du Sauvage établit ces trois propositions,
il aura rempli sa tache. Anne-Françoise sera repoussée
avec indignation.
�C 39 )
I/acte de naissance d’ Anne-Françoise établit sans
réplique que la naissance a été cachée au mari. Il
était alors absent. La femme V é n y le disait elle-même
lors du jugement du 24 messidor an 4.
C ’est le 19 fructidor an 4 , qu’Anne-Françoise a
vu le jour. Ce n’est que le 4 complémentaire de
la même année, quinze jours après la naissance, que
cette fille a été présentée à l’officier public. Ce retard
annonce déjà le mystère; et sans doute qu’alors la
femme V é n y avait déjà disparu de la maison secrète
où elle avait déposé ce fardeau d’iniquité. Que dit
l ’accoucheur chargé de présenter l’enfant ? Q u ’il a
accou ch é, dans sa maison de lu i déclaran t, le 19
fr u c tid o r
d e r n ie r , A n n e
Vény,
épouse de Charles-
Augustin Sauvage, actuellement absent. Les premiers
juges ont remarqué que ce n’étaient ni les prénoms
ni le nom du mari, qui s’appelle Jean-Cliarles N oy e r
du Sauvage, et non Charles-Augustin Sauvage ; mais
le chirurgien 11’en savait sans doute pas davantage.
Ce qu’il y a de moins douteux, c ’est que le sieur
du Sauvage ignorait tout. S’il avait été instruit, sa
femme n’aurait pas accouché à C l e r m o u t , dans une
maison de santé destinée à recevoir des femmes de
mauvaise vie. Ce n’est pas ijinsi qu’il aurait avili, dés
honoré son épouse.
Si la femme V é n y n’avait pas m e n é une conduite
scandaleuse ; si elle n’avait pas eu besoin de cacher
son crime et sa honte, elle était à C le rm o n t ,a u mi
lieu de sa famille qui n’aurait pas souffert qu’elle se
�( 4o )
fût cachée dans une maison d’a ccou ch e ur, pour se
dérober à tous les regards.
L ’accoucheur lui-même ne prend pas sur son compte
de présenter cet enfant comme appartenant au mari;
il ne la qualifie pas de fille légitime; il dit seulement
qu’il a accouché Anne V é n y iemme de S a u v a g e ,
actuellement absent. Personne de la famille n ’assiste
à
cet
acte. L e chirurgien «n’est
de deux femmes du
accompagné
peuple. Ainsi
c ’est un
que
acte
occulte, ignoré de tous ceux qui pouvaient y prendre
intérêt. A n n a -F ra n ço ise ne peut s’en prévaloir, ni
r é c l a m e r une possession d’état. Elle n’a pas même
osé s’en servir. Il est donc certain quo sa naissance a
été cachée au mari de sa mère. Il n ’est donc plus
douteux qu’elle n’appartient pas au mariage.
,
L a fraude a-t-elle été découverte bientôt après ?
Cela esI impossible. L e sieur du Sauvage n’est rentré
que sur la fin de l’an 9 ; il n ’a élé amnistié qu’en
l ’an i r . Sa femme n’était pas à son domicile, puisq u ’en l’an 11 elle vivait avec Guine%, à Tournai. L e
troisième ac le de naissance n ’est inscrit sur les regis
tres de celle ville de T o u r n a i, que le 6 pluviôse an
11. L e sieur du Sauvage ne pouvait savoir, au M o naslier, que sa femme élijjt en Flandre, et avait suivi
un vil scélérai. On ne s’empresse pas de raconter à un
mari des événemens aussi désagréables; on s’était con
tenté de lui dire que sa femme avait fait divorce. L e
jugement dont est appel constate que ce divorce était
notoire. L e sieur du Sauvage devait être dans celle con
fiance
�( 4* )
fiance que tousses liens étaient rompus avec la femme
V é n y ; qu ’il n’avait plus rien de commun avec e lle ;
et c ’était la plus consolante de ses idées. Mais enfin
il esl averti qu'on ne trouve pas l'acte de divorce ;
que les registres civils n’en font pas mention. Il prend
alors des informations, fait des recherches, et découvre
enfin les quatre actes de naissance, qu’il se fait dé
livrer.
Ce n’est qu'au mois de juin 1809 , que ces actes lui
sont remis. O11 sent combien il a fallu de soins et de
peines pour les découvrir; mais ce n’est qu’au moment
où il les a reçus, que la fraude a été découverte, et
q u ’il a eu la faculté d’agir pour désavouer la pater
nité.
Comment en effet aurait-il pu se pourvoir contre
des individus qui se cachaient dans l’om bre, qui n’agis
saient e n ‘aucune manière? L ’enfant même qui était
chez la dame Demariolles disparaissait toutes les fois
qu’il arrivait chez sa belle-sœur. La dame Demariolles
avait alors pour principe de ne pas montrer à un beaufrère qu ’elle estimait, un enfant qu’elle savait ne pas
lui appartenir.
Il fallait donc être certain que ces enfans existaient,
qu ils étaient n<5s de la femm e V é n y , pour pouvoir
les attaquer en d é s a v e u ; il n ’a pu le faire qu ’avec
leurs actes de naissance, qu i, par l e u r contenu, lui
sont étrangers; ce n’est donc que du jour qu ’il les a
eus en son pouvoir, qu ’il a découvert la fraude ; il
semble qu’on ne peut pas être divisé sur ce point de fait.
�( 42 )
Q u’importe que des témoins de l’enquête aient dit
que le sieur du Sauvage savait qu’il y avait un en
fant chez la dame Demariolles, qu’on faisait dispa
raître tonies les fois qu’il arrivait ? 11 ne résulte de celte
circonstance autre chose, si non qu ’on voulait lui ca
cher la naissance de cet e n f a n t , et qu’on reconnaissait
qu’il ne lui appartenait pas ; c’était précisément la
fraude dont il n'a pu avoir la certitude que lorsqu’il
a connu l’extrait de naissance , qui ne lui a été dé
livré que le 24 juin 1809; ainsi, ce n’est qu ’à ce mo
ment q u ’il a pu concevoir des craintes, et qu’il a pu
faire des démarches légales.
11
forme son désaveu sans perdre un instant. L e
i 5 juin 1806, acte extrajudiciaire aux enfans mineurs
et à la m è r e ; 4 juillet suivant, nomination de tuteur;
7 juillet , demande au tribunal du P u y : tout a été
fait dans moins d’un mois, à die delectœ fra u d is.
A tin a -F ra n çoise voudra-t-elle enfin objecter que
sa mère n’est point condamnée comme adultère; et
qu’il répugne dès - lors qu ’elle soit fille adultérine?
cette objection a déjà été proscrite par un arrêt so
lennel , du 24 août 1811 , dans la cause du sieur B011garei , contre l’enfanl de son épouse, qu’il avait dé
s a v o u é , et dans des circonstances bien plus forles,
puisqu’il avait été prononcé un divorce entre les époux,
par consentement mutuel, pendant la grossesse de la
femme. L ’enfant n’en a pas moins été déclaré adul
térin ; et la Cour de cassation a confirmé cet arrêt.
Ainsi tout se réunit en faveur du sieur du Sauvage.
�( 43 )
Quiconque voudrait soutenir que cet enfant doit être
à sa charge, blesserait également la justice et l’équité
ce serait une atroce barbarie que d’obliger un époux
malh eu reux, de donner son nom à un être ignoble,
fruit de l’inceste et de l’adultère. Si la loi naturelle
et la loi divine nous imposent le droit d’aimer, de
secourir nos enfans;si la nature a imprimé dans notre
â me en traits brûlans, une tendresse profonde pour
ceux qui nous doivent le j o u r , quel doit être le dé
sespoir d’un é p o u x , de tro uver, dans son intérieur,
une femme infidèle et perfide ; de voir croître à ses
côtés des êtres qui lui sont étrangers? Quel doit être
son s o r t , lorsqu’il n ’a pas mêm e la consolation de
douter; l o r s q u e le cri p u b li c l ’a v e r t i t sans cesse de s o n
malheur ; lorsque des circonstances décisives entraînent
de toutes parts la plus intime conviction? Non! il n’est
point d ’état plus déchirant, plus digne de pitié ! et la
loi doit venir au secours d’ un époux aussi cruellement
offensé.
Signé N O Y E R D U S A U V A G E .
M .e P A G E S ,
M. e
ancien Avocat.
D E V È Z E , Avoué-Licencié.
i ................................
■
, ,,
J.-C. S A L L E S , lmp. de la Cour impériale et du Barreau.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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A related resource
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Noyer du Sauvage, Jean-Charles. 1810?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Devèze
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
émigrés
divorces
témoins
Description
An account of the resource
Mémoire pour M. Jean-Charles Noyer du Sauvage, propriétaire ; habitant de la ville du Monastier, département de la Haute-Loire ; contre Anne-Françoise, se disant Noyer du Sauvage, mineure, maître Garron, avoué en la Cour, son curateur ad hoc, appelans d'un jugement du tribunal civil du Puy, du 30 août 1810 ; Et le sieur Honoré Debrus, notaire impérial, habitant du lieu d'Allairat, commune de Sallette, défendeur en assistance de cause.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
J.-C. Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1810
1782-Circa 1810
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
43 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0617
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G2215
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Tournai (Belgique)
Le Monastier-sur-Gazeille (43135)
Sallette (43231)
Salette-Falavaux (38469)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
divorces
émigrés
reconnaissance de paternité
témoins
-
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acc3f73e37274f959253ecd39f3b4272
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Text
APPERCU
i
T R IB U N A L
D S
C A SSA T IO N .
SECTION C IV IL E .
POUR le C.en J U D D E - L A R I V I E R E ,
défendeur ;
C O N T R E la dame B R A N D Y ,
demanderesse.
L a . dame Brandy ne cesse de prétendre qu’en la déclarant
non-recevable, quant à p ré s e n t, à exciper de son divorce (en
ce qui touche la communauté de biens) , à l’égard d ’un créan
cier , 0n a porté atteinte à son état civil de femme divorcée.
Elle ne veut pas entendre que son état de fem m e ou de di
vorcée ne fait rien au procès.
Pour éclaircir le sens du jugement attaqué pour qu' il pa
roisse bien n’avoir aucunement disposé sur l'état civil de la
dame B randy , remontons aux élémens de cette affa ir e a l'état
originaire de la contestation.
La d a m e B randy , pendant qu’elle était femme Goursau-Dumazé } était commune en biens , soit en vertu de son contrat de
Le C. C O F F IN H A L ,
rapporteur,
j
�(»)
m ariage, soit par la force du statut nnxr. c pal qui 1 é0it Roehouart 'jadis gé .éraîi é de Poitiers. )
Durant le mariage, et sans avoir cesse d’être communs en
biens , les deux époux vendirent conjointement un domaine.
Cette* vente sera n u lle, sans doute ; parce que la venderesse
éta.t mineure. — 11 s’agit seulement de déterminer quand sera
ouverte l ’action eu restitution.
Judde Larivière , qui a acquis de la communauté ou société ,
prétend ne pouvoir être recherché, jusqu’à ce qu’il y ait dissolu
tion effective de la communauté ou société qui lui u vendu.
Il prétend que la dame Brandy ne peut revendiquer ce do
m aine, tant qu’elle sera de fait associée , commune avec Goursau-Duma/.é ; tant que réclamer au nom de madame sera rtcla
mer pour le profit de monsieur.
C ’est parce que la dame Brandy avait encore son mari pour
associé
, lors de sa première action en restitution, JuddcLarivière fut fondé à lui opposer une fin de non-recevoir.
Si la dame B ran d y, au lieu d ’être en communauté de Liens
eût été mariée avec exclusion ule communauté et séparation de
biens ; si entre elle et son mari il n’y avait eu ni société pour
les acquêts, ni société pour le ménage •, si elle avait eu à part
ses propriétés, ses revenus et ses dépenses , (ainsi qu’une femme
de pays de droit écrit exerçant ses droits parapher/taux') la dame
Brandy aurait été recevahle, même durant son mariage, à reve
nir contre la vente par elle faite étant mineure.
Dans cette hypothèse , il n’y aurait eu ni droits , ni intérêts
du mari à opposer 3 la dame Brandy , femme Goursau-Dumaze, eût etc pleinement accuedhe a revendiquer le domaine
vendu.
A insi, la fin de non-recevoir opposée à la dame Brandy ('lors du
premier procès^ -ne reposait aucunement sur son état c iv il, sur
la qualité àc fem m e Goursau-Dumazé ; mais sur le fa it de so
ciété , sur celte circonstance de fait, qu’elle était commune en
biens avec le citoyen Goursau-Dumazé.
Conséquemment, pour ùter tout fondement à la liu de non-
�C 3 )
recevoir, il fallait faire cesser , non l ’état c iv il, mais le fa it de
Société : il fallait, non cesser d ’être épouse , mais cesser d ’être
réellement commune en biens. Conséquemment enfin , dans ce
nouveau procès comme dans le premier, la question se réduit à ce
point : les intérêts sont-ils encore confondus? y a-t-il encore com
munauté , mélange de biens, société entre la dame Brandy et
Goursau-Dumazé ?
« La dame Brandy est convenue qu’elle habite, mange et
« couche avec Goursau-Dumazé-, que leurs biens, leurs revenus,
« leurs dépenses sont adm inistrés par lui -, qu’ainsi l’exige
« son intérêt et celui de ses enfans. — Mais elle nous défend
« d’appeler cette commixtion une société d ’aucune espèce.
« Non une société conjugale , puisqu’il n’y a plus de ma« riage qui en soit la source.
« Non une société ordinaire , puisqu’il n’existe pas à ’écrit
« qui la constate. »
Quelle que soit l’espèce de société existante, peu nous importe;
l’essentiel est de savoir s’il eu existe une qui rende les intérêts
communs entre Goursau-Dumazé et la dame Brandy.
Or ce point pouvait être constatée sans écrit. — L e principe
a que les sociétés doivent être écrites > ne regarde que les asso
ciés entr’eu x ; il ne regarde pas les tiers : à l’égard des tiers, il
suffit que la société soit prouvée par des faits, par des aveux, par
la notoriété publique , ( ainsi jugé le 33 messidor an 9 , au
rapport du citoyen Babille , sur la demande rejetée de la veuve
Normand et fils contre Peros. )
D ’ailleurs , et dans l ’espèce, la fusion d ’intérêts , la société
résulte légalement du fait seul, de la réunion des personnes ,
et du mélange des biens.
L a dame Brandy , habitante de Rochouart, est régie par la
coutume du Poitou, f dont l’article 33 1 admet la s o c ié t é taisible t
ou tacite , entre des majeurs habitant ensemble > et vivant
des mêmes biens depuis un an et u n jour.
« Cette société taisible, (dit Bouchcuil sur l’article 33 1 , n°.
« 5 7 ,) entr’autres que le mari et la femme, a souvent l’un
�( 4 )
« d'eux qui en est le c h e f, commande aux autres ,fa it toutes le s
« affaires de la communauté , et en est appelé Je maître ,
« d ’après la loi 1 5 , ff. de Pactis. »
L e tribunal d’appel pouvoit donc , en prescindant de l ’acte
de divorce , décider dans l’espèce qu’il y avait fusion d ’inté
rêts, communauté, ou société véritable-, q u e, sous ce rapport, la
revendication faite au nom de madame devait tourner au
profit de monsieur.
L e tribunal pouvait décider que la communauté de biens , née
jadis avec le lien conjugal , était aujourd’hui conservée ou re
nouvelée par la volonté des divorcés , par le fait d ’habitation et
administration commune.
Oh ! si la question qui nous divise a pu être dé-idée en
prescindant de l’acte de divorce et de ses effets , en ne considé
rant que le fait de communauté ou société conventionnelle,
le jugementest loin d ’avoir méconnu l ’essence dudivorce, d ’avoir
statué sur une question d ’état.
Actuellement que nous voilà fixés sur l ’état précis de la con
testation , examinons le jugement.
Et puisqu’il ne s’agit que de savoir s’il existe encore commu
nauté, ou s’il y a séparation de b ie n s , souvenons-nous que la dé
cision sur le divorce ne doit être considérée que dans ses rapports
avec la communauté de biens -, que le mot même divorce ne
doit pas être pris dans un sens absolu , qui touche à la p erso n n e,
mais dans le sens re la tif au procès, en ce qui touche la com
munauté de biens.
L e jugement déclare la dame B ra n d y non-recevable à e x c ip e r
de son divorce i c’est-à-dire que tel que soit l’acte de divorce,
tels que soient ses effets naturels , elle s’est ôté , p a r son fa it ,
le droit d’en tirer avantage , quant à présent.
Le jugement déclare le divorce non opposable, quant à p r é
sen t; c’est-à-dire que tel que soit l’acte de divorce, tels que soient
scs eflets naturels, sa vertu légale ou naturelle se trouve neutra
lisée ou suspendue p a r le f a i t , par la volonté positive et toute
puissante de la dame Brandy.
�C5 )
L a dame Brandy est réputée en état de société continuée ou
renouvelée avec Goursau-Dumazé,
Non par défaut de vertu originaire dans l’acte de son divorce,
niais par suite d ’une restriction apposée aux effets nature's du
divorce , par le fait de sa volonté ■, ou parce qu’il lui a plu de
renoncer aux effets du divorce en ce qui touche la séparation
des l)icns , ou parce qu’il lui a plu de renouveler l ’association,
au cas qu’elle fût dissoute.
Quels sont les faits , quels- sont les actes de volonté qui ont fait
présumer au tribunal cette société continuée ou renouvelée , qui
ont fait déclarer le divorce sans effet, eu ce qui touche les biens?
L e fait de co-ha' itation et de co-administration •, — le fait de
simulation ou de fraude
tel est le jugement dénoncé:
Dans son d is p o s it f, il déclare la dame Brandy non recevable
à opposer son divorce ( en ce qui touche ses effets sur la com
munauté de biens. )
Dans scs motifs , il considère que le divorce ( relativement
à la séparation des biens ) est simulé ou frauduleux et non
exécuté.
O r, est-il une loi qui dise positivement qu’une femme est
recevable à exciper de son divorce, ( pour se dire séparée de
biens) alors même que le divorce n’a pas reçu d ’exécution , en
ce qui touche le bien , et encore qu’il y ait simulation au préju
dice des créanciers ?
Non , aucune loi n’a tenu un langage si peu raisonnable,
si peu moral.
La dame Brandy invoquait d ’abord les art. I et il du $ 3
de la loi du ao septembre 1792 sur le divorce.
Mais ces deux articles ne disposent que sur la faculté de se
rem arier : s’ils assurent. V'indépendance des époux, c est en ce
sens qu'ils sont affranchis du jou g conjugal, que le lien per
son nel est dissous. — P o i n t de r a p p o r t avec notre espèce , oii il
s’agit seulement du soi t des biens.
Elle invoquait aussi l’art. X I , portant qu’à l’egard des créan
ciers le divorce n ’a d ’cJJ'et </ue ccmtne une séparation.
�(6 ;
Mais le sens naturel J e cette disposition est tout en faveur du
jugement :
Car si le jugement déclare qu’un divorce sim ulé, ou frauduleux
et non exécuté , n’a pas effet à l’égard, de créanciers , c’est par la
raison qu’une séparation simulée, frauduleuse , et non exécutée,
n’aurait pas d ’eflet à l’égard des créanciers, et parce que le di
vorce n’a effet que comme une séparation.
En vain la dame Brandy s’évertue pour prouver que la simu
lation n’est pas réelle , et que ce qu’elle a fait n’a rien de frau
duleux ou d'illicite.
L a lo i, qui lui a permis de cesser d ’être l’épouse d ’un mari par
qui elle serait m alheureuse,n’a certainement pas voulu qu’elle
cessât d’être son épouse pour devenir sa concubine ; qu’elle
conservât pour elle seule toutes les douceurs du m ariage, en
faisant rejaillir tous les effets d ’uu divorce sur ses créanciers f ou
sur les malheureux fruits de ses voluptés il lé g it im e s .
11 y a frau d e, en ce que Y intention de la loi est horrible
ment trompée, à la faveur de l ’observation judaïque de la lettre
de la loi.
Il y a simulation ou fra u d e , en ce que la dame Brandy a con
senti un acte de divorce pour paraître séparée de biens •, alors
que de fait il y a fusion d’intérêts , communauté ou société de
biens , identité d’administration -, alors qu’elle confesse que cet
état de choses est le seul réel et profitable pour elle.
Tout le publie est convaincu , ( et la dame Brandy se glorifie
de cette croyance) qu’aussitôt le domaine revendiqué, ou le procès
fini, 1 acte de divorce sera détruit, ou par une transaction judi
ciaire qui le déclare n u l, ou , s’il en est besoin, par un nouvel
acte de mariage.
O r, il y «
ce manège tant d ’immoralité, tant d ’inconvenanct, tant d’opposition avec les vues du législateur, qu’il est
impossible de ne pas y voir simulation , artifice , fraude.
l'jt dans les cas de divoice , connue dans les cas de séparation ,
comme dans tous les cas possibles, nul ne doit profiter de la fraude
qu’ il a machinée au détriment d ’autrui.
Ija diime Brandy dénature le sens de la disposition légale,
�(7 )
pour lui faire dire seulement que le divorce ne dispense pas
les épou x de rem plir leurs obligations , contractées pendant
le mariage : mais ce n’est là qu’une interprétation hasardée ,
d ’où il ne pourrait jamais résulter une ouverture de cassation.
De notre part, ce n’est pas in terp réter, c’est s’attacher au
texte de la lo i, de dire qu’ uu divorce simulé , ou frauduleux,
et non exécuté , reste sans effet à l’égard des créanciers.
Car s’il ne restait pas sans effet , dans ces cas , le divorce aurait
plus d ’effet qu’ un jugement de séparation , puisqu’ un jugement de
séparation simulée ou frauduleuse, et non exécutée , reste sans
effet à l’égard des créanciers.
L e législateur aurait-il dû établir line différence entre les actes
de divorce et les jugemens de séparation, quant à leurs effets à
l ’égard des créanciers?
Ici la dame Brandy peut parcourir un champ vaste eu con
jectures.
Quant à nous , nous avons suffisamment déniontré qu’en ce qui
touche le sort des biens, et relativement aux créanciers, le divorce
est absolument un acte de même nature qu’une séparation.
Il nous sufiit de dire qu’à cet égard le divorce et la séparation
sont assimilés parla loi ( bonne ou mauvaise ) ; que l’un et l’autre
ont les mêmes effets, en ce qui touche le sort des biens , relative
ment aux créanciers.
L a dame Brandy ne répondra jamais à cet argument.
« Si un divorce simulé, frauduleux cl non exécuté avait effet
« à l’égard des créanciers, il aurait plus d’effet qu’ un jugement
« de séparation.
« O r, la loi assimile le divorce et la séparation, danslcui’s eflels,
« a 1 égard des créanciers.
« D onc, a l’égard de créanciers,, un divorce simule ou frau
duleux et non exécuté doit rester sans eflet. »
L a damelîraml y se retranchedans la disposition de l’article IV du
môme paragraphe, —qui ne dit rien de la communauté ou société,
�continuée ou renouvelée après l’acte de divorce. — Voici. le
texte de la disposition
D e quelque manière que le divorce ait lieu , les époux
divorces seront réglés par rapport à la communauté de b ien s,
ou à la société d'acquêts q u i A e x i s t é E N T R E E U X , soit
p ar la. l o i , soit p a r la convention., comme si l 'un d ’ eu x était
décédé.
Ainsi , et d ’après cette disposition , si des époux divorcés
avaient à régler la communauté qui a e x is té entre eux , ils au
raient les mêmes droits respectifs que si l’un d eux était décédé.
Mais s’il leur plaît de continuer ou de renouveler cette
communauté ou société , la loi n’oppose aucun obstacle , aucune
restriction à l’exercice de leur volonté.
La dame Brandy a le courage de professer que des époux
divorcés peuvent rester amans. — Elle serait par trop incon
séquente de nier qu’ ils puissent rester associés.
Et s’ils peuvent re s te r, ou seulement devenir a sso ciés, la
question de communauté ou de société n’est presque plus qu’une
question de f a i t , dont la décision, quand elle serait erronée ,
ne serait jamais une contravention à la loi.
Dans tous les cas , que ce soit une simple question de f a i t ,
que ce soit une question compliquée de fait et de droit , Reste ,
qu’en déclarant la dame Brandy non - recevable à exciper
de son divorce, pour se dire séparée de biens , pour opposer
cette séparation à des créanciers, le jugement n’a pas jugé
une question d’état, n’a contrevenu à aucune loi, et s'est au
contraire conformé à l’article XI du paragraphe III de la loi
du 20 septembre 1792 , qui assimile le divorce et la séparation
dans leurs effets à l'égard de's créanciers.
Conclusions, comme précédemment, au rejet de la demande
en cassation.
Le C.enS I R E Y ,
pour le défendeur.
L e C .en M E J A N ,
pour la dem anderesse.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Judde-Larivière. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Sirey
Méjan
Subject
The topic of the resource
divorces simulés
communautés familiales
fraudes
Description
An account of the resource
Apperçu pour le Citoyen Judde-Larivière, défendeur ; contre la dame Brandy, demanderesse.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0616
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0232
BCU_Factums_G1218
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53876/BCU_Factums_M0616.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Rochechouard (87126)
Rights
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Domaine public
communautés familiales
divorces simulés
fraudes
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https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53875/BCU_Factums_M0615.pdf
80f74aac8e33f365bde6e7f0470877c1
PDF Text
Text
■V K T C Z T v 12 M 7 " a t B t f *
M
E
M
O
I
R
E
P O U R
M a r g u e r i t e C O U G U E T - F L O R A T , veuve du sieur
de
R e y r o l l e s , intimée;
COUR
C O N T R E
D ’A P P E L
M A IG N E , se disant aussi veuve, dudit
sieur d e R e y r o l l e s , appelante.
C a th erin e
L a demoiselle Maigne n ’est pas satisfaite d'avoir usurpé une
grande fortune, et empoisonné la vie d'une malheureuse épouse;
elle ose lui disputer encore un titre respectable reçu aux pieds des
autels, et opposer une formule révolutionnaire et illégale au plus
sacré des engagemens. L e désir de tout contester à son adversaire
l’a aveuglée et jetée dans cette inconséquence. Pour exposer sa haine
devant les tribunaux, il lui a semblé doux d ’y être en scène ellemême; et elle n ’a pas craint, dans son propre pays, de livrer sa
vie toute entière à de pénibles souvenirs.
Une première tentative devoit la convaincre que la passion n ’est
pas le plus sûr des guides. Condamnée par les juges qui la connoissoient le mieux, elle avoit lieu de croire qu’un système de calomnie
ne prévaudrait pas contre les principes, et qu’une cour supérieure,
gardien naturel des lois de l’empire, ne porteroit pas légèrement une
atteinte dangereuse au lien sacré du mariage, le premier fondement
des sociétés civiles.
La dame de Reyrolles avoit été justement indignée du genre de
défense d’abord adopté par la demoiselle M aigne, et son premier
A
_
D E RI OM.
s e c tio n
.
�mouvement avoit été d ’user d’une représaille Lien légitime. Plus en
état que personne , dans sa triste position , de rendre compte
des faits et gestes de sa rivale, elle n ’avoit rien tu de ce qui la tourînentoit depuis tant d’années , et il lui paroissoit consolant de la
poursuivre encore, comme un remords vengeur, de la forcer à
sentir le poids de son opulence, et de mériter enfin une haine
qu’elle ne provoquoit pas.
Cependant la dame de Reyrolles a réfléchi que celte jouissance
décevante n ’étoit pas digne de la majesté de la cour; on consé
quence elle s’est fait un devoir scrupuleux d ’écarter de son récit
tou^Wles épisodes é tra n g è r^ à ses moyens. L a réclamation d ’un
état civil présente d ’ailleurs trop d’intérêt par elle-même, pour que
cet intérêt soit sacrifié à des personnalités et à une stérile vengeance.
L e mariage est-il un contrat d’ordre public; c’est-à-dire, une
femme sous la puissance maritale a-t-elle p u , a près un divorce
nul, traiter irrévocablement avec son mari? et si le mariage n ’étoit
pas légalement dissous, a-t-elle pu consommer cette dissolution
par un acte privé?
T elle est la principale question de cette cause; et il faut avouer
que sans cette espèce de vandalisme philosophique, qui a brouillé
long-temps toutes les idées morales, on rougiroit de la trouver difficultueuse. Mais avec la gloire du nom français renaissent de jour
en jour ces antiques maximes, dont nous n ’avons éprouvé l’ébran
lement que pour sentir les funestes conséquences de nos vicissitudes.
Aujourd’hui le mariage, placé sous l’égide de la religion et sous la
sauve-garde de la magistrature, a reconquis "Sa dignité primitive;
et tout ce qui tend à la maintenir retrouve dans les tribunaux une
protection salutaire, indépendante des personnes et des circons
tances.
F A I T
S.
L a dame C o u g u e t-F lo ra t contracta mariage avec le sieur de
Reyrolles, médecin, le 7 novembre 1774, et se constitua en dot
ses biens échus et à échoir, c ’est-à-dire, qu elle donna plein pou-
�( 3 }
-voir à son cpoux de rechercher et régir une fortune inconnue à
elle-même. L e contrat mentionne la stipulation d ’un douaire, et
autres avantages matrimoniaux.
L es premières années de ce mariage furent heureuses. Devenue
m è re , et possédant toute l’affection de son époux , la dame de
Reyrolles étoit loin de prévoir que cette félicité seroil détruite par
une femme qui alors ne lui sembloit nullement à craindre, et que
le sieur de Reyrolles paroissoit juger avec rigueur.
L a destinée de la dame de Reyrolles en disposa autrement, et
bientôt elle se convainquit que les goûts des hommes ne se règlent
pas toujours par leur estime. Dans sa fierté , elle abandonna un
époux parjure, à sa nouvelle conquête, et se retira chez la dame
de F lo ra t, sa grand’mère.
Cet éclat, imprudent peut-être, tourna tout entier au profit de
sa rivale; la dame de Reyrolles fut privée de tout secours, de ses
bijoux; et poussce d'infortunes en infortunes, pour obtenir six
louis de son époux , il exigea qu'elle les reçàt de la demoiselle
Maigne. T e l étoit, après dix ans de mariage, l’humiliation à laquelle
étoit condamnée une épouse : tels étoient les premiers chagrins
qu’elle fut obligée de dévorer.
Une réconciliation apparente succéda à ce premier orage. Dupe
de son cœur et de sa franchise., la dame de Reyrolles se trou voit
encore heureuse des égards de son époux; mais l’illusion qu’elle
s’efforça long-temps de se fa ire , céda à l’évidence : l’indignation
étouffa tous les calculs d’intérêt personnel, et l’épouse outragée ne
connut plus les ménagemens de la dépendance.
Les sieur et dame Cald.iguès, parens de la dame de R eyrolles,
alloient s’établir à Limoges. Affligés de sa position, ils lui propo
sèrent un asile ; et celle qui dominoit le sieur de Reyrolles ne sen
tant que le plaisir d ’être délivrée d ’une surveillante incommode,
l£ pressa de consentir ù cette séparation.
Combien étoit déjà cliangé le sort tic la dame de Reyrolles! elle
avoit un époux; une étrangère lui faisoit oublier ses serrnens et
ses devoirs : elle avoit eu un enfant; la mort, moins cruelle, le lui
A 2
�...................................... ( 4 )
avoit ravi à l’âge où il étoit incapable de tendresse. C ’est ainsi
qu’épouse sans époux, mère de famille sans enfans , la dame de
Reyrolles a vécu plusieurs années à Limoges , abandonnée aux
consolations de l’amitié et aux fantômes de l’espérance.
Elle avoit touché assez régulièrement à Limoges une pension de
bienséance que lui faisoit le sieur de Reyrolles , par égard pour la
maison de Caldaguès; mais au commencement de la révolution
elle ne reçut plus rien , et revint à Brioude.
Cette espèce de résurrection d’une femme oubliée parut lui re
donner le charme de la nouveauté, et réveiller dans le cœur du
sieur de Reyrolles des feux mal éteints. 11 est certain qu’il eût fait
son bonheur de rompre ses chaînes, et de mériter l’affection de
son épouse, si la prévoyance allarmée de la demoiselle Maigne
n ’eût cherché à la hâte à détruire ce premier mouvement par toutes
sortes de moyens.
Mais tel est le sort d ’un homme subjugué; le sieur de Reyrolles
voyoit, e t i l n ’osoitvoir; il vouloit, et ne pouvoit s’enhardir à vouloir:
l'homme le plus impérieux n ’est donc qu’un foible enfant devant
la passion qui le domine. Le premier acte de foiblesse qu’il s’est
laissé surprendre, est l’abandon qu’un vaincu fait de ses armes;
il reste désormais sans d é len se, et se dévoue ù l’esclavage.
L a demoiselle M aigne triompha , et le premier usage de sa
■victoire fut de dicter les conditions et de profiter de la faveur des
circonstances.
Alors exisloit une loi récente , que quelques femmes regardèrent
comme un présent du ciel et une faveur de la Providence. Après
la dissolution de la monarchie, de la féodalité et de la puissance
paternelle, en quelques jours «l’intervalle, et avant d’atlaquer la
religion dans ses solennités, il n’y avoit plus qu’une destruction in
termédiaire à prononcer; et le lien du mariage, malgré son antique
inviolabilité, lut dissolublc indistinctement par le divorce.
Celte innovation étoit trop précieuse à la demoiselle Maigne
pour qu’elle ne s’ernpress.Yt pas de la saisir. En conséquence , le
3/j mai 1797, il fut signifié à la dame de Heyrolles, de la part de sou
f
�C 5 )
mari , un acte par lequel il déclaroit qu’il entendoit divorcer pour
cause d’absence, et pour incompatibilité d’humeur et de caractère;
en conséquence de quoi il nommoit trois amis , et lui faisoit som
mation de nommer de sa part trois parens ou amis.
Dans cette conjoncture que pouvoit l'aire une épouse? plaider?
les tribunaux n’étoient pas compétens ; résister? la loi ne le lui permettoit pas : souvent le demandeur se faisoit lui-même signifier
une réponse, e t j e divorce n ’en alloit pas moins à sa fin.
Quoi qu’il en so it, le 27 mai il fut déclaré, à la requête de
la dame de Reyrolles, que pour satisfaire à la sommation du 24
elle nommoit trois parens, ajoutant que le sieur de Reyrolles, en
provoquant son divorce, n ’avoit fait que prévenir ses intentions.
L e 27 juin il fut tenu une première assemblée de fam ille, tou
jours motivée pour absence et incompatibilité; et après les dires du
demandeur et la tentative de conciliation des parens, on lit la ré
ponse suivante : Sur quoi ladite Couguet- 1' lorat leur a répondu
qu'elle étoit disposée h suivre en tout point la 'volonté de son
mari ; mais que si son dit mari persiste à requérir le divorce ,
elle y donne les mains.
Cette réponse si naïve , où l’obéissance seule se laisse apercevoir,
étoit en elle-mêine insignifiante : mais on voulut lui donner un sens.
Les longs délais de l’incompatibilité s’accordoient mal avec l'im
patience de la demoiselle Maigne. On crut donc découvrir dans
les dires de la dame de Reyrolles des matériaux suffisans pour para
chever un divorce par consentement m utuel, pour lequel il n ’y
avoit plus qu’un mois à attendre.
En conséquence, à la date du 28 juillet 1780, un mois après la seule
assemblée de famille, on fit rédiger un acte de divorce , dans lequel
on suppose qu’il a été requis par les deux époux, d’après la procé
dure voulue pour le consentement mutuel.
Cet acte fu i porté à la dame de R e y r o l l e s par un valet du comité
révolutionnaire, long-temps, quoiqu’on en dise , après la date qui
lui a été donnée : elle signa, il n ’y avoit pas à hésiter; d ’ailleurs
son re fu s, en l’exposant, n ’eût fait que rendre cette pièce inu-
�( 6 )
l i l e , et forcer à reprendre la suite du premier mode de divorce.
Ainsi s’accomplit cette œuvre d ’iniquité , et la demoiselle Maigne
eut enfin levé le plus grand des obstacles : mais comme si le ciel
se fut joué de ses. plus chères espérances , l’époque de son ma
riage qu’elle avoit tant liatée s’éloignoit de jour en jour ; et pendant
quelque temps il y eut lieu de croire que lë sieur de Reyrolles,
pénétré de la perte volontaire qu’il avoit sollicitée, oublioit la pro
cédure monstrueuse qu’il avoit ébauchée, et revenoit à ses pre
miers engagemens.
L a dame de Reyrolles se livra de bonne foi à une si douce rési
piscence ; elle feignit même ne pas remarquer qu’il ne venoit chez
elle qu’à la dérobée et avec la timidité d’un esclave. Enfin , une
grossesse lui parut le comble du bonheur, et le gage assuré d’une
réconciliation après laquelle elle soupiroit depuis si long-temps.
Mais les assiduités du sieur de Reyrolles n ’avoient pas échappé
aux ennemis de son épouse. T r o p adroits pour faire un éclat, ils
frappèrent des coups plus certains, et le poison de la calomnie vint
ébranler l’imagination foible d’un homme que le premier mouve
ment faisoit agir, et q u i, dans ce qui concernoit scs passions, ne
sa voit jamais penser par lui-même. C ’est ainsi que, dans sa confiance
aveugle, la dame de Reyrolles se croyoit encore épouse quand ses
ennemis ourdissoient sa perte : Inquirebant niala s ib i, et dolos
totd die meditabantiir.
La grossesse de la dame de Reyrolles fournit une vaste champ
ii leur malignité; l’époux lui-même fut entraîné à douter contre sa
conviction intime ; et ce que la darne de Reyrolles avoit cru être le
sceau de la paix devint en un instant le signal de la discorde et de
la haine.
T o u t d’un coup la scène change : on profite diligemment de la
disposition d’esprit où on a mis le sieur de Reyrolles , et son ma
riage avec la demoiselle Maigne est consommé le 11 messidor
an a , douze jours avant que la dame de Reyrolles , sur son lit
do douleur , donnât le jour à une malheureuse créature sous d ’aussi
Ministres auspices.
�(7 )
N o n , le ciel ne l’a point béni, ce fatal mariage ! Il a entendu Panathème prononcé par une épouse dans sa désolation ; et plie n'a
pas eu la douleur de savoir plus heureuse qu’elle celle qui l’avoit
chassée du lit conjugal. En portant un nom usurpé , la demoi
selle Maigne ne trouva plus dans le sieur de Reyrolles cet être
soumis sur lequel elle avoit exercé tant de fois une capricieuse
puissance.
L a demoiselle Maigne avoit calculé cet effet habituel du mariage ;
et pour se prémunir contre son résultat , elle profita d’une époque
où le sieur de Reyrolles venoit d’être destitue de sa place de rece
veur du district, pour proposer un testament mutuel qui fut respec
tivement signé en l’an 5 . Quelque temps après, une séparation
volontaire les a éloignés jusqu’il la mort.
Cependant la dame de Reyrolles, abandonnée à sa situation péni
ble , dévoroit ses chagrins et se devouoit à sa destinée. Occupée
des soins maternels que deniandoit le premier âge de sa fille , elle
attendoit a v e c r é s i g n a t i o n q u e le sie u r de R e y r o l l e s , rendu de nou
veau à ses premiers liens , s’occupât de deux êtres qu’il avoit si
cruellement traités. M a is, au lieu d ’un retour à la nature, il ne fit
plus apercevoir son autorité maritale que par des hostilités et par
l ’abus de son administration.
Il avoit recueilli la succession considérable de l’aïeule de son
épouse, avoit traité de gré à gré avec un cohéritier pour le partage
des immeubles, et s’étoit emparé des effets mobiliers, sans compte
ni mesure.
Néanmoins, demeurant libre d ’en fixer la consistance , et pour
consommer la ruine de son épouse , le sieur de Reyrolles lui fit
faire , le 7 messidor an 4 > un acte d’offres de 7000 francs en man
dats territoriaux, pour le m o n ta n t, d it-il, de ce qu’il avoit touché
sur sa dot , attendu que ladite Couguet avoit toujours éludé de
déclarer ce qui pouvoit lui être dû ; qu’ elle ne c h e r c h a i t qu’ a re
tarder la libération dudit Iieyrolles , qu’il etoit de son intérêt
d’ opérer le plutôt possible.
L a dame de Reyrolles répondit qu’elle étoit surprise et lassée
�( 8 )
des procédés iniques de son m ari , et refusa les offres. Il y eut
procès verbal de non conciliation , après lequel elle fut assignée
le 21 messidor suivan t, devanT le tribunal du P u y , en réalisation
et validité desdites offres.
^
C e s diligences avoientlieu à la dernière heure du papier-monnoie;
le numéraire reparut au commencement de l’an 5 ; et, dans ce pre
mier instant où l ’opinion en augmentoit la valeur, le sieur de R e y rolles se hâta de faire proposer à sa femme une modique somme de
6ooo francs pour tout term iner; ajoutant, pour l ’intimider, que
si elle ne l’acceptoit pas , les offres de Fan 4 seroient jugées vala
bles , parce qu’elles avoient eu lieu avant la suppression du papier.
En vain la dame de Reyrolles demanda-t-elle à être éclairée sur
la valeur réelle de sa propre fortune ; il fallut obéir à la puissance
maritale , et céder à la crainte de n’avoir que les mandats offerts
au lieu du numéraire promis, si elle s’exposoit à aller plaider dans
un tribunal presque inconnu , à douze iieues de son domicile.
L a dame de Reyrolles signa donc un traité le 16 frimaire an 5 ,
par lequel on lui fit dire qu’elle étoit venue à compte avec son
mari, et qu’après communication prise de l’inventaire de son aïeule
et d ’un partage de 1785, il lui revenoit 5i2G liv. 10 sous ; à quoi
ajoutant d ’autres articles touchés par son m a r i, quoique non com
pris dans l’inventaire, en valeur de 873 liv. 10 sous, le sieur de
Reyrolles se trouva tout juste débiteur des 6000 fr. qu’il vouloit
payer, et dont l’acte porte quittance.
A compter de celte époque les époux furent séparés, et la dame
de Reyrolles n ’eut plus qu’à s’étourdir sur le passé et à supporter
son sort avec courage : elle se consoloil avec sa fille, et cette con
solation même lui fut enviée. Après le 18 fructidor, on lui donna
l ’alarme sur le sort de cette enfant , qui n ’avoit pas encore d’état
civil. On lui persuada que les peines de la loi pourroient l’attein
d r e , cl elle se décida a iaire une déclaration à l’olficier public. On
n ’eut garde de transcrire la qualité qu'elle vouloit se donner, pnr
la raison qu’il eût été incivique de mépriser un divorce, cl que
Je sieur de Reyrolles, redevenu puissant, n ’auroit pas trouvé bon
qu ’ il
..
�( 9 )
qu’il fût fait mention de lui sans sa participation. L a dame de
Reyrolles déclara donc seulement qu’il lui étoit né une fille le 21
messidor qui suivit son divorce. Comme ce divorce étoit daté de
l’an 2 de la liberté, on supposa la naissance de l’enfant au 21 m es
sidor an 5. Cette erreur a été reconnue par la demoiselle Maigne,
et seroit aisée à rétablir à l’égard d ’un fait aussi notoire.
Dans ces entrefaites le sieur de Reyrolles, nommé receveur du
département de la H a u te-L o ire, alla s’établir au Puy. Là , ayant
vécu près de six années séparé absolument de la demoiselle Maigne,
qui babitoit Brioude, il fut atteint de la maladie qui l’a conduit
au tombeau.
A celte époque terrible, où l’homme, ne trouvant plus d’asile
dans les illusions du monde, voudroit réparer dans un instant les
fautes de sa vie toute entière, l’opinion générale a rendu au sieur de
Reyrolles la justice d ’altester qu’il n’avoit rien plus à cœur que de
se réconcilier avec sa fem m e, et de lui en donner, par un testament
honorable, la s e u le p r e u v e qui fût désormais en son pouvoir.
En e f f e t , il est de notoriété au P u y que le sieur de Reyrolles
avoit fait un testament par lequel , cassant celui qu’il regardoit
comme un monument de foiblesse et de honte, il léguoit 40000 f.
à la dame de Reyrolles personnellement, et faisoit en faveur du
sieur Vauzelles , ex-législateur, une disposition considérable.
Aussitôt que la demoiselle Maigne apprit la maladie du sieur
de Reyrolles, elle voulut se mettre à portée de déranger des projets
dont elle ne pouvoit douter. Craignant de ne pas se hâter assez,
elle envoya au Puy le sieur Granchier le m ercredi, et arriva ellememe le vendredi suivant. Sa vue fit une révolution singulière au
aieur de Reyrolles, q u i, à ce qu ’on assure, se tourna brusquement
du côté opposé, et se couvrit la tète avec un mouvement con
vulsif. Quoi qu’il en soit, il expira" le même jour 18 floréal an 12.
Cette mort soudaine servoit mieux la demoiselle Maigne que
tous les plans qu’elle avoit pu concevoir. Seule dans la maison du
sieur de Reyrolles, et en attendant les scellés qui ne dévoient être
poses que le lendemain , au lieu de verser des larmes stériles qu’il
B
�( 10 )
valoit mieux réserver pour la pantomime des audiences, la de
moiselle Maigne étoit libre de tout parcourir. Un certain porte
feuille vert avoit paru donner de l’inquiétude au défunt : il n ’a
plus paru ; et le public qui se trompe rarement en conjectures dé
sintéressées, paroit avoir été imbu de l’idée que dans ce porte-feuille
gissoient les papiers les plus précieux, et surtout le dernier tes
tament. Et qu’on ne dise pas que c’est là une fable de pure ima
gination ; ce bruit avoit pris une telle consistance, que le sieur
Vauzelles, légataire, a rendu sur ce m otif une plainte en suppres
sion de ce testament.
L a dame de Reyrolles ne donnera pas d’autres détails d’un fait
qu’elle n ’a appris que par la notoriété publique. C e n’est point la
fortune du sieur de Reyrolles qu’elle ambitionne; elle ne demande
rien qui ne soit à elle-même; elle veut son état civil, sa d ot, et ne
dispute point à la demoiselle Maigne une o p u le n c e chèrement
achetée, et dont la source équivoque n ’est de nature à donner du
crédit que vis-à-vis quelques collatéraux.
Apres la mort du sieur de Reyrolles, ce n ’étoit plus que des
tribunaux que son épouse pouvoit attendre justice; en conséquence,
le 19 thermidor an 12, elle fit citer Catherine Maigne en payement
de ses dot, trousseau et gains matrimoniaux, e t, en tant que de
besoin , en nullité du divorce et actes postérieurs.
L a demoiselle Maigne ne savoit pas encore à fond le rôle con
venable à la circonstance. Cette tendresse soi-disant conjugale qu’il
falloit supposer à un homme dont les dernières volontés avoient
été d ’enrichir sa fidèle moitié, ne s’allioit guère avec un domicile
c o n s t a m m e n t séparé, et
douze lieues de distance. Cependant la
demoiselle Maigne, qui avoit toujours habité Brioude, et qui ignoroit les moindres affaires du sieur de Reyrolles, proposa un déclinatoire, soit qu’elle crût qu’il n’avoit pas transféré au Puy son do
micile de droit, soit qu’elle fut entraînée par la vérité à convenir
qu’elle n ’avoit pas le même domicile de lait que celui qu’elle disoit
son époux; elle ignoroil que le sieur de Reyrolles avoit acquis une
maison au P u y , s’en Uéclaroit habitant dans les actes publics, et
�( rO
avoit même fait rayer sa cote mobilière à Brioude. En conséquence, '
et par ces m o tifs, elle fut déboutée de son déclinatoire par juge
ment du 23 frimaire an i 3.
A u fond la demoiselle Maigne répondit que la dame de Reyrolles
n ’étoit pas recevable dans sa demande, soit à cause de la loi du
26 germinal an 1 1 , soit parce que la demande n ’avoit été formée1
%
qu’après la mort du sieur de Reyrolles, soit parce que la dame de
Reyrolles étoit divorcée par un acte requis et signé par elle-même;
qu’elle avoit traité avec son mari en qualité de femme divorcée,
et avoit pris la même qualité dans plusieurs autres actes-, no
tamment dans la déclaration de naissance d’un enfant né un àn
après le divorce; qu’à l’égard d’elle-même Catherine M aigne, elle
n ’avoit point à craindre le sort de ce divorce, parce qu’elle étoitl
mariée légitimement, héritière universelle, et que le sieur de
Reyrolles avoit tellement persisté dans cette volonté pendant sept
ans, qu’à sa mort o n a v o i t trouvé le testament de la demoiselle
Maigne parmi ses papiers les plus précieux.
11 est inutile de rappeler les moyens opposés par la dame de
Reyrolles à cette défense'de la demoiselle M a ig n e, les faits cidevant narrés les indiquent; et il suffit de dire qu’en déclarant le
divorce nul, les premiers juges ne virent plus dans la dame de
Reyrolles qu’une épouse restée sous la puissance maritale, n ’ayant
pu dès - lors traiter valablement avec son époux , ni prendre
une qualité qu’elle n’avoit pas. En conséquence, par jugement du
24 floréal an i 3 , le tribunal du P u y, sans s’arrêler aux fins de
non-recevoir proposées par Catherine M a ig n e , déclara nul l’acte
de divorce du 28 juillet 1793, et tout ce qui l’a précédé, de même
que le traité du 3 frimaire an 5 ; remit la dame de Reyrolles au
même état où elle étoit avant lesdits actes ; condamna Catherine
Maigne, en qualité d ’héritière du sieur de R e y r o l l e s , à lui payer,
x • 3oo fr. pour le montant de son trousseau stipulé en son contrat
de mariage du 7 novembre 177 4 ; a*« 1200 fr. pour scs bagues et1
joyaux; 3 . 400 fr. pour sa pension viduelle;
• à lui fournir un
logement garni et meublé, suivant son état et sa fortune, dans'Ic
li 2
�(
)
dernier domicile du défunt, à la charge par ladite dame de Reyrolles
de constater l ’état dudit mobilier qui lui sera remis, pour être rendu
à qui et dans le temps de droit; 5°. à payer à ladite dame de Rey
rolles i5oo fr. pour son deuil et celui de sa domestique; et à l’égard
du payement de la d o t, le tribunal ordonna que led parties contesteroient plus amplement, et à cet effet fourniroient leurs états res
pectifs, Sauf débats. Les inscriptions de la dame de Reyrolles furent
maintenues jusqu’à parfait payement, et il fut ordonné que ledit
jugement seroit CfxéCuté en la forme de l’ordonnance nonobstant
l’appel.
Cette dernière disposition donna lieu à la demoiselle Maigne de
hâter singulièrement son appel et ses poursuites. Impatiente de
jouir sans entraves, elle remontra à la cour que la douairière d’un
receveur général ne pouvoit vivre avec des saisies qui arrêtoient des
comptes extrêmement pressans, et que la trésorerie nationale la
pressait pour les rendre. L a co u r, par son arrêt provisoire du
24 floréal an i 3 , a fait défense d ’exécuter le jugement jusqu’à son
arrêt définitif.
L es parties sont aujourd’hui sur le point de faire juger le fond
de! la contestation, et la dame de Reyrolles attend sans inquiétude
une décision qui ne peut être que conforme à la morale et à la
justice.
M O Y E N S .
T o u te la défense de la demoiselle Maigne est fondée sur ce
paradoxe : L e mariage est une simple convention prhée; il peut
être détruit de gré à gré par un simple acte, qui supplée les formes
de la l o i , ou qui en dispense.
L a défense de la dame de Reyrolles est de dire, au contraire,
que le mariage est 1111 lien destiné à l’union de deux familles,
intéressant la société entière, et ne pouvant être dissous que dans
la rigueur des formes légales.
Sans doute la solution de ces deux systèmes est écrite dans le
�( '3 )
coeur de tous ceux qui n ’auront pas oublié ces principes immuables
qui résistent au fracas des révolutions et à l’éblouissement des
systèmes.
Ici il est constant qu’en 1774 la dame de Reyrolles a été mariée
avec toutes les solennités civiles et religieuses, et que son époux
n'est mort qu’en l'an 12. II s’agit donc d ’examiner si le mariage
a été légalement dissous par un divorce. Mais la 4 iiiiiiJLi,lhr,R li.jr
waïUiii» oppose des fins de non-recevoir, qu’il faut examiner; et ses
prétentions donnent lieu aux questions suivantes : i°. L a dame
de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité de son divorce
après la mort de son m ari, et malgré la loi du 26 germinal an
onze ? 2*. A u f o n d , le divorce opposé est-il valable ? 5*. Si ce
divorce n’ a pas été valable , a-t-il pu néanmoins être validé par
la convention particulière de la dame de Reyrolles?
P n E M i È n E
Q
u e s t i o n
.
L a dame de Reyrolles est-elle recevable à demander la nullité
de son divorce après la mort de son m ari, et malgré la loi
du 26 germinal an 11 ?
Sur quoi donc seroit fondée la première fin de non-recevoir?
sur une loi romaine? mais elle ne s’applique pas : ne de statu
drfunctorum post quinquennium queratur. Ici le sieur de Reyrolles
est mort en l’an 12, et il ne s’e6t pas même écoulé six mois de son
décès à la demande.
C ’est encore moins le Code civil qui favoriseroit la d e m o i s e ll e
Maigne. L ’article 188 porte que « l’époux au préjudice d u q u e l a
» été contracté un second mariage, peut en demander la nullité ,
» du vivant même de l’époux qui étoit engagé avec lui. »
L a loi ne permet donc de se pourvoir avant la mort de 1époux,
qu’à titre de g r ic e ; et il semble, par ses expressions, que c’est a
regret qu’elle y a consenti : elle laisse entrevoir le conseil de ne pas
user de cc consentement ; et ce mot mdme, q u i‘semble pour ainsi
�(
dire échappé à la plume du législateur, est cependant de la plus
grande moralité.
Q u’est-ce en effet qu’une demande de ce genre, formée par l’é*
poux abandonné contre l’époux coupable, si ce n'est une espèce de
dénonciation ouvrant le champ le plus vaste à la discorde, et ren
dant désormais toute réconciliation impossible?
Est^ejum^foible épouse qui, du vivant de son mari, osera l’ap
peler devant les tribunaux pour lui dire : Je veux qu’on vous oblige
à me rester fidèle? Mais si une seule fois peut-être, dans l’anti
quité, la sensible Hypparette a reconquis par un appel en justice,
1
4
)
la tendresse du plus infidèle des époux, combien d’autres s'indigneroient d ’être ainsi troublés dans leurs affections, et vengeroient
leur amour propre par un abandon plus éternel! Car les hommes,
qui font les institutions, n’ont créé que la puissance maritale; et
quels que soient les dons que le sexe ait reçus de la nature en dé
dommagement de sa foiblesse, ce pouvoir d’équilibre n'est plus
qu’une divinité imaginaire, quand les premières affections ont perdu
leur prestige, Malheur donc à l’épouse inconsidérée qui tenteroit do
proclamer son qbandon et de chercher son époux jusque dans les
bras d ’une rivale!
Il est bien plus dans l’ordre qu’une femme prudente ferme les
yeux sur les torts de son époux, et qu’elle tolère son infidélité pour
espérer son inconstance : le même caprice qui l’a éloigné du lit
conjugal peut l’y ramener repentant et fidèle. L e lien sacré du
mariage est comme l ’amour de la patrie. Cunctos ducit, et im-
memores non sinit esse sui.
T o u t devoit faire penser à la dame de Reyrolles que son goût
pour la demoiselle Maigne ne devoit être qu’éphémère : leur ha
bitation séparée , une haine qu’ils ne dissirnuloient plus, annoncoient une rupture prochaine; et sans les difficultés que le Code
civil a ajoutées au divorce, il est notoire que le sieur de Reyrolles
auroit vaincu la répugnance de divorcer une seconde fois, car il
ne cachoit à personne qu’il n ’étoit retenu que par cette considéra
tion. (^uoi rju’il en soit, la dame de Reyrolles a fajt ce qu’elle
�( i5 )
devoit faire; tant qu’elle a eu de l’espoir, elle a gardé le silence;
et quand la mort ne lui a plus présenté qu’une étrangère à pour
suivre, elle a réclamé ses droits.
r
L a demoiselle Maigne n’est pas le premier héritier qui ait op
posé que la nullité d’un divorce ne pouvoit pas être demandée contre
lui. Mais la cour de cassation a décidé le contraire par arrêt du
14 vendémiaire an 10.
L a deuxième fin de non-recevoir n ’a pas même le mérite de
fonder un raisonnement sur le bon sens.
Parce que la loi transitoire du 26 germinal a dit : Tous divorces
prononcés, etc., auront leurs effets, on en a conclu qu’à compter
de cette loi il n ’étoit plus possible d ’attaquer les précédens divorces.
C ’est-à-dire que si la veille de la loi nouvelle un divorce avoit
été prononcé sans aucunes épreuves, les époux n ’en seroient pas
moins séparés à jamais; et c ’est ainsi qu'on fait l'injure au légis-'
Iateur de lui prêter des pensées irréfléchies et monstrueuses.
M ais la demoiselle M aigne n ’a réussi à se faire un moyen de la
loi du 26 germinal q u ’en tronquant entièrem ent l’ article invoqué.
« T o u s divorces prononcés par des officiers de l’état c iv il, ou
» autorisés par jugement, avant la publication du titre du Code
» civil relatif au divorce, auront leurs effets conformément aux
» lois qui existoient avant cette publication . »
Ainsi le législateur n’a pas commis la faute de valider ce qui étoit
nul, il a au contraire déclaré ne valider que ce que la loi existante
lors du divorce approuvoit expressément. Incivile erat, nisi tota
lege perspectd, judicare. Maintenant que l’article entier est rétabli,
l’objection de la demoiselle Maigne se rétorque contre elle.
D
e u x i è m e
Q
u e s t i o n
.
L e divorce du 28 ju illet 1793 e s t - i l valable l
Comment le seroit-il? il y en a trois dans un seul.
Ces trois espèces de divorces exigeoient trois sortes d’épreuves et
�( i 6 )
de procédures. L e sieur de R eyrolles, plus pressé qu’il ne devoit
l ’être, amalgama t o u t , et interrompit au milieu de son cours une
première procédure, pour lui en substituer une seconde qui ne s’y
allioit pas.
L a nature de toute procédure se fixe irrévocablement par la
demande introductivo. Le sieur de Reyrolles K par son exploit ori
ginaire du 24 niai 1793, avoit formé demande en divorce, soit
pour absence depuis neuf ans, soit pour incompatibilité d’ humeur
et de caractère. Cependant le divorce est prononcé sous prétexte
de consentement mutuel.
L e divorce pouvoil être demandé, comme cause déterminée pour
absence pendant cinq ans sans nouvelles , ou pour abandon pen
dant deux ans. ( 2'. loi du 20 septembre 1793, § . 1 , art. 4* )
Si le sieur de Reyrolles eût voulu un divorce pour absence pen«
dant cinq ans sans nouvelles, il lui falloit pour première pièce
un acte de notoriété constatant cette longue absence ( § . 2, art. 17):
mais sa femme étoit près de lui le 24 mai 1793.
S ’il eût voulu un divorce pour abandon pendant deux ans , il
falloit assigner sa femme devant un tribunal de famille ( art. 18 ) ,
parce que le fait d’abandon com por toit une défense justificative.
O r , il étoit constant que la dame de Reyrolles n ’étoit allée à
Limoges qu’avec l’agrément de son mari , qu’elle y recevoit ses
lettres et une pension annuelle. Mais ce n’est pas pour abandon que
le sieur de Reyrolles demanda le divorce : l'exploit n’en dit rien.
. Pour incompatibilité d’hum eur, le sieur de Reyrolles avoit aa
marche tracée d’une manière positive.
« 11 çonvoquera une première assemblée de parens, ou d’amis à
» défaut de parens , laquelle ne pourra avoir lieu qu’un mois après
» la convocation. ( § » 2 , art. 8. )
» La convocation sera faite par l’un des officiers municipaux....
« L ’acte en sera signifié à l’époux défendeur. ( A rt. 9. )
» Si la conciliation n ’a pas lieu ,
1assemblée se prorogera à deux
» mois , et les époux, y seront ajournés. A l’expiration des deux
» m o is.-., si les représentations 11c peuvent encore concilier les
époux,
�( 17 )
» époux ,* l'assemblée sc prorogera à trois mois. ( A rt. 10 et i i . )
» Si à la troisième séance le provoquant persiste, acte en sera
». dressé. 11 lui en sera délivré expédition , qu’il fera signifier à
» l’époux défendeur. ».( A rt. 12. )
L e sieur de Reyrolles provoqua un divorce le 24 m ai, sans acte
de convocation d ’un officier municipal.
11 ne nomma point de parens; il indiqua seulement des a m is,
sans même exprimer que ce fût à défaut de parens.
L a première assemblée eut lieu le 27 juin 1793* H en fut dressé
acte; mais aucune signification n ’a été faite à la dame de R e y ro lles, parce que les moteurs craignoient que dans l’intervalle les
choses fussent pacifiées.
' '
Il n ’y a ainsi pas eu de divorce pour incompatibilité d’humeur,
pas plus que pour absence.
* C e serôit donc un divorce par consentement mutuel qu’il faudroit valider.
M ais l’actc p rim itif y est un obstacle perpétuel ; on veut cepen
dant que les actes qui suivent aient c o r r e e cette première procédure.
L a loi en exigeoit une absolument différente.
« Le mari et la femme qui demanderont conjointement le di» vorce, seront tenus de convoquer une assemblée de six au moins
» des plus proches parens, ou d’amis à défaut de parens. ( §• 2 ,
art. I er. )
» L ’assemblée sera convoquée à jour fixe et lieu convenu avec
h
les parens ou a m is .. . • L acte de convocation sera signifié par
» un huissier aux parens ou amis convoqués. ( A r t . 2 .)
» Les deux époux sc présenteront en personne à l’assemblée; ils
» y exposeront qu’ils demandent le divorce. » ( Art. 4. )
Le but de la loi se remarque assez par la différence des actes
préliminaires.
L incompatibilité pouvoit n ’avoir lieu que de la part d un époux;»
la procédure devoit donc avoir des formes liosliles ¡ c est pourquoi
la convocation devoit être réglée par un olficicr municipal , et un
C
�}
huissier clevoit sommer l’époux défendeur de concourir à la forma
tion de l’assemblée , et d ’y comparoitre.
Mais le divorce par consentement mutuel supposoit de la part
des époux un accord préalable né d’une égale satiété de vivre
ensemble. L a loi vouloit donc la preuve évidente qu’ils avoient
un désir unanime de mettre fin à une cohabitation insupportable;
et de là vient que, pour éprouver l’uniformité de cette vocation,
la loi exigeoit une simultanéité dans les démarches.
A in si, bien loin de se signifier par huissier une nomination de
parens , et par actes séparés , ce qui marqueroit une provocation ,
la loi a voulu que le mari et la femme indiquassent ensemble les
(
1
8
parens, en les choisissant par moitié; ellea voulu qu’ilsdemandassent
le divorce conjointement : ce qui exprime avec clarté que la loi ne
veut ni demandeur ni défendeur.
L a demoiselle Maigne objectera-t-elle que le but est également
rempli quand l’un des époux a requis le divorce et que l’autre y a
consenti ? Mais voilà une provocation , voilà un défendeur en
divorce : ce n’est plus une demande conjointe , et l’intention de la
loi est manquée.
Souvent l’incompatibilité d’humeur pouvoit être égale; mais la
moralité de l’un des époux peut répugner à un remède désiré
par l’autre. T e l époux ne se résoudroit jamais à vouloir le di
vorce , q u i , provoqué par une demande, trouve dans sa fierté une
adhésion qui n’étoit pas dans son cœur ; sa répugnance est vaincue
par l’idée que la loi ne lui a offert aucun moyen de résister à l’at
taque, et, dans son accord même, son opinion est soulagée en se
disant qu’il n ’a point été le provocateur.
Mais pourquoi chercher l’intention de la loi quand elle est claire?
Non omnium quœ à majoribus constituía sunt ratio reddi potes t.
Il est encore un principe bien constant en fait de lois rigoureuses,
c ’est que toutes les formalités doivent être suivies à la lettre sous
peine de nullité ; et la loi du l\ germinal an 2 a étendu cette peine
à l'inobservation des formes prescrites par toutes les lois rendues
depuis 1789.
�( 19 )
,
• C e serolt donc s’abuser étrangement que de voir dans la procé
dure qui a précédé le divorce prononcé le 28 juillet 1793, les actes
préliminaires d ’un divorce par consentement mutuel.
Non-seulement cette procédure n ’est pas conforme à la lo i,
mais le sieur de Reyrolles a donné un autre nom au divorce par
lui demandé. Il a requis seul le divorce ; et si sa femme a répondu
par un second acte qu’il n’avoit fait que prévenir ses intentions,
elle n ’a pas pour cela changé la nature d’une demande, tellement
indélébile qu’elle ne comportoit ni opposition , ni d ébats, ni ju
gement.
Lors de l’assemblée, la dame de Reyrolles ne parolt encore que
pour répondre ; elle ne requiert pas lo divorce, elle veut seulement
suivre la volonté de son mari. A u lieu de demander conjointement
le divorce, elle donne les mains à la demande, ¿¿son m a r i y persiste.
Alors le mari persiste ; donc c’est lui seul qui veut le divorce ,
c ’est lui seul qui le provoque et qui le consomme.
V o ilà cependant ce que l’officier, public , dans l’oubli de ses
devoirs , a reçu com m e les épreuves suffisantes d ’ün divorce.
Un divorce commencé pour incompatibilité d ’humeur exigeoit
une foule d’actes et de longs délais ; cet officier public s’est contenté
d ’un seul acte et de trente-trois jours de délai.
C ’est donc ainsi que la sainteté du mariage auroit été mise à la
merci de l’arbitraire ou du caprice, pour ne rien dire de plus.
Mais il seroit insensé de justifier cette procédure dans ses délais
etdanssa iorme; elle a péché encore par une irrégularité non moins
grande. L e sieur de Reyrolles semble avoir voulu esquiver les repré
sentations de sa famille, car il n ’a appelé aucun'de ses parens ù
son divorce.
Ici encore la loi a marqué entre les deux procédures 'une dif
férence notable, l'our l’incompatibilité d ’humeur , il suffisoit de
parens ou amis ; mais pour le consentement m utuel, la loi a voulu
la convocation des plus proches parens.
S i , comme veut le dire la demoiselle Maigne , il eut été égal
d avoir des amis , c’étoit inutilement que la loi étoit plus exigeante
C a
�pour le consentement mutuel. Mais , sans raisonner plus long-temps
sur un point déjà trop évident , il suffit de remarquer que la loi
ne vouloit des amis q u ’à défaut de parens.
Oscroit-on supposer qu’à Brioude le sieur de Reyrolles n ’avoit
pas de parens? cela est aisé à démentir : mais si cela eût été
vrai, il falloit au moins l’exprimer. T o u t acte de formalité doit por
ter avec lui-même la preuve que cette formalité a été remplie. Déjà
la cour d’appel, dans une cause sem blable, a annullé un divorce
entre des liabitans deRiorn , par arrêt du 26 pluviôse an 10 , sur le
m o tif que les actes n ’exprimoient pas que des amis n ’eussent été
appelés qu’à défaut de parens.
Que signifie même cet acte si précipité, qu’on dénomme si impro
prement un acte de divorce? L ’officier public, de sa pleine puissance,
y dissout un contrat de mariage passé devant Couguet et Hêraud ,
notaires , le 7 novembre 1774* Mais jamais on n ’a ouï dire que ce
fût le contrat notarié qui donnât l’état civil aux époux, et consti
tuât le mariage. A vant 1792, l’église donnoit tout à la fois l’état
civil et le sacrement ; le mariage ne tenoit son essence que de la
célébration. Or , ce n’est pas l’acte de célébration du 8 novembre
qui a été dissous, mais un simple contrat privé, réglant des affaires
d ’intérêt, et totalement incapable d ’opérer un mariage.
Enfin , la loi du 20 septembre a exigé que « tous actes de divorce
» fussent sujets aux mêmes formalités d’enregistrement et de publi» cation que Pétoient les jugemens de séparation » ( §. 5 , art. 1 1 . )
Or , le divorce opposé ne paroit pas même avoir été enregistré.
On a voit objecté à la dame de Reyrolles qu’elle-même avoit assigné
pour la prononciation du divorce. Elle ignore si aucun exploit
existe, car elle n’en a jamais donné l’ordre ; niais, quand on supposeroitlc contraire, prétendroit-on sérieusement qu’une défende
resse en divorce a pu provoquer a son tour un divorce par con
sentement mutuel ?
U n exploit après le changement de formalités auroit rétabli la
procédure pour incompatibilité d ’humeur , et cet exploit même
seroit une nullité de plus.
�( 21 )
T
r o i s i è m e
Q
u e s t i o n
.
S i le divorce n’a pas été valable, a-t-il pu néanmoins être validé
par une convention particulière de la dame de Reyrolles ?
Un contrat qui n ’intéresse que les deux parties peut sans doute
ne dépendre que d ’elles seules, et alors il est rompu aussitôt quelles
en ont exprimé la volonté.
Mais un contrat qui intéresse la société entière ne peut se dis
soudre que par des actes publics et authentiques, et dans les formes
rigoureusement exigées. Cette différence est sensible, et tient à la
nature du contrat de mariage.
Oser dire qu’il est un simple contrat privé n ’est qu’une hérésie
insoutenable; èlle est condamnée par toutes nos lois; et les R o
mains eux-mêmes, qui cependant admetloient la répudiation et le
divorce, nous ont transmis les idées grandes et nobles qu’ils avoient
sur l ’ i m p o r t a n c e du m a r i a g e .
« Parmi toutes les institutions humaines, a dit Justinien , rien
» n ’est si sacré et si important que le mariage, car c’est par lui que
w se forme la suite des générations; c’est par lui que se peuplent
» les régions et que les cités fleurissent : il est le conservateur de
» la république et la source de sa prospérité. »
N ih il in rebus mortalibus perindè venerandum est atque matrimonium : quippeex quo liberi, omnisquedeinceps sobolis sériés
ex istâ t, quod regiones atque chutâtes frequenter reddat, undè
denique reipublicœ coaugmentatio fia t. ( N ovell . i/fo. )
T o u t ce qui tenoit au mariage participoit chez les Romains de
cette considération. Les dots étoient aussi considérées comme objet
d ’intérêt public : Reipublicœ interest dotes mulierurn salvas esse.
L e divorce avoit aussi mérité l’attention du législateur; il en
déterminent les formes, et exigeoit l’avis de la famille et la présence
de sept témoins, afin que leur nombre, leur influence et leurs re
présentations fussent un frein à la rupture du mariage. (Jf. D e
tüvorli'us et répudias. )
�(
2
2
)
Et si les formes n ’étoient pas exactement suivies, le divorce étoit
radicalement nul : Nullurn divortium ratum est. ( L . g. eod. )
Quand cette nullité n ’auroit pas été textuelle, elle eût été pro
noncée par la loi qui portoit que toutes les conventions faites contre
le droit civ il, contra juris civilis régulas, étoient nulles de plein
droit, et ne produisoient aucune action. (/ ,. 28, f f . D e pactis.)
O r, il n ’étoit pas douteux que la forme de dissolution du mariage
ne fut réglée par le droit civil : Jure civili dissolvere solet rnatrimonium. ( L . n , ff. D e divort. et rep. )
D ’autres lois disent expressément que tout ce qui tient à l’état
des hommes n ’est pas en leur pouvoir, parce qu’on ne peut changer
la condition des personnes : Status hominis v el conditio personarum mutari non potes t. ( L . libéras , c. D e lib. c , )
Sans doute ces principes suffiroient pour établir qu’un divorce
n ’est pas susceptible d’être validé par des conventions particulières;
et il résisteroit d’ailleurs au bon sens que la loi eut exigé des formes
rigoureuses, et que cependant elle eût permis aux époux de s’en
' dispenser indirectement.
Mais la loi, après avoir exprimé scrupuleusement les formes à suivre
pour le divorce, avolt aussi prévu que des époux trop peu attachés
à son observation pourrolentse permettre des traités pour valider ce
qu’elle ne valide pas; et, par une prévoyance très-conséquente, elle
repousse ces conventions illégales, et les déclare radicalement nulles.
Pactiones sanè si quee adversus prœsentia scita nostree majestatis fierin t attentatœ , tanquam legibus contrarias nullani habere 'volumus Jirmitatem. ( L . 8 , code D e repudiis. )
Ainsi la question est diserlement jugée par la loi elle-même.
Si un divorce n ’a pas été légalement fa it, les époux ne peuvent
ensuite le valider par aucune convention.
Sans doute la demoiselle Maigne ne prétendra pas que ces prin
cipes soient combattus par aucune loi française. On demande,
«lit Vinnlus, s’il est permis de transiger sur la validité des mariages:
oui, répond-il, s’il s’agit de valider le mariage : Ut sponsa rnaneal sponsa, placeù tratisciclionem valcre; mais la transaction est
�C 23 )
absolument nulle, s’il s’agit de relâcher le lien du mariage. ( Vînn,
D e trons. )
L a demoiselle Maigne opposera-t-elle la loi du 20 septembre
1792. Mais quelle que fut l’opinion du temps, elle n ’y trouvera
rien de favorable à son système. « L a dissolubilité spontanée du
» mariage, disoit le rapporteur de celte l o i , la liberté d’en con» tracter un second , après 1111 premier qui ne seroit pas légalement
» rompu , seroit une liberté immorale et impolitique. »
Aussi la loi du 20 septembre s’exprime-t-elle d ’une manière trèsconforme aux principes enseignés par les lois romaines.
« L e mariage est dissous par le divorce légalement prononcé.
» Les époux ne peuvent contracter un second mariage qu’après
» que le premier aura été dissous conformément aux lois. »
Que la demoiselle Maigne ne se dissimule pas toute la force de
l’expression ne peuvent. Toutes les fois, dit Dumoulin , qu’elle se
trouve dans les lois de rigueur, elle marque la plus forte des prohi
bitions ; elle ôte la puissance de droit et de fait , et a le même
résultat que l’impossibilité absolue.
11 en résulte donc que la demoiselle Maigne n ’a jamais pu être
l’épouse du sieur de R e y ro lle s, dès que son divorce n ’a pas été
fait conformément aux lois.
L e Code civil répète ces dispositions de la loi du 20 septembre.
Rien n’est plus cla ir, et il est difficile d ’y voir que si le divorce
n ’est pas légalement prononcé, on pourra dissoudre le mariage par
des conventions particulières.
D ’ailleurs, suivant le Code c iv il, il faut pour la validité d ’une
convention , .i*. la capacité de contracter, 2“. une cause licite dans
l ’obligation. ( Art. 1108. ) O r , suivant l’art. 1124, la femme mariée
est incapable de contracter elle-même ; e t , d ’après l'art. 1 153, la
cause est illicite quand elle est prohibée par la l o i , ou contraire u
l’ordre public.
Se départir de son état civil est sans doute la plus grande dis
position qu’une iemine mariée puisse faire; et cependant elle n’a
pas la capacité de faire des dispositions bien moindres. Comment
�( H )
\
traiteroit-elle librement avec son m a r i , à qui elle doit obéissance,
et qu’elle est obligée de suivre partout où il juge à propos de ré
sider ? ( A rt. 2 i 5 et 214* )
L e mari lui-même , clief de la puissance maritale , ne peut y
déroger et s’en départir par une convention. ( A rt. i 388. ) Com
ment donc concevoir que le mariage soit dépendant d ’une transac
tion , quand la puissance maritale n ’en seroit pas susceptible, elle
qui n ’est cependant qu’un effet ou une émanation du mariage?
Jusqu’ici la dame de Rej'rolles a supposé un traité sur la vali
dité de son divorce; e t , dans ce cas m êm e, il est évident qu’un
traité seroit nul : mais il n ’en existe d ’aucune espèce ; et ce que la
demoiselle Maigne appelle à son secours , est seulement une appro
bation du divorce , résultante du traité de l’an 5 et de quelques^,
exploits.
L a dame de Reyrollcs, objecte la demoiselle M a ign e, s’est donnée
plusieurs fois la qualité de femme divorcée: donc elle a approuvé,
elle a ratifié, elle a validé son acte de divorce.
C e qu’on n ’oseroit pas dire pour l’acte du plus mince intérêt, la
demoiselle Maigne le propose avec assurance pour une dissolution
de mariage.
Mais peut-on s’imprimer une qualité qu’on n’a p a s , et perdre
par un seul mot son état civil ? U n mineur cesse-t-il de l’être en
se disant majeur? et un époux, en se disant veuf, cesseroit-il d ’être
engagé dans les liens du mariage?
L ’exécution d ’un acte n u l , dit M . Cochin dans son 37*. plai
doyer , n ’en a jamais opéré la ratification ; c a r , dans les cas où
la loi donne dix ans pour réclamer , si chaque acte d ’exécution
opère une ratification , il faudroit dire que la loi n’a accordé aucun
délai ; et au contraire tout le monde sait qu’il ne faut considérer que
l ’acte n u l , et compter pour rien son exécution.
D e même , la dame de Reyrollcs ayant coopéré par sa signature
à un premier acte n u l, c ’est-à-dire , à son divorce, tout ce qu’elle
a fait ensuite n’en a été que 1 exécution.
11 falloit qu’elle réclamât ou exécutât. M ais, étant en puissance
maritale ,
�( *5 )
m aritale, elle avoit au moins dix ans pour réclamer à compter du
dccès de son mari : jusque-là elle étoit donc forcée d’exécuter un
divorce nul , car son intérêt n’étoit pas de réclamer, de peur que
son mari ne divorçât une seconde fois plus régulièrement.
Sans doute la restitution de sa dot étoit la première exécution
du divorce ; et on a \u comment elle fut forcée par des offres à
traiter pour ce que voulut le sieur de Reyrolles. L e compte d’ins
truction qu’il lui devoit comme mandataire, pour avoir touché des
droits successifs inconnus, exigeoit d’après les lois un détail qu’il n’a
pas donné; et quand cette partie de la cause , pendante encore de
vant les premiers juges , sera remise en discussion , la dame de
Reyrolles prouvera l’abus évident de la puissance maritale, et le
tort considérable qui lui a été fait.
L a dame de Reyrolles n’a point traité sur son divorce : elle n ’a
fait que l'exécuter par contrainte. Pour exister , elle fut obligée de
former quelques demandes ; et sans doute pour la régularité des
exploits , ne pouvant se dire autorisée du sieur de Reyrolles, elle
étoit forcée de se dire divorcée pour recevoir ce qu’elle deinandoit.
Mais toutes les fois que cette qualité n’étoit pas de forme néces
saire, la dame de Reyrolles s’abstenoit de la prendre; elle peut
représenter plus de soixante actes où elle ne se l’est pas donnée;
elle a même prouvé, par les registres de son m a r i , qu’il n ’a pas
cessé de lui donner par écrit le nom de Florat-Reyrolles après le
prétendu divorce.
L ’exécution d ’un acte n u l, on le répète , n ’a jamais produit une
ratification ; et le Code civil a fait aujourd’hui une loi du célèbre
passage de Dumoulin sur cette matière. « L a ratification d ’une
« obligation contre laquelle la loi admet l’action en nullité ou en
» rescision , n ’est valable que lorsqu’on y trouve la substance de
» cette obligation , la mention du m otif de l’action en rescision,
» et l’intention de réparer le vice sur lequel celte action est fondée. »
( Art. i 558. )
Une donation nulle ne peut même être ratifiée : il faut la refaire
çn forme légale, ( A r t . 1559. ) Un divorce auroil-il moins intéressé
D
�( 26 )
le législateur? et pensera-t-on qu'il fut plutôt susceptible d’une
simple ratification ?
La jurisprudence ne s’est jamais écartée de ces principes. Un
jugement a été cassé le 25 messidor an 4> parce que des quittances
données en viduité avoient été réputées ratification d ’une vente de
bien dotal en coutume d ’Auvergne, « attendu que les formalités
» n’ ont pas été remplies, et que Vexécution pendant plusieurs
» années du traité du ...... n’a pu valider un acte nul dans son
» principe. »
Cependant la demoiselle Maigne insiste, et il lui semble que tous
les principes qu’on vient de lui rappeler ont été renverses par un
arrêt récent de la cour de cassation, qui a jugé en thèse, dit-elle,
que le mariage et le divorce ne sont plus des contrats d ’ordre public,
et qu’on est non recevable à demander la nullité d’un divorce quand
on l’a approuvé par des actes subséquens.
Mais ce n ’est là qu’une calomnie de la demoiselle Maigne contre
la cour de cassation , qui ne peut être sérieusement accusée d ’un
tel paradoxe. Il n’étoit question devant tille que d ’un divorce va
lable, d è s-lo rs la cause n’est plus la même.
Cependant un arrêt de cassation est une arme trop puissante
pour qu’il suffise de ne se défendre contr’elle qu’avec celte seule in
dication. L a dame de Reyrolles va en rappeler l’espèce précise, et
il sera aisé de voir que la demoiselle Maigne a voulu seulement
abuser de quelques expressions fugitives et ambiguës d'un arrêt de
circonstance.
« L e sieur Boehler, après avoir reconnu dans plusieurs contrats
» la validité du divorce obtenu par sa fem m e, avoit cependant
» tenté de le faire annuller par justice.
» Celle-ci, en repoussant les nullités, opposoit d ’ailleurs et pé» rcmptoireinent que son ci-devant mari étoit non recevable,
» attendu qu’il avoit reconnu la validité du divorce.
» Arrêt de la cour d ’appel séante ù I rêves, qui admet la fin de
» non-recevoir ; attendu que les moyens de nullité étoient sans
» fondement ; et encore, attendü que le mari a pu et voulu renoncer
�C 2 7 )*
» au droit q u ’il avoit de contester les effets civils du divorce de son
» épouse.
:» Pourvoi en cassation, pour contravention à l’article G du Code
» civil.
» L e demandeur soutenoit qu’une convention tendante à faire
» valoir un acte de divorce n u l , seroit contraire à l’ordre public
» et aux bonnes mœurs ; qu’ainsi, en supposant le fait de recon» noissance ou consentement par le m ari, la cour d’appel n’auroit
» pu conclure, en point de d ro it, que par la force de celte con» vention le divorce fût devenu inattaquable.
» A h k ê t . — A ttendu q u ’en ajoutant à la considération de la non
» application des lois invoquées par le demandeur aux actes par
» lui attaqués, celle de l’ approbation par lui donnée à la régularité
» de ces actes, et mêm e celle de la reconnoissance par lui faite dans
» d ’autres actes publics de sa qualité Ac fem m e divorcée, à celle
»
»
»
»
qui a fait prononcer le divorce
pas viole l ’art. G du C ode civil,
des conventions particulières à
m œ urs, et bornant sa défense à
d ’avec l u i , la cour d ’appel n ’a
q u i , défendant de déroger par
Vordre public et auoc bonnçs
ce qui concerne ces objets d ’in-
» térêt public, a voulu permettre l’effet des reconnoissances et celui
» des transactions sur F intérêt civ il et privé; ce qu’ il a formelle» ment exprimé dans Fart. 2046, et ce que la loi transitoire de
» floréal an 11 a spécialement appliqué au divorce.
» La cour rejette.
» D u 24 pluviôse an i 3. — Section des requêtes. >/
( S ir e r , an i 3 , pag. 2 2 3 . )
Combien de différences notables entre cet arrêt et la cause!
Apres un divorce demandé et oblenu par une fem m e, c’est le
mari qui, n’élant sous la puissance de personne, fait des conven
tions sur ce divorce.
11 traite librement; il n’est pas incapable.
11 traite sur les intérêts civils du divorce.
11 ne traite pas seulement sur la suite du divorce, mais il recou*
nott par plusieurs actes la v a lid ité du divorce.
D 2
�( 28 >
En plaidant, il ne peut pas même prouver que le divorce ait été
nul d ’aucune nullité.
L a cour d ’appel en effet ne se décide que par ce motif.
En cassation, l’époux n’essaye pas même encore de prétendre que
son divorce est n u l , et il se borne à une dissertation polémique
sur l’effet de la ratification qu’il a donnée.
Ainsi la position de la question n’étoit pas de savoir s’il avoit
pu transiger sur un divorce n u l, mais s’il pouvoit faire rescinder
un traité relatif aux intérêts civils, par cela seul qu’il avoit aussi
transigé sur la validité du divorce.
C ’est donc encore le fait qui a décidé la cour de cassation ; et
si ses motifs donnent à méditer sur leur sens, il n’en résulte qu’une
plus grantîe conviction qu’elle a clairement distingué ce qui tenoit
â l’ ordre public et à Uintérdt civil et privé, et qu’elle ne s’est dé
cidée à juger aussi le sieur Boehler non recevable, qu’en ce que, le
divorce étant valable, ses traités étoient étrangers à l’ordre public.
L e m o tif pris de l’art. 2046 du Code le prouve. 11 porte qu’on
peut traiter sur l’intérêt privé résultant d ’un délit. On n ’est donc
pas libre de traiter aussi pour l'intérêt de la société.
E t comme une femme ne peut pas être épouse respectivement
au corps social, et divorcée pour sa famille et pour elle-même,
il en résulte qu’elle peut bien traiter pour son intérêt privé, mais
seulement après que l’ ordre social n’ a plus d’ irite'rét; c’est-à-dire,
quand son divorce a été consommé conformément aux lois.
L ’arrêt de cassation est donc birn loin d’être favorable à la de
moiselle M aigne, qui ne peut pas exciper d’un divorce légal, après
lequel sans doute la dame de Reyrolles eût pu traiter sur les intérêts
civils résultans de son mariage.
L a demoiselle M a ig n e , en citant cet a rrê t, a prétendu, avec
le rédacteur, que l’article G du titre préliminaire du Code ne porte
qu’une prohibition obscure et incertaine, qui ne peut s’appliquer
à la cause, parce que les traités sur les divorces ne sont pas d’ordre
public.
11 est vrai que ce rédacteur propose cette obscurité, seulement
�( 29 )
comme un doute; mais il termine de manière à prouver qu’il ne
s’est pas décidé comme la demoiselle Maigne l’entend.
Cependant sa première application semble fautive; car en rédui
sant la définition d’ordre public à ce qui concerne l’état de la
république, quodadstatum reipublicœ pertinet, il n’a pas remar
qué que l’expression jus publicum étoit alternativement employée
par les lois romaines pour le droit public et pour l’ ordre public;
ce qui comporte encore une nuance nécessaire à distinguer, comme
on peut le prouver par des exemples.
Lorsqu’avant les novelles , la défense de distraire la falcidie
' n ’étoit pas permise, si un testateur avoit voulu en prescrire la dis
traction , à peine par son héritier de payer une somme aux léga
taires, celte disposition étoit déclarée nulle, comme contraire au
droit public , et toute action étoit déniée aux légataires (i)***
Cependant une telle nullité n’intéressoit aucunement l’ état de la
république.
S i en d o n n a n t la d o t au mari o n a v o i t s t i p u lé q u ’il ne c o n t r i bueroit pas aux frais d’inhumalion que la loi mettoit à la charge
de la dot, celui qui avoit payé ces frais n ’en avoit pas moins une
action en répétition contre le mari, et il ne pouvoit pas opposer sa
stipulation , parce que la loi la déclaroit nulle et attentatoire au
droit public (2)... Cependant encore l'état de la république ctoit
fort étranger à cette convention.
( 1 ) Fratercum haredem sororem scriberet, et alinm ab e à , cu i dona lum v o le b a t , stipulari curavit ne fa lc id ia uteretur , et ut certain pecun ia m , si con tri J e c is s e l , p restare , privatorum cautione h'gibus non esse
refragandimi con stilit : et ideo sororem j u r e l ' U i u . i c o retenlione/n habi turam , et actionem e x stipulatit denegandam. ( L . i 5 ,/ f. A d leg. fa te . )
(2) N rra tiu s quecrit s i is fju i dole/n d ed era t prò m uliere , stip u la tu s
est.... iVe q u id m aritus in fttnus c o n ferr et, an Ju neriim i m aritus teneaiur?
e t a it... S i a lia s fu n era v it, posse e uni m aritum convenire, quia p a cto h oc
/us i*u b licu m in ftin g i non p o ssit. ( L . 20 ,/ / . D o relig. et sum pt. )
�( 30 )
Ces dispositions n ’étoient donc que d ’ordre public, et la loi no
vouloit pas qu’elles pussent être éludées par des conventions par
ticulières. Comment donc seroit-il proposable de supposer à -la
prohibition de dissoudre le mariage, un moindre intérêt d ’ordre
public? et au lieu de se jeter dans l'application vague de la loi 6 ,
cod. D e pa rtis, et de l’art. 6 du C o d e, comment ne pas trouver
une nullité radicale aux divorces faits sans toutes les formalités,
quand la loi a dit : Nullum ratum est divortium, nisi , etc.? com
ment ne pas trouver une nullité radicale dans les conventions sur
les divorces, quand la loi a dit : Pactiones nullam habere 'volumus
Jirmitatem, lanquani legibus contrarias? enfin, comment ne pas
voir une disposition prohibitive et irritante dans la loi du 20 sep
tembre, quand elle dit qu’un second mariage ne peut être contracté
qu’après un divorce légal ?
Quand les lois sont si claires, comment seroit-il possible de
penser qu’une femme, à qui un divorce illégal n ’a pas ôté la qua
lité de femme mariée, ait pu s’en priver elle-mêm e en se disant
divorcee, et en 11e transigeant pas même sur la validité du divorce
qu’on lui oppose?
Que reste-t-il donc à la demoiselle M aigne, si ce n ’est de faire
diversion h la cause par la naissance d’un enfant, survenue, dit-elle,
long-temps après le divorce? Mais d’abord elle est convenue que la
date donnée à cette naissance étoit une erreur. Que n’avouoit-elle
avec la même franchise les circonstances explicatives dont elle étoit
mieux informée encore. On verroit qu’un époux chancelant entre
une épouse et sa rivale, déterminé h fixer son irrésolution par un
retour à scs devoirs , en est tout h coup détourné par une séduc
tion toujours active ; habitare fa cit sterilem in domo , et la mère
d e s e s e n fans, repoussée comme une vile esclave, est obligée de céder
à une étrangère led honneurs du lit conjugal.
E li! qu’imporle à la demoiselle Maigne cette naissance; est-ce
bien à elle â scruter la conduite d ’une épouse ? Si cette conduite
étoit blimiable , cet adultère qu’elle proclame ne seroit-il pas
/
�( 3* )
son propre ouvrage? n’en porteroit - elle pas le poids éternel ?
Mais il ne s’agit point ici de la naissance d’un enfant ; il suffit
à la dame de Pieyrolles de déclarer qu’elle n’a point à en rougir,
et qu’elle est à même de présenter des témoignages non équivoques
pour sa justification. L e fait de celte naissance n’est ici employé
que comme moyen de la cau se, et parce que la qualité de femme
divorcée y est donnée à la dame de Reyrolles. Mais ne seroil-il
pas bizarre q u e , dans la commune où un divorce a été prononcé,
l ’officier public eût lui-même rendu à la femme la qualité d’épouse?
L ’objeclion est donc absolument nulle , et rentre d ’ailleurs dans la
discussion précédente , où elle trouve sa réponse.
Ainsi s’évanouissent tous les moyens de la demoiselle M aigne,
et se justifie la décision des premiers juges.
L e nom de veuve du sieur de Reyrolles lui est ô t é , mais il lui
en reste la fortune. L a dame de Reyrolles se borne à vouloir ce
qui lui appartient , d’après son contrat de mariage. N ’est-ce pas
assez q u ’elle s o i t r é d u i t e h le d e m a n d e r à la demoiselle Maigne ;
qu’après vingt-neuf ans de mariage elle ait quelque chose à lui
e n vier, et que le sort de l’une et de l’autre soit aujourd’hui si
différent ?
Une règle de droit a prévu ces caprices de la fo rtu n e ,et le vœu
du législateur n ’a pas balancé: M elius est favere repetitioni quam
adventitio lucro. L e sort des parties seroit écrit dans celte loi
seule , s’il n’étoit déjà réglé par des principes d’une plus haute
importance.
A u x yeux de la morale et de l’opinion, l’intimée ne cessera pas
d ’être la veuve de Reyrolles; elle le sera de même aux yeux de la
c o u r , puisque les lois ne répulent pas son mariage dissous. La
demoiselle Maigne ne laissant pas de postérité, il ne s’agit point
ici du danger d’ôter un état civil à des enfans nés dans la bonne
foi. Ainsi, les principes demeurent dans toute leur lorce , et ne
sont vaincus par aucune considération. L a demoiselle Maigne est
réduite à des fins de non-recevoir. Mais que signifient de misérables
�( 3 2)
subterfuges dans une cause de cette nature ? Les magistrats n’y
verront qu’un mariage ou un divorce, c ’e s t - à - d i r e , un objet
majeur et d ’ordre public. Alors disparoitront les personnes, l’in
térêt seul de la société sera mis en balance, et l’arrêt de la cour
sera tout à la fois une leçon de morale et un monument de juris
prudence.
Signé F L O R A T , veuve D E R E Y R O L L E S .
M°. D E L A P C H I E R , avocat.
M e C R O I Z I E R , licencié avoué.
A R IO M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d ’appel. — Frimaire an 1 4
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Couguet-Florat, Marguerite. An 14?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Croizier
Subject
The topic of the resource
divorces
remariage hâtif
nullité du mariage
Description
An account of the resource
Mémoire pour Marguerite Couguet-Florat, veuve du sieur de Reyrolles, intimée ; contre Catherine Maigne, se disant aussi veuve dudit sieur de Reyrolles, appelante.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 14
1774-Circa An 14
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0615
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0524
BCU_Factums_M0309
BCU_Factums_M0708
BCU_Factums_M0706
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Le Puy-en-Velay (43157)
Limoges (87085)
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nullité du mariage
remariage hâtif
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M
E
M
O
I
R
E
.
RECONNOISSANCE
DE
PATERNITÉ.
�COUR
D ’A P P E L
M
É
M
O
I
R
E
SÉANT
A RIOM.
P O UR
J a c q u e s C H A V E , appelant ;
C O N T R E
r
♦
Jeanne
V A L L A , et E l i s a b e t h F E R R IE R ,
sa fille y majeure, intimées.
' ’
L a recherche de la paternité est interdite , et c’est
dans nos mœurs un scandale de moins. Dans ce secret de
la nature , le législateur ne pouvoit que s’en rapporter à
la crédulité de l’h o m m e, ou se jeter dans le vague des
conjectures : le prem ier parti seul é toit juste; la loi l'adopte;
et aucun enfant naturel n’a le droit de nommer son père
que celui qui a v oulu se déclarer tel.
N ul acte ne doit donc être plus lé g a l, plus lib r e , que
cette déclaration. L e soupçon seul de contrainte est incom
•
A
�( o
patible avec elle ; car si elle n’est pas clairement l’effet
spontané de la réflexion , le but m oral de la loi n’existe
plus.
L ’appelant réclame contre l’oubli de ces principes, et se
place sous la protection de la c o u r, pour faire annuller un .
acte in fo rm e, auquel on l’a fait participer par la violence ;
il demande à n’être par forcé de reconnoître un enfant
qui ne fut jamais le sien.
Les premiers juges n’ont pas voulu admettre la preuve
qu’ il étoit à même d’offrir ; et si cette opinion pouvoit
p révaloir , il en résulteroit que , contre le vœu de la l o i,
un hoinme donnerait son nom m algré lui à un enfant
naturel y seroit contraint de prendre soin d’un étranger>
et de lui laisser sa succession.
;i a T : •
F A I T S .
Jeanne V a lla , et Elisabeth F errier, sa fille, habitent le
lieu de M a z e t, m airie de Cliambon. Leurs habitudes et
leurs mœurs étoient à peine connues de Jacques C have,.
qui demeure à la distance d’environ une lieue de leu r
dopiicile.
Son âg e, plus avancé même que celui de la m ère, ne lui:
eût donné aucun prétexte de se rapprocher delà fille. U n
séducteur à cheveux blancs est rare *, au village il ne connoît pas l'oisiveté qui nourrit les illusions, et la m onotonie
de ses travaux rustiques avance l’amortissement de ses
sensations, en occupant toute son existence.
j.
Ces femmes étoient donc absolument étrangères à Cha vc,.
lorsque tout d’un coup il s’est trouvé mêlé ¿1 leur destinée
�(3 )
par une de ces sourdes manœuvres que l’enfer seul peut
faire concevoir.
•
. U n matin à huit heures ( le 21 germinal an.9 ), Jacques
C h a v e , m alade, eàt brusquement arraché^ d^son lit par
deux frères de la fille Ferrier , suivis de trois auti'cs jeunes
gens armés de bâtons ou de fourches. Il se disent envoyes
par le sieur de B annes, maire de Ghambon , et comman
dent à Chave de les suivj^ dans la maison de ce sieur de
Bannes. Il s’habille et le^uit.^,, ......
^
L à il trouve Jeanne V alla qui.¡paroît en grande.colère,
l ’accueille par des injures grossières, lui dit que sa fille est
accouchée, depuis quinze jours , d’un garçon dont il est
le p è r e , suivant le r é c it é e sa fille et de^Mv l,e maire (de
C h am b o n , et qu’il faut, ^igner, sur le champ l’acte de,
naissance.
■ ..
. -1.
C h a v e , é to u r d i d’une v e s p é r ie aussi in a tte n d u e , pressé
entre les cris de la m ère , les coups de poings des frères ,
et les menaces de leurs trois hommes d’escorte, veut élever
la v o ix , et invoquer la notoriété publique; des,bâtons sont
levés contre lui pour toute réponse : il sollicite la justice
du maire , mais le maire le prend à part pour lui dire
qu’il falloit céder à la circonstance, et que sa vie n’étoit
pas en sûreté. L ’avenir a appris à.Çhave quel intérêt près-,
sant le maire lu i-m êm e avoit à pe, que la calomnie eût
une direction certaine.
,
j’ *
, )
:l
O n compi’end alors que cette dernière insinuation a
ébranlé le courage de Chave. L e sieur de Bannes prend
aussitôt le registre des actes, y efface q u e lq u e s mots, en subs
titue d’autres, et remet une plume à Chave : une seconde
résistance amène de nouvelles violences. Il fflit enfin ce
qu’on exige \ il signe.
�(4 )
E n sortant de chez le m aire, les satellites le mènent au
cabaret, se font donner a boire, le forcent à p ayer, mettent
l’enfant dans ses b ras, lui font les plus horribles menaces
s’il.dit un m ot ; et se retirent:.
Sans doute il manque à ces faits beaucoup de circons
tances im portantes; mais Chave , glacé d’épouvante ,
étoit-il libre dû réfléch ir? L a plupart de ces détails ont
échappé 'à°sa; ta'érfibirè,1 ott pltitôt i\ son attention.
Enfin C h ave, revenu de srînJètoàrdissem ent, put i*éflé~
efrir sifr ïéy fcâtféfruëmîes' dé 'l’âcte* qu’ on venoit de lu i
extorquer ;'e t sütU’é parti qu’il avoit à prendre.
Lîï dém arche la ptus pressée et la plus indispensable,,
étoii de se débarrasser de' l’innocëüte créature* qu'uné'
irtèrë1dénritiitéë1avo it rejetée1'd e ses1 bras poufc l’aban-donner aux soins d’un étranger. Chave hésita s’il 1&
rap p o rtero it, dans la nuit , à la porte des F e rrie r: cepen
dant la religidû , l’hum anité', peut-être la terreur pour
Îirî-mêm’é , Fefri^ortèrent sur son d é g o û t, et il fit porter
Penfant à unë nourrice;
M ais aussitôt, et en signe de sa protestation, il rendit
plainte a a juge de paix de T en ce ; le juge de paix lerenvoya au magistrat de sûreté : mais comme la plainteétoit dirigée aussi contre le m aire, les autorités déli
b érèren t, et ne résolurent rien..
!:l '
Chave in q u ie t, et ne voulant pas que ¿on sileilce pût
déroger à son drrti't, se'décida à citer, le 5 floréal an 9
tant Jeanne V alla et sa fille , que le maire lu i-m ê m e ,
pour vôrr dire q u ’il scrôit r^ titu é côtitfü la reconnbissrince de paternité qüi lui avoit été extorquée par la
violen ce, et qtie le jnail'C seroit tenu de ra^çr du registre
�( 5)
ce qui concernoît ladite reconnoissance ; et la m ère et
la fille pour être condamnées à reprendre l’en fan t, payer
ses alimens chez la nourrice , avec dommiiges-intérêts.
O n pense bien qu’au bureau de paix la fille F errier
ne manqua pas de fqire la réponse d’usage, qu’elle avoit
été séduite et abusée sous promesse de m ariage , et qu’elle
seroit en état de prouver les familiarités de Chave avec
e lle ; celui-ci Pen d éfia, et ajouta même qu’il offroit de
prouver ce u x avee qui elle àvoit eu fréquentation.
T o u t cela étoit de trop de part et d’a u tre , puisqu’il
n’est permis de rien prouver ;. et la fille F errier ne1
risquoit rien à faire bonne contenance. Q uoi qu’il en
so it, un prem ier jugem ent, du 28 pluviôse an 10 , m it
le maire hors de procès, comme ne pouvant être jugé
sans autorisation , et appointa les autres parties en droit.
C e t a p p o in te m e n t ne fournit p as p lu s d ’é c la irc is se
ment. Chave persista toujours à offrir la preuve de la
violence exercée contre lui ; et les femmes F e r r ie r , qui
au bureau de p a ix , n’avoient paru avoir aucune crainte,
firent leurs efforts pour soutenir cette preuve inadmis
sible. L eu r système p ré va lu t; et le 14 fructidor an 1 0 ,:
le tribunal d’Yssengeaux rendit le jugement qui suitt■
« Considérant que Particlo 2 du titre 20 de l'ordonnance de 16G7
défend de recevoir la preuve par témoins contre et outre le contenu
aux acte6 publics; qu’à la vérité la fo rce, la violence, sont un
moyen pour les faire rescinder, mais qu’en ce cas il faut articuler
de menaces graves , qui feroient craindre pour Ja vi e metus mortist
ou que la partie obligée auroit souffert c h a r t e privée, ainsi que
renseignent Dom at en ses Lois civiles, et Polliier en son T raité
des obligations j
�( 6)
» Considérant que Jacques Chave n'a articulé qn’iî lui ait été
fait aucune m enace, ni qu’il ait été commis aucun excès sur sa
personne, ni dans son dom icile, ni dans celui du maire où il s’étoit
rendu pour reconnoitre pour lui appartenir l’enfant dont s’étoit
accouchée Isabeau Ferrier; et qu’étant dans ce dernier dom icile,
il pouvoit articuler sans crainte les excès ou menaces qu’il auroit
éprouvés, contre ceux qui s’en seroient rendus coupables envers
sa personne. »
Jacques Chave est débouté de toutes ses demandes tant princi
pales que subsidiaires, et il est condamné aux dépens.
Cependant Chave avoit offert expressément de faire
preuve de menaces et violences : ses écritures en font foi.
Il étoit privé alors d’un moyen important. L ’expédition
de l’acte de naissance produite alors au procès, ne mentionnoit ni les surcharges ni les ratures ; elle étoit délivrée
par le sieur de B annes, m aire, qui avoit trop d’intérêt
à en cacher l’irrégularité pour la faire soupçonner. A u
reste, Chave s'est pourvu en la cour contre le jugem ent,
et il sera question d’exam iner de quelle influence la form e
de cet acte doit être pour la décision du procès.
M O Y E N S .
L ’ancienne législation française étoit extrêmement dure
contre les enfans naturels', et cependant, par une étraijge
inconséquence, elle admettoit les preuves de paternité
sans distinction. A u jourd ’hui la loi a fait pour eux
davantage : mais sans vouloir percer le m ystère; qui
couvre leur naissance, elle rejette désormais les proba
bilités et les fausses conséquences ; elle ne voit dans
l’enfant né hors le mariage qu’ une innocente créature
�k
(7)
digne de la pitié de tout le m o n d e, mais ne tenant à la
société que par celle qui lui a donné le jour. Si cepen
dant un homme , guidé par des apparences qu’il aie droit
d’apprécier lui^ -m êm e, et cédant à l’impulsion de sa
conscience, veut se donner le titre de p è r e , la loi le
lui perm et, s’ il n’est engagé dans les liens du mariage :
mais comptant pour rien aujourd’hui toutes les démons
trations extérieures, elle exige une déclaration authenti
que et non équivoque ; elle prescrit à l’acte uue solen
nité plus grande que pour la naissance même de l’enfant
légitim e.
L ’intention du législateur étoit si claire, qu’elle a ôté
tout prétexte à l’astuce, et n’a laissé de voies qu’au faux
o u à la violence. M a is à q u i peut èti*e réservée l’uue ou
l ’a u tre de ces v o ie s c r im in e lle s ? C e n ’est pas à la fille tim ide
q u i, rougissant encore d’une première foiblesse, et par
tagée entre l’amour de son enfant et la honte de sa nais
sance , n’en ose nommer le père que dans le secret de son
cœ ur, et se fait l’illusion de penser que le mystère dont
elle s’enveloppe la protégera contre l’opinion qui fait
son supplice.
M ais que feront ces femmes déhon tées, qui ne voient
dans la prostitution qu’ une habitude, dans leur avilisse
ment qu’ un état, et dans leur fécondité qu’un accident?
Incertaines elles-mêmes d’ une paternité q u ’e lle s déféroicnt
naguères suivant leurs convenances, elles n’en arrachoient
pas moins des sacrifices pécuniaires aux hommes qui leu r
etoicnt souvent les plus étrangers , mais qu epouvantoit
la perspective d’une honteuse et publique discussion. Si
.on leur laisse entrevoir aujourd'hui une tolérance quel-
�CS )
conque, que le.ur coûtera-t-il de'tenter d’autres voies pour
en venir aux mêmes fins? Et-s’il est près de leur demeure
Un citoyen paisible, q u i, par ses mœurs douces et réglées,
puisse passer pour pusillanim e, quelle difficulté y aura-t-il
de répondre adroitement que c’est là le cou p able, d ’inté
resser contre lui quelque personne créd u le, de l’effrayer
lui-m êm e sur les dangers de sa résistance, d’ ameuter s’il
le faut ceux qui ont un intérêt réel au succès 'de la négo
ciation ! Jadis il falloit des tém oins, aujourd’hui il ne faut
qu’ une simple signature ; 'tout cela peut ¿’exécuter avec
rapidité : ce n’est qu’un changement de complot.
Heureusement cette rapidité même ne laisse pas au
crim inel le calme «de la "réflexion : souvent ses fa u te s le
trahissent, e t, quelques légères qu’elles soient, il faut les
com pter avec scrupule; car on est bien assuré qu’elles ne
sont pas un simple résultat de sa négligence, mais qu’elles
ont échappé à l’excès de sa précipitation.
Ceux qui ont guidé la iille T errier dans ses démarches
n’ont pas visé à l’exactitude ; la cour en sera convaincue
bientôt par la forme de l ’acte de naissance qui fait son titre.
Une seconde découverte la convaincra encore qu’il ne
s’agit point ici de rép arer, envers une fille sé d u ite , des
torts que la malignité suppose toujours. L a fille Ferrier
a , le 20 prairial an n , donné une nouvelle preuve de
sa continence, en faisant baptiser un fils sous les auspices
de son frère et de sa m è re , que l’acte apprend môme avoir
été sage-fenune en cette circonstance.
Il ne pnroit pas que pour cette fois la mère et la Cllo
T errier aient jugé à propos de réunir un conseil pour
disposer du nouveau n é , et lui elire un père à la plu
ralité
�( 9)
ralité des suffrages; il est vraisemblable que la précédente
tentative les avoit intimidées.
- Q u o iq u ’il en soit, et soumettant cettedécouverte pré
cieuse aux x-éilexions de la c o u r , l’appelant ne s’en occu
pera pas plus lon g-tem ps, et se contentera d’observer
qu’il n’y a rien de légal dans la’ prétendue déclaration de
paternité qu’on lui a fait signer, et au surplus que les faits
de violences articulés suffiront pour la détruire. C ’est à
l’examen de ces deux propositions que l’appelant réduit
sa défense.
i° . L a déclaration de -paternité n e s t pus légale.
!La loi du 12 brum aire an 2 s’occupoit de trois espèces
d’enfans naturels, après avoir décrété en principe qu’ils
étoient successibles.
1°. Ceux dont le p èreéto it décédé, et il leur suffisoit
de prouver une possession d’ éta t, par des soins donnés
à titre de paternité, et sans interruption ; 2°, des enfans
dont le père et la m ère seroient encore vivans lors du
Code c i v i l , et leur état civil y étoit renvoyé; 30. de ceux
dont la mère seule seroit décédée lors de la publication
du C o d e , et alors la reconnoissance du p è re , faite devant
l’officier p u b lic, rendoit l’enfant successible.
Il s’agit ici d’un enfant de la seconde espèce ; et le pré
tendu père , quel qu’il s o it, de môme que la m ère, sont
dits vivans.
O r , quelle nécessité, quelle u r g e n c e y a v o it - il de
prévenir la publication du Gode civil , en faisant faire
une déclaration que la loi ne demandoit p a s> et qu’elle
B
�( 10 )
ajournent au contraire ? N ’aperCevroit - on pas déjà le
dol dans cette extraordinaire prévoyance ?
D ira-t-o n que le Code civil prescrit aussi une décla
ration authentique, et qu’on n’a pas v io lé la loi en la
devançant ? Mais qui blâmera les législateurs de l’an 2 ,
d’avoir voulu p révo ir que leur système ne seroit peutêtre pas celui du Code civil ? qui leur reprochera d’avoir
supposé. que les dispositions de ce code seroient déli
bérées avec plus de m aturité, et de s’être défiés de leur
prem ier système sur une innovation aussi im portante?
Ils voulurent régler le passé seulement ; et les débats
qui ont eu lieu sur la loi transitoire du 14 floréal a n n ,
nous apprennent assez qu’il n’y a eu , d an s l’intervalle de
l’an 2 à l’an 11 , aucune législation touchant les enfans
naturels. Les bulletins de la cour de cassation sont aussi
remplis d’arrêts qui ont cassé tous les jugemens dans les
quels les tribunaux avoient voulu régler , même p rovi
soirement , le sort de quelques enfans naturels, pendant
cette lacune de n eu f ans.
Il ne pouvoit donc être question de fixer l’état de
l’enfunt d’Elisabeth F errier qu’après le Code c i v i l , dont
l’art. 334 porte que la reconnoissance sera faite par un acte
authentique, si elle ne l’a pas été par l’acte de naissance.
Mais fût-il indifférent que la reconnoissance contestée
ait été faite avant ou après le Code c iv il, malgré la sus
pension totale exigée par la cour de cassation, et rappelée
par la loi transitoire; cette reconnoissance n’en est pas
moins irrégulière ? car elle 11’est faite ni par l’acte de
naissance lui-m êm e, ni par un acte séparé authentique«
V oici comment cct acte est littéralement écrit au registre*
�(-!■))
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rr Du huitième joyr du ntois de germinal, l’an 9 de la repui> blicjue frarçca^sç. A cte de naissance {Je Jacques, f i l l e ( Ce mot
» est effacé, et. on y a substitué au -dessus, dans Vinterligne,
» F e r r i e r , que Üon a encore effacé, et l ’on a écrit à côté C i i a v e . ),
» né hors de mariage., né le septième jour du mois de germ inal,
» à sept heures du soir, fils d ’isabeau Ferrier, non m ariée, domi» ciliée du lieu de la M arette, susdjte commune,.et-Isabeap Fermier,
» non mariée; le sexe de L’enfant a été reconnu u n ;e ( Qn a couvert
* ^*
» d’encre la lettre y.. ^f i l s , né hors de mariage : premier témoin,
» Jean-Pierre Ferrier, demeurant'^' Chambon , Méparte'merit de
» la H a u te -L o ire , profession de cultivateur, âgé de tren te-n eu f
» ans ; second tém oin, Pierre R u e l, demeurant ¿1 Ghambon , département de la H a u te -L p irp , profession ¡de tailleur d’habits,
» âgé de cinquante-quatre ans. Sur la réquisition à nous faite pxjr
» Marie R u e l, sage-femm,ef<|e ladite accpucbqe, avons inscrit le
» sus-nom rué Jacques F e r m e r ( Ce mot est raturé, et Von a mis
» au-dessus, dans l’ interligne,
»
mère
»
le
C
iiave.
),
portant
le nom
de
sa
( Ces mots ont été rayés, et l ’on y a substitué ces mots :
nom
du
pere
.
) ; et ont la déclarante ne savoir1signer, et les
« témoins Signé. F e rrie r , R u e l , signé àtPoriginal. »
•' ■'1 >!'/ • ", ■
(t ,
« L ed it Jacques Ch ave pèretreconnoît ledit Jacques son fils, de
» ladite décl^ratioij de <la présente, lacté-; le rçcqnnolt pour ^sqn
» véritable fils, avoir droit à tous ses bien^, en p n v s c n c e . d e Jean» Louis Riou. ( -J- Ici est un renvoi. ) Constaté suivant la loi, par
» moi Annet de Bannes, maire de la,commune de Cham bon, fai—
» sant les fonctions d ’ofiieier public de l’état civil. Ledit maire
» approuve toutes les ratures ci-dessus. D e B annes, maire, signé.
» ^ Et de Pierre C a llo n , et de Jean-Pierre Frescliet, et de Jeanj> Pierre F errier; et dit Jacques Chavc a signé avec les témoius.
B 2
�» Ont signé, ledit Pierre Callon a déclaré ne savoir signer, Chave >
» R io u , Freschet, Ferrier. D e Bannes, m aire, signé. »
( Nota. Ledit renvoi est en marge, en travers. )
Pour copie figurée :
L e secrétaire général de la préfecturede la Haute-Loire ,
BARRÉS.
Il est aussi ¿vident qu’il puisse l’ê tre , que cet acte se
compose de deux parties bien distinctes , qui ne sont pas
d’un même contexte , ne sont pas l’ouvrage du m ême
m om en t, et cependant ne sont pas deux actes absolu
m ent séparés.
i ». A cte de naissance bien parfait et très en règ le, d*ua
enfant né d’Isabeau F e r r ie r , sans m ention du père
O n lui donne le nom de sa mère. Il y a deux témoins
de cet a cte , Joseph F errier et M arie R uel. L ’acte est
donc com plet : le vœ u de la loi du 20 septembre 1792
est rempli.
2°. V ien t ensuite une déclaration de C h ave, qui est à
la suite du prem ier a cte , et qui a exigé des surcharges..
M ais peut-on , de bonne foi , y v o ir un acte authen
tique , une reconnoissance de paternité telle que la lo i
la commande et que la raison la conçoit ?
Cet acte n’a aucune date , parce qu’en effet il a eu lieule 21 g erm in a l, et a été ajouté a un acte terminé depuis
le 8. Comment supposer en effet que cette déclaration
fiiinle fait partie de l’acte du 8? Les témoins dénommés au
premier ne signent pas la déclaration.
�( *3 )
On a raturé et interligné le prem ier acte de naissance,
sans faire rien approuver aux premiers témoins. L e maire
seul approuve to u t, même ce qu’ il lui plaira de raturer
en core; les autres témoins , Chave lu i- m ê m e , ne font
aucune approbation. O r , il est de principe que les ratures
et interlignes sont inutiles dans les actes, s’il n’y a appro
bation des parties et témoins.
Il est un autre principe élémentaire en rédaction d’actes,
quelque peu d’ importance qu’ils aient, c’est que les témoins
dénommés en l’acte signent à la fin : ici la sage-femme et
le fr è r e , qui ont déclaré la naissance le 8 , n’ont pas signé
à la fin. Si c’est un seul et même acte, les uns l’ont signé
au m ilieu , et d’autres à la lin : chose bizarre et rid icu le,
qui ne peut s’allier avec la gravité de l’acte qu’on prétend
m a in te n ir .
Q ue peut - il résulter d’un acte de cette espèce , si ce
n’est de la pitié pour ses rédacteurs , et une conviction
intime que ce n’est pas C have qui est allé déclarer la n a issance d’un enfant comme s’en disant le père?
L e but de la loi n’est donc pas rempli ; car dans quelque
form e que dût être une reconnoissance de paternité , il la
falloit dans l’acte m êm e portant la déclaration de naissance,
ou bien il falloit un acte p a rticu lier, daté lu i-m êm e, et
qui ne fût pas rédigé dans une form e ayant pour but de le
rattachera un autre acte, auquel il ne peut appartenir.
Car rappelons-nous que l ’article 334 du Code civil dii
que la reconnoissance sera faite par l’acte de naissance,
ou par un acte atlientique ; à quoi l’ a rtic le 62 ajoute que
la cté de reconnoissance sera in sc rit sur les registres () sa
date j et qu’il en sera lait mention en marge de l’acte de
naissance.
�C H )
'
Rappelons-nous encore que le but bien positif de la loi
est de ne com pter pour rien les reconnoissancesantérieures
au c o d e , quand l’auteur est vivant. Il en est de cela comme
des testamens antérieurs à l’nn 2, qu’ il falloit refaire pour
les circonscrire dans les termes du droit nouveau. La loi
a eu ici un but plus moi'al : les cliangemens apportés au
système passé justifient sa mesure dilatoire.
E t ne nous abusons pas sur l’importance des formes
dans une matière aussi délicate : on est si scrupuleux
pour tant d’autres actes! U n seul m ot équivoque en un
testam ent, détruit toute la volonté d’un père de fam ille;
une donation exige encore des formes plus multipliées.
Ces actes sont-ils donc aussi importans que c e lu i où il s’agit
de transmettre son nom et sa fortune ; où il s’agit de plus
encore, de vaincre l’opinion et de surmonter sa propre
répugnance ? D ’ailleurs , pourquoi ne pourrions - nous
pas dire pour un tel acte ce que Ricard dit des testamens,
« que toute leur force consiste dans leur solennité, et toute
« leur solennité consiste dans les formes ? »
A u jourd ’hui il faut y ajouter une vérité bien certain e,
c’est que la seule supposition qu’un homm e est tenu et
obligé de se charger d’un enfant naturel sans sa libre
v o lo n té , est incompatible avec le système indubitablement
reçu sur la législation des enfans naturels.
2°. Cette déclaration de paternité est n u lle , S il y a
violence. L e s jfà its articulés suffisent. I ta preuve en
est adm issible.
On est extrêm em ent sévère dans le monde pou r juger
�( i5J
des effets de la peur d’autrui ; e t , quand on en com
mente les particularités, on détaille très-ponctuellement
la conduite qu’on auroit tenue en pareille occurrence.
Cependant rien n’est plus difficile à régler pour soi-même;
ca r, en deux cas semblables , le même individu se conduiroit rarement deux fois de la m ême manière. Mais
celui qui raisonne ainsi est de sang-froid , par cela seul
qu’il raisonne, tandis que le prem ier effet de la terreur
est d ’absorber toutês les réflexio n s, pour ne laisser place
qu’à uneseuleidéedom inante, la conservation de soi-même.
Quelques auteurs, partageant sur cc point les idées du
v u lg a ire , sembleroient aussi se m ontrer difficiles à ad
mettre la plupart des excuses fondées sur la crainte. Il
faut distinguer, disent-ils, la crainte grave et la crainte
légère , et on ne peut tro u ve r de m oyen rescisoire que
dans celle qui suffiroitpour ébranler la fermeté de l’homm e
le plus in trépid e, metus non va?ii hom inis , sed q u i in
hom inem constantissim um ca d a t, 1. 6 , ff. Q uod metûs
causa.
Ces auteurs, s’en tenant à une loi isolée démentie par
beaucoup d’autres, n’ont pas voulu apercevoir, dans cette
rigueur étrange, un m onument de la fierté romaine plutôt
qu’une règle générale. Ce p eu p le, qui avoit détruit le
temple élevé par T u llu s à la C rainte, n’étoit, en la pros
crivant par ses lois, que conséquent avec lui-m êm e. Sous
un système de conquêtes sans bornes, et avec une consti
tution toute m ilitaire, quel romain p o u v o it a llé g u e r une
crainte légère! E levé dans les cam ps, son excuse m êm e
«ût consacré sa honte , et la loi étoit rigoureusement juste
en exigeant de lui l’intrépidité d’ un so ld a t.
�( i6)
La France militaire ne réprouvera pas cette législation
sévère ; elle l’eût créée elle-méme , s’il falloit un code au
courage. M ais les actes civils des simples particuliers ne
se règlent pas par des maximes nationales; la théorie
principale des lois consiste à les approprier aux mœurs
de ceux qu’elles doivent régir.
Gardons-nous donc d e l’exaltation , quand elle est hors
de mesure; ne nous obstinons pas à trouver un Scévola
dans un laboui'eur tim id e, qui ne connut depuis sa nais
sance que sa charrue et le hameau de ses pères.
Les auteurs les plus judicieux du droit n’ont eu garde
aussi d’appliquer sans distinction la sévérité des principes
romains. D ornat surtout, à qui les premiers juges ont fait
l ’injure de prêter une opinion si contraire à son d is c e r
nem ent, D o m a t, dont l’ouvrage immortel n’est que le
précis des lois romaines, bien loin de se fonder sur la
loi 6 , ne la signale que pour en blâmer la rudesse.
« Nous avons v o u lu , d it-il, rétablir les principes na« tu rels, et rendre raison de ce que nous n’avons pas mis
« cette règle du droit romain parmi celles de cette sec« tio n ......... Toutes les voies de fait, toutes les violences,
<f toutes les m enaces, sont illicites ; et les lois condam« nent non-seulement celles qui mettent en péril de la
« vie ou de quelque to u rm en t, mais toutes sortes de
« voies défait et mauvais traitemens. E t il faut remarquer
« que comme toutes les personnes n’ont pas la meme
« fermeté pour résister à des violences et à des menaces,
tt et que plusieurs sont si foibles et si tim ides, qu’ils ne
k peuvent se soutenir contre les moindres impressions,
<c on ne doit pas borner la protection des lois contre les
« m enaces
�('17 )
a m en aces et les v io le n c e s ,
.
à ne réprim er q u e celles
« q u i so n t capables d'abattre
les personnes les pluà
« in trép id es; mais il est juste de protéger aussi les plus
« tim ides............
« Il est très - juste, et c'est n otre u sa g e , que toute
« violence étant illic ite , on réprim e celles m ême q u i
« ne vont pas à de tels excès, et qu’on répare tout le
a préjudice que peuvent causer des violences qui enga« gent les plus foibles à quelque chose d’injuste et de ccn« traire à leur intérêt : ce qui se trouve même fondé sur
« quelques règles du droit ro m a in ........... et ces règles
« sont tellement du droit n a tu re l, q u 'il ne p o u r r o it y
« a v o ir d'ordre dans la so c ié té des h o m m e s , s i les
« m oin dres violen ces Tiétoient réprim ées. » ( S e c t. 2 ,
d es v ic e s d es c o n v e n tio n s , p r é a m b u le . )
Il est peut-être inutile, après avoir cité D om at, de faire
d’autres recherches ; mais les premiers juges ont encore
fait l’injure à P oth ier de lui prêter des principes qui ne
sont pas les siens.
Cet auteur cite les lois rom aines, et par conséquent
les rappelle telles qu’elles sont. M ais il termine son
article de la crainte par dire que te le principe qui ne
«
«
«
«
connoît d’autre crainte suffisante pour faire pécher un
contrat par défaut de liberté, que celle qui est capable
de faire impression sur l’homme le plus courageux, est
trop rig id e , et ne doit pas être suivi parmi nous
la
«■ lettre ; on d o it , en cette m a tiè r e , a v o ir égard a P ag e ,
« ait sexe et à la con d itio n des personnes (1),' et telle
( 1 ) Expressions copiées mot pou'r mot en Fart. 1 1 1 2 du C ode civil.
c
�( 18 )
« crainte qui ne seroit pas jugée suffisante pour avoir
« intim ide l ’esprit d’un homm e d’un âge m ûr ou d’un
« m ilitaire, et pour faire rescinder le contrat qu’il aura
« f a i t , peut etre jugée suffisante à l’égard d’ une femme
« ou d’un v ie illa rd , etc. » ( T raité des obligations,
page i re. , chap. I er., n°. a 5 , i n f i n . )
Si l’opinion respectable de ces auteurs avoit besoin d’être
fortifiée par d’autres citations, on les puiscroit dans les lois
romaines elles-m êm es, qu’il ne faut pas juger par un
fragm ent u n iq u e, et q u i, au con traire, nous enseignent
ce que Dom al et Pothier viennent de nous apprendre.
T o u t consentement doit être lib r e , disent plusieurs
lois ; e t, pour être restitué, il n’est pas besoin d’ une v io
lence corporelle, mais seulement d’une crainte inspirée
¿\ celui qui contracte; quoad ju sta m restitutionis cau
sant ni/iil refert utrhm v i an metu quis cog atur. . . .
et quoad effectum ju r is utrobi deest co n sen su s, ac
libéra roluntas p a tien tis, u tvelle non videatur. L . 1 , 3 ,
7
quod met. C. L . 116 , de reg.jur. ( in C orvino.)
Ces lois étoient bien moins dures que 11c l’ont sup
posé les premiers juges; car elles ordonnoient de recevoir
la preuve de la crainte , quand même Chave auroit été
hors d’élat de désigner aucun de ceux qui la lui avoit
in sp irée; non tamen necesse est designare personam
quœ rnetum intu/it, sed sujficit p r o u a r e rnetum, quia
me tus habet in se ignorantiarn. L . 14. Jf. eod.
E n fin , ce qui achève de convaincre que ces lois savoient
aussi se mettre à la portée de la foi blesse des hom m es,
c’est qu'elles expliquent qu’il n’étoit pas nécessaire de
prouver l’existence d’uu danger réel , mais seulement
�C 19 )
la crainte de ce danger, qui en effet devoit détruire le
consentement. S i causa fu is s e t , cu r pericuîurn tim eret,
quam vis pericuîurn 'i crc non f u is s e t . . . . non considé
ra tur even tu s, sed ju sta opinio. L .
eod.
L e tribunal d’Yssengeaux avoit donc un guide bien sûr.
A u lieu d’adopter l’antique rigueur d’une loi oubliée par
les Romains eux-m êm es, il a jugé que la crainte inspirée
à Chave 11’avoit pas été un m otif suffisant pour le con
traindre ; et cependant il ignoroit jusqu’ù quel point
Chave avoit été contraint ou menacé ; il l’ignoroit et a
voulu l’ignorer Loujours,. en refusant de s’éclairer par une
preuve : cependant les faits articulés étoient graves. Chave
ollroit et offre encore de prouver ces faits articulés , et
notam m ent, i° . que le 21 germ inal les frères F errier et
il’ulitres liommcs armés île hfitous sont venus chez lui ;
2°. qu’ ils l’ont forcé de se lever et de les suivre, en le
menaçant ; 30.’ que chez de Bannes ils se sont opposés à
toute explication, l’ont injurié, menacé et frappé; 40. que
de Bannes l’a prisi\ part pour l’exhorter à céder à la force
et éviter un plus grand mal ; 5°. qu’on l’a forcé de venir
dans un cabaret, où 011 lui a remis un enfant, avec de
nouvelles menaces.
'
M a is, a dit le tribunal d’Ysscugeaux, C h av e, sorti de
si maison et conduit chez le m aire, pouvoit réclamer.
Ce scroit une réllexion bien naturelle, si les faits même
de la cause n’étoient déjà venus la d étru ire; car ce maire
lui-m em e étoit si peu disposé
user de son autorité ,
qu’ il est difficile de ne pas le juger nu contraire iutéressé
à l'événem ent.
Mais à quelle pro tectio n , il faut lo d ire , auroit pu
�( 20 >
s’attendre un m alheureux à la merci de cinq in d ivid u s,
dans le domicile isolé d’un maire de village? Battu à ses
y e u x , Chave pouvoit-il se croire dans un asile inviola
b le ? L e maire lu i-m êm e,l’exhorîMnt à céder à la fo rce,
m ettoit le comble à sa terreur, et ctéclaroit, ou sa propre
co m p licité, ou au moins son impuissance.
L ’acte le moins im portant de la vie seroit vicié par une
semblable v io le n c e , à plus forte raison celui de tous les
actes le plus incompatible avec la m oindre contrainte. U n
père de fam ille a contracté un engagement sacré envers
ses enfans par son m ariage; mais c e lu i-là même qui
auroit procréé des enfans naturels, ne tient à eux par
aucun lien civil : son honneur et les sentimens de la
nature deviennent leur unique titre , si la paternité lui
a semblé certaine. Les enfans naturels n’ont point de
famille ; tel est le langage de la loi : elle ne veut pas qu’ils
en aient une. Quand leur père se nom m eroit hautement
dans le m onde, il ne seroit tenu à rien; la loi lui perm et
seulement de se déclarer tel par un écrit libre et authen
tique : forcer sa volonté seroit donc se croire plus sage
qu’elle.
M ais si la loi n’exige rien d’un père , si elle consi
dère comme un vice m oral de lui donner un fils que
sa propre volonté cependant n’a pas désavoué , peut-011
soutenir l’idée révoltante qu’un homm e sera contraint
m algré lui d’adopter un enfant dont il n’est pas le père?
Q ui lui donnera la force de supporter, dans sa de
m eure, la vue habituelle d’une créature si étrangère,
placée là pour sa honte im m uable, sans aucune com
pensation satisfaisante ? et qui oseroit répondre que dans
�(
21
)
celte situation dé désespoir, aigri par un sentiment d’in
justice , il pût assez maîtriser une fureur co n v u lsiv e,
qui seroit tout à la fois le tourment de l’innocence et
son propre supplice ?
Eloignons plutôt de vaguessuppositions fondées sur une
pure chimère. L a prévoyance des magistrats distinguera
la vérité et les convenances , et éloignera d’aussi sinis
tres présages. O n ne donne point à un homme l’enfant
qu’il repousse avec m é p r is , quand la loi n’en fait pas
un devoir. L a cour doit prononcer ici sur les consé
quences d’ un acte lib r e , çt tout pvouve qu’il n’y a pas
eu de liberté dans celui qui donne lieu au procès. C h ave,
conduit par la fo r c e , menacé dans sa route , a signé
sous le bâton; et, pour se servir des expressions de D om at,
si uu consentement de cette espèce étoit jugé valide , ce
serait un attentat au droit n a t u r e l i l n ’y auroit plus
d ’ordre dans la société des hommes.
L a conduite d’Isabeau F errier , l’époque de ses cou
ches, c’est-ùidire, de celles qui donnent lieu au proçès,
le choix de ses cro u p iers, le lieu de la rscène, la :c ir
constance qu’ un acte de naissance a été ch an gé, e tc ., tout
cela donneroit lieu à des réflexions beaucoup plus éten
dues , mais qui seroient oiseuses, tant que la preuve
de la violence ne sera pas ordonnée.
Cette p re u v e , sans contredit, est adm issible; aucune
ordonnance ne la prohibe ; et ce qui étonne, c’est que
les premiers juges n’aient pas voulu prononcer en connoissance de cause.
Il est possible que la malignité toujours avide de calom
nie , et toujours diilicile ù d étro m p er, prétClide que Chavc
�( 2 2 )
n’a pas été tout à fait innocent envers Elisabeth Ferrier
de ce dont on l’accuse : mais il en prend le ciel à tém oin,
cette femme lui fut toujours étrangère.
Chave , maître de ses actions , célibataire , feroit sa
jouissance principale de se voir .revivre dans un fils qu’il
cro iro it le sien ; à son âge et avec ses principes religieu x,
il s’en feroit un devoir. Ces deux puissans mobiles ne
peuvent donc être vaincus que par quelque chose de
plus puissant encore , U n e conviction in tim e, une insurm ontable répugnance.
¡:
Il ne demande pas à être cru sur p a ro le; et si son
prem ier moyen ne suffit p a s , il offre la preuve des v io
lences qui l’ont forcé à donner sa signature : et certes,
quand la cour se sera assurée que Chave a été forcé de
sortir de son d om icile, mené chez le maire par cinq
hommes , menacé et battu , elle appréciera alors toute
la valeur d’une signature donnée dans de telles circons
tances ; et lorsque la vertueuse Elisabeth F errier sera
convaincue qu’il ne lui est plus libre de faire de sa pro
géniture une charge p u b liq u e, peut-être s’efforcera-t-elle
de mettre un terme à sa fécondité et au scandale de sa
conduite.
M . G I R O T , rappotteur.
M e. D E L A P C H I E R , avocat,
M e. M A R I E , licencié avoué.
A R I O M , de l ’im prim erie de L a n d r iot , seul imprimeur de la
C o u r d ’appel. — T h e r m i d o r an 13.
�
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Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Factum. Chave, Jacques. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Girot
Delapchier
Marie
Subject
The topic of the resource
reconnaissance de paternité
nullité
violences sur autrui
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jacques Chave, appelant ; contre Jeanne Valla, et Elisabeth Ferrier, sa fille, majeure, intimées.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
1801-Circa An 13
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0614
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0307
BCU_Factums_G1502
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Rights
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Domaine public
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reconnaissance de paternité
violences sur autrui
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MEMOIRE
POUR
L a d a m e E l e o n o r e R O L L A T , é p o u se d e F r a n c o i s P h i l i p p e C O U R B Y , h a b ita n t à A ig u e p e r s e .
•A U CUNE situation n’est com parable à la m ienne. Mon époux
est accusé d’un crim e horrible dont je n’ose prononcer le nom :
son honneur et le m ien, le sort de ses enfans, seront bientôt dans
la balance de la justice; et ses persécuteurs s’a g iten t, quand luim ê m e , accablé de sa situ a tio n , il fu it la calom nie sur un sol
étranger.
Lorsque pour la prem ière fois cette nouvelle épouvantable
vint jusqu'à m oi, toute m a conviction de l’innocence de m on
époux ne m ’em pécha pas de résister à ses résolutions, et de les
ébranler par mon désespoir. O u i, et je m ’en confesse co u p ab le,
je l'im portunai de mes la rm e s, je séduisis son courage , et sa
•fuite fu t un effort de sa tendresse ; m aintenant je m e dem ande
avec effroi si sa présence ne lui eût pas été plus u tile , et si son
danger, au co ntraire, n’est pas né de m a terreur.
Dans cette cruelle anxiété, que ne puis-je appaiser de m on
sang ceux qui sont altérés de celui de m on époux ! Q ue n ai-je
A
�(o
du moins le droit de me présenter pour lui en jugement, pour
confondre ses accusateurs, pour le défendre....... ? Que dis-je?
me défendre m o i-m êm e; car jusqu’au tombeau ma destinée
h’est-elle pas attachée à la sienne?
JVlais la rigueur des lois me repousse du tribunal qui va juger
ma propre cause. Ainsi la nécessité me dicte mon devoir. J ’ap
prendrai à mes juges une partie de ce que mon époux auroit pu
leur dire, ou du moins quelques-unes des circonstances que des
témoins auroient pu attester.
Je ne me suis point dissimulé combien de difficultés j’aurois
à vain cre, quand je n’aurois à opposer que mon foible langage
à des combinaisons préparées par la méchanceté même. Car
telle est la condition d’un malheureux accusé, que déjà la ca
lomnie a jeté de profondes racines, alors même qu’il peut en
treprendre de la combattre. Que peut sa voix plaintive contre
les cris précurseurs de cette astucieuse ennemie? Et lorsqu’enfin
on consent à l’entendre , combien ne faut-il pas encore qu’il
dévore l ’humiliation de la défiance qu’il excite? car la préven
tion du mal est malheureusement celle qu’on s’obstine le plus à
conserver ; et les esprits même les plus raisonnables semblent
trouver plus commode de croire le crim e que d’en méditer les
invraisemblances.
Ces réflexions pôrtoiént le découragement dans mon Ame ,
quand le souvenir de mes enfans a vaincu ma répugnance, et m’a
élevée pour ainsi dire au-dessus de moi-même. O u i, me suis-je
écriée, je l’entreprendrai cette tâche pénible. La timidité de l’é
pouse cherchera des forces dans l’amour m aternel, et ces deux
titres prêteront peut-être à môn récit un intérêt que mes foibles
accens n’auroient pas eu la prétention d'espérer.
C ’est à des ju ges, au reste, que je veux m’adresser, et ceux-là
ne r e p o u s s e r o n t pas mes paroles avec l’ennui de les entendre ; leur
terrible ministère ne leur donnera de défiance que contre la pré
vention qu’ils craindroient trouver en eux mêmes. Mes récits se
ront donc écoutés comme une explication nécessaire, par ceu *
�( 3 )
que la loi a armés de sa puissance ; car ils trem bleront, sans doute,,
de l’idée seule qu’ils pourroient condamner une famillg honnête 4
l’infamie , et un innocent à la mort.
Les relations de mon époux avec la maison de Murol nç furenjt
pas de ces liaisons soudaines et fortuites , qui ne donnent pas le
temps de s’apprécier, ou de concevoir de justes défiances. G’esjt
depuis son enfance qu’il connolt le sieur de Murol ,fîls aîné , ayant
été élevé avec lui dans le ipéme pensiçnn^t, à ^yon.
Cette habitude de se voir a continué dans un âge plus avancé j
mais l’historique de ces premières liaisons n ’a rien d’essentiel à
remarquer, et je me hâte d’en venir à des époques plus récentes.
Jusques à l’année dernière, je n’a.vois v,u à Aigueperse que les
sieurs de Murol fils , et leur père m’étoit absolument inconnu. Il
me paroissoit même que Courby le connoissoit à peine , et ne ,vi;voit avec lui que sur le ton du respect et des convenances de
société.
N ous ignorions entièrejnent ses affaires, e t n e connoissions
celles de ses fils que par c et extérieur d ’opule.nce, qui fait illusion
au vulgaire tan t qu’on a des ressources ¡pour le soutenir.
Cependant, tin jour de l’été dernier, le sieur de Murol p ère , se
trouvant seul chez son fils cadet avec C ourby, fit tomber la con
versation sur la situation de ses fils , çt syr le mécontentement
qu’il éprouvoit de leurs dépenses excessives.
Cette ouverture pouvoit n’étre que le désir secrçt d’ un père de
faire parvenir ses plaintes à ses fils, par un organe qu’il supposoÿ
plus persuasif peut-être. Mais .le sieur de Murol père ne se borna
pas là. Soit hasard, soit que la première idée lui en fit naître une
seconde, il confia bientôt à Courby qu’il irçéditoit pour son fils
ainé le projet d’une grande alliance, mais qu’il étoit retenu par
des dettes pressantes, dont l’éclat alloit rpiner toutes ses espé
rances.
A lors, comme par réflexion, il demanda à Courby s’il ne pqurroit pas lui faire trouver de l’argent.
A 2
�( 4
)
Un jeune homme ne pouvoit être qu’embarrassé h cette brusque
proposition. Courby fut forcé de lui avouer son impuissance de
lui être utile. « J’ai des dettes m oi-même, lui d it-il, sans avoir à
me reprocher un excès de dépense ; mais j’ai eu la foiblesse de
» cautionner les effets d’un homme que je oroyois incapable de
» me tromper; il a fait faillite, et m’a laissé beaucoup à payer;
» et dans ce m om ent, je cherche moi même 18,000 fr. pour finir
» de m’acquitter.
» Q u’importe ce que vous m’objectez, lui répondit M. de
» Murol; vos ressources pour avoir de l’argent ne tiennent sans
» doute qu’à une signature de plus; je vous offre la mienne pour
» les 18,000 fr. dont vous avez besoin, et à votre tour, vous me
donnerez la vôtre pour me procurer l’argent que je cherche;
m elle me sera utile, parce que vous êtes d’une famille de
« négocians , et que par moi-méme je ne trouve plus à era» prunter : de cette manière , cous nous serons rendu un service
t> mutuel. »
J’igncrai dans le temps cette conversation ; et Courby m’a avoué
depuis que quoiqu’il y eût un côté avantageux pour lui dans la
proposition du sieur de M urol, ces combinaisons d’emprunt et de
signatures brouilloient ses id é es, et confondoient son inexpé
rience ; qu’il s’étoit contenté en conséquence de bégayer un con
sentement évasif, et avoit trouvé un prétexte de se retirer sans
rien terminer.
Mais le sieur de Murol père n’abandonna pas ainsi son plan. Le
20 aoû t, je le vis à Aigueperse. Il parut fâché de ne pas y trouver
C o u tb y , que je l’engageai à attendre. Courby ne revint pas le soir,
et M. de Murol ne partit que le lendemain après dîner. Je ne cher
chai point à savoir le motif de son voyage; je me contentai de le
recevoir avec honnêteté et empressement.
C ’est dans son chemin qu’il trouva Courby ; il le pria de rétro
grader jusqu’à Clermont, et ne le quitta plus jusqu’à ce que les
billets fussent souscrits. Je fus informée de tout cela au retour
de mon époux. Jusqu'alors il m avoit dissimulé l’embarras où
�( 5 )
l ’avoit jeté sa complaisance pour un faux ami ; il me montra pour
18,000 fr. de b illets, qui suffisoient pour le libérer.
Bientôt il s’occupa de placer ces billets à Thiers; et le sieur
de Murol l’ignora d’autant moins, que Courby prit plusieurs fois
un cheval chez lui ( à la Borde ) pour y aller, et je crois même
un domestique.
Dans le courant de septembre, je vis M. de Murol père une
fois à Aigueperse : il parut y être venu pour consulter M. Lagout
sur sa santé, craignant, disoit-il, être atteint d’hydropisie. A son
retour il ne dit rien de la consultation; et cette réserve m’ayant
étonnée, j’en demandai la cause à Courby qui l’avoit accompagné.
Il me répondit q u e , sur les questions de M. L agou t, M. de
Murol avoit avoué qu’une gale traitée avec trop de précipitation
avoit depuis dix ans dérangé sa santé ; qu’il lui sembloit , de
loin en loin, sentir une nouvelle invasion de cette m aladie, et
que sa santé alloit toujours en empirant; que M. Lagout lui avoit
ordonné une certaine eau , dont la recette ou l’adresse étoit
contenue dans un petit imprimé qu’il lui remit.
M. de Murol partit, engageant Courby à aller le voir les der
niers jours de septembre, à la Borde, où ses fils devoient venir
faire une partie de chasse.
C’est au 29 ou 3o septembre qu’on place l’épouvantable ac
cusation qu’ont répandue les sieurs de Murol contre le malheu
reux Courby. Hélas ! ils l’accabloient encore de démonstrations
d’am itié, quand déjà leurs affreux soupçons le signaloient en
public comme un vil crim inel; et le poison qu’ils lui préparoient
étoit bien plus dangereux et plus subtil que celui........ Mais à
quoi tendroit une plus longue réticence; il faut bien m’avouer
à moi-même que Courby est accusé d’un empoisonnement.
C ’est, dit-on, en mangeant des pêches que le. sieur de Murol
père aperçut au fond de son verre un sédiment épais, dont le
gout lui lut désagréable , quoiqu'il eût mangé sans répugnance
les pêches qui avoient été saupoudrées de la même matière. Il
vomit beaucoup, éprouva des douleurs aiguës, eut des ulcères
�( 6 )
dans la b o u ch e, et dit à ses am is, le lendem ain, qu’il croyoit
avoir été empoisonné.
Voilà ce qu’a répandu la famille de M urol, en ajoutant même
que C ou rby, présent ^ disoit en confidence aux assistans : Il n’eu
reviendra pas.
Ici toutes les époques deviennent précieuses, car les événemens postérieurs portent avec eux des conséquences pressantes.
Le jour même de cet événem ent, et le lendemain , les fils
Muro.l, leurs amis, et Courby, firent la partie de chasse projetée.
Le ^6 o cto b re, Courby retourna à la Borde : Murol fds ainé
lui emprunta huit louis pour payer des impositions ce même jour.
Le sieur de Murol père étoit présent, et dit qu’il en faisoit son
affaire.
Le même jo u r , Murol ainé engagea Courby à aller avec lui
voir le curé de Beauregard, et le sieur Parricaud, qu’il n’avoit
pas v u , d it-il, depuis son retour de Paris.
L e 10 octobre, M. de Murol père envoya son domestique à
Aigueperse, avec une lettre d’invitation à Courby pour aller à
la Borde le dimanche suivant, manger un cochon de lait avec
le curé de Beauregard.
En effet, le dimanche suivant, 11 octobre, Courby alla dîner
à la Borde, fit le soir une partie de piquet avec M. de Murol
et le c u ré , et ne revint à Aigueperse que 'le lendemain.
Le 21 octobre, M. de Murol père vint à Aigueperse avec le
nommé Chapus , domestique de son fils. Courby étoit à Gannat,
et j’engageai M. de Murol à dîner.
Quand j’allai donner des ordres à la cuisine, mes domestiques
me recommandèrent de ne pas laisser toucher mes enfans par
M. de M u rol, parce que Chapus leur avoit dit qu’il étoit plein
de gros boutons, depuis un remède que M. Lagout lui avoit
donné.
En attendant le dîner, M. de Murol alla chez M. L agou t,
où Courby de retour alla le chercher.
T ém oin de la prem ière conversation, o n .n e lui cacha pas la
�( 7 )
seconde , et il entendit M. de Murol causer avec M. Lagout de
l’effet de son remède. M. de Murol se plaignit d’avoir eu des
coliques, des vomissemens, et une salivation incommode qui lui
avoit fait naître de petits ulcères dans la bouche. Il termina
cependant par remercier M. Lagout du rem ède, parce que sa
santé étoit, dit-il, beaucoup meilleure depuis quelque temps.
M. Lagout avoua ne pas connoître la composition de l’eau qu’il
n’avoit conseillée qu’en le déclarant ainsi, et sur l’approbation
que sembloient y donner ses confrères. Il ne s’étonna pas des
accidens dont lui avoit parlé M. de M u rol, parce qu’il soupçonn o it, d it-il, que le remède contenoit du mercure.
M. de Murol partit le soir, et recommanda beaucoup à Courby,
s’il venoit à la Borde dans la sem aine, de ne pas traverser l’Allier
qui avoit, dit-il, grossi beaucoup, et où il s’exposeroit.
Il laissa h Aîgueperse une charrette couverte d’un drap , et em
prunta de^Courby une carriole pour faire un voyage àMontluçon.
Le 2Q^3'optombre, le sieur de Murol père vint à Aigueperse
avec un de ses fils, pour rendre la carriole qu’il avoit em pruntée,
et reprendre la sienne avec un cheval de selle que son fils avoit
prêté à Courby depuis deux mois.
Ils parurent désirer reprendre les effets de 18000 francs, si
Courby ne les avoit pas négociés; et Murol fils sembloit seul y
mettre quelque humeur. Courby avoit négocié pour 16400 fr.
d’e ffe ts, pour ses propres dettes ; et il répondit à M. de Murol
p ère, que si la proposition faite par lui-m êm e ne lui conve-
noit plus, il étoit prêt à lui souscrire des effets équivalens; et
il en signa en effet pour 19362 francs , ce qui comprenoit un
intérêt sans doute assez considérable; et je souscrivis moi-méme
ces nouveaux effets dont les sieuçs de Murol sont aujourd’hui
porteurs.
Un mois se passa ensuite sans que j’euS9e rien de commun
avec cette famille. T out d’un coup , au mois de décembre ,
j appris 1 horrible nouvelle que le sieur de Murol accnsoit hau
tement Courby de l’avoir empoisonné, et qu’une procédure cri-
�( 8 )
minelle étoit provoquée par ses fils et lu i, non qu’ils eussent osé
accuser en leur nom , mais à la diligence du magistrat de sûreté
de C lerm ont, qui les faisoit tous entendre comme témoins.
Ce crim e, ces combinaisons, mes idées accablantes, un retour
de comparaison sur les temps cruels des délations et des écha
fauds , tout cela m’ôta le discernement et la réflexion. Je ne
voulus entendre celles de personne. Mon époux partit, et je me
trouvai seule à la vue de ces indifférens qui soupçonnent tou
jours, et ne réfléchissent jamais.
Quoi qu’il en soit, le temps qui s’est écoulé depuis le mois de
décembre a permis à la justice de faire d’exactes recherches. L e
sieur de Murol p è r e , âgé de prés de quatre-vingts a n s , a été
atteint d’une maladie épidémique inflammatoire, à laquelle s’est
jointe une hydropisie. Il s’est mis alors dans les mains d’un ch i
rurgien ignorant, et il est mort dans les premiers jouis d’a v r il,
ayant survécu par conséquent plus de six mois à son prétendu
empoisonnement.
Je n’ai jamais désiré la mort de personne ; mais je le confesse
sans rou gir, la mort de cet homme a ôté de mon cœur un far
deau bien pesant. Ce n’est pas que j’eusse, comme de V itellius,
de la joie à considérer le cadavre d’un ennemi ; loin de moi ce
sentiment de vengeance. Mais je n’ai pu m’empêcher de dire:
C ’est là qu’étoit cachée la vérité ; c’est là que le triomphe de
l’innocent sera écrit par les mains même de la Providence.
Que mes lecteurs me pardonnent .cet aveu d’un mouvement
que je n’ai pu vaincre. Il faut avoir été dans ma position cruelle,
pour sentir qu’elle justifieroit même un sentiment moins légitime.
Me voici donc devant mes juges , incertaine maintenant de
ce qu’il me reste à leur dire; car quand toute la procédure me
ceroit co n n u e, je ne puis sans ridicule me jeter dansja carrière
polémique d’une discussion de droit criminel.
Mais la défense de mon époux sera plus dans la conviction de
íes juges que clans mes efforts. Je n a i voulu que révéler des
faits
�C 9 )
faits de ma connoissance , et sans doute ils vaudront mieux que
mes réflexions.
Un crim e ne se commet pas sans être nécessaire. C o u rb y ,
nanti d’effets signés de M. de M u ro l, n’avoit pas besoin de s©
défaire de lui pour les retenir. On est bien plutôt capable d’un
vol hardi, et sans danger , qu’on ne l’est d’un empoisonnement.
Si le sieur de Murol père est venu tant de fois aprè9 le 29 sep
tembre à A igueperse, et s’il a continué d’appeler Courby à la
Borde, qui pourroit se défendre d’étre convaincu qu’il n’a pa»
cru être empoisonné par lui ; car eût-il cherché la société de1
son assassin ?
Cependant c ’est, dit-on, le jo u r même du déjeûner des pèches,
que le sieur de Murol se crut empoisonné ; c ’est le lendemain
qu’il fit part de ses craintes à ses amis.
S ’il eût soupçonné d’autres personnes , on pourroit se rendre
raison de cette continuation de confiance ; mais le sieur de
Murol a dit encore avoir vu Courby saupoudrer les pèches de
la matière blanche, qui 11e lui répugna qu’au fond du verre, ee
qui lui causa à l’instant même des douleurs et des vomissemeus«
L’idée de l’em poisonnem ent, e t de son au teu r , se seroit d u n e
liée sans intervalle dans son imagination ; et alors com m ent con
cevoir c ette suite de fréquentation jo u rn a liè re , ces repas m ul
tipliés, qui auroient rendu aisée la consom m ation du c rim e ,
et qui n’ont cependant donné lieu au soupçon d’aucune tentative
nouvelle ?
Comment concevoir encore qu’un homme se croyant empoi
sonné le 3 o septembre , se disant tourmenté des douleurs ordi
naires de ce m al, consulte un médecin le 20 octobre , et ne lui
dise pas un mot de ses m aux, ni de se3 terreurs?
Là , au contraire , les vomissemens sont attribués, par le ma
lade lui-méme , à une autre cause. Ils ne l’inquiètent point du
to u t, puisque l’amélioration de sa santé, et le rem e x ciment au
médecin , sont le seul objet de sa visite.
Cette bonne santé se soutient pendant quatre mois consécutifs,
B
�( IO )
fit il tonibe-enfin malade. Est-il mort d’hydropisie ? est-il mort
d’une inflammation dans le ventre ? On dit l’un et l’autre. On
dit aussi qu’il a été traité de l’hydropisie, et que la ponction lui
a été faite deux fois dans le mois qui a précédé sa mort,
r Je n’entends rien en médecine : mais les effets de l’arsenic
sont connus de tout le monde; il passe pour le plus mortel et
le plus prompt des poisons.
Si son action est brûlante et corrosive, si le premier contact
produit des. ulcères dans l’instant même , com m ent concevoir
qu’un homme empoisonné devienne lentement hydropique ;
qu’une surabondance d’eau exige deux ponctions ; qu’il ne se
manifeste d’inflammation que dans le bas-ventre, sans lésion des
viscères supérieurs?
<
Le cadavre a été vu , dit-on, par des docteurs délégués par
la cour criminelle. Je n’ai garde de supposer qu’ils se soient
livrés à des conjectures ; ils n’avoient point, comme les Arusp ic e s , à consulter les entrailles d’une victim e pour présager
l’avenir. Leur tâche plus facile a été de chercher dans le corps
d’un hom m e, mort hydropique, si des traces de poison étoient
visibles , et de vérifier les corrosions qu’auroient dû recéler
l’estomac et les premières voies.
•
'
Si le poison n’a pas été visible à leurs yeux , le sera-t-il à la
conscience du juge?
On prétend que C o u rb y, au lieu de donner du secours à M. de
M u ro l, les 29 et 3o septem bre, a dit à plusieurs valets de la
maison qu’il étoit vieux et ca ssé, qu’il ne guériroit pas ; et de
commentaires en com m entaires, on va presque jusqu’à y voir
un aveu de son crime. C ’est ainsi que la malignité interprète
les expressions les plus indifférentes. Mais comment ne pas voir
qu’un coupable, dans cette position, auroit au contraire affecté
ce qu’il ne sentoit pas , et multiplié ses soins pour n’être pas
soupçonné.
Il à , dit-on encore , demandé à un pharm acien, après l'empoi
sonnement , et dans la r u e , si 1 opium étoit un poison qui fit
�( 11 )
souffrir long-temps. Autre arme de la m échanceté, pour en tirer
xine conséquence à charge. J’ignorois ce fait, et j’ai même des
raisons de suspecter ceux qui l’ont accrédité. En cherchant dans
le passé à quelles époques j’ai vu mon époux attristé de l’embarras
subit où la faillite d’un ami l’avoit je té , je n’ai pas trouvé dans ma
mémoire qu’il ait eu jamais des instans de désespoir, ou du moins
il n’en a pas manifesté en ma présence. Il savoit d’ailleurs que je
viendrois à son secours ; et je suis humiliée que pour 18000 fr. et
surtout pour une dette d’honneur, on puisse croire que mon
époux se trouvât réduit à attenter à ses jours.
<
Quant à toute autre version, je la dédaigne. Quel insensé concevroit l’idée qu’il pourroit faire avaler de l’opium à son ennem i,
c ’est-à-dire, la plus amère des potions, sans qu’il la refusât, ou
qu’il pourroit la glisser à dose suffisante parmi ses alimens?
*
Celui qui pour se défaire d’un homme veut l’empoisonner, a
pour première pensée d’ensevelir en lui même le secret de son
crime. S’adresse - t-il à un pharm acien, il est le premier qu’il
trompe; et à moins de croire l’empoisonneur sans bons sens, on
ne supposera jamais qu’il ait parlé de la inort au pharmacien à qui
il deinandoit du poison.
Mais qu’aura gagné la calomnie à tout cet amas de faits incohérens, et de petits détails exagérés par la passion, ou grossis par
les circonstances? car, s’il n’est pas constaté qu’il y ait empoison
nement , il n’y a pas de coupable à chercher.
Vaut-il mieux abandonner ce qui se présente à l’idée la plus
simple, et substituer des fictions ou des conjectures , à ce qu’ou
conçoit avoir été un effet de l’ordre naturel des choses ?
Et parce qu’un vieillard, d’un tempérament u sé, est mort à
près de quatre-vingts ans, faudra t-il s’obstiner à croire qu’il n’a
dû mourir que d’une mort violente?
S il n étoit mort que du plus subtil des poisons, auroit-il résisté
six mois? auroit-il surtout passé quatre mois dans le meilleur
état de santé qu’il ait eu depuis dix ans?
Certes, je n’ai pas cru un instant qu’aucun homme au monde
B 2
4
�( 12 )
put dire en son âme q u ’il est convaincu de la réalité du crim e,
et que Courby mérite la mort : je l’ai cru encore moins de ses
juges, pour qui le premier devoir est de ne se rendre qu’à l’évi
dence. Mais il m’importoit aussi de détruire jusqu’à l’apparence
d’un crime dont l’idée seule m’accablera jusqu’à ce que le soup
çon même en soit détruit pleinement.
Je ne sens que trop de quelle influence cet événement sera
pour ma destinée future ; car le malheur d’un aussi cruel soupçon
ne peut se réparer qu’à la longue ; et j’ose croire que les cica
trices de la calomnie ne seront point ineffaçables. La conduite
à venir de mon époux se réglera, je l’espère , sur les circons
tances dans lesquelles sa mauvaise étoile l ’a placé.
Je puis donc voir encore le bonheur renaître dans mon asile;
et si c ’est une illusion, que du moins un si flatteur horoscope
ne soit pas enlevé à une mère : mon époux, rendu à sa fam ille,
ne verra dans son infortune passée que le devoir sacré d’en effacer
jusqu’au souvenir. Il peut encore, malgré la calomnie, transmet
tre à ses en fans un nom sans ta ch e, et vivre avec honneur dans
leur mémoire.
C O U R B Y , née R O L L A T .
I
�CONSULTATION. :
L e C O N SE IL SO U SSIG N É , qui a lu le mémoire de la dame
R o llat, femme Courby ,
»
*
, d’après les faits contenus audit mémoire , que si les
médecins délégués par la cour criminelle pour examiner le ca
davre du sieur de M urol, n’ont pas trouvé de traces de poison',
Ou s’ils n’ont pas exprimé une opinion certaine et fondée sur ce
genre de m ort, il paroit impossible qu’un jury se déclare con
vaincu que le sieur Courby est coupable.
E s t im e
O n n’a pas accusé le sieur C ourby d’une simple tentative d ’em
poisonnem ent , mais bien d ’un em poisonnem ent effectué avec de
l’arsenic jeté sur des pèches. P a r conséquent il ne faut pas se
borner à exam iner s’il y a preuve de la ten ta tiv e, mais il faut
savoir s’il y a un em poisonnem ent et un coupable.
La question préalable d’une instruction criminelle est de cons
tater le corps d’un d é lit, de même que la première chose à exa
miner par le jury est de savoir si le délit est constant.
Car il n’est pas besoin de chercher s’il y a un coupable, lors1 qu’il n’y a pas certitude qu’il y a eu un délit : D e re priusquàm
de reo inquirendum est; e t , comme le dit Dom at en son Traité
du droit public : « C ’est le premier et le plus indispensable des
« devoirs. Cette preuve est même tellement essentielle, qu’elle
« ne peut être suppléée ni par les dépositions des témoins , ni
« par des conjectures, ni même par la confession de l ’a c c u s é . »
D après c e la , peut-on bien dire que le corps du délit imputé
au sieur Courby, est constant, et qu’il est c e r t a i n qu’il y a eu.
empoisonnement? R ie n n e paroit au c o n t r a ir e moins prouvé.
�( i4 )
Aucun rapport de médecin ou chirurgien ne paroit avoir pré
cédé la mort du sieur de Murol : lui seul a eu quelques soupçons
que rien n’a vérifiés. Ainsi , jusque-là aucun corps de délit n’est
constaté.
Après la mort du sieur de M u ro l, la cour criminelle a bien
fait ce qui étoit en elle pour constater le corps du délit , puis
qu’elle a commis des hommes de l’art pour visiter le cad avre,
et en décrire l’état. Le rapport qui a dû en être fait sera soumis
au ju ry , s’il est antérieur à l’acte d’accusation ; et c ’est là où
le jury puisera principalement les idées qui appelleront sa con
viction sur le fait de savoir s’il y a un d é lit, c ’est-à-dire, s’il
est constant que le sieur de Murol père est mort empoisonné.
Sans doute la présence du poison n’est pas toujours visible ;
mais son effet n’en est pas moins marqué par des signes exté
rieurs , surtout quand le malade en a été victim e, et quand il
s’agit d'un poison aussi violent que l’arsenic.
Aucun auteur n’a mieux décrit les effets de ce poison , et les
signes auxquels on peut les connoitre , que M. Ma lion , en son
Traité de médecine légale; et c ’est le meilleur guide qu’on
puisse avoir pour raisonner sur une matière aussi grave et épi
neuse.
Les poisons corrosifs, dit cet auteur, tuent très-promptement,
et leurs effets s’annoncent avec une rapidité qui ne.permet guère
de douter de leur emploi. (T o m e 2 , p. 2.yS. )
L ’arsenic est soluble dans tous les liquides ; c ’est le plus in
domptable des poisons : il ne peut être mitigé , ni masqué en
aucune manière, ( Page 276, )
Quand il y a soupçon d'empoisonnement, tout m édecin, avant
d’inspecter le corps , doit s’informer soigneusement de IVige,
du sexe , du tempérament , des forces , du genre de vie du
, s’il étoit sain ou malade
combien de temps il a
vécu depuis, de quelles incommodités il s’est 'plaint , quelle
espèce de régime ou conduite il a observée ap rès, s’il a été
secouru par un médecin expeiimenté ou par des ignoransu
d é f u n t
( Pajje 26G. )
,
�( i5 )
Après cela, l’inspection du cadavre consiste à examiner l’état
des parties extérieures et les signes intérieurs du corps.
Q u a n d l’arsenic n’est pas conservé en nature dans quelques
viscères , ce qui arrive fréquem m ent, sa présence est au moins
manifestée par des traces de lésion et de corrosion assez remar
quables dans toute la route qu’il a parcourue (1) ; son action va
même jusqu’à se manifester au-dehors (2) ; et quelque nombreux
encore que soient ces signes , le médecin , comme le ju ge, ne
peuvent se croire convaincus que par leur ensemble.
Ici il faut d’autant plus de circonspection , qu’il s’agissoit d’un
sujet vieu x, et dont la santé paroissoit altérée depuis long-temps.
Des douleurs internes et des vomissemens sont, dit-on, le seul
indice de poison qu’il a remarqué lui-mémé (3). Mais une foule
(1)« 2°. L ’érosion inflammatoire, gangrène, taches éparses dans l’œsophnge,
l’estomac, le pylore, les intestins, le sphacèle de ces parties. — Quelquefois l’es
tomac p ercé, — le sang coagulé, — le péricarde rempli d’ un fluide jaunâtre ou
corrom pu, les autres viscères ramollis et comme dissous, parsemés d’hydatides,
de pustules, de taches; le coeur flasque et comme racorni; le sang qu’il contient,
noir et presque solide; le foie noirci, ou livide, ou engorgé. »( M alion, pag. 272.)
« On voit enfin, tant extérieurement qu’intérieurem ent, des vessies disper
sées ça et là, remplies d’ une sérosité jaune ou obscure, et presque toujours d’une
odeur désagréable. » ( Ib id , pag. 273. )
(2) « Distension.excessive de l’abdom en, au point d’en menacer la rupture •
— taches de différentes couleurs sur la surface du corps, surtout au dos aux
pieds, à l’epigastre; — la prompte dissolution, quand la personne est morte du
poison. On peut trouver dans la dissection du cadavre des indices certains d’ em
poisonnement: — la roideur des membres, la tuméfaction du ventre, ne sont
pas des signes constans ; — mais ce qu’il y a de constant dans les cadavres des
personnes qui ont péri d’ un poison âcre ou caustique, c’ est de trouver l’oesophage,
l’ estomac et les intestins grêles, atténués, enflammés, gangrenés, rongés et sou
vent percés.... Il suffit de résumer ces signes, pour être convaincu de la néccssilé^de ne jamais se décider que par leur ensemble. » ( Ibid . p. 270, 271 , 307. )
( >) « Quand on n a pas été ci temps d ’examiner la nature du vomissement, que
les sympLÔmes sont passés, que le malade est guéri , peut-on tirer des indices
suffisans de l’assertion du plaignant, et de celles des personnes qui l’ont assisté?
— Je ne le pense pas. » ( Ib id . pag. 3o 6. )
�( 16 )
d’alimens, même très-sains, peuvent fournir les mêmes résul
tats (1).
Il parolt que le sieur de Murol avoit été mal traité d’une
gale. Les empiriques ont pour ces sortes de maux des remèdes
dont la promptitude séduit le m alade, mais dont l’effet double
ment funeste consiste à faire rentrer dans la masse du sang une
humeur vicieuse, dont la nature cherchoit à débarrasser le corps:
et s’ajoute à ce mal réel, le mal plus grand peut-être du remède
lui-même. Aussi est-il constant qu’ une éruption rentrée suffît:
seule pour agir mortellement sur l’individu, et laisser des traces
presque semblables à celles du poison (2).
L ’opinion qu’a pu avoir le sieur de Murol lui-même sur son
état, ne doit pas être d’un très-grand poids; car 011 sait com
bien un m alade, et surtout u n vieillard, est sujet à se frapper
l’imagination : pour peu que ses craintes soient accréditées par
quelque soupçon, il ne trouve plus rien que d’ extraordinaire dans
son état, et il s’obstine à ne pas croire que des maux naturels, ou
la caducité , puissent être l’unique cause de son dépérissement.
Cependant la plupart des maladies vives s’annoncent par une
invasion soudaine ; et cette rapidité même semble tellement inex-
(0 a Q u’ un hom m e ait mangé des alimens difficiles à d ig ére r, ou faciles à
entrer en putréfaction, il peut arriver que quelque temps après il se trouve
très-m al, et qu’il ait tous les symptômes du poison, jusqu’à mourir.
» J’ai vu une châtaigne rô tie, avalée toute entière, donner tous les signes
de l'empoisonnement. Les têtes et pieds de ve au , les écrevisses, les huîtres,
les vins troubles et avariés, ainsi que les vins frelatés, ont très-souvent aussi
produit cet effet. « ( M alion, pag. 299. )
(a) « Certaines maladies laissent sur les cadavres des traces peu différentes
des signes ordinaires du poison. »
a U ne éruption rentrée, une affection scorbutique très-avancée, une bile
très-Acre, etc. — Mais par une contemplation réfléchie des syrtiptômes, ct la
comparaison que le médecin en fera avec les signes que porte le cadavre, il
distinguera aisément les restes d’une maladie violente > d’avec les caractères de
l’empoisonnement. » ( Ib id . pag. 3 i 3. )
p lica b le ,
�( i7 )
plicable, qu’on repasse alors dans sa mémoire jusqu'aux moindres
détails qui ont précédé; les choses quiétoient auparavant les plus
simples se grossissent, la crédulité s’en empare. P o st hoc, ergo
propler h o c , se dit - on ; et ce raisonnement de l’ignorance n’en
séduit pas moins quelquefois les personnes les moins prévenues.
Un soupçon alors, né du plus léger indice, acquiert bientôt de
la consistance, à tel point que les explications les plus naturelle»
sont dédaignées ; le préjugé l’emporte sur l’expérience ; et on ferme
les yeux sur les exemples plus frappans, qu’on a eus souvent sous
les y e u x , des bizarreries de la nature, et des accidens de la vie (1).
Car en cette matière , dit le docteur C o ch in , et quand il s’agit
de juger des poisons, les conjectures les plus vraisemblables ne
sont souvent que des illusions (a).
Le célèbre auteur Zacchias avoit été consulté sur un événe
ment presque semblable à celui du sieur de Murol. Un individu
avoit fait un ample diner avec un am i, et ne tarda pas à éprouver
de grands malaises qui furent suivis d’un prompt dépérissement.
Il devint subitement pâle et exténué, perdit la raison , et mourut.
Le diner ayant été son dernier acte de santé , les soupçons s’é
levèrent contre celui qui l’avoit partagé ; il fu t mis en prison.
L e cadavre fut ouvert, et Zacchias y trouva les intestins trèsenflés, le sang coagulé dans les ventricules du cœ ur, la substance
même du cœur d’une couleur dégénéiée, la tête et les lèvres
grosses, les poumons livides et adhérens, le foie corrompu.
T ou t cela pouvoit paroltre des signes de poison. Mais ce docte
(i) « Il est une infinité de maux sourds, qui augmentant insensiblement en
intensilé, peuvent avoir affligé un homme depuis longues années, sans qu’il
s’en soit lui-même beaucoup aperçu, et q u i, éclatant tout à coup, paraissent
inconcevables à ceux qui ne sont pas au fait des divers accidens de la v ie , et
qui ont l’imagination préoccupée. » ( Ibid. png. 317. )
(a; Qucst. du poison, t. i«r. , png. 4 ' Recherches sur les signes anatomique*
et judiciaire* des signes ¿ ’empoisonnement, par M . de lk t z .
G
*
�I i8 )
médecin no chercha que dans son art et dans son génie des con
séquences que la prévention auroit dénaturées, s’il se fût aban
donné aux fausses impressions de l’opinion publique.
Dans une consultation très-méthodique et très-savante, Zacchias suivit pas à pas tous les symptômes décrits; et il fit résulter
de leur ensemble, que l’homme étoit mort de la jaunisse.
Il ne jugea pas possible que ces sym ptôihes fussent nés du
p o iso n , puisque la natu re n ’avoit pas fait un effort continuel et
sans re lâ ch e , pour se débarrasser de cet ennem i dangereux ( 1 ).
Il y avoit eu un vomissement soudain ; mais il avoit cessé ; mais
il n’y avoit pas eu de ces douleurs opiniâtres et de ces angoisses
toujours croissantes, qui dénotent une prochaine dé génération
des solides Ta).
La corruption du foie et l’adhérence des poumons avoit paru
de quelqu’importance a Zacchias ; mais il pensa que si la cause
en lut venue du poison, l’estomac et le cœur auroient dû. être
lésés et corrodés auparavant (5).
D ’après cela Zacchias n’hésita pas à prononcer que le malade
n’étoit pas mort de poison, mais d’une maladie naturelle (4).
Les auteurs qui ont écrit sur le droit criminel ne conseillent
pas une moindre circonspection dans les jugemens qu’on peut
porter sur de semblables matières.
(1) « A c c id e n c ia , s i e x veneno adm inístralo superveniant , s o len t , cum
Ímpetu quodam , ac vehem entia apparére , non tolerante natura, vim improvistim ipsius veneni.-n ( Z a c h . Consil. 16. )
(aj « V om itas indf.sinens, m olestia in to lera b ilis, d olorespernecabiles ,
•lip olh y m ia , syncopis , et alia. » ( lb id . )
« Primo et antequám hepar leedatur , necease est Itedi stomachum
jitq u e etiam cor. » ( l b i d . )
(4 ) “ Igitlir eX P ratd ic tis p atet N... d propinato veneno n o n fu isse fixlin ctu n i, s e d potiüs á morbo yuodam n a tu ra li.» ( l b i d . )
�(- i 9 )
a Plus l’accusation de poison est grande, d itM . T>rév6t,cé« lèbre crim inaliste, plus on doit examiner avec soin si elle est
u fondée. La mort est tous les jours accompagnée de symptômes
« qui en imposent sur cet article. Ainsi il faut user de beau« coup de prudence, observer avec soin si les accidens dont
« se plaignent les personnes qu’on dit empoisonnées sont ab« solunjent les suites du poison : si la personne empoisonnée
« est m orte, l’ouverture doit apprendre et constater le poison ;
« il se manifeste clairement par les premières v o ie s, etc. »
CPrincipes sur les visites et les rapports, pag. 226. J
Il y auroit donc bien du danger à s’en tenir à de simples
soupçons, ou à des indices équivoques, dans une matière d’aussi
grande conséquence. Car il suffit que d’autres maladies pré
sentent des signes semblables à ceux du poison, pour que dans
l ’incertitude il faille juger qu’il n’y a pas de preuve d’empoi
sonnement (1).
Car qui pourroit, en matière crim inelle, juger par de simples
indices , lorsque les lois elles-mêmes exigent des renseignemens
certains , des indices indubitables , et des preuves plus claires
que le jour (2) ?
Mais que peut-on entendre par ces indices indubitables? Les
criminalistes prennent encore la peine de les signaler de ma
nière à ne pas s’y tromper. Il faut que l’esprit du juge en soit
frappé et même contraint au point de ne pouvoir pencher pour
l’opinion contraire. C ’est la situation de l’â m e , dans laquelle
(1) « N on d icitu r probatum veneni C rim ea, e x probatione continui
vom itus , v el e x livore corporis , a u t spumis e x ore J ìlu e n tib u s , quia
^htec tigna, p o ssim i eliurn e x p estiferà f e b r e , a u t a cu to mot h o , citrà
veneni causam orire. » ( F arin a c. q u a si. 2 , n°. 3 a , p m x . crìm . )
(2) « M u n ita s it ap ertissirn is d o cu m en ti* , v e l in d ic iis a d p ro b a tio *
tionem in d u b ita tis e t lu ce cla rio rib u s. » ( L . S c ia n t , co d . D e proba t. )
�( 20 )
l’esprit se repose sur le parti qu’il vient de prendre comme sur
une découverte assurée et satisfaisante, sans revenir jamais à
hésiter dans la conviction qu’il vient d'acquérir (1).
Ces maximes sont puisées dans la loi elle-m êm e, qui ne veut
pas qu’on puisse condamner un individu sur de simples soup
çons (2), parce qu’en effet l’expérience prouve que celui qui
com m ence à soupçonner, ne voit jamais comme il doit voir (3 );
ce qui a fait dire à M. Domat que le juge doit se défier de la
première impression qu’on lui donne dans une affaire , parce
qu’elle est malgré lui le mobile de sa conduite, et qu’il ramène
tout à cette opinion (4).
Si d’après l’examen de tous ces principes généraux, il faut se
former une opinion, le conseil n’hésitera pas à dire que s i , comme
on paroît le croire , les médecins délégués par la cour criminelle
n’ont pas attesté avoir trouvé dans le corps du sieur de Murol
dès traces de poison , il est impossible de penser qu’il y ait ni
conviction de culpabilité, ni même conviction d’empoisonne
m ent ; c a r, comme le dit la dame Rollat dans son m ém oire,
si le poison n’a pas été visible pour les médecins , comment le
seroit il pour un jury?
Il n’y aura pas de corps de délit , et par conséquent il sera
inutile de chercher un coupable.
Les circonstances qui ont précédé et suivi l’évén em ent, ne
semblent pas même donner lieu à des soupçons bien fondés ; et
(1) « In d iciu m in d u h ita tu m e s t q u o d co a rcta t m entem ju d i c is ila u t
om ninù c r e d a t , neo p o ssit in contrariant in clin a rr. R s t dem onstratio
rei p e r signa su fficien tia p e r <juce anim us in a li quo tanquam ex isten te
36 , n°. 35. )
(2) « Ne suspicionibus quemqnam damnari oportere divus Trajanus
scripsit. » ( Tj. Abs. ff. Pœnis. )
(3) « Q u i tn s p ic a tu r p lu s se videra p u ta t. » ( E x tr a d e testib . )
q u i esc i t , e t p lu s investigare non cu râ t. » ( l'a r in a c. qucest.
(4) T r . du droit public.
le
�( 2.1 î
le résultat achève même de détruire la première impression qu’une
semblable accusation ne manque jamais de répandre.
L e sieur Courby étant dépositaire d’effets signés du sieur de
Murol p ère, quelle qu’en fût la som m e, l’envie de se les appro
prier a bien pu faire croire que l’empoisonnement avoit été un
m oyen d’y parvenir. Mais rien n’empéchoit le sieur Courby de
garder ces effets, et de s’en dire le maître : l’ usurpation des
billets étoit même plus solide sans crime.
La conduite amicale du sieur de Murol envers le sieur Courby,
depuis le 29 septem bre, est le meilleur témoignage que ce der
nier puisse avoir; et si le sieur de Murol a dit à la justice avoir
eu des soupçons' dès le jour m ê m e , ou il a.été bien inconsé
quent , ou ses soupçons ne méritent pas une grande confiance.
On ne voit pas que le 29 septembre il ait appelé à son secours
aucun homme de l’art ; par conséquent il ne faut pas croire qu’il
ait eu d’aussi grandes souffrances , ni une aussi grande terreur
qu’il a pu le dire a p rès, lorsqu’il étoit atteint d’une maladie
chronique.
B ientôt au contraire il reprit son régim e accoutum é. L ’es
tom ac paroit avoir fait ses fonctions com m e auparavant ; et il
est bien difficile de concilier c et état de santé parfaite avec la
dégénération progressive qu’auroit dû opérer la présence de l’a r
senic , en quelque petite quantité q u ’on le suppose.
Il faudroit même admettre que le poison a été pris à grande
d ose, si les pêches en étoient saupoudrées , puisqu’elles ont été
avalées entièrement avec le vin , et que le sieur de Murol n’a
répugné au poison que pour la portion demeurée au fond du
verre. Le véhicule auroit donc été suffisant pour porter une
grande quantité d’arsenic dans les premières voies.
O r , il est impossible que les effets de ce poison eussent cessé
tout d’un coup , et n’eussent laissé aucunes traces.
( Le fait articulé , que le sieur de Murol a subi deux fois l’o
pération de la paracentèze , ou ponction , prouve qu’il a été
�(
22
)
considéré comme atteint d’hydropisie ; et ce traitement achève
de détruire toutes les incertitudes.
Il
y a donc lieu de conclure que les soupçons du sieur de
Murol n’ont eu aucun fondement réel ; qu’à soixante-quinze
an s, et avec les circonstances qui ont accompagné sa m ort,
elle n ’ a eu rien que de très-naturel.
D
é lib é r é
à R iom , le 16 juin 1807.
L. F. D E L A P C H IE R , avocat; B A R TH E LE M Y , doct. m éd.;
A N D R A U D , avocat; C H O SSIER , doct. m éd.; PAGÈSM E IM A C , avocat ; G E R Z A T , doct. méd. ; P A G E S ( de
Riom ) , avocat ; M A L B E T , doct, méd.
A R I O M , de l’imprimerie de L a n d r i o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1807.
�
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Factums Marie
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[Factum. Rollat, Eléonore. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Barthélémy
Andraud
Chossier
Pagès-Meymac
Gerzat
Pagès
Malbet
Subject
The topic of the resource
abus de confiance
prêts
empoisonnement
Murol (famille de)
homicides
Description
An account of the resource
Mémoire pour la dame Eléonore Rollat, épouse de François Philippe Courby, habitant à Aigueperse [suivi de ] Consultation.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1807
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0613
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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fre
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BCU_Factums_M0334
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Aigueperse (63001)
Thiers (63430)
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empoisonnement
homicides
Murol (famille de)
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Text
P
R
É
C
I
S
POUR
Mademoiselle D ’ A L B I A T .
S ’ i l est vrai que la gloire d’une femme soit d’être
ignorée, et que celle dont on a parlé le moins ait le mieux
vécu, combien cette obscurité devoit surtout être chère
a une jeune personne qui n’étoit jamais sortie, pour
ainsi dire, de l’ombre des ailes de sa mère!
Qu il lui en a coûté d’attirer tous les yeux sur elle par
une demarche publique, et de paroître tout à coup au
grand jo u r , sans s’être préparée à en soutenir l’éclat!
Pourquoi un père qu’elle a toujours chéri, ne lui a-t-il
pas épargné cette douleur? Faut-il qu’il s’oppose seul à
un mariage qu’une mère éclairée approuve, que toutes
les convenances autorisent?
Sa fille (n e fit-elle même que céder aux mouvemens.
de son cœ ur) peut-elle craindre la censure publique,
lorsqu’elle m arche, sous la conduite de sa m ère, à un,
i
�c*)
établissement légitime? et n’est-elle pas assurée de la pro
tection de la justice, quand elle suit la route que les lois
mêmes lui ont tracée ?
Mademoiselle d’A lb ia t sort d’une famille ancienne , et
distinguée dans la magistrature. Son père occupoit, avant
178 9, la place de procureur du roi près de la séné
chaussée de Clermont. IL avoit plus de 200000 francs de
bien lorsqu’il épousa mademoiselle D u p u y , qui lui ap
porta une dot de 67000 francs argent com ptant, somme
alors considéi'able. Ce mariage a donné le jour à trois
enfans, deux fils et une fille.
L a nature et la fortune sembloicnt promettre un heu
reux avenir à cette jeune personne.......... A u jo u r d ’hui la
dot de sa mère est la seule ressource de ses frères et la
sienne; il faut que sa mère la nourrisse, et que la justice
décide de son établissement.
Mademoiselle d’A lbiat eût supporté les revers de la
fortune sans murmure : mais elle étoit réservée à des
coups plus cruels et plus sensibles.
Depuis la révolution, M . d’Albiat a presque toujours
vécu à Paris. Sa fille habitoit Clermont avec sa mère ;
elle ne l’a jamais quittée. C’est sa mère qui a dirigé son
éducation : elle doit tout à sa tendresse-, et au milieu de
scs peines il lui est doux de pouvoir lui offrir ce témoi
gnage public de reconnoissance.
Madame d’Albiat a cru devoir demander à être séparée
de biens d’avec son mari. La séparation a été prononcée
.il y a trois ans par un arrêt de la cour de Puom.
11 a suffi que cette décision ait été pénible à M. d’A lbiat,
pour affliger le cœur de ses culans. Mais lia chagrin plus
�VÍfies attendent r madame d’A lbiat a depuis Jugé a propos*
malgré leurs instances réitérées, de demander à être sé
parée de corps d’avec leur père. Cette demande est au
jourd’hui pendante en la cour de Riom ; et déjà un arrêt
provisoire y a été ren d u, qui remet les tristes victimesde la désunion de leurs parens à la garde de leur mère,
et ordonne que M . d’A lbiat ne pourra se présenter chez
son épouse que de son consentement.
Cependant mademoiselle d’A lbiat touchoit à sa vingtunième année, et sa famille s’occupoit de son établisse
mentC ’est dans ces circonstances, que M . Dufraisse de V e r
mines , fils du dernier avocat général à la cour des aides,
et lieutenant avant 1789 dans le régiment d’Austrasie ,
a demandé la main de mademoiselle d’A lbiat, dont le père
étoit alors à Paris.
M . de Yernines n’est point riche, mais sa fortune est
à peu près égale à celle de mademoiselle d’Albiat ; et peutetre devoit-on lui savoir quelque gré de chercher à s’allier
à une famille malheureuse.
Séparée de ses fils, qui tous deux sont éloignés d’e lle ,
madame d’A lbiat a cru avoir besoin d’un appui, plus
encore pour sa fille que pour elle. Elle a agréé la de
mande de M . de Vernines; et mademoiselle d’A lb ia t,
encouragée*par l’aveu de sa m ère, n’a pas été insensible
à: ses soins.
Assuré du consentement de madame d’A lb ia t, M . de
Vernines s’est occupé d’obtenir celui de M. d’Albiat. Il
lui a fait écrire par M . T ron et, son ami. Que de dé
marches 11’a-l-il pas faites, que de respectueuses sollicitaz
�c 4 >
tions n’a-t-il pas employées à son retour! Il a fait agir
sa famille e n tiè re , aussi estimée qu’estimable; il eu re
cours, à clés parens communs; il a eu différentes entre
vues avec M . d’A lb ia t, chez lui et chez M . Tronet.
Ces démarches; avoient lieu au mois d’octobre dernier.
M.. d’A lbiat n’avoit point alors de prévention contre
M . de. Y ern ines; il ne s’opposoit point à son m ariage,
et n’y mettoit qu’une seule condition. . . que madame
d-Albiat jeter oit a u fe u tas pièces du malheureux procès
en séparation de corps, qui afïligeoit également, et ses
enfans, et celui qui aspiroit à le devenir.
Ce fait, qui est de la plus haute importance, puisqu’il
justifie à la fois M. de 'Yernines des l'eproclies qui lui
ont. été faits depuis, et mademoiselle d’Albiat de sa per
sévérance dans un choix d’abord approuvé par son père,
M . de Vernines le prouvera, si la cour de Riom l’or
donne,
7•
i° . Par des lettres des parens communs;
2?. Par. la déclaration que feront M M . M arlillat de
Chabanes , et Y ig ic r , de Clermont , que M . d’Albiat
les a chargés de faire cette proposition à M . de Yernines.
T o u t ce que pouvoit faire un. homme délicat, pour
y répondre, M-. de. Vernines l’a fait. Mais mademoiselle
d’A lbiat et lui n’avoient que le droit de prier : ils en ont
bien fuit usage; de. si doux motifs, les aniinoient! Et si
leur malheur a voulu qu’ils n’aient pu encore ménager
u n e . réconciliation qu’ils désirent également, c’est que
le succès ne couronne pas toujours les plus tendres et
les plus justes projets des enfans.
L e cœur d’un bon père est un asile où il ne faut
�( 5)
jamais désespérer de pénétrer. A u moment même où
M . de Vernines ten toit jnille moyens respectueux pour
toucher le coeur-de M . d’A lb ia t, dans le temps où sa
fille, qui en connoissoit.tous les chemins, y f a i s o i t chaque
jour de nouveaux progrès, tout à co u p , par.une fatalité
inexplicable, M . d’A lbiat s’a ig rit, s’irrite , et bannit sa
fille de sa présence; il déclare ( qu’il en coûte à made
moiselle d’A lbiat de le répéter! ) il déclare à M . Escot,
son oncle, que si elle reparoît chez lui il .la.mettra de
hors k coups de pied.
On avoit fait entendre à M . d’A lbiat qu’il neeonvenoit
point qu’il donnât sa fille à un émigré ;-on lui avoit ip.•sinué que M . de Vernines. aigrissoit;madame d’A lb iat,
lo in de ch erch er ¿Y l’adoucir.
Trom pé par: ces faux rapports, M . d’Albiat-a refusé
son consentement .à M . de Vermines de Ja manière la
plus absolue, et avec des emportçmens sans doute étran
gers k son caractère.. .
'
Les recherches de M . de ;V eynines étoient publiques :
toute la famille de mademoiselle d’A lbiat les approuvojt
et les encouragçoit. .Tout etoit convenable dans cette
alliance; la naissance, la «fortune! <çt les conditions étoient
k peu près les mêmes : il étoit évident que M . d’A lbiat
n’avoit contre M . de Vernines que des préventions que
le temps devoit dissiper. Mademoiselle d’Albiat « cru
pouvoir suivre les mouvemens de son cœur, et user du
• droit quej-lui doimojt sa majorité. M adam e d’A lbiat a
déclaré pnr-;éçrit, ( Oiçte est produit au procès.) qu’elle
opprouvoit ;et| ajUori^oit le mariage ;,çt avec ¡son autori
sation sa iillê s’eat décidée à i présenter ¿1 son père des
actes de respect.
2
�'(.6 )
Mais en vain le Code civil, en vain le rédacteur'du
nouveau Code de procédure, dont elle a une consulta
tio n , la dispensoient de présenter elle-m êm e ses actes
respectueux. . . . Mademoiselle d’Albiat nVconsulté que
son c œ u r.. . . elle a voulu accompagner le notaire chez
•son père : elle a1cru que sa voix , jusqu’alors'si agréable
à son oreille, donneroit plus de force à ses prièi’es. Dans
cette id é e , elle s?est rendue présente aux ‘trois actes res
p ectu eu x.. . . mais inutilement.
Mademoiselle d’A lbiat le déclare ici ; elle ne sait pas
'ce qu’elle n’auroit point f a it , pour éviter de commencer
-contre son père le pénible apprentissage des procès.’
M algré ses amis, mdlgré sa famille, après son dernier
acte de respect du 4 mars, elle étoit déterminée à at
tendre que le temps ramenât son père ù l’avis de madame
'd’Albiat. Elle respiroit ces mêmes sentimens q u i, deux
•mois après, ont dicté la lettre qu’elle join t'à ce p récis,
lorsque son père l’a conduite lui-m êm e aux pieds des
tribunaux, et a appris à leurs ministres le chemin de la
maison de sa fille, par un acte d’opposition A son mariage,
^signifié par huissier le -3 avril dernier.
Mademoiselle d’Albiat a été forcée d’en demander la
mainlevée, et le tribunal de Clermont a rcjeté;sa demande
par un jugement du i cr. m ai, qui déclare nuls et irres
pectueux les actes de respect présentés par lu fille; et
•statuant ensuite sur le fond, maintient l’opposition formée
■
par le père. Madcmoisélle d’Albiat a interjeté appel.de
ce jugement-par exploit du 3° niai dernier; et, confor
mément ù l’article 1 7 8 ‘du Code c iv il, portant « qu’en
« cas d’appel, il y sera statué dans les dix jours de la
�( 7')
«. citation , »• une audience extraordinaire a été fixée ,
p ou r la plaidoirie de la cause, au lundi 9 juin prochain.
Mademoiselle d’A lbiat n’ayant destiné ce précis qu’à
détruire les préventions qui pourroient s’élever contre sa
cause, elle se bornera à de courtes observations qui seront
développées dans, la plaidoirie.
Il est certain qu’il est un âge où la raison , affranchie
des liens de l’enfance et mûrie par les feux même de
la jeunesse,;devient capable de nous guider dans le choix
d’un état, et dans celui d’une compagne qui embellisse nos,
plaisirs' et console nos peines. Cette époque a été fixée
par le Code civil à vingt-cinq ansi pour les hommes -, à
l’égard des filles , chez qui la nature suit d’autres lois , et.
qui hors du m ariage ont rarem ent un état, la m ajorité
a été justem ent rap p ro ch ée à. v in g t - un ans. Institué p ar
la nature môme comme premier magistrat dans sa fam ille,
c’est le père surtout que la société interroge pour qu’il
lui réponde que son fils ou sa fille mineure apporte
nu contrat solennel du mariage un consentement vrai,
solide et éclairé; mais à la majorité , l’autorité des pères
fin it, leur consentement n’est plus indispensable , et leurs
etifans ne leur doivent plus qu’un témoignage aussi légi-^
time que doux de respect et de déférence.
Telles sont presque les expressions de l’orateur qui a
lait le rapport de la loi sur le mariage. L ’article 148 du
Code civil en est le résumé. Cet article porto que « lq.
« fille qui n’a pas atteint l’âge de vingt et un ans accom« plis ne peut se marier sans le consentement de sou père
rç et de sfi mère. » D ’où il su it, par un raisonnement
contraire , que passé cet âge le consentement des parçn$
»’est plus nécessaire.
4
�( 8 h
<Ce principe souffre deux exceptions’ , toutes deux dé
term inées' par l e Code civil' (articles i '5 i , i 5 2 ) ; l’une
que les enfaris aient présenté trois actes respectueux et
form els à leurs père et mère ; l’autre' que ces derniers
n’aient point'form é opposition au mariage'( art. 17 3 ),
ou , ce qui est la même chose, que cette opposition ne
soit pas fondée.
O r , mademoiselled’A lbiat a présenté des actes de res
pect à son père ; et l’opposition qu’il a mise à son mariage
est sans fondement.
Il est certain qu’il y a eu des actes respectueux présentés
par mademoiselle d’A lbiat les 26 décembre , 29 jan vier,
et 4 mars dernier.
Quel reproche leur fait-on ? On a jugé qu’ils n’étoient
pas respectueux. S’ils ne le sont pas, l’intention de made
moiselle d’A lbiat auroit donc bien été trompée! Mais il
suffit de les lire pour se convaincre du contraire : l’af
fection et la douleur respirent dans chaque ligne.
O11 a critiqué les mots sommé et interpellé, par les
quels le notaire les termine : mais la cour de Rouen a pré
cisément ju g é , le 6 mars dernier, que ce mot sommé
n’étoit point prohibé par la loi , et qu’il n’avoit rien de
choquant, puisqu’il se trouvoitaccompagné des plus hum
bles supplications.
On prétend que dans les deux premiers actes, made
moiselle d’A lbiat demande seulement le consentement et
non le conseil de son pere. On dit que le Code civil exige
expressément la demande du conseil*, que ses termes sont
sacramentels en cette matière et par ces raisons on an
nuité les trois actes.
�c9y
Cependant le troisième renferme;expressément ce mot
conseil, comme'le jugement le recqnnort; et il semble que
l’omission faite dans les deux premiers soit ainsi réparée ;
il semblé ensuite qu’il est bien plus respectueux de deman
der le consentement d’une personne que son conseil, car on
peut suivre ou mépriser l’avis qu’elle donne : mais deman
der son consentement, c’est annoncer qu’on en a besoin ,
que du moins on y attache le plus grand prix. L ’une de ces
démarches est un témoignage d’estime, la seconde est une
preuve de respect et de soumission. Il est même évident que
le législateur a choisilemot conseil pour les majeurs, comme
plus foible et opposé à celui de consentement pour les
mineurs : c’est ce qui résulte du rapproch em ent de l’ar
ticle 148 avec l ’article i 5 i , et des procès v e rb a u x du con
seil d’état. D ’a ille u rs, si l’article i 5 i renferme le co n seil,
l’article suivant dit expressément que s’il n'y a pas de
consentement sur le premier acte, on passera à un se
cond, etc. Donc ce n’est pas une nullité dans l’acte d’y avoir
employé le terme de consentement dont fait usage la loi.
Et qu’importe qu’on ait demandé à M . d’A lbiat son con
sentement plutôt que ses conseils, puisqu’il a refusé le pre
mier et donné les seconds avec toute l’étendue qu’il a jugé
a propos d’y mettre. Enfin le Code civil n’a point donné
de formule qui puisse servir de modèle aux actes de res
pect qu’il exige. Dans ces circonstances , il semble qu’il
faut suivre les anciennes formes : c’est p r é c i s é m e n t ce qui
a été observé ; et les actes respectueux présentés par made
moiselle d’Albiat ont été copiés mot pour mot sur le mo
delé donné il y a trente ans par l’auteur de la Procédure
du cliâtelet, chargé aujourd’hui de la rédaction du nou-
�(10 y
veau Godé de procédure. M . Pigeau sans doute écrivoit'
dans un temps où l’autorité paternelle étoit au moins aussi?
respectée qu’aujourd’hui.
Si les actes présentés par mademoiselle d’A lbiat sont
réguliers, il ne reste plus qu’à prouver que l’opposition
de son père n’est point fondée.
On peut dire en général-que les pères n’ont point le
droit de s’opposer au mariage de leui’S enfans majeurs.
Ce principe se prouve par raison et par. autorité. Par
raison , parce qu’il vient un temps où l’homme est oui
doit être en état de marcher seul dans la route de la.
vie ; parce- que la nature l’a rendu lib re , et que la société'
seule lui ayant imposé des liens dans le plus naturel commele plus doux de tous les actes, la société peut l’en affran
chir quand elle le juge à propos, et n’a pas le droit dele retenir dans une éternelle dépendance,
- L ’autorité vient ici à l’appui de la raison. Tous les.
peuples ont proclamé la liberté absolue des m ariages après
la majorité; « A cette époque, dit l’éloquent Portalis,
« les enfans, soit naturels, soit légitim es, deviennent
« eux-mêmes les arbitres de leur propre destinée; leuc
« volonté suffit à leur mariage, ils n’ont besoin du con« cours d’aucune autre volonté. »
« Q u’entend - on , se demande M. de M alleville ( sur
« l’article r 58 du Code civil ) , par ces mots : E tre, reln« tivement au m ariage, sous la puissance d'autrui?
« Des auteurs récens, d it-il, sont partagés sur celte ques« tion ; les uns pensent que les descendans y sont a tout
âge , et tant que leurs père et mère vivent ; les autres
et pensent au contraire que cette puissance cesse lorsque
�( r i)
^<.'ïcs'gar,Çons on^ vingt-cinq ans? et les filles vingt-un.
« Je suis de l’avis de ces derniers. Après cet â g e , les
« enfans peuvent se marier sans le consentement et
« contre le gré de leurs /parens. Ils ne sont donc plus
'« sous leur puissance à cet égard , seulement ils sont
v« obligés de requérir ce consentement : mais ce n’est
-« qu’une déférence, qu’ une marque de respect que la loi
«.leur impose.; et après l’avoir rem plie, ils peuvent se
'« m arier'm algré "leurs-parens. »
. Enfin M . Pothier dans son Traité du/contrat de ma;xù\ge, art.’^ i , décide que.le .père n’est pas même fondé
à s’opposer au mariage de son-fils majeur. C’est ce qui a
rété ijugé,' dit-il y par un arrêt du 12 février 1718 , rapip o rté au 7 e.. tome du Joui*nal des audiences , qui donne
»congé de l’opposition form ée par un p ère au m ariage de
ssnn fils , âgé de vingt-six ans. ( Il faut observer que le fils
n’avoit pas même présenté d’actes respectueux. )
r rM ais, dira-t-on ?>si les enfans majeurs sont les maîtres
absolus de'leur destinée, pourquoi l’article 173 du Code
autorise-t-il les pères et mères à former opposition a leurs
-mariages ? Pour plusieurs.raisons.; pour.forcer les enfans
a présenter des actes de respect, quand ils ont manqué
- à ce devoir ;>pour empêcher les m ariagesprém aturés, ou
'dans les degrés prohibés ; en fin , si l’on veut, pour 1*0
- tarder , mais retarder seulement 7les mariages déshonorans
■
-et honteux.
Car ni les pères , ni les tribunaux qui les représentent,
^ . ne sont les maîtres d’em pêcher l’établissement d un ma
jeur,; on ne peut qu’y faire naître des obstacles, qu'y
•apporter des délais. L a .loi ne peut contrarier la natiuc
�C 12 )
que jusqu’à un certain point., et la nature ¡veut que *les
mariages soient libres.
>:
;
« L e législateur , disoit M . J3igot de Préameneu au
« conseil (l’état, a voulu concilier ce qui est dû.aux pareils
« avec les droits de lu nature. C’est déjà.assezÆun délai
« de quatre mois apporté, au mariage par les trois actes
« de respect. Il pourroit résulter d’un .plus¡long, retar« dement des désordres scandaleux qu’il faut prévenir.
« Il est difficile d’imaginer que quelques mois de plus
« suffisent pour calmer les passion? j soit qu.’il s’agisse de
a faire revenir des parens de préventions .mal fondées, ou
« de ramener des enfans.
« D ’ailleurs, il importe de ne pas perdre de v u e , continue
« M . B ig o t, que l’une des familles est dans une position
« désagréable, et que le refus de consentement ne doit
« pas être un obstacle de trop longue durée au mariage
« que la loi autorise. »
V oilà sans doute des motifs qui ont dicté les art. 177
et 178 du Code civil, qui veulent que les premiers juges
statuent dans les dix jou rs, et .les magistrats supérieurs
•dans le môme délai, sur la demande en mainlevée d’op
position.
Cependant le tribunal de Clermont a pris sur lui d’em
pêcher à jamais le mariage de mademoiselle d’Albiat avec
M . de Vernines ; car il a maintenu purement et simple
ment l’opposition de M\ d A lbiat.
C ’est déjà un grand abus de pouvoir que les magistrats
supérieurs doivent réprimer pour l’avenir. Mais: encore ,
sur quel m otif est-il fondé ? Sur un fait faux, et sur uuc
conséquence absurde tirée de ce fait.
�( i3 )
O n a prétendu qu’il résultent de la discussion de la
cause, que le mariage avoit été projeté, il y a trois ans,
entre mademoiselle d’A lb ia t, sa mère et M . de Vernines,
de l’agrément de madame de Vernines m ère, et à l’insçu
du sieur d’Albiat. D e là 011 conclut que le c o n s e n t e m e n t
de la jeune personne ne peut être que Teffet de la cap
tation , et que cette captation s’est dévoilée à la pre
mière heure de la m a jo rité, par les actes de respect
signifiés à M . d'Albiat.
Mademoiselle d’A lbiat déclare que le fait sur lequel
est fondé ce i-aisonnement est faux. Il n’est point v ra i,
- et on n’a jamais dit pour elle, que son mariage fut projeté
il y a trois ans à Pinsçu de son père.
Mais le fait fût-il v r a i , depuis quand est-il défendu à
une m ère de faire des projets d’établissem ent pour sa fille,
lorsque son père est absent ? E t par quel étrange ren
versement de tous les principes peut-on traiter de capta
tion de semblables projets, et soutenir que cette capta
tion en minorité détruit un consentement donné en ma
jorité ? N ’importe que le mineur ait été trompé en
minorité (ce qui n’a été ni projeté ni exécuté ici ) , lorsque
devenu majeur il ratifie les traités qu’il a passés.
Si le seul m otif d’opposition adopté par le tribunal de
Clermont entre tous ceux que M . d’Albiat propose, est si
foible et si déplorable, que penser de ceux qui n’ont
pas été accueillis, et qui sont des objections relatives à
1âge, a la fortune, et même à la santé de M. de V ernines,
et du nombre de ces exagérations que tout homme peut
se permettre dans le monde en parlant d’un établissement
qu’ il désaprouve , mais qui ne peuvent faire aucune im
pression sur des magistrats?
�( *4 }
Sans cloute' o i t a trompé M . d’A lbiat sur le compte de
M , de Vernines : des inspirations étrangères l’animent
il sait bien , et on prouvera qu’il avoit d'abord consenti àla demande de M . de Vernines.
On l’a déjà dit, il n’y m ettoitqu’une seule condition dont
il fit part à M M . de Martillat et V ig ier, c’est que madamed’Albiat anéantiroit sa procédure en séparation de corps..
A - t - i l dépendu de M . de Vernines de satisfaire M .
d’A lbiat ? Ses désirs étoient les siens. 11 se compte déjà
au nombre de ses enfans; il' gémit d’une désunion qui les
afflige tous : mais il ne peut que gém ir..... Il souffre des
préventions de M . d’A lbiat ; mais , d it-il, c’est en faisant
un jour le bonheur de sa fille qu’il espère de les dissiper.
Quant à mademoiselle d’A lb ia t, assurée de la protec
tion de la justice, sans inquiétude sur l’opinion publique,
puisqu’elle est conduite comme par la main par sa mère j
par sa m ère qui a fait son éducation, par sa mère de qui
désormais elle attend toute sa fortune, par sa mère aux
soins de Laquelle de sages magisti’ats l’ont confiée, par sa
mère enfin qui a tant d’intérêt à veiller à l’établissement
d’une fille avec laquelle elle est destinée à vivre ; qu’at-elle à désirer, que de voir son père se rapprocher de
cette mère chérie, et pour son mariage, et pour toujours ?
C ’est sans doute quand les fortunes sont semblables, les
conditions égales, les principes sûrs, l’estime réciproque,
le caractère éprouvé; quand une longue persévérance est
devenue pour celle qui met le plus dans la société le gage
d’un attachement solide quand le cœur respire sans gêne
dans le plus doux des engagemens \ quand une mère ten
dre et prudente a parlé } c’ cst alors qu’il est permis à une
�c r5 >
fille s o u m i s e et respectueuse de presser , de solliciter , d’es
pérer le consentement d’un bon père!
D u m oins, mademoiselle d’Albiat a la consolation de
penser qu’elle n’a rien négligé pour l’obtenir. Que pouvoit-elle faire que de, supplier ? et quelles supplications
plus touchantes que celles qu’elle a adressées à M . d’A l
biat, dans sa lettre écrite la veille de l’audience de Cler—
m ont, oii elle a été lu e ? et dont voici la copie :
À Clermont, ce 27 avril 1806.
; .
J o l ie
m
on
enen
n’est-elle plus
papa
‘
,'
v o tre
san g
■
, n’est-eîle plus votre fille?
q u ’ a - t - e l l e f a i t p o u r m é r i t e r v o t r e c o u r r o u x ? sa t e n d r e s s e , s o n
les mêmes à votre é g a r d ?
Mon p a p a , laissez-vous f l é c h i r ; c’est à genoux, et les larmes
aux yeu x, que je vous en supplie : accordez un consentement
dont dépendent mon bonheur et ma tranquillité ; bénissez une
union à laquelle vous ne répugnâtes pas toujours , et que les
circonstances présentes nécessitent ; car vous savez bien quelle
est la perspective d’une demoiselle demandée publiquement,
€t dont le mariage ne se fait pas. Bénissez une union qu’il me
seroit bien plus doux de devoir à votre tendresse qu’à l’auto
rité des lois. Les mœurs et la probité de M. de Vernines sont
connues : vous lui avez rendu justice dans un temps ; p o u r q u o i
ne la lui rendez-vous plus? qu’a - t - il fait pour mériter votre
haine ? Sa fortune n’est-elle pas à peu près égale à la mienne,
et s o n alliance est-elle dans le cas de me d é s h o n o r e r ? Mais je
vous rends j u s t i c e , mon clier papa, cette haine n est pas de
v/)us, des médians l’ont suggérée ; ils ont noirci à vos yeux
ain homme d’honneur, et ont voulu m’enlever votre tendresse.
resp ect
ne
fu r e n t -ils p a s
t o u jo u r s
�(16 )
Oh ! o u i, vous vous laisserez attendrir ; et arrêterez le déses
poir d’une fille respectueuse , que le concours des circonstances
force de plaider avec un père q u 'e lle chérit. Pardonnez-moi,
si j’ai pu vous déplaire en quelque chose ; e t , de grâce , ne
me donnez pas en spectacle au palais, mardi prochain. Par
donnez aussi, si j’ai cessé de venir vous rendre mes devoirs
chez vous ; les menaces de me battre, si j’y revenois jam ais,
et dont mon oncle Escot chargé par vous fut le porteur, m’ont
seules épouvantée, et arrêté mes visites: mais je n’ai pas pour
cela cessé de vous chérir et respecter. Encore une fois je suis
à vos genoux , et les mains jointes. Mon cher papa, vous n’étes
pas méchant ; vous ne voudrez pas la perte et la honte de
votre fille. Bénissez et consentez à une union qui fait mon
bonheur, et qui un jour, je l’espère, fera votre consolation;
bénissez une union que les plus mûres réflexions me font dé
sirer , et auxquelles les temps les plus longs ne peuvent rien
changer. Evitez-moi le chagrin de passer dans l’esprit public
pour une fille révoltée contre l’autorité paternelle ; et à vousmême, un jour, la douleur d ’ y avoir forcé votre pauvre fille J u l ie .
Puisse cette lettre, dictée par la piété filiale suppliante,
devenir un témoignage durable des efforts qu’a tentés
une fille respectueuse, pour éviter un procès qui lui a
coûté tant de pleurs!
J ulie
D ’A L B IA T .
L. J U L H E , avocat.
A. RIOM, de l’imprimerie de L a n d Ri o t , seul imprimeur de la
Cour d’appel. — Juin 1806.
�
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Factums Marie
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[Factum. Albiat, Julie d'. 1806]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Julhe
Subject
The topic of the resource
séparation de biens
séparation de corps
actes respectueux
Description
An account of the resource
Précis pour Mademoiselle d'Albiat.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1806
1803-1806
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0612
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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Clermont-Ferrand (63113)
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actes respectueux
séparation de biens
séparation de corps
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MÉMOI RE
POUR
M. D U R A N D DE V A L L E Y ,
IN T IM É ,
S u r l ’A p p e l d e la S e n te n c e q u i re je tte la D e m a n d e en
S é p a ra tio n in ten tée a u n o m
DE LA DAME DURAND DE V A L L E Y ,
SON ÉPOUSE.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�COUR
IM PÉRIALE
de PARIS.
MÉMOIRE
Audience
Solennelle d u
lundi 8-bmht
'
POUR
M. D U R A N D
DE V A L L E Y
U n arrêt de séparation est demandé à la première Cour souve
raine de l’Empire, au nom de la dame de Valley, contre M. de Valley.
Une sentence très-sagement m otivée des premiers juges a déjà
proscrit cette demande.
Comment était-elle appuyée devant e u x , et comment l’est-elle
encore devant la C ou r? sur une plainte qu’on abandonne presque
entièrement, et sur une circonstance postérieure à la plainte et que
les premiers juges ont également écartée. Quels sont les principes
de cette matière, où l’on peut dire que le pouvoir toujours si res
pectable des magistrats suprêmes prend un caractère plus saint en
core puisqu’ils voient soumis à leur sagesse, ce contrat, le premier,
le plus important de tous les actes civils, ce contrat déjà formé sous
les auspices de la loi et de la religion, qui avaient voulu qu’il fut
irrévocable, et qu’un arrêt souverain va cependant déclarer nul} ou
de nouveau et a jamais indissoluble?
l
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( o
On sent assez qu’aux ye u x de ces ministres impassibles de la lo i,
pour qui les personnes sont indifférentes et les principes seuls invo
qués de part et d’autre peuvent paraître plus ou moins favorables,
ce qui semble d’abord et désirable et juste, ce n’est pas sans doute
de rencontrer ces circonstances si rares qui arrachent une excep
tion à leur conscience, mais c’est de pouvoir confirmer la règle : tel
est leur premier v œ u , le premier vœ u de la loi ; comme tel est aussi •
-
le premier intérêt de la société; oui, tout défend au premier aspect
de séparer deux destinées qu’un arrêt fatal va laisser à jamais isolées,
inachevées, incomplètes; surtout quand les habitudes, les princi
pes sévères des familles entre lesquelles s’agitent ces tristes débats,
garantissent que ceux qu’on va désunir renferm eront eux-mêmes
la funeste et inutile liberté qui leur sera rendue dans des bornes
Volontaires mais inviolables.
N e faut-il pas pour qu’un arrêt de séparation soit prononcé con
tre l’avis des premiers ju g e s, que l’erreur de ceux-ci soit bien manifestement dém ontrée? JN’est-ce pas dans cette circonstance-qu’il
est d’un grand poids ce suffrage des premiers interprètes de la lo i,
lorsqu’il se trouve placé du même côté de la balance avec le
vœ u de la législation elle - même ? P our infirmer une telle sen
tence , pour prononcer une telle exception, une telle infraction
du droit com m un, ne faut-il pas que l’évidence incontestable d’une
grande infortune particulière puisse en quelque sorte consoler la
douleur de la société et de la lo i, qui voient briser ces nœuds que
le premier devoir des magistrats est de resserrer et de m aintenir?
Est-elle p ro u v é e , est-elle seulement vraisem blable, peut-elle pa
raître possible aux magistrats, cette infortune qui doitètre si grande,
si irrem ediable, si incontestablement établie, quand de la cause
toute entière, des faits d’une plainte abandonnée et non pas cou
v e rte , mais selon l’expression des premiers juges, détruite, par la
correspondance desdeiix ép o u x, quand-enfin de tout ce qui est
I
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
'
�( 3 )
allégué clans le procès, il ne reste rien, absolument rie n , si ce n’est
le souvenir, gravé en caractères ineffaçables dans l’esprit des juges,
de ces témoignages touchans, continuels, irrécusables de la ten
dresse, de l’estime, de l’attachement des deux é p o u x , témoignages
sans cesse et partoijt déposés dans les lettres mêmes d’une jeune
fem m e, qui y traçait en les écrivant l’histoire véritable de ses sentimens et de sa vie toute entière; comme pour réfuter un jour l’ab
surde et calom nieux roman qu’on lui ferait signer à son insu, ou
certes du moins sans son a veu , puisqu’il n’est pas possible qu’une
conscience si pure se démente ainsi et se contredise elle-même ?
Quel est donc le secret de cet étrange procès? qui donc plaide ici
en séparation? qui donc a dicté cette plainte, détruite par la cor
respondance de celle au nom de qui elle est form ée, de celle qui
ne parlait que de son bonheur dans les années, dans les m ois, aux
jours pièmes où le rédacteur téméraire du libelle a placé les mau
vais procédés, les sévices, les injures et les outrages?
Ce triste secret ne sera que trop tôt révélé par tous les faits de
Ja cause , et M. de Y alley , fidèle à tous ses devoirs, fidèle surtout
à ceux qui sont si étroitement unis avec l’intérêt de son bonheur
futur, ne dira contre la dam edeSessevalle, contre la belle-m ère, qui
seule a séparé ceux qu’elle avait unis et dont l’union était si douce ,
que ce qu’il ne pourra pas taire : encore prendra-t-il d’avance l’en
gagement de l’oublier dès qu’il aura retrouvé l’épouse que les magis
trats ne peuvent refuser de lui fendre : oui, il aimera à croire qu’il
la doit une seconde'fois à sa mère et il reprendra les sentimens d’un
fils, comme ceux d’un épou^ ont toujours été dans son cœ ur et
n’ont jamais cessé de se m ontrer dans sa vie.
Certes il serait beau, mais il est difficile dans tous les temps et sur
tout au milieu des mœurs actuelles, qu’un mariage réunisse, non
¿seulement deux individus^ mais doux familles tout entièresj qu elles
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 4 )
sQienl pour ainsi dire mêlées, confondues comme les deux destinées
de ceux qui contractent cet engagement sacré. C ’est là ce qu’on
peut plutôt souhaiter qu’esp é re r, et nous savons trop combien
il est difficile et rare que tant d’hum eurs, de passions diverses se
trouvent assorties et d’accord ; mais aussi tant de soins ne sont pas
confiés aux magistrats ; il n’y a que deux destinées qui soient sou
mises à leur autorité et à leur paternité ; leur conscience est sans
scrupules quand ils imposent de nouveau un joug qui a toujours
paru d o u x , cher et léger à ceux-là seuls qui doivent le porter.
FAITS.
M. Durand de Y a lle y , fils d’un ancien magistrat, descend d’une
famille estimée et honorée en Champagne. Il a co n n u , en 1806 , la
demoiselle de Sessevalle, et bientôt après il désira l’épouaer : la
fortune de M. de Y alley est sans doute plus considérable; mais le
g o û t, l’estim e, l’attrait, l’inclination la plus v iv e e t, comme 011
le v e r r a , la plus tendrement partagée, les autres rapports de
toute espèce , la position sociale, l’éducation, tout était parfaite
ment convenable ; tout promettait l’union la plus heureuse et elle
n ’a jamais en effet cessé de l’être tant qu’il fut permis à la dame
de Yalley de vivre avec son mari.
Ce mariage de convenance et tout ensemble d’inclination ne fut
cependant pas conclu précipitamment. Madame de Sessevalle est une
m cre de famille respectable, sage, prudente ; personne, et son
gendre moins que tout autre , ne lui refuse l’hommage qu’elle mé
rite : il est certain que l’esprit d’o rd re, de conduite est comme la
base de son caractère : au reste , on l’a souv.ent remarqué ; les
femmes surtout distinguées par cette espèce de mérite qui tient à la
force ne prennent presque jamais les avantages d’une qualité qui n’est
'pas précisément celle de leur sexe, sans l’exagérer par quelques-uns
Note BCU
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�(5 )
de ses inconvéniens; et il n’est pas rare que l’habitude de n ’être pas
faibles ne les rende absolues, et que leurs vertus ne s’arrêtant pas
sur celte ligne précise où se trouve la v o lo n té , la suite, la déter
mination , enfin tout ce qu’on appelle le caractère, ne les conduisent
Jusqu’à quelque chose de tranchant, d’im périeux et d’exclusif!
Telle est peut-être madame de Sessevalle.
Sa fille est, de l’aveu gén éral, un modèle de grâces, de vertus ,
d’esprit ; ses sentimens religieux ne servent qu’à rendre sacrés pour
elle tous ses devoirs que la nature laplu sheureuseluirend d éjà doux
et faciles: son mari s’interdirait le plaisir de la louer s’il avait cessé
un seul jour de rendre hommage à l’ensemble de ces qualités rares
et charmantes qui sont aujourd’h u i, qui ont toujours été l’objet
de son estim e, de ses regrets, de son culte ; qui étaient et qui sont
encore destinées à faire le bonheur de sa vie.
M. de Valley se présente à ses juges sous d’honorables auspices j
il ose croire qu’il se montre cligne d’une famille considérée el d’un
père particulièrement estimé. Des personnes aussi distinguées clans
J’État que dans l’arm ée, ont donné à ses juges des preuves de l’in
térêt dont elles l’honorent : sa conduite , ses m œ urs...... Mais son
propre éloge convient moins dans sa bouche que celui de sa femme ;
la plume qui le tracerait pourrait être accusée de le flatter ; il est
juste de laisser à une autre main le soin de le peindre.
« Je voulais connaître M. de V alley d’une manière plus parti« culière. J’en fus extrêmement satisfaite , et reconnus en lui les
« qualités du cœ ur et de l’esprit, une bonne judiciaire, des prin« oipes honnêtes et délicats,infinitn eut d’ordre , de conduite et
«
«
«
<c
d’économ ie, point celte frivolité qui caractérise la plupart des
jeunes gens , de bonnes m œ urs, auxquelles j’attache le plus
grand prix. Après avoir reconnu à M. votre neveü des qualités
aussi précieuses , je fis venir ma fille, pour que les jeunes gena
Note BCU
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�(6 )
a se connussent d’une manière plus particulière : ils ont conçu
« l’un pour Tautre infiniment d’estime et d’inclination, par des
« rapprochemens(de caractère et de goût. »
Q ui e st- c e qui parle ainsi d e M . de V alley? C ’est sa,belle-m ère,
c’est madame de Sessevalle, c’est la personne qui n ’est vraisembla
blement pas étrangère à la plainte où il est peint sous des couleurs
un peu différentes : au reste, il ne sera loué dans cette cause que par
sa belle-m ère. Dans le tableau des faits que cette lettre commence
si bien , on verra une antre lettre de madame de Sessevalle, lettre
postérieure à la plupart des faits de la plainte , de manière que les
juges de M. de Valley ne le trouveront jamais absous que par celle
qui l’accuse • et cette vengeance se ra , avec le bonheur de sa fille ,
la seule que M. de Y alley puisse et veuille tirer de rriadame de
Sessevalle.
«
Cette connaissance p ré cise , approfondie du caractère de M. de
V a lle y , madame de Sessevalle ne l’avait point prise légèrem ent, ni
rapidement : observant bien tous les devoirs d’une mère , elle avait
long-temps étudié celui qu’elle destinait à sa fille; pendant six mois
entiers avant le m ariage, elle fit à M. de Valley l’honneur de le re
cevoir chez elle à Clerm ont, de voyager même avec l u i , sans sa
fille ; de loger chez lu i, à N a n c y , avec deux autres parens.
M . de V alley épousa mademoiselle de Sessevalle , à C lerm on t,
Je 24 septembre 1806.
Les six premières semaines se passèrent, tant à Clermont chez
madame de Sessevalle, qu’à Reims chez la mère de madame de
Sessevalle.
M. de V alley reconnut, dès cette première époque de son ma
riage et de son bonheur qui paraissait sincèrement partagé par les
deux familles ré u n ie s, que pour lu i, pour sa fem m e, pour sa.
Note BCU
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�( 7 )
belle-m ère e lle -môme , pour l’intérêt commun et le bien-être de
leur a v e n ir, il devait entretenir de fréquens rapports sans doute
avec madame de Sessevalle, lui faire des visites, ramener sa fille
chez elle tous les a n s, plusieurs fois par an , mais non pas y de
m eurer habituellement.
Il fut trop facile de vo ir bientôt que ftiadame de Sessevalle ne
permettrait ni à ce gendre qu’elle avait tant aimé , tant estim é,
si bien étudié , si favorablement ju g é , d’être plus à sa femme qu’à
sa belle mère , ni à sa fille elle-m êm e d’être moins à sa mère qu’à
son mari.
O n verra sans cesse dans celte cause les reproches plus ou moins
graves adressés à M. de Y a lley, tourner à son honneur et en sortir
ou la preuve de sa tendresse pour sa fem m e, ou l’éloge de sa
prévoyance et de sa sagesse. M. de V alley crut donc prudent
d’einmener bientôt sa femme chez lu i, et même, d ’arranger en
général sa vie pour que plusieurë séjours qu’il devait habiter suc
cessivement , rendissent plus simple ce plan de conduite, selon
lequel les nouveaux époux ne devaient pas habiter trop fréquem
ment avec leur mère.
C ’est là , ainsi que la circonstance de ses biens situés en diverses
p ro vin ces, ainsi que l’acquisition postérieure de la terre du Buis
son , près Montargis 5 c’est là ce qui explique ce qu’on a jugé à
propos d’appeler son hum eur ambulante. A u reste , ce n ’est jamais
sa femme qui remarque , qui critique , qui se p la in t, qui censure.
Ces v o y a g e s, elle les faisait avec lui ; ces divers séjours , elle les
partageait et paraissait les aimer également : sa correspondance en
fait foi. Elle ne se plaignait de l’absence de son mari, quand sa santé
( sut dix-huit mois qu’on a permis à sa femme de passer avec l u i ,
M . de Valley a été malade près d’un an) l’obligeait de voyager sans
Note BCU
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�( 3 )
e lle , que pour exprim er encore son bonheur par son regret de ne
plus le v o ir, par le plus v i f désir de son retour.
Il serait possible que ceux qui font parler la dame de V alley
eussent un autre m otif de blâmer et ces changemens de dem eure,
et ces v o y a g e s, et ces absences: ils auraient dû. l’avouer avec fran
chise , et dire que sans toutes ces courses , cette fatale correspon
dance entre la m cre, la fille , le mari , les on cles, les tantes, n’aurait
pu avoir lie u , et qu’alors le libelle de la plainte n ’aurait pu être
aussi victorieusem ent réfuté; on sent en effet que ce reproche ne
laisse pas d’être fondé : car c’est de là , c’est de ces lettres expres
sives que v ie n n e n t, pour les adversaires , presque tous les em
barras de la cause. Par exem ple, peuvent-ils dire avec raison à
M. de Valley , s i , peu de jours après votre m ariage, époque où
nous aurons déjà l’étourderie et la témérité de supposer une que
relle entre vous et votre femme , vous n’aviez pas eu besoin
d’aller à P a r is , votre femme n ’aurait pas eu l’occasion de voua
' écrire cette lettre si tendre (2 9 septembre 1806) qui commence
ainsi : E n t’ écrivant, mon bien aimé ¡ je calme un instant Vennui
que j ’éprouve..... quand j e pense que deux grands jo u rs........
Par exem ple encore, sans ce voyage de N a n cy , qui nous con
trarie bien davantage, votre femme n’aurait pas été à même d’écrire
lorsque vous avez été forcé de la quitter. — Qu’ il f a u t de raison,
ma chère tante, depuis cinq mois que nous sommes m ariés, nous
ne nous sommes quittés encore que très-peu, et j e ju g e p a r les ab
sences qu’ il a déjà fa ite s combien celle-ci va me coûter....
C ’est aussi pendantce séjour à Nancy qu’on voit dans les lettres de
madame de Sessevalle et de cette même tante de madame de Valley,
les premières tentatives pour l’éloigner de son époux; on lui insi
nue qu’il est sans doute bien d’aimer son m ari, mais qu’il y a des
lie n s, des engageniens antérieurs : on lui dit une autre fois : que ce
mari aurait bien dû lui faire, avant le mariage, les presens d’usage
Note BCU
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�/
( 9 )
qu’il n’a faits qu’après; on lui dit qu’il est intéressé; qu’il a eu tort
dans une misérable discussion où il s’agissait de 10 louis.
Mais cette jeune femme si aim able, si estimable, pleine de me
sure , dès qu’elle est seule avec sa conscience et sa délicatesse, con
cilie parfaitement, dans sa réponse, ce qu’elle doit à celui qu’elle
défend et à celle qui l’accuse. N a ncy, s 4 décembre ( et cette lettre,
que les adversaires jugent sans doute la plus incommode de toutes,
reparaîtra souvent dans la cause). Je suis ici parfaitem ent heu
reuse, ayant une habitation agréable. V ous me dites que mon
'mari est bien intéressé : j e trouve qu’ il ne Va p a s été comme il de
vait l’être le soir veille de notre départ de Reim s ; il devait au
moins mettre p lu s de ferm eté à soutenir nos intérêts.
M a résolution est d ’habiter N ancy quoique mon m ari aime
P aris....
RI. de Y alley vient rejoindre sa femme à Nancy, dans le mois
d’avril, et bientôt la mène dans sa propre famille en Bassigny,
chez ses pareils paternels et maternels ; partout elle reçoit le
même accueil; partout elle inspire le même g o û t, le même attrait,
la même estime ; partout on félicite les nouveaux époux de leur
bonheur mutuel. C ’est dans le cours de ces visites de mariage qu’ils
furent surtout paternellement reçus par M. Durand de V a lle y ,
oncle de i\l. de V a lley ; ce parent qui lui tient lieu de père, avait
contribué et assisté à son mariage : on verra que demeurant loin
de Paris, ayant perdu de vue son neveu et sa nièce depuis cette
même visite, dont il avait gardé de si doux souvenirs, et tant de
sécurité sur leur bonheur, n’étant en correspondance suivie qu’avec
madame de Sessevalle, il partagea un instant ses injustices ; mais 011
verra aussi avec quel éclat et quelle énergie il répara cette erreur
paternelle.
M. de V alley qui ne voulait ni que sa femme (et on a v u que tel
était aussi le voeu do celle-ci) vécût toujours avec sa m e rc , ni qu’elle
Note BCU
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I
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manquât à scs devoirs .envers elle, la mena à Clermont chez ma
dame de Sessevalle, passer cinq ou six jours dès le commencement
de juin 1807.
Il lui fut bien pénible, mais bien facile de voir pendant ce court
séjo u r, qu’il devait plus que jamais tenir à son plan : c’-est ce qui le
détermina surtout à acheter la terre du Buisson près Montargis.
M. de Yalley va habiter cette terre avec sa fem m e; il y tombe
malade au commencement d’août : l’officier de santé (M . V iallet,
chirurgien de l’hospice et maire de Château-Renard) appelé pour
lui donner des soins, déclare même que M. de Y alley était assez
dangereusement m aLde, pour qu’il ait été obligé de passer plusieurs
nuits auprès de lui.
Pendant toute sa m aladie, madame de V alley prodigue à son
mari les soins les plus tendres et les plus affectueux ; on voit par
tout des témoignages et de ses inquiétudes pendant qu’il était en
d;;nger, et de ses sollicitudes , de ses prévoyances pendant sa con
valescence : lorsqu’on lui conseilla de venir à Paris pour changer
d ’air et pour consulter , madame de V alley lui écrivait r
( Du Buisson, le 1 9 octobre 1808. ) Je suis dans l ’attente, mon
a m i, d’avoir une lettre de toi, qui m’ annonce ton arrivée à P a r is ,
et comment tu te trouves d’ un aussi long trajet p o u r un conva
lescent..... Je te prie , mon am i , de me donner de tes nouvelles le
p lu s souvent que tu p ou rra s; j e ne p u is trop te recommander
de bien prendre garde au j'roid.
C ’est au surplus à cette même époque (postérieure à 21 , des 28
faits de sa plainte ) , que madame de Sessevalle écrivit à sa fille :
37 novem bre 1807- K Te voila à présent, ma chère a m ie, une
x fem m e de mèncigc qui s’y livre entièrement...... C ’est p ou r toi>
Note BCU
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�( «t )
« ma f ille , une vraie jouissance y continue. ma fille , tes soins p ou r
(C Zot2 m a r i, qui les mérite p a r son attachement p our toi. y»
Et c’est dans ce même tem ps, c’est pendant la première ab
sence qui suivit la maladie de M. de V a lle y , c’est pendant son
voyage à P a ris, conseillé pour sa convalescence , que madame
de Sessevalle commence des tentatives directes pour brouiller sa
fille avec son mari! — Ce qui ne peut échapper au x ye u x les moins
attentifs, c’est que si le moment n’était .pas choisi avec beaucoup de
délicatesse, il l’était avec assez d’adresse, ou du moins c’était le pre
mier moment où cette intrigue pût avoir quelqu’espoir de succès
( quel espoir et quel succès ! ). Mais enfin c’était la première fois
depuis six m ois, que madame de V alley n’était pas avec son m a ri,et
sa mère eu profite pour l’engager à ouvrir une correspondance se
crète avec elle. Elle- lui apprend , pour la première fois, à faire un
mystère à celui pour qui elle n’avait encore eu et croyait n’avoir ja
mais rien de caché ; et ce mystère devait couvrir des accusations
d’une belle-mère contre son gendre, adressées à l’épouse, jusque-là
la plus confiante , la plus tendre et aussi la plus heureuse ! Quels
conseils , quelle leçon dans la bouche d’une mère ! ruais cettem ère
s’expose ainsi à en recevoir une d’un autre genre de sa fille, de
celle qui semble ne pouvoir paraître dans ce procès que pour dire
et pour faire ce qu’il y a de m ieux.
v.
V oici ce qu’écrivait madame de V a lle y , pendant celte intri
gue: voilà sa seule faute. On en a vu l’excuse; le piège était tendu
par sa mère • mais on en verra la n o b le , éclatante et touchante
réparation.
Madame de V alley avait écrit à sa m ère:
« J ’ai reçu , il y aura demain h uit jo u rs ( 20 octobre, quel
ques jours iivant le départ de M. de Valley pour Paris), votre
lettre qui était restée à la poste p a r la négligence des fe r
miers , ce q u i, m'ayant causé beaucoup d ’inquiétudes, me dé-i
«I
Note BCU
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�termina à écrire à M . de Trèm ém ont, dont f a i reçu la réponse
m ardi dernier : j e ne p u is aujourd’hui vous répondre ni vous
mettre au courant ; il n ’est p a s sorti ( O n voit que madame
de V alley dut à sa mère la premiere pensée de désirer les absences
de son mari ). D a n s quelques jo u rs j e me dédommagerai , il
doit a ller aux environs. J e vous prie seulem ent, si vous m’ é
criviez avant ce tem p s, de ne p lu s adresser vos lettres à B e r
nardine, qui les a laissées.d la p o ste, ou les a remises à mon
m a r i} qui n’ a p u se douter de rien.........
Voilà le p re m ie r, voilà le seul tort de madame de V alley
( e t encore e s t - c e le sien? ). V oyons comme elle le
répare ,
ou plutôt comme elle l’efface.............. . . Son mari revient : elle
l’attendait avec ce papier écrit et signé de sa m ain , ce papier
qu’il 11’avait pas gardé pour le produire dans une cause en sé
paration, mais qu’il devait conserver toujours comme le gage le
plus aimable et le plus touchant d’un de ces repentirs qui font
bénir les fautes..
« Je me repens , mon m a r i, d’avoir été fausse à ton égard , j e
«t te jure que je ne le serai plus , et je t’en exprim e mon regret
« le plus sincère. »
Quelque
chose manquait encore au repos de cette cons
cience si aimable et si pure : madame de V alley écrit à sa mère :
« M on m a r i, à son retour, rn^a f a i t p a r t , m a chère m a
m an , d ’une infinité d ’expressions d’amitié qu 'il éprouve p ou r vous
( Quel langage conciliateur , et quel soin de conjurer l’orage qui
menaçait sa v ie !)- L es sentïmens d ’attachement qu’ il vous con
serve et qu’ il éprouve bien sincerernent,
me fo n t infiniment
de p la isir; en l’em brassant, j e lüai p u résister d lui fa ir e p a r t
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( i3 )
des lettres
que
j e vous ai écrites et que f a i reçues de vous à son
insu : il est si difficile à une épouse de rester muette en p a
reil cas !
On sent que c’était un brouillon de lettre : il était tout entier
de la inain de madame de V alley ; et si l’on demande com
ment M. de V alley a conservé ces deux chiffons de pap ier, il
répondra que s’il avait pu les perdre il serait moins digne de
celle qui les avait écrits.
M. et madame de V alley font encore différensvoyages ensemble;
on les voit à N a n c y , de nouveau à L am arche, chez leur o n cle, M.
Durand-de V alley ; quand le mari quitte sa femme pour quelques
jours , les lettres conservent le même ton d’estime , d’attachement,
de tendresse.
M. de V alley était toujours malade : il alla prendre les eaux de
Bourbon-l’Archam baud. Madame de Sessevalle mul tipliait les instan
ces, les invitations de venir à Clermont : M. de V alley ne croit pas
qu’après ce qui s’est passé depuis, madame de Sesse valle puisse dire
que ses défiances, ses répugnances, sessoupçons, étaient injurieux
et injustement offensans; mais il lui avait promis que sa fille pas
serait quelque temps chez elle chaque année. M. et madame de
V alley arrivèrent donc à Clermont en mai 180 8; il laissa pen
dant quelques jours sa femme seule chez sa mère , et il dut à cette
courte absence la dernière de ces lettres si amicales , si tendres
qu’il recevait avec tant de bonheur , et dont il ne croyait pas faire
un jour un si triste , mais si utile et si victorieux usage :
(Clerm ont, 16 mai 1808.) Je te remercie 3 mon mari , des em
plettes que tu as fa ites p our moi... Comme tu ne me parles p as de ta
santé, cela me f a it présum er que tu en es content... T u auras
eu bien chaud p ou r fa ir e ton voyage > mais ce temps-la est bien
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
'
�c 14 )
p lu s favorable pour un convalescent..... A d ieu > j e t’embrasse ; tu
nous annonceras sans doute ton arrivée ici ,
B u isson .....
d ton retour du
,
dame de V allay ne se doutait sûrement guère , en écrivant
cette le ttre , qu’elle n’écrirait plus à son m a r i, et qu’elle ne signe
rait désormais rien qui le concernât, si ce n’est une plainte , tissu
épouvantable des accusations les plus invraisemblables , assemblage
La
de 28 faits calomnieux , et dont 26 se trouvent placés par leur date
antérieurement à toutes les lettres qu’on vient de lire , et notam
ment à cette dernière du îfi mai-1808.
M. de Y a lley revint peu de jours après à Clertnont, où il resta
jusqu’au 23 ju in , jour bien funeste et toujours présent à sa m é
moire et à ses regrets , jour où il partit seul et malade pour Plom
bières , laissant à sa belle - mère sa femme , pour lui épargner les
fatigues de ce voyage; sa femme qu’il lui confiait, qu’il n’a cessé
depuis de lui redemander au nom de l’honneur r au nom de ses
droits, et qu’il était destiné à ne recevoir, quatre ans après, que de la
main des magistrats qui maintiennent les contrats, et ne les brisent
pas au gré du caprice , de l’injustice, de l’hum eur et de la ca
lomnie.
O n a v u , depuis le 24 septembre 18 0 6 , jour de son m ariage,
jusqu’au 16 mai 1808 , la dame de V alley ne jamais changera l’é
gard de son m a ri, ni de conduite , ni de to n , et ce ton était tou jours celui de l’estim e, de l’attachem ent, du bonheur : ce n’est
pas e lle , c’était trop impossible , qui quitte de son gré cette maison
c o n j u g a l e , où elle n’a cessé de dire qu’elle se plaisait, qu’elle était
'
heureuse. C ’est son mari qui l’a remise à sa m ère, et c’est sa mère
q u i, pour l’cloigner davantage de son m ari, l’emmène à R eim s,
au moment même où M. de V alley allait revenir à C lcn n o n t.—
Madame de Sessevalle, pour continuer l’illusion où il vivait, et pour
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( «5 )
eriipêcher ses soupçons de n aître, lui avait écrit qu’elle allait au
contraire se rendre avec sa femme à Paris. Il apprend ce départ
im prévu
pour Reims ; il quitte aussitôt les e au x, il part de Plom
bières, il se hâte d’arriver à Clerm ont; il trouve que la dame de
Sessevalle est partie pour Reims depuis quelques jours avec sa
femme ; il court à Reims ; on savait trop que s’il voyait sa femme,
toutes les intrigues seraient déjouées, et qu’elle reviendrait avec
son mari. On place ici dans la plainte la plus invraisemblable et la
plus absurde des calomnies : mais dans la vérité , la famille toute
entière de madame de Sessevalle, liguée contre son gendre par ses
in trigu es, empêche sa femme de rester dans la chambre de son
m a r i, l’en fait sortir à onze heures du soir , sans qu’elle - même
s’exprim e autrement que par son tro u b le , son émotion et ses
larm es.....
Il est des à mes heureuses de qui le vice , le m a l, les erreurs, les
to rts, les fautes mêtne légères ne peuvent approcher ; elles sem
blent destinées par l'excellence de leur nature à ne pouvoir faillir
qu’en s’égarant entre les d evoirs: Madame de V a lle y , qui avait
été la plus respectueuse des filles, avant d’être la plus heureuse des
épouses, avait mêtne, comme on l’a v u , quand elle était seule ou
quand elle était avec son m ari, su concilier sa justice pour lui et sa
vénération pour sa mère ; mais après plusieurs mois de séparation
en présence de celle à qui seule pendant vingt-deux ans elle avait
dû être soumise, elle ne crut pouvoir résister à cette v o ix toujours
chère et long-temps toute puissante....Elle se trompoit sans doute ;
elle ignorait ses nouveaux devoirs; elle oubliait que selon l’honneur,
la nature, la m orale, selon toutes les lois hum aines, selon ce Code
plus saint encore , dont elle s’honore de suivre les préceptes et de
reconnaître l’empire , elle devait respectueusement résister à sa
mère qui la séparait, par l’abus de son influence, d’un mari qu’elle
aimait et dont elle savait qu’elle n’avait jamais eu a se plaindre.
M. de Valley part de Reims des le lendemain m atin, bien résolu
Note BCU
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�( 1« )
de tout tenter pour obtenir sa femme de sa belle-mère avant de la
redemander aux tribunaux. Il fait en moins d’un mois trois voyages
à Reims ; jamais on ne daigna seulement le recevoir dans cette
maison où l’on séquestrait pon épouse au mépris de ses droits et
par suite du plus coupable abus de confiance.
Enfin madame de Sessevalle amène secrètement sa fille à Paris ,
fait rédiger la plainte ou plutôt l’incroyable libelle que nous avons
déjà indiqué, plainte au nom et d’après le contenu de laquelle seul
on est co n ven u , même en l’abandonnant, qu’on avait prim itive
ment osé former une demande en séparation.Madame de Sessevalle
fait signer à sa fille cette plainte qu’il sera bien aisé de prouver
qu’elle n’a pas lue.
Rien ne rebute M. de V alley ; en vain on l’attaque devant les
tribunaux; c’est toujours par d’autres voies qu’il essaie de se dé
fendre et de reconquérir sa femme. Il multiplie les lettres, les dé
marches, les efforts et les tentatives de tout genre : on met sous les
y e u x de la co u r, à la date du 8 et du 11 mai 1809, deux lettres de
M. Rojare,interm édiaire connu, estimé de madame de Sessevalle et
choisi par M. de V alley pour des démarches conciliatoires : celle
du 8 mai dit : ...... Je n’ai p u p arler qu’à madame votre épouse
qui était seule : j ’ ai vu en elle toute la douceur et la bonté de ca
ractère dont vous m’ avez p arlé si souvent : elle m’ a rappelé toutes
les démarches fa ites tant p a r vous que p a r plusieurs de vos amis ;
mais j ’ai bien vu ou qu’ elle ne pouvait p a s , ou qu’ elle n’osait
p a s contrarier les sentimens de haine violente que sa mère vous
conserve.
Mais cette haine qui comprimait la tendresse dè madame de
V a lle y , l’ien ne pouvait en eilet l’apaiser. On ne répond jamais à
M. de V a lle y , ou on lui répond d u n e manière insultante et déri
soire j on l’inquiète, 011 le fatigue, on le tourmente de toutes ma-
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 17 )
m ères; on refuse toute entrevue même devant la famille de su
fem m e, même devant sa m ère; il conçoit alors*un projet bizarre
en apparence , et expliqué seulement par le trouble et le malheur
d’une situation si fatigante et si déplorable ; il sent qu’il ne pourra
plus voir sa femme que devant le juge ; il sait que ces démarches
préparatoires , prescrites par une législation paternelle comme de
vant précéder l’action en séparation ou en divorce , l’action,la plus
odieuse à la lo i, sont uniquement et exclusivem ent conciliatoires ;
il pense que le magistrat, qui n’est dans ce cas qu’un arbitre légal,
qu’un conciliateur judiciaire , pourra peut-être inspirer à sa femme
le courage dont il est évident que manque sa volonté d’ailleurs bien
présum ée, bien connue et pas du tout douteuse....
%
A u x termes de la lo i, la requête est remise écrite et signée de
la main de M. de V alley, sans l’intermédiaire de l’avo u é, tant on
a voulu que tout fût secret, confidentiel entre le juge et les par
ties : le magistrat rend une ordonnance qui porte, que selon le vœ u
de l’arlicle 876, les sieur et dame de Valley comparaîtront devant
lui. Ils y comparaissent en effet ; le procès-verbal indique suffi
samment et l’on verra toul-à-l’heure ce qui se dit devant le ju g ej
il rend (article 878) l’ordonnance qui permet de se pourvoir. M. de
V alley, au lieu de profiter de celle permission, relire la requête
du greffe, non pas comme on l’a plaidé, sur un reçu et une pro
messe de la représenter qu’aurait signés son avoué ; mais il la re
tire sans l’intervention du ministère d’un officier de justice qui ne
pouvait et ne devait pas y paraître officiellement; il la retire parce
que cette requête n’appartenait qu’à lui; parce qu’il 11e voulait et
11’avait jamais voulu y donner aucune suite; toute trace judiciaire
en disparaît et tout souvenir encore s’en efl’ ice, puisque t e sou
venir n’a jamais pu se placer, ou plutôt n’a jamais pu que se per
dre , disparaître et s’anéantir dans le secret religieusement impé
nétrable de la conscience du magistrat. Mais veut-on savoir ce
que ce JVL- de V alley a dit à sa femme devant le juge ? Oii le sait j
5
Note BCU
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�( i8 )
on en a la preuve acquise, écrite, incontestable; si les questions
ont disparu et ontrdû disparaître, les réponses les reproduisent et
]es réponses restent. M. de Valley a suivi devant le président du
tribunal de première instance, ce système de rapprochem ent, de
réunion avec son épouse, qui, depuis la perte de son bonheur,
était devenu le soin et l’unique travail de sa vie. M. de V alley a
pressé jnadam e de \ a lle y de revenir a^ec lui, puisque le procèsverbal extrait des minutes du greffe du tribunal c iv il, en date
du i j ja n v ier i 8n , porte : la dame de V a lley dit qu’ elle a été
autorisée p a r notre prédécesseur à résider provisoirement avec
la dame sa mère dans les lieux où elle est actuellem ent, suivant
.Vordonnance p a r lui rendue il y a environ deux ans, au p ied de
la demande en séparation de corps contre ledit sieur son mari.
A in si, M. de \ a lle y avait demande a sa femme de revenir de
m eurer avec lu i, et celle qui l’avait toujours remercié de l’avoir
rendue heureuse, ne veut pas y consentir parce qu’en sc rendant
chez le magistrat, elle venait de promettre à sa mère de ne pas
céder à son m ari, et parce que, sous celte funeste influence, elle
persiste dans la seule erreur où puisse tomber une conscience si
p u re , erreur non moins contraire à son bonheur qu’à son devoir.
F orcé de vaincre sa belle-m ère, puisque tant de respects, d e
soumissions et d’hommages n’avaient pu la désarm er, M. de Valley
se présenta devant les premiers juges avec autant de regret que de
confiance.
L a sente/ice pouvait-elle être douteuse? Et les seuls faits qu’il a
fallu énoncer avant de les reproduire dans la discussion , n’ont-ils
pas déjà prouvé que les premiers juges n’ont pu ajouter foi à une
plainte qui ne peut pas être l’ouvrage de madame de Valley, qu’ifo
n ’ont pas pu la fuire prévaloir contre son propre témoignage, c’està-dire contre la correspondance qui est l histoire entière de sa vie
terite avec des intentions et a des époques non suspectes-
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( >9 )
L e tribunal a dit conformément aux conclusions du miuistèrc
p u blic:
oc A tte n d u ,'à l’égard des v in g t-six premiers faits articulés par
a la demanderesse, qu’ils sont détruits par la correspondance, dç
cc l’épouse, voisine de ces faits ;
;0[r, , , : , j .
^
•
-.il
« En ce qui touche les vingt-septièm e et vin gt-h u itièm e faits
<c de la cause, attendu qu’il résulte de la manière dont ils sont ex.« posés, que la preuve ne pouvait en être faite, et que d eux faits
« isolés et de cette nature nç suffisent pas pour faire re vivre les
ci vingt-six premiers faits ;
« En ce qui touche la diffamation dont se plaint la dame Durand
cc de V alley, résultante de la demande en divorce formée contre
cc elle par le sieur Durand de V alley, pour cause détenninée, atcc tendu qu’il n’existe aucune trace ju d icia ire de cette prétendue
<c diffamation j
« Le tribunal déclare la clame Durand de V alley non recevable
cc dans sa dem ande, et attendu la qualité des parties compense les
cc dépens. »
•
Dès le lendemain M. de Valley écrit à sa femme.
c
E xtra it de la lettre du 5 ju ille t /8t/, écrite p a r le sieur de V a lley
à son épouse.
•
« M a c iiin E
fem m e
Paris, cc 5 juillet x 8 n .
•i;
, d’après le jugem ent qui vien t d’ètre rendu,
j’écris du fond de mon cœ ur à yotre niainan pour lui renouvelçr
l’assurance dp mes sentimens qui ne peuvent ch^üHcr*
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 20 )
J’oublie le passé de tout mon cœ u r, et je ne conserve aucune
rancune contre personne.
Si votre màinan répond à nia sincérité, etc., e tc ., etc.; si elle
veu t être juste pour m o i, en consentant à ce qu’exigent les lois
civiles et religieuses, et l’honneur de nos familles, je serai bien at
ten tif et bien soigneux d’éviter tout ce qui pourrait lui déplaire,
etc* j etc.
Les liens qui m’unissent à vous sont tels, que je ne puis être heu
reu x que de votre bonheur, et en voyant votre maman heureuse
elle-même.
Depuis trois ans j’en ai le désir, depuis trois ans je n’ai cessé de
ïe témoigner par toutes.mes lettres, comme par toutes mes dé’marches ».
L e même jour il écrivait à madame de Sessevalle r
E xtra it de la lettre du sieur de V a lley , adressée en même temps
à madame de Sessevalle.
P a r i s , 5 juillet i 3 i r .
« Mad a m
e
1
;
J’étais encore allé à Clermont il y a deux m ois, vous le sa v ez,
désirant n’obtenir que de vous-même la justice que le tribunal vient
de me rendre : ce n’est pas de ce jugem ent, Madame , que je vou
drais me faire un titre ; mais mon cœ ur saisit cette occasion de vo u s
riioimnage des seritimens qu’il vous a toujours conser
• r e n
o u
v e l e r
vés. Je vous supplie d’oublier avec bonté toutes nos brouilleries,
et je ferai, je yous assure, tout ce qui sera en m o i, pour vous for-
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 21 )
cer, j’ose le d ire, d’avoir regret à ce qui s’est passé : vous retrou
verez dans nos rapports à venir des respects, des soins et des égards.
Je vais porter ma lettre moi - môme à M. B illecoq, et je le prierai
de vous rendre de v ive v o ix tous les senlimens que j’exprime trop
mal moi-même.
Je joins ici une lettre pour ma fem m e; je vous.supplie de la lui
remettre.
Je suis j avec un profond resp ect,
’
M adam e,
V otre dévoué et obéissant
serviteur ».
M. de V alley ne pouvait se lasser de multiplier ses efforts et ses
tentatives. Il écrivait, le 11 ju illet, à M.® Gicquel :
« M o n s i e u r , vous verrez aujourd’hui mon épouse : vous lui e x « primerez sans doute mon dévouem ent pour elle; mais vous lui
« direz aussi qu’après l’avoir toujours aimée , trois années d’une
« séparation malheureuse me la rendent aujourd’hui plus chère
« encore.
« Combien je dois l’apprécier, puisque partout où elle s’est trou« v é e , elle a laissé des souvenirs si flatteurs ! re sp e c t, admiration
« et attachem ent, tels sont les senlimens qu’elle a inspirés à toute
« ma famille , comme à tous ceux qui l’ont connue.
« T ous mes parens me la redemandent sans cesse ; et puisque ce
« sera pour eu x un jour de fête lorsqu’ils la re v e rro n t, quel doit
« donc être pour moi-même le bonheur de ma réunion avec elle ! ^
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
‘
�( 22 )
« O u i, M onsieur, vous lui direz que c’est elle-même qui a gagné
« son procès par le jugement qui l’ordonne : elle sera pour toujours
« une épouse chérie, et je me soumettrai de bon coeur à tout ce
« qu’elle désirera pour sa mère !
« M on bon h eu r, mon am our-propre même , seront intéressés
« à détromper ceux qui voulaient si ardemment notre séparation.
« Cette lettre, M onsieur, est une conversation franche sur tous
« les sentimens que je vous ai déjà si souvent exprimés ; je vous
<c abandonne , et à M. Billecoq, le soin d’exprim er à mon épouse
« tout ce que je sens pour elle, et je suis heureux de penser que
i< je dois de tels interprètes à votre commune bienveillance.
« J’ai l’honneur de vous saluer. »
L e surlendemain du ju g em en t, un ancien m agistrat, l’un des
hommes le plus considérés de la famille même de madame de
Sessevalle , M. de C astou l, écrivait à M. de V alley :
Clcrmont ( O i s e ) , 6 juillet 1 8 1 1 .
............., je désire bien sincèrement qne le gain de
votre procès contribue à votre bonheur ; j’apprendrai avec bien
de la joie, que la réunion se fasse de bonne grâce et de bon cœ ur;
M
o n sie u r
mais je ne vous dissimule pas que je crains le contraire : Quel
peut donc ê tr e , je ne dis pas l’a m i, mais l’honnête homme qui
puisse désirer la séparation de ce que le sacrement a u n i, et que la
loi a maintenu ? 11 peut y avoir des contrariétés en ménage , mais
chacun doit faire ce qui est en lui pour les éviter ou les adoucir;
l’à«c l’cxpcriencc et les circonstances doivent tout faire oublier :
c’Jst une nouvelle v ie , une nouvelle union que les liens de la pa
ternité rendent pour l’avenir indissolubles.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 20 )
S i , m on-cher p aren t, ce que je souhaite pouvait avoir lie u ,
vous ne pouvez croire combien je serai reconnaissant d en être
prom plem ent instruit. Je regrette bien de ne pas avoir assez la
confiance
et l’amitié de la famille pour être médiateur ; le succès
serait le plus beau jou r de ma vie.
J’ai l’honneur d’être. Signé C astou jo .
Enfin , dès que l’oncle de M. de V alley, ce parent vraim ent paterntl pour lu i, un moment égaré sur son com pte, eut appris ce
même ju g em en t, il écrivit à son neveu :
L a Mar che, 28 juillet 1 8 1 1 .
Mon cher n e v e u , j’ai appris avec une grande joie que le tribunal
de première instance de Paris venait d’ordonner, par son juge
ment , la rentrée «le v o ire épouse a\cc vous. Cet événement
comble tous vos v œ u x et les nôtres 5 il rend à votre cœ ur loute
]a justice qui lui est due , puisque vous avez toujours aimé si
tendrement votre femme, et que je vous ai toujours v u vous mon
trer l’un l’autre près de moi tant d’affection.
Ce jugement m ’a rempli de joie et toute notre fam ille, car nous
voyons tous avec regret et avec la plus grande affliction , depuis
trois a n s, que madame de Sessevalle , votre b e lle -m è re , a fait tout
v ce qu’elle a pu pour vous ravir vo ire chèré femme ; cro yez-m o i,
mon n e v e u , et p re n e z -y g a rd e, tant que votre b elle-m ère ne
sera pas forcée à vous rendre votre ép o u se, elle continuera de
vous la soustraire et de vous la tenir cachée, puisque depuis trois
a n s, malgré les nombreuses démarches que vous avez faites près
d’elle , ainsi que vos arnis j malgré toutes les lettres de vos parons,
rien n a pu la decider à vous représenter votre l’e innie un seul
instant.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�0 24 )
'
C royez-m oi, mou n evô u , ne vous cîccouvagez pas ; continuez vos
démarches pour fléchir votre belle-mère et obtenir la p aix; vous
savez toute l’influence qu’elle a sur votre bonne et tendre épouse,
qu’elle fait m ouvoir à son gré : c’est une raison de plus pour redou
bler de zèle, et votre belle-mère se rendra sans doute, puisqu’elle
sait que si l’uffaire se continue sur l’appel, la Cour rejettera la de
mande en séparation, qui n’a été formée que par son animosité
contre vous.
J’espère que bientôt le ciel couronnera tous nos v œ u x en vous
rendant votre bonne épouse, que nous chérissons tous.
Je vous souhaite, mon cher n e v e u , une bonne et parfaite santé.
Signé D U R A N D . »
T o u s ces nobles et touchans efforts de M. de V a lley , tous ces
v œ u x des deux familles, toutes ces tentatives de tant d’honorables
amis communs, tout a échoué contre la volouté opiniâtre de ma
dame de Sessevalle , et celui qui s’élait présenté au premier combat
en gémissant, celui qui n’aurait pas même voulu remporter une
première victo ire, est forcé d’en demander une seconde à la Cour
souveraine, qui ne peut pas la lui refuser.
La discussion courte et facile d’une cause qui, toutes les parties
le savent bien , ne peut pas être perdue par M. de V a lley, se divisera
jialurellem ent en deux paragraphes.
D IS C U S S IO N .
i.° Discussion des moyens de séparation, tirés de la plainte, pa
ragraphe premier.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�a.° Discussion dès m oyens de séparation tirés des autres pièces
produites au procès , et des circonstances étrangères à la plainte.
’ 1,1
P A R A G R A P H E
i >■
v.
-il 'i; ’ !: ! •
P R E M I E R .
^
>■
!"
■
!; D iscussion des moyens de séparation tirés de la plainte.
Est-il possible qu’après avoir lu , d’une part cette plainte en sé
paration , qui contient vingt-huit articles de faits tous graves, d’in
jures , de sévices, de to u t ce qui scandalise enfin d’ordinaire les
oreilles des magistrats dans les procès de ce g en re, et qu’après
avoir lu de l’autre la correspondance que M. de V alley a eu l’hon
neur de mettre sous leurs ye u x , cette pensée ne s’olfre avant tout
à leurs esprits ?
'
En lisant la p lain te, ils diront :
ü
_( >
Voilà un de ces mariages contractés sous de funestes auspices, où
la vie de deux ép o u x, qui ne s’aiment ni ne s’estiment, est un long
enchaînement de querelles, de débats, de malheurs; où les pas
sions, toujours iûgriçs èt exaltées ramènent sans cesse les injures,
les mauvais procédés , et même les mauvais traitemens j où l’on ne
retrouve que les actio n s, la con d uite, les propos indéçens qui
trahissent même les moeurs de la classe la plus vile de la société ;
enfin , voilà un tyran , et voila une victim e.
!
On lit ensuite la correspondance, et on se dit d’abord : Il n’est
pas possible qu’il soit ici question des mêmes ép o u x; c’est d’une
autre cause qu’il s’agit; les mêmes noms se retrouvent sans doute
par erreur: quelle difiérence de ton, de langage! quelle suite de sentim e n sd o u x , d e so in s, d’égards, de procédés aimables ou touchans! Comme celte victime paraîl heureuse ! comme ce (y/*/« mérite
ci obtient son estime , sa tendresse ! Comme cette jeune femme
peint sans doute toujours avec décence et avec m odestie, mais
4
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( '«6 )
tfussi avec chaleur, avec charm e, avec fo rc e , le bonheur dont son
mari la fait jo u ir! Quels regrets , à. la suite (le la plus courte ab
sence ! Quel désir de son retour ! Comme ce retour est attendu !
Com m e il paraîtra un jour de fête ! S’il y a quelques nuages dans
cette famille , ils ne s’élèvent jamais entre les deux époux ; si une
m e r e , si rtne'tante paraissent jalouses de cet excès de bonheur qui
accompagne les premiers jours d’une union ch érie, et dont il semble
que la d urée, d’ordinaire si courte et si rapide , devrait ^consoler
l’envie ; si elles veulent cruellement troubler ce qu’elles appellent
l’illusion et l’erreur d’une jeune femme qui trouve son mari trop
parfait, c’est cette jeune femme elle-même qui le défend, avec me
sure pour celles qui l’attaquent, mais avec la vivacité du g o û t, de
l’estime et de la reconnaissance. Est-il malade ? elle est toute entière
à ses soins, à ses inquiétudes. Est-il absent? elle le presse, le re
mercie de lui écrire toutes les semaines , et ne s’étonne pas de rece
vo ir deux lettres datées du même jo u r; et ses sentim ens, ainsi que
les lettres qui les exprim ent, n ’éprouvent ni lacune, ni interrup
tion , ne Lussent aucun intervalle où la calomnie puisse supposer ni
des malheurs ni des torts. Ces lettres sont l’histoire de d ix -h u it
m ois, et ces époux n’ont vécu ensemble que dix-huit m ois! L ’on
est donc forcé de s’écrier, après avoir lu cette touchante corres
pondance : « Quel heureux ménage ! Comme cette union a été ce
qu’elle devait être , ayant élé formée sous de si favorables auspices !
Comme ces deux époux , si bien assortis pour l’à g e, l’éducation, la
naissance, les rapports et les convenances de tout g e n re, ont
justifié l’espérance et les sojns de ceux qui les avaient unis! »
Mais tout s’explique quand on se dit que la correspondance est
une histoire cl M plainte un roman ; aussi retentissent-elles encore
à lW i l l e des magistrats, ces paroles échappées inévitablement à
l’éloquent défenseur de la daine de Sessevalle ( nous ne dirons ja
mais de la dame de V a lley ) : « H faut convenir que les faits de ht
a plainte sont à peu près couverts par une correspondance con-
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 27 )
a temporaine ».i... N o n , ils ne sontipas couverts, ils sont détruits
selon l’énergique expression des premiers juges; ils ne sont pas c o u - 1
verts, ils sont effacés, anéantis, déclarés calom nieuxà toutes les épo- !
ques où on les place ; ils disparaissent enfin , eomme'la plus absurde
cliimère inventée par la haine en délire ; ils disparaissent au pointde ne rendre ni invraisemblable , ni tém éraire, l’hypotlièse que.
nous venons de tracer ; au point de laisser demander à tout lecteur
impartial s’il est possible qu’il soit question des mômes personnes
dans les lettres et dans la plaiate? Comment s’est-elle donc faite»
celte plainte ? 11 sera bientôt prouvé qu’ici tout cesse d’être hypo
thétique , et qu’il est iixipossible qu’on explique autrement un li
belle tissu tout ensemble avec tant dè m échanceté, tant d’invrai
semblance et de légèreté : oui, ceux qui voulaient absolument séparer
les deux époux ont chargé un rédacteur hannal de ces sortes d’é
crits, décom poser une plainte en séparation : les instructions, du,
rédacteur ont dû être à-peu-près celles-ci :
^
r ; ,|
■
i .
!••••; . !i»
Il nous faut une plainte d’après laquelle il soit impossible de ne
pas obtenir une séparation : vous savez ce qui est de l’essence de
ces compositions scandaleuses; il faut des injures, des outrages y
.
et quoique( cela tpût suffire entre, personnes honorables et biea
nées , il n’y a pas de mal à faire une dp ces. plaintes qui ne convien
nent en général qu’aux gens du peuple : ainsi, mettez en fait d’in
jures ce qu’il y a de plus g ra ve, dé plus v il, de plus dégoûtant, ces
mots qui ne souillent même pas toujours l’enceinte des tribunaux,
en pareille matière. Allez plus loin •: supposez-desiSévices , des
coups, des violences de tout genre. 11 faut bien voiis dire quelque
chose sur los datés et sur les lieux : quant au tempis que les deux
époux ont passé ensemble, c’est du a4 septembre 1806 au an juin
1808. Quant aux lie u x, Clerm ont,’ Nancy, Paris, la terré du Biiisson , R eim s, voilà*tout ce q u b !'nous pouvons vous dire. Q uant
aux dates, encore un cotip'j^vous^aurcz soin de les resserrer entre
ces d ix - h u it m ois, et nous vous dirons bien aussi à peu près
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 28 )
quand a com m ence et quand a fini chaque séjour dans chacun des
lieux désignés. P o u r la vraisem blance, pour l’ensem ble, pour é v i
ter l’alibi, c’est votre afl’a ire ; et si on pouvait vous rendre tout
cela facile , on n’aurait pas besoin de vous. Quant aux lettres, nous
en avons beaucoup, huit ou n eu f cents, peut-êlre du m ari, mais
aucune ne peut elre montrée : pour lu i, il a dû bien en re ce v o ir
aussi et de sa fem m e, et de sa belle-mère et de ses tantes ; elles
poui’roient nous gêner. Mais pourquoi ne les aurait-il pas perdues?
on ne garde pas toujours ses lettres.
On sent ce qu’un pareil mandat laissait de difficile et de hasar
d eux à l’écrivain qui se chargeait de l’exécuter.
Les pièges se rencontraient partout, il n’en a guère é vité; toutes
les erreurs étaient possibles , il les a toutes commises. Aussi faut-il
convenir que ce rédacteur était très-imprudent et Irès-inaladroit ;
par exem ple, pourquoi se presser ta n t, pourquoi celte supposition
si invraisemblable des in jures, des mauvais Iraitemens placés en
tête de la plainte clans le premier article, à la date vraim ent témé
raire de dix ou douze jours après le mariage? Il pouvait attendre
un peu plus tard, et il n’aurait pas rencontré les deux lettres si pré
cises: l’une du 29 septembre ( trois jours après le m ariage), où
madame de Valley dit à son mari :
■
cc
t’écrivant, mon bien aim é, je calme un instant l’ennni que
j ’éprouve de ton absence, quand je pense que deux grands jo u rs,
et peut-être trois«, doivent s’écouler encore jusqu’au moment de
ton retour: c’est en l’exprimant toute ma tendresse et mon attache
ment pour loi que je puis le faire paroître moins lo n g , etc. etc.
Adieu , cher bon am i, je t’embrasse mille et mille ibis, j ’attends
ton retour avec, l’nnpaticncc la plus vive ; adieu , je l’embrasse 5
bien bon ami de ta tendre et fidèle amie, j>.
(
Sigrlc rie- V A L L E Y , née de SE SSE V A L L E .
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�C a9 )
Et cetfe autre lettré du 1 " . octobre 1806 suivant (trente-cinq
jours après le mariage:)
cc Dans l’incertitude où je su is, mon bon am i, de ton re to u r, je
t’écris un mot ; j’esp ère, mon bien bon a m i, avoir demain la lettre
que tu m’as prom ise, et peut-être t’embrasser le soir ; que je désire
ce moment! qu’il me paraît long d’être éloigné de toi!
A d ie u , cher bon a m i, ta bonne amie t’embrasse et répète avec
un nouveau plaisir qu’elle t’aimera toute sa vie.
Signé de V A L L E Y , née de SE SSE V A L L E . »
L ’écrivain de la plainte est moins repréhensible , obligé , comme
il était, de changer le lieu de ses scènes, d’en supposer une atroce
chez madame de Trém ém ont en octobre 1806, parce qu’il ne pou
vait pas savoir que la dame de V alley choisirait, le i 4 fé v rie r, cette
même dame de Trém étnont pour lui écrire et pour la rendre
précisément confidente, non pas d ’un mouvement passager de ten
dresse pour son m a ri, mais des vifs sentiruens qu’il lui inspire con
tinuellement depuis leur mariage.
Nancy, i
4 février
1807.
« Mon mari part demain pour P aris, chère tante , je ne veu x
pas le laisser partir sans un mot pour to i, etc. etc.
Q u’il faut de raison, ma chère taillé ! depuis cinq mois que nous
sommes m ariés, nous ne nous sommes quittqs encore .q u etrèsp çu ,
et je songe par les absentes qu’il a déjà faites combien cgile-ci va
me coûter. Ma chère tante, quand on est parfaitement-heureuse,
pourquoi donc être séparée quelquefois? etc..... Que je voudrais
que tu puisses être témoin de mon bonheur! mon cher de V alley est
tout pour m o i, etc. Je ne suis pas encore ^grosse, ce qui nie con
trarie beaucoup; je ne perds cependant pas encore espoirj mon
mari désire une petite fille et moi un petit garçon.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
-
�(5o)
A d ie u , ma chère tante; je ne puis trop te répéter combien je
suis h eu reu se, et combien il me coûte do me séparer de mon m ari;
je le charge de t’embrasser pour moi.
,
T a nièce bien affectionnée , ' ' l r
>•
•
'
;
. . .
Signé de V A L L E Y de SE SSE V A L L E .
L e rédacteur place au 24 décem bre, à N a n c y , ce qu’on peut ap
peler le morceau d’effet de la plainte , celui dont il s’est sûrement
le plus applaudi :
.
« L e 24 d é ce m b re (article 7 de la p la in te), vers les trois
<c heures après m id i, le sieur de V alley frappa la dame de V alley et
« menaça de lui brûler la cervelle. »
. , r'
Quel sentiment l’emporte ici dans l’â m e , entre le mépris et l’in
dignation , quand après avoir lu cet article épouvantable, on lit
cette lettre datée de N a n cy , du même jo u r,
d u
a4
d é c e m b r e
180 6, et qu’il est cependant impossible de ne pas transcrire en
entier.
■
*
N a n c y , iæ
r>
M
a
,
c i i è r e
M
a m a k
a
4
f
f’k
d é c e m b r e 18 0 6.
,
a Je profite d’un moment de loisir que j’ai dans mon m énage,
pour vous écrire et vous souhaiter une bonne fête ; mon mari est
absent pour ses,affaires depuis quelques jours, je l’attends samedi
prochain. I l vous a écrit à Sedan depuis plus de quinze jours, çt
m o i'à Eugénie ; je viens d ’écrire à R ëim s, à ma tante Alexan«
d rin e , e t c ., etc.
>>>« ...
(c Je suis fi présent h la tète de mon ménage , extrêmement con
tente, satisfaite,, e t c ., etc.
Je ne puis vous dissimuler, maman,
que mon intention a toujours été de tout temps d’avoir mon
ménage à m oi; il rn’eùl été agréable d’habiter dans la même maison
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 3 0
que v o u s , mal1» cela n’élait pas possible , cela vous aurait fort dé
ran gée, e tc ., e tc .— J’aime beaucoup N an cy, c ’est une ville fort
jolie : je suis ici parfaitement h eu reu se, ayant une habitation
agréable. Je trouve’ dans madame de Lorency toutes les qualités
d’une bonne m ère, qui aime mon mari et moi comme ses dèujc
cnfans, e tc ., etc. '
«
« J ’ai maintenant un caraclère bien d écid é, ma résolution est
d’habiter N ancy ; quoique mon mari aime P a ris, j ’espère qu’il ne
me contrariera pas là-dessus. V ous m’avez dit que mon mari était
bien intéressé, je trouve qu’il ne l’a pas été comme il devait l’être:
le so ir, veille de notre départ de Reims , pour se raccomm oder
avec vous , il vous a offert d ix louis ; en vous les voyant com pter,
je croyais sincèrement que vous nous les rem ettriez après les avoir
reçus, e t c ., etc.
•
;
« M. de V a lle y , en ce c a s, devait au moins avoir plus dé
fermeté à soutenir n o s intérêts, e tc ., etc.
« Je vous prie de dire bien des choses à mon oncle et à ma tante
R o llin , et je suis,
I
V o tre affectionnée fille ,
V A L L E Y DE S E S S E V A L L E .
Est-ce parce qu’ils sont fa u x , que nous devons transcrire et ré
futer ces faits d’une si révoltante et d’une si calomnieuse absur
dité ? Non , sans doute , puisque les adversaires eu x - mêmes les
abandonnent ; mais c’est pour prouver aux magistrats que la dame
¿ e Valley est incontestablement étrangère à la plainte form ée.en:
soif nom ; c’est pour prouver encore une fo is, et jusqu’à l’évulence,
que ce n’est pas elle qui plaide en séparation , el que ce qu’elle
pourrait dire sousl’inilueuee fatale qui l’égaie , ne devrait pas être
cjru plus que ce qu’elle.a signe contre les dépositions irrécusables
de sa conscience , poutre les témoignages de sa vie toute en licie.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 33 )
Et certes, les magistrats ne l’ignorent pas : Ces sages et involon
taires confidens de toutes les passions savent trop bien jusqu’où,
vo n t leurs erreu rs, leurs e x cè s, leurs inconséquences ; mais ils
.savent aussi où elles s’arrêtent ; ils savent par exem ple que quand
-lep femmes se trom pent, ce n’est pas si grossièrement; que quand
elles se plaignent, c’est avec plus d’art; que quand elles accusent,
c’est avec plus de vraisemblance : non jamais cette mémoire si
exacte, si sûre, si fidèle, cette mémoire toute intérieure, que ne trou
blent ni les événem ens, ni les a ctio n s, ni les affaires ; où se g ra v e ,
où v it toute seule et toute entière l’histoire de ces sentimens qui
fon t leur vie , ne se rend coupable de pareilles erreurs.
Jamais les femmes ne se trompent sur les époques, sur les dates
précises, sur les moindres circonstances de ces torts dont l’empreinte
est toujours si récente et si v ive ; jamais elles ne s’égarent sur ces
injures dont elles demandent vengeance; jamais la main d’une
femme n’a écrit dans sa plainte que son mari avait osé la maltraiter
le jou r où elle avait écrit qu’il était absent ; jamais la main qui
signe, après l’avoir lue, une accusation g ra v e , portant sur ces pre
miers joUraide son mariage , si présens à son souvenir, ne la place
par erreur à.un jour où cette même main avait écrit-àson époux...
« Q u’il était tout pour elle; qu’elle le regrettait vivem ent et qu’elle
« s’efforçait de remplir en lui écrivant l’intervalle insupportable
de deux grands jours. »
•' " V
'
.1
!)
Faut-il pousser plus loin cette démonstration , et fatiguer encore'
les y e u x des magistrats par quelques citations de p e dégoûtant li*-
O n a vu que le septième fait est détruit par Yalibi le plus victo
rieusement prouvé : le huitième l’est de la même manière.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�(35)
On y dit que dans le mois de mars 1807, il avait m altraité sa
fem m e derrière une m asure, en se promenant avec elle.
Eli bien ! il est prouvé que M. de V alley n’a rejoint sa femme que
dans le mois d’avril. L a lettre de celle-ci, du 18 m ars, reçue à Paris
le 22 (le timbre l'indique ) , prouve que, quand même il se serait
mis en route le lendem ain, il ne pouvait être être moins de huit
à dix jours, puisqu’il est dit qu’ il venait très-lentement avec ses
chevaux et une voiture très-lourde.
t
Ainsi les huitièm e, neuvièm e et dixième faits parlent des mêmes
injures, des mêmes sévices, dans les mois de mars et de mai.
.
Et les trois lettres les plus tendres de la correspondance sont
peut-être celles que madame de Valley écrit à son m ari, le 1 . " , le
12 et le 18 de ce même mois de mars 1807. .
{N a n cy, dimanche prem ier mars') , elle lui écrit :
cc J’ai reçu , bien bon am i, tes deux dernières lettres : par celle
<c du 26, tu ne me parles pas du tout du moment où tu partiras de
« Paris, ce qui me Fait bien craindre qu’il ne soit différé; je t’adresse
« doijc encore celle-ci à Paris. Quelle satisfaction pour m o i, cher
cc bon am i, que cet espoir de devenir bientôt m ère! toi mou bien
cc aim é, qui connois le coeur de ta femme! etc. Mon am i, le désir
« que tu en as augmente encore le mien ! quelle sera donc la jouiscc sauce de ton amie? remettre entre tes bras cet objet de nos désirs,
cc qui apprendra de bonne heure à t’aim er, à te chérir toute la vie.
cc T o u t ce que ton cœ ur me d it, mon bien aim é, je le reçois
« avec toute la sensibilité et la v ive tendresse que le mien ressent
cc pour toi! O u i, mou cher H enri! je 11e puis l’exprim er combien
ce ce cœ ur t’aime ! O mon ami! qu’il y a long - temps qu’il n’a pu te le
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�(
34)
« dire ! Viens donc jouir du bonheur d’être aim é, toi qui remplis si
« bien mon cœ ur ! etc. »
L e m mars elle lu i écrivait :
« O h ! o u i, mon bon a m i, dorénavant aucunes circonstances ne
« m’empêcheront de voyager avec toi ! il est trop pénible d’être séa parés l’un de l’autre, e tc ... Cher bon ami! quelle fête pour m o i,
u. de te revo ir, après un mois d’absence et plus! etc. e tc .. . Que je
«. serai contente de t’embrasser et de t’exprim er toute ma tendresse!
« Adieu mon bon ami! adieu mon H enri! je t’embrasse mille et
a mille fois ! etc---- »
Si le rédacteur de la plainte, promenant pour ainsi dire la haine
qu’il est chargé d’exprim er sur des sujets divers; et, changeant de
calom nies, en restant toujours fidèle.au besoin de nuire, accuse
M. de V a ll e y d’èlre intéressé, avare, de tout refuser à sa fem m e, il
se trouve qu’elle-même dans plusieurs de ses lettres le remercie de
ses présens, de ses em plettes, et de ses attentions en ce g e n re , tou
jours aimables et multipliées.
Si le rédacteur l’accuse d’être mal pour ses domestiques, de dis
puter le salaire de ses o u vriers, il se trouve encore que sa femme
se vante d’avoir pu répéter à des ferm iers, à des habitans diwBuisson qui lui adressaient quelques demandes, combien ils avaient de
motifs de Complaire à un homme qui était continuellement pour
eu x si généreux et si bon.
y
Si le rédacteur a la méchanceté absurde de supposer que les ha•
bitans du B uisson (qu i n’ont vu AI. de Valley que trois semaines,
et m alade) attendaient son retour p our l’accabler d'injures et dem alédictions, il fournit seulement l’occasion de produire, émanant
de ce même p a y s, les témoignages les plus unanimes d’estime cl de
considération.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�(55)
Si le rédacteur place au 28 juillet 1807, au 28 ou 2g août, de
nouvelles scènes d’injures et de violences, il se trouve prouvé par
des certificats authentiques, par des lettres, par mille circonstances
diverses, que pendant tout ce môme temps M. de V alley était ma
lade et même en danger pendant plusieurs des jours indiqués.
C'est même madame de Sessevallc qui se charge encore ici de l’a
pologie de son gendre , pour les vingt-un premiers faits de la plainte,
puisqu’elle lui écrit, le 27 novembre 1807:
•»llii r
1.
1
« N e croyez pas, m on n m i,que je cherche à me justifier ; ma
cc conduite est au-dessus de tous les propos qu’on vous a tenus , etc.
« etc. ; elle est sans reproche, et ce qu’on vous a dit de moi n’est
« qu’un tissu de faussetés et de mensonges , etc. etc. ; ainsi vivons
« avec l’affection qui doit exister entre une mère et ses enfans.
« Signé DE L A M O T T E DE S E S S E V A L L E . »
Puisque, le même jo u r, madame de Sessevalle écrit à sa fille :
« T u me fais grand plaisir de me parler de la réception d’am itié,
« ma chère amie, que j’ai faite à ton mari; tu sais que je ne garde
« pas de rancune , etc. etc.
« Continue, ma chère amie , les soins qu’il mérite par son atla« chement pour loi. Q uel bonheur pour deux époux d’avoir réci« proquemenl des alternions l’un pour l’autre , et que chacun rem« plisse scs devoirs : la femme dans son ménage et le mari occupé
« des affaires du dehors ! — Voilà , mes enfans , ce dont vous êtes
« occupés journellement; c’est une justice à vous rendre , etc. etc.
« S ig n é D E L A M O T T E D E S E S S E V A L L E . »
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�V
( 56 )
Enfin quand le rédacteur dit dans l’avantdernier et vingt-septième
fait de la plainte, que , le 22 juin 1807, M. de V a lley s e livra à
toutes so rtes d 'e x c è s contre la dam e d e V a l l e y , c’est encore
m a d a m e de Sessevalle qui répond, et ainsi qu’il était dans le caractère
et dans la position de madame de Sessevalle, ce n’est pas toujours
de ses éloges , c’est plus souvent encore de ses reproches et de ses
accusations moines , que résulte une apologie bieu victorieuse et
bien involontaire.
*
A -t-il pu outrager et maltraiter sa fille, le 22 juin , celui à qui elle
se
contente de dire, le 3o ( i ) d u même mois : V o u s mettez toujours
votre fo r tu n e a u -d essu s d e c e lle d e v o tre fe m m e ; (toute la
cause prouve «.«unbien ce reproche est fondé! ) •vous avez prive’
'votre fem m e, depuis Vinstant d e votre m a ria g e, d e d isp o ser
d ’un soit ; ( comme celte accusation est lu'-.- ¡.vec 1. précédente,
et coùime '*lle est aussi bien établie d.ms le procès ! ) v ou s avez
r e fu s é d e lu i don n er d e l'a r g e n t......... Toui ocla est absurde; et
nous ne fe transcrivons ici que pour montrer combien il est vraisem-
( 1)
11paraîWencore une autre et dernière lettre de madame de Sessevalle dans
la cause, et celle-lh est d’un ton l'ort radouci ; elle a cessé d’ ccrircle ab juillet
h M. de Va l ley , qui était il Plombières depuis le
juin. Madame de Sesse
valle qui dit d’ une manière obligeante qu’elle esp ète tju 'il éprouve des ea u x
tout le bien q u 'il en a tten d a it...... Ici point de reproches,d'aucun genre.
Mais en voici la raison :
-
Madame de Sessevalle n’ écrivait ainsi a son gendre que pour lui dire , dans
.Ja meiue lettre, quW/e a lla it incessam m en t se rendre « P a r is ; elle voulait
fassurer ce mari qui lui avait confié sa femme , détourner de ses craintes l’iJce
de l’enlèvement qu’elle projetait ; elle allait emmenei sa femme h Reims , au
près el dans la maison de cette même tante.qui , dès le
4 janvier,
comme on
l ’a v u , avait cherché à refrridir madame de Valley pour son mari, et dont Je
secours devait être si utile an moment oui on prévoyait qu’il faudrait rassembler
toutes scs forces pour empêcher madame de Valley de se réunir h son mari qui
viendrait là chercher h Kèiuis.
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 37 )
L L h l e q u e m a d a m e de S e s s e v a l l e s'attachât à r e p r o c h e r d e pareil l es
m i n u t i e s au m o n s t r e q u i , le 22 juin..., M a i s c ’est ans>i t m p r é p o n d r e .
A u reste o n a va i t d it , au n o m d e la d a m e d e S e s s e v a l l e , q u e
ee3
v i n g t - s e p t et v i n g t - h u i t i è m e finis n’étaient pas dét r u i ts c o m m e les
aut res , et q u ’ils s’a p p u y a i e n t en q u e l q u e s o r te , et se faisaient v a l o i r
p a r la r e s s e m b l a n c e ...... O u i c e r t e s il y a u n e g ra nd e l e s s e m b l a n c e ,
u n e f rappante a n a l o g i e ; mais c ’est u n e a na l o g i e d e m e n s o n g e et d e
c a l o m n i e ; niais nous r e po us so ns un tel r a i s o n n e m e n t , e n d e m a n da n t
si le r é d a c t e u r d e la pl tinte e s pè r e q u ’ on le croi ra s u r d e u x m e n
s o n g e s , ( e t n ou s a vo ns v u m ê m e q u ’il ne restait q u e c e l u i d e l’a rt i cl c
28
se t ro uv a nt par hasard sans loi 1res q u i les r é f n t e r o i e n t dans c e t t e
m ê m e c o r r e s p o n d a n c e , d est i né e à e f f ac e r , à d é t r u i r e , à a néant i r
t o u s les a ut r e s ? F.ncore faut-il q u e c e v i n g t - h u i t i è m e fait puisse ê t r e
r e t o u r n é a v e c b i en pl us d ’avantages par M . d e V a l l e y c o n t r e m a d a m e
d e S e s s e v a l l e , p u i s q u ’il est r e l a t i f à c e m ê m e j o u r o ù il a c c o u r u t à
R e i m s p o u r lui r e d e m a n d e r sa f e m m e , q u ’ il lui avait c onf iée , et o ù
e l l e eut p o u r l;i p r e m i è r e fois l ’i nj us t i c e d e la lui r e f u s e r ; mais ces
v i n g t - s e p t e t v i n gt - hu i t i ème s faits , si s.igcineni é c a i t é s pa r les p r e
m i e r s j u g e s , n ’avaient b e s o i n , p o u r n’être pus c r u s }q u e d e se t r o u v e r
après les vingt-six autres.
Aussi ne les a-t-on guère soutenus avec plus de confiance, et c’est
peut-être la première fuis qu’une Cour souveraine ait puteudu ce
langage :
' V o i l à u n e plainte g r a v e , t e r r i b l e , m o n s t r u e u s e ;
n o u s l ’avons
f o r m é e il y a pr è s d e q u a tr e ans. L ' e s t on ve r t u d e c e l t e p ' a i nt e ,
q u ’une m è r e a c r u p o u v o i r e n l e v e r
mi
mar i q u i ht lui avait c o n f i é e ,
u n e f e m m e d e vi ngt - qua t re ans ; cV.st en v e r t u d e c e t t e plainte q u e
d e p u i s q u a t r e ans c et t e m è r e et t o u t e sa f a mi l l e
fatiguent, tour
m e n t e n t , c a l o m n i e n t u n h o m m e d i g u e d ’ un m e i l l e u r soi f ; c est e n
v e r t u d e c et t e pl ai nte q u ’e l le s s u s p e n d e n t p o u r ainsi d ir e et i u l e r r o m p e u t s o n e x i s t e n c e tout e e n t i è r e , q u e l l e s l ’é ca rt e nt d e i’hono<
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 38 )
r a b l e c a r r i è r e q u i s’o u v r a i t d e v a nt lui ; c ’est eu v e r l u d e c e l l e pl ai nte
q u ’on se m o n t r e i n e x o r a b l e à c e q u ’il y a d e p l u s p e r sé vé r an t , de
p l u s t o u c h a n t e n n o b l e s et g é n é r e u x e ff or t s sans ces se r e n o u v e l é s
p o u r r a m e n e r la paix et é t e i nd r e la h a i n e ; c ’est e u v e r t u de c e l t e
pl ai ni e q u ’o n le c o n d u i t d e v a n t les p r e m i e r s j u g e s ; o n l u i fait aussi
u n c r i m e d e v a n t e u x d e cet t e c i r c on s t a n c e r et ra cée dans les f a i t s, d e
c e l t e c o m p a r u t i o n d e v a n t l e m ag i s t r at , p r o v o q u é e par M . d e V a l l e y ,
e t d o n t , p o u r la p r e m i è r e fois , dans les annal es des T r i b u u a u x , o u
a pu a v o i r la pen sée d e faire un m o y e n d e s é par at i on et u ne a c c u
sation de d if f a ma t ion . L e s c o n c l u s i o n s d u mi ni st è r e p u b l i c f o u d r o i e n t
la pl ai nt e p r i n c i p a le et la p l a i n i e a cces so i re : la s e n t e n c e en fait é g a
l e m e n t u ne s é v è r e j us t i c e.
C e l t e s e n t e n c e à la mai n , M . d e V a l l e y
r e d e m a n d e e n c o r e sa f e m m e à u n e m è r e t o u j o u r s i n f l e x i b l e ...... E t
c” o3t a v e c cet te p l a i n t e , e t
c ’est c o n t r e c e l t e s e n t e u c e
que
l ’o n
d e m a n d e u u arrêt de sépar ati on à la p r e m i è r e C o u r s o u v e r a i n e d e
l ’E m p i r e ! V o u s l ' a b a nd o n n e z , dites - v o u s , cet te pl ai nte j et v o u s ,
c r o y e z - v o u s q u e n ou s l’a b a n d o n n e r o n s aussi ? V o u s sera-t-il per mi s
d e dir e d e v a n t la C o u r , a pr è s l ’a vo i r dit d e v a nt les p r e m i e r s j u g e s :
n o u s v o u s a vons c a l o m n i é v i n g t - h u i t fois dans u n l i b e l l e a t r o c e ;
n o u s l ’a b a n d o n n o n s ,
et n o u s n’a ur io ns m ê m e
pl us u n
prétexte
p o u r v o u s r e f u s e r v o i r e f e m m e , si n o u s ne p o u v i o n s b i en h e u r e u
s e m e n t a p p e l e r u ne c i r c o n s t a nc e n o u v e l l e à l ’a p p u i et a u s e c o u r s
d e nos c a l o m n i e s d é t r u i t e s ? ......
L e s e c o n d pa r a gr a ph e m o n t r e r a q u e ce n o u v e a u s y s t è m e d ’attaque
n ’ i nsul t erai t pas m oi n s les lois q u e la pl ai nte ue fait o u t r a g e à la m o r a l e
c l à la v é r i t é : mais u ’ e s l - i l pas déjà p e r mi s d e d i r e q u ’ e l l e s e m b l e de
t ou s c ô t és s o r t i r d e la c a u s e , c e t t e r éf l ex io n à la fois e f f ra y an t e et c o n
so l a n te ? C e t é t r a n ge p r o c è s ne paraî t-i l pas d est i né à d é m o n t r e r q u e l a
v o l o n t é d e n u i re ue suffit pas p o u r en d o n n e r le t a l e n t , c l p o u r en as
s u r e r
le s u c c è s ? Sans d o u t e M . de V a l l e y pouvai t ne les avoir pas c o n
s e r v é e s ces let tres q u i o nt fait 1 a p o l o g i e de son h o n n e u r et le so ut i e n
d e sa c a u s e ; mais j ama is 1 h o m m e i r r é p r o c h a b l e ne s u c c o m b e : p r e s q u e
t o u j o u r s à c ô t é d e ces a cc u sa t i on s m e n s o n g è r e s , d e ces tort s c l a m é -
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 39 )
riques que la haine prétend découvrir, se rencontrent, toujours
prouvées par scs actions , toujours constatées , parce qu’il y a une
Providence , des venus véritables qu’ il cachait ou du moins qu’il ne
montrait pas; et c’est ainsi que la défense contre un procès injuste
se trouve d’avance toute prête dans la vie d’ un homme de bien,
I»A RA G HA r II E 1 I.
D is c u s sio n d e s m oyens de séparation tires d es autres p iè c e s
produites au p r o c è s , et d es circonsta nces étra ngères à la
P a r m i ces m o y e n s p r é s e nt é s h o r s d e la p l a i n t e , il en était u n de
n a t u r e , il faut l ' a v o u e r , à faire b e a u c o u p d e p e i n e à M . d e V a l
l e y ; o u a v o u l u é r i g e r d e v a n t l es t r i b u n a u x en a cc u sa t e u r d e so n
n e v e u , u n o n c l e , M . D u r a n d d e V a l l e y , q u ’il h o n o r e , q u i l c h é r i t ,
e t qu i s’est t o u j o u r s m o n t r é p o u r lui un s e c o n d p è r e : c e n’est p:is
l à , sans d o u t e , l e c o u p le m o i n s perfi de q u i soit part i d e la m a i u
d e ses e n n e m i s ; m a i s il n ’est p a s p l u s d a i i y e r c u x ' q u e les autres.
O n p r o d u i t au p r o c è s , o n a l u d e v a nt la C o u r d e u x l et tr es de
l ' o n c l e d e M . d e V a l l e y ; c l ces l c i l r e s ne p r o u v e r o n t r ie n a u t r e
c ho se q u e des t e nt at i ve s p e r f i d e m e n t i n g é n i e u s e s , des eff ort s , u n
m o m e n t h e u r e u x p o u r l ui t r o u v e r des e u n e m i s , m ê m e au sein d e
sa p r o p r e f a m i l l e , m ê m e pa r mi des ami s q u e l e s a ng et la n a t u re d e
vaient lui c o n s e r v e r au m i l i e u d e t ou s ses m a l h e u r s . S m s d o u t e
1 o n c l e de ¡VI. de V a l l e y parai t
1a c c u s e r
dans c e s d e u x l e t t r e s ; mais'
d o i t , q u a n d , a qui s o n t - e l l e s ecrites? Est*ce
un
témoin c h e r ,
i r r é p r o c h a b l e , ne p o u v a n t m a n q u e r d ' êt re c r u q u a n d il atteste ce
m a l q u i l a v u a v e c u n e d o u l e u r q u i le
r e n d t r o p d i g n e de f o i ?
P a r l e - t - i l d e faits qu i se soi ent passés sous ses y e u x ? E s t- c e lui eu fi n
q u i att este , o u L i e n e s l - c e lui q u i j u g e s ur l e t é m o i g n a g e d e « a u t r e s ?
A h ! sans d o u t e , c ’est lui q u i j u g e , et c ’est lui q u ’on é g ar e ; sans
d o u t e l ’e r r e u r d e c e t ami pa t e r n el d e
>1 .
de
Va)l<
y , e r r e u r par l u i '
m ê m e d é p l o r é e , r e c o n n u e , et r é p a r é e d ' u n e m a n i è r e si l o u c h a n t e ,
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 4»)
n’est pas le moins cruel succès des intrigues qui, depuis quatre ans,'
ne cessent de le poursuivre. Que dit en effet l’oncle de M . de V a l
ley dans ces deux lettres, malgré lui accusatrices, toutes deux d’uue
date bien importante à remarquer (elles sont du 17 septembre 1808,
quand déjà madame de Valley était enlevée à sou époux, et du 27
novembre suivant, époque de la p lain te).. . M ais eufiu que disentelles ?
J 'a i é t é outré d e la scèn e barbare qui s'est p a ssée à R e im s ,
écril l’oncle de M . de V a lley à la sœur de madame de V a lle y .. . . . . .
( C ’est-à-dire , d’ une scène racontée par les personues qui ont éclairé
le rédacteur de la plainte; d’une scène pruuvée comme tous les faits
de la plainte). Je dis à mon neveu que jé t a is bien instruit ( on sait
par qui) , q u i l rendait sa fem m e m alheureuse. O u i , continue
l'oncle de M . de V a lle y , j e sa is ( c ’est toujours vrai comme la
plainte, et partant de la même source) que vous avez m altraité
v otre f e m m e .. . . à quoi i l m'a répondu q n c c e ’t ait f a u x . . . .
(son oncle a su depuis, et a hautement reconnu de quel côté était
le mensonge, de quel côté était la vérité).
L e 3 7 novem bre ( C eux qui ont fait rédiger les plaintes le a 4 7
n’avaient pas manqué de l’instruire au fond de sa province , où rien
sur son neveune pouvaitlui parvenir par une autre v o ie ). L ’oncle
deM . de V alley écrivait encore.
J ’ai toujours cru , au contraire, qu'ayant le bonheur d ’être uni
à une fem m e telle que la sienne , il ne manquerait p a s de la ren
dre heureuse.
( O n vo it même ici que tout ce qui montre l’opinion p ro p re,
personnelle , antérieure de ce respectable parent est favorable à
M. de V alley ; et certes il était naturel que dans l'effusion de sa
douleur causée par
ce q u 0,1 lui écrivait, il s’accusât lui—
même du regret d’avoir contribué au mariage ; en dissimulant alors
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 49 )
mander* l’avoué n’a pas pu le donner; il n’y a point dans celte
circonstance lieu au ministère des avoués. La loi a voulu que
tout se passât entre le juge et les parties, parce que la lo i, qui
voulait secret et confidence , ne voulait ni publicité ni diffama
tion : enfin M. de V alley a parlé ou écrit au juge (ce qui est ici la
même chose ' , a v u sa femme chez le ju ge, a reçu du juge la per
mission d’inform er, n’en a ni usé ni pu vouloir u s e r , a re
tiré sa dem ande, dont il n ’est resté , aux termes de la sentence
du tribunal de première instance, aucune trace ju d icia ir e , et ce
n ’est pas assez dire; il n’en reste aucune trace quelconque ; ca r ,
encore un coup, elle ne reste pas cette trace, elle s’efface, se perd,
s’anéantit, dans l’esprit du magistrat qui s’imposerait le devoir d’ou
blier , s’il ne trouvait pas sa conscience assez rassurée par le devoir
de se taire !
Mais voyons ce que devant ce ju g e , où l’on ne peut jamais diffa
m er, M .d e V a lle y a dit à sa femme : nous le répétons, ce n’est pas
une hypothèse ; c’est a vo u é, c’est démontré , c’est constaté par le
procès-verbal de la comparution : entendre madame de Valley qui
répond à son m ari, c’est entendre les questions mêmes de M. de
V alley, que les réponses constatent et reproduisent : eh ! bien, M. de
Valley a dit à sa femme ce qu’il lui di t, ou plutôt ee qu’il dit à sa
belle - m é rc , ce qu’il dit aux tribunaux ; ce qu’il dit encore aujour
d’hui à la C o u r, ce qu’il répète dans toutes ses actions, comme dans
ses écrits et dans ses discours ; il lui a demandé de revenir avec
lui ; car madame de Valley , toujours sous l’invincible et funeste
influence qui égare et dénature sa volonté , lui a répondu qu'elle
était autorisée à résider provisoirement avec lui chez sa mère.
E st-c e à celui qui outrage, ou n’est-ce pas plutôt à celui qui prie,
qui conjure, et à qui 011 résiste, qu’il est possible de répondre
ainsi ?
Dans les causes de ce genre , après avoir éclairé la justice de ses
juges, on a coutume de s’adresser a leur indulgence. Lors même
que les débats ne produisent pas ces torts graves , ces faits cons
ta ts ces preuves enfin irrécusables et manifestes qu’exige toujours la
rigide équité des magistrats pour accueillir des demandes si défavo
rables; on en voit ordinairement sortir au moins quelques torts plus
lé g e is, quelques erreurs coupables mais passagères, quelquctftnouvem ensd humeur ou de passio 1, qui ne peuvent pas appeler 1 arrêt
sévère, mais qui doivent être, pour ainsi dire, effacés par l’expression
7
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�( 5o )
des regrets et par les promesses du repentir : tel ne peut pas être le
langage de M. de V alley; toutes les recherches de la haine et de la
calomnie n’ont pu le n o ircir, et n’ont trouvé partout que ses de
voirs constamment et fidèlement remplis. L ’arrêt de la Cour lui
rendra son existence, pour ainsi dire suspendue toute entière;
il retrouvera en même temps et ces fonctions, ces travaux qui
devaient honorer sa vie , et l’épouse si chère qui devait l’em
bellir ; il ne peut pas lui jurer de la rendre plus heureuse qu’ellçmême n ’a reconnu l’avoir toujours été auprès de lu i; mais il est
facile au bonheur d’ou b lier, et M. de V alley peut promettre à sa
femme , et à la mère de sa femme , que tout le temps qui se sera
écoulé entre le 25 juin 1808 et l’arrêt de la C o u r, disparaîtra de sa
mémoire; il sent au fond de son cœ ur qu’il peut encore promettre
à madame de Sessevalle d’aimer assez sa femme , pour parvenir ,
par la plus touchante illusion de la tendresse conjugale , à c ro ire ,
le jour où il se réunira à sa fem m e, qu’il ne la reçoit pas de la main
des magistrats souverains, mais de la main de celle à qui il l’avait
confiée.
Signé D U R A N D DE V A L L E Y .
M o n s ie u r
J O U B E R T , Avocat-général.
M.e R O UX -L A B O R IE , Avocat.
M .e B O N N E T , A v o c a t plaidant.
M .° P I C A R D , A v o u é .
De l’im prim erie d’A . É G R O N , Imprimeur du Tribunal de
Com m erce, rue des Noyers , n 1 9
Note BCU
Pages manquantes 41 à 48 du factum original
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Durand de Valley. 1811?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Joubert
Roux-Laborie
Bonnet
Picard
Subject
The topic of the resource
divorces
Description
An account of the resource
Mémoire pour M. Durand de Valley, intimé, sur l'appel de la sentence qui rejette la demande en séparation intentée au nom de la dame Durand de Valley, son épouse.
Cour impériale de Paris. Audience solennelle du lundi 8 juin
pages 41 à 48 manquantes.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie d'A. Egron (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1811
1806-Circa 1811
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
50 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0611
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Nancy (54395)
Reims (51454)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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divorces
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53870/BCU_Factums_M0610.pdf
31894240645d041af2ef8195d72e0c13
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Text
COUR
IMPERIALE
MÉ M O I R E
DE RIOM.
EN R ÉPO NS E,
cha m b r e s
RÉ U N I E S .
POUR.
Les frères D E S T A I N G , appelans ;
CONTRE
A n n e soi-d isant
D e s ta in g
NAZO,
et tutrice de
se disant V E U V E du général
M a rie ,
s a f i l l e , intimée.
V o u le z - v o u s a v o ir id é e des m œ u rs des G r e c s ? Ils fo r m e n t
u n e u n io n q u ’ils n o m m e n t m a r i a g e d e c a p i n . Ils c o n v ie n
n e n t a v e c u n e fe m m e de v iv r e a v e c elle tan t q u ’il le u r p la ira ;
ils se p ré se n te n t au ju g e et à l ’é v ê q u e , p o u r o b te n ir la p e r
m issio n de l ’ u n , et la b é n é d ic tio n de l ’a u tre . L e s
lois et la
r e lig io n s’ a c c o rd e n t à a u to rise r ce d é rè g le m e n t.
Voyage en Grèce , 1794 1795, lett. 35. Scrofani,
Sicilien , traduit de l ’italien par B lanvillain ,
Paris, 1801.
Q
u e l l e est donc cette fem m e qui s’obstine
du général D estaing, prétend avoir
reçu
à
se dire veuve
c e nom avec solennité
sur les rives du N i l, soutient être née dans une condition d is
et veut soulager ce u x qu’elle appelle ses beaux-fréres ,
du p oid s d'u n e m ésalliance ?
Jusqu’ici elle s’étoit annoncée com m e fille de J o a n n y N a z o ,
commandant d’un bataillon grec. A u jo u rd ’h u i elle est obligée
de convenir qu’elle n’e st point fille de N azo ; elle avoue qu elle
tin g u ée,
A
X
�(
2
)
a usurpé c e n o m , qu’ elle est née d ’un premier mariage de S ophie
M jscii , d ’une m ère qui a encore d e u x m aris vivans et un de
mort. Et c e n ’est point à sa bonne foi qu’on doit c e t aveu ; les
fem m es grecques ont l’habitude de feindre et de dissimuler.
Mais elle a eu la maladresse d’assigner pour témoin un certain
B a r t h é le m i S e r a . Cet individu est un des maris de Sophie Misch.
Il raconte avec ingénuité qu’il a épousé cette Sophie, alors veuve
de J oseph T rtsoglow , Arménien de nation, bijoutier de son
m étier, et catholique rom ain de religion. Anne étoit née lors
du mariage de S è ra. Il y a vingt-quatre ans que S e r a a quitté
sa Sophie; i l la q u itta , e t Joanny N a zo Vépousa. C ’est avec
cette légèreté que S e r a parle de la dissolution de son mariage.
C ’est une union de capin : en voici un exemple dans la famille
à' A n n e ; et c ’est cette a llia n ce distin g u ée, c e m ariage p o litiq u e ,
cet honneur insigne dont on veut accabler les héritiers Destaing.
Q uoi ! lorsque les héritiers Destaing font leurs efforts pour
repousser de leur famille une étrangère audacieuse, méconnue
de celui qu’elle appelle son é p o u x , qui l’avilit aux ye u x de son
p è re , traite sa liaison d 'arrangem ent o r ie n ta l , A n n e ose crier
à la ca lo m n ie! une Egyptienne parle le langage des m œ urs,
vante les vertus d o m estiqu es, ces vertus paisibles et pures ,
bannies de ces parages lointains , où régnent impunément la
dépravation et la lic e n c e , où la dissolution est à son comble !
Anne s’agite en tout sens pour parvenir à son b u t, et faire
croire qu’elle a été élevée au rang d’épouse légitime d’un général
français.
Elle a su profiter avec art de tous les m ouvem ens, de toutes
les circonstances. L ’armée d’ Orient a été divisée dans ses projets,
dans ses moyens d’exécution : ces discussions ont été portées à
un tel degré d’exaspération , que le général Destaing en a été
l’une des victimes.
C ’est aux ennemis connus et déclares du général qu’elle a eu
l’adresse de r e c o u r ir , pour obtenir des déclarations conformes
à ses projets; mais le mensonge, les contradictions, les incon-
/
�)
( 3
séquences de ses témoins sont à un tel degré d’é v id e n c e , que
les enquêtes deviennent l’arme la plus puissante dans les mains
des héritiers Destaing , pour repousser les prétentions d une
femme obscure, am bitieuse, à qui il ne restera bientôt que le
repentir et les regrets. Et qu’Anne ne ch erch e pas à faire valoir
le sentim ent, en invoquant les noms sacrés d’épouse et de mère!
Si le général Destaing l’avoit élevée jusqu’à l u i , pourquoi
auroit-il pris une marche opposée à celle usitée par les Français
qui ont contracté des mariages en Egypte? comment l’acte de
mariage n’auroit-il pas été transcrit sur les registres des com
missaires des guerres ? C ’est ainsi qu’en ont usé les généraux
L a n t i n , D elzons et B onne -C ar iiè r e , conformément aux ordres
du général français.
L e général Menou lui-méme, dont le mariage avoit été célébré
antérieurement à ces ordres qui ne remontent qu’à l’an 8, s’ est
empressé de faire transcrire l’acte de son mariage sur les registres
de l’état civil du C aire. Enfin , il n’y a pas eu un seul mariage
légitime qui n’ait été suivi de cette formalité ; et par quelle
fatalité celui du général Destaing seroit-il le seul e x c e p t é ? _____
A n n e voudra-t-elle prétendre que les troubles de l’Egypte
n’ont pas permis de suivre toutes les formalités prescrites pour
assurer l’état des personnes ; mais pendant la cohabitation d’ANNE
avec le général Destaing, l’Egypte étoit dans un état de tran
quillité parfaite , et les troubles n’ont com m encé que lors du
débarquement des Anglais, bien postérieur à son prétendu m a
riage.
T o u t est invraisemblable dans le récit d’ANNE ; c e sont les
aventures d’une héroïne de ro m a n , où on fait figurer les tem
pêtes , les naufrages , les corsaires , et tout ce qui tient du
merveilleux.
Mais un arrêt de la C o u r , du 11 juin 1808, l’a admise à
prouver la légitimité de son mariage. La C o u r , en confirmant
le jugement de Mauriac, du i août 1807, e t réduisant l inter
locutoire , ordonne qu’ ANxn fera preuve devant les premiers
3
A
2
�( 4 )
juges, que depuis que le général Destair.g fut appelé au Caire,
et pendaht q u ’il y étoit en activité de service, elle a été mariée
avec lui publiquem ent e t so len n ellem en t, par le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rite g r e c , e t les fo rm es e t usages
observés dans le pays.
Elle est autorisée à faire entendre les parens tant d’elle que
du général Destaing , ainsi que toutes les personnes qui ont
déjà donné des attestations par forme d’acte de notoriété , à
Marseille et à Paris, ou des certificats sur les faits dont il s’agit
dans la c a u s e , s a u f tous autres reproches de droite et sa u f aux
héritiers Destaing la preuve contraire.
En exécution de cet arrêt, et par suite de commissions rogatoires du tribunal de M auriac, il a été procédé à des enquêtes,
à Paris, à Marseille, et les héritiers Destaing ont fait une en
quête contraire, à Mauriac et Aurillac. Il faut nécessairement
se livrer à l’examen de ces enquêtes , entrer dans une discus
sion qui va devenir fastidieuse. Les héritiers Destaing feront
en sorte d’ëtre rapides dans ces d étails, pour ne pas lasser
l’attention.
O n commence~par l’enquête de Paris.
L e premier témoin est le général Lagrange. Il fut reproché
par les héritiers Destaing , sur le fondement qu’il étoit d’un
parti opposé au général leur frère. Le général Lagrange étoit un
des signataires de la capitulation d ’Alexandrie , que le général
Destaing avoit refusé de signer ; il avoit même fait consigner
son refus dans le procès verbal du conseil de guerre ; et cette
divergence d’opinion avoit excité des haines et des inimitiés
particulières entre les opposans. Le juge-commissaire ne crut
pas devoir consigner ce reproche, qui n’étoit pas prévu par le
Code. La Cour l’appréciera dans sa sagesse.
C e témoin déclare qu’il étoit lié d ’amitié avec le général
Destaing ; qu’il vint lui dire qu il avoit le projet de se marier
en Egypte. L ’amitié lui suggéra des observations pour s’opposer
à ce dessein. Il c r o it , sans pouvoir l ’affirm er, que le général
�(
5
)
s'autorisent de l’exemple du général en c h e f, et de leur séjour
futur en Egypte. Quelcjue temps après , le général Destaing
l’invita à assister à la cérémonie de son m a ria g e , cjui eut lieu
dans une église grecque. L e témoin avoit promis d’y assister ;
i l en f u t em pêché par les occupations qui lui survinrent, et à
cause de l’heure , qui n’étoit pas com m ode pour lui ; parce
qu’il croit que le mariage fut célébré le soir.
La première conversation au sujet du mariage eut lieu dans
ses bureaux, en présence de ses aides de camp et de son secré
taire. Les représentations qu’il fit pour le détourner de ce
projet, donnèrent lieu à une discussion animée. L e lendem ain
du jour indiqué pour le mariage , il fut invité au repas de
noces. L à , il vit le commandant d’un bataillon grec , N a z o ,
qu’il crut être le père d’ANNE, laquelle lui fut présentée com m e
l’épouse du général Destaing. A nn e étoit présente lors de sa
déposition ; i l croit la reconnoitre. Il a vu depuis le général
D e s ta in g , tant en Egypte qu’en France ; il l’a toujours consi
déré comme marié. P e n d a n t leur séjour au C a ire , il a vu fré
quemment le général Destaing ; mais ce temps n’ a pas été bien
long.
On observe au commissaire Cju’on avoit consigné dans la d é
position du té m o in , que la cérémonie avoit eu lieu dans une
église g r e c q u e , et qu’il ne l’avoit pas ainsi déclaré ; il répond
que le général Destaing lu i avoit d it que la cérémonie devoit
avoir lieu en effet dans une église grecque ; qu’il le crut ainsi
lorsqu’il alla au repas.
On lui demande s’il ne s’étoit pas écoulé un intervalle de
quinze jours entre l’époque de la prétendue cérémonie et
le dîner. Il ne se rappelle pas précisément les d a te s , mais il
croit bien qu’il a été chez le général Destaing le soir m<3ino
de la cérémonie.
O n lui demande encore si le repas en question ne fut pas
donné a occasion du baptême du fils du général Delzons , qui
avoit pour parrain le général Destaing. S a inemoire ne lu i
1
�(
6
)
rappelle p as ces circonstances ; il a mangé à cétte époque plu
sieurs fois ave c le général D e s ta in g , et ce dernier lui dit qu’il
avoît une double féte à cé léb re r, celle de son mariage, et celle
du baptêm e.
Il paroît, sur c e point, que le général Lagrange a manqué
de mémoire : car il sera bientôt établi que la dame Delzons
n’est arrivée au Caire que les derniers jours de nivôse an g.
Elle apprit qu’AwNE avoit été conduite chez le général, à l’entrée
de la nuit, la veille de son a rriv ée; et l’acte de naissance du
fils du général D elzons n’est que du 10 pluviôse an 9. Il n’est
donc pas possible que le général Destaing ait donné une double
féte le jour de son prétendu mariage ; aussi le témoin déclaret-il bientôt a p r è s , q u ’il ne croit pas avoir vu le patriarche
d ’Alexandrie, ni le soir de la cérém onie, ni le jour du repas.
Sur une dernière interpellation qui lui est faite, de déclarer
si le mariage n’étoit point de notoriété publique, il déclare qu’il
ne peut pas répondre de la conviction des autres chefs de l’armée;
mais il en avoit lui la conviction intim e, et il mentiroit à sa
conscience s’il disoit le contraire.
C e premier témoin qu’on a interrogé dans tous les sens, ne
parle que p a r ou ï-d ire, et 11’à pas été présent à la célébration
du mariage : sa déclaration est donc peu im portante, puisque
A n n e doit prouver qu’elle a été mariée publiquement et solen
nellement par le patriarche d’Alexandrie.
L e second tém o in , Henri-Gatin B ertrand , général de division,
n ’a pas de m ém oire; i l ignore si A n n e a été mariée civilement
ou religieusement. Ilpassoit pour constant, à ce q u ’i l croit, que
le général Destaing étoit marié : le général a donné à ce sujet
un repas auquel i l croit avoir assisté; mais il ne peut rien af
firmer , ni sur le fait du re p a s, ni sur le fait de sa présence à
c e repas. Il Iie reconnolt pas A n n e ; il a bien vu au Caire une
dame q u ’on appeloit madame D estaing, mais ¡j ne pouvoit reconnoltre la dame ici présente pour la même femme. Il est
probable que le général lui a dit qu’il étoit marié , mais i l ne
�( 7
)
se le rappelle p a s. Sa mémoire ne lui fournit rien sur la nais
sance du fils du général Delzons ; et lorsqu’on lui demande si
le général Destaing passoit pour être m a r ié , il croit se rap
peler (jue oui. O n sent qu’il n’ y a pas d’observations à faire sur
une semblable déclaration.
Un artiste m usicien, appelé R ig e l, est le troisième témoin.
Il passoit pour constant, suivant lu i , au C a ir e , que le général
D estaing ¿toit m arié; mais il ne sait pas com m ent le mariage
a eu lieu. Il en fit compliment au général Destaing , qui ne lui dit
n i ou i n i n o n , mais seulement le remercia. Il fut invité quinze
jours après à un repas qu’il présumoit être un repas de noces.
Il n’a pas entendu dire que le mariage ait été célébré dans une
église grecque ; il n Ta jamais vu A n n e . Il rapporte la date du
mariage à deux ans environ après l’arrivée de l’armée française.
Ü iL«L.P.?\nt entendu parler du fils Delzons. L e patriarche
d’Alexandrie n’étoit point $u repas en q u e s t i o n , ___
L a seule réflexion q u ’on se p e rm e ttra sur cette d é c la ra tio n ,
c ’est q u ’elle est c o n tra d ic to ire avec celle d u général L agrange. Ce
d e rn ier plaçoit l’ép o q u e d u repas le soir mame d e la c é ré m o n ie ,
et celui-ci dit q u e le repas n’a eu lieu que quinze jo u rs après.
Il n’a point vu au repas la mariée ; le général Lagrange dit c e
pendant qu’elle lui fut présentée : mais jusqu’ici personne n ’a
assisté à la cérémonie.
Le
quatrième témoin, le sieur Jacotin, colonel des ingénieurs-
géographes, ne sait encore rien que par ouï-dire. Il étoit blessé
alors et ne sortoit pas. Il ne connoissoit pas particulièrement
le général D esta in g ; mais son mariage passoit pour avoir eu
lieu devant le patriarche d’Alexandrie. Il n ’avoit su c e fait que
com m e nouvelle. On lui avoit dit que le .général Menou et
plusieurs autres avoient assisté à la fé te , sans qu’il puisse spé
cifier si c ’est au mariage ou à la cérémonie. 11 croit pouvoir
placer l’époque du mariage à deux mois environ avant la
bataille d A le x a n d rie , c e q u i répondroit à nivAse an g , sans
pouvoir en d é term in e r p ré c isé m e n t l’époque. Il a vu là dame
�C 8 )
W
Nazo à Paris une fois ou d e u x , mais il ne l’a pas vue au Caire.
L e sieur B ea u d e u f, cinquième té m o in , lié particulièrement
avec A n n e , a cependant déclaré qu’il n ’avoit été témoin d’au
cuns faits. Mais le mariage étoit public ; tous les chefs com m e
tous les prêtres grecs avoient assisté au repas. A l’entendre,
tout le monde y é t o it , excepté lui ; car il n’y a pas assisté.
L e général Destaing ne lui a pas même parlé de son m ariage;
mais il a vu sa femme dans la citadelle du Caire , et il la reconnoît très-bien à Paris. O n lui demande si on auroit admis
toute sorte de femmes dans la citadelle ; il répond que celles qui
y étoient, étoient reconnues pour femmes légitimes. A la vérité
il y avoit quelques viva n d ières, mais très-peu , à raison du petit
détachement qui y étoit. Il porte la date du mariage au c o m
m encem ent de l’an 9. Il a toujours regardé A n n e comme fdle
d’un sieur N a z o , G re c d’origine, fermier général des liqueurs
for t e s , commandant d ’u n bataillon (*rec ; mais il ne sait pas si
A n n e est sa fille adoptive, ou si elle est née de son mariage.
Jl n’a aucune connoissance de l’époque de la cohabitation de
Nazo avec Sophie Misch , mère d’Anne. Les mœurs de l’Egypte
ne permettent pas de connoitre ces d étails, attendu le peu de
com m unication des femmes avec la société.
On ne voit rien de remarquable dans cette déposition , si
on excepte la circonstance qu’on ne recevoit à la citadelle que
des femmes légitimement mariées. Mais ce témoin a menti à
sa conscience , parce qu’en e ffet dans la citadelle il falloit
principalement y recevoir toutes les femmes qui avoient eu
quelques liaisons avec des Français; et il le falloit bien ainsi, car
autrem ent toutes c e lles qui avoient connu des Français auroient
été exposées à j i n e m ort certaine de la part des i W c s .
L e sixième tém oin, liartnelemi V id a i, a déposé qu’il n’étoit
pas au Caire à l’époque du m a ria g e , mais que tout le monde
lui a dit que le général Destaing étoit marié. Il a su de ses
y
deux aides de camp que le général Destaing avoit fait un ma
riage légitime ; à H i a JtTïïlais ouï dire, ni aux. aides de c a m p ,
ni
�(
9
)
ni à personne , rien qui piit faire élever le moindre doute sur
la légitimité du mariage. Il prétend m ême que ce dernier avoit
invité à diner, pour faire connoissance avec sa fem m e; mais il
ignore par qui le mariage a été célébré. Il ne peut même se
rappeler positivement l ’époque ; il faudroit pour cela qu’il fit
1
quelques rech erch es; il croit cependant que c ’étoit au com
m encement de l’an g.
T o ute indifférente qu’est cette déposition , on doit remarquer
cependant que le témoin en impose évidemment lorsqu’il pré
tend que le général vouloit lui faire faire connoissance avec sa
femme. On voit par la déclaration précédente, et on verra bientôt
par des dépositions subséquentes , que cette assertion est ab
solument contraire aux mœurs d’E g y p te , et que les femmes
n ’ont jamais aucune communication avec les hommes.
D o m Raphaël de Monachis est le septième témoin ; il a été
reproché com m e signataire d’un certificat donné à Paris , devant
le juge de paix, le 29 mars 1806. Et ce reproche est fondé sur
la disposition de l’art.
du Code de procédure, §. 2. C e témoin
est professeur de langues orientales ; il déclare qu'il étoit au
Caire à l’époque du mariage i il n’en a pas été témoin oculaire,
83
mais il a ouï dire à Antoine D o u b a n é , actuellement négociant
à T rie ste , qu’il avoit été témoin de ce m ariage, qui avoit été
célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans l'ég lise de sa in t
G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Il a ouï dire la m ême chose à trois,
quatre , dix , trente personnes ; il a ouï dire également que
ce n’a été qu’a v e c _peine que le sieur Nazo avoit déterminé le
patriarche à c onsentir au mariage ; que cette répugnance étoit
fondée sur la différence de religion , et sur ce que le général
Destaing étoit Franc , c ’est-à-dire, Européen et militaire, parce
que c ’étoit un grand déshonneur de donner sa fille à un militaire,
et plus particulièrement à un Européen. luette répugnâlîcen’existoit cependant pas chez les catholiques romains; plusieurs m i
litaires a y o ie n t, quoique mariés en F ra n c e , pris des iemmes
B
�( IO )
en Egypte , et les avoient quittées après q u in z e , v i n g t , ou trente
jours.
On lui demande si ces mariages étoient faits à l’église ; il répond
que o u i, mais qu’ils ne ressembloient pas au mariage de la dame
Interrogé pourquoi cette différence entre les mariages,
dit que premièrement le général Destaing n ’étoit pas marié
en France , com m e certains autres militaires ; 2°. que le général
Destaing n’étoit pas un homme in con n u , comme un petit sergent,
ou un petit capitaine ; que le général M enou s’ëtoit rendu garant
du général Destaing auprès du père de la dame N a z o , et qu’il
TET avoit dit : JN’ayez p eu r, le g én éra l n'abandonnera pas votre
f ille . L e témoin soutient qu’on ne connoissoit pas, en E gypte,
Destaing.
il
les mariages à temps ; il a tte s te , comme naturel d’E g y p t e , et
comme curé catholique romain , que jamais ces mariages n’avoient e x is té ; qu’il en faisoit le serinent par-devant D i e u , et
qu'il le prouveroit par sa téte. N on d a tur divortium in ecclesiâ!
s’écrie-t-il ; la dame Nazo a été mariée ju x ta usum ecclesiœ; et
si le père N azo avoit cru donner sa fille à temps , il ne l’eût pas
donnée. Les femmes qui s’étoient mariées à plusieurs militaires
n’avoient point obtenu la permission d ’aucuns prêtres. I l fait
concorder le mariage avec le commandement du général Menou.
On voudroit obtenir quelques renseignemens de lui sur l’origine
de la dame Nazo : H oc non p ertin et a d nostram causam , r é
pond-il. On insiste pour avoir des détails ; alors il déclare que le
père de la dame Nazo étoit A rm é n ien , catholique rom ain, bijou
tier, et que Nazo n’étoit pas son père, mais son beau-père. On
lui demande s’ir n’y avoir •paîT ïi ri "autre beau-père, qui étoit Barthélem i, Génois de nation, et si
n’étoit pas là le véritable
beau-père d’A n n e ; il difqiT après la mort du père d'A n n e , sa
ce
v e u v e a épousé ce B arthélem i, qu’ils se sont quittés quelque
temps après, et qu’eHe s’eS lrem ariée avec Nazo.
Sur l’interpellation qui lui est faite s’il est sûr que Barthélemi
a épousé la mère d ’ANNE, s il est vrai qu ensuite elle s’est mariée
�a vec N a z o , il répond qu’il ne connolt ces faits que par ouï dire.
Il dit encore que les simples prêtres célèbrent les mariages de
condition ordinaire, et le patriarche celui des personnes distin
guées ; mais qu’à raison de l’esclavage causé par l’empire des
T u r c s , il n’y a que trois églises grecques, et que le patriarche
p e u t , en p la ça n t son a u tel clans une m aison , la rendre son
église. Il prétend que les prêtres grecs ne tiennent pas de registres,
parce qu’ils ont peu d’instruction et peu de liberté.
On observe au témoin que cette assertion est contraire à c e
qu’il avoit déjà dit. Il avoit déclaré en commençant qu’il existoit
des registres pour les naissances et les m ariages, et maintenant
il semble être en contradiction ; il répond giors que les prêtres ne
rédigeoientpoint de contrats, mais tênoient de simples mjémoires.
Cette déposition’’mérite cTëtre attentivement exam inée ; elle
ne s’accorde pas avec l’acte de notoriété que Te térnoîn à signé,
et où il disoit q u ’il avoit assisté au mariage. Maintenant il l’a
seulement entendu dire , à la vérité , par beaucoup de monde ;
m ais les tren te personnes au m oins q u i lui en ont p a rlé , lui ont
attesté q u e c e m ariage avoit été céléb ré par le p atria rc h e , dans
l’église de sa in t G eo rg es, au V ieu x-C a ire. Voilà une particu
larité remarquable. L e local est spécialement d ésign é, et on ne
se trompe pas ordinairement sur cette désignation : le V ie u x Caire est séparé du Grand-Caire par une branche du N il; et on
verra bientôt que les témoins de Marseille ont prétendu que ce
mariage avoit été célébré dans l’église d e sa in t N ico la s du
Grand-Caire.
D ’ un autre c ô t é , c e témoin apprend qu'A n n e N azo est née
d’un père catholique romain. Elle a dit elle-méme qu’elle professoit cette religion ; c ’étoit aussi celle du général Destaing : il
est dès-lors impossible que le patriarche grec ait marié des cath o
liques romains; c e seroit contraire à tous les principes des scmsmatiques grecs , dont l’aversion est connue pour tout c e qui tient
au rite romain. Cependant le témoin, qui est lui-même prêtre
catholique, ne dit pas un mot sur cette différence de religion;
B 2
�( 12 )
et s’il déclare que le patriarche grec s’étoit déterminé avec peine
à faire ce m aria g e , ce n ’est pas à raison de la différence de la
religion , mais seulement parce que le général étoit Européen et
m ilita ire , et que les filles ne p o u v o ie n t, sans une espèce de
déshonneur , épouser des Européens et des militaires. Cette
espèce de honte ou de préjugé qui rejaillissoit sur les filles ,
n ’avoit d ’autre origine que l’inconstance ou l’abandon des per
sonnes de cette profession; et le bon Monachis, sans s’en aper
c e v o ir, nous atteste qu’il se faisoit des mariages à temps, qu’ils
étoient m ême fort communs. Il n’avoit pas besoin de nous dire ,
car nous savons t o u s , que l’église romaine n’admet point de
d iv o rce ; et n e ^ s g m j^ c e pas une raison pour que le général
D estaing eût v oulu s’adresser «à un prêtre grec? Il trouvoit dans”
la famille d’Anne des exemples qui pouvoient l’autoriser : aussi
est-ce avec bien de la 'p e in e que le témoin s’explique sur les
hauts faits de Sophie Misch ; il faut qu’il y soit contraint par
l’autorité; jusque-là il s’étoit renfermé à dire : H oc non pertinct
a d nostram causant.
On aura occasion de revenir sur cette déclaration très-impor
tante et très-remarquable.
L e huitième tém oin, Joannes C h e p te c h i, prêtre cophte, c a
tholique romain , dépose avoir ou ï dira par le public que le
général Destaing avoit été marié par le patriarche g r e c , solen
nellem ent, avec la fdle de la femme de Jean Nazo. Il dit qu’elle
s’appelle Marie : mais sur l’observation que lui fait A nnk ellem êm e , que Marie n’étoit pas son nom , il ne s’ en est pas rap
p e l é , quoiqu’il la connoisse depuis l’âge de trois ans; d’ailleurs
il n’étoit appelé que pour déposer de son mariage. Il atteste que
les père et mère d’Anne étoien t catholiques romains. Il sait
q u ’après la mort de £on_preimer j n a r i S o p h i e Misch épousa
Barthélem i, L a tin ; mais pour épouser Nazo elle se fit schismatique g rec q u e , et le patriarche déclara son second mariage in
valide. Nazo fut si content, qu il dépensa cinquante mille écus
pour son mariage. D ’ailleurs, ajoute-t-il, la liberté des mariages
�J3
(
)
existe en Egypte : les prêtres catholiques n’ont pas la liberté de
p a r le r , mais ils n’approuvent pas pour cela les mariages c o n
tractés par ceux qui quittent leur religion. Il n’a pas entendu
dire que l’on pouvoit divorcer et contracter de nouveaux mariages
dans la m ême religion, mais seulement qu’on pouvoit, à cause
de la liberté civile des cultes , quitter la religion latine pour
embrasser la religion schismatique grecque ; et que le mariage
contracté par une femme latine avec un homme de sa religion,
étant déclaré nul par les G r e c s , cette dernière pouvoit, en em
brassant la religion g recq u e , faire déclarer nul son mariage avec
un la tin , et en contracter un second. Il atteste cependant que
les prêtres grecs com m e les prêtres cophtes étoient dans l’ usage
de ten ir des registres des m ariages.
Cette dernière déclaration ne convient pas à A n n e ; son avoué
prétend qu’il n’est pas bien informé des usages, q u ’il est étranger
au rite grec , et que dès-lors il ne peut savoir si en effet ces
prêtres tenoient des registres. L e témoin répond qu’il parle avec
peine la langue française ; q u ’on ne d onnoit pas en E gypte le
nom de registre a u x notes que ten o ient les prêtres ; mais que
ces notes contenoient la date des mariages et les noms des
parties, et que dans aucune religion ces notes n’étoient signées
des parties.
O n lui demande s’il n’étoit pas d’usage, dans les mariages
r é e l s , de promener solennellement la dot et les époux sous un
dais. Il prétend que cela n’est usité que pour les T u rc s ; que
les autres religions n’ont la liberté de le faire que par la per
mission du souverain.
Cette déposition est essentielle sur un p o in t, malgré les in
terrogations captieuses J ’Anke ou de ses conseils. Il est cons
tant , d’après ce té m o in , que les prêtres de toutes les religions
tiennent en Egypte des registres ou des notes sur les mariages.
Comment se l'ait-il qu’on se soit écarté de cet usage pour le
général Destaing seulement ; et par quelle fatalité ce mariage
est-il le seul qui 11’ait point été inscrit, ni sur les
des
notes
�4
( i
)
p rêtres, ni su r les registres des actes civils? D ’ailleurs, sur le
fait p rincip al, ce témoin ne parle encore que par ouï-dire.
L e n e u v iè m e témoin est L u c D u ra n te a u , général de brigade.
Il a été reproché com m e étant l’un des signataires de l’acte de
n o to riété dont A nne a fait usage. A u surplus , il s’est trouvé
dans une réunion à l’occasion du mariage du général Destaing
avec la fille de Joanni Nazo ; mais il n’a point connoissance
de la célébration du mariage par le patriarche d ’Alexandrie ,
seulement il étoit de notoriété qu’Anne étoit mariée. Autant
qu’il se ra p p e lle , le mariage a dû avoir lieu sous le com m an
dement du général Menou. Mais il ne sait préciser, ni l’époque
de la réunion dont il a parlé, ni combien a duré la cohabita
tion ; il ne sait pas m ême si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur des registres tenus a d hoc par les commissaires
des guerres.
L a seule remarque qu’on se permettra sur cette déposition,
c ’est qu’elle est en contradiction avec l’acte de notoriété qu’il
a signé. Suivant ce c e r tific a t, le mariage avoit été célébré en
présence du déclarant, en l’an 8.
Dans sa déposition , il n'a pas connoissance de la célébra
tion du mariage ; il n’a été fait que sous le commandem ent du
général M enou, c ’est-à-dire, en l’an 9. Ainsi la déclaration est
tout autre chose que l’attestation. C e témoin , qui veut tout
ignorer, ne sait pas m êm e si les mariages des militaires devoient
être inscrits sur les registres des commissaires des guerres.
L e dixième témoin est Joseph Saba , réfugié de Jérusalem ;
il é t o i t , en qualité d’interprète , chez le général Dupas. Ce
dernier fut invité par le général Destaing à assister au m a ria g e ,
et y alla. L e mariage d’un Français avec une femme grecque
parut une chose remarquable. Il entendit répéter qu’il avoit été
célébré par le patriarche g re c , dans l’église de sa int N ic o la s,
au G r a n d - Caire. Mais il n a pas été témoin personnellement
de la cérém onie; et voilà une nouvelle version. Suivant le sep*
tième té m o in , qui a dit tant de c h o s e s , le mariage avoit été
�5
( ï
)
célébré dans l’église de saint G eo rg e s, au V ie u x -C a ire . Celui*
c i veut que ce soit dans l’église de saint N ic o la s , au Grand*
Caire. Au surplus, il a procuré à madame Destaing une maison
propre dans la citad elle, lorsque le général partit pour Alexan
drie. Il sait encore que le père d’Anne Nazo est mort. Mais
quand une veu ve ayant des petits enfans se remarie, les enfans
donnent le nom de pére au nouveau mari. Il connoit Barthélem i ; mais il ignore si ce Barthélemi est le mari de la mère d’Anne
Nazo. Il n’est pas Egyptien, il est de Jérusalem, et n’a pu savoir
ces détails. L e mariage d’Anne Nazo avec le général Destaing doit
remonter à huit ans , tout au plus , sans qu’il puisse dire pré
cisément l’ année.
C e témoin , q u i n e parle encore q u e par ouï-dire, prétend
que le général D upas a assisté au mariage ; et le général a luiinéme a tte s té , dans un certificat de notoriété qu’il a délivré à
A n n e , qu’il n’a eu connoissance de ce mariage que par c e que
en o n t d it plusieurs p erso nn es distinguées d ’E gypte. 11 est
d ’ailleurs co n stan t îju’A nn e n ’est pas fille de N azo , q u o iq u ’elle
ait toujours p ré te n d u l’é tre ; et il n e faut pas aller en E g yp te
lui
pour savoir que les enfans d’un premier lit donnent quelquefois
le nom de père â un second ou troisième mari de leur mère ;
c ’est aussi l’usage en France. Mais c e qui n’est pas vra i, c ’est
que le second, mari donne son nom aux enfans d’un premier lit ;
et A n n e seroit bien embarrassée s’il falloit appuyer cette asser
tion de quelque autorité.
,
L e onzième témoin est un sieur D a u r e , commissaire-ordon
nateur. C e témoin a été reproché , comme signataire de l’acte
de notoriété, fait à Paris devant le juge de paix, le 29 mars
1806; il étoit d’ailleurs l’ennemi personnel du sieur D e s ta in g ,
et il en convient dans la suite de sa déclaration. I l ne sa it
p oint si le général Destaing s’ est marié à l’église ou devant le
cgmmissaire des guerres, mais il fut invité au repas et au bal
donnes à cette occasion. Il n’assista pas au repas ; il se rendit
au bal avec d autres généraux q u ’il nomme. Il étoit alors très-i
�C ^ )
lié avec le général; il s’est ensuite un peu brouillé avec l u i ,
par suite des discussions qui ont eu lieu à l’armée. Il ignore le
nom de la femme que le général Destaing épousoit ; mais ses
fonctions le mettoient dans le cas d ’avoir quelques rapports avec
les parens. L e général Destaing l’a présenté à son épouse- Il
le considéroit comme marié légitimement. Il ne se rappelle pas
la date du mariage, mais il se trouvoit ch ez le général Destaing
deux mois environ avant la descente des Anglais. Il convient
que les commissaires des guerres tenoient des registres pour
inscrire les mariages ; mais il renvoie à l’ordonnateur Sartelon
pour donner sur c e point d’autres renseignemens. Il ajoute que
la cohabitation entre le général D estaing et A n n e avoit pu durer
environ trois mois.
Cette déclaration, qui est en contradiction avec l’acte de no
toriété , ne présente rien de saillant sur le fait. L e témoin ne
raisonne que par ouï-dire ; et jusqu’ici on n’a aucune donnée
pour prouver que ce mariage a été célébré par le patriarche
d ’Alexandrie.
L e douzième témoin est encore un réfugié d’E gypte, Gabriël
T a c k , natif du Caire. Il n’a point assisté personnellement au
mariage du général Destaing ; mais étant interprète du général
Lamusse , ce dernier lui avoit dit : G abriël, vous n’étes donc
pas venu à la noce avec nous? et lui avoit ajouté que le général
D estaing avoit épousé la fille de N a z o ; que le mariage avoit été
célébré par le patriarche g r e c , qui avoit donné la bénédiction.
L ’interprète du général Destaing lui a dit que ce m ariage avoit
été célébré par le patriarche. Cet interprète du général D e s
taing étoit lu i-m ê m e présent à la cérémonie. C e mariage a fait
beaucoup de bruit dans le quartier des chrétiens ; il a eu lieu
dans l’église de saint N ic o la s , au C a ir e , et dans un temps
voisin de arrivée des Anglais. Il a ouï parler de Barthélemi,
1
second mari de Sophie M isch , mais il n a jamais vu cette der
n ière; il avoit m êm e un domicile séparé. Il a vu Nazo dem eu
rant avec la mère U’A n n e , ici présente.
Il
�( 17 )
Il ne sait pas si la mère est d’origine grecque c n p h te , il sait
seulement que le patriarche ne maricroiù pas une fe m m e q u i
ne seroit pas G recque. O n lui observe que le général Destaing
n’étoit pas lui-méme Grec ; il répond que cela n’empècholt pas
le patriarche de donner la bénédiction , parce que la femme
étoit G recque , et que le mari étant Latin et la fennne G recque,
celui-ci avoit le droit d’emmener la fem m e à son église , ce
qui n’avoit cependant lieu qu’autant qu’il le vouloit. On lui
demande quelque explication sur les cérémonies des Grecs pour
les mariages. T o u t cela , suivant l u i , consistoit à aller à l’é g lis e ,
et chez les Latins on écrivoit les mariages sur des registres ;
il le sait parce que lui étant L a t i n , il a été marié dans une
église catholique ; mais il ignore si cela avoit lieu ch ez les
Grecs. Il ignore encore s’il étoit d’ usage de promener la dot et
les époux sous un dais. Et enfin il dit que l’interprète du général
Destaing s’appeloit Massara. Ce témoin, com m e on voit, ne parle
encore que par ouï-dire, et n’a fait qu’une déclaration remar
quable , c ’est que le patriarche grec n ’auroit pas donné sa bé
nédiction à une fem rjie q u i n ’etoit pas Grecque. On a vu plus
haut qu’ANNE et son père étoient catholiques romains. L e géné
ral Destaing étoit de la m êm e religion, par conséquent le pa
triarche grec n ’a pu être le ministre du mariage.
L e treizième, le sieur E stève, trésorier général de la couron ne,
est un des signataires de l’acte de notoriété dont A nnb a fait
usage ; il a été reproché à raison de ce. D ’ailleurs il n’a point
été témoin de la cérémonie du mariage; il l’a appris com m e
une nouvelle de l’armée et du Caire. L e général le lui a éga
lement annoncé. Il a ouï dire que le mariage avoit été célébré
selon le rite grec , q u ’il y avoit eu un repas de noces au qu el
il n’avoit pas assisté. Mais quelques jo u rs après il fut invité chez
le général Destaing avec sept ou huit autres Français. L e général
en dînant annonça son mariage. L e témoin l’en félicita et em
brassa. Il n’a cependant pas vu la fem m e du général : en Egypte
les fem m es ne m angent p o in t avec les hommes. Le mariage a eu
1
c
�( x8 )
lieu peu de temps avant l ’arrivée des Anglais , vers le commen
cem en t de l’ an 9 , autant qu’il peut se le rappeler. Il croit que
la cohabitation n’a pas cessé pendant tout le temps du séjour
du g énéral en Egypte ; il ignore s’ils sont venus en France en
semble. Un ordre du jour avoit ordonné que les commissaires
des guerres tiendroient un registre pour inscrire les mariages
et les naissances; mais il ne sait pas si ces commissaires les
tenoient; il croit qu’en général ils ne sc sont pas conformés à
l’ordre. Le général Menou avoit donné un ordre pareil ; mais
c e t ordre ne regardoit que les musulmans. Il n’est pas à sa
connoissance que le général Menou ait fait inscrire son mariage;
il sait seulement qu’il a fait inscrire la naissance de son fils ,
et que les généraux ne l’ont point imité en cela. Enfin il ignore
si le général Destaing s’est fait des ennemis par ses opinions.
Cette déclaration est en contradiction avec l’acte de notoriété.
D ans cet acte le témoin connolt parfaitement nne
, épouse
du général Destaing ; il a assisté à la cérémonie du m ariage,
A
Nazo
qui a eu lieu en présence d ’un grand nombre de Français ; il
atteste également que ce mariage a eu lieu en l ’an 8. Dans sa
déposition il n ’a appris le mariage que com m e n ouvelle; il n ’a
assisté ni à la cérémonie ni au repas : ce 11’cst que huit à dix
jours après qu’il a diné chez le g én éra l, et il
point vu sa
femme. Le général Menou n ’a donné ordre de tenir un registre
qu’au divan et pour les musulmans. N ’est-ce pas une raison de
penser que toutes les autres sectes tenoient des registres. Il est
d’ailleurs reconnu que le général Menou avoit fait transcrire
l’acte de son mariage contracté en l’an 7 , à R o sette, sur les
registres du commissaire des guerres du Caire.
n’a
L e quatorzième témoin , le sieur Sartelon, commissaire-ordon
n ateur, a été reproché de deux manières, et comme signataire
d ’un acte de notoriété au profit d’A^NE, et comme ayant été
l ’ennemi personnel du général D e s ta in g , par suite de division
à l’occasion de la capitulation du Caire. Il dépose d’ailleurs
qu’entre le i cr. brumaire et le i cr. ventùse an 9 , le général
�D estaing lux
nommé Nazo
Destaing lui
moine invité.
( 19 )
fît part de,«on mariage avec la fille d nn G rec
, commandant en second d’ un bataillon. Le général
parla de ce mariage tant avant qu’après*, il la v o it
Nazo lui fit également part du mariage de sa fille;
il la nomma ainsi, quoique depuis il ait ouï dire qu’ANNE n étoit
pas la fille de N a z o , mais sa belle-fille ; il a assisté au repas de
noces, mais non à l'église. Q uoiqu’il eût été invité à la cérémonie
avec le général Lagrange, à ce q u 'il croit; il pense m êm e , sans
pouvoir l ’a ffirm er, qu’il y a eu des billets de communication
de ce mariage ; que la nouvelle en a été insérée dans la gazette
du Grand-Caire, rédigée par le sieur D esg en ette , médecin de
l’arm ée; q u i l n ’affirm e pas non plus c e dernier fait, mais dans
la société il le diroit sans hésiter; qu’il a vu au repas de noces
la femme du g é n éra l, et il la reconnolt pour la dame présente
aux débats. Lorsque le général Destaing fut blessé dans l’affaire
contre les Anglais , il lui parla de sa fem m e com m e d’une femme
légitime. Il ne peut assurer si les prêtres grecs tiennent des
registres de m ariage ; mais cet visage a lieu chez les prêtres
catholiques latins, qui sont beaucoup plus instruits. Il a signé
l’acte de mariage du général B a u d o t, célébré dans une église
latine, à peu près à la même époque. Il croit toutefois im pos
sible que les prêtres grecs ne tiennent pas des notes ; mais ces
notes ne seroient pas des registres civils. Il est à sa connoissance qu’ il n’y a pas en E gypte d’officiers de l’état civil. Il
a vu le général Destaing à P aris, qui lui a dit qu’il attendoit
sa femme. E n fin , d’après la notoriété, le mariage en question
avoit été célébré par le patriarche grec , et suivant le rite grec.
Le
commissaire lui demande d’office s’il n'a pas eu quelques ini
mitiés avec le général Destaing ; il répond négativement. In
terrogé s’il n’a pas tenu quelques propos injurieux h la m ém oire
du général; il ne le croit pas. D ’ailleurs quand son opinion ne
seroit pas lavorable au général, cela ne l’e m p éch ero it pas de
deposer la vérité, et il croyoit honorer la mémoire du général,
en déposant en faveur du sa femme et de sa fille.
r *>
�( 20 )
On lui rappelle qu’il a refusé de communiquer des registres,
et d’y faire des recherches; qu’il s’est même répandu en propos
très-injurieux contre le général. Il prétend n ’avoir rien dit d’in
jurieux, mais il a soutenu qu’aucun ordre du jour n’avoit prescrit
la te n u e des registres; que cet usage s’étoit établi, de faire écrire
les a c te s , soit par les commissaires des guerres, soit par les chefs
des corps; que d’autres s’étoient contentés de se présenter aux
prêtres du pays; qu’enfin les commissaires ne tenoient point de
registres , mais de simples procès verbaux : d’ailleurs les trois
quarts de ses papiers ont été perdus.
On lui demande à quelle église il fut invité pour assister à la
cérém onie; il répond que c ’est probablem ent à l’église grecque;
que d ’ailleurs sa mémoire ne lui rappelle rien autre chose , que
seulement le général D estaing lui a dit que c ’étoit le patriarche
grec qui avoit fait le mariage.
On l’interpelle encore de déclarer si après le mariage de m a
dame B a u d o t, fem m e du général de c e nom , ce dernier ne
présenta pas l’acte latin qui avoit été rédigé et signé des parties
contractantes, à lui Sartelon , pour qu’il en dressât l’acte c iv il,
et assurer l’état des parties.
Il convient, en.effet avoir rédigé cet a c te , non sur un registre,
mais sur une simple feuille, et en forme de procès v e rb a l, après
la célébration religieuse q u ’en avoit faite un prêtre catholique
romain. C e fut le déposant lui-m ém e qui engagea le général
Baudot à faire faire cet acte pour plus grande sûreté : le général
croyoit que la cérémonie religieuse suffisoit. Mais c ’est le seul
acte de mariage que le témoin ait jamais rédigé. C ’est encore
lui déposant qui fit enregistrer la m inute, pour se conformer à
l’ordre du jour de l’arm ée, qui ordonnoit l’enregistrement de
les actes
tous
qui y seroient passés, non-seulement pour les
mariages, mais pour toutes les transactions sociales, cet enre
gistrement étant une imposition indirecte créée tant pour le
pays que pour les Français.
On ne peut pas se méprendre a cette déclaration ; elle porte
�(
21
)
le caractère de la haine contre le général D estaing; elle prouve
un entier dévouement à la cause d’AuNE, que le témoin a mal
adroitement servie, en tombant à chaque pas dans des contra
dictions choquantes. Il avoit été plus positif dans son acte de
notoriété. Dans sa déposition il n’a pas assisté à la cérém onie;
il n’a été qu’au repas de n o c e s , où il a vu Anne ; et le précé
dent témoin nous a dit qu’en E gypte les femmes ne paroissoient
jamais à table avec les hommes. Les prêtres grecs com m e les
latins tenoient des notes des mariages , mais les commissaires
des guerres n ’avoient point de registres civils pour les inscrire;
et cependant il a rédigé celui du général Baudot : c ’est lui qui
l’a provoqué à cette mesure pour plus grande sû re té , qui a fait
enregistrer la m inute, parce qu’ un ordre du jour ordonnoit l’en
registrement de tous les a c t e s , pour les mariages comme pour
toutes les transactions. D ans quelle incertitude ne laisse-t-on pas
les esprits, avec des déclarations aussi incohérentes; et par quelle
fatalité Anne n e tro u v e -t-e lle pas parmi tous c e u x que leurs
fonctions ra p p ro ch o ien t le plus du général D estain g , u n seul
tém oin q ui ait assisté h la p ré te n d u e cérémonie du mariage?
L e quinzième témoin , le sieur M a r c e l, directeur général de
l’imprimerie, encore signataire de l’acte de notoriété, et reproché
en conséquence , dit que dans le com m encem ent de l’an g ,
quelque temps avant la mort du généial K léb er , le général
Destaing épousa la dame Anne Nazo : le témoin la reconnolt
en la voyant assister à l’enquéte. Il y eut à cette époque un
repas auquel furent invités les officiers généraux et les princi
paux chefs de l’administration; que ce repas,’ le plus solennel
qui ait eu lieu alo rs, fut donné comme festin de noces ; que
dans ce repas on disoit que le mariage avoit été célébré par
le patriarche grec d’Alexandrie , résidant au Caire ; et le témoin
a^ entendu dire que la célébration avoit eu lieu à l’églîsë~ttea
Grecs; qu ils ne désignent pas leurs églises sous la dénoihi»àl.iOn
d un s a u tt, mais seulement sous le nom de l’église ; c o m m e ,
par exemple , Yéglise des cophtes. Il connoissoit cette église
�(
22
)
grecque nmir v avoir été rendre visite au patriarche. Il peut se
Fau-ëluï
que les Grecs entr eux d é s ig n e n tc e tte église
sous le nom d’un saint. Il croit se rappeler qu’il y e ut des billets
de ™ rnmurçication imprimés; mais sa mémoire ne lui présente
pas c e fait avec assez de certitude pour pouvoir l’affirmer.
Peu après l’arrivée des F ia n ç a is , un ordre du jour avoit
ordonné qu’il seroit tenu des registres pour constater les
mariages et les naissances; mais cet ordre ne fut exécuté que
dans les derniers te m p s, que le général Menou le renouvela.
Le témoin a perdu trois enfans en Egypte. L ’acte de naissance
et de décès du dernier seulement a été dressé ; pour les autres
enfans, il n’a eu d’autre note de leur naissance que le certificat
surplus
de leur baptême donné par le supérieur des c a p u c in s , prêtre
catholique, qui en tenoit note; mais note incomplète et inexacte.
A la vérité le témoin convient que c e t ordre avoit été donné
par le général Menou. L ’ordre donné pour la tenue des registres
n ’a point été e x é c u té ,
s’imprimoient
à
à
ce qu’il croit, parce que tous les registres
l’imprimerie nationale , qu’il dirigeoit alors, et il
ne se rappelle pas avoir vu le registre en question. Si les G recs
et les cophtes eussent tenu do ces registres, on n’ auroit point
demandé leur déclaration. Lors du diner ce u x qui avoient parlé
de cette cérémonie en av oient é té , à ce q u ’il c ro it, témoins
oculaires ; il ne peut cependant se rappeler c e u x des convives
qui y parloient, quoiqu’aucun d’eux ne lui fût , à ce qu’il
pense, inconnu; il n’a d ’ailleurs jamais entendu élever des doutes
sur l’existence du mariage, que la notoriété publique présentoit
com m e mariage légitime. Il ne se rappelle pas d’ avoir vu le
patriarche d’Alexandrie au diner de noces ; il ne croit pas m ême
q u ’il y fut. Il ignore combien a duré la cohabitation ; il n’a
point connu de mariage h temps en E g y p te , ou du moins le
cas est rare,
et n a
lieu qu entre musulmans, mais point entre
chrétiens.
Encore Incertitude sur cette déposition; il ne sait le .mariage
que par ouï-dire.
�23
(
)
Le seizième témoin, Jacques C lé m e n t, déclare, sur le l'ait
dont il s’agit, qu’en 1801 , six à sept mois avant le départ des
Français , sans pouvoir autrement préciser l’époque , la voix
publique lui apprit le mariage du général Destaing. I l n ’est pas
sûr que ce mariage ait été célébré p a r le patriarche c l'A le x a n
drie; il l’a seulement ouï dire par tout le monde. L e jour même
ou le lendemain du mariage, voyant un grand nombre de per
sonnes réunies, parmi lesquelles se trou voient des officiers gé
néraux , des officiers de tous grades, des T u r c s , des G r e c s , il
apprit que cette réunion avoit pour cause le mariage du géné
ral. Comme il l’avoit beaucoup connu à Rozette et au C a i r e ,
il crut de son devoir d’entrer chez lui et de le féliciter. L e
général l’invita à rester, pour lui servir d’ interprète auprès des
personnes du pays qui pourroient se présenter chez lui pour
le visiter. Il y eut le soir un très-grand repas; mais le patriarche
n’étoit pas au diner : il y avoit cependant un ou deux prêtres
grecs. L ’ usage de dresser les actes de mariage, chez les G re cs,
n ’est pas général. Il n ’existe pas chez les T u r c s ; et les p rêtres
grecs ne font des actes de m ariage que lorsqu’on leur en de
mande. A l’égard des mariages à temps , ils sont extrêm em ent
rares; on en^trouve à peine un exem ple en dix ans. Ils ne
sont "pratiqués que~par Tes T u rc s ou des libertins. Il n’en a, vu
que deux ou trois exemples parmi lès catholiques et les cophtes,
qui ont été excommuniés. Ces mariages avoient été célébrés par
des cheiks turcs. Il croit avoir connu le père d’Anne ; il étoit
Arménien de n a tio n , et bijoutier. Mais il appelle A n n e fille
adoptive de N azo , parce que Nazo avoit épousé sa mère.
Relativement à la pompe extérieure des m a ria g es, on étoit
obligé d’aller à l’église. Chez les T u r c s , et non chez les chrétiens,
on promenoit le trousseau et la fem m e sous un dais ou dans
une voiture.
C e témoin se présente officieusement com m e l’interprète
du général D es ta in g , ce qui est contraire à la déposition de
Gabriel T a c k , douzième témoin, qui a déclaré que interprète
1
�( *4 )
du général Destaing s’appeloit Massara. L ’im deux n ’a donc pas
dit la vérité. Au surplus , cet interprète ne sait encore rien que
par ouï-dire.
L e dix-septième et dernier témoin de l’enquéte de Paris, est
un sieur Dominique-Jean L a r r e y , reproché com m e un des certificateurs de l’acte de notoriété, et com m e ayant manifesté
de grands mécontentemens de c e qu’il prétendoit que ses soins
et ses services , dans la maladie du g én éra l, n’avoient pas été
payés. Il déclare que dans le com m encem ent de l’an 9 , il avoit
reçu un billet d’invitation du général D estaing, son a m i, pour
assister à ses noces ; il s’y r e n d it, et y trouva plusieurs amis
du g é n é ra l, entr’autres les sieurs E stève, Lagrange, et le général
M e n o u , avec lequel il s’entretint de son service. Anne Nazo
y étoit en costume t u r c , et parée de tous ses ornemens. ( Il
est bien extraordinaire que ce soit le premier témoin qui ait
parlé de cette circonstance. ) T o u t le monde y étoit en grande
tenue; il adressa ses félicitations au général, et lui fit ses excuses
de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de l’église, d ’où l’on
sortoit en ce moment. Comm ent savoit-il qu’on en sortoit en ce
moment? Il répond que c ’étoit le bruit général de l’assemblée.
C e mariage avoit été célébré dans l’église du patriarche des Grecs*
mais il ne se rappelle pas du nom de l’église. Il a vu le général
après la descente des Anglais ; il s’est trouvé avec lui au siège
d’Alexandrie, et depuis à Paris. Le général lui a parlé plusieurs'
fois de sa fe m m e , et s’occupoit de la faire revenir en France
( elle y étoit avant lui ). Il 11e se rappelle pas de la teneur du
billet d invitation ; il c r o i t , sans pouvoir le dire au ju s t e , que
les mots noces et cérémonies s’y trouvoient. Il a assisté aux fé
licitations des personnes qui se trouvoient à l’assemblée; il étoit
au re p a s, et A n n e s’y trouvoit également. Il se retira avant le
b a l , à cause de ses occupations qui l’avoient également em péché
d’assister à la cérémonie nuptiale. Ce mariage étoit de notoriété ,
et 011 disoit qu’il n’y avoit que le général Menou et le général
Destaing qui voulussent conserver la c o lo n ie , parce qu’ils avoient
épou sé
�(
25
)
épousé des femmes égyptiennes. Il a pansé Joannÿ Nazo d’une
plaie q u ’il avoit à la jambe , et l’a vu plusieurs fois chez le général
D esta in g , où il étoit reçu avec les égards dûs à sa profession.
Il dit que l’église des Grecs étoit située dans la ville du Caire.
Il n’a point connoissance des mariages à temps ; mais lorsqu’on
vouloit acheter une esclave ou une autre femme , cela ce pratiquoit secrètement : les fem m es entroient dans les m aisons
où on les fa is o it ven ir v o ilé e s , ou bien on les achetoit chez
des marchands d ’esclaves.
1
T e lle est l’enquête faite à P a r is , où sans contredit on avoit
de grands moyens pour se procurer des témoins. A n n e en avoit
fait assigner un grand nombre , que dans la suite elle n’a pas
jugé à propos de faire entendre : on le lui a reproché lors de
la clôture du procès verbal d’enquéte; mais elle a cru devoir se
borner à ceux qui avoient signé les actes de notoriété , et ne
s’attendoit pas à les voir tomber en contradiction avec leurs pre
miers certificats. A-t-elle prouvé qu’elle avoit été mariée avec le
général D e sta in g , publiquem ent et so len n ellem en t , p a r le p a
triarche d ’sîleæ andrie , suivant le rite g r e c , et les form es et
usages observés dans le pays ? ( C e sont les expressions littérales
de l’arrét de la Cour. ) A n n e ne peut pas s’en flatter ; aucun de
ses témoins n’a été présent à la cérémonie. Les ouï dire ont des
différences notables ; tantôt c ’est au V ieux-C aire, et tantôt c ’est
dans la ville du Caire que le mariage a été célébré ; les uns
veulent que ce soit à l’église de saint G e o rg e s, d’autres à l’église
de saint Nicolas : pas la moindre instruction sur les mœurs et
les usages des G r e c s , incertitude sur le sort, la naissance et la
religion d’Anne ; ce u x qui la connoissent le mieux disent qu’elle
est catholique romaine ; ceux qui la disent catholique romaine
soutiennent que le patriarche des Grecs ne marieroit pas une
Latine. Sophie M isc h , sa m è re , qui n’éloit pas v e u v e , a quitté
la religion romaine pour prendre un troisième mari. Voilà donc
cette famille qui offroit tant d’agrémens et d'avantages au général
Destaing, qui lui faisoit oublier les égards et le respect qu’il deD
�( 26 ')
volt à son père, méconnoitre les convenances sociales, mépriser
les appas de la fortune , oublier son r a n g , son p a y s , sa nais
sance , pour lier son sort à la fille d’un Arménien. Et c ’est cette
femme qu’on veut légèrement introduire dans une famille , qui
viendroit usurper non-seulement la fortune du général, mais
encore partager les dépouilles du sieur Destaing pè re , de ma
dame Destaing et de Pascal Destaing, morts pendant l’instance.
Lorsque l’immortel d’ Aguesseau s’écrioit que ce n ’étoit qu’en
tremblant, et avec toute la démonstration de l’é viden ce, qu’on
pouvoit se permettre d’introduire dans une famille un individu
dont l’état est contesté, ce magistrat avoit cependant des don
nées certaines : c ’étoit en F r a r c e , à Paris, sous Iss yeux des
magistrats, que se trouvoient les registres et les preuves.
Ici une étrangère arrive de parages lointains, dont elle a fui
dans un moment de troubles; elle n’ est point accompagnée de
celui qu’elle appelle son é p n u x ; elle n’en a point reçu le titre
de femme légitime. Les écrits qui émanent de lui l’avilissent
aux yeux de sa famille et de son père ; il désavoue l’existence
d ’an lien lé g a l; il traite cette union d 'arrangem ent oriental.
Et A n n e voudroit être élevée au rang d’épouse ! et Anne a osé
penser que quelques témoins officieux ou indifférens pourxoient, avec de simples ouï-dire, la faire reconnoltre pour épouse
légitime d’un général français !
Non ; elle a senti toute l’insuffisance de son enquête de P a r is ,
où cependant on trouve plusieurs noms recommandables ; elle
est allée chercher à Marseille, dans quelques réduits obscurs, des
Grecs réfugiés ou ignorans , qui ne peuvent parler que par in
terprètes , à qui il est facile de faire dire tout ce qu’on v e u t ,
q u a n d il faut s’en rapporter à la foi d’un seul homm e, d’un
mercenaire à g a g e s, qui traduit com m e bon lui semble. Il faut
donc encore parcourir cette enquête de Marseille, avant d’en
venir à l’enquête co n tra ire , faite à Aurillac et Mauriac , à la
requête des héritiers Destaing.
Le premier témoin est un nommé Michel C h a m , natif de
�27
(
)
D amas en S y r ie , se disant ancien négociant, et ancien inter
prète de Son Altesse le Prince de N e u fc h â t e l, aujourd’hui sans
profession. Il a déposé que se trouvant au Grand-Caire, dans le
courant de l’an 9 , n’étant pas m ém oratif des jours ni du mois,
et à l’époque à laquelle le général Menou commandoit l’a rm é e ,
il^entendit dire que le général Destaing devoit épouser la demoi
selle N azo , fîlle du commandant de c e n o m ; que passant quel
ques jours après devant le domicile du général D estaing, il vit
des préparatifs de f ê t e , plusieurs c h e va u x , des généraux et of
ficiers en grand c o s t u m e , et s’étant informé quels étoient les,
motifs de ces préparatifs, on lui dit que c ’étoit pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle N azo ; que s’étant ensuite
de nouveau informé comment le mariage avoit été f a i t , on lui
dit q u Jil étoit venu un patriarche g r e c , et que ce mariage avoit
été célébré selon le rite et les usages grecs ; mais il n’y a point
assisté. Le domicile du général Destaing étoit sur la place A t a b e l Ezaixgua, à côté de la mosquée d u Ghahaybe. Il est à sa connoissance que les p rêtres chrétiens, de quelque secte q u ’ils
s o ie n t, ne tiennent point de registres pour la célébration des
mariages ; que les mariages se célèbrent par quelque prêtre que
ce s o i t , et sans distinction du culte que professent les époux ;
que cette célébration se fait par l’un d ’e u x , au choix des parties
contractantes, pourvu néanmoins que le prêtre soit chrétien.
Il est douteux que ce témoin soit bien instruit des usages
d’E gypte , ou du moins il est en contradiction avec tous les
voyageurs qui ont observé les mœurs de c e pays. L a différence
des cultes, loin d ’être un moyen de rapprochement, n’est qu’ un
sujet continuel de scandale et de persécution. Il est inoui qu’un
G rec ait marié un Latin ; et il seroit peut-être plus extraordi
naire encore qu’ un G rec schismatique eût été marié par un
prêtre c o p h t e , tant il y a de division et d’acharnement entre
ces différentes sectes. Est-il croyable d’ailleurs q u ’un général
catholique ro m ain , qui devoit se marier avec une femme de la
m ême religion ( car Aime professe ouvertement le culte cathoD 2
�C ^8 )
ïique ) , ait été choisir un prêtre g re c , lorsqu’il étoit environné
de prêtres latins? Mais ce témoin va plus loin que les autres.
L es uns ont entendu dire que le mariage avoit été célébré dans
l’église de saint Georges, au Vieux-C aire; les autres d ans. l’église
de saint N icolas, au Grand-Caire; et c e lu i-c i prétend que le
patriarche grec est venu chez le général Destaing. Mais en même
temps il voit dans la rue des c h e v a u x , des officiers généraux
en grand costume : il ne falloit pas tant de préparatifs, si le
mariage s'est fait à huis clos , et dans la maison du général.
L e deuxième témoin est B a rth élem i S e r a , natif de l’île de
Siam. Il déclare qu’il avoit épouse Sophie Misch , qui étoit alors
veuve de Joseph Trisoglow ; qu’il la quitta il y a environ vingtquatre ans , et que celle-ci épousa ensuite le sieur Nazo. Il
prétend. que sur la fin d e j ’an 8 , ou au com m encem ent de l’an
9 , étant nu graud-Caire, le général Destaing lui dit qu’il vouloit
épouser la iille du commandant Nazo ; qu’alors il lui observa
q u e lle n’étoit point fille de N a zo ; que lui déposant avoit épousé
la mère de cette dem oiselle, qui étoit veuve de Joseph Trisoglow,
et qu’Anne étoit née A l’époque de son mariage. L e général
Destaing lui répondit que cela étoit indifférent; mais il lui
demanda si cette fille étoit sage, si elle avoit de bonnes mœurs,
à quoi B arthélem i répondit affirmativement. Il demuuda au
général comment il se proposoit de faire célébrer son mariage ;
le général lui lépondit qu’ il avoit déterminé de le faire célébrer
selon le rite f'rec. Barthélemi lui observa qu’il y avoit au GrarulCaire des prêtres latins, et qu’il devroit se marier selon c e rite;
mais le général Destaing persista dans son intention. Il invita
Bnrlbélemi A assister au m ariage; Barthélemi le rem ercia, et
ne voulut point y assister , parce qu’ il ne vivoit pas bien avec
la famille Nazo; il prétexta dt:s nffaires; et quelques jours après,
..yant passé devant la maison du général D esta in g , il aperçut
beaucoup de chevaux au-devant de la porte, des généraux’ et
officiers qui en tro ien t et sortoient : on lui apprit que clétoit A
l'occasion du mariage du général avec la demoiselle Na*o. Il
�( 29 )
rencontra bientôt après le g é n é r a l, qui lui dit que son mariage
avoit été célébré par un patriarche g r e c , et selon le rite grec.
Barthèlemi cru t devoir lui réitérer l'observation qu’il lui avoit
déjà f a it e , qu’il auroit dû faire célébrer son mariage par l’église
latine ; le général lui répondit qu’il avoit voulu se conformer à
l’usage du pays. Suivant l u i , il n’y a que des prêtres latins qui
tiennent des registres, les prêtres des autres sectes chrétiennes
n’en tiennent pas ; mais il atteste qu’il est d’usage dans le Levant
que le mari fait célébrer son mariage par un prêtre de sa religion.
II ajoute cependant que cela n’est pas toujours rigoureusement
o b se rv é , et que les mariages se célèbrent indistinctement par
quelque prêtre chrétien que ce s o i t , au gré et au désir des
parties contractantes.
On voit avec quelle légèreté ce témoin parle de Ta dissolution
de son m a ria g e , et ’que Sophie Misch n’a pas été long-temps ù
le remplacer. Il ne reste plus de doute sur l’origine d ’ANNE,
ni sur sa religion , puisqu’elle étoit née de deux catholiques
romains ; et il paroltra nu moins bien ¡nvinisemblnhlc qu'on ait
choisi un patriarche grec , lorsqu’il y avoit autour du général
tant de prêtres latins. N ’est-ce pas vouloir se jouer d’un enga
gement de ce genre, et aller contre l’ usage du pays, loin de s’y
c o n fo r m e r , puisque le mari a le droit et l’ usage de choisir un
prêtre de sa religion.
.
L e troisième témoin, le sieur Antoine Ila m a o n y , négociant,
natif de D amas en S y r ie , déposant, com m e le p récéd en t, sur
l’interprétation du sieur N e y g d o rff, déclare qu’ il se trouvoit au
Caire à l’époque à laquelle le général Destaing y étoit en a c
tivité de service. Il apprit par la notoriété publique que ce
général avoit épousé la fille de la dame N a zo , que ce m ariage
avoit été célébré selon le rite prec et par le patriarche; qu'il
lit à cette époque beaucoup de bruit. Suivant lu i, il n’y a quo
les prêtres latins qui tiennent dus registres et qui en délivrent
des extraits : c est ordinairement et le plus souvent un prétro
do la religion du uiuri qui célébré le mariage t
que uéaix-
�( 3° )
moins cela soit obligatoire. C e témoin ne fait que répéter c e
qu’a dit le précédent : c ’est le m êm e interprète ; par conséquent,
la m ême déclaration.
L e quatrième témoin est un sieur Hanna À d a b a c h i , natif
d’Alep en S y rie , qui va encore déposer à l’aide du m êm e in
terprète. Il étoit établi au Grand-Caire trois ans avant l’entrée
de l’armée française ; il y a resté jusqu’à l’époque de l’éva-f
cuatiou de l’armée. Pendant que^ le général Destaing y étoit
en activité de serviceu i l rem plissoit les fonctions go c ommissaire
de police : ayant des liaisons d amitié" avec Te' commandant
Jean N a z o , celui-ci l’invita au mariage de sa fille avec le géné
ral Destaing. C e mariage fut célébré dans l’égl'se saint N icolas,
„„par le patriarche d’A le x a n d rie , e t selon le rite grec : le témoin
y assisfa’sur l’invitation qui lui avoit été faite par Nazo. L e
général Destaing fit et donna ensuite un repas de n o c e s , auquel
il assista é g alem e n t, y ayant été conduit par le commandant
auprès duquel il tenoit en sa qualité de commissaire de police:
Ce témoin répond, comme les précédens, sur la tenue des
registres , et sur l’ usage où sont les maris de faire célébrer les
mariages par un prêtre de leur religion.
V o ilà le premier témoin qui ait parlé de sa présence à la
cérémonie ; les vingt précédens n’avoient déposé que par ouï*dire. Celui-ci est un des signataires de l’acte de notoriété donné
à Marseille, et cette circonstance rend déjà sa déclaration sus
pecte ; d'ailleurs elle est vague et inexacte. Il est singulier que
c e témoin ne précise ni l’année ni l’époque ; qu’il garde le si
lence sur les personnes qui devoient être à cette cérém onie;
qu’il n’y ait pas un seul officier général qui y ait assisté, et
qu ’on ait donné la préférence à un homme sans profession,
pour l’inviter à j i n acte si solennel, tandis qu’il n’y auroit eu
aucun officier français.
Les prêtres grecs entendus à P a r is , ont dit que le mariage
avoit été célébré à l’église de saint G eorges, au Vieux-C aire, et
celui-là prétend que c'est à l’église de saint N ic o la s , au Grand-
�( 3* )
Caire. Q uelle confiance peut mériter une pareille déclaration ?
L e cin q u ièm e témoin , Michel Rozette , âgé de vingt-sept ans ,
natif d u Grand-Caire, bijoutier et ex-ca p o ra l, déposant encore
à l’aide de l’interprète N e y g d o rff, prétend que sa famille étoit
intimément liée avec celle de Nazo ; que la fille de celui-ci
ayant épousé le général Destaing pendant qu’il étoit en activité
de service au Grand-Caire, le témoin et sa famille furent invités
à assister à ce mariage ; déférant à cette invitation , ils assistèrent
à la célébration, qui fut faite dans l’église saint Nicolas du rite
j*rec , et par un^patriarche grec ; que~selon l’usage pratiqué
par les chrétiens de cette s e c t e , Nicolas Papas O uglou fut le
parrain de la fille Nazo.
;
Il y a une certaine fatalité attachée à l’enquête de la fille
N a z o ; c ’est que pas un seul des témoins, qui par la nature de
leurs fonctiens étoient plus rapprochés du général, n’ait honoré
c e mariage de sa présence, et qu’on voit au contraire un caparol invité à cette solennité. Il prétend que Papas Ouglou a
été le parrain de la fille N a z o ; et ce Papas O u g lo u , qui a signé
l’acte de notoriété de Marseille , ne dit pas un mot de cette
circonstan ce, qui étoit assez importante. Il est plus aisé de
gagner un caporal qu’un général; et il ne faut pas s’étonner
que ce témoin avance un fait avec tant d’assurance, mais sans
aucuns détails qui puissent donner quelque croyance à sa dé
claration.
Le sixième témoin est Sophie M is c h , mère d ’A n n e ; elle a
été reprochée en cette qualité. Mais elle raconte que le géné»
ral Destaing, pendant qu’il étoit en activité de service au C a ire r
lui demanda sa fille en mariage ; qu’elle et son mari y don
nèrent volontiers les mains; mais en même temps ils exigèrent
que ce mariage fût célébré par un patriarche du rite grec
qu’ils professent. Le général Destaing y consentit; et après les
préparatifs en pareil cas nécessaires, le mariage fut célébré en
sa présence, celle de son é p o u x , de sa fa m ille , de diverses
personnes du pays , de divers généraux et autres militaire»
�C 32 )
français, notamment du général D e lz o n s , dans l’église de saint
N ic o la s, par un patriaiche g r e c , et selon le rite de l’église
grecque.
Il n’est pas étonnant que Sophie M is c h , mère d’ÂNNE , vienne
soutenir que le mariage a été célébré ; mais ce qu’il y a de
rem arquable, c ’est que l’arrét de la Cour ordonnoit qu’ANNE
feroit preuve qu’elle avoit été mariée par le patriarche d ’A lex a n d rie; et ces trois témoins qui se suivent, qui tous trois
prétendent avoir assisté au m a ria g e , affectent de dire que
c ’est un patriarche qui les a m ariés, sans jamais désigner 1§
patriarche d’Alexandrie. Cependant le patriarche d’Alexandrie
réside au Grand-Caire; il s’ arroge la suprématie de l’église grecque :
c ’ est lui qui a le titre le plus éminent. Aussi avoit-il toujours
été désigné exclusivement par Anne , comme ayant été le m i
nistre du mariage ; et ce n’est pas sans raison que l’arrét de
la Cour l’avoit ainsi particularisé, et avoit spécialement ordonné
la preuve qu’Anne avoit été mariée par ce patriarche d 'A le x a n
drie. Comment Sophie Misch n ’a-t-elle pas fait attention à cette
circonstance ? il lui en coûtoit si peu de désigner c e ministre.
Cependant elle ne parle que d’ un patriarche grec ; et sa décla
ration ne remplit pas le but de l’arrét.
L e septième témoin est le beau-frère de Sophie Misch , par
conséquent oncle d’Anne. Il est reproché en cette qualité , et
il convient du degré de parenté.
Il rapporte que le général Destaing avoit demandé la fdle
Nazo en mariage ; que les parens y co n se n tire n t, et y mirent
seulement pour condition que le mariage seroit célébré par
un prêtre grec , selon le rite et usages de cette religion. L e
général Destaing parut d’abord désirer que son mariage fut
célébré par un prêtre latin ; mais enfin il se rendit aux vœux
de la famille; il consentit que le mariage fût célébré comme on
le désiroit, et il le fut en effet le lendemain du jour des Rois,
correspondant, dans église g r e c q u e ,
]anvier. L e Témoin
1
ai^ 7
fut invité com m e p a r e n t, et assista à Ja cérémonie , qui eut
lieu
�( 33 )
lieu dans l’éfllise d e^ aint ‘N ico las, au'lGrand-Caire , put üii pa*\
triarche grec. Après )a'célé;bïationq les épdux furent ncconvj
pagnésdans la’maison do gétfêlral-,; o ù Til y eut un grand repas au
quel assista également le'-'dépbsantP II y ' ’avoit à ce.repas divers«
g é n é r a u x , e n tr’a u tre s'|le s,généi'aux!i&lënou,jrlDelzonsi,'Lagvange;
et Régnier. C e témoin ajoute' qu'il >'partit à l’époque de l’éva
cuation des Français du C aire, kvec la famille N a z o , sur un
bâtim ent-grec qui.relâcha à Céphalonie ; que la dame Nazo y
accoucha d ’une fille qui fut baptisée en ladite île de (Jélaplio^
n i e , dans l’église grecque , et par un prêtre grec ; et que le
'
parrain de l’enfant fut un officier des chasseurs d’O r ie n t , nom
mé Joseph Syffi.
Cette déclaration ne s’accorde pas avec c e lle 'd e Barthélemi
Séra. Suivant c e dernier , ' c est le'g én éra l Destaing qui voulut
un prêtre grec , malgré les ré’m ôntrahcës de Barthélemi ; et suivant l’oncle d’Anne , le général liestain g vouloit un prêtre latin,
et la famille N azo exigeoit un prêtre grec. O n ne sait plus à qui
entendre ; et il est malheureux pour A nne d ’étre réduite à sa
propre famille , pour prouver1 le seul fait intéressant dans sa
cause—Suc.ls~ baptême de la fille , il y a encore quelque chose
qui cloche. Suivant c e té m o in 1, Anne â acco u ch é dans l’jje de
Céphalonie. D ’après A n n e elle-même , elle ne put re lâ c h e r, et
accoucha à bord du navire.
L e baptême eut lieu dans une
chapelle isolée sur le bord de la mer ; ici c ’est dans une église
grecque de l’île de Céphalonie.
Le huitième témoin est Ibrahim T u tu n g i ; c’est le fr è r e utérin
de Sophie M i s c h , épouse Nazo. Il a été reproché à raison de
cette parenté ; mais il a assisté au mariage de sa nièce avec le
général Destaing , et ce mariage a été célébré dans l’é l i s e de
saint Nicolas , p ar un patriarche grec. Il alla de là au repas de
noces ; mais il étoit trop jeune , pour se rappeler quelles étoient
les personnes qui y étoient. Il se rappelle cependant qu il y avoit
divers généraux. Il raconte , com m e le précédent témoin , que
sa nièce relâcha à Céphalonie , où elle accoucha d’une fille,
E
-x
�( 34 )
qnî fu t baptisée ; ¿n sa présence , dans u n e 'égliae grecque ¡et
par un prêtre grec ; mais il ne s é~rap pe ï ï ê p a s q i\e 1 iut le parrain.
V ie n t ensuite un autre Joseph Tutungi. ,r;marÀide la,mère de
Sophie Misch ( i l p a r o itq u e les femmes de cette famille se
m a rie n t souvent ). S uivant'lui , il y eut quelque difficulté pour
le mariage. Le g é n é ra l voulait un prêtre latin , et la famille
Nazo vouloit un prêtre,grec. L e général se rendit enfin , et ce
fut un patriarche grec qui le maria dans l’église saint Nicolas.
T h t u n g r y 'ëTmK'J'G’e fut Papas .Ouglou , colonel de la légion
grecque i qui fut parrain. V in t ensuite le repas , où il assista avec
quantité de généraux et d’Egyptiens notables.
Après l’évacuation du Caire , T u tu n g i s’embarqua avec la
famille Nazo sur un bâtiment grec , qui relâcha à Céphalonie.
Là , Anne Nazo y accoucha d’une fille , qui fut baptisée dans
une église grecque et par un prétrë'grëc : le parrain est Joseph
S y f ï ï T é >l¡TTrïnrr îfr?‘ta_; feffTÏÏfG' Nazo , aïeule de l’enfant,
i L e d ixièm e-tém oin est Joseph Misch , fr è r e de Sophie et
7
3
oncle d ’Jdrme.\ Sa déclaration est littéralement copiée sur la
précédente ; seulement il a vu au repas les généraux Lagrange
et Delzons ; et c e dernier * parent du général D e s ta in g , assistoit à la cérémonie. M êm e déclaration sur l’accouchem ent
d’Anne dans l’île de Céphalonie.
T e ls sont les témoins de Marseille. Sur dix té m o in s, cinq
sont les plus près parens d’Anne ; deux autres sont signataires
de l’acte de notoriété. Trois , parmi lesquels est un des m aris
de Sophie Misch , ne déposent que par o u ï-d ire ; et sur les
cinq qui prétendent avoir assisté au mariage , pas un n ’a
désigné le patriarche d ’ A le x a n d r ie , quoiqn’Anne ait toujours
cmirenu nue c ’étoit ce patriarche qui avoit célébré son mariage,
et quoique l’arrêt lui ordonnât expressément de prouver qu’elle
avoit été mariée par le patriarche d’Alexandrie.
A n n e a voulu se faire un moyen dans son dernier mémoire ,
de ce <]ua la Cour , par son a rrê t, avoit réduit l’interlocutoire
prononcé par le tribunal d e Mauriac ; mais il semble que cet
�35
(
)
argum ent doit se rétorquer contre elle a vec beaucoup d avan
tage ; car si la Cour a voulu abréger les détails et prononcer
dans l’intérêt d'ANNE , il faut convertir aussi qui; plus elle a
voulu faciliter les preuves et les m o ye n s., plus elle doit s en
tenir à l’exécution littérale et rigoureuse der son arrêt. Il est
évident que la Cour a fait dépendre sa conviction de ce fait
unique et e x c l u s i f , q u ’ANim avoit' été mariée avec le général
Destaing , publiquem ent e t so le n n e lle m e n t, p ar le patriarche
d ’A le x a n d r ie , suivant le rit grec , et lesnformes et usages
observés dans le pays..
;p ; ;
.ii
•'
L e patria rche d ’A le x a n d r ie étoit exclusivement en vue ,
désigné par la partie intéressée / co m m e iayantiété le ministre
du mariage , parce qu’il étoit plus élevé en dignité , et q u i !
-vouloit ou devoit honorer un gén éral’ français, a.
O r , sur sept témoins de'Marseilletqui'prétendent avoir assisté
à la cérémonie , pas un n’a nommé ce patriarche d A le x a n
drie ; c ’étoit cependant une anecdote remarquable , qui ajou
tait à la solennité , et qu’on n’auroit pas manqué de relever si
en,- effet cela avoit eu lieu.
'
Mais comment se fait-il surtout , .qu’il ne se soit trouvé à
une cérémonie a u ss i’auguste et aussi imposante, qui faisoit ,
suivant quelques!témoins , tant de bruit au Caire , dont tout
le monde s’o c c u p o it, qu ’un c a p o r a l, un b ijo u tie r , un aven
turier sans p r o f e s s i o n et les-plus près parens d ’A n n e ; q u ’auc n n homme de marque ,
c h e f de l’état major ou de
l’administration n y ait assisté? c ’est là c e qui est absolument
invraisemblable, et prouve l’imposture de quelques misérables
réfugiés dans un réduit obscur à Marseille , tous déposant sous
le m ême interprète et> d ’ une manière uniforme , tous , même
Sophie Misch , requérant taxe. Ajsjse ne devroit-elle pas rougir
d en être réduite à ce s petits moyens , pour s’in tro du ire dans
une famille,qui la repousse justement de son sein?
lit qu Anne ne dise pas qu’elle a ù combattre des colla téra u x
avides / ces déclamatious .bannalcs ne peuvent faire impression.
E 2
�30
((¡
»
Ces i colla téra u x ¡ne cherchent! pointpà envahir la fortune de
leur frère ; mais ils défendent le patrimoine de leur père ,et de
leur mère , l’honneur ide leur famille , et ne veulent pas ad
mettre légèrement.des êtres obscurs et inconnus qui* n’ayant
rien à perdre , chèrclient à dépouiller des héritiers légitimes.
Il reste à parcourir les enquétesiqui ontieu lieu à Aurillac et
à Mauriac / discussion aride dans une cause d’-uri grand intérêt.
La premièré-est celle»faite à A u r illa c ..
• Antoine Delzons j président du tribunal , déclare qu’il a
été assigné fort inutilement ; qu’il n’a aucune iconnoissance
personnelle des faits interloqués; mais qu’étant à Paris lors de
l ’arrivée du général Destaing ,,il ignora pendant long-temps les
bruits >de son. prétendu i mariage. Ces . bruits se répandirent
environ six semaines après, à l’occasion de quelque lettre écrite
de T arente par un habitant d’Aurillac , qui avoit vu arriver à
T arente la famille N a z o , dont tune fdle se disoit épouse du
général Destaing. La dame Delzons , belle - fille du témoin ,
demanda au général s’il étoit effectivem ent marié ; celui - ci
répondit en plaisantant , que sa femme pouvoit l’être , mais
q u e lui ne l’étoit pas..'M. Delzons n’étoit pas présent à cette
réponse ; mais quelques jours après le général étant venu chez
l u i 1, la dame Delzons lui dit , en présence du général : « Vous
« ne savez pas , Papa , c e que dit M. Destaing ; il prétend
« n’être pas marié , et que sa /emme l’est. A quoi le général
« répondit : Cela vous é to n n e . ; i l y en <a bien d'a utres. .»
M. Delzons prenant alors la parole , dit à son neveu que
c ’étoient là de mauvaises plaisanteries. Si c ’est votre femme ,
lui dit-il , vous devez la garder ; si elle ne l’est pas , vous ne
deviez pas la prendre. Le général savoit bien que son oncle
n ’approuvoit pas ces sortes de plaisanteries ; en conséquence il
ne. lui en parla'plus , et M. Delzons évita aussi de lui en parler.
Mais quelque temps après r le général Destaing ayant appris
que la famille Nazo étoit arrivée a L yo n , vint trouver son oncle ,
pour le prier de demander à un sieur Fulsillon qui avoit une
�(
37
)
i maison de banque à L y o n , s’il pouvoit lui procurer une lettre
de change de 1,000 fr a n c s , payable à vue. Il vouloit envoyer
■'Cet argent ¿1 cette fe m m e pour se rendre à M a rseille . Ils sont
là une troupe , dit-il ; quand j’aurois pris la füle , je n’ai pas
épousé tout cela ; i l y a un enfant , j ’a urai soin de la mère
et de Venfant ; c ’est tout ce que j e dois. Depuis il ne fut plus
;question de ce mariage , ni de la dame Nazo ; d’autant mieux
que le déposant avoit demandé au g é n é ra l, lors de la dernière
'con ye£ ja tion , si son mariage avoit été fait'devant un Commis
saire des guerres ou ordonnateur , _comme l’ciyp.it.été celui du
général Delzons son fils , et Je général Destaing répondit que
non.
M. Delzons est interpelé sur un point très-im portant. A n n e
vouloit tirer de grandes inductions de ce que M. Destaing père
s’éioit fait nommer tuteur de l’enfant. Elle insinuoit que M. D e s
taing père ne s’étoit porté à cette démarche que par le conseil
de M. Delzons, son beau-frère, et parce que sans doute le g é
néral Destaing, avant sa mort, avoit fait à son oncle des révé
lations sur ce prétendu mariage; révélations qui étoient de
nature à faire solliciter M. Destaing de recevoir et de reconnoitre A n n e pour sa belle-fille.
M. D e lz o n s , requis de s’expliquer à ce s u je t, répond que la
conversation dont il vient de rendre compte , est la dernière
dans laquelle le général Destaing lui ait parlé de la famille
Nazo ; au point que quoique Joanny Nazo fût arrivé à Paris
plusieurs jours avant la mort du g é n é r a l, qu’il logeât dans le
même h ù t e l, et quoique M. Delzons eût passé une partie de
la soirée avec le g én éra l, la veille de sa m ort, il ignoroit l’arrivée
de N azo, et n’en fut instruit que le lendemain pendant l’appo
sition des scellés. Nazo entra chez le général pendant l’opération ;
il ignoroit sa m o r t , et il fit insérer au procès verbal du juge
de paix que le général avoit épousé une de ses filles , âgée de
seize ans , devant le p a triarc h e d ’A lexandrie ; circonstance que
Delzons avoit ignorée jusqu’alors. Mais allant iaire
le
M.
avec
�C 38 )
sieur M eot, maître de l’h ô tel, la déclaration du décès à la m u
nicipalité, il fut jnterpelé de déclarer si le général étoit marié;
la déclaration de Nazo l’engagea à répondre qu’o n .le croyoit
marié avec A nne N a zo ; ce qui fut inséré dans l’acte de mort';
q u ’au surplus le général Destaing ne lui a fait aucune autre
déclaration.
M. Delzons ajoute que le général son fils avoit quitté Paris
lorsque le bruit de ce mariage se répandit; il ne put dès-lors
lui demander ce qui en étoit. D e retour à A u rilla c . celui-ci lui
dit qu’il y .avoit eu une cérémonie religieuse dans la maison
Nazo, à laquelle il avoit assisté , mais q u’il étoit seul de Français ;
que queîqïïë- temps après le général jjesta in g étant le parrain
de son fils , il donna à cette occasion un grand souper aux prin
cipaux officiers qui étoient au Caire , disant que c ’étoit pour
le baptême d’Alexandre D e lz o n s , petit-fils du témoin.
M. D elzo n s, dans cette déclaration , s’est exprimé avec autant
de franchise que de loyauté. On voit qu’il n’a eu de son neveu
aucune confidence; que le général se permettoit des plaisan
teries sur ce prétendu mariage ; il est bien éloigné de faire venir
A nne à Paris, il veut au contraire qu’elle se rende à Marseille-:
on sait même qu’il en avoit donné l’ordre à A n n e , qui s’est bien
gardée de montrer cette lettre. On y auroit vu qu’il ne la traitoit
pas en épouse ; et le secours qu’il lui fait p a rve n ir, annonce
plutôt un sentiment de compassion que de tendresse. M. Delzons
n a parlé de mariage que sur la déclaration de N a z o , qui alors
ne pouvoit être contredit; il ne l’a donné que com m e un doute;
et c e qu’il a appris de son fils sur une cérémonie qui avoit eu
lieu à huis clos, donneroit le démenti le plus formel à toutes
les déclarations.faites à Marseille par toute la famille d ’ANNB.
A u surplus, cette famille ne néglige pas les petits détails, car
to u s , jusqu’à Sophie M isch , se sont fait taxer à 6 francs pour
leur déposition.
Anne Julie V a r s i, épouse du général Delzons, second témoin,
déclare que le 29 nivôse an 9 , elle n’étoit pas dansjla ville du
�( 39 )
3
Caire ; elle y arriva le lendemain o , pour y joindre le général
D e lz o n s , son mari. A son arrivée au C a i r e , elle avoit appris
qu’Ai<NE Nazo avoit été conduite à l’entrée de la n u i t , la v e ille ,
dans la maison du général Destaing-, mais qu’il n ’y avoit eu
aucune pompe ni cérémonie d’usage pour les mariages qui se
font dans le pays, suivant le rite g r e c ; il n ’y eut m êm e le soir
de l’introduction d’Anne Nazo dans la maison du général D e s
taing , aucune espèce de fêtes qui sont en usage dans le pays.
U ne douzaine de jours a p r è s , la dame Delzons ayant un enfant
de d eu x m ois, voulut le faire baptiser suivant les usages observés
dans la religion catholique; le général Destaing fut choisi pour
parrain, et donna à cette occasion un grand souper et un bal
chez lui. Les officiers de l’état major, et notamment le général
M e n o u , y assistèrent. A n n e Nazo , sa fa m ille , et plusieurs autres
liabitans du Caire, y étoient aussi. A n n e Nazo occupa la place
de la maitressede la maison. L e patriache d ’Alexandrie n’assista
pas à cette fête. 11 n’y eut ce soir là aucune cérémonie reli
gieuse ; mais elle a ouï dire que le jour qu’ANNs N azo avoit
été conduite chez le général, il y avoit eu une cérémonie faite
par le patriarche d’Alexandrie , à laquelle peu de personnes
avoient assisté. Cependant elle observe que ces sortes dé cé rém o
nies religieuses se faisoienten présence de toutes lespersonnesjde
la n o ce, et très-publiquement. Elle a resté au Caire jusqu’à son
départ pour la F ra n ce, et pendant ce temps le général Destaing
ne donna pas d’autre fête que celle du baptêm e; il n’avoit
même donné jusque-là aucune fête ni repas p o m p eu x , et la
dame Delzons n’avoit pas vu A n n e avant cet époque.
La dame Delzons ajoute qu’il y a des églises au Caire pour
le culte grec ; mais que pour l’ordinaire les cérémonies du ma
riage se font dans la maison.
1
Elle sait aussi qu’ Anne et sa sœur Marie ne sont pas filles
de N a z o ; qu’elles sont filles de Sophie Misch et d’un bijoutier
Arménien dont elle ignore le nom. Elle déclare encore q u ê ta n t
à Marseille, Joauny Nazo lui avoit dit qu’il avoit écrit au Caire
�( 1 ° }
pour avoir une expédition de l ’acte de célébration du mariage
de sa fille, mais q u ’on lui avoit fait réponse que le patriarche
étoit mort et l ’église brûlée.
Sur l’interpellation que lui fait l’avoué d’ANNE, si elle étoit
regardée com m e la femme du général D estaing, et si on lui
rendoit les honneurs dûs à ce titre, elle croit qu’on la regardoit
comme telle, et qu’on lui rendoit à cet égard les honneurs qui
lui étoient dûs: elle-méme la croyoit femme du général ; mais il y
avoit plusieurs officiers français qui vivoient avec des femmes
qui portoient leurs n o m s , quoiqu’elles ne fussent pas mariées.
Elle les a vues dans les sociétés, com m e femmes de ces officiers,
et traitées com m e telles.
T e lle est la déclaration de la dame D elzons , qui ne laisse pas
que d’avoir quelqu’importance dans la cause. E t d’abord , elle
prouve qu’il n’y a pas eu de féte le jour des prétendues n o ces,
quoi qu’en aient dit quelques officieux. C e n’est que quelques
jours après qu’il y eut un grand r e p a s , et à l’occasion du bap
tême de son fils. La dame Delzons assure bien positivement
q u ’il n’y a pas eu d’autre féte chez le général Destaing. Elle a
dû croire sans doute qu’ANNE étoit m a rié e , parce que l’épouse
légitime d’un général ne devoit pas se trouver avec une co n
cubine ; qu’on a dû le lui faire entendre ainsi. Mais on savoit
déjà par la lettre du général Destaing que la jeune G recque
fa is o it les honneurs de sa m aison; et la dame Delzons nous
apprend bientôt après qu’il y avoit au Caire beaucoup de femmes
de c e genre.
L e troisième témoin est Françoise Grognier ; elle s’est trouvée
à Lyon lors de l’arrivée du général Destaing dans cette ville ,
à son retour d’Egypte ; elle fut invitée par lui à dîner dans son
hôtel ; e t , pendant le d in e r , elle demanda au général quand
il mèneroit sa femme ; qu’on disoit à Aurillac qu’il avoit épousé
une belle G recque. L e général lui demanda qui lui avoit dit
cela ; elle lui répondit que c étoit un bruit public. L e général
lui dit : Elle est passée d un coté et moi de l’autre, en'montrant
les
�(4 0
les deux points opposés ; c e n’est pas le moyen de se rencon
trer. La conversation changea , et il në fut plus question de
cela.
Etant un jour dans la chambre de la dame N azo , à Àurillac,
M. Destaing le père étoit présent, et lui dit tout bas de deman
der à A n n e de quelle manière elle avoit été mariée. L ’ayant
fait , la dame Nazo lui répondit qu’étant devant le prêtre ou
patriarche, il lui avoit mis au doigt un anneau jusqu’à la pre
mière phalange, et que le général avoit fini de l’enfoncer jus
qu ’à la fin du doigt. M. Destaing ayant prié de lui demander
si le prêtre avoit écrit sur le registre, la dame Nazo lui répondit:
O u i , p rêtre, grand livre, écrire. La déclarante a entendu dire
par la dame D elzo n s, qu’AîiNF. avoit été mariée, que son mari
y étoit présent. E t lui ayant demandé si on avoit fait quelque
ié te , elle lui répondit qu’il n’y en avoit eu aucune ; que quelque
temps après, le général Destaing donna une grande fê te; mais
c ’étoit pour le baptême du fils D e lz o n s; et le général Destaing
avoit dit à la fam ille Nazo que c ’étoit sa noce q u ’il célébroit.
O n l ’interpelle de déclarer si madame Delzons avoit entendu
elle - m êm e ce propos du g é n é r a l, elle répond que la dame
Delzons ne s’étoit pas autrement expliquée ; que d’ailleurs elle
ne lui avoit fait aucune question à c e sujet.
Cette déposition est à peu près indifférente pour les faits in
terloqués. C ’est une femme d’Aurillac , qui n’a aucune connoissance de ce qui s’étoit passé en E g y p te ; et la seule induc
A nn e
tion qu’on puisse en tirer, c ’est q u e , d ’après
elle-même,
les prêtres grecs avoient des registres pour inscrire les mariages.
E
nquête
de
M
auriac
.
Joseph Fel , demeurant à Maurs , a fait partie du premier
bataillon du Cantal. Le général Destaing le prit a son service,
pour avoir soin de ses c h e v a u x ; il l’a accompagné en Egypte ,
et demeuré à son service continuellem ent, jusqu’au départ du
F
�42
(
)
général pour la France. D ans le temps qu’il étoit au C a ire , le
cuisinier du général lui apprit qu’on avoit amené une fem m e
au général Destaing; que quelques jours après le général donna
un grand repas où assista tout l’état major de la division du
C a ir e , notamment le général Menou. Cette fem m e, dont il ne
se rappelle pas le n o m , y étoit; il l’a entendu appeler madame
Destaing. A la suite du repas il y eut un bal. Il partit ensuite
a v e c le général pour Alexandrie ; mais cette fem m e resta au
Caire ; et deux mois après le repas et le bal dont il vient de
parler, le général Destaing partit avec lui d’Alexandrie.
On demande au témoin s’il sait ou s’il a ouï dire qu’Anne
N azo ait été introduite chez le général Destaing avec pompe
et magnificence ; il n’en sait rien : le cuisinier lui a appris que
cette femme avoit été amenée dans la maison du général; il ne
lui a donné aucuns détails; il croit au contraire que ce cuisinier
lui a dit qu’il n’avoit pas vu entrer cette fem m e chez le général.
L e jour de son en trée, il n ’y a eu aucune fé t e , et il ne s’est
rien passé d ’extraordinaire dans la maison. L e jour du repas , il
n’a aperçu aucune cérém onie religieuse; il n’a vu que boire,
manger et danser. Il n ’a pas vu donner d’autre repas ou d’autre
bal que celui dont il vient de parler. On disoit publiquement
que Joanny Nazo n’étoit que le parâtre d’AnNE ; pour elle il ne
l’a jamais vue ; elle ne s’est jamais promenée sur les chevaux
du général; et com m e le général n ’a pas habité sous la tente au
C a ire , Anne Nazo n’a pu se trouver avec lui. On demande au
témoin s’il a vu faire des mariages suivant le rite grec ; il répond
qu’étant à la croisée de la maison du général D estaing, il a vu
passer deux personnes bien p a r é e s , sous un dais et à pied ;
elles étoient accompagnées aussi de plusieurs personnes aussi
bien p a ré e s, et précédées par des musiciens montés sur des
cham eaux : ce cortège se promenoit dans les rues ; et on dit au
déclarant que c ’étoit un mariage.
Il est assez singulier qu on veuille que le général Destaing
se soit marié sans que ses domestiques s’en soient aperçus ; et
�( 43 )
il est maintenant bien prouvé qu’il n 'y a eu aucune féte le jour
du prétendu mariage d’ANNE.
1
Jean Biron , autre témoin , menuisier de profession, a fait
partie du premier bataillon du G antai, et de l’armée d’Egypte, ou
il est arrivé en l’an y. Il étoit sergent ; il fut blessé ; on lui permit
de travailler de son état de menuisier. Il fut souvent employé
par plusieurs officiers de l’état major , et notamment par le gé
néral Destaing. Un soir qu’il alloit souper avec les domestiques
du général, se trouvant avec le valet de chambre et le cu isin ie r,
l’un d ’eux lui dit que l’on amenoit une femme au général ; il
se plaça à l’endroit où elle devoit passer ; il ne put voir sa figu re,
parce qu’elle étoit voilée : elle étoit avec une autre également
voilée. Il y avoit des esclaves dans la cour ; il n a pas vu le
général l’aller p re n d re , ni monter dans le degré : il ne sait pas
m êm e si le général étoit dans son appartement. Il se retira de
suite dans la c u is in e , pour n’avoir pas l’air de s’occuper de ce
qui se passoit. Il ne crut pas devoir témoigner de curiosité ,
parce que cette introduction fut faite à l’entrée de la nuit. Il ne
sait pas s’il y a eu un m ariage entre A n n e et le général ; il n’a
pas connoissance qu’il ait été donné une féte ou un repas à cette
occasion. D ouze ou quinze jours après , il fut employé pour
dresser des tables pour un grand repas qu’il y eut ch ez le général;
il apprit des domestiques de la dame D elzo ns, que c e repas étoit
donné pour le baptême du fils de cette d a m e, dont le général
Destaing étoit le parrain. L e général Menou , le général D elzons,
et plusieurs autres qu’il n o m m e , assistoient à cette féte ; il y
avoit aussi des femmes ; et lorsqu’ils se levèrent de ta b le , le
témoin aperçut A nne N azo auprès du général Menou. L e bal
com m ença de suite, et il ne s’est aperçu d’aucune cérém o n ie
religieuse. Lorsque le général Destaing partit pour A lex an drie,
Anne Nazo n’étoit plus dans sa maison. Le général chargea le
témoin et le valet de chambre de veiller à sa maison. Quinze
jours après, l’aide de camp du général Destaing, nommé M a u r y ,
vint chercher du vin et autres provisions pour transporter à
F
2
�( 44 )
A.lexatidrie ; en m ême temps cet aide de cam p fît emballer les
objets les plus précieux , les fit porter chez le général Dupas ,
commandant'la citadelle du Caire : le témoin les a vu déposer.
L ’aide de cam p lui dit que le,général lui recommandoit sa maison
et ses chevaux., et ¡que s’il avoit besoin de quelque c h o s e , il
pouvoit s a d r.esse r ;a capitaine
son corps.
Q uatre on cinq jours après, le déposant s’apercevant qu’il n’y
avoit pas dft $ùrqté au C a ire, conduisit les c h e v a u x , l’orge et la
paille à. la- c ita d e lle , et s’aperçut-qu’ANNn Nazo , sa mère et sa
s'œtfr,.¿toient dans un appartement à côté de celui de la dame
Pelzon s. Il n,e sait pas si la personne voilée, qui s’étoit introduite
u
d’habillement de
ch ez le général Destaing, étoit A isn e , mais il l’a ouï d ire; il a
aussi ouï dire que Nazo n’étoit que son paratre ; néanmoins il
l’ a vu dans le même appartement de la citadelle, où étoit A n n e .
Il n a pas connoissance qu’il ait été donné d’ autre fête dans la
maison du général Destaing , que celle dont il a parlé , quoiqu’il
fut très-habituellement dans cette maison, et qu’il fût particu
lièrement appelé toutes les fois qu’il y avoit quelque chose d’ex
traordinaire.
Il ¡y a eu environ deux mois d ’intervalle entre l ’introduction
d’ANNK et le départ du général Destaing.
Il a vu une fois trois ou quatre personnes sous un dais, suivies
d ’un grand nombre d’autres à pied, précédées par une trentaine
de musiciens montés sur des chameaux. Il vit passer ce cortège
dans la r n e , des fenêtres de la maison du général D estaing; il
se rendoit vers le quartier de l’état major. Une autre fois il a
entendu beaucoup de cris et de grosse joie dans des maisons :
on lui a dit dans l’une et l’autre circonstance que c ’étoit des
mariages.
Il a assisté à la messe du patriarche d’Alexandrie, dans une
chapelle à côté du cam p; mais il n’a point aperçu ce patriarche
au repas dont il s agit.
Il étoit présent a 1 acte civil du mariage du sieur Miquel avec
une Italienne. C et acte fut reçu par le commissaire des guerres
�45
(
)
Deliard , et signé en sa présence par Remondon,- commandant,
Grand, quartier-maître, et par C o u d ert, capitaine, tous de la
quatrième demi-brigade d’infanterie légère. L ’usage des oificiers
étoit de vivre avec des femmes, sans qu’il y eût d’ union légitime;
et cet usage s’étendoit même jusqu’aux bas oificiers. Enfin il
atteste que le jour de l’introduction des femmes voilées il n y
eut aucune féte chez le général.
Cette déposition a un ton de vérité qui s’accorde parfaitement
avec les relations des Français qui ont fait le voyage d’Egypte.
Ils en ont rapporté une bien mauvaise idée des mœurs et des h a
bitudes des G recs , qui en général ont emprunté des T u rc s tout
ce qu’ils ont de licencieux , et surtout leur mépris pour les
femmes. Il n’en est pas un qui n’ait parlé de ces liaisons tem
poraires et déréglées, dont on pouvoit calculer le prix sur la
durée du marché et sur les charmes de celle qui se prostituoit.
Il manquoit à cette enquête la déclaration du général Delzons,
cousin germain du général Destaing , et qui ne l’avoit pas quitté
pendant son séjour en Egypte. L ’arrét de la Cour sembloit exiger
qu’il lût entendu , soit à la requête d’ANNE , qui avoit invoqué
son témoignage, soit à la requête des héritiers Destaing.
Mais ce fut impossible : le général Delzons est retenu par soi
service à C a t t a r o , ville de la Dalmatie , dépendante autrefois
des Vénitiens. Il n’ y avoit alors rien d’organisé ; on ne savoit à
qui adresser une commission rogatoire , à plus de trois cents
lieues de distance. Une lettre lui parvient. Informé par sa famille
qu’il doit être assigné pour déposer juridiquem ent, et déclarer
tout ce qu’il sait sur le prétendu mariage du général Destaing
avec A nne , mère de M arie , il donne toutes les explications
qu’on pouvoit désirer.
Sa lettre, en date du 17 janvier 1809, a été signifiée à A n n e ,
comme pièce du procès. Il répond qu’il auroit bien désiré ne
pas. être cité dans cette affaire ; il avoit eu le m alh eu r d agir
pour engager M. Destaing père à recevoir chez lui A n n e et s a
iille, et à leur donner les secours hospitaliers dûs au malheur.
�( 4 6 }
Il s’attendoit alors qu’ÂNNE, mieux conseillée, et connaissant
l ’avantage insigne qu’on lui avoit fait, se conduiroit de manière
à le m ériter, à ne pas obliger les frères Destaing de rechercher
son état et celui de sa fille. Il espéroit aussi que par attachement
pour e l l e , par respect pour la mémoire du g é n é ra l, les frères
Destaing auroierit consenti à faire le sacrifice du peu qui leur
revenoit dans cette succession, pour la laisser en partage à cette
M a r ie , et au premier fils naturel du général , qui étoit à
Carcassonne.
Le général Delzons apprend qu’il s’aperçut bientôt de son
erreur. « A n n e ( écrit-il aux frères Destaing ) oublia le service
qu’on venoit de lui rendre ; et par sa m auvaise h u m e u r , le
d éfa u t de son é d u c a tio n , les conseils d’un misérable D upin ,
qui gouvernoit à Paris N a z o , mari de la mère d ’ANNE , elle
apporta le trouble , le désordre et la division dans une famille
p a is ib le , fit le tourment de tous , et principalement de votre
respectable m è re , encore si affligée de la perte de son fils.
« D ès-lors, ajoute le général , je pris le parti de ne plus me
mêler de ses affaires. Mes représentations souvent réitérées ,
celles de mon épouse qui la fré q u e n to it, ne purent prévenir
les scènes scandaleuses qui se renouveloient à chaque instant et >
sous les prétextes les plus frivoles. Nous dûmes nous reprocher
nos démarches pour Anne , un sort malheureux qui lui étoit ré
servé , et qu’il n’avoit pas dépendu de nous d’éviter.
« Le général entre ensuite dans les détails ; il raconte que
N a zo et D u p in se rendirent à Aurillac. Q uelque temps après
ils annoncèrent leur départ pour Marseille. A n n e voulut les
s u iv r e , sous prétexte d’aller voir sa mère. Au lieu de prendre
]a route de Marseille , ils prennent celle de Bordeaux. Annk
laissa à Aurillac M a rie , sa fille , en promettant de revenir
bientôt. Elle "étoit arrivée à Aurillac sans être attendue d’au
cun des parens Destaing ; ils ne furent prévenus de son arri
vée que lorsqu elle étoit A peu de distance de la ville.
- « Bourdin avoit mal interprété une lettre de M. Delzons
�/
( 47 )
père. Il prit sur lui de faire partir de L yon A u n e sans en avoir
reçu aucun ordre. C e fut alors que le général Delzons crut
devoir faire des démarches pressantes auprès de M. Destaing
père ; il n’y avoit pas de temps à perdre , et M. Destaing ne
consentit à recevoir A n n e et sa fdle , qu’ au moment où on fut
averti que la voiture qui les portoit étoit déjà à la porte de la
ville.
« Relativement à c e qui s’est passé au Caire , le général
atteste q u ’i l est f a u x qu’il y ait jamais eu île m ariage lég i
tim e entre le général Destaing et A n n e ; aucun acte civil ni
religieux n’a été rédigé ; et il sa it très-positivem ent que le
général Destaing s’est constamment refusé à ce qu’il en fut
rédigé d’aucune espèce , disant à qui vouloit l’entendre , qu il
n 'è to it p as m arié. C ’est ainsi qu’il s’est expliqué souvent en
présence de son c o u s in , en s’entretenant avec différentes per
sonnes qui lui demandoient s’il étoit marié avec A n n e ; il
répondoit ainsi au Caire , à .A lex a n d rie et à P a n s , à toutes
les questions semblables q ui lui étoient faites ; c ’est ainsi et
dans les mêmes termes qu’il répondit à son père , qui lui avoit
écrit pour s’assurer de la vérité de ce mariage.
« L e général Destaing n ’avoit voulu contracter avec A n n e
qu’un de ces arrangemens fort en usage en E gypte ; une sorte
de concubinage toléré dans ces contrées. Cependant , voulant
q u ’ANNE fut respectée dans sa maison , il consentoit qu’elle se
qualifiât du titre d ’épouse ; aussi n ’étoit-elle connue que sous
le nom de m adam e D estaing.
«
A nne
n’est entrée dans la maison du général au Caire que
le 29 nivôse an 9 , à huit heures du soir. P eu de temps aupara
vant le général Delzons étoit au théâtre avec son cousin ; ils
sortirent ensemble ; ils ne s’étoient pas quittés de toute la
journée. Personne ne sait m ieux que lui (D elzo n s ) tout c e
qui eut lieu ; il n’y eut aucune cérémonie à l’église des Grecs ,
com m e on le prétend. A n ke se rendit sans p o m p e et sans bruit
chez le général , accom pagnée d ’une partie de ses pareils. L e
�général étoit seul avec son cousin ; aucun de ses aides de camp
ne s’ y trouvoit dans ce moment.
<c A l’armée d’Orient il n’y a pas eu un mariage légitime
ontre un Français et une Française , ou habitante du pays ,
l’importe de quelle religion qu’elle fût , qui n’ait été reçu par
>n commissaire des guerres, faisant fonction d’officier civil. Le
¡énéral Delzons dit q u ’il peut citer un grand nombre d’exemples
Je ce qu’il avance : chaque commissaire des guerres chargé du
service d’une place im portante, tenoit un registre a d h o c , sur
lequel tous les actes civils étoient inscrits. Son mariage, reçu
par le commissaire des guerres A g a r d , étoit sur le registre de
la place de Rozette ; l’acte de naissance de son fils, reçu par le
commissaire des guerres P i n e t , étoit sur le registre de la place
du Caire. T o u s les actes reçus par les commissaires faisant
fonctions d officiers civils, étoient soumis à l’enregistrem ent,
conform ém ent à l’ordre de l’armée , des o fructidor an 6 , et 21
vendémiaire an 7 , sous peine de nullité. Les ordonnateurs Remon-
3
don et Sartelon ont reçu des actes de mariage. Les commissaires
des guerres D e lia r d , à Alexandrie ; A g a r d , à Rozette ; P in e t, au
C a ire, en ont reçu plusieurs. L e commissaire des guerres T a r
d ieu , qui s’est marié à D a m ie tte , avec une G r e c q u e , a fait
recevoir son acte de mariage par un de ses collègues. C ’est
ainsi que se sont célébrés tous les mariages légitim es, et aucun
différemment.
cc Mais on trouvera dans cette armée un grand nombre de pré
tendus mariages, qui n’ont eu de durée que le séjour de l ’armée
en Egypte ; celui du général devoit être de c e nombre : on en
pourroit citer beaucoup d’autres. Un accord entre les p a re n s,
une somme d’argent comptée d’ava n ce , une pension promise en
cas de séparation, ont fait plusieurs de ces unions, communes
en E gypte et dans tout Orient. C est par suite d un pareil arran
1
gement que N azo décida sa fem m e a donner sa fille au général
D estaing; et il n’en a pas existé d autre qui ait pu lier le général
a vec
A nne.
Dans
�(49 )
D ans le courant de pluviôse an g , le général en c h e f Menou
dut o rd o n n er que dans les principales villes de l’Egypte il seroit
tenu registre de l’état c i v i l , tant pour les nationaux que pour
les individus attachés à l’armée. L e registre du Caire a dû être
com m encé par la transcription de l’acte de mariage .du général
en c h e f , et l’acte de naissance de son fils.
« Il est de la connoissance du général Delzons , que le général
en c h e f pressa souvent le général Destaing de faire dresser son
acte de mariage, et de le faire transcrire sur son registre, ce
que celui-ci refusa constamment.
« Madame D elzo n s, remise de ses co u ch e s, vint au Caire au
commencement de pluviôse. L e général Destaing fut parrain
de son fds : l’acte de naissance fut rédigé dans la maison du
père , par le commissaire P i n e t , chargé du service de la place
du Caire. L e général Delzons réunit ses amis à cette occasion :
A s n e n’y vint pas , quoiqu’elle fût chez le général depuis une
quinzaine de jours.
« Après cette cérémonie , le général Destaing donna une
féte à laquelle le général en c h e f , plusieurs généraux et offi
ciers supérieurs furent invités : il a pu dire à A nne que cette
féte étoit pour elle; il disoit le contraire à son cousin, et assuroit à la dame Delzons qu’elle étoit pour elle et pour la nais
sance de son fils. En e f f e t , ce ne pouvoit être pour célébrer
le prétendu mariage, puisque la féte a eu lieu plus de quinze
jours après qu’ANNE étoit entrée chez le général. Il y eut à la
même époque plusieurs fêtes au C a ire , chez les généraux Lanusse, Belliard, l’ordonnateur en c h e f D aure : A nne n’a paru
dans aucune.
« Anne n’est point fille de N a z o , com m e elle le préten d ,
mais bien du premier mari de sa mère : celle-ci épousa Barth é le m i, aujourd’hui retiré à. Marseille. N a zo l’enleva de chez
Barthélemi, et a depuis vécu maritalement avec elle. Anne a
une sœur du premier mariage de sa mère.
G
�C 5° )
« L e général Destaing avoit rendu des services à N azo ; il
l’avoit fait nommer c h e f de bataillon d'une légion g rec q u e , en
récompense de son zèle et de son dévouement aux Français.
N azo en a conservé une grande reconnoissance.
« Il est^faux que Nazo passât pour un homme riche ; tout le
monde savoit qu il étoit prodigue à l’e x c è s , donnant au premier
venu tout ce qu’il avoit quand il étoit ivre; et cela lui arrivoit
presque tous les jours. Il dissipoit ainsi en peu de temps le
profit des fermes qu’il avoit prises. Sa famille a souvent éprouvé
des besoins par son inconduite. Il ne jouissoit d’aucune consi
dération , parce qu’il n’en méritoit aucune. Sa bravoure et ses
services étoient ses seuls titres à la protection de l’a r m é e , et
lui avoient valu son grade dans la légion grecque que le général
Destaing avoit organisée.
« L e général Destaing a quitté le Caire le 20 ventôse an g ,
pour se rendie à Alexandrie ave c une partie de l'an n ée; depuis,
il n’a pas vu A n n e ; il n’a donc vécu avec elle que du 29 ni
vôse au 20 ventôse an 9. Toutes les attestations délivrées à
A n n e, portant son mariage en l’an 8, sont erronnées. Le général
Delzons se borne à une seule observation que lui fournit le
certificat du général Menou. Ce général atteste qu’étant général
en c h e f de l’armée d’Orient , le général Destaing s’est marié
en l’an 8. Le général en c h e f K leber ne fut assassiné qu’en
prairial an 8. Le général Menou prit alors le commandement
de l'armée. L e général Destaing commandoit la province de
Rozette ; il n’ a été rappelé de cette province qu’en brumaire an
g , lorsque la division L anusse se rendit d ’A lexandrie au Caire,
et qu’elle lut remplacée par celle du général Friant. Le général
'¿ayouchck releva à Rozette le général Destaing. Ce m ouve
ment est assez connu de l’armée d’Orient, pour n’étre contesté
par personne. Le général en c h e f Menou est encore dans l’er
reur
q u an d
il dit : D opres cette déclaration solennelle (~ du
général D e s t a i n g J » Jti m engageai à y a ssister , a in si q u ’ au.
�(5r)
repas, q u i eu t lieu après le m ariage; je remplis ma promesse :
to u t s ’y passa avec la plus grande rég u la rité, et te l q u ’i l d e
voir. ê tr e , sous les rapports civils e t relig ieu x.
« L e général Delzons répète qu’il n’y a eu aucune cérémo^
nie de mariage; que le général en c h e f Menou n’a pu assister
à aucune ; que le repas dont il parle n’a eu lieu que plus de
quinze jours après l’entrée d’ANNE chez le général Destaing.
L e général en c h e f ne peut pas dire que tout s’y passa avec la
plus grande régularité, sous les rapports civils et re lig ie u x , puis
qu’il ne fut dressé aucun acte civil de mariage, qu’on n’eût pas
manqué de faire rédiger par l’ordonnateur Sartelon , signer du
général en c h e f et des généraux invités, comme cela s’est pra
tiqué pour les mariages légitimes auxquels le général Menou
avoit assisté auparavant. »
T elle est la déclaration du général D elzons; il annonce que
c ’est là la déposition qu’il fera en justice ; et il atteste qu’elle
ne contient que la plus exacte vérité.
Il est donc certain qu’AuNJB ne fut jamais unie en légitime
mariage avec le général D estaing; qu’elle n’a été considérée
comme son épouse , ou qualifiée telle que par complaisance
( ou par foiblesse ), et pour qu’elle ne fût pas avilie pendant
sa cohabitation; que la qualification, o u , si on v e u t, l’usurpa*
tion du nom de celui avec lequel on cohabite, ne peuvent tirer
à conséquence, e t, malheureusement pour les m œ urs, ne sont
que trop communes , même en F r a n c e , à plus forte raison
dans un pays où la licence des camps ajoutoit encore à la dé
pravation qui règne dans ces contrées.
T ous les doutes doivent s’évanouir aujourd’ h u i, qu’il est re
connu qu’Anne étoit fille de père et mère catholiques romains,
qu’elle a été élevée dans cette religion. B a rth élem i y son p rem ier
parAtre, s’explique assez disertement ; et ce n’est que par ce
qu’il insistoit auprès du général pour q u ’il épousât A nne
devant un prêtre latin.
Il savoit que les prêtres grecs ne pouvoient ni ne vouloient
m o tif
G 2
�52
C
)
marier des personnes d’un culte différent. Les héritiers Destaing
n ’en sont pas réduits à de simples assertions , sur c e point de
discipline parmi les Grecs ; ils se sont procuré une expédition
délivrée sur l’expédition originale, du certificat du patriarche
d’ A lexand rie, donné par lui le 10 février 180g, dans la cause
du général Faultrier. C e certificat s’exprime en ces termes ( on
ne rappelle que ce qui est relatif à la cause ) :
« Théophile, par la grâce de D ieujj ape et patriarche d’Alexnn« d r ie , par la "présente, notre é c riture, certifions, qu’aucun prêtre
« quelconque de nôtre dépendance ne peut célébrer dé mariage
« entre personnes de religion d ifférente ;
« Q u e la célébration de mariage entre personnes de même
« culte ne peut être faite sans la permission patriarchale, et que
te l ’acte desdits m ariages est écrit sur un registre tenu à cet
« effet, -ii
Ce certificat, signé du patriarche, et scellé du sceau de ses
armes, est légalisé par le consul de France; il est écrit en grec
moderne, et traduit par le sieur Bourlet, interprète assermenté
près le conseil spécial des prises : son authenticité ne peut être,
contestée.
La preuve que les prêtres grecs tiennent des registres , est
encore ndmini&tiée par A kne elle-même , qui a rapporté en cause
principale un acte de naissance de M arie, sa fille. Cet a c t e ,
qu’elle a l'ait sTgiilfier le~ ï juillet i»oq , ne contient autre chose
que la déclaration de deux prêtres grecs qui disent avoir baptisé
en janvier 1803, une fille qu’on leur a dit être issue du mariage
du général Destaing avec A n im e N azo. Ils ajoutent que l’acte
de naissance ne fut pas ré d ig é , parce que c ’étoit une chapelle
isolée : donc les prêtres grecs tenoient des registres dans l’église
5
principale»
Les incertitudes , les contradictions qui
régnent dans la
défense d’Anne , fatiguent également et l’esprit et le cœur.
Quel est celui qui oseioit prononcer q u A n n e est la femme
légitime du général Destaing ?
�(
53
)
T o u s les Français qui se sont mariés en E g y p te , rapportent
des actes qui constatent la célébration du m a ria g e , assurent
leur état et celui de leurs enfans.
A nne ne rapporte aucun écrit, aucunes traces de ce prétendu
mariage ; oubliant elle-même l’époque où elle a eu l’honneur
de s’unir à un général français , elle a osé dire qu’elle s’étoit
mariée en l’an 8 , que sa cohabitation avoit duré un an.
Il est prouvé qu’il y a impossibilité que le mariage ait été
fait en l’an 8, et que la cohabitation n’a pu durer que deux mois.
Elle se dit fille de Joanny N a zo , vante le rang et la fortune
de son père , la considération dont jouissoit sa famille.
Il est prouvé q u ’elle n’est pas fille de N a zo , qu’elle doit le
jour à un Arm énien, qu’elle est fille d’une mère qui a encore
deux maris vivans.
Il est établi que N a zo étoit un fabricant détaillant d’eau-devie ; et à son arrivée à Marseille , il a sollicité et obtenu un brevet
de fabricant d’eau-de-vie de raisins secs : son brevet est dans
le bulletin des lois de l’an n .
Elle prétend ê tre G re c q u e d’origine et de religion.
Il est prouvé qu’elle est née de père et m ère catholiques ro
m a in s, et q u ’elle a eu le bonheur d’étre élevée , et de professer
la m êm e religion.
Elle veut avoir été mariée par le patriarche d’A le xa n d rie ,
quoique le général Destaing fut catholique romain.
Il est établi que le mari a le droit et l’usage de choisir pour
cette cérémonie un prêtre de sa religion.
Il est prouvé par le certificat du patriarche, qu ’aucun prêtre
de sa dépendance ne peut célébrer de mariage entre personnes
de religion différente.
Elle entreprend de prouver qu’elle a été mariée
publiquem ent
et solennellement par le patriarche d’A lexan d rie, suivant le rite
grec , et les usages accoutumés.
Un cap otai ¡1 été présent au mariage d ’un gênerai de divi
sion i et il ne s’est trouvé à cette cérémonie auguste, qui faisoit
�une si grande sensation, que la m è r e , le frère et le beau père
de sa mère.
Elle devoit établir qu’elle avoit été mariée par le patriarche
d ’.A lexa n d rie : ses témoins de visu ne parlent que d ’un p atria r
che grec. O r , on sait qu’il y a plusieurs patriarches grecs en
E g y p t e , et que le patriarche schism atique est celui qui s’a r
roge exclusivement ce titre pom peux, cette espèce de supré
matie que les autres G recs traitent de jonglerie. N ’est-ce pas
encore une affectation de n ’avoir pas fait expliquer les témoins
d’une manière précise?
Elle avoit fait assigner Joanny N a z o , elle s’en est départie;
elle a craint que dans un moment d’iv r e s s e , Nazo ne fit une
déclaration contraire à ses intérêts.
Elle n ’a point appelé en témoignage son aïeule m a te rn elle ,
femme de Joseph T u tu n g i, désignée par le général sous le nom
de la bonne v ie ille , parce que cette fem m e, catholique rom aine,
fidèle à sa religion, connoît toute la force d’ un serment devant
D ie u et les h o m m e s , et n’auroit rien déclaré de contraire à
la vérité.
Elle soutient, qu’elle a été mariée en présence du général
Delzons ; elle invoque son témoignage.
Le général désavoue q u ’il ait existé un lien lé g a l, et qu’il
y ait eu aucune cérémonie religieuse.
Elle veut être l’épouse du général D estaing; et celui-ci dé
pose dans le sein paternel la déclaration qu’il n’est pas m a r ié ,
qu il n y a entre A n k e et lui qu’un arrangem ent oriental. Il
la repousse de son s e in , et désavoue son mariage jusqu’au dernier
ni ornent.
Ses parens les plus pro ches, et dans l’intimité des confidences,
n’ont entendu de lui que des plaisanteries sur le genre de liai
son qu’il avoit avec Anne.
Q ue reste-t-il donc à Axwe? un procès verbal où M. Destaing
père a accepté la tutelle de sa petite-fille.
Elle abuse de la foiblesse d un vieillard qui lui a accordé
�55
(
)
l’hospitalité, qu’elle a trompé ou intéressé dans lé t a t d aban
don où elle se trouvoit alors.
Mais cet acte de tutelle est fait hors la présence des frères ,
qui ne furent point appelés , quoique plusieurs d’entre eux ,
majeurs , se trouvassent à Aurillac.
Mais les reconnoissances du père ne peuvent nuire aux frères,
qui étoient exclusivement appelés à la succession du général.
Elle fait parade d ’une lettre du maréchal Soult, qui l’a traitée
avec civilité , parce qu’elle lui a été présentée com m e femme
d’un général ; et le maréchal Soult ne devoit pas , sans doute ,
exiger qu’elle justifiât de son acte de mariage.
Elle n’a été admise à la preuve testimoniale qu’à raison de
ce qu’elle soutenoit qu’il n’y avoit aucun registre , et qu’il n’étoit
pas d’ usage d’inscrire les mariages.
Il est prouvé que les prêtres de toutes les religions, et notam
ment les g r e c s , tiennent exactement des registres.
Q ue demande donc cette femme ambitieuse? Les frères Destaing pourroient-ils redouter ses démarches? Viendra-t-elle leur
enlever les biens de leur père , de leur m è r e , de leur f r è r e ,
et d’une tante morte pendant le procès?
Non : les héritiers Destaing ont cette conviction , que dans
une cause de ce genre tous les esprits s’élèvent à ces vues supé
rieures du bien p u b lic , qui forment le premier objet de la justice.
C ’est ici la cause de toutes les familles. Les citoyens de toutes
les cla sses, de tous les é ta ts , sont intéressés à l’arrêt que la
Cour va prononcer.
Monsieur R O C H O N D E V A L E T T E , avocat général.
M*. P A G E S , ancien avocat.
M*. G A R R O N , avoué.
A R I O M , de l 'i m p . de T H IB A U D , im p rim . d e la C o u r im p é ria le , e t lib r a ir e ,
r u e des T a u le s , m aison
L
a n d r io t
.
— J u in
1811.
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, frères. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Rochon de Valette
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour les frères Destaing, appelans ; contre Anne soi-disant Nazo, se disant veuve du général Destaing, et tutrice de Marie, sa fille, intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud, maison Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
55 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0610
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0609
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53870/BCU_Factums_M0610.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
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opinion publique
xénophobie
-
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a15bc1458146469c72fbf7d9d1e5656b
PDF Text
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m
é
m
o
i
r
e
POUR.
ANNE NAZO,
V E U V E DU GÉNÉRAL DESTAING,
C O N T R E
LES H É R I T I E R S DESTAING.
A RIOM,
D e i ’I m p r i m e r i e d u
P a la is , chez
A v r i l
1 8 1 1
.
J.-C. SALLES.
�M
E
M
O
I
R
E
POUR
N A Z O , veuve de
A nne
J a cq u es-Z a ch a rie
D E S T A I N G , g én éra l de d iv is io n , en son n o m ,
et c o m m e tutr ice de M a r i a D E S T A I N G , sa
f i l l e , in ti m é e
;
,
’
CONTRE
Les sieurs et demoiselle D E S T A I N G , appelans.
,
L o cu li sunt adversum me lingua dolosa et sermonibus
odil circumdederunt me , et expugnaverunt me gratis
..
E t posuerent aduersum me mala pro bonis } et odium pro
dilectione me d
Ps. 108.
U
NE Egyptienne, jetée hors de sa patrie par un concours
d évenemens que toute la prévoyance humaine n ’a u r a i t pu mai
triser ni prévoir, plaide depuis huit ans pour conserver un nom
qui lui fut donné avec solennité sur les rives du N i l, et qu’elle
a toujours porté avec honneur.
�Tout ce que la capitale de l’Egypte avait d’illustre , fut le
îe'moin de son mariage. Les fêtes qui l ’accompagnèrent sont
restées dans 1« mémoire de1tous les he'ros de l’armée d’Orient,
qui l’attestent : [’Empereur lui-m êm e, convaincu'de la réalité
de ce mariage, fit donner une pension à la veuve d’un général
qu’il avait estimé. L a famille Destaing , ‘ plus convaincue’ que
personne, et plus intéressée à l’être, s’était fait un devoir d’ap
peler, d’accueillir, de présenter aux habitans de leur ville cette
femme malheureuse, comme flattée de lui appartenir.
A in s i, du moins, cette étrangère qui n’aborda les rivages de
France que pour apprendre la mort de son é p o u x , avait la con
solation d’exhaler sa douleur parmi ceux qui avaient à pleurer
une perte commune. Sa fille, née au milieu des tempêtes de la
m e r , se trouvait dans un asile assuré au sein d’une famille qui
désormais était la sienne. Telle fut la situation de la dame
Destaing, pendant une année, après la mort de son mari. Tout
ce que les lois de France prescrivent pour rattacher une orphe
line à ceux sous la protection desquels elle est placée, fut exécuté
' par la famille Destaing, comme si la providence avait voulu lui
ôter les moyens d’être injuste ; et déjà à A u rilla c , comme au
Caire , une notoriété honorable assignait dans la société, à M a
dame Destaing et a sa fille, le rang auquel elles avaient droit de
prétendre.
Quel démon jaloux a trouble cette harmonie, et a pu réduire
la dame Destaing à chercher les preuves de son é ta t, après en
avoir eu la possession légitime aussi publiquement et sans effort?
Quel événement inopiné a transformé tout d’un coup une famille
douce et hospitalière en une horde d’ennemis acharnés, cherchant
d ’équivoques calomnies jusque dans le secret d’une correspon
dance
tronquée, outrageant la mémoire de celui qui illustra leur
n o m , et disputant avec mauvaise foi contre tous les signes de
vérité qui les confondent ?
L ’ov! cette divinité des nations, a brille aux yeux des héritiers
Destaing. L a succession du général leur a semblé une proie qu’il
�( 3)
fallait disputer avec une opiniâtre constance; et dès cet instant
sa veuve et sa fille ne leur ont semblé que deux êtres importuns ,
qu’il fallait rejeter et méconnaître.
A lo r s , par une brusque inconséquence, la dame Destaing
présentée à une ville entière comme une sœur; son enfant placédans tous les registres d’A u rilla c, comme héritière légitime du
général, n’ont plus été que des aventurières inconnues, introduiies par une astuce criminelle dans une famille étrangère.
Ce n’était point assez, pour une femme faible et sans défense,
d’avoir pour elle l’opinion publique et la conscience de la vérité.
Que peut la vérité contre une calomnie soutenue avec éclat et
persévérance? L e vulgaire, qui aime le merveilleux, commence
à douter, aussitôt que des fables injurieuses ont été préparées
pour donner à sa curiosité un autre aliment.
Mais ce n’est point au tribunal de l’opinion que d’aussi grands
intérêts sont soumis ; la dame Destaing est placée sous l’égide
des lois; et si elle est forcée de gémir des lenteurs de la justice,
du moins elle pourra se féliciter'de ce cjue toutes les formules
exigées d’elle ne laisseront aucun léger doute aux esprits les plus
incrédules.
T‘
r Cependant la dame Destaing n’a nullement le projet de se
renfermer dans des moyens judiciaires, tet cle dédaigner l’opinion,
qu’ôti peut avoir d’elle L
, ,!i l M 'im p o rte , plus qu’à personne, de
donner de la publicité a'sa'cimduite ,r et de prodam er les témoi
gnages honorables de ceux qui ont été à portée de la juger. Elle
veut de l’estime; et rien, dansées actions, ne lui a ôté le droit
d’en'Obtenir. '
'
] <
r
•i
. FAITS.
..............i
Tous les faits1de cette cause sont liés aux grands événement
de l’histoire.
Une armée de héros, une colonie de savans allèrent en 1 an 6
porter en Egypte la gloire du nom Français.
On se souvient de la rapidité de cette conquête. Alexandrie
�( 4 )
fut prise d'assaut le lendemain même du débarquement. Les
Mamelouks f u r e n t vaincus dès leur première apparition, et la
capitale o u v r i t ses portes à l ’armée victorieuse.
Cette a r m é e n’était point au Caire comme dans une ville con
quise. Son premier établissement fut l’institut des sciences et
arts, chargé de donner des plans d’amélioration pour les canaux
du N il, l’agriculture et le commerce. .
Cependant les héritiers D estaing,(ramenant tout à leur idée
dominante, ne veulent voir dans les chefs de cette armée, que
des conquérons licencieux, q u i, comme dans un vaste sérail,
appelaient à eux toutes les victimes qu’il leur plaisait de choisir,
ou plutôt n’avaient qu’à attendre celles que les pères de famille
eux-mêmes venaient leur présenter, par politesse, et pour prix de
la victoire.
Laissons celte atroce calomnie à la réflexion des lecteurs in
formés des usages de l’Orient, çt .poursuivons un récit plus véri
dique. .
3 v> •\ ” i
• Quoique le but de.l’expédition d’Egypte fût caché dans: ces
vastes conceptions qu’il n’appartient pas au vulgaire de péné
trer, tout prouve que le premier projet du grand homme; était la
fondation d’une C o l o i ^ française; A u r e s t e , 1 ’établissepient de
l ’armée en Egypte devint bientôt une nécessité. L e malheureux;
combat d’Aboukir, et la perte^de la flotte achevèrent d’ôteitiuix
Français débarqués tout .espoir prochain de retour.
;
. •:>
Il fallut donc tourner toutes.ses idées vers cette terre étran
gère , s’y créer un centre d’aifection, s’y faire une,patrie.
r
E t , certes, voilà quelle a dû être, quelle a été erj effet la dis
p o s i t i o n des esprits, ubi b e n è, ibi^pfUria ; rien n’est plus fran
çais q u e cette maxime; et bientôtles'vainqueurs de l’E g yp te Se
* ardèrent comme naturalisés sur les bords du.Nil.
L e mariage seul pouvait resserrer les liens entre les deux na
tions. Les généraux français en donnèrent le premier exemple ;
ils devaient ce gage à la confiance qu’ils voulaient inspirer. Ce
pendant ils surent allier à leurs vues politiques les combinaisons
�( 5 )
d’intérêt que les chances de l’avenir ne leur permettaient pas
d ’abandonner.
i L e général en cheFMenou épousa une jeune et riche musul
mane, fille du maître des bains d’Alexandrie. Les généraux Lan- .
tin, Delzons et Bonnecarrère épousèrent des filles de négocians
établis à Rosette; plusieurs autres généraux et m i l i t a i r e s français
suivirent cet exemple.
v L es pères de famille d’Egypte n’étaient donc pas diiTéi’ens
de ceux des autres régions. Ils attachaient de l’importance au
mariage de leurs filles ; ils veillaient à leur bonheur et ne les
prostituaient pas.
i Joanni Nazo, ancien officier au service de Russie, et élu com
mandant du bataillon des Grecs par le général de l’armée
française, avait, à cause de ses fonctions, des relations habituelles
avec le général Destaing, qui, de la province de Cathié, où il
fut envoyé d’abord, vint commander la ville du Caire.
S o p h i e M i s c k , é p o u s e d e J o a n n i N a z o , a v a i t , d ’ un p r e m i e r
m a r i a g e , d e u x f i l l e s , d o n t l ’a în é e ( A n n e ) a v a i t d ix -s e p t ans.
L e g é n é r a l Deslning demanda la m a i n d’Anne Nazo ( néë
T r is o g lo w * ) ; il l’obtint, et regarda cette alliance comme un
grand avantage. Joanni Nazo avait alors beaucoup de fortune, o
Il n’etait pas, comme les héritiers Destaing se sont plu à le
dire, un marchand d’e a u - d e - v ie ; Nazo était fermier - général
des droits imposés par le Grand-Seigneur sur les liqueurs spiritueuses de tout genre : on sait que les Musulmans, à qui lekoran
les défend, ne font en Egypte que la moindre partie de la popu
lation. Tous les commerces y sont au pair, et les rangs ne s’y me
surent que par la fortune. Il faut bien dire tout céla aux héritiers
Destaing, pour qu’ils cessent leurs railleries amères contre une
famille à laquelle en Egypte on accordait quelque distinction, et
qu’ils soient soulagés du moins du poids d’une mésalliance.
*
E n E g y p t e , le second mari donne son nom a u x en fans de £a f e m m e }
en signe de la puissance patern elle q u ’il a sur eux.
�( 6 )
A n n e N a z o , promise au général Destaing, fut conduite par
sa famille dans l’église grecque de Saint - Nicolas , où elle fut
reçue par le patriarche, qui daigna lui-m êm e se charger de la
célébration.
On demande , depuis huit a n s , à une jeune épouse , dans
quelle forme légale fut constatée cette cérémonie, et si les
prêtres de sa religion tiennent des registres publics. Quelle est
l ’européenne q u i, ayant eu toute l’instruction et toute la liberté
dont d’autres mœurs ont privé les femmes de l’Orient, serait bien
en état de rendre compte de l’observation des formes légales qui
ont accompagné son mariage ? Sans doute la dame Destaing a
conservé le souvenir de la cérémonie auguste de l’église. L a
couronne sacrée mise sur sa tête ,' la bénédiction et l ’échange
D
des anneaux, les paroles saintes du patriarche qui demandait en
vain à .D ieu, pour les époux, une longue suite d’années : tout
cela s’est gravé'dans sa mémoire ; et elle sait très-bien qu’il n’y
a point eu d’autres fortnalités. !
Accompagnée par sa famille et par ses esclaves dans la maison
du géne'ral, elle fut présentée par lui au général en chef et à un
grand nombre de convives distingués , appelés au repas nuptial
et à un bal européen. Mais après ce premier hommage aux
moeurs françaises, tout rentra dans l’ordre accoutumé, et sauf
quelques exceptions, le général Destaing se conforma dans l ’in
térieur de son ménage aux habitudes égyptiennes.
A insi se passèrent plusieurs mois dans le calme et sans événemens. Bientôt des révoltes fomentées par les M amelouks,
donnèrent aux épouses des généraux français de vives et justes
alarmes. C'est alors que leûr tendresse inquiète veillait à préserver
du danger ceux qui n’étaient plus pour elles des étrangers et des
usurpateurs, mais des époux et des frères.
Peu de tems après, on apprit qu’nne armée ottomane s’avançait vers la Syrie, tandis qu’une llotie anglaise entrait dans la
Méditéranée.
L es Français allèrent sur-le-champ attaquer ces armées jusque
�( 7 )
dans leurs retranchemens J" mais que peut la valeur contre le
nombre? Séparés en forces inégales, les généraux français ne
voulurent se confier qu’en leur courage, et ne recevoir aucune
loi du vainqueur.
L a dame Destaing avait conjuré son époux de lui apprendre
le succès de ses armes. Blessé grièvement et enfermé dans la
place d’Alexandrie, le général ne put écrire lui-même; mais il
fit donner de ses nouvelles à la dame Destaing, par un arabe,
son domestique, pour la rassurer sur l ’état de sa blessure.
L a dame Destaing
D était alors à la citadelle du C aire,7 où le
général Béliard, qui y commandait, avait fait préparer des logemens pour les épouses des généraux français , et celles de
quelques officiers de marque, parce que les armées ennemies
étaient aux portes du Caire.
Trois lettres arabes furent adressées à la dame Destaing, à la
citadelle du Caire*. Les héritiers Destaing n’ont pu les attaquer
que du côté du style , q ui, certes, n’est pas académique : mais
aurait-on cru que les formules épistolaires de Fiance fussent
d’obligation pour les nations étrangères, et pour un domestique?
Aussitôt que le général put tenir la p lu m e , il écrivit lui-même
a son epouse, dans une langue que son oreille entendait mojnç
aisément, peut-être, mais que son cœur sentait bien mieux.
« A l e x a n d r i e ., le i 5 prairial an 9.
k II y a long-tem s , ma chère a m ie , que j e n ’ai pas de tes
« nouvelles ,* j e désire que tu te portes aussi bien que moi.
*
C e s lettres ont pour adresse :
à M a d a m e A n n e , f e m m e D e sta in g .
E lle s sont d a té e s , l’ une du mois d o u l k a d e h , l ’ autre du mois d o n t h c d jc h ,
d e l ’année. 1 2 1 5 de l ' h é g i r e , rép o n d a n t aux m ois de
germ inal
et floréal
an 9. Il «’y esj question q u e de la blessure du général D e sta in g , cl assu
rance de r eve n ir b ie n t ô t, et de c o m p lim e n s pour Joa n n i N a z o .
3‘
jIIes
sont
jointes aux pièces a v e c la traduction do M . S jl v e s t r e de S n c y , professeur
d e langues arabe et p e r s a u e , et m e m b re de l ’ institut.
�( 8 )
J o a m it , qui est chez le général B é lia r d , devrait savoir
quand il part des détachemens pour A le x a n d r ie , et en profiter pour nCenvoyer -des lettres. C ependant , il ne Va pas
fa it l a d e r n i è r e f o i s : il fa u t le gronder de ma p a rt, pour
qu’il soit plus exact à l'avenir. On m ’a dit que tu étais
grosse ; j e suis étonné que tu ne m ’en aies rien écrit : éclaircis
mon doute à cet égard. Sois assurée que j e t ’aime to u jo u rs ,
et qu’il me tarde beaucoup de te revoir. E n attendant , je
a t'em brasse, ainsi que ta mère et ta sœur, sans oublier la
« bonne vieille. L e g é n é r a l D e s t a i n g ».
1
Cette lettre , la seule que le hasard ait fait conserver à la
«
«
«
«
«
«
«
«
dame D estain g, semble réunir en elle les rapports de sa fa
mille entière avec son époux ; elle est restée comme un monu
ment , pour confondre les calomnies principales des héritiers
Destaing, et leur prouver qu’ils se mentent à eux-mêmes quand
ils feignent de croire que le général n’avait jamais cru avoir
avec une jeune grecque que ce qu’il leur plaît de nommer,
dans leurs idées licencieuses, un arrangement oriental.
L e siège du Caire fut prolongé pendant plus de trois moisj
enfin le général Béliard capitula avec le major Hutkinson , en
messidor an 9. Un article portait, que l’armée anglaise fourni
rait des vaisseaux de transport pour conduire à Marseille les
Français et ceux deja attachés a leur fortune. Les dames reti
rées a la citadelle avaient la facullc de rentrer dans la ville du
Caire.
• Mais le général en chef Menou ne voulut point ratifier cette
capitulati°n ; les portes de la ville restèrent fermées, les per
sonnes comprises dans la capitulation , la garde d’honneur choisie
pour leur escorte, la dame Menou elle-même, furent obligées
de continuer leur route jusqu’à Alexandrie. L à , le général Des
taing , craignant encore pour son épouse les dangers d’une ville
assiégée, lui donna ordre de se rendre en France, où il devait
incessamment la rejoindre.
Joanni Nazo , compris comme commandant de la légion
grecque,
�( 9 )
grecque, dans la capitulation du Caire, devait partir avec la
dame Destaing et le reste de sa iamille. L e général leur écrivit
de l’attendre à Marseille, ainsi que nous l’apprennent les héritiers
Destaing.
Un vaisseau grec ( le Saint-Jean), dans le plus mauvais état,
se trouvait dans la rade d’Aboukir pour recevoir cette famille
et son escorte. Plusieurs autres Egyptiens s’y jettèrent pour ne
pas retomber sous la domination musulmane.
Tout ce que les relations de voyages ont recueilli de con
trariétés et de périls était destiné à ce frêle navire. Incapable de
résister à la moindre agression des pirates de l’A r c h ip e l, hors
d’état de tenir la mer sans des réparations urgentes et considé
rables, il ne se mit en route que pour louvoyer d’îles en îles,
poursuivi par des corsaires, et assailli par des tempêtes.
Un long séjour dans l’île de Pathmos fut nécessaire pour
radouber le vaisseau. L a dame Destaing, extrêmement souf
frante , croyait s’y reposer et attendre l ’époqye de ses couches.
M a i s , to u t à c o u p , o n f u t a v e r ti du d a n g e r q u e c o u r a ie n t
des F r a n ç a i s et des G r e c s d ’ê tre la p r o ie des T u r c s en croisière
dans cette mer. On leva l’ancre à l’instant : mais après un long
trajet, le vaisseau fut repoussé jusqu’à l’île de Céphalonie, qu’il
avait deja dépassée. C’est là que la dame Destaing accoucha à
bord. Un pretre grec, desservant une chapelle voisine du rivage,
baptisa l’enfant sous le nom de Maria d ’E sla in g , tenue, sur les
fonds baptismaux, par Sophie M isck, sa grand’mère, et par le
sieur Nassiffi, officier de l’escorte.
Deux jours après, le tems propice permit de remettre à la
voile : mais une autre tempête attendait le vaisseau dans le
canal de Messine ; rejeté en arrière de 5o lieues dans la mer
Ionienne, il parvint à un port de la Calabre , d’où, après de
nouveaux dangers , dont il serait minutieux de donner le détail,
et forcé de changer de route, il aborda à Tarente, dans le gou
vernement de M. le général Soult (aujourd’hui maréchal de
l’Empirc et duc de Dalm atie).
3
�( IO )
C'est ainsi qu’une Famille malheureuse, jouet des vicissitudes
de la terre et de la m er, errait de plages en plages pendant six
mois entiers. Enfin elle était sous la protection française; et dès
cet i n s t a n t il y eut une trêve à ses malheurs.
M . Ie général S o u lt, informé de l’arrivée du vaisseau , et
de la qualité des passagers, eut la bonté d’offrir lui - même à
]Vladame Destaing, de la part de son épouse, tout ce qui pouvait
être nécessaire à sa santé et aux agrémens de son séjour.
Les lois maritimes exigeant de tous les vaisseaux une quaran
taine, M. le général était obligé d’abord de borner ses attentions à
de simples offres de services. Il écrivit au capitaine du vaisseau,
le 22 frimaire an 10.......... « V e u ille z , je vous p rie, renouveler
à madame D estaing les offres de services que mon épouse et
m oi lu i faison s de tous les secours qui pourraient lu i être né
cessaires; elle nous obligera infiniment d'en disposer. S o u l t » . ’
Qui donc avait pu informer M. le général Soult du nom de
la dame Destaing, et l’intéresser à elle? le voici : Pendant cette
longue et périlleuse’traversée du vaisseau leSt.-Jean, l'armée fran^
çaise avait évacué Alexandrie ; les généraux Menou et Destaing
avaient fait voile pour Marseille, où depuis long-tems ils croyaient
leurs ép o u s e s arrivées ; dans leur route ils s’informaient de la
destinée de ce vaisseau; il paraît même quWs écrivirent à M. le
général Soult, et voilà ce qui valait à madame Destaing des at
tentions aussi flatteuses.
M . le général Soult ne s’en tint pas à des offres ; il insista
pour que Madame Destaing allât se rétablir dans sa maison de
campagne, et l’invita ensuite à habiter son propre palais.
Après un mois de séjour, Madame Destaing, remise de ses
souffrances, voulut partir de T a ren te, mais en marquant une
répugnance pour continuer son voyage parla Médiléranée.
M. le général Soult poita la bonté jusqua lui tracer, lui-même,
une route pour aller par terre jusqu au premier port de son
g r a n
d
e
gouvernement, de la traverser 1Adriatique, et continuer par
terre d’Ancope à Lyon.
�( 11 )
Tout cela s’exécuta de point en point, et sans le plus léger
accident. M. le gc'oéral Soult voulut encore donner sa voiture
à Madame Destaing jusqu’au port de Barletta. Il fît chercher
une nourrice pour sa fille, et chargea M . Desbrosses, officier
français, de l’accompagner jusqu’à Lyon.
Voilà comment et sous quels auspices est venue en France
celle que les héritiers Destaing accablent de dédains et d’op
probres.
Madame Destaing s’arrêta quelques jours à Lyon pour se
reposer et attendre des nouvelles de son mari. Joanni Nazo partit
sur-le-champ pour aller le joindre à Paris.
On peut se représenter l’impatience d’une jeune épouse de
retrouver celui pour qui elle s’était exposée à tant de périls.
Hélas! il était dans sa destinée de ne plus le revoir. Joanni
n’était arrivé à Paris que pour être en quelque sorte le témoin
du convoi de son meilleur ajiii.
L ’accueil affectueux du général n’avait pas préparé Nazo à
ce malheur. L e récit mutuel de leurs aventures depuis leur
séparation ; l’empressement du général de revoir sa femme
et d’embrasser son enfant pour la première fois ; leurs projets
pour l’avenir avaient occupé le peu d ’instans qu’ils passèrent
ensemble....... L a mort en disposa autrement.
L a dame Destaing ignorait à Lyon qu’un coup mortel venait
de la frapper elle-même. Elle comptait les instans, et se croyait
heureuse, lorsqu’un sieur B o rdin, chapelier à L y o n , se présenta
chez elle avec une lettre du sieur Destaing père, qui invitait
çe sieur Bordin à accompagner sa fille à Aurillac, en lui laissant
entrevoir une partie de son malheur.
Combien elle allait être à plaindre, celle qui, tombant tout"
à-coup des illusions riantes de sa pensée dans la certitude d’un
isolement affreu x, allait se trouver sans époux et sans patrie
parmi des êtres dont la dem eure, les habitudes, la langue
même lui étaient inconnues. Que celui qui a pu se faire une
idée des fantômes de bonheur qui naguères remplissaient son
4
�( 12 )
mne , se représente s’il se peut l’horrible situation de cette in
fortunée E gyptienne, au milieu du cahos où son imagination
épouvantée dut la placer.
Cependant la dame Destaing fut reçue par son beau-père et
sa belle-mère avec toute l’afFabilité et la tendresse qui pouvaient
la rassurer.
L a famille entière, i l faut le dire, lui donna les mêmes
marques d’amitié et d’intérêt. Cette conduite généreuse la toucha
jusqu’au fond de l’â m e , et la dame Destaing trouve du plaisir
à en marquer sa reconnaissance. Un odieux intérêt n’était point
venu encore empoisonner ce premier élan de la nature. Chacun
avait a l o r s à pleurer un fils, un époux, un frère. Les liens du sang
se resserraient davantage par un besoin mutuel d’épanchemens
et de consolations.
Cependant la famille Destaing crut nécessaire de remplir
les formalités légales pour lu succession du général. Les scellés
avaient été mis à Paris dans l’hôtel Méot qu’il habitait le jour
même de sa mort ( i 5 floréal an 10 ).
Il s’agissait de les le v e r, et pour cela il fallait faire connaître
les héritiers de la succession.
C ’est la famille Destaing qui en prit l ’initiative; un conseil
de famille fut convoqué devant le juge de paix d’Aurillac, le
5 messidor an 10. L à le s.r Destaing, père du général, juge au
tribunal de première instance , exposa : «que Jacques-Zacharie
« Destaing, son fils , général de division, était décédé à Paris ,
« laissant une f i l l e u n iq u e, âgée de cinq mois, nommée M aria,
« provenant de son mariage avec A n n e JSazo , grecque d ’oria g in e , laquelle avait besoin d’un tuteur, attendu la minorité
« de sa mère ».
D ’après cela le conseil de famille * délibérant, choisit pour
*
M . D e l z o n s , p è r e , le m ê m e qui avait toute la confiance du g é n é ra l '
D e s t ii n g à ses derniers m o m e n s , et M . D e l z o n s , général de b r i g a d e } m arié
pussi en E g y p t e , sont m e o ib ip s de ce conseil de fam ille,
�( i 3 .}
tuteur de Maria Destaing, M .D estaing, sonaïeul; fixa à 1,000 fr.
le douaire annuel de la dame veuve D estain g ; lui alloua des
habils de deuil pour elle et pour une négresse qu’elle avait à
son service ; et s’occupa encore du salaire de la nourrice qu’elle
avait amenée de Tarente à Aurillac.
L e sieur Destaing père déclara accepter la tutelle de sa petitefille , et fit'le serment ordinaire d’en remplir fidèlement les
fonctions.
V oilà donc les qualités réglées; l’état de la mère et de l’enfant
placé sous la protection de la loi, et leurs intérêts remis entre
les mains de celui à q u i, sans aucun doute', le défunt les
aurait confiés lui-même.
L e lendemain une procuration fut envoyée; les scellés furent
levés à Paris, et suivis d’un inventaire. Dans tous ces actes on
agit constamment au nom du sieur Destaing père, tuteur de
Maria Destaing, J ilte et unique héritière du général Destaing.
L ’inventaire ne pouvait contenir q u e ce q u ’o n laisse dans un
a p p a r t e m e n t d ’ hôtel g a r n i ; des v ô te m e n s , des a r m e s , q u e l q u e s
p a p ie r s d e p o r t e f e u i ll e *, et d e u x r o u l e a u x de 5o louis. O n y
consigne ce fait, que le général avait remis, peu dé jours avant
sa mort, à M. Del'zons père, législateur, 18,000 fr. qu’il avait
touchés à la trésorerie, pour qu’il les fît passer à Aurillac.'
Pendant ces tristes opérations, la dame Destaing vivait à
A u rilla c, quelquefois dans les sociétés où on la présentait, et
qui voulaient bien s’accoutumer à sa tristesse, le plus souvent
retirée chez elle, occupée de sa fille , et presque heureuse de
vivre parmi ceux q u i 3 en lui apprenant leur langue, lui parlaient
de son époux.
Une grande satisfaction pour elle fut d’apprendre que Sa
Majesté avait eu la générosité de la faire placer sur le tableau
Il y avait une lettre du lieutenant L a t a p i e , et une lettre d e J o a n n i
N a z o , toutes deu x écrites de T a re n te . C es lettres avaient été supprim ées
d e p u i s , et « ’ out pu être c o m m u n iq u é e s qu’en vertu d’ uu arrêt de la C yu r.
«
�}
des pensions, comme veuve du gén éral D e s ia in g , i 5 jours
(
1
4
après sa mort *.
Cet état de quiétude dura environ une anne'e. Mais les frères
et sœur Destaing, prévoyant que la fortune du général, qui leur
avait procuré une augmentation d’aisance, leur serait retirée dans
peu de leras , changèrent insensiblement le bon accueil qu’ils
a v a i e n t fait à leur belle-sœur; et une petite persécution commença
sourdement contr’elle.
L a mélancolie de la dame Destaing lui faisant préférer la so
litu de, on la représenta comme un être farouche qui méditait
des procès. Si, de loin en loin, quelques âmes sensibles venaient
du dehors pour la distraire , on supposait de l’intrigue et des
conseils. L a dame Destaing, sa belle-mère, fut séduite la pre
mière par ces insinuations désintéressées en apparence .- enfin ,
à force de persévérance vis-à-vis le sieur Desiaing, on parvint
à inspirer de la défiance à ce respectable père de famille : on le
rendit tout différent de lui-même.
L e premier résultat de cette de'iiance prit d’abord une direction
toute différente de celle qu’on avait voulu lui donner : le bon
tuteur n’avait point des entrailles de collatéral pour l’enfant de
son fils ; et la seule punition qui lui vint en idée contre la mère,
fut de faire enlever l’enfant pour le cacher à la cam pagne, en
prenant des précautions pour que la dame Destaing ne découvrît
pas sa retraite.
Mais ce n’était pas là le compte de la petite faction ennemie;
qui comprenait bien que ce procédé consolidait l’état de l’enfant
au lieu de le détruire.
Alors on parut compatir à la douleur d’une mère justement
alarmée. L a dame Delzons (égyptienne, et jusqu’alors très-liée
avec la dame D estaing), écrivit d’Aurillac à Joanni Nazo ce
qui se passait. Nazo partit su r-le-ch a m p ; ses plaintes furent
vives : de part et d’autre , il s’y mêla de l’aigreur. L a dame
* L e b re vet de celte pension est du 29 floréal an 10.^
�( i5 )
Destaing quitta Aurillac avec Nazo pour aller joindre sa mère
à Marseille; mais le sieur Destaing, son beau-père, ne voulut
jamais que Maria Destaing partît avec eux.
Joanni Nazo, personnellement maltraité dans une famille qui
ne lui semblait avoir ce droit envers lui sous aucun rapport,
suivit peut-être un peu trop son premier mouvement. D ’après
les conseils qui lui furent donnés, il fit rédiger un acte de noto
riété, par lequel les réfugiés Egyptiens qui avaient traversé la
mer avec la dame Destaing, certifièrent qu’elle était mariée au
Caire, et qu’elle avait donné le jour à une fille baptisée à Céplialonie, sous le nom de Maria; et muni de cette pièce, il fit
adresser un mémoire à l ’Empereur pour réclamer Maria Destaing.
Sa Majesté daigna y répondre par une note de sa main; et Son
Exc. le Grand-Juge en ayant donné avis au sieur Destaing père,
celui-ci ne mit aucun obstacle à rendre l’enfant qu’il avait relenu.
Mais aussitôt ses idées et son système changèrent. Ses enfans
profilèrent de cette circonstance pour s’emparer entièrement de
son esprit, et l’ envenimer contre la malheureuse étrangère qu’il
avait jusqu’alors chérie comme sa fille. Telle a été la source du
procès.
L a première hostilité vint des frères et sœur Destain^, et cela
était bien dans l’ordre. Ils firent saisir, entre li>s mains de leur
père, le mobilier et revenus de la succession du général, comme
prétendant être ses seuls héritiers.
Il eût été plus naturel d’assigner la veuve, dont ils ne pouvaient
pas méconnaître au moins les prétentions et la possession qu’elle
avait eue de son état dans leur propre maison. Mais celle lenteur
eut été trop douce; il fallait tout d’ un coup , par une saisie, lui
enlever les ressources que lui donnait la délibéra lion du con seil
.de famille. La dame Destaing fut donc forcée de prendre les voies
judiciaires; elle assigna , le 27 nivôse an 12 , le sie u r Destaing
père ( au tribunal de la Seine, lieu du décès), pour demander
remise de la succession , et une provision pour scs alimens, dont
on avait affocté de la priver.
�C 16 )
Cotte privation était inhumaine; mais la dame Destaing a été
heureuse de la s o u f f r i r . Dans le moment de sa plus grande dé
tresse, elle reçut de la munificence de Sa Majesté Impériale le
brevet d’une pension de 2,000 fr. au lieu de 520 fr. qu’elle était
jusqu’alors *•
que les héritiers Destaing ont attribué cet acte de
bonté à leur conseil de famille, qui, disent-ils, avait donné par
e r r e u r , à Anne Nazo, une qualité dont elle fit usage pour ob
tenir une pension ! Remarquons seulement que ce conseil de
famille est du 5 messidor an 10 , et que déjà le premier brevet
de pension était donné à Anne Nazo, comme veuve D esta in g „
plus d'un mois auparavant.
A u lieu de répondre à la demande de la dame Destaing,
C ro ira it-o n
ses adversaires introduisirent à Aurillac une procédure obscure,
qui prouve que tous moyens leur étaient bons pour multiplier
contr’elle les incidens et les ennemis.
Les frères et sœur Destaing assignèrent leur père à Aurillac,
en remise de la succession du général, comme s’ils ignoraient la
demande déjà formée par leur belle-sœur. Il répondit qu’Anne
Nazo prétendait à la même succession, et sur cela sa mise en
cause fut ordonnée. Cependant le jugement ne fut signifié qu’au
sieur Destaing père, le moins intéressé à le connaître ; et la dame
Destaing n’en a appris l’existence que long-tems après.
On lux laissait, pendant ce tems-la, obtenir un jugement à
Paris ; et ensuite on se pourvut en règlement de juges. L e procès
ne fut renvoyé ni à Paris ni à Aurillac : il le fut au tribunal de
Mauriac ; tout cela dura près de trois ans; et enfin la dameDestning recommença son procès à Mauriac, où elle était renvoyée.
* « M in is tè r e d u trésor p u b lic . — P a r i s , i 3 pluviôse an 12».
« A r t. i . er L a pension de
520 fr.
accord ée par arrêté du 29 floréal an 10 ^ à ’
« A n n e Nax>o , n ée en K g y p l e , veu v e d u s .r J a c q u e s - Z a c h a r ie D e s ta in g ,
* général de d i v i s i o n , mort le i
5
floréal an 1 0 , est portée à 2,000 fr. ».
* A r t. 2. L e s M in istres de la gu erre et du trésor public sont c h a r g é s , etc. ».
« Sign é N A P O L E O N ».
Là
�( . T7 )
L à on fît dire au sieur Destaing père , qu’il révoquait l ’aveu ,
qu’il avait fait de Cétat et possession de la veuve Destaing et
de sa fille. Il prétendit que c’était à elle à prouver son mariage et
la naissance de l’ enfant ; que lescertificats.de Marseille étaient
suspects et ne prouvaient rien. Il termina par dire qu’il ne cont
naissait d’autre enfant >de son fils , ;qu’un' enfant naturel, né
avant son déport pour l’Egypte ( tqu;e/l’çrn.disait;tantôt né aux
Pyrénées, tantôt d’une femme de P a r i s ^ Puisjilidemanda.à la
dame Destaing.une caution pour être ajlrçiisejà. plaider, comme
étrangère.
.'.icnri iioa sb lue: /r>
i
rl V oilà ce que les héritiersrDestaing osèrent suggérer ¡à ,leur
p è r e s a n s . égard" pourelaon\émoirei[du gérjéraJ;f et ainsi leur
animosité était telle contre sa veuve, qu’ils aimaient mieux ap
peler à la succession un inconnu, saris* n o ta , et auquel la loi
ne donnait ni titre ni qualité.'! o u;b :,[ . 'l.iui un n ■'<:i ... -•
Cependant la> dame Destaing. voulant .ne la'isSerj aucune sus
picion sur son certificat d ’é g y p t i e n s , et pouvant f o r t a is é m e n t
le s u p p lé e r p a r d es t é m o ig n a g e s f r a n ç a i s , r é u n it devant le juge
de p a i x de P a r i s , en la f o r m e le'gale d es a c t e s de n o t o r i é t é ,
sept citoyens distingués qui s’étaient trouvés au Caireien l ’an: 8 et
en l’an 9; 1.° l’ordonnateur -eh ch ef dé l’armée ; 2.« l’inspectéurgénéral aux revues; 3.° le chirurgien eri‘ chef de l ’armée; 4.0 un
général de brigade; 5.° le trésorier-général, de la dburonne;
6.° le directeur-général de l ’imprimerie .impériale; ,7.° un prêtre
égyptien, professeur de langues orientales.
« Ils attestèrent qu’Anne Nazo avait été unie religieusement
« au Caird, Suivant les rites(du pays;, et en légitim e mariage
« avec le général Destaing, dans le courant de l’an, 8 , par le
« patriarche d 'A lexa n d rie. Que l’acte de célébration n’en a v a i t
«
«
«
<i
pas été rédigé, parce que ce ri’étâit pas l ’usage : 'mais qi>e ce
mariage n’en'était pas moins constant, ayant été célébré en
présence d’ un grand nombre de militaires 'français, e t 'de la
plupart des déclarans. Que depuis cette célébration Anne
�( 1 8- 5
« 'Nnzo n’avait pas cessé d’ habiter eh Egypte avec son m a ri,
« qui l’a t o u j o u r s traitée comme son épouse légitim e ».
L a dame Destaing avait été privée de faire entendre M . le
général en chef de l’armée d’Egypte, et M. le général D upas,
alors absens ; le premier, comme gouverneur des départemens
a u - d e l à ' des Âlpes; le'sèiiond, comme gouverneur du château
de Stupinis; elle leur fît écrire pour leur demander Uvdéclarâtion.
de la vérité sur1son taaxiage, et reçut deux certificats attestant
avec la même force la’ connaissance personnelle que ces deux
généraux avaient de son mariage *.
.
L ’a<*.tërdenotoriëté fut hoimologfuép’a r l é tribunal civilide la
Seine/'sur •'le «¿apport d^uil jjngé/net stn>desi)conclusions‘:du
ministère public. •» :1‘ ' . t ■ •' ' 0"'n'
! |
yf
jde-cette pièce' importante, de son brevet de pension
et de l’acte de tutelle, la dame Déstaing crutison1 procès fini,
et se présenta à l’audiehcé de- Mauriac! Mais combien- ellej se
-, <K)t
. 1 'it' ^ rh b
r.M u n ie
—
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"
■
1
« J e d é c l a r e , au nom d e la v é r i t é et de l’ h o n n e u r, q u e , lorsque j e com
m and ais l ’ a rm é e d ’O r i e n t , en E g y p t e , M . le g é ü é r a l .D e s t a i n g s’ e^t m a r i é
4ta it venu>
m ’en f a i r e p a r t.. . . . . . . i J e m ’ engageai à y - a s s is t e r , ainsi q u ’ au repas
en l’an 8 a v e c rnademoiselléj A n n e N a z o . . . . . . ! » , . . L e gé n é ra l
qui eut lieu après le mariage. J e r e m p lis npa prom esse.. T o u t s ’ ij p a s s a
a v ec La p lu s grande rég u la rité sous les rapports c iv ils et r e lig ie u x ».
« À T u r i n , le' 18 juillet 1806 ».
1
« L e gé n é ra l M eno u ».
« J e cettifie q u ’ étant « l i e f dë b r i g a d e , com m an d an t la citad elle du C aire
sous les ordres'du général D e s ta in g , J ’a i eu> p a r fa ite e ts u r e c o n n a is s a n c e
d e s o n lé g itim e m a riag e a v e c m a d e m o iselle A n n e N a z o . . . . . . . J ’atteste
a v o i r eu des liaisons particulières a v e c b eaucoup de personnes très-dislinguées qui m ’ out dit a y o ir été p résen tes à ce m a r ia g e , qui fut cé lé b ré
p u b l i q u e m e n t . . . • •,............■ 1 c ,i ! i
« P a r i s , le 3o juillet 1806».
■*'L e g é n i a l D u p a s ».
�C *9 )
trompait ! L a cause' e û t été trôp simple avec le siéür Destaing
père; les frères et sœur voulurent plaider aussi; mais il sera
inutile de les suivre davis leur in terv èh tion , leur tierce oppo
s itio n , leur s a isie, le u rsincidens dé boute espèce : il suffit de
parler du jugement de MauriàC,'ydùl^ 3 raô'ûV 1807-, dont il est
nécessaire de préciser les dispositions p o ty r 5 l e s comparer avec
l ’arrêt postérieur de la Cour d’appekrii :
■s'[ •'' '
L e tribunal de Mauriac ne crut paà;dfevoir s*arrêter aux preuves
existantes ; il-lès jugea insuffisantes / ¿t‘ brtàoiiha que la dame
Destaing prouverait ,- i;©.«-Qu’íl'rñéát paá!d‘íiS¿ge?'á t r Caire et à
« Céphalonie de tenir des registres et faire deS âcres de mariage
« et de naissance; i2.°. qu’elle a été mariée au Caire, en l’an 8 ,
« avec le général Destámg J p a r le patriarche d'Alexandrie, avec
«r.le^ qérémQnieà.usitées-.dàiisile lie u $ 3î° qU’eïIé'a cohabité de« puiçiavio/îlejgénéraLi'Destaing jusqu’àvsoiv'iëtoùr''en-France;
tq u é .)d a n s n t9 u t ;lc e . t d m s e }lë a é t é / p u b li q u e m e n t r e c o h n u e
« p o p r fépbuàe. d u ¿éncfrdl DestaiingÇ’ 4 .0 q ù ’ ë llè est a c c o u c h é e h
c? C é p h a l o n i e ,, en n i v ô s e - a n 10 , M ’ u né fille p r o v e n u e d e c e m a cc.]riagQV J a q iie lle ia étf 3 n o m m é e ^Maria D e s t a i n g ».
^ ; ■-!
‘ - ïl'ÿ ’ eüt^'tië part-'et d’a^ti’ë^à^pél' dê^oe jugement ; V d a m e
Dëstaiftg>à’*n pl-aï^ nartf^ arè^ cj^ t'H ^ ujktíssáií»à ‘ une'*preuve
non-sedement? déjS'fàit’ë , M is « q u feïlé' I r u ï inutile/ j&isqu'éllè
avait une possession d’état émanée de°la famille Destaing elieTneme¿ Les hei'iliers Destàîng syen píaignirent aussi, en ce que,'
diâàieut-ils j l£ Gpdb'èiVilrié permet de prouver lës'mariages que
par écHt et par les iëg;istres deirétàt ci^il. 1
'
l<: ‘ >
Ge n’était point assez1 d’avoir accablé de'calomnies la dame
Destaing à A u r illa c , Mauriac et P aris, les héritiers Destaing
lui réservaient pour la Cour d’appel des imputations plus dures
encore. A ile s croire, elle n’ était qu’une prostituée dé la plus
vile cldsse, offerte au général par sa propre famille avant même
qu il eut sur ce point montré aucun désir j une grecque arliii-
6
�C 20. )
cieuse et rusée, qui avait su en impose* quelque tems à une fa
mille crédule ; ensuite, et'pour avoir le droit d’insister sur la re
présentation d’un acte civi], ils la transformaient en musulmane
échappée d’un harem , et la sommaient de représenter l’acte de
mariage que le Cadi avait dû rédiger. , . , j;i ,
• ;)|. ■
L a Cour,d’ap p el,.p ar arrêt du n juin 1808 , a cru-devoir/
dans une matière aussi importante , laisser subsister la preuve
ordonnée,. mais avec ¡des ¡motifs bien précieux pour la dame
Destaing, etflui prouvent que les magistrats, convaincus comme
hommes, ont.seulement voulu, ne négliger aucun moyen légal de
découvrir 1^ vérité. ^
g
j « ¡b
ob 'rm! <!.=)[) »
# ¡Cependant là preuvejôrdorinée à Mauriac n’a point été exigée
par la Cour avec autant d’étendue-.: «; La-Cour dft qu’il a été bien1
« jugé en ce que la/preuve testimonialë a été ordonnée, et néan^KJO^ips, réduisant l interlocutoire ^or'dcJnne!que-clans S i x môlS1
« A fiae Nazo fera pfguve;, tant’par titres, que par. témoins, deor vant lç$ premiei'sjjiges,. queipendàrit qué le général Destaing
« était en activité de service au Çaire, elle a .é té mariée avec lui
« publiquement et solennellement par, le patriarche d’Alexan« d rie, suivant le rit grec et s,u;,yant le^fp^mes-et usages.obîer« vés d an sle pays \ Vautorise a Jaire çn tendre les parens , tant
« d’elle.cjue du général Destaing»¡^insi (ÿiejçtuies]/es personnes
«
«
«
«
«
qui ont déjà donne des attestations par forme d’acte de no-:
toriéte, a-Marseille et à^Paris, ou des çertificats dans la
cause, sauf tous
¡reproches de droif;qui pourront être
proposés, et sur lesquels, les premiers juges'statueront, .sauf
preuve contraire; ordonne que les frères et sœur ^estaing
a rapporteront les deux lettres mentionnées en l’inventaire
« du 24 messidor an 10».
Les héritiers Destaing mçnaçnient de se pourvoir en cassation,
parce qu’ils attendaient la décision d une cause semblable sur
laquelle il y avait pourvoi contre Néphis D avid, Géorgienne,
�( 21 )
mariée en E gypte avéc M . le général Faultrier * ; aussi ont-ils
retardé l’exécution de l ’arrêt par m ille chicanes plus absurdes les
unes que les autres.
A Paris ils arrêtent brusquement l ’enquête, en disant que le
président de Mauriac n’a pas pu donner une commission rogatoire. L e juge-commissaire ne voulant pas juger ce grave procès,
le renvoie à M a u ria c, et Mauriac le renvoie en la Cour. L à ,
•vaincus dans leur misérable incident par la simple lecture du
texte de la l o i , ils osent bien s’opposer à une prorogation du
délai qu’ils ont consumé eux-mêmes en chicanes ; mais la Cour
en fait justice, et, par arrêt du 12 décembre 1808, elle autorise
le président de Mauriac à donner les commissions nécessaires,
renouvelle le délai d’enquête, et punit les héritiers Destaing
par une condamnation des dépens faits à Riora , à Mauriac et à
Paris. Pendant tout ce délai, les témoins appelés à Paris ont été
renvoyés sans être entendus.
Enfin les enquêtes se font, l ’une à M arseille, une autre à
autre à A u r i l l a c , et u n e dernière à M auriac ; mais
l ’obstination des héritiers Destaing ne se lasse pas. L ’enquête de
Paris est.rem arquable, sur-tout par la verbalisation continuelle
de l’un des héritiers Destaing, q u i, sans exagération , y parlait
plus que les témoins et le juge ; à chaque mot il avait des obser
vations faire écrire, ou des questions nouvelles à adresser aux
P a r is , une
*
L a C o u r de M e t z a va it or d o n n é q u e N é p l i i s rapporterait s eu le m en t
un acte de n o t o r i é t é , constatant q ue les chrétiens grecs ou rom ains q u i se
m arient à G i z é , piès le C a i r e , ne sont pas dans l’ usage de faire constater
leurs mariages sur des registres publics.
L e s héritiers attaquèrent cet arrêt par le m o tif q u e des ordres cUi jour
p u b liés en E g y p t e , en l'a n 6 , exigeaient q ue tous les a c t e s ,
e n t r e
F ra n ça is
et E g y p t i e n s , fussent reçus par les com m issaires des guerres.
L a C o u r de cassation a d é c id é q u e ces ordres du jour étaient sans a p
plication ; que l’ acte de notoriété était su ffisa n t, et avait été lég alem e n t
o r d o n n é 5 e n c o n s é q u e n c e , le po urv oi a été rejeté le 8 ju in 1809.
�( 22 )
témoins; et quelles questions encore!.....(S i en Egypte il n’est
pas reçu qu’on se marie pour un lems.....S’il n’est pas vrai que
les Turcs c o u p e n t la t ê t e aux femmes qui ont commerce avec
le s E u r o p é e n s ,.... e t c . , e t c . )
bien, toutes ces billevesées •sont fidèlement écrites dans l’en
quête de Paris , renouvelées ad libitum , et suivies à chaque
nouvelle déposition, de questions plus absurdes encore. M . le
juge-enquêteur avait la bonté de tout entendre.
Eh
A Marseille, il n’y avait pour les héritiers Destaing qu’un
fondé de pouvoir ; et soit qu’il n’osât pas se permettre toute cette
verbalisation, soit que les juges méridionaux soient moins'patiens que ceux de la capitale, l’enquête s’est faite en la forme ordi
naire, et ce sont les témoins qui y occupent la plus grande place.
Cependant à Marseille, comme à Paris, on ne manque pas
de faire insérer des reproches contre chaque parent, et contre
chaque témoin qui déjà avaient donné des attestations (m algré
l ’arrêt de la Cour, qui autorise expressément leurs dépositions).
Malgré toute cette obstination les enquêtes se parachèvent;
des témoins distingués rendent compte de ce qu’ils ont vu et
entendu. Il résulte de leurs dépositions une preuve aussi complète
qu’il était p o s s ib le de l’attendre après ce qui avait été produit
avant les interlocutoires.
' i
L es deux enquêtes de la dame Destaing sont composées de
dix-sept témoins entendus a Paris, et dix entendus à Marseille.
Pour ne pas être diffus, en suivant le détail d’un aussi grand,
nombre de dépositions, il faut les rapporter à trois faits prin-,
ripaux : i.° la fête nuptiale ; 2.0 la cérémonie de l ’église:; 3.° la
notoriété du mariage.
M M i les généraux L a grange, Duranteau et B ertran d ;
M M . S a rielo n , secrétaire - général du ministère de la guerre;
1.0
M arcel, directeur-général de l’imprimerie impériale; C lém ent,
négociant; L a rrcy , médecin ; A n n a Obadani, ancien commis
saire de police au C a ir e , ont déposé avoir assisté au repas de
�( *3 )
: noces : les sieurs D u f é s , T u îim g i et M is c k , parens d’Anne
N a z o , le déposent aussi. Ces témoins y ont vu encore M. le
général en chef M enou ( décédé pendant le procès ) , et plusieurs
prêtres grecs. M . D a u re, commissaire des guerres, dit y avoir
été invité , mais que son service le retarda, et qu’il vint après le
dîner. On ajoute que ce fut la fê t e la plus solennelle qu’on eût
vue dans le pays.
2.0 L a célébration ecclésiastique est l’objet de treize déposi
tions. Le général Destaing avait com m uniqué son mariage à
tous les dignitaires de son armée. Il y avait eu des billets d 'in c i
ta tio n ; et M. Sartelon dit même qu’il croit avoir vu l’annonce de
ce mariage dans la gazette du Caire.-MM. Lagrange et Larrey
déclarent avoir reçu une invitation du général Destaing. Leur
service les empêcha d’arriver assez tôt. M. Larrey dit qu’il arriva
lorsqu’on sortait de l ’église, et qu’il s’excusa auprès du général
sur son défaut d’exactitude. D o n M o n a ch is, les s.rs Tak et V id a l
déposent que plusieurs témoins oculaires , qu’ils nomment, leur
ont dit avoir assisté à celte célébration dans l'église Sain lJSicolas. L e sie u r C ha m , a n c i e n interprète de M . le prince de
Keufchûlel, déclare avoir vu les préparatifs de la fête sur la
place A tabel-el-Zargua. Les sieurs O bad an i, commissaire de
police; R o s e tte , bijoutier, étaient présens à la célébration du
m ariage, f a i t e par le patriarche d ’ A le x a n d r ie , dans la même
église. Les sieurs Joseph D u fé s , Joseph T u tu n g i , Ibrahim
T u lu n g i, Sophie M isck et Joseph M isck déposent également
avoir assisté à cette célébration fa ite par le patriarche, avec
les rites observés par les Grecs, le jour des rois de l’église grecque,
ou 17 janvier; ils ajoutent que le colonel N icolas P ap as Oglou
était le parrain.de la mariée, suivant l’usage. L e sieur Barthélem i Serra dit avoir été in v ité à cette cérémonie par le général
Destaing, mais n’avoir pas accepté, parce qu’il ¿lait broutll^
avec la famille Nazo; il ajoute que le général Destaing lui d i t ,
avant son mariage, qu’il serait célébré suivant le rit grec , et
qu ensuite il lui dit que son mariage avait etc ccléoré par le
�( 24 ) '
patriarche g r e c , selon le rit grec; qu’il avait voulu se conformer
à l?usage du pays.
3 .° Quant à la notoriété, il serait oiseux d’énumérer les té
moins qui déposent que le mariage était public au Caire ; il est
plus sûr de dire, sans craindre de se tromper, que tous les té
m oin s, sans exception, attestent que toute la ville du Caire
regardait ce mariage comme légitime ; et pre'cisdment tous ces
militaires français , qu’on a peints comme ne s’occupant des
femmes que pour les déshonorer, sont ceux qui altestent le plus
fortement que personne ne d o u ta it , au Caire et à Varmée , de
la légitim ité de ce mariage.
\
L es héritiers Destaing ont fait de leur côté deux enquêtes ,
l ’une à A u rillac, composée de trois témoins, et l’autre à Mau
riac, de deux témoins.
A A u rilla c , ce sont le sieur Delzons père et la dame Delzons
Sa belle-fille, cousins des héritiers Destaing, et une demoiselle
Françoise Gronier. L e sieur Delzons père, qui n’a rien vu , rap
porte seulement deux conversations : un jour, à Paris , le géné
ral Destaing causant avec sa belle-fille, lui disait que sa femme
pouvait être mariée, mais que lui ne l’était pas; le sieur D e l
zons ajoute qu’il fit cesser ce lle plaisanterie. Un autre jour, a
Paris, le général D e lz o n s , son J ils , lu i dit qu’il y avait eu
dans la maison Nazo une cérémonie religieuse à laquelle il
avait assisté.
L a dame Delzons, née Varsy, déclare n’être arrivée au Caire
que le 3o nivôse an g , et on lui dit que la veille on avait conduit
A nne Nazo chez le général, à l ’enlrée de la nuit, sans cérémonie
ni fêle; qu’il y eut une fête ensuite, mais pour le baptême de son
enfant, et qu’Anne Nazo y occupait la place de maîtresse de la
maison. Elle ajoute que cependant elle a ouï-dire que le jour
qu’ Anne Nazo avait été conduite chez le général Destaing, il y
avait eu une cérémonie religieuse qui avait été fa ite par le
patriarche d ’A le x a n d r ie , à laquelle peu de personnes avaient
assisté.
Jusque
�( 25 )
J u sq u e-là on voit que la dame Delzons se tient en mesure
pour ne dire que le moins possible. Mais le juge l’interroge sur
son opinion particulière, et elle termine par clive qu’elle croit
qu’on regardait au Caire Anne Nazo comme épouse légitim e
du sieur Destaing, et que pour e lle , elle la croyait jem m e du
général D e s ta in g , et lu i rendait les honneurs attachés à ce
titre.
L a demoiselle Gronier, fille, à ce qu’il paraît, fort curieuse, et
qui n’oublie rie n , dépose s’être trouvée à Lyon lorsque le général
Destaingarriva d’Egypte : elledînaavec lui. L ’occasion de parler
de son mariage venait si naturellement, qu’elle ne la laissa pas
échapper. Elle ouvrit donc la conversation, comme c’était tout
simple, et parla de cette belle Grecque qu’il avait épou sée , que
tout le monde le d isa it, que sa famille en était instruite, etc. L e
général, qui avait pei'du en Orient l’habitude de cette loquacité
du sexe , lui répondit seulement : E lle est passée d’un côté et
tnoi de l ’autre. P u i s il se tut sans m is é r ic o r d e . M a i s la d e m o i s e l le
G r o n i e r t i r a , à c e q u ’e lle d i t , p lu s ie u r s c o n j e c l u r e s du mouve
m e n t de ses d o ig ts , quand il indiquait deux côtés opposés; e t ,
ne pouvant plus rien dire sur ce chapitre, elle parla sur d’autres
qu elle juge inutile d’être racontés. Lorsqu’ensuite la dame
Destaing lut \enue a Aurillnc , la demoiselle Gronier (p a r une
prescience du procès actuel), poussa le scrupule jusqu’à demander
a la dame Destaing s 'il y avait des registres de mariage au Caire,
et la dame Destaing lui répondit encore qu’elle croit avoir vu le
prêtre écrire dans un gros livre. E n fin , passant aux ouV-dires, la
demoiselle Gronier a entendu déclarer , par madame D e lz o n s ,
fem m e du gén éral, qu’Anne Nazo avait été mariée , ET que son
mari ( le général D e lz o n s ) y é t a i t p r é s e n t . ( V o i l à l’abrégé
de la déposition de la demoiselle Gronier, que les héritiers Destaing prétendent leur être fort avantageuse ).
Les deux témoins de Mauriac disent fort peu de choses, quoiqu ils fussent dans la maison du général, lors de son mariage.
L ’uu était son palfreuier au Caire ; le cuisinier lui dit qu’oa
7
�( 46 )
avait mené une femme chez le général : et il n’en sait pas
davantage pour ce jour-là. Ensuite il a vu un grand repas où
étaient le général M enou et tout Üétat-major. Cette femme y
était a u s s i , il l’a entendu appeler Madame D estaing.
L ’autre était un militaire travaillant comme menuisier chez le
g é n é r a l . On lui dit aussi qu’on menait une femme, et il courut
p o u r la regarder : mais il ne vit pas sa figu re, parce qu'elle
était voilée; elle était accompagnée par une autre femme ; et il
vit plusieurs esclaves de son escorte, restés dans la cour; alors,
craignant d’être aperçu, il se retira.
Il paraît que ce n’était pas pour ces détails-là. qu’on avait
appelé ces témoins; mais, pour que leur témoignage ne fût pas
tout à fait inutile, les héritiers Destaing leur font demander s’ils
ont vu des mariages en Egypte. Tous deux déposent en avoir
vu un : la mariée était sous un dais, précédée de musiciens
montés sur des chameaux.
V o ilà en total le résultat des enquêtes; et on voit que l’en
quête contraire ne fait que confirmer pleinement l ’enquête
d irecte, loin de la détruire.
Aussi les héritiers D estaing, comprenant fort bien que, sous
ce point de v u e , leur cause devenait insoutenable, ont-ils voulu
tourner tous leurs efforts du côté de l’acte civil du mariage.
E n rendant compte de l’enquête de Paris et de Marseille ,
on n’a Pas dit qu’a chaque déposition les héritiers Destaing
faisaient expliquer les témoins sur la tenue des registres de
l ’état civil en Egypte, quoique cet article fût exclu de la preuve
par l’arrêt de la Cour.
Mais plus cette partie était obscure, et plus les héritiers
Destaing y ont fondé d’espérances. Cependant ils n’ont eu rien
à y gagner dans les enquêtes; car si quelques témoins ont dit
qu’il existait des registres, c’est avec l ’explication très-lum i
neuse de la différence des eglises. Ainsi les héritiers Destaing
n’avaient encore rien éclairci qui ne leur fut contraire.
L e procès des héritiers Faultrier leur a fourni d’autres res-
�( *7 )
sources; ils ont su que cette famille avait fait venir du consul
d ’Egypte des certificats sur la tenue des registres civils, et aussitôt
ils s’en sont procuré une copie légalisée à Metz.
Ces certificals émanent, à ce qu’ils disent, du préfet et du
patriarche des prêtres grecs ca th o liq u es, et du supérieur de la
m ission.
L a dame Destaing, qui n’avait jamais ouï parler au Caire
des personnes dénommées en ces certificats, et qui avait de
grandes raisons d’en suspecter la véracité, n’a eu à consulter
aucune personne plus sure et plus instruite que don R aphaël
Monachis , l’ un des témoins de son enquête , prêtre grec
catholique rom ain, appelé de l’Egypte par Sa Majesté Impériale
pour être professeur de langues orientales à la bibliothèque
impériale.
Don Monachis avait été envoyé d’Egypte à Rome pour faire
ses éludes. Revenu au couvent des Druses, sur le M o n t-L ib a n
(résidence du seul patriarche grec, reconnu par l’église de Rom e),
il reçut la mission d’aller au Caire, remplir les fonctions de curé
catholique, ou premier vicaire du patriarche grec catholique,
jusqu’à ce qu’il en eût obtenu la permission de venir en France.
Ce lettré a parfaitement expliqué aux conseils de la dame
Destaing l’ équivoque que ces certificats pouvaient produire aux
yeux de ceux qui ignorent la différence qui existe entre les
prêtres latins ou catholiques, et les prêtres grecs schismatiques.
L e s prêtres catholiques qui ont reçu de l’instruction tiennent
en Egypte des registres qu’ils signent pour eux seuls, parce que
l’Etat ne les reconnaît p o in t, et encore cet usage est-il récent;
mais les prêtres du schisme grec élevés dans le pays , et n’y
recevant aucune espèce d’instruction, ne tiennent jamais de
registres.
V oilà ce qu’a dit don Monachis dans une attestation notariée,
que les conseils de la dame Destaing ont désiré obtenir de lui
comme garantie d’un simple fait historique, qui eut pu paraître
apocryphe dans la bouche d’une partie intéressée.
3
�( 28 )
C ’est ainsi qu’ il fallait être en garde contre les embûches sans
cesse renaissantes des héritiers Destaing. Enfin ayant épuisé
toutes leurs ressources , il ne leur restait que celle de faire tomber
les enquêtes, et ils ont bien osé conclure devant le tribunal de
.Mauri ac à ce qu’il se désistât de Vinterlocutoire ordonné par
l ’arrêt de la Cour. Ils ont reproché les témoins de Marseille
comme transfuges et incapables de témoignage , et ils ont pré
tendu avoir prouvé qu’il existait des registres de mariage en
E g y p t e , d’où ils ont conclu que la dame Destaing ne pouvait
se dire épouse légitime tant qu’elle ne rapporterait pas l’acte
civil de son mariage. Et enfin ils ont demandé qu’elle res
tituât les objets à elle fournis pendant la tutelle de leur père ,
avec défenses à elle et à sa fille de porter le nom Destaing à
l ’avenir.
Ces derniers efforts de la chicane expirante ont eu le sort qu’ils
méritaient ; et, par un jugement du 14 août 1810, parfaitement
motivé , le tribunal de M au ria c, convaincu de l’ extrême évi
dence des preuves, a reconnu Anne Nazo pour épouse légitime
du général Destaing, et Marie Destaing pour l ’enfant légitime
né de ce mariage.
L a voie de l’appel était encore ouverte aux héritiers D estaing,
et ils ne l’ont pas négligée. Veulent-ils encore se venger de la
vérité par des outrages ? Mais il n’est plus tems de répéter un de
ces romans diffamatoires , dont l ’imagination fait tous les frais ÿ
qu’elle arrange avec art et prestige pour que l’incertitude soit
forcée d’hésiter entre le mensonge et la réalité. Aujourd’hui tout
ce qui s’est passé au Caire est connu ; les faits, les nom s, les
qualités , les usages, sont constans ; la dame Destaing aurait
d me rigoureusement rempli sa tâche , en faisant un détail
e^act de ce qui résulte d’un aussi long procès; mais elle est
forcée de parcourir encore le cercle des objections dans les
quelles les héritiers Destaing ont semblé mettre encore un peu
de confiance.
�( ¿9 )
MOYENS.
Lorsqu’ un étranger se dit malheureux dans une patrie qui
n’est pas la sienne, les esprits durs ou superficiels sont quelque
fois disposés à lui reprocher d’avoir abandonné le sol qui l’a vu
naître; on scrute les causes de son émigration , on les voit rare
ment du meilleur côté, et on se roidit contre ses plaintes. C ’est
ainsi qu’une sorte de prévention nationale repousse l ’étranger
en réclamation jusqu’à ce que l’évidence de ses droits soit en
traînante, et alors l’indifférence même se sent portée à consoler
l ’être malheureux qui a eu tant de peine à laire apercevoir la
vérité.
Mais si cette vérité est si lente, le vulgaire, dans sa curiosité
d’un moment, a-t-il toujours le tems de l ’attendre? Avide de
tout ce qui rompt la monotonie de ses habitudes , l’esprit du
inonde s’empare des événemens extraordinaires pour les juger
avec la promptitude q u i convient à la mobilité de ses sensations.
Si l’art a mis quelque adresse à arranger une calomnie avec des
élémens merveilleux et tant soit peu vraisemblables , malheur à
la victime , car le monde a une prédilection marquée pour ce
qui s’éloigne du cours ordinaire des actions de la vie. Enfin le
tems ramène tout à la conviction et à la justice ; car lui seul est
la puissance capable de dévorer la calomnie et d’éteindre la
curiosité.
Cependant ce bienfait du tems n’est pas toujours un résultat
assuré. Le nuage de la calomnie est quelquefois tellement épais que
l ’opinion ne cherche plus à le percer. Heureusement les m a g i s
trats ne se décident point comme le vulgaire.; fermant les yeux
au prestige qui pourrait les persuader sans les c o n v a i n c r e , dé
daignant les narrations intéressées qui pourraient les séduire, eux
seuls appellent le tems au secours de la vérité, et forcent 1 opi
nion a proclamer qu’elle n’avait été crédule que par lassitude ou
indifférence.
�(
3o
)-
C ’est line grande consolation sans doute pour la dame Des
taing, d’avoir pu prouver son état avec plus de clarté qu’elle
ne pouvait l’ e s p é r e r à un aussi grand éloignement de sa pairie;
mais qu’elles ont été longues ces années de procès ! et qui jamais
la dédommagera de la cruelle anxiélé où une ligue obstinée s’est
plu à la tenir depuis l’an 11 ? L e vaincu , n’en doutons p as, s’ap
plaudira encore intérieurement du mal r é e l qu’il aura fait, alors
même qu’il sera réduit à l’impuissance de l’agraver.
Cependant les hostilités n’ont point cessé encore; l’évidence ne
peut arracher aux héritiers Destaing l’aveu de leur conviction:
ils s’écrient encore qu’il n’y a point eu de mariage; que les en
quêtes doivent être rejetées, et qu’il faut des registres de l’état
c i v i l , parce qu’ils disent avoir constaté leur existence.
Les enquêtes doivent être rejetées! Voilà bien le cri forcé de
la crainte; et pourquoi le seraient-elles, si la Cour les a jugées
nécessaires?
L a loi, disent les héritiers D eslain g, ne s’oppose pas à ce que
le juge s’éloigne de son interlocutoire; cela est vrai, lorsque des
preuves écrites sont venues éclaircir ce qui était d ’abord douteux.
Mais quelle lumière nouvelle ont donc apportée les héritiers Des
taing? quelles preuves inattendues m o n t r e n t - il s d e la fausseté du
mariage que tant de témoins attestent? A u c u n e ; absolument
aucune : la cause est donc dans le même état qu’elle était lorsque
la Cour a ordonné une preuve. Ainsi on ne peut comprendre
quel esprit de vertige les a poussés tout d’un coup à demander
à un tribunal de première instance le rejet d ’ un interlocutoire
o r d o n n é par arrêt de la Cour.
L ’arrêt subsiste, et il est pleinement exécuté: la preuve est
co m p lète. U n e
foule de témoins du premier rang parlent de la
célébration du mariage et des fêtes données pour le rendre
plus solennel : l e s uns étaient témoins oculaires des f ê t e s , les
autres témoins oculdircs de la célébration, d autres étaient in
vités et n’ont pu être présens à tout; d’autres enfin ont seulement
oui'attester la célébration j mais cette attestation leur avait été
�( 3 1 }
'donnée par des personnes présentes qui n’ont pu être appelées
à l’enquête. Ce ne sont point là de ces ouï-dires vagues dont
la source est inconnue , et qui ne méritent aucune confiance :
ajoutons les attestations de M M . les généraux Menou et Dupas,
et de tant d’autres témoignages précieux dont la dame Destaing
a été privée. Comment la passion empêcherait-elle ses adversaires
eux-mêmes de convenir qu’il résulte de cet ensemble un corps
de preuves tellement p a rfa it, que la mauvaise foi peut seule
feindre un doute qu’elle n’a pas?
On ne peut pas dire que ce corps de preuves soit altéré le
moins possible par les enquêtes contraires. Il faut dire plutôt
que ces enquêtes aident à la conviction ; elles indiquent ellesmêmes que le général D elzo n s * était présent à la célébration
du. m ariage, et achèvent de démontrer combien l’opinion, sur la
légitimité de ce m a ria g e, était certaine pour ceux-là même qui,
dans l’arrangement de leurs dépositions, marquaient la volonté
d’être favorables aux h é r itie r s Destaing.
I l s l e c o m p r e n n e n t p a r fa ite m e n t ; m a is ils ose n t a t t a q u e r lin e
e n q u ê t e e n t i è r e , p o u r la fa ir e t o m b e r en m a s s e p a r la p lu s au
dacieuse des tentatives. L ’enquête de Marseille est composée
d ’Egyptiens qui y habitent depuis le retour de l’armée ; et les
héritiers Destaing ont osé dire que ces transfuges étaient in ca
pables de témoignage.
Celte injure irréfléchie pouvait-elle s’adresser à des individus
qui vivent depuis dix ans sur le sol Français, et avec des pen
sions du gouvernement? L ’Empereur a-t-il mis sur leur front
un sceau de réprobation qui les avilisse, lorsqu’au contraire il
leur accorde asile et protection? et celte protection auguste
ne les met-elle pas au pair des autres citoyens ?
Comment ont mérité celte dure qualificaiion des hommes qui
A u j o u r d ’h u i in d iq u é par les héritiers D estain g c o m m e a yan t d ém e n ti
par écrit c e q u ’ il a dit à son père et à sa fem m e .
�( 32 )
I
n’ont été coupables que d’attachement à la France? V ivant
sous un joug de fer en E g y p t e , à cause de la difference de
leur religion, ils avaient dû regarder les Français comme des
libérateurs-, et s’e'taient prononcés pour leur cause. Pouvaient-ils,
au départ de l’armée, se liv re ra la vengeance des Ottomans?
et la France n’acquitte - 1- elle pas une dette sacrée en leur
donnant un asile? Elle ne leur a imposé aucune condition. Ils
étaient Français en Egypte : pourquoi ne le seraient-ils pas en
France? Sont-ils donc des transfuges, ceux q u i, séparés de leurs
familles, et accoutumés par des mœurs simples à l’amour de la
patrie * , pleurent encore l’Egypte où ils n'ont plus l’espoir d’aller
mourir ?
Nos lois sont hospitalières, et on les calomnie. L ’art. i 3 du
Code Nap. dit : quê « l’étranger qui aura été admis par le gou« vernement à établir son domicile eu F iance, y jouira des
« droits civ ils , tant qu’il continuera d’y résider ». O r , suivant
l ’art. 25, on n’est incapable de porter témoignage que lorsqu’on
a été privé de ses droits civils. Une législation aussi claire
devait fermer la bouche aux héritiers .D estaing, et épargner
aux Egyptiens, devenus Français, un reproche brutal, et d’autant
plus inutile à la cause, que l’arrêt de la Cour avait supposé ces
réfugiés capables de témoignage.
Ce n’est pas tout encore pour les héritiers Destaing de récuser
par un moyen général tous les témoins d’une enquête; il en reste
* « L o r s q u e M . M a ille t était consul au C a i r e , les J é s u ite s persuadèrent
a à la cour d e F ra n c e de faire ve n ir à Paris des ctifaus de Coph tes pour
c les é l e v e r a u x collèges de L o u i s - l e - G r a n d . O n d ev ait les instruire dans
k la foi ^ et les r e n v o y e r convertir leur nation s c h é m a ti q u e . A force d ’a r« gent on obtint le consentement de quelques pères extrêm em ent pauvres :
« mais lorsqu’ il fallut se s e p a r e r ,
la tendresse se réveilla dans toute sa
« f o r c e , et ils aim è re n t m ie u x retom b er dans la misère que d ’ acheter un
« état d ’aisance par un sacrifice qui coûtait trop à leur cœ u r». ( S a v a r i ,
sur l’E g y p t e , lettre 1 4 } '
uno
�( 33 )
une autre composée de généraux et d’hommes respectables, qui ,
ayant la confiance du gouvernement, ont contenu les héritiers
Destaing dans leurs apostrophes.
Mais leurs ressources ne sont pas épuisées.
Ne trouvant pas de témoins qui voulussent dire qu’il n’y avait
pas eu de mariage, les héritiers Destaing ont conçu l’idée de se
faire écrire une lettre qui leur racontât de point en point, et àb
o v o , tout ce qui s’était passé au Caire , à Tarente, à L y o n , à
Aurillac et à Paris.
Mais de quel nom se servir pour cette lettre? Ils n’en ont pas
vu de plus convenable que celui du général Delzons, leur cousin,
ancien ami du général D esta in g , qui certainement a tout v u ,
mais qui depuis l’an 10 avait gardé une neutralité dont aucune
des parties ne pouvait le blâmer.
C ’est de lui qu’on produit une lettre de six grandes pages, si peu
d accord avec la loyauté de ce militaire, qu’il est difficile de croire
a sa réalite. Plus on la lit,' et plus on est c o n v a i n c u que c’est une
véritable in j u r e fa ite à c e g é n é r a l , de lu i imputer un écrit p a r e i l .
O n lit d a n s c e tte l e t t r e , d a té e d u 1 7 j a n v i e r 18 09 ( et q u ’on a
signifiée comme pièce du procès ) , que M . Delzons s’accuse
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison du sieur Destaing
p è r e , après la mort du général, pour recevoir les secours hospi
taliers dus au m alheur; mais qu’il est faux qu’il y ait eu aucun
mariage entr’elle et le général Destaing.
Cette lettre atteste qu’il n’y a eu entr’eux qu’«« arrangement
oriental ou un mariage à tems *. L ’auteur s’y rappelle parfaite-
L e s enquêtes p r o u v e D t q ue les m ariages à tem s n ’ o n t lieu q u ’ entre les
m u su lm an s. L e C a d i v e n d une perm ission d e v i v r e p e n d a n t 11» tems d o n n é ,
a v e c la fe m m e q u e l’on a choisie ; la p o lice e x ig e cette fo rm alité : et les
e ngagem ens de c e ge n re sont en parfaite c on cord an ce a v e c la religion do
M a h o m e t , qui ad m e t la pluralité des fe m m e s. « E m p l o y e z vos richesses a
* vous procurer des épouses chastes et vertueuses. D o n n e z la dot prom ise
« suivant la loi. C e t en gagem en t a c c o m p l i , tous les accords q u e vous ferez
* e n s e m b l e , seront licites ». ( K o r a n , ch . 4 , v . 29)*
9
�( 34 )
ment du jo u r et de Vheure où Anne Nazo est entrée chez le g é
néral Destaing, et du jo u r de sa sortie ( au bout de dix ans ).
Puis vient une plaidoierie en forme sur le résultat des ordres du
jour de l ’a r m é e , relativement à la tenue des registres prescrits
aux commissaires des guerres. Tout y est avec ses dates et des
e x e m p l e s . L a lettre est terminée par un démenti formel au cer
tificat du général en chef Menou, pour avoir dit que lui Menoii
avait assisté au mariage, et que tout s'était passé avec la plus
grande régularité , sous les rapports civils et religieux .
Non , un général français n’a point écrit cette lettre; on abuse
de son nom pour tromper la Cour.
Un général français n’a point démenti son chef, qui a donné
un certificat au nom de la vérité et de l'honneur. Il n’eût point
attendu la mort de ce chef, pour faire à ses mânes la plus san
glante des injures.
Non , le général Delzons n’a point écrit qu’il n’y avait eu
qu’un arrangement oriental fait avec l ’accord des parens Nazo,
lorsque vingt-cinq témoins disent le contraire, lorsque M . D el
zons, son p è r e, a déposé que
le gén éral D elzon s
,
son f i l s
,
q u 'il y avait eu une cérém onie relig ieu se ,
A l a q u e l l e i l a v a i t a s s i s t é ; lorsque Françoise Gronier a
déposé que madame D e lzo n s, fem m e du gén éral, lu i avait dit
q u’ jdnne Nazo avait été mariée avec le général D e sta in g , et
LUI
AVAIT
DI T
Q U E SON M A R I Y É T A I T P R É S E N T .
L e général Delzons a encore moins écrit qu’il s’accusait
d’avoir introduit Anne Nazo dans la maison de son beau-père,
à A u rilla c , pour recevoir des secours hospitaliers ; car le gé
néral Delzons est membre du con seil de fa m ille , du 5 messidor
an i o , qui défère à l ’aïeul la tutelle de Maria Destaing, comme
f ille légitim e de son fils.
C ’est dans ce procès-verbal que le général Delzons a dit la
vérité ; là i l cl écrit et signé que le général Destaing a laissé
une f i l l e légitim e provenant de son mariage avec A n n e N azo.
Voilà
seulement ce quç le général Delzons a
di t
en présence
�( 35 )
de la justice et d’une famille entière; et cela est incompatible
avec ce qu’on suppose émané de lui, après dix ans de neutralité
et d’un oubli inévitable des faits , des dates et des détails. L a
lettre qu’on lui attribue n’est donc qu’une injure faite à la loyauté
de ce général, qui la désavouerait, n’en doutons pas, s’il était
instruit qu’on abuse ainsi de son nom.
Mais c’est trop s’arrêter à une pièce qui n’est au procès que
pour attester que les héritiers Destaing emploient toutes sortes
de voies pour calomnier et persuader; comme s’ils s’attendaient
que la C our, après avoir rejeté une masse d’attestations authen
tiques, aura plutôt confiance dans le certificat intéressé, informe
et isolé, fait sous le nom dHin parent qui lui-même avait attesté
légalem ent le contraire de ce qu’on lui fait dire.
Les enquêtes restent donc dans toute leur force, et il serait
superflu de s’y appesantir : leur simple lecture opère une con
viction tellement entraînante , que les commenter serait les
affaiblir.
C’est à ces enquêtes seules que la Cour a réduit toute la cause,
en modifiant l ’interlocutoire ordonné par les premiers juges , qui
avaient exigé de plus la preuve de l’existence ou non existence
des registres de l’état civil au greffe.
Cependant les héritiers Destaing se confient encore dans cette
partie de leurs objections. Ils n’ont pas perdu l’espoir de faire
adopter par la Cour ce qu’eHe a rejeté, et ils veulent astreindre
la dame Destaing à rapporter un acte de mariage tiré des registres
de l’état civil.
C a r, d isent-ils, il existe des registres en Egypte : nous le
prouvons à l’aide des certificats délivrés aux héritiers Faultrier.
D ’ailleurs les ordres du jour de l’armée exigeaient que tous les
actes fussent reçus par les commissaires des guerres, pour être
valables; vous avez dû vous y conformer.
Que sont les ordres du jour de l’an 6 et de l ’an 7? Leur début
( l ’armée est prévenue, etc. ) prouve seul qu’il ne s’agissait pas
d’une loi générale pour l’Egypte. Et comment oser sans ridicule
10
�( 36 )
Supposer que la légitimité des mariages et le sort d’une province
auront été r é g lé s au son du tambour par une proclamation faite
sur une place d’armes, vraisemblablement fort peu fréquentée
des indigènes?
Qu’on ouvre lçs journaux du tems, et ils apprendront que
l ’E m p e r e u r allant vaincre comme César, laissait au vaincu ses
lo is , ses usages et sa croyance ; parlant du Christ aux Grecs , e t
du Dieu de Jacob aux M usulmans, tout, excepté son épée, a
été concorde et tolérance.
Ses successeurs ont suivi son exemple et ses ordres. « N ous
a avons respecté, dirent-ils aux Egyptiens, en se préparant à
« les* quitter, vos mœurs, vos l o i s } vos u s a g e s . . . . » Et le
Divan du Caire a remercié officiellement le premier C o n s u l, en
l’an 9, de ce respect pour les mœurs de l’Egypte , en lui expri
mant , avec l’élévation orientale, une juste reconnaissance.
Des ordres du jour n’ont donc pas été une loi générale, faite
pour changer les habitudes de l’Egypte sur la forme des ma
riages. C ’e st, au reste, ce qu’a expressément jugé l’arrêt de cas
sation des héritiers Faultrier , et ce qu’avait déjà préjugé la Cour
en n’exigeant de la dame Destaing que la preuve de son mariage
suivant les formes de son pays.
Que sont encore ces certificats égyptiens présentés par les hé
ritiers Faulli’ier, et que les héritiers Destaing s’approprient? II
suffirait de leur répondre que ces copies sont dans le procès actuel
une pièce étrangère, et que n’étant pas prises sur l’original, dans
les formes légales, elles ne peuvent faire aucune foi en justice,
suivant l’article i 336 du Code Napoléon.
O u ’a de commun le procès de la Géorgienne Néphis (achetée
comme esclave par le général Faultrier, présentée, à la vérité,
à Metz , comme son épouse , mais méconnue aussitôt qu’il fut
m ort), avec le procès d’Anne Nazo, appelée en France par son
époux, reçu e, accueillie par sa famille, après sa mort, et ayant
eu une possession d’état légale et publique, consignée dans les
registres judiciaires et dans ceux de la maison impériale ?
�( 37 )
Mais admettons ces certificats comme sincères et authentiques,
tout prouve que ceux qui ont cherché à se les procurer n’ont
voulu que surprendre la justice par une équivoque.
On sait que toutes les religions sont tolérées dans les états du
Grand- Seigneur, quoique l’islamisme y soit la religion domi
nante. On sait encore que Mahomet I I , vainqueur de Constan
tinople, jura de respecter le christianisme; et ses successeurs
ont gardé son serment.
A la vérité, un serment de fidélité et un tribut fort onéreux
sont exigés des évêques et des patriarches ; à cela près rien ne
s’oppose à ce que les prêtres latins, grecs et arméniens, exercent
leur culte publiquement dans les états du Grand-Seigneur ; et
les minarets seuls y distinguent les mosquées des églises chré
tiennes.
L ’Egypte, l’un des berceaux du christianisme , l’un des pre
miers asiles des fidèles persécutés, n’avait point échappé au
schisme des Grecs , et tou te to lé r a n c e cessa q u a n d ce tte secte
se sentit assez fo rte p o u r d i s p u t e r d e d o m i n a t i o n ; l ’é g lis e la tin e
f u t lo n g - te m s p r o s c r ite p a r les Grecs , mais sans perdre jamais
l ’espoir de ramener ses enfans égarés à l ’unité religieuse. D e
tout tems la cour de Rome a entretenu dans ces déserts de la
Thebaide, si grands eu souvenirs, des prêtres catholiques q ui,
semblables aux persecutes de toutes les révolutions religieuses,
conservaient le feu sacré de la foi pour des tems plus prospères.
C ’est ainsi que sur la montagne des Druses, dans la chaîne du
Mont-Liban , de pieux ecclésiastiques, soumis à tous les dogmes
l’église rom aine, et sous son obédience, se répandent dans
les villes de l ’Egypte, soit sous le titre de missionnaires, soit
sous le titre de curés, ou tout autre caractère qui leur est donne
par leur chef.
Ce chef est c o n n u p a r m i e u x sous le nom de Patriarche
d A l e x a n d r i e , non pas celui q u i , prêtant s e r i n e n t de fidélité au
G r a n d - S e i g n e u r , se r e g a r d e c o m m e i ndé pe ndan t xle R o m e , et
�(38 )
ch ef suprême de l ’Eglise d’O r ie n t, mais un patriarche dépen
dant du P a p e, et vivant dans l’unité de l ’église catholique.
M aintenant, il faut rappeler que la dame Destaing n’est pas
liée dans la religion grecque la tin e , mais dans celle connue en
France s o u s le nom de schism atiquegrecque. L e patriarche grec
et les prêtres ou papas, exerçant le culte public grec au Caire,
sont donc les seuls qui eussent pu donner des attestations dignes
de foi sur le rit de leur église.
Mais ce n’est pas d’eux q u ’on rapporte des certificats ; il paraît
que les héritiers Faultrier en ont demandé aux p rê tre s latins. Cela
était indifférent dans leur cause ; car l’arrêt de Metz , du z 5 fé
vrier 1808, confirmé par la Cour de cassation, exigeait seule
ment un acte de notoriété des prêtres de la religion chrétienne
grecque ou romaine , établis à Gizé. Et en effet, on 11e voit pas
si Néphis David a prétendu avoir été mariée à Gizé par un
prêtre du schisme grec. Peut-être aussi a-t-elle de son côté rap
porté un acte de notoriété de l ’église schism atique grecque,
pour satisfaire à l’arrêt de Metz. Mais on ignore pleinement les
détails de son procès et le genre de sa défense.
Quoi qu’il en soit, les héritiers Destaing se sont emparés des
certificats donnés aux héritiers Faultrier. Voyons maintenant
ce qu’ils disent. L e premier est ainsi conçu :
« Je soussigné, Préfet des prêtres grecs catholiques , en
a Egypte, déclare que tous les mariages qui sont célébrés, soit
« par m o i, soit par les prêtres grecs catholiques qui sont sous
« ma dépendance, sont inscrits sur un registre, etc., écrit par
« le père Constantin H a d a d , vicaire de Son Em inence le
« Patriarche grec en E gypte. A u Caire, le 7 du mois echbat
0 ( 7 février 1809 ).
L e suivant atteste qu il n a pas trouve dans les archives de
son église le mariage du general Faultrier. Il est signé : Benedictus de M edici n a , m issionnaire apostolique , curé et vicaire
supérieur de la m ission d'E gypte. A u Caire, le 20 février 1809.
�( 39 ^
Ces deux certificats sont de la main même de ces eccle'siasliques. L e premier est en arabe, et le second en latin : ils sont
traduits par un interprète du Consul de France.
L e troisième n’a aucune signature, ni même le nom du certificateur. Il consiste à dire qu’aucun prêtre de notre dépendance
ne peut célébrer de mariage entre des personnes de différentes
religions. Il ajoute que si le mariage est fait entre des personnes
(le la même religion, il faut la permission du patriarche, et on
l ’inscrit sur un registre.
L ’original de cette pièce est en italien ( ce qui est fort éton
nant ). L a copie produite par les héritiers Destaing commence
ainsi : « I l y a en tête une lig n e de caractères m ajuscules en
« arabe ou cophte ». A la fin du certificat, on dit : « Suivent
« des signatures en caractères étrangers ». Puis le Consul fran
çais ajoute que ces signatures sont celles du patriarche grec et
du prêtre à qui les registres sont confiés.
S ’il f a lla i t m e ttr e p l u s d ’i m p o r t a n c e à ce d e r n ie r c e r t i f i c a t , o n
Se d e m a n d e r a i t p o u r q u o i les p r e m i e r s 6ont d o n n é s au. C a ir e ,
l e . . . . . . et c e lu i- c i en E g y p t e , l e ...........? P o u r q u o i c e lu i - c i est
fait e n ita lie n , dans une langue que les signataires n’enten
daient pas ? Et pourquoi enfin le secrétaire interprète du Con
sulat , qui a fort bien traduit de l ’arabe le certificat du pèrp
Constantin Hadad, n’a pas su dire la valeur des mots composant
les signatures et l’intitulé du troisième acte, et n’a pas même
compris si tout cela était arabe ou cophte?
Quelle foi ajouter à un certificat où celui qui écrit la pensée
d’un autre ne parle pas la même langue que le signataire, et où
le traducteur se contente de dire que les signatures sont en ca
ractères étrangers?
Il fallait qu’on demandât aussi à ces prêtres latins si les re
gistres qu’ils tiennent sont des actes de l’état c i v i l , dans une
contrée régie par les lois turques; ils a u r a ie n t répondu que de
pauvres prêtres, soutenus par leur zèle, au miliçu de la bar-
i
�C
4
0
)
<
Jxirïe et des obstacles, n’aspirent qu’à la propagation de la fo i,
et tiennent de simples notes pour reconnaître le petit nombre de
prosélytes que l’Eglise'de Rome a conservés dans celle terre de
persécution *.
Mais , dans cet entassement de bizarreries , il ne faut pas s’oc
cuper des détails et des objections sans nombre qui s’élèveraient
contre la forme de ces actes ; il suffit de reconnaître qli’ils ne sont
pas émanés des prêtres de la religion de la dame Destaing, et
alors on n’a pas pu les lui opposer.
Les prêtres de sa religion n’ont donné aucun certificat. Com
ment le pourraient-ils? Il est constant qu’ils ne tiennent aucun
registre ; leur éducation ne se fait pas en Europe; on les instruit
des dogmes de leur foi ; le patriarche, les ordonne prêtres ou
papas, sans exiger d’eux d’autre instruction; à peine quelques-
*
L e s missionaires de R o m e n’ ont jam ais cessé clans ces parties du m onde
d e s’ e m p lo y e r à faire des p r o s é ly te s ; en c o n s é q u e n c e , ils ont fondé a v e c
b ea u co u p d e peine et à grands f r a i s , parm i ces s e c te s , des sociétés qui ont
reconnu la doctrine et la juridiction du P a p e . O n sail q ue p arm i les G r e c s
qui v iv en t sous l ’ e m p ire T u r c , plusieurs ont em b ra ssé la foi et la discipline
d e l’ église l a t i n e , et sont g o u ve rn és par des prêtres et é v ê q u e s de leur
n a t i o n , mais confirm és par le pape. Il y a à R o m e un c o llè g e e x p r è s , fondé
dans la v u e de faire des conversions parm i les G r e c s , et d ’ajo uter de n o u
v e a u x sujets à l’ église rom ain e. O n y é lè v e u n certain n om bre d ’ étudians
G r e c s . ( H i s t o i r e de l ’E g l i s e , par M o s l i e i m , to m e
5 , page
27 2 .)
R i e n ne caractérise plus la religion des G recs q u e leur aversion in v in c ib le
pour l’ église de R o m e , qui a fait éc h o u e r jusqu’ à présent toutes les ten
ta tives d u s a i n t - s i è g e et d e ses n o m b r e u x m issio n n a ire s, pour les r é u n ir
a u x L atin s. Il est vrai q ue les docteurs rom ains ont fon d é quelquas églises
dans l’ A r c h i p e l : mais ces églises sont p au vres et peu c o n s id é ra b le s; et les
G r e c s ou les T u r c s , leurs m aîtrès', ne v e u len t pas permettre aux m ission
naires de R o m e do s ’ étend re davantage, { l b i d . page 260.)
E t a t d e L 'E g lise G r e c q u e , p a r C ow cL , tom e 1 . '* , p a g e 112 5 .
L ettres E d ifia n te s , Lo m e 1 0 , p a g e 328.
uns
�s
( 4i )
uns savent écrire, suivant le te'moignage de tous les voyageurs *.
Il n’y a de lettrés parmi eux que les prêtres latins, qui n’ont
qu’ une portion très-exiguë du peuple attachée à leur croyance,
et q u i , perpétuellement poursuivis par la haine des G re c s , et
osant à peine faire des prosélytes **, ne se soutiennent que par
leur zèle et par la pitié des Francs, mais sont à peine connus pour
prêtres par les E gyptiens, parmi lesquels ils vivent.
Mais il est impossible de mieux expliquer cette partie de la
cause , que ne l’a fait don Monachis dans son attestalion , qui
perdrait beaucoup d’être simplemont extraite, et qui ne peut
que jeter le plus grand jour sur la-seule objection dans laquelle
les héritiers Destaing semblent placer leur dernière confiance.
« Par-devant M .e Massé et son confrère, notaires impériaux
.« a Paris, soussignés, est comparu Don Raphaël de Monachis,
. « ancien premier curé grec catholique romain au grand C aire,
« en Egypte, o u p rem ier v ica ire de so n é m in e n ce le p a tr ia r ch e
« g r e c c a th o liq u e r o m a i n , résidant aucouventr de St.-Sauveur
* « Q u e v o y a it-o n dans cette terre natale des sciences et des arts? T o u t
c e qu’ on voit c h e z presque tous les peuples esclaves : un c le rg é superstitieux
et ig n o r a n t, etc. ( C o r a y . M é n j . sur L’ éta t d e la c iv ilis a tio n d es G recs). ,
,« Par-tout d o m in e en core un c lergé ignorant,
. L e cou ve n t de N e a m o n i
n ourrit plus de 450 m o i n e s , dont 4 ou 5 disent la messe ; pas un seul ne sait
l ’ ancien g r e c , et une dou zaine au plus savent lire et écrire le grec moderne..»
A u c o u ve n t de M egaspision , leur ignorance surpasse e n c o r e , s’il est p o s s i b l e ,
c e lle des m oin es de N e a m o n i . J e doute q u ’il s’ en trouvât 4 ou
5
( s u r 3o o ) ,
sachant lire et écrire ». ( B a r t h o l d i , V o y a g e e n G r è c e , en i 8o 3 , t. 2 ) .
"** « L e c le rg é grec 11e cesse d’ exciter le p e u p le 1 à l à ' h a î n e des autres reli
g i o n s , et sur-tout de la catholique r o m a i n e . . i . . L a liaîne des G r e c s et des
R o m a i n s est si forte dans plusieurs î l e s , q ue tous m o y e n s leur sont bons pour
se nuire. M . de P a w est très-fondé à a v a n c e r q ue le pie in ier usage , q u e
le s G recs ne m anqueraient pas de faire de leur l i b e r t é , serait d a llu m e r u n e
g u e r r e d e r e l i g i o n ..........I l est in te rd it a u x IV o m a in s d e f aire d e s p r o s é l y t e s ”
parm i les G r e c s , au lieu q u e c e u x - c i pe u ve n t en faire p arm i les Llomaius»
( Ib id . tom. a. )
(>'
i
II
�( 4 0
a sur la montagne des D ruses, dans le M o n t-L ib a n , ancien
« membre du Divan et de l ’institut d’Egypte , actuellement
« professeur de langues orientales à la bibliothèque im périale,
« à P a r i s , y demeurant, rue du Chantre, n.° 24 ,
« L e q u e l, sur l’invitation de madame Nazo, veuve du général
« Destaing, et après avoir pris lecture de la copie de trois cei*« tificats qui paraissent avoir été délivrés au Caire par des prêtres
« grecs catholiques romains, les 7 , io et 20 février 1809, con« cernant le mariage du général Faultrier avec une Géorgienne,
« et pour faire .cesser les doutes et les erreurs qui pourraient
« résulter desdits certificats,
« A fait l ’exposé des faits suivans :
r
« Avant le concile de Florence, les églises orientales étaient
« réunies par la foi, et soumises à l’église de Rom e, dite église
« occidentale. Mais après le concile, les deux églises orientale
« et occidentale furent divisées , faute de se trouver d’accord
« sur cinq dogmes de la foi, dont l’un était de reconnaître le
« Pape comme chef suprême de toute l’église chrétienne ; en
« conséquence, les quatre patriarches de Constantinople, d An« tioche, d’Alexandrie et de J é r u s a l e m se séparèrent du saint«c siège de Rome qui les considéra et les considère encore
« comme schismatiques. De cette nouvelle secte s’en sont formées
«''d’autres, telles que les hérétiques, mais qui sont demeurés
« en plus petit nombre que les schismatiques.
« Depuis environ 120 ans, lin archevêque de D am as, grec
« schismatique, ramené à la foi par un Jésuite, renonça au
« schisme, et rentra dans la religion grecque catholique romaine;
a mais ne pouvant pas rester a Damas, a cause des persécutions
« des grecs schismatiques , il se retira sur la montagne des
« Druses, dans le M o n t- L ib a n , avec une suite de quelques
« prêtres de la même opinion que lui. Ils s’y établirent sous la
« protection des Français qui se trouvaient en grand nombre
& dans les villes d e T y r et de Sidon. Alors le Pape Innocent X I ,
« sur la demande des peuples qui avaient embrassé la foi, le
�a
«
rc
et
( 43 )
nomma patriarche par intérim ( c ’est-à-dire, jusqu’à ce que
quatre sièges d ’ Orient, ou l ’un d’eu x, fussent revenus à la
fo i) , de tous les Grecs catholiques romains qui se trouvaient
répandus en Orient dans les pays occupés par les Grecs
et schismatiques.
« Depuis cette époque, le patriarche de tous les Grecs catho« ligues romains a résidé et réside encore au couvent Saint« S a u v eu r, sur la montagne des Druses.
« L e déclarant, au sortir des collèges de R o m e , ou il a fait
« ses études, fut envoyé au couvent de Saint - Sauveur , pour y
« être ordonné prêtre par le patriarche de son rit. Après y etre
« resté quelque tems, il fut envoyé dans la ville du g r a n d Caire,
« par son éminence le patriarche ¿ûgapius M atac, qui existait
« alors, et qui vraisemblablement existe encore aujourd’hui,
« pour y remplir les fonctions de premier c u r é , ou premier
« vicaire du patriarche, en Egypte.
« A v a n t so n d é p a r t ,
¡1 r e ç u t
l ’o r d r e d u p a t r i a r c h e d e se c o n -
«t f o r m e r à l ’ u s a g e d es E u r o p é e n s , en ten a n t des re g is tr e s pour
te constater les naissances, mariages et décès; en conséquence
« de ces ordres, le déclarant fut le premier qui commença ces
« registres en E g y p te , pour constater l ’état des Grecs catholiques,
« et les lit tenir par les cinq prêtres grecs catholiques, sous ses
« ordres, qui sont les seuls qui existent au Caire pour le rit
« grec catholique romain.
« Les actes étaient de sim ples notes signées du curé , et
« jamais par les parties.
« L e déclarant exerça les fondions d e premier vicaire j u s q u ’à
« son départ de l ’Egypte pour là France, où il fut a p p e l é par
« le premier C onsu l, par l’intermédiaire du général Sébastiani,
« et d’où il n’est parti qu’avec permission d e son patriarche.
« Après son départ, il fut remplacé par le père Jean N asseré;
a et celui-ci , depuis décédé, a été remplacé par Constantin
« Ila d a d , qui exerce encore aujourd'hui les fônôtions de pre« mier curé de l’E g y p te , ou premier vicaire de son éminence
12,
�( 44 )
a le patriarche grec catholique , re'sidant à la montagne des
« Druses; lequel Constantin Hadad a délivré les certificats ci« dessus m e n t i o n n é s .
« En conséquence, Don Raphaël déclare que Constantin
« Hadad, son successeur, n’a déclaré que la vérité, en certifiant
« qu’il est tenu des registres de l’état c iv il, au Caire, parles
« prêtres grecs catholiques , sous ses ordres : mais qu’il faut
« bien distinguer de ceux-ci, qui sont en petit nombre, les grecs
« schématiques, qui sont bien plus nombreux, et dans la re« ligion desquels la dame Destaing a été mariée par le patriarche
« qui réside à Alexandrie.
«
«
«
«
«
« Qu’à l’égard des Grecs schématiques et de toutes les autres
sectes qui sont sorties de celle-là, ils n'ont ja m a is tenu de registres de naissances , mariages et décès , en E gypte ; et que
la raison s’en tire naturellement de leur défaut d’instruction ,
qui ne se trouve pas chez les Grecs catholiques , dont les
prêtres, en partie, font leurs études à Rome.
o Laquelle déclaration mondit Don Raphaël de Monachis a
« affirmée sincère et véritable, pour servir et valoir ce que de
« raison
.
• * ,C.I:
« Fait et passé à Paris, etc., etc.».
' 1-. |
r.
0
Il est donc prouvé, jusqu’à l’évidence, que la validité des
mariages des Grecs, en E gypte, ne dépend pas de leur inscrip
tion sur un registre c iv il, parce que ces registres n’existent pas
en Egypte comme en Europe : aucun voyageur ne dit que cette
f o r m a l i t é y ait lieu ; au contraire , M. le sénateur comte de
V o ln e y , dans rouvrage^qui lui a fait une si grande réputation
littéraire, et qui sera le modèle perpétuel des voyages, atteste
la répugnance des Turcs pour les dénombremens de population
dans les étals de leur obéissance .
■.
. \W
T i ' - ' f SI
-iUV). J ’ . : ■
■«
* On jTuit .souvent des, questions sur la population du Caire» S i l ’ on v e u t
en croire lo douanier A n t o i n e
.ri
:,i
F a r a o u n , cité par le b aron d e T o t t , elle
.
7
�( 45 5
. A quoi tient donc cette obstination des héritiers Destaing, à
ne vouloir reconnaître la dame Destaing comme mariée , que
si elle rapporte une preuve écrite et légale de son mariage ?
Que d ’exclamations on eût faites, sielle se fut présentée avec un
acte de mariage pour elle, et un acte de naissance pour sa fille.
X o y e z , eût-on dit, cette Grecque artificieuse, qui, pour s’intro
duire dans une famille étrangère, a pris la précaution insolite de
se munir de pièces impossibles à vérifier, et qu’elle a évidemment
fabriquées en Afrique ou au milieu de l’Archipel !
E h bien! la dame Destaing n’avait ni médité des artifices ni
prévu les machinations insidieuses , desquelles elle aurait à se
défendre. Partie du Caire par ordre de son ép o u x, changeant de
patrie pour suivre sa destinée, c’est pour lui seul qu’elle avait
souffert, c’esf de lui qu’elle attendait des consolations. Son époux,
ts3lfiUe,j étaient,,pouç çlle se^ p éiift^ et N
son avenir. ; ayait-ellp
donc des preuyps à chercher .pour.des êtres qu’elle ne connais
sait pas ?, :-.t! ?ij;, ;; |y
onû
. ■
>■
■■
!La dame Destaing a toujours été si rassurée sur,son état et
c e lu i.d e sa f i l i a l qu’elle n’avait pas même fait des démarches
le:i>9ptêmeJdqilsa!fille avait été
j^onstafe^, et i l y ayçit .d’autant plus lieu de le croire ainsi, que
^!llî?P^Fnne devait avoir un clergé grec plus éqlairé que
'celui de l’Egyptç,
'
Mais ,les recherches de.ses ennemis allaient faire pour elle des
tentatives dont le but uniforme était toujours de lui opposer une
I■
,
/
■
*
'
”
a pproche d e 700,000 â m e s , y com pris B o u l â q , faubourg et port détaché
de la v ille : m ais tous les calculs de p o p u la tio n , en T u r q u i e , s ° nt arb i traites', p a rce q u ’ o n n ’ y tie n t p o in t d e registres d e n a is s a n c e s , d e
m orts o u d e m a riag es. L e s M u s u lm a n s ont m ô m e des préjugés supersti
tieux co n tre
les d é n o m b re m e n s. L e s seuls chrétiens pourraient ê l r e r e c e n s é s
au m o y e n des billets de leur capitation. ( V o y a g e en EgyptQ et e n S y rie f
par
M . de V o l n e y , 4.» é d i t i o n , 1 8 0 7 , to m e i . ,r p>
2 o 3 »)
�( 46 )
tenue des registres avec laquelle on croyait la confondre, si le
baptême de sa fille ne s’y trouvait pas.
P e n d a n t q u e les députés des îles ioniennes étaient à Paris,
m a d a m e Destaing reçut l’acte qui suit : °
«
«
«
«
« Du douze novembre dix-huit cent s e p t, à A r g o s to li, île
de Céphalonie, sont comparus, par-devant nous notaire soussigné, le révérendissime papas, M. A n d réM azarachi d ’An~
zolo , desservant de l ’église solitaire de Saint-Constantin , qui
est dans le voisinage et sur la rive dépendante des villages
« d'A d ilin a ta et à'A rg a ta , situés dans l ’île de Céphalonie, et
« M . Jea n L a vran ga, lequel prêtre sus-nommé a baptisé , en
« Vannée dix-huit cent deux , au mois de ja n v ie r , ne se sou« venant pas en quel p u r du mois, un enfant du sexe féminin,
« f il l e de madame A n n e N a z o et du gêrt érdl D estaing , laquelle’ ,
"« suivant la déclamation faite j1à lüi prêtre comprirent, par les bifs« nommés, étaitnéede légitime m ariage,eta été nommée M arié,
« et elle a été tenue sur les fonds de baptême par M . Jean
« Lavranga et le capitaine Sifli, Fanchiote/lequel ne se trouve
« pas présentement dans cetté île ; Te 'présent' sera
« ' serinent par les susdits prêtre et sienr L a vfa n gd ; ilsTdéciâl*èiît
« ien outre que, dans cette église, située dans ce liéu solitàîrfe’ ,
« on ne tient point de registres baptistaires ni rnorthairès^ÎJa
« présente est donnée pour rendre témoignage à la vérité ; fer les
« comparans se ressouviennent parfaitement d’avoir administré
« le.sacrement .s u s d itc e .q u ,j ls.ailirment .cotnme..téraoius.
« Signé A n d ré M azarachi, prêtre, j ’aflirme avec serment;
« Jean Lavranga, jaiïinne avec serment; Jean Chusi, témoin;
« Spire Cacuralo , témoin ; Jüimitri Caruso , notaire. A la
« suite du présent original est une traduction italienne, signée
« Dimitri Caruso, notairé; et une légalisation en même langue,
. m-dont la traduction suit :
«
E
m p ir e
F
r a n ç a i s
.
— Son Excellence Sàvib A n n in o ,
�( 47 )
«
«
«
«
«
administrateur du gouvernement de Céphalonie, certifie que
le susdit M. Garuso, notaire public, est tel qu’il se qualifie,
et que l’on peut avoir pleine et entière foi à ses signatures.
Donné en l’administration de Géplialonie, le dix-neuf novembre
mil huit cent sept. Signé Savio A n n in o , administrateur ; et
« Jean-Baptiste Tipaldo P retlen d a v i, chef de bureau »,
Cet acte fut présenté à ’ M. Marino M atu ra, principal député
des îles ioniennes, q u i , au grand étonnement de Madame
D e sta in g , lui apprit que c’était lui-même qui avait fait rédiger
cet acte de baptême, à la demande de l’un des aides-de - camp
de M . le maréchal M a rm o n t, qui le réclamait de la part de
M . /e général D elzo n s (em ployé en Dalmatie). •
L à famille D estaing, qui faisait rechercher ce fait aussi lo in ,
n’en a plus fait usage lorsque le renseignement a été contraire à
ses prétentions.
.
E t p e u t - ê t r e l ’h o n n Ê le e c c lé s ia s tiq u e , i n f o r m é p a r ces re
c h e r c h e s des v ’e x a tio n s s u sc ité e s à u n e m a l h e u r e u s e é t r a n g è r e , se
sera fait un devoir de charité chrétienne de lui envoyer cet acte,
de^son propre mouvement, pour rendre hommage à la vérité.
L e tribunal de la S;eine a ordonné, par jugement du 5 juillet
1809, que cet actejserait. transcrit dans les registres de l ’état civil
de Paris, pour servir d’acte de naissance à Maria Destaing.
C ’est ainsi que ce qui était sollicité pour nuire à la dame
Destaing n’a été utile qu’à elle.
Mais continuons la réfutation des objections que continuent de
lui faire les héritiers Destaing.
Il est impossible, disent-ils, de croire au mariage d’un général
français qui n’a pas été célébré de la même m a n i è r e que ceux
de ses frères d’armes. O r , les mariages des g é n é r a u x D e lzo n s,
L a n tin , Menou et Bonne-Carrère ont été r e ç u s par des com
missaires des guerres. Telle était donc la forme, et pourquoi
Anne Nazo ne l’a -t-e lle pas suivie? pourquoi, au moins, n’y
�( 48 )
a-t-il pas été accompagné des !fêtes d’usage», dans les rues du
C aire?
'
Les généraux Delzons, Lantin et Bonne-Carrère épousaient
les demoiselles V a rs y , filles d’un ancien négociant français,
établi à R o se tte , ville presque européenne à cause de son com
merce. L a , certainement, un catholique, mariant ses trois filles
avec des Français, devait se soumettre aux lois françaises, et ne
devait aller chercher ni le C a d i , ni les prêtres d’une autre re
ligion. Aussi ne dit-on pas un mot de la cérémonie religieuse
de ces trois mariages qui a dû être faite par un prêtre catholique,
ou régularisé en France au retour de la famille'Varsy*
L e général Menou épousais urie musulmane : son mariage
a dû être fait devant le Cadi. Son épouse dut être promenée dans
les rues sous un dais, entourée de ses parens et de ses esclaves,
au son des instrumens. Car tel est l’usage à l’égard des mariages
musulmans *, qui, dans la religion dominante, ont seuls le pri
vilège de l’éclat et de la publicité. 3 J-jriii' ,['! s
- i:jtî
Mais Anne N a zo , de religion grecque, mariée à 'un Européen,
de religion latine ou romaine, n’avait pas le droit d’emrendre
la cérémonie publique , ni par des fêtes religieuses’', ni par
aucune inscription dans des registres, ni par urie promenade
dans les rues, sous un dais, comme les1Musulmahs. .
, poiir
C ’etait bien assez que sa famille eût vaincu à cef ^égard les
préjugés de sa nation, en la donnant à un Européen, a un càtho• -l
*
-
• .(.
'
« C ’est ordinairem ent le soir que la m a rch e c o m m e n c e : des baladins
la p r é c è d e n t; d e n o m b r e u x esclaves étalent a u x y e u x du peuple les e f fe ts ,
les b ijo u x destinés à l’ usage de la m ariée ; des troupes de danseurs s’ a vancen t
en c ad e n c e au son des instrum ens ; la jeu n e épouse paraît sous un dais
porté par quatre e s c l a v e s ; un v o ile la c o u v r e entièrem ent ; une lon gue
suite d e
flam b ea u x éclaire le cortège ; de tems en tems des chœ urs de
T u r c s chantent des couplets à la lou ange des n ou veaux ép ou x ». ( S a v a r i ,
tom e
3,
lettre 3 ) .
lique
�( 49 )
lique romain, à un militaire * ; la famille Nazo avait au moins
dicté la loi sur le point principal, en exigeant que la célébration
fût faite avec les cérémonies du rit grec.
On demande ensuite à la dame Destaing pourquoi son mariage
a été fait sans contrat. Mais en France même il n’est nécessaire
que quand il y a des intérêts à régler. E n fallait-il plutôt en
Egypte où le Koran est le Gode universel et supplée à tout. L e
général Destaing allait s’allier à une famille opulente. Qu’avait-il
en échange à offrir? Sa fortune dépendait de son épée. Ses revenus
étaient fondés sur la loi du plus fort. Dans un pays où l’industrie
et le commerce sont tout, des chances aussi frêles ne présentaient
à la famille Nazo rien que de fort aléatoire.
On se plaît à représenter les Nazo comme une famille sans
fortune et sans considération, et Joanni Nazo comme un aven
turier de la lie du peuple. Sur tout cela les héritiers Destaing
ont beau jeu de mentir, maintenant que le plus liquide de la
fortune Nazo est dans leurs mains. Mais les témoins ne donnent
pas d ’e u x l’idée qu’on veut en suggérer. O n voit dans les enquêtes
que Joanni N azo, à l’occasion de son mariage avec Sophie Misck ,
dépensa 5 o,ooo écus.
On se plaît encore à jeter du ridicule sur ce que la mère d’Anne
Nazo répudia Barthélemi pour épouser Joanni Nazo ; et là-dessus
on se récrie sur de telles m œ urs, comme si une famille africaine
avait dû prévoir qu’il faudrait rougir de ce qui est toléré dans sa
nation, et s’en justifier un jour aux yeux des sieurs et demoiselle
Destaing, d’Aurillac.
Si la prétention des Européens est de blâmer ce qu’ils blâment,
et de louer ce qu’ils louent, il faut qu’ils donnent le droit de re
présailles aux nations étrangères, et ils auraient beaucoup à y
perdre. En Egypte , le lien du mariage est plus s a c r é qu’en
« L e s p a r e n s ( G r e c s ) n e fo n t a u c u n e d if f ic u lt é d ’a c c o r d e r l e u r fille a
« un T u r c , p o u r v u q« ’ il soit r i c h e et p u i s s a n t , ta n d is q u ’ ils r e f u s e n t o p i« n i a t r é m e i i t d e l ’ a c c o r d e r à u n c a t h o l i q u e . ( U a r t h o l d i j t o in e 2 . )
i3
�( 5o )
F ra n ce , tant qu’il dure; mais il n’est pas indissoluble. Si la reli
gion se prête à des injustices, ce sont ses ministres qu’il faut en
accuser *, mais non les époux mécontens, qui n’ont agi que sous
leur direction.
B a r t h é l é m y était catholique; Sophie Misck était grecque, et
les prêtres de son culte prononçaient anathême contre un lien
qu’ils n’approuvaient pas.
'
C ’était pour eux un'acte religieux que la rupture de ce mariage,
pour en contracter un second plus orthodoxe : la religion grecque
le ve u t, et le gouvernement le tolère.
A u reste, que Sophie Misck ait été ou non l’ épouse de Barthé
lém y , on ne voit pas comment Anne Nazo en serait plus ou moins
l’épouse du général Destaing.
,
r
Enfin on porte le dernier coup à la dame Destaing; et déses
pérant de liii ôter le nom d’épouse, on veut du moins en em
poisonner les souvenirs, et tâcher d’teñ'acer dans son cœur le
respect qu’elle doit aux mânes de son époux.) Ce n’est plus une
lettre étrangère qu’on lui oppose, ce sont deux lettres de son
époux lui-même, écrites à son père, q u i, dit-on, fournissent la
preuve qu’il n’y a pas eu de m ariage, et qu’il l’a désavoué.
L ’une est écrite du Caire; et le général parle d’un arran
gement oriental avec une jeune grecque qui fait les honneurs
de sa maison.
L ’autre est datée de Paris. L e général marque à son père qu’il
n’a pas dû plus croire à la lettre de Latapie qiCà la sienne **;
*
« L e clerg é ( g r e c ) ne cesse d’ exciter le peuple à la haîne des autres r e li
g i o n s , et sur-tout de la cath oliqu e r o m a i n e , en accordant très-libéralem ent
des absolutions à c e u x qui ont trom pé les m em b re s de celle r e l i g i o n , ou qui
proposent de le fa ire» ( B a r t h o l d y , t. a ) .
s e
** L e s héritiers D estain g avaient im p r im é p lu tô t au lieu de p l u s , parce
que cela c h a n g e a i t le sens. I l en résultait que le généra l avait v o u lu que
son père crût à' sci le ttr e , tandis qu’il a v o u e l u i- m ê m e q u ’ il n’a pas dit
Vrai.
s
�( 5i )
qu’il ne se serait pas marié sans l’en prévenir; mais qu’à la
vérité il a d'autres liens qui pourraient bien amener celui-là.
Remarquons, et déjà la Cour l’a remarqué elle-même dans
son arrêt interlocutoire*, que ces deux lettres étaient dans les
mains du sieur Destaing p è r e , lorsqu’il a reçu Anne Nazo ,
et qu’après un mois de méditations il lui a donné un rang dans
sa famille, en se rendant le tuteur de son enfant.
Il a donc jugé ces lettres en père clairvoyant; et ce n’est pas
là qu’il a cherché la vérité. L ’une s’ excusait à ses yeux par la
licence des camps; les jeunes Français, fussent-ils aux confins
de la terre, ont la manie de tout métamorphoser en bonnes
fortunes : mais un vieillard sait à quoi s’en tenir. L ’autre lettre lui
semblait une justification embarrassée d’un fils soumis encore à
l ’autorité paternelle; il y devinait la vérité; et bientôt elle ne
lui fut plus cachée, lorsque la dame Delzons, égyptienne, lui
-eut rapporté quelle était l’opinion unanime du Caire et de
l’arm ée, sur le mariage de son fils; lorsqu’encore le général
D e lzo n s, qu i y
a v a it a s s i s t é , v i n t l u i e n a p p r e n d r e les d é t a il s .
C ’ est d o n c p a r p u r e m é c h a n c e t é , et sans besoin , que les
héritiers D e s t a i n g , ont publié ces lettres. L ’honneur le leur dé
fendait, puisqu’elles n’étaient point à leur adresse. L a bienséance
le leur defendait encore; car une confidence licencieuse, que leur
père avait jugée fausse, ne devait pas être reproduite.
* « A tten d u que le titre d’ épouse et c elu i de m ère ont été reconnus par
la famille du généra l D e sta in g .................... Q u ’ un mois a p iès son a rr iv é e à
A u r i l l a c , D estain g p è r e , ne doutant pas du m a ria ge et de l’a vis et con
sentement de ses proches p a r e n s , s’est vendu tuteur.......................Q u e cette
reconnaissance et cette acceptation de tutelle paraissent d ’autant plus c o n "
s id é r a b le s , qu’ on pourrait les regarder c o m m e l a suite d’ un e x a m e n appro
f o n d i , et de certitudes acquises par le p è r e , puisque deux lettres de son
fils, t’ uue datée d’ E g y p t e , l’ autre écrite de Paris , lui d o n n a n t tout le sujet
d e douter île ce m a r ia g e , ou m ê m e de ne pas
y c r o i r e , il n’en avait pas
m oins consenti l’acte en question , et que ses proches parens y avaient aussi
concouru ». ( 2 . 0 m otif de l ’ arrét du 11 juin 1808).
�( 5a )
Mais cette méchanceté n’était pas sans b u t , et on le voit
dans l’affectation que les héritiers Destaing ont eue à recueillir
la déposition des sieur et dame Delzons, à qui le général disait
ty&Anne Nazo était m ariée , mais q u 'il ne Vêtait pas. On
aperçoit maintenant que la lettre est présentée pour être en
h a r m o n i e avec cette conversation si souvent répétée par eux.
Si cette conversation était vraie, il est cruel pour la dame
Destaing d’en comprendre le sens : mais elle ne serait d ’aucune
influence pour sa cause.
Que les E uropéens, dans l ’immoralité de leurs th éâ tre s,
mettent en scène des malheureuses abusées par toutes les appa
rences d’un mariage r é e l , et cependant dupes des artifices d’un
homme qui s’est joué de la religion et de la pro b ité, on ne
s’étonnera pas que ce scandale dramatique obtienne quelques
applaudissements. Mais qui oserait produire dans le monde une
semblable atrocité comme un événement réel, pour s’en appro
prier les conséquences ? qui même oserait repousser de soi la
victim e d ’un artifice que le voile de la religion aurait ennobli
pour elle?
Quelle que soit l’jnteiilion des héritiers D estaing, en laissant
croire que le général a voulu tromper la Famille Nazo par le si
mulacre d’un mariage nul à scs y e u x , la perfidie de cette sup
position serait en pure perte pour eux ; car la loi viendrait au
secours de celle qui aurait été dupe des apparences. En effet la
bonne foi de l’un des époux suffit pour la validité de son mariage
et la légitimité des enfans *. Mais la dame Destaing se hûle de
dire que les cérémonies publiques qui eurent lieu au C aire, les
lettres desou ép o u x, sa conduite soutenue envers ello, le justifient
pleinement de l’inculpation dont 011 a voulu le flétrir. La légèreté
de sa nation, peut-être la craiulc d’être blûtué par son p ère, ont
pu lui dicter quelques mots équivoques; niais son cœ ur fut
* Code N ipoléjn, «tticlf* 201 cl 102.
�X ;53 ))
Innocent d’tmeitelle lâcheté; elle était indigne de luir,jet toutés
ses actions la démentent.^ ?.• uq ni • •):
:jr»
'•
Ceux-là seuls sont coupables , qui n ’ont pas rougi d ’exhumer
de la tombe de leur frère ce qui ne pouvait être utile à leur intérêt,
q u ’ e n imprimant une tache sur sa mémoire.! ’
<7
Mais c’est i trop s’arrêtèrin des rëfu tâtions pénibles et inutiles.
Ce ne sont'point des cendres éteintes qu’il fautlinterroger pour
la reoherche de la vérité ; tout la révèle , tout l’atteste; et l’in
crédulité ne peut plus,être que le masque hypocrite de la dis
corde qui ne s’avoue jamais vaincue.
. Il est tems q u ’on'çesse de. disputer a 1111 e,épouse malheureuse
un nom qu’elle a acheté assez cher , et qui seul aujourd'hui doit
l ’indemniser de tout ce qu’elle a perdu. Elle l ’a reçu en A friq u e ,
aux pieds des autels ; elle l’a porté publiquement dans sa p atrie,
sur les mers , et dans toutes les villes d’Europe que sa situation
l ’a forcée de parcourir. Ses adversaires eux-mêmes n’eurent pas
même la pensée de lui en donner un a u tre ; ils l ’apprirent à
ceux qui l’ignornient ; et c’est nprès une possession d\5tnf, ninsi
émanée d ’eux , qu'ils ont voulu déshonorer et méconnaître celle
qu’ils avaient accueillie et protégée. L a dame Destaing n’a jamais
supposé que cet avilissement pût l’atteindre : elle ne tire aucune
vanité d ’appartenir aux héritiers Destaing, plutôt qu ’à une autre
fa m ille ; mais le litre sacré d ’épouse, mais les droits plus sacrés
encore de l’orpheline qui lui doit le j o u r , ne pouvaient pas être
vains à ses yeux.
Sa fille, seule, au milieu de tant de contrariétés, a soutenu son
courage; la dame Destaing n’avait pas d’héritage plus précieux
à lui laisser qu’un nom qui ne fut pas déshonoré; et elle-même
ne devait point rougir aux y e u x de son enfant du vice do sa
naissance.
Pouvant attendre sans crainte l’examen du présent et du passé,
la dame Destaing a pu se soumettre sans m u r m u r e aux lenteurs
de la ju stic e , sachant bien que l'intérêt privé pouvait ele\cr des
H
�( 5 4 )
doutes sur les formes de son mariage, mais que. la malignité
n ’en hasarderait aucune sur la pureté de ses actions.
Un jour peut-être les héritiers Destaing seront honteux de ce
procès , et s’enorgueilliront de celle qu’ils voulaient avilir et
proscrire. Mais si la passion ne leur permet pas aujourd’hui
d’etre justes, la dame Destaing n’en-doit pas moins aux mânes
de son époux de ne pas se croire en guerre éternelle avec ceux
qu’il lui désigna comme des protecteurs et des frères, et qui
partagent avec elle la gloire de son nom.
M.e D E L A P C H I E R , ancien avocat.
M. e T A R D I F , avoué-licencié.
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1811]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Delapchier
Tardif
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Nazo, veuve de Jacques-Zacharie Destaing, général de division, en son nom, et comme tutrice de Maria Destaing, sa fille, intimée ; contre les sieurs et demoiselle Destaing, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1811
Circa An 9-1811
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
54 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0609
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53869/BCU_Factums_M0609.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
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Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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3f4e41fb404d84cb8c3c258047da210a
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Text
EXTRAIT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
A P aris
dans
M arseille , A u rilla c et M auriac ,
l'affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
�EXTRA. IT
D E S
ENQUÊTES ET CONTRE ENQUÊTES
FAITES
A Paris , Marseille
,
Aurillac et Mauriac ;
dans l affaire de
la veuve du général
DESTAING,
CONTRE les Héritiers DESTAING.
E n qu ête f a i t e à P a r is p a r M adam e Destaing.
P rem ier Tém oin.
-
'
M . D e l a g r a n g e , général de d ivision, âgé de quarantecin q a n s ,
A déposé qu’il était lié d’amitié avec le général D estaing;
que ce dernier lui fit part du projet qu’il avait de se marier
en Egypte; que, quelques jours aprés, il l’invita à assister à la
�(a)
cérémonie de son mariage qui eut lieu dans une église grecque,
à laquelle le déposant promit d’assister; ce qu’il ne put faire,
à cause de ses occupations et à cauèe de l ’heure qui n’était
pas commode pour lu i, le mariage ayant lieu le .so ir;
Que le soir meme ou le .lendemain du m ariage, il fut
invité par le général D estaing, à manger au repas de noce ;
Q u ’on lui présenta la demoiselle Nazo , comme l’épouse du
général Destaing ; qu’il croit la reconnaîtra^
,, ■■
Q u 'il a vu fréquemment le général D e sta in g , tant au C aire,
qu’à P aris, et l ’a toujours, considéré comme marié 'légitim e
ment ;
Q u’au repas de n o c e , on lui dit que le mariage avait eu
lieu dans une église grecqu e, et qu’il fit' scs excuses au gé
néral Destaing de n’avoir pu y assister;
Q u ’au surplus, tout lè monde au Caire en parlait; qu’il
avait personnellement la conviction intime qué le mariage
était légitim e j e t qu’il mentirait à sa conscience s'il disait
le contraire.r» vr v' *■
’ ’ "r
.
*
' •
' D eu xièm e ^témoin.
M. Bertrand , général de d ivision , âgé de trente-cinq ans,
D éclare qu’il croit se rappeler que le général Destaing
s’est marié en Egypte , et qu’il a assisté au repas de noce.
D u reste, que sa mémoire ne lui fournit rien de positif
sur tous ces faitsv
Troisièm e Tém oin
'
ai
••
!:
’
»1
M . Rigel.,/membre de ¡’Institut d’E gypte, artiste m usicien,
âgé de trçnte-huit ans ,
�( 3)
A déposé qu’il passait pour constant au C a ire , que le gé
néral Destaing était marié j qu’il en à''fait compliment aü
général Destaing qui l ’en a remercié ;
Que dix à quinze jours après le mariage il a assisté à uti
repas chez le général D e sta in g , qu’il a cru être un repas de
noce ;
Q u il n avait pas ouï dire que le repas fut donné à l ’occa
sion de la naissance du fils du général D elson;
il
Que le mariage a eu lieu deux ans environ après l’arfivée
de l ’armée française en Egypte.
Quatrième Tém oin.
M. Jacquotin, membre de l’institut d’E g y p te, et colonel
au corps impérial des ingénieurs géographes , âgé de quarante-truis ans,
A déposé qu’il passait pour constant au Caire que le gé
néral Destaing avait épousé une personne du p ays, et que le
mariage avait eu lieu devant le Patriarche d’Alexandrie ;
Q u il a ouï dire q u il y avait eu un repas de noce auquel*
le général M enou et autres officiers avaient assisté;
Q u’il reporte le mariage à nivôse an 9 , sans pouvoir dé
terminer précisément lepoque.
Cinquième Tém oin.
M. B eaudeuf, payeur de la garde impériale , âgé de qua
rante-quatre a n s ,
A déposé qu’il n’a été témoin d’aucun fait ; mais que le
mariage du général Destaing était public ; que le général
�( 4 )
avait à celte occasion donné un repas auquel avait assiste
tous les officiers généraux et chefs d’administration ;
Q ue le mariage avait été célébré par le Patriarche d’A lexan
drie, dans le commencement de l’an g ;
Que les prêtres grecs étaient présens au repas; qu’il a vu
madame Destaing à la citadelle du C a ire, lorsqu’il allait
rendre visite.à madame Delson et à madame Lantin ;
Qu’il reconnaissait parfaitement madame Destaing pour
être la même qu’il avait vu au Caire ;
Que toutes les femmes qui étaient à la citadelle étaient re
connues pour être femmes légitimes d’officiers généraux.
Sixièm e Tém oin.
M. V id a l, ch ef de b ataillon , âgé de quarante-neuf a n s,
A déposé qu’il n’était pas au Caire à l’époque du mariage du
» général Destaing; mais que tout le monde lui a dit qu’il était
marié ; qu’il a su particulièrement des deux aides de camp
du général Destaing, que ce dernier était marié légitim em ent,
et que ce mariage était vu par tout le monde avec beaucoup
de respect ;
Que le général Destaing lui avait dit lui-m êm e qu’il était
m arié, et l’avait invité à dîner pour faire connaissance avec
6a femme ;
Q u’il croit se rappeler que le mariage a eu lieu au com
mencement de l’an g.
Septième Témoin.
M. R aphaël Dempu.içhis,, prêtre catholique, professeur de
langues orientales a'gé^dç quarante-trois an s;
�( 5 }
A déposé qu’il n’a pas été témoin oculaire du mariage; mais
qu’il a entendu'dire à un nommé D o u b a n n é , actuellement
négociant à Rosette, qu’il avait été témoin de ce mariage ,
qui avait été célébré par le patriarche d’Alexandrie , dans
l ’église de Saint-Georges au vieux Caire; qu’il a ouï dire la
même chose à trente personnes ;
Qu’il n’existait point de mariage à tem s, que madame Destaing avait été mariée ja xta usum eccîesice ;
Q u’il n’était pas tenu de registres de l ’état c i v i l , h cause
du peu d’instruction des prêtres grecs , que cependant ils
tenaient des notes.
Huitième Témoin.
,
M. Chephetecliy, prêtre cophte , catholique romain âgé
de cinquante-neuf ans ,
A déposé qu’il avait ouï dire par le public , que le général
Destaiug avait été marié par le Patriarche grec solennelle
ment avec la fille de la femme de Jean Naso ;
Que madame Nazo , en épousant M. N aso, s’était fait
grecque schismatiquc ;
Q u ’à l ’occasion de son mariage, M. Naso a dépensé 5 o,ooo
écus ;
Q u’il n’existait point de mariage à tems; que les prêtres
grecs tenaient des registres dont ils ne connaissaient pas la
forme; que les Coplites en tenaient aussi; mais qu’aucun n’en
donnait d'extraits ;
Q u’au surplus, ils parlent peu français, et qu’en Egypte on
ne donnait pas le nom de registres aux notes qui etaient
tenues,
m
.
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( G)
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r ■ :
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JSeut'ième Tém oin, i
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'
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-,
■
•
3VI- Duranteau, général de brigade, membre du Corps Législaiif j âgé de soixante-im ans ,
A déposé qu’il a assisté à un repas donné par le général
D e sta in g , à l’occasion de son mariage ayec mademoiselle
Nazo ;
•
Que oc mariage était de notoriété publique.
t■
'
9
D ixièm e Témoin.
|* f
M. Saba Joseph, négociant, réfugié de Jérusalem, âgé de
trenle-huit ans,
A déposé qu’il était interprête chez le général Dupas; que
ce général fut invité, par le général Destaing, h son mariage,
et y assista ;
Que le mariage d’un français avec une grecque parut une
chose si remarquable en Egypte, que tout le monde s’en en
tretenait;
Que le mariage a été célébré par le Patriarche g re c , dans
l ’église Saint-Nicolas, au grand Caire;
Que lors du départ du général Destaing pour Alexandrie ,
le général Dupas l’invita à chercher un appartement à la cita
d elle, pour madame Destaing, présente à l ’enquête.'
Onzième T ém oin .
M . D a u r e , commissaire ordonnateur, âgé de trente-trois
an s,
A déposé qu’il ne sait pas si le général Destaing s’est marié
à l’église ou devant le commissaire des guerres; m ais, qu’à l’é-
�(
7
)
poque de son m ariage, il écrivit au déposant pour l ’inviter au
repas et au bal qu’il donnait à l’occasion de son mariage ; qu'il
assista au bal avec les généraux Lannus et Boyer.}Q u’il était alors trés-lié avec le général Destaing ; que ce
dernier le présenta à son épouse, ainsi que les généraux
Lannus et Boyer;' •
Que le bruit public annonçait le général Destaing comme
marié légitimement , et que lui personnellement l’a toujours
considéré comme tel ; que le mariage eut lieu environ deux
mois avant la descente des Anglais.
D ouzièm e Tém oin.
•j •
■ • ). >-
>i
- .
«
. , • •
1.
M. '] a c li, ancien négocian t interprète du général Lannus,
âgé de trente-liuit ans,
A déclaré qu’il n’avait pas assisté au mariage ; mais qu’étant interprète du général Lannus, ce dernier lui avait
dit : V ous n cle s donc pas venu à la noce avec nous?
,
que le général Destaing avait épousé la fille de Nazo ; que
le mariage avait été célébré par le Patriarche grec ; qu’il a
su de la bouche de l ’interprète du général Destaing que le
mariage avait été béni par le Patriarche m êm e, et que ledit
interprète avait été présent à la cérémonie ;
Que ce mariage avait fait beaucoup de bruit dans le quar
tier des chrétiens ;
Q u ’il avait été célébré dans l’église de Saint - N icolas ,
au grand Caire , dans un tems voisin de l ’arrivée des A n glais;
Q u’il sait que les latins tenaient des registres, parce qu’il
est latin et a été marié dans une église catholique ; mai»
qu’il ignore si les grecs en tenaient.
�(
8
)
Treizièm e Témoin.
M. Esteve , trésorier-général de la couronne , âgé de trentesix ans ,
A déposé qu’il a appris le mariage du général Destaing,
comme une nouvelle de l’armée ; que le général lui a ap
pris lui-méme ; que personne ne pouvait douter que le ma
riage ne fût légitime ; qu’il avait ouï dire que le mariage
avait été célébré suivant le rit grec ;
Q u ’il y a eu un repas de noces auquel il n’a pas assisté; que
huit k dix jours après il a été invité chez le général Destaing,
avec sept à huit autres français, et, qu’en dînant, le général
Destaing avait annoncé son m ariage, et qu’alors le déposant
l ’avait félicité et l ’avait embrassé;
Q ue le mariage a eu lieu au commencement de l ’an g , peu
de tems avant l’arrivée des A nglais;
1 Q u ’il croit que les commissaires des guerres ne se sont pas
conformés à l’ordre du jour qui prescrit la tenue des re
gistres.
Quatorzième témoin.
M. Sartelong, commissaire ordonnateur, secrétaire général
du ministère de l’administration de la guerre, âgé de trente!
sept ans,
A déposé qu’entre le i er brumaire et le i or ventôse de l’an g,
le général Destaing lui fit part de son mariage avec la fille
du commandant Nazo ; que ce commandant lui en fit égale
ment part ;
Q u’il a assisté au repas de noce, mais non à la cérém onie,
�( 9)
quoiqu'il y eut été invitéavec le général Delagrange; qu’il croit
même qu’il y a eu des billets de part de ce mariage, et que la
nouvelle en a été insérée dans la gazette du grand C aire, sans ^
cependant qu’il puisse affirmer ce fait qu’il dirait sans hésiter
en société;
Q u’il a vu au repas de noce l’épouse du général D estain g,
qn’il reconnaît pour être présente à l’enquête ;
Que le général Destaing , blessé dans une affaire contre les
A nglais, lui parla de sa femme comme d’une femme légi
tim e;
Q u’il ne peut assurer si les prêtres grecs .tiennent des
registres , que cet usage a lieu chez les prêtres catholiques
latins , qui sont beaucoup plus instruits ;
Que depuis son retour à P aris, il a vu le général Des-,
taing, qui lui a dit qu’il attendait sa femme;
Que d’après ce que lu i avait dit le général Destaing et
ce que lui avait appris la notoriété publique , le mariage
avait été célébré par le Patriarche grec et suivant le rit grec;
Q u ’il n’avait pas eu d’inim itié avec le général Destaing ;
Q u ’au surplus, quand son opinion ne lui serait pas favo
rable, cela ne l’empêcherait pas de dire la vérité ; qu’il
croyait même honorer sa mémoire en témoignant en faveur
de sa veuve et de sa fille ;
Que les commissaires des guerres ne tenaient que des pro
cès-verbaux et non des registres, que quelques personnes
faisaient inscrire leurs mariages et d’autres se contentaient de
se présenter aux prêtres du pays ;
Qu’au surplus les trois quarts de ses papiers a v a ie n t été
perdus;
Qu il ayait rédigé l’acte de mariage du général Beaudeau,
2
l
�( IO )
non sur un registre . qui n’existait pas, mais sur feuilles
volantes ; que c’est lui-mêine qui engagea le général Beaudeau à remplir cette formalité pour plus de sûreté , que
c’est le seul acte qu’il a rédigé ;
Q u ’il l’avait fait enregistrer conformément à l ’ordre du jour
de l’armée , que cet enregistrement avait lieu pour toutes
les transactions sociales et était une imposition indirecte
créée par les français.
Quinzième Témoins.
M. M arcel, directeur général de l’imprimerie im périale,
âgé de 52 ans;
A déposé, que dans le commencement de l’an n e u f, le
général Destaing épousa la dame Anne N azo, qu’il reconnaît
pour «ire présente à l’enquête;
Q u’il y eut à cette époque un repas auquel furent invités
tous les officiers généraux et les principaux chefs d’adminis
tration ; que ce repas le plus solennel qui ait eu lieu h cette
époque, fut donné comme festin de noce;
Que le mariage a été célébré à l ’église des G recs; qu’il croit
qu’il y eût des billets de .faire p a rt, imprimés ;
Q u ’un ordre du jour avait ordonné la tenue des registres
de l’état civil ; mais que cet ordre ne fut pas exécuté ; que le
déposant a perdu trois enfans en E gypte; que l’acte de nais
sance et celui de décès du dernier seulement ont été dressés.
Q u ’il n’a jamais entendu élever des doutes sur l ’existence
du mariage ; que la notoriété publique présentait comme ma
riage légitim e, et que l ’on ne parlait pas avec le même res
pect des unions illégitimes ;
�( » )
Q u ’il n’a connu aucun mariage à tems en Egypte ; cjue ce
cas est rare, et qu’il n’a lieu qu’entre musulmans, mais jamai3
entre chrétiens.
Seizièm e Tém oin.
M. Clément M archand, âgé de soixante an*,
A déposé qu’en janvier ou février 1801 la voix publique
lu i apprit le mariage du général D estaing; qu’il apprit
par tout le monde que ce mariage fut oélébré par le P a
triarche d’Alexandrie ;
Que le jour même ou le lendemain il vit un grand nombre
de personnes réunies devant la porte du général Destaing ;
qu’il apprit que cette réunion avait pour cause le mariage du
général Destaing , qu’ayant beaucoup connu ce général h
Rusette et au Caire , il crût devoir enirer chez lui et le féliciter;
que le général l'invita à rester chez lui pour lui servir d’inter
prète , parce que lu i, déposant, était traducteur d(e l ’arabe et
du grec da,ns l’administration des finances ;
^ Q u’il y eut un très-grand repas; que le Patriarche n’était
pas au dîner; mais q u il y a vu un ou deux prêtres grecs;
Que l’usage de dresser chez les Grecs des actes de mariage
n’est pas g én éra l, et que les prêtres ne font des actes que
lorsqu’on leur demande ;
Q ue les mariages à tems sont extrêmement rares et ne se
font que parmi les Turcs.
1
D ix-septicm e Témoin,
>
M . Larrey , inspecteur général du service de sau té, âgé
«le quarante-un an s,
>
�( 12 )
À déclaré q u e , dans le commencement de Fan neuf f
reçut un billet d’invitation pour assister aux noces du gé
néral D estaing, son am i; qu’il s’y rendit et y trouva plu
sieurs am is, entr’autres M. Esteves, le général Delagrange,
le général M enou;
Q u e , dans cétte réunion , M. Destaing était en grande
tenue, ainsi que tous les généraux;
Q u ’il adressa des félicitations au général D estain g, et lui
fit ses excusés de n’avoir pu se trouver à la cérémonie de
l ’église d’où l’on sortait en ce moment;
Que le mariage avait été célébré dans l’église du patriar-‘
clie des grecs , et que le repas avait eu lieu le même jo u rp
vers six à sept heures;
1
Q u e , depuis, il. a vu le général Destaing au siège d’A lexan
drie et à Paris ; que ce général lui a parlé plusieurs fois de
sa femme ;
Que ce mariage était de notoriété publique ; qu’il n’ayait
aucune connaissance
des mariaces
I
O à tems.
Enquête J'aUe h M arseille , par Madame Des iaiiig.
Premier Témoin.
M. Cliam , âgé de quarante-deux ans, négociant, et an
cien interprète du prince de N eufchâtel,
A déposé que, dans le courant de l’an n e u f, il entendit
dire que le général Destaing devait épouser la demoiselle
N azo; q u e , passant devant le domicile du général D estaing,
il vit des préparatifs de fê te s, des officiers et généraux en.
à
�( i 3)
grand costume ; qu’on lu i dit que c’était pour le mariage
du général Destaing avec la demoiselle Nazo ;
Que ce mariage avait été célébré par un P a t r i a r c h e grec ;
Que les Grecs ne tiennent pas de registres d’état civilD eu xièm e Tém oin.
M. Barthélémy S era , âgé de 5 o a n s , colonel des maraelu ck s;
A déposé que sur la fin de l’an huit ou au commencement
de 1’an neuf, le général Destaing lui d il qu’il voulait épou
ser la fille dit commandant Nazo , que le déposant lui ob
servât qu’elle n'était pas fille du commandant N azo, qu’il
avait épousé la mère , qui était veuve de Joseph Trisoglou ;
Que le général Destaing répondit que cela lui était in
différent, et demanda si cette dame était sage et avait de
bonnes mœurs, à quoi le déposant répondit affirmativement;
Que le général Destaing lui dit que son mariage serait
célébré selon le rit grec ;
Que le général Destaing l’invita à assister à son m ariage,
qu’il le remercia et ni voulut pas aller, parce qu’il ne vivait
pas bien avec la famille N azo;
Que quelques jours après, il vit beaucoup de monde à
la porte du général D esta in g , et qu’on lui dit que c'était à
l ’occasion de son mariage avec la demoiselle Nazo -,
Q u’ayant ensuite rencontré le général D estaing, c e lu i- c i
lui dit que son mariage avait été célébré suivant le rit grec,
J>ar un Patriarche grec ;
Qu’il n’y a que les prêtres latins qui tiennent des registres
de mariages et que les autres n’en tiennent point»
�C *4)
Troisièm e Tém oin.
M. Antoine Ham oui, négociant, âge de cinquante a m ,
A déposé qu’il était au Caire à l ’époque où le général
Destaing y était en activité de service, et qu’il apprit, par
la notoriété p u b liq u e, que le général Destaing avait épousé
la fille de la veuve N azo;
Que son mariage avait élé célébré par un Patriarche
grec ;
Que ce mariage fît beaucoup de b ru it; tout le monde ne
cessa d’en parler et de s’en occuper ;
Q u’il n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des registres,
et que les autres n’en tiennent point.
Quatrième Témoin.
M. Hannaa O dabaki, âgé de cinquante-six ans, ancien mar-,
chand au Caire,
A déposé qu’il était établi au grand Caire depuis trois ans,
avant l’arrivée de l’armée française ;
Que pendant que le général Destaing y était en activité do
scivice, le déposant y exerçait les fonctions de com m issaire
particulier de police;
Q u’étant lié d’amitié avec le commandant Jean Nazo, celuici l’invita au mariage de sa fille avec le général Destaing;
Q u’il y assista dans l ’église Saint-N icolas; qu’il assista égale
ment au repas de noce;
Que le mariage fut célébré par le Patriarche d’A lexandrie;
Q u ’il n’y a que les prêtres Latins qui tiennent des re
gistres.
�C x5 )
Cinquième Tém oin.
M. Mische R o séti, bijoutier, âgé de vingt-sept ans,
A déposé que sa famille était intimement liée avec celle du
commandant Jean Nazo ; que la fille de celui-ci ayant épouse
le général D estain g, pendant qu’il était en activité de service
au grand Caire, la famille du déposant et le déposant lui-même
furent invités à assister à ce mariage*,
Q u’ils assistèrent à la célébration qui eut lieu dans 1 église
Saint-Nicolas, du rit grec, et par le Patriarche grec; et q u e ,
suivant l ’usage pratiqué par les chrétiens de cette secte, le
colonel Papas-Oglou fut le parain de la demoiselle N azo;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres de l’état
civil.
S ixièm e Tém oin.
Sophie Mesk , épouse de Jean N azo, âgée de quarante-cinq
an s,
,
A déclaré être la mère de la veuve Destaing; que le mariage
a été célébré en présence de la fam ille, de diverses personnes
du pays, généraux et autres m ilitaires, notamment le général
Delzons , dans l’église Sain t-N icolas, par le Patriarche grec ;
Q u’elle ignore si les prêtres tenaient des registres.
Septième Témoin.
M. Joseph D u fe u , âgé de quarante-neuf ans, bijoutier,
A déposé que, dans le courant de l’année 178 1, le général
Destaing demanda aux sieur et dame Nazo leur fille en ma
riage , qu’ils y consentirent, et que le mariage fut célébré le
�( 16 )
lendemain du jour des Rois de l’église grecque, correspondant
au 17 juin 1801*;
Que l u i , déposant, fut invité comme parent de la fa m ille ,
et qu’il assista à la célébration dudit m ariage, qui eut lieu
dans l’église Saint-Nicolas au grand C a ire , et par un Patriar
che grec ;
Q u ’après la célébration du mariage il y eut un grand repas
de noce chez le général Destaing, auquel lui, déposant, assista;
qu’à ce repas étaient les généraux M enou,D elzons,D elagrange
et P.egnier ;
Que les prêtres grecs ne tiennent point de registres.
Huitième Tém oin.
Hébrahim Tutunzi , âgé de vingt-trois a n s,
A déposé qu’il a assisté au mariage de la demoiselle N azo,
sa n iè c e , avec le général Destaing ;
Que ce mariage a été célébré dans l’église Saint-Nicolas,
par le Patriarche grec ;
Q u’après la cérémonie, il assista au repas de n o c e , chez
le général Destaing ; niais qu’étant fort jeune alors, il n e se souvient pas des personnes qui y assistèrent, autres que
celles de sa famille ;
Se rappelle cependant qu’il y avait des généraux.
Neuvièm e Tém oin.
Joseph T u tu n z i, âgé de cinquante ans , ancien premier
commis du commandant Jean Nazo ,
A déposé que le mariage a été célébré dans l’église SaintNicolas au C aire, par le Patriarche grec, et que le parain
�C T7 )
de la demoiselle N azo, fut P apas-O glou , colonel de la légion
grecque;
Que lui , déposant, assista à la célébration , et se rendit
ensuite au repas de noce qui fut donné par le général
Destaing, auquel assistèrent divers généraux français et égyp
tiens notables ;
Que les prêtres latins de sa religion tiennent des registres ;
mais qu’il ignore si les prêtres grecs en tiennent ou non.
D ixièm e Tém oin.
Joseph M esk, âgé de quarante ans, ancien commis au
Caire,
A déposé que le mariage a été célébré dans l ’église SaintNicolas du rit grec ; que le parain de la dame Destaing
fut Nicolas Papas-Oglou ;
Q u ’il assista à la cérém onie, après laquelle il se rendit
au repas de noce cliez le général D estaing, où étaient pré
sens divers généraux, notamment le général Delagrange et
le général D e lso n , et que ce dernier était présent à la célé
bration , comme parent du général Destaing ;
Que les prêtres chrétiens, de toutes les sectes tiennent des
notes de mariage et naissance, et qu’il pense qu’ils en dé*
livrent des extraits quand on leur demande.
■
. •>
Contre E n q u ête f a i t e à A u r illa c p a r les ^frères et
sœurs D estaing. • • • • ’"
P rem ier Tém oin.
M. D e lso n , président du tribunal c iv il d’A u r illa c , âgé
3
r
�(i8)
de soixante-six ans, oncle maternel des frères et sœurs
D e s ta in g ,
A déposé qu’étant à P aris, lors de l’arrivée du général
Destaing, il ignora longtems les bruits de son mariage ; que
ce bruit se répandit à l’occasion d’une lettre écrite de Tarente
par un habitant d’Aurillac qui y avait vu arriver la famille
N azo , dont une fille se disait épouse du général D estaing;
Que la belle-fille du déposant ayant demandé au général
D estaing s’il était effectivement m arié, celui-ci répondit, en
plaisantant, que sa femme pouvait l’ê tr e , mais que lui ne
l ’était pas ;
Que le général D estaing, instruit que la fam ille Nazo
était arrivée à L yon , il le pria de demander à M. Fulssirou
une lettre de change de mille francs, payable à L y o n , qu’il
'vou lait envoyer et cette fem m e. — Ils sont là une troup e,
d it-il ; quand fo u rn is pris la f d l e , je n’a i pas épousé tout
cela. I l y a un en fa n t, f aurai soin de la mère et de
T enfant;
Q ue le général Destaing lui avait dit que son mariage
n’avait pas été fait devant un commissaire des guerres,
comme celui du général Delson ;
Que M. Nazo se trouvant aux scellés apposés chez le
général D e sta in g , il déclara que le général Destaing avait
épousé une de ses fille s, âgée de seize a n s , devant le Pa• triarche d’Alexandrie ;
Que le général D e ls o n , 111s du déposant, lui a dit qu’il
y avait eu une cérémonie religieuse dans la m aison-du
sieur N a zo , à laquelle il avait assisté ;
Que quelque tems après, le général Destaing étant pa• xain du fds <lti général D elson , le général D estaing donna
�( *9 )
à cette occasion, un grand souper, disant que c tlait pour
le baptême de son filleul.
D euxièm e Tém oin.
Madame Warsy', épouse du général Delson, âgée de vingtcinq a n s, cousine germaine par alliance des frères et sœurs
D estaing,
A déposé que le 29 nivose an g , elle n’était pas dans la ville
du Caire, qu’elle y arriva le lendem ain;
Q u’à son arrivée, elle apprit qu’Anne Nazo avait été con
duite la veille, à la n u it, chez le général Destaing; mais qu’il
n’y avait eu aucune pompe ni cérémonie d’usuge pour les ma
riages qui se font dans le pays, suivant le rit grec ;
Q u ’une douzaine de jours après, le général D estaing, à l ’oc
casion du baptême du fils du général D elson, donna un grand
souper et un bal auquel assistèrent les officiers de l’Etat Major,
et notamment le général M en o u , Anne Nazo, sa famille, et
plusieurs habitans du Caire;
Que dans cette fête, ladite A nne Nazo occupait la place de
la maîtresse de la maison ;
Q u ’il n’y eut ce jour là aucune cérémonie religieuse; mais
qu elle a ouï dire fjue le jour ou ladite N azo f a t conduite chez
le général D estaing, il y avait eu une cérém onie religieuse,
qui avait été fa ite par le P atriarche d’ A lexa n d rie, ti laquelle
peu de personnes avaient assisté ;
Q u’il y avait des églises pour le culte grec au Caire; niais
q u e , pour l’ordinaire, les cérémonies de mariage se font dans
les maisons ;
Q ue M. Nazo lui a dit, à elle déclarante, q u ’il ayait écrit au
�(
20
)
Caire pour avoir une expédition de son acte de mariage, mais
qu’on lui avait répondu que le Patriarche était m ort, et que
l’église était brûlée;
Q u au surplus, madame Destaing était considérée comme
épouse légitim é, et jouissait des honneurs dus à ce titre.
Que pour e lle, elle la croyait femme du général Destaing
et qu’elle lui rendait les honneurs attachés au titre.
Troisièm e Tém oins.
Françoise G ro n ier, fille , âgée de 3 o ans,
A déposé quêtant à Lyon , à l ’époque de l ’arrivée du
général Destaing , elle fut invitée à diner chez lui ;
Q u e lle lui demanda quand il amènerait sa femme, et qu’il
lu i répondit: elle est passée d’un côté et moi de l’autre
ce n’est pas le moyen de se rencontrer;
Q u ’étant à A u rillac, dans la chambre de madame Nazo
veuve D estaing, elle lui demanda comment elle avait été
mariée et si le prêtre avait écrit sur le registre ; à quoi la
veuve Destaing répondit que le Patriarche lui avait mis un
anneau au d o ig t, jusqu’il la première phalange, et que le
général l’avait enfoncé jusqu’à la fin du d oigt, et qu’à l’égard
du registre elle répondit : O u i , prêtre , grand livre, écrire.
Contre Enquête, J a ilc à M a u r ia c , p a r les fr è r e s
et sœurs Destaing.
Vrem ier Tém oin.
Joseph F e l , palfrenier du général D estaing,
A déclaré que pendant que le général Destaing était au
�( 21 )
Caire, son cuisinier d it, en déclarant qu’on avait amené
une femme au général D estaing, que quelques jours après,
celui-ci donna un grand repas où assista tout l’état m ajor,
et notamment le général M en o u , et que cette femme dont
il ne se rappelle pas le nom y était ; qu’il l’a entendu nom
mer madame Destaing ;
Q u ’à la suite du repas il y eut un bal ; qu’il ne sait pas
si Anne Nazo a été introduite dans la maison du général
Destaing avec pompe et m agnificence; que le cuisinier ne
lu i a donné aucuns détails là dessus -,
Q u’il croit même que le cuisinier lui dit qu’il n’avait pas
vu lui-même entrer cette femme chez le général Destaing,
et que ce jour là, il n’y eut aucune fête ;
Que le général n’a point donné d’autres fêtes, et qu’il
-n’avait jamais que dix à douze personnes à sa table.
D eu x ièm e et dernier Tém oin.
Jean Biron fait la même déclaration.
M e J U G E , Avoué.
H ACQU ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue G it le-C œ u r,n ° 8.
�
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Juge
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
témoins
Description
An account of the resource
Extrait des enquêtes et contre enquêtes faites à Paris, Marseille, Aurillac et Mauriac, dans l'affaire de la veuve du général Destaing, contre les héritiers Destaing.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa An 9-Circa 1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
21 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0608
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53868/BCU_Factums_M0608.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Marseille (13055)
Mauriac (15120)
Paris (75056)
Rights
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Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
témoins
xénophobie
-
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412aa9e07083899491de16e297d7b0e0
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OBSERVATIONS
SU R LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffam atoire
imprimé et
publié à R iom pour ses adversaires , et
produit par eu x devant la Cour d 'a p p e l
séant en cette ville.
frères et sœurs, à. la veille
d’un jugem ent qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fut imprimé et publié, sous leur nom , et
avec le titre de Mémoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur, tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des années françaises,
et dont l’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses , et cela sans raison , sans motif légitime, sans néces
sité , sans utilité pour sa cause.
L e s sieurs et demoiselles D estain g
�(o
En effet, il ne s’agit point, entre madame Destaing et ses
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête an
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur gré ou sans leur consentement ; de les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n’aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
Des collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général Destaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits qu’elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
Voilà la question.
Cette possession est-elle publique, certaine et constante?
Voilà les seules circonstances soumises à l’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
Voilà le point de droit à juger , et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame Des
taing, dont il fait une musulmane échappée à la servitude
dun harem, un être obscur et dépravé, une africaine ré
fugiée , la grecque la plus rusée et la plus adroite, que
contre son père, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant d eau-de-vie, révolutionnaire î\u
�( 5 )
Caire , et obtenant, à ce titre, celui d e . commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer , et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
Dqs jurisconsultes de divers dépaitemens de la France, réu
nis à Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l’examen des faits qui constatent la possession
détat pour détruire , s’il était possible, la conséquence qui en
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce parti, le seul convenable il la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session détat était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne cioira que le libelle ait été fait pour
le& juges qui doivent prononcer. On ne peut pas s’être flatté
de leur déguiser ,• aussi maladroitement, l’état de la question
qui leui est soumise. C est pour le public de Riom, ou peutêtre pour celui d’Aurillac, que l’ouvrage imprimé a été faitOn a essayé de laire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique, parce qu’il présente une question d’état que Ja Cour
<le Riom jugera solemnellement.
�4
( )
Mais cette question, on ne saurait'trop le répéter, peur
être réduite aux ternies les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante ?
Los beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing ne
peuvent nier la possession d'état de leur belle-sœur et nièce,
reconnues comme telles par toute la.famille, dés leur arrivée
en France, où elles ont été-appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C’est ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Desiaing ; c’est ce que ses beaux-fréres et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire.
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Gode Napoléon en a fait une loi
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître. ‘
L ’article 520 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffit.
Et l’article 33 r indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance“
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa fille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solemnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seul, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète.
L ’auteur, du mémoire avance hardim ent que cette recon
naissance a été surp rise, qu’elle n’est pas aussi com plète que
�( 5 )
madame Destaing le croit, et que la possession d’état ncst
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature faire impression sut*
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer q u il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing que
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
On suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fdle , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par cîo!, fraudes, suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son fils et sa
petite-fille, dont l’assemblée des parens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jamais
n’est-il pas convenu que madame Destaing, arrivée en France
dans un état de souffrance et de maladie , bien jeune encore,
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
Elle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à Aurillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu'elle n’avait jamais vu , et entre le»
mains de qui elle ne croyait pas devoir tomber , puisqu'elle;
comptait sur l’existence de soin mari.
�6
( )
Le libelliste suppose (page 10) que le sieur Destaing père
ne voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa maison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues h Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon,
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaircissemens satisfaisans.
On peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux ma
gistrat, 011 ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
aussi délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissimulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-même, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en remarquant, comme on ne pouvait s’en dispenser,
qu’à l’époque où le général Destaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et on
l ’a lait, que dans le système de toute autre législation, l'appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevables à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure malice, qu’à la page Go du libelle on
accuse madame Destaing d'argumenter avec un empresse
ment pou louable d ’une^ loi révolutionnaire promulguée
�C7 )
clans un instant de délire : loi immorale et. funeste qui n
fa it tant de malheureux qu'on entend tous les j o u r s gémir de
leurs ëgarernens , et qui passent leur vie dans la douleur et
le désespoir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolu
tionnaires , qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
Elle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens, et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Code
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français, et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire oublier, et à chercher , en souflant sur des
cendres , à ranimer quoiqu'étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtems , et c’est
sous ce rapport qu e l<i en use de m adam e D e sta in g mérite
toute l'attention du magistrat. Com bien d ’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père, ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du'patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant, combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans fam ille, sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
Le Code Napoléon, en exigeant pour certains cas la pre-
�C 8)
sentation des sctes de l’état c iv il, a prévu l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son état, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et y 1 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective, et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d’état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix , avaient été témoins du mariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lui-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été témoins, et l ’avait écrit
ainsi ; mais à la lecture, un seul ( don Raphaël ) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
lu plupart au lieu de tous, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général Destaing.
Ces témoins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam, avaient un
rang distingué dans l ’armée d’Egypte. 11 est,vrai que tous,
excepté le général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
ils sont tous membres de ,1a Légion-d’Honneur. S’ils n’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l'époque
où se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités suiii-
�m
salent]'"au moins, pour faire considérer leurf déclaration
comme étant d’un grand poids; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanach impérial, il aurait vu
qu e1des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. Il aurait vu qu’un général, officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs ? madame Destaing a dît assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’offi
ciers de l’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son père et sa mère. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frire ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
. Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
Delzon, cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis k ses cousins, a ses cousines, 1 acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Destaing, régla l’acte viduel et la pension veuvagère.
Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N’aurait-elle pas été dém entie
par ce braye militaire, si le fait ¿tait faux ; mais un homme
2
�<*o
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses prochesj
est incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est mieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été Igamie,
la compagne, la première interprète de sa cousine. Sous les
yeux du général D elzon , madame Delzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude dun
harem. Les MM. Destaing, en outrageant la veuve d’un irère
qui leur fait honneur, manquent également à leur cousin ^
qui fut constamment son ami ; à l’épouse de ce général qui ,
quoique fille d’un français , est également née en Egypte :
mais à qui ne manquent-ils pas ? Nous nous abstenons de
relever tout ce qu’il y a de méchant dans cette diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi le conseil de leur oncle
maternel, le père du général Delzon, la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , n’aurait jamais eu lieu.
M. Delzon était membre du Corps législatif, et se7trouvait
à Paris à l’époque du décès du général Destaing :'c'est lui
qu i, le premier, a reconnu l’état de sa nièce ;'c’est sur sa
demande qu'il obtint pour la veuve du général Destaing la
première pension qui lui fut accordée. Cette pensiqn ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut point
alors assimiler le général Destaing ¿1 un officier mort sur le
champ do bataille.
'
t
Ce n’est point sur la présentation de l'acte de tutelle que
la pension a été. augmentée ; c’est uniquement par l'intérêt
q u ’i n s p i r e la veuve du général Destaing à tous ceux qui furent
�C »* )
les amis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué le libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa fille , son unique consola
tion ; elle veut aller <se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice : mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing ne peut ni se séparer de sa
fille, ni .exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mère de famille n’a pas été un être respectable aux yeux de
ses ennemis , que n’aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , si elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
On lui a dit que les lois françaises lui en a s s u r e n t un
dans le ministère public, protecteur naturel delà veuve, de
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C’est dans ' ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l’abreuver,
, Elle est chrétienne •, elle en fait gloire : madame Delzon
et le général Delzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n était point indigne d’être l’épouse du gé*
neral D estaing, et elle a toujours porté cette qualité avec
honneur.
Le rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l’Eglise romaine ; le siège de l’Eglise
grecque, dans le sein de laquelle elle est née, est toujours
Alexandrie ; l’évêque est qualifié de patriarche, et réside au
Caire.
I l n’a rien de commun, avec lei Arméniens, "dont les uns
�C *2 )
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens >
les Cafres et les Maronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
Ces formes sont solemnelles et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages,
contractés en Turquie par des chrétiens.
On doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chrétiens qui vivent sous son empire.se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain point, le ministère civil au
ministère ecclésiastique.
. .
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fui
intéressé, et la puissance ottomane prête m ain-forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
/;.
C’est ainsi qu’après la conquête des Francs, les'différens
peuples qui furent subjugués sc réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis à chacun de vivre ou S0;US la loi romaine , oui
sous la loi falique, ou soys tout autre régime, et la puis
sance publique maintenait les jugemens rendus suivant ces
diverses lois*^: ■
m -.n
-
•
�( i5 )
L a cour de Riom sait tout cela mieux que nous, et san9
cloute l’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrement, aurait-il ;
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
Avant que , par des rapprocbemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’ elle a appris la langue française, on ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l’année commençait au mois de septembre et non
au mois de janvier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions d e l ’année de l’ancien calen drier ne se rapportaient
pas à la m êm e année du nouveau ; de m anière q n ’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien dés équivoques.
t
>
Mais clleé disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécé„lentës', suivantes et' concurrentes, et dès lors l’expression -de-’ l<’année dfcvient indifférente.
Quand on a dit, par exemple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l’année qu’il comman
dait au Caire sous le général Béliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général Kléber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine répbqlie de ce mariage : madame D e s taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu ’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu a v e c son m a i i . , ;
Mais tout cela n’est qwe pour les oisifs. L’appeï süt'-ïéquêl
la Cour de Riom* doit prononcer n^’ lui présente que ïai
�(14 )
question( de la possession d’état ; e t , sur ce point, la défense
de la dame Destaing n’a.pas été entamée, et elle ne peut
p as l'être par les digressions dans lesquelles ses adversaires
sont- entrés, et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
d étruire les impressions; qu’elles auraient pu faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
Riom , sur lequel elles ont été faites;
Le CO N SEIL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
qu’il est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
reprehensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’Appel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d'en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère public, attendu la nature des injures
et les fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d’Egypte.
Délibéré à Paris, par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAUBERT.
CH ABO T
de
l 'A l l i e r .
HACQUART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 6-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0607
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0608
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53867/BCU_Factums_M0607.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53866/BCU_Factums_M0606.pdf
3f754df0f7f4c808af0183a4971445f5
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PIECES JUSTIFICATIVES.
N°. Ier.
Extrait du Moniteur, N°. 93, du 3 nivôse an 7.
A r m é e d’ O r i e n t . Suite des extraits des ordres du jour de
l ’arm ée , datés du quartier général du Caire, du
fructidor
an 6, au 28 vendémiaire an 7,
L
i b e r t e
.
É
RÉPUBLIQUE
g a l i t é
.
FRANÇAISE.
Au quartier général du Caire, le 21 vendémiaire
an 7 de la république française.
O r d r e d u j o u r d u 2 1 v e n d é m ia ir e a n 7 .
est prévenue que tous les actes civils qui seront
passés par les commissaires des guerres, ceux qui seront passés
sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui pourront l'étre
entre les Français et les nationaux par-devant les notaires du
p ays, seront nuls en F ra n ce, comme i c i , s’ils ne sont enre
gistrés conformément à l’ordre du général en ch ef, en date du
3 o fructidor dernier.
L
'
a r m é e
E x tra it de l'ordre du général en chef du 3o fructidor an 6.
B
o n a p a r t e
,
général en c h e f, ordonne :
A r t . I er. Il sera établi dans chaque c h e f - l i e u de province de
^
un bureau d’enregistrement, où tous les titres de pro-
v.
�( â )
priétés, et les actes susceptibles d’étre produits en justice, re
cevront date authentique. Signé Alexandre JBerthier , général
de division , c h ef de Vétat m ajor général.
N°. II.
E x tra it du registre des actes de mariages , déposé au secrétariat
de la mairie d s lu n lla c , chef-lieu de préfecture du départe
m ent du Cantal.
C r j o u r d ’h u i vin gt-u n nivôse
onze de la'république
française , onze heures du matin , est com paru, dans une des
salles de la mairie d’ Aurillac , et par-devant nous J e a n Abadie ,
maire de la commune dudit Aurillac , faisant les fonctions
d’officier public de l’état c iv il, le citoyen Alexis Deteons, gé
n é ra l de brigade, commandant le département, demeurant audit
Aurillac , lequel n o u s a requis d in sé re r dans les registres de
m ariages, l’acte de son mariage avec dame Anne-Julie Varsy >
dressé par le citoyen Joseph A gard, commissaire des guerres
employé à Rozette , faisant les fonctions d’officier civil, le seize
brumaire an h u it, ainsi qu’il conste de l’expédition qu’il nous «a
représentée, et déposée à notre secrétariat.
S u it ledit acte mariage.
L an huit d e là république française, et le seize brumaire,.
sont comparus devant nous Joseph Agard, commissaire des guerres
employé à Rozette , faisant les fonctions d’officier c iv il, confor
mément à la l o i , le citoyen Alexis Delzons , c h e f de brigade
de la quatrième demi-brigade d’infanterie lé g è re , né le vingtsix mars mil sept cent soixante-quinze, à Aurillac, département
du Cantal , fils d’Antoine Delzons et de Marie-Anne-Crispine
Hébrard , personne libre de tous lien s, conformément au cer
tificat du conseil d’administration de son co rp s, qu’il nous a
rem is, d ’ u n e part; et la citoyenne Julie-A n ne V a rsy , née k
�( 3 )
Alexandrie le seize janvier mil sept cent quatre vingt quatre ,
fille de feu Joseph Varsy et d'Elizabeth Donner , ici présente,
et de son consentement, accompagnée de ses frères et sœurs,
d’autre part; lesquels ont déclaré, de leur libre, pleine et en
tière volonté, s’ unir cri légitime m ariage, conformément aux lois
de la république française ; de laquelle déclaration nous leur
avons donné acte en présence des citoyens Julien, capitaine
adjoint, Lanten , quartier - maître , et Labadie, capitaine, qui
ont signé avec m oi, la veuve V arsy, ses frères et sœurs, et les
parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré ,
conformément aux ordres du général en chef. Signé à l’original,
Julie V a rsy , Delzons , Labadie, Elizabeth D o rm er-V a rsy ,
Sophie Lanten, née Varsy, Lanten, Varsy a in é, Julien, le com
missaire des guerres, Agard. Enregistré à Rozette le vingt-deux
brumaire an h u it, n°. 104, reçu quarante médias. Signé à l’ori
ginal, R oy a n e s , d irecteu r d e l ’enregistrem ent.
Pour c o p ie c o n fo r m e à l ’o r ig in a l, le com m issa ire des guerres ,
sign é A g a h d .
D e tout quoi nous , maire susdit, avons donné acte audit
citoyen Delzons , de la remise de l’expédition de son acte de
mariage ; l’avons fait déposer aux archives de la mairie , et
avons dressé le présent procès verbal en présence des citoyens
Antoine Delzons , législateur, et de François Miquel, capitaine,
aide de camp , majeurs , domiciliés dudit Aurillac ; et o n t,
lesdits Delzons et M iq u el, signé avec nous maire , lesdits jour
et an que dessus.
Pour copie conforme , H é r a u l t , secrétaire.
•
V u pour la légalisation de la signature Hérault, secrétaire de
la mairie d 'A urillac, par nous Guillaume L aval, juge du tri
bunal civil d’Aurillac.
A A u rillac, le v in g t-six août m il huit cent six. L a v a l .
B h u h o n , greffier,
�( 4 )
N°. III.
D es actes de l’état civil du département de la S ein e,
dixièm e arrondissement de la com m une de Paris, p ou r
l ’an treize, déposés au greffe du tribunal de prem ière
instance du mêm e départem ent, a été extrait ce qui
suit :
'Acte civil de mariage .
L ’ a n huit de la république française, et le vingt-neuf vendé
miaire, sont comparus devant nous Joseph A g a rd , commissaire
des guerres employé à. Rozette, faisant fonction d’officier civil,
conformément à la loi, le citoyen Georges - A uguste L a n te n ,
capitaine, quartier-maître de la quatrième demi-brigade d’infan
terie légère, natif de B ite t, département de la Mozelle, âgé de
vin g t-n eu f ans, fils de Jean L anten et de Christine D u p o n t ,
personne libre de tous les liens, conformément au certificat du
conseil d’administration dudit corps , qu’il nous a remis , dûment
enregistré , d’une part ;
Et la citoyenne Catherine Sophie V a r s y , Agée de vingt ans,
fille de feu Joseph V a rsy , négociant de Rozette, et d 'Elizabeth
D o r m e r, veuve V a r s y , ici présente, et de son consentement,
accompagnée de ses frères et sœurs, d’autre part;
Lesquels ont déclaré, de leur pleine, libre et entière volonté,
s’unir en légitime mariage, conformément aux lois de la répu
blique française : de laquelle déclaration nous leur avons donné
acte, en présence de l’adjudant général Valentin ; Delzons, ch ef
de brigade de la quatrième dem i-brigade d’infanterie légère;
Rainiondon, commissaire ordonnateur; et de ses frères et sœurs,
qui ont signé avec nous et les parties contractantes.
Le présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré
conformément aux ordres du général en ch ef, des trente fruc
�( 5)
tidor an six , et vingt-un vendém iaire an sept. Fait a R o zette, les
jour et an que dessus. Signé à l’origin al, Auguste L an tén , Sophie
Y a rs y , Elizabeth D o rm e r-V a rs y , l’adjudant général Y a le n tin ,
Delzons , Raimondon , Agard , Julie Y a r s y , Joseph V a r s y , et
V arsy aîné. Enregistré à R ozette, le vingt-neuf vendémiaire an
¡huit, sous le n°. 100 : reçu 40 m * Pour copie conform e à 1 ori
gin al, le commissaire des guerres , signé A gaiid.
Au bas est écrit : Je certifie que le citoyen A g ard , qui a signe
le présent acte de m ariage, est tel qu’il se qualifie , qu’il rem plit
ic i les fonctions d’officier civil pour constater l’état des citoyen s,
et que foi doit être ajoutée à sa signature. A R o zette, le vingtn e u f vendémiaire an huit. L ’adjudant comm andant la province
de R o zette , signé V alentín .
Collationné sur pareil extrait déposé au dixième arrondisse
ment de la commune de Paris, lors du divorce de la demoiselle
V a rsy avec le sieur L antén , qui a été prononcé le d ix-h u it
prairial an tre ize , inscrit sous le n°. 6 du registre dixième de
l ’état civil dudit arrondissement.
D é liv r é p a r n o u s , g r e ffie r d u tr ib u n a l d e p r e m iè r e in s ta n c e
d u d é p a r te m e n t d e la S e i n e , c o m m e d é p o s ita ire d u r e g is t r e ,
s e c o n d e m in u te , e x tr a it d e l’ a u tre p a r t , e t e n exécution d e l’ar
ticle 45 du Code civil des Français.
Au greffe, séant au palais de justice, à Paris, le douze dé
cembre mil huit cent six. E. A. M ahgueh¿.
Nous président de la troisième section du tribunal de pre
mière instance du département de la Seine, certifions que la
signature ci-dessus est celle de M. Margueré, greffier en ch e f
dudit tribunal ; en foi de quoi nous avons fait apposer le sceau
du tribunal.
A P aris, au palais de justice, le douze décembre mil huit cent
six.. L e B e a u .
�(6)
N°. IV .
E x tra it du registre des actes civils de la place du Caire.
neuf de la république française, et le dix pluviôse, pardevant moi M. Pinet, commissaire des guerres, chargé du ser
vice de la place du Caire, sont comparus les citoyens AlexisJoseph D elzons, ch ef de la quatrième demi-brigade d’infanterie
légère, Jacques-Zacharie d’Estaing, général de brigade, François
M iquel, adjudant major dans ladite quatrième demi-brigade, et
Joseph Labadie, capitaine au même corps, la citoyenne VarsyLanten ; lesquels m’ont présenté uii enfant qu’ils m’ont déclaré
être né à Rozette, le vingt-sept brumaire dernier, du citoyen
Alexis - Joseph Delzons , et de la citoyenne Julie Y a r s y , son
épouse, et être du sexe masculin, auquel enfant on a donné le
nom d ’A le x is -A le x a n d r e : le p a rra in a été le général de brigade
d’Estaing , et la marraine, la citoyenne Varsy-Lanten , au nom
de la citoyenne Y a rsy, aïeule de l’enfant; desquelles présen
tation et déclaration j’ai donné acte , que j ’ai signé avec les
citoyens Delzons, le parrain, la marraine, la citoyenne VarsyDelzons , Baudinot, Labadie, Miiquel. Signé au registre, D e l
zons , ch ef de brigade, d’Estaing, général de brigade, VarsyL a n t e n , Varsy - Delzons , Baudinot, capitaine, Labadie et
Miquel ; P in et, commissaire des guerres.
L ’a n
Pour copie conform e *le commissaire des guerres, signé P ihet ,
�C7 )
N°. V.
L
i b e h t î
.
É
RÉPUBLIQUE
'
g a l i t é
.
FRANÇAISE.
Au Caire, le z 5 pluviôse an 9 de la république française.
D ’ E s t a i n G j g én éra l de b r ig a d e ,
A u citoyen d ’ E s t a i n g père.
V o u s devez avoir reçu de mes nouvelles , mon cher p ère,
par l’arrivée d u L o d i, et autres bâtimens , dont la traversée
d’ici en France a été fort heureuse. Depuis ces époques, notre
situation n’a point changé. L ’armée est toujours en très-bon
é ta t, tant au physique qu’au moral ; et le grand Visir paroit
moins disposé que jamais à venir nous visiter ; la peste, la fa
mine et la désertion le dispensent d’avoir recours à la guerre
pour d é tru ire e n c o r e u n e armée. Il est arrivé successivement
plusieurs bâtimens de guerre ou de commerce français, notanv
ment les deux frégates l’Egyptienne et la Justice, chargées de
différens objets qui nous étoient le plus nécessaires ; nos ports
sont également fréquentés par un grand nombre de bâtimens
grecs et méirie turcs sur la Méditerranée , arabes et indiens sur
la mer Rouge ; de manière que la colonie, qui est d’ailleurs par
faitement tranquille, acquiert journellement de nouveaux degrés
de prospérité : il faut espérer que cette conquête intéressante
sous tant de rapports, ne nous échappera point à la paix ; tout
au moins elle sera d’un grand poids dans la balance, et je pense
plus que jamais ce que je vous ai déjà écrit à ce sujet ; je suip
J>lus que jamais éloigné d’avoir regret aux efforts et aux dangers
particuliers qui étoient indispensables pour c o n tr a rie r ouverte
ment les vues d’une factioiî ennemie de la p ro sp érité de la répu-
�. ( 8
}
blique, ainsi que de la gloire de l’armée d’Orient. Il faut donc
voir avec patience s’éloigner le moment de nous réunir ; nous
avons fait tant d’autres sacrifices ; nous serons également dédom
magés de celui-ci par la plus pure des jouissances, celle de se
voir plutôt en avant qu’en arrière de ses devoirs. La paix avec
l’Empereur est sans doute actuellement conclue ; les circons
tances sont de nature à presser vivement les Anglais d’en finir;
et Bonaparte saura si bien en tirer parti, que le temps est peutêtre moins éloigné que nous ne le croyons, où nous reverrons
notre p airie, nos familles , aussi dignes de leur reconnoissance
que de leur tendresse.
Delzons se porte fort bien. Il a un petit garçon très-éveillé ;
et j ’essaie lïe n Jaire un à une jeune Grecque , q u i , d ’après un
arrangement o rien ta l , f a i t les honneurs de chez m oi depuis
près d ’un mois. Adieu , mon cher père , j’embrasse ma mère
et toute la famille , et vous prie de m’écrire : tout le monde ,
excepté m o i, reçoit ici des lettres. Signé d ’E s t a i n g .
Rappelez-moi au souvenir de nos anciens amis,
N °.
V I.
Paris, le i 3 ventôse an 10.
J e profite du départ du préfet, le c. Riou, pour vous écrire
deux mots. J’ai reçu une délibération de la commune d’Aurillac,
je verrai de la servir ; mais je ne sais si je pourrai rester assez
long-temps ; dites au c. Abadie que je lui écrirai bientôt.
Je n’ai pas encore pu joindre le conseiller d état Duchatel ;
ce sera je crois pour après-demain.
Q uant à mon m ariage , vous ne devez pas plutôt croire la
lettre de Latapie que la mienne ; il n ’y a aucun lien légal ;
■¡e ne ïaurois pas contracté sans vous en prévenir: mais il y
~a~à’autres liens qui pourraient peut-être bien amener celui-làf
�(9 )
Au reste, j’ai écrit à cette famille de se rendre à M arseille, et
d’y attendre de mes nouvelles.
(
Quant à ma destination , elle n’est pas encore réglée , parce
qu’on exige que je désigne ce qui me convient. Je ne la i pas
fait encore , mais après-dem ain à la parade je remettrai ma
demande.
Delzons avoit remis la sienne il y a quelque temps ; et s u iv a n t
sa demande, il ira à Clermont ou à Aurillac.
A dieu, je tous embrasse tous. Signé d’Estaing.
N°. V IL
MAISON
DE
.
L’ E M P E R E U R .
Paris, le
5 mai
1808.
J e soussigné, trésorier général d e l à couron ne, ancien d irec
teur général des revenus d’Egypte , certifie que d’après les
vérifications qui ont été faites sur les registres de l’adminis
tration de l’enregistrement d’Egypte, il n’y a été présenté, dans
aucun temps , aucun acte de mariage relatif à M. le général
d’Estaing.
E n foi de quoi j’ai délivré le présent pour servir et valoir ce
que de raison. E s t e v e .
N°. V I I I .
r
♦
E x tra it du registre de service du général d ’E sta in g , ayant
pour titre : Correspondance relative au com m andem ent de
Cathié.
Commençant le 17 brumaire an 8 , par une n o te , en ces
termes . « Ecrit au général Régnier, pour lui annoncer mon
�ce arrivée, e t lui demander des in s tr u c tio n s » e t finissant le 16
pluviôse an 8 , par une lettre au général Verdier, pour lui
annoncer que le lendemain , 17 pluviôse, il évacue le poste de
Cathié.
Registre écrit tantôt de là main du général, et ensuite de son
aide de camp, contenant copie de toutes les lettres qu’il écrivoit,
et des ordres donnés ou reçus ;
Registre qui prouve que depuis le 17 brumaire an 8, jusqu’au
16 pluviôse, il n'a quitté ni pu quitter son poste.
Delà le général se rend à R ozette, à plus de six journées de
marche , puisqu’il faut traverser le D elta , et une partie du
désert.
Il reçoit des ordres adressés à Rozette, par le général en ch ef
K léber, de veiller sur le bas Delta.
La correspondance du général Kléber, datée du Grand-Caire,
commence le 20 ventôse an 8, et finit le 11 prairial an 8. Toutes
les lettres existent en original.
N°. I X.
Correspondance du général de division M enou, toutes signées
A bd a lla M en o u , commençant le 15 germinal an 8, jusqu’au 21
floréal même année ; écrites de Rozette au général d’Estaing ,
aussi à Rozette.
N°. X.
Lettre du général Rampon , écrite du quartier général de
Dam iette , au général d’Estaing, le 3 messidor an 8, pour lui
annoncer l’assassinat du général K lé b e r, et que le général de
division M enou a pris le commandement en chef.
_______ - i .
'i
'.,n fi
: :
~
A R I OM', de l'im p rim e rie de T H IB A U D-LANDRIOT , i m p rim e u r de la C o u r d ’appel,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa An 6-Circa 1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0606
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0605
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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MÉMOIRE
EN
RÉPONSE,
t
POUR
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’E S T A IN G , ancien
commandant d’armes à Cham béry , J a c q u e s T h é o d o r e , P ie r r e - G a b r i e l , C a t h e r in e e t
D ’E S T A IN G , frères
et sœurs,
t
intimés et appelans ;
E l iz a beth
c
A
n n e -,
o
n
t
r
s o i- d is a n t N A Z O
e
s o i - d is a n t Grecque
d'origine, se disan t veuve du général d ’E s t a i n g ,
, safille,
appelante d'un jugement rendu au tribunal de
M auriac, le 1 3 août 1807, et intimée.
se disant pareillement tutrice de M
Q U E S T IO N
a r ie
D ’É T A T .
C e t t e cause est de la plus haute im portance, et
doit exciter vivem ent la curiosité p u b l iq u e .
U ne Égyptienne, musulmane de religion, échappée à.
A
/
�(2 )
la servitude d’an harem , a goûté quelques instans les
chax*mes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce g én éral, après la capitulation d’A lex a n d rie, a
repassé en France. U n événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa fam ille, à ses amis.
L ’ A fricaine réfugiée a cru trouver les circonstances
favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veu ve, et donner son
nom à une fille dontelle estaccouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
E lle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
vieillard respectable e't crédule, q u i, dans sa douleur,
trouvoil quelque consolation à accueillir ceux qui avoient
eu des relations avec son fils chéri.
Cet acte de bienfaisance lui a été reproché : on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G recque, qui réclame'2toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p è re , décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles.dont
il n’est pas permis de s’écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des êtres obscurs et dépravés.
F A I T
J a c q u e s -Z a c lia rie
S.
d’Estaing, général de division , eut
l’honneur d’être Domine de 1 expédition d E gyp te, sous
�( 3 )
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Français.
A p rès quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de là place du (jaire ; il s’y lit distinguer
par sa bravoure et ses manières généreuses. Les Grecs
qui habitoient le Caire voulu ren t, suivant l’ usageT'ofiVfr
une somme d’argent au com mandant. JLl la retu sa avec
noblesse.
L e nommé J o a n ny N a z o , q ui va figurer dons cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivi’antes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Cophtes et les Grecs qui se trou voient au Caire,
étoient tous dans le partT des français. JLe commandant
fut chargé d’organiser des bataillons_parmi eux. Jo a n n y
JSazo étoit un de ;eux qui m ontroient le p lus de chaleur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
"
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’inform ent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de cam p, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnée.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. O n ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(4 )
empressement : N a z o envoie au général , A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a z o avoit épousé la veuve d’un
m usulman; A nne étoit provenue de ce premier mariage,
et a voit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-m êm e convenue, et l ’a. ainsi déclaré en p résence
de plusieurs personnes.
G o m m e n t pourroit-elle le désavouer? S i, comme elle
le d it, elle étoit G recque d’origine et de relig io n , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Parabe, langue féconde et har
monieuse, que parlent en général les T urcs qui habitent
cette contrée de l’A friq u e, et dout les prêtres grecs n’en
tendent pas vin mot.
~;;U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne Egypte * jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres -par l’aiitiq uitéde leur origine',
la sagesse de leurs règlem ens, l’étendue de leurs connoissances , n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples d ivers; les C op lites,les M aures,
les A rab es, les G recs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
‘
• r,:' '
Ce mélange de tant de nations, la diversité des cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les vices les plus honteux y règuçnt avec impunité.
�(5 )
u in n e , soi-disant N a z o , fut donc livrée au général
, d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-mêm e à son père d’un événem ent qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
C aire, le z 5 pluviôse an 9 , il ne craint pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon k une jeune
« G recq u e, q u i, d’après un arrangement orien ta l, fa it
« les honneurs de chez l u i , depuis près d'un m ois. »
C ertes, si le général d’Estaing avoit eu des vues h o
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
y eu x de son p è re; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté , surtout dans une lettre où il fait mention du
mariage de son paren t, le général D elzo n s, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencemens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qxi’A.nne étoit venue'
habiter chez le général d’Estaing.
O r , depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’E gyp te, un
bureau d’enregistrem ent, où tous les titres de propriété,
et les actes Susceptibles d’etre produits en justice, devoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 30
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un o r d r e du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
. Ge chef illustre > dout la sage prévoyance embrassoit
�.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez; il falloit donner
aux actes civils la plus, grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’arméé
a fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des gu erres, ceux qui seroient
a passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
a par-devant les notaires du pays, étoient nuls en F rance
« comme en E g y p te, s’ils n’étoient enregistrés confor« mément à l’ordre du général en ch ef, en date du 30
cc fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzon s, parent
du général d’E stain g, a contracté mariage avec dem oi
selle A n n e V a j'sy , née à A lexan d rie, il a été dressé un
acte civil.
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brum aire an 8 : il est reçu par Joseph A g a r d , com
missaire des g u e rres, faisant fonctions d’olïicier c i v i l ,
avec mention « que Vacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conform ém ent a u x ordres du
« général en c h e f : » et cette form alité d é l’enregistrement
a été rem plie à R o zette, le 22 brum aire, six jotrrs après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine; natif
de B ite t, département de la M o selle, avec Catherine-
�(7 )
Sophie V a r s y , fille d’un négociant de R ozette : l ’acte
également reçu par Joseph A g a r d , le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain.
L e général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’ un fils; l’acte de naissance
de l’enfant a été x*eçu par le sieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
En un m o t, tous ceux qui se sont mariés en E gypte
ont pris la même précaution; et ils y étoient tenus d’après
les ordres du g é n é ra l, à peine de nullité.
Ces obsérvations préliminaires trouveront leur place
dans la suite. L e général d’Estaing ne cohabita pas long
temps avec A n n e. Les Anglais débarquent à A b o u t ir :
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendre à A lexandrie
en ventôse an 9. A n n e reste au C a ire , et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
*
A insi Varrangement oriental n’a pas eu deux mois
de durée;
A près la capitulation d’A lex a n d rie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Par un des articles de la capitulation les Anglais
s’obligèrent dé faciliter ce passage.
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
Nazo~, A n n e , sont du nom bre des réfugiés. D ’après le
récit dA n n e , « elle fut embarquée à A b o u k ir, sur un
K petit navire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
« elle est saisie des douleurs de l’enfantement dans le
« navire: le patron prend terre, et jette l’ancre sur la.
k côte de Céplialonie,
x î Tv''k
�(8 )
« A im e accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fat
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
IL faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A n n e est obligée
d’en convenir.
' Cependant « le consul français l’honora de sa visite. »
E h quoi ! le consul ^français fait visite à une femme
qui se dit l ’épouse d’un g é n é ra l,'q u i n’est pas remisé
des’ douleurs de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas représenter l’enfant ! il ne dresse p oint d’acte de
naissance, tandis que son devoir l’y obligeoit! Il est sans
contredit difficile de faire croire à une pareille omission :
le prêtre au Vnoins auroit dû constater par écrit le bap
tême de reniant*
Enfin voilà A n n e remise de ses douleurs, et débarquée
à T a ra n te , dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout, se trouve un A u vergn at, de la ville m êm ed’A u rillac,
dppôlé L a ta p ie , qui ,^Omme cu rieu x, voit ces nouveaux
débarqués. Latapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille viennent de débarquer, d’après
la capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mari.
Cette lettre se répand dans la ville d’A u rillac; le sieur
d’Estaing père en est in form é, et en écrit bien vite à
son fils.*Celui-ci rép on d, le 13 ventôse an 10 : « Quant
« à mon m ariage, vous ne devez pas plutôt croire la
« lettre
�( 9 )
lettre de Latapie que la mienne ; il rfy a aucun lien
légal; je ne l’aurois pas contracté sans vous en prê
venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient peutêtre bien amener celui-là. A u reste f ai é c rit à cette
famille de se rendre à M arseille, et d’y attendre do
mes nouvelles. »
U ne lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas ime possession d’état. Il semble assez naturel qu’ une
femme ne puisse prétendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancedecelüi qu’elle dit être son mari.
L e général d’E staing, arrivé à Pai*is, y a trouvé là
m ort, le i 5 floréal an 10. O n a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l ’ex tra it, prouve
«
«
te
«
«
«
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire, que toujours en activité do service, il attéil-
doit du gouvernem ent une destination ultérieure.
.Le sort en a décidé autrement ; il a v écu. M . D elzons,
législateur, oncle d u général d’Estaing. étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il tait prendre routes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du défunt.
M . Delzons savoitqu’^ ; ? e devoit se rendre h Mnrspillff,
ville assignée aux Egyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à L yon pour raison de santé, et y avoit pris un
logem ent commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur B onrdin . marchand cliapelier, originaire d’A u rilla c , et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer à A n n e
�( IO )
JajnQrt_dtvg£péval d’Estaing, et de lui procurer un loge
m e n tplus économ ique que celui qu’elle occupoit. Boui'din
excéda ses instructions ; il crut qu’il valoit m ieux encore
faire partir cette femme pour A u rillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A u rilla c, A n n e , sa fille, et une nourrice.
M . d’Estaing père n’a aucune coniioissance de cette
dém arche; il n’en est inform é que par Bourdin lui-m êm e,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
üt~précède de deux jours la prétendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
recevoir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
que sous des rapports peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. L a charité ou la compassion
l’obligeoient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
O n chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A n n e. L a
résistance du p è r e , pour recevoir cette femme dans sa
m aison, est connue de toute la ville.
M ais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiïerens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différons des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés ; et soit curiosité,
pitiç ou faiblesse, le sieur d’Estaing, dans ce moment
de d o u l e u r , atterré p a rla nouvelle fatale de la mort de
son fils,-accable sous le poids des ans, se laisse,subjuguer;
il admet, cette fcimnc dans sa maison.
�Son arrivée à A u rillac date du I er. prairial an 10 ,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a d it, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps inform é, et de la m ort de son fils, et de l’arrivée
de l ’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
A p rès une quinzaine accordée à A n n e , pour la reposer
des fatigues de son v o y a g e , il lui fait part de la lettre
du g é n é ra l, son fils , et lui communique ses doutes :
A rm e soutient qu’elle est l’épouse légitim e du général;
qu’elle a été mariée au Caire , au com m encem ent de
Tait 8 ; que sa famille, qui est à Marseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille.
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse d'A n n e , de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin cPun secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire , ni ecrire cn"llililiWi;^
Dans l’in tervalle, M . Delzons arrive de Paris ; il est
inform é de ces détails. Il connoissoit!l’état des affaires
du gén éral; il observe à son beau-frère qu’il est Tinrent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du m obilier : mais comment faire? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit Agée
de dix-sept ans seulement; elle n’a aucun titre pour deB 2
�( * o
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineui’e : le sieur d’Estaing père ne
c o u r t aucun risque à accepter la tutelle de M a r ie , qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillai’d respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres en fans ne sont pas de cet
avis ; ils représentent à leur père l’inconséquence de cette
dém arche : ils ne sont pas écoutés on les é v ite , on les
fu it; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
• L e 5 messidor an 10, le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’ Aurillac ; on lui fait ex
poser « que Jacques-Zacliarie d’Estaing, son fils, général
« de division,, est décédé à Paris le i 5 floréal an 10,.
« laissant une fille u n iq u e , alors âgée de cinq m o is,
a nommée M a rie, p ro ven u ed e son mariage avec A n n e
« JS a zo, Grecque d'origine ; que la loi défère à lui ,
« a ïe u l, la tutelle de sa petite-fille, attendu surtout la
« m inorité d'A n n e JSazo , sa mère ; et désirant cire’
« confirmé en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
« pour délibérer tant sur la confirmation de la tutelle,
a que sur la fixation de la pension de la p u p ille , sur
« les Iiabits de deuil , et pension viduelle de la dame
« veuve d’Estaing ; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure, d e
« la m è re , depuis L yo n jusqu’à A u rilla c , ainsi que des
« frais dûs pour salaires à une nourrice provisoire, depuis
�( 13 )
« Tarente 7 ville du royaume de Naples, y compris urr
c mois de séjour à L y o n , jusqu’en là ville d’A urillac ;
« lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
« de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
« comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
cc qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
<x tant par lui-mêm e que par ses fondés de pouvoirs. »
U présente ensuite pour composer le conseil de fam ille,
des parens éloignés, si on en excepte les sieurs Delzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans,-frères du d éfu n t,
dont quatre majeurs ; il étoit tout n atu rel, et la loi le
commandoit im périeusem ent, de con voqu er.à cette as
semblée les frères du défunt : ils étoient essentiellement
membres du conseil de fam ille; on les écarte avec le plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’E stain g, aïeul de la m ineure, daus
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bon
et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la suc
cession du défunt général d’E staing, faire procéder à la
vente du m obilier, et de faire l’em ploi utile du prix en
provenant, conformément à la lo i, après avoir prélevé
tous frais, dettes et charges de la succession.
2°. Ces parens estiment que la pension de la m ineure,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellem ent, que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette des revenus..
30. Ils portent les habits de deuil de la dame veuve
�( J4 )
d’Estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n ,
et qui ne sont point encore acquittés, à une somme de
io o o francs : le tuteur est autorisé à fournir ces habits,
en retirant quittance des marchands et fournisseurs.
4 0. Quant à la pension viduelle de la v e u v e , et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tu te u r, leur fournit en n atu re, nourritu re, logem en t,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de io o o francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. p ra iria l an 10, époque de son arrivée ci A u rilla c.
Ils allouent au tuteur la somme de 604 francs, avancée
par lui pour frais de voyage de la v e u v e , et salaire de
la nouri’ice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.
5°. Ils autorisent le tuteur à traiter, tant par lui-mêm e
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fait des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le m ontant, soit
que ces fournitures aient été faites à P aris, à M arseille,
au défunt g én éral, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
Ce procès verb al, si indiscrètement l'édigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyplienne.
Il en résulte, suivant elle, une l’econnoissance formelle
de sa qualité de veuve d"E sta in g , une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è r e , étranger à la suc
cession de son fils, puisque le général est m ort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession
une inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. T o u t
�( i5 )
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu im porte que le général
ait désavoué son m ariage, qu’il ait attesté qu’il n'y açoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue G recque; le
,père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civ il, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V o ilà l’étrange l’aisonnement dûA n n e et de ses conseils.
M ais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbal.
Gomme Egyptienne réfugiée, elle a voit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’A lexan d rie; seulement
la pension à?Aizjic étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées.
Mais A n n e , munie de cette délibération de fam ille,
qui la traite comme veuve d’un général français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de l’étal ; e t , en
cette qualité de veu ve, elle obtient de notre magnanime
Em pereur que sa pension sera portée à la somme de
2000 francs.
Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing père que pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore profiter de la bienfaisance
du souverain, pour en induire une reconnoissance solen
nelle de son état par l’Em pereur lui-m eine; ce qui doit
imposer silence à des collatéraux importuns.
11 faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque plus ruséo
�( 16 )
tiî plus adroite. O n examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d 'A n n e contre les frères d’E stain g, et si ce brevet est
(encore une possession d’état.
D e u x jours après l’acte de tu telle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne une procuration au sieur
D elzo n s, résidant à P aris, pour faire procéder à la ré
motion des scellés apposés sur les meubles et effets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-^
ventaire du m obilier, le 24 messidor et jours suivans. 11
est dit dans le procès verbal que c’est à la requête de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de M arie
d’Estaing , sa petite - fille , enfant mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’A nn e N azo,
sa v e u v e , Grecque d’origine.
O n y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et porter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
ta in g , son père.
O n remarque que le général d’Estaing ayant été marié
au C aire, en E g y p te , il n’a point été fait entre lui et sa
veuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing; que ce domicile étoit à A u rillac, pays soumis
à la coutume d’A u v e rg n e , qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
L e sieur D elzon s, fondé de p o u vo ir, devoit au moins
savoir qu’Aunllac est en droit ecnt.
Parm i les papiers du défunt on ne trouve aucun acte,
aucunes
�, ( h )
aucunes pièces relatives à son prétendu m ariage; i l 'n y
a pas le plus léger renseignement, si ce n’est' deux lettres
récentes, écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : Yune e s t , dit-on , écrite par
le père de la darne d 'E sta in g , q u i apprend au défunt
Y accouchem ent de son épouse, et Y autre d'un sieur Latapie, q u i annonce ait général d'E staing Varrivée de sa
Jem m c ¿1 Tarente.
■
■
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire
du m obilier; on a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignoré
ces démarches,' et n’ont été appelés à aucune opération1.’
- En attendant, et pendant que tout ceci se passoit à
P a ris, A n n e ne recevoit rien de Marseille ; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduite dans la
famille les augmente : on avoit a|Dpris qu’elle n’étoit pas
même fille de Joanny N azo; elle n’avoit pas reçu l ’acte
de naissance de M a r ie , qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
n a v ire, le con sul, ou le p rê tre, il étoit naturel de le faire
au moins à T aren te, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
L a famille du général m urm ure: A n n e s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer; elle écrit à Jo a n n y N a zo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
svir la demande d’A n n e , relative aux actes qui dévoient
constater son é ta t, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�( i8 )
arrive à A u rillac, et emmène à M arseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant ; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
, E lle im agin e, le 5 fructidor an n , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà muros: E lle lui expose « qu’il lui im« porte de foire connoître son origin e, qu’elle ne peut
« le faire par pièces probantes, attendu que dans sa patrie
t«ril n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ellç .requjert le juge paix de recevoir les déa clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se ren d re, relatives à son o rigin e,
q ret q u i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
et est impassible de produire, »
0.A l’instent se présentent N ico la s Pappas O n glou, se
disapt chef de brigade, commandant les chasseurs d’Orient,.
âgé do 45 ans, né k Scheraet, en A sie ; G a briel S a n d ro u x,
aussi chef de brigade du même corp s, âgé de 36 an s,
i>é au G rand-Caire ; A b d a lla M a n ou r, chef de bataillon,
âgé. de 34 ans, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5o ans; A lla Odab a c h i, né à A le p , réfugié d’E gyp te; Joseph D ir fa m ,
#é à Con&tantiuople > réfugié d’Egypte ; et Constanti
K ir ia k a , pé à Schemet* en Asie.,
Il c¡st djt que toute cette;w m pagm e a g it nycc la pré
sence. et sous. VautQi'isatÂQu d,e Jaquís d?A c o m ia s , irtfgr,-»
U
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarant * par l’or
gane de l’in terprète, « qu’ils ont résidé habituellement
ce en E gypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfaîte« ment connu J ea n JSàzo et Sophie M is c h e , son épouse,
« père et mère d'A n n e - qu’ils sont bien mémoratifs de la
« naissance d ’ A n n e ISaZo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es* taing. w
Josep h Tutcmgi\ C o n sta n tiK iria k o et J o s e p h D u ja in *
déclarent de plus. « qu’étant passés en France avec A n n e ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céphalonie dans le
« mois de nivôse an 10 , ladite dame y accoucha d’unê
« fille, qui fut tenue sut les fonts baptismaux par ld sietff
« N assif, officier de chasseurs, et par-la dame M arie
« M ische, son aïeule, a
*
A n n e se faisoit ainsi rédotmoîtx'e par ces réfugiés sans
avertir personne, et ne donna plug d<? scs nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille y qu’elle avoit laissée à
A u rilla c; encore eut-elle recours au min'istrd dé la justice
pour faire cette demande. E lle a fait im prim er qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordrefs supérieurs pou r avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclam ation, le m inistre'écrivit pour
avoir des renseigneimens ; et le sieur d’Èstaing père!, fort
étonné d’apprendre qu’on se fût adressé au m inière, répond
sur le champ qu’il est prêt ù remet trie un dnfant qu’on lui
«voit laissé, et qu’il n’avoit gardé que par humanité.
Les frères dt soeurs du général d’Ëstairig, à qui 011 ¿voit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
de le u r côté des informations ; l’un d'eux, commandant
G 2
�( 20 )
d’armes à Cham béry, avoit vu le gén éral, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit rien dit sur son
prétendu m ariage; il étoit plus à portée qu’ un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. 11 est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les,
autres pour la conservation de leurs droits.,
. Tous^se déterminent à faire faire entre les mains de
leur p è re , par acte du 20 thermidor an n ( une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est provenu de la succession du généi’al.
L e 7 ventôse an 1 2 , cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing p ère, pour se concilier sur la demande
tendante à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la totalité de la succession de leur frère , sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’E stain g, leur frère, encore mineur.
< L e 11 ventôse même m ois, procès verbal du bureau de
paix-: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
« enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de. ses liaisons
« avec Catherine P on talier, originaire de Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce m o« ment entre les mains de P ierre M a rcero n , jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier..
« L e sieur d’Estaing père observe que la loi donne des
« droits à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecque, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
« L e sieur d’Estaing ajoute qu’il, voulut bien accepter la
�( 21 ]
«tutelle de cet en fan t, attendu que sa reconnoissance ne1
« pouvoit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« ta in g , soit comme se disant créancièi'e, soit comme
« com m une, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordon n er, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant n a tu re l, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendem ain, 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(m ajeurs) présentèrent l’equête au tribunal d’A u rilla c,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
b ref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
.délaissé à chacun un sixième de la succession, suivant
l’inventaire qui sera représenté ; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de i2000fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
M êm e jour , assignation aux fins de cette'requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’A u rillac un juge
ment contradictoire qui ordonne q u 1A/m e N azo , Em ile
d’Estaing, enfant naturel du d é fu n t, Jean-Baptiste et
A n to in e Pascal’ d’Estaing, ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u rilla c, Anne n e1
perdoit pas son temps : elle s’étoit imaginée que le tri—
.bunal de la Seine devoit seul connoîtrc de toutes les con—
�( 2 2
)
(estations qui pouvaient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
,
Q uoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12 : elle ne savoit pas trop encore ce qu’elle
devoit dem ander; mais par Une requête du i 5 messidor
an 1 2 , elle règle définitivement ses conclusions.
E lle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidorî elle expose « q u ’après la m ort du gé~
« néral d’E stain g, décédé à Paris le iô floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
«-d’E stain g, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« l'ejoindre son m a ri, pour se ¿faire nom m er tuteur de
« Tenfant m ineur du général,, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
.;
•.
E lle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ;: qu’il ne doit plus retenir l’administration
«des b ien s, dont m oitié lui appartient'à elle comme
« commune.
« Q u’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre resî«• soui'ce qu’une pension sur l’é ta t, de 5 2 0 fr. ^qui a été
« portée ù 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le prem ier terme de quelque temps,
« E lle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N ap o léo n , lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
• « Il s’est trouvé,dans l’actif du défunt général,.trois ins«* criptions du tiers-consolide sut l’état y faisant'ensemble
�C 23 )
« 2000 fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« h être autorisée à les p ercevo ir, à faire faire toutes mu
et tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de io o o o fr. »
A u p rin cip a l, elle conclut à ce que M . d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
m uniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débta9, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
U n jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M . Uestaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à P aris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte à A u rilla c .il n’a voit en effet d’autre domicile qite
celui de son origine.
M . d’Estaing décline la ju rid iction , et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlem ent de jtig£&
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13 , décide que la 9utí-*
cession du général est ouverte à Aurillocij et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et *8 mes
sidor an 12 , qui sont déclarés mils et comme non
avenus , ainsi que' tout de qui a précédé et suivi f f&n-*
voie la couse et les parties à procéder devant le tribunal
¿ ’arrondissement d’A u rïïla c , pou# leu r être fait droit Sur
leurs ctemande* rcspectivca.
; ¿
a
t çilO la:
�( 24 )
A n n e , à son to u r, suspecte le tribunal d’A u rilla c;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la co u r, pour être renvoyée devant tout autre
tribunal.
M . d’Estaing se prête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrê t du 2.6 thermidor
a n ' 1 3, qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
11 n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, qu'A n n e , soi-disant N a z o , et le sieur d’Es
taing père : la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à A urillac. Ce tribunal, investi
de la cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
A n n e ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M a u ria c, contre le sieur d’Estaing p è re, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle,, ne se prétend plus
commune avec le gén éral, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u v o ir ,
déclare « qu’A n n e le fait citer sans fondement et sans
«c raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
« se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
« prétentions j
�( 20 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’ un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayaus droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritier« du général;
et d’abord c’est Em ile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m in eu r, puis les frères et sœurs du général; il expose
q u ’A n n e n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les m ains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un m otif de plus
pour qu’elle s’adresse à e u x , afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de M arie, et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit a par fraude, çuppQ« sîtion de personne, et par des insinuations per/Ides. »
A n n e seule l’excita à toutes ces démarches, q u 'il
rétracte et désavoue fo rm elle m en t, ne v o u la p t'p a s
qu’ une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour f ille de
Jo a n n y N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M a riey
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu piariage,
et l’état de M a rie , sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A n n e pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing p è re; elle roçoonpît la néces-
D
�C rf)
. •
sité de rapporter des actes'authentiques qui établissent
son origine et son m ariage: elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’ irnngine-t-elle pou r y suppléer ?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge de
paix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitim e mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10 ; que
« son mariage a été célébré religieusem ent, et d’après
« les rites du pays, devant le patriarche d’A lex a n d rie,
« habitant au G rand-Caire ,- mais que n’étant point en
« usage en E gypte de tenir des registres des actes de
« l’état civ il, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
•f
« la déclaration des personnes qu’elle présenloit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
I.arrey de B ea u d ea u , ex-chirurgien en chef-de l’armée
d’Egypte; dom R ap haël de M o n a ch is, membre de l’ins
titut d’E gypte; un sieur A ntoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur H ector
JJaure, ex-inspecteur général aux revues de la même
armée.; un sieur L u c D uranteau, général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
im périale; un sieur M artin-R och-X avier Estave, ex-di
recteur général des- revenus publics de l’Egypte. •
' Tous ces témoins réu n is, et par une déclaration eol* lë ctiv e , attestent, « pour notoriété publique, connoître
�(
*7
)
« parfaitement A n n e N a z o , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au G rand-Caire, clief
« de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e , pendant le cours de fa n 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusem ent, et d’après les
« rites du pays, en légitim e mariage avec Jacques-Zac? cliarie d’Estaing, par le patriarche d’A lexa n d rie, ha« bitant du Grand-Caire ; que l’acte de célébration n’en
« a pas été ré d ig é , n’étant point d’usage en E gypte de
« tenir un registre de l'état civil ; mais que le mariage
« n’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’ un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’.Esiaùig, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a z o , veuve d'Estaing,
* Ji’a pas cessé d'habiter avec son m a r i, q u i Va tou« jo u r s traitée com m e son épouse légitime. »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal d elà Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
O n ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour hom ologuer une
enquête à fu tu r, faite sans ordonnance de justice, sans
jugement préalab le, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout.curieux d’entendre ces t é m o i n s officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an
sans déD a
�( 28 )
signer aucune époque p récise, lorsque la lettre du gé
néral, du 2.5 pluviôse an 9 , annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un m ois; de les vo ir déclarer
que le mariage a été célébré parle patriarche d’A lexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester opüAnne n’a cessé
d’habiter avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à A lexan drie, lors du débarquement des Anglais
à À b o u k ir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M . d’Estaing père au tribunal
de M a u ria c, par exploit du 30 mai 18 0 7 . M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de ses protestations contre tous aveu x, toutes
dém arches; que ce n’est que par erreur et par fraude
qu’ il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont A n n e pourroit inférer une reconnoissance de
son état ; il conclut enfin à ce qu'‘A n n e , comme étran
gère, soit tenue,,aux termes du Code, de donner caution
judicatum suivi.
L a cause portée à l'audience au provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le 12 août 1806, par lequel
le tribunal de M a u ria c, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ordon n e, avant Faire d ro it, que les parties feront dili
gences pour mettre en cause les prétendons droit à la
�( *9 )
succession du général d’E stain g, en se conformant à l'a;
loi ; et néanm oins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à A n n e Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugem ent, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
O n ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance ; les plus petits détails peuvent être précieux :
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterm iné ce jugement, auquel les héritiers d’Estaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les éti’angers à donner caution du
judicatum solvi. ^inne se disant ëpouse d’un général
français , i l est incertain si elle sera regardée comme
étrangère', ou si elle se trouvera dans l’exception de
l’article 12 du même C o d e; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage
on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n?a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement l’aisonner; car s’il faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une cau tion , la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès q u'A n n e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son é ta t, elle d e v o i t être*
assujétie
cette formalité..
Les premiers juges ajoutent qui!A n n e ? 601^ comme;
�C 3° )
com m une, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père , lui sont
étrangères, et ne peuvent m ériter aucune litispendance
q u i la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « niais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p è re , qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N a zo
« et le sieur d’Estaing père seulement-, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u rillac, entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Q ui croiroit qu’avec ce m otif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des prétendans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’eiTet sur une pension alimentaire , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
T els sont les motifs de ce prem ier jugem ent; ils pouvoient être plus conséquens, et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges hésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils u’etoieut, dans l’espèce parti-
�( 3l ) ^
cu lière, que des juges d’exception ; ils n’avoient récit
d’attribution qu’entre A n n e et le sieur d’Estaing pèrer
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’Aurillac ,
juge naturel des frères d’E stain g, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure, .
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le p a rti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’A urillac , d’intervenir en l’instance , et de
form er tierce opposition au jugement précédent : leu rrequête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qu'A n n e soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur p è r e , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au partage de la succession du général
d’Eslaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé k
Aurillac..
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A u rilla c, le 13 août 18 0 7,il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoit
« été mariée avec le général d’E stain g, au C aire, en!
« E g y p te , par le patriarche d’A lex a n d rie, en présence
« des principaux oiïiciers de l’armée française en Egypte,,
« en l’an 8, sans désigner le mois n i le jo u r de cette année ;
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées •, et que d’après ces usages,,
il ne se faisoit jamais d’acte écrit du mariage ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quii
« attestent le mariage et l’ usage du pays;
�.-
( 32 >
« Attendu que les tiers opposons ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver , par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à A lexan d rie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
c< Attendu que la dame Nazo prétend que la reconnoissance de son mariage, et même la reconnoissance de la
'« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« résultent de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
'« i 5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
c< de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénom m e, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’E staing, de l’aveu de
« toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , h la
v citoyenne d’E s ta in g , à.la citadelle du C aire, et datée
« d’Alexandrie ;
' v« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
« son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
« plaindre de ce que son père ajoutoit plus de foi à une
a lettre d’un sieur L a tap ie, qui lui avoit mandé que le
« général d’Estaing étoit marié en E g y p te , qu'à lu i çt même ; il continue par dire à son père qu’il rfy a
a aucun lien légal entre la dame Nazo et lui ; qu’il ne
« l’eût
�( 33 )
« l’eût pas contracté sans le prévenir -, et il finit cepen« dant.par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famille de se rendre à
« M arseille, et d’y attendre de ses nouvelles';
« Attendu qu’après le décès du général d’ E stain g,
« arrivé le i 5 floréal an 1 0 , le sieur d’ E sta in g ’père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du g é n éra l, et présentées dans'toute la
« ville'en ,cette qualité pendant'huit mois ;
-r
« Attendu que le sieurtd’Estaing père a requis, dans
« un procès verbal tenu devant le juge de paix d’A u « r illa c , et composé de ce qu’il a de plus «clairé et de
« plus recommandable dans sa fam ille, le 5 messidor an
_« 10, .et»a obtenu la qualité de tuteur-deM arie d’Estaing,
« sa ¡petite-fille,1 p ravçn u e, y est-il dît , *du mariage du
« général d’Estaing avecila dame Na»o;¡dans lequel procès
« verbal il ;a fait fixer >les frais par Hui -avancés pour leur
« yoyage de L yo n à A u rillac , les ha’biis <îe deuil de la
* idame ,N a zo , et une pensiari>pbur elle ét sa fille ;
« Attendu qu’en)vertu'de ce¡procès veri5aî,!,'le sieur
« d ’Estaing père a fait procéder à la rém otiôn des scellés
« apposés à Paris sur les effets du géûéral’d’ Estaing, son
* fils ., À laquelle le père de la dame Nazo', *et le sieur
D elzo n s, législateur^ ^ont assisté, et’le^ieur d’Estaing
« a r£ait ensuite procéder à '^inventaire dé 'Süri' m obilier
k par le sieur D e lzo n sfils, son iondé^de p o u v o ir, ler24
* messidor an æo ;
r
1 '■
« A ttendu que (lorsque la >dame Nazo , après un
« séjour de h u it mois chez le 'sieur id’Estaing p ère, l’a
•k quitté ce 4 ejcnier a gardé M arie d’Eataing, sa fille0,
E
�f 34 )
« et.ne ¡Ta remise à sa mère*qu’en vertu d’ordres supé« rieurs;
.
* .
t « Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
cc d’Estaing, et l’état de M arie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne luifétoit plus permis de varier; '
« ; Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance form elle que par sa réponse au bureau
*: rde paix du pauton de M auriac; ' ■
,ct Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des au très ¡pièces produites par la dame N azo;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenü de registres,
« l’arlicle 7 du titre: 2.0 ide l’ordonnance .de 1667 , dont
« a été ¡pris l’article 46 du C ode, perm et ddiprouver par
■
a\ témoins la célébration du m ariage, et.la'naissance des
«r enfansjqui en sorit'.provemis^iet que,’ dans l’espèce,
cette preuve^téstimoniale est. d’autant plusiadmissible,
« que; le. procèsaYerbal;jdejlai.tutelle :déférée au sieur
« d’Estaing pève peut être considéré comme un cominen.« cernent de preuve par écrit de la possession d’état'de la
« dame N azojet fie.sa^ fille; .
« L e trib u n a l,.sa n s préjudice, etc., et sans rien pré«. ju g e r, ordonne, ayant fairejd ro it,'q u e la dame Nazo
.« ferafpreuve;parrdevant le président du tribunal, dans
« les six mois à' com pten de .la^signification du présent
k jugement à personne ou dom icile, etceitant par'titres
,« que par témoins, 1°. qu’il n’étoit pas .d’usage au Caire,
« e n l’an 8 , soit, .pour; les' militaires îfrdnçais , ou [tous
« autres, de tenir des registres d e l’é ta t ici viL, ni de rédiger
�c 3 0 }
« par écrit les actes de m ariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céphalonie de rédiger par écrit des actes
t< de naissance; 2°. que la dame Nazo a été mariée en
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’A lexan d rie, avec les cérémonies usitées
« dans Ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps 'elle a été publiquement
« reconnue, pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céphalonie , d’une fille
« provenue de ce mariage , dans le mois de nivôse an i o ,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing ; sauf au
« sieur d’Estaing p ère, et aux tiers opposans , la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
L a dame A n n e a fait signifier les qualités de ce juge
ment , sans aucune protestation ni réserve , le 22 août
18 0 7 .
L e 5 décembre suivant , A n n e interjette appel’ de ce
jugement interlocutoire : ellela renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; e t, pour la prem ière fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
m ariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800; fête qui arrive douze jours plus ¡tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répon d, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on Passujétit ù une
p reuve; elle n’en avoit pas besoin. :•
Les frères d’E stain g, à leur to u r , jtant en leur nom
personnel que. comme héritiers de leur père , décédé
pendant l ’instance , se rendent m cidcm i»^11 appçlans du
E 2
�( S<5 )
même jugem ent, notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667 , de l’article 46 du C ode, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 1 7 0 , 1 7 1 , 194
et 195 du même Code»
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en form e de m ém oire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tom bée, et d’ap
précier le m érite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
r U ne étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère , noms chers et sacrés, d*où naissent
les plu^doux charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer ! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui les.
a produits.
'
'
1
^
Point de précision sur les faits, contradiction sur les
dotes, exagération dans les circonstances, erreur sur led
uages ou les mœurs du pays*
Com m ent p o u rro it-o n accorder quelque confiance à
des actes extrajudiciaires, sollicités, m endies, obtenus,
contre tous les principes et touies les formes ?
‘L a faveur disparoît, l’illusioiï cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte de terreur,
d’admettre, au détriment d’une fam ille, une usurpatrice,
une c o n c u b i n e , qui mettant peu de prix à ses charmes „
a Cédé facilement aux appas de la v o lu p té s
r
A n n e pourroit-elle se faire un titre d’un procès verbal
�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foiblesse ou de Terreur
d’un vieilla rd , dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils; qu’elle n’a obtenu que par un men
songe , et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny Nazo
avoit dans les mains tous les actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e ?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son m ariage; elle se renferme
dans une assertion m ensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’usage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
E lle en impose évidemment et sciemment. Q u’on ouvre
l’histoire de tous les peuples policés, des T u rc s , par
exem ple, qui régnent dans le pays qui l’a vu naître.
O n sait que les Turcs admettent la pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves : cependant il se con
tracte des mariages parmi eux ; et celles qu’ils ont légi, timement épousées jouissent de tous les droits d’épouses;
il leur est- dû un douaire et une pension.
T o u rn e fo rt, si bien instruit des usages de ce peu ple,
d i t , lettre 1 4 , que « les T urcs ne considèrent le mariage
«
«t
a
ée
*
«
«
ce
a
que comme un contrat civ il; cependant qu’ils le regardent comme un engagement indispensable, ordonné
par le créateur à tous les hom m es, pour la m ultipli
cation de leur espèce. Quand on veut épouser une filler
on s’adresse aux pareils pour obtenir leur consentem ent; et lorsque la recherche est agréée , il en est dressé
un contrat en présence du ca d i et de deux témoins,
Zj(i ca d i délivre- a use parties la, copte de teur con trat
do mariage» L a fem m e n’apporte point de d o t, mais
�C 38 )
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12 , page 112 et suivantes.
L e môme auteur parle du mariage des G recs, dont le
patriarche reçoit les conventions, dont il est à la fois
le ministre et le juge. « L es G recs, dit-il même tom e,
« page 297, regardent le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne croient pas que ses nœuds soient indissolu.« bles. Un mari mécontent de sa femme obtient, sur une
« simple requête , une sentence de séparation, que .le
« patriarche lui fait payer dix écus : alors les deux parties
« peuvent form er un autre engagement, sans que per« sonne s’en formalise. »
T o u rn e fo rt, lettre 3 , dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des E gy p tien s, et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en E gyp te, pag. 12 8 , art. 6 , en parlant
de d iv o rce, répudiation, atteste que lorsque le mari
veut se séparer, il le déclare devant le ju g e, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M a rc y , qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commeuce
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les conc< duisant à l’a u tel, il leur met sur la tçte une couronne
�«
«
«
«
«
«
«
a
«
«
«
«
«
«
«
( 39 )
de feuilles de v ig n e , garnie de rubans et de dentelles;
il passe, un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui d elà fille; puis il change
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari* et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
et font le même changement d’anneaux. Celte cérémonie finie, les parrains ôtent aux mariés leur couron n e............L e papas coupe ensuite des mouillettes
de p ain , et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
il en mange u n e, en présente une autre à la m ariée,
puis au m ari, et enfin à tous les assistans. Les parens
et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande p u b licité,, de promener les époux
pendant trois jo u rs, sous un dais.
L e prétendu m ariage-à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. T o u t est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’A lexan d rie, demeurant au Caire. Cela e s t impossible;.
L ’auteur déjà cité sur les mœurs et les usages des
É gyptiens, apprend qu’il y a en E gypte des ministres.
�( 4° )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
n’est pas celui des G re c s, il est le prêtre des
Uophtes. « C e u x -c i, dit cet auteur, sont chrétiens, de la
« secte des Jacobites ou E utychéetis. Leurs opinions
« religieuses les rendent irréconciliables avec les autres
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement. .L e s
« Cophtes ont un patriarche qui réside au C aire, et
« qui prend le titre de patriarche iVAlexandrie. » 3
Par quelle singularité A n n e , qui se dit Grecque d’ori-?
gine et de relig io n , au roit-elle choisi un prêtre persé-?
cuteur de sa secte ? Comment le patriarche des Cophtes
auroit-il consenti à bénir un prétendu mariage -entre
deux époux d ’une religion différen te,dont aucun d’eux
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale,
>
L e mariage d’un général français étoit un événement
rem arquable; on devoit y .mettre la plus grande pom pe,
y donner la plus grande-publicité. Q u o iq u ?en dise A n n e 9
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a z o , q u i, si on l ’en cro it, ¿ e st f a i t . valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour -assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisoit partie de l’armée ; il connoissoit les ordres du général en chef,, traduits dons
toutes les langues usitées : la prem ière chose à lu quelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte c iv il
devant le commissaire des guerres., officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il n’y a eu aucun acte
dressé J
:: ; •
_
Les
�(40
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquetes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. O n ne
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n n e elle-m ême a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage.
Elle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu'elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugem ent, et dans la consultation, qu’on a pensé q u ’il
falloit préciser le jo u r, et on a imaginé le jour des rois,
q u i, d’après le calendrier g re c , se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que îo » arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
A n n e veut être mariée en l’an 8 , le 17 jan vier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette é p o q u e , le général d’Estaing n’étoit pas au
C aire; il commandoit l’avant-garde de l’armée en statiott
à C ath ié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la S yrie, près de Suez, à plusieurs journées du Caire.
L e service ou le commandement du gén éral, au fort
de C a th ié, a commencé le 17 brum aire an 8, et n’a fini
que le 16 pluviôse an 8 , époque de l’évacuation de ce
fort.
L a preuve de cette continuité de service, résulte de
son registre de correspondance officielle; registre écrit
F
�(40
en grande partie de la main du gén éral, qui p ro u v e ,
jour par jo u r, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an i<3, du même lieu de Cathié , démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son pré fendu mariage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
C ath ié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général'de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. L e gé
néral d’Estaing se rendit de là à R ozette, où il a resté
jusqu’en vendém iaire an q
. . ____________ *
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
C a ire , où il a résidé jusqu’en ventôse an g , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Àboukir:
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général'.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n n e nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces contradictions ? l’assertion
drune inconnue d o it-elle l’emporter sur les écrits du
d éfu n t, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qurA n n e veut en imposer à la
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’ un
roman mal conçu , qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Mais A n n e a , dit-on, une possession (l'état invariable.
Q u’èst-ce qu’une possession d’état ? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
1
�( 43 )
L ’état des liommes se forme sous l ’autorité des lois;
il s’établit de deux m anières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C ’est ainsi que s’exprirrioit M . l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougeinont. « La
« possession, disoit ce grand m agistrat, l i e, unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« dém arches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant p rim itif, jusqu’au moment actuel de notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêm es, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose , soit par Vhabitude de
« nous connoître , soit par l'habitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » E t M . Séguier
invoque la doctrine du magistrat im m ortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n n e peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle, in variable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? U ne liaison crim inelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son ép o u x, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
F 2
�( 44 )
bruit se répand qu’il est m arié; le général le désavoue,
et soutient qu’il r t j a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son é ta t,
de celui qui y avoit le plus grand in té rê t, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession d'un état que son pré
tendu mari d ésavoue, et ne veut pas lui accorder ?
Une possession d’état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n n e et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se confirment de jour en jour entre les
parens r p a r la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
beaux-frères, cette habitude journalière de se traiter ré
ciproquement comme frères et soeurs ? c’est cependant
ce que désire C ochin, à l’endroit cité dans la consultation;
et il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ru ix , baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la
possession d?état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit êti’e un obstacle insurmontable
h. la prétention que la dame de Bruix osoit élever, de se
dire fille du sieur marquis de Boudeville de la Ferté. Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme lo n g u e, constante et invariable.
E t d’après Cochin lu i- m ê m e , une possession d’état
pourroit-elle être l’eifet de l’erreur d’un m om ent, d’uu
acte isolé et fu g itif, obtenu dans un moment dîurgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui aasuroient à
A n n e un titre légitim é ;
�( 45)
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tu telle, qui émane du sieur
d’Estaing p è re , étranger à la succession de son fils; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus p ro ch es, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal on
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénom m és, le sieur d’Estaing p ère, et le sieur D elzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient présens sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a été
appelé.
L es sieurs T e r n a t, petits-fils de la dame d’Estaing ,
Veuve T ernat, en ont été écartés»
Les sieux-s ¿4.ngelergues, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d 'E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de cette assemblée.
O n convoque dans la ligne paternelle, des sieurs LaOroi;
parens au sixième degré du d éfu n t; un sieur F o rte l 7
allié encore plus éloigné que les sieurs L a b ro . . .
Dans la ligue m aternelle, on néglige les sieurs T A p p a r a oncles bretons du défunt : on affecte d’appeler les
sieurs M a ilhes, père et fils, alliés très-éloignçs, Et-vpi^A
les individus qu’^/*«e traite ou Meut faire reg-ardçrjco^^e
les plus proches parens de ¡son prétendu mari ; il ne faut
pas s?en étonnerç; elle nfapas eu Ie; temps dp, fai^C-pon*
noissauce avec la fam ille de son prétendu m ari.
�'( 46 )
Elle a été reconnue dans la fa m ille , dans la v ille ,
dans h s so ciétés! E lle n’a été présentée nulle p art; ne
pou voit’ l’ê tre , à moins de* l’a v ilir , puisqu’elle n’a voit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
connoissoit aucun des agrémens d’une vie policée.
E levée dans la classe du p eu p le, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
là fem m e'de son ch o ix , et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
; ‘
Peut-on pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l’aveu même dûA n n e ,* et huit
in oiŸ n ’ont jamais donné une possession d’état constante
et invariable.
;
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves'-de son m ariage; et à défaut
de titres , elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rriv é e à M a rseille, - elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
?
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à P aris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
; E lle les conduit devant le juge de p a ix , qui les admet
sans autre form e; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’E staing, qui n’en avoit
aucune connoissance, s’inquiétoit peu de ses démarches,
�( 47 )
et n’avoit garde de s’y opposer* puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à ¿futur, qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abus? Q u’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 ; 01a y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes,. dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13 , qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, à peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles
et même dangereux dans la cause1, ils ne seroient d’au
cune im portance, quand ils pourroient être de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les ^4.11a ou ^ibdaïïa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu J ea n N a z o et Sophie M isch e , son épouse, père
« et mère d 'A n n e , et qu'A n n e fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C ’est bientôt dit : mais où est la preuve de la filiation,
du m ariage? U ne simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des>
dates, peut-elle faire quelqu’impression ? A n n e a-t-elle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vagu e, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état dTépouse et veuve
du général d’Estaing, et l’admettre dans cette famille?.»Et.
si quatre d’entre eux ont ¡déclaré qu 'A n n e accoucha: à:
C eph alouie, ils disent le contraire de ce que racoutei
�( 48 )
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendre
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coûtoit si
peu de s’accorder avec les déclarans, qu’elle auroit dû
au moins dire la même chose.
Son. acte de notoriété fait à Paris est encoi'e plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
A la fo is , que « dans le cours de fa n 8 , A n n e a été
a unie religieusem ent, et d’après les rites du pays, en
« légitim e mariage , avec le général d’E stain g, par le
« patriarche d’A lexa n d rie, habitant du Grand-Caire.
« L ’acte de célébration n’en a pas été ré d ig é , n’étant
« point d’usage en Egypte de tenir un registre de l’état
« civil ; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
a militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se so n t-ils pas
nom m és? quels sont ceux qui sont compris dans ce la
plupart? D ès que ces témoins poussoient si loin la com plai
sance pour la jeune E gyptienne, ils auroient pu circ.onstancier davantage leur déclaration; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne'craignent pas
d’ajouterque «pendantsonséjouren Egypte, la dame Nazo,
« veuve d’E stain g, n’a pas cessé d’habiter avec son m ari,
a qui l’a toujours traitée comme son épouse légitim e. »
C e séjour a-t-il été plus ou moins lo n g ? pas un mot
sur sa durée. O n a vu ou pu voir , chez le général
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épousef dans un pays aussi corrom pu, où presque tous
�( 49 )
_
les militaires avoient trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens o rien ta u x , des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une fam ille, d’y introduire une
étrangère! O n doit gém ir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernem ent : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute , que le ch ef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernem ent ne peut nuire aux droits des
familles. 11 est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit été p o rté e , en prem ier lie u , qu’à une somme
de Ô20 francs; l’Em pereur rem plit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d’Eslaing ; les
joui’naux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit ; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on vo it qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général M enou vient ensuite ; il an
nonce, de la part de ce brave g é n é ra l, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M en ou , lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. P o u r les rapports civils, il auroit.fallu
un acte authentique qui constatât le m ariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit c o n f o r m é m e n t aux
lois, règlemens et usages de l’année. L e gênerai Menou
devoit principalement les faix-e exécuter; et'il est constant
G
�, c 5 0 }
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en existoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général M enou a épousé une m usulm ane,
il a embrassé le mahométisme. On est autorisé à le dire
a in si, d’après des instructions précises. Son mariage a
été célébré par le M o u p h ti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. L e général a donné à son union un
caractère lé g a l, et n ’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c i v i l , conformément aux ordres qu’il avoit lu imême fait publier de nouveau. V o ilà le rapport civil.
O n ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre c ô té , le général M enou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit même général
en ch ej au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t A n n e , à son to u r, a été mariée le jo u r des rois de
la même ann ée, qui répond au 17 janvier 1800.
P ou r le coup veritatem qucerendam.
L e général M enou ne commandoit pas l’armée en nivôse
ap 8 ; c’étoit le général K léber. C e lu i-c i a commandé
jusqu’au 25 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général M enou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général K léb er avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M e n o u , en germinal et floréal an 8 , prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de R ozette : le
général M enou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D u p a s ne parle de ce mariage prétendu
que par ouï-d ire; on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s , qui étoit alors
au C aire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
m andem ent, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ou ï-dire de
ce -prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avo'ir assisté à ce m ariage,
on attendroit long-tem ps. A n n e a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Q u’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au c o m m a n d a n t du Caire ;
il etoit honorable dans ses goûts; il teuoit au Caire table
�( 52 J
o uverte, donnoit souvent des bals, des. fêtes ; et si on
veut que des bals des dîn ers, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
E gyp te, cp ïA n n e faisoit société avec les dames M enou r
D e lz o n s , L a n tin , connoissent bien peu les usages orien
taux. L à les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et alors sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
Ce n’est pas en O rient où on peut jouir des agrémensde la société, et surtout de la compagnie des dames; on
sait môme que madame M enou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et A n n e elle-m ême,
pendant le court séjour qu’elle a fait à A u rillac, n’a pas’
quitté son voile , et n’a été vue de personneLa dernière pièce imprimée en la consultation , est
une lettre du général d’Estaing à A n n e. O n observe
que l’adresse est de la main du g é n é ra l, et porte pour
suscription : A la citoyenne iVKstaing, à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qurA n n e , dans son m ém oire, ait
tant parlé de la correspondance de son époux ■¡familière
avec décence,. tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C ’est le ton d’un homme poli
et fam ilier, à qui on n’a rien refu sé, qui ne parle pas
même des ascendans d 'A n n e avec le ton de considéra-
�( 53 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qyüAnne appelle son père,
il se contente de dii’e Jo a n n y ,* lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il cfit, la bonne vieille. E st-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p r e n d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charm e, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e ? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à toutes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Venveloppe de la letti’e : mais n’est-ce pas
l ’usage? ne vo it-o n pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les noms de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donne ce nom. Lorsqu’il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le gén éral, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette fem m e, après le départ du gén éral, n’a jamais
tiré avantage d’une suscription sem blable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
O n trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres a ra bes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
dŒ sta in g , mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire , puisqu’on ne connoît pas l’arabe;,
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�( 54 )
idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit har
monieuse , poétique , tout en figu res, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’ un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A n n e : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
n éral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e ? T o u t est extraordinaire et inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore , dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur G iane , clief de bataillon de la légion
gre cq u e, à bord du bâtiment le Jea n , en rade à T á
rente : cette lettre est en rép onse, et annonce que G iane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pou voir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, à madame
d’Estaing. Il n’y a rien d’étonnant dans ces offres géné
reuses ; on doit des égards et des services à une femme,
A n n e se disoit madame d’Estaing *, on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si A nne
avoit son contrat de mariage ou non, Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar^
�( 55 )
quan t, aujourd’hui m aréchal de l’em pire, une reconoissance et une possession d'état en faveur dCA m ie , relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un -gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprim er , du certificat d’un sieur Sartelon , ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d ’A n n e. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, ce que quoiqu’il n’existât à l’armée
« aucun ordre du général en chef pour régler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y être
« reçus , Yusage paroissoit s’être établi de lui-mêm e pour
« les officiers, ou individus attachés à l’arm ée, ne faisant
« point partie des c o rp s, de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, m êm e quelquefois
« de leurs divorces • ce qui n’a jamais été g é n é r a l,
« surtout pour des mariages contractés avec les fe m m e s
« du pa ys ( i l n’y en a voit pas d’autres), qui se sont
«
«
«
«
«
«
«
«
«
«
faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient purement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé aucun procès verbal relatif à l’état civ il; il ne s’en est pas
même tro u vé, notamment du commissaire d e s guerres
A g a r d , qui est m ort dans la traversée. En foi de q u oi,
sur la demande de la dame veuve d’Estaing, il a déliv r é , etc. »
�( 5 6 }
O n ne voit pas trop quelles inductions l’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourroit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent m ontré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le f a it , puisqu’on rapporte les ordres
du général en ch ef, et les actes civils des sieurs D elzo n s
et L a n t in , reçus par le commissaire Agard.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes d'‘ A n n e.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p e u t-o n pas
dire avec vérité qu’elle n’a n i titres n i possession ?
Comment a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveur insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins , qu’elle a été mariée en
l’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de m ariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugem ent, au contraire, n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou m endiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si intéressans, dit le célèbre C o ch in ,
« doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
« du bien p u b lic , qui forment toujours le premier objet
a de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les fam illes,
« compromis dans une seule cause. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’ un juge
ment
�( S? )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement ne peut subsister, et
qu’A nnè doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
O n trouve dans les recueils, tant anciens que nouveaux ,
une multitude d'arrêts su r les questions d’état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes : le 2e. , le 6e. , le 12e. le 17°. plai
doyer de ce grand m agistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son m inistère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se déterm ine; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude de faits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre ; en un mot ,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volum e de ce m émoire par
des citations d’arrets ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nom breux exem ples, une conséquence claire qui
pût servir de m otif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui n e sera
pas contesté, c’est que pour un m ariage fait en France,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été ten u , 011 qu’ils sont
II
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 16 6 7 ,
n’a entendu parler que dès mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code Napoléon ; et la preuve que le législateur a seu' lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et 48 du môme Code.
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étran ger, fera f o i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
parlesagen s diplom atiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lo is, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testim oniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d 'éta t’, on croit l’avoir p ro u vé, puisque
le général lui'a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne,
poin t da commencement de preuve par écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls q u i’existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( 59}
de possibilité d’admettre une preuve par tém oins; il faul
représenter l’acte civil. O n a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n n e n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appela donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce.jugement est évidem ment en opposition avec
les articles 17 0 , 17 1, 194 et 195 du même Code.
En effet, par l ’article 170, cele mariage contracté en pays
« étranger entre Français, et entre Français et étranger,
« est valable, s’il a été célébré dans les formes usitées
« dans le pays,.pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
ce chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette form alité la plus grande
importance. O n n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parm i les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 1 7 0 , on y trouve principalement la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ême majeur, de contracter
mariage sans le consentement de ses père et mère.
H a
�(6o)
Bien vite A n n e s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le C o d e, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut prom ulgée dans un
instant de d élire , qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
L o i immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tons les jours gém ir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
M ais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. N e mar
que-t-il pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le p réven ir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n n e en seroit-elle réduite à
ce p o in t, qu’elle fût o b lig ée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernem ent, dans ses
premiers p a s, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
P o u r cette fois, A n n e ne peut se tirer de cette dis-
�( 60
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de mal’iage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
E t lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
19 5 , qui veulent que nul ne puisse réclam er le titre
d’ép o u x, et les effets civils du m ariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l ’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c i v i l , elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
ne pouvoit établir son titre d’épouse ¿légitime, qu’en jus
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré? D iront-ils que
le Code Napoléon n’a été promulgué q u e postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient cl’autre boussole que ln
loi du 20 septembre 179 2; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette l o i , A n n e ne pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvaient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale.
Un mot sur l’enfant naturel ,con n u sou sle nom & E m ile
�(6 2 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant d o n t on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
U n enfant a été présenté à l’officier c iv il, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-m ême. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire v a lo ir , il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant,
Anne
n’est pas réduite à un sort funeste; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre,
M e. P A G E S ( d e R io m ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeu n e, avoué licencié,
A RIOM , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste D'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0605
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0610
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53865/BCU_Factums_M0605.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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90c5790e52a1a2ebb5782c0bd4a8d351
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Text
ecsaarz
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- !t j ? î a « a i
PIECES JUSTIFICATIVES
P O U R
Madame N A Z O , veuve du général D
tutrice de sa fille mineure;
e s ta in g ,
c o n t r e
L e s h é r it ie r s D E S T A I N G .
N°. Ier.
D é l i b é r a t i o n d u c o n s e il de f a m i l l e à A u r i l l a c ,
du
E
5
messidor an 10.
des minutes du greffe du juge de p aix de la
ville et canton d’A u r i l l a c section du Nord.
xtrait
C e j o u r d ’ h u i cinq messidor an dix républicain, deva n t nous,
Jean-Baptiste G e n e ste , juge de paix du canton d’A u rilla c , section
du Nord , a com paru le citoyen P ierre D esta in g , juge-président
du tribunal de prem ière instance de l’arrondissement d’A u rilla c,
y dem euran t, leq u el nous a d it que le citoyen Jacques-Z acharie
D e s ta in g , son f i l s , g énéral de d iv isio n , est décédé à P a r is , le
quinze floréal dernier , laissant une f ille u n iq u e , âgée alors
d e cinq m ois , nommée M a rie , p rovenue de son m ariage avec
A
�( 2 )
A n n e N a zo , Grecque d ’origine ; que la loi déférant à lui com pavant la t u te lle de sa p e tite -fille , attendu surtout la m inorité
(VA n n e N a zo sa mère , et désirant être confirmé dans ladite
fu a liié , pour pouvoir agir légalem ent, il a amené devant nous
plusieurs des plus proches parens du d éfu n t, à l’effet de déli
bérer tant sur ladite confirmation de tu telle, que sur la fixation
de la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension
viduelle d e là dame veuve D estaing; com m e aussi pour donner
leur avis sur l’allocation des frais de voyage de la m ineure et
de sa m ère , depuis L yon jusqu’à A u rillac, ainsi que des frais
dûs pour salaire à une nourrice provisoire depuis T a re n te , ville
du royaum e de Naples , y compris un mois de séjour à L y o n ,
jusqu’en cette ville , lesquels frais le com parant a avancés et se
m ontent à la somme de six cent quatre-vingt-quatre francs; et
enfin pour être autorisé à régler tous com ptes et mémoires de
fournitures et autres objets qui pourroïent être à la charge de
la succession , et ce tant par lüi-méme que par ses fondés de
pouvoirs.
E t de suite par-devant n o u s, juge su sd it, sont comparus les
citoyens Louis-Gérand-Gabriël Fortet, conseiller de préfecture de
ce départem ent ; François-Joseph Labro, a v o u é , et autre FrançoisJoseph L a b r o , son frère’, greffier en la justice de paix d’A urillac,
c o u s i n s paternels du défunt; Antoine D elzons, membre du corps
lé g isla tif, oncle m aternel; Alexis - Joseph D elzons, fils'dudit
A n toin e, général de brigade, commandant le département du
Cantal ; Pierre et Antoine M ailhy, père et fils, n égocians, cousins
du côté m aternel, tous habitans de cette ville, et les plus proches
parens du d é fu n t, auxquels nous avons fait part de ladite con
vention , pom- qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis ,
en leur âme et conscience. Sur quoi lesdits parens ayant conféré
entr’eux , et revenus devers nous , le citoyen Delzons père ,
portant la parole , nous ont dit qu’ils sont tous unanimement
d’a y is , i°. de confirm er le citoyen D estaing , aïeul de la mi
n eure, dans la qualité de son tu teu r, à la charge par lui de faire
�(3
y
bon et fidèle inventaire de tous les effets dépendans de la snccession du défunt général D estaing ; faire procéder à la vente
dudit m obilier, et de faire emploi utile du prix en provenant,
conform ém ent à la l o i , après avoir prélevé tous frais , dettes
et charges de la succession; z°. qu’ils estim ent que la pension
de la m ineure , jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à
la somme de s ix cents fra n cs, que le tuteur retiendra par ses
mains sur la recette de ses revenus ; °. qu’ils sont d’avis que
les habits de deuil de la dame veuve D estain g, y compris ceux
qui lu i ont été fournis à L yon , et qui ne sont point encore
a cq u ittés, doivent être portés à une somme de m ille fra n c s, .
laquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant
quittance des marchands et fournisseurs , laquelle somme lui
sera allouée en com pte ; 4 °. quant à la pension viduelle de la
veuve et d e là négresse qu’elle a à son s e rv ic e , attendu que le
citoyen D e sta in g , tu te u r , leur fo u r n it en n a tu re , nourriture,
lo g em e n t, f e u , lum ière et b lan ch issa g e, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de m ille fr a n c s pour l ’année de 'viduité, à
com pter du prem ier p r a ir ia l, dernière époque de son arrivée
en cette ville-, °. que la somme de six cent quatre francs avancée
par le tuteur pour frais de voyage de la veuve et salaire de
5
5
ladite n o u rric e , depuis la yille de T aren te jusqu’en cette ville
d ’A urillac , lu i doit être allouée et passée en com pte ; 6°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-méme
que par ses m andataires, avec tous m archands, fournisseurs,
aubergistes et autres personnes qui pourroient avoir fait des
fournitures tant en marchandises que d e n rée s, régler leurs m é
moires , en payer le rrçontant, soit que ces fournitures aient été
faites à Paris , à M arseille, au défunt général D esta in g , o u , à
L yon , à sa veuve , pendant le séjour qu’elle y a fait ; le m o n ta n t
de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’il en retirera.
E t led it citoyen D esta in g père ayant accepté la tutelle à
A 2
�C 4 )
lu i d éférée, i l a f a i t le serm ent en nos m ains , de bien et
fid è le m e n t en remplir les fonctions.
D e - tout quoi nous ayons rédigé le présent procès verbal, pour
s e r v ir - et valo ir à toutes fins que de raison, lesdits jour et an
que dessus, et ont les comparans signé avec nous; à la m inute
sont lesdites signatures. Pour expédition conform e à la minute
étant entre nos mains , signé L a b r o , greffier.
N °.
II.
Acte de notoriété devant le juge de paix de
Marseille, du 5 fructidor an n .
E x t r a i t des minutes du greffe du tribunal de p a ix,
second arrondissement in tr à in u r o s , dit du Sud, de la
ville de Marseille
.
O ejo u rd ’iiui cinquièm e fructidor an onze de la république r
par-devant nous François M a ille t , ju g e de p a ix du second ar
rondissem ent intrà m uros, d it du S u d , de la v ille de M a r s e ille ,
assisté du citoyen Charles-Joseph M ichel , greffier près notre
tribunal, dans la salle ordinaire de nos séances , en notre maison
d’habitation, est com parue dam e A n n e N azo , née au Caire en
E g y p te , veuve du générât Jacques-ZacTiarie D e sta in g , laquelle
nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire connoltre son originer
de qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu que dans
sa patrie il n’est point tenu de registres constatant l’état civil
des citoyens. En conséquence , elle nous prie de recevoir les
déclarations qui vont être faites par des compatriotes qu’elle a
invités à se rendre c é a n s , relatives à son origine f et qui pour
ront suppléer au défaut des titres qu'il lui est impossible de pro
d u ire, et de lu i en concéder a c te , pour lui servir et valoir ce
que de raison.
�A l'instant se sont présentés les citoyens N icolas Papas Ouglou, ^
c h e f de brigade, com m andant les chasseurs d’O rient, âgé de
quarante-cinq ans, né à Chesm et en A s ie ; G abriel S a n d ro u x ,
a u ssi c h e f de brigade du même corps, âgé de trente-six ans, né
au Grand-Caire en E gypte ; A b d a lla M a n so u r, c h e f de bataillon )L
du môme corp s, âgé de trente-quatre ans , né au Grand-Caire
en E g y p te ; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s, réfugié /— égyptien, né à Alep ; H anna A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s ,
aussi né à A le p , réfugié d ’E g y p te ; Joseph D u fe n , né à Cons
ta n tin op le, âgé de trente-six ans, réfugié d’E gyp te; et Consta n tiK ir ia h o , né k Chesm et en A sie, âgé de quarante-huit ans,
capitaine réform é du régim ent des chasseurs d’O rien t, lesquels
agissant avec la présence et sous l’autorisation du citoyen Louis
D econias , interprète juré des langues orientales , m oyennant
serment par eux à l’instant p r ê té , ont individuellem ent d it et,
d éc la ré, en fa v eu r de la v é r ité , q u a y a n t résidé habituellem ent
en E gyp te , avant la révolution , ils y ont p arfaitem ent connu
le citoyen Jean N a z o , et dam e Soph ie M is c h e , son épouse, père
e t m è r e de la dite A n n e N a z o , nce ¿1 Vépoque ¿le Vannce 1780,
et que la d ite dam e f u t unie en m a r ia g e avec le g é n é r a l D estaing.
Les citoyens Joseph 'lutungi-, Constanti ivinak< ~ët Joseph
D ufen , ont de plus déclaré individuellem ent qu étant passés
57
en France avec la d ite veuve D e s ta in g , ayant relâché à C éphaIonie, dans le m ois de nivôse de l ’an d i x , la d ite clame y a c
coucha d ’une f ille qu i f u t tenue dans les f o n ts bap tism a u x p a r
le citoyen N a s s if, officier des chasseurs, e t p a r la dam e M a rie
M isc h e , son aïeule.
D esquelles déclarations avons concédé acte à ladite dame
veuve D estaing. L ecture faite du p résen t, il a été signé par les
citoyens Nicolas Papas O uglou , Gabriel Sandroux , Abdalla
Mansour et Joseph D ufen , nous dit juge de p a ix , le citoyen
D econias , in terp rète , et le citoyen M ich e l, greffier; la dame
veuve D estaing et autres déclarans requis de signer, ont dit
ne savoir..
�(6)
Sign é Abdalla , le c h e f de brigade G abriel-Josep h D ufen ,
L ouis D e c o n i a s , François M a ille t, juge de p a ix , et M ic h e l,
greffier, à la minute. Enregistré à M arseille, etc. Pour expédi
tion conform e à l’o rig in al, M ichel , greffier.
N o u s , François - Balthazard de Jullien de M adou, juge de
paix du second arrondissement intrà muros , dit du Sud , de la
ville de M arseille , certifions et attestons à tous qu’il appar
tien d ra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui a signé ci-dessus,
est greffier près notre trib u n a l, et qu’en cette qualité foi doit
être ajoutée à son sein g, tant en jugem ent que hors. M arseille,
le vingt messidor an treize, J u llie n d e Madou.
N o u s, V entre Latouloubre, président du tribunal de prem ière
instance séant à M arseille, certifions véritable la signature cidessus de M. Jullien de Madou. A M arseille, le vingt-un messidor
an treize. S ig n é V e k t r e L a to u lo u b re , G uyot.
N°. I I I .
Acie de notoriété homologué par jugement du
tribunal civil de la Seine, du i 5 avril 1806.
N A P O L É O N , par la grâce de D ieu et les constitutions de
la république , Em pereur des F ran çais, et Roi d’Ita lie , à tous
présens et à v e n ir, salut ; faisons savoir que le tribunal de pre
m ière instancè du départem ent de la Seine , en la première
section , a rendu le jugem ent dont la teneur suit :
Sur le rapport fait à l’audience publique du trib u n a l, par
]\1. Jean-Louis Isn a rd , juge en ice lu i, de la requête présentée
par Anne N a z o , née au Grand-Caire en E gyp te, veuve du gé
néral J acq u e s-Zacharie D estain g, dem eurant à P aris, rue de
S e in e , faubourg S a in t-G erm a in , expositive q u e lle a été unie
ep légitim e m ariage avec Je général D e sta in g , d’après les rites
et usages du p a ys, devant le patriarche de la ville d’Alexandrie;
�( 7 ^
mais que n’étant point en usage en Egypte de tenir registre des
actes de l’état c iv il, elle se trouve par là dans l’impossibilité de
faire , au- besoin , la preuve de son mariage ; qu’ain si, voulant
y suppléer, elle a fait dresser un acte de notoriété par-devant
le ¡uge de paix de son arrondissem ent, signé de sept personnes
qui ont été tém oins de son m ariage, pour l’homologation duquel
elle a été renvoyée par-devant le tribunal ; pour quoi elle requéroit qu’il plût au tribunal hom ologuer ledit acte de notoriété
du 29 mars 1806, dûm ent enregistré, pour être exécuté suivant
sa forme et teneur , ladite requête signée J u g e , avoué.
V u par le tribunal lesdites requête et dem ande, ci-d e va n t
énoncées, l’ordonnance de M. le président du tribunal, du huit
présent m o is, portant qu’il en sera com m uniqué à M. le procureur
im p érial, et les conclusions par écrit de M. le procureur im
périal, du dix dudit m o is, portant que vu l’avis , il n’em péche
l ’homologation demandée ;
V u aussi l’expédition dudit acte de notoriété dont la teneur
suit :
L ’an m i l h u it c e n t s i x , le v i n g t - n e u f m a r s , en n o tre h ô t e l ,
et par-devant nous, Jean G odard, ancien avocat, juge de paix
du dixièm e arrondissement de Paris, assisté d’ Alexandre Choquet,
notre g reffier,
Est com parue dam e A n n e N a z o , née au G ra n d -C a ire en
E g y p te , veuve du généra l J a cq u es-Z a ch a rie D estain g , de
m eurant à Paris , rue de Seine-Saint-G erm ain ;
Laquelle nous a dit q u e , pendant le cours de l’an h u it, elle
a été unie en légitim e mariage avec Jacques-Zacharie Destaing,
général divisionnaire, décédé à Paris dans le cours de l’an d ix;
que son mariage a été célébré religieusem ent et suivant les rites
du p ays, devant le patriarche d’A lexandrie, habitant le GrandCaire en E g yp te ; mais que n’étant point en usage en EgyptfÊ de
tenir des registres des actes de l’état c iv il, elle se trouve dans
l’impossibilité de représenter,
besoin, l’acte de célébration
�,c .
8
}
d e son m ariage; et q u e , désirant y suppléer par un acte de
notoriété signé de différentes personnes qui ont été témoins de
son m a r i a g e , elle nous requéroit de recevoir la déclaration des
personnes qu’elle nous présente, et a déclaré ne savoir écrire
ni signer, de ce interpellée.
Sont à l’instant com parus :
Prem ièrem ent, M. D om inique-Jean L arrey de B o d e a u , exclürurgi'en en c h e f de l’armée d’Egypte , prem ier chirurgien
de la garde im p ériale, . inspecteur général du service de santé
des arm ées, officier de la légion d’honneur, dem eurant à P aris,
cu l-d e-sac C o n ty , n°. 4 î
Secondem ent , D on R a p ha ël de M on ach is , m em bre de
l ’institut d’E gypte , et professeur des langues orientales à la
bibliothèque, dem eurant à P aris, rue P a v é e , au'M arais, n°. ;
T roisièm em en t, M. A n toin e-L eger S a rtelo n , ex-ordonnateur
en c h e f de l’arm ée d’E g yp te, com m issaire-ordonnateur et se
crétaire général du ministère de l’administration de la guerre,
3
m embre de la légion d’honneur, dem eurant à P a ris, rue Cau-
3
martin , n°. o ;
Quatrièm em ent , M. H ector D a tire-, ex-in sp ecteu r général
aux revues de l’armée d’Egypte , com m issaire-ordonnateur des
guerres , demeurant à Paris , rue du faubourg Poissonnière ,
50
n°.
;
Cinquièm em ent , M. L u c D urantau , général de brigade ,
m em bre du corps législatif, commandant de la légion d’honneur,
dem eurant à P a ris , rue St.-tlonoré , n°.
;
538
Sixièm em en t, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l’im
prim erie nationale en E gyp te, et membre de la commission des
’ sciences et a rts, aujourd’hui directeur général de l’imprimerie
■impériale, et membre de la légion d’honneur, rue de la V rilliè re ;
Septièm em ent, M. Martin^ R och-X avier E steve, ex-directeur
¡•'général ètcom ptable d esrèten u s publics de l’E gypte, aujourd'hui
"'trèibrièr'gérféral de la c'otironne, officier de la légion d’iionnéur,
trésorier
�( 9 )
trésorier rie la prem ière coh orte, dem eurant au palais des T u i
leries ;
L esqu els , après avoir prêté en nos m ains le serment indi
viduel de dire 'vérité, nous on t d it e t d écla ré, e t a tte sté, pour
notoriété p u b liq u e , e t à tous q u ’ il appartiendra , connoître
p arfaitem ent la dam e A n n e N a zo , veuve du g én éra l JacquesZ a ch a rie D esta in g , J ille de Joanny N a zo , négociant au.
G ra n d - Caire en E gyp te , c h e f de bataillon des chasseurs
c îO r ie n t, et nous on t attesté q u e , p en d a n t le cours de ta n
h u i t , la dite dam e N a zo a été unie religieusem ent, e t d ’après
les rites du pays , en légitim e m ariage avec le d it JacquesZ a ch a rie D e sta in g , p ar le patriarche d 'A le x a n d r ie , habitant
du G rand - Caire ; que l ’acte de célébration n ’en a pas été
rédigé, n ’ étant p o in t d ’usage en E gyp te de tenir un registre
de l ’éta t civil; m ais que ce m ariage n ’en est p as m oins cons
t a n t , a ya n t été célébré en présence d ’un grand nombre de
m ilitaires fr a n ç a is et de_ la p lupart des déclarans ; que depuis
la célébration de son m ariage avec le g én éra l D estain g , et
p endant son séjour en E gyp te , la d ite dam e N a zo , veuve.
D estain g , n a pas cessé et’habiter avec son m a r i, tjtiî l ’a
toujours traitée comme son épouse légitim e.
D esquelles com parutions, d ires, réquisitions et attestations,
nous avons donné acte aux comparans et à la dame veuve D es
taing ; e t , pour l’hom ologation des présentes , les avons ren
voyés par-devant les juges du tribunal c iv il de prem ière instance
du départem ent de la S e in e ; et o n t, tou? les su s-n o m m és',
signé avec nous et le greffier, après lecture. Ainsi sig n é, D.
J. L a rre y , don R aph aël, Sartelon, D a u re , D u ra n ta u , M arcel,
E s te v e , Godard et Choquet.
Enregistré à P aris, au bureau du dixièm e arrondissem ent,.le
quatre avril mil huit cent six , reçu un franc un d écim e, sub*
vention comprise. Signé C a h o n .
Pour expédition conform e délivrée par nous greffier de la ju s
tice de paix du dixièm e arrondissement de Paris. S ig n é C hoquet.
ii
�( 1° )
O uï M. Isnarcl, juge , en son ra p p o rt, et M. le procureur
im périal en ses conclusions, tout considéré;
Après qu’il en a été délibéré conform ém ent à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété c idevant énoncé et daté ;
L E T R I B U N A L , jugeant en prem ier ressort, homologue
ledit acte de n o toriété, pour être exécuté suivant sa forme et
teneur , et avoir son effet en faveur de la requérante , aux
termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit tribunal c iv il de
prem ière instance du départem ent de la S e in e , séant au palai*
de ju s tic e , à P a r is , où tenoient le siège M. B erth ereau , pré
sident dudit tribunal, l’un des officiers de la Légion d’honneur ;
MM . Isnard, P erro t, Legras et D eb eru lle, juges en la prem ière
section , le mardi quinzièm e jo ur du mois d’avril de l’an m il
hu it cen t s i x , et deuxièm e année du règne d e Napoléon Ier.
Em pereur des Français et R oi d’Italie ;
Mandons et ordonnons, etc. En foi de quoi le présent jugem ent
a été signé par le président et par le rapporteur. Pour expédition
signé M auguei^ . Enregistré, etc.
N ous président, juge de la seconde section du tribunal de
prem ière instance du départem ent de la Seine , certifions que
la signature apposée au bas du jugem ent de l’autre p a rt, e s t celle du sieur M argueré , greffier dudit trib u n al, et que foi doit
y être ajoutée. En foi de qu o i, nous avons fait apposer le sceau
dudit tribunal. Fait à P aris, au palais de ju stice, le deux
m il huit cen t six. Sign é B e x o n .
mai
�N°. I V .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12,
M IN ISTÈR E
DU
T R É SO R
P U B L IC .
E x t r a i t des registres des délibérations du Gouver
nement de la république.
Paris, le i 3 pluviôse an 1 a de la république une et indivisible.
L e gouvernem ent de la rép u b liq u e, sur le rapport du m i
nistre , arrête :
A r t . Ier. L a pension de cinq cent vingt francs a cco rd ée, par
arrêté du 29 floréal an 10 , à Anne Nazo, née en E gyp te, veuve
du sieur Jacques-Zacliarie D estaing, général de d ivision , m ort
le 1 floréal an 10, est portée à deux m ille francs.
5
A rt.
II. Les
chargés,
m inistres de la guerre e t d u trésor p u b lic so nt
chacun
en c e
qui
le
concerne,
d e l ’e x é c u t i o n d u
présent arrêté.
L e prem ier C o n su l, signé B O N A P A R T E . Par le premier
C o n s u l, le secrétaire d’é t a t , signé Hugues-B. M a e e t .
P o u r cop ie con form e à l’expédition o ffic ie lle , déposée au secré
tariat d u trésor p u b lic , le secrétaire gén éral, L e f e y r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L e fe v r e , secrér
taire g é n é ra l, le ministre du trésor p u b lic , M olliens .
�( ia )
n°.
y.
Certificat cia général M en ou, du 18 juillet 1806.
/
Le
C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s nu d e là des
A lp e s , faisan t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g r a n d
o flic ie r d e la L é g io n d ’ h o n n e u r .
;
r*
Je déclare, au nom de la vérité et de l’h o n n eu r, q u e, lorsque
je commandois l’arm ée française , dite d’O r ie n t, en E gypte r
M. le général D e s ta in g , qui étoit alors employé à cette arm ée,
et q u i, d ep u is, est mort en France , s’est marié en l’an 8 , avec
madem oiselle N a zo ( A n n e ) , fille de M. Joanny N a z o , com
mandant alors en Egypte le bataillon des G recs ; que j ’ai su posi
tivem ent que le mariage s’est célébré dans le pays ( au Caire )
avec toutes les formes usitées dans le rit grec ; que M. le général
D estaing étoit venu m ’en, faire part d’a va n ce ; que m ê m e , à
cette é p o q u e , comme dans toutes les autres de ma yie^ sou
tenant avec énergie la cause des mœurs publiques , je demandai
positivem en t, e t sur l’h o n n eu r, au général Destaing , si so a
mariage étoit entièrem ent légitim e , ou si c ’étoit , ce qu’on
a p p e l l e clans les mœurs corrompues de l’O rien t, un engagem ent
à temps ; que le général D estaing me rép o n d it, au nom de
Vhonneur, que c ’étoit le mariage le plus légitim e , et tel qu’il
l’auroît contracté en France ; que , d’après cette déclaration
solennelle, je m ’engageai à y assister, ainsi qu’au repas qui eut
lieu après le mariage. Je remplis ma promesse ; tout s’y passa
avec la plus grande régularité , et tel q u il devoit ê tre, sous les
rapports civils et religieux.
En foi de q u o i, j’ai délivré le présent certificat pour servir
et valoir c e que de raison. A T u rin , le 18 juillet 1806. L e général
M knou.
Par le commandant général, pour le second secrétaire général
du gouvernement, absent par congé et par o rd re , signé G éan t.
�( i3 )
\ .
A T u rin , le 18 juillet 1806.-
«
L e C o m m a n d a n t g é n é r a l des d é p a rte m e n s au d elà des
A l p e s , fa isa n t fo n c tio n s d e G o u v e r n e u r g é n é r a l, g ra n d
o ffic ie r d e la L é g i o n d ’h o n n e u r ,
A m adam e veu ve D
e
S T A I N G, n ée A u n e N azo.
J ’ ai re ç u , M adam e, la lettre que vous m ’avez fait l’honneur
de m’é c r ir e , pour me demander mon certificat sur la réalité de
votre mariage avec M. le général Destaing. Je m’empresse de
déclarer ce que je sais à cet égard : je rendrai toujours hommage
à la vérité.
J’ai l’honneur d’é tre , M adam e,
V o tre très-humble et très-obéissant
serviteur.
L e général M
enou.
Je v o u s prie d e m ’a c c u s e r ré c e p tio n .
Enregistré à P a r is , etc.
N°. V I . '
Ccrfiiicat du général Dupas, du
3o juillet
1806.
Moi soussigné , général de division , sous - gouverneur du
château impérial de Stu p in is, commandant de la Légion d’hon
neur , chevalier de l’ordre du L io n , certifie qu’étant c h e f de
brigade com m andant la citadelle du Caire en E g y p te , sous les
ordres du général D esta in g , j’ai eu parfaite et sûre connoissance
de son légitim e mariage avec madem oiselle Anne N azo, fille de
M. Joanny N a zo , com m andant un bataillon g re c ; j’atteste de
plus avoir eu des liaisons particulières avec beaucoup de per-
�C 14 )
sonnes très-distinguées dans l ’a rm é e , lant dans le civil que dans
le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir été présentes à ce m ariage,
qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute l’authenticité qu’un
pareil cas exige. E n foi de quoi j’ai délivré le présent, pour servir
à ce que de droit. A P aris, le o juillet 1806. P. JL. D upas.
3
N°. V I L
Lettre du général Destaing à son épouse, du
i5 prairial an g.
Ç L ’adresse est de la m ain du général D estaing. J
5
Alexandrie, le i prairial an g.
Il y a long - temps , ma chère a m ie , que je n’ai pas de te i
nouvelles; je désire que tu te portes aussi bien que moi. Joanny,
qui est chez le général B éliard , devrait savoir quand il part des
détachemens pour Alexandrie , et en profiter pour m ’envoyer
des lettres. C ep en d an t, il ne l’a pas fait la dernière fois : il faut
le gronder de ma p a r t, pour qu’il soit plus exact à l’avenir. O n
m ’a dit que tu étois grosse ; je suis étonné que tu ne m ’en aies rien
é c rit; éclaircis mon doute à ce t égard. Sois assurée que je t’aime
to u jo u rs, qu’il m e tarde beaucoup de te revoir. En atten d an t,
je t’em brasse, ainsi que ta m ère e t ta sœ u r, sans oublier la
bonne vieille. L e général D estaing .
E n registrée, etc. A la citoyenne D estain g , à la citadelle du
Caire.
�'( i5 )
n °.
y n i'
Certificat de M. Sartelon,' e x - ordonna leur en
chef de l’armée d’Egypte, du i 5 mai 1807.
Au quartier général, à Paris, le i 5 mai 1807.
L e C ommissaire ordonnateur de la prem ière division militaire,
ex-ordonnateur en c h e f de l’armée d’E g y p te ,
C e rtifie , en ladite q u a lité , que quoiqu’il n existât à cette
armée aucun ordre du général en c h e f , rem plaçant le gouver
nem ent fra n ça is, depuis que les com m unications avec la France
avoient été interrom p ues, pour régler la form e avec laquelle
les actes de l’état civ il devoient y être r e ç u s , l’usage paroissoit
s’étre établi de lui-même pour les officiers ou individus attachés
à l’a rm é e , ne faisant point partie des corps , de faire des dé
clarations devant des commissaires des guerres, qui les recevoient
par p r o c è s - v e r b a u x , o u de la m a n iè re qui le u r paroissoit co n
venable , de leur m ariage, m êm e quelquefois de leur divorce ;
ce qui néanmoins n’a jamais été général, surtout pour des ma
riages contractés avec des fem m es du pays, qui se sont faits
souvent entre catholiques , dans les églises du lie u , et suivant
les form alités usitées entre les chrétiens de toutes les sectes,
dont le culte étoit public en E gypte ; ces procès verbaux étant
hors des limites de l’administration militaire , et purem ent fa
cultatifs de la part de ceu x qui les recevoient ou les requéroient,
aucun règlem ent n’en a fixé la form e, ni ordonné le dépôt; et
recherches faites dans les papiers de l’Ordonnateur en c h e f,
soussigné, qui en remplissoit les fonctions lors de l ’arrivée de
l’armée en F ra n c e , et dans ceu x du bureau central qui lui ont
été égalem ent adressés par le com m issaire des guerres P iq u e t,
qui étoit chargé de les conduire en France , il ne s’est trouvé
�( i6 )
aucuns procès verbaux relatifs à l’état c iv il, observant expres
sém ent qu’il ne s’en est point trouvé notamment du com m issaire
des gu erre s Agard , qui est mort clans la traversée.
E n foi de q u o i, et sur la demande de madame veuve D estaing,
j’ ai délivré le présent c e rtific a t, les mois et an que dessus.
S ig n é S a r te lo n .
N °. 499. V u par moi expert juré vérificateur des écritures
et signatures. Sig n é Saintom er.
Vu
par le c h e f de division. Sign é Beccoy.
P ar ordre du ministre de la guerre , le secrétaire général
certifie à tous qu’il appartiendra , que la signature Sartelon ,
a p p o s é e en qualité de commissaire ordonnateur de la prem ière
division m ilitaire, ex-ordonnateur en c h e f de l'arm ée d’E gypte,
au bas du certificat ci-co n tre et de l’autre p art, est celle du
com m issaire ordonnateur qu’elle indique. A P aris, le vingt-deux
m ai de l’an rail huit cent sept. S ig n é D e n n iîe .
N°. I X .
Traduction de Ici 1res arabes.
y l m a d a m e A n n e , f e m m e ID esla in g .
ArRÈs vous avoir témoigné le désir que j’ai de vous voir, je
vous donne avis qu’au moment m êm e où j’attendois de vos nou
velles , j’ai reçu votre lettre qui m ’a été fort agréable, en date
du 22 du couran t; j’en ai reçu beaucoup de plaisir et de con
solation dans ma b lessu re, et j’ai été tranquillisé à votre égard.
Si vous désirez savoir de mes nouvelles, je s u is , grâce à D ie u ,
en m eilleur état que par le passé : cependant la plaie n’est pas
encore ferm ée, m ais, s’il plaît à D ie u , dans peu elle ira b ie n ,
et j’irai vous trouver. J’ai envoyé M aury au C a ir e , pour qu’il
m’apporte ce dont j ’ai besoin ; m aintenant il est de retour chez
moi,
�7
( ï
)
moi. Soyez parfaitem ent tranquille à mon sujet. Saluez de m a
part monsieur Joanny, votre p è re , et recommandez-lui d’avoir
bien soin des ch evau x qui sont ch ez moi. Q u e D ieu vous garde,
et me procure le plaisir de vous voir bientôt en bonne santé.
Joseph qui a écrit cette lettre vous salue.
E c r it de Îordre du généra l D es ta in g , le 28 d o u l kadeh i2 i5 .
Autre lettre, N°. 2.
A madame A n n e , fem m e D estain g} très-chère et trèshonorée dame, que Dieu la conserve. Am en.
A près vous avoir offert m ille salutations, et vous avoir tém oi
gné le plus grand désir de vous v o ir, je vous donne avis que ,
grâce à D ie u , je m e trouve bien à présent, et beaucoup m ieux
que je n’étois précédem m ent : dans p eu , s’il plait à D ie u , je me
rendrai auprès de v o u s , et je vous verrai en bonne santé. L ’objet
pour lequel je vous écris est pour que vous soyez dans une par
faite tranquillité , et que vous 11’écoutiez pas les propos que
pourroient v ou s tenir à m o n sujet des m e n te u r s qu i v o u d ro ie n t
vous donner des alarmes. Soyez tranquille sur mon état ; dans
p e u , s’il plaît à D ie u , tout se term inera heureusement. Q u e
D ieu vous conserve : adieu.
E c r it de Vordre du g én éra l D esta in g , le
m inal an ).
5 d ou l h id jeh ( 28 ger
Autre lettre, N°. 3.
A la très-chère et très-honorée dam e, madame A n n e ,
¿femme D estaing, que Dieu la conserve.
A près vous avoir fait beaucoup de salu tatio n , et vous avoir
tém oigné le désir de vous v o ir, je vous donne avis q u e , grdce
à D ieu , je m e trouve très-bien à présent : la plaie cependant
n ’est point encore fe r m é e , mais elle approche beaucoup de la
guérison. D ans peu je pourrai savoir si je reste à Alexandrie
C
�( i8 )
pour quelques jo u rs, ou si je me rendrai auprès de vous : lorsque
je le s a u r a i , je vous écrirai pour vous en avertir. S i j’ai besoin
de q u e l q u e chose de chez m o i, après la d a te de la présente , je
vous ferai savoir ce dont j’aurai besoin. M o n o b je t, en vqus
é c r i v a n t , est que vous vous conform iez à ce que je vous m arque.
Présentez mes salutaticns à M . J o a n n y , votre p ère,, et. recom
mandez-lui mes chevaux, et tout ce qui m ’appartient. N o u s ne
cessons pas de nous inform er de vos n o u ve lle s, et nous avons,
appris q u e, grâce à D i e u , vous êtes en très-bonne santé, ce qui
nous a beaucoup satisfait, et nous a tranquillisé à votre sujet.
J o s e p h qui a écrit cette lettre vous présente ses salutations.
E cr it de l ’ordre du g én éra l D esta in g , à A le x a n d r ie , /e. 10 de
dou l h id jeh 1 1
( 4 floréal a n jj ).
15
P . S . J’espère que vous serez parfaitem ent tranquille à mon
su jet; je me porte on ne peut pas m ieux : dans p e u , s’il plait
à D ie u , je me rendrai près de vo u s, et je vous.verrai en bonne
santé. Q ue D ieu vous conserve : adieu.
Je soussigné, m em bre de l’institut et de la Légion d’honneur,,
professeur des langues arabe et persan e, et secrétaire interprète
du ministère des relations extérieures, certifie avoir traduit lestrois lettres ci-dessus et des autres p a rts, sur les originaux arabes
à moi représentés , et qui ont été de moi signés et paraphés nev a rietu r, et que foi doit être ajoutée auxdites traductions com m e
aux originaux ; lequel certificat j’ai délivré à madame veuve
D estaing, pour servir et valoir ce que de raison.
A Paris , ce i cr. septembre 1806. Signé S ilvestuf .
de
S acy .
N ous ju g e , pour l’em pêchem ent du président de la première
section du tribunal de prem ière instance du département-de la
Seine , certifions que la signature étant au bas.de l’acte ci-contre
est celle de M. Silvestre de S a c y , interprète du m inistère des.
extérieures ; en foi de quoi nous avons fait apposer le
r e l a t i o n s
sceau. A P a ris , ce 1» décem bre 1807. Signé G ilb e r t d e Vauvjïii..
Enregistré à P a ris, etc..
�( T9)
N°: X .
Lettre dû lieutenant général Soult,. du 22 ftir>
maire an 10.
«
R É PU B LIQ U E
L
ib e r t é .
' ° ’
\ ‘ ■
>*
FRANÇAISE.
'
•
É g-a l i t é ,
>
Au .quartiçrt g^aétfl, de .Tarf^te,, le, a a,
la république française, une çt ijidiyijible,
an; io,de
r
L e Lieutenant général Soult, commandant les troupes
françaises dans le royaume de Naples,
A u citoyen G ian e, chef de bataillon dans la légion
grecque, à bord du bâtiment le S t.-J e a n , en rade
de Tarente.
D ’après les justes réclam ations que vous m ’avez présentées,
c ito y e n , j’ai donné des ordres pour que le com ité de santé de
cette ville procédât de suite à une nouvelle visite du bâtim ent
sur lequel vous êtes, afin que si aucun signe de maladie ne s’y
est manifesté depuis votrè départ de C o tro n e, la liberté de dé
barquer vous soit donnée.
Mais si le com ité juge qu’ il est nécessaire que votre bâtim ent
reste encore pendant quelques jours en contum acé, alors ma
dame D esta in g , vo u s, et les principaux officiers ou adminis
trateurs qui sont à bord du St.-Jean, auront la faculté de mettre
à terre de suite, et de term iner leur, quarantaine.d an s.u n loç&l
jt’ai ordonné qn’on, fit préparer, à c e t,e ffc tP|;■
.
Je regrette beaucoup; de ne pqwy,oip, ff^ejilpS) 30US ce rapport
�( 20 )
v
pour vous o b liger; je vous eusse déjà abrégé les tourmens de
votre pénible et longue quarantaine, si dans ce pays la direction
du com ité sanitaire nous eût concerné.
V e u i l l e z , j e vous p r ie , renouveler à madame D estaing les
offres que mon épouse et moi lu i faisons de tous les secours
qui pourroient lui être nécessaires : elle nous obligera infiniment
d’en disposer.
Je vous fais la m ême offre pour c e qui vous concerne , et
vous prie m êm e d 'y faire participer les citoyens P iqu et, Royanne
et C l o s e t, auxquels je vous serai obligé de com m uniquer ma
le ttr e , qui répond à celle qu’ils m’ont écrite.
J’ai l’honneur de vous saluer. Sign é S oult .
Enregistré à P a ris, etc.
r
A R IO M , de l’imprimerie de T hib a u d - L a n d r io t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Pièces justificatives pour Madame Nazo, veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
20 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0604
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0605
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Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
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conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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350b85f7c9d5805919846c0a8233ded7
PDF Text
Text
CONSULTATION
P o u r Made N A Z O , V e du général
Destaing,
tutrice de sa Fille
m ineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING
�CONSULTATION
Poun Made N A Z O , V e du général
D e s t a i n G; tutrice de sa Fille
mineure ;
C o n tre
les Héritiers DESTAING.
■ nmmni
V u l’acte de notoriété fait devant le tribunal de paix du
second arrondissement, intrà m uros, dit du S u d , de la ville
de M arseille, le 5 fructidor an 11 ; l’acte de notoriété reçu
par le juge de paix du dixièm e arrondissement de P a ris, le
29 mars 1806 ; le jugement rendu par le tribunal de première
instance, à P a ris, q u i, sur le rapport fait à l ’audience, le
ministère public entendu, hom ologue cet acte de notoriété;
le procès-verbal de nomination du sieur Pierre D estaing à
la tutelle de demoiselle M arie Destaing sa petite-fille, por
tant reconnaissance expresse du mariage du feu général D es
taing son fils , avec la dame A n ne Nazo ; duquel mariage est
née la demoiselle Marie Destaing; ce qui a été également
reconnu par l’aïeul et toute la fam ille D estaing, jusqu'a u
tems où la dame veuve D estain g, investie par la loi de la
�(2)
tutelle de la mineure , a réclamé, à ce titre, l’administration
du patrimoine de sa fille. V u , de plus, le mémoire à con
sulter de la dame Destaing ; les autres pièces qui y sont
jointes; et notamment le jugement interlocutoire rendu le
i 3 août 1807, par le tribunal de M auriac, département du
Cantal, qui ordonne la preuve testimoniale de tous les faits
qui étaient déjà constans dans la cause.
L E C O N S E IL soussigné estime que la dame veuve D es
taing a eu raison d’appeler de ce jugement , et qu’elle doit en
obtenir la réformation par la Cour de R io m , à qui elle l ’a
déféré.
Les juges de première instance, contre l ’avis du ministère
p u b lic, ont cru avoir besoin de récoler, pour ainsi dire ,
eux-mêmes les témoins respectables q u i, d’office, ont léga
lem ent constaté devant les tribunaux les faits dont ils avaient
une parfaite connaissance ; et que la possession d’état de la
dame Destaing et de la demoiselle sa fille, au milieu de la
famille D estaing, n’ont fait que confirmer et reconnaître
d’une manière authentique.
Ils ont erré eu assimilant des actes de notoriété vérifiés ,
dans les formes de droit, à de simples certificats extrajudiciaires. En reconnaissant, comme ils l’ont f a it , que la dame et la
demoiselle Destaing se trouvaient dans des circonstances
te lle s, qu’on ne pouvait les obliger à représenter ni l ’acte '
de célébration de mariage du général Destaing , ni l ’acte de
naissance de sa fille ; ils devaient reconnaître, en même tems ,
que ces pièces étaient suffisamment suppléées par des actes de
n otoriété , la possession d é ta t, et surtout la reconnaissance de
la fam ille D estain g, qui aurait suffi pour éleve r, contre les
collatérau x, une fin de non recevoir insurmontable.
�(3 )
Un mariage a été contracté d’après toutes les convenance»
sociales ; il a été célébré avec solemnité à la face de deux
nations, dont il resserrait les liens d’am itié; il a été b én i,
aux pieds des autels, par un pontife de la religion chré
tienne, professée par les deux époux. L ’épouse, devenue en
ceinte , a été envoyée en France dans la famille de son m a ri,
retenu loin d’elle par des devoirs militaires. E lle a erré, pen
dant six m ois, sur un frêle n a v ire , o ù , loin de tout secours ,
elle a mis au monde le fruit de leur union. Pendant ce tem s,
le mari est revenu dans sa p atrie, où il croyait trouver une
épouse et un enfant. A peine a-t-il été informé de leur sort,
qu’il les a appelés auprès de lui. Ils s’y rendaient, lorsque la
mort le leur a enlevé ; mais la fam ille du mari les a réclamés ,
comme leur bien. Un b ea u -p ère, un aïeul, des parens ont
accueilli ces infortunés avec empressement. Ils leur ont d’abord
prodigué les consolations dont ils avaient tant besoin. Mais
tout à coup la scène change; de nouveaux malheurs accablent
la veuve et l’orphelin. On veut les dépouiller de leur patri
moine. Leur état leur est contesté ; on veut les en déposséder;
e t, depuis cinq ans, on les traîne de tribunaux en tribu
naux ; on les expose à mourir de faim en attendant justice :
ce qui serait infailliblem ent a rriv é , sans la bienfaisance de
Empereur.
T elle est la position de la dame Destaing : c’est ce qui résulte
de toutes les pièces qui ont été mises sous nos yeux.
O n y voit qu’elle est née au Grand Caire , en E gypte, efl
1780, du sieur Joanny Nazo et de la dame Sophie Mische
son épouse, chrétiens l’un et l’autre du rit grec.
O n y apprend que le sieur Nazo était originaire de Tines,
île de l'Archipel ; q u e , jeune encore, ¡1 entra au service de la
�( O
R ussie, comme militaire et officier; et, qu’à l’âge de vingt-cinq
ans, étant venu au Caire pour ses affaires, il y contracta mariage
avec la demoiselle Sophie M isclie, fille du fermier général
des droits imposés sur les liqueurs spiritueuses; il s’y établit,
et succéda à son beau-père dans cet em ploi, qui était extrê
mement lucratif.
•Il l ’exerçait lors de la conquête d’Egypte. Sa fortune et ses
connaissances le firent bientôt distinguer, autant que son
attachement pour les Français et pour le héros qui les com
mandait.
Un bataillon greG fut formé -, le sieur Nazo en fut nommé
chef.
Ce service lui donna de nouveaux rapports avec l’arm ée,
dont la levée des Grecs faisait partie, et avec les généraux
qui y étaient employés.
Ces rapports s’augmentèrent lorsque, pour le bonheur de
la France, le général Bonaparte vint mettre fin à nos dis
cordes civiles.
Plusieurs officiers généraux trouvèrent alors convenable
de se marier dans le pays.
Le sieur Nazo, commandant des Grecs, passait pour riche;
il était considéré : père de plusieurs enfans, on savait qu’il
avait une fille de dix-huit à dix-neuf ans, très-bien élevée, du
moins autant que les ressources du pays pouvaient le per-^
mettre ; et avec une réputation de sagesse et de beauté
également avantageuses.
Le général de brigade Destaing la rechercha. Soit pres
sentiment des malheurs qui devaient survenir , soit que le
sieur Nazo eût d’autres vu es, il se refusa longtems à la de
mande du général. Destaing.
�( 5 )
D éjà lë général D elzo n s, cousin-germain de ce dernier , et
le sieur L a n tin , autre officier supérieur , avaient épousé deux
égyptiennes : les demoiselles Varsy , filles d’un marseillais ,
négociant français, résidant à Rosette, et marié à une anglaise
établie dans le pays. Le général M enou, commandant en chef,
avait épousé la fille d’un négociant turc. Bien d’autres officiers
s’étaient aussi unis par mariage avec des demoiselles nées dans
le pays , et appartenant aux familles les plus honnêtes et les
plus considérées.
Ces exem ples, les instances du général D estai n g , et plus
encore les sollicitations empressées des généraux Lagrange
et Béliard, ses amis particuliers, déterminèrent le sieur Nazo
à l ’accepter pour gendre.
Le mariage fut célébré en l’an 8, le surlendemain de la fête
des Rois , qui arrive douze jours plus tard suivant le calendrier
grec (cette date se rapporte au 17 janvier 1800 , 27 nivoae
an S ) . La dame Destaing ignore quel acte>il en fut dressé;
mais il fut béni par le patriarche d’A lex an d rie, en pré
sence d’un grand nombre d’officiers supérieurs de l ’armée ,
de plusieurs personnes notables du pays , toutes professant lareligion chrétienne , et notamment du général Delzons ,
cousin-germain de l’époux, t
Dans l’ivresse de son bonheur, le général Destaing donna
des fêtes splendides à ses frères d’armes ( ces fêtes étaient
aussi une des solemnités du m ariage, suivant les mœurs et
usages du pays ). Le général Menou , commandant en chef, y
assista ; toutes les personnes considérables de l’armée y prirent
part; les officiers qui étaient mariés y conduisirent leurs
épouses ; la réunion fut complète. La ville entière du Caire
Tut ainsi témoin du mariage du général Destaing avec la fille
�(6 )
du chef du bataillon grec , le sieur N azo, à qui nul officier de
l’arm ée, quelque fût son grade , ne se serait permis de faire
injure. Madame Menou , les dames Delzons et Lantin , et
d’autres égyptiennes devenues françaises par leur mariage ,
formèrent bientôt la société de madame Destaing ; elle les
reçut chez le général, son m ari, dont elle habitait la maison
comme épouse considérée. C’est à ce titre seul qu’elle en faisait
et qu’elle pouvait en faire les honneurs.
Cela se passait au C a ire, où la cohabitation maritale a duré
plu9 d’un an.
Mais , dans le mois de ventôse an g , une escadre anglaise
parut devant Alexandrie avec le projet de débarquement
qu’elle effectua peu de jours après. On reçut au Caire , le i 5
ventôse au soir (février 1801 ) , la nouvelle de l’apparition
de la flotte anglaise. Le général Destaing était alors à dîner
chez le général Menou ; il y reçut l’ordre de se tenir prêt à
partir pour le l e n d e m a i n i l vint en faire part à son épouse*
C’est ainsi qu’il fut séparé d’elle pour toujours.
Il partit, en effet, avec une partie de l’armée française
commandée par le général en ch ef ; le bataillon des Grecs
partit aussi : le général Béliard et le général D upas, lors
simples commandans de la place , restèrent au Caire. Le sieur
Nazo était atteint de la peste ; il ne put partir.
Madame Destaing était enceinte ; il s’établit entr’elle
et le général son m ari, une correspondance dont il reste
quelques fragmens.
Toutes les lettres sont à l’adresse de M adame D estaing,
et cette adresse est toujours en français, de la main de son
mari. Comme la dame Destaing n’entendait que l’arabe , c’est
dans cette langue que plusieurs des lettres du général Des-
�C7 )
taing sont écrites par un Egyptien qui lui servait de secré
taire ; mais , quelquefois aussi, il écrivait en français à son
épouse, et elle rapporte, entr’autres, une lettre du 5 p rai
rial an g , où il lui parle de sa grossesse, des embarras de
leur correspondance , et des moyens de la rendre plus fré
quente.
*
Cette correspondance est telle qu'elle a dû exister entre
d’honnêtes époux. Familière avec décence , tendre sans
exagération, elle exprime les sentimens d’une amitié pure
et tranquille , et non le délire des passions tumultueuses.
S’il n’y avait pas d’autres preuves de l’état de la dame D es
taing , si les nombreux témoins de l ’union des deux époux
avaient tous été enlevés par la peste et la guerre, qui en
ont moissonné plusieurs ; si les dépôts publics qui conservent
les preuves de cette union légitime avaient tous été détruits;
si on p o u v a it, en outre, anéantir les reconnaissances m ulti
pliées de la famille D estaing, et la possession d’état per
manente de la veuve et de la fille du général : nous dirions
encore que les lettres de ce dernier suffisent pour montrer
qu’il fut époux et père de celles à q u i, tardivem ent, on
veut enlever ces qualités par de simples motifs de cu
pidité.
La dame Delzons se trouvait dans la même position que
la dame Destaing ; les deux cousins étaient séparés de leurs
épouses par la guerre. Les deux jeunes femmes se réunirent
chez la dame Delzons , à cause que la contagion avait
pénétré dans la maison qu’habitait au Caire la dame
Destaing.
Mais bientôt la correspondance de ces dames avec leurs
maris fut interrompue. Les Anglais avaient pris A boukir
�C 8)
et Rosette ; ils cernaient Alexandrie', et leur armée était aux
portes du Caire.
Le général B éliard , qui y commandait, invita alors les
dames M e n o u , Destaing , Delzons et Lantin , leurs parens
et leur su ite, il se retirer dans la citadelle, où elles furent
reçues et logées par le commandant D upas, à qui la garde
de ce poste était confiée.
j
Ce dernier refuge leur fut bientôt enlevé. A la fin de
messidor, lt: général Béliard capitula; le Caire fut évacué le
29 de ce mois.
Il fut convenu que les troupes sous les ordres du général
Béliard seraient embarquées pour la France ; mais il fut
dit que les dames Menou , Destaing , Delzons et L a n tin ,
seraient rendues à leurs maris , qui défendaient encore
Alexandrie. Elles devaient être conduites, sous escorte, jus
qu’aux portes de cette v ille , avec M. Estève, payeur général
de l ’armée , qui eut la permission de se rendre auprès du
général en chef.
Mais celu i-ci refusa de reconnaître la capitulation faite
par le général Béliard , et de recevoir., dans A lexan drie,
qui que ce fût venant du Caire ; et pour q uon doutât moins
de sa résolution , sa propre épouse ne fut pas même ex
ceptée.
Ces dames reçurent ch acun e, de leurs m aris, une lettre
portant invitation de se rendre en France , sur les bâtimens
destinés aux troupes du général Béliard.
Les dames Delzons et Lantin se retirèrent d’abord chez leur
m ère, à Rosette, avec madame M en ou; depuis elles s’em
barquèrent pour la F ra n ce , et arrivèrent heureusement à
Marseille. Madame D estaing, son père , sa mère , ses frères,
�\
(9 )
>
»es soeurs et leur aïeule, que le malheur avait rendu# insé
parables , furent embarqués à A b ou k ir, avec une ceiitâinë
de militaires français, sur un petit navire grec," qui devait
les transporter en Europe.
Le navire , en mauvais état et mal équipé fut baldtté
pendant six mois dans la Méditerranée , et obligé de' re
lâcher à diverses îles.
Cependant le terme de l’accouchement de mâdhme Deâtaing approchait; ses souffrances, que les toürmënteS rendaient
plus terribles, firent solliciter le patron du naviie à prendre
terre où il pourrait : il jeta l ’ancre sur la côte de Céphalonïé”
Madame Destaing était en travail depuis huit jours'. I l ne'
fut pas possible de la transporter : elle afccoücha d&iïs lë
navire.
. Marie D estaing, qu’elle mit au mondü, fut baptisée jiar
un prêtre que sa fam ille envoya chercher, dans une chapelle'
située sur les bords de la mer. E lle eut , pour parain"," liff
officier français , et , pour m araine, la dame Mische , ¿on'
aïeule.
*
* L ’équipage , qui n’avait pas fait quarantaine , ne pouvait
avoir des communications avec les habitans de l’île : le consul
français visita cependant madame Destaing.
O n ignore si l’acte de baptême , constatant la naissance
de Marie Destaing , fut rédigé par écrit ; si le consul français
y assista , s’il le déposa à la C hancellerie, ou dans les màîrià1
du pasteur catholique qui administra' le sacrement : lés
_difficultés des communications pendant' la guerre , le peü
’ de tems que le navire est resté sur la côte de Céphalonie,'
et tout ce qui s’est passé depuis cette éjiôque , oïit privé
madame Destaing des moyens de fournil*,* sur cé‘ poittt','
a
�( IO )
des éclaircissemens que les circonstances dans lesquelles
elle se trouve rendent superflus.
Le vaisseau chargé de ces infortunés aborda enfin à Tarente,
dans le royaume de Naples.
On croira aisément que la dame Destaing et sa famille
n ’eurent rien de plus pressé que de quitter, dés qu’ils le
purent, un navire où , depuis six mois , ils avaient si cruelle
ment souffert. Heureusement une main protectrice vint à leur
secours ; le général S o u lt, aujourd’hui maréchal de i’E m pire,
les a c c u e illit , leur donna sa maison de cam pagne, pour y
faire quarantaine, et les reçut ensuite chez lu i, à T aren te, où
ils passèrent près d’un m ois, tandis que le vaisseau grec, qui
les avait débarqués sur la côte de Naples , continua sa route
pour Marseille.
C epen d an t , durant la longue traverées de la dame Destaing
et de sa fam ille , d’Egypte en E u rop e, la ville d’Alexandrie,
resserrée de plus en plus par les ennem is, et manquant de
vivres, avait été obligée de capituler.
La garnison fut embarquée pour la France, les généraux
M enou, D estaing, le capitaine Lantin et plusieurs autres
officiers montèrent sur le même vaisseau et arrivèrent à Mar
seille après, trois mois de navigation , de manière que le
général' Destaing , parti d’Egypte deux ou trois mois après
son épouse, arriva cependant en Europe, et en France, plus
de deux mois avant elle. 11 se rendit à Paris et fit des dispo
sitions pour fixer son domicile dans cette ville ; il y reçut du
général Soult la nouvelle de l’arrivée de sa femme et de sa fille
à Tarente.
11 se hâta de remercier le général Soult de ses soins bionfaisans, et le pria de faciliter à madame Destaing et a
�( 11 )
sa famille le moyen d’arriver à P a ris, et de les y faire accom
pagner par quelqu’un de confiance.
'
^
Monsieur le maréchal Soult fit escorter par terre cette fa
m ille jusqu’à Barlette, et chargea M. D esbrosse, officier fran
çais , né à P aris, de l’accompagner.
Madame Destaing et sa fam ille s’embarquèrent à Barlette,
reprirent terre à A n cô n e, d’où ils se rendirent en poste à
Lyon , avec M. Desbrosse.
Cette nouvelle fatigue avait encore altéré la santé de madame
Destaing et celle de sa fille. On crut nécessaire de leur faire
prendre quelques jours de repos. M. Nazo son pére et M. D es
brosse les précédèrent et se rendirent de suite à P aris, auprès
du général Destaing.
A peine arrivé à P aris, M. Nazo perdit son gendre par un
événement tragique, dont le public fut informé dans le
tems. M. Nazo n’avait vu le général Destaing que quelques
instans 5>et n’avait encore pris aucun arrangement avec l u i ,
pour l’établissement de sa famille.
Madame Destaing ignorait à Lyon la perte qu’elle venait
de faire; elle y attendait des nouvelles du général D estain g,
lorsqu’elle reçut la visite du sieur B ordin , chapelier, dont
l'épouse était d’A u rilla c, lieu de la naissance du général Des
taing.’
s
• L e sieur Bordin se présenta avec une lettre du sieur Des
tain g, pére du général, pour engager la dame Destaing sa
belle-fille, à se rendre à A urillac avec son en fan t, où on lui
dit qu’elle trouverait le général son mari.
Mais la feinte ne pût être longue : madame Destaing ap
prit bientôt qu’elle était veu ve, et que sa fille avait perdu son
p ére, avant d’en avoir pu recevoir la moindre caresse.
�( ta )
E lle se séparé du reste de sa fam ille, qui se rendit à Mar
seille, où le Gouvernement réunissait les réfugiés égyptiens ,
et elle prit la route d’A urillac avec sa fille, une nourrice
qu’elle avait prise à Tárente, et une négresse qui les servait.
Le sieur Destaing père fournit aux frais de ce vo y a g e, et
aux premiers besoins de sa petite-fille et de la veuve de son
fils. Illes accueillit comme ses enfans, les fit considérer comme
tels par toute la famille D estain g, au milieu de laquelle la
Yeuve trouva madame Delzons, née, comme elle, en Egypte ,
témoin des courts instans de son bonheur et de ses premières
infortunes.
Madame Destaing passa ainsi à A urillac huit m ois, présen
tée dans toutes les sociétés comme veuve du général Destaing,
sans que personne eût osé élever le moindre doute sur son état
et celui de sa fille.
L e sieur Destaing père assembla un conseil de famille pour '
la nomination d’un tuteur à sa petite-fille.
O n prouve parmi les. parens M. Alexis.-Joseph D elzons,
général de brig:*d,e , commandant le département du C antal,
cousin-germain du feu,général Destaing , et le même qui avait
été, témoin d}f, marijage qui avait, réuni laúdame. Nazo à *la
famille Destaing -, M. Delzons son p ère , membre du Coçpj
Législatif , oncle paternel de M. D estain g, biqn instruit par
son filstde§ circonstances de ce,m ariage, et lç.m êm e qui se
troura à^Paris, à la leyép des scellés, mis sur les effets du gé
néral Destaing son neveu; enfin, tous les parens du défunt
qui déféi'èrentj la^tuttje ^usj.ç^r Destaing père, en sa qualité
d’aïeul tle la mineure, et attendu la minorité présumée d e là
m ère, autorisèrent j les dépenses par lui faites, îéglércnt le
�( i3 )
montant des habits de deuil de la veuve, et fi<èrent provisoi
rement la quotité de la pension de la pupille.
Si les intérêts de la dame Destaing furent sacrifiés dans cet
acte, du moins son état et celui de sa fille furent respectés et
reconnus par la famille de son mari; et ils auraient continué
à l’être, si elle n’avait pas été instruite de ses droits.
Mais elle trouva , à A urillac même , des personnes offi
cieuses qui lui apprirent que la loi plaçait dans ses mains la
personne et la conservation des biens de sa fille , que c était
pour elle un devoir de la réclam er, et que son beau-pere et
J a famille Destaing abusaient de son ignorance.
Aussitôt qu’elle parut i n s t r u i t e l e s procédés de son
beau-père changèrent à son égard. Il craignit qu’elle ne vou
lût se soustraire à son em pire, e t, pour la reten ir, il la
sépara de sa fille , qu’il envoya à la campagne sous un vain
prétexte.
Cet acte de barbarie dut ré vo lter la dame Destaing ; privée
de sa fille , ne pouvant découvrir le lieu où on la tenait cachée,
elle écrivit à son père pour lu i faire connaître sa position.
Le sieur Nazo se rendit à A u r illa c , et n’obtint rien du sieur
Destaing ; il emmena sa fille à Marseille.
\t)n remarquera que le sieur Destaing retint alors sa
petite-fille, malgré la mère et l’aïeul maternel ; ce qui est
une nouvelle reconnaissance de l’état de la demoiselle D es
taing , dans le tems même que son aïeul refusait à la mère
de la laisser jouir du plein exercice de ses droits.
La dame Destaing fut conduite à Marseille par son p ère ,
et elle sentit alors le besoin de constater son âge, qvû était
le seul prétexte sous lequel le sieur Destaing père refusait
de lui rendre la tutelle de sa fille. Il y fut procédé par un
�( *4 )
acte de notoriété en forme authentique , auquel concou
rurent un grand nombre de réfugiés E gyptien s, réunis à
Marseille. Parmi eux se trouvaient deux des militaires qui
avaient traversé la Méditerranée avec la daine Destaing;
ils rapportèrent l’époque de l’accouchement de la dame Des
taing , et du baptême de sa fille.
Si l’acte de notoriété ne donne pas de plus grands détails,
c’est que personne ne pouvait prévoir alors que l ’état de la
dame Destaing et de sa fdle serait un jour contesté ; il
ne s’agissait que de déterminer leur âge par la notoriété , à
défaut de registres. Leur élat était assez établi par leur pos
session non interrompue : et si la dame Destaing avait pris
alors de plus amples précautions ; si elle avait fait constater
son état par les nombreux réfugiés Egyptiens qui se trou
vaient alors à M arseille, ce qui lui eut été fa cile, on suppo
serait peut-être aujourd’hui qu’elle en avait besoin. Tandis
q u e , comme nous le verrons bien tôt, la possession d’état
et la reconnaissance de la fam ille étaient, pour elle et pour
sa fille , des titres sufiisans.
Madame Destaing doutait si peu de leur puissance, qu’a
près un court séjour à Marseille , elle se rendit à Paris pour
demander justice.
'
^
L e Gouvernement lui accorda sans difficulté la pension à
laquelle elle avait droit comme veuve du général Destaing ;
et les plaintes qu’elle porta, sur ce qu’on lui retenait, malgré
e lle , sa fille à À u r illa c , furent renvoyées par le premier
Consul aux ministres de la justice et de la police pour y faire
droit par voie d’administration.
Le sieur Destaing , président du tribunal civil de son ar
rondissement , ne put méconnaître la légitimité des première
demandes de la dame sa belle-fille ; il répondit à S. Exc. le
�C ‘5 )
grand-juge que puisque le Gode civil déférait la tutelle à la
m ère , elle pouvait envoyer chercher sa fille quand elle le
jugerait à propos. Le grand-juge , en informant madame Destaing de la réponse de son beau-père , lui apprit que toute
discussion sur les biens devait être portée devant les tribunaux.
Le général Destaing était mort à Paris , où il paraissait
avoir voulu fixer son domicile ; on pensa que c’était à Paris
que la succession était ouverte , et où l’inventaire des biens
avait commencé. La dame Destaing se pourvut donc devant
le tribunal civil de la capitale pour réclamer les droits que
lui donnait la double qualité de veuve du général Destaing
et de tutrice de leur fille , et fit assigner le sieur Destaing en
reddition de compte de la tutelle.
Le sieur Destaing, aïeul de cet enfant et président du tri
bunal civil d’A urillac , prétendit que c’était à A urillac que
cette demande devait être portée , attendu que le feu général
Destaing était censé n’avoir jamais eu d’autre domicile que
la maison paternelle.
Le tribunal de Paris se déclara compétent ; mais le sieur
Destaing s’étant pourvu à la Cour de cassation en règlement
de juges, les parties ont été renvoyées au tribunal de première
instance de M auriac, département du Cantal.
C’est là que, pour la première fois, le président D estain g,
pour garder en ses mains les biens de la succession de son
fils, a renié sa petite-fille dont, d’abord, il avait voulu être le
tuteur , et qu’il avait retenu chez lui malgré la mère. Il a osé
déclarer devant ce trib u n al, à quelques lieues de distance
d’A u rillac et dans le même départem ent, habité par les té
moins de la constante possession d’état de la veuve et de sa
fille , ainsi que des actes authentiques et multipliés de la recon*
�C 16 )
naissance de la famille , « que ce n’a été que par d o l, fraude,
» suppositions et insinuations perfides que la demanderesse
» Vengagea jx se porter tuteur de Marie sa fille , et à faire
» tous actes nécessaires en cette qualité pour la rémotion des
» scellés, inventaire et vente des effet mobiliers délaissés
n par son défunt fils ; lesquels consentement, actes et fausses
» démarches il rétracte formellement ; et de ce q u e , mal à
« p rop os, elle voudrait tirer avantage de ce qu’il l’a retirée „
» dans sa fam ille, ne l ’ ayant f a i t qu'à titre ¿[hospitalité,
» comme compatissant à ses m alheurs, et sous réserves de ses
» autres droits. »
Les tribunaux du département du Cantal avaient donc à
examiner le mérite de cette déclaration ; elle est la cause
du litig e , le point de la difficulté élevée par l’aïeul.*Elle
contient une accusation grave en suppression d’état, ou un
délit bien plus grave encore en suppression d’état, de la part
de celui qui était alors le chef de la fa m ille , le protecteur
n aturel de tous les membres qui la composaient ; et spé
cialem en t de sa petite-fille et de la veuve de son fils.
Il accuse celle-ci de l’avoir en gagé, par dol et fraude, k
les reconnaître , elle et sa fille , pour avoir appartenu , à titre
lég itim e, au général Destaing -, mais on sait qu’elles étaient
à L y o n , lorsque madame Destaing a 'perdu son mari. Elle
arrivait en France , et elle ne connaissait personne , ni le
pays dont elle n’entendait même pas la langue ; quel dol
a-t-elle pu pratiquer? quelles insinuations a-t-elle pu em
? R i e n au monde ne peut faire admettre, un instant, la
supposition du président Destaing. Q uélle serait donc la
puissance qui aurait obligé ce dernier à envoyer chercher à
Lyon madame Destaing et sa fille , qui ne le connaissaient
p
l o y e r
'
*
�( *7 )
pas ? à les recevoir et les traiter comme belle-fille et petitefille, pendant huit mois consécutifs? à prendre devant la
justice la qualité d’aïeul légitime de cet en fan t, et en de
mander la tutelle , attendu la minorité de la mère? à s’en
gager , par serment, à en remplir les devoirs , ceux de tuteur
et d’aïeul ? à ex ercer, pendant huit m o is, les honorables
fonctions que ces titres lui donnaient ? 11 n’y ayait nulle
puissance, nuls moyens suffisans pour l’y engager , si ce
n’est la force de la vérité et le pouvoir de la justice na
turelle.
Tout cela ne peut se rétracter : on ne rétracte pas des faits ;
o r , les actes émanés du sieur Destaing père, sont autant de
faits qui existent et existeront malgré ses regrets. Q u’il les
explique comme il p ou rra, il ne peut les détruire par une
vaine rétractation.
Il suppose hardiment n’avoir retiré, dans sa fam ille, sa
petite-fille et la dame sa mère , qu'à titre cï hospitalité, et
compatissant à leurs malheurs.
Mais le litre auquel la dame Destaing et sa fille ont été
reLirées, ou plutôt réclamées par le sieur D estain g, est écrit
dans le procès-verbal de nomination de tuteur. Ce titre légal
ne peut pas plus être effacé que ceux de la nature invoqués
par le sieur Destaing père pour l ’obtenir ; ce titre est l’ou
vrage du sieur Destaing , lui-même ; toute la famille y a
concouru. C’est par une délibération éclairée , authentique
et homologuée par l ’autorité c iv ile , que le sieur Destaing a
demandé à prendre dans les biens qu’il n’administrait qu’au
nom 'de sa petite - fille , et comme son tuteur, le rem
boursement des frais qu’il avait faits pour leur séjour à
L y o n , et voyage à A u rilla c , et pour les alimens qu’il leur
�C 18 )
dans celte ville. Ce n’est donc pas comme com
patissant aux malheurs d’une étrangère , qu’il a agi. La
dame Destaing ne pouvait pas être étrangère pour lui ;
aussi a-t-il demandé lui-même , pour sa belle-fille , des habits
de d e u il, et la fixation d'une pension viduelle. Ce ne sont
pas là des actes de compassion , mais de justice. La fille et la
veuve du général Destaing ayant reçu , dans cette qualité,
sur la succession de leur père et mari , les secours dont
elles avaient besoin, dans la maison que le sieur Destaing
a fait juger être le domicile de son fils ; il ne peut pas dire
quelles y aient été reçues à titre dhospitalité. Dans la maison
de leur aïeul et beau-père , elles étaient chez elles,' elles y
continuaient leur possession d état : on ne peut la leur ra v ir,
parce qu’elle repose sur des faits constans et indestructibles.
Par ces fa its, tout doit être jugé entre madame Destaing
et la famille de son mari. D u moins on ne peut plus mettre
en question l ’état de la veuve et de l ’orpheline, authenti
quement reconnu par ceux mêmes qui l’attaquent aujourd’hui.
Nos livres de jurisprudence sont pleins de monumens qui
fixent d’une manière invariable les principes qui doivent
servir de règle pour résoudre les questions élevées sur l’état
des citoyens dans des circonstances quelquefois bisarres et
souvent embarassantes.
Souvent on a argumenté sur la foi qui est due aux registres
publics , sur la nécessité d’établir par eux l’état contesté, sur
l'admission ou le rejet de la preuve testimoniale, soit pour
faire réformer ces registres , soit pour les suppléer en cas de
perle ; mais toujours on a admis les con>équences qui ré
s u l t a i e n t d’une possession d’état invariable. La loi romaine,
fournissait
d’Aguesseau , Gochin , si souvent cités dans les questions
�( *9 )
de cette nature, regardent la possession comme le signe le
plus certain de leta t des citoyens , celui qu’il serait le plus
dangereux de méconnaître , et qu’il importe le plus de res
pecter pour assurer le repos des familles.
'
Cochin a retracé ces principes dans la cause célèbre de la
dame de B ru i*; et on peut remarquer qu’il plaidait pour la
fam ille Laferté, qui repoussait cette femme et tous les moyens
qu’elle employait pour se faire reconnaître comme appar
tenant à cette famille. D e manière qu’on ne peut pas le sus
pecter d’avoir admis ou supposé des principes trop favorables
à ceux dont l’état est contesté. Il les établit comme doctrine
qui doit servir de guide dans les questions d’état, pour qu’on
ne s’égare pas dans cette m atière, en donnant dans des excès
également contraires à la vérité.
,V o ic i comment il s’exprime :
« Si les législateurs , d it-il, n’avaient pris aucune précau*
» tion pour fixer l’état des hommes . les citoyens ne pour» raient se reconnaître entr’eux que par la possession. T elle
» était la règle qui les distinguait seu le, avant que les Etats
» policés eussent établi des lois sur une matière si importante;
» les familles se formaient par des mariages publics ; les en» fans étaient élevés dans la maison des pères et des m ères,
>* comme les fruits précieux de l ’union conjugale ; les rapports
» des différens membres d’une famille se confirmaient de jour
» en jour par la notoriété ; ils se connaissaient, ils étaient
» connus des autres comme frères et sœ urs, comme oncles ,
» n e v e u x , comme cousins, par cette habitude journalière
>* de se traiter réciproquement dans ces différentes qua» lités.
. » C ’était donc la possession seule qui fixait l’état des hommes;
�»
»
»
»
»
( 20 ) ,
c’était l ’unique espèce de preuve qui fût connue - et qui
aurait voulu la troubler, en supposant un état et une filiation contraire à celle qui était annoncée par cette longue
suite de reconnaissances, aurait troublé l’harmonie du genre
humain.
» Les législateurs ont cru devoir porter plus loin les mesures
>•> que leur sagesse leur a inspirées. On a cru que s i , au mo» ment de la naissance de chaque cito yen , son état était con>* signé dans des registres p u blics, ce genre de preuve ajou» terait un nouveau degré de force à l ’état qui devait être
» établi dans la suite par la possession, ou q u e , si la posses» s io n , par quelques circonstances impossibles à p révoir,
» pouvait devenir équivoque, le titre primordial pourrait
» en parer les vices et venir au secours du citoyen privé des
» avantages d’une reconnaissance solemnelle. C’est donc ce
» qui a introduit l ’usage des registres publics prescrits par nos
» ordonnances.
»
Ti
»
»
»
»
»
» C’est sur ces deux genres de preuve que porte l ’état des
hommes ; celle de la possession publique est la plus ancienne et la /noms sujette a Verreur/ celle des registres
publics est la plus nouvelle et la plus authentique. Quand
elles se prêtent un mutuel secours , tous les doutes disparaissent ; quand elles ne sont pas unies , les questions
peuvent dépendre de la variété des espèces et des circonstances.
»' Ou l’on est attaqué dans un état dont on est en possession,
« ou l’on réclame un état dont on n’a jamais joui. Dans le
» prem ier c a s , l a . p o s s e s s i o n s u f f i t a c e l u i q u i e s t a t r> t a que ; il ri!Cl pas besoin de recourir aux monumens pu-
»
�(21 )
» b lic s , ni à aucun autre genre de preuve ; il possède, et à
» ce seul titre, on ne peut pas hésiter à le maintenir.
» Dans le second cas, celui qui réclame un état dont il n’a
» jamais joui , trouvant le même obstacle de la possession,
v ne peut réussir dans son entreprise , s’il n’a en sa faveur des
» titres solemnels qui prouvent que la passion et l’injustice
» l’ont dépouillé.
» Ainsi la possession p u b liq u e, qui décidait seule avant
» l’établissement des registres p u blics, conserve aujourd'hui
» son prem ier empire y c’est elle qui forme toujours la preuve
» la plus éclatante et la plus d écisive, et si elle peut être
» combattue par des preuves contraires, ce n’est qu’autant que
» ces preuves posent d’abord sur un fondement solide , adopté
» par la l o i , c’est-à-dire, sur les titres les plus authentiques
» et les plus respectables. »
Ces principes rappelés par Cochin , et qu’il appelle « des
» vérités que la raison dicte seule , et qu’elle grave, pour
» ainsi dire, dans le cœur de tous les hommes ; » ces principes,
qu’il prouve être « appuyés sur la décision des lois , le suf» frage des plus grands hommes et la saine jurisprudence»,
sont ceux de tous les jurisconsultes et de tous les tribunaux.
Ils s’appliquent naturellement à la cause de la dame Destaing
et de sa fille.
Elles sont en possession de leur état de veuve et de fille du
général Destaing. Cette possession a été publique, on pourrait
même dire solemnelle; elle leur suffit pour repousser l ’attaque
dirigée contr’elles. E lles n ’ont pas besoin de recourir a u x
monumens publics , n i a a u c u n a u t r e g e n r e d e p r e u v e .
E lles possèdent ; e t, à ce seul titre, on ne p eu t pas hésiter
à les maintenir.
�( 22 )
O n le doit arec d’autant plus de raison, que l’attaque a
commencé par celui q u i, ayant le plu 3 grand intérêt à con
tester l ’état de ces infortunées, s’il avait été équivoque, l ’a
cependant le plus authentiquement et le plus solemnellement
reconnu , soit en justice, soit dans le conseil de famille con
voqué par l u i , soit en les présentant à chacun de ses parens
et amis, comme étant ses enfans; les établissant, à ce titre,
spontanément, sans en être sollicité par personne, dans sa
propre maison , et les reconnaissant en leur qualité , et pour
ainsi dire , à la face du ciel et de la terre.
Quelle est donc la cause du changement? qu’est-il donc
arrivé pour opérer une métamorphose ? Rien. Q uelle décou-,
verte a fait le sieur Destaing pour passer ainsi de l’alfection
paternelle à l ’indifférence, et même à l’animosité? Aucune.
Q u ’a-t-il appris de nouveau? Rien. 11 était président du tri
b u n al, et par conséquent jurisconsulte; il devait savoir que
la puissance paternelle ne s’étendait plus sur les petits-fils, à
l ’exclusion de leur mère ; q u e , par le Code c iv il, la veuve
avait la tutelle de ses enfans. Ce n’est point la dame Destaing
qui avait provoqué cette loi, cause première de ses derniers mal
heurs; et si, informée qu’elle était de son devoir de les exercer,
elle a indiscrètement m anifesté, dans la maison de son beaupère , l ’intention de les réclam er, ce u’etait pas une raison
pour vouloir l’en déposséder, en la dépouillant de son état;
ni de la rejeter d’une famille dans laquelle elle n’est entrée
et sa fille n’est née que pour y éprouver des malheurs.
Depuis la déclaration rétrograde du sieur Destaing père,
sa conduite a été assortie à ce début.
U commença par faire faire saisie-arrêt entre se3 mains, à la
requête de ses autres enfans se disan: héritiers naturels du
�( ^3 )
général Destaing leur frère. Il demanda ensuite que la dame
Destaing , comme étrangère, fût tenue de donner caution
judicatum solvi ; et il se défendit -devant le tribunal de
M auriac par cette exception prélim inaire, en demandant que
«es enfans, dont il avait dirigé les démarches, fussent ap
pelés dans l’instance, ainsi qu’un prétendu bâtard du général
D estain g, d o n t, jusqu’alors, personne n’avait entendu parler,
et dont, depuis, personne aussi n’a eu des nouvelles.
Le tribunal de M auriac, par jugement du 12 août 1806,
débouta le sieur Desiaing de sa demande en cautionnement,
ordonna que les prétendans droits à la succession du général
D estain g, et les saisissans, seraient mis en cause , et néan
moins condamna le sieur Destaing au paiement d’une pro
vision de 600 f r ., à compter du jour où la demoiselle Des
taing avait été retirée d’A u rillac, et à la continuer jusqu’au
jugement définitif. M. D tstaing fut condamné à payer le
coût du jugement.
Mais ce jugement provisoire, quelque modéré qu’il fu t,
n’a pu être exécuté.
Les beaux-tréres et belles-sœurs de la dame Destaing s’y;
sont rendus tiers opposans.
La réclamation principale de la dame Destaing étant alors
instruite , elle a demandé à être maintenue dans son état de
veuve du général D estaing, contre tous les prétendans droits
à h) succession, et tant en son nom personnel que comme
tutrice de sa fille ; elle a demandé que le sieur Destaing père
fû t tenu de rendre compte de l’administration dans laquelle
il s’était immiscé , comme tuteur.
Le sieur Destaing père s’est borné à laisser contester l’état
de sa petite fille par ses autres enfans, déclarant qu’il était
�(24)
prêt à rendre compte de la succession, à qui et pardevant qui
il serait ordonné en justice. Il a prétendu devoir être congédié
de la demande, et cependant il a conclu à ce que, dans le cas
où la dame Destaing ne justifierait pas de son état et de celui
de sa fille , elle fût condamnée à lui rembourser, avec inté
rêts , 3636 fr ., montant des dépenses faites pour e lle , tant à
Lyon qu’à Aurillac.
C’est sur ces conclusions qu’est intervenu le jugement du
i 3 août 1807, dont la dame Destaing a appelé.
P a rce jugem ent, le tribunal de M auriac, en reconnaissant
la possession d’état des dame et demoiselle Destaing, ordonne
néanmoins que le fait du mariage du général Destaing et
celui de la naissance de sa fille seront prouvés par tém oins,
à la diligence de madame Destaing, et qu’il n’a pas existé de
registres où ces actes de mariage et de naissance aient dû être
transcrits.
Les juges statuent par interlocutoire sur le fond de la
contestation qui leur est soum ise, et cependant ils ne pro
noncent rien sur la tierce opposition à leur premier jugement,
qui condamnait le sieur Destaing père au paiement d’une
provision bien nécessaire aux dame et demoiselle Destaing ,
bien légitimement due à l’état dont elles étaient en possession ,
et à leur qualité aussi incontestable que leur position mal
heureuse.
Le tribunal de M auriac, en mettant en question Tétat de
la dame Destaing et celui de sa fille, a fait abstraction de la
possession dans laquelle elles étaient. Il aurait dû apercevoir
q u’elles étaient attaquées dans cette possession d’état par ceux
mêmes qui avaient concouru à la leur assurer, et q u e , dés
lors, madame Destaing n’avait rien à prouver; c’était sur ceux
�( a5)
q u i venaient l’attaquer, prétextant qu’ils avaient été e n g a g é s
par clol, fr a u d e , suppositions et insinuations perfides , que
tombait la charge de prouver leurs allégations. Juscju’alors
leur engagement subsistant, on devait les regarder comme
liés. La reconnaissance publique et authentique de l’état d’un
citoyen dans une fam ille, et par tous les individus qui la
composent, n’est pas un lien frivole; le m éconnaître, ce
serait, comme dit Cochin , troubler l’harmonie du genre hu
main. Combien de milliers d’individus n’ont d’autre assurance
de leur é ta t, d’autre titre que leur possession publique au
m ilieu de leur famille et dans la société? Combien en est-il
qui ignorent où ils pourraient trouver l’acte de célébration
du mariage de leurs auteurs, et même leur acte de naissance?
O Faudrait-il pour cela les faire sortir de la famille dans la
quelle ils possèdent un état reconnu légitim e? sera-t-il per
mis à celle-ci de les repousser de son sein, en leur imposant
à eux l’obligation de prouver qu’elle a eu raison de les con
sidérer comme fils, petit-fils , neveux , cousins, etc. ?
N o n , certainem ent, ils n’ont rien â prouver. L a possession
suffit à celui qui est attaqué; il n a pas besoin de recourir
a u x monumens p u blics, n i à aucun autre genre de preuves : il
possède ; e t y à ce seul titr e , on ne peut hésiter à le m ain
tenir.
Vainem ent vou d rait-on supposer que la dame Destaing
étant demanderesse dans la cause, doit prouver et justifier
la qualité qu’elle prend : cette supposition est inadmis
sible.
La demoiselle Destaing était non seulement en possession
de son état de fille naturelle et légitime du général Des-»
taing son p ère , mais encore de la succession de ce dernier,
4
l
�( 26 )
acceptée pour elle par le sieur Destaing son a ïe u l, en sa
qualité de tuteur, qui lui avait été déférée par la famille
en tière, qui avait reconnu l’état et les droits de la pupille.
L a veuve du général Destaing était pareillement en posses
sion de son état de veuve, reconnu aussi par la fam ille, qui
avait réglé le paiement de ses habits de deuil et de sa pen
sion viduelle.
Devenue tutrice de sa fille par la disposition du Gode
c iv il, elle a trouvé celle-ci dans la possession de son élat,
saisie et investie d e 'la succession qu’elle avait recueilli du
général Destaing son père.
Ce n’est point cette succession q u elle a demandée ; l’aïeul
tuteur l ’avait recueillie pour sa petite-fille, et avait fait pour
elle tous les actes d’héritiers nécessaires. La fille du général
Destaing avait été reconnue son héritière ; elle possédait sa
succession de droit et de fait : c’est donc elle qui est atta
quée dans la possession.
La mère tutrice exerçant ses droits, a demandé compte au
premier tuteur; celui-ci ne pouvait ni le refuser, ni changer
lui-même le titre de cette possession ; car ce n’est pas pour
lui-même qu’il possédait, mais pour sa petite - fille , et à un
titre qui avait cessé d’être légitime.
L ’opposition des tiers ne pouvait ni dénaturer ses obliga
tions , ni les diminuer. Les collatéraux trouvant la succession
de leur frère recueillie par son enfant, ne pouvaient dépos
séder celui-ci, sans préalablement attaquer l’état de l’héritière
investie, état que cependant ils avaient reconnu eux-mêmes,
et dont elle était en possession ; ils veulent détruire ce qui
existe bon gré ou malgré eux. C’est donc eux qui attaquent ;
�( 27 )
c’est donc eux qui sont les demandeurs. Peu importe que ce
soit par voie d ’exception ; on connaît la règle Reus excipiendi fit actor. A cto ris est probare.
Nous disons que la veuve du général D estain g, tutrice
légale de sa fille , demande au précédent tuteur le compte de
son administration. Celui ci nie-t-il avoir été le tuteur de là
demoiselle Destaing sa petite-fille? non. Nie-t-il avoir recueilli
en cette qualité de tuteur la succession du général Destaing?
non. Il dit que les autres enfans collatéraux du général D es
taing prétendent à cette succession, et qu’ils s’opposent à ce
qu’il rende compte à la nouvelle tutrice. Le tribunal ordonne
d’abord qu’ils seront mis en cause. Ils se présentent comme’
tiersopposansà un premier jugement qui ordonnait le paiement
d’une provision. Sont - ils défendeurs dans leur opposition ?
non. Le sont-ils lorsqu’ensuite ils demándent, par voie d’ex
ception , que leur nièce soit dépossédée de son état et de la
succession du général Destaing son p ère? pas davantage.
Ils soutiennent alors que la demoiselle Destaing leur est
étrangère ; mais c’est à eux à le p rouver, s’ils le peuvent. Ils
ne nient point la possession d’état qui pose sur des faits in
destructibles ; ils supposent qu’elle a été usurpée par dol et
fraude : c’e3t encore à eux à prouver cette supposition inique;
c’est donc à eux que , sous tous les rapports, devait être
imposée l’obligation de rapporter la preuve de ce qu’ils avan
çaient. Jusqu’alors le sieur Destaing père ne pouvait mécon
naître le titre en vertu duquel il avait agi, et toutes les con
séquences qui en résultaient, dont la moindre était que, pro
visoirement, ce titre et la possession d’état devaient être res
pectés; provisoirement, la mineure devait être alimentée et
secourue sur la succession dont elle était saisie de droit et
�(aB)
de fait par les mains de son aïeu l, par le consentement de
toute la famille , et le concours de l’autorité civile.
Nous disons que les collatéraux étaient demandeurs en
délivrance d’une succession recueillie par la mineure ; que
c’étaient eux qui venaient troubler l’état dont la mineure
Destaing était en possession , et prétendaient la dépouiller
de la succession qu’elle avait recueillie en une qualité q u i,
jusqu’alors, ne lui avait pas été contestée. Sans doute qu’avec
ces prétentions, et comme demandeurs, ils pouvaient se pré
senter dans la lice ; mais avec quelles armes ? C’est encore
Gochin qui répond à cette question, et il faut rappeler ici
ce que nous avons déjà rapporté :
« La possession publique conserve aujourd’hui son premier
• empire; c’est elle qui forme toujours la preuve la plus écla» tante et la plus décisive , et si elle p eu t être combattue par
» des preuves contraires, ce n'est quautant que ces preuves
» posent d abord sur un fondem ent so lid e , adopté par la lo it
» c'est-à-dire ,
*
p a r
les
t itr e s
les
plu s
a u t h e n t iq u e s
e t les
PLUS R E SP E C T A B L E S. »
vu que le sieur Destaing a cru que toutes ses
preuves étaient faites par la simple déclaration qu’il se rétrac
tait. Ses enfans ont cru aussi qu’il leur suffisait d ’é le v e r d u doute
sur l ’état de leurs belle-sœur et nièce , et ils l’établissent sur
quelques pièces qu’ils ont produites , et que nous allons exa
miner. Ces pièces consistent en deux lettres missives, qu’on
dit avoir été écrites par le général Destaing à son père, l’une
le i 5 pluviôse an 9 , et l’autre le i 3 ventôse an 10.
Par la première , il dit: « Delzons se porte bien; il a un
» petit garçon bien éveillé, et j’essaie d’en faire un à une
» jeune gréque q u i, d’après uu arrangement oriental , fait les
N o u s avons
�( 29 )
*> honneurs de chez moi depuis près d’un mois. » On sup
pose qu’il écrit dnns l’autre : « Quant à mon mariage , vous
» ne devez pas plus croire la lettre de Latapie que la
» m ienne; il n'y a aucun lien légal; je ne l’aurais pas con» tracté sans vous en prévenir : mais il y a d’autres liens qui
» pourraient bien, peut être , amener celui-là. A u reste , j’ai
» écrit à cette famille de se rendre à Marseille , et d'y attendre
» de mes nouvelles. »
La première de ces lettres, qui se rapporte à une époque
peu éloignée du mariage du général Destaing, peut bien prou
ver qué l’union a été formée sans le consentement du père
du général , et que celui-ci a dissimulé alors à son père la
nature de ses engagemens , mais elle ne peut pas prouver qu’ils
n’exislent pas , et qu’ils ne soient p a ï indissolubles.
Dans la seconde , le général Destaing é crit, dit-on , à son
père : vous ne devez pas plus croire ma lettre que celle de La
tapie. II d é s a v o u e d o n c implicitement ce qu'il a écrit ; s’il ne
s’accuse pas ouvertement de mensonge ou de dissimulation , il
prépare son père à une explication plus franche. T1 ne la lui
donne cependant pas dans le moment ; il continue à l’envelopper
dans des généralités ; il suppose, il est vrai, qu'il n y a pointde
lien lég a l, parce que , dit-il, je ne l’ aurais pas contracté sans
vous en prévenir ; et il ajoute : mais il y a d’autres liens
(c'est-à-dire, les liens naturels et relig ieu x), qui pourraient
bien a m e n e r celui-là. Que signifie tout cet entortillage?
L e mariage du général Destaing avait été fait sans le consen
tement du père: cette correspondance semble l ’indiquer. Il
croyait sans doute que ce consentement était un préliminaire
indispensable, ou du moins convenable; voilà pourquoi, en par
lant de son union , il en dissimule d’abord la légitimité ; et
�( 3° )
s’exprime d’une manière cavalière. M ais, arrivé en France,
'ilvoit approcher le moment de découvrir la vérité , il commence
par effacer les impressions défavorables qu’aurait pu donner sa
première lettre: ne la croyez p a s, dit-il; c’est-à-dire, ne sup
posez pas que j’aie vécu dans un honteux concubinage avec la
jeune personne à laquelle je me suis uni aux pieds des au
tels , du consentement de sa fam ille, en présence de mes chefs
et de mes frères d’armes. N e la croyez pas : il manque peutêtre quelque chose à notre union pour sa légalité, puisque j’aurais
dû vous en prévenir, vous demander votre assentiment : mais il
y a d’ autres liens qui pourront bien amener votre appro
bation. S’il ne la 'demande pas encore explicitement, celle ap
probation , on voit qu’il la sollicite déjà d’une manière indirecte,
en déclarant qu’il est l i é , et qu’on pourra suppléer à ce qui
manque à son union.
Le général Destaing ne disait pas toute la vérité dans cette
lettre, s’il l’a effectivement écrite ; c a r , dans la réalité, il ne
manquait rien à la légitimité de son union. Il était m ajeur,
lorsqu’il l’a contractée ; et la loi , sous l’empire de laquelle elle
a été formée, n’exigeait point que le consentement des pères et
des mères fût requis pour le mariage des majeurs. La précipi
tation du général Destaing était un manque d’égards et même
de respect -, c’était une faute qu’il sentait avoir commise : mais
elle ne compromettait pas l’état de sa femme et celui de ses
enfans qui ne l’avaient point partagée. La loi civile ne punis
sait point alors une telle omission, la seule que le général Des
taing eût à réparer.
C ’est ce qu’il fit, sans doute, bientôt après , en s’expliquant
avec son père d’une manière plus franche et plus loyale. On
peut l ’affirm er, lorsqu’on voit le sieur Destaing père recher
�( 3 0
cher lui-même sa belle-fille et sa petite-fille, les établir dans
sa maison en leur honorable qualité, les reconnaître en face
de la justiçe, au milieu de sa famille et de ses am is, et les
maintenir dans cette possession , que nous avons vu être la
preuve la plus éclatante et la plus certaine de l’état des ci
toyens.
A lo r s , bien loin que ces lettres puissent faire élever le
moindre doute sur l’état reconnu de la dame Destaing et de sa
fille, elles donnent une nouvelle force à leur possession de cet
état.
Le sieur Destaing père avait été informé du mariage de son
fils par quelqu’un de ceux qui en avaient connaissance, par
Latapie, qui ne l ’aurait point écrit s’il n’en avait pas eu la
certitude : le sieur Destaing père avait pu être instruit de ce
mariage par le général Delzons , surtout, qui en avait été
témoin. L a manière légère dont son fils en avait parlé dans sa
première lettre avait pu lui donner de fausses idées et élever
des doutes qu’il lui importait d’éclaircir. Son fils lui écrit
ensuite : « Ne croyez pas plus ma première lettre que celle de
» Latapie. Je suis lié sans vous en avoir prévenu, mais tout
» n’est pas fait ». O n voit bien qu’il ne dit pas tout alors, puis
qu’il n’explique rien ; mais il commence ses déclarations. La
possession d’état de la dame Destaing les .complète, et prouve
qu’elles ont eu lieu intermédiairement entre le père et le fils.
Q u’est-il besoin, en effet, que nous recherchions comment le
sieur Destaing père a été éclairé ? Il l’a été, puisqu’il a so len
nellement reconnu sa petite-fille et la veuve de son fils, puisqu’il
les a envoyé chercher à L yo n ; puisque ce n’est qu’en qualité
de tuteur de sa petite-fille qu’il s’est présenté pour recueillir la
succession du général Destaing.
�( 3a )
Si les lettres de ce dernier n’avaient pas élevé des doutes
dans l ’esprit de son père , on pourrait soupçonner qu’il a
été surpris par quelques apparences trompeuses; mais le doute
une fois admis , il ne peut être levé que par des preuves , et
dés que ce doute a cessé d’exister à la mort du général D es
taing , les lettres antérieures ne peuvent le faire renaître. Elles
donnent m êm e, comme nous l ’avons d it, une nouvelle force
aux reconnaissances multipliées de celui à qui elles avaient
été écrites; bien loin qu’on puisse les considérer comme des
preuves contraires, lesquelles, nous ne saurions trop le ré
péter avec Gochin , devraient poser sur un fondem ent so lid e,
adopté par la lo i ; c’ est-à-dire, sur les titres les plus au
thentiques et les plus respectables.
O n a voulu abuser envers la dame D estain g, de ce que
les circonstances dans lesquelles elle se trou ve, ne lui per
mettent pas de représenter l ’acte de célébration de son ma- ;
riage et celui de la naissance de sa fille ; mais si elle n'en a
pas eu besoin pour se faire reconnaître par toute sa fa m ille ,
on peut bien moins les lui demander aujourd’hui , pour dé
truire une possession d’état qui est pour elle et pour sa fille,
des titres suffisans.
O n suppose qn’elle devrait avoir son acte de mariage ,
parce que le général Delzons et le capitaine Lantin , q u i,
comme nous avons vu , avaient épousé, à Rosette, les deux
demoiselles Varsy , filles d’un négociant de Marseille , ont
contracté, d it-o n , leur mariage devant le commissaire des
guerres Agard , qui en a dressé l’acte qu’il leur a remis , et
qu’après leur retour en Europe , ils ont déposé , savoir , l’un
( l e général D elzoas) au secrétariat de la mairie d’A u rillac,
le 11 nivose an 11 , plus d’un an après son arrivée en France,
�( 33 )
et postérieurement au décès du général D estain g, son cousin,
à la nomination de tu telle, à l’acceptation de l ’hérédité par
l’aïeul tuteur, au nom de sa petite-fille, et dans le tems même
de leur paisible possession d’état; et l’autre (ce lu i du capi
taine L a n tin }, bien longtems après ( le 18 prairial an i 3 ) ,
époque du divorce qui a eu lieu entre le capitaine et son
épouse.
*
Jusqu’alors les maris des demoiselles Varsy avaient gardé,
dans leur p orte-feuille, les actes de célébration de leurs ma
riages , faits à Rosette devant un simple commissaire des
guerres ; on ignore si le général Destaing avait aussi un
acte semblable ou équivalent , constatant l’union que de
son côté il avait formé au Caire , devant témoins et le pa
triarche d’A lexandrie; et rien ne prouve qu’un pareil acte,
ou tout autre semblable“, n'existe' paT dans les papiers clii
général Destaing.
Mais supposons cette non existence , elle ne prouverait
rien pour la cause.
Les demoiselles Varsy étaient françaises , comme les of
ficiers quelles ont épousé ; elles habitaient Rosette , lieu
plus paisible que le Caire ; leur père , négociant français,
instruit des lois de sa patrie , a pu penser qu’il suffisait à la
solemnité du mariage, que le consentement des parties, qui
en fait l’essence , fut donné devant un officier public. La
demoiselle Nazo, et son p ère, grecs de nation et de religion,
se trouvaient dans un cas dissemblable , et devaient natu
rellement avoir eu d’autres opinions ; ils ne connaissaient
que les lois sous lesquelles ils avaient vécu , et qui n’étaient
pas celles du général Destaing. O n sait que, pour les ma
riages , les Grecs de l’empire Ottoman n’ont d’autre rit que
5
/
�(34)
le9 livres du christianisme; leur patriarche est leur principal
magistrat -, le sacrement est non seulement le lien le plus
respecté , mais le seul qui , suivant e u x , constitue le ma
riage. Pourrait-on en être étonné en France , où l ’on trouve
encore beaucoup de catholiques plus pieux qu’éclairés, qui
ne regardent comme véritable mariage , que celui qui est
béni dans les formes canoniques ? Mais il en est de cet en
gagem ent comme de tout autre; les formes dans lesquelles il
est contracté ne sont que des indices destinés à le llilie re
connaître. Ce sont des signes établis dans chaque pays par
les lo is , ou les usages qui en tiennent lieu.
Ce contrat , comme tous les autres , n’est rigoureusement
soumis qu’aux formes usitées dans le lieu où il a été fait ;
ces formes ne constituent pas le contrat, elles servent uni
quement à le faire connaître ; c’est un principe du droit des
gens, que l ’on retrouve dans deux articles du Code Napoléon ;
dans l’un ( le 47 e) il est dit : « T out acte de l’état civil des
» Français et des Étrangers, fait en pays étranger, fera foi
*> s’il a été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays. >»
Et l’article 48 dit : « Tout acte de l’état civil des Français
r> en pays étranger, sera valable s’il a été reçu conformément
» aux lois françaises, par les agens diplomatiques, ou par les
» consuls. »
D ’après cette disposition , on peut bien dire que les actes
de mariage des demoiselles V a rsy, françaises , avec le général
Delzons et le capitaine L a n tin , reçus par le commissaire des
guerres Agard , qui n’était pourtant ni consul , ni agent
diplomatique , ni officier m unicipal, sont valables ; mais ce
n’est pas une raison pour soutenir que le mariage d’une
Grecque avec un Français, solemnellement unis par lu pa
�( 35 )
triarche d’Alexandrie , dans les formes usitées dans son dio
cèse , doit être regardé comme nul et invalide.
On ne manquera pas de dire que l’Egypte ayant été con
quise par les Français, étant devenue colonie française, le
texte des lois fait pour les étrangers ne peut être invoqué
pour les actes faits pendant la conquête. Quelles étaient
donc les lois qu’il fallait suivre ? Quelles formes devait-on
observer ? On ne peut répondre à ces questions qu’en sachant
ce qui se pratiquait en Egypte , dans le moment où diffé
rentes nations se trouvaient mêlées et confondues. Les conquérans, les peuples délivrés ou conquis, des indigènes, des
étrangers , des hommes lib re s, des esclaves , des chrétiens et
des musulmans de différens rits et de différentes sectes , ne
pouvaient être soumis aux mêmes formes de procéder dans
leurs engagemens que par une disposition particulière ; et il
n’y en a jamais eu.
C’est ce que nous apprend le commissaire des g u erres, «xordonnateur en chef de l ’arm ée d’Égypte.
« I l atteste, e n c e t t e q u a l i t é , » c’est-à-dire , officiellem ent,
« que quoiqu’il n ’existât à cette armée aucun ordre du général
» en ch ef rem plaçant le G ouvernem ent fran çais, depuis que
» les com m unications avec la France avaient été interrompues,
v pour régler la fo rm e avec laquelle les actes de l'étal civil
» devaient y être r eçu s , l’usage paraissait s’être établi de
» lui-m êm e pour les officiers ou individus attachés à l’armée ,
»> ne faisant point partie des corps , de faire des déclarations
» devant des commissaires des guerres qui les recevaient par
» procès-verbaux, ou de la m anière qui leur paraissait conve» n a b le , de leurs m ariages, même quelquefois de leurs di» vorces ; ce qui néanmoins ri a jam ais été(gén éral, surtout
�( 36 )
*
P O U R D ES M ART A G E S C O N T R A C T E S A V E C DES F E M M E S DU P A Y S ,
» qui
»
SE SO N T F A IT S SOU VEN T E N T R E C A T H O L IQ U E S
DANS
LES
É G L IS E S DU L I E U E T S U IV A N T LE S F O R M A L IT E S U SIT E E S E N T R E
» l e s c h r é t i e n s de toutes les sectes dont le culte était public
» en Egypte. Ces procès-verbaux étant hors des limites de
» Vadministration militaire , et purement f a c u l t a t i f s , de la
» part de ceux qui les recevaient ou les requéraient, aucun
» règlement n e n a f ix é la form e ni ordonné le dépôt ; et,
» recherches faites dans les papiers de l ’ordonnateur en ch ef,
» soussigné, qui en remplissait les fonctions lors de l’arrivée
» de l’armée en France, et dans ceux du bureau central, qui
» lui ont été également adressés par le commissaire des guerres
» P iq u e t, qui était chargé de les conduire en France, il ne
» s'est trouvé aucuns procès-verbaux relatifs à Tétat c iv il,
» observant expressément q u il ne s'en est point trouvé, no» tammenl du commissaire A g a rd qui est mort dans la tra
it versée. Signé S a r t e lo n . »Cette déclaration est visée, cer
tifiée et légalisée en formes probantes.
On voit par là ce qui se pratiquait en Egypte , quant aux
actes de l’état c iv il, pendant le séjour de l’armée française.
A ucun ordre du général en ch ef, remplaçant le Gouverne
ment, à cause de l ’interruption des communications, ne réglait
la forme de ces actes.
Quelques officiers ou individus attachés à l’armée , et ne
faisant point partie des corps, faisaient des déclarations de
vant un commissaire des guerres, il n'en était point tenu
registre; il n’en a été fait aucun dépôt; on n’en trouve aucun
dans les archives de l ’armée , et notamment dans les papiers
du commissaire Agard : l’usage de ces déclarations purement
facultatives n’était point général, surtout pour des mariages
�C 3y )
contractés avec des femmes-du pays , et entre catholiques,
qui se célébraient dans les églises du lie u , et suivant les for
malités usitées entre les chrétiens dont le culte était public
en Egypte.
Cela explique i’embarras dans lequel a pu se trouver ma
dame Destaing de produire l’acte de célébration de son m a
riage. Elle n’est point obligée de savoir si son mari a fait ou
non quelques déclarations particulières devant un commis
saire des guerres, s'il a été dressé procès-verbal dtî*cette décla
ration , et si le général Destaing l'avait conservé dans ses pa
piers. Elle ne put interroger aucun dépôt public sur l’exis
tence ou non existence d’une pareille pièce; les archives de
l ’armée d’Egypte n’en ont aucune de cette espèce : mais aussi
on ne peut tirer contre madame Destaing aucune induction
ni de son ignorance ni de son impuissance ; bien moins encore
pourrait-on détruire la possession d’état, en observant qu’elle
n’est point basée sur un acte authentique produit par e lle ,
tandis que d’autres mariages faits dans le même pays sont
constatés par des déclarations ou des actes reçus par un com
missaire des guerres.
Quand la possession d’état est constante, elle suppose le
titre , et dispense de le rechercher.
Il est vrai que dans les causes de cette nature , dans les cas
d’absence , ou perte des registres pu blics, les tribunaux ont
toujours admis la preuve testimoniale de la possession d’état
contestée ; mais il est évident qu’on ne peut recourir à la
preuve testimoniale de cette possession d’é ta t, que lorsque le
fait même de la possession est contesté , et ne peut être prouvé
que par témoins.
Si la possession était constante et reconnue, lorsqu’on est
�( 38 )
venu la troubler ; si des actes authentiques émanés de ceux
même qui attaquent l’état de leur parent, concouraient à
établir cette possession , il serait absurde de demander la
preuve testimoniale. On ne prouve pas ce qui est convenu ;
on ne fait pas entendre des témoins sur une possession d’é
tat, lorsqu’elle résulte suffisamment des actes qui ne sont point
attaqués.
La dame Destaing et sa fille étaient-elles ou non dans la
paisible et publique possession de leur état , lorsqu’elles ont
été troublées dans cette possession , par la déclaration du
- sieur Destaing p è r e , et par la tierce opposition des collaté
raux? Le père et les tiers opposans avaient-ils concouru à
maintenir la mineure Destaing , et sa m ère, dans cette pos
session? Les avaient-ils reconnus? Les avaient-ils fait recon
naître en leur qualité ? L ’affirmative résulte des actes qui ne
sont point attaqués et ne peuvent pas letre. Cela une fois
adm is, l ’on ne peut plus la contester ; la preuve de la pos
session d’état est toute faite , et nous avons vu qu’elle est
supplétive aux titres, et même que les principes dictés par la
saine raison lui donnent une autorité supérieure.
Voyons comment s’exprime le Code Napoléon , sur les
preuves de la filiation des enfans légitimes , liv. Ier, chap. II :
Art. 019. « La fdiation des enfans légitimes se prouve par
» les actes de naissance , inscrits sur le registre de l’état
»> civil. »
320. « A défaut ih\ titr e , la possession constante de Tétat
,> de Cenfanc legitime suffit. »
33 1. «
possession d’état s’établit par une réunion suf-
» fisante de faics, qui indiquent le rapport de filiation et de
�( 3.9 )
» parenté entre un individu et la famille à laquelle il prétend
>’ apparlenir.
» Les principaux de ces faits sont :
» Que l’individu a toujours porté le nom du père auquel
» il prétend apparlenir ;
» Que le père l’a traité comme son enfant, et a pourvu,
» en cette q u alité, à son éducation, à son entretien et à son
» établissement ;
» Q u’il a été reconnu, notamment, pour tel dans la so» ciété;
« Qu'il a été reconnu pour tel par la fa m ille. »
O n v o it, dans l’exposé des motifs de cette loi ; Qu'elle
ri exige pas que tous ces fa its concourent ; il ri importe que
la preuve résulte des fa its p lu s ou moins nombreux , il suffit
qu'elle so it certaine.
Celle de la reconnaissance de la fam ille Destaing ne l ’estelle pas? Que pourrait ajouter à la délibération de la fa
mille et au procès-verbal de la nomination de tuteur , la
déclaration de témoins étrangers ? Quel témoignage plus
imposant que celui de la fam ille m êm e, et donné par elle
en présence du magistrat et devant la justice?
Pourquoi faudrait-il p rou ver, par tém oins, d’autres faits
d elà possession d’état, lorsque les plus essentiels sont justifiés
par écrit , et qu’aucun n’est ni ne peut être nié par les ad
versaires de madame Destaing?
Ceux-ci ne peuvent pas faire abstraction de la possession
d’état, lorsqu’ils lui demandent l’acte de naissance de sa fdle.
« C’est pour l’enfant un malheur detre privé d’un titre aussi
» commode », comme il est diï dans les motifs de la loi.
» Mais son état ne dépend point de ce genre de preuve.
�( 4o )
» L ’usage tîes registres publics pour l ’état civil n’est pas
» très-ancien ; et c’est clans des tems plus modernes encore
» qu’ils ont commencé à être tenus plus régulièrement; ils
» ont été établis en faveur des enfans, et pour les dispenser
» d’une preuve moins facile.
» Le genre de preuve le plus ancien, celui que toutes les
» nations ont admis, celui qui embrasse tous les faits propres
» à faire éclater la vérité , celui sans lequel il n’y aurait plus
» rien de certain ni de sacré parmi les hommes; c’est la preuve
» de la possession constante de letat d’enfant légitime.
» Différente des conventions q u i, la plupart, ne laissent
« d’autres traces que l’acte même qui les constate, la posses» sion d’état se prouve par une longue suite de fa its extérieurs
» et notoires, dont l’ensemble ne pourrait jamais exister s’il
» n’était pas conforme à la vérité. »
A in si, lorsque ces faits sont convenus, lorsqu’il en a été
dressé des actes authentiques , il n’est pas nécessaire que leur
notoriété soit attestée par d’autres témoignages.
Ce n’est que lorsqu’il y a en même tems défaut de titre et
de possession constante, qu’on a recours à la preuve testimo
niale.
C ’est ce qu’indique encore le Code Napoléon.
AnT. 525 . « A défaut de titre et de possession constante,
» ou si l’enfant a été inscrit sous de faux noms, soit comme
» né de père et mère inconnus, la preuve de filiation peut se
» faire par témoins. »
Ce n’est donc qu’à défaut de possession constante, c’est-àdire , lorsque la possession paraît incertaine ou équivoque,
ou lorsqu’elle est contrariée par l’inscription qui a eu lieu dans
le registre public, que la loi admet 'le recours à la preuve
�(4 0
testimoniale pour faire disparaître l’incertitude et la contra
riété, et éclairer la religion des juges. Et c’est de cette preuve
que Iarticle ajoute: « Néanmoins, elle ne peut cire admise que
» lorsqu’il y a commencement de preuve par écrit , on lorsque
» les présomptions ou indices résultans de faits dès lors cons» lans, sont assez grands pour déterminer l’admission. »
Il parait que c’est cette disposition du Code que les juges de
Mauriac ont voulu appliquer à la cause. Ils n’ont regardé la
délibération de la famille Destaing, le procès-verbal de la no
mination de tuteur, la correspondance du général Destaing
avec son épouse, l’addition d’hérédité faite par l’aïeul tuteur
au nom de sa petite-fille, la manière dont il l'a recherchée,
accueillie, traitée et gardée même malgré sa m ère, que comme
un commencement de preuve par é c r it, et des présomptions
ou indices graves, résultant de faits constans ; et c’est là où
est l’erreur.
Sans doute, les faits sont constans; mais sont-ils ou non suPiisans pour prouver la possession d’état ? C’est ce que le tribunal
devait examiner.
L a délibération de la famille Destaing devant le juge de
paix d A u r illa c , la nomination de l'aïeul pour tuteur de la
petite-fille, son acceptation; sa demande en fixation d’une pen
sion pour la mineure, du remboursement sur la succession de
son p ère, des avances faites pour le vo ya g e, la nourrice et les
domestiques ; la délivrance des habits de deuil à la veuve, le
règlement de la pension accordée à sa viduité , ne sont pas seu
lement un commencement de preuve par écrit de la possession
d’état, mais une preuve complette et indestructible.
Co ne sont pas de simples indices de celte possession d’é ta t,
que les soins constamment donnés à la veuve et à la fille du
6
�( 4a )
général Deslaing, en leur qualité , par toute la famille; ce sont
aulanl d’actes de sa possession d’état. Ces actes étaient constans,
puisqu’ils ne sont pas contestés; leur ensemble foime donc une
preuve sufii.-ante de la possession d’état.
L ’erreur des juges de Mauriac est venue de ce qu’ils ont dé
place, pour ainsi dire, la question.
Ils ont supposé que madame Deslaing, et sa fille , deman
daient à être reconnues par la famille D estaing, malgré
elle.
Mais telle n’était pas la position des parties. Madame D es
laing et sa fille avaient été reconnues ( et on sait que Sur un
point aussi important, il n’est pas permis au père de varier, de
rétrogader et de se rétracter): elles étaient en possession de
leur état. La fille avait été saisie, de droit et de fait , de la suc
cession de son père ; c’est pour e lle , et en la seule qualité
de tuteur, que l’aïeul avait fait des actes d’héritiers. Ces actes
étaient constans ; la possession d’état était constante, la dame
Destaing n’avait rien à demander à cet égard, lorsquelle a été
troublée par les tiers opposans, qui se sont présentés pour
dépouiller la fille du général de la succession paternelle., et
lui enlever son é ta t, dans lequel elle avait été reconnue
jusqu’alors.
Ils n’ont pas nié cette possession d’état : ils ne le pouvaient
pas; ils avaient même tous concouru à l’assurer. Us ont pré
tendu qu’elle était le fruit du dol et de la fraude. C’était
donc à eux à prouver cette allégation; et jusqu’alors leur
prétention devait être repoussée.
Us ont , il est v r a i, essayé de faire cette preuve, c’est hdire, de justifier leur prétention ; mais , comment ? Par des
actes inconcluans, étrangers à la dame Destaing et à sa fille«
�( 43 )
Ils ont supposé qu’il n’y avait pas absence de registres et de
dépôt public. Celte supposition est contraire à la vérité ; mais
fût-elle adm issible, ce serait à eux à fouiller dans ces re
gistres et dépôt public , dont ils supposent Inexistence , po,ur
y chercher des titres à l ’appui de leur prétention; car il ne
suffirait pas qu’ils ne pussent y trouver la déclaration de l ’acte
de mariage contracté par la dame Nazo et le général
D esta in g , il faudrait qu’ils y trouvasseht des actes con
traires.
Le silence des registres ne peut pas faire perdre l ’état d’un
citoyen.
« Il est possible », disait le conseiller d’Etat exposant au
Corps Législatif les motifs de la loi du 2 germinel an 11 ,
« que le registre sur lequel l’acte a été inscrit fût perdu ,
» qu’il ait été b rû lé , que les feuilles en aient été déchirées
» ou rayées; il est même encore possible , et surtout dans
» des tems de trouble et de guerre civile , que les registres
» n’aient pas été tenus, ou qu il n'y a it pas eu d a cte dressé;
» l ’état ne dépend pas de ce genre de preuve. »
Lorsqu’il y a possession publique et constante, il faut que
les preuves que l’on produit pour en détruire l ’effet, aient
pour base un titre contraire, et que ce titre soit authentique;
c’est la doctrine de C o ch in , c’est celle de tous les juriscon
sultes, ce sont les principes reconnus et adoptés par le Code
Napoléon.
Ils suffisent à la dame Destaing , pour lu i faire obtenir
ja réformation du jugement rendu à M au riac, qui ordonne
qu’elle fera une preuve qu’elle n’est point tenue de rapporter ,
e t qui était toute faite par les actes produits, et par ses ad
versaires enx-mêmeij
�(44)
La possession d’état était pour elle, comme on ne saurait
trop le répéter, un titre suffisant ; elle n’avait rien à prouver
ceux dont l’attaque même prouvait cette possession.
C’est à tort que les juges ont désiré d’autres preuves; c’est
à tort qu’ils ont voulu obliger madame Destaing à les rap
porter.
Leur erreur est d’autant plus inconcevable , que ces preuves
qu’ils paraissaient desirer, ils les avaient sous les y e u x , et
madame Destaing les leur avait présentées.
Nos lois ont prévu que , par l’absence des registres de l’état
c iv il, la représentation de l’acte qui en contient la preuve
pourrait être impossible. I l a paru juste d y suppléer. Le
Code Napoléon y pourvoit, pour le cas où l ’acte de nais
sance ne pourrait, avant la célébration du m ariage, être re
présenté à l’ofiicier de l ’état civ il, qui a le droit de l’exiger.
»< L ’officier de l’état civil se fera remettre l’acte de nais» sance de chacun des futurs époux (dit l’article 70). Celui
» des époux qui serait dans l’impossibilité de se le procurer,
» pourra le suppléer en rapportant un acte de notoriété,
» délivré par le juge de paix du lieu de sa naissance, ou
» par celui de son domicile. »
A k t . 71. *< L ’acte de notoriété contiendra la déclaration
» faite par sept témoins de l’un ou de l’autre sexe, parens
>1 ou non parens, des prénoms, nom , profession et domicile
» du futur époux, et de ceux de ses pére et mère, s’ils sont
» connus; le lieu e t, autant que possible, l’époque de sa
» naissance, et les causes qui empêchent d’en rapporter l ’acte.
» Les témoins signeront l’acte de notoriété avec le juge de
» paix ; et s’il en est qui ne puissent ou ne sachent signer,
» il en sera fait mention. »
�( 45 )
A r t . 72. « L’acte de notoriété sera présenté au. tribunal
» de première in sta n ce................................ Le tribunal, après
» avoir entendu le procureur im périal, donnera ou refusera
» son hom ologation, selon qu’il trouvera suffisantes ou in» suffisantes les déclarations des témoins , et les causes qui
» empêchent de rapporter l’acte de naissance. »
Cette disposition n’est fa ite , il est v r a i, que pour le cas
où l’officier de l’état eivil est obligé d’exiger la représentation
d’un acte de naissance; mais il n’en résulte pas moins q u e,
lorsqu’il existe des causes qui empêchent que l ’acte de l’état
civil puisse être représenté, il peut y être suppléé par un acte
de notoriété.
La loi prescrit la forme de cet acte supplétaire, et auto
rise de provoquer un jugement lé^al qui le fasse admettre.
Madame D estaing, il est vrai, n’était point dans ce cas.
Personne n’avait le droit d’exiger d’elle qu’elle suppléât, par
un acte de notoriété, à l ’absence des registres renferm ant la
preuve de son état; mais elle trouvait à Paris de nombreux
témoins de son union ; elle y trouvait la notoriété de cet état,
que plus de mille personnes pouvaient attester ; elle s’est
bornée à appeler sept d’entr’elles devant la justice, et elle
les a choisies telles , que leur rang dans la société , l’estime et
la confiance dont elles jouissent, et les fonctions qu’elles
avaient remplies en E gyp te, ajoutassent un nouveau poids
à leur déclaration authentique.
A cet acte de notoriété ont concouru M. L arrey, ex-chi
rurgien en chef de l’armée d’Egypte , aujourd’hui premier
chirurgien de la garde im périale, inspecteur général du ser
vice de santé des armées, officier de la Légion d’Honneur etc. ;
D on Raphaël deM onacliis, membre de l’institut d'Egypte
�( 46 )
et professeur des langues orientales à la Bibliothèque ;
M. Sartelon, ex-ordonnateur en chef do l’armée d’Egypte,
commissaire-ordonnateur et secrétaire général du ministère
de l’administration de la guerre, membre de la Légion
d’Honneur;
'
M. Daure , ex - inspecteur général aux revues de l ’armée
d’Egypte , commissaire- ordonnateur des guerres ;
Le général de brigade Duranteau , membre du Corps Lé
g islatif, commandant de la Légion d’H onneur, et qui avait '
commandé au Caire ;
M . M arcel, ex - directeur de l’imprimerie nationale en '
Egypte, membre de la commission des sciences et arts, direc
teur général de l’imprimerie impériale ,et membre de la Légion
d’Honneur ;
Et M. Estéve, ex-directeur général et comptable des revenus
publics de l’E gyp te, aujourd’hui trésorier général de la cou
ronne, officier de la Légion d’Honneur, trésorier de la première
cohorte :
La plupart témoins du mariage D es'a in g , tous ayant une
parfaite connaissance d’un fait qui était de notoriété publique.
Cette notoriété a donc été légalement constatée : l ’acte qui
la prouve a été homologué par jugement rendu sur rapport
à l’audience , le procureur impérial entendu. Ce jugemtnt qui
n’a point été attaqué, et qui le serait inutilem ent, reconnaît
ces déclarations suffisantes ; il équivaut à une représentation
d’acte de célébration du mariage ; du moins il fournit le
moyen d’y suppléer au besoin.
Le tribunal de Mauriac a assimilé cet acte de notoriété et
celui fait à Marseille pour prouver 1 âge de madame D estain g,
à d e s i m p l e s certificats ; mais il aurait dû s’apercevoir qu’autre
chose est un certificat extra-judiciaire, autre chose est un acte
�( 47 )
de notoriété lé g a l, donné devant le magistrat qui examine les
déclarans et leurs déclarations; lesquelles, cependant, ne
deviennent authentiques que lorsqu’elles sont homologuées
par un jugement qui porte le sceau de l ’autorité publique.
Madame Destaing avait aussi produit des certificats. Ceux
du général M eno u , général en ch ef de l’armée d’Egypte à
l'époque du mariage du général Destaing, et maintenant com
missaire général dea départemens au delà des A lp e s, et du
général de division D upas, sous-gouverneur du château im
périal deStupinis, commandant de la Légion d’Honneui, che
valier de l’ordre du L ion , le même qui, étant chef de biigade,
commandait la citadelle du Caire, en E gypte, sous les ordres
du général Destaing.
Ces certificats surabondans peuvent être considérés comme
de simples témoignages respectables, sans doute, quoique non
encore reconnus en justice; mnis ceux qu’elle a admis dans la
forme indiquée par le Code Napoléon pour suppléer à l ’ab
sence des registres de l’état civ il, ont un caractère qu’il n’est
pas permis de méconnaître.
Ils ne forment point le commencement de la possession
d’état de madame Destaing , ils n’en sont point la base ; mais
ils la corroborent et la confirment en indiquant le titre et
en assurant la notoriété.
Il faut bien qu’el!e soit reco n n u e, puisque, sur deux rap
ports consécutifs , par deux arrêtés, l’un du 29 floréal an 10,
et l’autre du i 5 pluviôse an 12 , le Gouvernem ent a accordé et
augmenté la pension de madame D estaing en sa qualité de
veuve du général son mari.
Croira-t-on que le premier Consul eût accordé cette double
faveur à madame Destaing , sans être assuré qu’e lle'n ’usur-
�(43)
pait point cette qualité ? croira-t-on qu’il y eût au monde quel
qu’un d’assez habile pour en imposer par des mensonges
au chef suprême de l’Etat ? Et quelle audace ne faudrait-il
pas supposer à madame Destaing', qui invoque hardiment le
témoignage de tant de généraux , de tant de fonctionnaires
publics et de l’armée entière, d’où s’élèveraient mille voix
pour la démentir, si ses récits n’étaient pas tous conformes à
la plus exacte vérité ?
Si elle avait eu besoin de témoignages pour assurer son état,
elle n’«ût été embarassée que du choix ; mais la possession
dans laquelle sa fdle et elle se trouvent leur suffit. La recon
naissance non équivoque de la famille Destaing est d’un poids
au moins égal à tous les témoignages que le tribunal de Mau
riac a demandé , et dont il n’avait pas besoin.
Délibéré à Paris le 2.5 janvier 1808.
J
a u b e u t
,
C
h a b o t
de l ’A llie r, T a r r i b l E j
G r e n ie ii du Puy-de-Dôme.
1
<
�P IE C E S '
j u s t if ic a t iv e s
:
N° 1«.
Délibération du Conseil de Famille à A u rillac, du 5 mes
sidor an xo.
.1 . . .CH‘
E X T R A I T des minutes du greffe du juge de p a ix de
la ville et canton ilA u r illa c , section du nord.
V .11■
1
C e j o iu d ’uui cinq messidor an d ix républicain , devant nous , Jean-Baptiste
Gencste, j u g é . d e p a ix du canton d’A u r/ lla c, section du nord, à comparu,^
le c i t o y e n Pierre Jlestairig, ju g e - p r é s id e n t du t r ib u n a l «le p r e m iè r e instance
de l'arrondissement d ’A u r i l l a c , y d e m e u r a n t , lequel nous a d it que le
citoyen J a cq u es- ZacTiarie JJe.staing son f i l s , général de division, e s t décède à P aris , le quinze, flo réa l dernier, la i sant une f ille unique âgée ^
alors de cinq mois , nommée M a r ie , provenue de son mariage avec A n n e
N a z o , Grecque d'origine ; que la loi déférant à lui comparant la tutelle .
de sa p etite-fille, attendu surtout la m inorité d 'A n n e N a zo sa m ère, et
désirant être confirmé dans ladite qualité, pour pouvoir agir légalem ent,
il ^ amené devant nous plusieurs des plus proches parens du défunt, à l’effet
dejdélibérer tant sur ladite confirmation de tutelle, que sur la fixation de
la pension de la p u p ille, sur les habits de deuil et pension viduelle de'lè.
dame veuve Destaing ; comme aussi pour donner leur avis sur l’allocttion
des frais de voyage d e là mineure et de sa m ère, depuis Lyon jusqu’à Au
rillac , ainsi que des frais dus pour salaires à une nourrice provisoire depuis
Tarente , ville du royaume de Naples , y com pris un mois de séjour à Lyon 1
jusqu’en cette v ille , lesquels frais le comparant a avancés et se montent i ^
la somme de six cent qualrc-vingt-quatre francs ; et enfin pour être autorisé ^
;i régler tous comples et mémoires de fournitures et autres objets qui pour
raient être à la charge de la succession, et ce laut par lui-m èm e que par ses
fondes de pouvoirs.
■
^
Et de suite pardevant nous, juge su sdit, sont comparus les citoyens L uis-'
Géraud-Cabrie) Fortet , conseiller de préfecture de ce département; Fran-
7
�(5o)
çois-Joseph L abro, avoué, et autre François-Josepli Labro son frère, gref
fier en la justice île paix d ’A u rillac, cousins paternels du défunt ; Antoine
Delzons , membre du Corps L égislatif, oncle m aternel; A lexis-Joseph
D elzons, fils dudit.Antoine, général de brigade, commandant le départe
ment du Cantal ; Pierre et Antoine M ailliy , père et fd s, négocians, cou
sins du côté m aternel, tous habitaos de cotte ville et les-plus proches parens du défuat, auxquels nous ayons fait part de ladite convention, pour
qu’ils aient à en délibérer et donner leur avis, en leur amc et conscience.
6
ci
nimement cl a vis; i ”. de confirmer îe en ojen uesiaing , ay
neure , dans la qualité de son tuieur, à la charge par lui de faire bon et
fidèle inventaire de tous les effets dépendant de la succession du défunt gé
néral Destaing; faire procéder à la vente dudit m obilier, cl de faire eni)loi utile du prix en provenant, conformément à la loi , après avoir préevé tous frais , dettes et charges de la succession; 20. qu’ils estiment, que
la pension de la mineure , jusqu a ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans ,
tant pour nourriture , entretien et éducation , doit être fixée à la somme
de s ix cents fr a n c s , que le tuteur- retiendra par ses mains sur la recette de
ses revenus; 5°. qu’ils sont d’avis que les habits de deuil de la dame veuve
D estaing, y compris ceux qui lui ont été fournis à L y o n , et qui ne sont
joint encore acquittés, doivent être portés à une somme de m ille francs,
aquelle ils autorisent pour raison de ce , en par lui retirant quittance des
marchands et fournisseurs, laquelle somme lui sera allouée en compte ;
4°. quant à la pension vuluelle de la veuve et de la négresse qu’elle a à son
service, attendu que le. citoyen D e sta in g , tu teu r, leur fou rn it en nature
nourriture, logem ent, fe u , lumière et blanchissage, ils sont d ’avis de la
f ix e r à la somme de mille fra n cs pour l'année de v id u ité, à compter du
premier p r a iria l, dernière époque de son arrivée en cette ville; 5 °. que la
somme de six cent quatre francs avancée par le tuieur pour frais de voyage
de la veuve et salaire de ladite nourrice , depuis la ville de Tárente jusqu’en
celle ville d ’Aurillac , lui doit cira allouée et passée en ,co m p te; G°. et
enfin que le tuteur doit être autorisé à traiter tant par lui-même que par
ses mandataires , avec tous marchands, fournisseurs, aubergistes et autres
personnes qui pourraient avoir fait des fournitures tant en marchandise*
que denrées, régler leurs m ém oires, en payer le m ontant, soit que ces
fournitures aient été faites à P a ris, h Marseille , au défunt général Des
tain g, o u , à Lyon , à sa veu ve, pendant le séjour qu’elle y a fait ; le
m o n t a n t de tout quoi lui sera alloué sur les quittances qu’ il en retirera.
E l ledit citoyen D estaing père ayant accepté la tutelle à lu i déférée,
il a fa it le serment en nos m a in s, de bien et fidellem ent en remplir les
Î
{
"^ D e tout quoi nous avons rédigé le présent procès-verbal, pour servir et
Taloir h foutes fins que de raison , lesdits jour et an que dessus, et ont les
comnarans sigri<‘ avec nous; h la minute sont lesdites signatures. Pour expé
dition conforme à la minute étant entre nos m ains, signé Lahp.o , greffier..
�Acte de Notoriété devant le Juge de P aix de M arseille, du
5 fructidor an 11.
E X T 11 A 1 T des minutes du greffe du Tribunal de p a ix ,
second arrondissement i n t r a fn u r o s , dit du sud de la ville
de M arseille.
. Cejourd’hui cinquième fructidor an onze de la république, pardevant
nous , François M a ille t, ju g e de -paix du second arrondissement intra
muros , dit du su d de la ville de M a rse ille , assisté du citoyen Charle*Joseph M ich el, greffier près noire T rib u n al, dans la salle ordinaire de
nos séances , en notre maison d’habitation , est comparue dame A n n e
N a zo , née au Caire en Egypte , veuve du général J a cq u es-Z a ch a rie
D e s ta in g , laquelle nous a dit et exposé qu’il lui importe de faire con
naître son o rig in e, ce qu’elle ne peut faire par pièces probantes, attendu
q u e, dans sa patrie, il n’est point tenu de registres constatant l ’état civ il
des citoyens. En conse'quence, elle nous prie de recevoir les déclarations qui
vont être fahes par des compatriotes qu’elle, a invités à se rendre céant,
relatives à son o rigin e, et qui pourront suppléer au défaut des titres qu’il
lu i est impossible de produire, et de lui en concéder acte , pour lui servir
et valoir ce que de raison.
A l ’instant se sont présentés les citoyens N icolas P a p a s O u glou , c h e f
de brigade, , commandant les chasseurs d’O rien t, âgé de quarante-cinq
ans, né à Chesmet en Asie ; G abriel S a n d ro u x , a u ssi ch e f de brigade du
même co rp s, âgé de trente-six ans, né au grand Caire en Egypte ; A b d a lla
M a n so u r, c h e f du bataillon du même corps, âgé de trente-quatre ans, né
au grand Caire en E gypte; Joseph T u tu n g i, âgé de cinquante a n s , réfugié
E gy p tien , né h A le p ; H an n a A d a b a c h i, âgé de cinquante a n s , aussi né
à Àlep , réfugié d’Egypte; Joseph D u fe n , né à C onstantinople, âgé de
trente-six. ans, réfugié d’E gypte; et Constatai K ir ia k o , né à Chesmet en
A s ie , âgé de quarante-huit ans, capitaine réformé du régiment des chasseurs
d 'O rien t, lesquels agissant avec la présence et sous l ’autorisation du citoyen
Louis D cconias, interprète juré des langues orientales, moyennant serment
par eux à l’instant prêté , ont individuellem ent dit et déclaré , en faveu r de
la vérité , qu ayant résidé habituellement en E gypte, avant la révolution,
ils y ont parfaitement connu le citoyen Jean N a zo et dame Sophie M ische son épou se, père et mère de ladite A n n e N a z o , née à l'époque de
l'année 1780 , et que ladite dame f u t unie en mariage avec le général
Destaing.
�Les citoyens Joseph Tultingi, Constanti Kirialto et Joseph Duftn ont de
p lu s déclaré individuellement /-¡n'étantpassas en France avec ladite veuve
JJgstaing , ayant relâche à Cèphatonii , dans le mois de, nivôse de l ’an
d i x , ladite dame y accoucha d'une fille q u i f u t tenue dans les fonts bap
tism a u x p a r ie çit¥ A assi/, officier des chasseurs, et p a r la dame Marie.
M ische son ayeult^ ; i>.'
1 ,;ij>ut ‘>1
Desquelles déclarations avons-coiicétlé acte à ladite dame veuve Destaing;
lecture faite du présent, il a clé signé par les citoyens Nicolas Papas Oaglou’
Gabriel Saiulrouç , Abdalla Mansour et Joseph Dufeu, nousdit juge d?;
pair',*'le citoyeiV Deconias, intérpVète , et le citoyen M ichel , greilier ; l'a
¿lame veuve DejUaing et antres idéclarans requis de sign er, ont dit ne
savoir.
Signé Ahdalla , le chef de brigade G abrieU oseph D ufen, L nis Deconias, François M a ille t, juge de paix , et M ich e l, greffier, à la minute. En
registre à M arseille,' etc1. Pour expédition conforme à l ’origfnal1' M iC k Îl,
greftief.
•'
,'u
ii i . i ..
° l>. . ..
.
1 Nous, François-Balthasard de Jullien de M adou, juge de paix du second
arrondissement iutra.m uros, dit du sud de la ville de M arseille , certifions
et attestons à tous qu’il appartiendra, que M. Charles-Joseph M ich el, qui
a signé, ci-dessus * est greffier près notre T ribu n al, et qu'en cette qualité foi
doit être ajoutée à son seing , tant en jugement que hor». Marseille, le vingt
messidor an treize , J u llie n de Madou. . h j . . .
,• ■
; .1 »■
' " Nous , Ventre Latouloubre, président du Tribunal de première instance
séant à M arseille, certifions véritable là signature ci-des us de M. Jullien
deMadoü.JA M arseille,le vinet-un messidor an treize. Signé "Ventue I.a tg lv
loubre , G uyot;
*
f»
.
•
>
. ■'
■'
Ì.
■
N° 1 1 L
A cte de Notoriété hom ologué par jugement du T ribunal civil
■
x wi> ■ m: d o la Seine^ du i 5 a v r i l' i 8 o6 . '‘ ' NAPO LEO N , par la grâce de Dieu et les constitutions de la république,
Em pereur des Françaisi et Roi d’ Ita lje, à. tous présrtns et à venir, salut ; fai
sons savoir que le Tribunal de première instance d,u département de la Seine,
e n la première section * a rendu le jugement dont la teneur suit :
' ' ;
;Sur l e ’rapport’ fait à l ’audience publique du T rib u n al, par M. JeanLouis Isu ara, juge en ic e lu i, de la requite présentée par Anne Nazo, '-née
aü crahd Caire en Egypte, veuve ilu général Jacques-Zacharie D estaing,
demeurant a P a r is , rue de Sein e, faubourg S a in t-G e rm a in , expositive
qà’ellè a été unie eu légitim e mariage avec le général Destaing, d’après
l e s r i t e s e t usages du p a y s,1 devant le patriarche de la ville ii'A lex a iid ric;
�(SS)
m.'is f*nr. n'étant point en usage rn Egypte de teilir r?gistrr desactcs de I état
c iv il, e(le s(î trouve par là dans l ’impossibilité de faire, au besoin, la preuve
.‘lo ,s.°ï>_ m ariage; qu-ainsi, voulant y suppléer, elle a lait dresser.un acte de
notoriété pardevant le juge; de paix.'de ¿on arrondissement, signé de sept
pfrsojin.es <ji»i ont été témoins de son mariage , pour l’ homologation duquel
cljet a cf j fcnypyée pardevant le Tribunal ; pour quoi elle requérait qu’il
plut an Tribunal homologuer ledit acte de notoriété du 29 mars 1806 , dû
ment enregistré , pour être exécuté suivant sa forme et teneur, ladite
.rçquèje signe/;.'Juge, avoué.
Y 11 par le Tribunal lrsdites requête et demande, ci-devant énoncées, l'or
donnance de Monsieur le président du T ribu n al, du huit présent m o is ,
portant qu’il en sera communiqué à Monsieur le procureur im p érial, et les
conclusions par écrit de Monsieur le procureur im p érial, du dix dudit mois,
portant qu£ vu l ’a v is, il r^empêche l ’ homologation demandée ;
V u aussi l ’expédition dudit qcte de notoriété doqt la teneur suit :
L ’an m il huit cent s i x , le vingt-neuf mars , en notre liôtal, et pardevant
n;:us, Jean G od ard , ancien avocat, juge de paix du dixièm e arrondisse
ment de Paris, assisté d’Alexandre Chcquet notre greffier»
Ést comparue dame ¿in n é ISazo , née au grand Cuire en E g y p te,
veuve du général Jacques-Zacharie D estain g, demeurant à Paris, rue de»
Seine Saint Germain ;
• .Laquelle nous a dit q u e, pendant le cours de l ’an h u it , elle a été unie
eç légitim e mariage ayçq Jaçques-Zaçh,arie Destaing , général division»
^airc i décédé à Pari* dans le cyurs de l’ap di*,; qu e. son mariage a.élé cé
lébré^ re,ligieys?mpnt et suivant les. rites du
, devante le patriarche
d’v^le^axidrie h a b ita n t lç g r a n d Ca iro en E g y p t e ; n ia is q u e n’élanl point
en usage en Egypte dç tenir tics registres des actes de l’état, civ il , elle
so i,rouvç dans 1 impossibilité de représenter , au besoin , l ’acte de célébra
tion de son mariage ; et que , délirant y suppléer par un acte de notoriété
«igné de différentes personnes qui ont été témoins de son m ariage, elle nous
requérait de recevoir la déçlaration des personues cju’elle nous présente, et
a déclaré ne savoir écrire ni sign er, de çe interpelléeSont à l ’instant comparus :
Prem ièrem ent, M. Dom inii/ne- Jean Larrey de Dodeau , ex chirurgien
en chef de l ’armée d’E gypte, premier chirurgien de la çarde impériale ,
inspecteur général du service'd e santé des arm ées, officier de la Légion
d’honneur, demeurant à Paris, cul-de-sac Conty , 11*. 4>
Secondement, D o n E a p h a ët de M onacl/is, membre de l’institut d’Egypte
et professeur des langues orientales à la bibliothèque, demeurant à P a ris,
rue Pavée, au M arais, n". 5.
Troisièmement, M. A ntoine-L cger Sartelon , cx-ordonnatrur en chef de
l ’armée d’Egypte , commissaire-ordonnateur et secrétaire général du mi
nistère de l'administration de la guerre , membre de la Légion d’bonucur ,
demeurant à Paris, ru# Caumartin , n". 3o ;
�( 54 )
Quatrièmement, M. H ector D a u r e , ex-inspecteur général aux revues de
l ’armée d'Egypte , commissaire-ordonnateur des guerres, demeurant à Paris,
rue du faubourg Poissonnière , n°. 5o;
Cinquièmement, M. L u c D u ra n ta u , général de brigade, membre du'Corps
L égislatif, commandant de la Légion d’honneur, demeurant à P a ris, rue
Saint-ILnoré , 11. 538 ;
Sixièmement, M. Jean-Joseph M a r c e l, directeur de l ’imprimerie natio
nale en Egypte , et membre de la commission des sciences et arts , aujour
d'hui directeur général de l’imprimerie impériale et membre «le la Légion
d’honneur , rue de la Y rillière ;
Septièmement, M. M artin-Roch-Xavier Esteve , ex-directeur général et
comptable des revenus publics de l'E g y p te , aujourd’hui trésorier général
de la couronne, officier de la Léÿion d’honneur, trésorier de la première
cohorte , demeurant au palais des Tuileries;
L esqu els , après avoir prêté en nos mains le serment individuel de dire
vérité, nous ont dit et d éclaré, et attesté, pour notoriété p u b liq u e, et à
tous q u i l appartiendra, connaître parfaitement la dame A n n e N azo ,
veuve du général Jacques-Zacliarie D e sta in g , fille de Joanny N a z o ,
négociant au grand Caire en Egypte , c h e f de bataillon des chasseurs
d ’ O rien t, et nous ont attesté q u e, pendant le cours de Van h u it, ladite
dame N azo a été unie religieusem ent, et d ’ après les rites du p a y s , eri
légitime mariage avec ledit Jacques-Zacliarie D estain g, par le patriarche
d ‘ A lex a n d r ie , habitant du grand Caire ; que l ’acte de célébration rien a
p a s été rédigé, riétant p oin t d ’ usage en Egypte de tenir un registre de
l ’état civ il; m ais que ce mariage rien est p a s moins con stan t, ayant été
célébré en présence d ’un grand nombre de militaires français et de la p lu
part des déclarons ; que depuis la célébration de son mariag« avec le
général D esta in g , et pendant son séjour en E gypte, ladite dame N a z o ,
veuve D estain g,n a p a s cessé d ’habiter avec son m a ri, q u i l ’ a toujours
traitée comme son épouse légitime.
Desquelles comparutions, dires, réquisitions et attestations, nous avons
donné acte aux comparans et à la dame veuve Destaing; e l, pour l’homolo
gation des présentes, les avons renvoyés p ard eT an t les juges du Tribunal
civ il de première instance du département de la Seine , et ont , tous les
susnommés, signé avec nous et le greffier, après lesture. Ainsi signé,
D. J. L arrey, don R aphaël, Sarielo n , Daure , Durantau, M arcel, E steve,
Godard et Choquet.
Enrrgisiré à Paris , au bureau du dixième arrondissement, le quatre
avril m il huit cent s ix , reçu un franc un d écim e, subvention comprise.
Signé Cahow.
Pour expédition conforme délivrée par nous, greffier de la justice de paix
du dixième arrondissement de Paris. Signé C h o q u e t .
Oui M. Isnard, juge , en son rapport, et M. le procureur impérial en se*
Conclusions, tout considéré;
�( 55)
Apres qu’il en a été délibéré conformément, à la loi ;
Attendu les déclarations portées en l’acte de notoriété ci-devant énonce
et daté ;
LE ïiÜ U Ü N A L , jugeant en premier ressort, homologue ledit acte de
notoriété, pour être exécuté suivant sa forme et teneu r, et avoir son effet en
faveur de la requérante , a u i termes de la loi.
Fait et jugé à l’audience publique dudit Tribunal civil de première insinstance du département de la Seine , séant au palais de justice, à P aris, où
tenaient le siège M. Berthereau , président dudit Tribunal, l ’un des officiers
de la Légion d ’honneur; MM. Isnard , lJe rro t, Legras el D cberulle, juges en /
la première section, le mardi quinzième jour du mois d’avril de l ’an m il
huit cent six , et deuxième année du rè^ne de Napoléon I er, Empereur des
Français et Roi d’Italie ;
Mandons et ordonnons , etc. En foi de quoi le présent jugement a été signé
par le président et par le rapporteur. Pour expédition , signé M argueré.
Enregistré, etc.
'
Nous président, juge de la seconde section du Tribunal de première ins
tance du département de la S e in e , certifions que la signature apposée au
lias du jugement de l’autre p a rt, est celle du sieur Margueré , greffier dudit
T ribu n al, et que foi doit y être ajoutée. En foi de q u o i, nous avons fait ap
poser le sceau dudit Tribunal. Fait à P aris, au palais de justice, le deux
mai m il huit cent six. Signé Bexon.
~
t
N°
IV .
Brevet de pension, du i 3 pluviôse an 12.
y
M IN IS T È R E DU T R É S O R P U B L IC .
E X T R A I T des registres des délibérations du Gouvernement
de la République.
Paris, le i 5 pluviôse an 12 de la république, une et indivisible.
t
L e Gouvernement de la République , sur le rapport du m inistre, arrête :
A r t. Ier. La pension de cinq cent vingt francs accordée , par arrêté du
29 floréal an 10, à Anne Nazo, née en E g yp te, veuve du sieur JacquesZacharie D cstain g, général de d ivisio n , mort le i 5 floréal an 10, est portée
K deux m ille francs.
. .
�( 56 )
A r t. II. 1 . « ministres de la guerre et du trésor public sont chargés, chacun
eu ce qui le concerne, de l ’exécution du présent arrêté.
L e prem ier Consul, signé BO N APARTE. Par le prem ier Consul, le secré
taire d'Ëtat, signe U lt. ues-B. M aret.
Pour copie conforme à l ’expédition officielle, déposée au secrétariat du
trésor p u b lic, le secrétaire général, L e f e v r e .
V u pour légalisation de la signature du sieur L efe v re, secrétaire général,
le ministre du trésor p u b lic, M oluens .
,
•
N°
-.r'
V.
.
Certificat d u 1général M enou, du 18 juillet 1806.
,
,
L e Commissaire général des départemens au delà des Alpes
fa is a n t fonctions de Gouverneur général grand officier
de la Légion d’Honneur.
Je déclare, au nom de la vérité et de l ’h onneur,que, lorsque je comman
dais l’armée française, dite d’O rient, en Egypte, M .le général Destaing, qui
était alors employé à cette arm ée, et qui, depuis, est mort en F ra n ce, s’est
marié en l ’an 8 , avec mademoiselle Nazo (sinne), fille de M. Joanny Nazo,
commandant alors en Egypte le bataillon des G recs; que j’ai su positivement
que le mariage s’est célébré dans le pays (au Caire) avec toutes les forme*
usitées dans le rit g rec; que M. le général Destaing était venu m ’en faire
part d’avance; que m êm e, à cette épotjue, comme dans toutes les autres de
ma v i e , soutenant avèc; énergie la cause 'des nioïurs publiques, je demandai
positivem ent, et sur l ’honneur, a i général D estaing,si son mariage était en
tièrement légitim e, ou si c’était, ce qu’on appelle dans les mœurs corrom
pues de l’O rient, un engagement àtem s; que le général Destaing me répond^
au nom de l'honneur, que c’était le mariage le plus légitim e, et tel qu’il
l ’aurait contracté en France; tpie, d’après cette déclaration solemnellt», je
m ’engageai^ y assisté^, ainsi qu'au repas qui eut lieu après le mariage.*Je
remplis nia promesse; tout s’y passa avec la plus grande régularité, et tel
qu’ il devait ê tre, soui les rapports'civils et religieux.
En foi de qu oi, j’ai délivré lé présent certificat pour'servir et valoir ce qu^
de raison. A T u riu , le 18 jiïillét 1806.L e général M enou.
-C
t »
Par le commissaire général, pour le second secrétaire général du Gouverne
ment , absent par congé et par ordre, signé G éamt
^
�5 7
N° V I .
Certificat du général Dupas , du 3o juillet 1806.
Moi soussigné, général de division, sous-gouverneur du château impérial
de S tupinis, commandant de la Légion d’Honneur, chevalier de l ’ordre du
L io n , certifie q u 'étant chef de brigade commandant la citadelle du Caire eu
E gyp te, sous les ordres du général Destaing, j ’ai eu parfaite et sûre con
naissance de son légitim e mariage avec mademoiselle Anne Nazo, fille de
M. Joanny N azo, commandant un bataillon g rec; j’atteste de plus avoir eu
des liaisons particulières avec beaucoup de personnes très-distinguées dans
l ’arm ée, tant dans le civil que dans le m ilitaire, qui m’ont déclaré avoir
été présentes à ce m ariage, qui s’est célébré publiquem ent, et avec toute
l'authenticité qu’un pareil cas exige. Eu foi de q uoi j’ai délivré le présent,
pour servir à ce que de droit. A P aris, le 30 juillet 18 0 6 , P. L . D u p a s .
N° V I I .
Lettre du général Destaing à son épouse, du 1 5 prairial an 9.
( l ' adresse est de la main du général Destaing.)
■.,
A lexan drie, le 15 prairial an 9.
I l y a longtem s, ma chère a m ie , que je n’ai pas de tes nouvelles; je desire
que tu te portes aussi bien que moi. Joanny, qui est chez le général Beliard,
devrait savoir quand il part des. détachemens pour A lexandrie, et en pro
fiter pour m’envoyer des lettres. Cependant, il ne l ’a pas fait la dernière
fois : il faut le gronder de ma part, pour qu’il soit plus exact à l’avenir.
On m’a dit que tu étais grosse; je suis étonné que tu ne m’en ayes rien
écrit ; éclaircis mon doute à cet égard. Sois assurée que je t’aime toujours,
qu’il me tarde beaucoup de te revoir. En attendant, je t’embrasse,ainsi que
ta mêre et ta sœ u r, sans oublier la bonne vieille. Le g énéral D estaing.
Enregistrée, etc. A la citoyenne D estaing, à la citadelle du Caire.
HACQUAR.T, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux,
r u e Git-le Coeur, n° 8
^
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Tarrible
Grenier
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
conseils de famille
Delzons
Description
An account of the resource
Consultation pour Madame Nazo, Veuve du général Destaing, tutrice de sa fille mineure ; contre les héritiers Destaing. [suivi de] Pièces justificatives.
pièces justificatives.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1802-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
57 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0603
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0606
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Mauriac (15120)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
conseils de famille
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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eeddb005ea03f27331a4804019b45201
PDF Text
Text
RÉPONSE
D E M. D E
FR O N D EV ILLE,
AU P R É C I S
DE
M. D E
B A T Z . (1)
M.
de Batz me provoque par un mémoire imprimé ; il a mon
argent, et il me dit des injures; M. de Batz prend à la fin trop
de libertés avec moi ; il faut l’arrêter.
J ’ai reçu , de la façon de M. de Batz, trente-neuf pages d’im
pression , dans lesquelles il parle beaucoup d’une affaire qui a
été jugée entre nous, et point du tout de celle qui est à juger.
Voici le fait.
N ous avions un procès au sujet d’un billet, dont je demandois
le paiement à M. de B a tz , qui me le refusoit.
( 1 ). Sans égard pour ce m ém oire, j ’avois é té à l'audience pour me faire
juger le lendemain du jour où je l’ai reçu ; mais les affaires qui précèdent
la m ienne, l'ayant fait renvoyer à quinze jours, je ne crois pas devoir
laisser le mémoire d e M. de Batz si long-tems sans répouse.
I
�Ce procès alloit être jugé par la Cour d’A p p e l, lorsque M. de
Bat/ me proposa des arbitres : j’aeceplai et nous signAmes un
compromis , qui donnoit pouvoir au tribunal arbitral «le nous
juger souverainement et sans recours possible à aucune au
torité (i).
Les arbitres ont jugé : le jugement porte que M. de Batz est
actuellement condamné à *ie payer cap ital, intérêts et frais ,
si , dans l’espace d’un m ois, il n'a pas fourni des bordereaux de
l’agent de change employé dans la spéculation que M. de Batz
prétend avoir absorbé le montant de sou billet.
Dans l’espace du mois , M. de Batz m’a signifié une pièce
qu’il prétend être un bordereau , et par conséquent l’exécution
du jugement.
J e prétends que la pièce de M. de Batz n’est point un bor
dereau.
Est-ce un bordereau ? n’est-ce pas un bordereau? Voilà ce
qui est à juger.
M. de Batz imprime trente-neuf pages , pour parler de toute
autre chose ; et au lieu de s’occuper du procès à juger , il dis
cute en totalité l’instruction du procès jugé : soit; je vais la
discuter aussi , non pour la soumettre h la Cour d’Appcl qui
ne peut plus s’en occuper , mais pour obliger M. de Batz qui
se c o m p l a î t dans le souvenir de cette instruction , au point de
lui faire un article nécrologique de trente-neuf pages, deux
m o i s après qu’il n’est plus question d’elle.
J ’ai au reste grand tort de me récrier sur les 59 pages , moi qui
( 1 ) Les arbitres sont M M . de la Croix F rainvillc et Bcllard j M . Dcsèze
a clé nomme ticrs-arbilre.
�vais peut-être en imprimer 60 sur le même sujet ; mais je suis
attaqué , et l’on sait qu’en pareil cas il faut souvent une page pour
répondre à une ligne , et un chapitre pour répondre à une page.
Cependant, commençons.
Voici le billet de M. de Batz , dont je lui ai demandé le paie
ment en vain , depuis 1790 jusqu’à présent.
« J e reconnois avoir reçu de M. de Frundeville , la somme de
» 1 5,ooo liv. , pour former un dépôt que je m’engage à lui reprér
» senter à sa réquisition et à toutes heures, et je lui réponds de
» ladite somme. P a ris, 3 i décembre 1789.
» S ig n é , le baron de
B atz. »
M . de Batz a pi-étendu acquitter ce billet de la manière sui
vante :
y o u s m’avez , m’ a-t-il d it , f o r c é , contre mon avis , de
diriger pour cous une opération de bourse qui a. absorbe le
montant de ce billet.
M. de Batz a appuyé ce dire d’une bonne quantité de preuves ,
dont voici rémunération et le texte : il a produit } i°. un acte de
dépôt d’un agent de change appelé C habaucl, qui dit avoir reçu
mon argent pour une spéculation ;
2°. Une lettre de moi qui prouve que j’ai eu le désir de
spéculer ;
3 \ Une lettre de l’agent de change, qui dit avoir terminé
mon opération , par ordre de M. de Batz , et que tout mon
argent est perdu ;
4°. Une convention faite par M. de Batz avec l’agent de change,
pour l’achat d’effets publics pour mon compte.
Les arbitres ont déclaré tontes ces preuves insuffisantes , ce qui
veut dire «pie les preuves de M. de Batz ont beioiu de preuves.
�On voit que toutes ces choses sont jugées; pourquoi rç.lonc y
revenir 7 c’est que M. de Batz espère y trouver son compte. N’y
trouverois-je pas aussi le mien ?
'
J e vais discuter les pièces de M. de Batz dkns leur ordre , et
pour n'épargner aucuns soins , je vais remonter , autant que
possible, à l’origine des choses : je commence par le billet.
J 'a i connu M. de Bal/, aux états-généraux, devenus l’assemblée
constituante, dont nous étions membres l’un et l’autre : des cir
constances politiques et particulières nous lièrent ( je c.royois
alors ) intimement ; j’ai changé d’avis.
M. de B atz, dont la fortune étoit engagée dans les affaires du
gouvernement , souffroit beaucoup de l’influence des premiers
mouvemens de la révolution sur le crédit public (r); il s’en plaiguoit souvent à moi , et u’avoit pas de peine à me persuader ; mais
il m’eu persuada plus encore , lorsque, comptant sur quelque
crédit qu’il crut que j’avois alors , il m’engagea à une démarche
assez délicate pour moi , laquelle a voit pour objet de le faire
payer d’une somme de 700,000 liv. environ, qu’il me dit lui être
due par le gouvernement (a).
J e fis celte déman he : son défaut de succès donna lieu à de
nouvelles plaintes sur la gêne qu’il éprouvoit.
Comme il m'entretenoit souvent à ce su je t, l’idée me vint qu’il
souhaitoit que je lui offrisse de l'argent : le 5 1 septembre 178g
je lui offris 1 5 ,ooo liv. ; il les pritet me fit le billet dont est question,
que je 11e lui demandois pas; ce billet n’est point dans le style
(1) Il en convient dans son interrogatoire et dans son mémoire.
( j ) M . de Dutz est convenu de cela devaul les arbitres.
�prdinàire ; la suite développera les raisons de M. de Batz pour !e
faire ainsi.
M. de Batz oppose h ce récit un rapport ofGciel fait par lui
à M. de Cazalès ( i ) , qui l’a émargé , dil-il , de plusieurs notes.
Paix soit aux morts qui ne peuvent être ici pour se défendre ;
je n’ai jamais discuté et ne discuterai point cette pièce qui e s t,
d’aJleurs , sans caractère et sans validité, puisqu’elle n’est signée
de personne.
J ’observerai seulement que nous avons été entendus une seule
fois et très-imparfaitement devant ces premiers arbitres , puisque
dès le début, M. de Batz annonça des lettres de m oi, et des pièces
de l’agent de change , qu’il dit devoir faire venir pour me les op
poser , et que je proposai d’attendre leur arrivée , ce qui fut convenu (a). Or, comment avons-nous pu être entendus assez pour
déterminer le jugement d’un homme sans prévention , dans une
conférence où l’on convient d’attendre des pièces pour juger ?
Cependant, dans les émargemens de M, de Cazalès (si toutefois
ils sont sou ouvrage ) , il tranche d’aulorité et décide , en quatre
lignes , que j’ai to rt, sans s’embarrasser des pièces qu’il vient de
convenir d’attendre pour juger : M. de Cazalès qui m’a d it, et à r
q u ia voulu l’entendre, sur le compte de M. de Batz, ce qu’on
peut dire de plus dur et de plus fâcheux sur le compte d’un
homme , éloil redevenu, Dieu sait comment et pourquoi, son
aveugle ami : cela est facile à voir.
(i)
M . de Cazalès et M. de lJelbeuf nie furent proposés pour arbitres , il y a
quatre ans , par M. de Batz ; je les acceptai ; il y eut une conférence devant
eux ; c’est cette conférence qui est l’objet du rapport singulier de M. de Batz
cl des ém arj'emens, plus singuliers encore , de INI. de Cazalès.
(a) M . de Batz convient de ces faits dans son m ém oire, page 12 .
�G
J'observerai encore que de deux arbitres qui nous ont entendus,
un seul a aidé M. de Batz de ses émargemens , ce qui prouveroit
que la mémoire de l’un n’a pas été conforme h la mémoire de
l'au tre, car M. de Batz a , sans doute, présenté son rapport à
M de Belbeuf avec lequel il est tout aussi lié que je le suis , et s’il
en avoit obtenu quelque chose , il ne me le cacheroit p as(i).
Mais puisque M. de Batz m’oppose des souvenirs de cette con
férence , je vais lui opposer à ce sujet quelque chose de plus
certain et de plus concluant que des souvenirs.
Comme on vient de le voir, M. de Batz allégua devant les pre
miers arbitres, qu’il avoit des papiers à H am bourg, qu’il alloit
faire venir pour me confondre ; il dit que ces papiers étoient ceux
qu’il avoit conservés de l’agent de change Chabanel, qu’il avait
employé dans la spéculation (2).
11 est donc bien établi que M. de Batz voüloit faire venir les pa
piers de Chabanel , pour suppléer à l’absence de Chabanel.
>
(1) M. de Batz glisse négligemment dans son mémoire , que M. île Cazalès
fut nommé pour lu i, et M. de Belbeuf pour moi : ctla n’est pas e x a c t; ce
fut M. de Batz qui me proposa deux de nos anciens collègues, et nie nomma
ces deux messieurs que j ’acceptai; mais pourquoi cette petite erreur? C’est que
M . do Batz n’ayant rien à montrer do M. «le B elbeu f, en fait tout de suite mon
a rb itre, pour donner uuc raison de son silence : chez M . de Batz 011 verra
que la ruse montre toujours le petit bout de l’oreille, quand elle no montre
pas toute la tête.
(2) M. de Batz a Iui-iricmc exposé ce fait devant MM. de la Croix I’ rainvüle et Beltord , lorsque je lui reprochois ses lenteurs à faire juger ce procès,
et scs réticences dans la production de scs pièces ; il m’a répondu que la
célérité de l'instruction 11c dépendoit pas de lui , parce que le» pièces de
Chabanel étoient à Hambourg , et qu’il avoit eu beaucoup de peine à les faire
venir.
�7
Qui le croiroit ? Chabanel étoit à P a ris, à coté Je M. de
Batz.
Si cet état choses n’avoit dure qu’un m om ent, on pourroit
croire qu’ il y a distraction cle la part de M. de Batz, niais j’ai per
siste, pendant neuf mois, à rester devant les arbitres choisis ( i ) ,
et pendmt ce long teins, j’ai écrit et récrit à M. de Batz,
pour le presser de faire arriver ses papiers , n’imaginant pas
qu'il y eût un autre moyen d ’éclaircir les faits entre nous.
Ce moyen pourtant exisloit dans la rue du M ail, où demeuroit Chabauel lui-même , qui valoit encore mieux que ses écrits,
et (jui étoit beaucoup plus près de nous que Hambourg.
M. de Batz paroît s’attacher à un principe q u i, au fond , {est
fortbun : le teins bonifie toujours les affaires de certaines gens ;
car , comme dil le fabuliste, dans dix ans d’i c i, le r o i, l’âne ou
moi , nous serons morts ; en efFet, en usant le tems , un té
moins m eurt, un papier se perd , c’est autant de gagné : C habanel est mort un an après , alors M. de Batz a produit les
écrits de Chabanel.
M aintenant, voyons les pièces de M. de Batz: si on ne
peut plus les confronter avec celui qui les a écrites , peut-être
parleront-elles d’elles-tnêmes.
(i) M. de Batz a imprimé que je m’étois ergpressé de récuser M M . de Belbeuf
et de Cazalès (vo y ez son mémoire page i 3 . ) On ne ment pas m ieux que
cela : j’appris , neuf mois après le commencement de l’arbitrage, qui d ’ailleurs
n’éloit point convenu par éc rit, que M . de Belbeuf partoit pour la Norm an
d ie , M . de Cazalès pour le Languedoc, et M . de Batz pour la Gascogne j
voyant mon arbitrage arrangé de la sorte, je compris «juc M. de Batz aimoit
m ieux n’en pas finir; je remerciai les a rb itres, et j’écrivis h M . de B atz , que
puisqu’il ne vouloit pas terminer devant des arbitres , j allois l’attaquer ju d i
ciairem ent.
�8
Les arbitres les onl déclarées insuffisantes; cepourroit bien être
une flatterie. Voici l’acte de dépôt de Chabanel.
»
»
»
»
« J ’ai reçu de M. le président de Frondeville , sur autre reçu
de M . le baron de Batz , G?.5 louis en o r, pour garantie de
négociations dont me suis chargé pour le compte du déposant,
dont 10,000 liv. en ia 5 millions} et 5 ,ooo liv, en actions des
Indes ou d’ assurance.
» Nous sommes convenus que j’r.ltendrois de nouveaux ordres
» de M. le baron de Batz, et que si M. de Frondeville chnngeoit
» d’avis, je rendrois aussitôt le kinême dépôt eu mêmes espèces.
» Ce 3 i décembre 1789.
Signé , C habanf.l .
Cet acte est la première pièce qu’a produit M. de Batz ; il
est aussi le sujet de sa première erreur un peu grossière ; il
lui a fourni l’occasion de nier sa propre écriture , il 11e l’a pas
mauquée*: cette erreur est constatée par sou interrogatoire,
ainsi qu’il suit :
Interrogé « pourquoi , s’il est vrai , comme le dit le répon» d a n t, qu’il ait indiqué le citoyen Chabanel au citoyen de
« Frondeville , il u’a pas parlé de cet agent de change dans sa rc» comioissance ?
A répondu « que par l’cifet de sa délicatesse , il s’étoit
» rendu personnel le dépôt de i 5 ,ooo liv. ; mais que M .
» de Frondeville sait bien (pie ce fut à l’agent de change même ,
» et non pas à lu i,s ie u r de B atz,q u e lui sieur de Frondeville,
)> remit la som m e, et que d éfait elle n’a jumais passé dans
» les mains de lui répondant..............
On 11c peut pas nier pbis pertinemment sa signature ; -voici
les icrnici du billet de RI. de Batz.
�9
J e reconnois avoir reçu de M . de F ro n deville , la somme
de 15^000 liv.
C’est avec un tel billet signé J e sa m ain , que M. de Batz,
nie avoir reçu mon argent! (i)
Cependant voyons la manière dont il explique le fait clans
son mémoire : elle est piquante.
» Au lieu donc de remettre au sieur Chabanel , un simple
» mandai sur M. de Frondeville, je lui remis le billet.
» A vue du billet, M. de Frondeville remit i 5 ,ooo liv. à
» M. de Chabanel qui en donna sa reconnoissance particu» lière dans les termes suivans. »
Suit la copie de l’acte de dépôt que M. de Batz appelle ici
la reconnoissance particulière de Chabanel.
acte de de'pôt.
J ’ai reçu en dépôt de M. le président de Frondeville, sur autre
reçu de M. lè baron de Batz, six cent vingt-cinq louis en or , pour
garantie de négociations dont je me suis chargé pour le compte du
déposant, dont 10,000 liv. en ia 5 millions et 5 ooo liv. en actions
des Indes ou d’assurances ; nous sommes convenus que j’attendrai
de nouveaux ordres de M. de Batz , et si M. de Frondeville
changeoit d ’a v is , je rendrai aussitôt le même dépôt en mêmes
espèces. Paris, 5 i décembre 1787.
Signe’ ü . ClUBANF.L.
J e voudrais bien que M. de Batz m’explique à qui Chabanel
remit sa reconnoissance particulière : ce n’est pas à moi qui
(1) J ’ai du moins eu le plaisir d’entendre M . B e lla rd , arbitre nomme par
M . de IJalz qu’il ti’a pas cessé de de’ lendre avec la chaleur et le talent dont
il est capable , lui dire à une de nos conférences : « Tour celui-là , M . de
» lîatz , je ne le crois pas ; le coutrairc est évident. »
�lO
recevois de lui celle de M. Batz ; ce n’est pas à M. de B atz,
puisque je p aye, dit-il, à vue de son billet, ce qui prouve
qu’ il étoit absent. A qui donc ? je ne sais , car je ne vois
plus personne pour la recevoir : cependant elle est entre les
mains de M, de Batz; comment y est-elle venue ?
Voici une autre dilliculté : la reconnoissance de Chabanel
porte ces mots : «' Nous sommes convenus que j’attendrois de
» nouveaux ordres de M. le baron de Batz , et que si M. de
» Frondeville cbangeoit d’avis, je rendrais aussitôt le même
» dépôt en mêmes espèces. »
Quoi ! jetois là , en présence de Chabanel, et j’ai laissé
Cbabanel écrire qu’il attendrait les ordres de M. de Batz, et
non pas les m iens, lorsqu’il ne s’ agissoit de rien de plus que
de retirer mon argent, si je cbangeois d’avis!
Mais passons : la ruse a niai fait ici son service; aussi c’étoit
-trop exiger d’elle que de vouloir lui faire prouver que j’ai
remis mon argent à un tiers , en face de la signature de M.
de Batz , qui atteste que je le lui ai remis à lui-même.
Mais quel intérêt avoit M. de Batz , pour se charger de
l'ignominie de ce mensonge ? Le voici.
M. de Batz a voulu , à quelque prix que ce so it, établir un
point de contact direct entre moi et l’agent de change; et
comme il n’a trouvé nulle part la plus petite occasion de me
placer en rapport personnel avec Chabanel que je n’ai connu
de ma v ie ; il a saisi celle-ci qui est mauvaise à la v é rité ,
mais qui est l'unique , et qui résulte de ces mots de l’acte de
dépôt , f o i reçu de M . de Frondevillc , sur autre reçu de
1\I.
de Batz. J e ne me charge point d’expliquer ce français ;
l’acte qui le contient se trouve entre les mains de M. de Batz;
il l’a fait faire par un tiers que je n’ai jamais vu ; c’est à lui de le
faire comprendre s’il le peut.
�11
L ’intérôt de M. de Batz à accréditer son mensonge , se déve
loppera à mesure de la discussion des pièces.
On. verra par.elles que M. de Batz s’est entièrement et exclu
sivement investi de ma propriété ; que c’est lui qui dépose ,
fait acheter, fait vendre , se fait rendre compte ; à la vérité on
verra mon nom partout , mais on ne me verra nulle part et
pas une seule fois agissant activement et en personne. Envoyant
tous ces actes, on jureroit que j’étois à ceut lieues de P aris;
cependant j’étois à côté de M . Batz; je le voyois tous les jours
tleux et trois fois , et pendant qu’il faisoit aiusi mes affaires ,
il ne me parloit que des affaires des autres ; il m’avoit donné ,
dit-il, un agent de change; mais il n’a pas plus existé pour
moi que s’il fut resté dans les espaces , car je n’ai jamais vu
son visage , et n’ai jamais connu son écriture. M. de Batz a
fait une spéculation pour moi , qui a duré depuis le 5 lévrier,
dit-il , jusqu’au 27 m ars; mon argent s’est écoulé goutte à goutte
pendant ces cinquante-deux jours , et M. (le Batz n'a pas imaginé
de me demander si je ne serais pas hieu aise d’arrêter ma perte,
ou de (aire quelque revirement pour la diminuer.
J e sais bien que M. de Batz me répond en peu de mots,
que tout étoit convenu avec m oi; mais je lui réponds par ses
propres pièces, qui prouvent que je n’ai jamais été qu’en nom , et
que partout il a été en personne. J e fais plus , je défie deM . Batz de
prouver, par le plus léger indice , que j aie jamais connu Chabanel
qu’ il appelle mon agent de change, et la spéculation qu’il appelle la
mienne.
M. de Balz a senti la force de ces circonstances , et dans le
danger, il a invoqué le mensonge.
lin effet, le sien remédioit à tout ; car si M. de Batz prouve que
j’ai vu l’age tilde change un moment., mes rapports avec lui sont
établis , et touL est expliqué.
�Mais je défie là-dessus M. de Batz , et il reste clans la positron
embarrassante de faire trouver légitime qu’il ait perdu 111011 argent
par le ministère d’un Innume (¡ne je n’ai jamais vu , et dans une
spéculation que je n’ai jamais connue.
M. de Ba.z n’ayant à me donner pour l’acquit de son billet que
le triste récit d’ une plus triste spéculation , a fait avec m o i , comme
font les gens q u i, de peur d'étre grondés , commencent par gronder
eux-mêmes ; il m’a dit que j’étois un obstiné ; que malgré lui j’avois
persisté dans le mauvais sens ; qu’enfin je l’avois forcé de me
rendre le service de perdre mon argent ; je crois même qu’il m’a
dit quelque part que je n'avois que ce que je meritois ( i ).
N ’es t-il pas drôle qu’en me mettant de mon plein gré sous la
direction de M. de Batz, j’aye débuté par diriger mon directeur ;
mais ce qui est plus drôle encore , c'est la bonhomie avec laquelle
il s’est laissé faire, et l’obligeance avec laquelle il a pris mou
argent ; cela sans doute annonce une grande facilité dans le com
merce de la vie j mais cependant M. de Batz ne pouvoit-il pas
imaginer quelque chose de mieux encore à faire là-dessus ? par
exemple , de ne pas prendre mes i 5 ,ooo liv. 7 il me semble que
c'est ce que j’aurois fait à sa place , si j’avois été persuadé comme
lui du mauvais sens de mon ami.
M. de Batz en a pensé autrement, il a vu de l’argent à prendre
et il l’a pris ; il a lait plus , du moins il le dit ;
11 prétend l’avoir été déposer le même jour chez l’agent de
change Chabauel.
(i) Voici les paroles de M. de Batz , page première et deuxième de son mé
moire : J ’avois tout fa it pour le détourner de cette dernière spéculation , et la
perte qu'il fît fu t le résultat, dç sa persévérance à rejeter mes conseils
M . B atz , dit page 3 : Lorsque M . de Frondeyille s’obtinoit à spéculer dans le
mauvais sens.
�J e me perds et ne vois plus que confusion : ici je vois M. de
Batz qui fait tous ses efforts pour nie détourner de mon projet
de spéculation , et qui m’assiste de ses conseils à ce sujet ; là je vois
M. de Batz qui , non content de prendre l’argent que je destinois ,
d it-il, à cette spéculation , s’empresse d’aller , le jour même où il
le re ç o it, le déposer chez un agent de change , et lui faire faire
ainsi le premier pas dans la route des spéculations. Tour ne
pas avoir trop d’idées à analyser à la fois , je m’arrête en ce
moment à celles-ci.
Pour agir aussi directement dans le même jour contre son
coeur, qui lui faisoit prendre en pitié mon obstination à ma
ruine , et contre sa pensée qui la lui faisoit v o ir , il a fallu à
M. de Batz de puissans motifs.
J e l’entends attester son b ille t, invoquer la religion de la fui
prom ise, et me demander si sa conscienee pouvoit différer le
dépôt au lendemain.
A cela je réponds oui : le billet a bien été fait pour lier au
besoin mon argent dans les liens d’une spéculation ; mais il
n’a voit pas tout prévu; et par exemple , il ne dit pas que le
dépôt auroit pour objet une opération de bourse; il ne dit pas
que le dépôt seroit fait entre les mains de Chabanel ni d’aucun
agent de change; ma lettre* qu’on verra bientôt, et que j’enlends
"M. de Batz appeler à grands cris à son secours, ne le dit pas
d’avantage.
Elle ne dit, pas plus que le b ille t, à quelle époque le dépôt
doit être fait ; en lin , le billet ne dit pas plus qu’elle, que le dépôt
doive être fait plu tôt dans les mains d’un tiers que dans celles
de M. de Bafz : au contraire, l’obligation exprimée dans le b ille t,
de nie représenter le dépôt; à ma .réquisition et à toutes heures ,
et celle de me répondre de la somme, annoncent que le dépôt
�¿levoit plutôt rester dans les mains de M. de Batz que passer dans
celles d'un tiers.
O u i, M. de Batz , avec un tel billet , cl votre conviction que j e
'volois à ma ruine , votre conscience pouvoit attendre au len
demain.
Mais , j’en conviens , votre intérêt ne le pouvoit pas aussi bien;
dès que vous m’avez vu vous demander mon argent , il vous a fallu
un plan de défense ; et pour établir une spéculation , il vous falloit
un acte de dépôt. Vous l’avez fuit faire ( i) , niais vous l’avez mal
adroitement fait dater du même jour où vous m’avez remis votre
billet, et c’est cette ponctualité m<Ve qui vous accuse. Mais pour
suivons.
M. de Batz après avoir pris mon argent le 3o décembre , à son
corps défendant , après l’avoir remis le mômç jo u r, contre son
opinion , à un agent de change, M. de Batz ce même jour encore,
fait les dispositions de son emploi; il désigne les offets publics sur
lesquels il doit être employé , et détermine la somme qu’il destine
6ur chacun d’eux ; à dire v r a i, je ne vois pas pourquoi cet em
pressement à disposer ainsi de mes fonds , car pour le coup le
billet ne parle pas de cela.
Voilà encore un excès de zèle à engager mes fonds dans les
griffes de l’agiotage , qui se trouve bien peu en harmonie avec
la répugnance que son amitié et sa prévoyance lui faisoient éprou
ver contre mon entêtement à spéculer (i).
( i ) Je déclare que je n'entends point inculper l'agent de change, qui ( si
les actes sont de l u i ) , a pu les faire tics-iiinocennncnt, comme je pou» rois
l'expliquer s'il cil étoit besoin.
( i j J/acte de dépôt porte ces mots : îS.ooo /jV. pour garantie de négntia-
fianç dont je me iu .s chargé pour le compte du déposant, dont «0,000 /jV.
�L ’amitié tic M. Batz a dû bien souffrir le 01 décembre 1780.
Que de sacrifices elle a vu faire ce jo u r - là à mon obstination!
D’abord elle a vu M. de Batz prendre mon argent ; ensuite elle l’a
vu le déposer chez Chnbanel, et , pour qu’il n'y manque rien ,
elle a vu M. de Batz déterminer exactement , et mot à m ot,
commeut mes i 5 ,000liv. seraient perclus trois mois après ; ca r,
et c’est ce qui a dû lui faire plus de mal, M. de Batz savoit que mon
argent serait perdu. J ’avois tout fa it pour l ’en détourner , et la
perte qu’ il fit fu t le résultat unique de sa persévérance à re
je te r tues conseils. Ces paroles sont de M. de Batz ( pages i ere. et
2 e. de sou mémoire ).
A la vérité, si l’amitié de M. de Batz avoit refusé mon argent,
plus de tribulations : cette idée me revient toujours ; mais vous
verrez que RI. de Batz la trouvera absurde.
J e vais examiner l’acte de dépôt sous un dernier point de vue :
est-il vraisemblable qu’il ait été fait pour garantie d’une mince
spéculation de i 5 ,ooo liv. ? Etoil-il nécessaire qu'il fût fait?.
Il faut se reporter aux tems où nous étions alors, lié avec
M. de Batz par des rapports politiques q u i, en tems de révolu
tion , doublent l’inlifailc des liaisons ; lié encore avec lui par
les rapports de société , est—il croyable que RI. de Batz eût exigé
«le moi le dépôt d’une somme aussi modique que celle de
1 5,ooo liv ,, en comparaison de mes moyens d’alors, pour ga
rantie d’ une spéculation que je l’aurois prié de diriger pour
en iî! j millions et 5ooo liv. en actions des Indes ou d ’assurances. Dans
la copie imprimée que M . de Batz donne de l’aclc du d é p ô t, il a supprimé
ce que je viens de copier , encore bien que cela se trouve au milieu de l’acte*
l ’ our tronquer ainsi pateinmcnt scs propres p ièces, il faut avoir de bonne»
raisons. Jo découvre bien encore dans ce procédé une ruse de M . de B a tz ;
mais je u’ai pus le tenu de les dire toutes.
�moi ? les procédés usités parmi les gens du monde , repoussent
l’idée de celle injurieuse précaution.
Mais en supposant à M. de Batz une aussi chétive manière
d’a g ir , et à moi la sottise de la souffrir ; M. de Batz avoit
toutes scs sûretés, puisqu’il avoit mon argent dans les mains ;
il n’avoit donc pas besoin de le déposer dans celles d’un agent
de change; car il 11e prétendra pas sans doute que lu i, M. de
Batz , un des plus renommés spéculateurs de P a ris, lui qui nous
annonce que l’agent de change Chabanel étoit un de ceux qu’il
honoroit de sa confiance dans les négociations qu’il faisoit pour
le trésor royal ( 1 ) , il ne prétendra p as, dis-je, que cet agent
de change a exigé de lui la mince somme de i5,ooo liv. pour
garantie d’une spéculation que M. de Batz lui faisoit l’honneur
de lui commander.
Le moyen donc d’expliquer pourquoi il se trouve un acte de
dépôt, pour garantie, fait par C habanel, dans une aussi médiocre
affaire ordonnée par M. de B a tz , dont la pratique seule auroit
suffi pour accréditer un agenl\le change. Qu’on juge si Chabanel,
employé habituellement par lui dans des reviremens de millions ,
en a exigé un dépôt de 1 5 ,000 liv. pour garantie.
L ’acte de dépôt est , sous quelque point de vue qu’on l’euvi-,
sage, invraisemblable à la date qu’il porte.
A une date plus reculée , c’est-à-dire , après que j’ai eu demandé
mon argent, il se conçoit; il est vraisemblable; il est môme
nécessaire : car sans lui les autres pièces qui prouvent une spé
culation , perdroient beaucoup de leur prix.
J ’ai encore une idée sur cet acte de dépôt , qui me tour
mente : comment se fait-il qu’il se trouve entre les mains de
(1) Mémoire de M . de Batz , ( page 5 . )
�l7
M. de Batz? La spéculation est finie; la somme est absorbée, et.
pourtant M. de Balz conserve le titre qui rend Chabanel comp
table de l.i somme. M. de Batz est-il resté , pour cet objet qui
n’étoit pas liquidé avec m oi, en compte courant avec lui ? Non ,
car M. de Batz m’a fait signifier q u e , le 5 juiu 1790 , il
avoit arrêté tous ses comptes avec C habanel, et il est dit dans
ce com pte,'que Chabanel a remisses pièces de comptabilité à
M. de Batz. Comment se fait-il que Chabanel remette ses pièces
<le comptabilité à M. de Batz, et qu’en meme-tems M. de Balz
conserve des pièces qui rendent Chabanel comptable envers lui i
Pour voir clair dans ces obscurités, il faudroit la lorgnette de
M , de Batz.
Pour me résumer sur l’acte de dépôt ; le projet mal déguisé
de M. de B alz, d’établir un point de contact direct entre moi
et l'agent de change que je n’ai jamais connu ; sa dénégation
d’avoir reçu mon argent , hasardée afin d’atteindre ce but; son
affectation de plaindre mon obstination à mal spéculer, et son
empressement à m’enchaîner dans une spéculation ; l’invraisem
blance, je pourrois dire l’impossibilité d’un dépôt pour garan
tie , de la part de M. de Batz, vis-à-vis de son propre agent de
change; enfin, l’existence singulière de l’acte de dépôt dans
ses m ains, après la clôture de scs comptes avec l’agent de
change; ces faits et ces circonstances forment un corps de
preuves qui portent jusqu’à l’évidence, (¡ne l’acte de dépôt a été
fait pour la circonstance, et pour faire croire à l’existence d’une
Spéculation qui n’a jamais eu de réalité pour mon compte.
Cependant, j'arrive à ma lettre du 5 février 17 9 0 , et à mon
interrogatoire. Voici ma lettre :
« V oire billet m’arrive , mou cher baron , dans le moment
» où je sors pour affaires; je ne puis aller chez vous et n’y
» suis pas nécessaire , puisque vous voulez bien vous charger de
�ï8
»
»
»
»
»
tout diriger; je suis plus décidé que jamais et je ne rois
plus que vous d’hcsitant sur le sort des effets de la bourse.
J ’espérois que votre homme aurait commencé hier ; il y a
plus d’un mois que le dépôt n’est absolument bon à rien. Ne
différez donc plus d'agir , mon cher ami. »
Ce 5 février.
Voici mon interrogatoire , ou du moins la portion de mon
interrogatoire, qui est en contradiction avec ma lettre.
»
»
»
»
« Interrogé s’il n’est pas vrai qu’à la lin de la même année
( 178g ) , lui répondant eut le désir de spéculer de nouveau sur
les fonds publics ; d’employer à cette spéculation une somme
de 1 5,ooo liv. ; si à cette occasion il u’a point consulté le sieur
de Balz et ne lui a point écrit ;
» A répondu qu’il affirme positivement que le sieur de Batz n’a
» jamais fait une spéculation pour lui répondant; il l’affirm e,
» parce qu’il ne peut pas craindre que sa mémoire le serve mal
» après seize ans sur cet objet ( 1 ) , puisque le titre fait et souscrit
n par M. de Iîatz, sa conduite , ses allégués et ses écrits au procès,
w portenteette vérité jusqu’à l ’évidence; le titre porte qu’il répond
» de la somme , sans réserve et sans exception d’aucun cas.
» 11 est évident que dans le cas de la soi-disante spéculation
n alléguée parM . de Balz, tous les profits auraient été pour lui ; car
» dès qu’il a répondu de la somme, il aurait dit à lui répondant;
»> vous n’avez aucune part dans les profits , puisque vous n’avez
3) coUru aucuns risques ; comment se fait-il donc que le sieur de
(1) Dan» la .copie de mon interrogatoire imprimée par M . de Batz , il arrête
ici ma réponse; ce qui fail qu il en dissimule la portion qui explique le
m otif de mon affirmation. M . de B alz est fidèle & ses habitudes; l a r u ie ;
toujours la xusc.
�19 •
» Batz prétende aujourd’hui que IuLrépondant a donné son argent
» pour courir risque de le perdre , sans avoir la chance de
» gagner ? »
Le raisonnement puisé dans le billet même de M, de Batz , et
que je donne pour motif de mon affirmation, est d’une justesse
palpable; mais j e ne m’y arrête poin t, e t je. conviens qu’il y a
contradiction réelle entre ma lettre du 5 février 1790 , et mou
interrogatoire du 3o novembre i 8o 5.
Cette contradiction est-elle volontaire? c’est sur quoi je demande
qu’on me juge avec rigueur.
II existe deux faits que M. de Batz lui-même ne contestera pas.
Yoici le premier :
,
Devant MM. de Bclbenf et de Cazalès, nos premiers arbitres ,
M. de Batz m’annonça qu’il a voit des lettres de m o i, qui fa ¡soient
partie de ses papiers qu’ il avoit envoyés à H am bourg, dans le
tems de la terreur, lesquelles lui fourniroient des preuves de ce
que je lui coritestois ; et je lui contcstois ce que je lui ai toujours
contesté , savoir t qu’il ait fait nne spéculation pour moi ; et malgré
ma lettre, j’afiirmerois encore , sans craindre de me d am u er,
qu’il 11’en a jamais fait. Il y en a> bien une écrite qu’il a mise
sous mon nom, ce qui lui donne un prétexte pour retenir mon
argent ; mais je soutiens qu’il a opéré pour lui , et que mon argent
n’est jamais sorti de ses mains ; j’espère le lui démoutrer bientôt,
à-peu-près mathématiquement.
M. de Batz demanda du tems pour faire venir ces lettres ; je lu i
proposai trois mois ; il consentit. J e sus donc à cette époque, c’est- ,
à-dire trois ans avant mon interrogatoire , que M. de Batz annon
çait des lettres de moi ( 1 ) ; et si je l’avois oublié, mon iuterroga(1) Voici ce que dit M. de Batz dans son mémoire "• « M . de Frondevillc
�*
30
toire me l'auroit rappelé , car M. de Balz m’a fait faire l’intorrogat
suivant : « Si à l’occasion (le la spéculation de i 5 ,ooo liv ., le
» sieur de Frondeville u a pas consulté le sieur de Batz, et ne lui a
» pas écrit ? »
Voici le second fait. A la fin de niai i 8 o5 , le procès actuel,
jugé en dernier ressort par les arbitres , fut plaidé et jugé
en première instance au tribunal civil : M. Tripier plaidant
pour M. de Batz , donna lecture à l’audience, de l’acte de
dépôt et de la lctlre de Chabanel ; il me les communiqua; je les-lus et en pris note r j’avois donc pleine connoissance de ces pièces
quand j’ai été interrogé.
J e viens d’établir par deux faits positifs , qu’avant d’être inter
rogé , je savois tout ce qu’il falloit pour ne pas répondre comme
je l’ai la it , si je n’avois pas cru dire la vérité : je savois que M. de
Batz faisoit venir de Hambourg des lettres de moi pour me les
opposer , et j’avois lu les pièces de l’agent de change , qui disent
que M. de Batz a dirigé une spéculation pour moi.
M aintenant, je me renferme dans ce dilème : ou j’ai voulu
en imposer pour m’exposer volontairement à la mésestime et à la
ccnsure publique, ou j’ai dit ce que je croyois fermement être
la vérité.
J e dis que le positif de mes réponses annonce leur since-
» me demanda avec une inquiétude mal de'guise'e, ce que c’étoit que des pas piers et des lettres de lui sur cette même a ffa ire , et qu’on diîoit que
» j ’avois dans mes mains.
» Ce que vous me demandez n’est pas dans mes mains , lui ripondis-je ;
» mais dans un dépôt de mes papiers actuellement entre les mains de M . de
» J . , îi H am b o u rg, et je vais les faire ven ir» . C etoit donc d e là bouch«
même de M . de Batz que je savois qu’il avoit des lettres de moi.
�rite , car elles pouvoicnt être évasives , elles dévoient même
l’ê tre , vu la connoissance que j’avois des pièces annoncées et
des pièces connues; mais ma conviction éloit si entière, que
j’ai méprisé le secours de l’évasion. Nier un fait qui existe , quand
on croit sincèrement qu’il n’existe p a s , c'est dire le contraire
de ce qui est, mais c’est dire la vérité par rapport à soi.
Mon interrogatoire contredit ma lettre, mais il n'a pas con
tredit ma pensée, et à présent même que je lis cette lettre , je ne
me souviens ni du m otif, ni de la circonstance qui me l’a
fait écrire : au reste , je ne m’en étonne p o in t, car il me semble
très-aisé de concevoir que j’aye entièrement oublié , le 5 o
novembre i 8o5 , ce qui s’est passé dans mon e sp rit, le 5 février
17 9 0 , au sujet d’une spéculation de bourse que je n’ai n’y com
binée ni su iv ie , dans la confidence de laquelle on ne m’a
jamais m is, quoique je fusse chaque jour à côté de M. de Batz,
qui prétend Tavoir dirigée , dont l’agent ne m’a jamais él6
connu, quoiqu’on me dise aujourd’hui qu’il étoit le mien j
d'une spéculation enfin qui a duré depuis le 5 février jusqu’au
27 mars , dans laquelle mon argent s’est écoulé chaque jour
goutte à goutte sans qu’on m’ait consulté, sans qu’on m’en ait
dit un m o t, sans que je m’en sois douté.
J e mets mon honneur , ma réputation , enfin tout ce qu’il y a
de plus cher au monde à un galant homme , à la discrétion de
M. de Batz, et l’on voit par son mémoire que c’est proposer de
les mettre en mauvaise mains , s’il peut fournir une adminiculc
de preuve que j’aye eu la moindre connoissance de la spéculation
qu’il dit avoir faite en conséquence de ma lettre , et si j'ai jamais
connu directement ou indirectement ragent dé change qu’il dit
aujourd’hui avoir été le mien.
Cependant, si ces faits sont v ra is,s’étonnera-t-on qu’ une opéra
�tion qui n’a jamais existé pour moi , n’ait laissé , après seize a n s ,
aucunes traces dans mon esprit ?
J e «rois bien que ma lettre en annonce le désir ; mais les désirs
sonl l’opération la plus transitoire de l’ame, et pour qu’ils prennent
place dans la mémoire , il faut du moins qu’ ils soient suivis de
de quelqu’accomplissement, et jamais celui-là u’a été accompli
pour moi.
Mais on me dira que si je n’ai pas connu l’opération qui a
eu lieu depuis le 5 février jusqu’au 27 mars ( 1 ) , la correspon
dance de ma lettre et du billet, qui parlent l’un ét l’autre d’un
dépôt, annonce que j’étois convenu précédemment de quelque
chose avec M. de Batz : la conséquence est juste ; ét quoique
je sois convaincu de n’avoir jamais (ait avec lui aucune conven
tion qui l’autorisât à spéculer pour m oi, je conviendrais que ma
lettre condamne 111011 souvenir ; mais il m’est impossible de faire
aucune concession sur cet objet, parce qu’il est démontré pour
moi qu'il y a eu machination dans l’acte de dépôt;
Or, dès qu’il est prouvé qu’il y a eu machination dans cet
acte , dont l’ unique objet est de donner de la réalité au projet de
spéculation , par cela môme il est prouvé que ce projet n’exisloit pas; c a r , pourquoi M. de B;itz auroit-i! eu besoin de cons
tater à mon insu un fait dont j’aurois été d’accord V J e ne puis
concevoir cela ; il m’est impossible de mettre ces deux idées en
harm onie, que réellement je voulois spéculer le 5 i décem
bre , et que M. de Batz ait été obligé de machiner un acte dató
de ce jo u r, pour constater que j’avois voulu spéculer et enta
it) On verra bientôt par la discusión d'nnc pièce produite par M . de I3a tz,
q u ’ il prétend avoir comnirucé le 5 février , la soi - disante opération 'en con
séquence de nia lettre , cl qu’il prétend l’avoir finie
le 37 m ars, en consé
quence de la fin de l’argent qui fut perdu en entier à cette époque.
�«
23
mer une spéculation, que'j’aurois été en effet impatient d'en
tamer.
La machination établie, et je crois qu’elle ne sera douteuse
pour personne : je ne puis plus comprendre ma lettre ; elle ne
prouve plus rien pour moi.
J ’ajoute à cela que l’examen des autres pièces et leur dis
cussion vient corroborer ces pensées ; c a r , elles établissent si
clairement le plan d’une spoliation m éditée , qu’il faudroit être
aveugle pour ne pas le voir.
J e ne pousserai pas plus loin l’examen des expressions de
ma lettre; je me borne à dire que la fraude étant certaine.
D’après les circonstances de l’acte de d épôt, ma lettre reste sans
objet et sans signification.
Pour terminer sur mon interrogatoire , je dirai qu’il est évi
dent que tous les actes produits par M. de Batz , sont disposés
de manière à faire croire à une spéculation ; mais la plupart
de ces actes dépendoient de lu i, puisqu’ils sont faits entre
lui et uu tiers que je n’ai jamais connu ; mon billet même a
dépendu de lui seul ; car n’ayant aucune intention de prendre
des sûretés , j’aurois pris sans les lire tous les billets qu’il
m’auroit donnés.
Aussi a-t-il usé de cette liberté ; car à voir l’entortillement du
sien , on juge tout de suite de l’intention de M. de Bat/. : il a
•voulu n’en pas trop d ire , de peur que si la fantaisie me prenoit
d’exominer , je ne visse qu’il s’agissoit d’une spéculation , et
pourtant en dire assez , pour qu’il la signifie au besoin.
Ma lettre seule a
voit, fort à la hâte :
M . de Batz m’avoit
quelques expressions
dépendu de moi ; je l’ai écrite , comme on
étoit-elle le résultat d’une disposition que
inspirée la veille i étoit-elle la répétition de
de sa lettre à laquelle je répondois ?
�C’est souvent ce qui arrive quand on est pressé. Pour avoir
plutôt fa it , pour avoir l’air de répondre pertinem m ent, on se
sert de l’expression qu’on voit dans la lettre qu'ou a sous les
y e u x ; mais au fa it, je n’en sais rien; ce que l’on voit claire
m ent, c’est que ma lettre a été provoquée par une lettre de
M. de Batz ; ce qui est certain aussi , c’cst que pendant trois
mois qu’a duré cette affaire , M. de Batz a été en correspon
dance avec l’agent de change et avec m oi, puisqu’il produit des
lettres de chacun de nous; et pourtant il ne peut justifier par
quoi que ce soit, au-delà de ma lettre, que j’aye eu la moindre
connoissance de cette spéculation que j’ai faite cependant, ditil , avec une ardeur et un intérêt remarquables , puisque je
me suis obstiné jusqu’au bout, à vouloir ce qu’il ne vouloit
p as, et que j’ai donné un exemple d'entêtement qui n’est pas
commun , celui de choisir un guide et de vouloir le guider.
Cependant, s’il est très-vraisemblable que le 5 février est le
seul jour où j’ai parlé et entendu parler de ma spéculation,
et s’il est constant que je n’ai jamais su qu’elle avoit lieu , on
ne peut s’étonner qu’après seize ans un désir aussi éphémère
ait été effacé de mon esprit.
A u reste, je me réfère à ce raisonnement qui me paroît
porter la conviction avec lui : mes lettres m’étoient annoncées
par M. de B alz; je connoissois les pièces de C habauel, qui
constatent une spéculation; il m’étoit donc bien facile de mo
difier mes réponses et de les rendre propres à tout événement ;
je ne l’ai pas fait. L’hommç qui néglige son bouclier en pré
sence de l’ennemi , ne passera jamais pour un lâche..
Ici , l’affaire a changé de face; M. de Batz ayant produit ma
lettre , et m’ayant mis par-là en contradiction avec mon interroçatoire, il a cru que je me retircrois heureux qu’il ne publiât pas
�55
ma honte ; il me l’a écrit en toutes lettres : il s'est trompé ; cette
circonstance a doublé mon ardeur à le poursuivre ; mais au lieu de
lui demander mes i 5 ,ooo I. , en conséquence de son billet, je lui ai
demandé compte de la spéculation dans laquelle il prétend m’avoir
rendu le service de perdre à bon droit mon argent.
I c i , ma lettre va jouer un rôle tout différent; M. de Batz me l’a
opposée ; je vais l’opposer à M. de Balz.
M. de Batz dit (page 6 de son mémoire ) , qu’en conséquence de
ma lettre , il donna des ordres à Chabanel : c’est donc dans ma
lettre que I\I. de Batz a trouvé mes intentions et la raison des
ordres qu’il a donnés à l’agent de change.
Voyons comment M. de Batz a exécuté mes intentions. 11 a donné
ordre d’acheter des effets publics pour mon compte ; par consé
quent , M. de Batz m’a fait spéculer à la hausse des effets.
J ’avoue que cel te manière de me diriger m’a confondu ; car en
me rappelant ma situation politique dans l’assemblée , mes opinions
que je retrouve dans les gazettes, enfin toute la composition de
mes idées de 179 0 , il m’est impossible de me reconnoltre spéculant
sur la prospérité des effets publics; et pourtant M. de Batz me
condamne impérieusement à cette dure obligation , car il m’assure
que j’étois , dans ce sens , d’une obstinai ion qui le désoloit.
Cependant , recourons à quelques indices ; voyons ce que
dit ma lettre , et ce qu’indique le cours des effets publics.
Le cours des effets publics coté dans les journaux , atteste
qu’ils n’ont pas cessé de baisser depuis le commencement de
l’assemblée, jusqu’au 27 m ars, époque à laquelle M. de Balz a
terminé mon opération , et (pie depuis cette époque ils o»t égale
ment baissé.
Maintenant , voyons ma lettre ; elle dit : I l y a plus d’ un mois
4
�que le dépôt n'est bon à rien. Si ma lettre signifie quelque chose ,
et si je parle ici du dépôt de mon argent, il est clair que ma volonté
étoit de jouera la baisse; car pendant ce mois d’inutilité dont je
me plains , les eflels avoient tellement baissé , que le dépôt
employé comme M. de Batz l’a fait le jour même de ma lettre ,
c’est-à-dire à la hausse , auroit été entièrement perdu et fort audelà. A moins que M. de Batz ne prétende que je me plaignois
de ne pas avoir déjà perdu mon argent, il (luit qu’il convienne que
nia lettre dit clairement que je voulois jouer à la baisse.
Cependant c’est dans ces circonstances , et autorisé , d it-il, par
cette lettre, que M. de Batz m’a fait spéculateur à la hausse : c’est
ainsi que mon ami a dirigé mon agent de change dans ma spé
culation.
B.
Frondcville.
5 février.
Nous allons voir à présent la plus curieuse des pièces de M. de
Batz : en voici la copie figurée :
B» Note générale (1).
I.
C.
Achats et
marchés (troncs
payables fin mais
prochain Gie.
» 11 est convenu avec M. Chabauel qu’aujourd’hui 5 février
» 1 790 , il achètera.
B.
« i°. Les 2/jo billets de m 5 millions , qui lui sont offerts à 10
» pour cent perte lin de mars ; 20. les 5 o actions des Indes , qu’il
j) croit avoir pour la môme époque, à io 3oliv.
I.
» Que le tout demeurera entre nous; qucM .de Frondcville sera
(1) Comme ccttc pièce est composée de trois ccritu rcs, savoir : d’ une
periture inconnue,
de l’écriture de M . de B a tz , et de celle de d ia b a tic i,
j ’ indiquerai par la lettre I , l’écriture inconnue, par la lettre B , récriture de
M. de B a tz , et par la lettre C , l ’écriture de Chabauel.
�27
» connu (le nom seulem ent, et que M. Chabancl sera seul en
» nom vu la garantie.
I.
» En cas de bénéfice , Chabanel ne revendra pas sans ordre ;
» en cas de perte approchant de i 5 ,ooo liv. il pourra vendre sans
» ordre , à moins de surcroît de garantie.
J e n’ai jamais pu obtenir de M . de Batz la communication de
cette pièce par la voiedu greffe, quoique jel’enaye sommé plusieurs
fois : il ne m’a permis de la voir que devant les arbitres où. il me
l’a mise sous la gorge ; ne l’ayant jamais vue , il m’a pris au
dépourvu , et je n’ai à peu - près su qu’y répondre ; au reste
M. de Batz avoit traité sou défenseur et son avoué avec la môme
réserve , car les arbitres ont pris la peine de constater que
M. Tripier et M. Elouiu n’avoient jamais vu la pièce à cette
époque ;
M. de Batz a produit cette pièce pour prouver qu’en consé
quence de ma lettre du 5 février , il avoit donné des ordres à
Chabancl , et qu’en conséquence des conventions faites dans
cette pièce avec Chabanel , il avoit donné ordre de terminer
l’opération le 27 mars , parce qu’à cette époque les i 5 }ooo liv.
étaient perdues ; M. de Batz ajoutait à cela une lettre de Chabanel ,
du 27 mars (1 ) , qui d it , en effet, que mon opération est terminée
(1) Voici cette lettre adressée à M. de Batz : # M . j ’ai fini d’après vos
» ordres et heureusement avant la bourse ; votre ami n’a au-delà des if»,ooo
» liv. rpie 47 liv. eu tout de perte , cpic je remets volontiers sur mon droit ;
» je regrette seulement qu’il se soit obstiné dans le mauvais sens.
» Tous les jo u rs, comme vous le désirez } je serai à ses ordres pour tous
» détails qu’il souhaitera.
» J ’ai l ' ho n n e u r , etc.
S ign e,
C ha b an e l .
» P a r is , 37 mars 1790.
» lin me donnant son jour et h eu re, M . de l'rondcville voudra bien nie
« prévenir la veille. »
C.
convenu D. C.
�I
38
et mon argent perdu ; il me renvoyoit , d’ailleurs , aux papiers
publics du teins , pour vérifier le cours des effets , et m’assurer de
l’exactitude de ses calculs , si j’en ëtois curieux ; c’est ainsi que
M. de Batz me donnoit mou compte.
Mais je ne l’acceptai point , et devant les arbitres , j’attaquai la
p ièce; je soutins qu’elle portoit les caractères d’une machination
préparée pour la circonstance.
J e soutins d’abord que le second émargement qui s’exprime au
pluriel en ces termes : achats et marchés ferm es, et la signature
abrégée de l’agent de change , et apposée eh marge de l’acte , fai
saient voir que c’étoient des papiers préparés d’avance par C habancl pour la plus prompte expédition des affaires de bourse ; qu’il
les donnoit en cet état à ses cliens pour les remplir des ordres
qu’ils vouloient lui donner; que M. de Batz, en sa qualité de
client de C habanel, en avoit à sa disposition, et qu’il avoit rempli
et fait remplir un de ces papiers de ce qu’il avoit' cru propre à me
convaincre d’une opération pour mon compte :
La différence des encres (i) étant visib le, elle ne fut point
contestée , et me fournit le raisonnement qui va suivre.
demandai à M. de Batz si la pièce composée de l’écriture de
trois personnes, avoit été écrite par chacune d’elles dans le même
lieu ou séparément ?
Je
M. de Batz répondit qu’il ne s’en souvenoit pas :
Je soutins alors que la pièce n’avoit pas été signée dans le même
lie il , parce qu’à moins de supposer deux sortes d’encres dans le
même bureau , et deux personnes trempant leur plume dans
( i) L Y crilu rc de l'inconnu qui a écrit le corps de l’acte est d’ une encic pâle
et vieillie ; l’écrilure de M . de Batz est d’une cncrc vive comme si elle sortoit
du coruct.
�29
deux cornets différons pour écrire un même acte , il falloit
tenir pour certain que l’acte avoit été é c rit, M. de Batz dans une
maison et Chabanel dans une autre.
Ce fait étant posé , et je puis dire convenu , j’en tirai la consé
quence que l’acte n’a pas pu être fait le 5 février, et qu'il porte
certainement une date fausse. J e le p rouvai, ainsi qu’il suit.
M. de Batz dit que c’est en conséquence de ma lettre du 5 fé
vrier , qu’il a donné ordre à Chabanel d’acheter le même jour des
effets pour moi.
Cet ordre écrit dans la pièce que je discute , contient plusieurs
conditions dont il a fallu convenir.
Etant demeuré constant que l’acte n’a pu avoir lieu qu’entre
M. de Batz et Chabanel séparés, il a fallu que les conditions ayent
été proposées et convenues par la voie de la correspondance ; par
exem ple, l’acte porte que les 240 billets des 1 25 militons sont'
offerts à 10 pour 100 perte ; pour que M. de Batz l’ait su, il a fallu
que Chabanel le lui écrive ; il en est de môme des autres conditions.
Maintenant, pour savoir si l’acte a pu ctre fait le 5 février, il
faut savoir tout ce qu’il y a eu h faire pour cela avant midi , car la
bourse commençoit à cette heure avant la révolution.
11 a fallu d’abord que M . de Batz m’écrivit, et que je lui
répondisse ; M. de Batz et m oi, nous étions gens du monde , et la
correspondance entre nous ne pouvoit guères être matinale ;
d’ailleurs , ina lettre porte que j e sortois déjà pour affaires :
j ’étois habillé , l’heure étoit donc avancée; il a fallu qu’après la
lecture de ma lettre , M. de Batz écrivît à Chabanel ; il a fallu
que Chabanel répondit et mandât à M. de Batz qu’on lui offrait
240 billets des 125 millions à 1 o pour 100 , perte, et qu 'il croyoit
pouvoir acheter 5 o actions des Indes à 1020 liv. 11 a fallu que
M. de Batz répondit que cela lui couvenoit, et qù’il ordonnât
�3o
d’écrire la convention , et de la lui envoyer pour la remplir de la
portion de son écriture qu’elle contient; il a fallu que M. de Batz ,
après avoir fait sa portion d’écrilure, renvoyât l’acte à Chabanel
pour le signer; il a fallu enfin que Chabanel renvoyât l’acte à
M. de Batz pour qu’il le garde.
11 y a sept courses à faire et sept fois à écrire dans cette négo
ciation pour la supposer ainsi ; les distances à Paris sont longues ;
M. de Batz deineuroit dans la rue de Ménars . et moi dans la rue
du Bacq ; la convention se faisoit entre RI. de Batz et un agent de
change qui sûrement avoit plus d’une affaire, et d’une autre
importance que celle-là; ce qui fait qu’il est diflicile de supposer
qu’il soit resté tout exprès chez lui pour recevoir les lettres de
M. de Batz et y répondre. Cependant il a fallu que tout cela ait
lieu avant midi : cela 11e sera cru par personne ; l’acte est faux dans
sa date. M. de Batz a fait pour celui-ci ce qu’il a fait pour l’acte de
dépôt ; il a voulu que toutes mes commissions fussent faites le jour
même où je les lui ai données. Que de religion !
L ’acte du 5 février , porte encore cette autre condition : M . de
Frondeville sera connu de nous seulement. Cela 11’est-il pas
visible 7 E t depuis quand met-on eu convention une loi expresse?
T,a loi de l’incognito des spéculateurs , est une loi nécessaire de
la bourse; car autrement, les trois-quarts du teins , il n’y auroit
qu’un avis sur la place, et les agens de change n’auroient pas
line opération à faire ; par exemple , qu’on se ligure le cas où
un agent de change diroit qu’il demande à acheter des effets ,
pour en qu’on appelle un liomine bien instruit ; aussitôt il
ij’y iuiroit plus que des acheteurs sur la place.
Cependant M. de Batz n’est pas absurde; ce n’est pas là sondéfaut,
et s’il a mis là celle cheville , c’est qu’il avoit un trou ¿1 boucher.
Une chose me frap pe; la convention du 5 février, dit bien
�3t
que Cliabanel achelera des effets; mais elle ne dit point pour
le compte de q u i, et cependant si ce devoit être pour le mien ,
il me semble que le bon sens v e u t, qu’à la suite de ces mots , il
est convenu que Cliabanel achètera, on ajoutât ceux-ci — pour
le compte de M. de Frondeville— mais on ne l’a pas fait, et il
est dit simplement : il est convenu que Cliabanel achètera .-en
suite vient l’écriture de M. de Batz , qui désigne les effets à
acheter; de sorte que , jusqu’à la curieuse convention de mon
incognito , mon nom n’a point encore paru dans l'acte , et il est
pour tout autre que pour moi. Ne semble-t-il pas que cette con
vention ridicule n’a été imaginée et placée là , que pour avoir
un prétexte de me nommer et m’approprier après coup ce qui
ne m’appartenoit pas d’abord ?
En examinant l’acte , il parolt visible qu’on avoil laissé en
l’écrivant, un intervalle en b la n c , où M. de Batz a mis la
portion d’écriture qui lui appartient dans le corps de l’acte.
C’est précisément à la suite de cette portion d’écriture de
M . de Batz, que vient la convention de mon incognito ; mais
pour peu qu’on eût laissé l’intervalle en blanc un peu large, il
s’y trouve tout de suite de la place pour bien des choses , et
avec un peu d’imagination on a bientôt fait tout ce qu’on veut
d’un acte , où on a fait laisser pour sa commodité un intervalle
en blanc.
Au reste, je suis dans cette affaire comme au spectacle
d’O livier; je sais bien que ce sont des tours, mais je ne les de
vine pas tous.
Cependant, je crois que ce que je viens de dire, fuit assez com
prendre la difficulté qui m’embarasse : je la propose à M, de
Batz.
�3a
La dernière convention de l’acte du 5 février , est celle qui
fait mieux valoir tout l’éclat dont il brille.
Mais de cette fois, je ne proposerai point la difficulté à ré
soudre à M. de Batz; je vais m’en charger moi-même.
Pour bien comprendre, il faut se rappeler qu’il est dit que
les 240 billets des 125 millions et les 5 o actions des Indes, se
ront achetés le 5 février, payables fin m a is , ce qui donne à
ma spéculation , une durée de deux mois.
M aintenant, voici la dernière
parler.
convention dont je
veux
E n cas de bénéfice, Chabanel ne vendra pas sans ordre;
en cas de p erte, approchant de i 5 ,ooo liv. , il pourra vendre
sans ordre, à moins d’un surcroit de garantie
J e dis qu’en supposant l’acte v r a i, en se persuadant qu’il a
été (ait le 5 février 17 9 0 , je dis qu’avec les conventions que
M . de Batz y a faites pour moi, pour son a m i , il y avoit au
moins mille à parier contre un , que mon argent scroit perdu.
S i cela est , dans quelle poche est mon argent? J e le demande;
mais cela s’apptlle-t-il de l’argent gagné ?
Chabanel est autorisé à revendre mes effets , dès que la perte
approchera de mes i 5 ,ooo liv.! Ainsi, pourvu que dans les cin
quante-six jours pendant lesquels ma spéculation devoit cou
rir ( 1) ; pourvu qu’un seul jour ( fùl-ce le lendemain de l'ouver
ture , c’est-à-dire le 6 février) mes effets obtinssent une perle
(1) Depuis le 5 février jusqu’à la fin de m a rs, car M . de Datz me donne
ainsi les époques de l’ouverture cl de la clôture.
�d’à-peu-près i 5 ,ooo 1Σ ., c’en étoit fait de mon argent, il étoit
perdu sans retour:
'
J e dis sans retour, et je le dis sans possibilité de contradic
tion , car mes effets ayant une seule fois perdu à-peu-près
i 5 ,ooo liv ., 011 auroit arrêté mou compte du jour où cette perle
auroit eu lieu ; et ils auroient eu beau regagner cent mille écus
jusqu’à la lin de m ars, ce n’étoit plus pour moi : et pourquoi?
C ’est que l’agent de change avoit , par les conventions faites , la
faculté de revendre dès que la perte approcheroit de i 5 ,ooo liv. ;
et si j’avois voulu nie plaindre, l’agent de change(3), couvert de sa
convention , m’auroit dit : J ’élois autorisé à revendre , si la perte
approchoit de i 5 ,ooo liv. ; le cas a eu lie u , voyez le cours des
effets dans les journaux : je suis en règle, et je ue vous dois rien.
Ainsi la longue durée donnée à la spéculation , qui est toujours
tin grand avantage pour les autres , ici étoit funeste pour m oi,
puisque plus on la prolongeoit et plus on avoit de chances pour ob
tenir le jour de la perte: enfin, sur les cinquante-six jours que
devoit durer mas peculation ^ il pouvoit arriver que je gagnasse
cinquante-cinq , et pourtant que je perdisse tout mon argent ; c a r,
qu’on place le jour qui reste , n’importe eu quel ordre , dans les
cinquante-cinq, et qu’on suppose que ce jour, la perte à appro
ché de i 5 ,ooo liv., j’avois p erdu, puisque , d’après la conven
tion, mon compte pouvoit toujours être arrêté et daté du
jour de li perte. Il résulte de ceci, que mon directeur, M. de
Batz , me faisoit parier cinquante-cinq contre un.
Mais la proportion étoit bien pire ; pour comprendre à quel
(a) Pour me p l a i n d r e , il a u r o i l fa llu s a v o i r quelque c h o s e ; et c o m m e je
n’ ai ja m a is stf un m o t <lc to u t C e la, ori v o it q a e M . de B a t z a v o it v o u l u s’ e v it c c
m ê m e ce tte i n c o m i n o J i l c.
�34
point ce jeu étoit sur pour M. de B atz, il faut savoir d’abord,
que le prix des effets qu’il avoit fait acheter, dit-il, pour moi ,
le 5 février, éloit de 267,000 liv. ; or en cinquante-six jours il
est assez commun , que 267000 liv. d’effets de bourse, subissent
une perte de i 5 ,ooo liv. Dans les terns ordinaires, M. de Batz
avoit déjà une belle chance.
Mais nous n’étions pas dans des tems ordinaires ; depuis le com
mencement de la révolution les effets se déprécioient sans in
t e r r u p t i o n et sans espoir de m ieux; c a r , les circonstances qui
influoient sur eux s’aggravoient au lieu de diminuer.
M. de Batz , en commençant ma spéculation le 5 février ,
avuit donc bien beau je u , et c’eût été bien le diable, si en se
donnant deux mois de marge , il n’eût pas trouvé un jour de
perte , approchant de 1 5 ,000 liv ., sur des effets qui se déprécioient
constamment, depuis neuf ou dix mois, par des motifs qui ne
faisoient que s’aggraver.
J ’ai montré (pie M. de Batz m’a voit fait jouer cinquante-cinq
contre un , d’après le calcul mathématique ; maintenant qu’on
multiplie ce calcul par les preuves morales de la dégradation iné
v i t a b l e des effets publics, et l'on verra que je n’ai pas eu tort de
dire qu’il 111’avoit fait jouer mille contre un.
Mais qu’elles éloient mes chances pour gagner ? J e dis un
conlre m ille, et je me trompe encore; car, si par un pro
dige, nies (jjets avoient gagné au lieu de perdre; comment et
à qui aurois-je demandé mon gain? J e n’avois ni l’acte de dé
pôt , ni la convention du 5 février; toutes ces pièces sont et ont
toujours été entre les mains de M. de Batz ; je lui ai demaudé
itérativement 111011 argent depuis J790 jusqu’à présent, et jamais
il ne m’a seulement laissé soupçonner l'existence de ces pièces,
dont il avoit les poches pleines.
�35
A présent je propose une question. M. de Batz a soutenu
dans sou interrogatoire, que tout étoil convenu avec moi j
Croit-on" que je sois convenu de spéculer ainsi ?
J ’ai dit partout que je n’avois rien su :
Croit-on que j’aye su que M. de Batz faisoit ainsi mes affaires?.
La convention du 5 février, m’a appris que M. de Batz avoit
fait acheter, dit-il , pour mon compte, des effets publics, pour
la somme de 267,000 liv.
J e voudrois bien savoir qui a autorisé M. de Batz à em
ployer pour moi cette somme : la phrase commune , tout a été
convenu avec M . de F ron deville, ne suffit pas ici ; il y a des
actes ; j’invoque à mon to u r, ceux de M. de Batz; tant pis pour
lui s’il les a mal faits.
L ’acte de dépôt de Chabanel, au moyen duquel M. de Batz a
construit sou ingénieux système de spécula loin , porte cette
clause.
Pour garantie de négociations dont je me suis chargé pour
/e compte du déposant, dont.................................. 10,000 liv. eu
125 millions,
E t................................................................................. 5 ,ooo liv. en
actions des Indes ou d’assurances.
16,000 liv.
Si j’entends bien le français , cela veut dire que Cliabanel
devoit acheter ou vendre pour m o i, des billets de l'emprunt de
125 millions, et des actions des Indes , jusqu’à la concurrence de
i 5, 000 liv. Cela , me semble , est clair pour tout le monde.
De quelle autorité M. de Batz a-t-il fait monter 1achat fait pour
mon compte , à 267,000 liv. Où est mon mandat ? où est lactc
�5G
de ma volonté qui détruit cette condition passée entre moi , ( je
■veux dire mon Sosie) , et mon agent de change.
Ce n’est pas ma lettre du 5 février ; M. de Batz y trouve to u t,
excepté cela.
J e cçuseille à RI. de Batz de rctournerses poches ; peut-être y
trouvera t-il quelque vieux papier bien loyal , comme les autres ,
qui levera cette difficulté; elle en vaut la p ein e, car lorsqu’on
perd largent des gens , il 11e faut pas grossir le mémoire , autre
ment cela 11e s’appelle plus de l’argent perdu (1) :
La différence eu vaut la peine aussi ; car si mon conseil avoit
fait ç-xécuter fidellement mon acte de dép ôt, par mon agent de
change , je n’aurais perdu à peu-prés que le dix-huitième de mes
1 5,000 liv.
On vient d’entendre les réflexions que chacune des pièces de
M. de Batz m’a fournies dans l’instruction de ce procès ; je vais eu
faire une dernière sur l’ensemble de ces pièces ; elle est frappante ,
et seule elle feroit tomber le masque de M. de Batz.
M. de RaU a fait , ¿1 P aris, avec un tiers, divers actes concernant
ma propriété ,au point qu’une perte totale s’en est suivie ; j’étois à
l ’aiis , vivant la moitié du jour sous le même toit que M. de Batz ,
'et l’on ne me voit pas une fois présent à ces actes ; 011 m’y nomme,
mais je suis absent ; 011 fait des couvenvçm tons pour.m oi, et je ne
les ratifie pas ; pourtant j’é.tois-là , je n’étois infirme ni de corps ,
ni d’esprit ; si j’avais besoin d’un directeur , je n’avais pas besoin
d’un curateur ; je ne vois pour M. de Batz qu’un bon moyen d’ex-
( 1 ) Cette objection n’a point etc proposée devant M M . les arbitres ; j ’avoue
que je ne m’élois jamais apperçu de cette licence de M . de Ilalz ; c’est en
rclléchissant sur le m otif qu’il avoit pu avoir de tronquer l’actc de dépôt i
l’en droit où. il porte cette clau se, que cela m’a sauté aux yeu x.
�plicjuer.ma nnlliité, c’est que sachant que l’opérération seroit dure
pour moi , il a voulu m’opérer sans mal ni douleur.
Pour compléter la mistifieation , M. de Batz s’est laisse' demander
par moi mon argent à différentes reprises , sans jamais tirer de
sa poche, et même sans me les faire soupçonner par un seul m o t,
toutes ces pièces précieuses (t).
Tout cela prouve que M. de Batz est un homme qui agit beau
coup et parle p eu , mais je défie que cela prouve qu’il garde à
bon droit mon argent.
Pour terminer sur le procès jugé par les arbitres ; il me reste à
( i ) M . de Batz d i t , dans son m ém oire, que je suis reste avec lui pendant
deux ans a l’assemblée constituante, sans lui demander mon argent; et il conclut»
d’après l’adage , qui ne dit mot consent, que j ’ai ratifié tout ce qu’il a fait ;
mais M . de Batz commet encore une faute d’attention ; d’a b o rd , depuis la
dernière demande que je lui ai faite de mon a rg e n t, en 1 79 0, je ne suis resté à
l ’assemblée avec l u i , qu’ un an à-peu-près et non deux. ; de plus , M . de Batz
i îe dit pas qu’il est convenu , devant les arbitres-, que je luiavois demandé mon
argent plusieurs fois en 1790 , que je lui ai écrit en l’an G , par M . D etreuil;
pour le lui faire dem ander, et qu’ il répondit ( m’a rapporte M. Detreuil ) que
s’ il ine devoit , c’étoit à la nation qu’ il devoit payer ; enfin , M . de Batz dis
simule , qu’à peine revenu îi P a r is , je lui ai demandé mon arg e n t , et me suis
occupé de me le faire restituer :
11 est vrai que je n’ai point attaqué M . de Batz pendant le tems de l’asscmb’ée
qtli s’est écoulé depuis la dernière demande, que je lui ai faite de mon argent ;
mais l’assembléee ût elle duré dix ans , je ne l’aurois point attaqué pendant sa
durée ; je pouvois alors faire le sacrifice de i 5,ooo liv. à ma situation politique,
et aimer m ieux les attendre que de donner le scandale d’une telle discussion
entre deux gens que les circonstances de la révolution avoient montres jusqucs-là étroitement unis ;
Mais j’ai conservé le billet de M . de Batz , et je ne connois ni lo i, ni principe
d ’ où il résulte que le créancier infirme son titre , parce qu’il diffère d ’attaquer
Bon débiteur.
�38
dire un mot des clameurs de M. de Batz à l’occasion de la ma
nière dont je l’ai traduit devant les tribunaux.
J e l’ai assigné à son dernier domicile connu ; c’est là ce qui le
fâche ; et il a raison de ne pas aimer qu’on aille-là savoir de ses
nouvelles , car on y parle de lui en fort mauvais termes.
J e l ai assigné là , parce qu’à cette époque , il avoit à ses ordres
une phantasmagorie de domiciles dont il jouoit à faire le plus
grand plaisir à ceux qui aiment les déceptions (i).
11 faut considérer deux hommes dans M. de Batz ; un homme
qui a de très belles propriétés au soleil, et un pauvre diable qui n’a
rien à lui sous le soleil ; un homme qui donne de très-bons dinés
à ses amis dans une très-bonne maison où il réside ,et un homme
qui n’est domicilié nulle part ; enfin M. de Batz a des résidences et
point de domicile , et M. de Batz a de très - belles terres qui sont
sous des prête-noms.
Un tel homme n’est pas du tout commode pour ses créanciers j
je l’éprouvai lorsque je voulus le traduire en justice : je l’ai éprouvé
même depuis ; car lui ayant fait signifier à personne la sentence
dont il se plaint si h a u t, mon huissier le trouva rue de Buffaut où
il résidoit alors ; et l’ayant sommé de déclarer son domicile , il
déclara qu’il étoit rue des Noyers ; d’où je conclus que si je Pavois
fait assigner rue des Noyers , il auroit répondu qu’il avoit sou
domicile rue de Buffaut.
( i ) Je crois que c’est moi qui ai eu l’Iionncur de fixer le premier un domicile
ù M. de Hatz ; je m’en flatte , parce que souvent on vient à moi pour savoir,
non son adresse, connue de tout le monde , niais son domicile ; car il y a bien
quelques gens
par
le monde à qui M. de Batz fait des comptes comme à moi»
mais q u i , comme m o i , ne s’gn contcuteut pas.
�5g
A u reste, mon défenseur fera voir à M. de Batz , que ce n’est
point pour le surprendre que je l’ai assigné rue des Filles SaintThomas ; je suis même persuadé qu’ il finira par me savoir gré de
lui avoir fixé un domicile , parce qu’enfin j’en ai fait un homme
comme tout le monde.
M. de Batz a voulu que je lui parle en détail de l’instruction
du procès jugé ; je viens de le satisfaire ;
J e vais à présent parler du procès à juger : voici la sentence
arbitrale ;
« Considérant premièrement, que le billet du sienr de Batz,
» dont le sieur de Frondeville est porteur, constitue ledit sieur
» de Batz responsable et comptable envers le sieur de Fronde» ville , de la somme de i 5 ,ooo liv. ;
»
»>
«
»
» Secondem ent, que les renseiguemens et documens , fournis
par le sieur de Batz , n’établissent pas suffisamment le compte
de cet em ploi, lequel ne peut résulter que des comptes d’achat et de revente de l’agent de change chargé de la négociation qui devoit faire l’objet de cet emploi ;
»
.
»
>■
»
» Nous disons que le sieur de Batz sera tenu , dans le délai
d’ un mois , de rapporter la preuve pa r bordereaux et comptes
de l ’agent de change, ou résultant des livres et registres
de Vagent de change qui a été chargé de la négociation, que
par le résultat de ladite négociation, ladite somme de i5,ooo
u liv. a été absorbée ; sinon etfa u te de ce Ja ir e dans ledit d élai,
» en vertu du présent jugement } et sans qu’ il en soit besoin
» d’ autre ,
» D ison s, dès-à-présent, que ledit s ie u r de Batz sera tenu
» de payer audit sieur de Frondeville , lad. somme de i 5 ,ooo liv.
» et les intérêts , à compter du jo u r de la dem ande, et qu’ à cet
�h effe t, le jugement dont est appel sera exécu té selon sa form e
» et teneur ; au premier c a s , dépens réservés ; au second cas ,
» le sieur de Batz condamné envers le sieur de Frondeville en
» tous les dépéris de la cause d ’appel et coût du présent
» jugement. »
Voilà ie jugement que M. de Batz qualifie de vicieux , en puni
tion de quoi , dans la signification qu’il m’a faite , il révoque les
arbitres et leur retire sa confiauce.
J e pense, au contraire, que le jugement est d’une grande
indulgence, car leplan de spoliation méditée est si bien établi par
les pièces même de M. de Batz, qu’il pou voit être condamné sans
scrupule et sans délai.
Ce n’est qu’à l’extrême délicatesse des arbitres , qu’il doit
d’avoir obtenu un ré p it, et la faculté de se défendre encore par des
pièces authentiques et légales.
. Les arbitres ont vu que toutes les pièces de M. de Batz témoignent
qu’il y a eu une spéculation sous mon nom ; mais ou examine
deux choses dans un témoin , ce qu’il dit et ce qu’il est; et lorsque
les arbitres ont examiné les témoins de M. de Batz, sous ces deux
rapports , ils n’ont pas trouvé tout à fait autant de perfection
dans leur moralité que dans leurs dépositions.
C’est vraisemblablement ce qui les a déterminés à condamner
M. de Batz à eu fournir de meilleur a lo i, s’il en a.
Les arbitres ont donc fait tout ce qu’on pouvoit attendre de la
plus saine équité , et tout ce que M. de Batz pouvoit espérer de leur
indulgence.
La stricte justice auroit peut être voulu que M. de Bat?., faute
de présenter les pièces de comptabité indispensables en matière
de spéculation , fût condamne sur-le-champ.
�4i
M. de Batz forcé <le sesonmetlre au jugem ent, m’a signifié une
pièce qu’il prétend satisfaire à la sentence arbitrale ;
Cette pièce est'intitulée comme il suit :
» B ref état des comptes du sieur Chabanel soussigné , re« connus par le sieur Devaux , pour M. le baron de Batz, avec
» les pièces justificatives remises sous la récépissé du sieur
» Devaux. »
Tiennent ensuite cinq diiférens articles de compte. Le sixième
est celui que M. de Batz me donne pour un bordereau de
l ’opération soi - disant faite pour moi j il est conçu comme il
suit :
G°. « Remis pareillement c i- jo in t , les achats faits le 5 fé» vrier dernier, de deux cent quarante billets de l’emprunt de
»3 cent vingt-cinq millions à dix pour cent perte et de cinquante
» actions des Indes à 1020 liv ., pour compte de M. de Fronde» ville, ordre de M . de B a tz , le tout payable fin mars dernier,
» liquidé ordre idem le 27 , savoir : les deux cent quarante
» billets à un quart un huitième p erte, et les cinquante idem
» à g 3 o liv . sans autre droit qu’un huitième sur ces 517,600 liv .,
» ce qui donne en sus des i 5 ,ooo l i v ., reçues par le soussigné,
» une perte de 47 liv. par lui remise sur son droit. "»
Pour qu’on puisse comparer la pièce que produit M. de Batz
avec celles qu’il est condamné à produire , je vais copier tout
de suite la partie du jugement qui désigne les pièces à la pro
duction desquelles il condamne M. de Batz : la voici :
« Que le sieur de Batz sera tenu de rapporter la preuve par
>1 bordereaux et comptes de l’agent de change, ou résultant des
» livres et registres dudit agent de change qui a été chargé de la
» négociation ».
G
/
�42
M. de Balz donne aussi copie de ce dispositif, mais il le déguise
et l’allère pour sa plus grande commodité. Dame nature est trèsopiniâtre chez M . de Batz.
Ceci va ressembler un peu à la dispute de Figaro. M. de Batz
copie — P a r bordereaux pu comptes,— E tle jugement dit — P ar
bordereaux et comptes. M. de Batz copie — Bordereaux et
comptes tout c o u rt, et le jugement dit — Bordereaux et comptes
de l ’agent de change ou résultant des livres et registres dudit
agent de change.
M. de Batz n’a point de Bordereaux , et il croit avoir des comp
tes ; il n’est pas étonnant qu’il copie de manière à laisser croire
que le jugement lui a laissé le choix.
A vant d’entrer dans la courte discussion qu’exige la question
simple et claire qui est soumise à la Cour d’app el, il faut que je
donne encore la copie d’un acte que les arbitres avoient sous les
yeux lorsqu’ils ont prononcé : c’est le certificat des sindics des
agens du change de Paris ; le voici :
<( Déclarons que notre avis est que Pierre ne peut exiger de
» Paul le paiement d’une perte sur les effets publics , sans justifier
« au moins des bordereaux d'achat et de 'vente de l’agent de
» change qui a opéré ».
M. de Batz m’a fait signifier, encore par surabondance , d it-il,
ie ne sais trop q u o i, car il est impossible de donner un nom à ce
qu’on n’a vu ni en original, ni en copie.
11 dit que c’cst un compte général qui paroil être signé de lui
et de Clmbanel ; je ne sais s’il y a quelque finesse la dessous ; je
n’en parlerai point p arla raison qu’on ne peut parler de ce qu’on
ne conuolt pas , et M. de Batz voudra bien n’en pas parler davan
tage , jusqu’à ce qu’il m’ait appris convenablement ce que c’est.
�43
J e n’ai donc à examiner que le compte s o i - disant rendu par
Chabancl à Devaux : je dis soi-disant , car je n’ai jamais plus
connu rccriturc que le visage de ces gens là ; ce que j’en sais , et ^
ce n’est pas rassurant, c’est que ce compte est de la même écriture
que l’aimable convention du 5 février , et ni la convention , ni le
compte ne sont de l’écriture que M. de Batz attribue à Chabanel : ils sont de la main d’un inconnu.
Maintenant posons la question.
M, de Bat* produit-il des bordereaux et comptes de l’ agent de
change , ou résultant des livres et registres de l’ agent de
change ?
Que produit M. de Batz? Un compte qu’il dit avoir été remis
par Chabanel à un sieur D evaux, qu’il dit avoir été son secrétaire.
Ce que M. de Batz appelle un com pte, n’en est pas même un ; ce
n’est qu’un projet de compte proposé par Chabanel j il n’est
arrêté ni par M. de Batz , ni par Devaux , et dans l’état où il e st,
il laisse à M. de Batz l’intégrité de ses actions contre Chabanel
pour chaque article qu’il renferme.
M . de Batz veut donc que j’accepte de lui en paiement un
compte qu’il n’a pas accepté lui-même ; cela est absurde.
Mais le compte seroit accepté par M. de Batz , qu’il ne seroit
pas acceptable pour moi.
M. de Batz, dans ce procès, a toujours voulu me faire dépendre
de scs actes privés avec un tiers , auxquels il ne m’a jamais appçlé
quoiqu’il y disposât de ma propriété ; il persiste dans ce systèm e,
mais il oublie que ce système est jugé et proscrit.
M. de Batz n’entend pas du tout sa position par rapport à m o i,
il faut la lui faire comprendre.
M. de Batz a fa it , dit-il , opérer Chabancl pour mon compte
�44
Jan s une opération déboursé ; Chabanel a donc opéi-é pour moi
en qualité d’homme public ; eu ce cas M. de Batz ne peut pas me
rendre un compte avec des actes privés ; il me faut les pièces de
comptabilité usitées en pareil cas ; l’avis des sindics des agens de
change de Paris , a décidé de quelle nature sont ces pièces : ce
sont des borderaux de vente et d’achat; c’est aussi ce que le juge
ment a littéralement prononcé.
M. de Batz traite avec uu satyrique mépris ces malheureux
bordereaux : le renard trouvoit aussi le raisin trop vert.
Le mépris de M. de Batz est injuste ; les bordereaux sont
très-utiles au public; et pourquoi? C’est que ce sont les seules
pièces de comptabilité susceptibles d’une vérification satisfai
s a n t e pour celui qui négocie sur la bourse, tandis qu’un compte
privé ne l’est pas.
Qu’on retranche des obligations des agens de chan ge, celle
de donner à leurs cliens des borderaux copiés de leurs registres,
c l qu’on suppose qu’ils seront crus sur un dire tiré d’une lettre
ou d’un espèce de compte particulier ; il en résultera que le
commerce sera à la merci de ces officiers publics ;
Mais il n’ en est pas ainsi avec des bordereaux : car, le bor
dereau est toujous énonciatif d’un fait qui exclut la fraude.
Le bordereau doit être énonciatif ; d’abord du prix , de la
q u a n t i t é de la somme employée et du terme du m arché; mais
cela ne suffit pas ; car à ces conditions seulem ent, la fraude
seroit encore très-facile ; en e ffe t, il y a quelquefois dix cours
dans uuc bourse , ce qui fait que l’agent de change, après avoir
acheté à un prix un effet, pourroit choisir un autre prix
pour le porter en compte à son client ; et dire à ce dernier cc
tjue me dit aujourd’hui M. de Batz : — Voilà le prix auquel j’ai
�45
*•
»
•
acheté et le prix auquel j’ai vendu ; allez voir les gazettes ott
les cours sont cotés , et si ceux-là n’y sont pas , c’est moi qui
ai tort.
Cette manière de compter est commode , mais la bourse seroit
un bois , si elle étoit admise.
11 n’en est pas ainsi avec des bordereaux. Les bordereaux portent
toujours le nom de l’agent de change avec lequel le marché a été
passé, ce qui fait qu’un client pdurroit , au besoin , non-seulement
vérifier les registres de son agent de change , mais aussi ceux de
l’agent de change avec lequel le bordereau énonce que le marché
a été fait.
Les bordereaux ont encore ce caractère qui leur est propre ;
qu’ils fixent tout ce qui s’est passé au moment de l’opération , parce
qu’ils sont le relevé du carnet ( i ) , qui est lui-même la base de la
composition des livres et registres de l’agent de change.
Les bordereaux sont donc la pièce de sûreté publique , et conséquemment la seule avec laquelle un agent de change doit et peut
compter avec son client.
Dès que les arbitres ont eu reconnu M . de Batz responsable et
comptable envers m o i, d’après son billet qui le constitue t e l, ils
se sont imposés a eux-mêmes l’obligation de le condamner à payer
ou à compter régulièrement avec moi j or , qu’est-ce que c’est que
de compter régulièrement d’une somme que l’on dit avoir employée
et perdue dans une opération de bourse pour le compte d’un tiers ?
C’est de fournir à ce tiers les pièces de comptabilité de cette opéra
tion. Ces pièces ne pouvant être que des bordereaux authentiques ,
(1) Carnet est le nom d’un petit journal sur lequel les agens de cliange'ecriYcnt leurs opérations sur le parquet de la bourse à l ’instaut qu’elles «ont faites.
�40
les arbitres ont condamné M. de Batz à représenter des bordereaux.
M. de Batz ne peut suppléer à ces pièces que le jugement exige ,
par des pièces privées.
L e compte de Devaux qu’il présente , est beaucoup moins que
ce que les arbitres avoient sous les yeux , lorsqu’ils ont prononcé ,
car ils avoient la lettre de Chabanel , adressée directement à M.
de Batz , le jour même ou ce dernier dit avoir terminé l’opération;
ils avoient sous les yeux ces mots écrits par l’agent de change luimême : J ’ ai fin i d’ après vos ordres et heureusement avant la
bourse , votre ami ría au-delà de ses i 5,ooo liv ., que 47 liv. en
tout de perle.
Malgré ce témoignage , les arbitres fidèles aux principes , et
a u ssi, peut-être , inquiets sur la moralité*des pièces de M. Batz »
l’ont condamné à compter avec les pièces de comptabilité admises
en matière de spéculation de bourse.
M. de Batz infatué de son compte de Devaux , comme il l’étoit
de ses autres pièces avant le jugem ent, croit pouvoir mettre ce
compte en place des bordereaux ; mais ce compte est remis à un
inconnu ; il n’est arrêté par personne , et c’est un misérable
chiffon en comparaison de la lettre de Chabanel qui n’a cepen
dant pu sauver M. de Batz d’une condamnation.
J ’ai enfin terminé ; il me reste à faire excuse à M. de B atz,
du désordre et de l’incorrection de ce mémoire ( 1 ) ; cependant
je vois que le fonds des choses y est.
J e suis empressé de faire au sien l’honneur qu’il mérite ; et j’ai
(1) É tan t oblige de donner à imprimer à mesure que j ’écrivois, j ’ai été privé
de revoir ce que j ’avois é c r it, ce qui est cause que j ’ai répété des choses , et
que j ’en ai oblié et transposé d’autres,
�47
pressé ma.réponse afin d’avoir pour lui le procédé qu’il n’a pas
en moi ; il m 'a signifié son mémoire vingt-quatre heures avant
l’audience , que malgré cela j’ai pourtant acceptée ; je veux qu’il
ait le mien plusieurs jours avant celle où nous serons jugés;
J ’espère qu’à force d’égards je déterminerai M. de Batz à me
rendre mon argent.
FR O N D EV 1L L E .
J e reçois à l’in slan t, enfin , la communication des pièces de
M. de Batz , moins ma lettre que je voudrois cependant .revoir ,
car elle est pour moi un objet de curiosité toujours nouveau. Cette
communication m’oblige à ajouter quelque chose à mon mémoire.
D ’abord elle m’oblige à placer encore ici la copie figurée de
la convention du 5 fé v rie r, que j’ai donnée très - imparfaite**
ment ; la voici :
�Frondeville, 5 février.
2"* R»
NOTE
GÉNÉRALE.
est convenu avec M. Chabanel qu’au
jourd’h u i, 5 février 1 7 9 0, il ach e te ra :
I
l
1 °. L e s 240 billets de 12 5 millions
qui lui sont offerts à 10 pour 100 de
perte, fin de m ars; — 2 °. les 5o ac
tions des Indes , qu il croit avoir pour
la même époque , a 1020 liv.
Que le tout demeurera entre nous; que
Achats et marchés fer- M . le président de Frondeville sera connu de
mes payables fin mars n o u s seulement, et que M . Chabanel sera seul
prochain fixe,
r
,
en nom , vu la garantie.
En cas de bénéfice, Chabanel ne revendra
pas sans ordre.
Term iné le 27 mars
perte au delà des 1 5, 000
En cas de perte approchant de 1 5 ,ooo 1.,
liv., est de 4
9 liv. et non i l pourra vendre sans ordre, à moins de surde 47 liv. comme le dit c r o i t d e g a r a n t i e
Chabanel qui en fa it
remise sur son droit.
Convenu D. C,
F in de tous comptes avec Frondeville.
1 . A lui r e m is » présence de Foucault,
.
.
. 2,600 liv.
2". Chez V e llo n i, 2 5 louis.............................................600
3 ”. S u r sa dem ande, 3 o louis........................................
7 20
4°. Id . à lui porté à l’assemblée solde de 2 5o louis. 6,000
9, 720
5"» P ayé pour lui à Dijoine , pour sa cotisation a
des frais à l’hôtel de Ju ig n es«
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Frondeville, de. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Frondeville
Subject
The topic of the resource
créances
Constituants
arbitrages
spéculation
diffusion du factum
Description
An account of the resource
Réponse de M. de Frondeville au précis de M. de Batz.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa 1789-1808
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
48 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0602
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Authezat (63021)
Rouen (76540)
Chadieu (château de)
Rights
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Domaine public
Relation
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arbitrages
constituants
Créances
diffusion du factum
spéculation
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8f3257a26465dfda8660b7e405a60148
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MEMOI RE
POUR
MM. TOURTON,R A V EL et C o m p a g n i e
;
' •,>. *- .■ ? » • .
C O N T R E
M . M O N T Z et ses P r ê t e - N o m s j
«
ou
H i s t o i r e g é n é r a l e des fraudes de M . M o n t z ;
servir a l'instruction des v i n g t - t r o i s Procès par
lui suscités à M M T our t o n R a v e l et Compagnie.
Pour
�MEMOIRE
?
Pour
MM. T O U RTON , R A V E L
et
C om pagnie;
C o n t r e M . M O N T Z et ses P
r ê t e - N oms
.
C h a q u e matière a son intérêt. L a procédure ellemême , qui le croiroit? peut offrir des détails piquans
et dignes d'attention. Il est quelquefois curieux de suivre,
dans tous ses détours , un plaideur astucieux qui veu t,
à toute force, échapper aux justes condamnations pro
noncées contre lui. En vain les tribunaux s’arment de
toute leur puissance pour le contraindre à payer. Il a
plus d’adresse que les tribunaux n’ont de force. Un moyen
lui est enlevé : mille autres jaillissent de sa féconde ima
gination. Les faux, les simulations, le s déguisemens, les
enlèvemens furtifs, et, quand la rage s’en m êle, les
destructions pleuvent de tous côtés. Les créanciers
A
�(
2
}
courent, cherchent; s’agitent. Le débiteur fuit, cache,
résiste. A qui des créanciers ou du débiteur rebelle res
tera la victoire ? Q u i, dans cette lutte scandaleuse , rem
portera, ou de la ruse, ou delà justice? 'Suffira-t-il, à
un banqueroutier, de le vouloir pour acquérir cette in
solente invulnérabilité, opprobre des lois dont elle
atteste l'impuissance, désespoir du commerce dont elle
anéantit la sécurité ?
Un tel problème, en effet, peut éveiller la curiosité
de l’observateur.
E t c’est ce problème que la conduite de M. Montz
produit aujourd’ hui aux dépens de MM. Tourton, Ravel
et compagnie.
Tout Paris sait quel est M. Montz, l’ opulence dont il
jouit, leclat qui l’environne , la dépense qu’il fait. V oi
ture brillante, mobilier somptueux, table délicate, su
perbe hôtel à la ville, maison de campagne jadis occupée
par un prince du sang royal , voluptés de toute espece,
M. Montz a tout quand il faut jouir : M. Montz n’arien
quand il faut payer.
Bien inutilement le poursuivent , depuis dix ans ,
MM. Tourton , llavel et compagnie , ses créanciers de
575,000 liv. en vertu d’arrêts souverains.
Depuis dix ans-, M. Montz se rit de leurs efforts ;
s’ amuse avec ses amis ; fait ses affaires } s’occupe de ses
plaisirs; et jette un procès à MM. Tourton, Ravel et
compagnie, à mesure que ceux-ci osent le troubler dans
sa douce vie et saisissent une de ses propriétés mobiliaires ou immobiliaires.
C ’est ainsi que sont écloses l ’ une après l’autre vingt-
�.( 3 )
trois instances de fraude, les unes déjà jugées, les autres
âguger.
> '■<
MM. Tourton, Ravel et compagnie fourniront-ils une
défense dans chaque instance? Que de redites ! E t d’ail
leurs que de frais d'impression?
Ils ont cru économique de temps pour les magistrats
et d’argent pour eux-mêmes de faire un mémoire circu
laire qui serve dé réponse à toutes.
Ge résumé des fraudes de M. Montz aura; d’ailleurs,
un double avantage1
i° . Il présentera la conduite entière de ce dernier
sous un seul aspect!
.¡xi
2°. E t peut-être en signalant un ensemble si révoltant
de machinations ourdies1 par un mauvais débiteur pour
insulter aux droits de ses créanciers, appellera-t-il l'at
tention du législateur sur les mesures qu*il conviendroit
d ’appliquer à de coupables manœuvres dont il n’y a taut
d. exemples que parce qu ’elles restent impunies.
ii 1
F A I T S .
Depuis long-temps M. Montz plaidoit avec MM. Tourton , Ravel et compagnie, sur la question de savoir s’il
devoitêtre condamné à leiir payer 675,000liv. pour le
montant de billets qu’il ûvoit souscrits solidairement
avec quelques autres'capitalistes.
iPlusieurs années furent consumées en procédures.
Production dos registres et de tous-les papiers de com
merce de la maison Tourton, comparution des parties
¿ri personne , interrogatoire^, audition de témoins, inÀ x
�( 4 )
tervention d’agens de change, il n’est pas une seule voie
d’instruction peut-être qui n’ait été requise et où n’ ait
été entraînée la maison Tourton. Elle est loin de s’en
plaindre. Elle s’en applaudit au contraire, puisque tant
d’éclaircissemens appelés et toujours obtenus d’elle n’ont
servi qu’à prouver la justice de ses demandes et la mau
vaise foi de ses débiteurs.
Mais tout a un terme, même les procès ; et malgré le
savoir faire deM .M ontz, celui-ci tiroit à sa fin dans le
mois de messidor an 7, qui ne s’écoula pas en effet tout
entier sans que la contestation ne fût jugée.
M. Montz étoit averti par sa conscience 5 il l’étoit aussi
par l’ opinion ; m ais, en habile général, et forcé de quit
ter le combat, il médita une retraite savante et songea
aux moyens de s’assurer ses dernières ressources.
La principale, celle qu’ offroit un portefeuille , riche
ment garni au su de tout Paris, ne lui donnoit aucune
inquiétude. Un portefeuille circule et s’évanouit. Il ne
faut que vouloir.
Il en étoit ainsi de l’ argent comptant.
Mais quelques parties de la fortune de M. Montz
éloient à découvert.
M. Montz avoit la nu-pi’opriété d’une maison magni
fique sise à Issy, et qui jadis avoit appartenu à M. le
prince de Conti, un très-bel hôtel à Paris, place V en
dôme, dans cet hôtel, un mobilier du plus grand prix,
une créance de a83 ,ooo liv. sur M. de Cazaux, avec qui
même il paroissoit être en procès , enfin de fort beaux
biens sis aux portes de Moulins.
Quant à cette dernière propriété y fort éloignée de
�( 5 )
Paris, et qu’on savoit moins généralement lui apparte
nir, il crut pouvoir ajourner les mesures de salut jus
qu’au moment ou il apprendroit que MM. T ou rlon ,
R.avel et compagnie l’auroient découverte.
Mais pour le reste il y avoit urgence.
Dans quelques jours, dont même M. Monlz n’avoit
obtenu le bienfaisant délai que par des promesses déceptrices d’accommodement, il alloitêtre condamné, et
sans doute saisi.
M. Montz se presse donc.
Il est intimement lié avec une espèce de complai
sant et de familier qui se fait appeler Gin d’üssery ,
et dont le surnom est peut-être la seule acquisition
qu’il ait faite de sa vie; homme à qui on ne connoissoit pour subsister ni terres, ni travail, ni place, ni
enfin nulle autre ressource que scs vénales complai
sances pour M. Montz, qui le nourrissoit à sa table et
le logeoit au quatrième dans une petite chambre de sa
maison.
L a mauvaise foi ne calcule pas toujours les vraisem
blances. M. Gin s’offrit à la pensée de M. Montz, parce
qu’il s’ofFroit sans cesse à ses yeux; parce que d’ailleurs
il falloit quelqu’un de bien dévoué; et parce qu’enfin la
tête se perd quelquefois quand il faut agir vile et sans
avoir le temps de délibérer.
Le quatorze messidor an sept , quatre jours avant le
jugement du procès , M. Montz et son ami Gin courent ire Fraude
tous deux chez un notaire, et là M . M ontz , demeurant B ail simulé
à P a ris } p l a c e V endôme , »°. 16 , loue à vil prix, pliccVcu-'
¡
�*
4
silôme. li en pour neuf a n s , h M . G in , rentier, demeurant a P a r is ,
derlSnuÎîîté. p l a c e V e n d ô m e ,
iG , la maison de la place F e n i " . Procès,
n», ï 6 , qui lui appartient.
*
Ce n’est pas tout.
C e même
jour M . Montz, en propriétaire intelli-
2 \iut7des g e n t , et en père de famille qui s’ entend bien à donner de
glaces de la .
v a l e u r A ses im m eubles, dépouille sa maison de la
iiuuson deU
.
• 1
* *
1
place Ven-^ piaCe Vend ôm e de toutes les glaces qui la garnissent de
jendemander |iaut en bas , en sorte qu après le bail fini, le locataire,
y. TroÎs.
Où 00™ M’
'***'
M . G i n , ne lui rendra que les quatre m urailles, et que la
maison sera, dans la v érité , hors de location, puisqu’ un
immeuble de cette importance ne peut être pris à loyer
par personne quand il est denue de glaces. E t ces glaces,
M>. Montz les vend à son commensal Gin , moyennant
1 5,000 fr. payés comptant,
Ce n’est pas tout.
3« F rau d e.
J S
t
Il falloit sauver le beau m obilier, c’ est encore Gin
qui l’aclietle ; car Gin a de l’argent pour tout. E l il est
Paris. Il faut to u ioul-s p r ê t à a c h e te r q u a n d son ami MontZ est prêt
p n dG iïisîid cr
«
w
à vendre. Ce mobilier lui est vendu moyennant i 5 ,ooo fr.
EnœTeîî. p a y é s com ptant. Pour sentir toute la dérision d’une pa-
la nullité,
Gin-
reille vente, à part la nullité de fortune de M .JG in , et sa
très-réelle impuissance de trouver toutes ces sommes, il
ne faut que jeter les yeux sur l’état du mobilier vendu.
11 contientQU a.ti\e r ô l e s entiers. U n e sculcligno de ces
quatre rôles vaut mieux que les quinze mille livres , prix
¡nominal de ce mobilier-, car ceLle ligne contient neuf
„ rands tableaux , dont quatre de V ern et, le peintre
de la n a tu re, et quatre, de cet excellent et ingénieux
Robert, éternellement regrettable pour les arts com m e
�( 7 )
pour Vamitié. L ’on peut, par cet échantillon , juger de
rimmense valeur de ce mobilier si ridiculement apprécié
à 1 5 ,ooo francs. Des lits d’acajou doré , des secrétaires
d’acajou , des commodes d’acajou , un billard d’acajon ,
des armoires d’acajou, des bibliothèques d’acajou, des
trictracs d’acajou, des tables de jeu d’acajou, un piano
d’ acajou fait à Londres , six tables à manger d’acajou,
des sièges d’acajou, des lustres, des candelabres, des
vases d’albâtre, de granit , de porcelaine, des statues
de bronze ou autres , tous les livres de la bibliothèque,
tous les couchers assortis au luxe général de la maison ;
voilà ce qui compose quelques-uns des gros articles.
Quant aux petits, il seroit fastidieux de les nombrer ;
on y trouve dans les plus minutieux détails tout ce ¿qui
compose un ménage bien monté ; trente douzaines de
serviettes, cinquante nappes , de la batterie de cuisine
en quantité, des porcelaines , même des cuillers de
vermeil pour se sei'vir des porcelaines, un coffrefort y etc. Enfin M. Montz pousse le philosophique
détachement de tout ce qu’ il possède au point de
céder à son ami Gin jusqu’aux torchons et aux ta
bliers de cuisine : ils sont aussi dans l’état. On sent
bien qu’un homme qui opéroit de si grandes »'éformes,
et qui, pour faire honneur à ses affaires sans doute,
vendoit jusqu’au nécessaire, n’uvoit garde de conser
ver le superflu. Aussi M. Montz vcud-il également
ses vins de toute espèce , et même jusqu’à sa bière, à
M. Gin*, l’état comprend deux mille bouteilles de vin de
Bourgogne, mille de vin de Bordeaux, deux cents de vin
de Sauterne , trois cents bouteilles de bière. On ne sait
�(8
)
qu’ admirer davantage ou de l’extraordinaire résignation
avec laquelle M. Montz renonce à tous les goûts qui
l’avoient dominé jusque-là , ou de la flexibilité parfaite
avec laquelle M. Gin se laisse saisir par tous ces goûtslà même à l’instant où son sage ami s’en guérit. M. Montz
ne veut plus pour lui d’un hôtel tout en entier : le simple
et modeste M. Gin qui, jusque-là, s’étoit trouvé suffi
samment logé dans une petite chambre au quatrième,
prend de plein saut l’hôtel pour son compte. M. Montz,
si somptueux par le passé-, conçoit tout à coup une
horreur invincible du luxe •, il ne veut plus ni glaces,
ni dorures, ni bois précieux, ni mobilier élégant, ni
porcelaines, ni vermeil : M. Gin éprouve une convul
sion pareille en sens contraire, et le jour même où son
ami; converti sur toutes ces mondanités, les apprécie ce
qu’ elles valent et y renonce, lu i, pour s’en engouer; il
abjure ses meeurs patriarchales , et troque son grabat
et ses chaises de paille contre le verm eil, les porce
laines; les bois précieux, les dorures et les glaces. Sobre
tant que M. Montz fut adonné aux voluptés de la table,
il veut à son tour connoitre ces voluptés quand M. Montz
devient sobre, et il succède aux vins de son a m i, aux
mêmes vins des difFérens crus de Bourgogne, de
JBordeaux et de Sauterne, et jusqu’à sa fantaisie pour
la bière. Quant aux fantaisies plus nobles que nourrissoit d’abord et..qu abdique entin celui-ci, il les recueille
aussi à son tour. Il prend ses tableaux , ses statues ,
même tous les livres de sa bibliothèque, et prouve
ainsi que, quoi qu’en aient pu dire quelques imbéciles
philosophes, q u i, de l’impossibilité de trouver deux
physionomies
�( 9 )
physionomies absolument pareilles , ont conclu l’impos
sibilité de trouver deux organisations morales absolu
ment semblables, il est des âmes tellement façonnées
dans le même moule et tellement identiques, qu’il n’y a
ni une pensée , ni une affection, ni une volonté , ni
une inclination dont l’une soit modifiée qui ne se i*éiléchisse dans l’autre , comme les objets dans un miroir
fidèle.
Ainsi du moins cet étonnant phénomène s'est produit
une fois ; et ce sont MM. Montz et Gin qui en ont donné
le touchant exemple.
Mais ce n’étoit pas assez de ce miracle de la nature,
il falloit encore un miracle du hasard ; il falloit que de
ces deux amis si bien faits l’un pour l’autre, les sentimens restassent les mêmes et les fortunes opposées.
L'un avoit été pauvre, tandis que l’autre étoit riche ;
il falloit que le pauvre devînt riche à son tour, quand
le riche dcvenoit pauvre : et c’est aussi ce qui arriva tout
à point par le plus grand bonheur du monde. En effet,
quelles que soient les voies secrètes dont s’est servi la
destinée pour opérer ce prodige , il est constant que
M. Gin , qui s'étoit couché le soir du i 3 messidor sans
avoir de créd it, ce dont il en auroit eu besoin pour
trouver un gros éeu à emprunter, s’est réveillé le i4
messidor tellement gorgé de trésors et de ressources,
que non-seulement il lui a fallu promptement; comme
on le voit dans l’état du mobilier actuel, un cojfre-fort ;
que non-seulement il a disposé à son gré de sommes
très-considérables ; que non-seulement il a payé 1 5 ,000 f.
comptant pour les glaces de M. Montz ; que nou^seuleli
�( 10 )
ment il a payé i 5 ,ooo fr. comptant pour le mobilier de
M. Montz; que non-seulement il a payé des sommes
bien plus énormes, comme on va le voir tout à l’heure,
pour d’autres objets : mais encore qu’il n’a pas pu se
passer plus long-temps ni de riches équipages, ni de
chevaux. M. Montz avoit deux voitures élégantes et du
meilleur ton deux jolis cabriolets plaqués d’argent,
de beaux harnois plaqués d’argent, des chevaux blancs,
des chevaux bais , une jument de selle. E t c’est tout
cela précisément qui devient nécessaire aussi à M . Gin.
Il lui faut , ni plus ni moins , les deux voitures , les
deux cabriolets j les beaux harnois, les beaux chevaux
blancs, les beaux chevaux b ais, la belle jument. Tout
cela lui est vendu, tout cela est dans l’état; tout cela est
donné comme par-dessus le marché , avec le superbe
mobilier dont il a payé en masse i 5,ooo fr.
Dieu soit loué ! la fortune ne reste pas toujours à la
même place. Dans son cours rapide, elle touche succes
sivement de sa verge d’ or loates les classes et tousles in
dividus. M. Gin a eu son lour ; il va donc aussi monter
en carrosse et jouir de l’opulence !
Erreur ! grossière pensée ! après tous les miracles
que nous venons de v o ir , un miracle plus grand va
s’ opérer. La tourbe vile et sensuelle, quand le sort la
favorise , ne sait rien autre chose que jouir brutalement
de ses dons. Mais il est des âmes stoïques qui , plus
grandes que la fortune , ne voient dans ses présens
qu’ une occasion de donner au monde d’ héroïques exem
ples du mépris qu’ ils en font.
Telle l’âme sublime de M. Gin.
�Tout a changé autour de lui : lui seul il ne changera
pas, et la tête, comme il arrive à tant d’autres parvenus,
ne lui tournera pas de sa subite métamorphose} il sera
dans l’opulence ce qu’il fut dans la misère.
M. Gin a des carrosses ; il n’y montera pas.
M. Gin a des chevaux$ il voyagera à pied , comme
par le passé.
M. Gin a le plus riche mobilier ; il continuera de se
contenter pour lui de la serge et de la bure.
M. Gin a un hôtel à sa disposition ; il restera conüné
dans cette petite chambre où il a savouré jusque-là les
charmes de l’obscurité.
M. Gin fera davantage.
Il poussera la délicatesse jusqu’à l’exaltation la plus
inouie.
S.on ami avoit été obligé de se dépouiller de tout.
M. Gin avoit tout acquis. Mais M. Gin n’a rien acquis
que pour en faire un pur hommage à l’amitié.
II est vrai qu’il est devenu le possesseur du bel hôtel,
l ’heureux propriétaire du beau m obilier, des carrosses,
des chevaux , de la cave. Il est vrai que c’est lui désor
mais qui fait la dépense dans la maison , qui paie les
gens , qui entretient la table. Peu importe. M. Montz
ne changera pas une seule de ses manières, et ne fera
pas le sacrilice d’une seule habitude. Toujours il occu
pera exclusivement l'hôtel qu’il a occupé , et M. Gin
ne se permettra pas d’occuper rien de plus que sa
chambre exiguë. Toujours M. Montz usera du mobilier
comme s’ il ne l’avoit pas vendu , et comme si M. Gin
,ne le lui avoit pas payé. C ’est M. Montz qui commauB 2
�( 12 )
liera clans la maison à tout le monde el à M. Gin luimême. C’est lui qui invitera à la table de M. Gin, qui y
fera servir et boire les lions vins de la cave de M. Gin ,
tandis que M. Gin se contentera humblement de la
petite place que jadis, et quand il n’ étoit que le parasite
de M. Montz, il occupoit au bout de la table , petite
place qu’il conserve pourtant avec une générosité sans
exemple , tandis qu’il laisse M. Montz , devenu son
hôte, continuer d’ occuper la place du maître. C’ est
M. Montz aussi quiemploiera les carrosses, les cabrio
lets , les chevaux , les cochers, les gens de l’écurie ,
sans que M. Gin se permette même d’en partager
l’usage.
Ainsi, dans le siècle passé on vit une grande prin
cesse acheter la bibliothèque d’un savant, uniquement
pour lui en assurer l’usage pendant tout le reste de sa
vie. Tel et plus noble encore M. Gin consumoit des
capitaux importans à conserver à son ami toutes les
jouissances dont d ’ impertinens créanciers menaçoient
de le priver. Plus noble , disons-nous 5 car , enfin , la
souveraine avoit bien d’autres livres à sa disposition
que ceux du savant ; et M. Gin n’avoit ni d’autre hôtel,
ni d’autre mobilier, ni d’autre carrosse.
Là ne finirent pas tous les actes de magnanimité de
M. Gin. Il rendit bien d’autres services à M. Montz.
C’ est le 14 messidor an 7 qu’avoient été passés et le
bail de l’hôtel el la vente de mobilier, de carrosses, de
chevaux, etc.
E t certes, il éloit temps, car, le 18 , le procès des
billets solidaires avoit été jugé, et une condamnation
�( >3 )
de 20,000 liv ., suivie bientôt dix jours après , c’est-àdire, le 28 messidor, d’une autre de 555 ,000 liv.,avoit
été prononcée contre M. Montz.
MM. Monlz et Gin n’étoient pas en si beau chemin
pour s’arrêter.
En conséquence , le lendemain même de ces grosses
condamnations , le généreux M. Gin qui n’avoit acheté ,
le 14 , un coffre-fort que parce qu’il avoit des trésors
qu’ il ne savoit pas où' renfermer , va chez un notaire
prêter à M. Montz 80,000liv. pour dix ans sans intérêts.
D ’autres auroient pu y regarder à deux fois avant de
prêter une pareille somme à un homme qui vcnoit de
subir de telles condamnations, et dont les affaires étoient
dans une si terrible confusion , qu’ il vendoit tout ce qu’il
avoit, jusqu’à son lit , ses carrosses et ses torchons de
cuisine. Mais le zèle de l’amitié ne se laisse pas aller à
de paniques terreurs. Quatre-vingt mille livres de plus
ou de moins dans la fortune miraculeuse que venoit de
faire M. Gin étoient une bagatelle. D’ailleurs M. Montz
qui veilloil aux intérêts de cet ami dévoué, eut grand soin
de stipuler à son proüt une spéciale hypothèque sur sa
nu-propriété d’Issy.
Ainsi et désormais MM. Tourton, Ravel et compa
gnie pouvoient venir quand ils voudroient. Le lit où
couchoit M. Montz, le mobilier dont il se servoit, les
carrosses et les chevaux qui le portoient, les tableaux
et objets d’arts qui le délecloient, les vins précieux qui
l’abreuvoient, tout étoitàM. Gin. C ’étoitparsa tolérance
que M. Montz en jouissoit. Les créanciers en auroient le
démenti.
4'. Fraude .
Obligation
simulée de
80,000 liv. Il
faut en de
mander la
nullité.
4 '. Procès .
Encore M ,
Gin.
�£,
FraU(ie.
A ff e c t a t i o n
FhôJuf« la
lônie iiHuit
¡endemander
Ja. îiullitc5«. V'orès.
^ncort •
i 'i 4 )
’ Voadroient-ils se venger sur la nu-proprlété d’ïssy ?
Une bonne hypothèque de 8o,ooo liv. la défendoit.
Mais il y avoit la propriété de l’hôtel de la place Yendôme. M. G in , supérieur à l’intérêt, ayoit négligé de
stipuler pour un prêt de 8o,ooo liv. une hypothèque sur
cet hôtel. Heureusement que M. Montz rivalisoit avec
noblesse d’âme. M. Montz avoit eu besoin de
_
_
^t
Bo;ooo liv. Gin les lui avoit pretees. L ’argent étoit re^
Montz l’avoit dans sa poche. L ’acte étoit signé.
Les stipulations éloient closes. M. Gin ne pouvoit plus
demander d’hypothèque nouvelle. Peu importe. Les
grandes âmes s’entendent et se répondent. S iM .G in n e
demandoitrien , ne pouvoit rien demander à M. M ontz,
M. Montz étoit libre d’ offrir et d’accorder à M. Gin.
E t en effet, il offre et accorde. Spontanément , donc
les parties paroissent revenir le 29 m essidor, c’est-àdire, le même jour que celui oiil’obligation de8o,ooo liv,
a été souscrite; chez le même notaire, et là, sans assigner
à leur convention nouvelle d’autre m otif, sinon qu’elles
le veulent ainsi, M. Montz , dans un second acte qu’on
assure même être inscrit au pied de l’acte de prêt de
80,000 1. , confère à M. Gin, pour le montant de ce p rêt,
hypothèque sur son hôtel de Paris, déjà couvert d’autres
hypothèques.
Nous disons que les parties paroissent. avoir sous
crit ce nouvel acte le 29 messidor. En effet , il est
difficile de croire que celte date soit véritable. L ’obli
gation du 29 messidor a été enregistrée le Ie*-. thermidor.
Cela étant, et si le i cr. thermidor, le second acte du
29 messidor existoii déjà, et surtout existoit au pied
�( ,S )
de l’autre et sur la même feuille de papier, on ne voit
pas du tout comment il se seroit fait que l’on n eut pas
présenté à la fois, le i er. thermidor, au meine enre
gistrement , ces deux actes frères , ces deux actes si
dependans l’un de l’autre. Toutefois le second acte n a
été enregistré que le 7 thermidor. L e 7 thermidor!
Or, il faut savoir que le 6 , MM. Tourton, Ravel et com
pagnie avoient, dans la simplicité de leur cœur, tente
une saisie sur ce riche mobilier qu’ils etoient loin de
penser avoir cessé d’appartenir à M. Montz. Le 6 ther
midor donc , cette sérieuse hostilité avoit mis 1 alarme
au camp. On s’étoit remué. On avoit bien visité toutes
les armes défensives pour Voir si elles étoient en état.
Alors , vraisemblablement, ou s’ apperçut de l’ omission
commise dans l’acte du 29 messidor; mais on craignit,
en la réparant par un acte du 6 thermidor , coïncidant
ainsi avec la fatale date de la saisie , de donner trop
de consistance aux soupçons de simulation. Il sembla au
conseil Montz bien préférable d avoir un acte qui con
tînt l ’addition d’hypothèque à une date antérieure. Mais
comment se la procurer ? le notaire fut-il trompé? un
subalterne acheté présenta-t-il dans la foule des actes
à signer celui-ci à la signature du notaire? Cela n est
pas prouvé. Mais cela est possible. E t quand .bientôt
on verra de qu oi, en pareille matière , s’avise M. Montz,
on verra aussi que nous ne violons pas les vraisem
blances , en craignant que le second acte n’ait été
enregistré le 7 thermidor que parce qu’en dépit de sa
date du 29 messidor il n’a existé que le 6 thermidor.
Quoi qu’il en soit, il restoit encore à sauver une
�( iG )
6'. Fraude. créance de 283,200 liv.'appartenant à M. Montz sur
Transport M. Cazaux. Si cette créance étoit éventée , elle pouvoit
simulé de la
créance C a- être perdue pour M. Montz. Heureusement pour lui,
zau\. Il faut
eiuleinander l’obligeant M. Gin étoit là avec sa corne d’abondance.
la nulliU;. La créance deM. Cazaux étoit échue dès long-temps. Elle
C)r. Procès.
Toujours M- n’étoit pas payée. Elle étoit même litigieuse. La solvabi
Cm .
lité du débiteur et les difficultés attachées au recouvre
ment de la créance pouvoient inspirer d’assez naturelles
inquiétudes à tous ceux à qui on auroit proposé de vendre
les billets. Une créance arrivée à terme sans être payée,
une créance pour laquelle on plaide n’allèche personne.
Nul homme de bon sens ne s’en charge volontiers, et
surtout u en traite à égalité absolue de valeur. Ainsi rai
sonne la prudence humaine ; mais l’héroïque amitié a
ses règles particulières. M. G in, le i er thermidor, va
f'
chez un notaire. Il est probable que les 3o,ooo 1. qu’il
avoit déjà données à M'. Montz seize jours auparavant
pour ses glaces et son mobilier , et les 80,000 liv. qu’il
venoit de lui remettre la surveille pour le montant de
l'obligation du 29 messidor , n’ avoient pas tout à fait
épuisé son coffre-fort ; car il trouve, deux jours après, les
283,200 liv. qu’il remet à M. Montz , et moyennant
lesquelles celui-ci lui transporte par acte notarié la
créance Cazaux, et les jugemens rendus contre ce dé
biteur. En sorte qu’en dix-sept jours M. Gin , à qui
encore une fois jusque-là 011 ne connoissoit ni propriété
ni ressource , donne pourtant à M. Montz tr o is cent
(¿UATRE-VINGB-TREï ZE MILLE DEUX CENTS LIVRES.
Deux observations sur tous ces actes.
i ° . Ni dans les Yeutes de glaces et de m obilier, ni dans
l ’ acte
�I *7 )
î ’actede prêt ¿Le 80,000 l i v ., ni dans le transport conte
nant quittance de 283,200 liv ., les notaires n’ont garde
d’attester une numération d ’espèces fa ite en leur pré
sence. On sent pourquoi.
2°. Bien que M. Montz eût loue, a partir du I e r . mes
sidor, son hôtel à M. Gin, bien que M. Gin eût acheté
tout ce qui y étoit, et que M. Montz n’y eût pas con
servé un chiffon, les actes de prêt et de cession at
testent que M. Montz demeuroittoujours dans ce même
hôtel : ce qui seroit très-bizarre , si on ne retrouvoit
dans cette occasion à M. Gin, logeant son ami chez lui
et dans ses meubles, la générosité habituelle de ses
procédésOn avoit; ainsi, paré au plus pressé. Les actes étoient
signés. M. G in, dès le 6 thermidor, avoil pris les ins
criptions. M. Gin avoit fait signifier son transport.
MM. Tourton et Ravel pouvoient venir.
Ils vinrent.
Leurs jugemens étoient enfin sortis du greffe ; et bien
sûrs que M. Montz, dont ils ne connoissoient pourtant
pas alors tous les talens , ne les paieroit pas sans y être
contraint, ils songèrent, à l’y contraindre.
Le premier aliment aux poursuites s’offroit de luimême ; c’étoit son brillant mobilier. Dans la pensée de
MM. Tourton, Ravel et compagnie , un mobilier si pré
cieux devoit inspirer à son propriétaire quelque désir de
le conserver ; et ils n’étoient pas sans espoir de voir
M. Montz s’exécuter pour n’en être pas dépouillé.
Ils ne rendoient pas au génie de M. Montz toute la
justice qu’il méritoit*
C
�7*. Frau d e.
Réclam a
tion de M .
Gin comme
locataire. Il
faut faire ju
ger qu’il n’a
pas droit de
réclamation.
7'. P rocès.
Toujours M .
Giu.
( >8 )
Le G thermidor, armés des jugemens du tribunal de
commerce , les huissiers se présentèrent dans l’hôtel
de la place Vendôme, qu’ ils croyoient être celui de
M. Montz , pour saisir le mobilier qui s’y trouvoit qu’ils
croyoient être le sien.
Le maître de l’hôtel et le propriétaire dumobilier parut.
Ce n’étoil pas M. Montz.
C’ étoit M. Gin.
]VI. Gin opposa ses actes.
Il requit un référé.
Il déclara que M. Montz ne demeuroit plus dans
cette maison j qu’il demeuroit à Meudon ; que lu i, G in ,
étoit le locataire de la maison de la place Vendôme *,
que lui, Gin, étoit le propriétaire du mobilier.
On examina ^ette réclamation.
Elle exlialoit la fraude.
Mais c’étoit la première qui étoit révélée à MM. Tourton , Ravel et compagnie.
Ils ne connoissoient pas encore toutes les autres. Ils
ne connoissoient ni le prêt G m , de 80,000 liv. , ni les
hypothèques Gin sur l’hôtel et sur la maison d’Is s y , ni
le transport Gin de la créance Cazaux, ni toutes les
mille et une fraudes pratiquées alors et depuis > qui se
prouvent et se trahissent les unes les autres.
Un procès de plus leur répugna pour le moment.
D ’ailleurs M. Montz avoit appelé des jugemens du
tribunal de com m erce. Il falloit instruire et faire juger
cet appel.
Pour le moment donc ils laissèrent là M. Gin et ses
menteuses réclamations , et donnèrent tout leur temps
et tous leurs soins à la suite du procès au fond.
�I I9 )
Lreur modération ne üt que donner plus d’audace à
M . Montz.
Pendant même que l’on plaidoit sur l’appel, de nou
velles fraudes furent ourdies. Sous peine de devenir ab
surde , M. Montz nepouvoit pas ne se servir jamais que
<le son ami Gin. Y a donc paroîlre sur la scène un autre
personnage, mais bien digne , comme le prem ier, par
son dévouement, par sa maladresse et par son mépris
de toutes les vraisemblances , de jouer un rôle aussi
-dans ce drame non moins révoltant que ridicule.
M. Montz a toujours ardemment désiré d’avoir à sa
pleine et entière disposition cette belle maison de plai
sance , dont nous avons déjà parlé , sise à Issy. Il la
convoitoit depuis long-temps. Depuis long-temps il en
avoit acquis la nu-propriété. Mais l'usufruit en appartenoit à M. de Besigny.
M. Montz avoit traité de cet usufruit et du mobilier
avec M. de Besigny. On ignore quels arrangemens furent
d’abord faits entre eux ; car il n'y eut aucun acte passé.
Tout ce qu’ on sait fort bien, c’est que M. Montz s’éta
b lit, en l’an 5 , à Issy, dans cette maison pour la
quelle il eut toujours une affection toute particulière, s’y
comporta en maître , y fit des dépenses et des embellissemens considérables.
Plus il y en faisoit, et plus il dut désirer de préserver
sa propriété des poursuites de MM. Tourton, Ravel et
compagnie.
Il est vrai qu’il avoit déjà donné à la nu-propriété
un abri dans l’hypothèque Gin.
Il est vrai que nul acte public ne le constituant enC 2
�( 20 )
core ni usufruitier de ¡’immeuble , ni possesseur du
m obilier, M. de Besigny , si on inquiétoit M. Montz,pourroit les reclamer,
r
Mais M. de Besigny le voudr oit-il ?
Il est très-probable qu’il ne le voulut pas , ou qu’ on
n’ osa pas même le lui proposer.
Il fallut chercher un autre prête-nom.
Il se trouva.
8«. Fraude.
Un M. la Jum elière, l’un des compagnons de plaisir de
Vente à un -jyj Montz , consentit à le devenir.
pTnfsuiVuit
En conséquence et par acte notarié en date du 18
Semandei p rairial, M. de Besigny vend son usufruit à M. la
la nullité.
-r
1•
8'. Procès. Jum elieie.
M. la Jume-
^
u n autre acte sous seing privé est souscrit le meme
‘ere'__
jour par les mêmes parties : et selon cet acte M. de
9Venîeïun Besigny vend moyennant a 5 ,ooo 1. qu’il reconnoît avoir
prête-nom du recu
lc mobilier étant dans la maison d lssy a M. la
mobilier
d’issy. IL faut
-
*
Jumelière.
"knulîiîé."
Mais quel étoit donc M. la Jumelière ?
Encore M^ia
M- la Jum elière s’est qualifié , dans ses différons
Jum elière.
actes , cultivateur.
Mais à quoi pensoit donc le cultivateur la Jumelière
en achetant une maison de plaisance occupée autrefois
par le prince de Conti ?
A la cultiver ? G’est une mauvaise plaisanterie.
A l’habiter ? Mais il en avoit une autre qui étoit son
séjour habituel dans le village de Yaudouleur , près
d’Elarnpes, comme le déclarent, les actes qu’il a signés.
Personne n’ a deux maisons de campagne. Un cultivateur
que son travail iixe davantage encore dans les lieux où il
�( 31 )
développe son industrie pour nourrir sa famille, conçoit
bien moins encore que tout autre celte absurde et dis
pendieuse fantaisie , et surtout n’acquiert pas comnie
double maison la maison d’un prince.
Aussi, M. la Jumelière , qui paroît être un homme
fort raisonnable, est-il resté dans sa maison d’exploita
tion du village de Vaudouleur, ou dans son pied à terre
à Paris de la rueBuffaut.
Rien n’a changé à Issy par son acquisition de l’usu
fruit et du mobilier.
M. Montz y demeuroit auparavant.
M. Montz y a toujours demeuré.
M. Montz jouissoit du mobilier auparavant.
M. Montz a joui du mobilier depuis.
E t M. PÆontz a si peu compris que cet événement
l’en chassât, et M. la Jumelière l’a si peu voulu , que
M. Montz à qui il convenoit en l’an 9 de ne plus avoir
1air de conserver à Paris ni domicile , ni mobilier,
puisque le domicile et le mobilier de P aris étoient sous le
nom de son bon ami Gin, a fait à la municipalité d’Issy
sa déclaration qu’il y fixoil son domicile.
Quel étoit donc le dessein de ce cultivateur de Vau
douleur, en achetant l’usufruit et le mobilier de M. de
Besigny ?
■
Dira-t-il qu’il faisoit une spéculation?
Elle étoit bizarre.
M. de Iîesigny avoit quatre-vingts et quelques an
nées. De la part de tout autre que M . Montz , nu-pro
p riétaire, n’eût-ce pas été une folie véritable d’acheter,
à quelque prix que ce fû t, cette possession fugitive que
�( 23 )
quelques mois pouvoîent dévorer, et qui, en expirant1,
laissoit son acquéreur insensé avec l’ embarras d ’un mo
bilier de ü 5 jOOO livres dont il ne sauroit que faire , et
qu’il ne sauroit où placer !
. Si pourtant la tête avoit tourné à M. la Junielière au point de conclure ce marché digne des PetitesMaisons , apparemment qu’il va se presser d’exprimer
de cette spéculation mourante tout le lucre dont elle
est susceptible , en louant à haut prix à M. Montz et
cette maison dont il ne veut pas sortir, et le mobilier
qui la garnit. Apparemment que M. la Jumelière
fera constater avec M. Montz cet important mobilier
dont il vient de traiter, et qu’il ne déplace pas !
En aucune manière.
Nul acte n’ est fait.
M. Montz reste dans la maison sans bail.
Il reste en possession du mobilier sans écrit.
M. la Jumelière abandonne tout à sa foi. Il livre
tout et la maison et les meubles avec une confiance en
tière àM . Montz , c’est-à-dire , à ce débiteur en faillite,
saisi à P aris, écrasé d’énormes condamnations, me
nacé d’une prochaine expropriation de ses biens , dé
pouillé par lui-même, si on l’en croit, de ce qu’ il y a
de plus liquide dans sa fortune, et dont tout Yactif
connu, en écartant même le passif frauduleux qu’il a
créé, est bien loin de suffire au paiement de ses légi
times créanciers.
Au reste , M. la Jumeliere fait très-bien d’écono-.
miser les frais des actes ; car , quand il en fa it, ce sont
(les absurdités de plus. Plus tard, enfin, un bail a été
�t »3 )
îait. E t , dans cet acte , comme dans tous les autres, les
vraisemblances sont si bien gardées, que ce mobilier de
25;ooo 1. M. la Jumeliere paroît le louer à M. Monlz
5 oo liv. par an. Cinq cents livres de revenu pour uue
mise dehors de 25,ooo liv ., pour une mise dehors en
mobilier qui dépérit tous les jours ! belle spéculation !
et bien vraisemblable !
.
Mais n’anticipons pas.
Pendant que tout ceci se passoit, M. Montz continuoit à plaider contre MM. Tour ton , Ravel et com
pagnie. Les années s’écoulèrent en chicanes et en pourparlexs. Enfin et en l’an i 3 , les droits de MM. Tourton,
Ravel et compagnie furent consacrés par des jugemens
souverains.
Ces jugemens étoient quelque chose. Ce n’étoit pas
tout : il falloit les exécuter.
Plusieurs débiteurs avoient été condamnés. 11 y en
avoit dans l’étranger. Il y en avoit en France. L ’exemple
de M. Montz avoit été contagieux. Plusieurs étoient
réellement insolvables. D ’autres avoient pris , comme
M. Montz, leurs précautions , et le paroissoient comme
lui.
Pendant que MM. Tourton , Ravel et compagnie délibéroient sur celui des débiteurs qu’ils poursuivroient
d’abord, et alloient aux informations pour découvrir
leurs divers biens , ou leurs fraudes variées, un créan
cier de M. Monlz perdoit patience et vint dispenser
MM. Tourton , Ravel et compagnie de commencer
contre lui des poursuites d’expropriation, en les corn-
�C 24 3
«nençant lul-même. C e créancier impatient êloit son.
propre beau-frère , M . S e l o n , qui lit saisir à la fin de
l’an i 3 , ou au commencement de l ’an i 4 , l ’hôtel de la
place Vendôm e.
D éjà , com m e on se le rappelle , M . Montz avoit dé
taché de cet immeuble toutes les glaces qu’il avoit ven
dues à Gin. Mais il craignit que ce n’ en fût pas assez pour
dégoûter ces enchérisseurs , et il imagina de recourir
encore à Gin pour lui faire un bail bien bizarre et qui
fût propre à effrayer quiconque seroit tenté de se rendre
adjudicataire , en lui laissant entrevoir pour premier
fruit de son adjudication, soit un procès , soit de grands
embarras dans sa jouissance. L e bail qu’ il avoit fait en
l ’an 7 à M . Gin n’ étoit pas e x p iré , mais peu importe.
Celui qu’ il va
faire ne
commencera
qu’à l ’expira
tion.
11 appelle
donc son fidèle Gin.
Gin court chez le notaire.
10 '. F rau d e.
B ail simulé
de l’hôtel de
la place V en
dôme. I l Cil
faut deman
der la nullité,
io '. P rocès.
Encore M*
•Gin.
li t le 29 frimaire de l’au i 4 , M . Moutz loue à G in ....
quoi ? T o u t l’hôtel com m e autrefois ? N o n , mais un
petit appartement de trois chambres dans les entresols,
outre t.a. chambre a u jo u r d 'h u i occupée par M . Gin.
C ’étoit bien déchoir du premier bail de la part de ce lo
cataire fastueux, qui alors, pour se loger, lui et son riche
mobilier , avoit eu besoin de l'hôtel tout entier.
Au
reste, s’ il se restreignoit pour sa personne , au point de
se contenter désormais de ce petit appartement, il clierclioit à s’en indemniser en espace sur les autres parties
¿de l’hôtel , car ce bail com prend t o u s les greniers ,
TOUTES
�( ’3 )
t o u t e s les écuries et t o u t e s les remises . Si l’ on songe
que l’Iiôtel cle la place Vendôme , à cause de la disposi
tion et de la magnificence de ses appartemens , ne peut
être occupé que par des propriétaires très-riches , on
sentira aisément comme , pour ces propriétaires , il y
auroit une grande tentation de l’acquérir , quand ils seroient bien assurés de n’y pouvoir loger de neuf ans , ni
une hotte de foin , ni un cheval, ni un cabriolet. L ’on
sentira encore combien il étoit vraisemblable queM. Gin,
avecsachambre, et même son appartement de trois pièces
dans l’ entresol, eût besoin de tous les greniers , de toutes
les remises et de toutes les écuries. Au reste, et pour
en ûnir sur ce point, il faut savoir que cette dernière si
mulation a manqué son but en partie. M. l’ambassa
deur de France près le roi de W irlem berg n’en a pas
moins acheté l’hôtel. Pais il a fait déclarer nul le bail de
l’ami Gin , qui non-seulement a eu la douleur de ne
pouvoir pas occuper à lui seul tous les greniers et toutes
les écuries de l’hôtel de Montz, mais qui va même cesser
d’habiter cette chambre unique si long-temps occupée
par lu i, et dans laquelle ont été méditées tant et de si
belles conceptions (i).
E t qu’au sujet de cette chambre unique il nous soit
(i) L a jugement qui auiuillo ce bail a été rendu le 2 janvier dernier
par le trlbuual de la Seine. Ce tribunal, au nombre de ses m otifs, a con
sidéré « que le bail étoit fait par Montz que poursuivoient scs créanv ciers, à un hom m e auquel, dans l’espace de sept an s,
a vendu l^j
* meubles , les gl:ices déooraut les appartemens de cette ma.sou au
>» profit duquel il a souscrit des obligations et îles cessions , de tous les*> quels laits résulte une fraude évidente, etc. ».
D
�(
)
permis de faire une observation qui prouve toute l'im
pudeur avec laquelle Montz et ses amis ne font pas difliculté «le se donner des démentis à eux-mêmes , pourvu
qu'ils parviennent à leurs fins.
M. G in, par le bail de l’an 7, étoit devenu le loca
taire de tout l’hôtel, le propriétaire de tout le mobilier,
c’est-à-dire, qu’ à partir de cette époque il a dû des
cendre de sa chambre ou de son grenier du quatrième ,
pour occuper, à lui tout seul, tous les riches apparte
nions qui composoient l’ hôtel. En effet, on a vu que
quand, quelques semaines après, on est venu pour saisir
sur M. Montz le mobilier qui garnissoit ces vastes ap
partenions, il s’est présenté pour déclarer que c’étoit
lui qui occupoit les appartenions , que c’étoit lui qui
étoit propriétaire du mobilier, et que , quant à M. Montz,
il demeuroit à Issy. Eh bien! malgré ces déclarations,
malgré cette conséquence très - naturelle du bail de
l’an 7 , s’il étoit vrai , veut-on savoir ce qui en étoit ?
Gela n’est pas diflicile-, car voilà M. Monlz et son com
père Gin , q u i, ne s’inquiétant guère de convenir qu’ils
ont m enti, quand leurs mensonges avoient réussi ( et
ceux-ci avoient très-bien réussi, puisque dès long-temps
les huissiers s’étoient retirés) , viennent naïvement se
proclamer eux-mêmes imposteurs en laissant écrire en
toutes lettres , dans le bail de l’an i/j., que le pauvre
M. Monlz est toujours demeurant dans son hôtel, place
Vendôme , et que le riche M. Gin occupe encore aujourd /tut une chatnl)ie , u^e seule chamime ! dans cc
grand hôtel qu’il avoit feint de louer. Il est diflicilc do
croire qu’ on puisse pousser l’effronterie aussi loin ! E t
�( 27 )
'pour en rester convaincu , il faut avoir les deux baux
sous les yeux.
Ainsi procédoit M. Montz pour ses biens de Paris. Sa
conduite est toute d’ une piece , et il procédoit delà même
manière pour tous ses autres biens.
On n’a pas oublié les biens de Moulins.
Ces biens valent certainement plus de 200,000 fr.
M. Montz, instruit que MM. Tourton, Ravel et com
pagnie se donnoient des mouvemens pour prendre sur
¿ces biens les renseignemens à l’aide desquels ils pourroient opérer une-saisie régulière , gagna de vitesse.
Tous ces biens étoient loués par baux particuliers. II*, i'rande’
Le 4 novembre 1806, il fit a un M. Tarteiron un bail Bail simulé
des biens do
général pour neuf ans , à commencer le u du même Moulins. 11
faut en de
mois , et moyennant 3 , 5 oo fr. , et le 22 de ce mois m ander la
même, il passa à un M. Sclierbe la vente de ces biens I I nullité.
e. P ro cès au prix de 70,000 fr.
12 '. F ra u d e.
Le seul rapprochement de ces deux ope'rations suffit V ente si
mulée et à vil
pour re'véler les intentions de M. Montz et de ses af- prix des mê
biens. I l
lidés. Un homme de bon sens ne fait p as, la veille mes
faut en de
m ander la
d ’une vente , un bail général.
nullité ou la
1.1 est très - évident que ce bail a eu deux buts dif rescision.
12«. Procès.
férons, mais tous deux pourtant imaginés pour léser
les droits des créanciers. L'un a été de tromper ,
par les apparences d’un produit médiocre , ceux qui
ne se seroient pas fait rendre compte de la valeur de
la propriété , et de les détourner par là de tout projet
de surenchère. L ’autre a été d'effrayer de surenchérir
ceux qui connoissoient la valeur de celte propriété en
plaçant à coté de leur surenchère l’alternative ou de
D 2
�(
}
subir le bail pendant neuf ans , ou de plaider pour le
faire annuler.
Surenchère
Cette alternative , au surplus , n’a pas effrayé
dont on a de
MM. Tourton, Ravel et compagnie, ni un autre créan
mandé la
nullité.
cier révolté comme eux de la vileté du prix de la vente.
13". Procès.
E t eux et ce créancier ont surenchéri. Le prête-nom
de M. Montz résiste de toutes ses forces à ces suren
chères. On plaide à ce sujet à Moulins.
Pour en iinir sur ces biens , il faut déranger ici, quel
que peu , l’ordre chronologique des manœuvres de
M. Montz, pour parler tout de suite d’une mesure qui
complète le système des vols qu’ il fait à ses créan
ciers.
Une portion cle fermages des biens de Moulins a été
l 3*. Franch.
Transport arrêtée dans les mains des fermiers par MM. Carrié
simulé des
fermages de et Bezard, créanciers de M. Montz. Tous les jours pouMoulins, il
faut en de voient arriver aussi sur ces fermages d’autres oppo
mander la
sitions : et M. Montz, qui semble avoir l’espoir d’ob
nullité.
i4”. Procès. tenir la mainlevée des oppositions Bezard , a voulll
Encore M.
Ciin.
avant tout s’assurer qu’il ne premlroit pas uue peine
inutile et qu’il recueilleroit ce fruit de son labeur , en
s’appliquant ces io,ooo fr. au préjudice de ses créan
ciers.
Il a fait un signe.
M. Gin est encore accouru chez un notaire.
11 y est accouru avec les poches pleines d’argent.
11 étoit dû 1 0,609 fr. par divers fermiers.
Ces fermiers étoient éloignés , et le recouvrement
par conséquent devoit donner beaucoup d’embarras.
Dailleurs étoient-ils solvables ?
�( 29 )
P u is, quand les oppositions Iiezard seroient-elles
levées ?
Si cette mainlevée éprouvoit des difficultés , ne perdroit-on pas bien long-temps les intérêts ?
Si elle n’arrivoit pas , le prix qu’il paieroit lui-même
pour la cession à M. Montz, criblé de dettes , ne seroit-il pas perdu ?
Qu’est-ce que tout cela fait à M . Gin?
Il a bien fait d’autres preuves de désintéressement.
Rien, en ce genre, ne doit surprendre de la part
de M. Gin. 11 est si riche! Qu’a besoin de ses revenus
ou même de ses fonds un homme si détaché de toutes
les vanités, qu’avec des carrosses il court à pied par les
boues et par les pluies , qu’avec un hôtel entier il occupe
un coin imperceptible au quatrième étage, qu’avec une
bonne table il laisse un autre en faire les honneurs et se
contente d’avoir l’air d’y être toléré? Un tel philosophe
que les richesses ne corrompent pas et auquel elles ne
donnent nul besoin , n’a rien de mieux à en faire que de
les répandre en largesses dans le sein de ses amis.
M. Gin répand donc les siennes dans le sein de
M . Montz , e t , par acte notarié du 9 juillet 18 0 7 ,
moyennant 10,509 francs ( ni plus, ni moins) qu’il paie
comptant (car remarquez bien qu'il est toujours pressé
de payer), il achète et se fait céder par M. Montz
celte véreuse, difficile et lointaine créance de 10,509 fr.
sur des fermiers saisis.
Mais pendant que tout ceci se passe à Moulins, voyons
ce qui se passe à Paris et à Issy. E t peut-être d’ailleurs
ne quitterons-nous pas M. Gin pour cela. 11 est pos-
�{ 3o )
sible que .nous ayions encore le plaisir <le l’y rea 4'- F ra u d e.
Billets
souscrits par
M . Montz à
sa mère pour
¿puiser sa
part hérédi
taire. Il fail
lir a faire an
nuler ces
billets.
,l 5'. P rocès.
v oir.
A Paris, Mme. Montz la mère venoit de mourir. Il
fuudroit n’avoir pas lu ce mémoire jusqu’ici pour ima
giner que, dans la succession de cette datne , les créan
ciers de son iils rétrouveroient sa portion héréditaire.
On trouva en eiîet après sa mort un paquet bien et
duement cacheté. On s’attendoit bien que ce ôeroit un
testament qui, sauf les arrangements secrets et de fa
mille , réduiroit M. Montz à sa légitime. Celle lé
gitime, du moins , pourroit payer quelques dettes, et
les créanciers auroieut pu prendre palience. Point du
tout. Le paquet cacheté éloit bien mieux qu’un testa
ment. C ’éloit une liasse de billets souscrits par
M. Montz au prolit de sa mère , qui, si l’on en croit les
billets, l’auroil fait hériter de son vivant de plus que
sa portion héréditaire. Ce point un jour sera examiné.
Pour le moment parlons d’aulre chose. Parions par
exemple de ce qui se passe à Issy.
A Issy , M. Moutz ne s’endormoit pas dans une
fausse sécurité. La crainte de Dieu et des huissiers lui
faisoit sûrement passer plus d’une mauvaise nuit.
Tout ce qu’il avoit fait pour sauver son avoir des pour
suites ne le rassuroit pas entièrement. Les glaces de
Paris étoient sauvées. Le mobilier de Paris étoit sauvé.
Les billets Cazaux étoient sauvés. Les fermages de
Moulins étoient sauvés. L ’ami Gin s’éloit chargé de
ces divers postes. La terre de Moulins éloit sauvée.
M. Sclierb et M. Tarteiron y veilleroient. La suc
cession maternelle étoit sauvée. De bons billets l’avoieut
�(3.
j
consommée d’avance. Sur la mars3n d’issy l’ami Gin
avoit une bonne hypothèque de 80,000 francs. Mais le
mobilier d’Issy n’avoil-il rien à redouter?
Il y avoit bien cette ancienne vente de l’usufruit faite
à M. Montz sous le nom de l’ami la Jum elière, vente
qui, tant que l’usufruit avoit duré, avoit pu servir de
prétexte pour faire réputerM. la Jumelière propriétaire
des meubles. On s’en étoit même servi avec assez
d’avantages contre les saisies du domaine. Mais cet acte
avoit vieilli. L ’usufruit avoit cessé avec la vie de M. de
Besigny. M. la Jum elière, qui 11’avoit d’autres droits
que ceux de M. de Besigny, n’avoit donc plus rien à pré
tendre ni dans le château d’Issy, ni par suite dans le
mobilier qui le garnissoit.
11 y avoit bien aussi cette vieille vente du mobilier
faite sous seing privé à M. Montz, sous le nom de l’ami
la Jum elière, par M. de Besigny. Mais si nul autre acte
n’intervenoit , quand celui-ci auroit été enregistré ( ca
qu’ il n’étoil pas), et auroit pu être produit, M. Montz
étoit resté si long-temps en possession de ce mobilisr ,
soit avant, soit depuis la cessation de l’usufruit, sans au
cune espèce de titre qui l’y autorisât, qu’on ne devineroit
même pas qu’il p6t en avoir d’autres que le meilleur de
tous , c’est-à-dire , la possession, et que les meubles
pussent appartenir à quelque autre que lui-même. Ajou
tez que , depuis ce temps , M. Montz avoit changé une
partie de ce mobilier contre des meubles plus frais et
plus riches, et y avoit beaucoup ajouté. Si donc quelque
jour M. la Jum elière venoit réclamer contre des saisies
avec son vieil acte , quand on voudroit faix’e le recolle-
�C3. )
i 5'. F ra u d e.
•du^uobiTieiT
d’Issy. Il
faut en demander la
Encore M. la
Jum elière.
?7*-> 18e. et
19 '. F r a u
des.
m ent, on ne.s’ y reconnoîtroit pins , Tien ne seroit ¿ a c
cord, et la saisie dévoreroit peu t-être la meilleure
partie des meubles.
J J n autre acte fut donc fait sous seing-privé , auquel
on donna pour date le I e r . avril 180 7 . Par cet acte , M. la
Jumelière donne à bail à M. Montz, pour trois années ,
. . . . . .
h commencer du i er. mai prochain , la jouissance de to us
les meubies qui sont dans le château d’Issy, détaillés
dans les procès-verbaux de saisie faits par le domaine
aux diverses époques qui y sont relatées, moyennant la
somme de cinq cents francs.
Ce bail a été enregistré le 29 du même mois d'avril/
11 a , depuis , et le 6 janvier 180 8, été déposé à un
notaire. Nous dirons plus bas pourquoi. C ’est un petit
tour de M. Montz qui mérite d’être noté , comme étant
vraiment un des plus curieux.
Les grands objets , au reste, ne faisoient pas négliger
à M. Montz les petits.
Par exemple , M. Montz , depuis le 1 er. avril, avoit
amené à Issy une jument
et
un tapecul.
Ils pou-»
Actes si- voient être saisis. Vile , M. la Jumelière et un acte.
cjûelques dé- M. la Jumelière vient, M. la Jumelière signe. V oici,
!n demander «n date du TO mai 1807 , un bail fait par M. Montz qui
lalIlSl
H«!11'«xV
II) •j demeure tout seul à Issy , qui
*" se sert tout seul de la bête
19'. et 20«. et de la voilure, à M. la Jumeliere qui demeure à
P rocès. Tou.
,
.
.
. 1
jours M. la Etam pes, qui ne s est jamais servi de 1 une ni de l’autre,
jumeliere.
et ^ peul-êlre ne les connoît pas même de vue, de ces
vTuilpti nmir
deux objets pour trois m ois, à raison d’un franc par
jour.
Et cet acte est enregistré. Un pareil acte ! E t en
cil e t ,
�seÎTet, on ne le faisoit que pour cela. Puis, viennent les
saisissans pendant ces trois mois ! On leur répondra.
Ils n’aui’ont pas même le tapecul ni la jument. Après
- ces trois mois, ou le tapecul et la jument n’y seront plus ,
ou Lien il y aura un autre bail»
Autre exemple. Quelques menus meubles ne sont pas
compris dans les procès-verbaux de saisie. On les éva
lue ; ils peuvent être du prix de 600 fr. V ite, M. la
Jumelière et un acte. M. la Jumelière vient*, on é c rit,
on signe. C’ est une quittance de 65 o fr. qu’a payés M, la
Jumelière pour des meubles, sans dire lesquels, qu’ôn
lui fournira. E t la quittance est enregistrée » Cet acte
en valoit en effet bien la peine comme l’autre ! Puis
tiennent les saisissans ! E t , si, outre les meubles com
pris dans les procès-verbaux, plus la jument, plus
ie tapecul, il se trouve quelques objets encore, eh
bien ! ce seront ces objets-là même qui auront été
vendus à. M. la Jum elière, et que celui-ci, la quittance
à la m ain, ne manquera pas de réclamer»
Autre exemple : et celui-ci est curieux. M. la Jum e
lière , dans tous, ses cbiil’ons d’actes, avoit bien pu
vendre ce qui existoit déjà. Mais ce qui n’existoit pas
encore, ce qui n’existe que de jour à autre , les récoltes
enün, M. la Jumelière à qui d’ailleurs elles n’appartcnoient pas, n’avoit pas pu les vendre. E t cela éloit
bien douloureux ; car en juin , et le foin qu’ on venoit
de couper, et le bois qui étoit dans le bûcher devieudroient nécessairement la proie des saisissans. Vite
M. la Jumelière et un acte. M. la Jumelière vient.
Ou écrit i et cette fois - ci ce n'est plus M. la .Tu-
�( 34 )
melière qui vend ou loue à M. Monlz; c’est M. Montz
qui vend à M. la Jumelière le bois qui est dans la
maison et le foin qu’ on vient de couper. Et l’acte est
enregistré. Puis viennent les saisissaus ! Ils n’auront ni
le foin ni le bois. C ’est dommage que MM. Tour ton ,
Ravel et compagnie n’aient pas continué à explorer ces
misérables et fastidieuses fraudes de détail. Il est pro
bable qu’ils auroient trouvé quelque acte enregistré pour
les allumettes et les tessons de bouteilles.
Cependant le moment arrivoit où allo.it éclater sur
M. Montz l’orage q u i, depuis si long- temps grondoit
dans le lointain. Mais c’est dans les grands dangers que
se développe un grand courage , et l’on jugera peutêtre que M. Montz ne fut pas abandonné par le sien.
MM. Tourton , Ravel et compagnie se résolurent
enfin, le 26 octobre 1807, a commencer les poursuites
d’expropriation de la maison dTssy , et ce jour fut fait
à M. Montz un commandement tendant à'ce but.
Les 29, 3 o et 3 i du même mois, ils firent procéder
dans la même maison à la saisie exécution du mobilier.
Il est fort inutile d’observer que M. Montz en avoit
soustrait tout ce qui avoit le plus de valeur. On sup
posera très - aisément que celui qui n’est occupé qu’à
combiner des actes pour voler à ses créanciers les
masses et les choses que leur volume ou leur nature ne
permet pas d’enlever ou de cacher, n’a garde de rester
en si beau chemin quand il s’agit d’objets faciles à dé
placer. Aussi remarque-t-011 avec beaucoup d’édifica- .
tion, soit dans les actes simulés souscritspar M. Monlz,
.soit dans les procès-verbaux de saisie qu'on n’y trouve
�( 33 )
ijamais, -malgré la somptuosité dont il fait profession
aucune des choses de prix dont il se sert habituellement
quand les huissiers n’y sont p as, comme de la vaisselle
ou des bijoux. Il n’a pas été saisi même une montre
d’argent.
M. Montz, au reste , n’entendoit pas borner ses pré
cautions à ces moyens bannaux d’enlèvemens clandes
tins , bons pour le vulgaire des banqueroutiers.
Ce que, dans le mobilier dTssy, il avoit laissé à dé
couvert, parce qu’il ne pouvoit se passer de meubles,
'venoit d!être saisi. M'. Montz étoit tranquille sur ce
¡point. Son ami la Jumelière réclameroit ce mobilier à
Taide du bail du i er. avril dernier.
Mais l’immeuble ! Déjà le commandement d’expro
priation-étoit fait. L ’hypothèque Gin existait bien.
Mais cette hypothèque bonne et suffisante pour le temps
¡où elle avoit été donnée , parce qu’alors M. Montz
n’avoit que la nu-proprieté, ne l'étoit plus aujourd’hui
que , l'usufruit s’y élant réuni , la maison dTssy av o it,
dans la fortune de M; Montz , sa valeur entière.
L ’ imagination de M. Montz ne reste jamais court.
•Une suite'de mesures fut inventée , toutes plus curieuses
l’une que l’autre. Le mois-dé novembre les vit'toutes
éclore;
Ce qui sembloit plus pressant , selon M. Montz,
cJétoit’ d’entraver la vente form ée, et de déshonorer la
propriété pour en dégoûter tout enchérisseur. O r, dans
ce dessein , il s’avisa d’un moyen qui ne pourroit être
sorti que de1 la- cervelle d’un fou-, s’il n’étoit évident
Çu il fut 'Suggéré3 et par* la rage et par la ; cupidité*,
E 2
�( 36 )
réunissant leurs efforts tant pour se venger d’-audacieuï '
créanciers pur la destruction de leur gage, que pour
mobiliser et convertir en argent, à son profit, jus
qu’aux élémens de l’immeuble lui-même, tout saisi
■qu’il éloit.
Un superbe parc faisoit le principal ornement et
une partie de la valeur de la maison d’Issy. On peut
même dire qu’il en faisoit partie en quelque sorte in
trinsèque et indispensable. Qui voudroit , en effet ,
acquérir à la campagne , et surtout sur une hauteur ,
une maison de quelque importance, dont le Yaste terrain
qui l’ environneroit seroit une lande absolument inculte ,
et privée de tout ombrage, au point de ne plus oiiYir
à l’ceil un seul arbre?
JEh bien! couper tous les arbres fut précisément ce
qu’imagina M. Montz.
Toutefois en même temps qu’il vouloit faire beau
coup de mal à MM. Tourlon , Ravel et compagnie , il
se vouloit à lui-même quelque bien. En abattant, il
assouvissoit sa colère. Mais les arbres abattus appartiendroient à ses créanciers, et c’est aussi ce qu’ il vou
loit empêcher : le pouvoit-il ? Pouvoil-il vendre une
haute futaie et tous les arbres d’un parc , au mépris
des poursuites d’expropriation commencées, et posté
rieurement au commandement, prédécesseur d’une saisie
immobiliaire ? Telles étoient les inquiétudes que rouloit, dans son esprit, M. Montz , sur l’eiïicacité de son
projet.
Plein de ces idées, il les épanche autour de lui. II
demande de tous côtés ce qu’il pourroit faire. 11 a
�(
3?
)
même l'indiscrétion de répandre des notes consultât h’es
d e c e p o in t , entièrement écrites de sa main : « On de» mande , disoil-il dans ses notes , si un propriétaire
» d’inimcubles peut vendre ( d i x jours (i) après un
» commandement en expropriation ) des superficies de
» bois : et en cas •qu’il fasse vente à term e, si l’acqué» reur peut jouir de son contrat, c’est-à-dire, ne couper
» qu’à fur et mesure des époques stipulées dans ce
» contrat, sans craindre de surenchère , ni d’opposi» lion de la part du créancier ou de tout autre». Tant
d’audace n’étoit propre qu’à soulever l’indignation doj
ceux même à qui M. Montz faisoit l’injure de les cou-i
sulter. Aussi produisit-elle cet cfTet. MM. Tourton,
llavel et compagnie furent avertis de tous côtés'des
iureurs déloyales de M. Montz. Une de ses notes mêmes
leur fut remise. Elle dut provoquer leur surveillance..
Ils se tinrent donc aux aguets.
E t ils eurent raison.
En effet, on vint les prévenir le i 3 novembre 1807,
de très-grand matin , qu’il y avoit dans le parc d’Issy
une armée de bûcherons qui, M. Montz à leur tète,
porloient la dévastation partout.
\
(1) Il est bien essentiel de remarquer celle date. L e commandement
fait par M M . T o u rton , R avel et compagnie dont il s’agit ici est du 26
octobre 1807. Et puisque dans la note M . Montz demande s i , après que
dix jours se sont écoulés depuis ce com m andem ent, il peut encore vendre
ses superficies do b o is, il suit de là que la note a été écrite au plutôt le 6
novembre 1807 ; c’est-à-dire que le six novem bre M . M ontz, qui éloit
inquiet de savoir s’il pouvoit alors vendre ses bois, ne les avoit p a s
encore vendus. Cette observation va trouver tout à l’heure son appli
cation.
i
�( 38 ).
.XJn huissier et ses témoins partirent en grande hâte
pour constater ces dégradations et pour en saisir les ré
sultats.
M. Monlz fut en effet trouvé sur le terrain.
Vingt - quatre ouvriers détruisoient tout sous ses
ordres.
Déjà une avenue entière de cent soixante - seize
beaux tilleuls, gissant encore sur la terre avec leurs
branches et leurs feuilles, n’existoit plus.
Ça et là étoient également étendus cinquante tilleuls
et maronniers que l ’onavoit coupés avec l ’aflectation ,
n o n - seulement d’avoir choisi les plus beaux, mais
<1’avoir choisi ceux dont l’abattis rompoit davantage
l ’ordre et l’harmonie des plantations.
A l’instant où l'huissier arrivoit, les vingl-quatre ou
vriers étoient tous rassemblés dans la grande allée fai
sant face au salon du château. Dix arbres étoient tombés
sous la coignce. L ’huissier s’efforça d’abord de leur
persuader’ de suspendre leurs travaux. Sous ses yeux
même ils continuèrent et déclarèrent qu’ils ne recevoient d’ordres que de M. Monlz.
L'huissier lit commandement à M. Montz d’arrêter
les travaux. M. Montz, loin de cela, commanda de re
doubler de célérité.
Après avoir constaté tous ces faits, l’huissier alla re
quérir le maire du lieu de venir interposer son au
torité.
Le maire crut qu’il ne pouvoit employer là force
sans y être préalablement autorisé par là justice. Mais
il ne refusa pas d’employer les représentations,.
�( 39)
Il vînt.
f
Il essaya de faire senlir à M. Montz tout ce que sa
conduite ofFroit de révoltant. Il multiplia ses efforts
pour le démouvoir de ses projets destructeurs.
’’ Tout fut vain.
Le maire se relira.
L ’huissierse retira aussi après avoir assigné M. Montz
pour le lendemain en référé.
M. Montz resta.
Les ouvriers restèrent.
La nuit même n’interrompit pas leurs travaux. Pour
la première fois , peut-être , des bûcherons abattirent
des arbres à la lueur des flambeaux , et M. Montz passa,
dit-on , la nuit près d’eux pour animer leur zèle et dé
signer les victimes.
!
Le lendemain s’ouvrit une scène nouvelle , et parut
un troisième acteur inconnu jusque-là.
En voyant M. Montz présider lui-même à la des
truction de son parc , et se souvenant que le 6 novem
bre , c’est-à-dire, six ou sept jours auparavant il avoit
consulté pour savoir s’il pouvoit, dix jours après un
commandement d’expropriation , vendre ses hautes fu
taies , il étoil fort permis de croire que , ni le G novem
bre , ni même depuis , il ne les avoit pas vendus ,
et que, puisqu’il les abaltoit en personne le i 4 , il les
exploitoit pour le compte de sa vengeance et de sa cu
pidité.
Néanmoins au référé intervint un M. Senet, qui n’est
ni marchand de bois , ni charpentier , ni charron , ni
tourneur, ni menuisier , ni ébéniste , ni d’aucune pro-
19 '. F ra u d e ,
V ente si
mulée des ar»
brea d’Issjr.
�[ho)
H Tauten de- fession ou l’ usage du Lois soit nécessaire. TT importe-, Oft
i'nufnu‘ la M- Se ne l n en montra pas moins un acte sous seing
20'. Procès. priVe 5 en dale du seize octobre 18 0 7 , mais enregistré
,Seuct. seu]ement ]e ç) novembre , par lequel M. Montz lui vendoit la totalité des arbres de son parc , abattus et non
abattus, moyennant d ix m ille francs p a y é s c o m p t a n t
( ce qui est très-vraisemblable , surtout dans les, cir
constances), en lui donnant trois ans pour achever de les
abattre et pour les enlever.
M. S e n e t , armé de ce bel acte, réclama les arbres ,
ainsi que la faculté de continuer d’abattre.
C’étoit devant M. le président du tribunal civil de la
Seine que se présentoit celte réclamation.
On pressent le succès que dut obtenir cette réclama
tion devant un tel magistrat , distingué par sa vertueuse
*
horreur pour la fraude, non moins que par le talent
qu’a su lui donner,, pour la reconnoitre et la dém as
q u er, une vie toute entière employée à protéger de son
expérience la bonne foi contre les ru S-CS de la procé-
•
dure.
Il sourit de mépris *, observa dans ses motifs que l’acte
n’étant enregistré que le 9 novembre, n’avoitpas de date
certaine avant ce jour , lequel étoit postérieur au com
mandement d’expropriation } ajouta qu’après ce com
mandement il n’étoit plus permis au saisi de dégrader
l’immeuble ; en conséquence , sans s’arrêter en aucune
à la réclamation du complaisant Senet, fit dé
fense à Montz de continuer la coupe*, perinitiM M .Tourton , Ravel et compagnie de faire vendre les arbres abat
tus j et leur permit aussi d’établir à Issy des gardiens
chargés
m
a
n
i è
r
e
�■chargés de veiller à la conservatiou de la propriété,
et de la défendre contre les entreprises de son propre
maître.
y
Avec cette ordonnance, on se pressa de retourner le 16
novembre à issy. Deuxjours seulement s etoient écoulés ;
maisdeux joursavoient suffi pour consommer desdévas
tations nouvelles. L ’intrépide M. Montz, sans s’ étonner
du danger, ni craindre l’ennemi, et sous le feu même
des poursuites, avoit bravement fait continuer l’ ahattis
jusqu’au moment où l’on vint chasser les ouvriers. Qua
tre-vingt-dix grosmaronniersde la plus grande beauté,
étoient, dans la grande allée , en face du salon, tombés
à côté des dix qu’avoit déjà frappés la hache lors du
premier procès-verbal. Quatre-vingts gros ormes dé
cimés dans toutes les places avoient subi le même
sort. De tous côtés avoient été également coupés beau
coup de petits arbres et des taillis. B r e f , quelques jours
de plus seulement, et le futur acquéreur d’Issy n’auroit
eu a la place d’un parc riche d’arbres, et planté dans le
meilleur go û t, qu’une cour nue et vide , où auroient
crû çà et lu quelques herbes sauvages, et o ù , pour
faire produire quoi que ce so it, il eût fallu commencer
pardefricher le terrain et par eu arracher les souches qui
l’eussent encombré.
* L ’ordonnance mit fin à ces ravages, niais non pas à
ï audace de Montz et Senet. Celui-ci osa bien appeler de
l'ordonnance, et continua de s’ opposer à la vente des
arbres. Cet appel a été rejeté. M. Senet ne se décourage
pas facilement. 11 a revendiqué de nouveau ses arbres.
E t ce qu’il y a de bizarre } c’est que , taudis qu’ il les réF
�( 4* )
clamoit comme lui appartenant, M. la Jumeliere s opposoit aussi, de son côté, à ce que MM. Tourton , Ravel
et compagnie les vendissent, parce que ces arbres , disoit-il, lui appartenoient aussi. M. la Jum elière, de plus,
réclamoit le mobilier qui avoit été saisi à Issy. E t il le
réclamoit en vertu de son bail du xer. avril (i).
r Cependant M. Montz avoit médité sur le texte offert
à ses réflexions par l’ ordonnance du référé qui refusoit
de tenir compte de la vente des bois faite à Senet, parce
quelle n’avoit pas de date certaine antérieurement au
commandement d expropriation.
Une très-heureuse idée lui vint pour donner à son
acte frauduleux cette précieuse antériorité.
E t cette idée fut tout bonnement de commettre un
faux.
11 faut beaucoup insister sur celte circonstance, parce
que toute seule elle est bien propre à donner la mesure
de la moralité de Montz et de celle des hommes qu’ il
s’est associés.
On se souvient de ce bail des meubles d’Issy fait le
i er. avril 1807 par M. la Jumelière àM . Montz.
Ce bail éloit une fraude sans doute. Personne ne peut
ne. pas l’appercevoir.
Mais c’éloit une fraude qui n’avoit alors d’autre objet
que celle de soustraire les meubles d’Issy aux créanciers.
I/ingénieuse idée de leur voler jusqu’ aux hautes futaies
u’étoit pas encore éclose dans la tête de Montz.
(1) Toutes ces réclamations ont été rejetées déjà par divers jugemens ,
jnotivés tous sur Vèvidenco de l a F r AVDe .
�( 43 )
! X e bail avoit donc ëtë fabrique et compose que dans
'Cet objet. E crit snr une demi-feuille de papier tim bre,
la demi-feuille elle-même avoit été plus que suffisante
pour l’acte assez simple qu’on y avoit couché, et qui coriisistoit uniquement dans la convention « queM . la Jume» lière louoit pour trois ans à M. Montz tous les meubles
» décrits dans les procès-verbauxde saisie faits àla requête
■» du domaine, moyennant 5oo fr. par an » . Dans l’état
matériel de la pièce, l'acte aclievé et signé, il restoit en
core assez de place pour que le receveur de l ’enregis
trement écrivît et signât la mention de l’enregistrement
•au bas du verso de la demi-feuille de papier. E t
en effet, il est hors de doute que ce receveur avoit
ainsi placé celte mention de l’enregistrement, par la
quelle les receveurs ont toujours soin de clore les actes
quand l’état matériel de la pièce s’y prêle, précisément
pour empêcher les additions frauduleuses dont il faut
convenir que M. Montz n’a pas l'invention, quoiqu’il en
ait l’habitude.
**
Cependant M. Montz , sûr q u il éloit de toutes les
bonnes dispositions de son ami la Jum elière, qu i, comme
on l’a bien assez vu , est toujours là prêt à signer tous les
actes qu’il veut, imagina de se servir habilement de cet
acte déjà enregistré, et enregistré plus de six mois avant
le commandement d’ expropriation, pour donner à la
vente d’arbres Senet, réalisée par le sons seing privé d’oc
tobre, enregistré seulement le 9 novembre, une espèce
d authenticité. « S i , se dit-il à lui-même , je pouvois re» présenter un acte enregistré en avril , où déjà je parle» rois , comme d’une affaire conclue, de la vente par moi
F 2
�( 44 )
» faite (le mes arbres à Senet, alors il n’y auroit plus
» moyen de dire que ma vente , bien qu’enregistrée
» seulement en novembre , n’a pas été faite avant le
» commandement d’expropriation » .
Le projet éloit bon. Mais l’acte d’une demi-feuille^
enregistré au - dessous des signatures des parties , ne
se prêtoit à aucune intercallation. Comment donc s’y
prendre ?
v
M. Montz n’est embarrassé de rien ; et il est toujours
admirable dans ses expédiens.
Pour le mieux admirer donc dans celui-ci, suivons-le
avec un peu d’ attention.
M. Montz commence par prendre une feuille entière
de papier timbré pour transcrire ce même acte déjà eiir
registre. Mais pourquoi une feuille entière pour cet
acle à qui une demi-feuille suiRsoit? Vous allez l’ap
prendre. Continuez de lire.
Sur cette feuille il écrit d’abord , avec une fidélité
vraiment religieuse, le bail ancien sans y changer une
seule virgule ; seulement il a soin de compasser tellement
la grosseur des caractères et les intervalles tant des mots
que des lignes , que tout le recto et tout le verso du pre
mier feuillet sont épuisés par la rédaction du bail ainsi
que par les signatures de cette partie, et que surtout il
ne reste pas assez d’espace au receveur pous mettre audessous des signatures sa mention de l’enregistrement.
M . M o u t z signe.
M. la Ju m elière signe.
Il n’y a plus de place au-dessous des signatures que
1
�( 45 )
pour une ligne. E t il faut au receveur plus (Tune ligne
pour enregistrer.
\
T o u t va Lien.
Les choses en cet é tat, on va porter cette copie au
receveur en le priant de l’enregistrer par duplicata , sous
le prétexte apparemment que l’ original s’est perdu.
Le receveur ne soupçonne pas la fraude. Il lit l'acte.
Il voit un bail de meubles à Issy fait par M. la Jumeüère
à M. Montz le i er. avril 1807, pour trois ans, moyen
nant cinq cents francs par an. On lui dit que ce bail a
été enregistré le 29 avril. Il cherche dans ses registres.
Il trouve en eilet à cette date 1111 bail de meubles à Issy
fait par M. la Junrelière à M. Montz pour trois ans et
moyennant 5oo francs. Le rapport est parfait. Pourquoi
donc le receveur n’ enregistreroit-il pas? Il enregistre.
E t il enregistre, ne pouvant pas faire autrement, en
marge. Seulement il annonce qu’il enregistre pav dupli
cata, et que, loi'S du premier enregistrement, il a été
perçu 9 francs 35 centimes pour les droits. Il faut 11e pas
oublier cette traître déclaration d e là quotité. Il y aura
peut-être quelque parti à en tirer.
L ’acte, ainsi enregistré , rentre dans les mains de
M. Montz. Voyons ce qu’il en va faire.
20*. Fraude.
Sur le verso , à la lira de la stipulation du prix du bail, Fausse
•1
, .
,
, .
vente de cin-
11 renvoie , par une astérisque, aune astérisque toute pa- chante arreille , placée au-dessous des signatures , dans l’espace d’ï/sy. î
où peut s’écrire une ligne encore. Cette ligne, il l’écrit. dra e,n ^
-,
11
*
.
y
.
ajoute aussi une feuille de papier sur l a q u e l l e il coutinue le sens de la ligne de la page précédente. Toute
cette addition énonce d’abord, etpour rattacher le reu-
m ander la
nullité.
2 1 e* I* rocès
Encore M . l'a
�{ 5C 3 '
<voï a l ’acle par aine espèce ¿’’ homogénéité de matière,,
que le hail comprend , oulre les meubles détaillés dans
les procès-verbaux de saisie , ceux énoncés dans un état
copié à la suite de l’acte. E t, après cette mention, arrive
la stipulation qui suit : «En considération de l’avantage
» résultant pour M. Montz du présent b a il, il promet à
m M. la Jumelière qu’il lui vendra cinquante des plus
beaux arbres de son p arcd ’Issy, desquels arbres M. la
» Jumelière fera choix àson gré , àlasaison convenable.
» M. Montz déclare eu oulre à M. la Jumelière que.,
» quoiqu’il eût d é j à arrêté avec M. Jean Senet la vente
» de la totalité des bois de sondit parc à Is s y , et qu’il
» ait reçu dudit Senet l e d e n i e r a D i e u , il s’engage
» à obtenir dudit M. Senet, pour M. la Jum elière, ce
» choix des cinquante plus beaux arbres, celte conven.» lion étant de rigueur, etc. ».
E t ce renvoi est très-convenablement signé de la Ju
melière et Montz.
Il est vrai qu’il n’ est pas signé du receveur de l’enre
gistrement.
11 est vrai que la fraude, le faux de l’addition , et
l’omission de la signature du receveur sauteront aux yeux,
si on produit celte pièce fabriquée.
Mais il y a remède à tout.
On ne la produira pas.
,
On ira la déposer chez un notaire. Un notaire qui n’a
ni le temps , ni l’intérêt de scruter et d’aualiser les actes
qu’on lui dépose, n’ira pas pâlir sur cet acte , pour voir
s’il y a des renvois, quel ordre ils occupent dans la pièce,
..s’ils sont en rapport avec l’acte, s’ils sont au-dessus ou
�( 47 )
Au-dessous de la signature du receveur. Ajoutez que le
notaire à qui on dépose une pièce ne s’avisera pas de soup
çonner que c’est un piège qu’on lui tend.
Ce dépôt fait, on demandera une expédition de la
pièce.
I^es notaires ne figurent pas les minutes dans les expé
ditions. Ainsirexpédition arrivera tout d’un contexte , et
avec le renvoi placé au lieu qu’ il doit occuper dans le
contexte même , et sans mention que c’est un renvoi.
E t quand on aura celte expédition; elle sera produite
dans le procès de réclamation des arbres de M. Senet ;
et on dira : « Vous voyez bien que le marché avec M. Se» net n’est pas une fraude ; que ce n’ est pas une mesure
» rêvée pour parer au commandement d’expropriation
» de novembre 1807} car voilà un acte authentique, un
» acte ayant date certaine et enregistré le 2/f avril, qui
» dit que M. Montz a vendu tous les arbres à M. Senet,
» et qu’il a reçu (voyez le scrupule de la mention ! ) le
» denier à Dieu. Or s’il est prouvé que, dès avril 1807 ,
» M. Montz s’étoit dévotement hé par la réception du
» denier a Dieu envers M. Senet, à lui vendre toutes
» les palissades , toutes les allées et toutes les prome» nades de son parc, il ne faut plus s’étonner du tout que,
» plutôt que de manquer de foi (lui qu’ on sait en avoir
« tant) et de violer ce traité si religieusement consacré
» dès avrilj8o7, il se soit mis en novembre 1807 à la tête
» des ouvriers de M. Senet dont il se faisoit le piqueur,
» pour abattre, jour et nuit, ces arbres sous l’ombrage
» desquels il n’auroit pas pu se promener plus long» temps sans offenser D ieu , la bonne foi et l’équité ».
�■I 4B :)
E t c’est tout ce qui a ¿té fait et tout ce qui a été
dit.
Le dépôt a eu lieu.
Il a été reçu sans que le notaire se doutât de
rien.
L'expédition a été demandée. Elle a été délivrée.
Elle la été comme elle devoit l’ être, sans renvoi.
Elle a été rapportée triomphalement dans le procès
S eue t.
On a dit : « Voyez , voyez ! En avril la vente étoit
*> constante. Voilà un acte enregistré alors qui le dit. La
vente n’a donc pas été rêvée en novembre. Qu’avez» vous à répondre » ?
Malheureusement il y a des esprits forts et des incré
dules, à qui la dévotion de M. Montz et sa fidélité aux
deniers a Dieu qu’il reçoit n'en imposent pas. Ces mécréans ont été assaillis, malgré eux, d une multitude de
soupçons.
E t d’abord pourquoi ce double du bail original, cette
mention de l'enregistrement par duplicata ? Pourquoi
surtout ce dépôt dans les minutes d’un notaire, lors
qu’ on représentoit tant d’autres bonnes ventes et tant
d’autres bons actes simplement enregistrés?
Que vouloit dire , d'ailleurs, la bizarre clause insérée
dans ce bail, et qui accordoit àM . la Jum elière les cin
quante plus beaux arbres du parc d’Issy ?
Quel besoin, M. la Jum elière, qui ne demeure pas
à I s s y , qui a même loué son prétendu mobilier à
M.
�( 49 )
M . Montz, avoît-il besoin de cinquante arbres dans ce
pays, et des cinquante plus beaux arbres du parc ?
M. la Jumelière n’est pas marchand de bois. Qu’en
feroit-il ?
Il demeure à Vaudouleur, près Etampes *, comment
les y feroit-il venir, et est-il bien commode d’acheter
-cinquante arbres à vingt ou trente lieues de son domi
cile ?
E t puis le bail dit que c’est à cause de l’avantage
que M. Montz tire du bail des meubles, qu’il donne à
M. la Jum elière les cinquante plus beaux arbres d’Issy ;
c’étoit donc un cadeau ? Nullement. La clause dit qu’il
les lui ven d , et comme elle ne dit pas à quel prix , il
faut en conclure que s’il y avoit e u , à cet égard } dif
ficulté entre de si bons amis et des hommes disposés
-à se traiter avec une si grande générosité , le prix
auroit été selon l'estimation et la valeur courante
<les bois. Or , quelle indemnité en faveur de M. la
Jumelière de Yavantage trouvé par M. Montz dans
le b a il, que cette convention en résultat de laquelle
M. la Jumelière paieroit les cinquante plus beaux arbres
d’Issy , tout ce qu’ils valoient? N ’étoit-il pas bien pres
sant de déranger le marché consacré en faveur de cet
autre am i, M. Sen et, par la délivrance du denier à
D ieu, pour le mécontenter seulement, pour le faire se
plaindre de ce qu’on écrémoit son propre traité en lui
prenant les cinquante plus beaux arbres , et tout cela
sans autre résultat en faveur de M. la Jum elière, que
l ’embarias pour lui de faire exploiter cinquante arbres
G
�( 5o )
loin (le sa maison et au milieu de l'exploitation d'un
autre , et de les faii'e voiturer à grands frais dans son
bûcher de Vaudouleur, après les avoir payés tout leur
prix à Issy ?
Ces mécréaus trouvèrent donc toute cette version
invraisemblable , ridicule , absurde. Ils y virent une
fable grossière , imaginée pour colorer l’acte de vente
de bois faite à Senet. Ils se doutèrent qu’il y avoit un
dessous de cartes quel qu’il fût. Et voulant vérifier
leurs soupçons, ils se transportèrent chez le notaire. Ils
demandèrent celte minute précieuse ensevelie dans les
cartons. E t ils virent tout ce qui a été dit plus haut.
Ils virent la petite manœuvre de renvoi.
Ils virent qu’il étoit dépouillé du paraphe du receveur
quoique cela eût été de rigueur s’ il eût existé lors de
l'enregistrement.
-
'
Ils virent plus. Ils virent que le droit qui avoit été
perçu éloit de 9 fr. 35 cent. Or , c’est bien là le droit
du pour l'acte prim itif, et calculé sans les conventions
du renvoi, d’après l’article 8 de la loi du 27 vendémaire an 9 , additionnelle à celle du 22 frimaire an 7.
Mais si ce même acte avoit exprimé alors les deux con
ventions contenues dans le renvoi ; s a v o ir , l'une qui
comprenoit de nouveaux meubles dans le bail, et l'autre
qui vendoit cinquante arbres ; le receveur eût dû per
cevoir 1111 droit de 1 fr. de plus par chaque convention ;
et le d ro it, au lieu de 9 fr. 35 cent, perçus selon la
déclaration, eût été de 1 1 fr. 35 cent.
�( 5 0
Les mécréans ne s’arrêtèrent donc plus au simple
doute. Ils furent convaincus qu’il y avoit faux et fraude.
Tous les magistrats, dans tous les tribunaux, en furent
convaincus aussi', car malgré toutes c e s . réclamations
croisées de plusieurs parties pour les memes objets ,
la vente, et des arbres coupés, et du mobilier d ïssy a
été ordonnée partout. Elle a été effectuée aussi. E t
pour en finir sur ces odieuses tracasseries , cette vente,
si on avoit besoin de preuves nouvelles de la criminelle
collusion qui règne entre tous ces hommes, de fraude ,
en auroit fourni une de plus. Ce marché <le M. Moutz
avec M. Sen et, malgré le denier à D ieu , étoit si peu
sérieux, le prix en étoit si peu ré e l, que bien que tout
le parc de M . Montz ait été par lu i, si on 1 en croit,
Tendu à Senet 10,000 f r . , les seuls arbres qui ont etc
abattus , et qui assurément sont fort loin de compléter
la coupe du p arc, grâces aux obstacles qu y ont ap
porté les créanciers, ont été vendus vingt - un mille
francs,
■ Puis croyez à la vente faite à M . Senet.
‘ Croyez surtout au paiement comptant qu’il a fait au
milieu de tant d’ em barras, d’ incertitudes sur l’exécution
de son marché, de craintes des créanciers, et encore
plus au milieu des embarras que doivent lui faire
éprouver ses propres finances j car qu’ est —ce donc
que ce M. Senet qui a ainsi des d ix m ille francs camptant à jeter par la fenêtre et à payer à des débiteurs
en faillite , pour des arbres qu’ il n’éloit assurément pas
sàr d’enlever , comme l’événement l’a fort bien prouvé ?
�'( 53 )
Qu est-ce que ce M. Senet, qui va acheler des coupes
de bois sur pied, lui qui n’est pas marchand de bois,
qui n’enleud rien à leur exploitation , qui ne sauroit
qu’en faire , et qui s’est ensuite si peu mêlé de les
abattre,-que quand on les coupe c’est M. Montz seul
qui préside à l’abattis , qui donne les ordres , qui
ameute les ouvriers, qui leur fait passer la nuit et les
fait tx’availler aux flambeaux : circonstance qui toute
seule suffiroit pour prouver qu’il s’ agissoit dans cette
coupe de l’ intérêt de M. Montz et non pas de celle de
M. Senet, toujours absent, si ce n’est dans les actes et
dans les réclamations? Ce M. Senet, quelle, que soit
d’ailleurs sa moralité , est un pauvre h ère, bien digne
compagnon de M. Montz sous certains rapports, puisqu’au mois de mars dernier, suivant extrait rapporte
en bonne forme , il a été constitué prisonnier pour deux
mille francs y et puisqu’encore présentement, suivant
certificat délivré par M. Hygnard, huissier, cet officier
est porteur contre lui de sentences pour mille francs ,
sur lesquels ce riche marchand de bois , qui trouve si
facilement dix mille francs dans sa bourse pour les payer
comptant dans des marchés aventureux, n’a pu encore, à
force d’à-coinpte, s’ acquitter que jusqu’ à concurrence
de 64 o fr. I Voilà les capitalistes qui secourent avec tant
de grandeur d’âme M. Montz, et qui ont toujours u
point de si grandes ressources pour acheter ses pro
priétés quand il veut les vendre ! Voilà celui qui vient
même de lui acheter tout à l’heure cette propriété même
d ’Issy 1 II est temps de parler de celte dernière fraude,
�( 53 )
par laquelle M. Montz a couronné toutes les autres.
Mais celle-ci elle-même a eu une pi'éface dans laquelle
nous allons encore voir agir M. la Jumelière.
Le commandement d’ expropriation étoit fait depuis
le mois d'octobre 1807.
Toutes ces petites fraudes pour les arbres, pour le
m obilier, pour les provisions, etc., avoient été com
mises.
Mais M. Montz voyoit bien qu'elles viendroient l’une
.après l'autre échouer contre la justice des tribunaux, et
qu’il ne sauveroit jamais sa propriété de la vente forcée.
C ’est alors qu'il tenta un dernier efl’ort pour amasser
d’avance, autour de la jouissance de l’adjudicataire, tant
d’embarras , que personne ne soit qui ne s’effraie de
le devenir.
~ Il loua à M. la Jum elière la maison d’Issy, moyen- 21e. et aa«.
nant 5 ,800 fr. par an , pour neuf an s, p ar acte du 1 9
novembre 1 8 0 7 , en le soumettant à souffrir la coupe vente simu-
de tout le parc : ce à quoi consent bénévolement ce lo- faudrÎ’Sdeî
cataire de nouvelle espèce , qui ne veut avoir de maison nulHuT/la
de campagne que pour n'avoir pas un arbre dans son
jardin.
Encore M . la
.
Au reste, et avant de parler de l'autre partie de la
manœuvre de M. Montz, qu’il soit permis de faire bien
remarquer la bizarrerie des traités passés à diverses
époques entre M. la Jum elière et M. Montz relative
ment à la maison d'Issy.
D ’abord M. Montz y demeure. Il en est même nu-
Jum elière.
Encore M .
�( 54 )
propriétaire. L ’usufruit et le mobilier sont à vendre. Ce
n’est pas M. Montz qui en a besoin qui les achète j c’est
M. la Jum elière. Ainsi la maison est à M. Montz, et
c’est M. la Jumelière qui a les meubles.
Ce contre-sens cesse enfin. On s’apperçoit qu’il n’est
pas naturel que la jouissance de la maison soit d’un côté
et les meubles de l’autre. M. la Jumelière alors fait enfin
un bail des meubles à M. Montz. Mais à peine ce bail
est-il fait, que voilà M. Montz qui garde les meubles ù
loyer et qui loue la maison à M. la Jum elière; en sorte
que les meubles et la maison ne sont jamais ensemble 5
et que, par un renversement de rôles qui seroit absurde,
si on ne voyoit très-distinctement que toutes ces va
riantes ne sont que des moyens diflerens d’une fraude
toujours la même , ayant pour but d’éluder les droits
des créanciers, M. Montz, propriétaire de la maison ,
ne garde pas la maison, mais prend les meubles à
loyer , sauf à opposer le bail à ses créanciers quand ils
viendront, et que M. la Jum elière, propriétaire dos
meubles , semble les louer tout exprès à M . Montz pour
n’en avoir plus et pour coucher entre les quatre mu
railles quand il aura loué la maison.
A présent, fera-t-on remarquer toutes les invrai
semblances qui se soulèvent contre celle supposition
que M. la Jumelière eût réellement loué Issy.
Il a une maison à Vaudouleur.
Il y est, d il-il, cultivateur.
Il y est fixé, du moins.
�( 55 )
On ne devine même pas quel rapport il pourvoit y
avoir entre sa fortune, dont il ne paroît rien , et une
seconde et inutile maison de campagne qu’il voudroit
acquérir, surtout quand elle est aussi magnifique que
celle d’Issy !
Tout le parc va être abattu-, et M. la Jumelière y
consenti et c’est dans cet état qu'il va louer la maison
d’Issy.
Comment croire de telles absurdités ?
On voit bien qu’ ici rien n’ est simple, ni naturel, ni
vrai.
Qu’a-t-on donc voulu faire par ce bail évidemment
fictif? Ce qu’on a voulu , c’est afî’oiblir le revenu appa
rent de rimmeuble ; c’ est éloigner les enchérisseurs;
puisqu’ on n’achète ordinairement une maison de cam
pagne que pour l’occuper ; et qu’un bail naissant de neuf
ans est sans contredit l’obstacle le plus insurmontable
pour la vente d’une maison de plaisance.
Voilà d’abord le moyen imaginé pour entraver la
vente.
Mais M. Montz a fait plus , et il a vendu lui-même
la maison.
E t à qui l’ a-t-il vendue ?
Il faudroit avoir bien peu profité de la lecture de tout
ce qui précède , si ou ne se tenoit pour assuré que ce
sera ou à M. G in, ou à M. la Jum elière, ou àM . Senet.
Aussi est-ce à M. Senet.
�( 50)
M. Senet, qui n’avoit pas en mars -2000 francs pour&e
sauver de l’emprisonnement 5 M. Senet, qui n’a pas au
jourd’hui encore 36 ofr. pour compléter des condamna
tions de 100Q.fr. qui peuvent Je remener demain en pri
son , a tout de suite tout l’argent q u il faut pour acheter
et habiter une maison de campagne occupée successi
vement par des princes ! Cela est en eflet fort croyable \
Il est vrai que M. Montz, qui ne veut pas qu’on tour
mente trop son cher ami Senet pour le paiement du
prix , a soin de le fixer avec assez de modération pour
que la condition ne devienne pas trop pénible : il l’a
porté à 77,000 francs. E t c’est ici que brille dans
tout son éclat la sagesse du vendeur. Il a donné sur ce
bien à son ami Gin une hypothèque de '80,000 francs;
il le vend 77,0,00 francs. Gin prendra les 77,000 francs,
ou s’en arrangera avec Montz et Senet , ce qui 11e sera
pas bien difficile ; et, de cette manière, voilà le pauvre
acquéreur préservé de la mauvaise humeur et des pour
suites de tous les créanciers. 11 est vrai que Gin ne trou
vera dans le prix de la vente que 77,000 fr. , au lieu de
80,000 fr. qui lui sont dus, et qu’ainsi il sera en dan
ger de perdre 3 ooo fr.j mais à cela ne tienne. Nous
savons tous que Gin est généreux , et il ne les regrettera
pas.
Toutefois , il ne faut pas se dissimuler que ce prix si
foible d’une si belle propriété pourra tenter les vrais
créanciers, et qu’ils ne manqueront pas de surenchérir.
Qu’ils viennent?
M. Montz y a mis ordre.
Le
�'( h 1
L e contrat de vente renferme des conditions si ex
traordinaires que peut-être , et la maison n’eut-elle été
vendue que 10,000 f r ., il ne se trouyeroit personne, qui
voulût surenchérir.
En e iïe t, M. Monts se réserve pour lui et pour toute
sa vie , des jouissances fort bizarres.
i° . lise , réserve d’abord labdlje. chanxbre à coucher
de la maison, en entrant par le grand, salon^ et les
pièces ensuite de cette belle chambre , et dans l'urne desquelles sont les lieux à l’anglaise qu’il se réserve poiiç
lui seul.
Ainsi le vendeur, dans l’appartement d’honneur, aura
la chambre à coucher et les pièces de service. Il n’aura
pas le salon ; mais il s’en servira comme d’un passage
pour sa chambre à coucher.
2°. Il se servira du vestibule en commun.
3°. Il se réserve un grand nombre de pièces çà et là
dans la maison , des remises, des écuries.
4°. H se réserve exclusivement la glacière,
5°. Il se réserve le droit de chasser dans le parc ,
quand il le voudra ,'avec trois ou quatre de ses amis.6°./ Il se réserve les passages à pied, en voiture , etc.
Bref, M. Senet ne sera pas chez l u i , ‘ n’aura rien ex
clusivement à lui, et vivra dans un indivis d’autant plus
fâcheux, qu’ il n’y aura nul remède pour s’en débar
rasser.
î
'
N ’est-il pas évident que toutes ces clauses hétéroclites
rçfi'Sont amassées dans le b^iil que pour empêcher per
sonne de se mettre à le place d’un esclave tel que le sera
II
�( 58 )
M. Senet dans sa propriété, c'est-à-dire, de suren
chérir ?
E t insulteroit-on à la raison humaine, au point de
croire avoir besoin de prouver à personne que tous ces
actes ne sont concertés entre M. Montz et ses affidés
que pour se jouer des droits de ses créanciers ?
E t comment ne croiroit-on pas à la fraude de cet
. homme qui emploie, même à découvert, la violence
pour résister aux dispositions de la justice, et q u i, si
on le laisse faire apparemment, finira par mettre le
feu à sa maison, plutôt que de souffrir que la puissance
publique l’emporte sur ses résistances ?
Sa maison a été saisie} il y a commis des dégradations
telles qu’au rapport des experts, dont l’un a été nommé
par lu i, il l’a diminuée de plus de 45 ,ooo fr. de valeur.
Ses meubles ont été saisis, ces meubles qu’ il prétend
appartenir à son ami la Jum elière. Donnant lui-même
par ses excès un démenti à ses fables , et oubliant qu’ il
dit que les meubles ne sont pas à lu i, il s’est occupé de
les dérober à ses créanciex-s , comme s’ils étoient bien à
lui. Chaque jour, depuis la saisie, a été marqué par
des enlèvemens furtifs ou par des destructions.
Il en a brisé.
Il en a vendu.
Il en a déplacé et caché de manière que les gardiens
qui pourtant veillent sans cesse, n’ont pas pu savoir ce
qu’ils étoient devenus.
Il y avoit des cygnes 5 il les a tués.
Des objets d’un très-haut prix ont disparu et n’ont
pas été retrouves.
�E 59 )
D’ordre de la justice , des cadeuats el des fermetures
ont été apposés à toutes les portes écartées pour mettre
un terme aux spoliations ; il a brisé fermetures et cadenats.
Il a arraché jusqu'aux plombs et les a soustraits.
Si les gardiens ont osé se plaindre, il les a me
n acé s, et ajoutant la dérision au v o l, il en est venu
jusqu'à avouer tous ces actes de rapine , en disant ironi
quement qu’il n’y avoit qu’à les estimer et qu’il les
paieroit.
B re f, il a tant fait que pour conserver la propriété,
il a fallu qu’un jugement ordonnât d’en expulser le pro
priétaire.
Encore, et ceci passe peut-être tout le reste soit par
la bizarrerie soit par l’audace de l’invention , les ma
gistrats ne l’ ont - ils pas emporté dans Cette occasion
sur le justiciable , et celui-ci a-t-il encore trouvé des
moyens de ravager sa propriété et de la frapper de
néant dans quelques parties, même sans qu’ il fût né
cessaire pour lui de l’habiter.
Il
existe des prés d’un très-grand produit, dépendant
de la maison. Personne en se mettant l’esprit à la tor
ture ne pourroit imaginer un moyen d’empêclier que
des prés n’ existent. E h bien ! M. Montz l'a trouvé. On
est venu avertir un matin les créanciers que sur ces
prés étoient répandus des ouvriers occupés à couper,
non pas la récolte, mais la superficie même du terrain.
On a couru avec mainforte ; el ce qu’on a trouvé,
c’est que M* Montz abusant de l’ignorance et de la sim
plicité -d’un jardinier voisin, lui avoit vendu, moyennant
H a
�( <3o )
200 fr. par arpent, la faculté de tourber ses pr:és.;à tin
pouce ou deux de profondeur pour en'faire des gazons
ailleurs , opération qui auroit détruit le prod.uM. d^s
prés pour plusieurs années , mais qui heureusement a.
été arrétée encore à temps y et ne s.’est effectuée que sur
un demi-arpent.
s- Tel est M. Montz. a-. ;
Tels sont MM: G ingia Jum elière, Senet, Schérbpet
Tarteiron.
. '
Tous ils se relaient pour fatiguer successivement les
créanciers de leur ami. *
M. Gin, tantôt réclame ou le mobilier de P a ris, où*
la jouissance de l'hôtel place Vendôme, ou les fermages
;des biens de Moulins.
*
l’hôtel de la place
Vendôme 1: il demande
■(.On vend
At
à être colloque sur le prix pour sa créance de 8o.,ooo fr.
, 0 u va vendre Issy. Il-a formé unq inscription, et de
mandera, aussi, à être coltaqué. r = ,r.
Dans ce moment on distribue devant le tribunal de
Versailles le prix de la verrorie de Sèvres qui jfulis
a appartenu à M. Montz , et dont le prix, lui est dû.
MM. Tourton , Uavel et compagnie y sont, inscrit^.
Armé de sa frauduleuse cession des bijlets'Gozaux, qu’il
prétend être une seule et même créance avec le prix de 1^
verrerie; M. Gin aie front de se présenter, de contesserà
MM. Tourton, Ravel et compagnie la validité de leu,r
inscription, et de domander qu’Qn luj abandonna lç
prix qu’il ne larderoit pas à remettre à M. Montz.
M. la Jumelière , quaut à lui ; réclame le . mobilier
■
�61
et les arbres d’Issy ; il réclame la jouissance des baux
que lui assure pour neuf ans un bail frauduleux.
M. Senet réclame aussi les arbres d’Issy, et de plus ,
il prétend être le propriétaire de le maison.
Quant à M. Tarteiron, il e s t, si on l’en croit, le fer
mier général des biens de Moulins ;
E t M. Scherbe en est le propriétaire.
Ainsi se sont successivement évanouies toutes les res
sources de M. Montz pour ses créanciers , mais non
pour lui.
La justice souffrira-t-elle cette révolte ouverte contre
ses arrêts ?
Tant de fraudes et d’excès en éluderont-ils la puis
sance ?
Non, sans doute.
Les magistrats sentiront q u 'il y va bien plus en
core de l’intérêt social que de celui de la maison Tourton, que cette véritable insulte aux lois soit réprimée ;
et chaque fois que quelqu’une de ces fraudes se produira
dans les nombreux procès dans lesquels M. Montz a eu
l’art d’entraîner MM. Tourton, Ravel et compagnie, ils
la couvriront du mépris et de la proscription qu’elles
méritent toutes.
S ig n é ,
T ourton, R avel
et
Compagnie.
M c. B E L L A R T , Avocat-Conseil.
De l'imprimerie de Xh r o u e t , rue des Moineaux, n°.
16.
�
Dublin Core
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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Title
A name given to the resource
[Factum. Tourton. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bellart
Subject
The topic of the resource
faux
simulations
fraudes
spéculation
inventaires
Description
An account of the resource
Mémoire pour MM. Tourton, Ravel et Compagnie ; contre M. Montz et ses prête-noms ; ou Histoire générale des fraudes de M. Montz ; pour servir à l'instruction des vingt-trois procès par lui suscités à MM. Tourton, Ravel et Compagnie.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Xhrouet (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 7-1808
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
61 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0601
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Issy-les-Moulineaux (92040)
Moulins (03190)
Paris (75056)
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inventaires
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spéculation
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Text
*•
P R É C I S
POUR
S ie u r
Jean G E R L E , avocat, et juge de paix
du canton de Sauxillanges, intimé ;
CONTRE
F r a n ç o is
r i n e et
GERLE , p r ê t r e , P i e r r e , C
M a r i e G E R LE , f r è r e s et
a th e
sœ u r s,
appelans.
U n e a c q u i s i t i o n d’immeuble particulier, faite par un
p è r e , en qualité de légitime administrateur d’ un de ses
enfans en bas â g e , le prix payé des deniers du père ,
auquel des deux doit - elle profiter ? La translation de
propriété qui s’est opérée par l’effet de l’acte de v e n te ,
n’a-t-elle pas résidé, ab in itio , sur la tete de l’enfant,
au nom duquel l’acquisition a été faite? ou l’objet ainsi
A
�acquis f a it - il partie des biens et de la succession du
père ?
L ’enfant doit-il être tenu de rapporter l’objet en na
ture , à la succession de son père ? ou n’est-il tenu qu’au
rappôrt des deniers employés par le père au payement
du prix de cette acquisition, des frais et loyaux coûts,
et aux améliorations du fait de ce dernier?
T elle est la principale contestation sur neuf cliefs de
demande, qui seront développés lors de la plaidoirie.
F A I T
S.
E n 1 7 5 9 , Pierre G e rle , père commun des parties,
e n q u a l i t é Ue l é g i t i m e administrateur du sieur G erle, in
tim é, donna sa procuration pour acheter six journaux
d’un pré appelé la Périchon n e, situé à Sauxillanges.
L ’acquisition fut faite par le fondé de pouvoir du sieur
Gerle pè re, en cette qualité, pour et au nom du sieur
Gerle fils.
E11 1 7 8 6 ,1 e sieur Gerle fils contracta mariage. Son
père l’institua son héritier, et le chargea de payer, à
chacun de ses autres enfans , une légitime déterminée.
A l’époque d u c o n t r a t de mariage du sieur Gerle fils
(sa mère étoit décédée ab intestat) , Pierre G erle, son
père, jouissoit alors des biens de ses enfans, provenons
du chef de leur m ère, en vertu de l’usufruit légal, effet
de la puissance paternelle alors en vigueur. Les parties
vivoient sous l’empire des lois des pays du droit écrit.
A p rès le mariage du sieur G e rle , intimé, son père a
également continué de jouir de ses biens, par suite du
�C3 )
même usufruit, jusqu’au 19 août 1804, époque de son
décès.
A l’ouverture de la succession du sieur Gerle p è r e ,
le sieur Gerle aîné, son héritier contractuel, a réclamé
les six journaux:'de pré comme à lui appartennns, ayant
été acquis pour lui et en sou nom par son p è re; il a
offert de rapporter à la succession paternelle les deniers
fournis et avancés par son père, et employés au payement
du prix de cette acquisition , les frais et loyaux coûts
d’icelle, et le montant des améliorations du fait de ce
dernier, s’il en existe, qui aient rendu l’objet acquis de
p lu s grande valeur.
m
o
y e n
s.
C’est un principe généralement reconnu et avoué dans
le d r o i t , qu’un père peut.acquérir pour un de ses enfans;
et que l’objet acquis par le père, comme administrateur
légitime d’un d’eux, appartient irrévocablement à l’enfant
sous le nom duquel l’acquisition est faite, exclusivement
au père. C’est ce qui nous est enseigné par tous les ju
risc on sul tes qui ont écrit sur cette matière.
Ils ont assimilé le cas de l’acquisition faite par tle père,
agissant en qualité d’administrateur -ou de curateur d’un
de ses enfans , au cas d’ un retrait lignager exercé par
l’ascendant, agissant en ¡la même q u alité, sous de nom
d’ un d?eux. Ils enseignent q u e les effets ■et les-consé
quences-sont les mémos dans l’un comme dans l’autre
cas, et décident que de même que le -père, ou un cdes
ascendans , ne peut «disposer ide ^héritage ainsi referait ,
A 2
�( 4 }
.
de même il ne peut aliéner l’héritage par lui acquis sous
le nom d’un de ses enfans.
Gi'imaudet, en ses œuvres, liv. 2, ch. 1 2, agite d’abord
la question de savoir si un père peut valablement retraire
sous le nom d’un de ses enfans , n’ayant aucun bien ,
l ’objet par lui vendu : après avoir décidé pour l’ailirm ative, il ajoute que lors du partage des biens du père,
l’objet acquis appartient et reste h l’enfant comme propre;
qu’il en est l’incommutable propriétaire; et que, quoique
le père ait payé le prix de ses deniers, il ne sauroit pré
tendre à la propriété de la chose ainsi acquise. V o ici
comment s’exprime Grimaudet :
« L a conséquence suit de ce que l’enfant de famille,,
« ou son p è re , comme curateur, peut retirer ce qui a
« été vendu par son père; lequel acquêt demeure propre
« à l’enfant, et le père, après, né le pourra retenir, par la
a liaison commune que ce qui est acquis de mes deniers
« n’est pas fait mien, mais à celui qui a fait l’acquisition.»»
Cet auteur fonde son opinion sur la loi S i e x eâ
p ecu n iâ , au cod. de re venditâ ,* et les raisons qu’il cn>
donne sont, ainsi qu’il les rapporte, fondées sur l’autorité
de Godefroy. Q uia emptum pecitniâ a lic u ju s , ejus
non f i t , sed ejus cnjus nornine emplio facta est ; et
quando pater donat fd io y velut pecuniam in retracta,
ilia donatio non reddit ad commodum pntris.
L e môme auteur ajoute ensuite :
« Entre les enfans ès lieux où les père et mère ne
« peuvent pas avantager les uns plus que les'autres, celui
« sous le nom duquel l’acquêt est f a it, doit rapporter
t< les deniers de Vacquét avec le s fr a is , si mieux il u’aiine
�(5)
« la chose retirée, demeurer en l’hérédité, pour les doc< niers en cire partagés; et pour L’acquêt être f a i t par
« le p ère, comme curateur de son enfant , il ne fa u t
« dire q u il fa s s e sa condition meilleure que îitn de
« ses autres e ifa n s : car il ne lu i donne rien de son
« bien , et tout ce qui part du père ( qui sont les de« niei's') , il fa u t que Venfant les rapporte:; le nom du
a curateur ne doit fa ir e que la chose appartienne au
« père et aux autres enfans.
« Ce que nous disons que le père ne peut avantager
« l’un de ses cnfans plus que l’autre, se doit entendre,
« comme n o u s di so n s e n droit, que l’homme et femme
« ne se peuvent faire don l’un h l’autre, dont l’un soit
a plus pauvre, et l’autre enrichi : o r , au cas présent,
« par Vacquêt le père n'est a p p a u v r i c a r il ne perd
« rien du sien , et débourse seulement des d e n i e r s p o u r
a lesquels il se peut p o u rvoir; et jquant à Ia c q u ê t, le
« fils ne lef a i t de son père, mais de Vétranger; partant
« les autres cnfans ne peuvent prétendre part\ audit
« a cq u êt, ou dire que par icelui le père ait, avantagé
« leur frère. »
Brodeau, sur l’article 139 de la coutume de Paris, qui
étoit une coutume qui astreiguoit à une parfaite égalité,
a consacré les mêmes principes que Grimaudet ; il en
seigne que « les autres enfaus, après le décès du père,
« ne peuvent rien prétendre à l’héritage retiré ou acquis
« par le père, sous le nom de l’un d’e u x ; que le fils
« n’est tenu qu’au remboursement des deniers avancés
« par le père; que dès-lors n ih il abest à f a m iliâ , et
.« qu’on ne peut pas dire que la gratification et le ch oix
�( 6 )
« que le père a j'a it de la personne d'un de ses eirfans
« soit un avantage indirect et réprouvé. »
L eb ru n , en son Traité des successions, liv. 3 , chap. 6 ,
sect. 3 , traite la question de l’acquisition faite par un
père au nom d’un de ses enfans,et celle du retrait exercé
par le père sous le nom de l’un d’eux ; et dans l’un
comme dans l’autre cas, il enseigne et décide que le fils ne
doit rapporter què le prix de l’acquisition ou du retrait,
et non l’héritage acquis ou retrait.
A u nombre i 5 , il dit :
« S i lè père a acheté au nom de son fils, l e p r i x
êc"DË L’ ÀCQUÎSITI Ot t E S T S UJ E T A RAPPORT. »
A i l nômbre i'6, il ajoute :
« I l eti est de même quand un père a exercé e te x é « cuté un retrait lignager au nom de son fils; car le
« fils rapporte lè prix du retrait à. la succession de son
« p è re , É T frOtt l ’ h é r i t a g è S i ê m e , q u i n ’ a j a m a i s
* A P P A R T E N U A U PÈ RE, et qui ne l’auroit pu prétendre
«c en la succession de son fils, ni comme acquêt, ni à
s titre de réversion ; en sorte q u e , quoique le retrait
« lignager soit très-avantageux, c’est un cas où le père
te 1peut avantagét soh fils d’un projit q u i 71 est point
« 1sujet à ràpport. » Î/J'aut dire de même dans le cas
~dü ftombre précédent , et « si "le p è r e a f a i t p o u r
xt ‘s'dN W L S ÙN 'AiCHAT A V A N T A G E U X . »
^Bou^jon,“e n ‘sbhTraité du droit commun delà France,
tihap. 7,l$ect. i 1^ . , irititulée : D u ‘rapport de ce que le
“pèrb irchètb lpôur soh fils, png. 7 2 9 , s’exprime ainsi.
A ii nortibre '1^ . , il dit :
T o ü t aviinta^e d’ascendarrs'à descendons fonde’lerap-
�(7 )
«
«
«
«
port. Si les père et mère ont exercé un retrait lignager
sous le nom de leur lils , il doit les deniers employés
pour l’exécution d’un tel retrait , m ais Théritage
retiré lu i appartient. »
A u nombre 2, il ajoute:
« D e m êm e, s'ils ont acheté et payé pour lu i un
« im m euble, ce q u i résulte évidemment de la proposi« tion précédente. »
A u nombre 3, le même auteur ajoute encore:
« D a n s Tun et Vautre ca s. c'estr-à-dire, du retrait, et
« de Vachat d'un immeuble de la part d'un père pour
« son f i l s , ce dernier ne doit pas le rapport de la
« c h o s e , qui ne vient pas de la substance du p è r e ,•
« mais L E R A P P O R T d e s d e n i e r s p a y e s par Vascen« dant à ce sujet. Mais il ne doit plus les deniers en aban« donnant la chose , s’il se trouvoit lésé par le retrait
« ou l’acquisition, et qu’il eût été restitué contre l’effet
« d’iceux. »
Enfin, au nombre 4 , Bourjon s’exprime ainsi :
a Soit dans le cas du retrait exercé par le père pour
« son lils, soit dans le cas de Vacquisition f a i t e par le
« père sous le nom du même j i l s , c e s S O R T E S d ’ a c t e s
ce S O N T
DES
ACTES
DE
COMMERCE
ET
N O N ' DE L I B É -
« R A I jI T É . »
d errière , sur l’article 3 0 4 'de la -coutume de Paris,
glose 2 ,ii°. i£r., tom. 3, enseigne une semblable dqctrine.
« Ce.qui est a cq u is, d it-il,
pèrç, de ses deniçrs,
« au nom de sop fils, est'suj.et à rapport,1 suivant le
ik sentiment de Charondas, ce quùest>sans dpute',‘ et en
« ce cas, c ’ e s t l a s o m m e q u i e s t - s u j e t t e à ’R a p p o r t ,
�Ce )
x ET NON L’HÉRITAGE
ACQUIS , D’ A U T A N T QU’l L N’A
« J A M A I S ÉTÉ DANS LES BIENS DU PERE. »
B oucheul, en son T raité des conventions de succéder,
chap. 6 , n°. 21 et suivant, pag. 66 et suivantes, traite,
e x p ro fesso , la même question que la cour a à juger.
A p rès avoir fait l’énumération des coutum es, telles que
celles de N orm andie, Bretagne et T ou rain e, dont les
dispositions sont contraires aux principes gén érau x,
Boucheul ajoute aussitôt:
« Mais l’on renferme ces coutumes dans leur détroit;
« et où la coutume n’en parle p a s, la jurisprudence y
« est certaine que l’héritage ainsi retiré et acquis p a rle
« p è r e , sous le nom d’ un de ses enfans , q u o i q u e
« M I N E U R , EN BAS A G E , ET MEME SANS AUCUN BIEN,
« APPARTIENT,
NON AU
« DENIERS , m a is
à
PERE
l'e n fa n t
QUI
sous
A FOURNI LES
le
n om
du q u el
sont faits. »
Cet auteur a fondé son opinion sur les dispositions
de ld loi 8 , au cod. S i quis alteri vcl sib i emerit.
A u nombre 26 , Boucheul ajoute :
« Q uand le père ou la mère a c q u i è r e n t un heri« tage sous le nom de l’un de leurs enfans, ce n’est pas
«
L’ ACQUÊT
k
UN
«
ont pour l u i
ou
le retra it
AVANTAGE
que
c e tte
q u ’i l s
p ré d ilectio n
, et en rem boursant le p r ix ,
l ’h e r i -
« t a g e EST AU F I L S , sans qu’il soit besoin d’en f a ir e
a rapport à ses co h éritiers, parce que c e s t un bien
« qu i ne vient pas dm su b s t a n t i a p a t r i s. »
D en izart, au mot R apport, n°. 49, dit:
« S i le père achète , au nom de son J i l s , ou exerce
« uji retrait lignager, LE p r i x d e l ’a c q u i s i t i o n ou du
«
retrait
�(9)
« 7'etrait est sujet à rapport ; MAIS
non
pas
l ’h é -
« R I T A G E , QUI N’ A J A M A I S APPARTENU AU PE RE ; en.
« so r t e q u e , supposé que Vachat ou le retrait soit
« avantageux au j ï l s , LE PROFIT QUE F A IT LE FILS
« N’EST PAS SUJET A RAPPORT. »
Pothier, e n s o n T i’aité des successions, cliap. 4 , §. 2,
page 180, édit. in -40. , enseigne la môme doctrine.
« LorsqiCun père ( d i t - i l ) a acheté , au nom et
« pour le compte de s o n j i l s , un héritage, et en a payé
« le p rix de ses deniers , CE n ’ e s t p a s l ’ h é r i t a g e
« qui est s u j e t A r a p p o r t ; I L N’ A J A M A I S
« P A S S É DU" P È R E a u F I L S , P U I S Q U ’I L N ’A
« JA M A IS A P P A R T E N U AU PÈ R E , A Y A N T
« É T É ACH ETÉ AU NOM DU F IL S ; L E F IL S
« sera donc seulement ten u, en ce c a s , a u r a p p o r t
k d u p r i x que le père a jv u r n i pour Vacquisition. »
O a trouve la môme décision dans le répertoire de
jurisprudence, par Guyot. Les articles que nous allons
rapporter sont d’un célèbre magistrat, vivant au temps
actuel, collaborateur de ce répertoire ( 1 ).
A u mot légitim e, tom. 10, pag. 386 , 011 lit :
« L e PRIX d ’ u n e a c q u i s i t i o n que le père fait au
« nom de son fils, et qu’il paye de ses propres deniers,
« est, sans contredit, sujet à l’imputation : on a déjà
« vu que le parlement de Flandres l’a ainsi jugé, par
a arrêt du 14 février 1775. »
Mais il est essentiel de remarquer ici que c’est du
p r ix , et non de l ’héritage acquis, dont il est fait men~
( 1 ) M. Merl... procureur général à la cou r de cassation,
B
�( 10 )
tion , lorsqu’il s’agit de l’imputation de légitime. On va
voir qu’il n’est également question que du p r ix , et non
de l’h éritage, lorsqu’il s’agit du rapport.
ü n lit encore, dans le même répertoire de jurispru
dence de G u y o t, page 413 , au mot rapport, nomb. 7 :
« Nous avons établi, à l’article légitim e, qu’on doit
« imputer, dans la portion légitimaire, l e p r i x d e l ’ a C« QUISITION QUE LE PERE A FA IT E DE SES PROPRES
« DENIERS , AU NOM DE SON FILS ; la même raison
« veut que LE PRIX SOIT S UJ ET A RAPPORT. »
E n fin , h la même page il est ajouté :
« Nous ne parlons ici que DU RAPPORT DU T R i x ,
« parce qu’en effet il rfy a que l e p r i x q u i y p a a ROISSE SUJET ,
« FA IT E
DANS
P AR LE PERE ,
IÆ CAS D’ UNE ACQUISITION
AU NOM D’UN DE SES EN-
« F A N S , L’HÉRITAGE MEME SEMBLE NE DEVOIR PAS
« Y ÊTRE SOUMIS : J A M A I S IL N’A APPARTENU A U
« P È R E ; IL N’A POINT PASSÉ DU PERE AU FILS , et
« CONSÉQUEMMENT
a LE METTRE
«
APRÈS
LE FILS N’EST
POINT
TENU DE
DANS L A MASSE DES BIENS DU PERE
SA MORT. >3
Telle est la doctrine universqllement enseignée par les
j u r i s c o n s u l t e s q u i ont écrit sur la question élevée au
jourd’hui dans la famille G e r l e : t o u s o n t décidé q u e le
fils, au nom duquel l’acquisition ou un reirait sont fails
par le père, ou autre ascendant, est propriétaire seul et
incommutable de l’immeuble acquis 011 retrait ; que le
fils est seulement tenu au rapport des deniers déboursés
par le pè re, et non au rapport de l’héritage acquis,
sur lequel le père n’a jamais eu aucun droit de propriété.
�( 11 )
D e ces principes, il résulte que les six journaux de
p r é , que le sieur Gerle père a acquis au nom de son
fils a în é, en 1769, ont appartenu à ce dernier , dès l’ins
tant même que la translation s’en est opérée par l’effet
de l’acte de vente qui a eu lieu ; il résulte enfin , et il
est démontré, que cette propriété a résidé sans cesse sur
la tête du sieur Gerle, intim é, à l’exclusion de son père,
et q u e , soit le sieur Gerle p è r e , soit sa succession ou
ses héritiers, n’ont à réclamer que le p r i x , les frais et
loyaux coûts, et les améliorations du fait du p è r e , s’il
eu existe du fait du père.
Q u o i q u e le père ait fourni les deniers pour le paye
ment de cette acquisition , cette circonstance ne sauroit
donner aux enfans légitimaires du sieur G e r l e , aucun
droit de propriété sur le pré dont il s’agit. C ’est ce qui
nous est enseigné par Godefroy, en ses notes s u r la loi i rc.
au cod. S i quis alteri vel s ib i, sitb alterius no m iné vel
aliénât pecunià em erit, tit. 5o , liv. 4. Il décide que la
chose aCquise n’appartient pas h celui qui en a payé le
prix de ses deniers, mais à. celui au nom duquel la chose
est achetée.
R e s , dit-il, ejus esse'mm videtur, non eu ju s p ecu n ia ,
sed eu ju s nomine empta est.
Et sur la loi 8 , du même t i t ., le môme annotateur
ajoute : A lié n a pecuniâ , quod compara lu r ,J it compa
ra Jïtis , non ejus eu ju s f u it pecunia.
L a circonstance de l’existence de l’institution contrac
tuelle faite en 178 6 , en faveur de l ’intim é, de la part
de son père, ne sauroit changer son état, ni porter at
teinte à son droit exclusif de propriété sur le pré* dèJ là^
B 2
�Périchonue ; droit dont il a etc irrévocablement investi
dès le 7 avril 176 9, c’est-à-dire, dès le moment même
de la perfection de l’acte d’acquisition faite pour lui et en
son nom par son père.
En devenant l’unique propriétaire de ce pré, au même
instant il est devenu débiteur envers son père des deniers
par lui avancés et fournis pour parvenir à celte acqui
sition. O r , par cet état de chose, il est démontré que
jamais le père n’a pu être considéré comme propriétaire
du pré en question, et que cette propriété a nécessai
rement résidé dans la personne du fils.
L e père, en instituant son fils aîné héritier universel,
ne l’a institué que dans l’action qu’il avoit pour répéter
les deniers par lui d é b o u r s é s , et non dans la propriété
du pré acquis pour son fils. Car, encore une fois, le père
n’en a jamais été ni pu devenir propriétaire, tant que
le fils n’a pas manifesté l’intention de renoncer à la
propriété de cet objet»
Ce scroit renouveller une absurdité qu’on a mise au
jo u r, en cause principale, si les appelans prétendoient
que l’a c q u i s i t i o n faite au nom du fils , par le p è r e , est
un avantage indirect; que joiq^ à l’institution contrac
tuelle, le père nuroit alors excédé la quotité disponible;
que leur légitime de rigueur s c r o i t b l e s s é e ; le pré dont
il s’agit ayant, depuis 1769, considérablement accru de
valeur.
Toutes ces idées systématiques se trouvent détruites
d’avance par les autorités ci-dessus rapportées. Grimaudet,
Erodeau, Lebrun et Boucheul enseignent que la prédi
lection que donne un père à un de scs enfans, en achetant
�( i3 )
sous son nom un immeuble , n’est point un avantage
indirect fait à cet enfant. B o u rjo n , au n°. 4 déjà l’a p
porté, dit que ces sortes d’acquisitions sont des actes de
commerce et non de libéralité.
Il est impossible de concevoir que de telles acquisitions
présentent l’ombre la plus légère d’un avantage indirect,
lorsque le fils l’apporte les deniers fournis par le père;
par ce rapport,-le fils réintègre dans la fortune du père
tout ce qui en est sorti : et tous les auteurs ci-dessus
cités enseignent que le fils n’est tenu qu’au Rapport de
ces mêmes deniers, qui ont constitué la substance sortie
do la fortune du père, et qu’il n ’est point tenu au rapport
de l’immeuble acquis, lequel, ab in itio , a appartenu au
fils exclusivement au père : c’est ce rapport du *prix
qui a fait dire à ces jurisconsultes que la -prédilection ,
ou le ch oix d’un des en fa n s, f a it par le père , rfétoit
point un avantage indirect.
1 ■
^
L e p è r e , en achetant pour son fils , n’a sorti de la
substance de ses biens et de sa fortune, que des deniers;
le fils ne doit remettre à la succession du père que les
mêmes objets qui en ont été distraits ; c’est-à-dire, qu’il
ne doit remettre que des deniers. Cette vérité nous est
encore enseignée par Pothier, en son Traité des succes
sions, t o m e 6 , cliap. 4 , § . 2 , page 177? édition in -40.
Voici comme il s’exprime :
« Tous les actes d’ un père ou d’une mère , dont
« quelqu’ un de leurs enfans ressent quelqii avantage ,
« ne sont pas des avantages indirects sujets à rapport j
« il n’y a que .ceux par lesquels les père et mère font
« passer quelque chose de leurs biens à quelqu’un de
�( *4 )
« leurs enfans, par une voie couverte et indirecte; c’est
« ce qui résulte de l’idée que renferme le ternie rapport;
« car rapporter signifie remettre à la masse des biens du
« donateur, quelque chose q u i en est sorti. On ne peut
« pas y remettre , y rapporter ce qui n’en est pas sorti:
« donc il ne peut y avoir lieu au rapport, que lorsqu’un
« père ou une mère ont fait sortir quelque chose de
« leurs biens, qu’ils ont fait passera quelqu’un de leurs
«: enfans. »■
En faisant Papplication de ce principe lumineux en
seigné par Pothier, il est donc c la ii 'e m e n t d é m o n t r é que
les légitimaires G e r l e ne sont fondés à réclamer que le
rapport des< deniers employés par le père com m un , à
p a y e r l ’a c q u i s i t i o n f a it e pour son fils aîné , parce qu’il
n’est sorti du patrimoine du père que des deniers. L eu r
système de rapport de l’objet acquit est une erreur : cet
objet n’a jamais fait partie des biens du p è r e , puisque
tous le/*» jurisconsultes décident qu’il appartient au fils
et non au père. L e pré de la Périchonne n’a donc pas
pu sortir de la, fortune du p è re , n’y étant jamais entré,
C ’est v o u l o i r se révolter contre les principes du droit,
que de soutenir le rapport, en nature, du pré dont il
s’agit.
L a propriété- du pré de la Périchonne ayant résidé
ab in it io , c’e s t - à - d i r e , dès le moment même de la
confection de l’acte de vente par l’effet duquel la trans
lation de propriété a passé de la personne des vendeurs
en celle dû sieur Gerle fils, acquéreur, il est ridicule de
prétendre que lés appelant aient jamais pu concevoir
l’ospoir d’un droit de légitime sur ce pré. O n ne cessera
�(
)
de le l’épéter, ce pré n’a jamais fait partie du patrimoine
du sieur Gerle père ; il n’a eu sur cet objet qu’un droit
d’hypotlièque pour sûreté des deniers par lui avancés
pour son fils. L e sieur Gerle fils a în é , débiteur envers
la succession de son père de ces deniers, ne profitera
d’aucun de ceux que le père a sortis de son patrimoine,
en l’apportant le pi*ix de l’acquisition dont il s’a g it, les
frais et loyaux coûts d’icelle, et la valeur des amélio
rations du fait de son p è r e , s’il en existe. C ’est sur ces
deniers, que n’a cessé d’offrir l’intimé dès le moment de
l’ouverture de la succession de son père, que doit frapper
en partie la lé g itim e des nppclaiis, et non sur le pré de
la Périchonne qui n’est jamais entré dans le patrimoine
du père, et n’en a jamais fait partie.
Par le rapport offert par l’intimé, la succession du
père ne reçoit aucune atteinte, et l’intimé lui-même ne
reçoit aucun avantage. Cette succession recouvre tout ce
qui a été distrait par le père, de la substance de sa for
tune et de ses biens.
Lesappelans nesauroient être fondés à réclamer aucune
espèce de droit de légitime sur l’accroissement de valeur
qu’a pu acquérir le pré de la Périchonne, depuis 1769,
étant démontré qu’il n’a jamais fait partie des biens du
père commun. Cet accroissement de valeur n’a rien coûté
au père ; sa fortune 11’en a souffert aucune espèce de
distraction-, c’est une augmentation inopinée, qui est un
accessoire du p r é , produite par la chance des temps, et
indépendante du fait de l’homme. O r , dès -qu’il est dé
montré que le père commun n’a jamais eu ün tfeutifisA
t
";o
�(. 16)
tant aucun droit de propriété sur cet héritage} c’est une
absurdité de prétendre que les appelans ont des droits
à ses accessoires.
P o u r -pouvoir, G E R L E.
A R I O M , de l’imprimerie de T h i b a u d - L a n d r i o t , imprimeur
de la Cour d’appel. — Mai 1808.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gerle, Jean. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gerle
Subject
The topic of the resource
successions
acquisitions
fils avantagé
Description
An account of the resource
Précis pour sieur Jean Gerle, avocat et juge de paix du canton de Sauxillanges, intimé ; contre François Gerle, prêtre, Pierre, Catherine et Marie Gerle, frères et sœurs, appelans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1759-1808
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
16 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0549
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Sauxillanges (63415)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53860/BCU_Factums_M0549.jpg
acquisitions
fils avantagé
Successions
-
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83e34a8932286775b518ac1012ffe2bd
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MÉMOIRE A CONSULTER,
P O U R
A n t o i n e , J e a n et L o u i s - X a v i e r - S i l v a i n
GOMICHON, appelans, et demandeurs en garantie;
C O N T R E
F r a n ç o is e
GOMICHON, veuvede P i e r r e D e p e y r e
intimée
ET ENCORE
et J
DEPEYRE, N..,.. DEPEYRE,
et Guillaume ARMET, son mari défendeurs
en garantie«
C O N T R E
J e a n
o s e p h
T A B L E A U GÉNÉALOGIQUE.
G régoire G om i chon,
mort en 1720
Catherine Augier.
S ii v a in ,
né en 1699,
m ort en 1748:
ne en 1697,
mort en 1727
A ntoine
néen1702
Françoise B ontem s,
morte en 1733
Jean,
F rançoise,
à
Intimée,
Marie Lafont.
née en 173 7,
m ariée en 1753,
Pierre Depeyre.
r
AutoiflC.
Jean.
L o uis-X avicr-S ilvain ,
Appelans
Catherine.
Jean.
Joseph,
N
<i
G uillaum e A rm et.
A
�C 2 )
F A I T S .
.
J e a n G o m i c h o n , prem ier du n o m , est décédé en 17 2 7 ;
laissant en minorité un fils appelé Jean , com m e son père.
Silvain G om iclion, son oncle paternel, fut nommé son tuteur.Jean G o m ich o n , deuxièm e du nom , étant parvenu à sa ma
jorité, forma demande contre ledit S ilvain , son o n c le , en red
dition de com pte.de tu telle, par exploit du 23 janvier 174$.
'
C e tte dem ande fut portée devant le châtelain de Montluçon.
L e 24 mars suivant, Jean G om ich on obtint une sentence par
d é f a u t , qui condamna Silvain G om ich on à rendre le c o m p te
d em a n d é; et à défaut de c e faire, le condamna à payer la somme
de 3ooo fra n c s , intérêts et dépens.
Silvain ou m iciion uecéda le 10 juin 1748 , laissant une fille
m in eure, appelée Françoise G om ichon.
L e 2 i du m êm e m ois, Jean Gom ichon fut nommé son tuteur.i
Il n’avoit que vingt-deux ans.
Il o b tin t, le 11 ju illet 1749 » des lettres ro y a u x , pour être
relevé de différens actes qu’il avoit faits en m in o rité, et entre
autres de l’acceptation de cette tutelle.
Il ne paroit pas que Jean Gom ichon ait donné suite à ces
lettres : il parolt m êm e, au contraire, que Françoise Gom ichon
ayant contracté mariage avec Pierre D<?peyre, le 21 novem bre
17 5 5 , Jean Gom ichon a paru au contrat par fondé de pouvoir,
en qualité de tuteur de l a d i t e F r a n ç o i s e G o m i c l i o n .
Q u o iq u ’il en soit, le 8 juin 1768, D ep eyre a donné assignation
à Jean Gom ichon devant le châtelain de T re ig n a t, pour rendre
com pte de la gestion qu’il avt>it eue dea biens de Françoise G o
m ichon , sa fem m e.
^ ^ e a n G o m ich o n , de son c tjté , à qui il étoit dû un semblable
T ^ fcp to par la succession de Silvain G o m ich o n , se pourvut de
nouveau par exploit des 24 et 3o ju ille t 1768, et conclut contre
Françoise G om ich on, et P ierre D e p e y re , son m a ri, ù ce que la
�( 3 )
«sentence du 24 mars 174$, qui ordonnoît la reddition de c e
com pte de tu te lle , et à défaut de c e , condam noit S i l v a i n Gom ichon au payem ent de la somme de 5ooo fra n c s, pour tenir
lieu de reliquat, avec intérêts et dépens, fût déclarée exécutoire
contre la fem m e D epeyre , com m e elle l’étoit contre Silvain
G ô m ich o n , son père ; qu’en conséquence elle fut condam née à
payer la somme de 5ooo fra n c s , avec intérêts et dépens.
En niëm e temps Jean G om iclion se m it en règle sur la de
mande en reddition de com pte de tutelle de Françoise Gom ichon
et de son mari.
C e com pte fut rendu juridiquem ent le x3 août 1759; et Jean
Gom ichon établit qu’au lieu d’étre débiteur de sa pupile, il étoit
son créancier : w il etoit difficîia que cela fût autrem ent, Silvain
G om iclion ayant fait de très-mauvaises affaires , au point qu’il
avoit été emprisonné pour d ettes, qu’il étoit mort peu de temps
après s’être évadé des prisons, et que Jean Gom ichon avoit été
obligé de liquider sa succession.
Françoise Gom ichon et son mari fournirent des d é b a t s sur c e
c o m p te , le
2.3 d u m êm e mois d’aoû t, et les choses sont restées
dans ce t état jusqu’au mois de juin
1763.
A cette époque , Jean D e p e y r e , qui liabitoit dans la haute
Auvergne , près de S t.-F lo u r, vint en Bourbonnais ; des amis
et parens communs cherchèren t à concilier les parties ; et par
le résultat de leur m éd iatio n , il fut passé une transaction sur
p ro cè s, le 22 juin J763.
f ; D epeyre y stipule ta n t en son nom qu’en qualité de mari et
maître des droits et biens dotaux de Marie-Françoise Gom ichon y
sa fe m m e , absente.
O n y rend com pte de la tutelle qu’avoit eue Silvain Gomichon
de lajpersonne de Jean G om ich on , son n eveu, et du jugem ent
de 1745, qui condam noit ledit Silvain à rendre com pte de ladite
tutelle ; à défaut de c e , le condamnoit à payer 3ooo f r . , a v e c
intérêts et dépens,.
A %
�( 4 )
O n y rend aussi com pte de la tutelle quravoit eue Jean Go*
m ic lio n , de Françoise G o m ich o n , fille à Silvain ;
D e la reddition juridique de ce dernier com pte , par lequel
Jean G om ichon s’étoit prétendu créancier au l i e u d ’ é t r e débiteur,
et des débats fournis sur ce compte.
« T o u tes lesquelles demandes et poursuites, e st-il a jo u té ,
« m ettoient les parties dans le cas d’avoir plusieurs sentences et
« arrêts de la Cour de parlem ent, qui auroient pu occasionner
« la perte totale de leurs b ie n s, pour à quoi obvier, et é viter
cc les inconvéniens fâcheux qui auroient pu en résulter, et main
te tenir la paix et l’ un io n , elles ont été conseillées de traiter1et
« transiger sur le to u t, ainsi et de la m anière qui suit. »
P ierre D e p e y re , stipulant comme il a été dit en téte de l’acte r
subroge Jean Gom ichon à tous les droits revenans à sa fem m e,
sans ra c« r t : . n , m oyennant la somme de 600 francs , stipulée
payable en quatre term es, sans intérêts pendant les termes.
Au m oyen de quoi les parties se tiennent m utuellem ent quittes,
et tous procès dem eurent éteints et assoupis ;
« E t les p a rtie s, à l'ex écu tio n e t entretènem ent de tout ce
« que dessu s. ont respectivem ent obligé , ajfecté et hypothéqué
xc tous leurs biens présens et à venir. »
<
J'>0
L e s choses sont restées dans cet état jusqu’au 16 avril 1787.
A cette é p o q u e , Jean Gom ichon étoit d é cé d é , laissant ses
enfans en m inorité sous la tutelle de Marie L a fo n t, leu r mère.
P ie rre D epcyre., e t M a nc-F rançoise G o m ich o n , sa fe m m e ,
firent signifier la transaction du 22 j u i n 17G3 à Marie L a fo n t,
«en cette qualité de tutrice de ses enfans m ineurs, e t ils l’assi
gnèrent en m êm e temps pour voir d é clare r-cette transaction
e xécu to ire contre e l l e , audit n o m , com m e elle l’étuit .contre
ledit défunt Jean G om ich on; en conséquence, se voir condam ner
h leu r payer la somme de 600 fr. portée par ledit a c t e , avec lea
•intérêts et fràis.
’
1
‘ 1
E t l’année su ivan te, le 19 avril 17 8 8 , Antoine Gom ichon *
�C5 )
l’un des appeTans , sé transporta à M urât ; il fit com pte avec
Françoise Gom ichon de tous les intérêts du capital de 600 f r . ,
dûs et échus jusqu’au jo u r, qui se 'trouvèrent monter à une
somme pareille de 600 f r . , et Françoise Gom ichon lui en donna
quittance tant en son nom propre et p riv é , que com m e fondée
de procuration de son mari.
. v:
< D eu x ans après cette quittance, et le 3 o juillet 1790, Pierro
D ep eyre est décédé à Bayonne.
En 1793, et le 9 m ars, Françoise G om ichon a , pour la pre
m ière f o is , conçu l’idée de rechercher sa fam ille du .Bour
bonnais.
i
Elle a pris pour prétexte une prétendue succession d un Antoine
G om icJi'in, oncle et gran d -o n cle co m m u n , qu’elle supposoit
décédé à Passy près Paris;
:'i< t
>
- Elle a fait citer en conciliation M arie LaTont, veuve de Jean
G o m ich o n , sur les différentes demandes qu’e lle ‘se propo'soit
de form er, soit en partage de cette succession,
r
Soit en nullité de la transaction du 22 juin 17G3,
Soit en reddition et règlem ent du com pte de tutelle qu’elle
préte'ndoit lui être dû par Jean Gom ichon , e t de c elu i q u 'elle
■
pouvoib devoir du c h e f de f e u Silvaiu Gom ichon ,
Soit en désistement des biens provenus dè ses père et m ère,
avec restitution de» jouissances, avec intérêts et dépens.
Cette citation a été suivie de procès verbal de n o n -c o n c i
liation , et d’ assignation au tribunal de Montluçon , 'en date
du 3 septembre suivant.'
-:
" ir/!
,!
v>
C ette action ne fut poursuivie1 par la veuve D ep ey re ’, que
jusqu’au mois m essidor an 2.
'
Silence absolu depuis cette époque jusqu’au mois de frim aire
an 9.
1 '
1
i:lElle fit alors une première tentative en r e p ris e ,'q u i’ fut annullée par jugem ent' du tribunal deL M onthiçon $°et elle fu t
Condam née;aux dépens.,
t>i;‘
: c. ' ; 1 .nu
�( 6 )
' Elle form a une nouvelle action en re p rise , au mois messidor
an 11.
?!
'
; Les parties s’occupèrent alors principalem ent de la« succession
d ’Antoine Gom ichon , oncle et grand-oncle com m u n , qu’elle
prétendoit être décédé à Passy près P aris, dont la veuve De^
peyre dem andoit le partage.
>
O n lui opposa que pour dem ander le partage d’une succession,
il falloit établir, i°. le décès de l’individu de c u ju s;
..j2 0. Q u ’il n’avoit pas laissé des héritiers plus p ro ch e s;
-,
5 °.
Q u ’il avoit laissé une fortune quelconque.
O n ajouta qu’il étoit de notoriété qu’Antoine Gom ichon avoit
jadis entrepris un co m m e rc e de bœufs , qu il y avoit fait de
¿nauvaises affaires, et que se voyant accablé de d ettes, il s étoit
expatrié pour se soustraire aux poursuites de ses créanciers.
L a Vcuvu D cj ,oyrc , convaincue par ces raisons , se rendit
justice : elle se départit de son action ; et un jugem ent contra
dictoire , du 5 ventôse an 12 , donna acte de c e départem ent,
et ordonna que les héritiers Gom ichon défendroient au fo n d ,
dépens réservés.
;
C ette réserve des dépens est un peu étonnante, d’après le dé
partem ent prononcé juridiquem ent de l’action principale q u i,
jusqu’a lo rs, avoit occupé les parties ; mais ce qui est encore
plus éto n n a n t, c ’est que les héritiers Gom ichon ont été con
damnés depuis à ces mômes dépens , com m e on le verra par
la suite.
'
<n
Q u o iq u ’il en soit, les parties ont ensuite procédé sur l’objet
de la contestation rela tif à la transaction du 22 juin 1763,, dpnt
la veu ve D ep ey re dem andoit la nullité.
>,.
?
Les héritiers G om ichon l’ont soutenue non recevable dans
cette demande en nullité , attendu qu’elle avoit ratifié cette
transaction , soit par la dem ande.qu’elle avoit fon n ée conjoin
tem ent avec sorç^nari.^le 1.6 avril 17 87 , jten da nte, à fu i>e déclarer
pette transaction exécutoire contre les enip.n$ G o m ic h o n c o m m e
�'e lle l’étoit contre le u r p è r e , soit par la quittance notariée du ig
avril 1788, de tous les intérêts du prix de la transaction, échus
jusqu’alors.
'Nonobstant ces moyens qui sembloient d écisifs, il est inter
venu un second jugem ent contradictoire, le i 3 fructidor an 12,
q u i, sur le m otif que la ratification de la veuve D epeyre n’étoit
pas form elle, « sans avoir égard à la fin de non-recevoir pro« posée par les héritiers G o m ich o n , déclare nul l’acte du 22 juin
« 1763 , qu’on date mal h propos du’- 22 juillet. »
C e m êm e jugement joint au fond une demande en provision
qui avoit été formée par la veuve D epeyre.
E t pour être lait droit sur les fins et conclusions de la de
manderesse , ordonne tjuc
parties en viendront à l audience,
tous dépens réservés.
Ce jugem ent a éîé signifié à avoué le 26 floréal an i 3 ; et les
choses sont restées dans cet état j u s q u ’a u 2 juillet 1 8 0 7 , que la
cause portée de nouveau, à l’audience, il est intervenu un troi^
sièmè jugem ent conçu en ces termes :
j : ’ « L e tribunal donne acte de la déclaration faite par M e. M eu« nier, qu’il n’ a plus charge d’occuper pour les défendeurs;
« donne défaut contre eux ; pour le profit, tient l’instance pour
l €( reprise ; les condam ne à rendre com pte de la gestion qu’il
« a eue dé la personne et biens de Françoise Gom ichon ; à le
« présenter et affirm er dans le m ois, p ar-d evan t le président
cc du tribunal ;
« Les condam ne à se désister des biens immeubles revenans
« à l a d i t e G o m i c h o n d a n s les s u c c e s s i o n s de ses père et m ère,
« avec restitution dus jouissances, telles qu’elles seront fixées
« par experts ;
cc Condam ne lesdits défendeurs a u x dépens liquidés à 435 f .
cc 5?. c. , au c o û t, levée et signification du présent jugem ent, nCe jugem ent a été signifié à avoué le 8 juillet dernier, e t i
dom icile le 21 du m êm e mois.
�'> L es héritiers G om ichon ont interjeté un premier appel au domi
c ile élu par la veuve D e p e y re , le 5 août dernier: ^ tant de c e
dernier jugem ent que du précéd ent, du i 3 fructidor an 12 , et
-ils ont réitéré ce t appel à son d o m icile, a ve c assignation èn là
C our d’appel à R io m , par exploit du 26 septem bre dernier. ..
Ils ont, par un autre exploit du m êm e jo u r, dénoncé à Jean
et Joseph D e p e y re , et à la femme Arm et et à son m ari, lesdits
D ep eyre enfans et héritiers de Pierre D e p e y re , les poursuites
exercées contre eux par Françoise G om ich on, leur m ère et bellem ère , avec sommation de les faire cesser, sinon, et à défaut de
c e f a ir e , ils ont protesté de les rendre garans et responsables
de tous les évènem ens et de toutes pertes, frais, dépens, domjn ages-intérêts.
D ans cet état de choses, les appelans dem andent au co n se il,
i°. Si leur appel du premier ju g em en t, du i 3 fructid or an 2,
Cst recevable et fondé?
20. Si leur appel du second ju g e m e n t, du 2 ju illet 1807, est
¿gaiem ent recevable et fondé?
-
3 °.
Et subsidiairem ent, dans le cas où le prem ier jugem ent
seroit confirm é, si le second pourroit l’ê tr e , soit dans la dispo6ition relative au com pte de tu telle,
Soit dans celle relative au désistement prononcé contre les
appelant ,
Soit dans ce lle relative à la restitution des jouissances,
Soit enfin dans celle relative aux dépens?
4 °* E n fin , si les héritiers Gom ichon sont en droit d’exercer
une action en garantie contre les héritiers D ep ey re, et jusqu’où
doit s’étendre cette garantie?
�( 9 )
L e SOUSSIGNÉ , qui a vu et examiné le mémoire i con
sulter ci-dessus et des autres p a rts, ensemble toutes les pièces
du procès, e s t d ’ a v i s , sur les différentes questions proposées,
des résolutions qui suivent.
' Sur la prem ière question, qui consiste à savoir si l’appel des
héritiers G om ichon, du jugem ent .du i 3 fructidor an 12 , est
recevable et fondé , le soussigné estime qu’il y a lieu de se dér
cider pour l ’affirmative.
D ’abord il ne peut pas y avoir de fin de n o n -recevo ir à
opposer aux héritiers G om ichon contre ce t appel.
L e jugem ent est a la vérité d u x3 fructidor an. 1 2 ; mais il
n’a été signifié qu’à avoué le ’20 floréal an i 3 , et il ne l’a été
dans aucun tem p s'à dom icile. O r , il n’ y a que la signification
à dom icile qui fasse courir le délai de tro is mois , accordé pour
interjeter appel d’un jugem ent contradictoire.
O’est ce q u i est textuellem ent décidé par l’ article 14 <je Ja
loi du 16 août. 1790 , dont là disposition a été expressém ent
renouvelée par l’ article 443 Jdu Code de procédure actu elle
m ent en vigueur.
C et appel est égalem ent fondé.
C e jugem ent, sans avoir égard aux différentes approbations
faites par la veuve D ep ey re, de la transaction du 22 juin 176 3 ,
a déclaré cet acte n u l, sur le fondement que ces approbations
n étoient pas une ratification assez form elle.
■ L e s p r e m i e r s j i i g e s ont p en sé, et avec raison, que le traité
du 22 juin 1763 étoit nul dans son principe , respectivem ent
à Françoise G om ichon, parce qu’il ¿toit fait par le mari seul, et
q u il comprenoit des droits immobiliers appartenans à la fem m e.
Si ces droits immobiliers eussent été situés en coutum e d 'A u
v e rg n e , ils auroient encore eu raison de regarder com m e sans con
séquence les différentes approbations que Françoise G om ichon
B
�(
IO )
auroit pu faire du traité de 176 3 , parce que ces droits immo
biliers étoient d o tau x, que la loi les auroit rendus inaliénables,
et que dans c e cas elle n’auroit pu approuver c e traité et le
ratifier valablein nt qu’après le décès de son mari”.
M ais les biens im m eubles dont il est question dans ce tra ité ,
étoient situés sous l’empire de la coutum e de Bombonnais >
et cette coutum e les rendoit aliénables , avec le consentem ent
de la fe m m e , d’après ces expressions de l’article 225 de cette
coutum e : « Mais il ne peut ( le mari ) vendre ni aliéner les
«.t héritagesd e sadite fem m e, sans son -vouloir et consentem ent.»
D ’où il résulte qu’il ne faut dans cette co u tu m e, de la part
de la fe m m e , p o u r . rendre l'aliénation valable, que la preuve
de son vou lo ir e t consentem ent.
E t cette disposition est la m êm e, soit que la fem m e soit
m a r i é e e n coutum e u ' A uvergne , ou qu’elle le soit en coutum e
de B ourbon nais, com m e l’attestent un acte de notoriété de la
sénéchaussée de Bourbonnais, du 6 juillet 170 6, rapporté par
A u r o u x , sur l’article 238 de cette co u tu m e , et le dernier co m
m entateur de la Coutum e d’A u v erg n e , sur l’article 3 du titre
14 , tome 2 , page 225.
Ces premiers principes une fois posés, il ne s’agit que de
savoir si le vouloir e t consentem ent de Françoise Gom ichon sont
suffisam ment établis par les actes que les appelans rapportent.
L e premier est la signification juridique, faite par le mari et
la fe m m e , de ce t r a it é du 2 2 juin 176 3, à Marie L afon t, en
qualité de tutrice de ses enfans, héritiers de Jean G om ich on,
leur p è r e , avec assignation devant le juge des lie u x , pour voir
déclarer ce traité exécutoire contre e u x , com m e il l’étoit contre
leur p è re ; en conséquence, se voir condam ner
leur pa_yer la
somme de Goo francs portée par ledit acte , avec intérêts et
dépens.
C et acte n’a pas besolndc com m entaire : Françoise Gom ichon
ne pouyoit pas m ieux exprim er son vouloir e t conscntemene
�(
II )
à tout le contenu au traité du 22 juin 176 3, qu’en en deman
dant elle-m êm e l’exécution en justice, conjointem ent avec son
m ari, contre la veuve et les héritiers de celu i qui l’avoit souscrit.
Mais cette prem ière preuve du vouloir e t consentem ent de
la fem m e D ep eyre a bientôt été suivie .d’une seconde preuve
encore plus énergique.
,
L e 19 avril 178 8, Françoise G om ich on , tant en son nom
propre et privé , que com m e fondée de procuration de son m ari,
a réglé compte avec Antoine G om ichon, l’un des appelans, de
tous les intérêts qui étoient échus jusqu’au jo u r , du capital
de 600 francs, porté par le traité du 22 juin 1763.
. Ces intérêts se trquvèrept m onter, les retenues .légales dé
duites, a la somme de 600 Tranca, qui fut com ptée à Françoise
G om ichon , qui en consentit quittance devant G a n ilh , notaire
a u , bourg de Çhajinargue, « sans préjudice à elle des 600 fr.
« jde capital ,^et des intérêts qui pourvoient en échoir à l’avenir,
ce jusqu’à parfait p a y e m e n t, et de son hypothèque. »
r ¡Q,n,a yu ,q u ’jl ne; falloit;.,Men.coutum e de Bourbonnais ..pour
Valider :l’aliénation faite par le mari des biens de sa fe m m e ,
que son 'vouloir e t consentem ent.
¿O r, ici. ce vouloir e tl consentem ent sont exprim és de la m a
nière la plus absolue, et dès-lors l’acte de 1763 doit être consi
déré com m e aussi ; parfaitem ent régulier que si Françoise
Gom ichon y avoit paru, puisque tout c e qu’elle auroit pu faire
auroit été d’y donner son vouloir e t consentem ent, com m e
elle l’a fait par la demande en déclaration de titre exécutoire
du 1G avril 1787, et par la quittance notariée du 19 avril 1788.
C e seroit vainem ent que la ve u ve D ep eyre croiro it, pour
justifier les premiers ju g e s, pouvoir tirer parti de la disposition
de l’article i 338 du C o d e , sur les ratifications, car c e t article
prononce encore form ellem ent sa condamnation.
I Après avoir d it, en e ffe t, dans quelle form e et dans quels
termes ¡doit être, conçue la ratification d’une obligation, pour
<kre v a la b le, la loi. ajoute ;..rn
■„¡j
B z
�( 12 )
« A défaut d’acte de confirm ation ou ratification, i l suffit
« que l'obligation soit exécutée volontairem ent, après l’époque
'« à laquelle l’obligation pouvoit être valablem ent confirm ée ou
’« ratifiée; »
Ici les parties étant régies par la coutum e de Bourbonnais,
l’acte du 22 juin 1763 pouvoit être valablem ent confirmé et
ratifié dans tous les tem ps, à la d ifférence de la coutum e d ’Àu.vergnè , qui n’auroit permis de le confirm er et de le ratifier
q u ’après le décès du mari.
1
'D è s -lo ts f, à défaut d ’acte de confirmation ou ratification, il
suffisoit que l’acte lu t ex écu té 'volontairement.
1
" O r, on ne peut pas nier que le traité'de 1763 n’ait été e x é
cu té volontairem ent par Françoise G o m ich o n , soit par la de
m andé du t6 avril 178 7, soit p a rla quittance du 19 avril 1788.’ E t co m m e aux term es de c e mente article « la confirm ation,
«¡■
‘ratification ou exécu tion v o lo n ta ire, ‘dans les form es et à
« l’époque déterm inée par la lo i; emporte la rénonfcihtîon' a u x
I . J.
,
.■ 1 ■
V
•>
« m oyens et'excep tio n s qu on pouvoit opposer c ô iitrë c fe tà c te ,
te sans préjudice néanmoins aux droits des tiers,
il en résulté
que Françoise Gom ichon est absolum ent non récevable à revenir
contre ce traité du 22 juin 1763, e t’ q u e 'le jugem ent1 qui l ’a
déclaré nul ne’ peut subsister.
: ,•
E t c ’est ùn grand’ borilieùr qüé: cela"soit ’ainsi. O n verra par
la suite.com bien ce traité étoit p ré cie u x pour1toutes les parties*,
et avec quelle vérité les- rédacteurs de cet acte ont dit dans le
préam bule, « q u e toutes leurs demandes et p o u r s u i t e s mettroibnt
«
«
«
«
les parties'dans le cas d avoir plusieurs sentences et arrêts de
l'a! Cour de p a rle m e n t, qui aiiroient pu occasionner la pt^rte
totale dé leurs biens : . ‘
. pour à q u o i'o b vier, elles
o nt'traité et transigé , etc. »
• • "
:‘f>
1 ï •i lj. : ■
;:; r
.-> v
0
Sur la seconde question, q u i a pour objet tle savo ir si l’appel
du jugem ent d ira ju illet i8Ô7Jest égalèiiïént rèdCviiblë ët fondé»
il y a aussi lieu de décider affirmatiVententi0^ i:^
1 '■ ’
�.
. .
( 13 )
D ’abord, il ne peut pas y avoir de fin de non-recevoîr à
opposer aux appelans ,
Soit parce que ce jugem ent, à la rigueur-, dévroit être ré
puté com m e non avenu, aux term és'cle Paiticle i 5 6 du Code
de procédure , "attendu qu’il est rendu par défaut / et qu’il V a
pas été mis à exécutidii ‘dans" le s 1 six mois’ de son obtention’,
n ’ayant été signifié qu’au 'm o is de juillet "i8oç);;
Soit parce que les appelans ont interjeté leur appel presque
immédiateriïënt a p r è s la signification qui1 leur en1 a été faite.
J A u fond ; l’appel est fondé.
^
11<J.'
‘
'[
r C ’es'f une Conséquence fok^ée dé c e 'q u i à été dit précédem
m ent sur l’iippcl du jugem ent du i 3* fructidor an 12.
12
Si en e fle t il est démontré q ù e c e prem ier jugem ent a mal
à propos annullé le traité du 2.2 juin 1763, et que c e t'a c te doit
conserver toute sa force et vërtu ,ntb u ïné^ti;térmihÔcBritro- les
partiesî "¿¿“ toutes le s 1 condàmtliiàtionâ‘ •prononcées rcbntre'''les
appelant par le" second j u g e m e n t 1/ t o m b e n t ;d’ëites-mémefe ;et
.
*
; r:'' '•■)!/
, ! ;\
. ...
disparoisaent.
.
.
. \
Mais coinmev e n ‘Cour souveraine i r faut1 d é fe n d re ^ toutes
fins, il nous reste à ex’a ttiiner subsidiairemenli quèï s e rb it'le
sort dés1^£imès:'dans‘ léfrcas ôîfi,1 ¿ïm'tr&Mtbût£{m èt/ië1? lé ju g e
ment d ü ;i S fructiidoi;>a ri',i2 ,:i^u:i d éciarë’ Ie''tfaîtë nUI:,:!Wroic
confirm é. ..
f t n o ^ n io O Ooicntîjvrl 1; i:o;U;.<0: >
f Les psarti'è4uréntr,é rôient RâIors *'dâns°l& d^düle'dês3discuksiôns
qu’elles ont'voulu éfeiridrè par cè traité."0
«
...
_ *
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-I' .J--' 1. »t
r. .................
'.
. ,. -* • : : * . • - . J
titres et les procédures qui auroient ' pu Jdil moins 'répandre
quelques't’i 'âits'de lum ière ddnii
chàbs? ! n
01 t' i,v{
Q uoi qu'il 'en3soit,*si*lé^ partWô^sônt'jà^Uis;forcëesr d1én ré&
�C
1.4 0
venir à ces anciennes contestations, il faudra du moins com
m encer par infirm er toutes les dispositions de ce dernier jugem ent
jdu 2 juillet 1807.
■ ,r ...
/
L a prejnière est conçue en ce s,te rm e s:
. ( ce. Les condam ne à rendre com pte dp la gestion que leur père
« a eue de la personne et biens d e F ra n ço ise G om ichon ; à le
« présenter et affirm er dans le mois , par-deyant le président
a du tribunal. »
.
O n a vu dansées fV ts que si Jean Gom ichon avoit été tuteur
de Françoise G om ich on , sa co u sin e, Silvain G om ich on, père do
ladite F ran çoise, a vo i^ lu i-p iém e été tuteur de Jean Gom ichon,
son neveu ;
"r . '
«
!
• ;
Q ue Jean G o m ich o n avoit form é dem ande à Silvain G om ichon,
en reddition de ce com pte(de tu te lle , le 23 janvier 1745;
Q u e par. une s e n t e n c e du çbÛtelaill de ^Ontll^ÇOn , du 2.4 matS
de,la mjâmp année, Silyain G om ichon avoit été condam né à rendre
çp -compte , sipon ,à payer à son neveu .3ooo fr. ppur( re liq u a t,
avec intérêts et dépens ;
■
1
Q ue ee com ptô n’a jamais été rendu ; que dès-lors cette somme
de 3 ooo francs étoit censée acquise à Jean G om ich on , ^ v e c les
intérêts depuis 1 7 4 ^ jusqu’en 1763, que les pprtie^pi^t transigé
tant sur
compte- de ^tutelle que sur celuij <jue dçvpit Jean
G om ichon à Françoise G o m ich o n , sa cousine.
D ’après ces faits* ile s tc la ir que les juges de prem ière instance
n’ont pu a n n u l l e r ce traité de 176 5, sans l’annuller pour toutes
les parties 5rique çhacun a dû rentrer dans
droits ^ que. d^siors ils n’ont pu. ordonner que les héntipr^rendroient le çomptQ
de tutelle dem andé,pfir Françoise Ç om ichon , et qu’ils le préçenteroient et affirm erpient d 4Ils.(le mois,, par-devant le président
du tribunal, sans ordonner en m êm e'tem ps que Françoise G o*
I ' 1 •
'
. . • t>1 •I' :•1 .
r. , '., u ^ ‘
inlchon ren d rp lt, com m e héritière de Silvain Gom ichon . son
p è r e , le compte de tutell^ (I14 à Jean g o m ic h o n , dqnt il avoit
.1
. .
,
étfi fMt^ü^ftntérieiir.çment,
'
«
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»
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,
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7
d ^ a u t d^. ce ^ le jugem ent
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1 ;.-'ïr» r-o r;oiii.
. o/'V) ?riri v..-;.
i
du 24 mars i y 4 5 , qui condamnoit ledit Silvain ÇJomîchon à
5ooo francs pour reliquat, avec intérêts et fra is, seroit exécuté
selon sa form e etrteneyr,
^ ;.... .
,(f .
Indépendamment que ce mode,de prononcer sur ce c h e f entre
les parties, étoit de d ro it, puisque les. parties se devoient res
pectivem ent un jotiÇfipîerdpjtute^le^ ç^îj.uç Je-traité annpllé avoit
également, ç.e compte -respectif pour objet, François,ç Gomichon.
y avoit elle-même doni?^ les m a in s , en ç e quç par sa cédule en,
conciliation / du 9 mars. ijq 5 \ elle avoit c o n d u jc au règle,meiit
« et reddition du com pte de tutelle que leu Jean G om ichon, son
« cousin , a eue de sa personne et b ien s, çt de. celui que ladite
cc r e q u é r a n te p *” * ■
‘ i*’ *'***''
t h i j île Jeu Silv&in l Gçtnic/10/i. »
Ce prem ier c h e f du jugem ent du 3 juillet, 1,807^ contient, ençpre
un autre m al-jugé m anifeste, en ce qu’ihest établi .par le,traité,
du 22 juin 176 3 , que Jean G om ichon qyoit fourn^spn com pte,
à Françoise Gom ichon le i 3 août 1769, et que celle-ci et son
mari y avoient fourni des débats le- 23 du m êm e mois
D ès qu’il existoit un compte de tutelle re n d ^ e t débattu, les*
premiers juges ne devoient pas condam ner les appelans à . rendre
ce même com pte r et à le présenter et affirm er dans, le mois ,
devant le président du tribunal; ils devoient seulem ent ordonner
que les parties procéderoient en la forme ordinaire à l’apurement
du com pte rendu et débattu en 1769.
C e premier c h e f du jugem ent du 2 juillet 1807, n e^ o u rro it
donc manquer d’être infirmé sous un double point de vue, quand,
par im possible, le premier jugement du i3 iïuctid or an 12 , q u i(
annulle le traité du 22 juin 176 3 , seroit confirmé.
:r.
"i
Il en seroit nécessairement de m êm e de la seconde disposition
de ce jugem ent, ainsi c o n ç u e :
« Les condam ne à se désister des biens im m eubles revenans
« à ladite G om ichon, dans les successions de ses père et m è re,
« avec restitution des jouissances telles q u e lle s seront fixées
<< par experts. »
�C 16 )
Il faut distinguer dans çettec’(iispo3Îtion ce qui est relatif ali
‘ cle’â1i'rhm'eüiîlèâ, V i'c e 'q u i ’ë st relatif1a la 'restitution ’
E t d’abord, en ce qui est du désistement de^ im m éübles,T a'
disposition de ce jugéfrlënt ne peut se soutenir [‘ par plusieurs
faisons égalem ent décisives. f'
; ‘
'
1
lia prem ière âë tire dê 'ce’ que ¿éttè'^dëmande 'éii désistem ent
¿ ‘'été' fórfnée’'Và(;uèmeAt Yn 'gïobo , J« dés biens’im m eubles pro
ci ventié d e s 's u c c e s s io n s 'd e ’- ¿ es’ pèrè ê t ' i i i è r e » ; 1 tandis que
r ô r‘d orinaiicéRde *'16677 ¿oils l’empire ^de laiqùelle Ta' dem ande a
¿té fo rm éel’ pbrtfÿit éxpressém ent'1, article 5 'du titr e 'g , que dans
toute dëm ànde en m atière réelle ou désistement d’ im meublës,
l’ exploit de dem andé devoit co n ten ir, à peine de n u llité , le
ïVcJttf,rTa3situdtiônyià1 Contenue, les teriâns et aboutissans, et la
lia ture aVi J m om en t/le l'exploit dé chaque héritage dont le f
dësïstëmêtit"'étbit demiittdé ;
'3
*■
Disposition qui'a été im périeusem ent renouvelée sous la même
peinéf‘1dë n u llité , par l’art. 64 du nouveau Code de procédure.
?/En sdcond liéü , leâbiëns d e là maison Gom ichon étoiènt restés
indiVik!;JSilVain Gomichori1^' péré de la veuvé D ep eyre , les a.jOiiisTqng-tëmps bn'tôtalité pendant sa tutelle de Jean Gom ichon,
i Ji. i ; •
ii,r
'i.
son neveu.
I l a m ô m e continué d’en jouir après l’ém ancipation de son
n e v e u , jusqu’à sa mort arrivée en 1748.
‘
11
■ J e a n , »de son c ô t é , devenu tuteur de là fille de S ilv a in , en
ar joui à son tour, t o u j o u r s p ar i n d i v i s ; e t le s c h o s e s étoient en
c e t état nu m om ent du traité du an juin 1763.
D ans cet état de choses , en supposant le traité de 17G3 anm illé , Françoise G om ichon ne pouvoit pas form er contre les
représentais de Jean G om ichon une demande en désistem ent,
mais une action en partage dés biens indivis, qui est la seule
je ç u e entre cohéritiers. 1
f
£,a-jurisprudence dò l i C òiir óst constante à cet ég ard ; elio
•
ttnnulle
�( *7 )
emnulle journellem ent de pareilles dem andes en désistem ent, e î
renvoie les parties à se pourvoir par l’action en partage.
C om m ent, d’ a illeu rs, les appelans pourroient-ils aujourd’hui
exécuter c e jugement? D e quels objets pourroient-ils se désister,
lorsque tous les biens de la fam ille n ’ont jamais cessé d’étre
divisés ?
Sur quelle base pourroit se faire ce désistement? Q u elle est
la portion que Françoise G om ichon prétend lui appartenir dan9
ce s biens? E st-ce le tiers , le quart, la m oitié?
A u ra -t-elle le choix de la maison, du jard in, de telle ou
zelle nature de biens?
O n sent que tout ce la seroit absurde, et qu’en pareille ma
tière il n 'y a de ju ste, de raisonnable, de possible dans l’exér
c u tio n , que l’action en partage.
C e c h e f du jugem ent relatif au désistem ent des im m eubles
ne peut donc encore m anquer d ’étre infirmé.
Il ne. peut pas m ieux se soutenir dans la partie de cette dis-,
p o s itio n qui est relative à la restitution des jouissances.
E n e f f e t , cette disposition est encore v a g u e , indéfinie ; on
ne voit pas quand cette restitution doit co m m en cer, et quand
elle doit finir.
Cependant cette explication n’est pas indifférente.
.O n ne peut disconvenir que le traité du 22 juin 176 3, quand
il seroit annullé pour Françoise G o m ich o n , ne doive avoir sa
pleine et entière exécution pour Pierre D ep ey re, qui a vo it,
com m e m ari, l’usufruit des biens de sa f e m m e , et qui a pu
valablement traiter de ce t usufruit.
Il n’y auroit donc, m êm e dans la supposition de l’annullation de c e traité , aucune restitution de jouissances à prétendre
d e la part de Françoise G o m ich o n , depuis 176 3, époque du
tra ité , jusqu’en 1790 qu’il est décédé ; ce qui dim inue.de vingtsept ans la restitution vague et générale prononcée par le juge*
ment dont il s’agit.
G
�- On pourroit ajouter que dans tous les cas il n ’y auroit encore
pas lieu à cette restitution de jouissances y depuis, le décès dé
P ierre D e p ey re, jusqu’au mois de septembre 1793, que Fran
çoise Gom ichon a formé sa demande én ar.nullation du traité
de 1763, avec d’autant plus de raison, que les biens dont* il
étoit question dans c e traité étoient situés en Bourbonnais , 'où
l ’aliénation en étoit p e rm ise , et que le traité de 1763 étoit par
faitem ent connu de Françoise G o m ich o n , puisqu’elle l’avoit app ro m é en 1787 et 1788.
:
f
Il ne reste qu’à dire un m ot sur l’article des dépéns.:Ili'
L es appelans y ont été condam nés indéfinim ent et une
grande partie de ces dépens avoit eu pour objet la demande en
p aitage de la succession d'Antoine G o m ich o n , dont elle avoit
été obligée de se d épartir, et dont le départem ent avoit été h o
m o l o g u é par un jugem ent contradictoire du 3 ventôse an 12.•
C est donc dans tous les points que ce jugem ent ne peut
m anquer d ’étre infirm é ; il faut m êm e convenir que la rédac
tion en seroit inexcusable, si on ne considéroit qu’il a été rendu
par défaut contre les appelans ; c e qui doit aussi faire disparoltre toute espèce de préjugé que pourroit faire naître ce tte
prem ière décision.
»
'‘
tf
S u r la dernière question du m ém oire, relative à l’action en
garantie contre les héritiers D e p e y r e , et sur l’étendue de ce tte
garantie , le soussigné estime que cette action est fo n d é e , et
que l’étendue de cette garantie n ’a d ’autres bornes que le quan
tum interest des héritiers Gonichon.
II
ne faut pas perdre de vue qu’on raisonne toujours dans
la supposition invraisem blable que le jugem ent du 1 3 fructidor
an 12 , qui annulle le traité du 12 septem bre 176 3 , soit
confirm é.
P ierre D epeyre a stipulé dans ce t a c t e , ta n t en son nom
qu’en q u alité de m ari et maître des droits et biens dotaux de
�(
*9
)
Marie - Françoise G om îch on, son ép ou se; e t à Vexécution et
e n t r e tellem ent
de tout le contenu en cet a c t e , i l a obligé
tous ses biens présens e t à venir.
,
;uEn contractant ce t en gagem en t, il s’est soumis à toutes les
conséquences qui en pourroient résulter; il a promis de faire
valoir cet acte dans tout son contenu ; dès - lors il est devenu
garant de tous les effets de son inexécution, j
O r , quels seroient les effets de cette inexécution , dans le
plan ■
de la veuve D ep eyre? D e nouveaux comptes de tu te lle ,
l’éviction des biens alién és, des restitutionssd e jouissances qui ;
suivant ses prétentions,, monteroient à ¡plus d’ un d em i-siècle,
et d’énormes dépens. :..Mj '
r-'
T ous ces effets devroient être supportés par les héritiers
D ep eyre.
.; J
< .
;
.
:î •
• j tÇ ’ e s t 'ainsi
que le t décident; Jes anciennes, et les nouvelles
lois. Evicta res e x empto actionem a d pretium d u n ta xa t recipiendum , sed a d id (¡uod in terest, cornp etit. L oi 70, au dig.
d e 'e v iè tiw '
m
i
Rousseau de la Com be, au m ot éviction, n°. 6, explique c e
ç u o d interest en ces termes :;;
„ /'.« En cas d’éviction , l’acquéreur peut dem ander au ven d eur,
« non-seulem ent la restitution du p rix , mais aussi ses domcc mages - in té rê ts..........................tout le profit que l ’acquéreur
cc eût reçu de la ch o se, si elle ne lu i avoit pas été évincée.
:E t le nouveau Code en^ donne une définition encore plus
e x a c te , article i 65o , qui est conçu en ces termes : x
r: cc Lorsque la-igarantie'à été prom ise, ou q u ’il n’a rien été
cc stipulé à c e s u j e t , si l’acquéreur est é v in c é , il a droit dû
« demander contre le v e n d e u r,
1
~
<c 1®. L a restitution du p rix;
;;•« 2°^ Celle des fru its, lorsqu’il est obligé de les rendre au
<1 propriétaire qui l ’évince ; .
1
cc .3 °«!:Lés frais faits sur l a ;demande en garantie de Tacher
çc te u r , et ceu x faits par le demandeur originaire ;
C 4
�C‘ 2 ° X
« 4°. Énfin les dommages «intérêts, ainsi qué les frais, e f
« loyaux coûts du contrat. »
V/\v
C e seroit vainem ent que les héritiers D ep eyre voudraient
exciper de c e que la cession faite par Pierre D ep eyre à Jean
Gom ichon-, de tous les droits m obiliers et im m obiliers de sa
fem m e , l’a été aux risques, périls et fortunes de ce dernier.,*
sans autre garantie de la part de Pierre D ep eyre que celle, d e
ses faits et promesses.
>
- >
>
i .
■
: >, >
- Il est évident que ce qui est aux risques , périls et fortunés
de Jean G o m ich o n , c ’est île plus ou,m oins de valeur des objets
cédés ; c e sont les dettes des père et m ère de Françoise G o
m ichon , qui dem eurent aux risques et périls de Jean G om ichon
sans répétition contre D ep eyre et sa fem m e, iM ais au m o y e n de la garantie de ses faits et prom esses, g a
rantie qui étoit d’ailleurs de d ro it, et au m oyen de Rengage
m ent <1« foire exécu ter e t entretenir ce t acte dans tout son
co n te n u , il s’est incontestablem ent soum is à le m ain ten ir, à
le faire valoir envers et contre tous, et par conséquent àto u té»
les suites que pourrait entraîner son inexécution.
C e seroit e n co re en vain que les héritiers D epeyre préten
draient qu?il n’y a lieu , dans l’espèce , pour toute garan tie, qu’à
la restitution des deniers , parce que Jean G om ichon connoisso itle v ice du traité, en ce qu’il traitoit des droits de la fem m e
D ep ey re avec son m ari, en l’absence de cette d ern ière, et qu’ic i
Le prix du traité de 1763 n’ayant pas en core été payé , cette
garantie devient illusoire.
'1
: ‘ Ce m oyen seroit p eu t-être proposable, s’il s’agissoit d’un bien
d o tal, situé sous l’empire de la 'coutum e, d’A u v e rg n e ,'à raison
de l’inaliénabilité rigoureuse des biens dotaux, fondée sur un
statut négatif prohibitif.
" *’ T •' »
. E ncore les opinions étoiont-elles d iv in e s su r'ce lte question;
et la plupart des jurisconsultes regardbient, dans c e c a s , le
m ari com m e passible des dom m ages-intérêts<de l’a ch e te u r,
'n;J
•>:!.'1 z j ; j : . , nr- »
v
�( ar )
parce qu’il- rï’étoîf* p a s'e x c u sa b le Jd’avoir‘contracté d e se n g a g e mens^qu’il'n ’ëfoit 'pas çn ^ tat'd éfin ir-,^ eti'q u è ces1eirigâgemens
ne pouvoient pas: étré ;lb jouet des verïts.°J an ni) f ni! 1, . iio:
M a is'ïci'lès-b ie n s1 qui drit-'dortrië !liç.u a u tra ité tdë iy 03 , sOM
situés sous l’em pire de la coutum e de Bourbonnais*1 Lès-bien»
dotaux, dans cette co u tu m e, sont soumis au droit co m m u n ;
ils sont aliénable^ com m e ides^bieiis "'de-toute a'ùtrë n a t u r e l
O r , dans le droit com m un , une vente q u e lc o n q u e , m êm e
«T-J \
<r
du bien d’au tftii{ld6nriOTt lieu à des dom m ages-intéréts, lorsque
l ’acquéreur se trouvoit évincé par le véritable propriétaire.
R em cilienam distraliere quem p o sse, nulla d ub italia est t
nam em ptio est, e t v en d itio ; sed res ernpton a u fen potest.
Loi 28, au dig. D e eontralunda cmplione.
f^endita re aliéna , disent les interprètes, tenct contractus
in prejudicium v en d ito ris, non dom ini.
en dit or de evictione tenetur.
« La chose d’autrui peut être v e n d u e , et la vente en est
« v a l a b l e , dit D espeisses, tom. i er.,p a g e 1 4 , n°. 7> à Ce que
« le vendeur soit tenu d ’cviction. »
Rousseau de la Com be nous dit a u s s i, dans son R ecueil de
jurisprudence, au mot Vente , section i re. , n°. 2 , que « q u o i« que la vente du bien d’autrui soit valable , à Veffet de la ga« rantie de Vacquéreur contre son v en d eu r, l’acquéreur peut
« être évincé par le propriétaire. »
C ’étoit donc un point constant et de droit com m un dans
notre ancienne ju risp ru den ce, que le ven d eu r, même du bien
d’a u tru i, ne pouvoit être à l’abri de l’action en éviction , et
des dom m ages-intéréts dûs à l’acquéreur.
Au surplus, les héritiers D ep eyre peuvent ici d’autant moins
échapper à cette a ctio n , que Pierre D ep eyre n’a rien fait que
du/vouloir et consentem ent de^sa fem m e , com me.lü: p ro u v e ^
]a .dem andec:dur,i;6 a v r i l s 787.,;e t lia «jujftançç
que s’il y avoit, com m e-oadeisuppose.^ ¿atia.'l'ecjügement du i3
�V
( 2 2 )
fructidor. an 12 , insuffisance ,dans c e s :deux, ratifications cette
insuffisance seront du; fait ¡de ;Pier r e D e peyre a t t e n d u qu’il ne
tenoit qu’à l u i , dans tous les tem ps, de l a rend re.plus fo rm e lle ,
plus parfaite , et telle que c e. traité, de 1763 f u t à l ’abri de
toute atteinte.
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C le rm o n t:F e rra n d ,.le 2 octobre 1809,--,;
D É L IBERE
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A R iom de l'imprimerie T H I B À U D ,
imprimeur de la Cour d’appel,e t libraire^'
rue des T aules;m aiso n L A N D R IO T Janvier 1810.. '
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
Relation
A related resource
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gomichon, Antoine. 1810]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Subject
The topic of the resource
successions
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Description
An account of the resource
Mémoire à consulter, pour Antoine, jean et Louis-Xavier-Silvain Gomichon, appelans, et demandeurs en garantie ; contre Françoise Gomichon, veuve de Pierre Depeyre, intimée ; et encore contre Jean et Joseph Depeyre, N….. Depeyre, et Guillaume Armet, son mari, défendeurs en garantie.
Arbre généalogique.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Thibaud (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1810
1745-1810
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
22 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0548
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montluçon (03185)
Treignat (03288)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53859/BCU_Factums_M0548.jpg
coutume d'Auvergne
coutume du Bourbonnais
Successions
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53858/BCU_Factums_M0547.pdf
18589e41d14826e5024e95c3829eda6a
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OBSERVATIONS SOMMAIRES
P O U R
Sieur
A
n t o in e
GARDET
a în é
, propriétaire, habitant de V e y re ,
défendeur et demandeur
C O N T R E
Jacques
GARDET
JEUNE
, médecin
, habitant du lieu de Beau-
veseix près Randan , arrondissement de Riom , demandeur
et défendeur.
u
N ju gem en t, rendu par le tribunal le
1 5 frimaire
an 12 ; confirm e sur l’appel par arrêt du 13 frim aire an.
1 3 , a o rd o n n é, entr’autres choses, une estimation par
experts, 1.° des biens meubles et immeubles de Jacques
G ard et, père com m un des parties , d'après leur valeur à
son d écès, arrivé le 1 5 juin 1 7 9 2 ; 2.0 des biens meubles
et immeubles donnés en l’an 4 à Gardet jeune , en paie
m ent de sa légitim e conventionnelle , d'après leur valeur
à la même époque ; 3. enfin , des biens de M arie
B arbarin, mère commune.
�—
----------- ----------- —
r m --------------;
;
Il a ordonné aussi q u e , dans le cas où il résulterait de
l’évaluation des biens paternels, que la valeur des objets
donnés en paiement de
Jacques Ga/det
la légitim e conventionnelle de
jeune ( distraction faite de la portion
de ces biens qui est applicable à ses droits maternels ) ,
ne le rem plît pas de sa légitim e de d ro it, et qu’il lu i est
dû un supplém ent, les experts désigneront un ou plusieurs
im m eubles, pour lu i être attribués jusqua concurrence de
ce supplément.
Les experts M azin et P a llet, chargés de ces opérations,
n’étant point d’accord sur le taux des évaluations , ont
fait des rapports séparés , fort difïérens ; car l’expert
M azin , choisi
la masse
des biens
celle des biens
1expert
par le Sieur Gardet jeune , a évalué
paternels
maternels à
à
123,900
9 ,5 1 7
francs ,
et
fran cs, tandis que
Pallet n’a évalué les biens paternels qu’à 70,482
f r ., et les biens maternels qu’à
5, 534-
fr.
A la vue de deux x-apports si discordans , le Sieur Gardet
jeune
a cru
qu’il y avait lieu à nom m er un tiers-ex
pert : il en a provoqué la nomination d’o lfice , et il l’a
fait prononcer par jugem ent rendu par défaut à
une
audience extraordinaire non indiquée du 5 i août : le Sieur
Gardet aîné y a form é opposition par des m oyens de
form e inutiles à ra p p eler, parce que son adm ission n’est
pas contestée, et par un m oyen tiré du fo n d , qu’il croit
décisif, et qu’il s’agit d’apprécier. C e m oyen consiste à
dire en point de f a i t , qu’une tierce expérience serait une
dépense frustratoirc et sans utilité , parce q u e , tout dis
cordans que sont les deux rapports , il résulte également
de
l’un
et de l’autre , que
Jacques Gardet
jeune est
rem pli , et beaucoup au-delà , de sa légitim e paternelle
�et maternelle par les objets qu i lui ont été donnés en
paiement de sa légitim e conventionnelle, et conséquem meut qu'il n’a point de supplément h prétendre , ce qui
était à vérifier;
E n point de d r o it, que la discordance des deux experts
M azin et Pallet sur le taux des estimations , n’est pas une
raison suffisante pour faire ordonner une tierce expertisse ,
dès q u elle est sans conséquence pour la décision de la
contestation, et que les rapports des deux experts portent
l’un com m e l’a u tre , au plus liaut degré d’év id en ce, par
leurs résultats, la démonstration de la vérité qui était à
vérifier; savo ir, que la demande de Gardet jeune en sup
plém ent de lég itim e, est dénuée de raison et de fondement.
O n ne saurait etre divisé sur ce point de droit. L a mission
des experts est de fournir des lumières aux juges sur les
appréciations et les faits , et de préparer la décision des
tribunaux par les éclaircissemens qu’ils leur fournissent :
mais leur autorité ne va pas jusqu’à la forcer. L ’article 223
du code de procédure ne perm et point de doute à ce sujet :
L es ju g es ne sont point astreints à suivre l'avis des experts,
si leur conviction s’y oppose, y est-il dit. Il suit nécessaiinent d e -là , que toutes les fois que les tribunaux trouvent
dans des rapports , quoique discordans, des éclaircissemens
suffisans pour décider avec certitude la question de fait dont
la vérification est ordonnée ; ils peuvent et doivent pronon
cer , sans pousser plus loin une instruction qui ne tendrait
qu’à des rccherclies superflues.
V oyon s donc s’il est vrai en fait , que les rapports des
Sieurs M azin et P a llet, m algré leur discordance, ont l’un
et l’autre pour résu lta t, que la valeur des biens donnés à
Jacques Gardet jeune en paiement de sa légitime conven-
�T T T
tionnelle , rem plit sa légitim e de d r o it, c’est-à-dire , le
dixièm e des biens paternels, et le douzièm e des biens ma
ternels qui lui revien n en t, et ne lui laissent point de supplé
m ent à esp érer, ce qui est le seul point 11 décider. U ne
courte analyse des deux rapports va dissiper tous les doutes
tvfAiJi-f-
sur ce fait.
'*//*!V ty s / h v r
A n alyse du rapport de l’expert M azin.
, / '¿for'yt/faJis
„ ^—
'VtùMt ¿wnuwL
,
Get ex p ert, s’abandonnant à des exagérations sans mesure,
a évalué la masse des biens paternels à cent vingt-trois mille
x
c
1°
neu f cents fran cs, dont le dixiem e formant la légitimé de
t-lroit de Q ardet jeune supputée sur le nombre de cinq
7 lù /ii r U d w r "
enfans qui survéquirent au p è r e , m ort en
) ’ ''h ü fcU (P -
de i 23go f r . , c i ...........................................
1 7 9 2 , est
l23f)o fr.
* ,/ & * * . .• ____ L cs hIens maternels ont été évalués par
'fïT Ü Z u c—
1 ^°° '/
m ^me expert à 9 5 1 7 francs : la légitim e
jJ
c\n ) de Gardet jeune sur ces biens n’est crue le
q i a - — ■i y ' \ 1
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•,
1
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*
__— J d o u zièm e, attendu que la m ère n a laissé
4^ ^ /
1
fIue quatre enfans survivans ; ce douzièm e
—
1 ü uù iw A —
,
m onte à sept cent quatre-vin gt-treize fr., ci
fa ** *
79D
L cs tleux légitimes de Gardet je u n e ,
d après les estimations de cet expert , ne~~— 1— ■■
m ontent donc ensemble qu’à .......................
i 3 i 83
V o yo n s maintenant quelle est, d’après l'estimation du
m em e e x p e rt, la valeur des biens meubles et immeubles que
1
G ardet jeune a reçus en paiement de sa légitim e conven
tionnelle, et qu’il est tenu de précompter sur sa légitim e
^1
Jl
de d ro it, d après les jugeinens rendus entre les parties. Nous
trouyerous qu’il a r e ç u ,
�( 5)
i.° T rois mille quatre cents fr. ecu s, ci
2.0 U u e vigne , appelée la Candie ,
estimée t\ l’article 8 du rap port, î\ .........
3400 fr.
"jZo
3 .° U n cham p, terroir de la Narse,estimé
à l’article 24 du même rapport, à . . . .
1600
4.0 U ne autre vigne à P o n tary, formant
l’article 22 du rapport, estimée à ............
5g 3
5.°
U n e troisième vigne à Soûlasse, en
deux pièces, formant l’article 5 du rapport,
estimée à ................. ........................................
i 63a
6 ° Six cents toises d’un pré-verger ,
appelé le C reu x C lievry , contenant en
totalité 225o toises, estimé h l’article 16
du rap p o rt, à raison de 6 francs la toise,
taux sur lequel les six cents toises attri
buées au Sieur Gardet, m édecin, montent à
rj° U n e maison à V eyre , appelée la
36oo
23
maison ancienne , estimée à l’article
du rap po rt, à ............................... ...
5400
8.° Enfin , la somme de quatre cent
quarante francs , reçue en m o b ilie r, sui
vant l’article 4 ° du mêm e rapport , ci
M o n ta n t
to ta l.
.
. .
440
i 7 39 5
11
ne lui re v ie n t, d’après le même ex
pert , pour légitim e paternelle et mater
n elle, que..........................................................
D onc il a reçu en excédant . . . . . .
i 3 i 83
4 212
�(6 )
A nalyse du rapport de l’expert P a l l e t .
C et exp ert, plus m odéré que son co n frère, n’a évalué
la masse des biens paternels qu’à 70482 f r . , dont le dixièm e
revenant à Gardet j.e , est de 7048 fr. ci
E t les biens m aternels, qu’à
7048 fr.
5234
fr. , dont le douzièm e form ant
la
légitim e de Gardet je u n e , est de . .
436
Les deux ensemble m ontent à .
7484
L e même expert a estimé les biens
donnés à Gardet jeune en paie
m ent de sa légitime
nelle , à
On
convention
....................... ......
a vu
qu’au lieu
.
.
.
10,000 fr.
de cette
valeur reçue , il ne lui était dû pour
ses deux légitim es paternelle et
m aternelle, q u e ...................................
D onc il a reçu en excédant . .
7>434
2,566
Objection et réponse.
L ’expert M azin term ine ainsi son rapport :
« Il est bon de rappeler que l’évaluation de
» succession paternelle est de . . 123,900
»> ce qui porte le dixièm e pour la
» légitim e du Sieur Gardet je u n e ,
>> à .............................................................. ......... 2, 3 cjo
>> A
com pte de laquelle
il
a
>> reçu pour légitim e convention
nelle
............................. 10,000 fr.
toute la
�( 7 )
D e Vautre p a r t.............v ï
Report. . . . .
10,000 fr.
>> P lu s, en m ob ilier,
>>ainsi qu’il est e x p liq u é ,
i> article 4
12390 fr.
du prem ier
» chapitre...........................4 4 °
Total
. . . .
10,44°
>> Il convient de distraire de cette
som m e, com m e il est expliqué à
» la fin du chapitre p récéd en t, 667
» francs ( imputables sur les droits
maternels ) , ci. . .
6 6 7 fr.
>> Partant le Sieur Gardet jeune
» n’a réellement reçu pour ce qui
»>lui revient de la succession patertj nelle , que . . . .
9,783
9,783
>»11 doit donc recevoir pour sup>>p lém en t, des immeubles jusqu’à
I
*
» concurrence de la valeur de . .
2,617.
Q u e répondrez-vous à ce calcul ?
Nous répondrons qu’il est une bévue
pitoj7abIe. Par
quelle étrange distraction l’expert M azin a-t-il pu supposer
dans son calcul, que Gardet jeune n’a reçu que dix mille fî\
de légitime conventionnelle, et lui attribuer un supplément.
Lorsque la ju stice, la raison , le
jugem ent du tri
bunal et l’arrêt confirm atif de la cour d’appel, en exécu
tion desquels il opérait, lui com m andaient, i.° d’estimer
les biens donnés à Gardet
jeune
çn paiem ent de sa
�(
légitim e conventionnelle,
autres biens dont
8
sur
)
le même
pied
se composait la masse
que
les
sur laquelle
devait sc supputer la légitim e de droit ; 2. de n’accorder
de supplém ent h ce légitim aire, que dans le cas où il
résulterait de l’évaluation des biens paternels , que la
yy valeur des objets donnés en paiement de la légitim e
yy conventionnelle, ne le remplit pas de sa légitim e de
yy droit ? yy
.
Lorsqu’il venait d’évalu er, d’un c ô té , la légitim e de
droit à 12,3go francs, et de l’a u tre , les biens reçus en
paiement par Gardet je u n e , à 17 , 3g 5 francs (a)?
Com m ent a-t-il osé d'office , et au mépris de ce que lui
prescrivait littéralement l'a rrê t, admettre deux estimations
différentes ; l’une pour supputer la légitim e , et l’autre
pour la payer ?
Com m ent a -t-il osé proférer cette absurdité choquante
L es biens reçus par Gardet jeune
en paiement
de sa
légitim e conventionnelle, valent plus de 17,000 fra n cs,
quand il s’agit de supputer sa légitim e , qui est du dixièm e
de la masse; et
quand il s’agit de la fournir en biens
h éréditaires, ils
ne valent plus que dix m ille francs ?
E nfin , comment s’est-il brouillé la tête, au point de ne
pas s’appercevoir
que la légitim e de
droit
de Gardet
jeune n’étant qu’un dixièm e de la masse générale des biens
paternels qu’il a évalués h i 23,goo francs,
et la valeur
pour laquelle les biens reçus par ce légitimaire sont entrés
dans la composition de cette même masse, étant de plus
de dix-sept mille f r . , il est non seulement rem pli de son
d ix iè m e , mais qu’il a reçu plus de 4,000 francs au -d e-
(a) V oir le tableau do ces evaluations , pages 4 et 5 ci-dessus.
�(9 )
là , et conséquemment que c’est offenser (out-à-la-fo's la
justice , le bon sens , la l o i , et l’arret rendu entre les
p arties, que de lui accorder encore un supplément ?
Seconde objection.
Vf*
H é bien ! soit : je, n’ai point de supplément de légi
time à prétendre sur les biens paternels , mais l’arrêt rendu
entre nous m’adjuge le partage des biens maternels pour
en prendre le douzièm e, à la charge de moins prendre jus
qu’à concurrence de la valeur d e là portion des biens pater
nels par moi reçus pour légitim e conventionnelle, qui est
imputable sur mes droits maternels. Exécutant cette dis
position de l’arrêt, l’expert M azin m’a attribué une petite
parcelle de vigne en valeur de 126 fran cs, pour com plé
ter m on douzième ; peut-on me la refuser?
O u i , on le p e u t, parce que l’expert M azin a fait une
erreur grossière de calcul dans son opération. Il a établi
en fait, que la proportion entre la masse des biens mater
nels et la masse des biens paternels est comme
un à
quinze. D ’où il a conclu que la légitim e conventionnelle
constituée pour biens paternels et maternels , devant se
l’épartir au marc le franc sur les deux m asses, aux termes
de l’arrêt, il y avait lieu d’appliquer le quinzième de
cette légitim e conventionnelle sur les droits maternels. Jusques-là point d erreur : mais il y en a une bien frappante
dans la supputation de ce quinzième. L ’expert M azin ne
l’a calculé qu a 66 7 fran cs; or il est évident q u e, sur une
masse de 1 7^9 ^ francs, qui est la valeur des biens reçus
par Jacques Gardet jeune pour légitime conventionnelle, le
quinzième est de 1,
fran cs, somme supérieure de J&2
francs à celle de 6 6 7 , seulement jusqu’à concurrence de
�( 10 )
laquelle l’ex p ert M azin a fait moins prendre Gardet jeune.
Il faudrait donc que pour prendre un
vigne évalué à
aîné 4
2
1 26 fra n c s ,
petit morceau de
il re n d it.a u Sieur Gardet
francs. C e rte s , il est trop près de ses intérêts
pour faire une pareille sottise.
Résumons.
Il
résulte également des deux rapports, que les biens
donnés à Gardet jeune en paiem ent de sa légitim e conven
tionnelle , excèdent de beaucoup en v a le u r, le dixièm e des
biens paternels, et le douzièm e des biens maternels qui lui
reviennent pour ses légitim es paternelle et maternelle :
donc il n’a point de supplément à prétendre, et il doit être
débouté de la demande qu’il en a inconsidérément et ambi
tieusement form ée, sans chercher dans une tierce expérience
de nouveaux éclaircissem ens, absolument superflus.
G A R D E T
aîné.
M .e B E R G I E R , Jurisconsulte ancien.
M O N E S T I E R , A vo u é.
*.
"
A
c l e r m o n t
-
f e r r a n d
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1
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Chez J. V E Y S S E T -D E L C R O S , l mprimeur-Libraire 3 rue de
l a T reille. 1807.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Gardet, Antoine. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bergier
Monestier
Subject
The topic of the resource
successions
légitime
experts
médecins
Description
An account of the resource
Observations sommaires pour sieur Antoine Gardet aîné, propriétaire de Veyre, défendeur et demandeur ; contre Jacques Gardet jeune, médecin habitant du lieu de Beauveseix près Randan, arrondissement de Riom, demandeur et défendeur.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
chez J. Veysset-Delcros (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
1785-1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
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Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0547
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0546
BCU_Factums_M0319
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53858/BCU_Factums_M0547.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Randan (63295)
Riom (63300)
Veyre-Monton (63455)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
experts
légitime
médecins
Successions
-
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3a385abf4862d1a67c6f7aa1b379957a
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OBSERVATIONS.
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OBSERVATIONS
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POUR
Sieur
J a c q u e s
G A R D E T
jeune, docteur
il,*
en m éd ecin e, appelant de jugement rendu
au tribunal de C lerm ont, le 26 novembre
18 0 7 ;
C O N T R E
Sieur A n t o i n e G A R D E T aîné , propriétaire ,
intimé.
'
L E sieur Gardet a în é , est héritier universel de ses
père et m ère, et comme tel chargé de payer des légi
times conventionnelles à ses frères et sœurs.
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( 2 ) ■
légitim e de Jacques p u în é, est fixée à io o o o fr .
t iv
~£l —
W cVoc¿66*.
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^
pour les deux successions.
n’est Pas seu^ avantage qu’ait obtenu Gavdet aîné.
P ar son*contrat de mariage du 21 avril 1785, il est associé
lw t pour moitié à tous les acquêts qui auront lieu pendant
6 t« n 4 i.rti;o )W.eut/ls;i cohabitation avec le père com m un: les acquêts sont
j
‘
j
a>eu*t«Y Socc^«^’ 1100 valeur à peu près égale au patrimoine du père. it~
'•y -.
, ^
. L ’association a été déclarée valable. L e sieur Gardet aîné
K
r est opulent : ses cohéritiers n’ont qu’une très-foible portion
H CC&l
rïeg ]-)Jeus
1 /o d/Vvruxx^ e><-»
sieu if Gardet jeu{iè,, Iss de .toutes les discussions qui
s’étoient élevées sur le règlement des*droits des légiti»’ s
m aires, préféra d’accepter sa légitim e conventionnelle.
L e frère lui a payé cette légitime partie en argent, et
j K u J a u f partie, an vente„ d ’immeubles, t r r ^
'
■
’ ' *r ; ' ^ f Vi 1
•
7
Jacques Gardé t s’^st bientôt aperçu qu’il n’avoit pas
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reçu l*éqtliValent de Sa légitim e de droit.. A p rès la m ort
__ de sa mère ¡, il a demandé sa portion héréditaire dans cette
ü (A u t
, Y^ '
succession , et un supplément dans celle du père. 5
cci.>tu
j iCS eXperts chargés de procéder à l’estim ation, sont
+>l>( iLSumturux. discordans sur les vaÎeilré. 11 résulte de l’avis de l’un ,
"•
ftx w i-
^ue *^.aciIucs Gardet a droit à un supplém ent; d’après
'les calculs de l ’au tre, Jacques Gardet seroit rempli de ¿a
portion.
Q u e falloit-il ordonner dans ce cas? une tierce exper-
| » w / m .u .r f
Il
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: >tt ,ttC,
„„er!
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- tise ne devenoit-elle pas- indispensable? Les premiers
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iuses ont pris un autre parti. Se fondant sur la disposition d uu jugement précédent, qui ordonnoit que les
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vendus và rappelant isqroient ,estimés suivant leur
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ù l’o.uyeyture de 1,1 suec<fri}io:û,idu p ère, ils ont vu
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^trûU i,
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n ii.V iu f.t ü K u iw u c u i
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^ ^»yîCï’.H.
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�que l ’cstimnticm cxcédoit le p rix de la vente ; ils pnt <
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pensé que le sieur Gardet étoit rem pli par cet excédent
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Ji
de v a leu r,' et l’ont débouté de sa dem ande.Tirr-p %
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c m i w i i K i t n V i f c|l
L e sieur Jacques Gardet réclame contre cette décision,
,
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aussi siDguliere qu musitee : il lu i. sera iacile a en obtenu*
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la réformation ; mais il est utile de présenter q ue lq u es
^ c>00
détails sur les faits avaut d’en v e n i r à la discussion des
’* Y * *kV'
I
moyens.
Cinq enfans sont provenus du mariage de Jacques y
■
_____ ;
Gardet et M arie Barbarin. Antoine , l’un d’eux , a été
institué héritier universel du ses père et m ère, par contrat .
.
1
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cU.Lt f J
du 21 avril 1783.
^
,
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Il est chargé de payer h ses frères et sœurs-des légitimes
conventionnelles diversement réglées : on ne s’occupera H “-1
que de Jacques G ardet, appelant, à qui l’intimé devoit U* &..«*
payer une légitime conventionnelle de 10000 francs en
¿< /ujj
deniers, fonds ou contrats de rente,
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Les instituans s’étoient fait une réserve de 4000 francs
|
tout est réglé sur cet objet. L ’héritier institué est associé
t
p o u r -moitié à tous les acquêts et çonquêts qui auront
lieu pendant sa cohabitation avec ses père et mère : ces
j
acquêts excèdent la valeur des propres ç mais l’association
’
‘
|
a été jugée valable.
».c
'
|
L e père instituant mourut le 14 juillet 1792. La loi
|
du 17 nivôse an 2 , annulla l’institution; un partage eut
lieu par égalité entre les frères et sœurs.
,
t Cette loi ayant été rapportée dans ses eilets rétroactifs ,
\
Antoine Gardet reprit le bénéfice de sonynstitution.
j
Les parties furent réglées par un jugement arbitral du 5
brumaire an 4. r ( iS± '
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Ce iu ïc m e n t, eu ce qui concerne Jacques G a rd et,
^ ...... îui clonne acte de la déclaration par lui fa ite , qu’il s’en
Ve4 u , , ^ ù t o
lient à sa légitim e conventionnelle de io ooo francs, et-'
*< «i i
^ "«tri-don ne que Gardet aîné sera tenu de lui payer cette
'ïï'iicKCto, t
som m ée« deniers , fo n d s ou effets de la succession , bien
^
1 1 <u,i^ et dûment garantis.
j
*CcLo , «je
s*eur Gardet puîné faisoit, en ce p o in t, un grand
.
• ' sacrifice en faveur de son frère; la loi du 3 vendémiaire
c< îv n u ise , Hilrï an ^ l’autorisoit à conserver les immeubles qu’il avoit
), u
î <r reçUS j ors ¿ u partage par égalité, jusqu’à concurrence
■if’ ^ i»uoiiuiu«)t>t'[e sa légitime
conventionnelle.
1
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s-‘«o la Vi'ijiujuLVT.
Mais ces mêmes immeubles étoient a la convenance
(tu'. d° son frère; ^ ne voulut le gener en aucune manière :
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on ne lui a pas su gré de ce bon procédé. ~y ----,
t D euX mois après, le 14 nivôse an 4 , traité entre
•
1 fiatt» uitcàcs deux frères sur l’acquittement de la légitim e conven,
t»«_ fiu t H ; tionnelle de Jacques. Antoine Gardet paye à son frère
11 t'c'/tiA-î
une somme de 3400 francs en effets ou b ille ts, et lui
!*
vend ensuite diiïerens immeubles ; l’acte est conçu
■
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3 dans
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ces termes : Ledit A ntoine Gardet délaisse, cède et
.
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r
.
transporte , avec promesse de garantir , Jourm r e t
• - ' t t i L i i s c i i i C v a l o i r des immeubles détaillés et confinés, en
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valeur de la somme de 6600 francs, pour se libérer de
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. r
. la totalité de la légitim e, pour desdits objets iouir
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C $ f l i c l C(IU>(
1
,
et disposer , dès ce moment , comme bon lui semblera ;
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Antoine Gardet se dessaisissant et transférant la
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u.t cjil, propriété, possession et jouissance à Jacques G a rd et,
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s011 fvi.re. g o
I l n’est pas inutile de remarquer que cette somme de
10000 francs ne s’appliquoit qu’à la swpccssion paternelle.
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Cin.it ( c i,nj.tLC?( ftc-ij
11 ne s’agissoit que de cette succession lors du jugement
arbitral, puisque la mère étoit encore vivan te, et n’est
morte que le 4 fructidor an 10.
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L ’ouverture de cette succession donna lieu à diflférens
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débats, dont il est inutile de rendre compte. O n ne doit >.«i
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s’occuper que de la demande en partage de la succession
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maternelle, et en supplément de la légitim e paternelle,
formée par
Jacaues
Gardet le z 5 floréal an 11. ^ —
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Un jugement
du
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frimaire
an
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ordonne
à
cet
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J C t t i l ( U ( / 1 L it*
égard que Gardet aîné viendra à partage des biens
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fi-UCca ifm aternels, pour en être délaissé à Gardet jeune, jusqu’à
concurrence de sa légitime, auquel partage les parties
ferontlesrapportsetprélèvem ens de droit, et Gardet jeune
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notamment rapportera en nature ou fictivem ent l’équivalent de ce qu’il a reçu en l’an 4 , pour droits maternels, <■
£■ Jtt»Cl / I f^'r, ,
lequel sera déterminé sur les 10000 fr. de la constitution,
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à raison de la valeur respective des deux successions. Les
experts chargés de procéder à ces opérations doivent,
indépendamment du partage ordonné, estimer les biens
meubles et immeubles du p ère, d’après leur valeur à son
décès ; ils doivent aussi estimer d'après leur valeur à la
même époque les biens meubles et immeubles donnés en
l’an 4 , à Gardet jeune, évaluer également les biens mater
nels; et d’après l’évaluation de l’une et l’autre héréd ité,
déterminer proportionnellement ce qui appartient au
père et à la mère dans la réserve de 4000 francs, exclusi
vement attribuée aux légitim ants.
E t dans le cas où il résulteroit de l’évaluation, des biens
paternels, que les 4000 francs, ou la valeur des objets
^
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donnés eh payement, distraction faite de ce qu’il doit en
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^ ucX *‘^apporter à la succession m aternelle,ne le remplissent pas
•u" y ct^ i(~jiiL,,c4de sa légitim e, et qu’il lui est dû un supplém ent, les
in , cu î - t id
experts désigneront un ou plusieurs immeubles jusqu’à
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concurrence de ce supplém ent
f
^
(
Ce jugement fut attaqué par la voie de l’appel, de la
)
cAo part d’Antoine Gardet. Il fut confirmé par un arrêt de
fa t
la C o u r, du ï 3 frimaire an 13.
'
Les sieurs M azin et Pallet ont été nommés experts:
¿J*.
M azin a évalué la masse des biens paternels à 123900 fr.,
1
ce qui porte le dixièm e revenant au sieur Gardet jeune ,
jiiH i
¿î6lu
•
• •
v
C
s:
pour sa légitim é, à 12390 francs.
(\
Les biens de la succession maternelle ont été évalués
!
par M azin à 9617 francs; il ne revenoit au sieur Gardet
•'
'
jeune, dans cette succession, qu’un douzièm e, à raison de
ce que quatre enfans seulement ont survécu à 'la m ère'
,
et ce douzième est de 793 fr. Maintenant voici comment
1- ^
Mazin a opéré. It a dit : Il revient au sieur Gardet jeune
■;
12390 franès pour son dixièm e dans les biens du père;
‘
il a reçu 10000 francs de légitim e conventionnelle,
—
'
Il doit également rapporter un m obilier qui ne devoit
î:
pas s’imputer sur cette légitim e, d’après la convention des
parties, mais dont l’expert lui fait tenir com pte; et ce
* i
m obilier est évalué 440 francs.
Il faut ensuite distraire d elà somme de 10440 francs',
celle de667francs, prise sur les 10000 francs de la légitim e
conventionnelle, pour rapporter à la succession de la m ère
'!■
'?
dans la proportion établie par le jugeaient du 14 frimaire
an 12. E tile n résulte quele sieur Gardet u’a réellement reçu
’7
�( 7 ) ï ^
pour cc qui lui revient dans la succesâiQnpaternelle, qu’une
somme de 9773 fr. : il lui revient®Üonc, pour être rem pli
de ses droits paternels, la somme de 2617 francs.
E t comme son douzième dans la succession maternelle
étoit de 793 francs, qu’il n’a reçu que;’667 francs pour
cet objet, il lui revient encore 126 francs/
L ’expert M azin , par suite et pour se conform er au
jugement, évalue les jouissances de ce supplément depuis
1792. Ces jouissances se portent à une somme de 1281 francs
72 centimes ; ce qui constitue Jacques Gardet créancier
d’une somme de 4024 francs 72 centimes, pour le payement
de laquelle somme l’exp ert, en conformité du jugement,
désigne certains immeubles.
. L ’expert Pullet n’a évalué les biens paternels qu’à la
somme de 70482 francs, et les biens maternels à. 5534 fr.;
•de sorte qu’ il y a discordance de près de moitié. 12 ---- •
O u conçoit que d’après les calculs de P a lle t, Jacques
Gardet seroit plus que l’empli de sa légitim e de d ro it;
et on n’a pas manqué de dire pour Antoine G ardet, que
Pallet étoit un expert judicieux et intelligent, tandis qu’il
y avoit exagération outrée dans les évaluations de Mazin.
Cependant on voit que M azin a pris toutes les précautions
qui sont au pouvoir des liom m es, pour connoître la vé
ritable valeur des biens sujets à son estimation ; il a
sagement observé ( et c’est une vérité reconnue ), que
dans cc départem ent,.depuis 1789,- la hausse et la baisse
des denrées ont singulièrement influé sur la valeur des
biens ruraux.
Il
s’est déterminé d’après les contrats contemporains
et les mercuriales du temps. Il a pris en considération la
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...
situation des b ie n s, tant pour l’utilité et l’agrément du
site, que pour la facilité de la concurrence. C ’est en combinant la-valeur intrinsèque avec la valeur relative , qu’il
s’est déterminé dans son estimation.
Il a dit que d’après l’usage ancien et constant, la valeur
intrinsèque se composoit de vingt fois le produit net, et
que la valeur relative consistoit dans le droit de propriété,
qui est ordinairement le dixièm e en sus de la valeur
intrinsèque, sauf les variations qui pouvoient résulter
de la situation, et qui s’élèvent ou diminuent en p roportion de l’avantage de la position; de sorte qu’un imm euble placé dans un pays riche et industrieux, commér
cant et p e u p l é , l’emportera toujours de beaucoup en
valeur sur celui qui ne réunira que partie de ces avantages.
C ’est en partant de ces bases, que l’expert M azin a fait
son opération ; et quand on le suit dans ses détails, on
est convaincu que loin d’être exagéré dans l’appréciation
des immeubles situés à V y e re , canton le plus fertile de
la L im agn e, il les a souvent portés au-dessous de leur
valeur intrinsèque.
P allet, au contraire, est d’une partialité dégoûtante.
C ’est contre sa propre conscience, contre sa connoissance
personnelle de la localité, qu’il a fait ses estimations. Il
semble qu’il a opéré pour obtenir des dirrtinutions d’im
pôts, plutôt que pour connoître la valeur des biens.
Q uoi qu’il en so it, à la vue de deux rapports si différens, il étoit de toute nécessité de nommer un tiers expert : c’est la marche ordinaire ; c’est une nécessité, et
jamais on ne s’est écarté de cette règle.
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nommé le sieur Caillie. Antoine G ardet forma opposi- “
lio n à ce jugem en t, et soutint qu’une tierce expertise ,Ll
seroit une dépense frustratoire et inutile.
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Suivant Antoine G ardet, il résulte des deux rapports,
tout discordans qu’ils sont, que Jacques, son frère, est
n»*.
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rem pli de sa légitime,
¿¿fr**.*.c
Jacques Gardet, d it-il, a reçu en argent 3400 francs j
» . * .
le surplus a été payé en immeubles. O r , ces immeubles
m
donnés en payement à Jacques Gardet(pour 6600 francs,
«.rc/îoti«
sont évalués par l’expert Mazin 13 5 5 5 ; en y ajoutant
440 francs de m obilier, il a reçu en tout 17395 francs.
<,
Il ne lui revien t, d’après le mê me expert, pour légitim e yulxutjii^ ^
paternelle et m aternelle, que 1318*3 francs. D onc il a reçu
en excedant 4212 lrancs.
J
-8
Cette première objection péchoit par sa base. Quelle que
^
*•
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1
soit l’évaluation des héritages vendus en l’an 4 , Jacques
<>
Gardet n’a jamais reçu que 6600 francs pour ces objets. c ,t t.». 1
,,
Il 11e les a pas reçus à titre d’h éritier, puisqu’il n’étoit
«, r
«i
q u e créancier de la succession-, il les a acquis moyennant
la somme de 6600 francs. On ne doit lui précompter que
tHÎ l i.
cette somme pour cet objet : on le devoit d’autant m ieux,
^
dans l’espèce particulière, que Jacques Gardet n’a point
, " 1,1 >,<tu
conservé ces immeubles; il les a rétrocédés à son frère, cc
qui ¿1 son tour a gagné 3000 francs sur Jacques G ardet,
en les r
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e
n
d
a
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.
'
Jacques Gardet ne les avoit pas acquis valeur de 179 2;
*
il les a achetés valeur de l’an 4 , dans un temps où le
*<i
numéraire étoit rai’e , et où les biens étoient de moindre
valeur. En un m o t, sa légitim e ne devoit pas être calculée sur le prix de la vente qui lui avoit été faite, mais
t
B
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....... - lui"
‘ l“ 4
6.» ¿iY n* ..Voci/ulc
j.
j
�sur la V aleur‘de'la-masse de la succèssion. Ge 'n’étoit'pais
îü i •qùi '-’é toit'ten ü 'd é rapporter 3 puisqu’il n’étoit pas Co
héritier. Son frèrèJJaii contraire, étoit obligé de faire'le
ra p p ô rtïiét’if ou réël^de tout ce qui comjjosoit la masse
de la succession paternelle.
A n toin e Gardet a senti la force de cette objection ; il
a0voulu l ’éluder :e h I;soùtëhant' que d’après* le jugement
du 1 4 frimaire- an- r 2 y lés biens fdonnes’ a Gardet jeune
en payement de ¿a légitim e, devoient être évalués sur le
même pied quelles autres biens, et que ce n’étoit qu’aittant qu’il^réfculteroit Jde l’évaluation des biens paternels
qtie la valeùr des objets donnes en payement de la légi
time conventionnelle ne le remplît pas de sa'légitim e de
d ro it, q u ’alors il falloit lui accorder un supplément.
V o ilà sans doute une étrange manière d’interpréter le
jugement du 14 frim aire an 1 2 , qui n’a été rendu que
dans l’intérêt du sieur Gardet jeune ; et dont Antoine
Gardet s’étoit rendu lui-m êm e appelant.
N ’est-il pas évid en t, au contraire, que le jugement
n’a pas voulu prendre en considération, pour la suppu
tation de la légitim e, le p rix de la vente consentie à
Jacques G ardet; que le jugement au contraire a voulu
que la supputation se fit sur la valeur de la masse totale
de la succession’à l’époque de son ouverture? Il en est
de la, vente faite à Jacques Gardet'* 4ômme il en sei’oit
d’ une vente faite à un tiers par l’héritier institué : suns
contredit ce ne seroit pas le prix de cette vente qui feroit
la règle pour supputer la légitim e ; 'e t , quoi qu’on en
dise ,' l’éxpert M azin '‘ne s’étoit' pas brouillé la téte , ni
n’a pas proféré d'absurdités } lorsqu’il a fait son opéra-
�(II
)
tion. Cependant lés premiers juges ont adopté le système
d’Antoine G a rd et; et par leur, jugement du • 26 • no
vem bre 1807, ils ont déclaré le lé g itim a is non recevable
dans sa demande,, qt l’ont condamné aux dépens,\ppr ce
seul m otif qu’en prenant ,1a plus haute, estimation .faite
par l’expert M a z in , il en résulte que Jacques G ardet,
en rapportant fictivement les immeubles qui lui .ont été
délaissés par Pacte du 14 nivôse an 4 , est rem pl^et au-r
delà-, de sa légitime de rigueur.
• n
Jacques Gardet a interjeté appel de ce jugem ent, et
c’est sur cet appel que la Cour doit statuer. L a question
se réduit à des termes bien simples. Quelle est la nature
de l’acte..du 1 4 .ventôse an 4 ?
Jacques Gardet a - t - i l été tenu i\ .aiicun rapport réel
ou fictif dans ^ su ccession d u .p è re ?
. ..
■ Il est un principe reconnu en droit, c’est que la dation
en payement est. une véritable vente, qu’elle en a le
caractère'comme les effqts. L a lo i 4;, au cod. f)e ,e ç ic t.,
porte : St prœdiurn tihipro soht^Q\datiun est hujusmodi
contractas vicem vendiiionù obtinet. V othier, dans son
.Contrat de ven te, tome 2 , ¡part i re.., chpp. 4 , enseigne
que la'dation en payemept est un acte éq.uipolent à vente ;
dam in solutum Ast 'Vçnder6:; et un tel, ¡contrat donnoit
lieu an -reti^it, suivant la dispositjLçn jdç i’^rt. .397 de la
cutitumeid’Oiléans.. !.
,
y . - n
.
estî'menfe constant parmi, nous que; lorsqu’il a ét;<5
constitué une dot en deniers,,l’immeuble, qui ,est donné
en. payement..de cette-dotne. devient pas dqtal à la(femrrç.Q£
c’est une acquisition .pour iP»ari, qwi;pijoiite ile;laî?plu9jvàlue de riinmeuble., et in.etdoit jamais, .qpp dçs, deniers. 1 i f
B 2
V cilU+ l
U
)U«»6. l'ct «9Ô.W ¿ u t
�(
)
La loi 9, au ff. D efiin à o dotali , s’exprim e ainsi : Fundus
œstimatus non est dotalis sed marito proprius emptionis
ju r e .' O r , si l’estimation de l ’objet donné en dot est
regardé comme une vente faite du même objet au m ari,
qui en devient véritable acquéreur, à plus forte raison
l ’immeuble donné en payement de la dot d o it - il être
regardé commp une véritable vente. Aussi tous les auteurs
qui ont écrit sur cette matière disent-ils que le fonds qui
est donné au mari en payement de la d o t, ou qu’il
acquiert des deniers d o ta u x , n’est pas d otal, mais est
propre au mari. C ’est ainsi que s’exprim ent D om at, Lois
civiles, liv. i er-? sect. i rc. ; Despeisses, tome I er. , édit.
in- 40. , p- 5 oo. L e Code Napoléon en a fait une règle
de d ro it, art. i 553 .
Si l’héritage donné' au mari en payement de la dot
est considéré comme une ven te, comment en seroit-il
autrement lorsque l’héritier institué vend à un légitimaire conventionnel, des immeubles en payement de sa
légitim e? L e légitim aire conventionnel n’est pas héritier,
c’est un simple créancier de la succession ; la C our a
même jugé en thèse, dans la cause des héritiers Périssel,
que le légitimaire conventionnel n’étoit pas tenu de con
tribuer aux dettes de la succession. Inacceptation de la
légitim e conventionnelle est équipolente à une cession
de droits successifs ; c’est un acte dénégatif de la qualité
d'héritier. L e légitimdire conventionnel n’est plus recevnble à demander le partage. Comment donc concevoir
qu’ il puisse être sujet à aucun rapport fictif ou ré e l,
lorsqu’ il vient par action en Supplément?
"w , Q u’est-cequ’üne action en'supplém ent? Ce n’est point
■V f i ' i
» .'i
i)
i.ff? I
�( 13 )
une demande en partage , puisque les deux actions sont
contradictoires, et ne peuvent subsister l ’une avec l’autre.
L a loi réserve à l’enfant une légitim e de rigu eu r, à la
quelle le père n’a pas le droit de porter atteinte. Si la
légitim e réglée par le père n’équivaut pas à celle de
d ro it, quelle que soit l’approbation du légitim aire, il
peut toujours exiger jusqu’à concurrence de sa légitim e de
rigueur-, mais ce supplément ne l’oblige à aucun rapport ;
il doit seulement imputer ce qu’il a reçu jusqu’à due con
currence.
O r , qu’a reçu le sieur Jacques G ardet? 10000 f r . ,
et rien que ioooo francs ; savoir, 34°° ^iancs ^cus •> e^
6600 francs en immeubles. Q u’il ait bien ou mal acheté ,
à vil prix ou au clier d enier, c e n ’ e s t p a s ce qu’on doit
considérer ; il faut estimer la masse des biens suivant leur
valeur à l’ouverture de la succession , et c’est sur cette
valeur que se calcule sa légitime de droit.
Dans l’espèce, les parties ont longuement discuté sur
ce point. Jacques G a rd e t, dans son éctiture du 6 fri—
¡maire an 12 , a soutenu avec fondement qu’il ne falloit
pas considérer le pi*ix de la vente qui lui avoit été con
sentie, pour calculer ce qui devoit lui revenir, mais bien
la valeur des immeubles lors de la mort du père. S’il
avoit acheté à bon marché , il devoit en profiter; comme
s’ il avoit acquis au cher denier, il ne pouvoit revenir
contre sa vente ; mais dans tous 1rs cas il n’avoit reçu que
10000 francs, et rien que 10000 francs.
C ’est dans son intérêt que le jugement de l’an 12 a
ordonné une estimation des biens à l’époque de la m ort du
père. Antoine. Gardet étoit tenu de rapporter fictivement
�(H )
'
ou réellement tout ce qui composoit alors la succession
paternelle. Comment auroit-on voulu dans la suite faire
changer de rôle aux parties , faire rapporter à Jacques
Gardet Îes objets qui lui avoient été donnés en payement?
N ’e s t- c e pas là une absurdité choquante, une contra
diction manifeste avec tous les principes reçus? C ’est ce
pendant le seul m otif du jugement dont est appel. Il est
jugé que le sieur Jacques G ard et, e« rapportant fic tif
tivementles immeubles qui-lui ont été délaissés par l’acte
du 14 nivôse an 4 , est rem pli au-delà de sa légitime de
rigueur.
Les p r e m i e r s juges auroient-ils été séduits p a rle système
d’ A n toine G ardet, qui n’est qu’un paradoxe ? En effet,
lorsqu’il accuse l ’expert- M âzin d’avoir admis deux’ esti
mations différentes, l’une pour supputer la légitim e, et
l ’autre pour la p ayer, il est tombé dans une ierreur qui
ne peut être que volontaire. 'L’expert M azin n’a fait
qu’ une seule estimation. H a dit: L a masse des biens pa
ternels se porte à 123900 francs, le dixièm e revenant
au légitimaire est de 12390 francs : le légitim aire n ’a
reçu sur cette succession que la somineide 9773 francs;
il lui revient donc un supplément..
L ’expert pouvoit-il dire autrem ent, lorsqu’en effet
Jacques Gardet n’avoit reçu1et n’avoit donné de quittance
que de la somme de 10000 francs? n’étoit-il pas dans
la même position que s’ il avoit reçu 10000 francs écus,
au lieu de prendre une portion en immeubles ?
A n toine G ard et, qui avoit vendu pour 6600 francs
d’immeubles à son frère, n’étoit-il pas dans la même
position que s’il avoit vendu à un tiers? et dans ce cas
�5 )
n’auroit-il T?as dû rapporter fictivement 'les ’objets vendus,
suivant la valeur à l’époque de »l’ouverture de la^succession? ne falloit-il pus dans tous les;cas le même mode
d’estimation ; tant pour les ^objets aliénés que pour ceux
qui restoient entré les mains de l’héritier?
L a conséquence qu’on voudroit faire résulter du juge
m ent’ de l’an 1 2 , qui ordonné .l’éstim ation'sur le même
pied des biens restuns et des biens délaissés, est donc
faussement appliquée : elle est toute idans l’intérêt du
légitim aire, et se rétorque avec avantage contre l'héritier
( i
institué.
En effet,'qu’on lise ce jugement avec attention, on y
verra que Jacques Gardet n?èst tenu à un rapport fictif
que relativement à la succession maternelle dont le partage
est ^ordonné.
D èsque Jacques Gardet étoit cohéritier en cette partie,
il devoit le rapport de ce qu’ il avoit reçu pour cette
succession.
Comment connoître la quotité de ce rapport? On ne
le pouvoit qu’en évaluant les biens à l’époque'de l’ou
verture de la succession.
C ’étoit cette même époque quïïl falloit considérer pour
fixer le supplément , parce jque c’est de ce jour que le
droit est acquis au légitimaire.
!
T o u t est a son avantage dans cette partie.
' ’
Jacques Gardet a bien également à se plaindre du juge
ment ;-relativement à la succession maternelle. Comment
a-t-il été déclaré non recevable, même pour cette succes
sion? Il nes’agissoit pas ici d’une demande en'supplément,
m aisbien d’ une demande en partage il neipouvoit point
�.( i 6 )
y avoir acceptation préjudiciable de la légitim e conven
tionnelle , puisque la m ère étoit encore vivante lors du
traité de nivôse an 4.
'
* . ¡.
<
Jacques Gardet avoit le droit de réclamer une portion
héréditaire, sauf à rapporter ce qu’il étoit présumé avoir
reçu pour cette succession, dans les 10000 francs qui
lui «voient été comptés. L ’expert M azin, au lieu de lui
délivrer une portion comme héritier, se contente de lui
donner un modique supplément de 126 francs.
A ntoine Gardet veut encore lui contester ce foible
avantage; et comme si son frère étoit réduit à ce mince
subsidiaire, il soutient que son frère ne doit pas même
obtenir cette petite parcelle de vigne de 126 francs, sur
la succession maternelle.
Gomment concilier cette dernière prétention avec le
jugement de l’an 12 , qu’on a si souvent in voq u é?
Ce jugement n’accordoit pas un simple supplément sur
la succession m aternelle, mais en ordonnoit le partage.
C ’étoit à cette succession, et pour cette succession seule
ment , que Jacques Gardet devoit rapporter ce qu’il
pouvoit avoir reçu lors du payement de sa légitim e con
ventionnelle, et dans la proportion des deux successions.
La somme reçue est évaluée à 667 francs; donc le sieur
Gardet puîné, en rapportant 667 f r ., devoit prendre en
biens héréditaires le douzième de la succession maternelle.
L ’expert M a zin , au lieu de lui faire rapporter, lui
fait moins prendre, et lui adjuge pour complément un
immeuble de 126 francs.
Jacques Gardet seul auroit pu réclamer contre cette
opération, parce que s’il y a e rre u r, elle est toute au
préjudice
�( 17 )
préjudice du lé g itim a is. Il ne s’en est pas plaint ; mais
Antoine G ardet, qui n’épargne pas les épitliètes à l’expert
M azin , prétend qu’il a commis une erreur grossière. P o u r
le p ro u ver, il a dit que l’expert avoit établi en fait que
la proportion entre les biens paternels et maternels est
comme un est à quinze. La légitim e conventionnelle
devant se répartir au marc le franc sur les deux masses,
il y avoit lieu d’appliquer le quinzième de la légitim e
sur les droits maternels. Ces idées sont simples et justes,
et on veut bien convenir qu’il ne s’est pas trompé jusquelà ; mais son calcul est e rro n é , parce qu’il n’a porté ce
quinzième q u ’à 667 francs. Mais sur une masse de 17395 f r .,
qui est la valeur des biens reçus par Gardet jeune , le
quinzième etoit de n 5 c) francs; ce qui excède de 492 fr.
celle de 667 francs.
O n voit qu’Antoine Gardet s’abuse toujoui’s-p ar le
même système, et ne fait que tourner autour d’un cerclo
vicieux; Il veut que son frère ait reçu 17395 francs, tandis
q u ’ i l n’a reçu que 10000 fr. ; c’est juger la question par la
question; et encore n’a - t- o n point abordé la véritable
dans cette p artie, puisqu’il s’agissoit dans ce cas d’un
partage , et non d’un supplément.
E n un m o t, en partant du principe que datio ïn
solutum est venditio, principe consacré par les anciennes
et les nouVelles'loîs'/Jacquès Gardef ne peut être comptable
que de la somme de 10000 francs; il n’est tenu d’aucun
rapport fictif ou réel à la succession patei’nelle. Les deux
experts ont été discordans sur la valeur de cette succession ;
il étoit tout simple de nommer un tiers expert pour les
départager : c’eût étd rendre justice à tous. S’il y avoit
C
�(
1
8
}
eu du d o u te, la faveur étoit pour le légitim aire, et la
rigueur pour celui qui a le titre universel. L a justice
n’é toit pas suffisamment éclairée , puisqu’il y avoit une
si grande différence dans les estimations. L e tribunal
dont est appel devoit donc adopter le seul moyen
connu pour com pléter l’opération ordonnée par le juge
ment de l’an 1 2 , et l’arrêt c o n firmat if de l’an 13.
E t qu’on ne dise pas que d’après l’art. 323 du Code de
procédure, les juges ne sont point astreints à suivre l’avis
des experts, si leur conviction s’y oppose. Cet article est
une suite du précédent, qui autorise les juges à ordonner
d’office une n o u v e l l e expertise; et quoiqu’en général les
juges puissent s’écarter de leur interlocutoire, ce ne peut
être au moins lorsqu’il s’agit d’un partage ou d’un supplé
ment de légitim e, puisqu’alors tout gît dans une estimation
que les juges ne peuvent pas faire eux-m êm es, qu’ils sont
renvoyer à des experts, et qui ne peut servir de
base à leur jugement tant qu’elle est incomplète.
E n fin , si on considère que le jugement dont est appel
porte sur un m otif erroné, qu’il suppose la nécessité d’un
rapport fictif de la part d’un légitim aire conventionnel
qui n’est pas h éritie r, on demeurera convaincu que ce
jugement ne peut se soutenir.
Signé G A R D E T jeune.
«
M e. P A G E S (d e R io m ) , ancien avocat.
M c. V A Z E I L L E ,
avoué licencié.
A R IO M , do l ’imprim erie de THIBAUD- L a n D r i o t • imprimeur de la C our d'appe l.
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Gardet, Jacques. 1807?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Vazeille
Subject
The topic of the resource
successions
légitime
experts
médecins
Description
An account of the resource
Observations en réponse, pour sieur Jacques Gardet jeune, docteur en médecine, appelant de jugement rendu au tribunal de Clermont, le 26 novembre 1807 ; contre sieur Antoine Gardet aîné, propriétaire, intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1807
1785-Circa 1807
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
18 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0546
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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BCU_Factums_M0547
BCU_Factums_M0319
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ËaBt{pmrfrtft£3f|pTn^ ; a f f gjffi73h|pr^ î f t atfr^u 1fffiîa^
EPLIQUE
P O U R
M e.
A ndré.
F a u g i e r
de l’ enfant pupille du feu Sieur C
B o u rg eo is ;
le
Sieur
J
l a u d e
a c q u e s
& D e m o i f e lle F r a n ç o i s e
Prêtre
M
T u teu r
F a u g i e r ,
a s s a r d i e r
F a u g i e r ,
mariés
;
9
In tim és;
C O N T R E
lés Sieurs B
a r t h e l e m i
R
o b i n
,
Appellant ;
Et
J
e a n
- B
a r t h e l e m i
R
,
obin
auffi
Intimé
L
O R SQ U ’U N teftam ent, arraché à la Foibleffe par l'obfeffion bleffe
également la nature & la loi
{
la juftice, en le profcriv a n t, venge avec
'plaifir le mépris de la l o i , & l’injure faite à la nature.
parvienne à fe faire inftituer héritière par fon époux ,
judice des fucceff eurs légitimes de ce dernier •,
le
.
y
Qu’une f e m m e rufée employé toute forte da manœuvres &
au
commun
A
pré
des
?
(/
c r f ù ' *.
�z
hommes qui n’y regarde pas de fi p rès, fur les moyens de s’enrichir, ne
la blâmera pas peut-être \ mais fera-t-elle applaudis par les perfonnes
honnêtes qui fa piquent d’une certaine délicateffe ?...... C e n’eft pas des
adverfaires que nous attendons la réponfe.
Que cette femme diflîmulée , violant fes promettes les plus folemnelles 8c les plus foutenues , trompant l’intention bien connue du
teftateur, dépouille les héritiers, du fang pour enrichir des étrangers 5
qui approuvera cette trahifon, cette perfidie ? Perfonne , fi ce n’eft
ceux qui en recueillent le fruit.
L ’avidité , impatiente de tenir fa proie , ne prend pas toujours
toutes les précautions pour fe l’affurer : le teftament furpris eft nul ;
les héritiers du fa n g , conduits par la l o i , viennent réclamer aux
pieds de la jufticc l’héritage de leurs peres envahi' par des étrangers :
qui pourra le trouver mauvais Si fe plaindre ? Perfonne ; fi ce n’eft
les étrangers , intérefies à fe maintenir dans leur ufurpation.
T e l e f t , en racourci, le tableau fidèle de la conduite de la D llc,
Robin
des adverfaires. T elle eft la pofition refpeclive des parties.
C ’eft bien vraiment aux freres Robin qu’il appartient de qualifier
les expofans de collatéraux avides.
Quoi donc ! les adverfaires, abfo~
lument étrangers au nom , au fang, à la famille du fieur Dancette , ces
étrangers injuftement revêtus des dépouilles des enfans de la m aifon, les
traiteront d'avides collatéraux ! . . . Lcîdefir de nuire porta-t-il jamais
à 1111 excès plus révoltant l’abus des termes
5c des qualifications !
Ces adverfaires croient fuppléer à ce qui manque du côté de la
jufticc S i des moyens à leur prétention, par le ton avantageux 8ç
confiant avec lequel ils la foutiennent ^ mais les juges que nous avons
Je bonheur d’a v o ir, font trop fa g e s, trop éclairés, pour prendre
le change.
A entendre les fieurs Robin ( 1 ) , les expofans font d ingrats calonu
_ ............................
......... ........ > ■
( 1) P a g . 1 , 1 £c 3 du m é m o i r e des adverfaire».
�ï
niateurs", qui déchirent impitoyablement celle .q u ia verfé fu r eux des
bienfaits à pleines mains.
A entendre ces adverfaires, c e f i à la D lle.
Robin que Me. Faugier , prêtre , ' doit fon éducation & fort état*
C'eft elle q u i, pour favorifer l'établiffement du pere du pupille Faugier ’
lui donna , dans fon contrat de mariage , des biens confidérables qui
embrajfent tout l'ancien patrimoine du teflateur.
C ’eft ainfi que , pour tâcher de jetter un vernis de défaveur fur les
expofans, pour avoir le plaifir de les taxer d’ingrats, de calomnia
teurs , les adverfaires fuppofent des bienfaits verfés à pleines main
fu r eux par la D lle. Robin , tandis qu’ils favent bien que cette femme
a fait aux expofans tout le mal qu’il etoit en fon pouvoir de leur faire :
quelle imprudence de la part des adverfaires 1 ils n’ont pas fenti qu’ils
mettoient les expofans dans la néceiTité de relever des faits qu’ils
avoient bien voulu taire jufqu’ic i, par égard pour la mémoire de la
Dlle. R o b in , 8t par ménagement pour les adverfaires'eux-mêmes.
L a calomnie cft l’arme ordinaire des lâches j l’ingratitude eft le
vice malheureufement trop commun des cœurs plus vils, plus lâches
encore. Ces traits odieux n’ont jamais caraûérifé les expofans } ils
ne font point de vils ingrats , de lâches détracteurs ; leur conduite,
leurs fentimens leur ont toujours mérité l’affe&ion & l’efHme de leurs
compatriotes : ils tiennent plus à leur réputation qu'à leur fortune ;
& s’ils défendent avec chaleur celle-ci contre les efforts de l’ufurpatio n , ils ne fouffriront pas fans doute que l’autre foit impunément
en butte aux atteintes de la calomnie.
Pour repoufler les traits envenimés des adverfaires, il faut d o n c,
puifqu’ils l’exigen t, faire connoître la conduite de la Dlle. RoTiin à
1égard des expofans,
Sc les prétendus bienfaits quelle a yerféfur eux j
ils fon: vraiment d’une efpece iinguliere.
L e premier coniifte à avoir fait perdre aux expofans, Sc à Anne
Dancettc leur m ere, fes droits légitimâmes en capital Si intérêts,
fe portant à plus de 40,000 liv.
A i
�4
Anne Dancettc étoit la feeur unique du Heur André Dancette , du
teftament duquel il s’agit.
Ce frere étoit le feul garçon , & l'héritier
de la maifon , beaucoup plus pgé que fa feeur 6c Ton parrein. Après
le décès des parens communs, Anne Dancette fut fous la tutelle 6i
la dépendance de fon frere 6c de la Dlle. Robin fon époufe.
Devenue
nubile , ils lai marièrent comme ils voulurent , 6c ne lui conftituerent
qu’une chétive dot de 4000 liv. ,
cela , parce qu’il ne plut pas à
la Dlle. Robin de lui donner davantage , quoique le fieur André
Dancette eût hérité des pere 6c mere communs de plus de cent
mille livres.
Cette circonitance n’eft pas indiff-rente pour les expofan& j il ei^
réfulte que l’héritage qu’ils réclament n’eil pas le fruit <^es fueurs ,
des travaux 6c de l’induitrie du fieur André Dancette } il n’exerçoit
aucune profeflion ; la fortune dont il jouiffoit, 8c qui ne fut pas
certainement augmentée par fon mariage avec la Dlle. R o b in , qui
ne lui porta qu’une miférablç dot de 40Ç0 liv. : cette fortune é to it ,
pour ainfi dire , un dépôt que fes peres lui avoient tranfinis, pour
qu’il le re m ît, à fon to u r, aux héritiers du môme fang. ‘ En récla
mant la fucceffion du fieur André D an cettc, que la loi leur aflure ,
ce 11’eft donc que le patrimoine de leur grand - pere maternel que
les expofans revendiquent contre
des étrangers qui le détiennent
injuftement.
Mais revenons à la Dlle. Robin.
-
La mere des expofans eut le malheur de perdre trop tôt le (leur
Faugier fon époux, qui la laifla elle -mêm e infirme 6c chargée dç
trois enfans en bas âge.
L a Dlle. Robin , qui étoit fort prévoyante,
fentit qu e, tôt ou ta rd , Anne Dancette ou fes enfans réelameroient
les droits légitimaircs qui lui étoient dus.
Pour éviter toute difcuiïion
à cet égard , la Dlle. Robin S i le fieur Dancette fon é p o u x , qu’elle
fnifoit mouvoir à fon gré , abufant de la trifte fituation de leur fœur ^
¿S". on la berçant de la fau'iTc promefie de fe charger de l’éducatlofl
�^
Y
¿Mi/
& de rétabliflement de Tes enf;
une renonciation gratuite à tous
rent , par a£te pu b lic,
egitimaires
ou iupplcmcnt
de légitimé , moyennant la chétive Tomme d g -4 000 liv. reçues lors
de ion mariage, St c e , tant pour le capital que pour les intérêts
1—
depuis près de trente ans , ce qui faifoi: un objet de plus de 40,000 1. ,
v u , comme nous l’avons dit ci-deffus, que le patrimoine délaillé par
les pere & mere communs étoit de plus de 100,000 liv.
Les adverfa'res ne contefteront pas vraifemblablement ces faits ;
ils ne font que trop notoires ; les expofans peuvent d’ailleurs produire
le contrat de mariage de leur mere , 6c. 1 a£le à elle extorque de
renonciation gratuite.
Il eft vrai qu’Anne D an cette, trop confiante , envoya, chez ion
frerc , fon fils cadet ( c’eft M e. F augier, prêtre ) , qui y refta deux
ou trois ans.
»
Mais comment la Dlle. Robin rempliffoit - elle fa promefie , &
foignoit - elle l’éducation de cet enfant ? En l’envoyant travailler aux
champs avec les journaliers , ou garder les beftiaux avec les domçiliques ?
L e jeune Faugier fe plaignoit amèrement } pour le rendre plus
docile , la Dlle Robin le maltraitoit de la maniéré la plus cruelle,
Nous voulons bien épargner à fa mémoire le détail affligeant de ces
mauvais traitemens, qui auroient mêtpe excédé les bornes de la
corre&ion paternelle \ les adverfoires les connoilTent, &L tout le
monde s’en rappelle avec horreur dans le pays.
Voilà des traits ’
d’humanité S i de bienfaifance de la par de la Dlle. Robin a l’égard
des expofans.
L e jeune Faugier, très-dégoûté de l’éducation que luidonnoit la Dlle.
Robin , revint auprès de fa mere.
C e lle-ci, convaincue par une trifte
expérience, combien perfides étoient les promettes qu il’avoicnt féduite,
réfolut d’impétrer contre l’afte de renonciation qu’on lui avoit extor~
gué.
Avant d’ufer des voies de rigueur; elle employa la médiation
tUCUJ il A
�6
du paftcur refpcclable qui fait encore le honneur 8c l’édification de
la ville de Beauzac.
L e fieur Dancette 8c la Dlle. Robin prièrent ^
Me. Proriol de repréfenter à leur fœur , que deux de leurs enfans
ayant fait profeiîion dans l’état monaftique , & le troifieme n’ayant
point de lignée , leur intention étoit d’ailurer tous leurs biens par
une fubilitution aux enfans de leur fœur :> que fi elle fe permettoit
la moindre démarche , elle feroit avorter ce defiein. Cette affurance
mille fois donnée, fit perdre, à la mere fe s expefans, toute idée de
réclamation.
L e iieur André Dancette étoit de bonne foi dans fes promefies ;
6c ce qui le prouve , c’eft le tellamcnt qu il fit en 176 0 , par lequel,
au cas du décès de M e. Claude Dancette y -a v o c a t, fon fils , fans
enfans, il fubftitue tous fes biens à Claude Faugier pere du pupille,
dont Me. Faugicr , prêtre , cil tuteur.
Mais la Dlle. Robin étoit-elle
auilî lincere que fon époux ? Le -procès actuel prouve fuilifammenr
le contraire.
Les adverfaires font fonner fort haut la donation faite par leur tante
dans le contrat de mariage de Claude Faugier.
Mais on eft forcé de rabattre beaucoup de cette prétendue libé
ralité , quand on fait qu’elle avoir pour objet de doter une fille de
la fœur à la Dlle. R o b in , quelle voulut unir à Claude F augier, en
dépit, de l’avcrfion que ces jeunes perfonnes avoient l’une pour l’autre.
Les chagrins que ce ménage mai aiTorti a procurés à Claude Faugier ,
& qui ont abrégé fes jo u rs, n’ont que trop juftifié fa répugnance.
O n eft encore forcé de rabattre beaucoup de la prétendue libéralité,
quand on voit dans l'aéte même , qu’elle n’a été faite qu’à condition
1
que la future renonceroit à fes droits légitimaires, tant paternels que
maternels ) quand on voit que les biens donnés, qui ne font évalués,
qu’à 8000 l i v ., ce qui ne fait pas la vingtième partie du patrimoine
du fieur D an cette, font chargés , indépendamment d’une
infinité
d’autres réferves, d’une penfion de 400 liv. en faveur de dom Jacques
Dancette benédi&in.
�?
• Enfin, les biens donnés, eflimés 8000 liv.
en valulTent-ils 30 , 8c
fuflent-ils donnés en feule confidération de Claude Faugier , ce qui
n’eft pas , ce
/croit jamais qu’un foible dédommagement de partie
des droits légitimâmes que la Dlle. Robin a fait perdre aux expofans
6c à leur mere.
On n’a pas calomnié la Dlle. R o b in , quand on a dit qu’elle avoit
forcé fes enfans_à faire profeffion dans l’état monailique.
Comment
les adverfaires peuvent-ils foutenir le contraire, eux qui ont été témoins,
ainfi que tous les habitans de la ville de Beauzac 8c des environs,
des plaintes am ères, des reproches que le religieux D ancette a fait à
la Dlle. R obin, d’avoir violenté fes goûts 8t fon inclination décidée
pour le commerceT
Les tentatives inutiles de ce religieux, fa con
duite , fa fuite 8c fa poiition a & u e lle , ne prouvent que trop l’averilon qu’il a toujours eue pour un ctat que fa mere lui fit embrafler
malgré lui.
Les fieurs Robin n’ont pas meilleure grâce à faire valoir le pré
tendu teilament du 7 avril 1733 , pour prouver l’afFedlion confiante
&. les diipofitions inébranlables qu’ils prêtent au fieur Dancette en
faveur de fon époufe.
Sans regarder de bien près ce prétendu teilam ent, on voit que
ce n’eft qu’un p ro je t, un chiffon, une minutte informe d’un teila
ment dont la Dlle. Robin n’auroit jamais pu prendre avantage ÿ au
<lemeurant, tout s’y réduit pour elle à un iimplc legs de jouiifance.
Mais ce teilament fût - il aufn férieux qu’il efl illufoire, 8c les
adverfaires puflent-ils en invoquer cent pour un , plus ils en produiro ie n t, plus ils fourniroient des preuves de l’importunité de cette
femme , de l’obfeiTion Sc de l’efclavagc dans lefquels elle tenoit fon
époux.
T out cela ne fait pas que , lorfquc le fieur André Dancette a pu
échapper à fon argu s, ôc fuivre les mouvemens de fon afïe&ion 6c
&c fa volonté, il n’ait difpofé en faveur des expofans j témoin le
�3
teftament de 1 7 6 0 , en faveur de Claude F aü gier, pere du pupille,'
don: Me. Faugier eft tuteur.
Après c e la , comment les adverfaires
ofent-ils dire qiie toutes lés fo is que le fieur^ EiMyùfc a teflé , fort
époufe a été l'objet invariable dé fa prédilection ?
Ne croyons donc pas , ajoutent les adverfaires , qilt ddns le tef i ar
ment du i ç décembre 17¿>8 , le fieur Dancette lia it été que l'écho de
ta volonté de Marie Robin. (1)
Pardonnez-moi, rien que l’é ch o , Sc moins encore : lé fieur Dancette
n’a jamais été que l’inilrumerit très-paflîf de la volonté trcs-abfolue
de Marie Robin.
Les adverfaires fe prévalent iinguliéremënt de la diftance des lieux ;
ils nont pas dfc fe permettre ce tas de menfonges devant le Sénéchal
du Puy
ils n’auroient pas fait fortune auprès de ces juges , qui j
pius rapproches des parties & dii lieu de la feene, étoient plus par
ticulièrement inftruits de toutes les circoniïances.
Les iîeurs Robin imaginent - iis que les expofans aient oublié c e
dont tout le monde fe fouvient encore avec indignation dans le pays j
toutes les manœuvres que leur tante employa pour fe procurer le
teftament du 29 décembre 1768 ?
L e fieur Dancette ne penfoit à rien moins qu’à faire teftament ce
jour-la •, mais la Dlle. Robin y penfoit fans relâche depuis le décès
de fon fils aîné.
Pour cet e ffe t, elle invita à dîner cô joür-là n iêm é, 2.9 décembre
1768 , le notaire Duplain 8c les deux témoins iignataires.
Après le
dîner , elle dit au fieur Dancette , qu’il falloit qu’il fît teftament eh
fa faveur.
Ce pauvre m a ri, qui n’a jamais ofé dire non en face dé
fa chere moitié , quand elle avoit di: o u i, ne fit aucune réfiftance •
en conféqucnce on fabriqua le teftament foi» la cheminée de la cuifine.
( 1)
P a g e 3 du m ém o ire des adverfaires*
Quand
�Quand
¡1 fut
clôture 8c
Robin , pour compléter le
nombre des témoins num érfeis^hijirChercher elle-même le grangier
ou jardinier de la D o rliere, qui travailloit dans l’enclos avec fes trois
fils -, elle leur dit de venir tous les quatre à la cuifine boire une
bouteille de vin : ils entrent:, on prend leur nom de baptême 3 ils
boiven t, ils fe retirent fans qu’ils aient même entendu lire le teftam en t, fans favoir même qu’ils eufTent été appelés à raifon d’un teftament.
Ce font des faits que ces quatre témoins ont raconté , 8t qu’ils
atteftent chaque jour à qui veut l’entendre.
T ou t le monde a vu la garde févère que la Dile. Robin faifoit au
tour de fon mûri ; elle ne le quittoit pas plus que fon om bre, depuis '
qu’elle l’avoit fait difpofer en fa faveur.
T out le monde a vu com
bien elle éroit ardente St foigneufe d’empêcher toute communication
contraire à fes intérêts, fur-tout de la part des expofans ou de leur
m ere, à l’époque de la dernière maladie, qui enleva prefque fubiteinent le iieur Dancette , qui demandoit inflamment 5z à hauts cris ,
mais en vain, un notaire pour refaire-fon teftament.
T out le monde à Beauzac 8c à Confolent a connu les promeiles
perfides, à l’aide defquelles la Dlle. Robin a arrêté Sc fufpendu les
juftes réclamations des expofans du vivant de cette derniere , contre
le teftament furpris à fon époux.
Les expofans peuvent invoquer le témoignage non ful^e# de la
dame Dancette , religieufe à Moniftrol.
Cette dame ayant obtenu la
permifiîon d’aller voir fa mere dangereufement malade, lui repréfenta,
■qu’en fe conformant à l’intention de.fon époux , elle ne pouvoit s’em
pêcher de rendre aux expofans les biens de leurs aïeux.
L a Dl!c.
Robin aflura fa fille que tel avoir cté toujours fon deflein , qu’elle y
avoit pourvu, Si que les expofans auroient lieu d’être fatisfaits} St
cependant elle avoit déjà difpofé, en faveur des étrangers, de cette
‘fucceiïion ufurpée fur les héritiers du fang.
J1 n’en coûte rien aux adverfaires de fe permettre les impoftures
�10
les plus patentes : n’ont - ils pas ofé dire que les diipoiltions de la.
1311e.
Robin ont été généralement applaudies 8c refpe&ée's dans le
p a y s , tandis qu’au contraire elles exciterent 6c excitent encore aujour
d’hui l’indignation univcrfellc ! Il ri’eit perfonne dans le pays , non'il
n’eiï perfonne , iî l’on excepte la famille Robin , qui n-5 rafle les vœux
les plus ardens pour voir rentrer les expofans dans l’héritage de leurs
p ere s, qui leur a été enlevé par la perfidie la plus ivoire.
E t les fieUrs Robin eux-mêmes , quoiqu’ils fulTent bien à quoi s’en
tenir fur les intentions fecrettes de leur tante : quelles tram es, quelles
manœuvres ces deux freres rivaux n’ont-ils pas em ployé, foit auprès
des dom eiliques, foit auprès du religieux Dancette , pouf s’arracher
l’un à l’autre la proie qu’ils s’envioient mutuellement ! Peuvent - ils
penfer que les expofans les ignorent, lorfque tout le pays en eft
plein ? Cette coniidération, &C bien d'autres, auroient dû les rendre
plus diferets 6c moins avantageux.
Loin de provoquer les expofans
auiïi hardiment qu’ils l’ont f a it , leur propre intérêt auroit dû les
engager à favorifer le filence des expofans fur des circonftances fi peu
flnttcufes pour eux 6c pour leur tante , £c fur lcfquclles les expofans
auroient volontiers continué de fe taire 3 parce que qu an don eft aufiî
puilfamment défendu qu’ils le font par la l o i , on peut fans crainte
négliger de limples coniidérations.
Mais les adverfaires , par leurs
imputations odieufes , ont fait violence à la modération, à l’indulgencc
des expofans ; ÔC il ctoit trop de leur intérêt de convaincre la Coup
6c le public qu’ils ne fo n t, ni de vils ingrats, ni de lâches calonir
niateurs.
D ’après ces faits, quç les adverfaires nous ont forcés de dévoiler j
d’après ces faits généralement connus, que tout le monde attefteroiç
dans le p ays, ÔC qui prcfquc tous font établis par des a£tes publics,
de quel»front les adverfaires ofent-ils dire (1) , que f i cette caufe dévoie
( 1 ) P a g e 16 du m ém o ire des adverfaires,
\
�ïî
êtte jugée fur des conji¿¿rations , perfonne ti'ejl plus favorable qu'eux.
On ne fait comment cara&érifer tant d’audace !
Ces confidérations, que les adverfaires invoquent fi mal adroite
ment , font toutes pour les expofans j mais quelques décifives, quel
ques favorables quelles foient pour e u x , l’équitc , la nature 8c la
loi leur font encore plus favorables.
§.
P R E M I E R .
L A ientcnce dont eft appel a caiTé
déclaré nul le teftament du
lieur André Dancette , du 2,9 décembre (^1768, par contravention à
l’ordonnance de 1735 , en ce que ce teftament, ayant été fait dans une
maifon du fauxbourg de la ville de Beauzac , ne fe trouve figné que
par deux témoins.
Les adverfaires font forcés de convenir (t) , qUC fi Beauzac eft
une ville , le teftament du fieur Dancette retenu dans le fauxbourg
de cette ville , eft néceffairemcnt nul 8c caflable.
Cela pofé , l’ordre progreflif 8C naturel des idées exige que , pour
juftificr la fentence attaquée, on prouve d’abord que Beauzac eft
réellement une ville ayant des fauxbourgs* i° . Que la maifon où a été
retenu le teftament dont s a g it , fait une dépendance de ces fauxbourgs.
Et d abord Beauzac eft une ville murée ayant des fauxbourgs.
Nous avons déjà rapporté la preuve la plus vi&orieufé de ce fait ;
8c pour éviter des répétitions inutiles , nous fuppiions la Cour de fe
fixer fur le précédent écrit des expofans, depuis la page 9 , jufqu’ù
la page 18.
Nous nous contenterons de rappeller en pafiant, que la nature du
Jieu , fa conftruftion , fa population, l’ufage confiant du pays , la
notoriété publique, les a&es anciens Sc modernes les plus authentiques,
( 0 P a g . 19 du m ém o ire des adverfaires.
�IZ
les cadaftres, livres terriers, les rôles des im p ortion s, les procé
dures , les aeïes des notaires, les cartes géographiques levées par
ordre du Gouvernement, tout ce qu’il cil paiïible d’invoquer pour
établir la nature 6c la maniéré d’être d’un lie u , tout fe réunit pour
conitater que Bcauzac jouit £c a joui de tous les temps du privilego
& de la qualification de ville ayant des fauxbourgs.
Grandement intçreiTés à anéantir B cau zac, il n’eft pas de menfonge
ÔC de faits concrouvés à loifir que les adverfaires ne fe permettent;
peur déprécier cette ville 6c fes habitans.
A entendre ces adverfaires , les murs , les p ortes, les tours qui
forment St défendent l’enceinte de la ville de B eauzac, ne font autre
chofe que les murs , les porces, les tours du ch âteau, ce fon t des
débris. , des Jignes antiques du gouvernement féodal.
T ou t cela eft fa u x j les tours Si autres fortifications , les mu
railles , les portes de la ville, ne font pas celles du château \ chacun
a les iîennes très-diftin&es} il iufïît de jetter un coup d’œil fur le
procès-verbal de vérification , Sc fur le plan figuratif pour s’en con
vaincre. , Il en eft de cette allégation, comme des places publiques
que l’on voit à Beauzac.
Les adverfaires difent que nous en comptons
quatre, en y comprenant le cimetiere Sc la cour du château ; fi celq
eût été -, nous en aurions compté lix \ l’ancien cimetierc Sc la cour
du château exiften: indépendamment des quatre places publiques} on
le voit par le plan.
L a citadelle, ruinée , n’eft point les débris d’une tour du château j
il fuilit encore de jetter un coup d’œil fur le p la n , pour s’appercevoic
que la citadelle étant beaucoup plus coniidérable que le château
celui-ci feroit plutôt une tour de la citadelle , que la citadelle ung
ipur du château.
C ’eft bien m a l-à-p ro p o s que les
adverfaires veulent comparer
£v confondre la ville de Beauzac avcc Blagnac ,
Maubourguct %
�Sc Beauzac , lu mémo
différence, qu’entre la ville de
*i>; "ccelle du P n y , entre celle
du Puy 8c Touloufe.
D ’ailleurs , peu nous importe que Çampan , Blagnac , Pompignan,
M aubourguet, foient des villes' ou des villages ; il ne s’agit pas de
ces licux-là , niais bien de Beauzac
£t dès que nous prouvons que
c’eit une ville ayant des fauxbourgs, nous n’avons que faire de ht
maniéré d’être des autres lieux.
Nous avons dit aux adverfaires, qu’un caractcre conilitutif de la
qualité
de ville , en faveur de Beauzac , c’elt que fa cure a été
poifédée de tous les temps par des gradués,
Nous en avons rapporté
la preuve au procès , depuis 17 17 , jufqu’ à ce jour
nous avons
défié les adverfaires de prouver le contraire : ils n’ont pas rempli ,
ni ne rempliront jamais ce défi : ils exeufent leur détreffe, en diiant
que nous leur avons impofé la preuve d’un fait négatif, en les défiant
de rapporter ancun arrêt qui ait décidé que la cure de Beauzac pouvoit
ctre poifédée par un iïmple prêtre non gradué } 8c ils nous renvoient
fort adroitement ce défi , fans s’appercevoir combien il cil: illufoire
de leur part.
En e ffet, la euro de Beauzac ayant été occupée de tous
les temps par des gradués, comment les adverfaires veulent-ils qu’il
y ait des arrêts fur une queftion qui n’a jamais eu lieu ? Un arrêt
de la Cour fût-il même favorable , annonceroit toujours que l’état
de Beauzac auroit été douteux, puifqu’il aurait été contelté ; au lieu
.que la poilefllon confiante 2t immémoriale de cette cure par des
gradués, prouve que Beauzac c i l , 6c a toujours été une ville murée
puifque perfonne n’a jamais ofc poiTédcr cette cure fans être gradué.
Cela efi il vrai, que Me. P ro rio l, curé aftu el, qui n’étoit pas gradué
avant d’être pourvu de cette cure , n’eut rien de ii prelTé que de
prendre fes grades avant de s’en mettre en poirefilon.
C ’eft un fait;
connu 5 8c ce digne pafteur ne contredira pas les expofans.
Il ne s’agit pas dans ce procès d’examiner cruels font les attributs,
�14
les qualités qu’une paroifle doit réunir poür avoir un paiîeur gradué
mais d’examiner fi Beauzac cft un lieu tel , que l’on ne puifle y
retenir de teftament qui ne foit figné par fept tém oins, y compris
le notaire , conformément à la difpofition des art. 5 8t 45 de l’ordon
nance des teftamens.
Cela étan t, rien de plus inutile , de plus déplacé que les diflertations canoniques des adverfaires, en deux ou trois endroits de leur .
-mémoire , pour tâcher de perfuader qu’on ne doit avoir égard qu’à
la qualité des habitans , pour favoir il un lieu eft ville ou plate
campagne.
Certainement c’eft bien a nous a dire aux adverfaires ,
non erat his locus.
A leur avis , une v ille , qiiels que foient fes attributs, fa popula*
tien , ne pourra ctre regardée comme ville , ii elle n’elt habitée par
des nobles , dés gradués, des avocat?. Propofer de telles erreurs ,
c'efl les combattre.
Au demeurant, quoique les expoians ne puilient fe ranger à l’avis
des adverfaires , ce n’eft pas qu’ils fe méfient de la qualité des habi*
tans de Beauzac.
Que
nos adverfaires fe donnent la peine de parcourir les a£tei
nombreux que nous avons remis ,
ceux qu’ils ont produit eux-*
mêmes (r) ? ëc ils verront parmi les parties contrattantes ou les
témoins , des nobles , des gradués , des avocats, des bourgeois , des
négocians, K c . , tous habitans de la ville de Beauzac au de fes '
fauxbourgs.
Pourquoi donc fe permettre des allégations aufli faufies,
quand les aftes qu’on produit foi - même les démentent aufiî for
mellement ?
Autre menfonge de la part des adverfaires : ils difent que la ville
( 1 ) Fid. l a q u i t t a n c e du 16 avril 1 6 4 4 ; I’ a p p o i i n c m c n t du 16 j a n v i e r 176$,
p r o du i t s p a r les a - J v c r i j i r c » , Tous entes 1 4 & 16 , Imainid .
�r5
SC les fauxbourgs de Beauzac ne contiennent, dans la plus grande
vérité, que deux, cents ou deux cents cinquante habitans.
L a ville 8c les fauxbourgs de Beauzac comprennent cent huit
maifons * il n’y a pas de maifon qui ne foit habitée par une fam ille,
la plupart par deux* il n’y a pas de famille qui ne foit compofée de
cinq ou iix individus* il y en a grand nombre qqi font couipofces
de h u it, dix perfonnes , quelquefois davantage,
Il ne faut prendre le procès-verbal de vérification po\ir tarif de la
population, parce que les experts fe font contentés de déiigner le
propriétaire , ou le chef de famille de chaque maifon.
Ainfi , en
prenant une moyenne proportionnelle , 011 peut aiTurçr que la ville
8c les fauxbourgs comprennent au moins de fix à fept cents habitans *
on pourroit môme aller plus loin , fans craindre d’outrer la vérité,
A quoi bon ce ton injurieux 8c mcprifant qui regne dans les écrits
des adverfaires pour la ville 8c les habitans de Beauzac 1 Ces habi
tans font très-honnêtes, très-bien éduqués ; ils connoiflent
très-bien la langue francaife.
parlent
Il y a à Beauzac des maifons très-riches
relativement au pays,
A entendre les adverfairçs, tout fe réduit, à Beauzac , à un chirur
gien , q u i, nayant pas ajfe\ cToccupation dans fon é ta t, eft devenu
marchand de dentelles communes , & ù quelques très-petits marchands
de doux & d'allumettes, ( i)
C ’eft infulter bien gratuitement des citoyens cftimables : le iieur
Deman , chirurgien à B ea u za c, eft très-riche * il n’a pas befo:n de
fa profeffion pour vivre * il l’exerce noblem ent, pour le feul plaifir
d’être utile à fes compatriotes * fon époufe 8ç fes enfans, pour vivifier
le pays , commercent fur les dentelles qu’ils font fabriquer : ils occu
pent un grand nombre d’ouvriers, en c e la , ils n’en font que plus
rc.commandables 8c plus chers à la patrie.
( 0 P a g e 9 du m ém o ire des adycrfaircs.
�i 6
Les adverfaires croient avilir Beauzac , en difant qu’il y a de mar-*
chands d’allumettes Sc de d ou x. Grand merci de l’obfcrvation , nous
n’y aurions pas penfé fans eux
ce font précifément des marchands
de cette efpece qui caracfcérifent une ville
ce n’eft pas en plate
campagne ni dans les villages qu’on trouve des marchands de cette
efpece : les payfans ne s’amufent pas à aller chercher des allumettes ;
cette marchandée n’étant pas bien chere , il faut que le marchand
qui en fait commerce y trouve tout au moins de quoi vivre par le
débit coalklérable , &: ce débit fuppofe une confommation, une popu
lation notables dans le lieu où il eli établi.
» Mais , quoi ! nous difent les adverfaircs, uns ville fans foires,
» fans marché , fans hôpital , fans maire , dont les confuls font fans
» chaperon?
V oilà une plaifante v ille !»
Il eit raux q a i l n y ait point de marché à Beauzac
il y en a tous
les jours de dimanche &. fê te s, où les habitans vendent le fuperflu
de leurs denrées.
Il cft vrai qu’il n’y a point de foires à Beauzac ; màis les foires
font-elles un attribut conftitutif des villes ? Si cela é i o i t , il faudroit
regaider comme autant de villes, une infinité de villages &i de hameaux
dans nos provinces , parce qu’il y a de foires établies
tandis qu’il y
a de vihes . ôc de villes notables qui n’en ont point : la b res > dans le
Kouergue ? na ni fuiras ni marches $ cependant c’eft: une ville , £c
une ville épiicopalc*
Saint-P.vtL de C.idajo:ix , clans le diocèfe de
Lnvaur > n a ni foires 7 ni marenes ) clic n a ni p o ïtc s5 ni murailles?
ni m aire, ni hôpital $ une trentaine de maiibns compofent tout fon
cnfemble j cependant c’cit la feconde ville du diocèfe de Lavaur
■qui entre , en cette qualité , aux états de la province.
On fait que le privilège des foires s’acquicren: à prix d’argent r
la ville de Beau/ac ne s'cil point fondée d’en avoir , parce qu’elle
n’eft.qu’à quelques quarts d'heure de diitancc de M oniitrol, Diiïinjeaux
ce autres lieux où il y a des foires.
Bcau/ac
�Beauzac n’a point d’h ôp ital, St fe^âK/gloire de ne point en avoir :
heureufes les villes 6c les contrées qui peuvent fe paffer de ces établiflemens, ii louables d’ailleurs, fi précieux à l’humanité.
Les bonnes mœurs, la fobriété, l’induftrie, l’application au travail,
mettent les habitans de Beauzac 6c des environs à l’abri du befoin
6c des maladies que produifent l’intempérence, l’oifiveté 6c la débauche :
dans tout le diftriâ ou juridi&ion de Beauzac il n’y a pas un feul
pauvre , un feul mendiant
que feroient-ils d’un hôpital ?
Il feroit extraordinaire que les confuls de Beauzac fuflent fans
chaperon.
Au demeurant, comme le chaperon ne fait pas toujours
le co n fu l, que chaque pays a fa mode Sc fes u fages, 6c qu’on n’eit
pas bien fixé fur ce fa it , nous ne conviendrons ni ne contefterons à
cet égard, c’cft d’ailleurs affez indifférent.
Comment ofer dire qu’il n’y a pas une cour de juftîce dans la ville
de Beauzac , tandis que les adverfaires eux-mêmes nous fournillent
la preuve du contraire dans l’appointement du z6 janvier 176 8 , qu’ils
produifent ? Cet appointement prouve qu’il y a à Beauzac une cour
de juftice, compofée d’un juge 6c de plufieurs affeffeurs.
- L e cadaftxe de 1 $43 , les rôles des im portions, 8c plufieurs a&es
remis par les expofans , prouvent que noble Louis de Navette 8c
plufieurs de fes defeendans ont été fucceffivement juges châtelains de
Beauzac j aux juges châtelains fuccéderent les maires ; mais les mairies
ayant été ilipprimées , celle de Beauzac fubit le fort commun.
Les adverfaires ne veulent pas que les géographes 6c ingénieurs de
ki province foient compétens pour connoîtrc Sc diftinguer Jes villes
d’avec les iimples ham eaux, les villages : il y a cependant tout lieu
de croire que lorfque les ingénieurs-géographes ont, par ordre du
Gouvernement , levé la carte géographique de la province 6c des
divers diocèfes en particulier-, fous les yeux des commiffaires des
É ta ts, il y a tout lieu de croire, difons-n ous, qu’ils favoient ce
Qu’ ils -faifoient, £c qü’ils n’ont- défigné comme ville, que ce qui cil
C
�réellement ville*, d’autant mieux qu’on ne voit pas. des. erreurs, des
équivoques de cette efpece dans les cartes géographiques.
O r , Beaurac étant d écrit, défignc.dans la cartp générale de la
province , Ôc dans. celle du diocèfe du Puy ,. avec. la. même marque
carailériilique 8C Taillante qui dé(Igne les autres villes, il eil évident
■que, les géographes ne. l’ont déiigné a in ii, que parce q ^ la nature du
lieu , l’ufage , la notoriété publique, leur ont annoncé Beauzac comme
une ville.
A quel propos d’ailleurs les géographes ..auraient-ils pré-
variqué , trompé la France.Sc l’univers en tieren .an n o n çan t comme
ville ce qui ne le feroit pas ?
,
Mais non, l’almanach cil le çode des adverfaires j ils propofent 4
la Cour de m e ttre de côte tous les a ile s , tous les monumens qui
an n o n cen t 8c défignent Beauzac
comme ville , pour s’en tenir à la
déciiïon du livre-, qnnuel & périodique fa it pour le, V elay.
U eft
vrai que dans le catalogue porté par l’almanach des foires 5c des
lieux où elles fe tiennent, on ne. voit pas Beauzac ,. par la raifon
qu’il n’y a pas de foires à B e a u za c} mais s’en fuit-il d e - là que
Beauzac n’eft qu’un hameau , une plate campagne ? Pas plus que i l
l’on vouloit conclure que tous les villages,, où il y a des foires Sç
marchés , fo n t, de cela, fe u l, des villes.
Indépendamment des ailes 8c des preuves inombrables qui impri
ment à Beauzac le cara£lere de v ille , la mauvaiib foi des adverfaires
nous a procuré un a£le d’autant plus péremptoire contre eux , que c’e il
leur propre ouvrage, le procès-v.erbal de vérification de B eau zac, qu’ils
ont folücité, qu’ils ont rendu néceflaire par leurs mauvaifes conteilations.
L ’interlocutoire ayant cté ordonné contradiiloirement avec toutes
parties, toutes parties y ayant acquiefcé \ la vérification faite contradiéloircment avec elles, Sc en leur préfence, fourniiTant la preuve
invincible que Beauzac cil une ville ayant des fauxbourgs j que la
maifon de la Dorliere fait une dépendance de ces fauxbourgs} cette
vérification fournit autïï aux expofans, contre les adverfaires, imçi
�t
19
1
fin de non-receroir iniurmantable , qui leur interdit toute conteftation fur l’état de Beauzac ,
5c
fur la fituation de la maifon
de
la D orliere, par rapport à Beauzac.
On ne conçoit pas comment Barthelemi Robin a le courage de
dire que l’interlocutoire n’a pas -été ordonné avec lu i , qu’il n’ y
a
pas acquiefce , qu’ il lui eft totalement étranger, que c’cft par rapport
à lui , tout comme s’il n’exiftoit pas.
Que la cour daigne lire la fentence interlocutoire du 31 mai 1783 ,
&. elle y verra qu’elle a été rendue très - contradi&oirement avec
Barthelemi Robin.
C et adverfaire a laifle procéder à l'exécution de l’interlocutoire
ordonné fans s’y oppofer.
Quand il n'y auroit que c e la , ce feul
défaut de réclamation , ce ieul lilence, fer o ien t, de fa p art, l’acquiefcement le plus formel.
, Nous trouvons dans le journal du palais, tome 5 , page z i , un
arrêt du5i3 avril 17 3 0 , rendu c-ntre Me. Boutonnet, curé de Centrés,
fiC les nommés Camboulibes , qui a jugé que c’eft acquiefcer for
mellement à une fentence interlocutoire, que de laifer procéder à
fon exécution fans en réclamer.
O n peut encore voir le tome 4
,
page 45 , 6c tome i , page 388
du même journal, où l’on trouve des arrêts Si de 'dédiions con
formes } il eft donc certain que par fon feul défaut de réclamation
Barthelemi 1Robin auroit formellement acquiefcé à l’interlocutoire.
■Mais il y a plus.
Barthelemi Robin etoit préfent :’i la vérification,
non-feulement lu i, mais fes deux fils , mais encore deux avocats &C
un feüdifte , qu’ils avoient pris 8c amené pour leur co n fe ïl, Me.
De ' Lafayette de Saint-Didier, Mo. Soulié ,
4 ûux
le fieur Soulié , ces
derniers , beâu-freres de Jean-Barthelemi Rabin cadet -, les uns
St les .autres firent leurs obfervations, dires , 'comparans ik. proteftalionSi
T o u t cela eft prouvé par le procès-verbal de vérification qui
tft au ■
procès.
Comment donc Barthelemi Robin ofe-t-il dire que
C i
�■" 2 . 0
l’interlocutoire lui eft totalement étranger , qu’il' n’ÿ a pas acquie’fcé 7
tandis que le procès-verbal prouve le contraire ?
Cela pofé , il eft inconteftable en point de droit, que lorfqu’un inter
locutoire ordonné a été acquiefcé par toutes parties, on ne s’occupe plus
que du fa it, favoir iï l’interlocutoire a été rempli par le rapport de
Ja preuve ordonnée : nihiL amplius quœritur, nifi an probatum f i t
nec n e , par la raifon toute fimple , que fi la preuve eft rapportée telle
quelle étoit exigée , on ne peut plus s’en écarter, chacune des parties
ayant reconnu par fon adhéilon à l’interlocutoire, que tout confiftoit
uniquement entr’elles dans la certitude des faits dont FéclairciiTement
avoit été reipe&ivement convenu } c’eft donc un quaii - contrat formé
entr’elles qui les. altrcint à fe foum ettre, Si le juge à prononcer rela
tivement aux preuves réfultantes de l’interlocutoire.
V id. Leprêtre »
Corbin , dans fes plaidoyers j F aber, dans fon code \ Rebuffè , de
fententiis executoriis, art. xo , glojf. n ° . j , f i judex , dit cet auteur,
pronunciet tejîes ejfe admittendos , vel n o n , dicitur gravamen irrevocabile.
Or , la vérification contradi&oircment ordonnée avec toutes parties,'
faite en leur préfence, 8t acquiefcée par toutes, fournit la preuve
la plus irrcfirtiblc des faits dont l’éclairciirement avoit été rcfpe&ivement convenu
favoir , que Beauzac eft une ville ayant des faux-
bourgs , 8C que la maifon où le teftament dont s’agit a été retenu ,
fait une dépendace de ces fauxbourgs.
On net peut donc plus s’écarter
de cette preuve rapportée, nihil amplius quœrendutn j &. la queftion
eft décidée en faveur des expofans.
On ne s’arrêtera pas aux prétendues atteftations d’un notaire 8c
d’un commis au cçntrôle , que les adverfaires allèguent même fans
les produire , 80 defquqlles ils veulent, induire , qu’en' fuppofant qu’ilfoit prouvé que Beauzac eft réellement v ille , tandis: que les attoftations alléguées prouvent, fuivant e u x , qu’il a toujours été regade'
comme une plate cam pagne, cc fcrojc là une erreur commune, qui
�doit couvrir de fon ombre pfôtciftw $ 4 a nullité patente du tcilament
dont s’a g it, 8t à l’appui de cette belle découverte ils invoquent la
célèbre loi barbarius Philippus.
. Il eil malheureux pour les adverfaires que cette fuppofition ingénieufe manque par le fa it} l’ufage confiant de tous les fiecles , les
monumens, les aéles de toute efp ece, la notoriété publique , prou
vent au contraire que Beauzac a toujours été généralement traité 5C
regardé comme ville •, il ne peut donc pas y avoir d’erreur commune
à le regarder comme plate campagne, lorfqu’il n’a jamais été regarde
comme t e l} ainii les adverfaires peuvent garder la célèbre loi barbarius
Philippus pour une meilleure occafion.
Au demeurant, quand bien même les adverfaires produiroient le
prétendu certificat du com m is. au contrôle ,
la preuve par a&es
du prétendu fait attefté, ce qu’ils ne font p a s , nous avons prouvé,
Si le Sénéchal a juilifié , en le rejettant, le peu de cas qu’il mérite.
Il en eft de même des prétendues recherches légales faites dans
les regiftres des notaires de Beauzac j les adverfaires n’en confiaient
d’aucune maniéré \ ils allèguent cependant qu’il réfulte de ces recher
ches , que les notaires ont toujours regardé Beauzac comme une
plate cam pagne, puifque, difent-ils , on n’a trouvé depuis 1751 que
deux teilamens en ligne collatérale , où il y ait fix" témoins fignataircs,
5c
que tous les autres ne font lignés que par deux témoins.
Les expofans fouticnnent Sc prouvent le contraire j ils remettent
au procès huit expéditions de divers teilamens faits en ligne colla
térale», depuis 1751 , jufqu’en 178 0 , retenus dans la ville de Beauzac
ou dans fes fauxbourgs, tous revêtus de la iïgnature de fept témoins,
y compris le notaire \ on pourroit en produire cent 8t davantage con
formes à ceux-là } mais ce ne feroit que des frais inutiles 8c des aéles
furabondans au procès.
On
faits
défie les
en
ligne
adverfaires
collatérale ,
de produire
depuis
1752 ,
autant
de
jufqu’à
teilamens
ce
jour >
�retenus dans Beauzac ou dans fes fauxbourgs ,
iignés que par deux témoins.
&
qui ne foient
Les expofans on: fait auiïï des recher
ches de leur côté , S i ils n’en ont trouvé aucun en cette forme.
Il
eft donc faux que les notaires aient regardé Beauzac comme une
campagne, en n’appellant que deux témoins fignataires aux teftamens
en' ligne collatérale , retends dans l’enceinte de cette ville ou dans
fes fauxbourgs.
C ’eft à pure perte que les fieurs Robin veulent prendre avantage
du teftament du 6 avril 17 59 : qu’ils l’examinent plus attentivement,
2>C ils y verront la fignature de fix témoins , y compris le notaire:
ce teftament n’entre pas dans le nombre des huit dont nous venons
de parler, 6t les expofans m l’ont produit qu’à raifon des énonciatives du lieu de la rétention , des qualités Sc du domicile de la
teftatrice 6c des témoins.
Au demeurant , loin de favorifer la pré
tention des adverfaires , il la contrarie formellement.
On ne voit
donc pas qu’ils aient tant à remercier les expofans de l’avoir produit.
Il n’eft pas indifférent d’obïerver que les huit extraits, de teftamens
produits par les expofans, dans chacun defquels on voit fix témoins
fignataires , ont été callationnés 6c expédiés par Me. C h om eton ,
notaire de Moniftrol , fur les cèdes de feu Me. Duplain.
Cela pofé , il n’eft pas poifible que Me. Chometon ait attefté que >
parmi tous les teftamens en ligne collatérale , retenus à Beauzac ou
dans fes fauxbourgs, depuis 175Z jufqu’à ce jour , il n’en exifte que
deux revêtus de la fignature de fix témoins.
En nous réfuinant fur cc ch ef, il eft démontré que la nature du
lie u , fa population, l’ufage confiant de tous les fie cle s, les monuinens les a&es authentiques de touto efpece, que tout fe réunit pour
imprimer à Beauzac le cara&ere de ville ayant des fauxbourgs, Sc
que la vaine critique des adverfaires, loin d’alîoiblir ce cara&ere j
n’a fervi qu’à le faire reflbrtir avec plus d’avantage.
Voyons main
tenant s’ils feront plus heureux dans les tentatives qu’ils font pour
�tâcher de perfuader que- la maifon de. la Dorliere eft indépendante
de Beauzaç . 6c- de fes faubourgs.
$ . 1 1 .
L a maifon de la Dorliere , où a été retenu le tçftament du fieuf
Dancette , fait une dépendance des fauxbourgs de la ville de Beauzac.
Pour ne pas ufer de répétition , nous nous référons encore fur
ce c h e f, aux fa its '& aux a£bs ramenés dans notre précédent é crir,
depuis la pag» iS jufqu?à la page i z , &C qui reftent dans toute leur
force 6c intégrité, malgré les vaines obje&ions des adverfaires.
L a fentence interlocutoire du 31 mai 17^3 •> en ordonnant qu’il
feroit procédé par experts à la vérification de la fituation ÔC diihincG
de la maifon de là Dorliere des fauxbourgs de B eauzac, pour favoir
fi cette maifon eft ou n’eft pas dans l’enclave de ces fauxbourgs ,
n’a pas ordonné en cela une preuve contre fit o u tr e le contenu au
teftam ent, puifque le teftament' ne dit nulle part , que la maifon de
la Dorliere foit un ch ef lie u , diftinft
5c indépendant
des fauxbourgs
de Beauzac 5 &C l’eût-il d it , çe ne feroit qu’une énonciativç erronée
de la part du notaire , qui ne pourrait pas changer la nature, la
fituation 6c le rapport de la Dorliere avec les fauxbourgs de Beauzac,
moins encore cette faulle énonciative pourrait - elle prévaloir- fur le
cadaftre Sc fur la foule des autres aftes authentiques, qui attellent
jque la maifon da la Dorliere fait une dépendance des fauxbourgs de
Beauzac , 6c eft enclavée dans leur diftrift.
C ’cft tout comme il le tfcftament ayant été fait à Beauzaç , le
notaire eût dit : f a i t & pajféâ Beauzac-, ville capitale de la province
de Languedoc.
qualification.
On n’auroit certainement aucun 'égard à cette fauife
Il en eft de même pour ce qui concerne le prétendu
château de la D o rliere, avec d’autant plus de raifon , que le teftament ne dit pas que cette maifon foit diftin&e 6c indépendante dé
Beauzac ôt de fes fauxbourgs, 6c que ce n’eft qu’une faulle conicqueuce
�14
que les adverfaires veulent induire de la maniéré obfcure dont le
notaire a alle&é de déiigner le lieu où le teftament a été retenu.
Ainfi , ce n’eft pas ici le cas de la maxime , adverfus fcriptum
teftimonium , non fcriptum , non adm ittitur, ni des ordonnances
citée s} les adverfaires peuvent les garder pour en faire une plus
heureufe application.
.
Ils ne veulent pas que les rôles des impofitions, les livres terriers,
les cadaitres foient des titres fuffifans pour conftater l’em placem ent,
ies bornes 8c les rapports qui diftinguent un héritage , un territoire
d’un autre.
Cependant nos loix , nos auteurs 8c tous les tribunaux du royaume y
pour décider les conteftations qui s’élèvent fur la nature, la firuation,
l’étendue Sc les rapports des lieux contentieux , ne reconnoiilent point
d’a&es plus authentiques , de guides plus sûrs que les livres terriers ,
les cadaitres. On eit certainement aux derniers abois , 8c pour ainfi ,
dans le délire du défefpoir, quand on contefte des vérités aufii tri
viales , auflî inconteftables.
» M a is , nous difent les adverfaires, les cadaitres, les rôles des
» impofitions que vous produifez ne méritent aucune foi , parce qu’ils
» ont cté fabriqués par des cabaretiers.
Et qui a dit aux adverfaires que le cadaftre de 1 543 , que les rôles
des impofitions ; depuis 1690 , juiqu’a ce jour , ont été rédigés par
des cabaretiers ? Si où eft la preuve qu’ils rapportent de cette iïnguliere allégation ?
Nous lifons au contraire dans le procès-vcrbal de vérification de
Bcauzac , que les rôles des impofitions que les adverfaires produiiirent
eux-mêmes fous les yeux du commiifaire , ont été rédigés par ordre
des commifiaires du diocèfe 8c des états , qu’ils ont été par eux vifés
&. paraphés \ les adverfaires diront-ils que ce font auifi des caba
retiers ?
Les cadaftres font des moiiumcns p u b lics, autorifés par la loi ,
pour
�pour fixer les limites des provinces, des villes & des bourgs ; ce font
les cadaftrcs qui fixent le territoire de chaque ville , de chaque terre $
c’eft par le fecours de ces titres qu’on connoît le territoire , banlieue
ou diftriâ: de chaque ville , où ils commencent, où ils finiiTent. In
finalibus quœjlionibus , vetera monumenta , cenfus autoritas , antè
litem incohatam , ordinati , fequenda efi , leg. 11 , Jf. finium regund.
L a loi 4 , jf . de cenfib. , dit encore : forma cenfuali cavetur, ut
agri fie in cenfum referantur
nomen fundi cujufque 5 & in qua civi-
tate , ù quo pago f i t , & quos vicinos proximos habeat, &c.
Sur quoi Godefroi ajoute , ad fitum fundi , ifta pertinent, civitas , pagus -, confinium.
Enfin , la loi 10 , ff. de probat. & prœfump. ? dit que le tém oi
gnage du cadaftre ou compoix doit l’emporter fur toute preuve vocale
contraire , cenfus & mçnumenta publica potiora ejfe tejlibus , fenatus
cenfuit. D ’après ces loix , il n’eft pas permis de révoquer en doute
la foi pleine &t entiere que méritent 6c obtiennent en juftice , les
cadaftres St autres aftes de cette nature , pour décider de la iituation
des confins des lieux contentieux.
L e cadaftre du mandement de Beauzac de l’année 1 543 , place dans
l’enclave 6t diftriâ du fauxbourg de Beauzac , fous le tenet de Louis
de N avette, châtelain de ladite ville , les bâtimens , jardins, ôte.
connus aujourd’hui fous le nom de la Dorlicre ; les adverfaires font
forcés d’en convenir.
L a iituation , la dépendance de la Dorliere des fauxbourgs de
Beauzac , eft encore conftatée par les rôles des impofitions , depuis
169° , jufqu’en 1764 , 6c jufqu’à ce jour , par les a&es des notaires ,
par 1 ufage des habitans $ &. bien mieux encore par le procès-verbal de
vérification , où l’on voit qu’indépendamment des faits concluans qui
y font ramenés , les adverfaires ayant forcé le commiffaire de vérifier
les rôles des vingtièmes du mandement de Beauzac pour l’année 178 4 ,
efpérant y trouver quelque chofe de favorable ù leur prétention, ils
D
�v
i6
virent au contraire avec douleur qu’ils avoient produit eux-mêmes
leur propre condamnation, puisqu'on lut dans ce rôle que les fer
miers eu grar.gers de la Dorliere étoieat impofés dans le chapitre
des habitans des fauxbourgs de Beauzac j
8c tout le monde fait
combien les a& es qui trahifient l’attente de ceux qui les invoquent ,
font accablans contra producentes -, d’après des preuves fi authentiques',
fi gém inées, les adverfaires ne peuvent plus concerter avec quelque
pudeur que la Dorliere ne foit iituéc 8c ne faife une dépendance des
fauxbourgs de Beauzac.
Cependant ils s’obilinent à vouloir perfuader le contraire j 8c pour
c e la , ils produifent quatre ou cinq prétendus aûes-, qui tous iùfpeéh
qu’ils fo n t, ne prouvent rien ,. ou ne prouvent que contre eux.
E t d’abord , aucun de ces a¿les ne dit que la maiibxr de la D or
liere foit un chef-lieu , diilinil Sc indépendant de Beauzac 8c de1 fes
fauxbourgs : dans les deux premiers du premier novembre' 1642; 8ï
2.6 avril 1644 , qui font en faveur de noble Louis de la D orliere,
On voit que ce gentilhomme s’y qualifie de ieigneur de ta Dorlierele-^Beauyic. E t c’eft cette unique qualification qui foit tout l’eipoir
des adverfaires \ .mais cette qualification défigne-t-elle la Dorliere
comme indépendante de Beauzac ? bien loin de-lù y puifqu’au- con
traire , elle confond 8c identifie l’un-avec l’autre.
Au demeurant, que
1amour-propre
de ce gentilhomme T qui avoit
quelque fief dans le territoire de Beauzjic , ait voulu faire" regarder
fon domaine comme un feigneurie , c’efi: alfez ordinaire Sc alfez indif
férent \ quelle qualité que ce foit donnée , le fieur de la1 Dorliere ,
dans des aû cs pollérieurs au cadaftre , elle ne fauroit changer ni
altérer la nature , la iituation di les rapports d’une maifon , d’un héri»
tage , irrévocablement fixés par le compoix 8c les livras terriers."
L e troiiicme a£le invoque , eft un appointement de la Cour Je
Beauzac , rendu le 16 janvier 176& , en faveur de Me. Dancetrcr,
¿avocat; cet appointement prouve contre les adverfaires, qu’il y
>
�I ...
2.7
Beauzac une Cour de juiHce , compofée d’un juge Sc de plufienrs
aiTcfieurs : il cil vrai que l’exploit eft fait à la requête de Me. Daucette, habitant du lieu de la D orliere, mais cette énonciative ne ligni
fie rien * d’ailleurs, une défignation erronée , échappée par inadver
tance à un baile exploitant, ne doit pas fans doute prévaloir fur le
témoignage des a&es authentiques.
Les trois derniers prétendus a il e s , en date des 2.3 o & o b re , 27
décembre 1773 , Si 30 décembre 1777 , font une aiVignation à la
requête de la demoifellc Robin , une quittance en fa faveur, un bail
à locatairie par elle conferçti : tous ces a âes font fu fp e & s, ils font
non-feulement poil ¿rieurs au cadaftre, mais même au teftament du fieur
Dancette -, la demoifelle Robin les a faits exprès pour fe procurer une
cfpcce d’appui dans des a£tes qui continrent une énonciative aulïï
équivoque, aulTi erronee que celle d u .teftam ent, par rapport à la
rnaifon de la Dorliere * mais ce n’eft là que propria annotatio de la
main intérelTée de la demoifelle Robin , 8c c’eft ici que s’applique
très:à-propos la décifion de la loi 7 , cod. de probat. exemplo perniciofum eft ut ei fcripturcs credatur qua quis annotatione propria, &c.
En nous réfumant fur cette colle&ion des adverfaires, ces actes ne
prouvent rien, aucun ne défigne la Dorliere comme un lieu diftinct
ôc indépendant de Beauzac * 8c le difient-ils, ils ne mériteroient aucune
fo i, foit parce qu’ils font pofterieurs au cadaftre, dont le témoignage
contraire doit prévaloir * foit parce qu’ils partent d’une main fufpe&e
&. intéreflee à faire envifager la Dorliere comme 1111 lieu particulier.
Enfin, ces a&cs , loin des favorifer la prétention des adverfaires ,
la condamnent formellement* ils prouvent contre l’aiTertion des fieurs
Robin qu’il y a ordinairement à Beauzac des Nobles , des gradués y
des avocats , une Cour de Jufticc * ils prouvent que Beauzac eft une
ville ayant des fauxbourgs, puifqu’ils parlent de la Cour de Ju fticc,
des places publiques, des fauxbourgs de la ville de Beauzac. A inii,
ce n’étoit pas la peins de les produire * suffi les adverfaires fe fontils contentés de les indiquer fans ofer en faire l’analyfe.
D x
�Autre erreu r, autre bévue de la part des adverfaires : ils difent à
la pag. i z de leur mém oire, qu’il fufiît de jetter un coup-d’œil rapida
fur la carte du pays pour fe convaincre que la Dorliere eft un lieu
à part & absolument ifolé de Beauzac.
Les iieurs Robin ont vu fans doute dans la carte du diocefe du P u y ,
-au-deiîus de B eauzac, du côté du nord , une maifon déiignée fous le
nom de la Borilene , qu’ils veulent faire prendre pour la Dorliere :
on ne peut pas fe prêter à cette erreur , elle eft trop grofllere ; la
Borilene n’eft point la Dorliere : cette maifon , dite Borilene, n’exiftoit pas à l’époque du teftament du fieur André Dancettc -, elle a été
conftruite, après le décès de ce dernier, par dom Jacques D ancette,
bénédiélin : la Borilene eft au bord d’un bois appellé de Montortier 5
la Dorliere n’eft auprès d aucun b o is , mais fur la promenade publi
que appellée le Choffat. La Borilene eft à un quart de lieue de la
ville , au-delà de la Varenne, 8c tout-à-fait au nord de Beauzac \ la
Dorliere n’eft qu’à cent pas environ des murs de Beauzac , 8t toutà-fait à fon levant; ainiî, plus de mauvaife équivoque à ce fujet.
Nous avons enfin parcouru, ôc pleinement réfuté les faux faits,'
les frivoles objections que les adverfaires ont aventuré à l’appui de
leur prétention \ que la Cour juge maintenant fi elles peuvent balan
cer un feul inftant ce corps accablant de preuves 8c d’aétes authen
tiques de toute eipece, qui etabliflent de la manière la plus irréfiftib le , que Beauzac eft une ville ayant des fauxbourgs, 8c que la maifon
de la Dorliere fait une dépendance de ces fauxbourgs.
Cela p o fé , la loi qui prononce la nullité du teftament du fieur
Dancettc, qui n’oftre que la fignature de deux tém oins, quoiqu’il ait
été retenu dans une ville , ou ce qui cil la même chofe , dans un
de fes fauxbourgs ; cette loi eft ii abfolue , fi claire , fi p rccife, qu’il
n eft pas pofiible d’en éluder la diij^oiition fous aucun prétexte. L e
fenechal du Puy n a fait que fe conformer à la l o i , en proferivant
le teftament du fieur Dancettc; la juftice de la Cour ne peut quo
�de la nature Si de l’équitc.
Malgré le ton d’aiTurance qu’ ils affc& enf , les adverfaires s’y atten
dent eux-mêmes, puifqu’ils fe retranchent à dire ( i ) , que dans le
cas de doute fur la validité du teftament, la reflitution des fruits n’auroit dû être prononcée par la fentence attaquée, qu'à compter du jour
de l'interpellation judiciaire , &C qu’ils rclevent de toutes leurs forces
ce prétendu g r ie f ,
en
alléguant qu'ils font desfucceffeurs de la meilleure
f o i poffible , dès qu'ils o n t , difent-ils, en leur faveur l'opinion com
mune de tout le monde , qui erige en vérité ce qui auroit pu être
erreur \ 8c ils invoquent la maxime : error commums fa cit jus.
Malheureufement pour les adverfaires, cette erreur commune qu’ils
font confifter dans le fait fup pofé, que Beauzac, quoique démontré
ville, a toujours été traité 6c regardé par tout le monde comme une
platte campagne, cette erreur commune manque par le fa it, nous
l’avons fuffifamment établi ci-deiTus par les a&es du procès. Ainfi c’eit
à pure perte que les adverfaires , dans l’extrême défeipoir de leur
caufe, s’accrochent fans cefle à cette prétendue erreur com m une,
qui n’a jamais exifté.
1
D ’ailleurs ne s’apperçoivent-ils qu’ils tombent dans une contradi&ion
faillante ? C a r ,
en fuppofant que cette prétendue erreur commune
exiftât, 8c qu’elle pût couvrir la nullité du teftam ent, les adverfaires
n’auroient pas befoin de l’invoquer pour fauver la reftitution des fruits,
6c ii n’e x ifta n t p a s , elle ne peut pas fauver le teftam ent, elle ne pourra
pas non plus fauver la reftitution des fruits.
Il
cft vrai qu’il y a eu pendant long-temps un grand conflit d’opinions
ôc d’arrêts fur la queftion, favoir, de quel jour eft duc la reftitution
des fruits, d’une hérédité par la caiTation d’un teftament.
Ceux qui étoient fournis à cette reftitution difoient, comme nos
adverfaires, que ces fruits ne font dus que depuis l’inftance en caila-
( i ) M é m o ire des a d v e r fa ir e s , p a g e :
, z$ ^ *6 .
�3°
rion, parcs qu’il falloit iuppofer indéfiniment que l’héritier a toujours
poiïédé dans la bonne f o i , à moins qu’il n’y eût des preuves du
contraire 5 &C ils citoient divers arrêts rendus par les différentes cham
bres de la Cour , qui avoient adopté ce fyflême.
Les fuccefïeurs légitimes qui demandaient la reilitution, foutenoient,
au contraire, que dans le cas d’une nullité patente , ces fruits étoient
dus depuis le décès du teilateur , que fur cette qu eilion, la Cour jugea
d’abord que l’héritier qui avoit joui en vertu d’un teilament nul devoit
rendre les fruits , à dire d’experts, depuis lo décès du teilateur ; ils
citoient Furgole , q u i, au tom. premier , chap. 7 , ie£t. 2 , n°. 290 ,
ramené un arrêt du 16 feptenibre. 1736 > qui le jugea ainii. Un autre
feinblable du 23 avril 1747 » au rapport de Mr. de R aym ond} un'
troiiieme le 16 mars 1748 , au rapport de M r. de Baflard.
Mais depuis, pour metttre fui à ce conflit d’arrêts & d’opinions *
toutes les chambres du palais fe ionç réunies à adopter une diilinûion
di&ée par la fageiTe Si par l’équité même.
L a jurifprudence de la Cour eil fixée aujourd’h u i , à diflinguer dans
les teilamens dont la callation cil prononcée , le vice occulte du vico
patant.
Lorfque le vice eil caché comme lorfque le teilament a été écrit
par le clerc du notaire , ou lorfque le teilament fait mention de ld
le£lurc quoiquelle ait cté omiic •, dans ces circonflances l’héritier?
comme ayant joui en vertu d’un teilament qui ne préientoit au dehors
aucun vice , eil réputé poiToHeur de bonne f o i , Si confequamment
relaxé de la reilitution des fruits perçus avant l’inilance $ c’eil ainii
que la Cour le juge conilamment \ on peut citer quatre arrêts con
form es, des 17 avril 174 9 ? 7 a°ût 1761 ,
20 juillet 6c 12 août
1776.
Mais quand le vice eil patant, tel qu’efl le défaut d’un nombre iliflîfant de témoins, le défaut d’exprefïïon de la le£lurc, la prétériti^n Sic.
Dans tous ces ca s, la Cour ordonne conilamment la reilitution des
fruits par état depuis le décès du teilateur j 8c à dire d’experts , depuis
�l’interpellation judiciaire } c’eft ainil qirj lit rprefilott a etc jugé'c tour
tes les fois qu’elle s’eft préfentéç; on petit citer pour garants un nom
bre infini cP'arréts , notamment un- du,Z3 avril 1757 , rendu â fa'.pre
mière chambie des enquêtes", aü rapport de Mr. de Baftard \ ùrî feccnd
du 6 feptembre 1764 , au rapport de Mr. d‘e Poulharle? 3 un troiYîeme
du 31 mai 17703 un quatrième d\j 2.1 avril- 1774 5 im cinquième du
2,5 juin 1775 3 enfin-, un fixienve du 13 fepteinbre ï7S l4 , au rapport
de Mr. de Lab roue , entre íes fieurs' D eím as, Fournôls'
Fabrc.
O r , le vice qui opère la nullité du teftament du ficur Aridfé Dau-
.
cette , eft ue" vice p atent, l'es- adverfaires ne peuvent donc invoquer
pour eux ni pour leur tante ; c’eft le défaut d’un nombre fuffifant
de
témoins. Une
prétendue
bonne foi d'ans laquelle
jamais é t é , ni les uns- ni les- autres r il's font donc
ils
n’ont
dans le cas
des derniers- arrêts' que nous venoits de c ite r , ôc lefénéchal'du Puÿ
en les condamnant à la reftitution des fruits par é ta t, depuis le décès
du fieur André Dancette , Si à dire d’experts depuis l’introduttion de
l’inftance , a tres-bren íaifi l’efprit de la C o u r, St n’a fait que fe con
former à fa jurifprudence aufli fàge qu’éclairée.
Nous finirons en diiïïpant une fauffe alarme que les adverfaires vou
draient donner à la C o u r,
2>C à
l’ombre de -laquelle ils cherchent à fe
fouftraire'à la loi qui .les pouriliit ôC les condamne.
Combien de fam illes réduites a la 'mendicité, s’écrient-ils , com
bien de particuliers ruinés , <•) caufe du grand nombre de teflaments qui
fe trouveraient nuls , s'il étoit vrai que Beauzac fû t une ville !
Ce n’eft là qu’une fauffe 6c très-fauifc alarme-, Beauzac eft inconteftablement une v ille , & dans celle-là comme dans toutes les autres du
royaume , la loi des teftamens y reçoit fon exécution, nous en avons
affez produit pour le juftifierj nous avons défié ôc nous défiogs avec
la plus grande confiance les adverfaires, de produire Un feul teftartient
*W
en ligne collatérale, retenu dans la ville ou les fauxbourgs de B eauzac,
depuis trente ans, à compter de ce jo u r, qui ne fo ir iigné que par
deux feuls tém oins; iis aflurent qu’il y en a un notfere infini, ï l î '
�¡/jrz& <U*JTjLJJL*r- y.
/L r& v rO
■
3Z
pourroient bien en produire quelques uns, & il y a tout ‘à croire, qu’ils
n’auroient pas tant tardé s’il en exiftoit.
/¿
M
Mais quand il feroit auff i vrai qu’il eft fa u x , qu’il y eut un grand '
nombre de teftamens nuls à Beauzac , par le défaut d’un nombre fuffifant de témoins , cette confidération devroit-elle engager la Cour à
commettre l’injuftice la plus criante, en maintenant contre
ca, yi ~
toutes
les lois des étrangers ufurpateurs dans un héritage qui ne leur appar
tient pas ? ......... Loin de nous ce blafphême , s’arrêter un feul inftant à
cette idée , eft un crime.
L a juftice ne connoît ni le refpect humain ni les confidérations ;
^
/x
,
-elle rend à un chacun ce qui lui ef t d û , fans égard pour les perC ¡S¿¿¿¿Cl- ¿CfUjUL.
fonnes , pour les temps e t pour les lieux. Reddere fuum cuique. Voilà
jj*njjj/r
fon eff e n c e , &
c’eft fous ce rapport inaltérable que fes auguftes
miniftres nous la font connoître chaque jour par leurs oracles.
perfiftent.
Monfieur L ' A B B É
D E C A M B O N , Rapporteur
Me. D E S C O M P S ,
Avocat.
B A R A D A P ro cu reu r
¡p if-v r o j ¿ , 1
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Faugier, André. 1789?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Cambon, de
Descomps
Barada
Subject
The topic of the resource
successions
captation d'héritage
opinion publique
coutume du Velay
distinction entre villes et campagnes
témoins
Description
An account of the resource
Réplique pour Me. André Faugier, prêtre, tuteur de l'enfant pupille du feu sieur Claude Faugier, bourgeois ; le sieur Jacques Massardier ; et demoiselle Françoise Faugier, mariés, intimés ; contre les sieurs Barthélémi Robin, appelant ; et Jean-Barthélémy Robin, aussi intimé.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1789
1760-Circa 1789
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
32 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0545
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_G0223
BCU_Factums_M0726
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53856/BCU_Factums_M0545.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Beauzac (43025)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
captation d'héritage
coutume du Velay
distinction entre villes et campagnes
opinion publique
Successions
témoins
-
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1ffa9edff0a6e1950bbd015a085b9680
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Text
MÉ MO I R E
P our R e n é E S M E L I N ,
G ilb e rt E S M E L I N - D E U X -
A I G U E S , C l a u d e - A m a b l e L A P E L I N , et M a r i e - M a g d e le in e
E S M E L I N , son épouse , J e a n - F r a n ç o is L A -
G A R D E - D E L A V I L E N N E , et T h é r è s e E S M E L I N ,
son épouse ; M a r i e - A d é l a ï d e E S M E L I N , veuve D e b a rd , intimés
Contre G
e n e v iè v e
E S M E L I N , veuve d'A m a b l e D
e c ham ps,
ex-religieuse, appelante ;
E n présence de P rocu le E S M E L I N , ex-religieuse ;
E t encore en présence de J ac q u e s - M
ar ie - P ierre
L O IS E L -
G U I L L O I S , tuteur de ses enf ans , héritiers d ’Agnès
E
sm e lin ,
leur aïeule m aternelle, aussi intimés.
LA. dame D echamps dénonce aux tribunaux un traité de fa
mille , rédigé sous ses yeux par d’anciens jurisconsultes de son
choix ( * ) , qu’elle a signé, exécuté, qu’elle approuve et exécute
journellement.
(*) MM. Bergier et Boirot.
A
�( » )
Ce traité de famille a été dicté par la nécessité.
Il a été dicté par la sagesse.
En ce qui la concerne, il a été dicté par la générosité.
11 lui assure un patrimoine d’environ 3oooo f r . , dettes payées.
Elle se dit lésée.
E t il ne lui revenoit pas une obole.
Etienne Esmelin a contracté mariage avec Marie-Anne-Barthélemy G ibon , le 29 février 1756.
Ils se sont unis sous le régime de la communauté, avec clause
expresse que « pour y acquérir d ro it, chacune des parties y con» fondroit Coo fr.; et le surplus de leurs biens, avec ce qui leur
» écherroit par succession, donation , sortiroit nature de propre» fonds. »
Ils n ’avoient qu’une fortune médiocre; elle s'est grossie par de’
nombreuses successions qui se sont accumulées sur leurs têtes,
spécialement du chef de la dame Esmelin.
L a première qui est échue de cet estoc, a été celle du sieur
Jean-Baptiste de Lachaussée, son oncle, décédé à Moulins en 1764.
L a seconde, celle de Gilbert de Lachaussée, aussi son oncle,
négociant à M oulins, décédé en 1766.
L a troisième, celle de Jacques de Lacha*ussée, frère des précé
dons, administrateur de PHôtel-Dieu de Paris, décédé en 1787.
Il a voit fait un testament suivi de codicille , par lequel il avoit
nommé pour ses légataires universels, Marie Farjonnel, sa mère;
Antoinette de Lachaussée , veuve Lafeuillant ; Elisabeth de
Lachaussée , femme Laplanche; Catherine de Lachaussée, fille
majeure ;
Et les en fans et desccndans de Marie de Lachaussée, décédée
femme Gibon.
L ’inventaire de cette succession en portoit l’actif à deux millions
soixante mille livres.
Il fut fait un premier partage provisionnel d ’une somme de
�(3 )
1179^00 fr. d ’effels ro y a u x , devant L aroche, notaire au chàtelet
de Paris, le 29 avril 1788, qui constate que le sieur Esmelin
toucha pour sa femme un premier à-compte sur cette succession ,
de i 685oo fr.
Marie Farjonnel, aïeule de la dame Esmelin , qui avoit touché
un pareil à-compte de i 685oo fr. par ce partage provisionnel,
mourut peu de temps après.
L a dame Esmelin mourut ensuite aum oisde novembre 1789.
L e sieur Gibon , son frère , directeur des aides à ChàteauT hierry , mourut au mois de juillet 1790.
Il laissa encore une succession très-opulente, qui étoit divisible
en trois portions égales, entre les enians Esmelin, le sieur G ibon ,
de Moulins, leur oncle, et le sieur Gibon-Montgon , leur cousin
germain.
L e sieur Gilbert G ibon, père de la dame Esmelin, mourut en 1792.
Enfin Elisabeth Esmelin-Duclusor, l’une des filles des sieur et
dame Esm elin, mourut aussi sans postérité dans le courant de la
même année.
Etienne Esmelin père resta en possession de toutes ces successions.
II avoit marié quelques-uns de ses enfans avant la mort de
Marie-Anne-Barthélemy Gibon , son épouse.
Il en a marié d’autres depuis, et il avoit fait aux uns et aux
autres des avancemens d’hoirie.
Deux de ses filles , Procule et Geneviève Esmelin, avoient pris
le parti du cloître, et avoient fait profession avant la mort de leur
mère.
Mais les lois des 5 brumaire et 17 nivôse an 2 ayant aboli leurs
vœ ux, elles furent rappelées à toutes ces successions.
Bientôt le refus de Procule Esmelin de prêter serm ent, attira
sur elle des persécutions que chaque jour pouvoit rendre plus graves.
L e sieur Esmelin crut devoir prendre la précaution de se faire
céder ses droits, dans toutes ces successions , pour se m e ttre , à
toutes fins, ainsi que ses enfans, à l’abri des recherches nationales.
Geneviève Esmelin avoit pris un parti tout opposé ; non-seule-
Aa
�( 4 )
ment elle avoit prêle serment, mais elle ne dissimulent pas l'in
tention où elle éloit de se marier; et le sieur Esmelin crut encore
prudent de se faire céder ses droits maternels, pour garantit sa
famille des recherches futures de ce gendre inconnu dont il étoit
menacé.
L e rapport de l’effet rétroactif des lois des 5 brumaire et 17
nivôse ne tarda pas à rendre ces précautions inutiles.
Mais , dans le même tem ps, le sieur Esmelin père éloit forcé
d ’en prendre de semblables avec d’autres de ses ercfans.
L e sieur Debard éloit inscrit sur la liste des émigrés, et Adé
laïde Esmelin, son épouse, étoil en réclusion; elle étoit menacée
du séquestre sur tous ses biens. 11 fallut encore avoir recours à la
cession de ses droits maternels. Elle consentit cette cession à son
père, le 1" germinal an 2. Mais comme elle n’étoit que simulée,
il lui en donna une contre-lettre.
L ’inscriplion du sieur Esmelin-Deux-Aîgues, sur la liste fatale,
força encore le sieur Esmelin père de faire avec lui des actes simulés,
pour se soustraire, comme ascendant d ’émigré, aux persécutions
des agens du fisc.
T o u s ces actes ont disparu avec les causes qui les avoient fait
naître; et la dame Dechamps, qui en abuse aujourd’hui, sait mieux
que personne qu’ils n’ont jamais eu de réalité.
Les orages révolutionnaires s’élant calmés, plusieurs des enfans
Esmelin, la dame Lapelin , le sieur Esmelin-Deux-Aigues, et les
mineurs Loisel, ont cru devoir rechercher leurs droits maternels.
L e sieur Esmelin a terminé avec la dame Lapelin, en lui donnant
un à-compte sur la succession de René Gibon;
Avec le sieur Esmelin-Deux-Aigues , en s’en référant à l'arbi
trage de M. Lucas, président du tribunal de Gannat, leur parent,
qui a dicté la transaction passée enlr'eux au mois de germinal an i 3.
Quant aux mineurs Loisel, la contestation est restée indécise.
Ces actions éloienl justes en elles-mêmes; et le sieur Esmelin se
seroit sans doute empressé de les prévenir , s’il n’avoil pas été
arrêté par les difficultés insurmontables qu’il trouvoit à distinguer
sa fortune personnelle de celle de scs enfans.
�( 5 )
Mais la dame Dechamps , subjuguée par un conseil pervers, qui
avoit voué au sieur Esmelin une haine implacable en échange des
services signalés qu’il en avoit reçus, a dirigé contre lui des actions
d ’un autre genre, qui tendoient à compromettre sa délicatesse, et
qui l’ont abreuvé d’amerlume.
Bientôt la perspective effrayante du mauvais état de ses affaires
est venue mettre le comble aux chagrins dont il étoit dévoré.
11 avoit fait imprudemment une affaire de finance avec la dame
L eblon d, Américaine, qui , privée de ses revenus des îles, dont
la rentrée étoit suspendue par la guerre maritime avec l’Angle
terre, avoit obtenu de sa facilité des avances énormes , au point
qu’il se trouvoit son créancier de plus de 160000 fr. sans la plus
légère sûreté, et à peu près sans espoir de les recouvrer.
L e sieur Esmelin n’avoit pu faire d ’aussi grosses avances qu’en
puisant dans les caisses des banquiers de Moulins et de Clermont.
Chaque jour ses dettes alloient en croissant, par le taux élevé
des intérêts qui s’accumuloient.
Déjà son crédit étoit épuisé chez les banquiers de Clermont, qui
ne consentoient à renouveler ses effets qu’avec l’endossement du
sieur René Esmelin, son fils aîné (*), et il ne pouvoit se dissimuler
qu'il couroit à grands pas à sa ruine.
L ’âme flétrie par les outrages de la dame Dechamps , et ne pou
vant supporter l’idée du renversement de sa fortune, il est tombé
malade dans les premiers jours de décembre i8 o 5 , et il est mort
le ig du même mois.
Les scellés ont été apposés de suite par le juge de paix des lieux.
Quelque temps après, il a été procédé à un inventaire en forme,
en présence de tous les intéressés, et spécialement de la dame
Dechamps, qui a assisté à toutes les séances.
Indépendamment de l’actif bon qui fut porté dans cet invenf (*) Le sieur Esmelin aîné avoit déjà cautionné pour 60000 fr. d’eftets de son
père à son décès; il est porteur do scs lettres , pur lesquelles il le prioit do lui
donner sa signature.
�\
( 6 )
ta ire , il fut fait un état particulier des créances mauvaises ou dou
teuses , montant à 267330 f r . , qui fut signé par tous les héritiers,
et spécialement par la dame Dechamps.
L a dame Dechamps dit dans son mémoire , page 4 » que pen
dant cet inventaire ses frères furent p o lis , caressans. Ces expres
sions sont trop foibles ; elle auroit dû dire qu’ils la comblèrent de
témoignages de tendresse, qu’ils ne négligèrent rien pour gagner
sa confiance, et pour la soustraire à la maligne influence du per
fide conseil qui l’éloignoit de sa famille, et la conduisoit à sa perte;
Que leur ayant paru avoir des besoins, ils lui remirent la somme
de 1000 fr. qui étoit provenue des premières ventes des denrées
de la succession ;
Q u’elle prit différens effets mobiliers qui étoient à sa conve
n a n c e , sur la prisée de l’inventaire ;
Que dans le partage qui fut fait en nature d ’une partie du mo
bilier , ils l’admirent pour un huitième, quoiqu’il ne lui en revînt
qu’un seizième ;
Qu'enfin ils ne cessèrent de lui prodiguer les égards et les bons
procédés.
Instruite par elle-même de l ’état des affaires de son père ; de
plus de iSoooo fr. de dettes de banque sur lettres de change qui
venoient chaque jour à échéance, dont plusieurs étoient déjà pro
testées, et dont les porteurs pouvoient consommer en frais tous les
biens de la succession ;
D e plus de 60,000 liv. d’autres dettes par billets, obligations,
rentes viagères ou constituées ;
T ém oin de l ’état de dégradation et de désordre absolu, dans
lequel se trouvoient tous les biens communs, au point que sur 24
ou 25 domaines, il n’y en avoit pas un seul dont les bàtirnens ne
fussent en ruine, les granges écroulées , et hors d ’état de contenir
la récolte prochaine.
Plus pressée d’aillours de jouir de son lot qu’aucun de s?s co
héritiers, à raison de sa position, elle a été la première à désirer
le partage.
�(7 )
On est convenu de faire estimer préalablement tous les biens
qui devoient en être l’objet.
On a nommé pour exporta les sieurs Renaudet et Ferrier, connus
trop avantageusement dans l’opinion publique pour ne pas réunir
les suffrages de tous les cohéritiers; et ils ont été si agréables à la
dame Dechamps , qu'ils ont vécu et logé chez elle pendant tout le
temps qu'ils ont travaillé à l’estimation de la terre du Bouis, qui
joint son habitation.
Cette opération terminée , tous les copartageans sont unanime
ment convenus de s ’ e n référer, sur le règlement de leurs droits res
pectifs, à la décision de deux anciens jurisconsultes de C lerm ont,
dont l ’un éloit grand oncle maternel à la mode de Bretagne des
mineurs Loisel.
Ils se sont tous rendus à Clermont avec les deux experts, R e
naudet et Ferrier, dans les derniers jours de mars 1806, et tous
y ont séjourné sans interruption jusqu’au 21 avril suivant.
Chaque jour ils se sont réunis chez les arbitres.
L à , chacun des intéressés a fait valoir ses droits ou ses préten
tions.
T o u t a été v u , examiné, discuté en leur présence par les arbi-»
1res.
Mais comme de tous les frères et sœurs Esmclin , six seulement
avoient des droits dans les biens m aternels, à raison de la mort
civile de Procule et de Geneviève; que tous au contraire étoient
copartageans dans les biens paternels; le premier pas à faire éloit,
de distinguer les biens paternels et maternels, pour en former deux
masses séparées.
Les arbitres ont tenté ce travail; mais ils n ’ont pu y réussir.
11 éloit impossible de retrouver les élémens de la plupart des
successions échues aux sieur et darne Estnelin, à défaut d ’inven
taires et de partages.
11 existoit à la vérité des inventaires dos deux principales, celles
de Jacques de Lachaussée et de René-Barthélem y G ib o n ;m a is
les héritiers Esmclin ne les avoient pas en leur possession ; et ils
n ’eloieul pas en état de les représenter.
�( 8 )
Ils n’avoîent pas des notions exactes de la nature et de la consis
tance des effets dont ces successions étoient composées.
Ils ignoroient ce qui en avoit été touché par leur p è re , en nu
méraire ou en papier-monnoie , et les différentes époques aux
quelles ces sommes avoient été versées dans ses mains.
Les arbitres avoient d’ailleurs sous les yeux une expédition fa u
tive du contrat de mariage des sieur et dame Esmelin , qui contenoit la stipulation pure et simple de la communauté , sans la
clause subséquente qui portoit que «pour y acquérir droit, chacune
» des parties y confondrait 600 fr. ; et le surplus de leurs biens,
» avec ce qui leur écherroit par succession, donation, sortiroit
» nature de propre-fonds (*)• »
D e sorte que les sieur et dame Esmelin paroissoient n ’avoir con
tracté qu ’une communauté légale et conforme à l’article 276 de
la coutume de Bourbonnais; d ’où il sembloit résulter que tout
ce qui étoit de nature mobilière dans les successions échues aux
deux époux , avoit été confondu dans la communauté, et appartenoit par moitié à chacun d’eux; ce qui frappoit spécialement sur la
succession de Jacques de Lachaussée, presque toute composée d ’ac
tions de la compagnie des Indes, ou autres effets royaux payables
au porteur.
Les arbitres, au milieu de celle obscurité, crurent apercevoir
une lueur de justice dans le plan simple de diviser la masse entière
des biens et des dettes en deux portions égales, dont l’une seroit
censée maternelle, et l’autre censée paternelle; ce qui donnoit aux
deux religieuses un seizième chacune de la masse réelle des biens,
et les chargeoit d’un seizième des dettes (**).
(*) Cette expédition inexacte a été représentée par Procule Esmelin , qui
l ’avoit trouvée dans les papiers de la succession.
Elle paroissoit mériter d’autant plus de confiance, qu’elle étoit écrite en entier
do la main de Barthélémy , notaire , dépositaire do la minute.
(**) I«a masse totale de l’a ctif lion étoit de 5<j85 <j 5 fr.
Les créances actives mauvaises ou douteuses, de 267330 fr.
Los dettes passives connues lors du partage, étoient de 205yS6 fr.
Colles découvertes depuis s’élèvent à environ 20000 fr,
�(. 9 )
Les arbitres ne se dissimulèrent pas, et ne dissimulèrent pas à
tous les cohéritiers que ce plan étoit trop favorable à Procule et
Geneviève Esmelin , même sous le point de vue de la communauté
légale des père et mère communs, comme elle paroissoit l’être
d’après l’expédition fautive de leur contrat de mariage.
M a is, d’une p a rt, il étoit urgent de prendre un parti pour satis
faire les créanciers, dont les poursuites pouvoient à chaque ins
tant porter partout l’incendie et la dévastation.
D ’autre part, il falloit par-dessus tout éviter , pour l’intérêt de
tous, d’en venir à des discussions juridiques, qui présentoient un
abîme sans fond et sans rives, prêt à engloutir toute la fortune
des copartageans.
On ne considéroit d’ailleurs la portion que devoit recueillir Pro
cule Esmelin, que comme un dépôt confié à la vertu, qui devoit un
jour revenir à la famille.
Et à l’égard de la dame Dechamps , tous ses cohéritiers regardoient l’avantage qu’elle pouvoit retirer de ce mode de-partage,
comme un sacrifice fait à sa position et à sa qualité de mère de
famille.
Quant aux mineurs Loisel , indépendamment que l’acquiesce
ment de leur père à cette mesure étoit suffisamment justifié par
l ’exemple de tous ses copartageans majeurs , grands oncles et
grand’tantes de ses mineurs , qui avoient le même intérêt qu'eux ,
on eut soin de les dédommager amplement de la perte que ce plan
pouvoit leur occasionner, comme on le verra dans la suite.
C e mode de partage une fois adopté par tous les cohéritiers, on
vit bientôt disparoitre la majeure partie des difficultés qui divisoient
la famille Esmelin.
Il en restoit cependant encore, qui donnèrent lieu à quelques
débats entre les cohéritiers.
L a principale étoit relative au sieur Esmelin-Deux-Aigues.
Après sa radiation de la liste des émigrés , il avoit traduit son
père en justice, pour obtenir de lui le règlement de ses droits ma
ternels.
B
�( IO )
L e sieur Esmclin, qui connoissoit mieux que personne les inconvéniens et les dangers de soumettre celte discussion aux tribunaux,
consentit de s’en référer à l’arbitrage de M . Lucas, président du
tribunal de G a n n a t, leur parent.
M . Lucas, après avoir entendu les sieurs Esmelin, père et fils,
pendant plusieurs séances, et avoir examiné leurs mémoires res
pectifs, crut devoir fixer le débet du père envers son fils, pour tous
ses droits maternels directs et collatéraux, à 57760 francs, dont
42760 francs pour les capitaux, et i 5ooo francs pour les intérêts
ou jouissances; et ce fut d’après cet aperçu que les parties traitè
re n t, sous sa dictée, devant H u e , notaire ù Gannat, le 17 ger
minal an i 3 (*).
T o u s l e s cohéritiers du sieur Esmelin-Deux-Aigues connoissoient
parfaitem ent la sincérité de ce traité; et la médiation d e M . Lucas,
prouvée par sa signature, ne permettoit pas d ’élever le plus léger
doute à cet égard. Mais comme il sembloit en résulter quelque
avantage en sa faveur, ils prétendoient qu’il devoit s’en départir
pour se mettre à leur niveau.
L e sieur Esmelin-Deux-Aigues insisloit sur l’exécution de cet
acte, comme étant un traité à forfait, convenu de bonne foi, slfr
des droits successifs dont la quotité étoit absolument incertaine.
Il ajoutoit que l’avantage qu’on prétendoit résulter de ce traité ,
n ’étoit rien moins que réel; qu’il étoit plus que compensé, par la
circonstance que, dans le plan du partage proposé, il n’avoit à pré
tendre qu’un seizième dans les créances actives paternelles, dont il
lui seroit revenu un huitième, si on n ’en avoit pas confondu la
moitié dans la masse maternelle, dont il étoit exclu au moyen de
l’exécution de ce traité.
Il ajoutoit encore qu’en supposant que ce traité produisît quelqu’avantage en sa faveur, cet avantage ne pouvoit être critiqué,
parce qu’il étoit bien loin d’absorber les réserves disponibles que
(*) l a transaction fait mention expresso qu’elle a été passée en présence et
par la médiation do M. L u ca s, qui l ’a signée.
�( 11 )
s ’étoit faites le père commun par les différons Contrats de ma
riage de ses enfans (*).
D ’après ces considérations, il fut arrêté que le sieur EsmelinI)eux-Aiguësprélèveroit, avant tout partage,le montant dece traité.
Mais le mode de ce prélèvement n ’étoil pas sans difficultés.
D ’une part, le capital des droits successifs du sieur EsmelmDeux-Aigues devoit être prélevé sur la masse maternelle.
D ’autre p a r t, les jouissances , et le prétendu avantage qui pouvoit résulter de ce traité en sa faveur, devoient être prélevés sur la
masse paternelle.
On prit le parti d’en faire le prélèvement sur la masse entière,
et ce parti étoit d’autant plus raisonnable , que la masse paternelle
étant avantagée par le plan du partage, en faisant frapper ce pré
lèvement par égalité sur les deux masses , on se rapproclioit de
plus.en plus du point de justice auquel les arbitres et les parties
se proposoient de parvenir.
Cet obstacle applani, il en restoit encore quelques autres, mais
qui éprouvèrent moins de difficultés.
L e sieur René Esmelin aîné avoit des prétentions de plus d ’un
genre contre la succession de son père.
L a principale résultoit delà donation que lui avoit faite son père
de la terre de Bouis, par acte du 2 mars 1793, immédiatement
avant les lois de l’égalité; donation qui prenoit sa source dans la
réserve que s’éloit faite le sieur Esmelin, par les différens contrats
de mariage de ses enfans, de disposer de cette terre au profit de tel
d’entr’eux qu’il jugeroit à propos.
Cette circonstance formoit exception aux dispositions prohibi
tives de la Coutume de Bourbonnais, qui iaterdisoit les avantages
entre enfans, autrement que par contrat de mariage.
(*) Les parties raisonnoient d’après l ’expédition inexacte du contrat de ma
riage de 17 5 6 , qui rendoit communes aux deux époux toutes les successions
mobilières.
En raisonnant d’après la clause insérée dans ce contrat de mariage, qui les rendoit propres à chaque estoc, le sieur Esmelin-Deux-Aigues étoit évidemment lésé.
Ba
�( ^ )
"Le sieur Esmelin père n ’étant d’ailleurs décédé que sous l’empire
du nouveau C o d e , tous les avantages antérieurs pouvoient être
considérés comme légitimes , jusqu’à concurrence de la portion
disponible.
Mais le sieur René Esmelin n’attendit pas qu’on lui en demandât
le sacrifice; il fut le premier à l’offrir à ses frères et sœurs; il n’y
mit qu’une seule condition, celle de l’union et de la concorde, et
que tout se terminât à l’amiable.
L a dame Debard , de son côté, élevoit des réclamations d ’urr
intérêt m ajeur, qui prenoient leur source dans une donation entre
vifs qui lui avoit été faite par les dames Delagoutte et Gudevert,
le 3 mai 1 7 7 5 , de certains biens dont le sieur Esmelin étoit mort
en possession , qu’elle prétendoit avoir droit de prélever en nature
soir sa succession, indépendamment d ’un grand nombre d’années
de jouissances de ces mêmes biens, qu’elle réclamoit à titre de
créancière.
L a dame Debard en fit généreusement le sacrifice , sans autre
indemnité qu’une somme de 1200 francs à prendre sur les créance»
douteuses, et sans y mettre d’autres conditions que celles qu’y
avoit mises son frère, l’union et la concorde, et que tout se ter
minât à l’amiable.
Enfin, le sieur Delavilenne, stipulant pour sa fem m e, dont ¡F
étoit fondé de pouvoir, fît aussi le sacrifice d’une somme de 1000 fr.
qui formoit l’objet d ’une donation qu’il prétendoit avoir été mal à
propos confondue dans la dot qui lui avoit été constituée par son
contrat de mariage.
T o u s ces obstacles applanis , il fut question de procéder au
partage.
On fit un premier traité pour en fixer les bases.
C ’est dans ce premier traité que se trouvent tout le moral de l’opéralion,les motifs qui l’ont déterminée, les circonstances impérieuses
qui la rendoient nécessaire, les sacrifices généreux faits par plu
sieurs des cohéritiers pour assurer la paix et l’union dans la famille.
On en fit un second pour y traiter quelques objets particuliers,
�( >3 )
que tous les cohéritiers croyoient devoir être renfermés dans le sein
de la famille.
Et enfin un troisième, qui contenoit le partage.
Il étoit impossible d’employer dans ce partage la voie du sort.
Les rapports étoient tous inégaux, et varioient depuis 5oo fr.
jusqu’à 33ooo fr.
L e tirage au sort n’eût pu se faire sans être répété jusqu’à sept
à huit fois.
Les morcellemens qui en seroient résulté eussent été tels, que
chaque domaine, chaque arpent de terre eût été divisé en plus de
cent portions , contre le texte de la loi et le vœu de la raison.
On prit donc le seul parti proposable, celui de faire des lots de
convenance.
Mais les frères et sœurs de la dame Dechamps, toujours fidèles
à leur plan de la combler d ’égards et de bons procédés, eurent l’at
tention de lui laisser le choix de celui qui lui seroit le plus agréable.
Elle choisit des biens de la terre du Bouis , qui étoient situés
dans la même commune que ceux de ses mineurs, qui les joignoicnt
de toutes parts, et dont l’estimation lui étoit d’autant moins sus
pecte, qu’elle avoit été faite sous ses yeux, et pardesexperts logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
On usa avec elle des mêmes procédés pour le seizième des dettes
dont son lot devoit être chargé; 011 lui laissa le choix de celles
dont les intérêts étoient le moins onéreux, et des créanciers sur la
complaisance desquels on pou voit le plus compter.
Ces différentes opérations terminées, tous les héritiers Esmelin
retournèrent dans leurs foyers, en bénissant leurs arbitres, et en.
se félicitant de l’union et de la concorde qu'ils regardoient comme
rétablies entr’eux d’une manière inaltérable.
Mais le bonheur de la famille Esmelin ne fut pas de longue durée.
L a dame D echam ps, rentrée dans ses foyers , y retrouva le
«dém.on de la discorde, le misérable qui avoit conduit son père au
tombeau, et qui médiloit la ruine de sa famille.
Dès ce premier m om ent, il fut arrêté entr’eux de tenter, paç
�(
>4 )
toutes sortes de voies, l’anéantissement de tous les arrangemens
faits à Clermont.
Avant de rien entreprendre, elle eut soin de s'installer dans
son lo t, de l’affermer pour plusieurs années, de se faire payer
d ’avance du prix du bail, et surtout de laisser à ses frères et soeurs
toutes les charges de la succession dont jusqu’ici elle n’a pas payé
une obole, et qu’ils acquittent journellement pour elle.
Après avoir ainsi pris scs précautions, et le 18 juin 1806, là
dame Dechamps a fait citer tous ses cohéritiers en conciliation ,
pour venir à division et partage de tous les biens meubles et im
meubles délaissés par le père com m un, sans avoir égard à tous
projets de partage , qui seroient regaidés cômme non avenus.
Cette citation a été suivie d’un procès verbal de non concilia
tion , en date du g juillet.
L e 25 du même m ois, la dame Dechamps a présenté requête au
tribunal d arrondissement de G annat, tendante au fond à ce qu’il
lui fût permis d ’assigner ses cohéritiers , sur la demande en par
tage, dans les délais ordinaires, et à la première audience, sur sa
demande provisoire, tendante à ce qu’il fût sursis à la coupe et
exploitation des différais bois de haute futaie, et tous autres dépendans de la succession du père commun.
Elle demandoit en même temps qu’il lui fût permis de faire pro
céder à la visite et état de tous ces bois par experts , à l’effet de
constater tous ceux qui avoient été coupés et tous ceux qui étoient
sur pied, et d’en fixer le nombre et la valeur , pour, après ce rap
port, être pris par elle telles conclusions qu'elle aviscroit.
Cette demande provisoire cachoit une insigne perfidie. La dame
Dechamps savoit qu’il existoit, au décèsdu père commun , plus de
i 5oooo fr. de lettres de change, toutes échues, protestées ou re
nouvelées par ses frères et sœurs, non compris plus de 60000 fr.
de dettes ordinaires, dont les créanciers n’étoient pas moins im
patiens.
Elle savoit que chacun de ses cohéritiers n ’avoit d ’autres res•ources, pour faire honneur aux engagemena les plus urgens, que
�( i5 )
dans le prix de ces b o is, qu’ils se hâtaient de vendre et d’exploiter.
Son projet étoit de rendre leur libération impossible, de voir leur
liberté compromise, et tous les biens livrés à l’expropriation forcée.
C e projet, dira-t-on, étoit insensé ; elle ne pouvoit elle-même
manquer d’en devenir victime : cela est vrai ; mais faut-il nier
l ’évidence, parce qu’elle passe les bornes ordinaires de la vraisem
blance et de la perversité humaine ? A-t-on oublié le vœu de
Cornélie dans les Horaces ?
Quoi qu’il en soit, le tribunal de Gannat a repoussé, avec indi
gnation, cette action provisoire , par son jugement du i 5 décembre
1806, rendu d'après les conclusions motivées de M . le commissaire
impérial.
Pendant que la dame D e c h a m p s v e x o i t ainsi ses freres et sœurs,
et tentait d ’arrêter par toutes sortes de moyens l’exécution des
arrangemens faits entr’eux, ses cohéritiers cherchoient à les conso
lider et à les régulariser à l’égard des mineurs Loisel.
L e sieur Loisel avoit été assigné depuis le 5 juin , en sa qualité
de père, tuteur et légitime administrateur de ses enfans, pour en
voir ordonner l’exécution ; mais il avoit cru devoir suspendre toutes
espèces de démarches jusqu’à la décision de l’incident élevé par
la darrje Dechamps.
C et incident terminé, le sieur Loisel a convoqué un conseil de
famille le 24 décembre 1806.
Ce conseil, composé du grand-père maternel des mineurs, de
plusieurs de leurs oncles et de leurs plus proches parens, après
avoir pris communication de la transaction du i 5 a v ril, l’a ap
prouvée dans tout son contenu , et a autorisé le sieur Loisel à so
retirer auprès de M. le commissaire impérial, qui seroit invité a
désigner trois jurisconsultes pour examiner ce traité et en dire
leur avis, conformément à l’article 467 du Code civil.
L e 3 i décembre, sur la requête qui lui a été présentée par le
sieur Loisel, M . le commissaire impérial a désigné trois anciens
jurisconsultes près la cour d ’appel, également recommandables par
leur expérience et leurs lumières, M M . Andraud, Borye et PagèaYerny.
�( .6 )
Sur l’avis de ces trois jurisconsultes, les héritiers Esmelin , à l’ex
ception de la dame Dechamps, ont demandé l’homologation de la
transaction du i 5 avril.
La dame D echam ps, fidèle à son plan de contradiction, n ’a pas
manqué de s’y opposer.
Mais sans avoir égard à son opposition, dont elle a été déboutée
avec dépens, la transaction a été homologuée, sur les conclusions
de M . le commissaire impérial, par jugement du 21 février 1806.
L e 21 mars, nouvelle assemblée du conseil de famille des mineurs
Loisel ;
Approbation du partage fait sur les bases de la transaction ho
mologuée ;
Requête du sieur Loisel à M . le commissaire impérial, pour l’in
viter à désigner trois jurisconsultes auxquels seroit soumis l’examen,
du partage ;
Désignation de M M . Andraud , Borye et Pagès-Verny;
A vis de ces trois jurisconsultes pour l’approbation et la pleine
et entière exécution du partage.
*
L a dame Dechamps en a au contraire demandé la nullité, fon
dée sur le [défaut d’observation des formes voulues par la lo i , et
subsidiairement la réformation pour cause de lésion;
Et par jugement contradictoire du 2 mai dernier, rendu sur les
conclusions de M . le commissaire impérial, elle a été déboutée de
toutes ses demandes , et le tribunal a ordonné que le partage seroit
exécuté selon sa forme et teneur.
Appel de la dame Dechamps des trois jugemens des i3 décembre
1806, ai février et 2 mai 1807.
Ses moyens en cause d’appel sont les mêmes qu^en cause prin
cipale ; nullité de la transaction et du partage, lésion résultante de
l’une et de l ’autre.
L a réponse des intimés se divise en trois paragraphes.
Ils établiront, dans le premier, que la dame Dechamps n’est ni
recevable, ni fondée à opposer les prétendues nullités dont elle
excipe.
Dans
�Dans le second, que loin d’être lésée par les bases adoptées dans
la transaction du i 5 avril, et par le partage fait d’après ces bases,
elle y est avantagée du tout au tout.
Dans le troisième, que si les intérêts des mineurs Loisel paroissent avoir été lésés par le traité du i 5 avril, en ce qu’on y a gra
tifié la dame Dechamps et Procule Esmelin au préjudice de la suc
cession maternelle, ils en ont été amplement dédommagés.
§ I"
L a dame D echam ps n’ est ni recevable, ni fon d ée a opposer les
prétendues nullités dont elle excipe.
Toutes les nullités qu’invoque la dame Decliamps , contre le
traité et le partage des x5 et 20 avril, ont leur source dans de pré
tendus vices de formes.
O r la loi ne connoit point de vices de forme pour les majeurs ,
ils peuvent traiter de leurs intérêts à leur g ré, et leur signature
suffit pour rendre leurs engagemens irréfragables.
Ici, la dame Decliamps a signé les actes des i 5 et 20 avril.
A la vérité elle dit les avoir signés aveuglément, page 4 de son
mémoire, sans en avoir entendu la lecture, page 14.
Mais elle a signé si peu aveuglément, et elle en a si bien entendu
la lecture, qu’elle nous dit elle-même, page i 3 , que de retour dans
ses foyers elle a voulu se mettre en possession des articles attri
bués à son lot.
E t de f a it , elle s’en est de suite mise en possession, en les affer
mant par un bail qui est enregistré.
Elle n'a cessé d ’en jouir depuis, sans avoir été troublée par per
sonne ; et dans ce moment elle vient de quitter son ancienne habi
tation , qui appartenoit à ses mineurs, pour venir habiter dans sa
propre maison, qui fait partie de son lot.
A in si, non seulement la dame Dechamps a approuvé ce partage
dans les premiers instans; mais elle n’a cessé de l’approuver de
puis, et de l’exécuter pendant le procès.
C
�( *8 )
Et le fait d ’approbation le plus caractérisé, c’est ce changement
d ’habitation, cette translation dans sa propre maison, dans le
moment où elle remplit l’air de ses cris contre ce partage , qu’elle
dit avoir signé aveuglément, et sans en prendre lecture.
L a circonstance qu’il y a des mineurs intéressés dans ce par
tage, ne change rien à cette première fin de non-recevoir.
L a loi a prescrit des formes pour garantir les mineurs de la
fraude, d e là facilité ou de l’insouciance de leurs tuteurs, et de
leur propre inexpérience lorsqu’ils sont émancipés.
Mais ils ont seuls le droif de se plaindre de la violation de ces
formes, et il n’est pas permis aux majeurs d ’en excipcr.
C ’est ainsi que le décide l’article 1 125 du Code civil, qui porte
que « les personnes capables de s ’engager, ne peuvent opposer
Vi n c a p a c i t é du mineur , de l’interdit ou de la femme mariée, avec
lesquelles elles ont contracté.
Cette loi doit s’appliquer avec d’autant plus de rigueur à l’espèce,
que les parties ont prévu le cas , et en ont fait une clause expresse
de leurs conventions, en stipulant que le partage sera irrévocable
en ce qui concerne chacun des majeurs.
La loi seroit muette, que la convention seroit une loi écrite dont
il ne seroit pas permis de s’écarter.
C ’est en vain que la dame Dechamps prétend excepter de cette
règle générale les partages faits avec des mineurs.
Quand il seroit dans le texte ou dans l’esprit de la loi d’excepter
du principe général les partages faits avec des mineurs, la conven
tion particulière, que le partage dont il s’agit seroit irrévocable,
en ce qui concerne chacun des majeurs, feroit cesser cette excep
tion , parce que la disposition de Pliouime fait cesser celle de la
loi, et que celte convention n’a rien d ’illicite et de contraire aux
bonnes mœurs.
Mais, d’une psr', ce lexte est clair, précis, d ’un négatif absolu, ne
peuvent, ce qui écarte toute espèce d ’interprétation et d ’exception.
D ’autre part, cette loi n ’a fait que consacrer les anciens princi
pes, qui nous sont attestés par Lebrun, dans son T raité des Suc
�( *9 )
cessions, liv. 4, chap. i " , n ° 2 i où, parlant du partage provisionnel,
il dit que le mineur a le droit de s’y tenir s’il lui est avantageux,
ou d ’y renoncer s’il n’y trouve pas son compte; et que pour rendre
cette faculté réciproque, il faut qualifier le partage de simple pro
visionnel , et stipuler, par une clause précise , qu’il sera permis, tant
aux majeurs qu’aux mineurs, de demander un partage définitif ;
« autrement, le mineur pourra se tenir au partage , si le bien qui
» lui a été donné est plus commode , et la faculté ne sera pas re» ciproque pour les majeurs.
L e même principe est rappelé par Rousseau de Lacom be, au
mot P a r t a g e , sect. 5 , n 9.
Q u ’auroient donc dit ces auteurs, si,comme dans l’espèce, il a voit
été question d ’un partage, non pas simplement provisionnel, mais
définitif; et si , au lieu du silence sur la réciprocité de la facilité
de revenir contre ce partage, il y eût été formellement expliqué
qu’il seroit irrévocable en ce qu i concerne chacun des majeurs ?
Mais dans tout ce qu’on vient de dire, on a supposé, avec la
dame Dechamps, que les actes qu’elle attaque sont infectés de tous
les vices qu’elle leur suppose, résultans de la violation de toutes
les formes voulues par la l o i , pour les transactions et les partages
dans lesquels des mineurs sont intéressés ; et on a vu que dans c( tte
hypothèse elle 11’a pr.s le droit de les censurer, soit parce que la loi
lui en interdit la faculté, soit parce qu’elle se l’est interdite ellemême, par une convention formelle faite entr’elle et tous ses co
héritiers majeurs.
Mais celte hypothèse est purement gratuite, et toutes les for
mes prescriles par les lois pour la garantie des mineurs, ont été
scrupuleusement observées dans l’espèce.
On ne [»eut nier que l’acte du i 5 avril ne fut une transaction
telle que la définit l’article 2044 du Code civil , « un contrat par
» lequel les parties terminent une contestation née, ou prévien» nent une contestation à naître. »
Il s’agissoit dérégler les droits l e s plus compliqués, entre une mul
titude d'héritiers ; sur quatorze successions, qui présentoienl des
C 2
�( 2 0 }
questions sans nom bre, qui pouvoient donner lièu à des discussions
interminables.
Q u’exigeoit la loi pour rendre valable un pareil acte ? L'autori
sation du conseil de famille, l’avis de trois jurisconsultes désignés
par le commissaire du Gouvernement, et l’homologation du tri
bunal, après avoir entendu le commissaire impérial.
O r, on a vu dans le récit des faits, que toutes ces formalités ont
été exactement observées.
A la vérité, la transaction étoit rédigée avant l’autorisation du
conseil de famille, et la dame Dechamps croit pouvoir y trouver
un prétexte de chicane.
Mais ce traité, qui pour les majeurs étoit irrévocable en ce
qui concernoit chacun d’eux, n'étoit qu’un projet pour les mi
neurs , jusqu’à ce qu’il eût été autorisé par le conseil de famille,
et par l’avis des trois jurisconsultes, désignés par le commissaire
du Gouvernement; ce qui étoit prévu par l’acte même’, dans le
quel on lit qu’il ne sera passé en forme authentique, que lorsque
le sieur Loisel aura rempli pour ses mineurs les formalités pres
crites par la l o i , pour en assurer la validité.
IN’est-il pas évident, d ’ailleurs, que le meilleur moyen d’éclairer
le conseil de famille et les jurisconsultes qui dévoient donner leur
avis, étoit de leur présenter le traité tel qu*il avoit été convenu,
et qu’il devoit être exécuté entre toutes les parties, s’il leur paroissoit dans l’intérêt des mineurs ?
Vainement le tuteur auroit rendu compte à la famille assemblée
des projets d ’arrangemens qui étoient proposés entre tous les cohé
ritiers Esmelin; vainement on auroit fait part de ces mêmes projets
aux trois jurisconsultes désignés par le commissaire du Gouverne
ment pour donner leur avis; rien n’étoit plus propre à diriger
leur opinion que le traité même, qui n’étoit pas encore obligatoire
pour les mineurs, et qui nepouvoit le devenir que par l’assentiment
de la famille assemblée , et l’avis des jurisconsultes désignés.
Celte circonstance de la préexistence du traité du i 5 avril, à
l’assemblée du conseil de famille et à l’avis des jurisconsultes.
�( 21 )
n’est donc qu’un moyen de plus en faveur de ce traité, parce
qu’ il en résulte que, soit l’approbation de la famille, soit celle des
jurisconsultes, ont été données en bien plus grande connoissance
de cause que si elles avoient précédé la rédaction de ce traité.
C ’est encore une pointillerie bien misérable, que la critique que
fait la dame Dechamps des qualités de ce traité, dans lesquelles on
suppose les formalités remplies par le tuteur avec les dates en blanc.
On l’a déjà d i t , pour les mineurs ce traité n ’étoit qu’un pro
jet, qui ne devoit être passé en forme authentique et avoir d’exé
cution qu'autant que le tuteur auroit rempli les formalités néces
saires pour le rendre valable.
Il étoit donc tout simple que les dates des actes qui devoient
constater l’observation des formes prescrites par la loi fussent en
blanc ; les qualités étoient telles qu’elles devoient être dans l’acte
authentique; et en passant cet acte authentique, on devoit remplir
les dates du conseil de famille et de l’avis des jurisconsultes.
Quant au traité secondaire du même jour i 5 avril, il étoit en
tièrement dans l’intérêt des mineurs Loisel, puisque c’est ce traité
qui leur assure la succession de René Gibon, dont ils étoient exclus
par la loi.
11 ne peut donc y avoir ni motifs, ni prétexte de le censurer.
L e partage du 20 avril, qui n’étoit que la conséquence et l’exécu
tion de la transaction, n ’étoit encore qu’un projet pour les mineurs,
jusqu’à ce qu’il devînt obligatoire à leur égard, comme à l’égard
des majeurs, par l’observation des formes.
Elles ont été observées comme pour la transaction: le conseil de
famille, assemblé pour la seconde fois, l’a autorisé; les trois ju
risconsultes désignés par le commissaire impérial , consultés de
rechef, l’ont approuvé; le tribunal l’a homologué.
Ainsi, indépendamment que la dame Dechamps n ’est pas recevable à critiquer sous le point de vue de l’inobservation des for
mes, soit ce partage, soit le traité qui l’a précédé, on voit que
sa critique seroit sans fondement, et que le sieur Loisel n’a man
qué pour ses mineurs à aucune des précautions qu’exigeoit la loi
r
�( 23 )
pour les garantir de toute surprise , et s’assurer que leurs intérêts
étoient ménagés jusqu’au scrupule.
§ II.
L a dame D echam ps , loin d'être lése'e par les bases adoptées
dans la transaction du 1 5 a v ril, et par le partage fa it d’ aprèï
ces bases, y est avantagée du tout au tout.
Celte proposition pouvoit paroître incertaine à l’époque du traité
du i5 avril; aujourd’hui, elle est démontrée mathématiquement.
On éloit alors dans la confiance que toutes les successions échues
de l’estoc maternel avant le décès de la dame Esinelin étoient con
fondues dans la communauté.
Cette confiance étoit fondée sur l’expédition du contrat de ma
riage de 1756, dans laquelle on avoit omis d’insérer la clause que
chacun des futurs confondroit la somme de 600 liv. pour avoir
droit dans la communauté , et que le surplus des biens des futurs,
ainsi que ceux qui leur écherroient par succession ou donation,
leur sortiroient nature de propre.
Cette erreur se trouvant rectifiée par une expédition plus exacte,
il est évident que toutes ces successions doivent être prélevées au
profil des héritiers maternels.
Il faut cependant distinguer dans ces successions celles qui sont
échues avant le décès de la dame Esmelin , de celles qui sont échues
depuis.
T o u t ce qui a été touché sur les premières de ces successions par
le sieur Esmelin , doit elre prélevé sur la communauté, qu’il faut
considérer comme interrompue au décès de la dame Esmelin, ar
rivé au mois de novembre 178 9 , d'après la-faculté qu’en ont les
intimés et les mineurs Loisel par l’article 270 de la Coutume de
Bourbonnais.
Les successions échues depuis le décès de la dame Esmelin \ et
tout ce qui a été louché par le sieur Esmelin sur les successions
�( -3 )
antérieures depuis la même époque, doivent être prélevés sur sa
succession et sur ses biens personnels.
Ainsi, on doit prélever sur la communauté, i° ce que le sieur
Esmelin a touché sur la succession de Jean-Baptiste de Lachaussée,
décédé à Moulins en 1764;
20 Ce qu’il a louché de la succession de Gilbert de Lachaussce,
aussi décédé à Moulins en 1766;
5° La somme de i 68, 5ooliv. qu’il a touchée à compte sur la suc
cession de Jacques de Lachaussée, par le partage provisionnel passé
devant Laroche, notaire à Paris, le 29 avril 1788;
4° Ce qu’il a dû toucher de la succession de Marie Farjonnel,
bisaïeule des en fans Esmelin , décédée en 1788, l’une des léga
taires universelles de Jacques de Lachaussée, qui avoit aussi touché
16 8 , 5oo liv. par le parlage provisionnel de 1788.
Et on doit prélever sur la masse de sa succession , composée
soit de sa portion de la communauté, déduction fuite des prélèvemens, soit de ses biens personnels,
i° La somme de 188, 55o liv. 16 s. qu’il a reçue d e là succes
sion du sieur René-Barthélemy Gibon , soit en 1790, soit pendant
les premières années des assignats , ce qui est étubli par un état
écrit de sa main , que les intimés rapportent.
2°. Ce qu’il a dù loucher, pour le compte de scs enfans, de la
somme d’environ 900,000 livres, restée indivise , de la succession
de Jacques de Lachaussée, après ce partage provisionnel ;
.
5°. Ce qu’il a dû loucher de celle même somme, soit comme
représentant Elizabelh de Lachaussée , femme Laplanche , soit
comme représentant Catherine de Lachaussée, dont il avoit acquis
les droits, qui étoient d ’un cinquième chacune de cette somme
de 900,000 liv.; ce qu’il n’avoit pu faire que pour le compte de
ses enfans , à raison de l ’in d iv is io n de ces droits avec eux ;
4". Ce qu’il a dû toucher de la succession de Gilberl-Barlhéleniy
G ib o n , aïeul de ses enfans, soit directement, soit par l’effet des
cessions de droits de leurs cohéritiers dans celte succession.
On trouvera déjà une masse énorme qui suffiroit pour absorber
la succession du sieur Esmelin.
�(
4
)
. Mais que sera-ce, si on y joint les jouissances Ou les intérêts
des capitaux, à compter du moment du déccs de la dame Esmelin,
attendu qu’aux termes de l’article 174 de la Coutume de Bour
bonnais, l'usufruit des pères cesse de plein drojt, à 14 ans pour
les filles, et à 18 ans pour les mâles?
, Si on y joint pour 5o mille francs de ventes de bois de la com
munauté, faites par le sieur Esmelin, après le décès de sa fem m e,
toutes établies par preuves écrites ?
Pour pareille somme, au moins, de dégradations commises dans
les biens de la communauté, depuis la même époque?
Que sera-ce enfin, si on y joint plus de 225,000 liv.d e dettes,
connues lors du partage, ou découvertes depuis, que les intimés
ont payées , ou payent journellement pour leur compte et pour
celui de la dame Decliamps?
Non compris les prétentions de la dame de B a rd , qui-ont été
éteintes par le traité du i 5 avril.
Non compris encore les réclamations qui s’élèvent de toutes
paris contre cette succession, qui sont connues de la dame Dechamps , et qu’on se dispensera de relever, dans la crainte de les
accréditer.
Il résulte évidemment de ce tableau, q u e , la succession du sieur
Esmelin fût-elle d ’un million ( et elle est à peine du tiers) , elle
seroit insuffisante pour faire face au passif dont elle est grevée.
Et il ne faut pas perdre de vue, d ’une part, que la presque uni
versalité des acquisitions est antérieure au décos de la dame
Esmelin ; ce qui donne aux héritiers maternels droit h la moitié
de tous ces biens acquis, sans aulres charges que celle de la moitié
des reprises qui existoient alors.
D ’autre p^rt, que sur les 225,000 livres de dettes passives, il y
en a pour environ 200,000 livres , qui sont du fait seul du sieur
Esmelin, et n’ont été contraclées que depuis le décès de la dame
Esmelin; ce qui les fait uniquement frapper sur sa succession.
D ’autre part enfin, que les 2G7,55o livres de dettes actives dou
teuses, qui forment un des principaux objets de cetlte succession,
no
�(
*5)
ne doivent être comptées que pour le cinquième, au plus, de leur
valeur numérique ; les intimés en offrant l’abandon à 80 pour
100 de perte.
C ’est vainement que la dame Dechamps croit pouvoir affoiblir ce tableau, en cherchant à tirer avantage du testament de la
dame Esmelin , qui contient, dit-elle, legs du quart de tous ses
biens, au profit de son mari.
C e testament n’est pas rapporté, et il y a lieu de croire qu’il ne
le sera jamais ;
Il est olographe , et il n ’est pas écrit en entier de la main de la
dame Esmelin ;
C e n’est pas sans de bonnes raisons qu’on n’en a parlé que vague
ment dans le traité du i 5 avril;
Ce testament n’est pas d’ailleurs tel que le suppose la dame
Dechamps ;
Il porte legs de l'u su fru it, ou du quart en propriété, au choix
du sieur Esmelin;
E t le sieur Esmelin seroit censé, par le fa it, avoir opté l’usu
fruit , puisqu’il n’a cessé de jouir des biens de ses en fans, jusqu'à
sa mort. Encore faudroit-il distraire de cette jouissance la succes
sion de René Gibon , qui n’est échue à ses en fans qu'après le décès
de leur mère, et à laquelle , par conséquent, ce testament ne peut
avoir d’application.
Il est évident, d’après ce qu’on vient de dire, que si par l’effet
de l’anéantissement d e l à transaction du 1 5 avril, que la dame
Dechamps a l’imprudence de solliciter, chacun des cohéritiers
rentre dans son premier état , l’actif de la succession du sieur
Esmelin étant plus qu’absorbé par le passif, la dame Dechamps
ne peut, en sa qualité d’héritière, espérer d ’en retirer une obole?
Il importe peu, d ’après cela, d ’examiner s’il y a, ou non , lésion
dans l’estimation proportionnelle des biens dont le partage est
composé, comme le prétend la dame Dechamps.
T o u te fo is , pour ne rien laisser à désirer sur cette prétendue
lésion secondaire, les intimés rappelleront à la dame Dechamps,
D
�( 2 6 }
'
que les tien s-fo n d s qui composent son lot ont été choisis par
elle ;
Q u ’ils sont pour la plupart mêlés avec ceux de ses mineurs, et
par conséquent parfaitement à sa convenance;
Q u ’ils ont été estimés par des experts nommés par elle, logés
et nourris chez elle pendant tout le temps de leur opération.
Ils lui diront enfin que, malgré la baisse des biens-fonds, sur
venue depuis le partage, ils offrent de prendre pour leur compte
tous ceux qui se trouvent dans son lot, pour le sixième en sus de
l'estimation et du prix pour lequel ils sont entrés dans ce partage.
C ’en est assez, ou plutôt c'en est trop, sur cette prétendue lésion;
car les intimés n ’ont que trop bien prouvé que, loin que la dame
Dechamps soit lésée et dans les bases et dans les résultats du par
tage du 20 a v ril, elle a été traitée par ses cohéritiers avec une gé
nérosité sans exemple ; que tout ce qu’elle tient , tout ce qu’elle
possède de la succession de son père, elle ne le tient que de leur
libéralité, elle ne le possède que par leurs bienfaits.
On dit que ce fait est trop bien prouvé, parce que celte géné
rosité excessive semble nuire aux intérêts des mineurs Loisel.
Cependant on verra bientôt qu’on leur a rendu toute la justice
qu’ils pouvoient désirer.
§ III,
R e la tif a u x mineurs L o isel.
On ne peut se dissimuler que plus on a gratifié la dame Dechamps
et Procule Esmelin, plus les héritiers maternels ont dû faire de
sacrifices.
Ces sacrifices scroient faciles à justifier pour les mineurs Loisel.
On pourroit dire que des mineurs ne sont jamais lésés quand ils
marchent sur les traces de leurs cohéritiers majeurs, qui ont le
même intérêt qu’e u x , surtout quand de six cohéritiers cinq sont
majeurs, et reconnus pour être parfaitement capables de stipuler
leurs droits et de veiller à leurs intérêts.
On pourroit dire encore, comme l’ont fait les trois anciens juris-
�( ‘
27 )
consultes désignés par M . le commissaire impérial, pour donner
leur avis, que « tous les héritiers avoient le plus grand intérêt
» à ce que le partage n’éprouvât pas de retard. T o u s les bâtimens
» des domaines étoient en ruine. 11 éloit dû des sommes considé» rables, qui exposoient les cohéritiers à des poursuites ruineuses,
« et qui pouvoient absorber une grande partie des biens.
» La minorité des enfans Loisel rendoit ces poursuites pres» qu'inévitables, et chacun des cohéritiers pouvoit se voir expro» prier de ses biens propres, par la circonstance qu’il se trouvoit
» des mineurs parmi les cohéritiers.
» 11 s’élevoit des contestations sur la composition des masses, et
» la division entre les lignes paternelle et maternelle.......................
» sur les réclamations de plusieurs des héritiers , et il étoit impos» sible de prévoir la fin de ces discussions, et les suites funestes
» qu’elles pourroient avoir.
» La transaction qui termine toutes ces contestations sans frais,
» et dans l’espace de quelques jours qui avoient été employés à la
» préparer, offroit à toutes les parties des avantages qu’on ne sau» roit trop apprécier. »
Mais ce qui tranche toute difficulté, c’est l’indemnité que tous
les cohéritiers majeurs ont assurée aux mineurs L o isel, pour les
désintéresser et consolider leur ouvrage.
Il existoit dans la famille une succession dont les religieuses
étoient exclues par leurs vœ ux, et la mère des mineurs Loisel,
parce qu’elle éloit hors des termes de représentation.
C ’étoit celle de René G ib o n , décédé au mois de juillet 179°*
Il a été convenu par les art. 8 et g du traité particulier , du i 5
avril 1806 , que les mineurs Loisel seroient associés pour un sixième
dans cette succession, et qu’ils coinmenceroient par prélever 5280 fr.
Ilsontà partager, entr’autres objets, près de 3ooo francs de rentes
inscrites sur legrand livre, connues sous le nom de tiers consolidé ,
dont la liquidation est terminée depuis le mois de décembre der
nier, et dont la valeur, au cours, approche dans ce moment du ni
veau de leur capital.
Da
�( =8 )
Ils ont, par suite de cette association, une portion dans le domaine
de L a ro c h e , provenu de cette même succession.
Il a été en outre arrêté que le sieur Loisel préleveroit sur les pre
miers recouvremens 2000 f’r . , pour les frais de l’instance intentée
au nom de ses mineurs au sieur Esmelin ; frais qui eussent été
compensés et perdus pour ses mineurs, sans cette convention par
ticulière.
D e sorte que l’indemnité accordée aux mineurs Loisel, par leurs
cohéritiers majeurs , pour les dédommager des sacrifices qu’ils pouvoient faire au bien de la paix, par leur acquiescement au traité
du i 5 avril, peut être évaluée à environ 14 à i 5o o o lr .; tandis
que, dans le calcul le plus rigoureux, et en regardant comme un
bienfait absolu de la part des héritiers maternels les deux lots de
Procule et de Geneviève Esmelin , ce sacrifice ne pouvoit jamais
excéder 10000 I r . , formant le sixième de 60000 fr.
Quant à la prétendue lésion résultante du défaut de proportion
dans l’estimation des biens qui composent leur lo t, comparée aux
lots de leurs cohéritiers, c’est une inculpation gratuite faite aux
experts, dénuée de vérité comme de vraisemblance , et qui ne
prouve autre chose, si ce n’est l’habitude où est la dame Dechamps
de Lotit hasarder.
Ce seroit une tâche trop pénible et trop dégoûtante, que celle de
relever tous les faits faux et cnlomnieuxdont le mémoire de la dame
Dechamps est rempli; il faudroit écrire dos volumes, et surcharger
une contestation qui l’est déjà trop par elle-même.
Il suffira de rappeler quelques-uns de ceux qui ont une liaison
immédiate avec les objets en litige, pour se faire une idée de sa
véracité , de sa bonne foi sur tous.
Par exemple, on lit, page i 3, que lorsqu’elle a voulu se mettre
en possession des objets attribués à son lot, « à peine le foin du pré
» du domaine de Chirat a-t-il été coupé , que René Esmelin l’aîné
» et Deux-Aiguës sont venus avec une troupe de bouviers s’en ein)i parer à force ouverte, en l’accablant d’injures et de menaces. «
�( ^9 )
Oublions cette prétendue force ouverte employée contre une
fem m e , ces injures, ces menaces dont elle orne sa narration, pour
en venir au fait.
L e pré dont il s’agit faisoit partie de la réserve de Bouis, qui est
entrée dans le lot du sieur René Esrnelin.
Ce pré est nommément compris dans ce lot, q u i, comme to u s les autres, a été formé par les experts.
C ’est un fait prouvé par leur rapport, qui sera mis sous les yeux
de la cour , et qui est de la parfaite connoissance de la dame
Dechamps :
A b uno disce omnes.
« Scs cohéritiers se sont emparés du bois C h a b ro l, qu’ils font
» exploiter journellement par le sieur Gillot. »
C e bois Chabrol fait partie du lot de la dame Dechamps ; il y
est porté pour i 320 fr.
Mais c’est uniquement le fonds qui lui appartient.
Les arbres en étoient vendus au sieur Gillot, par le sieur Esmelin,
depuis plus de trois ans avant sa m o r t , à raison de 7 fr. le pied;
ce qui portoit la vente de ce bois Chabrol à 16000 fr.
Pourra-t-on se persuader que ce soit sérieusement que la dame
Dechamps, à qui on a donné le bois Chabrol pour i 320 fr. , en
réclame tout à la fois le fo n d s, qui vaut au moins 2/|00 f r ., et le
branlant, qui avoit été vendu 16000 f r . , et dont la majeure partie
étoit déjà exploitée lors du partage.
A b uno disce omnes.
(c Ils ont poussé l’injustice jusqu’à usurper un autre bois contigu,
» qui appartient particulièrement à ses mineurs, du chef de M . De» cham ps, leur père, et que le sieur Gillot exploite aussi. » Même
pa^e i 3.
Mais la dame Dechamps nous apprend e lle -m ê m e qu’il y a
procès pour les limites de ce bois : il n ’y a d o n c , jusqu’à la dé
cision , ni injustice, ni usurpation. Sub ju d ice lis est.
u 9°. Il y a lésion , en ce que René Esmelin, fils aîn é, n ’a point
�(
3o )
» rapporté à la masse les terres du B eyrat, de la Presle, la Sou» braut, Laroclie, le L ogis, etc. valant plus de 200000 francs, et
» qui ont été achetés et payés sous le nom de ce fils, indûment
» avantagé par le sieur Esmelin père. » Page 62.
L e sieur Esmelin a acheté par acte authentique, le 12 février
1792 , étant encore avec son père, un domaine appelé la Soubraut,
une maison , des vignes, pour la som m e, réduite à l’échelle, de
i 25oo fr.
La vérité est que celte somme a été payée par le sieur Esmelin
père. L e sieur René Esmelin en a fait le rapport à la masse lors
du partage.
Si le père avoit voulu avantager son fils, d une maniéré indirecte,
de cette acquisition, rien n eut été plus facile; il suffisoit de lui
donner quittance de ces i 25oo ir. qu’il avoit payés pour lui.
Ces fraudes ne sont pas rares, et les tribunaux peuvent diffici
lement les atteindre.
L e sieur René Esmelin s’est marié, et a quitté la maison pater
nelle le 8 frimaire an 5.
Sa femme lui a porté le revenu d’une dot de 4^000 f r . , dont il
a conservé l’usufruit après son décès.
Il a acquis en l’an g le bien de la Presle, par acte authentique,
au prix de 2^000 fr. dont 10000 fr. exigibles, et 14000 fr. en rente
viagère, à raison de 1400 fr. par a n ; il n’a déboursé pour cet
objet que 10000 f r . , c i ......................................................... 10000 fr.
Il a acquis, le 2 germinal an 1 1 , toujours par acte
authentique, le bien du Beyrat, 60000 f r . , dont 3oooofr.
en délégations de contrats, et
5oooo fr. en délégations
exigibles, c i ..............................................................................
Le 28 prairial an 12, il a acquis encore, par acte
authentique , la locaterie du Lut ou des Chaises Gooo fr.
3oooo
c i ...................................................................................................
Gooo
T
otal
46000 fr*
�(
3i )
Il a revendu , par acte authentique, une portion de la locaterie
2900 fr.
du Lut au sieur Louis Lurzat 2900 f r . , c i .......................
Par acte du 21 messidor an i 3 , il a vendu au sieur
Claude Esmelin la maison et le logis situés à Bellenave,
10000 f r . , c i .................. ........................................................ 10000
11 a revendu en détail le Lien de la Presle, par diffé
rons actes authentiques, 24000 f r . , c i .............................. 24000
Il a vendu au sieur Gillot le bois delà Soubraut 3ooofr.,
c i .................................................................................................
5ooo
Il a reçu de son père, à compte sur la succession du
sieur René G ib o n , 2600 f r . , dont il lui a fourni quit
tance, c i ................................................................ ....................
T
o t a l
.....................................................
2600
4 25oo fr.
Ainsi la différence est de 55oo fr.
Ce n ’est pas qu’il ne reste au sieur René Esmelin quelque for
tune personnelle ; mais, outre que cette fortune est grevée de
rentes viagères ou constituées , il la doit à l’heureuse circonstance
d’avoir acheté bon marché, et d’avoir revendu cher;
A l’extinction de quelques viagers;
A une bonne administration ; à de grandes améliorations ; à son
industrie.
Loin qu’il ait puisé pour ces acquisitions dans la bourse de son
père, qui étoit, comme on l’a v u , dans un tel état de gêne que
sa liberté étoit compromise à chaque instant par l ’échéance des
lettres de changes, le sieur Esmelin père, dans un pressant be
so in , avoit touché, peu de temps avant sa m ort, 6553 liv. prix
d ’une vente de bois qui appartenoit à son fils.
Comme ce fait étoit notoire dans la famille, il n’est venu en
idée à aucun de ses cohéritiers de lui contester cette somme de
6555 liv. qui fait partie des dettes passives de la succession.
Il n’y a pas un fait avancé par la dame Dechamps, auquel il ne
fût facile de faire une réponse aussi satisfaisante, si le temps et
la patience permettoient de les relever tous.
�( 32 )
Il reste à dire un mot de deux objets dont se plaint la dame
Dechamps, et sur lesquels les intimés sont prêts à lui rendre justice.
L'un est relatif à ses créances contre la succession du père com
mun , qui dérivent de sa dot moniale et d ’arrérages de pension
qu’elle prétend ne pas avoir été liquidées exactement.
Les intimés rapportent cette liquidation faite par M . Bergier,
et écrite de sa main; ils sont convaincus que cette liquidation est
exacte. A u surplus, ils offrent de revenir à compte avec elle sur
cet objet, ou devant tel commissaire qu’il plaira à la Cour de nom
mer, ou devant les premiers juges.
L e second est relatif à la somme de 4 n 5 liv. de mobilier porté
dans son lot..
Elle prétend que son lot est trop chargé de cette nature de
biens, et en cela, ses plaintes sont évidemment indiscrètes; car il
y a , y compris les rapports, au moins i5o,ooo liv. de mobilier
dans la succession , et sa quotité proportionnelle seroit d ’environ
ioooo liv.
Elle se plaint aussi de n ’avoir pas reçu cette somme ;
Elle n’en”a reçu en effet qu’une partie.
Une autre partie a été payée en son acquit pour dépenses com
munes.
Une autre partie est encore en nature, notamment les bois de
sciage.
Enfin, il y a un déficit dans le mobilier, à raison des distrac
tions qui en ont été laites en nature ou en deniers, auquel il
doit être pourvu de la manière convenue pur le traité particulier
du i5 avril.
T o u t cela exigeoit des rapprocliemens entre la dame Dechamps
et le sieur René Esmelin aîné, que les contestations pendantes
ontr’eux ont rendus impraticables.
Mais le sieur René Esmelin est toujours prêt h lui rendre justice
sur ce p o in t, qui dépend d'un compte qu’il offre encore de faire
devant tel commissaire qu’il plaira à la cour de nom m er, ou de
vant les premiers juges.
Encore
�( 33 )
Encore un mot :
L e sort de la dame Dechamps est dans les mains des intimés.
S ’ils acquiescent à ses demandes, elle est perdue.
S’ils lui résistent, c ’est par pitié pour elle , c’est pour l’arrêter,
la malheureuse, au bord du précipice qu’elle creuse sous ses pas.
Quant aux mineurs L o is e l, leurs intérêts sont à couvert.
Ils sont amplement dédommagés dans la succession de René
G ib on , des sacrifices qu’ ils font au bien de la paix.
D ’ailleurs, les traités et le partage des 1 5 et 20 avril ont eu
l’assentiment de leur père, de leur aïeul maternel, leur subrogé
tuteur, de leur famille deux fois assemblée pour en prendre connoissance, des anciens jurisconsultes deux fois désignés par le com
missaire impérial, du commissaire impérial lui-même, enfin des
juges du tribunal de G a n n a t, q u i , parfaitement instruits des faits ,
des circonstances et des localités ,_se sont empressés de les homo
loguer et d’en ordonner l’exécution.
T a n t d ’autorités réunies ne permettent pas de douter de l’uti
lité, de la sagesse, de la nécessité de ces traités pour les mineurs
comme pour les majeurs , et les intimés espèrent que la Cour voudra
bien , en les consacrant par son a rrê t, mettra la dame Dechamps
dans l’impuissance de se nuire à elle-même , et de nuire désormais
à sa famille.
S ig n e ' R e n é E s m e l i n ,
G ilbert
Esmel i n - D e u x - A i g u es ,
C l a u d e - A m a b l e L a p e l in , M a r i e - M a g d e l e i n e Esme l i n - L a p e l i n , J e a n - F r a n ç o i s L a g a u d e - D e l a v i l en ne , T h é r è s e Esmel in -L a v ile n n e , M a r ie-A d elaïd e Esm elin,
/
ve u v e D ebart
B O I R O T , a n c ie n ju r is c o n s u lt e .
H U G U E T , avoué.
A C L E RM O N T , de l'imprimerie de L andriot, imprimeur de la Prélecture.
�
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Factums Marie
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[Factum. Esmelin, René. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Huguet
Subject
The topic of the resource
traités de familles
successions
émigrés
inventaires
arbitrages
coutume du Bourbonnais
conseils de famille
partage
experts
Description
An account of the resource
Mémoire pour René Esmelin, Gilbert Esmelin-Deuxaigues, Claude-Amable Lapelin, et Marie-Magdeleine Esmelin, son épouse ; Jean-François Lagarde-Delavilenne, et Thérèse Esmelin, son épouse ; Marie-Adélaïde Esmelin, veuve Debard, intimés ; contre Geneviève Esmelin, veuve d'Amable Dechamps, ex-religieuse, appelante ; en présence de Procule Esmelin, ex-religieuse ; et encore en présence de Jacques-Marie-Pierre Loisel-Guillois, tuteur de ses enfans, héritiers d'Agnès Esmelin, leur aïeule maternelle, aussi intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1756-Circa 1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
33 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0544
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Moulins (03190)
Paris (75056)
Château-Thierry (02168)
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Domaine public
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Successions
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C O Ü R D’A P P E t
PRÉCIS
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E S G O T , ;appelans ;
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R a i m o n d D E M O L E N et M a r g u e r it e R O Q U E LAURE
,
son épouse y intimés.
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,J i l .
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:
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, sie u r de G o u rd o n , président e n t
l’élection d’Issoire, est mort dans son château à Cheynat,
le 29 janvier 1767, laissant de son mariage avec Jeanne
Concheton, deux filles, Marguerite Garnaud, pour lors
veuve de Martin Chassaing décédée sans postérité le
EAN G
R IOM .
arnaud
6 février 1790, et autre Marguerite G arn aud , épouse
de Louis R oqu elaure, décédée elle-m êm e le 28 sep-
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A
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lémbre 1 7 9 2 , laissant pour héritiers les dames D em o len et de Lassale, ses deux filles.
Par actes des
3q.juin 1 7 1 3 , ¿0 décembre 1780, et
16 mars 17 3 3 , Jean Garnaud avait vendu h Barthé
lém y et Antoine Mathias de S a in t-À m a n d -R o c h e Savine, divers immeubles provenant de Jeanne Conchelon sa fem m e, et situés à Saint-Amand-RocjbeSavine.
*
Jean Garnaud a y a n t convolé en 1780 à de secondes
noces, avec A nne C u rie r, ses deux filles le firent priver
de l’usufruit des biens de Jeanne Concheton leur mère}
et cette privation d’ usufruit fut prononcée par sen
tence du 14 juillet 1750.
En cet état de choses, et du vivant de Jean Gar
naud, ven d eu r, Marguerite et autre Marguerite G ar
naud ses filles , héritières de Jeanne Concheton leur
m ère, fo rm e n t, par exploit du 28 juillet 17 5 7, contre
Joseph et Barthélémy Escot, représentant Barthélémy
et Antoine Mathias, acquéreurs, la demande en désis
tement des immeubles aliénés en 1 7 1 3 , 1780 et 1733.
Les sieurs E sco t, du vivant de Jean Garnaud leur
vendeur, ont un recours assuré contre lu i3 mais ils ont
aussMa faculté d’exercer sesMpCfits, conséquemmerit de
faire valoir ses reprises contre la succession de Jeanne
Concheton; et c ’est ce dernier parti qu’ils prennent par
u n e requête signifiée le 28 mars 1762.
'
Un acte notarié , du 3 mars 17^8, dont il n’a été
donné copie qu’en 1809, nous apprend que pendant
que Marguerite G arnaud, veuve Chassaing, poursui
�(5)
vait l’éviction des immeubles vendus par son père, elle
s'était fait souscrire par lui une vente de tous ses meu
bles meublans. Ils sont détaillés dans l’acte. L e père s&
réserve la jouissance de ces meubles; il déclare que la
majeure partie en est rompue et pourrie, et qu'ils ont
presque tous besoin de raccommoder. L e prix de la vente
est de la somme de 390 fr. dont l ’acte porte quittance.
Il paraît encore que par autre acte notarié, du i 5
mai 1 7 5 8 , signifié aussi en 1809, Jean Garnaud s’était
départi de l’usufruit réservé moyennant 190 francs,
dont L’acte porte également quittance.
Jean. Garnaud avait survécu près dè 9 ans à la date
de ces actes, puisqu’il n’est mort que le 29 janvier 1767;
et à son décès les dames Chassaing et Roquelaure, ses
deux filles, se mirent en possession de tout ce qu'il
avait laissé en biens meubles et immeubles.
Cependant la’ dame Chassaing fait au greffé>d e .la
châtellenie d ’O loy , le 9 février 1 7 6 7 , une déclaration
précieuse pour la cause. Elle déclare qu’elle répudie
la succession de Jean Garnaud son père; que si elle ne
fait pas d’inventaire , c’test que ce mobilier lui a été)
vendu par acte du 3, mars 176 8 , et que si elle con
tinue la jouissance des immeubles, ce sera uniquement
comme créancière.
Voilà donc la dame Chassaing e n possession de tout
ce que son père a laissé; possession antérieure h la ré
pudiation; possession continuée après la répudiation ;
possession qui continue encore dans les mains; d e! là
dame Demolen son héritière. •
�(6 )
Quant à autre Marguerite G arn au d , femm e Roquelaure;ielle répudie purement et simplement la succes
sion de Jean Garnaud son p è re , par autre acte du
mêm e jour 9 février 1767 ; mais elle n’en est pas moins,
com me la dame Chassaing sa sœur, en possession des
biens, avant^ lors et depuis sa répudiation. ’
Ces deux dames abusent de leurs répudiations, et
d ’une qualité de créancière de leur père qu'elles pren
nent et qu’elles n ’o nt jamais justifiée; elles en abusent
pour tourmenter ceux même qui ont acquis de Jean
Garnaud leur p è r e , des biens à lui propres; et diffé*rens actes rapportés établissent qu’elles sont parvenues
à évincer quelques acquéreurs.
Quoi qu’il en s o it, une sentence rendue le 26 no
vem bre 17.71, prononce contre la famille Escot le dé
sistement demandé en 17^ 7; la famille Escot interjette
appel de cette sentence par exploit du 4 mars 1 7 7 2 ;
et par requête signifiée le 3 i d écem b re, elle oppose
que les dames Chassaing et Roquelaure se sont empa
rées de tous les biens meubles et immeubles de leur
p è r e ; qu’elles en sont e n c o re ^ n possession; qu’elles
sont donc héritières dè leur père, vendeur, et qu’elles
sont dès-lors garantes de leur propre demande.
Les dames Chassaing et Roquelaure rapportent leurs
répudiations ; les répudiations sont contredites par
écriture signifiée le a mai 1 7 7 9 , et la copie de cette
écriturd* n’est pas dans la production de la dame D e m o le n , quoiqu’elle y ait répondu par autre écriture
du
3 août même année. -
'
�(7 )
L e procès demeure impoursuivi jusqu’en l ’an u ,
et pour l’honneur des sieur et dame D em o len , il eût
dû à jamais rester dans l’oubli. C ’est donc en l’an n ,
que la dame Demolen reprend, en qualité d’héritière
de la dame Roquelaure sa m ère, le procès commencé
en 1 7 ^ 7 , contre la famille Escot, et par acte du 22
mars 1809 3 elle le reprend comme héritière de la
dame Chassaing sa tante. ; • ■
•
L a famille Escot est sans pièces; elles se sont per
dues dans la succession du jurisconsulte L a p e y r e , e t i i
a fallu recourir à la com munication.de celles de la
dame Demolen. lia famille Escot a eu des inquiétudes
pendant quelque tem s, mais elle est aujourd’hui plei
nement rassurée, et elle se plaît à croire que tout son
malheur se bornera à la difficulté du recouvrement des
frais d’une procédure égarée.
La réclamation de la dame Demolen n’annonce rien
de noble, rien de délicat; elle est m êm e, on peut le
d ir e , révoltante.
Cette dame possède, ou a disposé des biens de Jean
Garnaud son a ïe u l, et elle ne veut pas en être héri
tière, afin de dépouiller des liers détenteurs qui ont
acquis sous la foi de la garantie promise par Jean
Garnaud.
E t d’abord elle s’est emparée de son m obilier; des
réflexions bien simples vont en convaincre. '
L a vente de 1758 est évidemment simulée; fût-elle
sérieuse? elle, ne comprend aux termes de l’acte quedes meubles meublans, rompus et pourris, au moment
de la convention. '
�(8 )
Mais Jean G arnauda survécu n eu f ans à celte vente.
Pendant:le long espace (assez long) de n euf années,
Jean Garnaud a dû nécessairement faire et a fait d’autres
meubles en remplacement des meubles rompus et pour
ris , à une époque remontant à plus de n e u f ans; et ces
nouveaux m e u b les, à son décès , ont été confondus.;
dans les mains de la dame Chassaing, sans inventaire.
Mais cette vente ne compr.end encore que des meu
bles meublans, et Jean Garnaud a laissé, en mourant,
du mobilier vif, des bestiaux dans son bien de Clreynat ;
il a laissé des papiers; mourant au mois de janvier, il
a laissé récolte ou grains, et la dame Chassaing s’est
emparée.de tout-; elle-a tout pris, sans, compte et sans,
mesure y elle a tout gardé. Il serait donc difficile de
concevoir, n’en déplaise à la répudiation, que la daine
Chassaing, et après elle la dame Demolen sa nièce, ne
soit pas héritière de Jean Garnaud son père et aïeul.
La dame Demolen , ou quoique ce soit la 'dame
Lassale sa sœur (elles ont fait partage des biens de leurs,
père et m ère), possède tous les immeubles laissés par
Jean Garnaud; elle en possédé même que Jean Gar
naud avait aliénés , et dont relie n ’a pas rougi d’évin
cer ses acquéreurs, par ¿îbus dç répudiation et d’une
qualité.de créancier, ou usurpée, ou insignifiante pour
effacer celle d’héritier.
Il faut croire que la dame Demolen persistera dans
cet le qualité de créancier, qui est le seul mo)?en d e cause
qu’elle puisse opposer à la famille Escot; niais le tenvs
dp l’illusion est passé.
�(
9
}
Et d’abord comment la dame Demolen justifie-t-elle
qu’elle est créancière de la succession de Jean Garnaud
son aïeul, soit du chef de la dame Roquelaure sa m ère,
soit du c h ef de la’ dame Chasssaing sa tante? Où sont
ses titres de créance? on n ’en voit nulle part dans sa
production; la sentence de 1760 ne porte autre chose
qu'une privation d ’usufruit ; il n’existe pas de sentence
de liquidation ; il ne fut même jamais nommé de cu
rateur à la succession de Jean Garnaud, et cela parc^
que dans aucun tems, cette succession n’a été vacante.
E n second lieu, la dame D em olen supposée créan
cière, n ’a d û , n’a p u , en cette qualité, s’emparer des
biens de Jean'G arnaud son prétendu d é b ite u r, sans
en ayoir obtenu la permission de la justice. L ’omission
de ce préalable, impérieusement exigé par la -lo i, a
rendu la qualité d’héritier inséparable de la main mise
sur les biens.
;
î •
I,a dame Demolen devait faire inventaire dû m o
bilier, n’e u t - c e été même qu’un simple récolement
pour justifier (chose impossible), que le mobilier mort
et v if de toute espèce, laissé par Jean Garnaud en 1 767,
ne se composait^que des meubles meublans, rompus et
pourris, qu’il possédait en 17 5 8 , et qu’il avait vendus
én 1768. '
Si la dame Demolen ne figurait au procès que comme
héritière de la dame Roquelaure sa; mère, et si elle se*
permettait de désavouer la mise en possession de tous
les biens de Jean Garnaud , dès le jour mêm e de son
décès, la famille Escot serait réduite à la nécessité de
�C 10 )
faire une preuve qui ne serait pas difficile, car le fait
est notoire dans le pays.
Mais la dame Demolen figure encore comme héri
tière de la dame Chassaing sa tan le; sous Ce rapport,
la famille Escot; a preuve écrite de la main mise, et
cette preuve écrite émane de la dame Chassaing ellem êm e.
i
Les termes de la répudiation du 9 février 1767 sont
e.ncore présens. « Je répudie la succession de Jean
« Garriaud'mon père ; je ne fais pas d’inventaire du
« mobilier qu’il m ’a laissé le 29 janvier 1 7 6 7 , date
« de son décès, parce qu’en 1768 il in’avait vendu
« les meubles meublans qu’il possédait en 1768. Je
a continuerai la jouissance de ses immeubles parce
« que je suis créancière de sa succession. » '
L es conséquences à tirer d’une déclaration si extra
ordinaire, sont faciles à saisir; et ce serait faire injure
aux magistrats qui la liro n t, que de les faire mieux
sentir.
E n troisième lieu , la dame Demolen toujours sup
posée créancière, on va plus loin , supposée non-hé
ritière, il faudrait, encôre connaître la date et l’objet
de ses hypothèques, par la raison’bien simple, que la
famille Escot a une hypothèque aussi; que les biens
Garnaud en sont le gage. Si donc cette hypothèque
de la famille Escot primait celles de la dame Demolen,
évidemment sa menace d’éviction serait ridicule et sans
intérêt, puisque la dame Demolen aurait dans les maius
le gage entier de la garantie de cette éviction.
�( 1 1 )
Si l’hypothèque, au contraire, de la dame D em olen
avait la priorité, il faudrait toujours en reconnaître et
fixer le quantum , pour s’assurer si le gage de cette h ypo
thèque en excède ou non la valeur, et laisser au moins
à la famille Escot la faculté de s’emparer de tout son
gage (car c ’est le sien aussi), en remboursant à la dame
Demolen toute créance antérieure en hypothèque; et
toujours serait-il vrai de dire que la dame Demolen
serait, quant à présent, non-recevable dans sa demande.
Si la Cour n’était pas frappée des moyens de la
famille E sco t, pour faire proscrire la réclamation in
décente de la dame D e m o le n , moyens que l’on croit
sans réponse, il faudrait, dans ce cas, se livrer à l’examen
des reprises de la succession de Jean Garnaud, contre
la succession de Jeanne Concheton, dont le rembour
sement ne pourrait être qu’une charge de l’obtention
du désistement. Mais à cet égard, l’état de ces reprises
est détaillé par la requête du 28 mars 17 6 2 , et il n’a
souffert qu’une contradiction vraiment p ito y a b le ;l’état
lui-même est appuyé de pièces justificatives dont copie
est dans la production de la dame Demolen , et dont
la critique ne saurait dans tous les cas fixer l’attention
de la Cour.
M .r M A N D E T , Rapporteur.
M .e M A R I E , Licencié-Avoué.
À RIOM, DE L ’IMP. DU PALAIS, CHEZ J. C. SALLES.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Héritiers Escot. 1809?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Mandet
Marie
Subject
The topic of the resource
successions
répudiations de successions
Description
An account of the resource
Précis pour les héritiers Escot, appelans ; contre Raimond Demolen et Marguerite Roquelaure, son épouse, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie du Palais, chez J.-C Salles (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1809
1713-Circa 1809
1661-1715 : Règne de Louis XIV
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
11 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0543
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
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répudiations de successions
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M EMOIRE
P o ur les C R E A N C I E R S de D
ümergue
, originaire de la
commune du Valbeleix;
C ontre
Ledit D U M E R G U E , accusé de banqueroute fra u d u leu se,
R E Y N A U D - R I C H O N et R E Y N A U D je u n e , ses complices.
R E Y N A U D jeune et R eynaud-R ich on sont frères: ils sont origi
naires d’Espinchal, village dans lequel on vient au monde marchandcolporteur , et où la mauvaise foi dans les opérations commerciales
(sauf quelques exceptions infiniment rares) s’est transmise, depuis
un tems immémorial, de génération en génération. C ’est-là qu’abondent ces flibustiers du commerce , connus dans nos m ontagnes
sous le nom de L e vaires(1 ) } qui promènent, tantôt dans un dépar
tem ent, tantôt dans un autre, leur industrie dangereuse, qui trom
pent les négocians en gros et les fabricans par une exactitude dans
les paiemens qui n ’est pas de longue durée, et marquent chaque
tournée par une banqueroute plus ou moins considérable.
Elevé à une pareille école, R ey n au d -R ich o n ne pouvait faire
que des progrès rapides. Il avait reçu de la nature un grand fonds
d’impudence, un front d’airain, de la pénétration, et des dehors
qui masquaient les inclinations les plus vicieuses ; il a mis à profit
pendant vingt ans ces funestes avantages.
Il n’avait pas six francs à sa disposition, lorsqu’il partit pour la
première fois d’Espinchal, avec un de ses frères qui est décédé
depuis à Besse; et au bout de deux ou trois ans, ils revinrent au
pays, bien montés, bien équipés, et chargés d’or: c ’était le résultat
( 1) T r o m p e u r s , filous, escrocs.
I
�( a )
d’nne campagne dans l’Orléanais et dans la Tourraine. L e bruit se
répandit alors qu’ils avaient fait une banqueroute de 80,000 fï.
Dans les premières années de la révolution, il fit des incursions
dans la Normandie , et il en enleva des marchandises pour des
sommes considérables. Il conduisait son butin dans les provinces
méridionales; déjà il était arrivé chez le sieur Versepui à SuintGerm ain-Lem bron, lorsqu’il fut atteint parles négocians qu’il avait
volés, et qui étaient à sa poursuite. Dès qu’il les vit entrer dans
l ’auberge, sauter sur ses pistolets, assurer sa retraite, offrira l ’au
bergiste qu’il trouva sur son ch em in , cinquante lou is, pour l ’aider
à sauver ses marchandises de l’embargo qui les menaçait, ce fut
pour lui l’affaire d'un instant. Mais Versepui rejette avec indi
gnation la proposition qui lui est faite; le juge de paix et la muni
cipalité se rendent sur les lieux; ils reçoivent la dénonciation des
parties intéressées; et R e y n a u d -R iclio n n’évita une instruction
criminelle qu'en traitant avec elles, par Centremise d'un tiers, et
en leur abandonnant les marchandises.
Il épousa, quelque tems après, la demoiselle Richon. Si cette
alliance ne le rendit pas meilleur, on est obligé d’avouer qu’il
devint plus prudent. Il fixa au P u y le siège de son commerce et
de sa fortune. Il gagna la confiance de plusieurs maisons de com
m erce, en satisfaisant à ses engagemens avec exactitude; mais il
se servit de ce crédit pour introduire dans ces magasins des hommes
insolvables et sans a v e u ; il fit, sous leur nom, des achats consi
dérables, qui ne furent pas payés; et il crut avoir trouvé le moyen
de continuer sans risque les opérations hasardeuses auxquelles il
s’était livré avant son mariage.
Des négocians aussi indignement volés, ne gardèrent pas tou
jours le silence sur ses escroqueries. Rc37naud-Richon fut arrêté
en l’an 10, sur la plainte des sieurs Roibon , Marret et B a u ve t,
B o u le t, Guay-Jendron ; et un jugement correctionnel, rendu par
le tribunal de pi ornière instance de L yo n , le condamna à une
année d’emprisonnement, à 3 oo fr. d’amende, et à restituer au
�(3)
sieur Roibon 22,868 iï\ , au sieur Marret 7,662 fr. 10 sous, et aux
sieurs B a u vet, B oulet, Guay-Jendron, 18,000 fr ., pour le m on
tant des marchandises à eux escroquées par les individus désignés
dans la p la in te , et qu’ils avaient livrées sous la recommandation
de l ’accusé.
Reynaud interjeta appel de ce jugement. La famille entière de
son épouse vint à son secours; les juges furent circonvenus d ’inIrigues, et quoiqu’il fût constant au procès, que Reynaud-Richon.
avait profité des marchandises vendues sur sa recommandation (1),
le tribunal criminel infirma le jugem ent, et ces malheureux n égocians furent condamnés en 6,000 fr. de dommages-intérêls.
L e résultat inattendu de ce procès criminel ne pouvait qu ’en
courager un homme comme Reynaud-Richon: aussi un délit sem
blable a-t il donné lieu à la procédure criminelle qu’on instruit
contre lui, contre Reynaud je u n e , son frère, contre Joseph Dum ergue, dit Coslabros, dit R ousseau, dit Rouget et dit Guerrier,
comme auteurs ou complices de banqueroute frauduleuse.
11 est démontré qu’il a existé entre ces individus et un nommé
Angiem i une association criminelle pour faire vendre à D um ergue, et à Reynaud cadet, sous le faux nom de Reynaud de la
Pruneire, et sous la recommandation de R e y n a u d -R ic h o n , des
marchandises qu’on n’élait pas dans l’intention de p a yer, pour
se partager ensuite ces marchandises, et faire disparaître ceux de
la bande qui auraient joué le r ô l e d’acheteurs. R eynaud-R ichon,
Beynaud jeune, et depuis peu Dumergue sont sous la main de
la justice. Un juri de jugement va prononcer sur leur sort, et on
ignore sous quel ciel respire Angremi.
Les Reynaud ont fait paraître à Issoire, au moment de la
convocation du juri d’accusation, un mémoire imprimé qui devait
produire un excellent effet; il était sur-tout appuyé de sollicila(1)
L e marchnnd-commissionnaire fut sollicité par Reyn au d de certifier que les mar
chandises n’avaient pas été portées dans son magasin a u E u y j mais il donna au plaignant
une attestation contraire*
�( 4 )
lion«;, d'intrigues, et de cette foule de petits moyens préparés à
l ’avance, employés à propos, et qui n’obliennent que trop sou
vent du succès. Ce mémoire contient autant de mensonges que de
lignes; les faits y sont dénaturés; les accusés s’y portent hardiment
pour accusateurs ; les imputations les plus calomnieuses y sont
prodiguées à des négocians honnêtes qui n’ont d’autre reproche
h se faire que d’avoir accordé de la confiance à des misérables
qui n’en méritaient pas.
Ces négocians devaient à l’honneur du com m erce, ils se devaient
à eux-m êm es d ’imprimer une réponse, et ils l’ont faite dans le
même tems.
L e moment de la convocation du jury de jugement approche.
L e s R e y n a u d , réunisaujourd hui à D um ergue, reproduiront sans
doute, et leur m ém oire, et les mêmes moyens. Il est bon de les
prévenir en faisant réimprimer et publier de nouveau la réponse.
R ey n au d -R iih o n , que le crédit de la famille de son épouse a
sauvé une première fois dans une circonstance absolument sem
blable, a senti le besoin de parler de son alliance avec la famille
Bichon (alliance qui n’est pas la moindre de ses escroqueries);
mais il s est tu, et sur ses démêlés à St.-Germain-Lembron avec
ces négocians de la Normandie qu’il avait volés, et qui le suivaient
a la p isle, sur le jugement d absolution, rendu sur appel en sa
faveur, par le tribunal criminel du département du R h ôn e, le 3o
floréal an 10, et sur celui du Iribunal criminel spécial du même
département, du 6 floréal an 12, qui a condamné Guillaume R e y naudson frère, à six années de fers et à l’exposition, comme fabiicaleur et négociateur de fausses lettres de change.
A quoi bon, en effet, donner connaissance au public de cette
série de procédures criminelles, instruites contre lesR eyn au d , de
ces luttes dangereuses desquelles ils étaient sortis, tantôt vaincus/
tantôt vainqueurs? Le rédacteur de leur mémoire savait bien qu’un
jugement d’absolution pour fait d ’escroquerie n’est pas un tilre
excellent en faveur de celui qui est poursuivi pour un délit de la
mêm e nature. Malheur à l’homme qui est accusé si souvent!
�(5)
Il valait bien mieux parler de la famille Riclion, dire qu’on avait
des beaux-frères législateurs, avocats, juge de p a ix , receveur des
contributions, notaire et receveur de l’enregistrement.
Accoler le nom des Reynaud à celui d’une famille honnête et
respectable, c’était sans contredit les présenter de la manière la
moins défavorable; mais cela ne suffisait pas pour convaincre de
leur innocence : il fallait prouver que Reynaud-Richon n’avait pas
introduit le banqueroutier frauduleux Dumerguedans difïérens m a
gasins de L y o n ; qu’il ne lui avait pas été vendu de la marchan
dise pour des sommes considérables sur cette recommandation;
que cette marchandise n’avait pas été partagée entre les accusés,
et que Reynaud-Richon n’en avait pas été trouvé saisi ; il fallait dé
montrer que Reyna ud jeune n’avait pas joué ensuite, mais avec moins
de succès, le rôle de D um ergue, et qu'il n’avait pas eu ReynaudRichon, son frère, pour complice. D e tout cela, rien n’a été fait.
L es preuves de complicité, résultant de la procédure et des cir
constances de l’affaire^ bien loin d’être atténuées par le mémoire
des accusés, sont portées au contraire à un plus grand degré d ’évi
dence par les faux raisonnemens et par les aveux involontaires qui
leur sont échappés.
Magistrats, jurés, citoyens, vous tous amis de la justice et de
la vérité, nous allons vous en convaincre.
F A I T S .
Dans les derniers mois de 1807, D um ergue, originaire de Costabros, commune du Valbeleix, fut introduit par Reynaud-Riclion
dans les magasins des sieurs Despeisse et Charmet, Ilardouin-Espesse et compagnie, négocians à L yon : Reynaud-Richon faisait
depuis long-tems des affaires avec ces maisons; et sur sa recom
mandation, sur l’assurance réitérée qu’il donna, et de la probité
et de l’état des affaires de Dum ergue, non-seulement on lui vendit
de la marchandise, mais même le sieur Despeisse se donna la peine
de le recommander à d’autres maisons de commerce.
�(6
)
En février 1808, Dumergue revint à L y o n , et il fil des emplettes
dans quatorze ou quinze magasins. 11 en remplit plusieurs malles,
dont trois, comme on le verra, restèrent en dépôt chez Escalier,
de L y o n , beau-père de cet A n grem i, que Dumergue appelle son
commis, mais qu’une foule de circonstances désignent com me son
associé. Les autres malles et ballots vinrent en A u vergn e; quel
ques-unes contenaient les marchandises dont Reynaud-Richon a
été trouvé saisi lors de son arrestation. On doit observer comme
fait essentiel, que Dumergue avait commandé et acheté ces malles
chez le nommé B ru n e t, marchand c'oiïre lier à Lyon , et que celles
saisies avec Reynaud-Richon ont été reconnues par le sieur Brunet,
qui a été appelé en témoignage.
Dum ergue avait iait quelques effets qui furent prolestés à leur
échéance. Il devait faire un voyage à L yo n dans le courant de
m ars, pour payer tout ou partie des marchandises qu’il avait
achetées, et il n’y parut pas. A u contraire, il renouvella ses de
mandes par des lettres écrites de la main de R eynau d -R ichon, en
date des 2b et 26 février 1808. Ainsi, Dumergue et Reynaud-Richon
noncontens de s’être partagé les malles et les ballots provenant des
derniers achats, visaient à de nouvelles escroqueries. Dumergue
donnait, dans ses leitres aux marchands de L yon , des raisons plau
sibles du retard qu il leur faisait eprouver. Il annonçait son arrivée
comme très-prochaine : le corps de l'écriture était de la main de
Reynaud-Richon , et les lettres étaient signées Dumergue.
Reynaud-Richon avait introduit ce dernier dans quelques m a
gasins, et il fut convenu qu’à son tour il y introduirait Reynaud
jeune, sous le nom de Re}rnaud de la Pruneire. Reynaud-Richon
servait encore de secrétaire à D um ergue, et ces deux li ipons écri
virent et signèrent des lettres adressées à M M . Giroux, Rits et
companie, V e l a t , V erzier, etc.
Muni de ces lettres de recommandation, Reynaud jeune partit
pour L y o n , et se rendit dans les magasins qu’on lui avait indiqués.
Mais il n’obtint pas tous les succès que les associés semblaient
�(7)
attendre. Dum ergue ne venait pas, n’envoyait aucun à-com pte,
et devenu suspect lui-même, son intervention, en faveur de R e y naud je u n e , se disant alors Reynaud de la P ru n e ire , ne pouvait
pas être bien puissante. L a maison Rits et compagnie lui vendit
quelque chose; mais ailleurs il éprouva des refus, et notamment
de la part de la maison Verzier.
Cependant les inquiétudes des créanciers de Dum ergue allaient
en croissant J
; ils ignoraient
le lieu de sa résidence: ils avaient écrit
O
à A rdes, sans recevoir de ses nouvelles : ils s’adressèrent donc à
Reynaud-Riclion. L e 6 avril 1808 , M M . Despeisse et Chai met
lui mandaient : «• Depuis long-tems M. Dumergue n’a pas donné
« signe de vie à ceux avec qui il fait des affaires dans notre ville,
« et nous principalement , en attendons avec d’autant plus de
« de raison, que nous avons fait pour lui un remboursement d’un
« effet qu’il nous avait cédé sur M e n d e , qui a été protesté. T o ut
« cela, joint à ce qu’il nous doit, nous a gêné beaucoup; cepen«■d a n t , d'après ses promesses et sa parole d’honneur, avant son
« dernier départ de L y o n , il devait être de retour pour le mois
« expiré, et nous porter de l’argent. Ce silence nous inquiéterait
«• encore beaucoup , si nous doutions un seul instant de sa bïa« vo'ure et de sa loyauté envers nous, qui lui avons accordé les prê
te nuers notre confiance sous vos auspices, et qui l’avons lié et même
« répondu pour lui auprès des maisons qui ne le connaissaient
te nullem ent, et qui lui ont délivré ce qu’il a voulu. Les obser« valions que nous vous faisons ne proviennent pas d’une crainte
« de notre part , parce que nous sommes surs qu e, s'il était dou« teux , vous êtes trop brave pour ne pas nous en instruire et nous
re induire en erreur, puisque c’est à votre considération que nous
« lu i avons vendu. M ais obligez-nous de nous dire, courrier par
« courrier, où iL e s t , et où nous pouvons lui écrire, etc. ».
Cette lettre, trouvée sur R eynau d -R ichon au moment de son
arrestation , resta sans réponse.
L e 1 1 avril 1808, la maison Ilardouiu lui écrivit pour le prier de
�(8)
luire tenir une lellre à Dum ergue dont 011 ignorait le dom icile,
et pour lui demander des renseignernens sur l ’état de ses affaires.
Il répondit le 18 en ces termes : « En répondant à l'honneur
« de la vôtre d u . . . . avril courant, j ’aurais désiré vous donner
« des renseignernens positifs sur M. D um ergue; mais ne l’ayant
« point vu depuis la foire de Clermont ( 1 ) , et même ayant
«■appris par mon frère, qu’il se passait certains bruits sur son
« com pte, et cela, je viens d ’en être instruit depuis trois à quatre
«• jours (4), j ’ignore les affaires que vous avez pu faire ensemble;
« elles sont toujours trop conséquentes, si vous êtes dans le cas
« d’éprouver quelques désagrétnens ».
Ne recevant aucunes nouvelles,ni de Dumergue , nid eR eyn aud l lic lio n , le s.r Despeisse part pour le Puy. Pendant le court
séjour qu’il fit dans celte v ille , il vit plusieurs fois R e y n a u d ,
et il lui fit de violens reproches, auxquels il ne répondit jamais
qu’en protestant qu’il avait été trompé sur l’état des affaires de
Dumergue et sur son honnêteté, et qu’il éprouvait de vifs regrets
d’avoir lié d’affaires le s.r Despeisse avec lui. Pressé davantage ,
il finit par promettre au s.r Despeisse de le lui faire découvrir;
il lui indiqua ù cet effet la roule qu’il devait suivre, et lui donna
Reynaud jeune , son frère, pour l’accompagner.
Celte maniéré de se conduire parut au sr. Despeisse si franche et
siloyéile, que Reynaud-Richon fut un instant justifié dans son esprit.
11 était encore dans ces dispositions en arrivant à Pauliaguet. Ils des
cendent chez la femme Chauvit; Reynaud jeune demande des nou
velles de Dumergue; et l’aubergiste, avant de lui répondre, lui fait
la question suivante: E st-ce de D um ergue, L’associé de ReynaudR ichon , que vous entende%parler ? Reynaud jeune répondit affir
mativement , en ajoutant d’un air embarrassé qu’il serait fâché que
cet homme se fit passer pour l’associé de son frère.
(1)
11 passa
dix ou douze jours avec lui à Courpière dans le courant de mars.
(2) Il ne parle pas de la prétendue vente que lui avait faite Dumergue de la totalité
de ses marchandises.
Ce
�C9l
Ce petit colloque donna de nouvelles inquiétudes au s.r Despeisse ; il pensa que Reynaud - Riclion , D um ergue et Reynaud
jeune pouvaient avoir agi d’intelligence , et s’être parlagé les
marchandises volées; il parla en particulier à la fem m e Chauvit,
et il sut d’elle que R e y n a u d -R iclio n et D um ergue avaient logé
plusieurs fois ensemble dans cette auberge; que leurs marchan
dises étaient sur la même voitu re, et que Dum ergue passait tantôt
pour le com m is, tantôt pour l’associé de Reynaud.
L e s.r Despeisse, instruit de ce qu’il voulait savoir, observa à
Reynaud jeune qu’il était inutile qu’il l’accompagnât plus loin,
et ils se séparèrent (i).
Reynaud jeune se rendit le 9 mai à C lerm on t, et il déjeûna
ce jour-là chez Boyer jeu n e, avec les sieurs Mollard, Verzier et
Despeisse, créanciers de D um ergu e, et avec les sieurs Anglade et
Balbon d’A r d e s , de qui ils prenaient des renseignemens sur le
compte de leur débileur.
Pendant le déjeûner, le sieur Verzier le reconnaît pour être
le Reynaud de la Pruneire qui lui avait porté à L y o n la lettre
de recommandation de Dum ergue , sous la date du 26 février
précédent ; il lui en fait l’observation, et R eynaud jeune désavoue
et prétend ne pas avoir été à L y o n depuis plus de cinq ans. L e
sieur Verzier insiste ; il sort de sa poche la lettre qui lui avait
été remise par Reynaud je u n e , la lui représente, et il désavoue
encore : alors il prend tous les assistans à témoins de ce qui vient
de se passer. On fait appeler un commissaire de police et Reynaud
jeune est arrêté.
L e commissaire de police s’empara du porte-feuille de Reynaud,
et Ton y trouva un passe-port qui lui avait été délivré au P u y le 3 o
mai 1807, et une lettre de recommandation, qu’il prétendit avoir
trouvée, écrite de la main de Reynaud-Richon son frère, et signée
(1) Avan t de partir de Pauliaguel, Reynaud jeuhe fit des reproches à la femme C h a u v i t , et
lui déclara que , dénoncer ceux qui logeaient chez e l l e , était un m o j e u sûr de les faire
loger ailleurs.
3
�( 10 )
de D um ergiiëjpou r la maison V e la t, rue Bas d’argent, sous la date
du 28 féviier 1808. On conduisit R eynaud jeune en prison,et dans
le trajet il dit à Balb’o'n; gen d a rm e, qu’il craignait d’avoir gâté son
affaire en déclarant qu’il n’était pas allé h L y o n depuis cinq ans.
L e sr. Despeisse avait refconnu l’écriture de Reynaud-R ichon, et il
devenait évident pour les y e u x les moins clairvoyans, que la mar
chandise volée h Lytin avait été partagée entré tous ces fripons;
mais il n’était pas aisé d’en acquérir la preuve légale. L e hasard
servit le sieur Despeisse au-delà de ses espérances. Il apprend le 14
juin 1808, que R e y n a u d -R ic h o n est dans les environs de V ic - s u r A llie r, et il se rend dans celte com m une; Reynaud en était parti,
et on lui dit qu'il est aux Martres. L e juge de paix de V e y re lance
un mandat d’arrêt contre R e y n a u d -R ic h o n et Germain R eyn au d ,
son commis ou son domestique; el en vertu de ce mandat, Germain
R eynaud est arrêté chez la veuve Vazeilhès le 1 5 ju in , el conduit à
Clermont devant le magistrat de sûreté. D eux malles et un sac de
nuit, que Germain - Reynaud déclara appartenir à son m aître,
furent saisis par les gendarmes, et laissés en garde à l’aubergiste.
L e lendemain 16 juin, Reynaud-Richon fut arrêté à la sortie
de M ontférrand, par le commissaire de policé Bastide qui saisit
également une voiture atelée d’un cheval, et une malle appartenant
audit Reynaud. Conduit devant le magistrat de Sûreté, on lui
demanda, en présence du sieur Despeisse, s’il avait d’autres mar
chandises que celles saisies aux Martres et sur sa voiture , et no
tamment chez le sieur Baraduc, aubergiste à Monlferrand ; sa ré
ponse fut n égative; et le même jour 16 ju in , le commissaire de
police saisit chez Baraduc cinq ballots de marchandises qui lui
appartenaient. On avait demandé à Germain R e y n a u d , lors de
son arrestation, où était R e y n a u d - R ic h o n , et il avait îépondu
qu’il était parti avec une malle q 11 était vid e, pour aller chercher
de la marchandise. On interrogea Reynaud-Richon sur le sujet de
son voyage, et il dit qu’il était venu des Martres à Clermont pour
voir son frère. Que de mensonges pour cacher à la justice lé dépôt
�( n
)
de marchandises qu’il, avait chez Baraduc! et pourquoi les Tenir
cachées si elles lui appartenaient légitimement ?
Dans l’intervalle qui s’était écoulé entre l ’arrestation des deux
frè re s, les créanciers de Dumergue , instruits qu’il était lié d ’af
faires avec A n grem i, qu’ils voyageaient ensem ble, qu’ils se sous
crivaient réciproquement des effets q.u’ils mettaient en circulation,
obtinrent du commissaire général de police à L y o n l’autorisation
de faire des recherches , soit chez cet A p g r e m i, originaire de la
commune de /Marcenat, voisine de celle d ’Espinchal, soit cliez
Escalier de L y o n , son beau-père.
Ces recherches eurent lieu chez ce dernier le 22 m a i, en présence
des sieurs Despeisse, Verzier et A llégret, et elles furent constatées
par un procès-verbal, dressé par le commissaire de police de l’ar-:
*on discernent du nord.
On trouva dans la banque de la boutique d’Escalier, i.° un billet
à ordre de la somme de 5 oo fr. à son profit, par D um ergue, sous
la date du i 5 février 1808, et payable au 10 avril suivant; 2.0 un
autre billet de la somme de 174,4 fr. >aussi souscrit par Dum ergue
et Esçaliçr, (Sous la date du 29 décembre 180 7, et payable en fin
de mars 1808 ; cet effet avait été négocié le lepdemain 3o d é
cembre à Esprit Baile par Escalier; 3 .° une promesse, signée A n
gremi , de la somme de 209 fr ., au prpilt d’un nommé A rch et,
au bas de laquelle est l’acquit de ce dernier; 4.0 une lettre de D u
mergue à Escalier, écrite de Paris, sous la date du 2 3 /mars 1808.
D um ergu e, par cette lettre, se plaint de n'avoir pas reçu deux
malles qu’Escalier lui a expédiées, et dans le cas où cet envoi
n’aurait pas eu lieu, il lui donne une nouvelle adresse,et lui indique
une autre manière de les lui faire parvenir, ainsi que-l’autre malle
qu’il a chez lui : en un m o t, il demande qu’Escalier lui fasse savoir
~siles malles lui ont été expédiées à Cadresse de D u m ergu e, ou à
.celle de Rousseau. Cette pièce est essentielle dans l’affaire; elle
prouve les relations de Dumergue et d’Escalier, et la nature de
^Gfâs relations; elle prouve qu’Escalier a été le receleur des mar--
�( 12 )
chandises volées par D um ergue, puisque cet escroc lui avait donné
pour adresse un autre nom que le sien.
, Cette lettre apprit au commissaire de p o lic e , qu’Escalier était
dépositaire d'une autre malle appartenant à Dumergue. Il devint
donc encore plus scrupuleux dans ses recherches, et il trouva sous
une sous-pente et sous un lit une malle qu’Escalier déclara cette
fois appartenir à Dumergue. On procéda à son ouverture, et les
étoffes qu’elle contenait furent reconnues par les sieurs V erzier et
V e la t, marchands de soierie, com me faisant partie de la vente
faite à Dum ergue dans. le courant de février. Dans cette malle
on trouva un porte - feuille , et dans ce porte - feuille un modèle
d ’effet écrit de la main de R eynaud - R ichon , qui pour la d a te ,
l ’époque de l’échéance, la som m e, les lieux où il était fait, et où
il devait être p a y é , et l’arrangemeiit des mots , se trouve exacte
ment conforme au billet à ordre de six cents francs souscrit par
Angrem i à D u m e rg u e , daté de St.-Flour, payable à M en d e, maison
P e r c ig o t ,le 3 o février, et qui fut négocié par D um ergue à la
maison Despeisse et Charmet le n décembre 1807.
C e n’est pas tout: le commissaire de police, en continuant
ses recherches, trouva dans l ’arrière-boutique six mouchoirs neufs
d’indienne fond b la n c , des coupons de tête de pièces de même
étoffe, et le sieur R ils, négociant, appelé par le commissaire de
p o lice , reconnut ces mouchoirs pour faire partie de ceux qu'il
avait vendus à D um ergue dans le courant de février.
Aussi Escalier f u t - i l arrêté et conduit devant le magistrat de
sure.té.
L es deux
R e y n a u d ,
arrêtés à Clerm ont, furent renvoyés à L y o n ,
parce que, dans le principe, Dumergue et ses complices n’étaient
poursuivis que comme escrocs, et ce fut en présence des négocians intéressés qu’il fut procédé le 2. juillet 1808 et jours suivans, h la vérification et reconnaissance des marchandises saisies.
Cette opération fut faite avec la décence convenable et une
scrupuleuse exactitude; les créanciers de D um ergue y assistèrent,
�(-i3 )
parce qu’ils y avaient été appelés par le directeur du juri, et ils
y avaient été appelés, parce qu'eux seuls pouvaient reconnaître
les marchandises qu’ils avaient vendues. Mais R e y n a u d -R iclio n
en a imposé effrontém ent, lorsqu’il dit dans son mémoire im p rim é ,
<r qu’il se trouva au milieu d’une foule tumultueuse qui l ’assaillit
« d’invectives, se jeta sur ses marchandises, sous prétexte d’en
«r faire la reconnaissance, et pour y p ro c é d e r, les déployait, les
« emportait dans les appartemens voisins , et arrachait les éti« guettes pour prendre la note des aunages et des numéros de
« toutes les pièces et coupons ».
Ces faits sont faux r:M . le directeur du juri se serait opposé à
cette violation de toutes les règles, de toutes les bienséances; le
procès-verbal qu’il a dressé, ne contient rien de semblable; les
prétendues réclamations de R eynaud n’y ont pas été mention
nées, parce qu’il n’en a pas f a i t , et qu’il n ’a pas eu sujet d’en
faire. Ces faits sont invraisemblables par eux-mêm es, et le silence
seul du magistrat est une preuve irrécusable de leur fausseté.
Pourquoi les négocians appelés à cet inventaire se seraient-i^s
conduits ainsi? pourquoi auraient-ils arraché ces étiquettes? pour
prendre la note des numéros des pièces et coupons, dit R e y n a u d ,
et fabriquer des factures après coup pour prouver que ces marchan
dises venaient de leurs m agasins, et qu’elles étaient les mêmes que
celles vendues a Dumergue. M. le négociant d’Espinchal se connaît
en factures fabriquées après coup, et il juge d’après lui des négo
cians probes et délicats, auxquels sa manière de travailler est abso
lument étrangère. La raison dit qu’avant d’appeler les négocians
au procès-verbal de vérification et de reconnaissance des marchan
dises , il était nécessaire de leur faire déposer leurs factures au
greffe, parce que sans cette précaution ils devenaient maîtres de
leur cause. Aussi dès le 28 mai leurs factures avaient été para
phées par le magistrat de sûreté. 11 est v r a i, et lés créanciers de
D um ergue le virent avec peine, que nombre de coupons m an
quaient de plombs et d’étiquettes, que les têtes de quelques autres
�■('.i4 )
(contre l'usage du com m erce) avaient été coupées, et que ces
coupons ne purent être reconnus. Mais que faut-il en conclure?
rien, si ce n’est que R eyn aud avait dénaturé partie de ces mar
chandises, et que plus les marchands volés ont été scrupuleux et
difficiles pour faire cette reconnaissance, plus on doit s’eji rappor
ter & leurs déclarations.
On observe q u e , sur les cinq ballots de marchandises saisies'chez
Baraduc, et vérifiées le 2 juillet, le premier ouvert se trouva comr
posé d'uiie pièce de drap noir ¡et .de cinq pièces de velours, quj
furent reconnues par ]VÏ. Hardouûi. pour .être en entier La dernïpr#
vente qa U avait fa ite 'a Dunnergue Le 12 février précédent.
L e second contenait quatre pièces de drap, et M. Allégret le£
reconnut cQmtne composant sa dernière vente à Dum ergue en
février.,11.e^iijlait ¡la plus, parfaite idenlité entre les numéro? des
pièces et .ceux des deux ¡fycjurjes. Il résulte donc cje c,e fait, que,ces
ballots avaient passé entiers des mains de Dum ergue dans celLes de
Reynaud-Richon. C elte observation trouvera bientôt sa place;
Une autre également essentielle, .c’est que la facture V e rzie r,
paraphée p a r M. lç magistrat .de s^rèjté lç 2,8 ¿npi, comprend unç
vente faite à Dumergue le 4 mars 1.8,08, de dej.ix pièces de taffeta's, l’une vert uni, et l’autre rubis ou cramoisi, et que lors dç
l ’inventaire, le s.r Verzier reconnut parmi les marchandises saisies
un coupon de la pièce cramoisie (1).
.
Tant qu’il n avait été question.que d ’un délit d’escroquerie, ,les
tri^upaux de L y o n étaient compét.ens, parce qu’ils étaient les
juges du lieu du délit; mais le 28 juillet 1808, les créanciers de
Duipergue rendirent plainte en banqueroute frauduleuse contre
l u i , ^ a u t e u r s , complices et adhérens, et la plainte une,fois reçue,
l'instruction devait ^voir lie u , aux termes du code de.commerce ,
{levant les juges du dpmicile de D um ergu e, principal failli. C'est
pn pet état que la procédure, les accusés et les pièces de convic(1) L a presque totalité de ces marchandises fut également reconnue par les parties
intéressées.
�( i'5 )
lion ont été renvoyés devant M. le directeur du juri de l ’arron
dissement d ’Issoire (i).
i
Il était indispensable de faire connaître les principales circons
tances du délit et la marche de la procédure; a u trem en t, il eût
été bien difficile de porter dans la discussion à laquelle On va se
livrer, la clarté dont elle est susceptible. Il s’agit actuellement de
Convaincre les esprits les plus prévénuâdë l’existence du délit prin
cipal (la banqueroute frauduleuse de D um ergue) et de la com
plicité de R e y n a u d -R ich o n et de R eynaud jeune. Cette tâche
sera rem plie; la culpabilité des accusés sera portée à un tel degré
d ’é vid e n ce , que la réplique deviendra impossible ; on n’exige pour
Cela que d’être lu avec un peu d’altentiùil.
D u m e r g u e , débiteur à L yo n de sommes considérables pour
des emplettes faites en décembre 1807, fit un dernier voyage en
cette commune en février 1808; il y fit de nouveaux achats, qui
lui furent facilités par l ’attention qu’il avait eue de Venir à L yo n
avant l’échéance des effets souscrits en d écem bre; quelques-uns
de ces effels étaient payables à la fin de février, et ils ont été
protestés. Dum ergue achetait donc à crédit quinze jours a va lit
la cessation de ses paiemens; il achetait, sachant qu’il ne pouvait
payer. Il sollicitait de nouveaux envois de marchandises par lettres
écrites par R eynaud-R ichon, et signées de lu i, sous la date des 26
et 28 février 1808; il a disparu depuis cette époque, sans dontier
connaissance à ses créanciers de l’état de ses affaires, sans justifier
de ses livres, en supposant qu’il en ait jamais tenu; il a soustrait
ses marchandises, dont partie lui a été expédiée sous un nom
supposé, après la cessation de ses paiemens ; il les a partagées
avec ses complices : il est donc en état de banqueroute fraudu
leuse. Soutenir le contraire, ce serait aller directemeut contre la
lettre et l’esprit du Code de Commerce.
•
‘
------
(1) Depuis Escalier a élé élargi. ¡VI. le Dirëcteur du juri a sans doute ponsó q u e , s’ il
avait recelé la marchandise de D u m ergu e, il n’avait pas eu connaissance des moyens
em ployés par les autres accusés pour se la procurer.
�( 16 )
Les frères Reynaud soutiennent qu'ils ne sont pas ses complices;
ils ont môme essayé de l’établir; mais leur cause était si déplo
rable , que leurs efforts, en décelant leurs embarras, devaient
tourner contre eux-mêmes.
Ils ont commencé par se livrer à une critique amère de la pro
cédure qu ’on instruit contr’eux. A les en croire, leur détention
est une atteinte portée aux lois qui consacrent la liberté indivi
duelle, et on ne devait instruire contr’eux que lorsqu’un arrêt de
la Cour criminelle aurait condamné Dum ergue com me banque
routier frauduleux. A in si, bouleversant toutes les idées, ils vou
draient appliquer à la complicité en matière criminelle les prin
cipes sur la caution en matière civile; ils osent ayancei^que la jus
tice ne peut mettre la main sur le complice qu’après avoir discuté
l ’accusé principal. Enoncer de semblables m oyens, c'est y répon
dre.. On instruit à la fois contre le failli principal, ses fauteurs,
complices et adhérens, et cette m a rch e , quoi qu’en disent les
frères R e y n a u d , était la seule à suivre.
Ils ont eu l’air ensuite de douter de l’existence de D um ergu e,
et on ne voit pas quel intérêt ils peuvent avoir à mettre celte exis
tence en problème, à moins qu’il entre dans leurs intentions de
faire remonter l’époque de son décès à celle de sa disparution, et
d’en induire qu’étant décédé avant la cessation de ses paiemens,
il n’y a pas eu de banqueroute frauduleuse, et que dès-lors ils ne
sauraient être poursuivis comme complices d’un délit qui n’a jamais
existé. Dans tous les cas, ce système de défense ne peut faire for
tune. L a lettre adressée h Escalier par D um ergue, dans le courant
de m ars, et trouvée par le commissaire de L y o n , prouve suffi
samment son existence après la cessation de ses paiemens, et les
achats de marchandises faits récemment en Picardie, ne laissent
aucun doute à cet égard.
Examinons maintenant quels indices, quelles preuves, quelles cir
constances désignent les Reynaud com me complices de Dumergue,
Il ne faut pas perdre de vue que si ce dernier ayait son domi
cile
�C 17 )
cile de droit à Ardes, et s’il y avait affermé une boutique, il n’y
résidait cependant pas; qu’il y allait très-rarement; qu’on l’y con
naissait à peine, et qu’il faut attribuer à cette circonstance l’es
pèce de contradiction qui existe, dit-on, entre les deux certificats
délivrés par le maire d’Ardes.
L a patente prise à Ardes par D um ergue, son bail à ferm e, sa
déclaration de domicile , tous ces actes demeurés sans exécution
étaient autant de précautions prises par R e y n au d -R ich o n pour
écarter de lui les soupçons et les regards de la justice, dans le cas
prévu d’une instruction criminelle. Dum ergue, comme célibataire,
sans domicile et sans fortune, était l’enfant perdu de la bande, et
Reynaud-Richon n’avait rien négligé pour se mettre a couvert.
Dum ergue était constamment au P u y , chez R eynaud -R ichon,
ou en route avec lui; ils conduisaient la même voiture; D um er
gue passait tantôt pour son associé, lantôt pour son commis. R e y
naud., le vrai Reynaud de la P ru n eire, commune d’Espinchal,
l’aubergiste de Pauliaguet et autres, ont dû déposer de ces faits.
Lorsque le sieur Despeisse se rendit avec Reynaud jeune à Pau
liaguet, chez cette aubergiste, pour chercher D u m ergue, elle s’in
forma desuitesi c ’était de D um ergue, l’associé deReynaud-Ric hon,
cju’on lui demandait des nouvelles. Escalier, au moment de son
arrestation, dit eu présence du commissaire de police (e t ce fait
est consigné dans son procès-verbal), qu’il ne connaissait Dumergue
que parce que R eynaud-R ichon l ’avait conduit chez lui; que ces
deux individus avaient souvent fait des affaires ensemble, et qu’il
les croyait associés. D u m e r g u e , en écrivant à Escalier la lettre
trouvée p a r le commissaire de police, lui mandait : <rJe vous dirai
« que nous avons cessé notre association avec mon am i, et nous
« nous sommes quittés très-bien*. Cet am i, cet associé, c ’était
Reynaud-Richon ; Escalier 11e le laissa ignorer ni au commissaire
de police, ni aux créanciers de Dumergue. Lorsque ReynaudR ichon, en mars 1808, se rendit chez la veuve Charlat, à Courpière, il d it , en entrant : «-Je viens ici pour attendre Dum ergue j
5
�( 18 )
rr mon associé, qui doit arriver sous peu, et travaillera notre iné v e n t a ir e ».
Q u’on ne s’étonne pas si Reynaud-Richon a été trouve saisi de
partie d e là marchandise volée par D u m ergu e; comme associé, il
y avait des droits incontestables.
R eynaud en a donc imposé lorsqu’il a dit q u ’il avait vu pour
]a première fois Dumergue dans le magasin Despeisse, et que c’est
là qu’il fit sa connaissance. Cette fable est écartée par les preuves
qui existent au procès de leurs relations d’affaires, de leur asso
ciation, de leur intimité. 11 n'est pas plus véridique lorsqu’il dé
savoue d’avoir introduit Dum ergue dans les magasins Despeisse,
Charmet et H ardouin, et de l ’avoir recommandé à ces négocians
com me un hom m e honnete, et qui était, très-bien dans ses affaires.
Il ne peut exister de doute fondé sur cette recommandation, dont
plusieurs témoins ont dû déposer, et notamment les commis qui
travaillaient alors dans ces magasins. «Vendez à ce brave h om m e,
« disait R eyn aud -R icho n , c’est un homme sûr; je réponds de lui
« com me de moi-même ».
L e sieur Despeisse est créancier de Dumergue de près de 9,000 fr.
C ’est de tous les négocians intéressés dans cet le malheureuse affaire
celui qui perd le plus, et c’est lui pourtant que Reynaud-Richon
ose accuser d’avoir introduit Dumergue dans les autres maisons
de commerce où il a pris des marchandises, et de lui avoir faci
lité des emplettes sur lesquelles il avait un bénéfice de cinq pour
cent. Cette récrimination est odieuse, mais elle est encore plus
absurde.
L e sieur Despeisse est originaire du P u y ; il faisait des affaires
avec Reynaud-Richon depuis quelque tems, et il n’avait jamais
connu Dumergue. Ce fut Reynaud qui le lui m en a, qui répondit
de lui, qui parla avantageusement de l’état de ses affaires, qui le
pria de le mettre en relation avec d ’autres négocians de sa con
naissance. L e sieur Despeisse fut dupe: il contribua à ce que
d’autres le fussent ; mais on ne croira jamais qu’il eût délivré pour
�(
)
*9
9,000 fr. de marchandises à un homm e qui aurait suffisamment
manifesté le mauvais élat de ses affaires, en souffrant, dès le m o
ment de l’achat, une perle de cinq pour cent sur ses m archan
dises. On dit une perte, parce que ce qui eût été bénéfice pour
le sieur Despeisse, devenait une perle pour Dumergue. Aussi les
créanciers de ce dernier ont-ils rendu au sieur Despeisse une jus
tice pleine et entière; il est leur fondé de pouvoir dès l’origine de
cette affaire, et il a justifié par son activité la confiance qu’on lui
avait témoignée.
Après avoir fait tous les efforts imaginables pour écarter ce c h e f
d’accusation, Reynaud-Richon le considère comme établi, com me
prouvé, et il soutient qu’il ne serait d’aucune importance, et qu’il
ii’en résulterait aucune p reu v e , et même aucun indice de culpa
bilité. Une recommandation par é c rit, dit-il, à plus forte raison une
recommandation verbale, ne constituent pas un cautionnement
en matière civile, et ne sauraient établir la complicité en matière
criminelle. Ce raisonnement est d’une absurdilé palpable. O u i,
sans doute, au civil, une recommandation n’équivaut pas au cau
tionnement, et la recommandation faite par un tiers à des négocians, d’un marchand constitué depuis en banqueroute fraudu
leuse , ne rend pas ce tiers complice. S’il en était autrement, le
sieur Despeisse, qui a agi de bonne fo i, qui est victime lui-même
du délit qu’on poursuit, devrait quitter le rôle de plaignant, pour
prendre celui d’accusé. Mais si celte recommandation a été faite
de mauvaise f o i , pour donner du crédit à un homme qui n’en avait
pas, pour lui faciliter des achats de marchandises qu’on devait
ensuite se partager; si ce partage a eu lieu ; si on a été trouvé saisi
de la marchandise; si les relations, l’association du tiers avec le
banqueroutier, ne peuvent pas être mises en dou te, alors cette
recommandation change de caractère; elle ne constitue pas la com
plicité , mais elle se range parmi les circonstances qui réunies
servent à l’établir.
Et comme 011 ne peut mettre en doute que le partage de la
�( 20 )
marchandise volée a eu lieu, que les Reynaud ont eu leur por
tion , et que tout ou partie de celle de Dumergue lui a été expé
diée à Paris sous le faux nom de Rousseau, la complicité devient
évidente. A la vérité, Reynaud-Richon produit une facture; mais
depuis quand? et quelle facture? Il a été arrêté le i 5 juin 1808;
dès le premier moment de son arrestation , on lui a demandé
l’exhibition de cette facture, et il n’a pu en justifier qu’à Issoire,
où il a été conduit dans le courant d’octobre. Où donc était cette
fameuse facture? Dans le porte-feuille de R eynaud-R ichon? Non.
Cependant on y trouva une foule de factures anciennes de 1806
et 1807. Reynaud (ce qui était bien surprenant) n’avait avec lui
que celles qui lui étaient inutiles3 1 autre était dans son secrétaire
au P u y , et il fallut plus de six mois pour la faire venir à un homm e
pour qui l ’on a fait des voyages à Ardes, à Issoire, en faveur de
qui l’on a cherché à intéresser nombre de citoyens recomm andables, et fait écrire une foule de lettres de recommandation. Celte
factu re, tout le pro u ve, a été faite après coup. Si elle était sin
c è re , elle se serait trouvée dans le porte-feu ille de R eynaudR ic h o n ; il avait avec lui des factures de 1806 et de 1807; par
quelle fatalité la plus récente avait-elle été reléguée a u P u y , dans son
secrétaire? Pourquoi attendit-il que le procès-verbal de reconnais
sance eût été rédigé pour la faire paraître? Nous trouvons la ré
ponse à ces questions dans le mémoire des accusés. Appelé à cet
inventaire, R eynaud-R ichon, un crayon à la m a in , prit des notes
sur la qualité , la couleur et l’aunage de chaque pièce d’étoffe re
connue, et il lui devint facile de fabriquer la facture qu’il a en
suite représentée. L ’imputation calomnieuse qu’il fait aux créan
ciers de Dum ergue retombe donc sur lui-m êm e; et l’on pourrait
dire que pressentant l’objection fondée que l’on pourrait faire
contre cette prétendue facture, il a voulu la prévenir en en faisant
usage contre celles des parties plaignantes. 11 ignorait sans doute
que ces factures avaient été visées par le magistrat de sûreté de
L yo n , même avant son arrestation, et que ce visa écartait sans
retour la critique et la calomnie.
�( 21 )
Mais , dit-il, quel m otif avais-je pour garder sur moi ces fac
tures? N ’était-il pas dans l’ordre de les jo in d re, lors de mon
arrivée au P u y , à mes autres papiers de com m erce?
On lui répondra, que s’il était dans l’ordre que ces factures
fussent au P u y , réunies à ses autres papiers, il a eu tort de ré
pondre, lorsqu’onlui en a demandé la représentation, qu’elles étaient
dans son porte-feuille, et d’insinuer qu’elles avaient pu être sous
traites par le.sieur Despeisse, qui cependant n’avait pas eu un
seul instant ce porte-feuille à sa disposition. On ajoutera q u e , si
cette facture récente devait être au P u y , il est bien étonnant que
celles de 1806 et 1807 se soient trouvées dans ce porte-feuille,
et q u e , soit que la facture fût dans sa poche ou dans son secré
taire, il ne fallait pas six mois pour en faire la représentation.
Vainement tire-t-il avantage de l’accord qui existe entre la date
qu’il a donnée à sa factu re, et l ’époque à laquelle Baraduc fait
remonter le dépôt des cinq ballots de marchandises. Cette cir
constance , insignifiante en elle - même , devient défavorable à
l ’accusé, si l’on fait attention que ce Baraduc, aubergiste, est en
mêm e tems marchand-colporteur, et l’intime des R e y n a u d , de
Dumergue et d’Angremi. On doit croire que R eynaud et D u mergue choisirent pour dépositaire des marchandises volées un
homme de confiance ; et leur homme de confiance obtiendra dif
ficilement celle de la justice. R e y n a u d -R ich o n devait craindre
des perquisitions dans son domicile; la prudence lui commandait
de disséminer ces marchandises dans des maisons sures, et de ne
recourir à ces dépôts qu’à fur et mesure des ventes qu’il ferait:
voilà pourquoi il alla des Martres à Montferrand avec une voi
ture vide, qui se trouva chargée de marchandises le lendemain
lorsqu’il fut arrêté. Où avait-il pris ces marchandises? chez B a
raduc ? Alors ce dernier a trompé la justice en déclarant qu’il
n’avait jamais été dépositaire que des cinq ballots. Ailleurs ? alors il est
démontré que R eynaud -R ichon avait à Montferrand un autre
dépôt caché de marchandises. En vérité, plus on approfondit cette
�( 22 )
affaire, et plus on est indigné con Ire cel assemblagé de fripons.
On pourrait se dispenser de relever toutes ces circonstances qui
se réunissent contre. celle facture mensongère; un seul fait, on le
répète, en prouve la fausseté. Dumergue demande en fin de février,
à la maison V erzier, de lui expédier deux pièces taffetas, l’une
vert u n i , l’autre rubis ou cramoisi. Ces deux articles lui sont
adressés à Clermont, le 4 mars; le 1 4 , Angremi les relire de chez
M M . Domergtie père et fils, qui ont certifié le fait; et cependant
la coupe de la pièce cramoisie a été trouvée par M. Verzier parmi
les marchandises saisies avec Reynaud-Richon. Ainsi Dum ergue
aurait vendu à Reynaud le 24 février, date de la iausse facture,
une pièce taffetas qui ne lui parvint que dix-huit jours après; ainsi
la revente aurait p r é c é d é la vente de quelques jours. Voilà qui
tient du miracle; et certes, il faudrait être encore plus habile que
R e y n a u d , pour donner sur cela une réponse satisfaisante.
Ce n’est pas tout , d ’ailleurs, que de représenter une facture
qu’il aura, été aisé de faire signer par D u m ergue, en supposant
qu’on n’ait pas contrefait sa signature, ce qui est infiniment plus
probable ; i. faudrait aussi que cette facture eût été couchée sur
le livre journal que le sieur Richon a dû tenir, s’il s’est conformé
à l’article 8 , livre i.er du code de com m erce; et s’il est vrai que
l’on ait fait des perquisitions chez lui* et qu'on n’ait pas trouvé
de livres journaux, que penser d’un marchand qui achète pour
10,000 fr. de marchandises à-la-fois, et qui ne lient pas de livres,
011 qui tes cach e? 11 n’y a pas de milieu: ou R e y n a u d -R ich o n
cache ses livres, et alors il est coupable; ou il n’en a pas tenu, et
dans ce cas, la facture qu’il représente 11e peut inspirer aucune
confiance.
Elle est du 2 4 février ; la vente a eu lieu, dit R ey n au d , en foire
de Clermont; et depuis cette époque il n’a pas vu Dumergue. Il l’a
écrit à la maison Ilardouin; il l’a dit dans ses interrogatoires; ce
pendant il doit avoir été déposé par les veuves Charlat et C liarlatC hom etle, et par Germain Reynaud son domestique, qu’il a passé
�( *3 )
douze jours au moins avec Dum ergue à Courpière clans le courant
de mars. Ce fait que les Reynaud croyaient dérober à la con
naissance, est d’ une si grande importance dans l'affaire, q u ’on
croit devoir entrer à cet égard dans quelques détails.
Sur la lin de février i 8 o 3 , Reynaud-Riclion était dans les en
virons de Clermont. Il éloigna Germain R e y n a u d , son domestique,
en l’envoyant porter au P u y une lettre à son épouse, et lui r e
commanda de venir le joindre à Montferrand où il l’attendait.
Germain R eynaud y arriva dans les premiers jours de mars ;
mais il n ’y trouva pas son maître ; quelques jours s’écoulèrent
sans qu’il parût; et ennuyé de l’attendre, Germain Reynaud fut
le chercher dans les villes qu’il parcourait habituellement. Il apprit
au P o n t - d u -C h ateau qu’il était à Courpière, et il s’y rendit; il
ne trouva pas son maître logé dans son auberge ordinaire; il était
chez les veuves C liarlat, et il se disposait h partir avec sa voiture ,
lorsque son domestique arriva. Ce dernier fut assez mal reçu, et
ils revinrent à Montferrant chez Baraduc, conduisant une voiture
chargée de marchandises. Les créanciers de Dumergue ont su
qu’en se présentant chez les veuves Cliarlat, Reynaud - Riclion
déclara qu’il venait à Courpière attendre son associé Dumergue ,
faire avec lui l ’inventaire de la société, ainsi qu’ils le pratiquaient
entr’eux chaque année. Ils ont appris de plusieurs personnes dignes
de foi qu’eifeclivement D um ergue, Angremi et Reynaud jeune s y
rendirent deux jours après; qu’ils demeurèrent fermés douze jours
consécutifs dans cette auberge, et qu’ils y eurent plusieurs alterca
tions sur des affaires d’intérêt.
D e quoi s’occupèrent-ils? firent-ils le partage des marchandises
volées? firent-ils en outre leur inventaire de société? tout porte à le
croire. Reynaud-Richon parla d’un compte et d’un inventaire en en
trant dans l’auberge. Dumergue écrivit de Paris à Escalier le 23 mars:
nous avons cessé notre association avec mon ami, et nous nous sommes
quittés très-bien. Ilss’oceupèrent décomptés pendant douze jours, et
ils eurent des discussions d’intérêt qu’ils ne purent soustraire à la con
�C 24 )
naissance des personnes cliez qui ils étaient logés. Reynaud-Richon
conduisit ensuite sa voilure à Monlferrand chez Baraduc. Ces cir
constances réunies ne permettent pas de douter du com p te, du par
tage; et il devient évident que les ballots ne furent déposés qu’alors
chez Baraduc , parce qu’alors seulement les marchandises passèrent
entre les mains de R e y n a u d - R ic h o n , et qu’il faut ranger sur la
m êm e ligne, et la facture du 24 février, et la déclaration du com
plaisant Baraduc.
En effet, comment croire à la sincérité de cette facture , de
cette œuvre de ténèbres, lorsque tout se réunit pour déceler son
origine, lorsque toute la conduite de R e y n a u d -R ic h o n , depuis
qu'il a été possesseur de cetle partie de marchandises, a été celle
d’un homme qui a commis un crim e, qui veut en retirer tous les
avantages qu’il s’en était promis, et qui prend toutes sortes de
précaiilions pour en dérober la connaissance à la justice et aux
parties intéressées? Si Reynaud avait achelé réellement de D u mergue les marchandises saisies, il est tout naturel de penser qu’il
les eût conduites au P u y dans son domicile; si sa voiture eût été
trop chargée, les transports de Clermont au P u y ne manquent
pas. Mais il n’agit pas ainsi; il laisse la majeure partie de cette
marchandise dans une auberge, non à Clerm ont, où la préten
due vente avait eu lieu, mais à M ontferrand, chez Baraque; il
cache ce dépôt à tout le m on de, môme à G e r m a i n R e y n a u d ,
son domestique; il part des Martres avec une malle v id e ; il dit
à Germain Reynaud qui l’a déclaré, qu’il reviendra le lendemain
avec de la marchandise; et effectivement il est arrêté le lende
main sortant de Montferrand; on saisit la malle, et elle se trouve
pleine; le magistrat de sûreté de Clermont lui demande si ¿1 son
départ des Martres, elle contenait de la marchandise, et il répond
affirmativement.
On lui demande s’il a des marchandises chez Baraduc, ou ailleurs,
el il répond h deux reprises qu’il n’en a pas d’autres que celles qui
avaient été saisies aux Martres. S’il eût été propriétaire légitime de
ces
�( ^
)
ces marchandises, eût-il agi si mystérieusement? aurait-il mis tant
d’obstination à cacher h la justice ce dépôt qu’elle avait alors en
son pouvoir?
Pour atténuer l’impression défavorable que ces dénégations men
songères devaient produire, Reynaud-Riclion a prétendu qu’il n’a
vait voulu soustraire ces marchandises à la justice que pour s’en faire
nne ressource pendant sa détention: réponse maladroite, qui, si elle
était vraie, décélérait combien peu Reynaud comptait sur son in
nocence et sur un prompt élargissement. Mais aussi faut-il convenir
que le pas était glissant. Avouer le dépôt, l’indiquer à la ju stice,
c ’était pour Reynaud une démarché fort hasardeuse. Ces ballots
étaient intacts, et une fois découverts, comment espérer de faire
croire à la sincérité d’une vente de marchandises sous balles et sous
cordes? A la vérité, ces marchandises étaient alors au pouvoir du
magistrat de sûreté; mais Reynaud-Riclion l ’ignorait ; il comptait
tellement sur Baraduc, qu il ne crut a la saisie du dépôt que lors
qu’on lui représenta les marchandises, et il ne pouvait deviner qu’on
lui opposerait un jour avec avantage, comme preuve de culpabi
lité, cette dénégation que lui commandait alors la position dans
laquelle il se trouvait.
Si l’on pouvait douter encore de la complicité de Reynaud-Riclion,
il suffirait, pour en être convaincu, de se rappeler, i.° qu’on trouva
chez Escalier un projet d’efiet à souscrire par Angremi à Dumergue,
daté de Saint-Flour, et tiré sur la maison Percigot de M e n d e , et
qu’un effet absolument semblable, souscrit par Angremi à D u m e r
gu e , fut négocié par ce dernier à la maison Despeisse;
2.0 Que les lettres par lesquelles Dumergue demandait en février
1808 de nouvelles marchandises, sont toutes écrites de la main de
Reynaud-Riclion ;
3 .° Q u’il en est de même des lettres de recommandation données
à la même époque par Dumergue à Reynaud jeune, sous le faux
nom de Reynaud de la Pruneire.
L e projet d’efTet trouvé chez Escalier prouve que Dum ergue se
7
�( 2 6 )
faisait souscrire des effets par son associé, qu’il les donnait en paie
ment des marchandises escroquées, et que Reynaud R ichon , leur
complice, remplissait les fonctions de secrétaire, et donnait à ces
deux fripons en sous ordre les modèles de ces effets.
Si l’on demande à R eynaud - Richon pourquoi il s’est prêté à
cette manœuvre d’autant moins excusable, qu’il savait fort bien
qu’Angremi était le commis ou l’associé de D u m ergue, et que le
billet qu’on devait faire sur ce projet, serait un piège tendu à la
crédulité de ceux qui le prendraient en paiement; il répond qu’on
ne doit voir dans sa conduite qu’ un acle de complaisance d’un
négociant envers un autre. Si ou lui demande pourquoi il a écrit
pour Dum ergue les lettres relatives a de nouveaux achats de mar
chandises, il répond que c ’est par complaisance, et c’est encore
par complaisance qu’il a écrit pour Dumergue les lettres de recom
mandation qni devaient servir au faux Reynaud de la Pruneire.
C ’est un hom m e bien complaisant pour ses amis que R eyn aud Riclion ; pour les ob lig er, il ne lui en coûte rien de fouler aux
pieds les devoirs sacrés imposés par l’honneur et la délicatesse.
R eyn au d -R ich o n , acquéreur à vil prix de la totalité des mar
chandises de D um ergu e, dans un moment où elles subissaient une
hausse ( i ) , avait la mesure de la solvabilité de son ven deur; et
en se prêtant complaisamment a la demande de nouveaux envois
de marchandises, il facilitait de nouvelles escroqueries : ceci est
dit dans la supposition où la prétendue vente du 24 février 1808
serâit sincère. Mais comme il est démontré que la facture repré
sentée par Reynaud-Richon j est une pièce fabriquée à loisir pour
constater une vente qui n’a jamais existé, des lettres de cette
nature deviennent des preuves de com plicité, et manifestent
l’intention de leurs auteurs de faire de nouveaux vols qui devaient
am ener de nouveaux partages.
Egalem ent, R e y n a u d - R ic h o n nra pu sans crime se servir du
nom de Dumergue pour recommander Reynaud jeu n e, son frère ,
(1} V o y e z sou mémoire»
�(
)
27
sous le nom de Reynaud de la Prun eire; et R eynaud jeune n ’a
pu sans crime se servir de ces lettres pour s’introduire , sous un
nom qui n’était pas le sie n , dans plusieurs magasins de Lyon. Il
est évident qu’il ne se présentait pas sous un faux nom , avec
l ’intention de payer les marchandises qu’il croyait qu’on allait
lui livre r, autrement la précaution qu’il prenait de changer de
nom était parfaitement inutile. Ce nom supposé pouvait le com
promettre , et on ne se compromet pas sans l’espoir d'un gain
quelconque.
" R eynaud-R ichon, qui, pour se justifier d’avoir écrit les premières
lettres ,• prétend quJil ignorait l’état des affaires de D u m e r g u e ,
de ce Dum ergue qui vendait ¿ri globo ses marchandises à vil prix
au moment de la hausse , met en doute que les lettres fussent
effectivement pour Reynaud je u n e , et dans la supposition affir
m ative, il prétend qu elles seraient une preuve que les deux frères
Reynaud ignoraient la mauvaise situation de Dumergue. Quel
avantage, disent-ils, pouvait présenter la recommandation d ’un
homme qui était sur le point de manquer? Cette recommandation
au contraire ne devait-elle pas jetter de la défaveur sur celui qui
en aurait fait la base de son crédit? Èt en supposant que Reynaud
jeune, dom icilié, père de famille, propriétaire d’une fortune immobiliaire, eût pris ces marchandises avec l’intention de disparaître
sans faire face à ses engagemens, le délit qu’il aurait voulu com
mettre à l’aide de celte recommandation, lui serait personnel, ne
concernerait pas R e y n a u d - R ic h o n , son frère, et ne présenterait
aucun indice de complicité dans la banqueroute de D um ergue.
Ces observations ne doivent pas demeurer sans réponse.
Les lettres étaient pour Reynaud jeune, il en fut le porteurelles lui servirent pour s’introduire dans les magasins Verzier, Y e lat,
Rits et autres. Il fut reconnu à Clermonl par le sieur V e rzier; il l’a
été à Issoire par un associé ou un commis de la maison R its, et ,
ce qui lève tous les doutes, on tro u va, lors de son arrestation, une
semblable lettre dansson porte-feuille. Il y a donc mauvaise foi et
�( *8 )
maladresse de présenter comme douteux un fait a v é ré , que l’insliuction a mis dans le plus grand jour.
Dumergue faisait écrire, dans le même tems, aux négocions de
L j ’on , qu’il arriverait en fin de mars, et qu’il solderait ce q u ’il
devait. Ainsi tout à la fois il tranquillisait ses créanciers 3 et donnait
du poids à ses recommandations en faveur du faux Reynaud de
la Pruneire. Il ne pouvait rejaillir sur Reynaud jeune aucune dé
faveur de la banqueroute prochaine de D um ergue; la supposition
de nom ne lui laissait aucune inquiétude à cet égard.
Reynaud jeune n’a point-de propriété foncière; on ne lui con
naît ni femm e , ni enfant ; il ne réside point à Espinchal, il est:
habituellement au P u y , son passe-port nous l’apprend. On peut
d o n c, sans craindre de se -tromper, lui supposer l’intention de se
rendre à L y o n , et d ’y acheter des marchandises et de ne pas les
payer. C ’est un vice dans le sang, une maladie de famille dont il a
éprouvéde fréquentesatleintes, comme tous les R eynau d , ses frères.
Ce n’est pas seulement une tentative d’escroquerie dont il s’est
rendu coupable, parce que la mission qu’il a remplie auprès des
négocians de L y o n , n’est qu’un court épisode de l’histoire de la
banqueroute frauduleuse de D u m ergu e; parce que la signature de
D u m ergu e, si elle est vraie, l’écriture de Reynaud-Richon, et la
présence de Reynaud jeune a l entrevue de Courpièrej rattachent
cet incident au fait principal; parce qu’il est évident que Reynaud
jeune n’a pas été spectateur désintéressé du partage des marchan
dises volées, et qu’on lui destinait sans doute une forte part dans
celles qui allaient l’être à l’aide des lettres de recommandation dont
il était porteur; parce que s’étant trouvé à Courpière avec D u
mergue dans le courant de mars, et sachant que de là il était parti
pour Paris, il induisit le sieur Despeisse en erreur, en le menant
à la poursuite de ce banqueroutier dans la commune de Pauliaguel et autres circonvoisines ; parce que désavouant devant le
magistrat de sûreté que ces lettres fussent pour l u i , il en donna
pour raison qu’il était brouillé avec Reynaud-Richon, son frère,
qui
�( a9 )
qui les avait écrites, et que le contraire résulte de l’instruction ;
parce qu’il n’a d’autre boutique, d’autres marchandises que celles
de Reynaud-Richon ; parce qu’interrogé entre les mains de qui il
avait laissé son cheval et ses marchandises, il répondit : «Entre les
« mains de Guillaume R e y n au d , mon frère », tandis que ce Guil
laume R e y n a u d , condamné aux fers en l’an 1 2 , subit encore la
peine que la justice lui infligea.
Que d’efforts, que de mensonges pour donner le change à la
justice! On impute à Reynaud-Richon d’avoir recommandé D um ergue, et induit en erreur les négocians qui lui ont vendu; et
quand l’instruction présente une foule de preuves de leur associa
tion, et de leur intimité, il soutient l’avoir connu pour la pre
mière fois dans le magasin Despeisse. Il a été trouvé saisi de la mar
chandise vendue d ’après sa recommandation; et il écarte les induclions qu’on peut tirer contre lui de ce fait décisif, par la représen
tation d’une facture fabriquée six moix après son arrestation (i)*
On lui oppose le projet d’effet trouvé chez E scalier, et les lettres
contenant de nouvelles demandes de marchandises ou des recom
mandations pour Reynaud jeune, son frère, sous le faux nom de
Reynaud de la Prun eire, et il rejette tout cela sur son caractère
obligeant qui lui rend tout refus impossible.
D e son cô té, Reynaud jeune , qui a assisté au partage des mar
chandises à C ou rpière, qui a été trouvé nanti d’une des lettres
de recommandation écrites par son frère, et signées par D u m erg u e , qui d’ailleurs a été reconnue par le sieur V erzier, et par un
associé de la maison Rits, dit que ces lettres ne le concernaient
pas, et soutient ne pas avoir joué le rôle du faux Reynaud de la
(1) L orsqu e, dans ses interrogatoires, oa lui demandait le montant de cette prétendue
v e n t e , il répondait qu’ elle s’ élevait à 10 ou à 12,000 f r . , et il portait à 5 ou 6,000 fr. le
montant de la partie de rubans qu’il avait reçue en paiement. I l ne précisait pas les
s o m t a e s , quoiqu’il ne se fût écoulé que quelques mois depuis cette prétendue v e n t e , parce
que la facture n’ était pas encore faite, et qu’il voulait 11e pas Être gêné par des déclara
tions antérieures, lorsqu’il s’ occuperait de ce travail. Cependant comme on ne songe pas
à tout, le prix des malles n’ est pas porté dans la facture, quoiqu’elles aient été reconnues
par le marchand coffrelier qui les avait vendues à Duinergue.
9
�(3 0 )
Pruneire . C e système de défense, qui a pour basé des dénégations
mensongères, des faits controuvés, ne peut réussir. Les citoyens
qui seront appelés à remplir les fonctions importantes de jurés,
donneront une attention scrupuleuse aux débats dont doit jaillir
là lumière. Ils fermeront l’oreille à toutes les séductions de l’in
trig u e , et par une déclaration solennelle, ils restitueront, à des
négocians indignement trompés, des marchandises volées. Ils con
courront efficacement à la répression d’un brigandage affreux,
dont l ’impunité plongerait inffailliblement le commerce dans le
deuil et la désolation. <
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T R I O Z O N - B A R B A T , Avocat.
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Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Créanciers de Dumergue. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Triozon-Barbat
Subject
The topic of the resource
banqueroute
fraudes
colporteurs
préjugés
commerce
escroqueries
Description
An account of the resource
Mémoire pour les créanciers de Dumergue, originaire de la commune du Valbeleix ; contre ledit Dumergue, accusé de banqueroute frauduleuse, Reynaud-Richon et Reynaud jeune, ses complices.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
1807-Circa 1880
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
30 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0542
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Espinchal (63153)
Issoire (63178)
Le Puy-en-Velay (43157)
Lyon (69123)
Saint-Germain-Lembron (63352)
Valbeleix (63440)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
A related resource
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53853/BCU_Factums_M0542.jpg
banqueroute
Colporteurs
commerce
escroqueries
fraudes
préjugés
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53852/BCU_Factums_M0541.pdf
fa97c1369cecc5f6c26bb5a57d0b17f4
PDF Text
Text
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DEMALET-LAVEDRINE ,
demandeur ,
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AU PRECIS
De
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S O U L A G E S , veuveQ
uayronet
aujourd'hui femme M O S N I E R , défenderesse.
,i
A
veuve
L
Q u ayron se m i t en possession, sans aucune formalité,
de tous les biens de son m a r i, meubles et immeubles. Elle avoit alors
à son service, m ’a-t-on d it, une nièce de Quayron ; et bientôt un
autre frère dudit Quayron se joignant à cette nièce, ils demandèrent
tous deux à la veuve de leur faire quelque part de l’héritage de leur
parent , dont ils avoient un extrême besoin , et dont il étoit
impossible qu il ne leur revint pas quelque chose. Mais elle, d ’une
main fermée et d ’un cœur plus resser é e n c o r e , les repoussa en
leur disant : V o tre p a r t, r ie n ; j’absorbe tout avec mes d ro ils; je
auis seule héritière; vous n ’aurez rien. E h c e rte s ,, elle les eût
A
�'
r;
^
• ‘ * 1 /K &
( * )
satisfaits à bon marché. C e n t lo u is , ou moins encore , distri
bués dans une pauvre f a m i lle , eussent été pour elle une rosée
fé co n d a n te , et eussent laissé la riche veuve maîtresse incommutable
de tout. Elle ne devoit rien actu , d i r a - t - o n , à ces héritiers ;
soit : nous verrons si la veuve a satisfait à tout ce qu ’elle devoit.
Elle jouit donc sans trouble de sa possession , c ’est-à-dire ,
q u ’elle fut peu troublée par des plaintes vaines et d ’impuissantes
douleurs, et qu ’elle n ’éprouva aucun trouble judiciaire, parce que
la pauvre famille n^avoit pas de quoi entamer un procès. C*est
ainsi q u ’avant la régénération de la justice , le fort opprimoit le
foible ; c ’est ainsi que le riche pouvoit im punément s’enrichir
encore aux dépens du p a u v r e , parce qu on donne ci celui cjui et
déjà
, et à ce lu i qu i n’ a pas , on lui ôte même ce qu'il a. Q u ’on
t e n t e , tant qu'on v o u d r a , de rendre favorable la cause d ’une
veuve inquiétée , d ’une fem m e foible et sans défense ; qu’on
dissimule adroitement tous ses torts ; il éloit dur , il faut en
convenir , pour de pauvres héritiers , de voir un riche héritage
leur être soufflé en entier ; et si à cette dureté de fait ne s’étoit
jointe quelque dureté de procédés , pourquoi aurois-je vu ces
héritiers si fort animés contre la veuve q u ’ils ne demandoient pas
m ieux que de voir évincer ?
C epend an t étoit-il vrai que les héritiers du sang n ’eussent aucun
d r o it ? M . Bergicr leur donna une consultation : il parut évident
q u ’ils avoient des droits successifs tros-réels , dont ils pouvoient
tirer quelque parti. L a dureté de la veuve les leur fit vendre m a l,
c ’e st-à -d ir e , q u ’ils furent contraints d ’en partager le prix avec
des étrangers plus en état de faire des avances, des vo y â g e s, de
débrouiller pour eux ce cahos. V oilà donc les droits'des héritiers,
vendus. Croira-t-on ce qu’avance le mémoire de la veuve Q u a y ro n ,
que les acquéreurs n ’avoient pour but que de spéculer sur l ’épou
vante de l'usufruitière , ou sur un bénéfice éventuel à faire avec
un nouveau cessionnflirdj^ Croira-t-on que des hommes d ’affaires
s’amusent à donner 7000 ir . sans recevoir une valeur positive,
et dans l ’espérancc vague d ’un bénéfice incertain? Quoi qu’il en
�(
3 )
s o it , il ne faut pais perdre de vue, que le nouveau cessionnaire
étant absolument à la place des héritiers du s a n g , ce sont eux
q u ’il faut considérer eh sa personne : ainsi on va toujours parler
des héritiers com m e s'ils éloient en cause.
r
L a .veuve a des droits et des créances, sur la succession. L a
succession lui doit ; mais elle en amende une .partie : elle doit donc
confondre une partie de ses propres créances, en proportion de
ce qu'elle amende. 11 y a un mobilier : ce m o bilier, à qui est-il?
'fû t-il à la v e u v e , ne faùt-il pas le co nstater, puisqu’il doit con-trib uer, selon sa valeur, à payer la veuve de ses propres créances?
'G e la est du plus simple bon sens. Coinrnenl donc un avocat aussi
'judicieux que M . Boirot a-t-il pu se méprendre au point de dire
que les héritiers n ’ont aucun intérêt à faire constater ce m obilier?
Croit-il avoir réussi à pallier l’extrême imprudence de la veuve à
occuper tout ce mobilier sans inventaire! C e r te s , ce fut à elle une
grande f a u t e , lata culpa , de ne pas com m encer par faire un
bon et fidèle inventaire, un inventaire ju ridiqu e, dont toutes les
formes bien observées garantissent la sincérité. Etoit-elle de bonne
f o i , cette v e u v e , quand ne pouvant ignorer que les héritiers du
sang avoientilâ propriété nue d ’ppe. part d'immeubles , et étoient
tenus envers elle d ’une part de cré a n ce s, et q u ’il faudroit qu’ils
■
comptassent un jour d ’après ce rpobilier, à qui que ce fû t q u ’il
app artint, elle s’en e m p a r e , elle en dispose sans le constater?
Elle leur arrache pourtant un gage par lequel ils devront être en
partie acquittés. Elle ne ppuvoit l’ignorer, parce q u ’elle avoit reçu
leurs réclamations privées» et domestiques ; elle ne pojjvoit 1 ignorer,
parce qu ’on ne présume pas l ’ignorance du droit et de la loi. Est
elle de bonne f o i , quand dans un inventaire tardif et provoqué par
ses adversaires, elle s ’obstine ù n ie r, à céler des valeurs; quand elle
n ’accuse aucune denrée , aucun n u m é ra ire , ou tout cela dans
une petitesse invraisem blable? Quoi ! il n ’y avoit aucune provision
notable de denrées? E t qu'étoit donc devenue la récolte des vignes,
Quayron étant m ort à une époque 0iji la vendange est encore
dans les cu ves? Q u o i! Quayron est mort sans laisser un argent
A 2
�( ¡4 )
comptant pour les-Réponses c o u r a n te s ^ O n 'n ’accuse qu’une miser
rable somme qu ’on d ït; même être un dépôt. Q u a y r o n , qui exerça
presque pisqu’à' la iîri dé ses jours sa^rofesiiort; de- tailleur , aStoit dos
m ém oires sur nom bre de bohnes -maisons. Que sont donc devenus
tous ces m ém oirés? Q uoi! la véuve n ’en a rien fait rentrer ? E t les
autres créances de Quayron ? Quoi ! *il n ’en avoit aucune? Personne
ne lui d e v o it , ni ferm iers, ni acheteurs de denrées, ni acquéreurs
de fonds? L a 'v e u v e n’a tôuché pour lui aucuns deniers ? T o u t cela
,cst dans le possible; mais i l f a l l o i l u n ! inventaire pour le rendre
croyable. Un* inventaire étoit vàtre seule é g id e , ô veuve im p ru
dente ! un inventaire pouvoit seul vous constituer dans la bonne
f o i. N o n , on ne peut argumenter de la bonne f o i , pour qui rie
fait aucune démarche qui éclaire sa c o n d u ite , pour qui agit seule,
p r iv é m e n t , ob scu ré m o n t, pour qui étouffe d’ avance' les lumières
qui pourroiént ja îllir 'û n jour. A h ! sa mauvaise foi a toujours
été la m ê m e, , envers les héritiers lors de leurs'premières réclama
tions , lors de la confection du tard if in ven ta ire, et dans tout le
cours de nos pontesiations.
L e bruit public est que 'Quayron; avoit un riche mobilier.) l’ oint
d ’inventaire auquel on p u is se 'a v o ir confiance : , i l 'i e i t nécessaire
d ’avoir recours à une enquête par com m une renom mée. C e lte en
quête fera ressortir des’meublcs', de l ’argenterie , dos d e n ie rs, des
créances, dés capitaux perçus. Q uayron a vendu les biens dotaux
de la veuve. Eli bien !‘ qui a reçu les payemens ? que sont devenus
les d e n ie r s .? quel emplcn'oril-ils e u ? - L ’enquête pourra donner ces
1
l u m i è r e . T est impossible d e 1rèfusci aux béri(.iers cette enquête',
puisqu’elle est a u j o u r d 'h u i Îù sôlile Toie; possible , et c e la , par la
faute de la veuve', de constater le mobilier, lls y oiit. in té r ê t, et un
intérêt u rg en t,
q u a n d
en ce c a s ,
le .liendroit (le son mari.
elle
ce'm obilier appartiendroit
Il
à ,
la v e u v e ; c a r ,
fan l bien convenir que
ce m o b ilie r , quel qù’il-scii t’,.'f^ît partie de la li a s s e . C a r la veuve
ne sauroit le répéter en nature comme lui étant propre ,'>cl le porter
d ’ailleurs pour ?ooo fr. dans le chapitre de sés'reprisés r ce seroit
un grossier douljle emploi. C e mobilier doit donc compenser une
�(
5 )
partie des créances de la veuve, dans la proportion de sa valeur.
M ais cette valeur, quelle est-elle? Plus on larde à l'apprécicr, plus
les témoignages sont difficiles à obtenir. L es témoins disparoiss e n t , les souvenirs s’e f fa c e n t, et la commune renommée sera
moins approximative du vrai. V o ilà pourquoi les héritiers se pres
sent , et que la veuve recule: voilà pourquoi elle a employé toutes
les ressources de la chicane à éloigner le jugement ; ce qui se voit
par la procédure : voilà com m ent les poursuites des héritiers ne
sont pas sans intérêt et sans objet.
Mais ce mobilier appartient-il à la veuve? Il suit le domicile,
et Q u ay ro n a été long-temps domicilié en droit écrit. Cela est
v r a i , il l ’a été long-temps : l ’a-t-il été jusqu’à sa m ort? Q u ay ron
s'étoit créé une propriété charm ante à deux pas de la ville , y avoit
mis toutes ses a ffection s, y recevoit ses amis , n ’avoit plus qu’un
pied à terre à C lerm o nt pour les jours d ’orage, vivoit à sa cam
pagne toute l ’année dans un repos plein de douceur et de jouis
sances.
V oilà bien son domicile de fait : mais ce n ’est pas celui dont
il s'agit. O n réclame le domicile de dro it; on réclame l 'intention.
Eh b i e n , m essieurs, voici quelle fu t Yintention de Q uayron. Il
eut l ’intention d ’avoir une plus grande part dans les droits politi
ques ouverts par la révolution. 11 eut Vintention de primer dans
un villag e, au lieu d ’être effacé et noyé dans Clermont. Pour
c e la , il alla à la municipalité de C lerm ont déclarer qu’il entendoit transporter son domicile à Chamallièrcs , où il avoit déjà
son habitation. C e lt e déclaration , il ne seroit pas impossible de
la trouver sur les registres de la municipalité. Mais qu en e st-il
besoin ? Q u ayron avoit payé à Clerm ont la cote mobilière tant
qu’il y avoit été dom icilié; il cesse de la payer : donc il a quitté
ce domicile. Q u ayron a payé en 1789 ou 1790 : il ne paye plus en
1791. C om m e n t le fisc a-t-il perdu cette cote? Est-ce que Yavare
Achéron peut lâcher sa proie?
11 paye
à Chamallières. Est-ce
6ans l'avoir voulu et provoqué? L e rôle matrice de 1791 à C h a mallicrcs articule une cote mobilière : ce lle cote a existé. L e rôle
A
3
�(
6 )
exécutoire de 1 7 9 T , conform e en tout au rôle matrice nom pour
n o m , page pour p a g e , n y m éro pour n u m é r o , porte aussi en son
lieu le nom de Q uayron : mais la feuille est arrachée. L a con
cordance des numéros et des nQms , au-dessus et au-dessous de
la feuille, concordance avec le rôle matrice dont la feuille no narracliée porte un nom précieux , prouve que la feuille arrachée
portoit aussi une inscription précieuse. V o u s voulez que ce soit
nous qui ayons arraché cette feuille : ah ! M . B o ir o t , autor sce -
le ris , cui scelus prodest.
M ais q u ’ importe le rôle exécutoire : le rôle matrice nous suffit.
M ais peut-être que Q u ayron a eu deux cotes mobilières , une à
Clerm ont et une à C h a m a l l i è r e s . Point du to u t; le rôle de Chamallières p a r le , et celui de Clerm ont se tait. Pesez bien ces deux
circonstances , messieurs. Quayron n ’avoit point eu de cote à
Chamallières avant 1791 : il en a une en 1791. Q u ayron n ’a point
de cote à Clerm ont en
1791 ; il en avoit une les années précé
dentes: donc il a cessé de payer. Cette cessation 11’a pu avoir lieu
qu ’en-vertu d ’une déclaration form elle: donc il l’a laite , cette
déclaration ( 1 ) ; donc il a choisi un autre dom icile; donc il est
m ort à Chamallières , domicilié de fait et de droit; donc les trois
25
quarts de ce m obilier, que la voix publique porte à 20 ,
ooo i r . ,
appartiennent aux héritiers ; donc il est urgent pour eux d ’invo
quer la com m une renom m ée; donc la veuve n’inspire ni pitié , ni
in t é r ê t , quand elle se trouveroit punie de sa faute , de sa lourde
f a u t e , Iota culpn , de son omission d ’inventaire, de ses dénéga
tions , de sa mauvaise fo i; donc elle a tort de crier à la vexation,
à la persécution, de supposer gratuitement l'intention de la chasser
( 1 ) O n p o u r r o i t p e u t - ê t r e i n d u i r e d u t e x t e d e l ’a r t . 1 0 4 d u C o d e c i v i l c i t é
p a r le
inéfnoire , qu e l'e xhibiti on
d'un e déclaration
d e d o m i c i l t ; est a u
j o u r d ’ h u i n é c e s s a i r e p o u r o p é r e r l.i p r e u v e d ’u n c h a n g e m e n t . M a i s l a l oi d e
1 7 ^ 1 q u i u ' g i t 1rs p a r t i e s , t o u t e n v o u l a n t q u e l ' i n t e n t i o n s o i t b i e n c o n n u e ,
bien
déclarée,
l a l a i s s e d é c l a r e r p a r les f a i t s , p a r d e s t é m o i g n a g e s , p a r
d e s c i r c o n s t a n c e s p r o b a n t e s , p a r u n e . c o n v i c t i o n i n o r a l e . L ’e x l i i b i i i o n f o r
melle
d ' u n e d é c l a r a t i o n expresse n' ts t pas te xtu ellement v o u lu e p a r la loi.
�(7 )
de son u su fru it, quand on ne -veut que compter avec e l l e , pour
savoir ce qui doit revenir un jour à elle ou aux siens.
• >
L ’héritier peut protester, sur son h o n n eu r, que telle1 a été son
intention. Si la veuve avoit voulu traiter , elle auroit gardé son
usufruit ; mais on auroit éclairci tout ce qui est vague ou douteux
dans ses prétentions. Si elle ne s’étoit point entêtée sur le point
du d o m ic ile , on auroit arbitré amiablemcnt la valeur du m obi
lier ; on auroit réglé ses autres répétitions, et résolu toutes les
difficultés; on auroit évalué ce qu’elle a m e n d e , et ce qui revient
à l héritier ; enfin on auroit fixé un quantum à payer à scs ayanscause.ou à elle-même. L a veuve n ’ayant voulu entendre à aucune
exp licatio n , on a été forcé d ’en venir aux voies judiciaires. Q u e
l ’héritier ait pu être séduittpar la perspective d ’avoir un jour une
habitation agréable, qui n ’étoit abordable pour lui que par ce
seul chemin , il la paye cher , cette perspective. Mais enfin ,
il falloit qu ’il pourvût à ce que sa condition ne devint pas pire ;
et voilà son intérêt, son objet. Il se croit investi des trois quarts
d ’ un mobilier vague et indéfini : il lui importoit de fixer le plus tôt
possible la valeur de cc mobilier , dont les tra ces s ’évanouissent
par le laps du temps. Il a fallu forcer la veuve à s’expliquer de
vant les trib unaux, et à éclaircir tous les points douteux. Q u ’un
homm e de loi ait dit à l ’héritier que les dénégations de la veuve,
et ses soustractions jointes au défaut d ’inventaire , étoient une
spoliation; q u ’une veuve spoliatrice étoit indigne; que l ’indignité
ernporloit privation des libéralités , etc. ; on sent bien que ce lan
g a g e , emprunté du dro it, n ’est pas la propre pensée d ’un ancien
militaire. Sans donc insister sur cette indignité et sur ses suites ,
m o ye n q u ’il laisse à débattre aux jurisconsultes, l ’héritier se
confie pleinement aux autres moyens de sa cause.
M ais il supplie ses juges de ne pas glisser légèrement sur un
point délicat et difficile , la démarcation du pays de coutume et
de celui de droit écrit. C e point est plutôt préjugé que jugé. L a
veuve s'adjuge libéralement l’héritage séparé des Roches par le cl:o—
Xïiin, Cet héritage est-il bien sûrement à elle ! U n arrondissement
�C8 3
pour la collecte n ’est qu’une démarcation fiscale : c ’est la démar
cation féodale q u ’il faut. E n c o r e , S a in t -A ly r c , faubourg de C le r m o n l , collecte de C le r m o n t , étoit pays de coutume. L a justice
seule de l’évêque compose le territoire de droit écrit de Clerm o n t.
Si des témoignages dignes de f o i , si des traces authentiques attcstoient que des cens ont été payés au chapitre de Chamallières
dans le ténement mêm e qu’on répute de la mouvance de l’évêque?
L e droit romain est-il , était—il propre aux F ran ça is? nullement.
L e droit français consisloit dans les ordonnances de nos rois et
dans le recueil de nos coutumes. L e droit romain étoit un droit
étranger admis com m e supplément du noire. C étoit une raison
écrite qui parloit dans les cas où se taisoit le droit coutumier. U n
droit é tra n g e r , un droit d ’exception , un droit odieux ne doit
point être étendu ; odia restringenda. E n cas de d o u t e , il fa u t
suivre le droit commun. C ’est à la veuve à prouver form ellem ent
que son verger est en droit écrit. Onus probandi incumbit cui
prodest. Sans ce la , le droit d ’héritier est un droit universel qui
couvre tout. Je soumets ces réflexions à la prudence du tribunal.
11 seroit indigne do jogoc impartiaux et soigneusement attentifs
au droit entier des p artie s, de prendre légèrement parli dans une
question de celte importance.
Les dépens sont nécessités par la position des choses , m êm e par
les faits et les iaulcs de la veuve. C e qui peut lui arriver de plus
a va n tag e u x, est donc qu’ils soient pris sur la masse de la succes
sion. C e sera donc à elle à les avancer, puisqu’elle a en m ain toutes
les valeurs mobilières et immobilières.
Q u an t à la caution à fournir par la veuve, ce point est hors de
d o u te , la loi est expresse; et le tribunal d ’appel a récemment
consacré ce principe (i). U n usufruitier est investi d ’une belle
propriété foncière ; il l'offre en hypothèque com m e garant des
dégradations que pourroit recevoir l’objet joui. Q ue dis-je ! moins
que cela : il n ’y a pas d'objet de jouissance. L ’usufruit est celui
( i ) D an s la cau se de M . T e i l l a r d e t de m a d e m o i s e l l e
Chapaveyrc.
�(9 )
d ’ une somme d ’argent : la propriété foncière vaut quatre fois colle
pomme. Eh bien, l'usufruitier n ’a pu èlresa caution à lui-même; il lui
a fallu uno personne étrangère. Sansm odification, sans distinction,
la loi veut être obéie. L a loi veut accorder au propriétaire une
sûreté hors de la personne de l ’usufruitier. Elle pense que les for
tunes quiparoissent les m ieux é tablies, peuvent s’évanouir, com m e
nous en avons tant d ’exemples, et que le propriétaire pourroit se
trouver sans gage que la chose jouie lui sera transmise sans dé
gradation.
Vpettfe caulian ne scfci neut-ôlre ^as de la valeur çnticre de l’objet
jouï ; mais^ife^sera^fèn'ce'rta^&ment'^îiles,îi ld*4lii'ftVSû>ce entre
l’objet garni- de vieux et beaux arbres , foisonnant à arbré^ frui
tiers du plus
^cs bàtimeiîsSvLe fbelîesf
,
dés conduites d’ea)|xy jjitts»(]|e|clôture, des vignes en bon rap
port et ce même objet délaissé tout nu, sans arbres, $ins vignes,
sans eaux~, sans piurs , àvee deiyljStimens joj^ ruÿiç£,,des\:onduitcs
d ’eaux rompues , des eaux perdues ? etc. On sent'nue cette dissem
blance de l’objet it lui-m êm e équivaut presque a %on\cxist<ncè
entière , surtout quand il s’agit d’une très-petite étendue de terrein.
T e lle s sont les réponses que j ’ai cru devoir faire à l ’éloquent
mémoire de M . Boirot. Je n ’aurois p a s , sans sa provocation , ap
pelé le public à entrer en connoissance de celte c a u s e , dont je
laissois avec confiance le jugement au tribunal qui en devoit seul
connoître. M ais je devois à mon caractère, de repousser des impu
tations odieuses , de réfuter quelques raisonnemens faux qui leu*
doient à m ’imprimer un ridicule. Il eût été iastidieux de suivre le
m ém oire pied à pied , pour renvoyer tous les traits q u ’il contient:
il m ’a suffi de présenter un aspect des faits plus entier , plus con
form e à la vérité qui résulte toujours d e l’ensemble, elnon d ’une vue
partielle. Ç ’a été avec regret que je m e suis vu amené à articuler des
inculpations dures. M ais, com m e le ditle mémoire auquel je reponds,
la nécessité d ’appuyer les moyens de la cause m ’en faisoit une obli
gation pénible. D a n s une cause où on se fera un argument de la
bonne foi 'p r é su m é e , il falloit bien exposer tout ce qui détruit
�(1 0 )
l ’a r g u m e n t, on détruisant cette favorable présomption. A u reste,
je n ’ai point supposé d ’intention secrète ni d’arrière pensée. J’ ai
fait parler les faits ; et je ne les aurois fait parler qu’à l’audience,
sans l ’in utile mais insidieux imprim é de m a partie adverse,
d e m a l e t
-l a v e d r in e .
1
;
;i< ' ' ! I
A R I O M , de l ’imprimerie d e L a n d r i o t , seul imprimeur de
la C ou r d ’appel.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
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A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Demalet-Lavédrine. An 13?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
captation d'héritage
coutume d'Auvergne
droit écrit
Description
An account of the resource
Réponse de Joseph-Marie Demalet-Lavédrine, demandeur, au précis de Michelle Soulages, veuve Quayron, et aujourd'hui femme Mosnier, défenderesse.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 13
Circa 1789-Circa An 13
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0541
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Chamalières (63075)
Clermont-Ferrand (63113)
Rights
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Domaine public
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captation d'héritage
coutume d'Auvergne
droit écrit
-
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8d3afbc86e7e87fcee6932de40867975
PDF Text
Text
R
PO U R
É
S
U
M
É
les héritiers D E S A U L N A T ,
C O N T R E
le M eunier
D E B A S et autres
Intervenans.
Jean
D ebas,
prétend
avoir le droit extraordinaire d’entrer à
volonté dans le parc de Saint-Genest, pour conduire à son moulin
appelé moulin Dubreuil t l ’eau des sources dites de Saint-Genest.
Ce droit lui fut contesté par Joseph-Neyron Desaulnat ; ses héri
tiers le lui disputent égalem ent.
S ’il faut en croire Jean Debas : « Depuis quatre siècles, l’eau de
» cette source arrivait à ce moulin par un béal pratique à travers
les propriétés des héritiers Desaulnat , venant du seigneur de
Marsac et Saint-Genest.
» Cet ordre de choses avait subsisté jusqu’en 1681.
» A cette époque , M. de Brion , représenté aujourd’hui par les
héritiers Desaulnat, voulant former un parc qui devait englober
�» la source de Saint-Genest , y créer un étang , à la place d’uh
» béai propre au moulin D ubreuil, convint avec les emphytéotes
» de ce moulin ,et les propriétaires des prés et moulins inférieurs ,
» qu’ils auraient l’eau et l’entrée dans le parc , sans quoi ils se
»
seraient opposés à sa clotûre.
t> E n conséquence de cette convention , le béai fut détruit en
» partie , et remplacé par l’étang.
» On plaça le dégorgoir de manière à ce qu’il rendit l’eau à
» la hauteur et dans la direction des rouages du moulin Dubreuil.
» On fit ce placement contre toutes les règles de l ’art , dans
» la partie la plus élevee et du côte oppose à la bonde , uniquement
» pour le service de ce moulin.
» On pratiqua un autre béai connu sous le nom de rase de la
» Vtrgnière , pour transmettre l’eau au moulin Dubreuil, dans les temps
» de pèche ou de réparations
qui obligaient
de
mettre l ’étang
» à sec.
» M. de Brion fit construire une porte exprès pour les e m p h y» téotes de ce moulin , et les autres ayant droit à la source.
» Une c le f en fut donnée aux premiers , à la charge d’en aider
» les seconds , afin de conserver à tous 1« droit d’entrer librem ent
» et habituellement dans le parc, comme ils le faisaient avant sa
» clotûre. »
Que d ’invraisemblances entassées dans ces faits !
L es emphytéotes du moulin D ubreuil, assez simples pour laisser
détruire un béai sans lequel Veau de la source de Saint-Genest ne serait
pas arrivée à leur moulin ! Pour le laisser détruire sans exiger préa
lablement un titre qui constatât l’ancien .état, des choses, et com
ment on le remplacerait !
�( 3 )
■Ces emphytéotes assez confians pour se contentér d’une promesse
yerbale , qu’on leur donnerait l’eau d’une autre manière , et la c le f
d’une porte dans le p a r c , pour y entrer à volonté'!
M. de Brion serait venu à bout de rassembler les propriétaires
des prés et moulins inférieurs , ( dont le nombre est incalculable )
et tous s’en seraient rapportés à sa parole , sur le droit d’entrée
et de prise d’eau , que Jean Debas leur suppose dans le parc !
L e seigneur de Marsac et Saint-Genest, aurait souffert que dans
5
¿a justice , à travers ses propriétés , dans une longueur de i o toises,
le seigneur de Tournoëlle fît construire un béai , pour le seryice
d’un moulin , qui aurait pu faire tort au sien !
E t ce béai aurait été détruit sans le consentement du seigneur
de Tournoëlle , sans qu’il y
mit em pêchem ent, jusqu’à ce qu’on
lui eut assuré par écrit l’équivalent !
t M . de B rion ,
achetant la haute justice sur ses pi’opriétés de
Saint-Genest , p o u r en faire un p a rc , qui ne dépendit de personne,
y
aurait
en ferm é le
terrein sur
le q u e l
on
p la c e
le
b é a i en
question !
Il se serait assujéti à y laisser entrer les emphytéotes du moulin
D ubreuil, à toute heure , le jo u r } la nuit !
r Quand tout cela serait v r a i , cette vérité ne serait pas vraisem
blable.
Jean Debas
ne
prouve
rien de
ce qu’il
avance ,
le
con
traire est prouvé contre lui.
Si la servitude qu’il réclame eue été due , ou M. de Brion s’en
serait affranchi par arrangement , ou bien il aurait laissé le local
asservi hoïs'd u parc $ en terminant
de la Vergnière.
àa clôture le long de la rase
�(4)
L e parc aurait eu en moins , rem placem ent
de l’étang et du
pré long , mais il n’est personne qui n’eut préféré ce retranche
ment à l’incommodité de ne pas être maître chez soi.
11 n’est
du à Jean Debas , ni l ’entrée dans le parc , ni la prise
d’eau qu’il demande ; on va démontrer ,
i . ° Que son bail emphytéotique de 1756 , ne lui donne ni l’un
ni l’autre ;
2.0 Que le contrat de vente de la p ro priété de Saint - Genest ,
en 1 7 0 9 , n’assujettit pas l ’acqu éreur à cette servitude ;
3.° Que
le béai qu’il se donne dans le parc , n ’est qu’imaginaire ;
4 .° Q u ’avant la formation de l’étang, le moulin Dubreuil pouvait
recevoir les eaux de plusieurs sources , autres que celles de la
source de Samt-Genest ;
5.°
Que ce niest pas pour les emphytéotes du moulin Dubreuil ,
que fut construite la petite porte à l’angle oriental du parc ;
6 .° Que l’enceinte triangulaire ne renferme que la fontaine du
seigneur , où est la prise d’eau de la ville de Riorn , et des habitans
de Marsac ;
Mais que cette fontaine n'est pas la sourie ;
7.0 Que la possession dont argumente Jean Debas , n ’est qu’une
possession de simple to lé ran ce , une possession que le propriétaire
avait même intérêt de tolérer ,
eu jugement interlocutoire.
que Jean Debas n’a pas satisfait
L e titre de Jean D ebas, est contraire à sa demande.
L e bail emphytéotique de 1756 , est muet sur le droit d’entrée
et de prise d’eau dans le parc.
»
�( 5)
« L e seigneur de Tournoëlle , concède un moulin farinîer avec
» l’écluse , un petit pré y joignant , contenant le tout environ un
» journal , ainsi qu’il a été reconnu à ¿on terrier en 1454 et i 4^4 f
» lequel se confine par les jardins du nommé Roche , le ruisseau
» de Saint-Genest entre deux de jour , de m i d i , le mur du parc de
» Saint-Genest, chemin public entre deux;
» A v e c ses plus amples et meilleurs c o n fin s, si aucuns y à ;
» A u cens de douze septiers seigle , et de la moûture g ra tu ite ,
» pour le service du château de Tournoëlle.
» A la charge de rétablir le moulin et les bâtimens qui sont eu
» ruine , etc.
» Faculté d’en faire dresser procès-verbal attendu leur mauvais
v état. »
L e procès-verbal , qui en fut dressé , ne constate que l’état du
moulin , de l’écluse et du petit pré.
Il y a dans le bail emphytéotique , deux choses remarquables.
L ’ une que tout ce qui fut concédé
de l’enclos ;
en 17
56 9
se trouve hors
Que ce tout est confiné au m i d i , par le mûr de clôturé du parc de
S a in t-G e n e s t, d’où la conséquence que ce confin exclut toute ser
vitude au dedans.
L ’a u tre, que le moulin Dubreuil n’a été emphytéosé en 1 7 5 6 ,
que tel qu’il était tn 1454 et 1 4q4 , malgré les changemens survenus,
quoique ( dans le système de Jean Debas ) les tenanciers précédans
eussent joui , ou dû jouir du droit d’entrer dans le p a r c , etc.
S i ce droit leur était acquis depuis 1G81 , que Jean Debas explique
5
pourquoi on ne l ’inséra pas dans sa concession de 17 G , pourquoi
on ne lui remit pas une c le f de la petite porte , pourquoi dans le
�( 6)
procès-verbal on n’a pas constaté l’état de la petite porte , qu’il dit
lui appartenir.
V e u t-o n en savoir la raison ? L e seigneur de Tournoëlle n’avait
en propre et dans sa justice , que le moulin Dubreuil , l’écluse et h
petit pré.
L e s eaux étant toutes dans la justice de Saint-Genest, il ne pouvait
y accorder aucun droit.
V o ilà pourquoi le bail emphytéotique de 1756 , et le procès-verbal
qui s'en suivit , ne comprennent que le moulin, lecluse et le petitpre'.
Quelle diflérence entre la concession du moulin Dubreuil et celle
du moulin de Saint-G enest !
Dans c e l l e - c i , le seigneur de Marsac et Saint-Genest concède le
moulin de ce nom avec ses écluses, chaussées et cours d'eau , parce
que ces trois choses lui étaient propres , et dans sa justice.
Dans l ’autre , le seigneur de Tournoëlle ne concède le moulin
Dubreuil , que tel qu’on le lui avait reconnu en i
454
et 1
49-4 »
c ’est-à-dire qu’il ne donne que le moulin , Vécluse et le petit p r é , rien
de plus.
E t c’est le sieur Cailhe père , un des féodistes sans contredit les
plus instruits, les plus intelligens de la p r o v in c e , qui rédige et
reçoit l’acte comme notaire ; c e st lui qui , connaissant parfaitement
les droits de la terre de Tournoëlle , puisqu’il en renouvelait alors
le terrier , ne fait concéder par le seigneur que le moulin Dubreuil
avec Yecluse et le petit pre : le tout confiné par le inur du parc
de S a in t-G en e st, chemin public entre deux.
(
Cependant , si l’on en croit Jean Debas , le droit d’entrer dans
le parc , d’y gouverner l’eau de la source de Saint-Genest , était
à cette époque attaché à son moulin ; et il n ’exige pas qu’on en
lasse mention !
�(
7
)
L e titre d'acquisition de la terre de Saint - Genest
rejette la servitude prétendue.
D
ans
la vente de 1709 du bien de Saint-Genest à Pierre D e m a l e t ,
aïeul du sieur Joseph - N e y r o n Desaulnat , on ne lui imppse pas
la condition de soufï'rir l’entrée des emphytéotes du moulin Dubreuil
dans le parc , et leur prise d’eau; s’ils avaient eu ce droit , certes
M. de Brion l’aurait déclaré.
Il n’est pas croyable que ce m agistrat, conseiller au p a rle m e n t,
se fut exposé à une garantie inévitable , en cachant à son acqué
reur
une servitude
non apparente : non apparente ,
puisqu’elle
repose uniquement sur une prétendue convention verbale avec tous les
ayant droit à la source de Saint-Genest.
On ne croira pas davantage que le sieur de Malet se fut soumis
à cette servitude, à la première demande , sans la moindre oppo
sition , sans la faire juger avec son vendeur , tandis que son titre de
propriété et celui des emphytéotes la repoussent également.)
L e silence de ces deux titres sur la servitude prétendue , est une
preuve irrésistible que l’enclos de Saint-Genest n’y est pas sujet.
Supposition d’un béai dans le -parc, pour le service
du moulin Dubreuil.
J ean D
ebas
se voyant sans preuve par écrit pour la servitude
-qu’il réclame , en a supposé une matérielle ; un béai propre à son
moulin et placé dans I étang.
Mais les experts chargés de vérifier s’il en
* traces ,
« restait quelques
ont lait fouiller au commencement , au milieu , à la
�( 8 )
» fin de l’étang sur une éminence dont le terrain dur , graveleux ,
» blanchâtre pouvait faire présumer qu’il y avait là une bâtisse , et
» leurs recherches n’ont rien produit ; ils n’ont trouvé aucun ou» vrage de main d’homme d’où l’on pût inférer qu’il y avait un
» béai. »
Ce béai n ’existant pas , il falloit bien supposer qu’on
l’avait
détruit.
Mais é t a i t - i l nécessaire de le détruire ? non ; on pouvait trèsbien créer l’étang , conserver le b é a i , et les faire exister ensemble.
y en a un exem ple à M o s a t, dans enclos de M. le président
11
1
A u m o in s - i l n’y avait pas nécessité d’en détruire les fondemens ;
la d é m o litio n eût été impossible dans certains endroits , et la' dé
pense y aurait fait renoncer : il en serait donc resté quelques ves
tiges à l’endroit dur , graveleux qui forme une éminence , et dans
la partie où le sieur Cailhe a dit (page 22) qu’il aurait fallu une
forte chaussée , ou des encaissemens en pierres.
A insi , l’éminence que Jean Debas regarde com m e une preuve
de l’existence du b é a i , en est la preuve contraire.
E n core un mot pour établir qu’il n’y ayait point de béai dans
le ta n g .
Tar la position qu’on lui donne dans l ’enclos , ce béai aurait
coupé la vergnière ancienne de M. de Brion , et celle que lu i vendit
en 1674 le seigneur de Marsac et Saint-Genest.
Placé entre les deux , le contrat de vente aurait
donné pour
confin occidental à la Vergnière vendue , la Vergnière a n cie n n e ,
le béai du moulin Dubreuil entre deux.
Mais on fait joindre les deux Vergnières , sans faire mention du
béai
�(
9
)
béai qui devait leur être intermédiaire ; donc
il
n’y
avait point
de béai.
6^5
L e seigneur de Marsac et Saint-Genest concédant en i
à la ville
de Rioin neuf pouces d’eau en diamètre, lit obliger les consuls à lui
payer des doinmages-intérêts , au cas que le moulin de Saint-Genest
vint à être abandonné par un manquement d ea u , procédant de cette
concession.
Si les emphytéotes du moulin Dubreuil avaient eu quelque droit
à la source , le seigneur de* Marsac et Saint-Genest aurait également
stipulé une indemnité pour eux , parce qu’ il devenait leur garant,
si l’eau eût manqué à leur moulin , par l’effet du retranchement des
neuf pouces.
Dans cette même concession , les consuls de Riom disaient avoir
‘cîroir’ iJe prendre l ’eau au ruisseau venant de la source de SaintGenest , et bien près d’icelle.
««■»»»
<*>
Ils auraient dit dans le béai du moulin Dubreuil • puisque Jean
Debas fait commencer le ruisseau et son béai au bas des roues du
moulin de Saint-Genest.
Avant la formation de l’étang , les eaux de plusieurs
sources venant d’ailleurs que de la source de SaintGenest 5 se rendaient dans le béai du moulin Dubreuil.
L e g a y a dit dans son rapport , ( page 5 9 ) tenir de Jean Debas ,
que les eaux de la fontaine de la pompe se rendent dans la rase
de la Vergnière ; de là , à son moulin.
Il ajoute que cette rase reçoit aussi les eaux de différentes sources
qui naissent dans la Vergnière.
Arrêtons-nous à cet aveu.
Nous voilà certains qu’ayant la formation de l’é t a n g , des eaux
�( l ° )
de plusieurs sources , autres que celles de Saint-Genest , pouvaient
arriver au moulin Dubreuil par la rase de la Vergnière.
Il a été aussi reconnu que le ruisseau donné pour confin au pré
Cermonier , de jour , midi et nuit , dans le contrat de vente de
1 6 7 4 , se rendait également dans l'écluse du moulin Dubreuil.
L es deux experts sont d’accord que ce ruisseau n’est pas celui
de Saint-Genest.
L eg a y ( pag. 28 et 29 ) le fait venir de la fontaine de la pompe. ,
Cailhe {pag. 1 6 ) a pensé qu ’il p o u v ait être form é par les eaux
des sources du G a rg o u lio u x.
Les héritiers D esaulnat ne discuteront pas ici ces deux avis.
Ils s’en tienn nent à la déclaration de Jean Debas ,
pii^iwiifri) que des eaux de différentes sources se rendaient
dans la rast de la Vergnière ; de là , à son moulin ; et ils en con
cluent , qu’avant la formation de l’é t a n g , le moulin Dubreuil pou
vait être activé par ces eaux.
Il y en arrive encore ; mais elles ne suffiraient pas pour le mettre
en jeu.
Ils observent aussi qu’on ne retrouve plus aujourd'hui le ruisseau
dont il est parlé ci-dessus , et indiqué par lacté de 1 6 7 4 .
Si l’on demande ce qu’il est devenu , on répondra que la trace
s’en est perdue, dans une période de i
35
ans.
L es deux experts conviennent qu’il servait à l’irrigation du pré
Cerm onier , aujourd’hui pré des L it t e s , que ce pré a été agrandi
aux dépens de la Vergnière.
Il n’est pas étonnant que dans une espace de i
35
ans , il soit
arrivé des changemens dont on ne peut rendre compte ; au sur
plus , les héritiers Desaulnat n’y sont pas tenus : les eaux de la
*
i.
�Fontaine de la pompe de la Vergnière , des sources du Gargôuilloux ,
d’où provenaient le ruisseau qu’on n’apperooit plus; ces eaux , indé
pendantes de la source de Saint-Genest , naissant dans le parc , les
prédécesseurs du sieur Desaylnat pouvaient en . disposer à leur v o
lonté , en changer le cours , les absorber , sans que ses héritiers
soient tenus de dire l’usage qu’on en a fait.
E h ! qu’on ne croie pas que par l ’absence du ruisseau, par la dimi
nution des eaux de la fontaine de la pompe , de celles des sources
naissant dans la Vergnière , par le dessèchement de l’étang , le
moulin Dubreuil se trouve totalement privé d’eau !
Dans l’état actuel , Jean Debas peut y faire arriver par son jardin }
autrefois Vergnière , l ’eau de la source de Saint-Genest.
Son m o u lin , il est vrai , aura moins, de saut : il sera ce qu’il
était avant la formation de l’étang.
A v a n t , il ne payait qu’une modique redevance de trois sétiers
seigle , un sétier froment.
Après , le seigneur de Tournoëlle le d o nna, en 1 7 5 6 , à nou
veau cens , moyennant douze sétiers seigle , et la condition de le
rétablir , ainsi que les bâtimens qui étaient en ruine.
Si ce n’est pas le plus grand volume d’eau qu’il recevait , ou
le surhaussement de
ces
mêmes eaux depuis l ’établissement de
l ’é t a n g , qui fut la cause de l’augmentation , toute autre vraisem
blance ne serait qu’une chimère.
,
L a -petite porte f u t fa ite pour les propriétaires de Venclos
de Saint-G enest.
C E T T E p o r te ,
; .
placée à l ’angle oriental du p a r c , en face
de
F/glise, indique assez que M. de Brion la fit faire à cet endroit ,
pour se. rendre par son parc à la paroisse dont il était seigneur.
�( 13 ).
Sa position respectivement au moulin Dubreuil , son éloignement
de ce m oulin, l’incommodité tjui en résultait pour les em phytéotes,
toutes ces circonstances prouvent qu’elle n ’était pas une porte de
servitude, mais une porte de convenance pour les seigneurs de SaintGenest.
L es emphytéotes ne l’auraient pas soufferte si éloignée*1d’eux ,
s’ils avaient eu le droit de l’exiger plus près.
E t si M. de Brion eût été tenu de la donner , il l’aurait placée
dans l’endroit le moins dommageable pour lui , comme il en avait
le droit.
L a source de S a in t- Genest n’est pas dans l’enceinte
triangulaire.
O n prend mal à propos pour la source de S a i n t - G e n e s t , la
fontaine du seigneur bâtie en forme de chapelle et renfermée dans
l ’enceinte triangulaire. E lle n’en est qu’un bouillon.
C ’est le grand bassin lettre C , qui est la véritable source ; et ce
grand bassin , situé , sans équivoque , dans l’enceinte des murs de
l ’enclos , fait partie de la propriété du moulin , appelé de SaintGenest. L à sont les ¿cluses et les chaussées : il est impossible d’en
faire le placement ailleurs : il appartient aux héritiers Desaulnat ,
en vertu de l’adjudication de 1620 , en faveur de leurs auteurs , et
6 4,
d’un contrat de vente consenti , en i y
à M. de Brion , par le
seigneur de Marsac.
Dans la conjination générale des choses cédées , on porte la haute
justice jusqu’à la terre proche la grande fontaine de Lugheac.
Cette terre est au-delà de la grande fontaine et la joint sans
moyen ; donc tout ce qui est en deçà est compris dans la vente ,
et appartient aux héritiers Desaulnat.
�(; |3 )
A u surplus , le Tribunal civ il , d’après la déclaration de Jean
Debas , s’étant cru dispensé de prononcer sur la propriété de la
source , il serait superflu d’en parler davantage.
L a seule question qu’on devait agiter au procès , était de savoir
s’il y avait dans l’enclos un béai propre au moulin Dubreuil , ou
d’autres ouvrages de main d’homme , et s’il en restait quelques
marques apparentes.
E n e f f e t , que la source naisse dans l ’enclos , ou qu’elle naisse
ailleurs, ses eaux l e traversent en suivant leur cours naturel, sans
que les propriétaires en usent dans
l’intervalle qu’elles y
par
courent , ainsi ils se trouvent dans les termes de l’article 644 du
code Napoléon.
E t puisque Jean Debas prétend qu’on avait détourné l’eau de
la source de Saint - Genest de son
cours naturel par le m oyen
d’un béai , il doit en montrer l ’existence , ou au moins quelques
marques certaines.
L a possession que Jean Debas tire de Venquête, n'est
que de tolérance et non une véritable possession.
P o u r prescrire un droit de prise d’eau dans l’héritage d’a u tru i,
il ne suffit pas d’y être entré même pendant trente ans , il faut prouver
qu’on y a fait ou un acqueduc , ou d’autres ouvrages de main d’homme ,
des ouvrages perpétuellement appareils, qui attestent que celui qui
prétend la servitude , les a fait dans l ’intention de l’acquérir.
C ’est la doctrine de tous les auteurs qui ont parle des servitudes.
On n’en citera qu’un , parce qu’il en vaut plusieurs , et qu’il a
écrit particulièrement pour notre coutume.
C ’est M. Chabrol.
�( i4 )
Ce m agistat, après avoir rapporté sur l’article a , du chapitre 17 ,
des arrêts qui ont jugé que le propriétaire d’une source , a le droit
d’en disposer à sa volonté ;
A jo u te , « niais si ceux contré qui ces arrêts ont été rendus avaient
» eu une véritable possession de prendre l ’eau dont il s’agissait , s’ils
» avaient pratiqué , depuis plus de trente ans , un acqueduc, dans
» les héritages où elle naissait , pour la conduire dans les leurs ,
» ces ouvrages extérieurs et apparens soufferts par le propriétaire,
» auraient tenu lieu de titre ; il en serait résulté une vraie possession,
» qui ayant continué pendant trente ans , aurait opéré la pres» cription dans une coutume où les servitudes sont prescriptibles. »
Il faut donc dans la coutume d Auvergne , pour acquérir la vraie
possession d’une
prise
d eau dans un héritage , y avoir fait des
ouviages de main d’homme ,
acqueduc , etc.
des ouvrages tnarquaiis , comme un
Ce principe a été reconnu et consacré par le jugement interlo
cutoire , rendu dans cette affaire : ( c’est en dire assez ).
Ce jugement n’ordonne pas seulement la preuve , que pendant
trente ans , Jean Debas ou ses auteurs , sont entrés dans l’enclos
de Sa in t-G en e st-, qu’ils avaient une c le f de la porte à l ’angle^
du côié de l'église de Saint-Genest.
11 exige aussi la preuve que pendant le même laps de tem ps,
ces emphytéotes ont nettoyé et entretenu le béai , ou la rase , 04
tout autre conduit........
Jean D ebas TÜa point satisfait au jugem ent.
Q ’ ua - t - il prouvé ?
Que les emphytéotes du moulin D u b r e u il, avaient une c le f de
la porte de l’angle oriental ;
�{ i 5 )
o Qu’ils entraient dans l’enclos de S a in t-G en e st, pour dégorger
» la grille de l’etang ;
» Que soit qu’on vidât l ’étang pour le pêcher , ou pour faire
» des réparations , l’eau arrivait toujours à ce moulin par la rase
>* de la Vergnière. »
Cela ne suffit pas ; il était aussi tenu de prouver qu’il avait
nettoyé et entretenu une rase , ou c o n d u it, etc.
Mais il n’y a pas la moindre preuve qu’il ait fait ces deux choses.
Ce n’était pas nettoyer l’étang, que d’en dégorger la grille.
E n la dégorgeant, Jean Debas ne travaillait qn’à la superficie,
et à un seul endroit de l ’étang ;
Tandis que pour le nettoyer il eût fallu le mettre à sec K et
le curer dans toute son étendue.
Il n’y a pas non plus de preuve qu’il ait entretenu , xni rase ' ni
conduit.
U n seul témoin ( le vingtième ) a déposé que Robert-Debas t
père de
Jean ,
le pria un
jour de venir aider à boucher une
large brèche à la chaussée , que là ils transportèrent plus de deux
chards de mottes de terre , prises dans l’enclos ,
brèche.
sur une large
Outre que cette déposition est unique , qu’elle ne se réfère qu’à
un an avant le dessèchement de l’étang et qu’il faut une preuve de
trente ans , une chaussée où l’on a une fois bouché une large brèche,
avec des mottes de terre et des broussailles , n’est pas une chaussée
entretenue; il aurait fallu la réparer bientôt après , avec des matériaux
plus solides. Debas prouve-t-il qu’il l’ait fait? Dans son sy stè m e ,
ce n’était point au propriétaire à le faire ; si ces mottes et ces brous
sailles ont suffi , elles doivent exister à lendroit où elles furent
placées sur la chaussée qui n ’est pas détruite ; on a proposé en
�( iG )
prem ière instance l ’exam en du lo ca l , pour prouver la fausseté de
la déposition.
C e témoin dépose d’un fait que Debas lui-même n’a pas articulé;
A u surplus , il parle de trois ou quatre ans.
Il dépose à la fin de l’an quatorze.
L a porte a été mûrée au commencement de
1an o n z e ,
plusieurs
années a v a n t , elle était condamnée ainsi qu il résulte de la dépo
sition de plusieurs témoins; cela suffît pour anéantir une déposi
tion présentée par le défenseur de Debas , avec tant de complai
sance.
Jean Debas , n’a pas rempli le vœu du jugement interlocutoire.
N u lle preuve qu’il ait nettoyé et entretenu l’étang , la rase de la
V e r g n i è r e ....... Nul apparence de b é a i , ou d’autres ouvrages de main
d’homme.
Il devait encore prouver , qu’il était chargé d’aider les proprié- ^
taires du pré du revivre de la c le f de la porte à l’angle oriental.
Il a prouvé seulement , qu'il la leur remettait lorsqu’ils venaient
la demander , mais il y a une grande différence , entre remettre
officieusement, ou parce qu’on y est obligé ; c’est cette obligation,
cette charge qu’il fallait établir.
Possession par tolérance, et tolérance intéressée.
Les
l ’entrée
em phytéotes du m oulin
dans
Dubreuil
n’ont pu se procurer
l’enclos de Saint-Genest, que de deux manières.
Par d ro it, ou par tolérance.
L eur titre de propriété , celui des auteurs des héritiers Desaulnat,
repoussent également le droit ; donc ils y sont entrés par tolé
rance : la conséquence est lorcée.
Pourquoi
�( H )
Pourquoi y venaient-ils ?
Pour dégorger la grille , tous les témoins le déposent.
O r , en la d é g o rg e a n t, ils travaillaient pour eux et pour le pro
priétaire.
Pour eux, en écartant l’obstacle qui empêchait l’eau d’arriver en
plus grande quantité pour le jeu de leur moulin.
‘ Pour le propriétaire , en prévenant les accidens que l ’engorge
m ent aurait pu occasionner à la chaussée.
E n empêchant l’eau de refluer sous les roues du moulin de SaintGenestj et d’en arrêter le jeu ; les douzième et vingt-huitième témoins
de l’enquête de Jean Debas , déposent du reflux.
V o ilà la cause qui a fait permettre aux auteurs de Jean D e b a s ,
l ’entrée dans l’enclos de Saint-Genest ; on ne l ’aurait pas tolérée
s’il n’y avait pas eu d’étang , (elle leur était inutile avant , même
en a d m e t t a n t qu’ils eussent un béai , depuis le bas des r o u e s dudit
moulin , de Saint Genest jusqu’au leur , parce qu’alors l’eau leur
s e r a i t arrivée librement; cela est si v r a i , que si Jean Debas veut être
de bonne f o i , i l conviendra que depuis l’enlèvement de la grille , pen
dant les orages de la révolution, il avait cessé d’entrer dans l’enclos;
que la porte à l’angle oriental fut bouchée en l’an on\e , et qu’il
n’en a demandé sérieusement le rétablissement qu’en l’an dou\e ,
après que l ’étang eut été mis à sec.
Objections de Jean Debas.
A défaut de titres , Jean Debas a supposé des précautions infinies,
prises par M. de Brion , pour ménager les intérêts des emphytéotes du
moulin Dubreuil et des propriétaires
des prés et moulins inférieurs}
lorsqu’il lit clore son parc.
3
�( i8 )
Tout ce qu’il suppose y avoir été fait pour l u i , l a été par nécessité,
ou pour l’utilité de ceux qui sont aujourd’hui représentés par les
héritiers Desaulnat.
Ainsi l’assiette du terrein ne permettait pas de placer ailleurs et
sans inconvénient f le dégorgeoir de l ’étang.
U ne des premieres règles à observer dans la construction d’un
étang , c’est d’éloîgner le plus possible le dégorgeoir de la bonde ,
afin de diviser la force de l ’eau ; si les deux ouvertures étaient rap
prochées , la charge de l ’eau pourrait faire crever la chaussée.
Conformément à cette règle , le dégorgeoir fut placé sur le côté
le moins profond et le plus éloigné de la bonde , pour le soutien
et le soulagement de la chaussée ; ce côté se trouvant dans la direc
tion du béai du moulin D u b r e u il, l’emphytéote a profité de cette
circonstance , pour dire que le ¡dégorgeoir ¿n’avait été placé a in si,
que pour conserver l’eau à son m oulin.
On répond avec l ’expert Caille , que le dégorgeoir fut placé con
formément aux règles de l’a r t , sur le côté le plus élevé ; qu’il le fut
très-bien pour l’utilité de l’é t a n g , et par un heureux hasard trèsavantageusement pour le moulin Dubreuil.
L a rase de la Vergnière pouvait exister bien avant l ’étang ; elle
fut faite pour deux causes.
R ap port
'■
8e
58-
do L e g a y ,
i.°
Pour y mettre l’eau par le déversoir du moulin de Saint-Genest,
dans les cas de réparations à faire au dit m oulin, et encore dans les
cas de pèche du grand et petit étang.
2.0 E lle recevait les eaux de la lontaine de la pom pe et des sources
de la V e rg n ière ..... A v e c une connaissance exacte du plan , et m ieux
encore du lo c a l, on voit que , surtout depuis l’existence de l ’étang ,
cette rase dite de la Vergnière , était absolument nécessaire au pro
priétaire par suite de ses ouvrages ; qu’elle n’a jamais pu être créée
pour conduire l’eau depuis le moulin de Saint-Genest jusqu’à celui
�(
J9
)
Dubreuil , puisque les experts ont vérifié que le fond de cette rase
était élevé de dix pouces au-dessus du bas des roues du moulin de StG e n e s t, et qu’elle élait parallèle depuis son origine à ce cours d’eau.
L a différence de largeur entre les deux ouvertures pratiquées
au mur de clôture du parc , s’explique facilement.
L a clôture du parc et l’étang ont été faits en même temps.
L e ruisseau de St-Genest devant entrer dans Vétang, et son lit
primitif ne servir que dans les cas de pêche ou de réparations, la
Motif de la différence
des deux ouverture»,
raison indiquait de ne laisser qu’une ouverture proportionnée au
volume d’eau qui devait y passer à l’avenir. E n conséquence , on
pratiqua une ouverture proportionnée à celle de la bonde, pour rece
voir les eaux qui en sortiraient. On d u t , en outre, lui laisser le moins
de largeur possible, attendu que dans les cas de pêche de l’étang, on
était forcé de placer à cette ouverture des grilles portatives , pour
arrêter le po isson , ainsi que cela se pratique au-dessous de la bonde
des étangs.
qua deux ouvertures, séparées par un socle en pierres de taille : l’ u n e ,
pour recevoir les eaux de la rase de la Yergnière ; l’autre, celles
qui devaient sortir du dégorgeoir. E t si quelque chose doit étonner,
1
c ’est l’importance qu’on a mise à demander
]
une explication
que
donne naturellement l’inspection des lieux.
A u surplus, Jean Debas ne peut
tir e r
aucun avantage de ce que le
j
I
propriétaire a fait, chez lui } et pour lui, à moins qu’il ne prouve,
autrement que par des allégations , que ce propriétaire était obligé
de faire toutes ces choses , à raison de la servitude réclamée.
|
L e jugement interlocutoire charge les experts de dire , « si le QuestionG.«
« r u is s e a u et béai t selon qu’il est indiqué pour confin dans l’art. i . er
I
I
» d’un décret de
Il
1G 8 1
, produit par le sieur D esaulnat, est un ruis-
„ seau et béai supérieur aux roues du moulin de St-Qenest , ou
j
» intermédiaire à ce moulin et à celui Dubreuil. *>(
|
�( 20)
L e g a y a dit aiBrmatlveraent que « ce ruisseau n’était rappelé pour
» confin que dans Ja partie inférieure du moulin de St-Genest , et
» intermédiaire au moulin Dubreuil. »
(
Mais il n ’a pas jugé à propos d’en donner la raison.
Le confin <le jour
On va le contredire , et prouver que le confin dont il s’agit ,
vapplicjue au moulin s’applique parfaitement et uniquement au moulin de St-Genest.
(le St-Genest.
Suivons le confînateur dans son opération. Il commence par Le
côté de nuit; de là il voit sortir du grand bassin, lettre C , un ruisseau;
il le voit entrer dans un béai qui a
pieds de longueur sur
dp
largeur; il se tourne à jo u r , et la p p erço it couler dans ce beal qiji
touche les bdtimens du moulin de St—Genest, tomber sur les roues,
33
jet s’enfuir
en conservant
5
sa direction parallèle au jour. Dans cette
position , il donne pour confín , de jour, le ruisseau et béai du moulin.
( Il touchait le moulin de St-Genest. )
Il y a , dans cette confination , exactitude et intelligence. E n la
rédigeant, le confinateur avait tle'vSnt: Ini le *mouIin de S t-G en est,
tandis qu’iWT£k'-f7Ayí¿^««M*OT'^nlpaí3¿bie.--^uLi¿*ípút vo¡r le moulin
Dubreuil , à cause de son éloignem ent, et parce qu’il était caché
par la. vergnière qui couvrait alors tout l’emplacement de l’étang.
S ’il avait eu l’intention de prendre pour confin le moulin D u b re u il,
i l l’aurait indiqué nominativement.
,
Jean Debas a fait valoir un second m oyen , qui n ’est pas
!
meilleur.
Le petit mur n’est
H veut faire passer pour la continuation de son prétendu béai dans
éai pré- l ’enclos , un petit mur dégradé , placé au (bas du dégorgeoir de
assuite du béai
endu.
l ’étang , et intermédiaire à la chaussée principale et au mur de
clôture.
On a d é ji répondu h cette mauvaise objection dans la note ,
5
page , i du rapport de L e g a y ; on l’a répétée , comme si elle n’ayait
pas été détruite.
�( 21 )
On dira donc de nouveau , que depuis la création de l’étang , ce
petit mur h,tait absolument nécessaire pour empêcher les eaux venant
du dégorgeoir , de refluer vers la bonde , d’inonder le petit bois V e rgnière qui est entre la
chaussée orientale et le mur d’enceinte ,
sans quoi il eut été impossible de vider l’étang , pour le pêcher ou
le faire réparer. Il fut construit en même temps que l’étang. L e sieur
Cailhe.^tfge 28 ) ne fait remonter sa construction qu’à cette époque :
il y avait entre les experts discordance sur ce point.
>
0
.
Qu’on examine ce petit mur, on verra qu’il ne se lie point aux
deux auxquels il est intermédiaire; sa construction variée, irrégmlière et imparfaite s’oppose à ce qu’on le prenne pour les restes
d’un béai ancien , qui aurait été bâti uniformément s’il eût été béai
du moulin Dubreuil.
Passant à la preuve contenue dans l’enquête des propriétaires du
pré du Revivre.
Il s’en faut bien qu’elle soit suffisante, pour leur faire accorder la
prise d’eau qu’ils demandent.
A la preuve qu’ils ont donnée que Jean Debas leur remettait la
c le f de la petite porte de l’en clo s, et qu’ils entraient par là, devait
être jointe celle qu’il ¿tait charge de les en aider ; parce que le juge-1
ment interlocutoire ne l’a pas ordonné en vain. On n’y a pas satis
fait en cette partie ; dès lors , la
possession invoquée par ces
propriétaires n’est pas une véritable possession : ce n’est qu’une posses
sion p ré caire , une possession qu’ils tiennent de l’officiosité de Jean
Debas , et qui n ’a aucun des caractères exigés par la loi , pour
acquérir un droit de prise d’eau.
U n pareil droit ne peut être acquis qu’en prouvant non-seule-*
ment qu’on est entré dans un e n d ro it, pour y prendre de l’eau ,
mais qu’on y a fait des ouvrages , dans l ’intention de s’en faire un
titre. O r, les propriétaires du pré du Revivre n’ont pas prouvé qu’ils
en aient fait.
�(
22
)
Leurs pierres d’agage , qu’on fait remonter à la plus haute antiquité,
sont une preuve irrésistible qu’ils ne prenaient l’eau qu’à la sortie de
l ’e n c lo s, et sans y entrer.
Pour le prouver , il suffit de se reporter à une époque antérieure
à la clôture du parc. Les propriétaires du pré du Revivre n’entraient
pas, alors, sur les propriétés des auteurs du sieur D esaulnat, pour
aller perndre l’eau à la source de S t-G e n e st, puisqu’ils soutiennent
que cette source n’y nait pas, qu’elle naît dans une enceinte de
forme triangulaire et indépendante de l’e n clo s, et qu’on arrive à
cette enceinte par une porte donnant dans le chemin.
Ces propriétaires ne
p re n a ie n t
qu a la sortie du c l o s , les eaux
venant de la rase de la V ergnière.
S’ils
a v a ien t
eu le droit de les prendre en dedans, ils y auraient
établi leurs pierres d’agage , au lieu de les placer en dehors. Cela
aurait même facilité l ’arrosement du pré , parce qu’alors la rase
d’irrigation eût d'autant moins contrarié le cours des eaux, que, dans
ce c a s , le retour d’équerre n’eût pas. été aussi sensible qu’il l’est
actuellement.
L es intervenans sont de nouveaux acquéreurs qui tiennent le pré
du Revivre du deuxième témoin de leur enquête.
U n acte positif dément la déposition de ce témoin.
Il déclare être entré, dans l’enclos de St-Genest , pour prendre
possession de la prise d’eau , pour connaître
les réparations à
faire.
E t le procès-verbal de prise de possession } dressé par le notaire ,
n ’en dit pas un mot !
Ce n’est pas un fait aussi important qu’on oublie dans un acte de
cette nature.
L e m o tif même que le témoin donne pour pallier l’absence de
�}
cette mention est si ridicule , qu’il suffirait pour faire douter de
la vérité de sa déclaration.
(
2
3
Passons à celle de M. de Tournadre , ancien
d’appel.
juge de la Cour
- On s’arrêtera davantage à c e lle -c i, parce qu’on la fait circuler
dans le public, comme une déposition redoutable.
■
_ Discutons-la.
M. de
Tournadre se
promenant, un jo u r,
dans l’enclos de
St - Genest avec M . de Malet , et voyant entrer le
meûnier ,
demande ce qu’il vient faire. M. de Malet répond que cet homme use
de son droit, qu'il ne peut empêcher cette servitude.
Respectons M. de Tournadre ; mais disons-le avec sécurité , sa
mémoire tient du prodige.
Quarante années s’étaient écoulées depuis l’instant où il prétend
avoir entendu le propos qu’il a répété à la Justice.
Qu’après un aussi long intervalle de temps , M. de Tournadre se
soit exactement rappelé les expressions
de M. de Malet , jeune
encore ; que M . de Tournadre n’ait pas oublié un seul m o t, qui
aurait change 1 essence de sa déclaration : ce serait un phénomène
possible, mais qui répugne à toutes les vraisemblances.
Que prouverait, au reste, cet efTort incroyable de mémoire ? que
M. de Malet , s’il est vrai qu’il ait tenu ce propos , n’aurait pas
parlé a in s i, s’il eut connu l’étendue de ses droits.
Nous en avons pour garants nos* titre s, bien plus sûrs que des
paroles ; et ce sont ces titres que nous opposons à la déposition
isolée de M. de Tournadre.
Qu’on veuille se rappeler le titre d’acquisition du bien
G enest, en 1709 ;
de S t-
�(^4 )
L e bail emphytéotique de JeanD eba's, de 1756 ;
">
Les procès-verbaux qui furent dressés de le ta t de ces deux pro
priétés , par les nouveaux acquéreurs ;
E t qu’on se demande si M. de M a le t, pénétré de toutes les vérités
de fait que ces actes lui attestoient, aurait pü sérieusement convenir
que cet homme usait de son droit, qu’il ne pouvait l'èmpêcher.
Comm ent l’aurait-il confessé? Ne suffisait-il pas, pour lui assurer
le contraire , du nouveau bail emphytéotique de i
, consenti par
756
le seigneur de Tournoëlle , par suite du déguerpissement d’Antoine
Parque ?
O r,
dans
jouira de
q u e l le c la u se
l’ é t o n n a n t e
de ce bail est-il écrit que Jean Délias
servitude d’entrer, à volonté, dans un parc clos
de murs? d’avoir à sa disposition la c le f de la porte qui doit l’y
introduire , contre la volonté du propriétaire ?
Dans quelle partie de l’acte d’état du moulin D u b re u il, dressé par
suite du nouveau bail , lit-on qu’on a conduit l’abenevisataire dans
le parc , pour reconnaître les ouvrages qu’il aurait à réparer et à
entretenir , qu’on lui a remis la c le f de la porte du parc !
L es murs de ce parc , désignés pour coniln danâ l’acte d’aben evis,
n’ont-ils pas été une barrière qu’on n’a pas osé franchit?
E t lorsqu’on irait jusqu’à supposer que depuis 1G81 , les possesseurs
du moulin Dubreuil auraient eu la clef de la porte du parc , le
silence du bail de 1706, de l’acte d’état qui le s u i v i t , ne démontre
rait-il pas que le Seigneur de Tournoëlle n’a ni voulu', ni pu
transmettre à l’emphytéote le droit qu’on fait aujourd’hui dériver
de celte circonstance? Ce silence ne prouverait-il pas que la c le f de
la porte du parc n’aurait été remise que par des motifs respectifs
de convenance ? que cet acte de tolérance , étranger au Seigneur de
Tournoëlle , n’a jamais pu devenir ni un titre de st-rvilude , ni
môme un prétexte pour forcer l’entrée dans le parc ?
Sur
�. o 5 )
Sur quoi les héritiers Desaulnats doivent-ils être jugés ? Sur le
bail emphytéotique de
servitude.
1 7 5 6 ; et ce bail s’oppose à la prétendue
Soutenir le contraire , ce serait fournir un exemple de la vérité
7
de cette pensée d’un Philosophe , qiû y a parmi les hommes quelque
chose de plus fort que Vévidence , cest la prévention.
Dans cette cause , Jean Debas ne cesse de publier que depuis quatre
siècles , son moulin étoit alimenté par l’eau de la source de SaintGenest ; q u e lle lui est due : i l ne cesse de faire crier à la spoliation ,
à l ’injustice. Ces quatre siècles ont été dans sa bouche des mots ma
giques : à force de les répéter, ses partisans ont cru que l ’eau de
cette source était la seule qui arrivait à son moulin , et c ’est tout
ce qu’il voulait.
Il mérite qu’on lui rende , i c i , ce qu’il a dit dans son mémoire,
(p a g e
.)
33
« G’est ainsi, qu’avec des mensonges auxquels on sait donner l’air
» de la vérité , on aveugle les esprits faciles , on se fait des partisans
» qui en attirent d’autres. » Personne ne possède mieux ce talent
que Jean Debas.
Finissons......... Jean Debas a contre lui son titre de p ro p rié té ,
et celui des auteurs des héritiers Desaulnats.
S’il objecte qu’on n’établit pas un moulin sans une prise d’eau
déterminée ;
C'
On répond qu’on n ’impose point une servitude sur de simples
conjectures;
Que la plupart des moulins n ’ont d’autre titre à la propriété de
l ’eau , que leur localité ;
Que la qualité de riverain détermine presque toujours ces sortes
jû’établissemens ; , j
. ^ .
/
»
�(
)*
Qu’à l’endroit oü est placé le moulin D u b r e u il, il y yenait ( de
tous les temps ) par différentes issues, un cours d’eau détermine;
Que ce moulin pouvait , et peut encore profiter d’un cours d’eau
fixe plus considérable , celui des sources de Saint-Genest.
Il lui suffirait de donner à l’écluse de son moulin , un jet moins
élevé.
On a fait voir que le bail emphytéotique de 1 7 5 6 , n ’emportait
pas le droit de prise d’eau , qu’il n'était point au pouvoir du seigneur
de T ournoëlle d’en faire une concession, parce que les eaux ne
sont pas dans sa justice.
Si ce seigneur avait eu un titre pour en co n céd e r, on en aurait aidé
Jean Debas.
Pourquoi a-t-on toujours évité de produire les anciennes recon
naissances du moulin Dubreuil ,
déclarées exister au terrier de
Tournoëlle : elles auraient peut-être pu fournir quelques lumières
sur l ’origine de ce moulin.
L e bail de 1756 ne donne pas non plus à Jean Debas la faculté
d’entrer dans l ’enclos , d’y entrer à volonté........... On ne pouvait
pas l’induire des emphytéoses antérieures à la clôture du parc ; il
fallait donc une stipulation expresse de cette faculté ; son absence de
la nouvelle concession est une preuve convaincante , que l’entrée
dans l ’enclos n ’est pas due aux emphytéotes du moulin Dubreuil.
Cependant Jean Debas la demande avec un ton plus affirmatif,
que si elle était écrite en gros caractères dans son emphytéose.
.>
A défaut de titre, l’invention d’un béai dans l’e n c lo s , pour le
service du moulin Dubreuil , était un besoin pour la cause de Jean
Debas : dans aucun acte on n’a fait mention d e ce b é a i , il est in-J
visible matériellement et par écrit.
Contre toute apparence de d r o i t , contre le titre de propriété tte
�(
27
)
Jean Debas , contre celui des héritiers Desàulnatsr, contre l ’invrai
semblance que leur enclos ait jamais été soumis-à- la servitude préten
due , les premiers juges ont condamné à la souffrir»
On fait un crime de refuser d’y souscrire.
E t par une contradiction , sans exemple peut-être , un hors de cause,
est tout ce qu’ils ont statué sur un des chefs de conclusions ,
prises en premier instance pour forcer Jean Debas à rétablir la
rase qui de son aveu est le lit naturel du ruisseau de Saint-Genest ;
rase reconnue dans tous les cas , être également nécessaire à toutes
les
parties.
Les motifs qui ont décidé des dispositions aussi disp&rates, seront
cliscutés à l’audience : on se contentera d’en faire remarquer deux
à cause de leur singularité.
L e premier est relatif à la question de la propriété de la source'
de Saint-Genest.
Après l’avoir décidée contre Joseph Neiron Desaulnats , le Tribunal
s’est déclaré dispensé d’y faire d r o i t , attendu la déclaration de Jean
j6ebas , qu’il ne prétend point à la propriété de cette source.
Joseph Neiron Desaulnats , n’est pas moins condamné d’avance
sur ce point, dans l’opinion du Tribunal.
Son ayis anticipe’ , sur une question qu’il n'avait pas à juger , an
nonce assez dans quel esprit son jugement a été rendu.
L e treizièm e-attendu est bien plus extraordinaire ; le voici littéra
lement.
.«/Attendu que le sieur Desaulnats, en détruisant son étang-, en
» changeant le cours de l’eau*, n’a fait dresser aucuns procès-verbaux ,
» que ce défaut de précaution l’accuse peut-être d’avoir changé l'état
» des lieux , d’avoir fait disparaître d’anciens vestiges qu’il lui im portait de; soustraire.'aux regards dé la- j us tiee. »s
�( 2 8 }.
E h quoi ! à travers leurs c a lo m n ie s, ses adversaires l’ont assez
respecté pour ne pas élever ce soupçon, et un Tribunal entier le lui
a témoigné d'office.
L e public im p a r tia l, jugera cet attendu.
E n publiant cet écrit , les héritiers Desaulnat se sont proposé
de dissiper l’illusion dont ce procès a été constamment e n viro n n é ,
de substituer la conviction à l ’erreur : si on daigne le lire , ils auront
frappé le but qu’ils voulaient atteindre.
Ils osent croire qu’on
légitimité de leur
s 'é to n n e ra
d éfen se
d a v o ii doute un instant de la
, qu’on restera persuadé que la re je ter,
ce serait violer les lois protectrices des propriétés.
U n soin plus important pour les héritiers D ésa u ln a t,
toute leur sollicitude.
appelle
Depuis ce malheureux procès , leur père fut abreuvé d’outrages ï
d’amertumes. Traduit tour-à-tour devant les autorités civiles et admi
nistratives , il fut partout insulté et calomnié,
^
11 écrivit avec décence et modération.
On lui répondit par des libelles.
Il en demanda la suppression,
E lle lui fut refusée.
. On ne craignit pas de consigner dans des mémoires imprimés f
ces phrases insultantes:
Spoliateur adroit, usurpateur audacieux , prothée, caméléon 3 énergumène,
qui ne respire que l’anarchie , qui en impose avec insolence, par une infidélité
préméditée.
' '
• *
Toujours Q[ffié de giéçe! ¿ entouré d’çmbûçhçs, tiayant jamais manqué
�( agr ?
d’y faire tomber ses adversaires ; employant la ruse , la perfidie, le
mensonge.
Ayant paralyse' Taction de la Justice par un tour d'adresse , escamote' le
bénéfice de deux jugemens.
■ Dénaturant un acte, le tronquant avec préméditation , mentant avec
impudence.
Il n’est pas un de ses moyens de fait et de droit, qui ne dérive d’un
fait dénaturé, ou d’une expression falsifiée.
i
C'est un tissu de perfidies : si Von suivait le serpent dans tous ses replis,
on ne s’arrêterait plus.
E xista-t-il jamais de déclamation aussi outrée ? déploya-t-on ja
mais autant d’audace et de fureur ?
Les persécuteurs de Josepli-Neiron Desaulnats doivent être satis
faits , ils ont frappé à mort la victim e qu’ils avaient dévouée.
L ’acharnement qu’ils ont mis à le poursuivre , le souvenir déchi
rant
des maux qu’il a soufferts
des manœuvres auxquelles il fut
en butte , la protection accordée à l’auteur de tant d’outrages , qui
n’a pas craint de se nommer , ont insensiblement ^creusé la tombe
dans laquelle cet infortuné vient de descendre.
L e s héritiers de Joseph-Neiron Desaulnats auraient sacrifie leurs
jours , pour conserver ceux d’un père qu’ils adoraient : poursuivre la
réparation éclatante qu’il demanda , est pour eux un devoir religieux
à remplir.
Ils l’obtiendront cette réparation : elle est due à la mémoire d’un
citoyen qui n’eut d’autre tort que de se defendre d une aggression
' injuste ; elle est due à cette décence publique , qui ne souü’r e pas
�(30)
qu’on déchire impunément la réputation de celui qui exerce un
droit que la loi autorise.
• Mais la calomnie ne s’est pas ^arrêtée à Joseph-Neiron Desaulnats ;
elle a voulu s’essayer encore sur l ’un de ses. enfans.
On l’accuse sourdement d’a vo ir mis de l'acharnement dans cette
affaire.
Q u’on connaisse et qu’on juge son intention et ses procédés.
A plusieurs reprises il a proposé des voies conciliatrices } elles
ont toutes été sans succès.
D e rn iè re m e n t
encore , et à la
fin
de l’été de 1808 , le M eunier
et sa fem m e sq rendirent à Saint-Genest ; ils dem andèrent à traiter.
L eu r proposition fut acceptée avec empressement.
U ne réunion eut lieu chez le nouveau maire de S a in t-G cn est
( M. Arragones de Malauzat ).
L à , il fut. offert de payer le moulin à dire d’experts , et d'après
la valeur q u i l avait au moment de sa plus grande activité; il fut
offert 1000 fr. au-dessus du prix de L’estimation; et M; Arragones
de Malauzat , resta "maître de prendre tel autre arrangement qu’il'
croirait convenable.
On invoque sur la vérité de cette proposition , le témoignagede M. de Malauzat.
Malgré son zèle a c t i f ,
j
malgré la volonté du Meunier de finir
• cette pénible contestation , tous les efforts de ce conciliateur esti
mable ont été inutiles.
�(30
Une main invisible a enchaîné celle de Jean Debas ; sa femme
a signalé cette main , en présence de témoins respectables.
A leur tour les héritiers Desaulnats pourraient la signaler aussi ;
mais toute idée de vengeance est loin d’eux : ils se tairont.
Pour les héritiers Desaulnat, N ei r o n D E S A U L N A T S .
Monsieur le P R O C U R E U R — G É N É R A L .
a
L
y on,
M,
G R A S , avocat.
M.
B E A U D E L O U X , licencié avoué
de l'imprimerie de D
us s i e u x
, quai Saint-Antoine, n.° 8.
�
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Desaulnat. 1808?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Gras
Beaudeloux
Subject
The topic of the resource
jouissance des eaux
servitude d'eau
Description
An account of the resource
Résumé pour les héritiers Desaulnat, contre le Meunier Debas et autres intervenans.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Dussieux (Lyon)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1808
Circa An 11-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
31 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0540
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0529
BCU_Factums_M0525
BCU_Factums_M0530
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Rights
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Jouissance des eaux
servitude d'eau
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MEMOIRE
P o u r A n n e DELAIRE,
veuve de
M ichel V irotte , et les s i x (Enfans
nés de leur mariage, appelans
C
L
les quatre Enfans du premier lit du
dit sieur V irolle, intimes.
o n t r e
’a p p e l, est, sur le fo n d , d ’un jugement par défaut du tribunal
de la Palisse.
L a dame V irotte e t ses enfans ont eu leurs raisons pour venir
directement aux pieds de la Cour.
Il a été répandu un mémoire im prim é, au nom des enfans du
premier lit du sieur V irolte.
' <
On y peint le sieur Virotte comme un père injuste, q u i , voulant
passer à de secondes n o ces, a pris des mesures qui tendaient ouver
tement à spolier les quatre orphelins laisses par sa première fem m e ;
A
�( 2)
E t la dame V iro tte com m e une fem m e am bitieuse, qui a obsédé
son m ari, pendant quarante-quatre ans qu’a duré leur union, pour
l ’empêcher de réparer ses torts par un acte de justice éclatant.
On n’opposera à ces injures que de la modération; on ne répondra
aux calomnies que par des faits.
L e sieur V iro tte , domicilié en Bourbonnais, a contracté un pre
mier mariage avec A n n e Brirot, le G août 1752.
Il fut constitué à A n ne B r i r o t , par ses père et m è r e , une dot de
2000 livres en deniers, et 4 ° ° livres de meubles.
O n voit dans le dernier feuillet du livre-journal du sieur V ir o tte ,
qu'il n ’a reçu de son beau-p ère, sur cette dot , ' que quelques
à-comptes, et de loin en loin.
Il eut quatre enians de ce m a ria g e , et il perdit sa fem m e au mois
de novembre 1766.
Il resta dans cet état de viduité jusqu’au mois de février 1 7 6 2 ,
q u ’il épousa A n n e Delaire.
11 prit la précaution, avant de contracter ce second m ariage, de
faire faire un inventaire dissolutif de la communauté qui avoit sub
sisté entre lui et A n n e B riro t, et qui avoit continué avec les quatre
enians qu ’il avoit eus de ce mariage.
C e t inventaire fut fait dans les formes usitées dans la Coutume
de Bourbonnais.
Cette première communauté n ’avoit pas élû irès-ajantageusc.
L e sieur Virotte et sa première femme étoienl entrés en ménage
sans avances , sans moyens pécuniaires.
Il s’éloit rendu fermier de quelques biens; mais les denrées
cloient au plus vil prix, com m e on peut le voir dans les pancartes
du t*mps. Une guerre désastreuse avoit tari toutes les sources de
la prospérité publique; et par surcroît d ’infortune, une grêle aff’r use avoit, en 1761 , dévasté toutes ses récoltes , et altéré la qua-
1 le
du
fieu
de grains qui avoient échappé à ce fléau.
O n ne doit donc pas être étonné que l ’inventaire dissolutif de la
irc.iiière communauté n ’ait donné q u ’un résultat do trois mille et
quelques cents livres.
�(
3
)
A près son second m ariage, les affaires du sieur V irotle commen
cèrent à s'améliorer.
L a paix de 1762 ranima l’industrie et le commerce. L e sieur
V ir o tte , secondé par une fem m e économe, active et laborieuse,
augmenta scs fe r m e s , se livra à l ’engrais des bestiaux pour la pro
vision de P a ris, fit de vastes entreprises sur les bois, et embrassa
tous les genres de spéculation dont les circonstances et les localités
pouvoient lui présenter les moyens. Sa fortune s’est accrue insensi
blem en t, et la seconde communauté a été portée ;'t un degré de pros
périté qui a excité l’envie des enfans du premier lit.
D e là , tous leurs efforts pour tenter de faire annuller l ’inventaire
destiné à dissoudre la première communauté contractée entre le sieur
V iro tte et leur m è re , et continuée avec eux jusqu’au second ma
riage du sieur V ir o tle avec la dame Delaire.
Pour parvenir a ce b u t, il a paru tout simple de calomnier les in
tentions du sieur V ir o t le , de le représenter, au moment de con
tracter une seconde union, méditant dans le silence et préparant
avec art des mesures propres à spolier les quatre orphelins laissés
par sa première femme.
On ne voit pas, à la vérité, ce dont il pouvoit spolier ces quatre
orphelins , car il étoit alors à peine au niveau de ses affaires. Mais
qu ’importe! a dit l ’auteur du m ém oire, calomnions, calomnions,
il en reste toujours quelque chose.
Cependant, ce père injuste, dénaturé, ne s’occupe, en contrac
tant un second m ariage, que de l’intérêt de ses enfans du pre
mier lit.
L a loi le rendoit commun avec sa seconde fem m e; il déroge a
cette loi j il stipule expressément, dans ce second contrat, que la
communauté n ’aura lieu e n lr ’e u x q u e dans le cas seulement que,
lors du décès de l yun ou de l’ autre des futurs, il y aura des en
fan s vivans du présent mariage, avec convention qu’ elle n’aura
pas lieu au cas contraire.
D e sorte que si la dame Delaire n’avoit pas eu d ’e n f a n t , elle étoit
condamnée à travailler gratuitement, pendant toute sa vie, pour
les enfans du premier lit, sans autre espérance qu ’un douaire préiix
de i/|0 f r ., stipulé par ce contrat.
�(
4)
On peut juger par là si lé cœur du sieur V irotte , préoccupé
d'une nouvelle passion , s’ étoit entièrement ferm é sur les intérêts
des demandeurs; si la fam ille étrangère, a laquelle il alloit
s'a llier , lui avoit imposé des lois contraires à ses sentimens.
M é m o ir e , page i .
L e sieur V iro lte ne se contentoit pas de s’occuper de la fortune de
ses enfans du premier lit, il ne négligeoit rien pour leur éducation.
D an s le premier â g e, il les a fait élever chez lui par des précep
teurs; de là il les a envoyés dans des collèges. Leurs études finies,
il les a tenus chez des procureurs; et enfin parvenus à 1 âge de de
venir eux—mêmes peres de fam ille, il leur a procure a tous des
établissemens avantageux.
Q u ’on lise leurs contrats de m a riag e, on les trouvera tous ins
titués par égalité avec les enfans du second lit.
Les filles elles-mêmes, condamnées par la Coutum e à une forclu
sion rigoureuse, ont été instituées héritières par égalité avec leurs
frères des deux lits.
Enfin le sieur V iro tte n ’a fait qu ’un seul avantage dans sa famille,
et cet avantage est en faveur du fils aîné du prertiier lit.
Q uan t à la dame V ir o tt e , elle en appelle à la conscience de ses
adversaires ; c’est à eux-mêmes , et non pas à l’auteur du M é m o ir e ,
qu ’elle demande s’ils n’ont pas trouvé en elle une seconde mère ;
si elle ne les a pas traités, dans tous les instans, avec les mêmes
soins, avec la même tendresse que ses propres enfans.
E t en faudroit-il d ’autre preuve que l’union qu ’elle a su m ain
tenir pendant quarante-quatre a n s , entre ses enfanç et ceux du
premier lit, sans q u e , jusqu’au décès du sieur V ir o tte , cette union
ait été troublée par le plus léger n u ag e?
Q uan t au caractère d ’ ambilion qu’on lui reproche , ce n’est
encore qu’à l ’auteur du Mémoire qu’elle l ’im p u te , et non aux
enfans du premier lit.
A u surp'us, un mot suffit pour la justifier sur ce point.
A u moment de la mort de Son m a r i, les greniers étoient pleins
de g rain s, les caves pleines de v i n , et elle a remis près «le 24,000 fr.
en num éraire, sans qu'elle s'en soit réservé une obole.
�C ’en est assez sur le chapitre des calomnies ; il est temps de
revenir à la cause. . .
•
85
L e sieur V iro tte est décédé au mois de novembre i o .
U n inventaire , fait en présence de tous les intéressés, a constaté
l ’état de sa succession.
:
Mais les parties ont été divisées sur le mode du partage.
Les enfans du premier lit ont cru pouvoir critiquer l’inventaire
fait par le sieur V ir o tt e , au mois de janvier 17G2, destiné à dis
soudre la première communauté contractée avec leur mere. Ils
ont prétendu que cet inventaire étoit défectueux ; que la première
communauté n ’avoit pas été interrompue; que dès-lors la seconde
communauté devoit être partagée en trois portions égales entre eux,
la dame Virotte et.la succession du sieur V iro tte ; et c ’est dans ce
sens qu ’ils ont form é , au tribunal de la P alisse, leur demande en
partage, qui a été accueillie par le jugement par défaut dont la
dame Virotte et ses enfans sont appelans.
Les enfans du premier lit opposent deux sortes de m oyens contre
cet inventaire.
Les uns sont relatifs à la form e, les autres à de prétendues frau
des, erreurs ou omissions.
A v a n t d ’entrer dans la discussion de ces m o y e n s , il n ’est pas
hors de propos de la préparer par quelques réflexions préliminaires.
L a continuation de co m m u n a u té, contraire aux lois romaines
et en général à tous les principes reçus eu matière de société, etoit
autrefois inconnue en Bourbonnais.
On lit dans l ’ancienne Coutum e de cette province , rédigée en
ï
493 , ce
qui s u it , article 6 du titre des C om m u n a u tés :
K Item , l’on tient par ladite C o u tu m e , que les enfans étant en
» puissance de père, n'acquièrent point de communauté avec leur» dit pere ni ses personniers , supposé qu ils soient seigneurs do
» leurs biens, à cause et com m e héritiers de leur feue mère ou autre. »
Cette continuation de communauté a été introduite dans nos
usages par l’article u 8 de l ’ancienne Coutum e de Paris.
�( G )
Elle a depuis été étendue à beaucoup d ’autres C o u tu m e s , et
spécialement à celle de B o urbo nnais, rédigée en i
.
520
On lit dans l'article 2 7 o d e cc tte nouvelle C o u tu m e , que « si l’un
« des conjoints par mariage , ou autres communs personniers, vont
» de vie à trép as, et laissent enfans ou autres qui soient leurs lie—
» ritiers, et le survivant desdils conjoints ne fa it aucun inven~
» taire, partage ou autre convention éqwpollant à partage, dedans
» 4'o jo u rs, à compter du jour du trépas du prémourant, la com « munauté de biens se continue et conserve entre ledit survivant et
» lesdits enfans, pour la portion du d é fu n t, si bon leur sem ble; et
» néanmoins sont saisis et en possession de la succession de leurs
» père et mère trépassés, ou autres , desquels ils sont héritiers. »
Mais cette continuation de communauté a toujours répugné à
tous les bous esprits, comme n ’étant propre qu’à faire naître des
procès interminables dans les fam illes, et ù orner les tribunaux.
Aussi les célèbres jurisconsultes qui ont rédigé le nouveau C o d e ,
en épurant nos anciennes lois , se sont-ils empressés d ’abroger cet
usa g e , parce qu’ il e'toit la source de procès innombrables , a dit
T ro n c h e t, dans sa discussion au conseil d ’état, sur l’article 1442
du Code.
Berber a dit après l u i , que« T ro n cb e t a très-justement objecté
» les embarras de cette continuation de communauté ; mais ,
» ajoute-t-il, ils deviendroienl plus grands encore si le survivant
» des époux se rernarioit, car le nouvel époux entreroit aussi dans
» la société J c est ce qui avoit lieu dans le ressort de la Coutum e
» de P a ris, et de celles qui avoient admis la continuation d eco m )> munauté ; o r , ¡’on conçoit qu’une telle institution est essentiel» lement mauvaise. »
« Q u an ta la continuât ion de com m u nauté, dit encore T re illia r d ,
» après T ro n cb e t et B c rlier, on a toujours réclamé contre cette
» institution ; la section saisira avec avidité les moyens qui pour« ront être proposés pour suppléer à ce remède dangereux. »
Quoi qu’il en soit, celte institution de la continuation de com
m u n a u té, essentiellement mauvaise, et contre laquelle on a tou
jours réclamé, étoit en vigueur au moment où le sieur V irotte a
�(
7)
passé à de secondes noces. Il a donc dû faire, pour l’in terrom p re ,
ce que lui prescrivoit la Cou tu m e sous l’empire de laquelle il vivoit.
C e lte C ou tu m e exigeoit aucun inventaire , partage, ou autre
convention équipollant a partage.
E n remontant à ce qui se pratiquoit dans les temps anciens, nous
voyons que la jurisprudence étoit singulièrement favorable à cette
interruption de communauté.
N ous lisons dans le Prêtre , 2' cent. ch. 22 , « qu ’anciennem ent,
» suïficiebat de fa cto factum fu isse inventarium, licet minus so» lernne , et que par quelque acte, le père ou la mère survivant
» eussent témoigné qu ’ils n ’avoient plus do volonté de continuer
» ladite communauté. »
D u m ou lin avoit dit égalem ent, sur l'article i
de la Coutum e
de Blois, s a tis e s t co n sta re description ern honâ. f i t l f a c t a n i .
L a plupart des commentateurs de la C ou tu m e de Bourbonnais
ont adopté cette opinion, entr’autres, Jean D écidant, Louis Semin,
et François Déculant.
A-uroux rapporte les expressions de ce dernier co m m en tateu r,
sur le mot I n v e n t a i r e : « Etiani minus soient n e, dit-il, quia hoc
83
j) nostrum statutum hoc paragrapho tantiun requirit ad interrupn tionem societatis. I n v e n t a i h e , p a r t a g e , d i v i s i o n ou a u t r e
» CONVENTION ÊQUIPOLLENTE. Undb S u ffltit , ajoute-t-il, simpleX
» declaratio contrarice 'voluntatis , aut actus societatis derogato» nus. Ita semper v id i observari: ita asserit ). Joannes D écid a n tf
» cujus opimonis erat ) . Ludovicus Sem in. »
1
7
O n trouve une multitude d ’arrêls dans Brodeau sur L o u e t ,
let. C . som. o , et dans tous nos autres arrêtâtes, qui ont décidé,
conformém ent à c es principes, qu ’un inventaire, quoique défec
tueux, étoit suffisant pour interrompre la communauté.
O n voit dans l’ un de ces arrêts, du 20 février 1610, rapporté
par Pelens, dans ses Actions foreuses, liv. , act. o, que le prin
cipal m o tif qui détermina la C our à rejeter les moyens opposés
contre l’inventaire qui avoit été fait pour dissoudre la première
com m unauté, fut q U’il ne pnroissoit pas raisonnable d ’appeler les
3
5
3
enfuns du premier lit au partage de la seconde communauté, puis-
�( 8 } .
que le premier mariage navoit dure que trois ans , et le second
quarante a n s, pendant lesquels s’ e toit accrue la communauté
par Vindustrie de celte seconde femme.
L ’auteur nous dit que « la C o u r a.déclaré l’inventaire avoir eu
» assez de force pour dissoudre la communauté; ce sont, ajoute-t-il,
» les mêmes mots desquels a usé M . de Harlay . »
D e nos jours , M . Cocliin a rappelé ces principes, et les a fait
valoir comme étant dans toute leur vigueur, dans la cause de Pierre
T lié ro u e n n e , et Marie A n n e Pingard , sa fe m m e , contre M arie
Blan chard, et Christophe B l a n c h a r d , enlans du premier mariage
1
4
de ladite Pingard. T o m . * > Pag ‘ ^ *
Il s’agissoit, c o m m e dans l ’espèce, d ’une question de continuation
de c o m m u n a u t é , dans la Cou tu m e de Senlis, fondée sur les pré
tendues défectuosités de l’inventaire fait par M arie P ingard, avant
de passer en secondes noces avec le sieur Tliérouenne.
L a Coutum e de Senlis exigeoit, comme celle de Bourbonnais ,
un inventaire et rien de plus, et elle n ’admettoit même pas d ’acte
équipollent, com m e celle de Bourbonnais.
M . Cocliin observe que nous avons en France deux sortes de
C outum es, qui règlent de quelle manière la communauté peut être
dissoute ou continuée.
« L a première de ces C ou tu m e s, dit-il, est de celles qui deman» dent, pour dissoudre la com m unauté, un inventaire fait et parfait
» avec un contradicteur légitime, et qui soit clos; ce que l’on cotn» prend SOUS l’idée générale d ’inventaire solennel : telle est la C ou j> tume de P aris, dans les articles 2/,o et 241.
» L a seconde espèce de Coutumes est de celles qui demandent
» simplement qu ’il soit fait un inventaire, sans ajouter qu ’il soit
)> solennel, o u , ce qui est la même chose, fait et parfait.
» D ans ces C ou tu m e s, le moindre acle dérogeant à la com m u» n a u t é , suffit pour en empêcher la continuation , et un inventaire,
» destitué même des formes ordinaires, en opère toujours la disso» lu lion.
» C ’est ce que décident unanimement tous les auteurs qui ont
» traité la matière , ajoute M . Cocliin , et en particulier Lebrun ,
�C9 )
» dans son T r a ité de la co m m u n auté, liv.
3,
cliap.
3,
sf.ct. i " ,
v n 10 et suivans. »
11 cite
aussi les différens arrêts rapportés par Brodeau sur L o u e t ,
qui ont jugé q u ’un inventaire, quoique d é lic tu e u x , n'en étoit pas
moins suffisant pour interrompre la communauté.
L a dam e V irotte pourroit sans doute invoquer toutes ces auto
rités avec confiance ; et faisant surtout 1 application à 1 espèce de
Parrèt de 1 6 1 0 , elle pourroit d ir e , comme on le disoit lors de cet
arrêt, et avec bien plus de vérité, que le premier mariage du sieur
V i r o t t e , avec A n n e B r i r o t , n ’avoit duré que quatre ans; que la
première communauté étoit nulle ou presque nulle lorsqu elle est
entrée dans la maison du sieur V iro tte ; que le second mariage a
duré pendant quarante-quatre ans, pendant lesquels S est accrue
la communauté par son industrie , et par les fruits d ’un patri
m oine précieux, qui ont été versés annuellement dans celte com
munauté , qui ont singulièrement contribué à en accroître les bé
néfices; qu’il y auroit donc lieu de dire, avec M . le président de
Iia r la y , que l ’inventaire, quand on le supposeroit minus s o le m n e ,
auroit eu assez de force pour dissoudre la communauté.
L a dame V iro tte pourroit soutenir cette thèse avec d ’autant
plus d ’avantage, que le sieur V iro tte , non content d ’avoir fait faire
un inventaire pour dissoudre la communauté d ’entre lui et ses
enfans du premier l i t , avant de passer à de secondes n o ce s, a
en outre consigné dans son contrat de mariage avec elle,
u n e
décla
ration qui prouvoit de plus en plus son intention bien prononcée c e
dissoudre cette première com m unaulé.ElIeest conçue en ces termes.
» Déclarant avoir fait faire inventaire dissolutif de la co m m u » nautéqui étoit entre lui et ladite défunte demoiselle A n n e Brirot,
m devant L o u h e r , n o ta ir e , le
»> la Coutum e. »
25 janvier •1762,
conformém ent à
Mais tout ce qu ’on a dit jusqu’ici, est moins pour le besoin de
la cause que pour fixer les principes de la maliere.
L a dame V iro tte et ses enfans peuvent aborder avec sécurité
l ’examen des moyens que leur opposent les enfans du premier l i t ,
B
�( 10 )
contre la validité de l ’inventaire sur lequel est fondée l’interrup
tion de la première communauté.
En e f fe t , cet inventaire a été fait dans la form e la plus rigou
reuse et la plus solennelle.
L e sieur Virotte a commencé par faire assembler, devant le
juge des lie u x , le conseil de f a m ille , pour nom m er un subrogé
tuteur à ses en fans mineurs.
C elte assemblée a été composée de parens et amis des m ineurs,
tous gons recom mandables, et tenant le premier rang dans le pays.
Si l'on en croit l ’auteur du M é m o ir e , on a écarté, à dessein, de
cette assem blée, le sieur A ntoine Brirot , aïeul des m ineurs, qui
étoit le défenseur ne de leurs intérêts, et qui pouvoit, mieux que
personne, les garantir de la spoliation dont leur père cherchoit à
les rendre victimes.
M ais on voit un Antoine Brirot parmi les parens assignés, et
cet Antoine Brirot ne peut êlre que l’aïeul des mineurs.
C e n ’est donc pas la faute du sieur V ir o tte , si le sieur Brirot
n ’a pas assisté à celte assemblée.
Il est d ’ailleurs de notoriété, que le sieur Brirot éloit alors accablé
d ’infirmités , et bors d ’état de sortir de chez lui.
C 'est un ja it fauac , dit l ’auteur du M ém oire, page i .
E h bien! si la C o u r croit ce fait de quelque im portance, la dame
V ir o tle et ses en fans déclarent q u ’ils l’articulent d ’une manière
expresse, et qu ’ils offrent d ’en faire la preuve par toutes les voies
5
de droit.
Q uan t au subrogé tuteur ou curateur avec lequel devoit être
fait l’inventaire, il n ’a pas été du choix du sieur V i r o t l e , mais
de la famille assemblée, qui a jeté les yeux sur le sieur de Finance,
châtelain de Chavroche, proche parent des m ineurs, qui avoit
tellement la confiance de la famille B r ir o t, qu’il fut de rechef
n o m m é , en 1764» subrogé tuteur des en fans d ’Antoine Brirot.
C e t inventaire a donc été fait avec légitime contradicteur. C ’étoit la première et la plus importante formalité exigée par la C o u
tume de Paris et par les lois les plus rigoureuses sur la matière.
T o n s les autres moyens de forme, q u ’on oppose contre cet In
ventaire, ne sont que de pitoyables chicanes.
�1
( 11 )
T e l est le m oyen tiré de ’assignalion donnée le m êm e jour aux
sept parens ou amis qui se sont réunis pour le conseil de fam ille,
com m e si l ’on ne savoit p as, d ’une p a r t, que cette assignation étoit
superflue, puisqu’ils pouvoient se réunir volontairement chez le
j u8e > pour délibérer, sans assignation préalable, et d ’autre p a r t ,
q u ’il est tout simple que s’étant tous trouvés dans le même lie u ,
on leur ait donné en même temps l’assignation pour assister au
conseil de famille.
T e l est encore le moyen tiré de la circonstance que c'est le
sieur Loulier , qui après avoir tenu l’assemblée comme b a i ll i , a
l'ait l’inventaire com m e notaire. (*)
C o m m e si l’on ignoroit que presque tous les baillis des justices
seigneuriales étoient en mêm e temps notaires ; que ces fonctions
n ’avoient n e n d ’incompatible; que lorsque le sieur Louher travailloit à 1 inventaire com m e notaire, il avoit épuisé ses fonctions
de juge ; et qu enfin , tel étoit l’usage universel dans les campagnes,
usage tellement consacre, q u e, lut-il abusif, il iaudroit le m ain
tenir pour la tranquillité p u bliq u e, d ’après la m axim e tirée d e l à
loi Barbarius P hilip p us : Error communis f a c it fu s.
Il faut placer dans la m êm e classe des chicanes vraiment pi
toyables , le m oyen que l’on prélend tirer de la circonstance que
celui qui a fait les fonctions de substitut du procureur fiscal à
l’ assemblée de fa m ille , étoit cousin de la dame Dclaire.
Indépendamment q u ’on n'établit pas cette p are n té , qu’on en
établit encore moins le degré, où a-t-on pris qu’avant le mariage
du sieur V ir o tte avec la demoiselle D e l a i r e , ce prétendu cousin
d û t se récuser dans une assemblée de famille des mineurs V irotte
dans laquelle il n ’étoit pas question, et il nepouvoit pas être ques
tion de cette prétendue cousine ?
O n prétend encore que ce prétendu cousin n ’étoit ni gradué, ni
cu rial, dans la justice de M ontaigut-le-Blanc; mais il est permis,
après un demi-siècle, de tout hasarder sur des faits de ce genre.
(*) M. L o u h er étoit un notaire distinguo par *?s t.ileas, ses lum ières et ses v e rtu s ; il a
é té envoyé au tribunal révolutionnaire, avec M. et M m e. D avaux et 13......par G.....M. Louher
y a péri avec M . et Mme. U n a u * , lo 2 ; floréal an 2.
Lettres imprimen« de G ..... à Fouquier-T.tinville , des 1 6 ventoso et 14 cerminal an s- cer
tifiées pour copie conforme, par Paris , greffier du tribunal révolutionnaire.
�( l2 )
Sa présence au procès-verbal n’ est pas du fait du sieur V ir o lt e ; ce
n ’est pas lui qui l’y a appelé; et par cela seul q u ’il y a fait telle ou
telle fonction, il est présumé en avoir eu le droit, jusqu’à preuve
contraire.
C e n ’est pas une chicane moins pitoyable que le moyen q u ’on
prétend faire résulter de ce que le sieur Feyard a f a i t , dil-on , les
fonctions d ’expert dans l’inventaire, après avoir assisté au conseil
de famille.
L ’objet du conseil de fam ille étoit uniquement de no m m er un
subrogé tuteur qui eût qualité pour assister à l’ inventaire, com m e
légitime contradicteur; cette mission rem p lie, le sieur Feyard
pouvoit se livrer à toute autre fonction.
A u surplus, on ignore s i , com m e le prétend l’auteur du mé
m o ir e , le sieur F eyard a bu et mangé avec le sieur V ir o tte , pen
dant la durée de l’inventaire; c ’est un fait qu’il n’est pas facile
d ’éclaircir après
ans: mais ce qu ’il y a de ce rtain , c ’est que
c ’est abuser d ’une manière étrange de la disposition de l’ordon
45
nance de 1 6 6 7 , que de l’appliquer à ce cas, et q u ’il faut être ré
duit à une grande disette de m o yens pour en employer de pareils.
Après avoir ainsi épuisé sa critique sur la forme de l ’inventaire,
l ’auteur du Mémoire en vient aux erreurs, aux om issions, aux
prétendues infidélités de cet inventaire , au moyen desquelles le
sieur V irotte est parvenu a spolier les (¡uatre orphelins laissés
par sa première femme.
11 est encore b o n , sur ce point , de commencer par fixer les
principes de la matière. O n ne peut les puiser dans une source plus
pure que dans P o llu e r,
1 auteur le plus
accrédité du clroît coutu-
mier. Il s’exprime ainsi, dans son traité de la C om m u n au té, n° 79^:
« Q u oiqu’il y ait des omissions dans l’inventaire , si elles ne
» sont pas malicieuses , les effets omis ayant pu échapper à la
» mémoire du survivan t, l ’inventaire ne laisse pas d ’être valable,
» et d'empêcher la continuation de communauté.
» L ’omission est présumée malicieuse, dit-il ailleurs, n° G88,
.» lorsque la m nltiludedes choses omises et la qualité de ces choses
)i qui éloient en évidence et d ’un usage journalier, ne permet pas de
�( i3 )
» penser qu’elles aient pu échapper à la connoissance du s u r v iv a n t,
» qui ne les a pas comprises dans son inventaire.
» L ’omission doil surtout êlre jugée m alicieuse, lorsque les effets
» om isdans l’inventaire ont été, par le survivant, depuis la m ort ou
w pendant la dernière maladie du prédécédé, détournés du lieu où ils
» étaient, el portés hors la m aison, ou cachés dans quelque recoin. »
Si après avoir ainsi posé les principes de la matière, on passe aux
erreurs ou omissions qu’on reproche à cet inventaire, que voit-on?
U n e prétendue modicité dans l’estimation de quelques effets
mobiliers qui sont inventoriés.
Mais , d ’abord , nous répondrons ce que disoit M . Cochin à une
semblable objection , dans l’affaire de Marie P in g a rd , fem m e
T herou en ne :
« L a critique que l’on fait sur le prix des estimations , ne regarde
» point M arie Pingard; c ’est le fait des experts, qui se sont sans doute
» conduits suivant ce que leur conscience leur a dicté. »
2ent. t Ces sortes d ’estimations étant soum ises, en C ou tu m e de
Bourbonnais, au droit de crue ou parisis du cinquième en sus de
l’estimation des experts, elles ne dévoient pas être portées à une
valeur rigoureuse.
3 nt-,
en prenant pour exemple le lit qui faisoit partie du trous
seau d ’A n n e B rlro t, cette estimation est facile à justifier.
O n se plaint que ce lit n ’a été porté qu’à 100 francs dans l ’in
ventaire, tandis qu’il avoit été porté à 200 francs par son contrat
de mariage.
M ais qu ’on ouvre le livre-journal du sieur V ir o tte , dans lequel
il écrivoit jusqu’à scs plus secrètes pensées , et on y verra , au
dernier fe u ille t, qu’en se rendant compte de ce qu'il avoit reçu de
son beau-père, sur ce qui lui avoit été promis, il d i t , en parlant
de ce lit, estim é 200 francs par M . Drirot, mais c e s t trop cher.
On avoit promis au sieur Virotte pour 200 francs de m e u b le s;
mais on lui donnoit le moins q u ’on p o u v o it,e t il recevoit ce qu'on
vouloit lui d o n n e r, plutôt que de se brouiller ou d ’avoir dos con
testations.
11 avoit reçu ce lit pour 200 f r . , parce que son beau-père, qui
en avoit été lui-même l’appréciateur ; l ’avoit exigé ; mais ¡1 a voulu
�( H )
consigner cette injustice dans son registre, en faisant mention que
ce lit étoit porté à un prix excessif.
Est-il donc bien étonnant que ce même l i t , après avoir servi
d ix ans , n ’ait été estimé que xoo 1., et cela dans un inventaire qui
étoit soumis à la c r u e , ou au droit de parisis du cinquième en sus,
ce qui le portoit à
liv.
C e qu’on vient de dire s’applique également à l'estimation dulinge.
125
D ’une p a r t , cette estimation n’est pas du iait du sieur V ir o tte ,
et ne pourroit avoir aucune influence sur le sort de l’inventaire.
D ’autre p art, il ne faut pas perdre de vue que le sieur Virotte
n'avoit alors q u ’un très-petit m é n a g e , que son linge étoit form é
de la toile la plus grossière, qu ’il avo'it dû dépérir depuis le décès
de la dame B r i r o t , que sa maison avoit été abandonnée à des do
mestiques ; qu’enfin la crue ou le droit de parisis faisoit un de
voir aux experts de baisser le prix des objets in ven toriés, puisque
celui qui en demeuroit ch a rg é , étoit tenu d ’un cinquième en sus.
L ’auteur du M ém o ire passe ensuite aux infidélités.
« L ’article 20 porte, d it-il, q u ’il n ’éloit d û , suivant le dépouille» m ent du livre-journal du sieur V ir o lt e , par le colon du domaine
» C ro le t, et par les métayers ou locataires des biens de la dame
>> P r é v e r a n d , de la terre du P o n ç u t, et de celle du M é a g e , dont
» il etoit f e r m ie r , que la somme de 253 liv.
n Si l’on prend le livre-journal m êm e, d ’après lequel l’inventaire
» fait c e t t e indication, on trouve ses folios
,
, 71 , n o , i i 3
» et 123 , la preuve q u ’il étoit dû 816 livres 10 sous. »
5
45 58
L ’objection reçoit plusieurs réponses également décisives.
L a première est que l’inventaire constate que le sieur Virotte
a livré son journal au notaire qui procédoit à cet inventaire, pour
en faire le dépouillement.
C e qui établit,
d ’u n e
p art, que cette erreur, s’il y en avoit, ne
scroit pas son ouvrage;
D ’autre p art, q u ’il y mettoit toute la bonne foi, toute la loyauté
et tout l’abandon qui étoient dans son caractère.
2*'nt- , que ce qui exclut toule idée d ’infidélité, c ’est qu'après
avoir livré son journal pour en faire le dépouillem ent, il exige
�( i5 )
q u ’il soit inventorié, pour servir de m onum ent éternel de la droi
ture et de la loyauté de sa conduite.
C e n ’est pas tout; il continue de se servir du mêm e livre-journal,
d ’y écrire toutes ses affaires, et il a eu soin de le conserver jusqu’à
sa mort.
On ne craint pas de faire, à la mémoire du sieur V i r o t t e , l ’in
jure de dire que s’il a conservé si précieusement ce livre-journal,
c ’etoit pour assurer à ses enfans du premier lit les moyens d ’atta
quer un jour cet inventaire, et q u ’il les déposoit dans l ’acte mêm e
qu ’on le forçoit de faire pour dépouiller scs e n fa n s , afin que leur
découverte devînt moins difficile. M ê m ., page 17.
Malheur à l’homm e qui a pu concevoir une pareille pensée! Q uoi!
on pourra croire que le sieur V ir o tte , le plus respectable dos pères,
aura conservé avec so in , dans ses archives, son livre-journal pen
dant un dem i-siecle, dans 1 espérance q u ’après sa mort d deviendra
un brandon de discorde entre sa veuve et ses enfans des deux lits,
et qu'en descendant dans la tom b e, son ombre aura souri au plaisir
amer de les voir s’entredéchirer, et dévorer, en dissensions juridi
ques, la fortune q u ’il a pris tant de peine à leur amasser?
Revenons à des idées plus ju stes, plus naturelles et plus satis
faisantes pour le cœur humain.
L e fait seul que le sieur V iro tte a voulu que ce livre-journal
fu t inventorié, prouve invinciblement l’impossibilité qu ’il voulût
être in fid èle, et qu ’il voulût spolier les quatre orphelins laissés
par sa première fem m e.
C e fait seul prouve encore invinciblement l’impossibilité qu il f û t
infidèle, p u isq u e , dès q u ’il existoit une preuve écrite de cette
créance vraie ou prétendue, dans le livre-journal, et que ce livrejournal étoit inventorié, cette prétendue infidélité se réduisoit tout
au plus à une erreur de calcul, toujours sans conséquence, et qui
d ’iiilleurs n ’éloit pas du fait du sieur Virotte, mais de ceux à qui ce
journal avoil été livré pour en faire le dépouillem ent, com m e le
constate l’inventaire.
A u surplus, nous sommes bien éloignés de convenir de cette
erreur, même sous le point de vue d ’erreur de calcul. N ous n’avons
�( 16 )
pas dans ce m oment ce livre-journal sous les y e u x ; m a i s , d ’après
l ’habitude qu’ a l’auteur du M ém oire de tout hasarder, il est trèspermis de croire qu'avec un examen plus approfondi et fait sans
p ré v en tio n , on trouveroit un résultat bien différent de celui que
ce M ém oire nous présente.
A cette prétendue infidélité succèdent les fausses déclarations sur
le produit des gerbes de blé qui étoient alors engrangées. O r, ce pro
duit est fixé par approximation par les experts; il n ’est donc pas du
fa it du sieur V irotte. A in s i, nul reproche à lui faire, quand il y
auroit une erreur quelconque sur ce produit probable des gerbes de
b l é , qui n ’étoient pas encore battues.
M ais cette erreur n ’est encore que dans l'imagination de l ’auteur
du M ém oire.
L e produit des gerbes qui se Irouvoit écrit dans le livre-journal
au m om ent de l’inventaire, ne pouvoit pas être celui des gerbes
qui étoient engrangées, et qui étoient encore à battre.
Les inductions que l’on veut tirer de ce registre, qui porte,
d i t - o n , que le cent de gerbes produisoit douze coupes, tandis
q u ’il n ’est porté qu ’à dix dans l’inventaire, ne sont donc q u ’une
absurdité.
E t quand on voit que la discussion sur le produit présumé de
ces gerbes de blé se termine par cette exclam ation, « Quelle sous» traction ! . . . . . i l n’y a pas une seule raison à fa ire valoir pour
}) l ’effacer. », on croit voir la montagne en travail.
« V ienn ent maintenant les omissions, dit l’auleur du M ém oire;
» elles ont un caractère de gravité révoltant. »
Encore la montagne en travail.
5
L a première a pour objet une obligation de 5 1 9 liv. 1 s o u s , du
10 juin 1 7 6 0 , due par les nommés Baiier, métayers du domaine
Barnier.
C e tte omission est facile à justifier.
D ’abord, il n 'y a pas eu de soustraction , c ’est-à-dire d ’omission
volontaire et faite m alicieusem ent , puisque la pièce existe, et
�( 1
7
)
qu ’elle a été conservée par le sieur V ir o lte , pendant quarante-quatre
a n s, depuis cet inventaire.
2 ment. f cette obligation étoit rappelée sur le liv r e -jo u r n a l ,
44
au compte de ces m étayers, folio
* et
sieur V iro tte n ’a pu
avoir ni la volonté de la soustraire, ni la possibilité de la soustraire,
puisqu'il a livré lui-même son registre pour en faire le dépouille
m ent , q u ’il a ensuite exigé qu’il fût inventorié, et qu’il s’est sou
mis par là à le représenter dans tous les instans.
A u surplus, il est facile d’expliquer comment cette obligation a
pu échapper à ceux qui ont fait le dépouillement du livre-journal du
sieur Virotte.
, Il est probable que cette obligation est restée chez le notaire
qui l ’avoit reçue, et qu’on ne l ’aura pas trouvée parmi les papiers
du sieur V iro lte au m om ent de l ’inventaire.
E t il n ’est pas étonnant d ’ailleurs qu’on ait fait cet oubli, quoi
q u ’elle fût rappelée dans le livre-journal, la page 4 4 , où cette obli
gation étoit rappelée dans le compte des B a fïe r, se trouvant bâtonnée par e r r e u r , comme on le lit à la quatorzième ligne de ce
com pte, écrit de la main du sieur V iro tte :
« L e compte du & février 1761 est bon, quoiqu’ il soit barré;
)> c’ est une erreur. Signé Virotte.»
On conçoit q u ’en faisant le relevé de ce livre -jou rn a l, on n'a
pas dû porter son attention sur les endroits M to n n é s ; de sorte
que la mention de celte obligation a dû naturellement échapper
à celui qui faisoit le dépouillement du registre.
, C V st ainsi que s’explique cetle omission , la seule réelle, mais
faite si innocem m en t, que le sieur Virotte n ’a mis à l’éca rt, ni
l'obligation , ni le livre -jou rn a l où elle étoit relatée, et qu ’il a
au contraire voulu que ce livre-journal fût inventorié, com m e une
preuve irrécusable de sa bonne foi.
L e second article d ’omissions qu'on reproche à cet inventaire,
est d'une somme de
livres au total 011 de 18 livres pour la m o itié,
dont on suppose que le sieur V irotte a voulu spolier les quatre
56
orphelins de sa première fem m e.
G
�36
( »8 )
O r , ces
liv. avoient etc payées au sieur de Douzon par le sieur
V ir o tte , à la St. M artin 1761.
C 'étoit une dette de la co m m u n auté, qu’avoit payée le sieur V ir o tte , et qui ne devoit pas être portée en a ctif dans l’inventaire.
L e troisième a pour objet le bail de la terre du M é a g e , dont le
sieur Virotte étoit fe rm ie r , et une somme de 464 livres 6 sous 7
den iers, dont il é to it, d it-o n , en avance sur sa l e r m e , suivant
une quittance du 14 mars 1762.
O n n'a sous les y e u x , ni le l i v r e -jo u r n a l, ni cette quittance;
mais sa date seule, du 14 mars 17 6 2 , prouve le contraire de cette
avance prétendue, puisqu’elle est postérieure de près de deux mois
à l'inventaire, et plus d ’un mois au second mariage du sieur Virotte.
L e q u a t r i è m e e s t relatif, dit-on, aux foins de réserve produits
par cinq prés, avec lesquels il engraissoit des bœufs et nourrissoit
deux chevaux.
N ous dirons ici avec M . Cocliin , dans la cause de M arie P in gard, « que pour établir une pareille omission, il faudroit établir
» q u ’il y avoit réellement des foins.
» Mais il d e v o it, dit-on, y en avoir, continue M . C och in .
« E t sur quoi, dit-il, est fondée cette nécessité ? D ’ailleurs, on
>”> inventorie ce qui est , et non pas ce qui doit être. »
A u surplus , il n’est pas même vrai de dire q u ’il dût y en avoir.
D ’a b o rd , il n ’est pas exact de dire que le sieur V iro tte eût des
bœ ufs gras dans ses écuries; on voit dans le livre-journal, page
3 i 4 , qu’il n ’a commencé ce commerce qu ’en 1771.
D ’ailleurs, le foin de réserve que l’on suppose avoir dû se trouver
chez le sieur V ir o t t e , au moment de l’inventaire, avoit dû être
cueilli au mois de juin 17G1. O r , il est naturel de croire que ce
foin avoit été vendu par le sieur V ir o tte , depuis le mois de juin
jusqu’à la fin de janvier su iva n t, époque de cet inventaire; sur
tout dans une année aussi désastreuse que l’année 17G1 , où le
sieur Virotte avoit perdu la presque universalité de ses récoltes
par la g r ê le , ce qui avoit dû le forcer d ’user de toutes scs autres
ressources pour payer le prix do ses fermes.
A quoi ou peut ajouter que le sieur V iro tte ayant pris de cep-
�C 19 )
taines quantités de foin en entrant dans ses fe rm e s, il devoil en
rendre pareille quantité à sa sortie; et sous ce point de vu e, ce fo in ,
s ’il s’en étoit t r o u v é , n ’auroit fait que représenter celui qu ’il auroit pris en entrant en fe rm e , et n ’auroit pas dû être in ve n to rié ,
comme ne formant pas un a ctif réel de la communauté.
L e cinquième est relatif à l ’omission des pailles des dîmes du
-Ménge, qui faisoient, d it-o n , un objet de réserve.
O n sait qu’en Bourbonnais, à mesure que les blés sont écossés,
on livre les pailles aux colons, pour la nourriture des bestiaux ou
pour faire des engrais; ni le propriétaire, ni le fermier, ne sont en
usage de se les approprier.
E t à raison de la grêle de 1761 , il y a tout lieu de croire q u elle s
furent bien loin d ’être suffisantes en
colons.
17G2 , pour les besoins des
E n fin , le sixieme article d ’omission est re la tif aux prebats ,
q u i , dit-on, suivant le 11»
du livre-journal , faisoient un objet
im p o rta n t, à raison de l ’importance des fermes.
Cet objet important est affermé 12 boisseaux au ferm ier des
Maillards.
3
C es 12 boisseaux, qui étoient sans doute du seigle, pouvoient
alors valoir 6 liv. à raison de la vilité du prix des denrées.
A i n s i , c'est un écu de
3
livres dont ce père injuste a voulu
spolier les quatre orphelins de sa première fem m e , lui qui en
passant son contrat de m ariage, quelques jours après, a la précau
tio n , pour ménager leurs intérêts, de stipuler qu ’il n ’y auroit
pas de communauté entre lui et la seconde f e m m e , s’il n ’y avoit
pas d ’enfcins de leur mariage.
A u surplus , pour entendre cet article, il faut savoir que les pré
bats sont des gerbes qu ’on est en usage, dans quelques domaines, de
battre une première fois légèrem ent, pour en extraire un premier
grain destiné aux semences, et que l ’on finit de baltre en hiver pour
achever d ’en tirer les grains qui y sont restés.
Il paroît qu ’il y avoit eu des prébats dans le domaine des M a il
lards, et que le sieur Virotte avoit affermé au métayer de ce do
maine le grain que ces prébals pouvoient produire, moyennant i a
boisseaux.
�( 20 )
C e t objet n ’a pas été omis dans l’inventaire ; il a été compris
dans le dépouillement général qui a été fait du livre-journal, pour
faire le relevé des dettes de ces métayers.
A in s i, cette prétendue omission n ’est pas seulement ridicule et pi
toyable en elle-même, elleestencore absolument contraire à la vérité.
L ’auteur du M é m o ire , après avoir épuisé le chapitre des omis
sions , ajoute que l’inventaire présente encore à la critique une
infinité d ’articles :
T e l s que la déclaration de oo livres en numéraire ou arrérages
de ce n s;
i
E t celle faite p a r le s i e u r Virotte*, portant que les habits, linges
et hardes d ’A n n e Brirot, sa première fem m e, avoient été vendus,
échangés ou employés à l’usage des mineurs.
5
Est-il étonnant, sur le premier article, que le sieur V iro tte n ’eût
pas une plus grosse somme en numéraire , après une grêle comme
celle qu ’il venoit d ’essuyer, et après avoir payé le prix de scs fermes,
dont les échéances étoient sans doute à N o ë l?
E t quant aux linge et hardes de la dame B r ir o t, estimés par
son contrat de mariage à 200 livres, le sieur V iro tte pouvoit-il en
faire un meilleur usage, que d ’employer pour ses enfans tout ce qui
en étoit susceptible? et ne devoit—il pas, en bon père de fa m ille ,
vendre et échanger le surp lus, com m e il l ’a fa it, pour en éviter
le dépérissement?
L a critique sur l ’article des bestiaux n ’est pas plus raisonnable;
tout étoit constaté par des baux à ch e te l, et tout consistait ü cet
égard dans quelque légère différence dans la perte ou le croit.
L ’auteur du Mém oire termine sa discussion sur cet inventaire,
par rappeler les expressions de P ollu er, et nous nous plaisons à les
rappeler com m e lui :
« Q u oiqu’il y ait des omissions dans l’inventaire, si elles ne sont
» pas malicieuses, les eilels omis ayant pu échapper à la mémoire
» du survivan t, l'inventaire ne laisse pas d'être valable, et d ’em » pêcher la continuation d(T communauté. »
Nous répéterons avec lui que l’omission est présumée malicieuse,
�( 21 )
lorsque la multitude des choses omises et la qualité de ces choses
qui étoient en évidence et d ’un usage journalier , ne permettent pas
de penser qu’elles aient pu échapper à la connoissance du survivan t,
qui ne les a pas comprises dans son inventaire;
Que « l’omissiondoitsurtout être jugée m alicieuse, lorsque les ef» fets omisdans l ’inventaire ontété, par le survivant, depuis la m o rt
» ou pendant la dernière maladie, détournés du lieu où ilsé to ie n t,
« et portés hors de la maison ou cachés dans quelque recoin. »
Ici on ne voit rien de soustrait, rien deilû tou rn é, rien de caché.
T o u s les objets matériels sont représentés ; tout ce qui tient au
calcul est mis en évidence par l'exhibition du livre-journal, par
le dépouillement qui en est fait. S ’il se trouvoit que sur quelque
article ce dépouillement n ’eût pas été fait avec une exactitude assez
scrupuleuse, il ne faudrait pas l’imputer au sieur V iro tte , qui a
livré ce registre à honnête, au probe L oulier, notaire, chargé de la
confection de cet inventaire, et qui y mettoit tant de loyauté et de
bonne foi , q u ’il a exigé expressément qu’ il fû t inventorié, pour
être représenté dans tous les instans.
U n seul article peut laisser, au premierabord, quelque léger pré
texte à la critique; c ’est l ’obligation de ig francs.
1
3
Mais quand on voit que cette obligation avoit pu rester chez
le notaire qui l’avoit r e ç u e , et ne pas se trouver parmi les papiers
du sieur V ir o tt e , au moment de l’inventaire;
Q u ’il n ’avoit ni la volonté ni la possibilité de la soustraire, puis
q u ’elle étoit couchée sur son livre-journal inventorié, à l’article du
44
compte de ses métayers des Barniers, folio
»
Q ue ce compte avoit été rayé par erreur , comme on le lit dans la
note du sieur V iro tte , écrite et signée de lui au même folio, ce qui
avoit dû naturellement détourner l’attention de ceux qui faisoient
le dépouillement de ce journal;
Quand on considère, enfin , que le sieur V irotte a conservé pré
cieusement cette obligation jusqu’à sa m o rt; celle omission, qui
cesse d ’en être une, dès que l’existence du titre est constatée par le
journal inventorié, dépose hautement en faveur d e là bonne foi du
6ieur V iroU e ; et d e là loyauté de l’inventaire.
�( 22 )
A joutons q u e , s’il en étoit besoin pour la c a u s e , on pourroît
rappeler ce que dit le Prêtre : Sufficiebat de facto factum fu isse
inventariutn, licet minus solemne;
C e que dit Dum oulin , sur la Coutum e de Blois : Satis estcons-
tare descriptionem bond fid e factam ;
C e que disent François D é c id a n t, Jean Déculant et Louis Sem i n , commentateurs de la C ou tu m e de Bourbonnais, sur le m ot
I n v e n t a i r e : Eliani minus solem ne. . • sufficit simplex declaratio
contrariée 'voluntatis , aut actus societahs derogatorius : itasem per aiidi obserrari.
On pourroit dire que les nom breux arrêts cites par Brodeau sur
L o u e t , ont jugé que des inventaires , quoique d é fe ctu e u x , suffi
s s e n t pour interrompre la co m m u n auté, surtout dans les C o u
tum es qu i, com m e celle de Bourbonnais, n ’exigent q u ’aucun in
ventaire ( talis q u a h s) , partage ou autre acte équipollent;
Que dans la plupart de ces arrêts il étoit question d ’om issions,
çt m êm e de soustractions ;
Q u e dans celui de 1610, cité p ar P e le n s, « la
5e nullité
é to it,
)> dit l’a uteu r, qu’il y avoit eu plusieurs omissions j »
Q u e dans la cause plaidée par M . Cocliin , il étoit au$si ques
tion d ’omissions considérables.
O n pourroit enfin citer l’opinion de Renusson, dans son traité de
la C om m u n au té, part. , cliap. 2, n*
, et ce que dit son anno
ta te u r , page 284, qu’ un inventaire infidcle n’empêche pas Vinter
3
35
ruption de la communauté’.
A u surplus, on ne peut assez admirer la sagesse de ces décisions,
qui ten doientà faciliter par toutes sortes de moyens l’interruption
d e l à continuation de co m m u n a u té , lorsqu’on voit nos législateurs
reconnoltre que c’étoit une institution essentiellement mauvaise,
une source intarissable de questions épineuses, de difficultés inex
tricables, propres à mettre en défaut toute la sagacité des plus pro
fonds jurisconsultes, qui avoient donné lieu à des milliers de vo
lum es in-folio, dont les bibliothèques étoient encombrées; et que
le résultat le plus ordinaire de ces continuations de communautés
étoit la ruine assurée des enfans d ’un i°r , 2’ ,
3*,
et quelquefois
�♦
(
)
d ’un 4*lit, lorsqueles survivans des père et mère avoient successive
ment contracté plusieurs mariages.
Il est d ’ailleurs peu de cas où l’injustice de cette continuation de
communauté fût plus frappante que dans l’espèce.
Lorsque la dame V irotte est entrée dans la maison de son m a r i,
la fortune des quatre enfans du premier lit consistait dans la moitié
du montant de l’inventaire, qui étoit, au total, de io fr.
Ils ont donc été nourris, entretenus , élevés aux dépens de la se
3 6
conde com m u nauté; c’est cette seconde communauté qui a payé
et nourri les précepteurs; p ay é , pour les mâles, les pensions dans
les collèges, chez les procureurs; pour les filles, les pensions dans
les couvons; c ’est la seconde communauté qui a fait les irais de
leur établissement; c ’est encore en partie aux dépens de cette se
conde com m unauté, q u ’ils ont été dotés et constitués.
A in s i, non-seulement ils n ’ont pas contribué un seul instant au
b ie n , à l’avantage de cette seconde com m unauté, ni par leurs tra
v a u x , ni par leurs revenus; mais ils n ’ont cessé de l’épuiser par des
dépenses excessives au-dessus de leur état et de ce q u ’étoit alors la
fortune du sieur Virotte.
L a dame V iro tte ne rappelle pas ces dépenses pour en faire des
reproches aux enfans du premier lit; non-seulement son mari les
a faites de son consentement, mais elle y a contribué de tout son
pouvoir; elle mettoit sa gloire à les voir bien élevés; elle partageoit
leurs succès; elle sembloit enfin dans tous les instans se livrer à la
douce erreur de se croire leur propre m ère, et elle doit leur rendre
la justice de d ire , que jusqu’à l ’instant fatal qui lui a ravi le sieur
V ir o lt c , ils n ’ont cessé de lui témoigner de l’attachement, et les
égards que inériloient ses procédés généreux.
L a circonstance dont on vient de parler de l’établissement des
quatre enfans du premier lit, fait naître un nouveau moyen d ’in
terruption de la première communauté, que la dame V irotte et ses
enfans ne croient pas devoir négliger, quoiqu’il soit superflu, d ’a
près tous les autres m oyens qui s’élèvent en leur faveur dans cette
cause.
�(
^4 )
■ L a C outum e du Bourbonnais n ’e x ig e a n t, pour l’interruption de
la com m unauté, qu’aucun inventaire, partage, division, ou autre
convention équipollenle, on a toujours pensé dans cette C ou tu m e ,
que le mariage des enfans hors de la maison paternelle , produisoit
l ’effet d ’interrompre la co m m u n a u té, lors même qu’il n ’avoit pas
été fait d ’inventaire, surtout s’ils avoient été dotés et constitués à
une somme équivalente ou approximative des biens qu’ils étoient
en droit de prétendre du ch ef du conjoint prédécédé.
C ’est ainsi que l’a pensé D u m o u lin , le flambeau du droit cout u m ie r , dans ses notes sur cette C o u tu m e , que l’on doit regarder
com m e d'autant plus précieuses qu elles sont plus rapprochées du
temps de sa rédaction.
Coquille se propose cette question sur l ’art.
C ou tu m e du Nivernois :
4 du tit.
2 de la
« L a question est, dit cet auteur : L e père survivant n ’a point fait
» d ’inventaire, mais il a marié ses filles , et leur a baillé dot com » pétente; ou b ie n , a marié ses fils et leur a acheté office, ou leur a
» donné autre m oyen de vivre. Savoir si les enfans susdits auront
»
»
»
»
»
»
continué la communauté. Sur quoi j ’estime que p a r le mariage la
communauté a été suffisamment contredite, jaçoit que les enfans
n 'y aient expressément renoncé, suivant ce que dit D u m o u lin , en
l’ annotation sur la Coutum e de Bourbonnais, article 27 0 , et dit
avoir été jugé entre la veuve et les enfans de Denis G r o n , qui étoit
procureur en parlement. »
C e t a u teu r, qualifié de ju d ic ie u x , donne ensuite les raisons sur
lesquelles son avis est m o tivé, en ces termes :
« L a raison, selon mon a v is , est que les enfans ne peuvent et ne
» doivent avoir communauté universelle en deux lieux, quand en
» l’un des deux la personne n ’y est pas et n’y fait rien,"et il fait mé» nage et négocie à part où le père ne prend rien.
» E t encore pour ce que, ajoute-t-il, la dot de la fille ou le m oyen
» que le père a donné à son fils , tient lieu , et est comme sa part
» du droit qu ’il avoit en la masse de la communauté. »
T e l le est aussi l’opinion d ’Auroux-Dcsporumiers, sur la Coutum e
de Bourbonnais.
�(
25 )
h Après avoir cité un arrêt contraire, de 16 10 , et une sentence de
1 6 1 1, qu’il dit avoir trouvés dans un manuscrit d ’un certain M . Rougnon, il rapporte l’opinion du président D u re t, qui s’explique ainsi,
sur ces mots, E q u i p o l l a n t a p a r t a g e : V e lu tis i filia a superstite
nuptui tradita s i t , ejus respecta , actus est sufficiens ut societas
dissolvatur , quamvis expresse huic non renunciaverit; quo jure
utirnur.
Il
ajoute que Jean Déculant atteste dans ses notes sur cet article,
q u ’il l ’a toujours vu ainsi pratiq uer, qu’on ne consultoit p a s, et
q u ’on ne jugeoit pas autrement de son temps : Ita vid i sm iper ob-
servari in judicando et consulendo; et que la note de D u m ou lin
s ’applique aux mâles comme aux filles : Q uœ M o lin œ i nolula
non habet soliirn locurn in f ilia nupta et dotata, sed etiam in f ilio
cu i in matrimonium quid certuin fiie rit assignalum.
' « C 'e st aussi, dit A u r o u x , le sentiment de Jean F a u lc o n n ie r,
w dans ses observations sur le présent article. »
A u ro u x émet ensuite son opinion personnelle sur cette question,
en ces termes :
c
« C e dernier sentiment me paroît le plus conforme à l ’esprit de
» la C o u tu m e , et il me paroît qu ’en s'attachant aux ternies>de
» notre article, on ne peut point s’empêcher de d ire, que le père
» survivant et mariant ses onfans hors de chez lu i, et leur donnant
» une somme pour leur part dans les droits qui leur appartiennent
» par le décès de leur m ère, fait cesser à leur égard la contînua» tion d e là com m u nauté; car il ne peut pas, à ce qu il me paroît,
» mieux marquer la volonté q u ’il a de ne plus demeurer en co m » munauté avec son enfant, q u ’en le mariant hors de chez l u i , lui
» donnant ce q u ’il prétend lui appartenir, et souffrant qu ’il fasse
» un commerce et une communauté à part.
« Notre Coutum e, au présent article, ajoute Auroux, n edem an d e
m autre chose pour arrêter la c o n t i n u a t i o n de communauté , q u ’un
» inventaire ou partage , division ou autre convention equipollant
» à partage; o r , comment p e u t - o n qualifier le mariage d ’un e n f a n t ,
» sa séparation d ’avec son père, la dot q u ’on lui constitue pour ses
» droits acquis par le décès dosa xnère, autrement que de partage,
D
�(
26
)
» ou tout au m o in s , com m e parle la C o u tu m e , de convention équi-
» pollanl à partage ? »
* C e t auteur, dans sa cen t-tro isièm e addition, rappelle que l’art.
118 de l’ancienne C ou tu m e de Paris portoit, comme la Coutum e
de Bourbonnais, qu’il n ’y avoit point de continuation de com m u
n a u té , si le survivant des conjoints avoit fait faire inventaire, ou
autre acte dérogeant à la co m m u n a u té; que par suite de ces ex
pressions ^ on décidoit alors que les enfans dotés par le survivant
ne pouvoient plus demander la continuation de communauté, parce
que le contrat de mariage étoit une espèce de partage , et acte dé
rogeant à la communauté; que les réformateurs de la Coutum e ayant
supprimé ces term es , e t autres actes équipollens, l’inventaire fait
en bonne form e peut s e u l, dans cette C o u t u m e , dissoudre la
communauté.
« M ais, ajoute-t-il, com m e la disposition de notre C ou tu m e , au
» présent article 2 7 0 , n ’a pas été ré fo rm é e , il est vrai de dire
» que suivant cet a r tic le , et eu égard aux termes dans lesquels il
» est c o n ç u , le mariage de l’e n f a n t, hors de la maison du p è r e ,
» suffit pour dissoudre la com m unauté. »
Enfin , il rapporte une sentence de la sénéchaussée de M o u lin s,
rendue le 14 mars 1 7 2 7 , lui A u r o u x étant du nombre des juges,
par laquelle il fut jugé que « le mariage de M arie R a v e l, sa cons» titution de d o t , la nouvelle communauté contractée avec F ran » cois Boucaud , sa séparation et sortie de l ’ancienne com m u» n a u t é , son défaut de collaboration en icelle, devoient être re» gardés comme un partage ou actes équipollens à partage , dis» solutifs p a r conséquent de co m m u n a u té, aux termes de l’article
» 270 de notre Coutum e. »
Ici les quatre enfans du premier lit sont m ariés, plusieurs de
puis trente et quelques années.
T o u s ont été dotés, non-seulement de l’universalité de leurs
biens propres, mais encore en partie aux dépens de la seconde
communauté.
A u cun d ’eux 11’a mis sa collaboration dans cette seconde com-*
munauté.
�(
7)
2
"
T o u s sont sortis de la maison paternelle.
T o u s ont contracté une nouvelle communauté.
Dès-lors l'application de ce préjugé se fait de lui-même a l ’espèce.
M ais les parties se trouvent ici dans de Lien plus forts termes.
D u m o u lin , Coquille, D u r e t , D é c u la n t, Faulconnier, A u r o u x ,
supposent une communauté continuée entre un père et ses en fan s,
qui n ’a pas fait d ’inventaire qui ne s’est pas rem arié, qui n ’a pas
contracté une nouvelle communauté avec une seconde fem m e ,
et ils n ’hésitent pas à décider que la communauté est interrompue,
lorsque les enfans sont dotés et mariés hors de la maison paternelle.
1
A combien plus forte raison faut-il le décider ainsi, dans espèce
où il existe un inventaire fait dans le dessein de dissoudre la com
munauté ;
U n e déclaration formelle de celte dissolution, insérée dans le
second contrat de mariage du sieur V iro tte ;
U n e nouvelle communauté contractée avec une seconde femme ;
Quatre enfans dotés et mariés hors de la maison paternelle, et
qui tous ont contracté une communauté particulière, Jonc m é n a g é
et négocient autre p art, où le père ne prend rien , com m e le dit
Coquille.
A combien plus forte raison encore, doit-on le décider ainsi,
dans l’espèce où ces quatre enfans du premier lit n'ont contribué
eu rien à l ’avantage de cette seconde co m m u nauté, ni par leur
collaboration , ni par leurs revenus, où ils l’ont au contraire épuisee
dans tous les sens par leurs dépenses, et où cette s e c o n d e com m u
nauté n'a subsisté, n ’a prospéré que par 44 ans d ’économie, de
soins, de travaux de la dame V ir o tte , et par les revenus annuels
d ’un riche patrimoine, qui se sont confondus dans cette com m u
nauté ?
Q u ’oppose-t-on contre tant de moyens ? L ’ arrêt des V id a lin ,
3
58
rendu, d it-o n , le mai i y
, cité par Ducher.
C e t arrêt ne peut être mis en balance avec toutes les autorités
nous venons de citer.
O n sait d ’ailleurs que les arrêts dépendent le plus souvent des
que
circonstances , ou d ’une défense négligée.
�( 28 )
E t si on s’en rapporte à l ’auteur qui cite cet arrêt, on y remar
que que le père avoit institué ses enfans ses héritiers par égalité,
avec la condition ridicule de s’en tenir à une somme quelconque
pour leurs droits m aternels, sous peine d ’apanage, pour les filles,
et pour les m ales, d 'êt r e réduits à leur légitime.
.
O n ne voit pas q u ’il y eût eu un inventaire destiné à dissoudre
la co m m u nauté; une seconde communauté contractée par le sur
viva n t; une dot constituée aux enfans m ariés, bien supérieure à
leurs droits m aternels, et toutes les circonstances qui se trouvent
dans cette a ffa ire, et qui la rendent la plus fa vo ra b le , pour l ’in
terruption de la c o m m u n a u t é , qui ait jamais paru dans les tri
bunaux.
A jou tons que le sieur V iro tte a fait un traité avec ses enfans
du premier l i t , en 1 7 8 4 , qui forme encore une preuve nouvelle
de celle dissolution-de co m m u n auté, en ce qu e, par ce traité, le
sieur V iro tte a restitué à ses enfans les jouissances de certains
biens qui leur étoient propres, q u ’il avoit aliénés, tandis que ces
jouissances seroient entrées dans la c o m m u n a u té , si elle n ’avoit
pas été dissoute.
Mais tout ce qu’on vient de dire dans cette dernière partie de
la discussion, n ’est que par surabondance de droit.
L inventaire du mois de janvier 176 2 a été fait avec légitime
contradicteur ; il est lo y a l, il est de bonne foi. Il n'en eût pas
fallu davantage pour interrompre la communauté dans la Cou tu m e
la plus sévère; et ce n’est pas aujourd’hui qu ’il faut ajouter à la
rigueur des lois sur cette m a t iè r e , lorsqu il est réconnu que cette
institution étoit essentiellement mauvaise, et que les sages réfor
mateurs de nos usages gothiques, les rédacteurs du Code civ il, se
sont empressés de l ’abolir.
Signé V I R O T T E - D U C H A R M E , tant pour lui
que pour sa mère et ses frères et sœurs du second lit.
B O I R O T , ancien jurisconsulte.
D E V È Z E , avoué.
A C L E R M O N T , d e l ’im p r im e r ie d e L AN D RIO , im p r im e u r du la P r é f e c t u r e .
�
Dublin Core
The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delaire, Anne. An 3?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Boirot
Devèze
Subject
The topic of the resource
secondes noces
coutume du Bourbonnais
domaines agricoles
inventaires
communautés familiales
parsonniers
partage
livres-journaux
élevage
Description
An account of the resource
Mémoire pour Anne Delaire, veuve de Michel Virotte, et les six enfans nés de leur mariage, appelans ; contre les quatre enfans du premier lit dudit sieur Virotte, intimés.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Landriot (Clermont-Ferrand)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 3
1752-Circa An 3
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
28 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0539
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Montaigu-le-Blin (03179)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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communautés familiales
coutume du Bourbonnais
domaines agricoles
élevage
inventaires
livres-journaux
parsonniers
partage
secondes noces
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a4188307e097b5dc7ee2107d9f16b194
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Text
PIECES JUSTIFICATIVES.
N°. Ier.
E x tr a it d u M o n ite u r , N °. 9 3 , du 3 n iv ô se an 7.
A r m é e d’ O r i e n t . S u ite des extraits des ordres du jo u r de
l 'a n n é e , datés du quartier général du C a ire, du 14 .fru ctid or
an
6 , au
L
28 vendém iaire an 7.
ib e r t é .
*
RÉPUBLIQUE
t .
É
g a l it é .
FRANÇAISE.
A u quartier général du Caire, le 21 vendémiaire
an 7 de la république française.
Ordre du jo u r du 21 vendém iaire an 7.
L ’ a r m é e est prévenue que tous les actes civils qui seront
passés par les commissaires des g u e rre s, ceu x qui seront passés
sous seing privé entre les cito yen s, et ce u x qui pourront l’étre
entre les Français et les nationaux par-d evan t les notaires du
p a y s , seront nuls en F ra n c e , com m e i c i , s’ils ne sont enre
gistrés conform ém ent à l’ordre du général en c h e f, en date du
30 fructidor dernier.
E x tr a it de l ’ordre du général en chef, du
3o fructidor an
6.
B o n a p a r t e , général en c h e f, ordonne ;
A rt . IRr. Il sera établi dans chaque ch ef-lieu de province de
l’Egypte un bureau d'enregistrem en t où. tous les titres de p ro
�(O
priétés, et les actes susceptibles d’ëtre produits en ju s tice , re
cevront date authentique. S ig n é Alexandre B e u ïm ê r , g én éra l
de division , c h e f de l ’éta t m ajor général.
N°. 11.
E xtra it du registre des actes de m ariages, déposé ait secrétariat
de la m airie d 'A u r illa c , chef-lieu de préfecture du départe
m ent du Cantal.
C k j o d r d ’h u i v in g t-u n nivôse an onze de la république
française , onze heures du m atin, est com paru, dans une des'
salles de la mairie d’ Aurillac , et par-devant nous Jean Abadie r
maire de la com m une dudit Aurillac , faisant les fonctions
d’officier public de l’état civil , le citoyen Alexis D elzons, g é
néral de brigade, commandant lé départem ent, demeurant audit
Aurillac , lequel nous a requis d’insérer dans les registres de
m ariages, l’acte de sori mariage avec dame Anne-Julie V a r s y ,
dressé par le citoyen Joseph A g a rd , commissaire des guerres
employé à R o zette, faisant les fonctions d’officier c iv il, le seize
brumaire an h u it , ainsi qu’il conste de l’expédition qu’il nous a
représentée, et déposée à notre secrétariat.
S u it led it acte m ariage.
L ’a n huit d e là république fran çaise, et le seize brum aire,
comparus devant nous Joseph Agard, commissaire des guerres'
em ployé à R ozette, faisant les fonctions d’officier c iv il, confor
mément h la loi , le citoyen A lexis Delzons , c h e f de brigade
de la q u a t r i è m e * demi-brigade d’infanterie légère , né le vingtSônt
six mars mil sept cent soixante-quinze, à A u rilla c, département
du Cantal , fils d’Antoine Delzons et de M arie-Anne-Crispine
Hébrard , personne libre de tous lie n s, conform ém ent au ce r
tificat du conseil d’administration de son corps , q u ’il nous a
rem is, d’une p artj e t la citoyenne J u lie -A n n e V a r s y , née &
�f 3)
Alexandrie le seize jan vier mil sept cent quatre vingt quatre ,
fille de feu Joseph V arsy et d’Elizabeth D orm er , ici présente,
et cle son consentem ent, accom pagnée de ses frères et sœ urs,
d’autre part; lesquels ont d éclaré, de leur libre, pleine et en
tière volonté, s’ unir en légitime m ariage, conformém ent aux lois
de la république française ; de laquelle déclaration nous leur
avons donné acte en présence des citoyens J u lie n , capitaine
adjoint, Lanten , quartier - maître , et L ab ad ie, capitaine , qui
ont signé avec m o i, la veuve V a rsy , ses frères et soeurs, et les
parties contractantes.
L e présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré,
conform ém ent aux ordres du général en chef. Signé h l’original,
Julie V a r s y , D elzons , L ab a d ie, Elizabeth D o r m e r -V a r s y ,
Sophie L a n te n , née Varsy, L anten, V arsy a in é , J u lien , le com^
missaire des guerres, Agard. Enregistré à Rozette le vingt-deux
brumaire an h u i t , n°. 104, reçu quarante médias. Signé à l’ori
gin al, R oyan es, directeur de l ’enregistrement.
Pour copie conform e à l’origin al, le commissaire des guerres
signé A g a r d .
D e tout quoi nous , maire su sd it, avons donné acte audit
citoyen D elzons , de la remise de l’expédition de son acte de
mariage ; l’avons fait déposer aux archives de la mairie , et
avons dressé le présent procès verbal en présence des citoyens
Antoine D elzons , législateur, et de François M iquel, capitaine,
aide de c a m p , m ajeu rs, domiciliés dudit A u rilla c ; et o n t,
lesdits Delzons et M iquel 5 signé avec nous maire , lesdits jou,c
et an que dessus.
Pour copie conform e ,
H érault
, secrétaire.
V u pour la légalisation de la signature H érault, secrétaire de
la mairie d’A u rilla c , par nous Guillaum e L a y a l, juge du tri
bunal civ il d’A u rillac.
A
A u rillac,
JJnUNON,
le
greffier,
vin gt-six
août m il huit cen t
six,
L aval,
�(4)
N°. III.
D e s actes de l ’état c iv il du d ép artem en t de la S ein e,,
d ix iè m e arrondissem ent de la co m m u n e de P a r is , p o u r
l ’an tr e iz e , d éposés au greffe du trib u n al de p re m iè re
instance d u m êm e d é p a r te m e n t, a été ex tra it ce q u i
suit :
!A c t e civil de mariage.
L ’a n h u it de la ré p u b liq u e fran çaise, et le vingt-neuf vendém iaire, sont comparus devant nous
commissaire*
des guerres e m p l o y é à R o ze tte , faisant fonction d’officier civil f
conformément à la lo i, le citoyen
,
Joseph ^4gcircl,
Georges-Auguste L a n ten
quartier-maître de la quatrièm e demi-brigade d’infan
terie lé g è re , natif de B ite t, département de la M ozelle, âgé de
v in g t-n e u f mis, fils de
et de
,
personne libre de tous les lie n s, conform ém ent au certificat du
conseil d’administration dudit corps , qu’il nous a remis , dûment
enregistré, d’une part ;
Et la citoyenne Catherine-Sophie T^arsy, âgée de vingt a n s,'
fille de feu Joseph V a rsy , négociant de R ozette, et d'E lizabeth
D on n er, veuve V a r sy , ici présente, et de son consentem ent,
accom pagnée de ses frères et sœ urs, d’autre part ;
Lesquels ont déclaré, de leur plein e, libre et entière volonté,,
s’ unir en légitim e m ariage, conform ém ent aux lois de la répu
blique française : de laquelle déclaration nous leur avons donnéa c te , en présence de l’adjudant général Valentin ; D elzons, c h e f
c a p ita in e ,
Jean Lanten
Christine D upont
de brigade de la quatrièm e dem i-brigade d’infanterie légère;
Raim ondon, commissaire ordonnateur; et de ses frères et sœurs,
qui ont signé avec nous et les parties contractantes.
L e présent ne sera valable qu’autant qu’il aura été enregistré,,
conformém ent aux ordres du général en c h e f, des trente fruc-
�( 5)
tàdor an six , et vingt-un vendém iaire an sept. Fait à R o ze tte , les
jour et an que dessus. Signé à l’original, Auguste L an ten , Sophie
V a rsy , Elizabeth D o rm e r-V a rs y , l’adjudant général Y a le n tin ,
D elzons, R aim ondon, Agard , JuKe V a rsy , Joseph V a r s y , et
Varsy aîné. Enregistré à R o zette, le vingt-neuf vendém iaire an
h u it, sous le n°. xoo : reçu 40 m. Pour copie conform e à l’ori
ginal , le commissaire des g u erres, signé A g a i i d .
Au bas est écrit : Je certifie que le citoyen A g ard , qui a signé
le présent acte de m ariage, est tel qu’il se qualifie , qu’il rem plit
ic i les fonctions d’officier civil pour constater l’état des citoyen s,
et que foi doit être ajoutée à sa signature. A R ozette, le vingtn e u f vendémiaire an’huit. L ’adjudant com m andant la province
de R o z e tte , signé V a le n u n .
Collationné sur pareil extrait déposé au dixième arrondisse
m ent de la com m une de Paris, lors du divorce de la demoiselle
JS'arsy avec le sieur L a n ten , qui a été prononcé le d ix -h u it
prairial an tr e iz e , inscrit sous le n°. 6 du registre dixièm e de
l’état civ il dudit arrondissement.
♦
D élivré par nous, greffier du tribunal de prem ière instance
du département de la S e in e, com m e dépositaire du registre,
seconde m in u te, extrait de l’autre p a rt, et en exécution de l’ar
45
ticle
du Code civil des Français.
A u g reffe, séant au palais de ju stice , à P aris, le douze dé
cem b re m il huit cent six. E. A. MARGUEiii.
N ous président de la troisièm e section du tribunal de pre•jnière instance du département de la S e in e, certifions q ue la
signature ci - dessus «st celle de M. M argueré, greffier en c h e f
dudit tribunal ; en foi de quoi nous avons fait apposer le sceau
du tribunal.
A P a ris, au palais de ju stice, le douze décembre mil huit cent
six. L e B e a u ,
I
�(6)
N°. IV.
E x tr a it du registre des actes civils de la p la ce du Caire.
L ’ a n n e u f de la république française, et le dix pluviôse, pardevant moi M. P in et, com m issaire des guerres, chargé du ser
vice de la place du C a ire , sont com parus les citoyens A lexisJosepli D elzo n s, c h e f de la quatrièm e demi-brigade d’infanterie
légère, Jacques-Zacharie d’Estaing, général de brigade, François
M iquel, adjudant-major dans ladite quatrièm e dem i-brigade, et
Joseph L ab a d ie, capitaine au même corps, la citoyenne V arsyLanten ; lesquels m ’ont présenté un enfant qu’ils m’ont déclaré
être né à R ozette, le vingt-sept brum aire dernier , du citoyen
A lexis - J o s e p h Delzons , et de la citoyenne Julie V a r s y , son
épouse, et être du sexe m asculin, auquel enfant on a donné le
nom d’Alexis-Alexandre : le parrain a été le général de brigade
d’Estaing , et la m arraine, la citoyenne Varsy-Lanten , au nom
de la citoyenne V a rs y , aïeule de l’en fa n t; desquelles présen
tation et déclaration j’ai donné acte , que j ’ai signé avec les
citoyens D elzons, le parrain, la m arraine, la citoyenne V a rsyD e lzo n s, Baudinot, L a b a d ie, Miquel. Signé au registre, D e l
zons , c h e f de brigade, d’E staing, général de brigade, V arsyLanten , V arsy - D elzons , B a u d in o t, capitaine , Labadie et
M iquel ; P in e t, commissaire des guerres.
Pour copie conform e, le commissaire des guerres; signé
P in e t.
�N°. V.
L i b e r t é .
É g a l i t é .
R ÉPU BLIQ U E
Au Caire, le
FRANÇAISE.
25 pluviôse
an 9 de la république française.
D ’ E s t A i n g , général de bri gade,
A u citoyen d ’ E s t a i n g père.
V o u s devez avoir reçu de mes nouvelles , mon cher père ,
par l’arrivée du L o d i, et autres bâtimens , dont la traversée
d’ici en France a été fort heureuse. D epuis ces époques, notre
situation n a point changé. L ’arm ée est toujours en très-bon.
é t a t , tant au physique qu’au moral ; et le grand V isir parolt
moins disposé que jamais à venir nous visite r; la p este, la fa
mine et la désertion le dispensent d’avoir recours à la guerre
pour détruire encore une armée. Il est arrivé successivem ent
plusieurs bâtimens de guerre ou de com m erce français, notanv
ment les deux frégates l’Egyptienne et la Justice, chargées de
différens objets qui nous étoient le plus nécessaires ; nos ports
sont également fréquentés par un grand nombre de bâtimens
grecs et même turcs sur la M éditerranée , arabes et indiens sur
la mer Rouge ; de manière que la co lo n ie , qui est d’ailleurs par
faitement tranquille, acquiert journellem ent de nouveaux degrés
de prospérité : il faut espérer que cette conquête intéressante
sous tant de rapports, ne nous échappera point à la paix ; tout
au moins elle sera d’un grand poids dans la balance, et je pense
plus que jamais ce que je vous ai déjà écrit à ce sujet; je suis
plus que jamais éloigné d’avoir regret aux efforts et aux dangers
particuliers qui étoient indispensables pour contrarier ouverte
ment les vues d’une faction ennemie de la prospérité de la répu-.
�.
(
8
}
b liq u e , ainsi que de la gloire de l’armée d’Oricnt. Il faut donc
voir avec patience s’éloigner le moment de nous réunir ; nous
avons fait tant d’autres sacrifices ; nous serons égalem ent dédom
magés de celui-ci par la plus pure des jouissances, celle de se
voir plutôt en avant qu’en arrière de ses devoirs. L a paix avec
l’Em pereur est sans doute actuellem ent c o n clu e ; les circons
tances sont de nature à presser vivem ent les Anglais d’en finir;
et Bonaparte saura si bien en tirer parti, que le temps est peutêtre moins éloigné que nous ne le c ro y o n s, où nous reverrons
notre p a trie , nos fa m ille s, aussi dignes de leur reconnoissance
que de leur tendresse.
D elzons se porte fort bien. Il a un pe£it. garçon très-éveillé :;
et j ’essaie d'en Jaire un à une je u n e G recq u e, q u i, d ’après un
arrangem ent o r ie n ta l, J a it les honneurs de chez moi depuis
près d ’un mois. Adieu , mon cher père , j’embrasse ma m ère
et toute la fa m ille , et vous prie de m’écrire : tout le monde,,
excepté m o i, reçoit ici des lettres. Sign e d ’E s t a i n g .
Rappelez-moi au souvenir de nos anciens amis.
N °.
V I.
Paris, le i 3 ventôse an 10.
J e profite du départ du p réfet, le c. R io u , pour vous écrire
deux mots. J’ai reçu une délibération de la com m une d’A urillac,
je -verrai de la servir-; mais je ne sais si je pourrai rester assez
long-temps ; dites au c. Abadie que j e lui écrirai bientôt.
Je n’ai pas encore pu joindre le conseiller d’état Duchatel ;
ce sera je crois pour après-demain.
Q uant à mon m a ria g e, vous ne devez pas p lu tô t croire la
lettre de L a ta p ie que la m ien n e; i l n ’y a aucun lien lé g a l;
j e ne l'aurois pus contracté sans vous en prévenir: mais i l y
a d ’autres liens qui pourraient peut-être bien am ener celu i là.
�(9)
Au reste, j’ a i écrit à cette famille de se rendre à M arseille, et
d’y attendre de mes nouvelles.
Quant à ma destination , elle n ’est pas encore r é g lé e , parce
qu’on exige que je désigne ce qui me convient. Je ne l’ai pas
fait encore , mais après-dem ain à la parade je rem ettrai ma
demande.
Deteons avoit remis la sienne il y a quelque tem ps; et suivant
sa dem ande, il ira à Clermont ou à Aurillac.
A dieu, je vous embrasse tous. Signé d ’E staing .
N°. V IL
MAISON
DE
L’ E M P E R E U R .
Paris, le
5 mai
1808.
J e soussigné, trésorier général de la co u ron n e, ancien direc
teur général des revenus d’E gypte , certifie que d’après les
vérifications qui ont été faites sur les registres de l’adminis
tration de l’enregistrement d’E gypte, il n ’y a été présenté, dans
aucun temps , aucun acte de mariage relatif à M. le'gén éral
d’Estaing.
En foi de quoi j’ai délivré le présent pour servir et valoir ce
que de raison. E s t e v e .
N°. YIII.
E x tr a it du registre de service du g énéral d ’E sta in g , ayant
pour titre : Correspondance relative au commandement de
Cuthié.
Com m ençant le 17 brum aire an 8 , par une note , en ces
termes . « E crit au général R égnier, pour lui annoncer mon
�(
IO )
«< arrivée, et lui demander des instructions; « e t finissant le 16
pluviôse an 8 , par une lettre au général V e rd ie r, pour lui
annoncer que le len d em ain , 17 pluviôse, il évacue le poste de
C athié.
Registre écrit tantôt de la main du général, et ensuite de son
aide de cam p, contenant copie de toutes les lettres qu’il écrivoit,
et des ordres donnés ou reçus ;
Registre qui prouve que depuis le 17 brumaire an 8, jusqu’au
16 pluviôse, il n ’a quitté ni pu quitter son poste.
D elà le général se rend à R o z e tte , à plus de six journées de
m arche , puisqu’il faut traverser le D elta , et une partie du
désert.
Il reçoit des ordres adressés a R o zette, par le général en c h e f
K lé b er, de veiller sur le bas D elta.
La correspondance du général K léber, datée du G rand-Caire,
commence le 20 ventôse an 8, et finit le 11 prairial an 8. Toutes
les lettres existent en original,
N°. IX.
Correspondance du général de division M e n o u , toutes signées
A b da lla M e n o u , com m ençant le 1 germinal an 8 , jusqu’au 21
floréal même année ; écrites de Rozette au général d’Estaing ,
aussi à Rozette.
5
N°. X.
L ettre du général Rampon , écrite du quartier général de
D am iette , au général d 'E staing, le
messidor an 8, pour lui
annoncer l’assassinat du général K lé b e r , et que le général de
division M en ou a pris le com m andem ent en chef.
3
A R IO M , de l'im prim erie de T h i b a u d - L a n d r i o t , im prim eur de la Cour d ’appel,
t
�
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Factums Marie
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[Factum. Nazo, Anne. An 10?]
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contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
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Pièces justificatives
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De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
circa An 10
Circa An 7-Circa An 10
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
10 p.
Identifier
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BCU_Factums_M0538
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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A language of the resource
fre
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BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
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BCU_Factums_M0604
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Aurillac (15014)
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Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
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97d4b5d4c0523d8c63e8174b49a7d913
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Text
u/l
■
■
I I if,a
M
E
M
O
I
R
E
' EN RÉPONSE, •
POUR
.
Sieurs J e a n - B a p t i s t e D ’EST A I N G , ancien
commandant d’armes à Chambéry , J a c q u e s T h é o d o r e , P i e r r e - G a b r i e l , C a t h e r i n e et
E liza b eth
D ’E S T A IN G , frères et sœurs,
intimés et appelans ;
V.
.
.
.
C
O
N
•
Tac- R
E
1-
A N N E , soi-disant N A Z O , soi disant Grecque
d'origine, sè disant veuve du g énéral d ’E s t a i n g ,
se disant pareillement tutrice de M a r i e , safille ,
appelante d’un jugem ent rendu au tribunal de
M a u ria c, le i 3‘ aout 1 8 0 7 „et intimée.
Q U E S T I O NE
T
D
'A
_
C
E T T E cause est de la plus haute importance . et
doit exciter vivem ent la curiosité publique.
U ne Égyptienne, musulmane de religion éch ap p ée à
.
.
A
�c 2
la servitude cl’ua harem, a goûté quelques instans les
charmes de la liberté à la compagnie d’un général fran
çais, commandant une division de l’armée d’Orient.
Ce général, après la capitulation d’A lexan drie, a
repassé en France. Un événement tragique l’a enlevé
à la gloire, à sa famille, à ses amis.
L ’Africaine réfugiée a cru trouver les circonstances
I favorables pour s’introduire dans la famille du général,
prendre le titre honorable de sa veuve,-et donner son
nom à une fille dont elle est accouchée pendant sa traversée
d’Egypte.
a
Elle a abusé momentanément de la foiblesse d’un
v ie illa r d respectable et crédule, q u i, dans sa douleur,
trou voit quelque consolation à accueillir ceux qui a voient
eu des relations a v e c son fils chéi’i.
Cet acte de bienfaisance “lui a été reproché: on veut
en induire une reconnoissance de l’état de la prétendue
G r e c q u e , qui réclame toute la succession du général, et
bientôt sa portion de celle du p ère, décédé pendant
l’instance.
Heureusement pour les frères d’Estaing il est des règles
certaines pour constater l’état des personnes; règles dont
il n’est pas permis de s'écarter, dont l’infraction entraîncroit les suites les plus funestes, en introduisant dans
les familles des etres obscurs et dépraves,
F A I T S .
'
Jacques-Zacliarie d’Estaing , général de division, eut
l’honneur d’être nommé de l’expédition d’Egypte, sous
�(s)
les ordres du héros invincible qui règne aujourd’hui
si glorieusement sur les Fi’ançais.
Après quelque séjour, le général d’Estaing fut nommé
commandant de la place du Caire ; il s’y fit distinguer
par sa bravoure et scs manières généreuses. Les Grecs
qui liabitoient le Caire voulurent, suivant l’usage, offrir
une somme d’argent au commandant. Il la refusa avec
noblesse.
L e nommé Jaaiiny N cizo, qui va figurer dans cette
cause, étoit marchand détaillant d’eau-de-vie au Caire,
profession peu honorée en Egypte. Les musulmans ont
en général un certain mépris pour ceux qui vendent
des liqueurs enivrantes; ils s’en abstiennent avec moins de
rigueur qu’autrefois, mais ils n’en estiment pas davan
tage ceux qui en font le trafic.
Les Coplites et les Grecs qui se trouvoient au Caire,
étoient tous dans le parti des Français. L e commandant
fut chargé d’organiser des bataillons parmi eux. Joanny
ISazo étoit un de ceux qui montroient le plus de cha
leur et de zèle; il obtint le commandement d’un de ces
bataillons.
Les Grecs reconnoissans envers le général qui refusoit
leurs présens et leurs offres, s’informent, avec l’adresse
qui les distingue, de ce qui pourroit faire plaisir à leur
commandant; ils en parlent aux aides de camp, aux
jeunes militaires qui approchent le général : on devine
aisément la réponse de cette jeunesse galante et passionnee.
L e présent le plus agréable au général français, seroit
une femme blanche. On ne voit autour des camps que
des négresses dégoûtantes. Cette ouverture est saisie avec
A 2
�(
4)
empressement : N a zo envoie au gén éral, A n n e , qui
n’étoit pas sa fille. N a zo avoit épousé la veuve d’un
musulman; A n ne étoit provenue de ce premier mariage,
et avoit été élevée dans la religion de son père; elle en
est elle-même convenue, et l’a ainsi déclaré en présence
de plusieurs personnes.
Comment pourroit-elle le désavouer? Si, comme elle
le d it , elle étoit Grecque d’origine et de religion , elle
parleroit le grec vulgaire ; c’est la langue de tous les
grecs : elle ne connoît que Varabe ^langue féconde et har
monieuse, que p a rle n t en général les Turcs qui habitent
cette contrée de l’A friqu e, et dont les prêtres grecs n’en
ten dent pas un mot.
U n arrangement de ce genre, scandaleux parmi nous,
n’a rien de choquant en Orient : ce n’est plus cette an
cienne E gyp te, jadis un pays d’admiration , si fameux
par ses monumens qui ont résisté pendant tant de siècles
à l’action destructive des élém ens, et que la barbarie
fait disparoître tous les jours.
Ces indigènes, célèbres par l’antiquité de leur oi’igine,
la sagesse de leurs règlemens, l’étendue de leurs connoissances, n’existent plus : ils sont remplacés par un
assemblage de peuples divers; les Go pli tes, les Maures >
les A rabes, les Grecs, et les Turcs qui en sont les sou
verains.
Ce mélange de tant de nations, la diversité dès cultes,
des usages, a fait que la barbarie et l’ignorance ont suc
cédé aux sciences et aux arts; la dépravation des mœurs
en a été la suite; et si on en croit nos voyageurs mo
dernes, les yices les plus honteux y régnent avec impunité.
�( 5 )
A n n e , soi-disant N azo , fut donc livrée au général
d ’Estaing, qui la traita avec cette urbanité qui distingue
les Français.
Il fait part lui-même à son père d’un événement qu’il
regarde comme une bonne fortune. Dans une lettre qui
se ressent de la liberté des camps , et qui est datée du
Caire, le 25 pluviôse an 9 , il ne craint -pas d’avouer à
son père « qu’il essaye de faire un garçon à une jeune
« Grecque , q u i, d’après un arrangement oriental, fait
« les honneurs de chez lu i, depuis près d’un mois. »
Certes, si le général d’Estaing avoit eu des vues ho
norables sur A n n e , il n’auroit pas voulu l’avilir aux
yeux de son père ; il n’en auroit pas parlé avec autant de
légèreté, surtout dans u n e lettre où il fait m e n tio n du
mariage de son parent, le général D elzons, et du fils
que ce général avoit eu d’une union légitime.
Une remarque essentielle à faire sur cette lettre, est
que l’arrangement oriental dont il parle, n’a commencé
que depuis près d’un mois : ce n’étoit donc que dans les
commencèmens de pluviôse an 9 , ou tout au plus à la
fin de nivôse de la même année, qu'’A nne étoit venue
habiter chez le général dTEstaing.
O r, depuis plus de deux ans, le général en chef avoit
établi dans chaque chef-lieu de province de l’Egypte, un
bureau d’enregistrement, où tous les titres de propriété,
et les actes susceptibles d’être produits en justice, dévoient
recevoir date authentique. Cet établissement date du 301
fructidor an 6 , ainsi qu’il est établi par un ordre du gé
néral en c h e f, qui sera mis sous les yeux de la cour.
Ce chef illu s t r e r o n t la sage prévoyance embrassoit
�'.
, ( 6 .}
tous les cas, avoit aussi établi des officiers publics pour
recevoir les actes civils, de naissance, mariage et décès:
les commissaires des guerres étoient chargés de ce soin
important. Ce n’étoit point encore assez -, il falloit donner
aux actes civils la plus grande authenticité.
Par un ordre publié le 21 vendémiaire an 7 , « l’armée
« fut prévenue que tous les actes civils qui seroient passés
« par les commissaires des guerres, ceux qui seroient
« passés sous seing privé entre les citoyens, et ceux qui
« pourroient l’être entre les Français et les nationaux,
« par-devant les notaires du pays, etoient nuls en France
« comme en E gypte, s’ils n’étoient enregistrés confor« inément à l’ordre du général en chef, en date du 30
« fructidor an 6. »
Tous les Français alors en Egypte se sont conformés
à l’ordre du chef. Lorsque le général D elzons, parent
du général d’Estaing, a contracté mariage avec demoi
selle A n ne V arsy, née à Alexandrie, il a été dressé un
acte civil.
;
. .
Cet acte que rapportent les frères d’Estaing, est du 16
brumaire an 8 : il est reçu par Joseph A g a rd , com
missaire des guerres , faisant fonctions d’officier civil ,
avec mention « que Pacte ne sera valable qu’autant
« qu’il aura été enregistré conformément aux ordres du
« général en c h e f : » et cette formalité de l’enregistrement
a été remplie à R ozette, le 22 brumaire, six jours après
la célébration.
Les frères d’Estaing sont encore porteurs de l’acte civil
du mariage de Georges-Auguste L o n tin , capitaine, natif
de B itet, département de la M oselle, avec Catherine* *
�(7 )
Sophie V a r sy , fille d’un négociant de liozette : l’acte
également reçu par Joseph ¿égard, le 29 vendémiaire
an 8 , et enregistré le lendemain. '
Le général Delzons , marié avec toutes les formes
prescrites, est devenu père d’un fils ; l’acte de naissance
de l’enfant a été reçu par leAsieur P in e t, commissaire
des guerres, chargé du service<de la place du Caire : cet
acte est du 10 pluviôse an 9.
'
En un m ot, tous ceux qui se sont maries en Egypte
ont pris la même précaution; et ilsy'étoient tenus d’apres
les ordres du gén éral, à peine de nullité.
Ces observations préliminaires trouveront, leur place
dans la suite. L e général d’Estaing necohabita pas long
temps avec AnnC. Les; Anglais débarquent à Aboukir:
le général d’Estaing reçoit ordre de se rendreà Alexandrie
en ventôse an 9. A n ne reste au C aire, et n’a point revu
depuis celui qu’elle appelle son époux.
Ainsi Varrangemei.it oriental,n’a pas eu . deux mois
de durée..
•• '
?• • ). •
-*r- •
Après la capitulation d’A lexandrie, le général d’Es
taing, suivi d’un grand nombre d’officiers, repasse en
France. Bar'un des articles 'de la capitulation les Anglais
s’obligèrent de; faciliter ce passage. ;J,
-,-ü
Quelques Egyptiens obtiennent la même faveur. Joanny
îïa zo , A n n ey sont du nombi’e des réfugiés. D ’après Ie
récit & A n n e , « elle fu t embarquée à A b o u k i r , sur un
« pëtitrnavire grec; elle étoit avancée dans sa grossesse;
of, ellt? est, saisie des douleurs der Penfantem ent dans le
« navires le patron prend terre, et jette l’ancre, sur la
a:fcôte (Je Céphalonie,.
; . .;ov
.*■
:
�( 8 ) <
« A n ne accouche dans le navire; M a r ie , sa fille, fut
« baptisée par un prêtre que sa famille envoya chercher
« dans une chapelle située sur les bords de la mer. »
Il faut l’en croire sur parole, car il n’existe aucune
trace de tout ce récit : quoique l’enfant ait été baptisé par
un prêtre, qu’il ait eu pour parrain un militaire français,
il n’existe aucun acte de naissance; A nne test obligée
d’en convenir.
, Cependant « le consul f r a n ç a i s 1 honora de sa visite. »
E h q u o i ! l e c o n s u l , f r a n ç a i s fait visite à u n e femme
qui se d i t l ’é p o u s e d’un général, qui n’est pas remise
d e s d o u l e u r s de l’enfantement! et ce consul ne se fait
pas r e p r é s e n t e r l’enfant ! il ne dresse point d’acte de
naissance, tandis que son devoir l ’y obligeoit! 11 est sans
contredit difficile de f a i r e croire à une pareille omission :i
le prêtre uu moins auroit dû constater par écrit le bap
tême de l’enfant.
x
Enfin voilà Anne remise de ses douleurs , et débarquée
ù Tarente, dans le royaume de Naples. L à , comme par
tout , se trouve ün Auvergnat, de la ville mêmed’Aurillac,
appelé L a ta p ie, qui*, comme curieux, voit ces nouveaux
débarqués.^JLatapie écrit de Tarente à sa m ère, qu’une
Grecque et sa famille' viennent de débarquer, d’aprèsla capitulation, et que cette Grecque se disoit épouse du
général d’Estaing ; qu’elle se proposoit même de partir
pour aller rejoindre son mark
r
Cette lettre se répand dans la ville d’Aurillac ; le sieur
d’Estaing père en est informé', et en écrit bien vite k
son fils. Celui-ci répond, le 13 ventôse an 10 : ‘«‘Quant
« à mon mariage, vous ne devez-pas plutôt croire la
« lettre
�C9 )
« lettre de Latapic que la mienne ; il n’y a aucun lien
« légal; je ne Paurois pas contracté sans vous en prê
te venir : mais il y a d’autres liens qui pourroient pei/t« être bien amener celui-là. A u reste j’ai écrit à cette
« famille de se rendre ¡4 Marseille, et d’y attendre de
« mes nouvelles. »
' Une lettre aussi positive sur la nature des liaisons du
général d’Estaing avec A n n e , ne lui donne certainement
pas une possession d’état. Il semble assez naturel qu’une
femme ne puisse pré tendre au titre honorable d’épouse, sans
l’aveu ou la reconnoissancé de celui qu’elle dit être son mari.
L e général d’Estaing, arrivé à Paris, y a trouvé la
mort, le i 5 floréal an 10. On a dit assez mal à propos
qu’il avoit l’intention d’y fixer son séjour: la lettre du 13
ventôse an 10, dont on vient de donner l’extrait, prouve
au contraire qu’il vouloit continuer de suivre la carrière
militaire , que toujours en activité de service, il atten
dait du gouvernement une destination ultérieure.
lie sort en a décidé autrement ; il a vécu. M . Delzons,
législateur, oncle du général d’Estaing, étoit à Paris lors
de cette catastrophe; il fait prendre toutes les précautions
que la loi commande; les scellés sont apposés sur tous
les meubles et effets du ‘défunt.
M . Delzons savoitqu’^/me devoit se rendre à Marseille,
ville assignée aux Égyptiens réfugiés, mais qu’elle s’étoit
arrêtée à Lyon pour raison de santé, et y a v o i t pris un
logement commode et coûteux.
M . Delzons écrit au sieur Bourdin, marchand cha
pelier, originaire d’A urillac, et avec lequel il étoit en
relation. M . Delzons charge Bourdin d’annoncer h A n n e
B
�( 10 )
la mort du général d’Estaing, et de lui procurer un loge
ment plus économique que celui qu’elle occupoit. Bourdin
excéda ses instructions; il crut qu’il valoit mieux encore
faire partir cette femme pour Aurillac; et sans consulter
la famille du général, sans même lui en donner avis, em
barque pour A urillac, A n n e , sa fille, et une nourrice;
M . d’Estaing père n’a aucune connoissance de cette
démarche; il n’en est informé que par Bourdin lui-même,,
qui fait, dans le même temps, un voyage dans sa patrie,
et précède de deux jours la pretendue Grecque.
M . d’Estaing manifeste la plus grande répugnance à
r e c e v o ir dans sa maison une femme qu’il ne connoissoit
q u e sous des rapports, peu avantageux, d’après la cor
respondance de son fils. La charité ou la compassion
l’obligeaient peut-être de donner des soins à une étrangère
infortunée; mais la décence ne lui permettoit pas de
recevoir une concubine dans sa maison.
On chercha, par les ordres du sieur d’Estaing, un ap
partement en v ille , pour donner un asile à A nne. La
résistance du p è re , pour recevoir cette femme dans sa
maison, est connue de toute la ville-.
Mais une foule d’oilicieux , d’oisifs ou d’indiiférens
pensent qu’une réception plus honorable ne peut avoir
aucune conséquence : c’est une étrangère, une infortunée
élevée dans des principes différens des nôtres, qu’on ne
peut ranger dans la classe de ces femmes sans .pudeur,
qui bravent les principes.ou les préjugés;iet-soit curiositéj
pitié ou foiblesse, le sieur-d’Estaing, dans<ce moment
dq douleury atterré par la nouvelle fatalô de la irçortide
son'fils, accablé sous le poids des ans, so.laissçlsubjuguèrj
il admet'cette femme dans sa maison.
�( 11 )
Son arrivée à Aurillac date du I e r. "prairial a n 10,
quinze jours après la mort du général.
Il y a dès-lors impossibilité que le sieur d’Estaing ait
prévenu, comme on l’a dit, par une lettre officieuse, celle
qu’on veut lui donner pour belle-fille ; il fut en mêmetemps informé, et de la mort de son fils, et de l’arrivée
de l’étrangère.
L e sieur d’Estaing père se proposoit d’avoir des ex
plications sur le genre d’engagement que pouvoit avoir
contracté son fils avec l’inconnue qui lui étoit présentée.
Après une quinzaine accordée à A n n e, pour la reposer
des fatigues de son voyage, il lui fait part de la lettre
du gén éral, son fils , et lui communique ses doutes :
A n n e soutient qu’elle est l’épouse légitime du général;
qu’elle a été mariée au Caire , a u C om m encem ent de
Tan 8 ; que sa fam ille, qui est à M arseille, a tous les
actes qui établissent son mariage et la naissance de sa
fille. ^
L e sieur d’Estaing père est séduit ; il se rassure sur
la promesse à!Anne, de faire venir tous ces actes : elle
fait écrire pour les obtenir; elle ne pouvoit en imposer
sur la lettre, car elle avoit besoin d’un secours étranger,
dès qu’elle ne savoit ni lire, ni écrire eu français.
Dans l’intervalle, M. Delzons arrive de Paris; il est
informé de ces détails. Il connoissoit l’état des affaires
du général ; il observe à son beau-frère qu’il est urgent
de faire procéder à la rémotion des scellés, à l’inventaire
et à la vente du mobilier : mais c o m m e n t faire ? L ’état
de la prétendue veuve est incertain : elle se dit âgée
de dix-sept ans seulement ; elle n’a aucun titre pour dé
fi 2
�C 12 )
mander cette rémotion ; elle ne peut être tutrice de sa
fille, dès qu’elle est mineure : le sieur d’Estaing père ne
court aucun risque à accepter la tutelle de M a rie, qu’on
lui présente comme sa petite-fille.
Ce vieillard respectable, entraîné par les événemens
et les circonstances, attendant toujours les actes servant
à constater l’état de l’étrangère, croit pouvoir sans danger
prendre un parti qui accélère la liquidation de la suc
cession de son fils. Ses autres enfans ne sont pas de cet
avis; ils représentent à leur pere 1 inconséquence de cette
démarche ; ils ne sont pas écoutes ; on les évité, on les
fuit ; ils ne sont plus instruits de ce qui se passe.
L e 5 messidor an io , le sieur d’Estaing père se pré
sente devant le juge de paix d’Aurillac } on lui fait ex
poser « que Jacques-Zachàrie d’Estaing, son fils, général
« de division, est décédé à Paris le i 5 floréal an. io ,.
r laissant une fille un iqu e, alors âgée de cinq m ois,,
« nommée M an'e, provenue de son mariage avec A n ne
«y JSazo, .Grecque d’origine ; que la loi défère à lui
c< aïeul, la tutelle) de sa petite-fille, attendu surtout la
a minorité. (FAnne N azo sa mère ; et désirant étro
it confirme en cette qualité pour pouvoir agir légalement,
« il a, amené plusieurs des plus proches parens du défunt,
a pour délibérer .tant sur la confirmation de la tutelle,
« que sur la fixation de la pension de la pupille, sur
« les habits de d e u il, et pension viduelle de la damo
w veuve d’Estaing; comme aussi pour donner leur avis
« sur l’allocation des frais de voyage de>la mineure, do
« la m ère, depuis Lyon jusqu’i A urillac, ainsi que des
« frais dûa pour salaires à une nourrice provisoire, ,depuis
�( J3 )
Tarejite, ville du royaume de Naples, y compris un
mois de séjour à L y o n , jusqu’en la ville d’A urillac;
lesquels frais il a avancés, et se montent à la somme
de 604 fr. ; et enfin , pour être autorisé à régler tous
comptes et mémoires de fournitures, et autres objets
qui pourroient être à la charge de la succession , et ce,
tant par lui-même que par ses fondés de pouvoirs. »
Il présente ensuite pour composer le conseil dè famille,
des parens éloignés, si on en excepte les siêurs Délzons
père et fils. Chose remarquable ! le sieur d’Estaing père
avoit avec lui ses six autres enfans, frères du défun t,
dont quatre majeurs; il étoit tout naturel, et là loi lè
commandoit impérieusement, de convoquer à Cette as
semblée les frères du défunt : ils étoîent essentiellement
membres du conseil de famille ; on les écarte avec lé plus
grand soin.
Ces parens, comme on peut le penser, sont d’avis de
confirmer le sieur d’Estaing, aïeul de la mineure, dans
la qualité de son tuteur, à la charge par lui de faire bbrl
et fidèle inventaire de tous les.effets dépendait dé la suc
cession du défunt général d’Estaing, faire procéder à ht
vente du mobilier, et de faire l’emploi utile du prix-eu
provenant, conformément à la l o i, aprèis avoir prélevé
tous frais , dettes et charges de la succession.
20. Ces parens estiment que.la pension de lu initieiu'e,
jusqu’à ce qu’elle aura atteint l’âge de dix ans, tant pour
sa nourriture que pour son entretien et éducation, doit
être fixée à la somme de 600 fr. annuellement', que le
tuteur retiendra par ses mains, sur la recette dés revenus.
3a. Ils portent les habits de deuil dè'lu'darne Veuve
«
«
k
«
a
«
«
�( i4 )
(TEstaing, ,y compris ceux qui lui ont été fournis à Lyon ,
•et quijne sont point encore acquittés,.à une somme de
'looo francs : le tuteur est autorisé à fournir, ces habits,
:en .-retirant quittance des marchands et fournisseurs.;
o; 40. Quant à la pension viduelle de la veuve, et de la
négresse qu’elle a à son service, comme le sieur d’Estaing,
tuteur , leur fournit en nature , nourriture 7 logem ent,
feu et blanchissage, les parens fixent cette pension à la
somme de ioôo francs pour l’année de viduité, à compter
du i er. -prairialan 10, époque de .son arrivée ¿1 ¿4.urillac.
Ils allouent au tuteur -la somme de 604 francs, avancée
par lui ¡pour frais de voyage de la veuve , et salaire.de
la nourrice depuis Tarente jusqu’à Aurillac.' ,l...
^
jv: 5 °*autorisent le, tu leur à traiter, tant par lui-même
que par ses mandataires, avec tous marchands, fournis
seurs, aubergistes, et autres personnes qui pourroient
avoir fîiit des fournitures tant en marchandises que den
rées, régler leurs mémoires, en payer le montant, soit
que ces fournitures aient été faites à Paris, à Marseille^
au.défunt, général, ou à sa veuve à L y o n , pendant le
séjour qu’elle y a fait.
procès verbal, si indiscrètement rédigé, fait avec
tant de précipitation, est le grand titre de l’Egyptienne.
Il en résulte, suivant elle, une reconnoissance formelle
de sa qualité de veuve à Estaing, une possession publique
de son état. L e sieur d’Estaing p è re , étranger à la suc
cession de sou fils, puisque le général est mort sous l’em
pire de la loi du 17 nivôse an 2, a pu livrer cette suc
cession à u n e inconnue; il a eu le droit d’en priver ses
fils, frères du défunt, et seuls habiles à lui succéder. Tout
�.
(
i
5
)
ce qu’a fait le père est irrévocable; les frères d’Estaing
sont obligés de le respecter. Peu importe que le général
ait désavoué son mariage, qu’il ait attesté qu’il rfy avoit
aucun lien légal entre lui et la prétendue Grecque ; le
père a plus de pouvoir que le mari ; il peut se passer
de contrat, d’acte civil, de preuves, et conférer à A n n e
la qualité de veuve de son fils.
V oilà l’étrange raisonnement à'Anne et de ses conseils..
Mais il ne faut pas anticiper sur la discussion : on doit
cependant féliciter A n n e du grand parti qu’elle a déjà
tiré de ce procès verbalGomme Egyptienne réfugiée, elle avoit obtenu du gou
vernement une pension de 520 francs. Cette faveur lui
étoit commune avec- tous les Egyptiens qui avoient passé
en France après la capitulation d’Alexandrie; seulement
la pension d’’A n ne étoit la moindre de celles que le gou
vernement avoit accordées. .
- Mais -A n n e , munie de cette délibération de famillèy
qui la traite comme veuve d’un général.français, trouve
les moyens de parvenir jusqu’au chef de Fétat ; e t , en ^
cette qualité de veuve, elle obtient de^otre magnanime
Empereur que sa pension sera.-portée à la sommewde
2000 francs.
; .
v vj
^
' Dans le principe elle n’avoit fait solliciter la démarche
du sieur d’Estaing ¡père;qüe pour parvenir à ce but ;
maintenant elle veut encore fprofitcr de la bienfaisance
du souverain , pour en induire uncreconnoissance solen
nelle* de sonvétat. parvl’Empbrèür! lu i-m êm ei ceuqüi- doit
imposer silence à des collatéraux importuns.!/. :rp 'i-o , ;v.
^ Il faut convenir qu’il n’y a pas de Grecque ftlùa rtisée •
�Ç.6).
ni plus adroite. On examinera bientôt ce que peut avoir
de commun un brevet de pension, avec les prétentions
d'A n n e contre les frères d’Estaing, et si ce brevet est
encore une possession d’état.
D eux jours après l ’acte de tutelle, et le 7 messidor,
le sieur d’Estaing père donne uné procuration au sieur
D elzons, résidant à Paris, pour faire procéder à' la réniotion des scellés apposés sur les meubles et eifets de
son fils.
Il a été procédé à la rémotion des scellés, et à l’in-»
ventaire du m o b i l i e r , le 24 messidor et jours suivans. Il
est dit dans le procès verbal que c’est à la requêté de
Pierre d’Estaing , au nom et comme tuteur de Marie
d’ Estaing, sa petite - fille e n fa n t mineur de JacquesZacharie d’Estaing, général de division, et d’Anne Nazo,
sa veuve:, Grecque d’origine.
On y observe que la mineure d’Estaing est habile à se
dire et por.ter seule héritière de Jacques-Zacliarie d’Es
taing, son père.
On remarque que le général d’Estaing: ayant été marié
au Caire, en E gypter il n’a point été fait entre lui et sa
yeuve d’acte qui réglât les conditions civiles de leur
mariage ; qu’en conséquence leurs droits doivent être
régis suivant la coutume du lieu du domicile du général
d’Estaing*, q u e ce domicile etoit a Aurillac, pays soumis
à la coutume d’A uvergne, qui n’admet pas de commu
nauté entre mari et femme sans stipulation contractuelle.
Iicisieur Delzons, fondé de pou voir,) de voit au moins
savoir qu’Aurillac est en droit\écrit.
!
Parm i les papiers du défunt'od. ne trouve audun acte,
aucunes
�( i7 )
aucunes pièces relatives à son prétendu mariage; il n’y
n p;is le plus léger renseignement, si ce n’est deux lettres
récentes; écrites de Tarente au défunt, et dont on ne
donne pas même la date : tune est, dit-on, écrite par
le père de la dame d’E stain g, qui apprend au défunt
Taccouchement de son épouse, et Vautre d’un sieur Latapie, qui annonce au général d’ Es tain g l'arrivée de sa
J e mine à Tarente.
Bientôt après on a fait procéder à la vente judiciaire,
du mobilier; on. a acquitté, dit-on, les dettes de la suc
cession ; mais les frères et sœurs du général ont ignore
ces démarches, cl n’ont été appelés à aucune opération.
En attendant, et pendant que tout ceci se passôit à
Paris, A nne ne recevoit rien de M arseille; point d’acte
pour établir l’état qu’elle réclamoit.
'
'
i
Ce retard fait naître des soupçons; sa conduité dans la
famille les augmente : on avoit appris qu’elle n’étoit pas
m ê m e fille de Joanny Nazo-; elle n’avoit pas reçu l’acte
de naissance de M a rie, qu’elle disoit sa fille. Si elle n’a
voit pas fait constater sa naissance par les officiers du
navire, le consul, ou le prêtre, il étoit naturel de le faire
au moins à Tarente, où, comme dans tous les pays occupés
par nos armées , il y avoit des officiers civils pour cons
tater l’état des Français.
La famille du général murmure: Anne s’en aperçoit,
et prend le parti de se retirer ; elle écrit'à Joanny N azo
de venir la prendre. Celui-ci qui avoit gardé le silence
sur la demande dA n n e , relative aux actes qui devoient
constater son état, se rend bien vite à l’invitation ; il
C
�c 18 )
arrive à A urillac, et emmène à Marseille celle qui se
disoit sa fille.
A n n e dissimula en partant; ce n’étoit qu’un voyage
de peu de durée , elle devoit bientôt revenir : elle part
pour Marseille. A peine arrivée à cette destination, elle
cherche à acquérir des preuves de son prétendu mariage.
Elle imagine , le 5 fructidor an 1 1 , de se présenter
devant le juge de paix du second arrondissement de
M arseille, intrà mur os. Elle lui expose « qu’il lui im« porte de faire co n n o ître son origine, qu’elle ne peut
« le faire pat pièces probantes >attendu que dans sa patrie
ce il n’est point tenu de registre constatant l’état civil des
« citoyens ; elle requiert le juge paix de recevoir les dé« clarations qui vont être faites par des compatriotes
« qu’elle a invités à se rendre, relatives à son origine,
« et qu i pourront suppléer au défaut des titres qu’il lui
« est impossible de produire. »
c A l’instant se présentent Nicolas Pappas Onglou, se
disant chefdebrigade, commandant les chasseurs d’Orienty
figé de 45 ans, né à Schemet, en Asie ; Gabriel SandroUx,,
aussi chef de brigade du même corps, âgé de 36 ans r
né au Grand-Cairc ; Abdalla M anourychef de bataillon r
âgé de 34 arls, né au Grand-Caire ; Joseph Tutungi. y
réfugié égyptien, né h A le p , âgé de 5 o ans; Alla Oda~
bachiy né à Alep,. réfugié d’Egypte; Joseph B u fa in y
né à Gonstantinople, réfugié d’Egypte; et Constanti
Kiria/co , né à Schemet, en Asie*
:.1II est dit que toute cette compagnie agit avec la pré
sence et bous l’autorisation de L ou is iVAcornias, inter^
�( *9 )
prête juré des langues orientales. Ils déclarent ¿ par Torgane de l’interprète, c<qu’ils ont i'ésidé habituellement
c en Egypte avant la révolution ; qu’ils y ont parfoité« ment connu Jean N azo et Sophie M isch e, son épouse,
« père et mère d'Anne; qu’ils Sont bien mémoràtifs dé 1»
« naissance d'A nne ISazo à l’époque de l’année 1780, et
« que la dame fut unie en mariage avec le général d’Es« taing. »
Joseph Tatangt, CdtistàntiKiriàJco et Joseph T)ufain\
déclarent de plus ce qu’étant passés en France avec Anh& ,
« veuve d’Estaing , ayant relâché à Céplialonie dans le
«mois de nivôse an 10, ladite dame y accoliclia d’uné
ce fille, qui fut tenue sui*les fonts baptismaux par lë sieüi
t< Nassif, 'officier de chassetirs , et £>ar l'a dariiëf Mdrié
« M ische, son aïeule. »
‘
A n ne se faisoit ainsi r'ëc'oiïnoîti'e par eèd réfugiés sani
avertir personne , et ne donna plus dë ses nouvelles que
pour réclamer M a r ie , sa fille, qu’eïlé ¿voit laissée à
Aurillac; encore eut-elle recours au ministre de la justice
pour faire Cette demande» Elle a fait ittipi-îmer qu’elle avoit
eu besoin d’obtenir des ordres supérieurs pour avoir son
enfant; elle en impose sur ce point comme sur beaucoup
d’autres. Sur sa réclamation, le ministre écrivit pour
avoir des renseignemerts ; et le sieur d’Estaing père, fort
étonné d’apprendre qu’ort se fût adressé au ministre:, répond
sur le champ qu’il est prêt à remettre tift enfant qti’on ltii
avoit laissé, et qu’il n’avoit gard'é q u e par humanité.
Les frères et sœurs du général d^Ësfaing, h qui ori aVoit
soigneusement caché tout ce qui s’étoit passé , prirent
dtf leur côté des infoïmations; i’un d’eux, commandant
G 2 '
�( 20 )
d’armes à Chambéry, avoit vu le général, son frère, lors
de son passage, et celui-ci ne lui avoit l’ien dit sur son
prétendu mariage; il étoit plus à portée qu’un autre de
savoir ce qui s’étoit passé au Caire. Il est convaincu que
son frère est mort célibataire ; il se concerte avec les
autres pour la conservation de leurs droits.
Tous se déterminent à faire faire entre les mains de
leur père, par acte du 20 thermidor an 1 1 , une saisiearrêt , avec défenses de se dessaisir ni rien livrer de tout
ce qui est p r o v e n u de la succession du général.
L e 7 v e n t ô s e an 12, cédule devant le juge de paix , au
sieur d’Estaing père, pour se concilier sur la demande
t e n d a n t e à ce qu’il soit tenu de leur rendre et remettre
la .totalité de la succession de leur frère, sauf au sieur
d’Estaing père à se retenir la portion revenante à Pascal
d’Estaing, leur frère, encore mineur..
L e 11 ventôse même mois, procès verbal du bureau de
paix: le sieur d’Estaing père y déclare « qu’il existe un
5 enfant naturel de feu d’Estaing, provenu de ses liaisons
«,avec Catherine Pontalier, originaire de,Paris; que cet
« enfant, légalement reconnu par son père, étoit en ce mo« ment entre les mains de Pierre M arceron, jardinier
« de la ville de Fongeau , et son père nourricier.,
• « Le sieur d’Estain^père observe que la loi donne des
«
à cet enfant sur les biens de son père ; que, d’un
« autre côté, il s’est présenté à l’ouverture de la succession
« du général, une femme grecquo, qui se disoit sa veuve,
« et mère d’une petite fille provenue de ce prétendu
« mariage.
*
« Le sieur d’Estaing ajoute qu’il voulut bien accepter la
d
r o i t s
�(2 1 )
cc tutelle de cet enfant, attendu que sa reconnoissance ne
« pou voit pas nuire aux parties intéressées; qu’il lui donna,
« sur la succession, des secours qui lui étoient nécessaires,
« ainsi qu’à la mère ; mais que celle-ci prétend aujour« d’hui s’emparer de tous les biens du feu général d’Es« taing, soit comme se disant créancière, soit comme
« commune, soit comme tutrice de sa fille; qu’au reste,
« il est prêt et offre de remettre ce qui est en ses mains
« de cette succession, en le faisant ordonner, soit avec le
« tuteur qui sera nommé à l’enfant natui'el, soit avec
« A n n e , se portant aujourd’hui tutrice de sa fille. »
L e lendemain , 12 ventôse an 1 2 , les frères d’Estaing
(majeurs) présentèrent requête au tribunal d’Aurillac,
pour demander permission de faire assigner leur père , à
bref délai, attendu qu’il s’agissoit de partage, pour voir
dire et ordonner qu’il y sera procédé , et qu’il leur sera
délaissé à chacun un sixième de la succession, su iv a n t
l’inventaire qui sera représenté; faute de ce faire, pour
être condamné à payer à chacun des frères d’Estaing, la
somme de 12000 fr. à laquelle ils évaluent et restreignent
leur amendement.
Même jour, assignation aux fins de cette requête ; et
le 18 ventôse, intervient au tribunal d’Aurillac un juge
ment contradictoire qui ordonne qxCAnne Nazo, Emile
d’Estaing, enfant naturel du défunt, Jean-13aptiste et
Antoine Pascal d’Estaing , ou leurs tuteurs, ou subrogés
tuteurs, seront mis en cause.
Pendant que tout ceci se passoit à A u r illa c , Anne ne
perdoit pas son tem ps: elle s’étoit im aginée que le tri'buiial de lu Seine devoit seul connoîtrc de toutes les cocu-
�C 22 )
testaticns qui pouvoient s’élever entre elle et le sieur
d’Estaing père.
Quoique résidente à M arseille, elle fait citer le sieur
d’Estaing père à Paris, par cédule et requête des 2 et 21
ventôse an 12: elle ne sa voit pas trop encore ce qu’elle
devoit demander ; mais par une requête du i 5 messidor
an 12 , elle règle définitivement ses conclusions.
Elle apprend, par cette requête, que le tribunal de la
Seine s’est déclaré compétent par jugement du 4 du même
mois de messidor : elle expose « qu’après la mort du gé« néral d’Estaing, décédé à Paris le i 5 floréal an 10, le
« sieur d’Estaing père a profité de l’absence de la dame
« d’Estaing, qui venoit de l’Egypte et de l’Italie pour
« rejoindre son m ari, pour se J^aire nommer tuteur de
«Tenfant mineur du général, et se mettre en possession
« de tous les biens. »
Elle dit « que le sieur d’Estaing père n’est plus chargé
« de la tutelle ; qu’il ne doit plus retenir l’administration
a des biens, dont moitié lui appartient à elle comme
i<commune.
« Qu’elle est dénuée de tout ; qu’elle n’a d’autre res« source qu une pension sur l’état, de 5zo fr ., qui a été
« portée à 2000 fr. , mais dont elle ne doit pas toucher
« le premier terme de quelque temps.
« Elle a vendu ses effets, contracté des dettes; elle doit
« plusieurs termes de son loyer : l’article 384 du Code
« N apoléon, lui attribue la jouissance des biens de son
« enfant.
« 11 s’est trouvé, dans l’actif du défunt général, trois ins¿k-criptions du tiers-consolidé sur'l’état r faisant ensemble
�( 23 3
« 2ooo fr. de rente : elle les a fait saisir à la trésorerie ;
« elle ne voit aucun inconvénient à en toucher les arrê
te rages. Mais ce n’est pas suffisant; elle demande cependant
« à être autorisée à les percevoir, à faire faire toutes mu
te tâtions à son profit, et qu’il lui soit fait en outre une
« provision de ioooofr. »
A u principal, elle conclut à ce que M. d’Etaing père
soit tenu de lui rendre compte de sa gestion , lui com
muniquer l’inventaire fait après le décès de son fils, ainsi
que toutes pièces justificatives, sauf ses débtas, et qu’il
soit condamné à lui payer le reliquat du compte.
Un jugement par défaut du tribunal de la Seine, en
date du 18 messidor an 1 2 , lui adjuge ses conclusions
provisoires et principales ; seulement la provision est
restreinte aux arrérages des rentes du tiers-consolidé.
M. D estaing père, averti de toutes ces poursuites, trouve
extraordinaire que la prétendue veuve l’ait fait assigner
à Paris, lorsqu’évidemment la succession de son fils étoit
ouverte h A u rillac.il n’avoit en effet d’autre domicile que
celui de son origine.
M. d’Estaing décline la juridiction, et se pourvoit
devant la cour de cassation, en règlement de juges.
Un arrêt du 11 vendémiaire an 13, décide que la suc
cession du général est ouverte à Aurillac ; et sans s’arrêter
aux jugemens du tribunal de la Seine, des 4 et 18 mes
sidor on 1 2 , qui sont déclarés nuls et comme non
avenus , ainsi que tout ce qui a précédé et su ivi, ren
voie la cause et les parties à procéder devant le tribunal
d’arrondissement d’ Aurillac, pour leur être fait droit sur
leurs demandes respectives»
�( 24 )
A n n e , à son tour, suspecte le tribunal d’Aurillac ;
M . d’Estaing père en étoit le président: elle présente
requête en la cour, pour être renvoyée devant tout Autre
tribunal.
M . d’Estaing se pi'ête à ce caprice; il s’en rapporte
à cet égard à la cour de cassation. A rrêt du 2.6 thermidor
an 13 , qui renvoie la cause et les parties devant le
tribunal séant à Mauriac.
^
Il n’y avoit d’autres parties en instance au tribunal
de la Seine, c^xA-tmc, soi-disant Ncizo, et le sieur d’Es
taing père: la demande en partage, formée par les frères
d’Estaing, étoit pendante à Aurilkic. Ce tribunal, investi
d elà cause, avoit déjà ordonné que tous les prétendans
droits à la succession du général d’Estaing seroient assignés
devant lui. Ce jugement avoit été signifié.
Anne ne tient aucun compte de cette procédure : le
10 février 1806, elle prend une cédule du juge de paix
de M auriac, contre le sieur d’Estaing p ère, exclusive
ment *, elle reprend contre lui les mêmes conclusions
qu’elle avoit déjà prises par sa requête présentée au
tribunal de la Seine ; seulement elle ne se prétend plus
commune avec le général, et n’agit qu’en qualité de
tutrice.
L e 4 mars 1806, procès verbal du bureau de paix.
L e sieur d’Estaing père , par son fondé de p o u vo ir,
déclare « qu’Anne le fait citer sans fondement et sans
« raison ; qu’il n’a aucun droit à exercer sur la succes« sion de son fils; que la demanderesse auroit dû plutôt
a se pourvoir contre les véritables héritiers de son fils,
« qui seuls ont qualité pour accéder ou critiquer ses
fc prétentions j
�( 25 )
« prétentions; qu’il n’est ici qu’un régisseur, et ne peut
« se concilier sur la demande en reddition de compte
« qu’avec tous les ayans droit. »
M . d’Estaing indique ensuite les héritiers du général;
et d’abord c’est Emile d’Estaing, son fils naturel, et encore
m ineur, puis les frères et sœurs du général ; il expose
qu’Anne n’ignore pas la saisie-arrêt qu’il a dans les mains,
à la requête de ses enfans, ce qui est un motif de plus
pour qu’elle s’adresse à eu x, afin de faire valoir ses
prétendus droits.
Mais le sieur. d’Estaing père ajoute que la demanderesse
ne peut se prévaloir de ce qu’il l’a reçue dans sa maison,
de ce qu’il a accepté la tutelle de Marie', et a fait procé
der, en cette qualité, à l’inventaire et à la vente des effets.
Ce ne fut qu’à titre d’hospitalité et de bienfaisance qu’il
lui donna un asile; il y fut induit « par fraude, suppo« sition de personne, et par des insinuations perfides. »
A nne seule l’excita à toutes ces démarches, q iiil
rétracte et désavoue form ellem ent, ne voulant pas
qu’une étrangère s’introduise dans sa famille.
Il déclare qu’il ne la reconnoît point pour fille de
J o a n n j N a z o , ni sous la qualité d’épouse de son fils;
qu’il ne reconnoît point sa fille, sous le nom de M arie,
comme provenue de son prétendu mariage avec le général
d’Estaing; qu’il exige auparavant qu’elle établisse par
actes authentiques, son origine, son prétendu mariage,
et l’état de M arie, sa fille: jusque-là il la soutient non
recevable dans toutes ses demandes.
A nne pour le coup est effrayée de la réponse éner
gique du sieur d’Estaing père; elle reconnoît la nécesD
�C * )
sîté de rapporter des actes authentiques qui établissent
son origine et son mariage : elle n’en avoit d’aucune
espèce ; qu’imagine-t-elle pour y suppléer?
L e 29 mars 1806, elle se présente devant le juge depaix du dixième arrondissement de Paris ; elle lui expose
que « pendant le cours de Tan 8 , elle a été unie en
« légitime mariage avec Jacques - Zacharie d’Estaing-,
« général divisionnaire , décédé à Paris en l’an 10; que
son mariage a été célébré religieusement et d après
a les rites du pays? devant lepatriarche d Alexandrie^
« habitant au Grand-Caire ; mais que n’étant point en
« usage en Egypte de tenir des registres des actes de
« l’état civil, elle se trouve dans l’impossibilité de repré« senter au besoin l’acte de célébration de son mariage;
« et que désirant y suppléer par un acte de notoriété,
« signé de différentes personnes qui ont été témoins de
« son m ariage, elle requéroit le juge de paix de recevoir
« la déclaration des personnes qu’elle présentoit. »
Ces personnes sont au nombre de sept. Un sieur
Larrey de Beaudeau, ex-cliirurgien en chef de l’armée
d’Egypte; dom Raphaël de M onachis, membre de l’ins
titut d’Egypte; un sieur Antoine-Léger Sartelon, ex-or
donnateur en chef de l’armée d’Egypte; un sieur Hector
B a u re y ex-inspecteur général aux revues de la même
arm ée; un sieur Luc Duranteau,.général de brigade;
un sieur Jean-Joseph M arcel, directeur de l’imprimerie
impériale ; un sieur Martin-Roch-Xavier Estave, ex-di
recteur général des revenus publics de l’Egypte.
- Tous ces témoins réunis, et par une déclaration col
lective, attestent, « pour notoriété publique, connoître
«
,
�C ¿7 )
« parfaitement A n ne N a zo , veuve du général d’Estaing,
« fille de Joanny Nazo, négociant au Grand-Caire, chef
a de bataillon des chasseurs.
« Ils certifient q u e, pendant le cours de Tan 8 , la
« dame Nazo a été unie religieusement, et d’après les
« rites du pays, en légitime mariage avec Jacques-Za« charie d’Estaing, par le patriarche d’Alexandrie, lia« bitant du Grand-Caire; que l’acte de célébration n’en
« a pas été rédigé., n’étant point d’usage en Egypte de
« tenir un registre de l’état civil mais que le mariage
« 11’en est pas moins constant, ayant été célébré en pré« sence d’un grand nombre de militaires français, et de
« la plupart des déclarans ; que depuis la célébration
« de son mariage avec le général d’E staing, et pendant
« son séjour en Egypte, la dame N a zo , veuve d'Estaing,
« 7l ’a pas cessé d’habiter avec son m a ri, qu i Va tou« jours traitée comme son épouse légitime, »
A n n e , munie de cet acte, qu’elle appelle un acte de
notoriété, présente requête au tribunal de la Seine, pour
demander Vhomologation de ce certificat : jugement du i5
avril 1806, qui l’homologue sans difficulté.
On ne conçoit pas trop cette manière de procéder. Il
est difficile de penser que le juge de paix eût qualité
pour recevoir de semblables déclarations, et que le tri
bunal de la Seine fût compétent pour homologuer une
enquête à futur, faite sans ordonnance de justice , sans
jugement préalable, et hors la présence des parties in
téressées.
Il est surtout curieux d’entendre ces témoins officieux
dire que le mariage a été célébré en l’an 8, sans déD 2
�( a8 )
signer aucune époqtte précise, lorsque la lettre du gé
néral, du 25 pluviôse an 9, annonce une liaison récente,
et qui ne remontoit pas à un mois; de les voir déclarer
que le mariage a été célébré par le patriarche d’Alexandrie,
qui n’est ministre de la religion d’aucun des deux prétendus
époux ; de les entendre enfin attester qu"'Anne n’a cessé
d’habifer avec son mari pendant tout son séjour en Egypte,
lorsqu’il est constant que la cohabitation n’a pas eu deux
mois de durée, que le général est parti du Caire pour
se rendre à Alexandrie, lors du débarquement des Anglais
à Aboukir.
A n n e , se confiant dans cet acte de complaisance ou
de légèreté, fait assigner M. d’Estaing père au tribunal
de M auriac, par exploit du 30 mai 1807. M . d’Estaing
père fournit ses défenses, qui ne sont qu’une répétition
de ce qu’il avoit déjà dit devant le bureau de paix; mais
il demande acte au tribunal de la réitération qu’il fait
devant lui de se?protestations contre tous aveux, toutes
démarches ; que ce n’est que par erreur et par fraude
q’u’il a accepté la tutelle de M arie; et qu’il rétracte tous
actes dont Anne pourroit inférer une reconnoissance de
son état j il conclut enfin à ce qu '‘ A m ie , comme étran
gère, soit tenue, aux termes du Gode, de donner caution
judicàtum Sûlvi.
La cause portée à 1 aüdience ati provisoire, intervint
un jugement contradictoire, le ïa août 1806, par lequel
le tribunal de M auriac, sans préjudice de tous moyens
respectifs des parties, et sans entendre rien préjuger y
ôrdonne, avant faire droit , que les parties feront diligettcids pour mettre en caüse les prétendans droit à la
�(29 )
succession du général d’Estaing, en se conformant à la:
loi ; et néanmoins, condamne le sieur d’Estaing père à
payer à Anne Nazo la pension de 600 francs, fixée à sa
fille mineure par le procès verbal du 5 messidor an 10,
depuis que la mineure est sortie de la maison du sieur
d’Estaing p è re , et à la continuer à l’avenir jusqu’au ju
gement définitif : les dépens sont réservés, sauf le coût du
jugement, auquel le sieur d’Estaing père est condamné.
On ne doit rien négliger dans une cause de cette im
portance; les plus petits détails peuvent être précieux r
il faut donc rendre un compte sommaire des motifs qui
ont déterminé ce jugement, auquel les héritiers d’Eslaing
se sont rendus tiers opposans, et qui est également soumis
à l’examen de la cour.
Suivant les premiers juges, l’article 16 du Code Na
poléon n’assujétit que les étrangers à donner caution du
judicatum soîçi A m ie se disant épouse d’un général
français, il est incertain si elle sera regardée comme
étrangère, ou si elle se trouvera dans l’exception,.de
l’article 12 du même Code; rien n’est encore jugé sur
la validité ou l’existence de son mariage : on ne peut
donc lui appliquer une peine qu’elle n’a pas encourue.
Ce n’est pas trop sagement raisonner; car sTil faut at
tendre la fin d’un procès pour exiger une caution, la
disposition du Code ne seroit pas fort utile : il est bien
tard pour demander une caution, lorsque tous les frais
sont faits; et il semble que dès qu'A nn e ne rapportoit
aucuns titres pour constater son état, elle devoit être
assujétie à cette formalité.
Les premiers juges ajoutent qu'Anne soit com m e
.
?
�( 3° )
commune, soit comme tutrice, réclame la totalité de la
succession du général ; dès-lors les poursuites que les
frères d’Estaing ont pu faire contre leur père, lui sont
étrangères, et ne peuvent mériter aucune litispendance
qui la concerne.
Cela n’est pas trop clair : « mais comme elle réclame
« toute la succession contre le sieur d’Estaing p ère, qui
« s’en est reconnu dépositaire; que la cour de cassation a
« renvoyé cette demande au tribunal, entre la dame N azo
« et le sieur d’Estaing père seulement, quoique la cour
« de cassation ait eu sous les yeux la procédure tenue à
« A u r illa c , entre les frères d’Estaing et leur père, puis
« qu ’elle est visée dans son arrêt, et qu’il n’est pas permis
« au tribunal d’interpréter le silence de la cour de cassa« tion. »
Qui croiroit qu’avec ce motif les premiers juges auroient ordonné la mise en cause devant eux des préten
dans droit à cette succession? Ils s’ingénient à prouver
qu’ils n’en ont pas le droit ; et c’est la première chose
qu’ils ordonnent.
Enfin le sieur d’Estaing père a provoqué la tutelle ;
il s’est soumis à payer une pension de 600 fr. à M arie:
la rétractation qu’il oppose contre cette obligation , ne
peut empêcher l’exécution provisoire ; la saisie-arrêt ne
peut avoir d’effet sur une pension alimentante , sauf le
recours du sieur d’Estaing père, ainsi qu’il appartiendra.
Tels sont lés motifs de ce premier jugement ; ils pouvoient être plus conséquens , et ce n’est pas sans raison
que les premiers juges liésitoient sur la mise en cause
des frères d’Estaing; ils n’étoient, dans l’espèce parti-
�( 3 0 ^
culière, que des juges d’exception; ils n’avoient reçu’
d’attribution qu’entre A nne et le sieur d’Estaing père.
Ils ne pouvoient pas dépouiller le tribunal d’A u rilla c,
juge naturel des frères d’Estaing, d’une demande pen
dante devant lui.
Mais pourquoi se jeter dans des arguties de procédure,
pour une cause de cette importance ; les frères d’Estaing
prennent le parti, sur la signification qui leur est faite
du jugement d’Aurillac , d’intervenir en l’instance , et de
former tierce opposition au jugement précédent : leur re
quête d’intervention est du 24 janvier 1807. Ils deman
dent qii''Anne soit déclarée non recevable dans toutes
ses demandes, et concluent, contre leur père , tant en son
nom , qu’en qualité de tuteur de deux de ses enfans, au
délaissement et au .partage de la succession du général
d’Estaing, leur frère , ainsi qu’ils l’avoient demandé à
Aurillac.
En cet état, la cause portée à l’audience du tribunal
d’A urillac,.le 13.août 1807, il y a été rendu un jugement
contradictoire, dont suivent les motifs et le dispositif.
« Attendu que la dame Nazo a mis en fait qu’elle avoitf
« été mariée' avec le général d’Estaing, au Caire, en
« Egypte, par le patriarche d’Alexandrie, en présence
« des principaux officiers de l’armée française en Egypte,
« en l’an 8, sans désigner le 7iiois ni le jou r de cette annee ,*
« que toutes les formalités exigées dans ce lieu pour le
« mariage avoient été observées -, et que d ’après ces usages,,
« il ne se faisoit jamais d’acte écrit du maringe ;
« Attendu qu’elle rapporte même des certificats quit
« attestent le mariage et l’usage du pays j,
�(
3 2
)
« Attendu que les tiers opposans ont produit au con« traire des certificats et des actes de mariage d’autres
« officiers français, célébrés dans le même temps devant
« des commissaires de l’armée ;
« Attendu que la dame Nazo prétend prouver, par
« lesdits certificats, qu’elle a vécu avec le général d’Estaing
« au Caire et à Alexandrie, et y étoit reconnue comme
« son épouse ;
« Attendu que la dame N azo prétend que la reconnoisk sance de son mariage, et même la reconnoissance de la
« légitimité de sa fille, de la part du général d’Estaing,
« r é s u l t e n t de la lettre qu’il a écrite à la dame Nazo le
« i5 prairial an 9 , date qui correspond assez à la naissance
« de cette fille à Céphalonie ; dans laquelle lettre le gé« néral d’Estaing lui fait de tendres reproches de ce qu’elle
« ne l’a pas averti de sa grossese, qu’il avoit apprise d’ail« leurs, et de ce qu’un particulier, qu’il dénomme, n’a« voit pas procuré à la dame Nazo des occasions de lui
« écrire ; laquelle lettre , très-affectueuse, est écrite en
« entier de la main du général d’Estaing, de l’aveu de
k toutes les parties, est adressée, aussi de sa main , à la
v citoyenne cPEstaing, à la citadelle du Caire, et datée
cc d’Alexandrie ;
« Attendu que par la lettre du général d’Estaing à
c< son père , du 13 ventôse an 1 0 , il commence par se
cc plaindre de ce que son pere ajoutoit plus de foi à une
cc lettre d’un sieur La tapie, qui lui avoit mandé que le
c<général d’Estaing étoit marié en E gyp te, qu’à luïcc même ; il continue par dire à son père qu’il n'y a
cc aucun lien légal entre la dame Nazo et lui j qu’il ne
« l’eût
�(
33, )
« l’eût pas contracté siins le prévenir-; e$ il finît cepen« dant par dire que ce lien pourroit bien amener celui-là ;
« qu’au surplus, il a écrit à cette famjlle de se rendre à
* Marseille , et d’y attendre de ses nouvelles *
Attendu qu’après le décès du général. d’Estaing,
« arrivé le i 5 floréal an 10 , le sieur d’Estaing père a
« reçu chez lui la mère et la fille, et les a traitées comme
« veuve et fille du général,. et présentées dans toute la
« ville en cette qualité pendant huit mois ;
« Attendu que le sieur d’Estaing père a requis, dans
« un procès yerbal terçu devait le juge de paix d’A u« rilla c, et composé de ce qu’il a de plus éclairé et de
« plus recommandable dans
fam ille, le 5 messidor an
« 10, et a obtenu la qualité de tuteur de Marie d’Estaing,
« sa petite-fille,, proyenue, y est-il dit,, du mariage du
« général d’^staingavec dame Na?o; dans lequel procès
« verbal il a fait fixer les frais p£*r lui avancés, pour leur
« voyage de Lyon à AuriU ac, les habits de deuil de la
« dame N azo, et une pension pour elle et sa fille ;
« Attendu qu’en vertu de ce procès verb al, le sieur
« d’Estaing père a fait procéder à la rémotion des scellés
« apposés à Paris sur les effets du général d’Estaing, son
c< fils, à laquelle le père de la dame N azo, et le sieur
« D elzons, législateur, ont assisté, et le sieur d’Estaing
« a fait ensuite procéder 4 l’inventaire de son mobilier
« par le sieur Delzons fils., son fondé de p o u vo ir, le 24
« messidor an 10 ;
« Attendu que lorsque la dame N azo, après un
« séjour de huit mois chez le sieur d’Estaing père, l’a
« quitté, ce dernier a gardé Marie d’Estaing, sa fille f
E
�C 34 )
« et ne l’a remise à sa mère qu’en vertu d’ordres supé-,
« rieurs;
« Attendu que de tous ces faits non désavoués, la dame
« Nazo en a conclu que son état d’épouse du général
« d’Estaing, et l’état de Marie d’Estaing, leur fille, avoient
« été reconnus solennellement par le sieur d’Estaing père,
« et qu’il ne lui étoit plus permis de varier ;
« Attendu que le sieur d’Estaing père n’a rétracté cette
« reconnoissance fo r m e lle que par sa réponse au bureau
« de paix du canton de Mauriac;
« Attendu ce qui résulte du procès verbal de tutelle,
« et des autres pièces produites par la dame Nazo ;
« Attendu que lorsqu’il n’a pas été tenu de registres,
« l’article 7 du titre 20 de l’ordonnance de 1667, dont
« a été pris l’article 46 du Code, permet de prouver par
« témoins la célébration du mariage, et la naissance des
« enfans qui en sont provenus; et q ue, dans l’espèce,
« cette preuve testimoniale est d’autant plus admissible,
« que le procès verbal de la tutelle déférée au sieur
« d’Estaing père peut être considéré comme un commen
te cernent de preuve par écrit de la possession d’état de la
« dame Nazo et de sa fille;
« L e tribunal, sans préjudice, etc., et sans rien prê
te juger, ordonne, avant fair^droit, que la dame Nazo
« fera preuve par-devant le président du tribunal, dans
« les six mois à compter de la signification du présent
« jugement à personne ou domicile, et ce tant par titres
« que par témoins, i°. qu’il n’étoit pas d’usage au Caire,
« en l’an 8 , soit pour les militaires français, ou tous
« autres,.de tenir des registres de l’état civil, ni de rédiger
�( 3 5 }
« par écrit les actes de mariage; qu’il n’étoit pas non
« plus d’usage à Céplialonie de rédiger par écrit des actes
« de naissance; 20. que la dame Nazo a été mariée eu
« l’an 8 , au Caire, avec le défunt général d’Estaing, par
« le patriarche d’Alexandrie, avec les cérémonies usitées
a dans ce lieu ; 30. qu’elle a depuis cohabité avec le sieur
« général d’Estaing, jusqu’au retour de celui-ci en France,
« et que dans tout ce temps elle a été publiquement
« reconnue pour être l’épouse du général d’Estaing ;
« 40. qu’elle est accouchée à Céplialonie , d’une fille
k provenue de ce mariage, dans le mois de nivose an 10,
« laquelle iille a été nommée M arie d’Estaing; sauf au
« sieur d’Estaing père, et aux tiers opposaus, la preuve
« contraire pour les enquêtes, etc. : dépens réservés. »
La dame A n ne a fait signifier les qualités de ce juge
m en t, sans aucune protestation ni réserve, le 22 août
1807.
L e 5 décembre suivant, Anne interjette appel de ce
jugement interlocutoire : elle a renouvelé cet appel par
autre acte du 23 janvier 1808; et, pour la première fois,
dans cet acte elle se rappelle de la date de son prétendu
mariage, qui a été célébré au Caire le jour des rois de
1800 ; fête qui arrive douze jours plus tard que parmi
nous, parce qu’on suit en Egypte le calendrier grec; ce
qui répond, suivant elle, au 17 janvier 1800, ou 27 ni
vôse an 8. Elle se plaint de ce qu’on l’assujétit à une
preuve; elle n’en avoit pas besoin.
Les frères d’Estaing, à leur to u r, tant en leur nom
personnel que comme héritiers de leur p è re , décédé
pendant l’instance, se rendent incidemment appelans du
E 2
�t. (
. ( 36 )
même jugement , notamment en ce que ce jugement a
fait une fausse application de l’article 14 du titre 20 de
l’ordonnance de 1667, de l’article 46 du Code, et qu’il
est contraire aux dispositions des articles 170 , 1 7 1 , 194
et 196 du même Code.
Depuis ces appels respectifs, A n n e a fait publier en la
cour une consultation en forme de mémoire, à la suite
de laquelle elle a produit des pièces nouvelles. Il s’agit
de répondre aux objections qu’elle propose, de relever
les contradictions dans lesquelles elle est tombée, et d’apprécier le mérite des actes de notoriété ou des certificats
dont elle justifie.
Une étrangère, une infortunée, vient réclamer l’état
d’épouse et de m ère, noms cHers et sacrés, d’où naissent
les plus doux.charmes de la vie : quel intérêt ne doit-elle
pas inspirer! La complaisance ou la pitié ont déjà dicté
des certificats, qui tous annoncent le sentiment qui lès
a produits.
(
Point de précision sur íes faits, contradiction sur lès
dates, exagération daôs lès cïrconstancéS, erreur sur lés
uages ou les mœurs du pays»
( Comment pourroit-on accorder quelque1confiance à
des actes' êxtrajudiciaireà, ' sollicités, 1menidiés, ¿¿'tenus
contre tous les principes' et toutes‘lès formés ?
La faveur disparoit , 1 ilÎusibn cesse, le prestige s’éva
nouit ; il ne reste plus que la crainte, une sorte dé'terrëür,
d’admettre, au détriment ¿ ’une famille,‘'uneusurpatrice,
r. Il,7» J
I . .
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lil/ 'i . ,c>» ••
une concubine^ <jui mettant peu' de prix à sès charmes r
a cédé facilement aux appas de la votùpté..
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A n n e pourroit-elle se taire un titre d un procès verbal
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�( 37 )
de tutelle qu’elle a arraché de la foibIesse>ou de l’erreur
d’un vieillard, dans les premiers momens de douleur de
la perte de son fils ; qu’elle n’a obtenu que par un 'men
songe, et parce qu’elle faisoit entendre que Joanny iNazo
avoit dans les mains tous Tles 'actes qui constatoient son
état d’épouse légitim e?
E lle est obligée de convenir aujourd’hui qu’il n’existe
aucun acte qui établisse son mariage; elle se renferme
dans une assertion mensongère, et soutient qu’il n’est pas
d’ùsage, parmi les G recs, de tenir des registres, ou de
dresser des contrats de mariage.
'Elle en impose évidemment et sciemment. Qu’on ouvre
Jl’histoire de tous les peuples pôlicés, des T urcs, par
'exem p le,'tjüi régnent dans le pays qui l’a vu naître.
On sait que les Turcs admettent la'pluralité des femmes,
et n’ont souvent que des esclaves: cependant il se con
tracte des mariages parmi7eux ; et celles* qu’ils ont Iégitimemênt épousées jouissent d e’tous les droits d’épouses;
il leur est d û ’ un dotiaire è tl une pension.
T o u rtièfo tt,'si1bien1instruit des usages de ce*peuple,
d i t , lètfre 14,' que! « les Turcs ne considèrent le mariage
!a que comtae un contrat civil; Cependant qu’ils le regar
de' dent corrime *un engagement »indispensable, ordonné
« par le créateur à tous les hommes, pour la mültipli*« ’cation Jde leùr’espèfcej Quand ôn 'Veut épouser une fille,,
o n 1s’adrësse; aux >parens 1j x > u r é b t è n i r 'leur consenterrient*,ei lorsque la rèbhèrùheest'agréée^il en ésPdresse
un 'C6 n t?a t‘en. ^ é s e n ^ ’du cadi et de deux-témoins.
'L e rcâdi délivre' aüa)¡parties la côpie 'de leur oontràt
dé tnariage: L a feribile1‘n’iippoïte point de^dot ,-mais
«!
-<«
�(33)
« seulement un trousseau, etc. » Il parle ensuite de la
pompe et des cérémonies qui accompagnent cet. acte
solennel, et qui sont plus ou moins fastueuses, suivant
la qualité des parties.
On peut encore consulter l’histoire moderne de l’abbé
de M arcy, tom. 6, édition in -12, page 112 et suivantes.
L e même auteur parle du mariage des Grecs, dont le
patriarche reçoit les c o n v e n tio n s , dont il est à la fois
le ministre et le juge. « Les G recs, dit-il même tome,
« page 297, r ega rd en t le mariage comme un sacrement;
« mais ils ne c r o ie n t pas que ses nœuds soient indissolu« bles. U n m ari mécontent de sa femme obtient, sur une
«•simple requête, une sentence de séparation, que le
« patriarche lui fait payer dix écus: alors les deux parties
« peuvent former un autre engagement, sans que per
te sonne s’en formalise. » r
Tournefort, letti’e 3, dit encore la même chose.
L ’auteur le plus moderne qui ait écrit sur les mœurs
des Egyptiens , et dont l’ouvrage a pour titre : Conquête
des Français en Egypte* pag. 128, art. 6 , en parlant
de divorce, répudiation, atteste que lorsque le mari
.v e u t se séparer, il le déclare devant le juge, et rend la
dot portée par le contrat de mariage. Il y a donc des
contrats ?
« Les mariages ont cela de particulier, dit l’abbé de
« M arcy, qu’on choisit de part et d’autre un parrain et
« une marraine, et quelquefois trois ou quatre. L e papas
« reçoit à la porte de l’église les m ariés, et commence
« par s’assurer de leur consentement. Ensuite, les con« duisant à l’autel, il leur met.our la tête une couronne
�( 39 )
«
«
«
«
«
«
de feuilles de vigne, garnie de rubans et de dentelles;
il passe un anneau d’or dans le doigt du garçon, et
un anneau d’argent dans celui de la fille; puis il changé
plus de trente fois ces anneaux, mettant au doigt de
l’épouse l’anneau du mari, et au doigt du mari l’anneau
de l’épouse.
« Les parrains et les marraines s’approchent ensuite,
« et font le même changement d’anneaux. Cette céré« monie finie, les parrains ôtent aux mariés leur cou« ronne...........L e papas coupe ensuite des mouillettes
« de pain, et les mêle dans une écuelle avec du vin ;
« il en mange une, en présente une autre à la mariée,
et puis au mari, et enfin à tous les assistans. Les parens
k et les amis envoient ce jour-là aux mariés de grandes
cc provisions; on se réjouit ainsi à frais communs, pendant
k deux mois. »
L e même auteur dit que la dot de la future est portée
avec ostentation chez l’époux, et précède le cortège de
l’épouse ; que cette dot est stipulée et constatée par un
acte dressé devant notaires.
Il est encore d’usage constant, pour donner au ma
riage la plus grande publicité, de promener les époux
pendant trois jours, sous un dais. •
L e prétendu mariage à?Anne a-t-il eu ce genre de pu
blicité? Elle n’a jamais osé le dire. Tout est invraisem
blable dans son récit.
Elle fait entendre qu’elle a été mariée par le patriarche
d’Alexandrie, demeurant au Caire. Cela est impossible;
L ’auteur déjà cité sur les moeurs et les usages des
Égyptiens, apprend qu’il y a en Égypte des miuistues.
�( 40 )
de toutes les sectes chrétiennes. L e ministre désigné par
A n n e n’est pas celui des G recs, il est le prêtre des,
Cophies. « C eux-ei, dit cet auteur, sojU chrétiens., de.la
k secte des Jacohites ou Eutychéen,s. Leurs opinion^
« religieuses les vendent irréconciliables avec les, autres^
« Grecs ; ils se persécutent avec acharnement, L es
« Cophtes ont un patriarche qui réside au Caire> et
« qui prend le titre de patriarche d'Alexandrie. ».
Par quelle singularité A n n a r q u i se dit Grecque d’orig i o e et de religion, auroit-elle choisi un prêtre persé
cuteur de sa secte? Comment le patriarche, des Cophtes.
auroit-il consen ti à bénir un prétendu mariage entre
deux époux d’une religion différente,,dont aucun d’eujj;
ne professe celle du ministre devant qui ils se présentent
pour recevoir la bénédiction nuptiale.
L e mariage d’un général français étoit un événement;
remarquable; on devoit y mettre la plus grande pompe,
y donner la plus grande publicité. Q uoiqu’on dise A n n e %
c’eût été pour elle un honneur insigne, une fortune ines
pérée. N a zo , q u i, si on l’en croit, s'est f a i t valoir
pour donner son consentement, n’auroit pas manqué de
prendre toutes les précautions pour assurer l’état de celle
qu’il appelle sa fille. Il faisait partie de l’armée ; il con*
noissait les ordres du général en ch ef, traduits dans
toutes les langues usitées : ja première chose à laquelle
il auroit pensé eût été de faire dresser un acte civil
devant le commissaire des guerres, officier public dé
signé à cet effet.
A n n e convient cependant qu’il xty 3 çti aucun acte
drqssé !
Les
�(
41 )
Les témoins qu’elle a produits dans ses enquêtes à futur,
se contentent d’énoncer des assertions générales. On nQ
désigne ni l’heure, ni le jour, ni le lieu de la cérémonie:
aucun témoin ne déclare précisément avoir assisté à la
bénédiction nuptiale.
A n ne elle-même a toujours laissé dans la plus grande
incertitude sur la date ou l’époque de son prétendu mariage,
ïîlle plaide depuis l’an n ; et jusqu’au jugement dont est
appel, du 13 août 1807, elle s’est contentée de dire qu’elle
avoit été mariée dans le cours de Van 8 ; ce n’est qu’après
le jugement, et dazis la consultation, qu’on a pensé qu il
falloit préciser le jour, et on a imaginé le jour des ro is,
q u i, d’après le calendrier g rec, se trouve le 17 janvier.
Cependant il résulte de la lettre du général d’Estaing,
en date du 25 pluviôse an 9 , que son arrangement
oriental n’avoit commencé que depuis à peu près un mois,
et le général d’Estaing écrivoit la vérité ; en voici la
preuve :
Anne veut être mariée en l’an 8 , le 17 janvier, qui
représente le 27 nivôse an 10.
A cette époque, le général d’Estaing n’étoit pas au
O u re; il commandoit l’avant-garde de l’armée en station
à Cathié, fort situé dans les déserts, qui sépare l'Egypte
de la Syrie,'|>rès de Suez, à plusieurs journées du Caire.
Le service ou le commandement du général, au fortde Cathié, a commencé le 17 brumaire an
et n*a
que le 16 pluviôse an 8 , époque de J’évacuation de ce*
fort.
La preuve de cette continuité do service, résulte de
con registre de correspondance officielle j registre écrit
F
�(4 0
en grande partie de la main du général, qui p rouve,
jour par jour, qu’il n’a pas quitté son poste.
Plusieurs lettres officielles écrites par lui le 27 nivôse
an 10, du même lieu de Cathié, démontrent l’impos
sibilité de sa présence au Caire le jour indiqué pour
son prétendu maiûage.
Les lettres concernant le service lui sont adressées à
Cathié, par les généraux et officiers, et particulièrement
par le général de division sous les ordres duquel il servoit.
Cathié ne fut évacué que le 16 pluviôse an 8. Le gé
néral d’Estaing se rendit de là à Rozette, où il a resté
juseju^én v e n d é m ia ir e s u C),
Ce fut alors qu’il fut nommé au commandement du
Caire , où il a résidé jusqu’en ventôse an 9 , c’est-à-dire,
jusqu’au moment où les Anglais débarquèrent à Aboukir.
Tous ces faits sont prouvés par les registres et les feuilles
de service du général.
Les parties d’ailleurs sont d’accord sur cette dernière
circonstance. A n ne nous l’apprend elle-m êm e dans sa
consultation, page 6.
Comment concilier toutes ces*contradictions? l’assertion
d’une inconnue doit-elle l’emporter sur les écrits du
défunt, qui font foi par eux-mêmes ?
Non , il est évident qu'A nne veut en imposer à la»
justice, au public; que son histoire lamentable n’est qu’un
roman mal conçu, qui manque tout à la fois de vraisem
blance et de vérité.
Niais A nne a, dit-on, une possession d’état invariable.
Qu’est-ce qu’une possession d’état? Les questions de
ce genre sont toutes de droit public.
�( 43 )
L ’état des hommes se forme sous l’autorité des lois;
il s’établit de deux manières, ou par des titres, ou, à
défaut de titres , par la possession : le titre en est la
preuve la plus authentique et la plus invariable; la pos
session en est peut-être la preuve la plus sensible et la
plus naturelle. C’est ainsi que s’exprimoit M. l’avocat
général Séguier, dans la cause du sieur Rougemont. « La
« possession, disoit ce grand magistrat, lie , unit par
« une chaîne non interrompue de faits, d’actions et de
« démarches, tous les instans de notre vie à celui qui
« nous a vu naître ; elle nous fait remonter jusqu’à la
« source de notre sang ; elle nous fait descendre depuis
« cet instant prim itif, jusqu’au moment actuel de.notre
« existence ; elle nous apprend à nous-mêmes, elle ap« prend aux autres qui nous sommes, soit par le per« sonnage qu’elle nous impose, soit par T habitude de
« nous connoître, soit par Vhabitude d’être reconnus :
« mais il faut, continue M . Séguier, que cette possession
« soit constante, perpétuelle, invariable. » Et M. Séguier
invoque la doctrine du magistrat immortel qui l’avoit
précédé dans cette glorieuse carrière, et qui professe les
mêmes principes.
A n ne peut-elle dire qu’elle a la possession constante,
perpétuelle , invariable, de l’état d’épouse du général
d’Estaing? Une liaison criminelle dans nos mœurs a com
mencé au mois de nivôse an 9 , et n’a pas eu deux mois
de durée. Celui qu’elle appelle son époux, la traite en
concubine ; c’est ainsi qu’il la désigne à son père même,
lorsqu’il lui parle de la nature de ses engagemens : le
�C 44 )
bruit se répand qu’il est marié ; le général le désavoue,
et soutient qu’il n’y a aucun lien légal.
A n n e ne tient donc pas la possession de son éta t
de celui qui y avoit le plus grand intérêt, de celui seul
qui avoit le droit de l’élever au titre honorable d’épouse;
comment auroit-elle la possession.d’un état que son pré
tendu mari désavoue, et ne veut pas lui accorder?
Une possession d'état ! Mais y a-t-il jamais eu entre
A n ne et les membres de la famille d’Estaing, ces rapports
continuels qui se c o n firm en t de jour en jo u r entre les
parens, par la notoriété ? avoit-elle avec ses prétendus
b e a u x -f r è r e s , cette habitude journalière de se traiter ré
c ip r o q u e m e n t comme frères et sœurs ? c’est cependant
ce que desire Cochin, à l’endroit cité dans la consultation;
çt il est remarquable qu’on ait choisi une autorité de ce
genre, dans une cause où le célèbre Cochin soutenoit que
la dame de B ruix, baptisée comme fille de Jean Lassale,
avoit eu pendant trente-quatre ans la jouissance , la,
possession d’état de fille de Jean Lassale, et que cette
possession d’état devoit être un obstacle insurmontable
à la prétention que la dame de B r u i x osoit élever,-de se
dire fille du sieur m arqu is d e •B o udeville de la Ferté.
Cochin appuie principalement sur cette possession ,
comme longue, constante et invariable.
Et d’après Cochin lui-m êm e, une possession d’état
pourroit-elle être l’effet de l’erreur d’un moment, d’un
acte isolé et fugitif, obtenu dans un moment rl’urgence,
et sous la foi de l’existence des actes qui nssuroient à
A n ne un titre légitim e;
,
�( 45 )
D ’un acte bientôt rétracté, lorsqu’on a su que le pré
tendu mariage n’étoit constaté en aucune manière;
D ’un procès verbal de tutelle, qui émane du sieur
d’Estaing p ère, étranger à la succession de son fils ; qui
n’a pu nuire aux parties intéressées; dont on a exclu tous
les parens les plus proches, pour y admettre des alliés
à des degrés éloignés.
Il est extraordinaire que lors de ce procès verbal ou
ait fait un semblable choix : de tous ceux qui y sont
dénommés, le sieur d’Estaing père, et le sieur Delzons,
étoient les seuls qui eussent le droit d’y assister.
Les frères du général d’Estaing étoient préseDS sur les
lieux ; quatre étoient majeurs : aucun d’eux n’y a étc
appelé.
Les sieurs Ternat, petits-fils de la damé d’Estaing,
veuve T ern at, en ont été écartés.
Les sieurs Angelergueè, parens au même degré que
les précédens, n’ont pas été convoqués.
Les sieurs d’E sta in g , cousins germains du p è r e , ne
font pas partie de Cette assemblée.
On convoque dans la ligné paternelle, des sieurs Labro,
parens au sixième degré du défunt ; un sieur F o rtet,
allié encore plus éloigné que les sieurs Labro.
‘
Dans la ligne maternelle, on néglige les sieurs TA p p ara, oncles bretons du défunt : on aiFecte d’appeler les
sieurs M ailhes, père et fils, alliés très-éloignés. Et voilà
les individus qu'A nn e traite ou veut faire regarder comme
les plus proches parens de son prétendu mari : il ne faut
pas s’en étonner ; elle n’a pas ou le temps de faire con
naissance avec la famille de son prétendu mari»
�(
4
6
}
Elle a été reconnue dans la fam ille, , dans la v ille,
dans les sociétés! Elle n’a été présentée nulle part; ne.
pouvoit l’être, à moins de l’a v ilir, puisqu’elle 11’avoit
d’autre communication que les signes, ignoroit absolument
la langue française, étoit étrangère à nos usages, et ne
eonnoissoit aucun des agrémens d’une ^vie policée.
Elevée dans la classe du peuple, sans aucunes connoissances, illitérée, obscure, sans fortune, sans moyens;
voilà celle qui veut être l’épouse du général d’Estaing,
la femme de son. ch oix, et que ce général doit se glo
rifier d’avoir obtenue.
P e u t-o n pousser plus loin le délire !
L ’erreur du sieur d’Estaing père n’a pas eu plus de
huit mois de durée , de l ’aveu même d'A nn e ,• et h u it
mois n’ont jamais donné une possession d’élai constante
et invariable.
•
A n n e ne l’a pas même pensé ; elle a senti la nécessité
de rapporter des preuves de son mariage ; et à défaut
de titres, elle a voulu y suppléer par des certificats.
A rrivée à M arseille, elle conduit des Egyptiens suivis
d’un interprète, et leur dicte les déclarations qu’elle croit
convenir.
Ce procès verbal qu’on colore du nom d’acte de no
toriété ne fait aucune sensation. Elle accourt à Paris,
et va solliciter des personnes plus marquantes, qui se
rendent à son invitation.
Elle les conduit devant'le juge de p aix, qui les admet
sans autre forme; elle fait homologuer sans contradiction
le procès verbal. La famille d’Estaing, qui n’en a voit
aucune connoissance, s’inquiétoit'peu de scs démarches,
�C 4-7 )
et n’a voit garde de s’y opposer, puisqu’elle les ignoroit.
Que signifient ces enquêtes à fu tu r , qui ne peuvent
donner lieu qu’à d’énormes abtts? Qu’on lise le procès
verbal qui a précédé l’ordonnance de 1667 •, on y fait
sentir les inconvéniens de ces sortes d’enquêtes, dont
M . le premier président demande la suppression. L e
rédacteur nous apprend que les motifs de ce magistrat
éclairé furent universellement goûtés, et déterminèrent
l’article unique du titre 13, qui les abrogea, et défendit
à tous juges de les ordonner ou d’y avoir égard, a peine
de nullité.
Ces actes prétendus de notoriété sont donc inutiles,
et même dangereux dans la cause; ils ne seroient d’au
cune importance, quand ils pourroient êti*e de quelque
considération.
A n n e les a réunis à la suite de sa consultation : on va
les analiser rapidement. Tous les 'A lla ou Abdaüa qu’elle
a recueillis à Marseille déclarent « qu’ils ont parfaitement
« connu Jean N azoetSophie M ische, son épouse, père
« et m è re d 'A n n e , et qu'Am ie fut unie en mariage avec
« le général d’Estaing. »
C’est bientôt dit : mais où est la'preuve de la filiation,
du mariage? Une simple assertion généralisée, sans au
cunes circonstances, sans désignation des époques, des
dates , peut-elle faire quelqu’impression ? Am ie a-t-qlle
pu penser qu’avec une déclaration aussi vague, les tri
bunaux pourroient lui assurer l’état d’épouse et veuve
du général d’Estaing, et ^admettre dans cette famille? E t
si quatre d’entre eux ont déclaré qu'Anne accoucha à
Céphalonie, ils disent le contraire de ce que raconte
�u
a ) '
A n n e , q u i, pour intéresser davantage, n’a pu prendres
terre, et a accouché dans le navire. Il lui en coutoit si
peu de s’accorder avec les déclarons, qu’elle aurojt dû
au moins dire la même chose.
Son acte de notoriété fait à Paris est encore plus
insignifiant.
Sept témoins attestent simultanément, et parlant tous
à la fois, que k dans le cours de Tan 8 , A n n e a été
« unie religieusement, et d’apyès les rites du pays, en
« légitime m ariage, avec le général d’Estaing, par le
« patriarche d’Alexandrie, habitant du Grand-Cairç.
« L ’acte de célébration n’en a pas été rédigé, n’étant
« point dhtsage en Egypte de tenir un registre de l’état
« c iv il; mais ce mariage n’en est pas moins constant,
« ayant été célébré en présence d’un grand nombre de
« militaires français, et de la plupart des déclarans. »
Pourquoi ces déclarans présens ne se sont-ils pas'
nommés? quels sont ceux qui sont compris dans c e la
plupart? Dès que ces témoins poussaient si loin la complai
sance pour la jeune Egyptienne, ils auroient pu circonstancier davantage leur déclaration ; mais ils eussent été bien
embarrassés sans doute : cependant ils ne craignent pas
d’ajouterque «pendant son séjour en Egypte, la dame Nazo,
«; veuve d’Estaing, n’a pas cessé d’habiter avec son mari,
<* qui l’a toujours traitee comme son épouse légitime. »
Ce séjour a-t-il été plus ou moins long? pas un mot
sur sa durée. On a vu ou pu voir , chez le gériéral
d’Estaing , une jeune femme qu’il traitoit avec bonté
ou avec tendresse, et on veut en conclure qu’elle étoit
épouser dans un paya aussi corrom pu, où presque toua
les
�. .. .
les militaires avoïent trouvé la facilité de prendre ce
qu’ils appeloient des arrangemens orientaux, des engagemens à temps. Mais il en coûte si peu à des indifférens
de porter le trouble dans une famille, d’y introduire une
étrangère! On doit gémir de voir autant d’inconséquences
et de légèreté.
A n n e fait parade du brevet de pension qu’elle a ob
tenu du gouvernement : elle doit s’estimer heureuse, sans
doute, que le chef magnanime de l’état l’ait mise, par
sa bienfaisance, au-dessus des besoins de la vie. Mais
la faveur du gouvernement ne peut nuire aux droits des
familles. Il est bon d’observer d’ailleurs que cette pension
n’avoit e té p o rte e , en premier lieu , qu’à une somme
de 520 francs ; l’Empereur remplit de sa main la somme,
sur le travail qui lui fut présenté : cependant, sur ce
premier travail, on la traitoit de veuve d ’iJstaing ; les y
journaux d’alors l’ont ainsi publié. L ’Empereur ne vouloit
donc la traiter que comme Egyptienne réfugiée, malgré
le titre qu’on lui donnoit; et l’augmentation survenue
dans la suite, a été l’effet du procès verbal de tutelle,
dont on voit qu'A n n e a su faire un bon usage.
L e certificat du général Menou vient ensuite; il an
nonce, de la part de ce brave général, un grand respect
pour les mœurs : mais on n’entend pas trop ce qu’a voulu
certifier le général M enou, lorsqu’il parle des rapports
civils et religieux. Pour les rapports civils, il auroit fallu
^
un acte authentique qui constatât le mariage; il auroit
été nécessaire que la célébration se fit conformément aux
lois, règlemens et usages de l’armée. Le général Menou
devoit principalement les faii’e exécuter; et il est constant
Q
�( 5o )
que ces ordres avoient été publiés, et rendus communs
et obligatoires dans toute la colonie.
Cependant il n’a été dressé aucun acte de ce. pré
tendu mariage.
Sous les rapports religieux ! mais il n’en cxistoit aucun
entre A n n e et le général d’Estaing; il eût fallu que le
général d’Estaing eût abjuré la religion de ses pères.
Lorsque le général Menou a épousé une muzulmane,
il a embrassé le m a h o m é tism e . On est autorisé à le dire
ainsi, d’après des instructions pieciscs. Son mariage a
été célébré par le M ouphti, ministre de la religion
turque, et alors celle des deux époux. Ici il y avoit des
rapports religieux. Le général a donné à son union un
caractère légal, et n’a pas manqué d’en faire dresser un
acte c iv il, conformément aux ordres qu’il avoit luimême fait publier de nouveau. Voilà le rapport civil.
On ne trouve ni l’un ni l’autre pour le général d’Es
taing. Il n’y a donc pas eu de mariage.
D ’un autre côté , le général Menou rapporte la date
de ce prétendu mariage à Van 8 ; il se dit môme général
en chef au moment où le général d’Estaing lui en fit part.
E t jln n e , à son tour, a été mariée le jour des rois de
la même année, qui répond au 17 janvier 1800.
Pour le coup veritatem quœrendam.
L e général Menou ne commandoit pas l’armée en nivôse
an 8; c’étoit le général Kléber. C elu i-ci a commandé
jusqu’au 20 prairial an 8 , jour funeste pour ce général :
il fut assassiné dans son jardin.
L e général. Menou ne prit le commandement qu’en
messidor an 8.
�( 5i )
La correspondance du général Kléber avec le général
d’Estaing va jusqu’au n prairial an 8.
Plusieurs lettres écrites à feu d’Estaing par le général
M enou, ea germinal et floréal an 8, prouvent qu’il étoit
alors seulement général de division ; il ne prend pas
d’autre qualité. Ces lettres sont datées de Rozette : le
général Menou n’étoit donc pas au Caire en nivôse
an 8.
L e général D upas ne parle de ce mariage -prétendu
que par ouï-dire ,• on lui a déclaré qu’il s’est célébré
publiquement, et avec toute l’authenticité qu’un pareil
cas exige.
Il est étonnant que le général D u p a s, qui étoit alors
au Caire, lieutenant du général d’Estaing dans le com
mandement, qui avoit tous les jours des rapports de
service avec l u i , ne puisse parler que par ouï-dire de
ce prétendu mariage; qu’il n’y ait pas assisté surtout,
lui que ses relations continuelles avec le général d’Es
taing devoit y appeler de préférence. Sans doute ce
général a voulu être favorable à une jeune solliciteuse;
mais il a trop de loyauté pour certifier ce qu’il n’a point
vu : il ne parle que sur les relations d’autrui.
Il paroît même que s’il falloit attendre des témoins
qui attestassent positivement avoir assisté à ce mariage,
on attendroit long-temps. A n ne a épuisé à cet égard
tous les certificateurs ou témoins.
Qu’importe que le général d’Estaing ait donné des
repas après la noce. L e général d’Estaing devoit avoir
la représentation convenable au commandant du Caire ;
il étoit honorable dans ses goûts; il tenoit au Caire table
G 2
�( 52 )
ouverte, donnait souvent des bals, des fêtes ; et si on
veut que des bals des dîners, soient des cérémonies
nuptiales, le général se seroit marié souvent.
Ceux qui ont prétendu que les femmes se visitoient en
Egypte, qu’A nne faisoit société avec les dames M en ou ,
D elzo n s, L a n lin , connoissent bien peu les usages orien
taux. Là les femmes ne sortent jamais que dans des cas
très - extraordinaires, et a l o r s sont toujours voilées, et
accompagnées de manière à n’avoir aucune communi
cation.
'
Ce n’est pas en Orient où on peut jouir des agrémens
de la s o c ié té , et surtout de la compagnie des dames; on
sait même que madame Menou a conservé en France
l’usage oriental ; qu’elle est constamment voilée , et ne sort
point de chez elle ; qu’elle n’est jamais venue au Caire
dans la maison du général d’Estaing : et Anne elle-même,
pendant le court séjour qu’elle a fait à Aurillac, n’a pas
quitté son v o ile , et n’a été vue de personne.
La dernière pièce imprimée en la consultation, est
une lettre du général d’Estaing à Anne. On observe
que l’adresse est de la main du général, et porte pour
suscription : A la citoyenne d1E s ta ing , à la citadelle du
Caire. Il est surprenant qu’’A n n e, dans son mémoire, ait
tant parlé de la correspondance de son ép o u x, fam ilière
avec décence, tendre sans exagération, etc. ; et que
toute cette correspondance se borne à une lettre unique.
Dans cette lettre, pas un mot dont on puisse induire
un engagement honorable. C’est le ton d’un homme poli
et familier, à qui on n’a rien refusé, qui ne parle pas
même des ascendans d'Anne avec le ton de considéra-
�(¿ 3 )
tion et de respect qu’on doit à des alliés de ce genre; respect
plus marquant encore chez les Orientaux.
Quand il parle de celui qu'A nn e appelle son p ère,
il se contente de dire J o a n n y ; lorsqu’il donne un sou
venir à la grand’m ère, il d it, la bonne vieille. Est-ce
là le ton du respect et de la déférence? A p p ren d -il la
nouvelle de la grossesse avec ce charme, ces délices qu’on
éprouve à la naissance d’un enfant légitim e? Il Taime
toujours ; et il faut bien le dire ainsi à tontes les femmes
avec lesquelles on a des liaisons passagères. Il lui donne
son nom sur Pençeloppe de la lettre : mais n’est-ce pas
l’usage? ne voit-on pas, même parmi nous, toutes les
courtisannes prendre les n o m s de ceux qui ont la foiblesse de les entretenir et d’autoriser cette licence ?
Ce n’est malheureusement pas la première à qui le
général a donné ce nom. Lorsqu'il étoit à l’armée des
Pyrénées orientales, il étoit notoire qu’il vivoit avec
une femme que tous les officiers appeloient madame
d’Estaing; le général, en écrivant, lui donnoit ce nom;
et cette femme, après le départ d.u général, n’a jamais
tiré'avantage d’une suscription semblable, pour se qua
lifier d’épouse légitime.
On trouve dans les pièces communiquées trois chiffons
que l’on dit être des lettres arabes, écrites par ordre
du général d’Estaing ; la suscription est aussi à madame
cPEstaipg, mais non de la main du général.
Ces trois prétendues lettres sont traduites par le sieur
Sylvestre de Sacy, professeur des langues orientales : il
faut bien l’en cro ire, puisqu’on ne connoît pas l’arabe ;
mais au moins la traduction ne donne pas une grande
�idée de l’écrivain. Cette langue arabe, que l’on dit h a r - '
monieuse, p oétique, tout en figures, n’a servi qu’à
écrire des platitudes et les choses les plus communes. Ce
sont les lettres d’un cuisinier, ou d’un homme bien peu
exercé; le général y reçoit beaucoup de consolation dans
sa blessure , d’une lettre que lui a écrite A nne : mais
comment n’a-t-on pas trouvé dans les papiers du gé
néral, la plus légère trace d’une correspondance avec
A n n e? Tout est e x trao rd in a ire el inexplicable dans cette
cause.
Il faut, au surplus , qu’elle ait fait peu de cas de ces
lettres , puisqu’on les a négligées dans la consultation.
O n voit encore, dans le dossier, une lettre du général
S o u lt, à un sieur Giane , clief de bataillon de la légion
grecque, à bord du bâtiment le J e a n , en rade à T á
rente : cette lettre est en réponse, et annonce que Giane
trouvoit la quarantaine longue et incommode pour lui
et les femmes qui étoient à bord : il nomme madame
d’Estaing. L e général Soult témoigne ses regrets de ne
pouvoir abréger la quarantaine ; c’est au comité sani
taire qu’il appartient de prononcer ; mais il fait préparer
un local plus commode pour les passagers, et offre ses
services, ainsi que ceux de madame S o u lt, h madame
d’Estaing. Il n’y a rien d étonnant dans ces offres génér
reuses ; on doit des égards et des -seryiees à une femme.
A m ie se disoit madame d’Estaing; on doit quelque chose
de plus empressé à la femme d’un camarade ; et le gé
néral Soult ne devoit pas autrement s’informer si Anne
avoit son contrat de mariage ou non. Mais vouloir
induire de cette attention obligeante d’un général mar-
�(55)
quant, aujourd’hui maréchal de l’empire, une reconoissance et une possessiun d’état en faveur à?A nne $ relever
cette circonstance comme un honneur décerné à la femme
d’un gén éral, c’est pousser les choses un peu trop loin.
On a parlé dans la consultation, sans cependant le faire
imprimer , du certificat d’un sieur Sartelon, ex-ordon
nateur en chef de l’armée d’Egypte : cet acte est aussi
dans les pièces d'Anne. L e sieur Sartelon certifie, en
la qualité qu’il prend, « que quoiqu’il n’existât a l’armée
« aucun ordre du général en chef pour regler la forme
« avec laquelle les actes de l’état civil devoient y etre
« reçus, Yusage paroissoit s’être établi de lui-même pour
« les officiers, ou in d iv id u s attachés à l’armée, ne faisant
« point partie des corps , de faire des déclarations de« vant des commissaires des guerres, qui les recevoient
« par procès verbaux , ou de la manière qui leur parois« soit convenable, de leurs mariages, mème quelquefois
a de leurs divorces ; ce qui n’a jamais été gén éral,
« surtout pour des mariages contractés avec lesfin îm es
« du pays ( il n’y en avoit pas d’autres ) , '•qui se sont
« faits souvent entre catholiques dans les églises du lieu ,
« et suivant les formes usitées entre les chrétiens de
« toutes les sectes ; mais ces procès verbaux étoient pu« rement facultatifs; et recherche faite dans ses papiers,
« et dans ceux du bureau central, il ne s’est trouvé au« cun procès verbal relatif à l’état civil; il ne s’en est pas
« même trouvé, notamment du commissaire des guerres
« A gard, qui est mort dans la traversée. En foi de quoi,
« sur la demande de la dame veu,ve d’Estaing, il a dé*»
« liv ré , etc. »
�( 56 )
Un ne voit pas trop quelles inductions ¡’Egyptienne
peut ou veut tirer de ce certificat; il est assez inutile de
dire qu’on pourvoit récuser le témoignage du sieur Sartelon , qui a souvent montré de l’animosité contre le
général d’Estaing ; il suffit d’observer que son certificat
est démenti par le fa it, puisqu’on rapporte les ordres
du général en chef, et les actes civils des sieurs D elzons
et L a n tin , reçus par le commissaire Agarâ.
Ici s’arrêtent les recherches et les découvertes à'Arme.
Y a-t-il un seul acte d’où on puisse faire résulter qu’elle
est l’épouse du général d’Estaing; et ne p eu t-on pas
dire avec vérité qu’elle n’a ni titres n i possession ?
Com m ent a-t-elle eu le courage de se plaindre d’un
jugement qui lui accordoit une faveu r insigne, la faculté
de faire preuve , par témoins, qu’elle a été mariée en
l ’an 8 ; qu’il n’étoit pas d’usage au Caire de tenir des
registres, ou de dresser des actes civils de mariage; qu’il
n’étoit pas d’usage à Céphalonie de dresser des actes de
naissance, etc. ?
Ce jugement, au contraire , n’a-t-il pas violé tous les
principes de la matière ? Sera-ce avec des déclarations
mensongères ou mendiées, qu’on pourra élever une in
connue au rang honorable d’épouse; qu’on osera donner
à un enfant de ténèbres, le titre d’enfant légitim e?
« Des objets si interessans, dit le célèbre Cochin,
a doivent élever tous les esprits à ces vues supérieures
a du bien public, qui forment toujours le premier objet
« de la justice : il s’agit ici du sort des toutes les familles,
« compromis d a n s une seule causé. »
Les frères d’Estaing se plaignent à leur tour d’un juge
ment
�C 57 )
ment qui peut entraîner les suites les plus funestes ; il
leur reste à établir que ce jugement .ne peut subsister, et
qu’Anne doit être déclarée non recevable dans toutes ses
demandes.
>
On trouve dans les recueils -, tant anciens que nouveaux,
une multitude d'arrêts sur les questions d'état. M . le
chancelier d’Aguesseau a épuisé cette matière par ses re
cherches savantes: le 2e. , le 6e., le 12e. le 17e. plai
doyer de ce grand magistrat, contiennent des dissertations
profondes, une sage doctrine; mais il semble sentir toute
la pesanteur de son ministère, lorsqu’il veut prendre une
décision. Ce n’est qu’en tremblant qu’il se détermine ; et
si quelquefois il pense que la justice doit admettre une
preuve testimoniale, ce n’est qu’autant qu’il trouve des
présomptions graves, des indices violens, des conjectures
puissantes; il exige la réunion d’une multitude défaits
qui forment un corps de présomptions capables de dé
cider l’esprit le plus difficile à convaincre; en un m o t,
il lui faut encore un commencement de preuve par écrit.
Il est inutile de grossir le volume de ce mémoire par
des citations d’arrêts ; il seroit difficile peut-être de tirer
de ces nombreux exemples, une con séq u en ce claire qui
pût servir de motif de décision en d’autres cas, surtout
dans l’espèce où il s’agit d’une étrangère qui vient ré
clamer le titre de veuve d’un Français.
Il suffit de poser un principe certain, et qui ne sera
pas contesté, c’est que pour un m aria ge fait en F rance,
la preuve testimoniale ne peut être admise qu’à défaut
de registres , lorsqu’il n’en a pas été tenu , ou qu’ils sont
H
�( 58 )
perdus ; et dans ce cas même il faut un commencement
de preuve par écrit.
L ’article 14 du titre 20 de l’ordonnance de 1667,
n’a entendu parler que des mariages entre Français; et
M . Jousse ne manque pas d’observer que la preuve tes
timoniale ne peut être admise qu’autant qu’il y a com
mencement de preuve par écrit.
Cet article de l’ordonnance a été répété dans l’article
46 du Code N apoléon ; et la preuve que le législateur a seu
lement entendu comprendre les mariages entre Français,
résulte des articles 47 et ffid a même Code. .
La loi dit que tout acte de l’état civil des Français
et des étrangers, fait en pays étranger, fera fo i, s’il a
été rédigé dans les formes usitées dans ledit pays : que
tout acte de l’état civil des Français en pays étranger sera
valable, s’il a été reçu conformément aux lois françaises
par lesagens diplomatiques, ou par les commissaires des
relations commerciales du gouvernement.
On peut donc représenter à A n n e , d’après les dispo
sitions de ces lois, que si elle étoit Française, elle ne
pourroit être admise à la preuve testimoniale, qu’autant
qu’elle auroit la possession d’état, et des commencemens
de preuve par écrit : elle n’a ni l’un ni l’autre. Point
de possession d’état ; on croit l’avoir prouvé, puisque
‘le général lui a toujours refusé le titre qu’elle ambitionne.
Point de commencement depreuçepar écrit, puisqu’il n’y
a aucune trace d’écrits du défunt qui parlent de ce prétendu
mariage , et que les seuls qui existent le désavouent.
Mais qu’elle est étrangère, et que dès-lors il n’y a point
�( % )
de possibilité d’admettre une preuve par témoins; il faut
représenter l’acte civil. On a dû remarquer la différence
qui se trouve entre les articles 46 et 47. Dans le premier,
si le mariage est fait entre un Français et une étrangère, il
suffit de rapporter un acte dans les formes usitées au pays.
Dans le second, si le mariage est fait en pays étranger,
entre deux Français , il faut un acte civil conforme aux
lois françaises.
A n ne n’en a d’aucune espèce ; le jugement dont est
appel a donc fait une fausse application, et de l’article 14
du titre 20 de l’ordonnance, et de l’article 46 du Code
Napoléon.
Mais ce jugement est évidemment en opposition avec
les articles 170, 171, 194 et ig 5 du môme Code.
En effet, par l’article 170, « le mariage contracté en pays
« é tran g er entre F r a n ç a is , et entre F rançais et é tr a n g e r ,
« est valable, s’il a été c é l é b r é dans les formes usitées
« dans le pays, pourvu qu’il ait été précédé des publi« cations prescrites par l’article 63 , et que le Français
« n’ait point contrevenu aux dispositions contenues au
« chapitre précédent. »
L ’article 63 exige deux publications à huit jours d’in
tervalle ; et la loi attache à cette formalité la plus grande
importance. On n’a jamais imaginé de dire que le mariage
du général d’Estaing ait été publié : cette formalité étoit
cependant ordonnée par les lois précédentes.
Parmi les dispositions contenues au chapitre qui pré
cède l’article 170 , on y trouve principalem ent la prohi
bition faite au fils de fam ille, m ê m e majeur, de contracter
mariage sans le consenlexneut de ses père et mère.
II a
�( 6o )
Bien vite A nne s’empare de cette circonstance, pour
dire que le général s’est marié avant le Gode, et a pu
braver les ordres de son père ou se passer de son con
sentement.
A n n e argumente avec un empressement peu louable
de cette loi révolutionnaire, qui fut promulgée dans un
instant de délire, qui dégage les enfans de tous leurs
devoirs envers leurs ascendans.
Loi immorale et funeste, qui a fait tant de malheureux
qu’on entend tous les jours gémir de leurs égaremens,
et qui passent leur vie dans la douleur et le désespoir.
Mais le général d’Estaing n’avoit pas perdu toute idée
des principes de moralité et de convenances. Ne mar
q u e - t - i l pas à son père qu’il n’auroit pas contracté d’engagemens sans le prévenir, avant d’avoir demandé ses
conseils ou ses ordres; et A n ne en seroit-elle réduite à
ce point, qu’elle fût obligée, pour colorer ses prétentions,
de s’appuyer d’exemples qui seront à jamais la honte et
le scandale de la société ?
N ’a-t-elle pas senti que le gouvernement, dans ses
premiers pas, a rétabli et commandé le respect pour
cette puissance paternelle, le premier anneau, la prin
cipale base de l’ordre social, sur laquelle repose la morale
publique ?
L ’article 171 exige davantage; il veut que dans les
trois mois après le retour du Français sur le territoire
de la république, l’acte de célébration du mariage con
tracté en pays étranger, soit transcrit sur le registre
public des mariages du lieu de son domicile.
Pour cette fois, A nne ne peut se tirer de cette dis-
�( 6i )
position par des subtilités. Cet article a été connu d’elle;
elle pouvoit l’exécuter si elle avoit eu son acte de ma
riage; elle a su qu’elle ne pouvoit y suppléer, dès qu’elle
n’avoit aucun titre.
Et lorsqu’elle a eu connoissance des articles 194 et
195, qui veulent que nul ne puisse réclamer le titre
d’époux, et les effets civils du mariage, s’il ne repré
sente un acte de célébration inscrit sur le registre de
l’état civil ; que la possession d’état ne pourra dispenser
les prétendus époux qui l’invoqueront, de représenter
l’acte de célébration du mariage devant l’officier de l’état
c iv il, elle a dû désespérer de sa cause.
Mais les premiers juges ont-il pu ignorer la disposi
tion de la loi ? n’ont-ils pas dû savoir que l’étrangère
lie pouvoit établir son titre d’épouse légitime, qu’en jus-'
tifiant de l’acte qui le lui avoit conféré ? Diront-ils quo
le Code Napoléon n’a été promulgué que postérieure
ment ? Mais alors ils n’avoient d’autre boussole que la
loi du 20 septembre 1792; et d’après l’article 7 de la
section 4 de cette lo i, A n n e 11e pouvoit constater son
mariage qu’en représentant l’acte de l’officier public. Cette
loi n’indique pas d’autres moyens de suppléer au défaut
de ces actes.
Auroient-ils voulu se déterminer par les anciens prin
cipes? A n n e n’avoit pas la possession de son état, n’avoit
aucun écrit du défunt qui fût un commencement de
preuve par écrit.
Ils ne pouvoient donc en aucune manière admettre
la preuve testimoniale. .
,[ :. »n •
'
Un mot sur Feûfant naturel , cdnnu soui le nom à'Em ile
�( 62 )
d’Estaing. A n n e reproche aux frères d’Estaing d’avoir
fait paroître sur la scène un enfant dont on ne parle plus.
Les frères d’Estaing ne lui doivent à cet égard aucune
explication ; ils ne savent sur cet enfant que ce qu’a
déclaré le sieur d’Estaing père, au bureau de paix.
Un enfant a été présenté à l’officier civil, sous le
nom d'E m ile , comme fils de leur frère. La reconnoissance n’émane pas du père lui-même. Il existe; il est
dans ce moment placé au lycée de Toulouse. S’il a des
droits à faire valoir, il saura les réclamer.
Les frères d’Estaing observeront, en terminant, qu’ Anne
n’est pas r é d u ite à un sort funeste ; qu’elle est à l’abri
de tous les besoins ; qu’elle est encore dans un âge où
elle peut augmenter ses ressources par sa sagesse, et un
travail honorable ; mais que si elle veut se faire un
prétexte d’un événement commun dans son pays , pour
s’élever au-dessus de son état, ce trait d’ambition déplacée
ne servira qu’à la couvrir d’opprobre.
!'J
M e. P A G E S ( d e Riom ) , ancien avocat,
M e, G A R R O N jeune, avoué licencié,
A RIOM , de l'imprimerie de T hibaud - L andriot , imprimeur
de la Cour d’appel,
Mai 1808
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Estaing, Jean-Baptiste d'. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès
Garron
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse, pour Sieurs Jean-Baptiste d'Estaing, ancien commandant d'armes à Chambéry, Jacques-Théodore, Pierre-Gabriel, Catherine et Elizabeth d'Estaing, frères et sœurs, intimés et appelans ; contre Anne, soi-disant Nazo, soi-disant Grecque d'origine, se disant veuve du général d'Estaing, se disant pareillement tutrice de Marie, sa fille, appelante d'un jugement rendu au tribunal de Mauriac, le 13 août 1807, et intimée.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
Circa An 9-1808
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
62 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0537
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53848/BCU_Factums_M0537.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
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Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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A name given to the resource
Factums Marie
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Title
A name given to the resource
[Arrêt de la cour d'appel de Riom. Nazo, Anne. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Motifs et dispositif de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Riom. Entre la dame Anne Nazo, veuve du général Destaing et les sieurs Destaing, frères du général.
Document manuscrit.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
8 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0536
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0535
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_M0604
BCU_Factums_M0605
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Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
-
https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/original/5/53846/BCU_Factums_M0535.pdf
85f62ad24bda5ed2139efb4501d8df26
PDF Text
Text
O BS ERV A T I ON S
SUR
LA
CAUSE DE LA De Ve DESTAING,
E t sur le libelle diffamatoire imprimé et
,
publié à R iom pour ses adversaires et
produit par eux devant la Cour à Appel
séant en cette ville
.
L e s sieurs et demoiselles Destaing frères et sœurs, à la veille
d’un jugement qu’ils ont fait retarder sous différens prétextes,
ont permis qu’il fût imprimé et p ublié, sous leur nom , et
avec le titre de M émoire en réponse, un libelle diffamatoire
contre la veuve du général Destaing leur belle-sœur , tutrice
de la demoiselle Destaing leur nièce.'
Tout ce qu’ils devaient à la mémoire de leur frère est
oublié. Les honorables restes de cette armée de l’Orient, qui
fut principalement composée de l’élite des armées françaises,
et d on t l ’auguste chef ne se sépara que pour sauver la France,
sont outragés dans la personne de ses principaux officiers,
dont le libelle suppose que les mœurs étaient plus que licen
cieuses, et cela sans raison , sans m otif légitime, sans néces
site , sans utilité pour sa cause.
1
�( 2 )
En effei , i l ne s’agit p oin t, entre madame Destaing et se»
beaux-frères et belles-sœurs, de savoir si des officiers fran
çais de l’armée d’Egypte abusaient du droit de conquête au
point de prendre comme meubles des jeunes filles du pays
contre leur* gré ou sans leur consentement ; de- les recevoir
en présent comme un tribut, et de les abandonner après les
avoir déshonorées.
Cette supposition, qui n aurait pu être imaginée que par
des journalistes anglais, n’est point ce que les tribunaux de
France ont à vérifier dans le procès de madame Destaing.
D es collatéraux veulent enlever à cette infortunée son état
de veuve du général D estaing, et à la fille de leur frère sa
qualité et les droits q u elle leur donne à la succession pater
nelle dont elle est investie.
Madame Destaing et sa fille sont - elles en possession de
leur état et de la succession du général Destaing ?
V oilà la question.
Cette possession est-elle pu bliqu e, certaine et constante?'
V oilà les seules circonstances soumises à l ’examen de la
Cour d’Appel de Riom.
Une telle possession doit-elle être maintenue ?
V o ilà le point de droit à juger ,>et il n’est pas susceptible
de controverse.
A u lieu d’examiner les faits de la possession d’état, l’auteur
du libelle se répand en injures, tant contre madame D es
taing , dont il fait une musulmane échappée à la servitude
d’un harem , un être obscur et dépravé, une africaine ré
fu g ié e , la grecque la plus rusée et la plus ad roite, que
contre son pére, à qui il dénie même cette qualité : il le sup
pose marchand détaillant deau -d e-vie, révolutionnaire au
�( 3 ,)
Caire , et ob ten an t, à ce titr e , celui de commandant la
légion des grecs.
Il hasarde cette supposition, sans respect pour l ’autorité
qui plaça le commandant Nazo à la tète d’une nation qu’on
voulait régénérer, et sans utilité pour sa cause, où il ne s’agit
pas de savoir de qui madame Destaing est fille, mais si elle
est en possession de son état de veuye du général Destaing
et de tutrice de leur fille.
D es jurisconsultes de divers départemens de la France, réu
nis ù Paris par la confiance de leurs concitoyens et par le
choix du Sénat, ont pensé que cette possession d’état était
certaine, constante et inattaquable : ils ont donné les motifs
de leur opinion. Ce sont ces motifs qu’il fallait combattre,
puisqu’on prétendait répondre à leur consultation ; il fallait
les suivre dans l ’examen des faits qui constatent la possession
d’état pour détruire, s’il était possible, la conséquence qui en.
résulte nécessairement.
Si on n’a pas pris ce p a rti, le seul convenable à la posi
tion respective, c’est qu’on a reconnu que le fait de la pos
session d’état était inaltérable et la conséquence inévitable.
Aussi personne ne croira que le libelle ait été fait pour
les juges qui doivent pfononcer. On ne peut pas s’etre flatté
de leur déguiser, aussi maladroitement, l ’état de la question
qui leur est soumise. C’est pour le public de Rioin, ou peutêtre pour celui d’A u rillac, que l’ouvrage imprimé a été fait.
O n a essayé de faire, dans une ville du second ordre, une
affaire de parti d’un procès qui peut attirer l’attention pu
blique , parce qu’il présente une question d’etat que la Cour
de Riom jugera solemnellernent.
�( 4 )
Mais cette question , on ne saurait trop le répéter, peut
être réduite aux termes les plus simples.
Y a-t-il possession d’état publique et constante?
Les beaux-frères et belles-sœurs de madame Destaing nepeuvent nier la possession d’état de leur belle-sœur et nièce r
reconnues comme telles par toute la famille, dès leur arrivée
en France, où elles ont été appelées dans la maison paternelle.
Attaquent-ils cette possession par des titres contraires et
authentiques ? C ’es t ce qu’il faudrait pour déposséder madame
Destaing ; c’est ce que ses beaux-frères et belles-sœurs ne font
pas et ne peuvent pas faire»
A u lieu de cela , ils leur demandent l’acte de célébration de
mariage et leurs actes de naissance.
Mais ils n’en ont pas le droit. Cochin, d’Aguesseau, tous les
jurisconsultes du siècle passé , l’affirment ; c’est aussi la doc
trine des modernes, et le Code Napoléon en a fait une lo i
qu’il n’est plus permis à personne de méconnaître.
L ’article 320 dit : A défaut de titre, la possession cons
tante de Tétat de l ’enfant suffît.
E t l’article 33 i indique quelle est la nature des faits qui
établissent la possession d’état, et marque la reconnaissance
de la fa m ille comme le fait principal.
Madame Destaing et sa lille produisent les preuves de
cette reconnaissance par un acte solémnel et authentique,
auquel tous les membres de la famille Destaing ont con
couru. Cet acte, qui n’est pas le seu l, suffirait pour établir
que la preuve de possession d’état est complète..
L ’auteur du mémoire avance hardiment que celte recon
naissance a été surprise, qu’elle n’est pas aussi complète que
�( 5 )
madame Destaing le cro it, et que la possession d’état n’est
qu’une usurpation.
Ces allégations ne sont pas de nature à faire impression sur
]a Cour de Riom : on a trop bonne opinion des magistrats
qui la composent pour supposer qu’il est besoin de réfuter
pour eux ou devant eux des assertions dénuées de preuves.
Aussi n’est-ce que pour les amis de la famille Destaing quti
nous croyons devoir faire observer que toutes ces assertions
sont des inventions chimériques.
O n suppose que le père du général Destaing a été surpris
par sa belle-fille , et même on le lui a fait dire avant sa mort.
Mais quand lui a-t-on fait tenir ce langage ? Lorsqu’il s’est
vu dépouiller de la tutelle de sa petite-fille et de la jouissance
de ses biens.
On lui a fait dire que c’était par clol, fr a u d e s , suppositions
et insinuations, qu’il a reconnu la veuve de son il!s et sa
petite-fille, dont l’assemblée des païens, convoquée par lu i,
le nomma tuteur.
M ais, outre que le dol et la fraude ne se supposent jam ais,
n’es t-il’pas convenu que madame D estaing, arrivée en France
dans un état de souflrance et dé m aladie, bien jeune encore r
ne connaissait pas le français et ignorait nos lois , nos mœurs
et nos usages?
E lle se rendait auprès de son mari avec sa fille , lorsqu’elle
fut appelée à A urillac par son beau-père ; et ce ne fut que
dans cet instant qu’elle apprit la mort de son mari. Quel
moyen de dol et de fraude aurait-elle pu pratiquer pour sé
duire son beau-père, qu’elle n’avait jamais vu , et entre les
mains de qui elle ne croyait pas devoir tom ber, puisqu'elle
comptait sur l ’existence de son mari.
�(G)
Le libelliste suppose (page xo) que le sieur Destaing père
île voulait pas recevoir sa belle-fille dans sa m aison, et que
sa résistance fu t connue de toute la ville.
Impudent mensonge, qui suppose que madame Destaing
tomba des nues à Aurillac ; tandis qu’il est convenu que le
beau-père l ’envoya chercher, et qu’il fraya aux dépenses de la
route et de celles qu’avait occasionnées le séjour à Lyon.
Mensonge inutile , puisque , si on suppose de la résistance
et des doutes, ils n’ont pu être levés que par des éclaireissemens satisfaisans.
O n peut être surpris lorsqu’on est sans défiance; mais si on
suppose de la défiance au sieur Destaing père, vieux m a
g i s t r a t , on ne peut pas croire qu’il ait été surpris sur un point
a u s s i délicat et aussi important pour lui.
Son fils était en France depuis plusieurs mois : sans doute
qu’il s’était fait pardonner le tort moral qu’il avait eu de se
marier avant d’avoir obtenu son consentement.
On n’a point dissim ulé, comme le général Destaing ne se
dissimulait point à lui-m êm e, ce tort étranger à sa veuve et à
sa fille.
Mais en rem arquant, comme on ne pouvait s'en dispenser,
qu’à l’époque où le général Deslaing s’est m arié, la loi
n’exigeait pas le consentement paternel, on a dû dire, et ou
l ’a fait, que dans le système de toute autre législation , l ’appro
bation du père , quoique postérieure au mariage, le validait ;
et que des collatéraux n’étaient jamais recevable.s à relever ni
l ’omission ni l’approbation tardive.
C’est donc par pure m alice, qu’à la page 60 du libelle ou
accuse madame Destaing <1 argumenter avec un empressernent peu louable d une lo i révolutionnaire promulguée
i
�(7)
clans u n in sta n t d e d é lire : lo i im m ora le e t fu n e s te q u i a
f a i t ta n t île m a lh e u r e u x q iio n en ten d tous le s jou rs g é m ir d e
leu rs eg a rem en s,} e t q u i p a ssen t le u r v ie dans ta d ou leu r et
le désesp oir.
Non : madame Destaing n’argumente point de lois révolutionnaires, qu’elle a eu le bonheur de ne pas connaître.
E lle invoque la doctrine des plus sages législateurs anciens et
modernes; des principes qui servent de base et de fondement
à leur société bien ordonnée, et établis en dogme par le Gode
immortel qui régit aujourd’hui tous les Français , et qui sera
bientôt adopté par tous les peuples policés de l’Europe.
11 y a donc de la méchanceté à rappeler des souvenirs que
tout doit faire ou b lier, et à ch erch er, en souflant sur des
cendres , à ranimer quelqu’étincelle de nos malheureuses
discordes.
Les traces n’en subsistèrent que trop longtem s, et c’est
sous ce rapport que la cause de madame Destaing mérite
toute l’attention du magistrat. Combien d’individus , trans
portés hors du lieu de leur naissance ou de leur premier
établissement, seront hors d’état de produire leur acte de
naissance, ou celui de leur père r ou l’acte de célébration
de mariage des auteurs de leurs jours ! Faudra-t-il qu’au gré
de quelques parens avides, ils soient privés de leur état et
du patrimoine de leurs aïeux? Si jamais on admettait cette
'absurde doctrine que la possession d’état est un titre insuf
fisant , combien de milliers d’individus se trouveraient sans
nom , sans famille , sans patrimoine, lorsqu’ils se trouve
raient tardivement méconnus par des parens avides de leurs
dépouilles ?
L e Code N apoléon, en exigeant pour certains cas la pré-
�(S)
sentation des actes de l’état c iv il, a prévit l’impossibilité dans
laquelle pourrait se trouver, de justifier de son é ta t, un in
dividu dénué de ces titres.
Les articles 70 et 71 remédient à cet inconvénient et pres
crivent la forme d’un acte de notoriété supplétif.
Cet acte est reçu par le juge de paix, non en forme d’en
quête , mais par déclaration univoque et collective , et il
n’est homologué par le tribunal que sur rapport et contradic
toirement avec le ministère public.
Madame Destaing a rapporté un pareil acte de notoriété
dont elle n’avait pas besoin , attendu sa constante et inalté
rable possession d état.
La plupart des personnes qui ont comparu devant le juge
de paix > avaient été témoins du m ariage, et l’ont déclaré.
Le magistrat qui a lu i-m êm e rédigé l’acte, avait d’abord
entendu que tous en avaient été tém oins, et l’avait écrit
ainsi; mais à la lecture, un seul ( don R aphaël) ayant ob
servé qu’il n’avait pas été présent à la célébration, on écrivit
la plupart au lieu de to u s, le reste de la déclaration portant
sur des faits dont ils avaient également connaissance.
La justice a donc sous les yeux la déclaration légale et
judiciaire de six témoins, de la célébration du mariage du
général .Destaing.
Ces tém oins, que le libelliste traite avec plus que de la
légèreté, et qu’il présente comme des quidam , avaient un
rang distingué.dans l ’armée d’Egypte. 11 est vrai que tous,
excepté le. général Duranteau, étaient officiers civils ; mais
iis sont tous membres de la Légion-d’Honneur. S’ils 11’ont pris
dans leur déclaration que les qualités qu’ils avaient à l’époque
ou se sont passés les faits qu’ils attestent, ces qualités sulfi-
�(9)
saient, au moins, pour faire considérer leur déclaration
comme étant d’un grand poids ; mais si le libelliste avait
pris la peine de consulter l’almanacli impérial, il aurait vu
que des commandans de la Légion-d’Honneur, un trésorier
de la couronne, des inspecteurs généraux et des commissaires
ordonnateurs ne sont des inconnus que pour des gens qui se
méconnaissent eux-mêmes. I l aurait vu qu’un général , officier
distingué avant la révolution, porté plusieurs fois au Corps
législatif par le vœu de ses concitoyens et le choix du Sénat,
n’est pas un témoin à dédaigner.
D ’ailleurs, madame Destaing a dit assez hautement que
son mariage avait été connu de tout ce qu’il y avait d’officiers’de l ’état major de l’armée d’Egypte ; elle a dit et im
primé qui elle était, qui était son pére et sa mére. Il y a en
France des milliers d’individus qui auraient pu la démentir,
si elle en avait imposé. Les MM. Destaing connaissent beau
coup de militaires et des amis de leur frère ; en ont-ils trouvé
un seul qui ose accuser leur belle-sœur d’imposture ?
Mais parmi les témoins du mariage se trouvait le général
D elzon , cousin-germain du général Destaing, le même qui
s’était marié en Egypte avec la fille d’un français, et qui a
remis à ses cousins, à ses cousines, l’acte de son mariage
fait devant un commissaire des guerres, et dont il n’existe
point de minute ; le même qui a assisté à l’assemblée de
famille qui nomma l’ayeul tuteur de la fille du général Des
taing, régla l’acte viduel et la pension veuvagére.
, Madame Destaing a écrit et imprimé que le général Delzon
avait été témoin du mariage. N ’aurait-elle pas été démentie
par.jce brave m ilitaire, si le fait était faux ; mais un hommç
a
�( io )
d’honneur, quelque complaisance qu’il ait pour ses proches^
çst incapable de les servir aux dépens de la vérité.
Personne n’est m ieux instruit que lui du mariage de ma
dame Destaing, dont il a été témoin. Son épouse a été l ’am ie,
la com pagne, la première interprète de sa,cousine. Sçrns le?
yeux du général D e lz o n , madame D elzon aurait-elle vécu
ainsi avec une musulmane échappée à la servitude d'un
harem. Les MM. D estain g, en outrageant la veuve d’un frèrç
qui leur fait honneur , manquent également ,à leur cousin t
qui fut constamment son ami ; à l’épouse-de ce général q u if
quoique iille d’un français , est également née en Egypte :
mais à q u i ne manquent-ils p as? Nous nous abstenons de
r e l e v e r tout ce qu’il y a de méchant dans cètte diatribe ;
il suffit, à leurs y e u x , d’avoir rendu hommage à la vérité
pour exciter leur humeur ou leur colère.
Sans doute que s’ils avaient suivi' le conseil de leur oncle
m aternel, le père du général D e lzo n , la tentative qu’il font
d’enlever à leur belle-sœur et à leur nièce leur état et leurs
biens , ïi’âurait( jamais eu lieu.
M. Delzoii*était membre du Corps législatif, et se trouvait
à Paris â l’époque dü décès du général Destaing : c’est lu i
qui ,1 e 1 prem ier, a reconnu l’état de sa n ièce; c’est sur sa
'demande qu’il' obtint pour la veuve du général Destaing la
pfem ièté pension qui lui fut accordée. Cette pension ne fut
modique qu’à cause que le premier Consul ne voulut p oin t
aloré assimiler le général Destaing à un officier mort sur Je
champ de bataille.
Ce n ’est point sur la présentation de l ’acte de tutelle que
la< pension a> été augmentée ; c’est uniquement par l ’intérêt
qu’inspire la veuye 4 u généraLDestaing k tous ceux qui furent
�( 11 )
les àmis de son m ari, et la cruelle persécution qu’on fait
souffrir à cette infortunée.
Depuis qu’on lui a expliqué lé libelle odieux publié contre
e lle , elle baigne de ses larmes sa f ille , son unique consola
tion ; elle veut aller se jeter au pied de la Cour de Riom ,
et lui demander justice ; mais le tems presse , ses ressources
sont épuisées. Madame Destaing île peut ni se séparer de s;i
fille, ni exposer la santé délicate de cette enfant, en entre
prenant avec elle un voyage long et pénible ; elle ne pourrait
d’ailleurs ni voyager ni se présenter seule : et puisqu’une
mére dé famille n’a pas été un être respectable aux: yeux de
ses ennemis , que n'aurait-elle pas à craindre de leur injus
tice , ii elle cherchait un protecteur pour la conduire et la
présenter à ses juges ?
O n lui a dit que les lois françaises lui en assurent un
dans le ministère p u b lic, protecteur naturel d e là veuve, de;
l ’orphelin et de l’état des citoyens. C'est dans ses mains
qu’elle remet ses droits et le soin de requérir la réparation
qui lui est due pour les outrages dont on a voulu l ’abreuver.
E lle est chrétienne ; elle en fait gloire : madame Delzon
et le général D elzon le savent bien. Elle est devenue fran
çaise ; mais elle n’était point indigne d’être l ’épouse du gé
néral D e sta in g , et elle a toujours porté cette qualité arec
honneur.
L e rit grec dans lequel elle a été élevée est ortodoxe et
reconnu comme tel par l ’Eglise romaine; le siège de l’Eglise
grecqu e, dans le sein de laquelle elle est n é e , e*t toujours
Alexandrie ; l ’évêque est qualifié de patriarche ? et réside au
Caire.
Il n’a rien de commun avec lea Arm éniens, dont les uns
�(
)
sont catholiques et d’autres hérétiques, ni avec les Syriens j
les Cafres et les M aronites, qui sont tous autant de sociétés
chrétiennes plus ou moins attachées au dogme ou à la tra
dition.
C ’est le patriarche grec d’Alexandrie , propre pasteur de la
dame Destaing, qui a béni son union suivant le rit grec et
dans les formes usitées dans le pays.
>
Ces formes sont solemnelles .et suffisantes pour un contrat
qui est autant du droit naturel que du droit des gens.
C’est vouloir tromper la multitude que d’appliquer ce que
des voyageurs ont pu dire du mariage des Turcs aux mariages
contractés en Turquie par des chrétiens.
O n doit savoir que le gouvernement ottoman a toujours
laissé les chretiens qui vivent sous son empire se conduire
suivant leurs lois, et ceux-ci n’en ont pas d’autres que les lois
religieuses qu’ils ont conservées; de là vient que leurs prêtres
réunissent, jusqu'à un certain p o in t, le ministère ciyil au
ministère ecclésiastique.
Les différens que les chrétiens peuvent avoir entr’eux ne
sont point portés devant le cadi, mais devant les prêtres,
sauf l’appel au patriarche, à moins qu’un musulman n’y fût
intéressé , et la puissance ottomane prête main - forte aux
jugemens des patriarches comme à ceux de ses premiers of
ficiers.
C’est ainsi qu’après la conquête des F rancs, lus différens
peuples qui furent subjugués se réservèrent leurs lois, et qu’il
fut permis a chacun de vivre ou sous la loi romaine , ou
sous la loi îa liq u e , ou sous tout autre régim e, et la puis
sance publique maintenait les jngemens rendus suivant ces
diverses loûv
�( i3 )
t.a cour de Riom sait tout cela mieux que n o u s, et sans
doute l ’auteur du libelle ne l’ignore pas ; mais il a voulu
faire illusion à ceux pour qui il écrivait : autrem ent, aurait-il
parlé de notaire pour l’Empire T u rc , et de registre pour
une contrée dont la civilisation est si en arrière de la nôtre ?
Une seule de ses remarques mérite quelqu’observation ;
c’est l ’expression de la date de l’année du mariage de la dame
Destaing.
A vant que , par des rapprochemens qu’on n’a pu obtenir
d’elle qu’à mesure qu’elle a appris là langue française, on
ait pu fixer le jour du mois auquel ce mariage a eu lieu , on a
écrit qu’il avait été fait en l ’an 8. Comme dans le calendrier
républicain l ’année commençait au mois de septembre et non <
au mois de jan vier, il arrivait qu’en comparant ce calendrier
au calendrier grégorien, auquel nous sommes revenus, les deux
portions de l ’année de l’ancien calendrier-ne se rapportaient
pas à la même année du nouveau ; de manière qu’on ne
pouvait bien déterminer une année sans fixer le mois : de là y
bien des équivoques.
Mais elles disparaissent dans l’ensemble des circonstances
antécédentes, suivantes et concurrentes, et dés lors l’expres
sion de l ’année devient indifférente.
Quand on a dit, par exem ple, que le mariage du général
Destaing a eu lieu le 17 janvier de l ’année qu’il comman
dait au Caire sous le général B éliard , peu de mois avant le
siège, après l’assassinat du général K léber, etc, etc. ; on a fixé
d’une manière certaine l’époque de ce mariage : madame D es
taing ne peut avoir voulu le reculer d’une année, tandis qu’elle
a compté le peu de tems qu’elle a vécu avec son mari.
Mais tout cela n’est que pour les oisifs. L ’appel sur lequel
la Cour de Riom doit prononcer ne lui présente que la
�(1 4 )
question de la possession d’état; e t, sur ce p oin t, la défense
de l a dame Destaing n’a pas été entamée, et elle ne peut
pas l ’être par les digressions jdans lesquelles ses .adversaires
sont e n t r é s et dans lesquelles on ne les a suivis que pour
détruire le s impressions qu’elles auraient pu, faire sur la
portion du public qui ignore le véritable état de la question
agitée entre les parties.
V u les observations ci-dessus et le Mémoire imprimé à
R iom , sur lequel elles ont été faites;
L e C O N S E IL soussigné e s t i m e que ce Mémoire ne pouvait
pas être qualifié autrement qu’il l’a été dans les Observations;
q u 'i l est injurieux à madame Destaing et à sa famille dans
les allégations qui les concernent, et qui sont d’autant plus
répréhensibles qu’elles sont étrangères à la question de droit
soumise à la décision de la Cour d’A ppel de Riom.
Madame Destaing se doit à elle-même et aux siens d’en
demander la suppression, qui pourrait même être requise
d’office p a r le ministère p u blic, attendu la nature des injures
et les, fausses opinions qu’elles pourraient donner sur la
conduite des officiers français qui ont été employés à l’armée
d ’Egypte.
D élibéré à Paris , par les anciens jurisconsultes soussignés,
le 26 mai 1808.
JAU BERT.
CHABOT
de
l ’A l l i e r .
H ACQU ART, Imprimeur du Corps Législatif et des Tribunaux ,
rue Git-le-Cœur, n9 8.
�
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Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Title
A name given to the resource
[Factum. Destaing, veuve. 1808]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Jaubert
Chabot
Subject
The topic of the resource
contestations de légitimité de mariages étrangers
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
Delzons
Description
An account of the resource
Observations sur la cause de la dame veuve Destaing, et sur le libelle diffamatoire imprimé et publié à Riom pour ses adversaires, et produit par eux devant la Cour d'Appel séant en cette ville.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Hacquart (Paris)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1808
1808
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
14 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0535
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0410
BCU_Factums_M0536
BCU_Factums_M0537
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0603
BCU_Factums_0604
BCU_Factums_M0605
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Aurillac (15014)
Riom (63300)
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contestations de légitimité de mariages étrangers
Delzons
expédition d'Egypte
opinion publique
xénophobie
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Text
M E M O IR E
i
EN
R É P O N S E
Pour Ja c q u e s -Pier re -Mar ie -An n e
ancien Magistrat ;
t
En présence de
.
d ’ALBIAT,
.
C l a i r e - J o s ê p h i n e d 'A
L B I A T safille.
�A V E R T I S S E M E N T.
U n homme bien connu à R iom , a secrètement favorisé le
rapt. Mais il l’a h a u te m e n t improuvé , e n disant que c'était
une révolte contre l'autorité paternelle , une révolte contre
l’autorité maritale. C e t h o m m e m'a pressé de former oppo
sition au mariage de m a fille } . en me disant qu 'on trouverait
bien des m o y e n s de l 'empêclier ; que les actes de respect
p o u rra ie n t p ré se n te r quelques nullités et que dans tous les
cas on retard era it pour long-temps ce mariage , en ordonnant
une a ssem b lée de parens. Eh bien ce même homme qui
m’avait abusé d’une futile espérance., a sollicité contre moi
au moment du jugement. Quel machiavélisme ! quelle noire
perfidie ! Il ne me trompait que pour accabler une famille
entière avec plus d’éclat.
�M É M O I R E
E N
l a i r e - J o s é p h i n e d ’A
P eb
au mariage dosai-
au
d’A L B IA T ,
ancien Magistrat \
En présence de C
» ’ un
P O U R V (j(
R E P O N S E
Pour J a c q u e s - P i e r r e - M a r i e -A n n e
OPPOSITI/
L B I A T safille.
L ’art des ambitieux est de se rendre utiles ,
D e feindre des vertus jusqu’au fatal moment
O ù le projet du crim e éclate impunément.
Tragédie des Templiers.
U n Mémoire imprimé sous le nom de demoiselle Julie d’A lb iat, contre
son père , a été répandu à Riom sur l’appel , et distribué avec pro
fusion par un ancien facteur aux lettres , même à Clermont où l’affaire
n’était plus pendante.
*
L a D .IIe d’Albiat vient donc porter une main parricide sur le cœur
de son père ; elle vient l’affliger ; elle veut l’accabler. E lle renonce aux
égards qu’elle doit à toute une famille ; elle renonce à la tendresse
d ’un frère , âgé de 28 ans , qui s’est trouvé au poste d’honneur dans
les plaines d’Austerlitz ; elle lui adresse , pour prix de ses travaux
militaires , un Mémoire contre son père. L e premier jour de sa majorité
a été marqué par un acte de violence; elle réduit actuellement son
père à la dure nécessité de publier les motifs de l ’arrêt que l’opinion
publique a prononcé contre un mariage qui fera , tant quelle vivra, sa
honte et son désespoir.
Quelle est donc la fureur qui entraîne M . Dufreisse de Fontsalive, pour
porter la désolation dans une fam ille qu’il fréquente depuis trois an s,
contre la volonté d ’un père , d ’un ép o u x , contre la décence publique ?
A 2
T e n u
n
|1
de Cassation’]
�( 4 )
Il veut encore , suivant le Mémoire im prim é, qu'on lu i sache quelque
gré de chercher a s'allier à une fam ille• malheureuse ; et c’est M . de
Fontsalive qui y a porté le poison de la discorde, en fixant, après la mort
de sa mère , son domicile à la suite de l’appartement de la D.n,e et
de la D .lle d’Albiat , et en excitant une demande en séparation de
corps contre un époux dont il ravissait la fille.
Q u ’apporte-t-il donc de si précieux à ma famille ? la misère , les
infirmités , et un esprit de discorde.
Puis-je être flatté d’un mariage qui est contre nature , d’un mariage
que la conscience publique réprouve , d’un mariage qui est l'effet
d’un rapt , d’un mariage contraire aux maximes de l’Eglise qui
étaient scrupuleusement observées avant la révolution?.... M a fille a été
enlevée à ma surveillance sans aucun mofif quelconque , contre la dis
position précise de l ’art. 5o 3 du Code civil.
Ces mana°es n’ont jamais prospéré dans la ville de Clermont j un
des Conseils de cette affaire en fait la triste expenence.
O n prétend , dans le Memoire imprimé , que toute la fam ille de la
D.lle d'Albiat approuvait et encourageait les recherches de M . D ufreisse de Fontsalive ^ C ’est une insigne fausseté : toute la famille a
unanimement improuvé ce projet de mariage , et moi-même j’ai per
sévéré dans mon refus. L a D .,Ie d’Albiat a fait l’aveu, dans le premier
acte dit respectueux , que ce mariage était approuvé par une partie de
sa famille seulement ; parce qu’elle espérait alors que la famille de sa
mère approuverait ce mariage. Je consens que M . de M arlillac ( i ) ,
qu’on n’aurait pas dû citer , s’explique dans une assemblée de famille
ou d’amis : sa conscience pourra révéler toutes les causes qui peuvent
s’opposer a ce mariage.
O n me représente comme ne croyant pas qu’z7 fû t convenable de
donner ma j i lle à un émigré. Je ne me suis jamais arrêté à une
pareille absurdité , qui serait contraire ’à l'union qui doit exister entre
des hommes destinés à vivre en société. Je croyais qu’il n’y avait plus
d’émigrés en France. M . de Fontsalive veut encore paraître émigré , pour
renouveler sans doute des qualifications inverses. 11 m’apprend bien qu’il
est toujours émigré , puisqu’il m’a séparé de mon épouse. S’il veut rap
peler qu’il est toujours émigré, pourquoi se perm et-il de transgresser
des lois qu’il prétendait défendre ; ces lois qui fixaient la majorité à
2 5 ans ; ces lois qui défendaient le rapt ; ces lois d’honneur qui ne
( i ) M. «le M.n tillac est un ancien
p:ir les Suvuron.
de mu famille ; il descend d’une d’AIWat
�( 5)
permettaient pas à un homme délicat de porter le trouble dans une
fam ille, et de se placer entre deux époux ? Si je n’ai pas émigré , ma
position a été plus périlleuse que celle de M. de Fontsalive. J’ai été enve
loppé pendant quinze mois. Déjà plusieurs de mes co-dénoncés avaient
péri ; j’allais.ûtre mis hors de la loi : je cède aux instances de la
D .m"- d'Albiat qui m’engageait de me rendre à L}'on ; je sors de ma
retraite cachée , mais je sms arrêté à Thiers , et conduit dans les prisons
de Clermont. J’ai supporté les angoisses de la mort dans ma transla
tion de Clermont à Lyon-, et j ’y ai conservé mon courage. L a D .mü d’Albiat
le sait bien, puisqu’elle m’avait fait prévenir, mais trop tard , par deux
lettres, de ne pas m’exposer à venir à Lyon , parce que les Juges
disaient qu’ils me feraient guillotiner. Triste souvenir pour m oi, d’avoir
exposé ma vie pour conserver la fortune de la D .me d’A lb ia t , qui ne
retrouverait sa dot que sur le Grand-livre , et d ’être poursuivi par la
plus noire ingratitude ! C ’est M . de Fontsalive et ses associés qui pro
fitent du fruit de mes dangers.
L a D .1,e d’Albiat a l’inconvenance de publier que la dot de sa mère
est la seule ressource de ses frères et la sienne. Dieu le veuille !
La dame d’Albiat est entourée depuis long-temps de gens qui lui sou
tirent les capitaux de sa d o t , dont elle reço it, malgré nos conventions ,
le remboursement.
L a D .1!e d’A lb iat, qui mesure ses soins et ses égards* par la, fortune
de son père , sait bien que son père contribue annuellement pour une
somme de 200 fr. à la pension de son fils cadet, qui cependant n’est
plus à la charge de la D .me d’Albiat , et qui est placé au Lycée
de Moulins.
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père vit de ses revenus, et
qu’il possède des capitaux.
L a D .1!c d ’A lbiat sait bien que son père a- été dépouillé de ses
meubles sans indemnité ; que son père s’est libéré envers son cpouse
aussitôt qu’elle l’a voulu, parce qu’il 11’y avait dans ses affaires aucun
désordre , qu’il n’existait aucune inscription , que la dot n’était pas
en danger , que son père avait toujours satisfait aux charges du ménage,
suivant les registres de dépense tenus par sa mère.
L a D .llc d’Albiat sait bien que son père a perdu 4°jQoo fr. sur le
remboursement de sa charge dont le prix avait été porté à 5 1,200 fr.
L a D.lle d’Albiat sait bien que son père a reçu , en
1795 , de
3Y1. Daubusson , premier marguillier de la cathédrale , acquéreur d’un
bien dont il est toujours possesseur , un remboursement de .20,000 ir,
en assignats sans valeur.
’
�( 6)
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père a perdu 20,000 fr. sur la
vente de sa maison de la rue de la' T reille , par la baisse subite
des assignats.
La D .lle d’Albiat sait bien que son père a perdu plus de 20,000 ir.
par le séquestre de ses revenus , par les dépensai ..iaû|lculables du
voyage de Lyon , qui ont servi à sauver sa tete.
La D .Ue d’A lbiat sait bien que son père a perdu plus de 12,000 fr.
pour procès sacrifices et transactions avec sa mère.
L a D .lie d’Albiat sait bien que son père n’a cessé de payer pendant
le cours du mariage , aux dépens de ses capitaux , les cleLtes con
tractées par sa mère , dont la continuité lui apprendra un jour que la
présence d’un père est plus utile aux enfans que celle des étrangers.
L a D."e d’Albiat sait bien que son père a été plus d’une fois entraîné
à venir au secours de ses plus proches parons , pour des sommes con
sidérables.
Ta n lie rl’Albiat sait bien que son père a trop souvent é té forcé
de fuir tes da n gers q u i le menaçaient.
L a D .lle d’Albiat sait bien que son père ne voulait pas mobiliser
sa fortune ; qu’il a long-temps et inutilement fait proposer à sa mère
de prendre la maison de l’Eclache.
L a D.'ie d’Albiat dit que.«/ tnère a dirige son éducation. Est-ce à cette
éducation qu’il faut attribuer la publicité de son Mémoire contre son père ,
où elle rend compte au pu blic, par un imprimé , des événemens de sa
famille? Elle est dominée par M . Dufreisse de Fontsalive, qui, étranger à
ma famille et à mon nom , ne l’entraîne que pour l’accomplissement de
ses desseins-criminels.
U n sentiment de modération m’empêche de relever la lettre menson
gère , placée au bas du Mémoire imprimé et signé de la D.Ue d’Albiat.
L a D.ll° d’A lbiat prétend qu’o/z n'a jam ais dit pour elle à l'audience
de C lerm on t, que son mariage fu t projeté il y a trois a n s, entre e lle ,
sa mère, M . D ufreisse, de l'agrément de 3J r Dufreisse de F ern iu es{i)
mère et à l ’insu du sieur d'A lbiat ; et elle a la témérité de reprocher
aux J u pc s de Clermont d'avoir motivé leur jugem ent sur un fait faux.
E lle enveloppe par conséquent son père dans une pareille inculpation.
Je réponds que la déclaration en a été faite à l’audience de Clermont
par le défenseur de la D .1,e d’A lb ia t, en présence de plus de trois
cents personnes ; c ’est sur ma demande formée à l’audience , qu’il en
( 1 ) L a D.11« il’Alhiat <|iii , dans le premier acte dit respoctueux , a l’incon
venance d’appcier sa mèro la dame Dupuy, 11e se permet pus d’appeler madame
de Y c rn in cs du nom de la dame ¡loyer.
�C7 )
a été fait mention dans le jugement. L ’avoué de la D .lle Albiat n ’a
fait aucune réclamation contre cette insertion pendant les quatre audiences
données à cette affaire. L a foi doit donc être ajoutée à un jugement
aussi authentique ; c’est donc une injure atroce qui méritait toute la
répré]^y^ y ^JBfl^Justice , lorsque j’ai demandé en la Cour d’appel la
suppression curM em oire.
On dit que la naissance et les conditions ètaient a-peu-près les mêmes.
E h ! qu’imporle que la naissance et les conditions soient à-peu-près les
mêmes, lorsqu’on veut en détruire la filiation dans ma personne ? M es
titres sont les vertus domestiques et civiles qui se sont perpétuées dans
ma famille d âge en âge , et que mon fils , officier d’artillerie au ser
vice de l’Empereur , observe à l’exemple de son père. Une honnête
médiocrité a soutenu depuis un temps immémorial ma famille ; la
probité a toujours été son plus bel héritage : des coteries ne proté
geaient pas alors les tiers qui s’introduisent dans les familles pour les
dévaster.
L ’antiquité de mon nom est attestée dans les Voyages d’Anacharsis en
Grèce.
Guillaume d’Albiat présidait en l ’an 1 100 le Conseil des habitans de la
ville de M ontferrant, lorsque les religieux de la Chaise - Dieu et de
Souseillange vinrent y fonder le prieuré de St-Robert (i). Je nie per
mettrai d ’ajouter que l’Auvergne compte parmi ses hommes célèbres
un Laurent d’A lb ia t, évêque de T u lle en 1060 (2) , un Acart d’A lbiat,
conseiller au parlement en 1 4 8 7 ( 3 ) ; que mes armes étaient peintes ,
dans l ’Eglise principale de M ontferrant, sur les vitres de la chapelle dite
de toute ancienneté des d’A lb ia t ( 4 ) . M ichel Albiat , député en
i 5 io aux Etats de la Prqvince , fut un des commissaires choisis pour
la rédaction de la Coutume d’Auvergne. U n de mes pères était pro
cureur-général en la Cour des Aides en i 585.
J'ai la douce satisfaction de penser que le sang des Marillac n’a
pas dédaigné de se mêler avec celui de mes ancêtres ; que mon père
a été l ’heritier des Pascal, et que je suis d’une famille q u i a donné
une mère au célèbre Savaron, député de la Province aux Etats-généraux
tenus en 1614.
Je pourrais encore rappeler les longs services rendus dans la magis
trature par M M . Barbat-Duclozel père et fils , mon ^rand-père et mon
oncle maternels. O11 conservera long-temps la mémoire des travaux
de M M . Chabrol, l ’un mon bisaïeul, et l’autre mon grand-oncle ma( 0 V o y e z Baluzc.
(2) V o y e z le Commentaire de la Coutume d ’Auvergne , à l ’article Monlferrant.
( ) V o y e z ï f l i s t o i r e d ’A u v e r ç n c , par M. Audigier.
5
(/1) Expressions des anciens litres de cette Eglise , datés de i
56o.
�(8)
ternels , magistrats célèbres ; du savant Basmaison , qui est de la
me famille , et de M . Prohet, mon arrière-grand-oncle , jurisconsulte
d i i gué par ses ouvrages.
J’ai été chargé en l’an 4 , conjointement avec M . de Biauzat , par
la commune de Clermont (1) , de l ’honorable, W JSk& iÉ ÍSíÉ ** com
mission de solliciter auprès du Corps législatif, en i a v e iir d e la ville de
Clerm ont, contre la ville de Riom , pour le placement du Tribunal de
département. Il n’en fallait pas tant pour attirer sur moi le mécontentement
d’une ville que l’esprit de parti a excité. L a défaveur inspire la pré
vention ; et lorsqu’il y a préveution , l’opprimé reste sans protection,
l ’oppresseur seul triomphe. O n ne sera plus étonné si la justice de la
Cour d’appel de Riom a été surprise et trompée.
J’ai gagné tous mes procès à Clerm ont, j ai perdu tous mes procès
à Riom. ° O n est bien excusable de laisser échapper quelques plaintes
sur les erreurs de la Justice , lorsquon se croit victime.
( 1 ) Administration municipale de Clermont-Ferrant , chef-lieu du département
<Ju P u y-d e-D ô m e .
,
_
Séance du
nivôse , an 4 de la république irançaise une et indivisible.
V u le r a p p o r t du Commissaire du D irectoire cxécutil,sur la nécessité de présenter
au Corps législatif des observations essentielles sur le placement du T r ib u n a l
civil du D ép a r tem e n t;
L es Administrateurs m u n ic ip a u x , considérant que le placement de ce T r ib u n a l
dans la commune de Uioin , est un des principaux objets qui doivent fixer leur
atten tio n , en ce que cet établissement nuit considérablement aux intérêts des
administrés , qui se voient forcés d ’aller chercher au loin et à grands frais , la justice
q u ’ils sont dans le cas de réclamer ;
Considérant qu’il est dans l'esprit de la Constitution de rapprocher les justi
ciables de leurs juges , et que le placement du T r ib u n a l à liiom opère tout le
contraire ;
Considérant que l'intérêt général du D épartem ent demande ce changement ;
que non-seulement les Communes de ce D é p a r te m e n t, mais encore celles des D ép aiv
temens voisins ont manifesté leurs vœ ux à cet égard , sous le rapport bien vrai que
la commune de Clermont est le point central de toutes les relations ;
?.5
C o n s id é r a n t que la s u p p ressio n des n o m b r e u x éla b lissem ens q m s 'y t r o u v a i e n t ,
r i les trénéreux sacrifices q u ’o nt faits les habitan s de ce tte c o m m u n e , les o nt p r iv é s
de leurs ressources ;
C o n s id é r a n t enfin , que le Corps législatif va s occuper définitivement du placement
des T r i b u n a u x c ivils; q u ’il est important d’a v o ir a u p rè s du Gouvernement, des Com jnissaires qui p u i s s e n t faire valoir les différons niclifs qui sont en faveur de la comjnunc de Clermont ;
.
O n t nommé le citoyen Al]jiat commissaire pour se rendre à Paris dans le plus
court délai , afin de solliciter auprès du Corps législatif l’établissement du T r ib u n a l
civ il dans cette CammiNie ; invitent par ces présentes le cit. Biauzat , commissaire
près du T rib u n al de police correctionnelle a Paris , à se joindre au citoyen Albiat
pour agir conjointement avec lui par tous les moyens que pourront leur suggérer
leurs lumières, pour parvenir à obtenir ce changement; les autorisent a se présenter
par-tout ou ils jugeront convenable pour remplir ayee succès lu commission dont ils
ïo n t chargés. Fait et arrêté lesdits jour et an.
Demando
�( 9 )
Demande en séparation de biens.
Jugement de Clerm ont-Ferrant,
au 37 nivôse an 1 o. Présidence
de M . Domat.
Attendu le rapport fait par le cit.
d ’A lbiat de la radiation des ins
criptions faites sur lui par Pierre
Iliberolle et Françoise Carriat son
épouse , le 19 germinal an 7 ; par
Marie Grillon , le i 5 du même
mois ; Gervais Démanèches, le 28
dudit mois; par Joseph Daubusson,
le i . er floréal même année; par le
cit. Tabarrier , receveur du do
maine national, au nom de la Répu
blique , le 8 dudit mois de floréal
et 19 floréal an 7 ; par Antoine
C h alteix,le 27 floréal même année;
par M ichel Barbat-Duclozel, le 21
prairial suivant ; par Herbuer-Laroclie , le 1 3 nivôse an 8 ; et par
JeanDufournel, le 9 nivôse dernier:
Attendu qu’il résulte de l’acte du
1 ,er nivôse dernier, reçu D artois,
notaire , que les inscriptions faites
par Antoine G ay , Jérôme Astier
et Etienne Langlois, les 7 ventôse,
16 germinal an 7 , 5 et 22 floréal
an 8, pour la somme de 57,096 fr.,
n’ont eu réellement et uniquement
pour objet que la créance de 12,000
francs en capital , porté par traité
du 2 x ventôse an 7 ; qu’il résulte
au ssi, tant de l’acte dudit jour
1 .er nivôse, que des autres pièces
produites par le cit. d’A lbiat, qu’il
ne reste d é b ite u r à cet égard que
de la somme de 770 francs ( 1 ) ,
payables dans un au :
( r ) Celfe créance est sold ée, et ¡’ins
cription csL actuellement rayée.
D eu x jugem ens du Tribunal d'ap
p el de Pùom , des 22 pluviôse
et 2 floréal an 1 1. P résidence
de M . Piedon.
Prem ier Jugement par défaut, du
22 pluviôse an 11.
Attendu ce qui résulte de l’en
quête , et particulièrement des
preuves littérales , et notamment
des lettres écrites par le cit. d’Albiat
à sa fem m e, et des aveux qu’il y
fait du dérangement total de ses
affaires et de l’état de détresse où
il est; le T ribunal, par jugement
en dernier ressort , donne défaut
faute de plaider , contre l ’intim é,
ni avoué pour lui; et pour le profit,
dit qu’il a été mal jugé par le ju
gement dont est appel, bien appelé ;
emendant, et faisant ce que les pre
miers juges auraient dû faire, or
donne que l’appelante demeurera
séparée, quant aux biens , d’avec
l’intimé son mari , pour par elle
jouir à part et séparément desdits
biens, à la charge néanmoins de
nourrir et entretenir son mari et
leurs enfans, suivant ses facu ltés ;
condamne en conséquence l ’intime
à rendre et restituer à l’appelante
la somme de 67,000 fr. à elle cons
tituée en dot par son contrat de
mariage du 5i décembre 1776, en
semble les intérêts de ladite somme,
à compter du jugement du 26 plu
viôse an 9 ; et sans s’arrêter à ^a
demande judiciaire formée par l ’ap
pelante , pour laquelle elle se pour
voira ainsi qu’elle avisera, l ’autorise
à retirer ses nippes, linges et bardes >
B
�( io )
S u ite du Jugement de Clerm ont,
S u ite du Jugement de Ilioni.
Attendu que l ’inscription faite
ainsi que ses dorures, dans l’état où
par Jeanne Poisson, le i 5 ventôse
tout se trouvera actuellement, aux
an 7 , n’a eu lieu que pour sûreté
termes de son contrat de mariage
d’une pension viagère de 2 5 francs
dudit jour 81 décembre 17 7 6 ; lui
qui se trouve éteinte par son décès:
réserve son action pour ses droits
Attendu que par l’e ffe t, soit des
éventuels, pour l’exercer le cas arri
radiations d’inscriptions et actes
vant ; et condamne l ’intimé aux
ci-dessus énonces , soit de l ’ins
dépens tant des causes principale
cription faite par la cit. d ’Albiat le
que d’appel. Fait et prononcé, etc.
27 prairial an 7 , soit de la stipu
le 22 pluviôse an 11.
lation d ’emploi du prix de la vente
qu’a faite le cit. d’Albiat de ses biens
M o tifs et d isp o sitif du second
de Cornon, la dot de la cit. d’Albiat
Jugement contradictoire du T ri
se
trouve pleinement assurée :
bunal d'appel séant a Riom , le
Attendu que la cit. d’A lb ia t, en
2 jlo rèa l an 11.
restreignant son inscription du 27
L e T r i b u n a l , par jugement en
prairial an 7 , sur les biens de son
dernier ressort, persistant dans le
mari situés à Cornon et à R o y a t,
m otif exprimé au jugement par
quoiqu’il fut propriétaire de maison,
défaut, dudit jour 22 pluviôse an
enclos et jardin sis à Clerm ont,
11 , et qui est ainsi conçu: Attendu
a , par cela , reconnu que lesdits
ce qui résulte de l ’enquête, et par
biens de Cornon et de Royat étaient
ticulièrement des preuves littérales,
suffisans pour répondre tant de sa
et notamment des lettres écrites par
dot que de ses reprises éventuelles :
le cit. d’Albiat à sa femme , et des
Attendu qu’il est établi que le
aveux qu’il y fait du dérangement
cit. d’Albiat 11'a cessé de fournir
total de ses affaires et de l’état de
convenablement au besoin de son
détresse où il est, déboute la partie
épouse et de leurs enfans , et que
de T a rd if de son opposition audit
l ’état de ses affaires lui assure
jugement j ordonne en conséquence
des ressources suffisantes pour porter
qu’il sera exécuté suivant sa forme
les charges du mariage
et teneur, et condamne ladite partie
L cT rib u n al, après en avoir déli
deT ardif aux dépens faits sur ladite
béré , faisant droit aux parties , et
opposition. Fait et pronpncé, elc.
sans s’arrêter à l’enquêle du 26
pluviôse an g , reçoit le cit.d’Albiat
opposant au jugement dudit jour
2G pluviôse an y , remet en consé
quence les parties au même et sem
blable état où elles étaient avant
ledit jugement ; ce faisant, déboute
la cil. d’Albiat de sa demande en
séparation de biens. Sur le surplus,
�( II )
Suite du Jugement de Clermont.
des demandes, fins et conclusions,
met les parties hors de procè3 ;
condamne la citoyenne d’Albiat aux
dépens. Prononcé à l’ai}dience, etc.
le 27 nivôse an 10.
Le Jugement de Riom reconnaît tacitement que la dot n’était pas
en danger; que le sieur d’Albiat avait fourni convenablement aux charges
du ménage : ce Jugement est seulement motivé sur un prétendu désordre.
L e contraire est prouvé d’après les motifs exprimés au jugement de
Clermont ; le contraire est prouvé d’après les actes d’offres que j’ai
fait faire à la dame d’Albiat le 16 fructidor an 11 ; et enfin, d’après
la délivrance que j’ai faite à la dame d’A lb ia t, pour l ’entier payement
de sa d o t, de créances privilégiées, suivant la transaction du 1 o nivôse
an 12. Quant à la détresse, on ne pouvait me l’imputer , puisque la
dame d ’Albiat m’avait ôté tous les moyens de vivre et de me défendre,
en faisant saisir tous mes revenus échus.
L e contraire est encore prouvé , puisque je contribue, suivant la
transaction du 10 nivôse an 12, pour une somme de 200 francs par
a n , à l’entretien de mon fils cadet placé au L ycée de Moulins.
L’usage que la dame d’Albiat a fait de ce jugem ent, a été de quitter
la maison de son mari et d’aller habiter dans la maison Fougliasse.
Demande en séparation de corps, au nom de la dame d’A lb ia t,
dgée de 5o ans.
Demande provisoire du sieur d’A lb ia t, pour que les enfans soient
mis en dépôt dans des maisons d’éducation, attendu que la
maison qu’occupait la dame d’A lbiat était habitée par des
célibataires.
Jlt gement
de Clermont-Ferrant
du 5 thermidor an 12. Présidence
de M . Uomat.
Arrêt de la Cour d'appel de Riom ,
du 12 fructidor an 12. P rési
dence de 31- Redon.
Attendu que d’après l’art. 267
du nouveau Code , l’administration
provisoire des enfans reste au mari
pendant la poursuite de la demande
en divorce, et que la disposition
Attendu que Claire - Joséphine
d’Albiat est âgée de près de vingt
ans, étant née le 22 décembre 1784;
A ttendu , quant au fils , les té
moignages des soins et de la bonne
B 2
�( I
Suite de VArrêt de la Cour de Riom.
éducation qu’il a reçus depuis qu’il
est sous la direction de sa mère;
Attendu aussi qu’il est de l’intérêt
et des époux et de leurs enfans,
que ceux-ci continuent de résider
à la compagnie de leur mère jusqu’à
la définition de l’instance en sépa
ration pendante entre les époux ,
et que les raisons de sage économie,
comme de saine morale,se réunissent
pour la continuité de cette résidence;
Attendu que l ’ouverture des va
cances, et les raisons de croire que
la cause en séparation sera promp
tement terminée par voie de juge
ment , ou d ’esp érer qu’elle le sera
par voie de conciliation, seraient
un nouvel et légitime obstacle a ce
que l’état des choses fût provisoi
rement changé ;
Attendu enfin ce qui résulte de
l ’art. 14 du traité passé entre les
parties le 1o floréal an 1o :
L a Cour dit qu’il a été mal jug^
par le Jugement rendu au Tribunal
civil de Clermont, le 5 thermidor
dernier , en ce qu’il a été ordonné
que les deux enfans des parties seront
p la cés dans des maisons d’éducation;
bien appelé : ordonne qu'à cet égard
ledit Ju«einent demeurera sans effet;
émendant , que Claire - Joséphine
d’Albiat et Pierre-Hubert d’Albiat
continueront de résider à la com
pagnie d’Antoinette Dupuy leur
mère , jusqu’à la définition de 1ins
tance en séparation de corps qui est
pendante entre les parties devant
les juges dont est appel, et d y re
cevoir l’éducation que leur mer«
leur a fournie jusqu’à présent ; à la
)
Suite du Jugement de Clermont.
de cet article est applicable à la
demande en séparation de corps ;
Attendu que le sieur d’Albiat 11e
renonce au droit que lui confère
cet article, que sous la condition
que ses enfans seront placés dans
des maison d’éducation ;
Attendu qu’il peut être avan
tageux aux enfans d’être placés dan3
des maisons d’éducation , et que
d’ailleurs ce moyen assure à 1 une
et à l’autre des parties la surveil
lance de l’entretien et de l’éducation
de leurs enfans ;
Attendu que d’après l’art. 3o 3 du
même C o d e, les père et mère doi
vent contribuer à la dépense de
leurs enfans dans la proportion de
leurs facultés ;
Attendu que par le jugement qui
a prononcé la séparation de biens
d’entre les parties, la dame d’Albiat
a été chargée de la nourriture, en
tretien et éducation des enfans, et
que néanmoins , par un traité pos
térieur , le sieur d’Â lbiat s’est engagé
à contribuer à la dépense des enfans
pour une somme de 200 fr. chaque
année :
Le Tribunal autorise la dame
d’Albiat à continuer à faire sa de
meure dans la maison de la dame
veuve Foughasse où elle s’est retirée
et réside actuellement, avec dé
fense: au sieur d’Albiat de l’y trou
bler , aux peines de droit
Ordonne que Claire d'Albiat et
Pierre-Hubert d A l b i a t , enfans des
parties , seront placés, dans la hui
taine de la signification du présent
Jugement à personne ou domicile,,
�( 13 )
Suite du Jugement de Clennont.
savoir , Claire d’Albiat dans la
maison d’éducation de la «Jame
Gastau, institutrice à Clermont; et
Pierre-Hubert d ’Albiat en l’école
secondaire de la ville de lliom. Or
donne que le sieur d A lb iat contri
buera aiu frais des pensions desdits
deux eufans , à raison de 200 francs
par a n , et que ladite dame d A lb iat
contribuera pour l’excédant desdites
dépenses. Joint le surplus des de
mandes des parties au fonds , sur
lequel les parties1procéderont en la
manière ordinaire : dépens réservés.
Sut te de l'A rrêt d elà Cour de Riom.
charge par ladite D u p u y, suivant
ses offres, d envoyer, à toutes réqui
sitions de d A lb ia t son mari, leurs
enfans dans la maison de la dame
Chabrol- 1 ronet , cjue la Cour in
dique pour les visites que les enfans
devront'à leur père , toutes les fois
qu’il l’exigera. Réserve les dépens,
même Je coiit du présent A rrêt, sur
tout quoi il sera statué en définitif;
et ordonne que l ’amende sera ren
due.
C ’est sous l’enveloppe de cet arrêt,-que la Dlle. d’A lbiat, encore mi
neure , a resté sous l’influence de M . Dufreisse de Fontsalive, malgré
l ’assentiment des premiers juges ,* malgré l’opposition du père de famille.
C ’est avec cette batterie menaçante qu'un j ère a été dépouillé du droit
de, surveiller l’éducation de ses enfans. Cet arrêt est contraire à l’art. 5o 3
du Code civil. L e sieur d A lb ia t 11e pourrait pas contraindre son fils
cadet, âgé de douze ans, de venir lui relidre visite chez lui. Les événcmens "11’ont que trop justifié la sage prévoyance du sieur d ’Albiat à
l'égard de sa fille.
.td.
L a Dlle. d A lb ia t a fait à_son père,Tfaimoinent de sa m ajorité, trois
actes dits respectueux, les 26. ..décembre i8 o 5 , 2y janvier et 4 ’ mars
1806.
O p p osition
à* '
sieur cFÜ lbial au ,m ariage de sa fille .
D em a n d e en m ain-lei’ée d'opposition d e'la p a rt de la D lle . d’A lb ia t.
Conclusions écrites, du sieur d ’A lZ ia t, devant les premiers Juges.
« ,Mes conclusions so n t, à ce qu’il vous plaise recevoir ledit sieur
d A lb ia t, en sa qualité de père, opposant au mariage de Claire-Joséplnne
d’Albiat sa fille/avec le;sieur Joseph-Guillaume Dufreisse de Fontsalive :
faisant droit sur ladite opposition et y ayant égard;
» Attendu que les actes des 5 nivôse, an 14» 5 janvier et 4 mars
derniers , 11 ont aucuns qaractères d’autlienticité , comme ayant été eu
partie rédigés d’avance et par une écriture 'étrangère à celle du notaire,
�( i4 )
'et qu’ils 110 peuvent en conséquence attester la volonté libre de la
Dlle. d'Albiat : Attendu que les actes des 5 nivôse et 29 janvier
derniers ne font aucune mention de la demande que devait faire la
Dlle. d’Albiat du conseil de son père, et que ladite Dlle. d’Albiat a
contrevenu à l ’art. i 5 i du Code civilj et à votre ordonnance du 3 nivôse
dernier :
» A ttendu que les actes des 5 nivôse, 29 janvier et 4 mars derniers,
ne sont pas respectueux, et qu’ils ne contiennent que des protestations
ou renonciations de la Dlle. d’Albiat aux conseils de son père, pour
s’en tenir aux conseils de sa m ère, qu’elle appelle seulement du nom
derla dame Dupuy sa mère :
'¡f^dtteiulu que ces actes prouvent que la Dlle. d A lbiat est subjuguée
et quelle n’a pas une volonté libre ;
» Ordonner que lesdits actes seront déclarés nuls et de nul e ffet, et
comme tels re je té s ; et cependant que l’opposition sera maintenue.
» Et
et
dans
le cas où vous ne prononceriez pas la nullité desdits actes,,
préjudices quelconques •
sans aucuns
» Attendu que, suivant l’intention du Législateur exprimée dans le rapport
fait au nom du Gouvernement par M . Portalis, les pères ont le droit
de veiller'Sur l’intérêt de leurs enfans , même majeurs , pour les empêcher
de se précipiter dans des en^igemens honteux ou inconsidérés ; et que
l ’opposition d’un père doit eqpÔrc .être adm ise, suivant la pensée de M .
Portalis, pour ne pas favojiïér le jeu des passions et la licence des
mœurs :
» Attendu que l’arrêt du 11 fructidor an u . , motivé sur des raisons
de sage économie et de saine m orale, a ordonriJlque la Dlle. d’Albiat
co n tin u era it de résider à la compagnie de sa m è ra k o u r y recevoir l’édu
cation qu’elle lui avait fournie jusqu’à p r é s e n t .
» Attendu que le sieurJosepTï-Guillaume Dufreisse deFontsalive, malgré
la modicité de ses fa c u lt é s , a conservé pour lui seul , depuis le mois
de prairial an 12 , l’appartement que la dame Dufreisse de Vernines sa*
mère occupait avan t sa mort dans la maison Foughasse avec ses autres
enfans ; qu’il en a éloigné ses frères : Attendu qu’il habite sous le même
toit et à la suite de l’appartement qu’occupe la Dlle. d’Albiat avec sa
mère : Attendu que par ses intrigues il a entretenu la division entre
les sieur et dame d’A lb ia t, pour rester seul dans ladite maison , se dé
barrasser de la surveillance du père de familla , se rendre maître de la
famille > et tromper ladite Dlle. d Albiat ;
�( i5 )
» Attendu que la décence et l’honnêteté publique ne^lui permettaient
pas de fréquenter l’habitation où la Dlle. d’Albiat avait été mise en
dépôt par autorité de justice ; suivant la disposition des arrêts, et les
maximes établies par M . l’avocat-général Gilbert de Voisins, portant la
parole lors d’un arrêt du 8 mai 1742 :
» Attendu que ledit sieur Dufreisse n’a pas respecté l’asile de la famille,
contre la volonté du père exprimée publiquement à votre audience du
5 thermidor an 12 ; et que par une violation manifeste audit arrêt du
11 fructidor an 12 , il a interrompu l ’éducation que la dame d'Albiat
devait donner à sa fille :
» A ttendu que ledit sieur Dufreisse de Fontsalive a quarante-trois
ans dix mois et vingt-un jours , et qu’il est notoirement valétudinaire,,
et sujet à des maladies d’étisie et d’humeurs de poitrine : Attendu qu’il
n’a ni bien, ni fortune certaine, ni état, ni talent, ni force pour s’en
procurer , ni aucuns moyens d’existence ; et attendu que ladite D lle.
d’Albiat est âgée de vingt-un ans quatre mois.et neuf jours, et qu’il y a .
une différence d’âge de vingt-deux ans et six mois ; et que la D lle.
d ’Albiat a l’assurance d’une portion héréditaire avec ses deux frères ,
dans une fortune réelle de 162,000 fr. Attendu que ledit sieur Dufreisse
de Fontsalive exerce un empire absolu sur l ’esprit de la Dlle. d’A lbiat
qui ne peut avoir une volonté libre : Attendu que depuis 1 âge de la
minorité de la Dlle. d’A lb ia t, il a abusé de son inexpérience, et qu’il
exprimée du Législateur n’a pas. été de favoriser le jeu des passions et
la licence des mœurs ; faire défenses de passer outre audit mariage. »
Jugement de Clerm ont-Fcrrant,
du i.er mai 1806. F résidence
de M . Domal.
Ouï M . Cotlion, juge suppléant,
en ses conclusions. En ce qui touche
la validité des actes de la fille
d ’Albiat à son père ;
Attendu qut^ conseil et consen
tement ont une acception diffé
rente ; que d’après l’article i5 i du
Code civil, la fille d'Albiat devait
demander par un acte respectueux
Arrêt de la Cour d'appel de R ion i,
du 1 1 juin 1806. Présidence de
- M . Redon.
T a rd if, avoué de l'intimé ( le
sieur d'Albiat ) , conclut à ce qu’il
plût à la Cour, par les mêmes motifs
exprimés au Jugement dont est ap
pel , dire qu’il a été bien jugé par
ledit Jugement, mal et sans.cause
appelle ; ordonner que ce dont est
appel sortira son plein et entier effet,
sans dépens.
�(
16
S u ite de UArrêt delà Cour de Riom.
‘H conclut en outre à la suppres
sion du Mémoire distribué de la
part de l’appelante.
L e sieur d'Albiat père plaida
ensuite lui - même ses différens
moyens de défense.
L a Cour continua la cause à cette
audience pour entendre M . le Sub
stitut du Procureur-général.
L a cause de nouveau appelée à
cette audience , M . le Substitut du
Procureur-général a pris la parole,
et après avoir rappelé les moyens
respectifs des parties, il a conclu a
ce qu’il fût dit qu’il a été mal juge
par le jugement dont est appel, bien
appelé ; ém endant, qu’il fut fait
main-levée de l’opposition formée
par l’intimé , et qu’il fût ordonné
qu’il serait passé outre à la célé
bration du mariage dont il s’agit.
Attendu que la partie de Ji^ie
a satisfait à ce qu’exige la Iquipar
les trois actes respectueux dcsjÿ ni
v ô s e an 1 4 , 29 janvier et 4, mars
derniers , et que ces actes sont ré
gulièrement et légalement faits ;
A tten d u l’insuffisance destînotifs
de l ’opposition du père :
La Cour met l’appellation et ce
dont est appel au néant ; émendant,
sans s’arrêter à la demande en nul
lité , formée par d’Albiat p è re , des
actes respectueux de sa fille , ni a
l’opposition qu’il a formée à son
mariage, dont il est fait main-levee ;
ordonne qu’il pourra être passé^outre
à la célébration d u mariage dedaireJoséphine d’Albiat avec JosephGuillaume Dufreisse l'ontsalive. Sur
)
Suite du Jugement de Clermont.
et formel, le conseil de son père;
que dans des actes de cette nature
tout doit s’observer à la lettre ;
Q ue la volonté du Législateur ne
peut se trouver que dans la loi
même, et non dans les discussions
qui l’ont préparée ;
Q ue les termes employés par le
Législateur pour exprimer sa vo
lonté , sont sacramentels, et ne"
peuvent être^prisque dans leur sens
et leur acception véritable :
Attendu que dans les actes des
5 nivôse an 14 et 29 janvier 1806,
la fille d’Albiat a requis le consen
tement et non le conseil de son
père ; que dans l’acte du 4 mars
liîoG, elle a elle-même reconnu
qu’elle n’avait pas rempli le vœu
de la loi dans les deux précédons,
et que pour la première fois elle
a demandé le conseil de son père ;
mais que par ce dernier elle n’a pu
effacer le vice des deux premiers ;
Attendu que toutes les nations
ont révéré la puissance paternelle ,
et qu’elle s’étend à tous les âges ;
Que ce serait faire injure au
Législateur,que de penser qu’il n’a
voulu imposer à l’enfant qui veut
contracter un mariage désagréable
à l ’auteur de ses jours , d’autro
condition que celle d’une vaine
formalité, sans exprimer le respect
et les sentimens de piété filiale qu’il
doit à son père , pour obtenir un
conseil sur lequel l’enfant ne doit
avoir pris de détermination qu’après
que le temps des épreuves est ex
piré ;
A tten d e
�( *7 )
Suite du Jugement de Clermont.
Alteudu que les trois actes de la
fille d’A lbiat ne sont de sa part
qu’une déclaration de la ferme ré
solution qu’elle a prise et dans
laquelle elle persévère , et qu’elle y
annonce à son père que la loi l’oblige
de recourir à son consentement,
mais qu’elle s’inquiète peu de sa
volonté et de son avis, et que sa
démarche n’a d’autre but que de
remplir la formalité que la loi lui
commande ;
Q ue les actes de la Dlle. d’A lb ia t,
qui ne doivent être que l ’image de
la soumission et de la déférence que
l ’enfant doit à son père, n'ont mar
qué au père que la volonté d’un tiers
dans une rédaction anticipée et faite
hors la présence du père;
Que ces actes sont donc, sous tous
les rapports , irrévéfentiels et non
respectueux.
En ce qui touche l’opposition de
d’Albiat père :
Attendu que l’essence du mariage
consiste dans le consentement mu
tuel des époux ;
Q ue le mineur ne peut avoir un
consentement libre et éclairé ;
Q u ’il résulte de kvdéclaration
faite à l’audience parMcNdéfenscur
de la fille d’A lb ia t, et dont le T r i
bunal a donné acte par jugement
du jour d’hier, que son mariage avec
Duireisse-Fontsalive avait été pro
jeté il y a trois ans entre sa mère ,
ledit Dufreisse et e lle , de l’agrément
de la mère Dufreisse alors vivante ,
à l’insu et sans aucune communi
cation à d ’Albiat père ;
Suite de Varrêt de la CourdeRiom.
le surplus des demandes , met les
parties hors de Cour , sans dépens ;
et ordonne que l ’amende, si elle a
été consignée, sera rendue.
C
�18 )
Q ue la fille d’Albiat était alors
mineure , qu’elle n’avait point de
volonté libre et éclairée;
Que son consentement ne pouvait
être que l’effet de la captation;
Q ue cette captation s’est dévoilée
à la première heure de la majorité
de la fille d’Albiat , par les actes
qu’elle a fait faire à son père :
L e T rib u n al, après en avoir déli
béré en la chambre du Conseil ,
et avoir repris sa séance , déclare
les trois actes des 5 nivôse an 14 ,
29 janvier et 4 mars 1806, nuls et
irrespectueux; maintient l’opposition
faite par d’Albiat au mariage de sa
fille avec Dufreisse-Fontsahve ; dé
boute la fille d’Albiat de sa demande
en main-levée de ladite opposition:
sans dépens.
Cet arrêt est contraire aux articles 1 51 et 1 52 du Code c iv il, qui
exigent que, si le père refuse son consentement * l’enfant demande.le
conseil de son père , et qui veut que l’acte soit respectueux. Cet arrêt
est contraire à l’art. 154, qui porte qu’il sera dressé procès-verbal; tandis
que la ; rédaction de partie desdits acte 3 étant faite d’avance par-'une
écriture étrangère à celle du notaire , et hors la présence du père, n’a
exprimé que la volonté d’un tiers et non celle de la Dlle. d’Albiat. L a
Cour fie Bordeaux m’eût fait gagner mon procès ; la Cour de Riom me
1, ç-y nprdre dans des circonstances bien plus graves. ( Voyez l’arrêt de
Bordeaux du
fructidor an i 3 , cité page
•)
Cet arrêt est encore contraire" b. la loi du 24 août 1790.
Les Juges de la Cour d’appel ne devaient prononcer que sur le
bien ou le mal jugé des premiers Juges. O r , les premiers Juges n’avaient
prononcé que sur la nullité des actes prétendus respectueux ; ils n’avaient
pas statué sur les motifs d’empêchement au mariage, parce que le sieur
d’Albiat avait formé son opposition au mariage de sa fille , d’abord sur
la nullité des actes, et il avait demande par des conclusions précises
ci-dessus rapportées, q u il ne lût statué sur la défense de passer outre
au mariage, que dans le cas où les Juges ne prononceraient pas la nullité
des actes. Les causes d’opposition du sieur d'Albiat étaient bien distinctes.
�La Cour d’appel de Riom devait se borner à prononcer sur la nullité
des actes , et elle devait renvoyer devant les premiers Juges pour statuer
sur les causes d’opposition concernant l’empêchement au mariage, attendu
que les premiers Juges n’y avaient pas statué. L a Cour d’appel de
Riom s’est donc transformée en Tribunal de première instance.
Les conclusions prises parle sieurd’A lbiaten la Cour d’appel, tendaient
seulement à ordonner la confirmation du Jugement dont était appel.
J ’ai formé le ?.5 juin une nouvelle opposition au mariage de ma fille,
notifiée à la M airie et à ma fille , attendu que la loi me défère le droit
de me pourvoir au Tribunal de cassation. La Cour d’appel de Riom en
a ordonné la main-levée par arrêt du 27 juin 1806 , rendu à l’audience
sur requête qui ne m’a pas été signifiée. La Cour d’appel de Riom
n’était pas compétente pour statuer sur cette nouvelle opposition ; ses
pouvoirs étaient finis. E lle m’a privé du droit de recourir en la Cour
de cassation; elle ne pouvait m’en priver sans m’entendre ; elle aurait
dù au moins en référer à la. Cour de cassation.
sieur d’Albiat a fait prononcer par le Tribunal le Clermontférrant sur la demande en séparation de corps.
Jugement de Clerm ont-Ferrant, du 1 7 fév rier 1806. Présidence de
B'L Domal.
« La cause en cet état a été appelée à l’audience de ce jour.
» L ’avoué de la demanderesse , présent, 11’a pris aucunes conclusions,
et aucun avocat ne s’est présenté pour plaider. Alors M..e V id a l, avoué
du défendeur, a conclu au débouté de la demande.
» Y a-t-il lieu à accueillir ces conclusions l
» Attendu le principe, que tout demandeur doit établir sa demande;
» Attendu que JjMfemanderesse , loin de justifier la sienne , de se
présenter pour faire admettre en tout ou en partie les faits qu’elle a
articulés, et de se soumettre à faire la preuve de ceux qui le seraient;
» Attendu que de son silence il en résulte la présomption qu’elle est
dans l’impuissance où de les faire admettre ou de les établir:
» L e T rib u n al, oui M . Cotlion, suppléant, faisant les fonctions de
Procureur impérial , sur la récusation de IYÏ. Picot-Lacombe , donne
C 2
�( flo )
congé défaut contre la demanderesse, et pour le profit la déboute de
sa dem ande; ordonne en conséquence quelle sera tenue de se réunir
à son mari pour y vivre en bonne union 5 et la condamne aux dépens.
D u 27 février 1806. »
A ppel de la dame d'Albiat en la Cour d appel de Riom.
Il est temps que le sieur d'Albiat sorte de cet état d’oppression
scandaleuse qui accable sa famille entière. Il n’y a que 1autorité supreme
qui puisse Yen délivrer ; il n’y a que l’autorite supreme qui puisse
rétablir l ’ordre dans sa famille. 11 l’invoque , il la sollicite autant pour
lui-même que pour ses enfans ; p o u r son fils ame qm en sortant de
l ’éducation paternelle , s’est dévoué à la défense de la atne , au service
de l’Em pereur; qui donne l’exemple des vertus domestiques, des vertus
civiles , des vertus militaires.
•/
�PLAIDOYER
P r o n o n c é e n l a C o u r d 'a p p e l d e T iio m , le r) j u i n 1 8 0 6 .
M
essieur
s,
Il faut qu’un père de famille ait des motifs bien graves pour refuser
son consentement au mariage de sa fille ; il faut qu’il soit retenu par
des considérations bien majeures pour persister dans son refus. Il faut
qu’il soit vivement pénétré du danger qui menace sa fille, pour se déter
miner à former opposition à son mariage. Je ne viendrais point vous
demander, Messieurs , l’abolition de ces actes dits respectueux , si l’acte
le plus saint, le plus solennel , le plus essentiel au |)^ilïeûr des époux ,
devait reposer 'su r l’honnêteté publique ; je ne vie'ifâV-ais point vous
demander la réparation de l’outrage fait à un père de famille , si la
nature ne devait pas être outragée par une union aussi disparate. Je
ne relèverais point l’oubli de quelques formalités ; je dissimulerais éga
lement l’irrévérence qui me serait faite : le cœur d’un bon père est
toujours disposé à pardonner. Je ne demande rien pour moi. Je ne
viendrais point à cette audience me surcharger du poids de nouveaux
malheurs , si je ne voulais dégager ma fille de tous les malheurs qui
sont prêts à l’envelopper. Ce n’est point un père irrité qui vous parle ;
ce n’est point une partie adverse qui vous sollicite; c’est un père qui
vient une seconde fois devant vous réclam er les secours de la Justice,
pour sauver sa fille du naufrage prêt à l’engloutir.
Ce n ’est point ma cause que je viens défendre , c’est la cause de
ma fille. Sa carrière commence lorsque la mienne finit. C ’est son sort que
je considère ; c ’est son sort que je vous prie de considérer. M a fille a
été ravie pendant sa minorité à ma surveillance ; ma fille a resté jusqu’à
présent sous l'influence de celui qui la trompe. Elle est subjuguée ,
elle n’a aucune volonté. O n éloigne d’elle les conseils de son père , les
conseils de tous mes parens ; elle est livrée aux illusions d’une jeunesse
sans expérience ; elle est retenue en chartre privée ; elle est trompée.
Que l’esprit de parti se taise ? N on ! je ne puis croire que l’esprit
de parti puisse rallier autour de lui assez d’individus qui veulent se
déclarer hautement les partisans de ceux qui jettent le désordre dans
les familles et les bouleversent.
�( 22 )
C ’est la cause des pères : ils sont intéressés au bonheur de leurs
enfans ; ils doivent craindre pour eux-mêmes que l’impunité de pareils
exemples ne vienne un jour porter le trouble dans leurs familles.
C ’est la cause des enfans, qui doivent retrouver le bonheur d’une vie
entière , dans les difficultés mômes que la sagesse de leurs parens met à
leur établissement.
C ’est la cause de la société entière , intéressée à proscrire ces alliances
bizarres qui portent la division dans les familles , et qui font le malheur ■
des générations futures.
C ’est la cause des mœurs. Les bonnes mœurs ne peuvent long-temps
se maintenir pures entre deux époux dont l’union est un assemblage mons
trueux de jeunesse et de vieillesse , de santé et dmürmite , de fraîcheur
et d’épuisement , de besoin et de misèie.
(
C ’e s t la cause des Magistrats : ils sont les tuteurs nés des enfans ;
ils sont sur la r é c la m a t io n des peres , les régulateurs des mariages ; ils
sont les’ conservateurs des bonnes mœurs ; ils sont les protecteurs des
familles Les lois veillent a la conservation de 1honneur des familles.
Eh ! qu'importe le croassement de ces gens isolés et sans famille ,
qui n’ont d’importance que dans les troubles civils , et d’existence que
dans les ménages qu’ils ont divisés l
N e recherchez pas en moi les charmes de celte éloquence qui a fixé
votre attention sur le jeune orateur que vous avez entendu avec intérêt ;
ne recherchez pas la profondeur de cette érudition que vous admirez
chaque jour parmi les magistrats , et les défenseurs qui soutiennent la
gloire de ce Barreau célèbre depuis un temps immémorial. C est un père
qui ne peut que vous parler des malheurs de sa fille , qui^ a ete ravie a sa
surveillance avec une audace sans exemple, pour reste!' livrée à celui qui lui
■prépare une destinée plus malheureuse que sa situation présente. C ’est un
père qu’on représente comme_inflexible, et à qui on a tout caché, à qui on
n’a rien communiqué pendant trop long-temps. C ’est un époux poursuivi
avec acharnement par des vampires , et des gens qui ne dissimulent pas
leur im m o ra lité au milieu des sociétés qui ^ reçoivent II n’y a eu d'in
flexible dans cette malheureuse affaire, que la I ) . ,ne d A lb ial, qui a résiste
avec obstination aux instances de ma famille et de la sienne , de ses anus ,
et de plusieurs de ses conseils ; aux représentations de ceux qui donnent
l’exemple de la morale et des vertus religieuses, ( i ) Elle a résisté au . pres
s a n t e s sollicitations d’un fils chéri et honoré , q u i, du sein des armées,
la prie les mains jointes , et la presse de renoncer a une demande qui
répand l’affliction sur toute une iannlle.
C i ) M. Mercier , gvaud-Yicairc
la Cathédrale,
et C u ré du P o r t , M . M o r i n , C uré -V icaire de
�L e jugement tient est appel, est attaqué sur deux motifs. On prétend D m ,« ma; ,S(J
que les premiers juges ont cumulé la forme et le fonds ; qu’ils devaient
préalablement juger sur la nullité des actes de respect, et qu’ils ont prononcé
sur le fonds même du mariage. 11 est nécessaire de vous retracer quelle
a été la marche de la procédure , et sur quoi les premiers juges ont
statué.
J’ai formé opposition au mariage de ma fille ; j’ai fondé mon oppo- Lecture du ju
sition et sur la nullité des actes dits respectueux , et sur les inconvcniens Se,yicnt du i.<
graves de ce mariage , que j’ai regardé comme inconsidéré , comme con- mjl
traire à la nature et à l’honnêteté publique. L a Dlle. d’Albiat a demandé
la main-levée de cette opposition.
Sur quoi les premiers juges ont-ils statué ? Ils ont statué sur la nullité
des actes dits respectueux , et sur la demande en main-levée de mon
opposition ; ils ont déclaré lesdits actes nuls , et ils ont débouté la
D lle. d’Albiat de sa demande en main-levée d’opposition : ils n’ont pas
prononcé autres choses.
Je vois que tout est régulier dans la forme. Les premiers juges se sont
renfermés dans la question relative aux actes dits respectueux ; ils n’ont
pas été au-delà. Ils ont statué sur la demande en main-lavée de l’oppo
sition au mariage : et par une conséquence forcée , ils ont débouté la
Dlle. d’Albiat de sa demande en main-levée d’opposition.
Les premiers juges n’ont absolument rien prononcé sur la question
relative au mariage , puisqu’ils ont maintenu mon opposition ; ils ont
seulement statué et sur la nullité des actes dits respectueux , et sur
la demande en main-levée de mon opposition.
Il est vrai
ai qu’un des motifs de leur jugement est l ’état de captation
où se trouve la Dlle. d’Albiat. Ce ne serait pas encore une irrégularité,parce que les juges sont les maîtres de donner à leur jugement les
motifs qui leur conviennent.
L a captation est un fait ; ce fait a paru prouvé aux yeux des pre
miers juges; ce fait a été un des motifs qui ont déterminé à prononcer la
nullité des actes dits respectueux. Les premiers juges n’ont pas outre-passés
leurs pouvoirs.
J’ai demandé la nullité desdits actes sur le même molit ; je me suis
exprime en ces termes : attendu que la D lle. d'Albiat a été subjuguée,
et qu’elle n a pas une volonté libre.
M ais on pretend que le fait de captation étant reconnu par un juge
ment , peut être un obstacle au mariage : j’en conviens. M ais la cap
tation est par elle-meme un obstacle à la validité des actes quelconques
\
/
�qui en sont l’effet. O r , s'il est démontré que 1g3 actes dits respectueux
sont l’effet de la captation , qu’ils portent même avec eux tous les caraclères de la captation , peut-on refuser d'en prononcer, sur ce m o tif, la
nullité , sous le prétexte que ce serait préjuger la question d„u mariage?
L ’acte respectueux, comme je le démontrerai, n’est plus une vaine for
malité , comme au temps de M . Pigeaut. L ’enfant doit réfléchir , doit
délibérer sur le3 conseils de son père. Il faut donc qu’il soit libre ; il
faut qu’il ne soit pas dans un état de captation lorsqu’il fait des actes
aussi importons à son bonheur,Et précisément je vous fournirai des preuves
trop concluantes de cette captation,
11 me paraît inutile de s’a p p esan tir, davantage sur la régularité du
jugement dont est appel. Je dois me renfermer a vous démontrer que
le jugement dont est a p p e l, est conforme aux règles de la justice.
Vous vous rappellerez, Messieurs , avec, quelle pressante sollicitude
je vous ai demandé que ma fille alors âgee de
ans , et mon fils âgé
de 11 ans , fussent éloignés de la maison Foughasse , attendu que
cette maison a v a it été une source de désunion, une continuité de désu
n io n , un obstacle à \me réunion; e t'q u e mes enfans fussent mis en
dépôt dans des maisons d’éducation, pour y être élevés dans les devoirs
de la religion, dans la pratique de la vertu , dans l ’amour du travail.
Vous avez rendu, le 11 fructidor an 12 , un arrêt ainsi conçu.
(hi
L a lo i , art. 5o 3 du Code civil , conserve respectivement aux père
l2' et mère le droit de surveiller L’éducation et: l ’entretien de leurs enfans,
quelle que soit la personne « laquelle les enfans seront confiés.
U n père de famille , un homme qui fut toujours probe et d élicat,
un homme d ’honneur a été dépouillé du droit de surveiller ses enfans.
Vous avez entendu vous-mêmes , Messieurs , à votre audience du
11 fructidor an 12 , cjue le voisinage des célibataires qui habitaient
la maison Foughasse n’etait point dangereux , à raison de leur hon
nêteté et de leur âge avancé; que je noircissais les intentions les plus
pures. O n allait jusqu’à me représenter sous les traits les plus inju
rieux, Les événemens qui se sont passés diront mieux que moi de quel
côté -était la prévoyance et la saine morale.
C ’est l’immoralité qni a triomphé ; c’est l’immoralité qui a abusé ;
c’est l’immoralité qui traduit devant vous un père do famille.
M . Dufreisse de Fontsalive est celui que j’ai désigné il y a deux anâ
comme dangereux à ma famille , et que je désigne encore aujourd’hui
comme l’auteur des troubles actuels de nui famille , de l ’égarement et
de
�T A B L E
DES MATIERES.
I n t r o d u c t i o n et motifs sur la publicité du Mémoire.
pages 3 et 4
L e ravisseur considéré comme émigré.
4
Les malheurs du père pendant la révolution.
5
Etat de ses pertes faites pendant la révolution.
5 et 6
Notes sur la famille d’Albiat.
7
Causes de la prévention contre le père dans la ville de Riom.
8
T ableau de comparaison des jugemens de Clermont et de R iom ,
page 9 ju sq u ’à la page 20.
Réflexions sur l’arrêt du 11 fructidor an 12.
i3
M oyens de cassation. L a Cour d’appel ne pouvait prononcer que sur la
validité des actes, et non sur les empêchemens au mariage. 18 et 19
A utre arrêt du 27 juin 1806, incompétemment rendu sur requête non
communiquée.
19
Exorde du Plaidoyer, ou Tableau de l’affaire.
21 et 22
Fille mineure ravie à la surveillance de son père.
4 } 13 et 24
Fille mineure laissée sous l'influence de son ravisseur.
1 3 et 2 5
Menace de poursuivre le père comme rebellionnaire à Justice.
25
Situation pénible d’un père, forcé de résister à la nature qui lui commande
ce qu’un arrêt lui défend.
25
Intrigues du ravisseur.
2 5 , 26, 3 6 , 37. et 40
Situation des autres enfans.
ao
Moyens employés par le ravisseur. Sa constitution physique. 26,27,28,29,
3 i, 35 et 40.
L e ravisseur est éloigné pendant un temps par la mère. Résultat avanta
geux pour le père et la fille.
29 et 5o
L e ravisseur fait demander la fille en mariage. Improbation de toute la
famille.
3o
L e ravisseur criminel aux yeux de la Justice, pour avoir ravi la fille à la
Justice même.
3r
De la preuve par présomption.
3 i et 3a
Maximes de M . le Chancelier d’Aguesse&u sut, la séduction.
33 et 34
Appliçahon de ces principes à la caus-mé la deml’ôge; infirmités.
55
Inégalité de biens. Point d’état.
^ n é par ses intrifo3g
Indignité dans la conduite.
^aix comme
3g ej, 5y
Nécessité du consentement des époux.
37 et 40
�TABLE
DES MATI ERES.
L a séduction ôte la liberté du consentement.
54, 37, 5 8 , 09 et 40
L a séduction s’applique aux majeurs , lorsqu’elle a commencé en
minorité.
S9 et 40
Les circonstances aggravantes, encore plus fortes que la séduction, ôtent
la liberté du consentement.
56 et 40
Parallèle entre les lois anciennes et les lois nouvelles sur le
mariage.
4 1 et 4 2
Maximes de M . Portalis, Rapporteur, au nom du Gouvernement, de la
loi sur le mariage.
_
3 5 , 4 1 , 4 3 , 45, 4 4 j 4 0 et 46
D u droit d ’un père de former opposition au mariage de son enfant, et de
l ’autorité illimitée des juges.
48 et 44
Principes sur les causes d’opposition.
^
45 et 46
L e père peut s’opposer à un mariage honteux ou inconsidéré.
46 et 47
Causes qui rendraient un mariage honteux.^ ^
47
Causes qui rendraient un mariage inconsidéré.
47 et 48
Premier acte irrespectueux.
(
48 et 49
L a fille ne demande pas le conseil de son pere.
41 , 42 et 49
Conseil et co n s en tem en t ne sont pas synonymes.
18 et 5o
Irrévérence, protestations, violence et captation.
5o et 5 i
Analyse du second acte.
5 i et 5a
Analyse du troisième acte.
5z
L ’acte respectueux ne doit pas être une vaine form alité, comme dans
l’ancien régime.
24 et 53
A rrêt de la Cour de Bordeaux, du i 3 fructidor an i 3 , favorable
au pè^e.
18 et 53
Preuve de captation, d’après les actes.
¿4 et 55
L es actes sont nuls, comme étant écrits d ’avance, et par une écriture
étrangère à celle du notaire.
18 , 55 , 56 07 et 58
Danger des conseils.
'
by
Résumé des motifs d’opposition au mariage.
1 5 , i/j et 1 5
Résumé des faits qui établissent la captation.
58 , 69 et 60
Réflexions sur la mère.
60, 61 et 63
Invocation faite à la mère.
62
Invocation, faite aux Juges.
62 et 6 s
1
Fin de la Table.
1
nt,"
A LYO N / il
,<jntsalive este____ _.
. a ï à ma famille ,
-les trouble* »10 B a l i .a n c h e père et fils, aux halle»
ue la Grenelle. 1806.
�( 25 )
de l’obstination de mon épouse , du malheur de ma fille , et de l’op
pression qui m’accable.
M . Dufreisse de Fontsalive n’a point cessé d’habiter la maison Foughasse ; il a conservé pour lui seul le même logement que la dame
de Vernines sa mère occupait avec ses autres enfans ; il eu a éloigné
ses frères. Son appartement est à la suite de celui de la dame et de la
Dlle. d’A lb ia t , et il n’en est séparé que par une cloison en planches.
Il paye depuis deux ans, époque de la mort de sa mère , 400 fr. de
lo ye r, malgré la modicité de ses facultés. U n homme d’honneur , un
homme délicat , ne jette pas le trouble dans une famille pour s’y
établir , ne se rend pas maître des destinées d’une famille. M . de
Fontsalive 11e peut , sous aucun rapport, donner aucune excuse à sa
conduite.
J’ai apporté devant vous le dalme d’une conscience pure. Vous n’avez
vu alors que moi : l ’homme honnête n’intrigue pas. Vous avez été trompé
par des insinuations perfides ; vous avez cru mieux faire parce que vous
en aviez la volonté. L ’Empereur a eu raison de dire à une députation
du Tribunal d’appel de Paris , que le mieux était l ’ennemi du bien.
Je ne pouvais plus exercer de surveillance envers mes enfans ; je
ne pouvais plus m’entretenir avec mes enfans ; je ne pouvais recevoir
que de simples visites dans une maison tierce.
J’étais menacé par les conclusions précises de la dame d’A lb ia t, d’être
poursuivi comme rébellionnaire à la Justice.
Vertueux aux yeux de la nature si j ’avais osé arracher ma fille de
la maison Foughasse , j’aurais été traité en criminel si j’avais contre
venu à l’arrêt au 11 fructidor an 12.
Place entre ma conscience et cet a rrêt, je ne pouvais plus agir. Dévoré
par le chagrin , isolé de ma famille , je me suis éloigné de mes foyers
arroses de mes larmes ; j’ai fui dans cette circonstance comme dans
beaucoup d’autres, une terre témoin depuis $5 de mes longs malheurs.
M ais tout s’éclaircit à la longue. O n a fait l’aveu , consigné dans le
jugement dont est ap p el, que le mariage de ma fille avec M . Dufreisse
de Fontsalive était arrêté depuis trois a n s, c’est-à-dire depuis le mois
de floréal au 1 1 ; que M .me de Vernines la mère l ’avait approuvé long
temps ayant son décès. Cependant j ’ai resté un an dans la même maison ,
et je la i absolument ignoré. C ’est donc pour faire réussir ce mariage,
qu on m a tourmenté , qu’on a formé la demande en séparation de
corps , que M. de Fontsalive m’a éloigné par ses intrigues de ma famille,
qu’il m’a fait dénoncer chez le Juge-de-paix comme portant le trouble
D
�( *6 )
clans la maison Foughasse , qu’il a répandu conlrc moi une horrible
diffamation; et M . de Fontsalive voulait devenir mon gendre dans le
moment qu’il organisait la persécution qui me poursuit.
Celui de mes enfans qui devait recevoir une éducation négligée et
efféminée , a été nommé au L ycée de Moulins. L e Gouvernement seul
avait la force de le soustraire à la fatalité de son éducation dont
les. fruits devaient appartenir' à la patrie. M on fils aîné a obtenu cette
faveur de S. M . l ’Empereur. 11 a fait valoir mes services rendus dans
la magistrature pendant 20 ans d’exercice , et ceux qu’il rendait dans
les années en qualité d’officier d’artillerie. Sous un Gouvernement
reconnaissant et bienfaisant, les bonnes actions protègent les familles.
M a fille seule a resté sous la direction de sa mère ; vous reconnaîtrez
par sa conduite les principes qu’elle a puisés.
Cette affaire est te lle m e n t identifiée avec la demande en séparation
de corps formée par la dame d’Albiat , que les moyens employés
par la dame d ’Albiat pour le succès de l ’une , l ’ont été pour le succès
de l ’autre.
L a diffamation répandue contre moi pour favoriser la demande en
de corps , a été recueillie pour surprendre un arrêt qui ravit
ma fille à ma surveillance. L ’imposture et la fraude sont aujourd’hui
découvertes. O n n’a écarté le père que pour tromper la fille. C ’est pour
dépouiller la mère que des conseils perfides la flattent d ’une indépen
dance utile à leurs projets ; c’est pour séduire la fille qu’ils la flattent
d’illusions chimériques ; c’est pour écarter un père devenu incommode
à l ’e x é c u t io n de leurs projets criminels , qu’ils s’agitent, qu’ils inventent,
qu’ils osent tout , pour attaquer ma réputation, m’envelopper et me
détruire.
s é p a r a t io n
Ces hommes qui n’ont ni corps ni biens , ces perturbateurs du repos
des ménages , ces dévastateurs de la fortune des époux et des enfans,
ces corrupteurs déboutés des bonnes mœurs , ont répandu contre moi
la c a lo m n ié la plus noire et la plus atroce. L a perversité bien connue
de ces hommes desséchés, suffirait pour l'aire regarder comme invraisem
blable tout ce que pourrait distdler leur langue envenim ée', tout ce
que pourrait rendre leur bouche empestée.
O ui dois-je rechercher dans ce dédale affreux d’intrigues et d’im-.
postures qui arment l’épouse contre l’époux, la fille contre le père ? :
ceux qui avaient intérêt à la diffamation.
Celui qui profite d ’un vol est présumé voleur ; celui qui profite de la
diffamation est présumé auteur de la diffamation. Oui prodest scclus
is fe c it.
�( 27 )
M . Dufrcisse de Fontsalive a répandu contre moi la diffamation la
plus atroce. Je ne crois pas que la méchanceté humaine puisse rien
imaginer de plus fourbe , de plus noir , de plus affreux, pour ravir
mes enfans à ma surveillance.
Ce n’est pas le simple effet d’un caractère violent et .emporté; c’est
la réflexion que M . de Fontsalive a apportée , c’est la combinaison
qu’il a faite , c’est la persévérance qu’il a mise dans l’exécution de
ses projets.
M . Dufreisse de Fontsalive a voulu s’assurer d’avance des moyens
d ’existence. A -t-il été enivré par l’illusion d ’une imagination ardente?
A -t-il été entraîné par la violence d’une passion qu’il ne pouvait éteindre ?
N on , il n’y a rien de tout cela. Les feux de son imagination sont
de courte d u rée, ils s’évanouissent aussitôt, et toute passion est
chez lui absolument nulle. L e mal moral est grand ; c’est le mal de
la privation, il ne laisse appercevoir à l’imagination que des fantômes.
L e mal physique est plus r é e l, c’est l ’absence de toute faculté.
Celui qui peut séduire par le mouvement d’une passion ardente, est
capable de grands traits, d’un dévouement généreux, d’actions sublimes ,
pour plaire à l’objet aimé qu’il recherche, pour le m ériter, pour le
posséder : le feu de lam e est un présent du ciel , une émanation
de la Divinité , qui donne à l’homme un caractère de grandeur et
de loyauté , et lui laisse ignorer jusqu’aux idées de bassesse et
d'imposture.
M ais que dirai-je de celui q u i, parvenu à un âge avancé , et
dépourvu de fortune et de talens , veut séduire lorsque les feux de
la jeunesse sont éteints, lorsque tout son corps est desséché, lorsque
ses forces l’ont abandonné, lorsque son épuisement est com plet,
lorsque toute sa constitution est attaquée; lorsque des vices internes
rassemblent abondamment des humeurs contagieuses ; lorsqu e des
maladies réitérées lui laissent à peine l ’espoir d’une vie languissante ;
lorsque son sang appauvri commence à se dissoudre ; lo rsq u ’un teint
périodiquement pâle et cadavereux , présente les signes certains d ’une
mort prochaine ?
Q ue dirai-je de M . Dufreisse de Fontsalive, dont je viens de
vous peindre la situation trop certaine et assez connue où il se
trouve !
Il
a voulu séduire ; il n’a pu
riques. Sa marche ne pouvait plus
nature, cette marche sentimentale,
il est vrai, embraser les cœurs, mais
donner que des espérances chimé
être cette marche simple de la
cette marche de feu, qui peut,
qui ne trompe jamais.
D a
�_< 28 )
M . de Fontsalive ne pouvait réussir que par un langage factice ;
il ne pouvait réussir que par des prom esses trompeuses : il n’a que
trop réussi pour le malheur de ma famille. Il a subjugué la mère;
il a séparé l’épouse de l’époux. Il a excité , il a entretenu les germes
de division qui arment encore h présent la fille contre sou p è re ,
et la femme contre son mari. Il a paralysé la surveillance de la mère
envers la fille ; il a éloigné du sein de la famille le surveillant
naturel, le surveillant nécessaire , le surveillant légal , que la nature,
que la loi donnent aux enfans , il a éloigné le père de famille.
Q u ’a fait M . de Fontsalive pour me séparer de ma famille ? Il a
répandu la diffamation la plus noire , la ^plus invraisemblable. Il
a voulu m’éloigner pour toujours comme époux , en ^cherchant à
donner de l’importance aux termes injurieux de la requete en sépa
ration de corps ; il a été le précurseur d une seconde requete.
Il
exerce une influence qui peut être un jour funeste à mes autres
enfans ; et déjà la dame d’Albiat s’est procuré à mon insu des
rem b o u rsem en s sur sa d o t , contre les dispositions formelles du traité
que j’ai passé avec elle. 11 a voulu m’éloigner comme p è re , en se
débarrassant de ma surveillance sur ma fille ; surveillance qui lui
devenait incommode.
L a Dlle. d’Albiat ma fille s’est trouvée dès ce moment privée
de l’appui, du secours, des conseils que l’expérience d'un père aurait
pu lui donner. Elle est restée absolument abandonnée aux insinuations
d’un homme qui ne voulait la tromper que pour trouver un asile
certain dans sa détresse , et obtenir un soulagement forcé dans ses
infirmités habituelles.
Pour plaire à la dame d’Albiat et se rendre nécessaire, M . de
Fontsalive l ’a flattée qu’il pouvait par ses intrigues lui assurer, son
indépendance , et empêcher pour toujours le retour de son mari.
L a daine d’A lb ia t, trop faible et trop crédide, n’a plus balancé de
se réunir à M . de Fontsalive, et de se concerter avec lui, pour mieux
s’assurer une indépendance qui entraîne toutes les femmes a leur
ruine.
O u i, M . de Fontsalive est depuis long-temps mon persécuteur; il
a été dam toutes ses démarches un imposteur adroit et effronté.
L a dame de Vernines sa mère est morte le 17 prairial an 1 2 ;
elle a été enterrée le 18. L a dojne d’Albiat a cessé do manger avec
moi le ly prairial.
�( 29 ) '
C ’est M . de Fontsalive qui a favorisé , le 2 1 prairial, trois jours
après la mort de sa mère , l’évasion de la dame d’A lbiat et de sa
fille. C ’est lui qui a reçu chez lu i , à neuf heures du so ir, ceux qui
ont enlevé la dame d’Albiat et sa fille. C ’est lui qui, le lendemain, a
eu l’impudeur de se rendre chez le Juge-de-paix avec la dame Fonghasse
qu’il y avait entraînée , pour m’y dénoncer, sans me prévenir, du pré
tendu trouble qu’il disait que j’avais apporté à son sommeil ; et ce
trouble n’était autre chose que d’avoir exprimé dans l’intérieur de
mon appartement, avec l’expression d’une douloureuse sensibilité, ma
trop juste indignation au moment de la fuite nocturne de mon épouse
et de ma fille. J’avais, disait-il, troublé son sommeil : et il avait eu
la constance de m’écouter tranquillement derrière les planches qui
séparent son appartement de celui de la dame d’Albiat. Cependant
ma douleur était son ouvrage, ma douleur était son triom phe, ma
douleur était sa jouissance.
C ’est alors que M . de Fontsalive a répandu contre moi des
calomnies aussi atroces qu’incroyables. Il a calculé que la calomnie lui
était nécessaire pour me perdre dans l’opinion publique et dans l’opinion
des Juges ; il a calculé que la calomnie lui était nécessaire pour
s’établir en mon absence au milieu de ma famille ; il a calculé que
la calomnie lui était nécessaire pour me détruire; il a calculé que la
calomnie lui était nécessaire pour subjuguer à son aise l’esprit de la
dame d’Albiat ; il a calculé que la calomnie lui était nécessaire pour
compromettre le p ère, la mère et la fille , et les forcer par un lan^a^e
imposteur et fallacieux, à consentir à un mariage désastreux.
° °
L a dame d’Albiat avait réussi au-delà de ses espérances. Elle avait
à sa disposition ses enfans qu’il m ’était impossible de surveiller.
E lle fait enfin un retour sur elle-même. Elle songe sérieusement à
éloigner M . de Fontsalive , et elle refuse de le recevoir. Alors la dame
d’Albiat se trouve affranchie de l’influence qu’exerçait M . de Font«alive. Elle se rappelle qu’elle est m ère, que sa fille a des devoirs
à rem plir, et elle me fait proposer par mon fils cad et, à la fin de
novembre 1804, deux mois et demi après 1 arrêt de la C o u r, si je
voulais recevoir chez moi ma fille. Les sentimens paternels calmèrent
l’agitation d'un cœur aigri. Je désirais revoir ma fille , mais avec la
dignité qui convient à 1111 père qui a constamment professé les prin
cipes de l’honneur. Je l’ai reçue avec empressement, et je n’ai eu
besoin que de me rappeler que j ’étais père, pour lui exprimer toute
ma tendresse.
�( 3° )
Je dois celte démarche, qui s’est continuée jusqu’au i . er décembre
d e r n ie r , à la volonté libre de la dame d’Albiat.
L a dame d’Albiat s’est jugée elle-même par cette dém arche, puis
qu’elle a cessé d’exécuter à l’égard de mes enfans, les dispositions d’un
arrêt provisoire surpris à la justice de la Cour.
La dame d’Albiat a jugé , par cette démarche , M. de Fontsalive ,
lorsqu’après l’avoir expulsé, elle a rétabli les relations entre le père
et les enfans , que les intrigues et l’influence de M . de Fontsalive avaient
interrompues.
L a dame d’A lbiat me juge enfin, lorsque , dégagée de cet entourage
trompeur, elle écoute la.voix de la nature , elle cède sans hésiter
aux cris de sa conscience ; qu’elle se montre juste envers son époux,
qu’elle rappelle à ses enfans qu ils ont des devoirs a remplir envers
leur p e re , ot qu’elle les restitue a ma tendresse paternelle.
Heureuse la dame d’A lb ia t, plus heureuse encore sa fille , si elle
eût p e r s é v é r é dans sa résolution de ne point recevoir M . de
Fontsalive !
C ’est le 6 octobre dernier, quinze jours après mon retour de Paris,
que j ’ai la douleur d’apprendre que le mariage de ma fille , encore
m ineure, est irrévocablement arrêté avec M . Dufreisse de Fontsalive ,
du consentement de la dame d’Albiat sa mère ; et que M . Dufreisse
de Fontsalive me fait demander mon consentement avec une forfanterie
incroyable, et des réflexions trop pénibles à révéler. Sur mon refus,
il répond qu’on saura se passer de mon consentement, que le
mariage se fera cinq mois plus tard et à la majorité de ma fille ;
tant il comptait sur le dévouement de celle qui est désignée pour
être sa victime.
U n événement aussi extraordinaire a saisi d ’indignation tous mes
parens ; ils ont vu avec frémissement les tristes apprêts d’un mariage
qui doit être funeste à ma fille; et j’ai déclaré, d ’après leur avis unanime,
que je ne pouvais , ne devais ni ne voulais donner mon consentement
à ce mariage.
Vous voyez que la calomnie et la diffamation n’ont été employées
contre m o i, que pour paralyser, pour enchaîner la puissance paternelle ,
pour ravir ma fille à ma surveillance, pour la retenir en chartre privée
dans une maison que j’avais désignée comme dangereuse.
Je ne cesserai de répéter , que c’est par la calomnie et la diffa
mation que M . de Fontsalivo est parvenu à écarter le père de
�( Si )
famille du sein de 6a fam ille, pour cohabiter dans la maison où se
trouvaient la dame et la D lle . d'Albiat.
M . de Fontsalive est criminel envers un père de famille qu’il accable,
envers la société qu’il scandalise , envers une fille qu’il trom pe, une
fille de fam ille, une fille sans expérience, une fille qui était dans
les liens de la m inorité, et qui n’avait que dix-huit ans. 11 est criminel
envers la Justice, qu’il a trompée pour ravir ma fille à la puissance
paternelle ; il est une seconde fois criminel envers la Justice, pour
avoir ravi ma fille à la Justice m êm e, qui l’avait mise en dépôt chez
sa mère.
Pourrais-je pardonner à M . de Fontsalive , l ’ivresse, l ’égarement de
l’amour l Mais l’amour ne peut exister dans un corps épuisé. Pourraisje le remercier de ses sentimens de bienfaisance ! Mais la bienfaisance
est absolument stérile pour un homme sans b ien , et pressé lui-même
par le besoin. M . de Fontsalive ne pouvait donc réussir, qu’en exci
tant , en alimentant la division ; et cet hymen ne sera éclairé que par
les sombres torches de la discorde.
O n me reprochera peut - être de faire un tableau exagéré de la
situation de ma famille ; de ne parler qu’à l’imagination pour sur
prendre les cœurs et les intéresser. M ais , Messieurs , c’est à vos
yeux , c’est à vous-mêmes que je veux produire des preuves certaines;
c ’est au calcul de la réflexion , c’est au creuset de l’expérience , c’est
à l’inflexible raison que je veux soumettre des témoignages incor
ruptibles.
Je ne crois pas qu’on puisse dire sérieusement, que les lois nou
velles ont bouleversé la morale. L es principes de la morale ont été
et seront de tous les temps. O n a pu radoucir les peines ; mais
on n’a pas violé les principes de la morale. O n a pu donner, pour
contracter un mariage honnête et raisonnable , une grande faveur à
la volonté libre des personnes devenues majeures ; mais on n’a pas
voulu favoriser la licence et le crime envers les mineurs , pour les
surprendre et les accaparrer au moment de leur m a jorité. On a voulu
reconnaître les droits de la nature ; mais 011 n’a pas voulu l’outrager
par des réunions disparates, hideuses et dégoûtantes.
L a séduction s’exerce plus facilement sur une personne mineure ; la
séduction est prouvée toutes les fois qu’il y a inégalité d ’â g e , inégalité
de fortune. Je sais bien que cette preuve de séduction dérivé seulement
d ’une présomption ; mais cette présomption est suffisante lorsqu’elle
�( 32 )
derive de faits reconnus certains aux yeux de la Justice. O r , l’inégalité
d a g e , l’inégalité de fortune étant bien constantes, il y a présomption de
séduction; et je le répète , cette présomption est suffisante aux yeux de
la loi pour prouver la séduction. Ces maximes ont été adoptées dans
tous les temps, et doivent l’être de nos jours.
L e s présom ptions, dit M . Domat , sont des conséquences qu’on
tire d ’un fa it connu , pour servir à faire connaître la vérité d ’un f a it
incertain dont on cherche la preuve.... L e s présomptions sont de
d eu x espèces : quelques-unes sont s i f o r t e s , q u elle s vont à la certi
tude et tiennent lieu de preuves même dans les crimes ; et d'autres
ne sont que des conjectures qui laissent dans le doute..... A in s i
on tire des conséquences des causes ¿1 leurs effets , ou des effets
à leurs causes ; ainsi on conclut la venté d u n e chose par sa liaison
à une autre qui lu i est conjointe.
L e Code civil est absolument conforme à ces principes ; il a adopté
cette disposition de l’ancien Droit , art. 1349 » en ces termes : L e s
présomptions sont des conséquences que la loi ou le M agistrat tire
d ’un fa it connu ci un fa it inconnu.
I/art. 1 553 est conçu en ces termes : L e s présomptions qui ne sont
point établies par la •loi , sont abandonnées a ux lumières et a la
prudence du M agistrat, qui ne doit admettre que des présomptions
graves, précises et concordantes, et dans le cas seulement où la
lo i admet les preuves testimoniales.
L a loi étant précise et générale , je puis en faire l ’application au
fait particulier de la séduction , et tirer la conséquence que du fait
certain d’inégalité d’âge et de fortune, il y a présomption de séduction.
Cette présomption est reconnue si fo rte, qu’elle va jusqu’à la certitude
et a toujours tenu lieu de preuves. L a jurisprudence des anciens arrêts
doit donc servir de fanal dans cette matière.
M . le Chancelier d ’Aguesseau est un guide sûr. Il a développé avec
clarté et précision les causes qui démontrent la séduction ; il a déter
miné les circonstances aggravantes qui peuvent la rendre plus criminelle ;
il a posé des principéis fondés sur la nature, sur la loi et la religion.
Plusieurs moyens pouvaient empêcher un mariage et même l’annuller,
lorsqu’il n’y avait pas de fins de non-recevoir ; les uns fondés sur la
nature , tels que la séduction qui ne laisse aucune volonté libre ; les
autres fondés sur la l o i , lorsqu’elle n’a pas été observée , ou qu’elle a
été violée. Chacun de ces moyens pouvait être seul un obstacle à
un mariage. M ais écoutons M . le Chancelier d’Aguesseau dans la cause
dq
�( 33 )
de René et Charles Bellet contre Marguerite Bernier, plaidoyer 19.
« II n'y eut jam ais de cause à laquelle on pût appliquer avec tant
» de ju stic e toute la sévérité de la lo i ; jam ais un plus grand nombre
» de circonstances pour prouver le rapt de séduction : minorité ,
» inégalité d'dge , de biens , de condition ; indignité de la personne ;
» déf<iut de consentement de la mère ( elle était veuve ). A rrêt du
» 4 ju ille t 1 Gy5 , qui déclare le mariage nul. »
Dans la cause de Louis et Nicolas Forbi contre Barbe B riet, plaidoyer
36..... « Exam inons donc les présomptions de fait par lesquelles on
» prétend établir la séduction. Inégalité d'dge , Barbe B riet dgéc
» de trente-deux ans et N icolas Forbi de vingt-six ; inégalité de
» biens ; nul patrimoine , nul établissement dè la part de Barbe
» Briet.... D ans toutes ces circonstances, ne peut-011 pas dire qu’en
» réunissant ces trois inégalités d ’d g e , de b ie n s, de conduite , les
» présomptions de séduction sont toutes contre e lle 1 » Arrêt du 3
mai 1697, qui a déclaré le mariage nul.
Dans ia cause de la dame de C h abert, Nicolas Chabert et Marguerite
V in o t, plaidoyer 45..... « I l est plus d ifficile d'y choisir que d'y
» trouver des défauts qui rendent une semblable union nulle et illé» gitim e. P o in t de consentement du père et d e là mère; ce m oyen,
» jo in t à la m inorité, fa it une forte présomption de rapt. C e rapt
» est p rouvé, non seulement par ce lle présoniplion de la l o i , mais
» encore par plusieurs présomptions de fa it..... Prem ière présomption :
» inégalité d ’dge. C ’est une maxim e importante, qu'avant la majorité
t) la présomption est toujours favorable pour celu i qui a été surpris ;
» la lo i plaint la faiblesse , l'aveugle fa c ilité , la légèreté naturelle,
» le défaut d'expérience qui l'ont rendu victim e de ¿’artifice et de
» la séduction. Inégalité de condition , de biens et de fortune : quelle
» présomption plus forte et plus sensible de rapt et de séduction /
» Q u’on ne dise point qu'il n'y a pas d'enlèvement n i de violence.
» L a subornation est beaucoup plus dangereuse ; elle ravit le cœur:
*> L’autre ne ravit que le corps. » A rrêt du 2 5 mai 1697 , qui déclare
le mariage nul.
Dans la cause du sieur de St-Gober t , son fils, sa fille, et de Henry
Desmarets , ravisseur de sa fille , plaidoyer 56 ; M . dAguesseau établit
les moines présomptions de fait, a II est nécessaire , d it- il, de vous
ÿ rappeler la mémoire de ces grandes circonstances qui rerjerment
» des présomptions plus fortes , dans des questions de rapt et de
t> mariage , que toutes les dépositions des témoins. jVoiis voulons
»> parler de l o g e , de la naissance, de la fortune des parties. Un
» majeur de trente-six ans ; une mineure dgée de dix-huit ans.....
E
�( 34 )
>> L'un riche seulement en pensions et en espérances ; l'autre en état
» d 'a v o i r 20,000 liv. de biens.... Prem ière observation : inégalité en
» tout > ce qui ne se rencontre pets toujours dans les affaires de
r> cette nature ; inégalité d'âge , Desmarets avait le double d'années ;
» inégalité de biens , Desm arets n'avait rien de solide. S i 011 entre
» dans le détail de ce qu'il a , ce sont de sim ples pensions incer» laines. L a D lle . de St-G obert aura au moins 20,000 liv. Seconde
» observation : cui prodest scelus is fe c it, reçoit toute son application
» i c i , attendu l'entière inégalité. »
Messieurs , il était question dans la cause du sieur de St-Gobert et
de sa fille , d’un enlèvement avec séduction : la mère paraissait complice ;
elle plaidait en séparation de corps contre son mari. M . d’Aguesseau
ne put s’empêcher de re m a rq u e r combien la mere et la fille étaient
réunies contre l’honneur d e leur famille. L e pere et le fils etaient
accusés par Henry D esm a rets d’un assassinat imaginaire , et c’était pour
faire diversion. A rrêt du 5 août 1699 , qui renvoie le sieur de St-Gobert
et son fils de l’accusation d’assassinat; décrète de prise de corps Desmarets,
ravisseur, et ordonne que son procès lui sera fait et parfait par le Bailli
du Palais.
M . dAguesseau faisait la distinction des présomptions de fait et des
présomptions de droit. Les présomptions de fait établissent cette convic
tion morale , cette conviction de l’homme qui est indépendante de là
l o i , et qui n ’appartient pas au domaine de la loi. C u i prodest scelus
is fe c it .
Il
établissait pour maximes constantes , fondées sur la jurisprudence
des arrêts , que l’inégalité d’âge et l ’inégalité de fortune étaient des
présomptions assez fortes pour prouver la séduction.
»
»
»
»
»
Lorsque la séduction est prouvée, il n’y a pas de volonté libre. « L e
mariage , dit M . dAguesseau , plaidoyer 7 , doit son institution à
la nature, s a perfection a la lo i, sa sainteté à la R eligion. Comme
union instituée par la nature , il consiste dans la f o i m u tu elle,
dans le consentement libre et volontaire que les parties se donnent
mutuellement. »
« La nature, dit encore M . d’Aguesseau .n ’établit que deux conditions;
» elle ne demande que la capacité personnelle des contractons, et la
» liberté de leur c o n s e n te m e n t : m a is ces deux conditions sont telle*> ment essen tielles, que le défaut ne peut j a m a i s en être suppléé. »
L a législation a changé à l’égard des mariages qui sont contractés
dans les formes exigées. Les époux, art. 180 du Code c iv il, ont seuls
le droit d’attaquer leur mariage lorsque le consentement n’a pas été libre.
�( 35 )
Avant la célébration du m a ria g e la loi donne une plus grande lati
tude. Les motifs d’opposition doivent être exprimés par les collatéraux ,
et les causes en sont limitées. Mais à l ’égard des ascendans, la loi ne
limite point les causes, la loi n’oblige point d’exprimer les motifs ; la
loi laisse aux juges une grande latitude pour prononcer. La loi nou
velle a seulement voulu détruire ces entraves , écarter, comme l’observe
M . Portalis , ces oppositions faites à un mariage honnête et raison
nable , sous prétexte de la plus légère inégalité dans la fortune ou
la condition. E lte a voulu , continue M . Portalis, que deux époux
pussent céder aux douces inspirations de la nature.
M a is le souvenir de l'abus, dit encore M . Portalis , que l'on fa isa it
des oppositions au mariage des f ils de fa m ille ou des citoyens, n'a
pas du nous déterminer à proscrire toute opposition. N ous eussions
favorisé le je u des passions et la licence des m œ urs, en ne croyant
que protéger la liberté du mariage.
L a séduction est prouvée , et les circonstances sont des plus aggra
vantes. La séduction a commencé pendant la minorité; il n’y a eu aucun
intervalle de la minorité à la majorité ; il n’a été laissé aucun instant à
à la méditation , à la réflexion, sur une démarche réglée et arrêtée
pendant la minorité. L a séduction a donc continué en majorité, ou
plutôt à cet âge qui laisse encore, une fille dans une espèce de mino
rité relativement au mariage , comme l'observe M . d’Aguesseau, plai
doyers 53 et 36 ; et Potliier, sur la séduction, N .° 5o.
Faisons l ’application de ces principes à l’état de la cause. H y a
inégalité en tout, ce qui est très-rare, et peut paraître incroyable ; iné
galité d’âge , épuisement, infirmités habituelles.
M . Dufreisse de Fontsalive est né le 25 juin 1762; la Dlle. ClaireJoséphine d’Albiat ma fille, est née le 21 décembre 1784 : la différence
d’âge est de vingt-deux ans et six mois. Circonstances particulières.
M . de Fontsalive est dans un état d’épuisement; il a des maladies
réitérées, de fausses fluxions de poitrine , une étisie réelle qui lui laisse
ou un appétit dévorant, ou un dégoût qui est l’effet d’un engorgement
d’humeurs catarreuses qui l’étouffent : il en est de son appétit comme
de sa figure, qui est alternativement empreinte par la pâleur de la m ort,
ou ondulée par des rougeurs. A u lieu de trouver un lit nuptial, ma fille
ne trouvera qu’un lit de mort après quelques années d’une vie languis
sante. O ù est donc, dans M . de Fontsalive, cette capacité personnelle
que la nature demande pour contracter m ariage, comme l’observe
M* d’Aguesseau ? 11 lui est donc impossible de remplir cette condition
tellem ent essentielle , que le défaut ne peut jam ais en être suppléé,
«uivant l’expression de M . d’Aguesseau.
Ea
�( 36 )
• Inégalité de bien?, inégalité de fortune ; point d’é ta t, pauvreté. M a
fille peut bien espérer d’avoir 55,ooo f r ., attendu qu’il y a dans la
maison 162,000 fr. et que mes deux fils sont placés,
M . de Fontsalive n’a aucune fortune certaine et connue ; on peut
lui présumer 6 à 7,000 fr. L ’actif de la succession de Mme. de Vernines
sa mère se portait à 72,000 fr. ; sur quoi il a fallu distraire les dettes
courantes, dettes contractées envers sa belle-fille, legs , frais de maladie,
frais mortuaires , droits de succession, de partage et quittances, et enfin 'f
le quart réservé à l’aîné ; ce qui a pu laisser 48,000 fr. à partarger entre
quatre, ce qui fait 12,000 fr. poursaportion.M .de Fontsalive avait,à l’époque
de la mort de sa m ère, au moins 2,000 fr. de dettes; reste à 10,000fr.
Ses fonds qui sont entre les mains de M . de Lavigne, lui produisent le sou
pour livre , et ce faible reven u lui a été nécessaire pour payer à lui
seul la totalité du loyer de son logement qui était occupe par sa mere '
et ses frères.
Il a fallu vivre depuis deux ans que sa mère est morte. Je porte à
3,ooo fr. pour ces deux ans la dépense de sa table , de son fe u , de sa
lumière , de son entretien , et de sa gouvernante ; reste 7,000 fr.
;
Il faut encore présumer que ses emprunts pour vivre ont été à urr
intérêt modéré. On prétend encore qu’il a perdu 5,000 fr. chez Louche.
M . de Fontsalive 11’a point d’état ; il n’a aucun talent pour s’en
procurer , nj vigueur pour s’y maintenir. S’il était jeune ou en bonne
santé , il y aurait lieu d ’eopérer qu’il pourrait en obtenir un. M ais à son
âge et avec une santé délabrée , il ne tdoit rien espérer ; tout doit être
fini pour lui en ce monde. Ses moyens d’existence sont donc presque
nuls. M a fille est donc trompée ; elle, est donc séduite par les intrigues
de M . de Fontsalive ; elle n’a donc pas une volonté libre.
Indignité dans la conduite.
Les circonstances aggravantes sont encore prouvées. M a fille est sous
l ’influence de M . de Fontsalive qui habile depuis trois ans la même
maison , la suite du même appartement ; ma fille est en chartre privée ,
hors de la surveillance de son père ; nia fille a été ravie à ma surveil
lance par M . de Fontsalive. C ’est lui qui a favorisé l ’évasion de la dame
d ’Albiat et de sa fille , à l’époque de k demande en séparation de corps :
cui prodest scelus is fe c it ; celui-là a commis le crime à qui le crime
a profité. C ’est lui qui le lendemain a entraîné M .n,e Fonghasse chez
le Juge-de-paix pour me dénoncer : cui prodest scelus is fe c it. C est
lui qui arme la fille contre son père , la femme contre son mari :
cui prodest scelus is fccit. Une diffamation atroce a ele répandue
contre m o i, il en. est l ’auteur, et les témoignages que je pourrais avoir
�( 37 )
vous paraîtraient moins certains que les preuves qui résultent de sa con
duite criminelle : cui prodesl scelus is fecit. L a diffamation a produit
son effet ; il y a eu arrêt au provisoire ; ma fille a été ravie à ma sur
veillance ; et c’est lui qui est coupable de ce ravissement crim inel,
puisque ma fille a resté sous son influence, dans la même maison où
il a continué d’occuper , malgré la modicité de ses revenus , la totalité
de l’appartement qu’avaient sa mère et ses frères : cui prodest scelus is
fec it. Il ne s’est rendu coupable de tous ces crimes envers moi et ma
famille , que pour chercher à commettre un crime plus grand , mais que
je veux l ’empêcher de consommer. ( i )
Nouvel Appius , qui, entouré de l’autorité, voulait dépouiller Virginius
de son titre de pere , pour ravir impunément et sans obstacle sa fille
Virginie ; il supposait un crime imaginaire pour commettre un crime
trop réel. M . de Fontsalive ressemble à Appius par son crime, et non
par ses richesses et ses dignités.
Chacun peut éprouver un sentiment pénible sur la position d’un père ,
sur la position de sa fille, par la difficulté d’empêclier que sa fille ne soit
sacrifiée contre le voeu de la nature , contre le sentiment de l’honneur
et de l’honnêteté publique. M ais c’est en s’attachant aux principes im
muables, en reconnaissant que la loi nouvelle n’a pas voulu favoriser
le je u des passions et la licence des mœurs , comme l’observe M .
Portalis , qu’on sera convaincu que les circonstances aggravantes qui
ont amené ces événemens , sont suffisantes pour fonder les motifs d’une
opposition et empêcher ce mariage.
Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a pas de consentement, dit
l ’art. 146 du Code civil. Le consentement est l’effet de la volonté ; il
n’y a pas de volonté, s’il n’y a pas de liberté ; il faut donc que la volonté
soit libre. Mais comment reconnaîtra-t-on si la volonté n’est pas libre ?
C ’est une question purement de fait, dont la décision dépend de la preuve;
et on sait que le Code civil n’a rien réglé sur les questions de fait,
qui sont toutes laissées à la sagesse des juges.
L a Dlle. d’Albiat a-t-elle une volonté libre ? la Dlle. d’Albiat peutelle donner un consentement ? Q uelle est sa position ? quelles peuvent
être les suites de ce mariage ?
L ’usage, l ’opinion des Jurisconsultes, la jurisprudence des arrêts, ont
établi des règles fixes pour reconnaître si la v o lo n té n ’est pas libre.
L a Dlle. d’Albiat n’a pas une volonté libre ; cette preuve résulte de
la séduction , elle résulte des circonstances aggravantes, elle résulte de
sa position.
( 1 ) Les preuves sont aussi rapportées dans le résumé sur la captation, p»g.
et elles sont encore établies dans le troisième Acte.
�( 3S )
J’aurai encore recours à l’autorité de M . d’Aguesseau , et je vais vous*
rapporter ses propres expressions.
#
»
n
»
Plaidoyer 19 , tome 2 , page 487.
ii Jamais un plus grand nombre de circonstances pour prouver le
rapt de séduction : minorité , inégalité d’dge , de biens , de conduite ; indignité dans la personne ; une déclaration fa ite par un
mineur aveuglé par sa passion, soumis à la domination de celle
qui l'avait séduit. »
Plaidoyer 7 , tome 2 , page 166.
« S i Vinégalité des conditions ne peut donner atteinte a l'essence
» du mariage , elle sert toujours ¿1 fa ire présumer quun homme
» qui contracte un engagement indigne de sa naissance , n’a pas
» été libre , et que son consentement n a pas été volontaire. »
»
»
»
»
»
Plaidoyer 3o , tome 5 , page 9 °•
« Ic i, qualité de fam ille certain e, minorité constante, inutilité que
F leuri était proche de la majorité ; jusqu’il ce qu’il ait atteint le
dernier m o m e n t de cet âge fa ta l, la Loi présume toujours qu’il a
été séduit : exem ple du sieur B r io n , qui s’était marié majeur ,
et dont la séduction n’avait commencé que deux mois avant la
majorité. »
M êm e plaidoyer , page 92.
« Quoique la séduction soit réciproque , elle n’est pas moins con*
» traire à la liberté du consentement. »
a
V
»
»
»
»
»
»
Plaidoyer 55 , tome 4 , page 691. Dans la cause du sieur de St-Gobert.
« L e seul nom de rapt -su ffi....... il attaque la nature , la lo i , la
religion : la nature, en ôtant cette liberté si précieuse dans tous
les moinens de la v ie ; la lo i , soit qu’il attaque l ’autorité des
pères que la loi a revêtus de toute sa puissance, soit qu’il déshonore des fa m illes par des alliances honteuses , soit parce qu’il
trouble la tranquillité de l ’état par des divisions funestes qui se
perpétuent souvent dans le cours de plusieurs générations ; la religion enfin , puisque la violence ou la séduction n'a pour objet que
la profanation d'un des plus augustes Sa.cremens. »
»
»
»
n
M êm e plaidoyer , page 6^ 5.
a i.° L e rapt de séduction doit etre puni encore plus sévèrement
que celui de v io le n c e , parce qu’on peut résister h la force ; mais
qui peut être assuré de se défendre contre les enchantemens de la
séduction ! Dans le rapt de violence , la personne qui en est
l'objet n'a que le ravisseur a craindre; mais dans le rapt de séduc-
�( 39 )
» tion , elle trouve dans elle-même son plus dangereux et son plus
» redoutable ennemi.
»
»
»
»
»
» 2.0 I l n’est pas même vrai de dire que dans le rapt de séduction
l'on trouve la volonté et le consentement de la personne ravie.
C elte volonté n’est point la sienne , c ’est celle du ravisseur que la
fo r c e de la passion lu i fait suivre. C'est la passion qui v e u t , et
non la raison. L a mesure de la volonté , du consentem ent, de la
passion de la personne ravie, est la mesure du crime du ravisseur.
»
»
»
»
»
» M a is le moyen de se mettre a couvert des artifices subtils , des
insinuations se crète s, des voies sourdes et obliques d'un séducle u r , qui trouve souvent même dans la maison p a tern elle, et
dans les asiles les plus sa crés, des ministres dévoués à sa passion , et prêts à lu i sacrifier ces victim es malheureuses qu’un
père trompé confie à leurs soins ! »
M
e s s i e u r s
,
Ces mêmes règles s’appliquent aux majeurs, lorsque la séduction a
commencé en minorité. Je m’appuie toujours de l ’autorité de M . le
chancelier d’Aguesseau.
Plaidoyer 55 , tome 5 , page i 55.
« S i on lu i avait opposé la majorité , elle aurait trouvé sa réponse
» dans vos arrêts , qui ont ju g é que les règles observées pour les
» mineurs , doivent être suivies quand la séduction a commencé en
n minorité. »
Plaidoyer 36 , tome 5 , page 253.
« M a is si au contraire ce m ariage, quoique contracté par un
» majeur ^ paraissait l effet de la surprise , un ouvrage de ténèbres ,
t> un mystere d’iniquité ; s'il s'était plaint aussitôt après ; s i on ne
» pouvait lu i opposer aucune ratification publique ou particulière-,
» nous croyons alors que sa qualité de majeur ne devrait pas empê» cher de l'écouter. »
M êm e plaidoyer , page 25/f.
« M a is s i les présomptions de la lo i cessen t, celles qu'on tire des
« fa its sont encore recevables ; et comme les majeurs peuvent être
» restitués contre toutes sortes d'actes sur le fondem ent du dol per» sonnel , de même dans les mariages , ils peuvent proposer des
« moyens tirés du dol et de l'artifice, f it encore h plus fo rte raison
}) pour un majeur qui n'a pas 5o ans ; parce que la nécessité de
�( 4° )
» requérir le consentement jusqu'à cet dge , fa it présumer une espèce
» de faiblesse et de minorité ju sq u ’à cet dge. V os arrêts ont jo in t
» une seconde considération à celle que nous venons de vous faire ;
c ’est lorsque la séduction a commencé en minorité.» Arrêt de Brion.
Pothier , tome 3 , page 23 1 , N .° 2 5o , observe que la séduction n'est
pas présumée à l'égard des majeurs , à moins que la séduction n’ait
commencé dans le temps de leur m inorité, de manière que le mariage
contracté en majorité puisse être une suite de la séduction.
L e Concile de T rente ne permet pas le mariage entre la personne
ravie et le ravisseur , tant qu’elle est en sa puissance , quelque con
sentement qu’elle y donne.
L ’ordonnance de i 65g a une pareille disposition. Elle rejette le con
sentement des personnes ravies , veuves ou filles, de quelquage qu’elles
soient , tandis que les personnes ravies sont en la puissance du
ravisseur.
«
L e défaut de liberté de la Dlle. d ’Albiat résulte des circonstances
a g g ra v a n te s , qui sont encore des présomptions plus fortes et plus réelles ,
que celles tirées de la séduction.
L a Dlle. d’Albiat est retenue, depuis l’âge de 18 a n s, en chartre
privée dans la maison Foughasse , par une œuvre d ’iniquité utile à
l ’immoralité , funeste à ma fille. L a Dlle. d’Albiat habite la même
maison que M . de Fontsalive ; la D lle. d’Albiat est sous l’influence de
M . de Fontsalive. Les artifices les plus honteux sont employés pour la
captiver. M . de Fontsalive éloigne la fille de son père , et des parens
de son père. Il profite de son influence sur la mère pour l’entraîner à
rendre une plainte qui peut blesser mes fils , qu’il a intérêt de tenir
éloignés de la ville de Clermont.
Quand des tiers s’introduisent dans des ménages par des intrigues et
contre la volonté du père de famille , on peut dire qu’une famille
honnête est bien à plaindre. Vous retrouverez , Messieurs , de nouvelles
preuves de suggestion dans les actes dits respectueux.
Il résulte de ces faits bien certains, et de la position de la D lle.
d ’Albiat , une preuve que la D lle. d’A lbiat n’a pas une volonté libre ,
et qu’elle n’est pas en état de donner un consentement à son mariage.
J’ai appris , Messieurs , que M.™e d’Albiat avait quitté depuis une
quinzaine de jours l’appartement qu’elle occupait depuis trois ans dans
la maison Foughasse , et qu’elle logeait actuellement avec sa fille dans
.les bâtimens de l’hôpital de St-Joseph ; et j ’ai la certitude que M .mt:
'
d’Albiat
�(40
d’Albiat souffre que M . de Fontsalive fréquente journellement son
habitation.
L es habitudes sont toujours les mêmes. M . de Fontsalive exerce la
même influence ; il ne s’en cachë pas, par les voyages q u 'il‘fait à Riom :
il intercepte toute communication entre ma1 fille 'etfm oi : la situation'
de ma fille n ’a pas changé , et la captation dure toujours.
Je ne vous ai entretenus , Messieurs , jusqu’à ce moment que'de ques
tions de fait , tant sur la volonté libre que sur la validité du consen
tement d’une personne subjuguée en minorité, et dont la séduction a
continué en majorité. .On prétend que ces questions ne sont plus ad
mises depuis le nouveau Code , et que le Législateur a voulu protéger
la liberté du mariage.
Je rapprocherai succinctement les lois anciennes des lois nouvelles ,
sur le m ariage, et j’analyserai leur esprit. J’espère , M essieurs, vous
démontrer que la nouvelle législation est également favorable à l’op
position d’un père dans les circonstances de cette affaire.
Dans l’ancienne législation, une fille ne pouvait se marier avant 25
an s, et un garçon avant 5o ans , sans le consentement de ses père
et mère. L a loi nouvelle restreint cette défense jusqu’à 21 ans pour
les filles, et 25 ans pour les garçons; il n ’y a de différence que dans
un rapprochement d’âge.
.
, .
La loi ancienne enjoignait aux fils ayant atteint l ’âge de 3o ans,
et aux filles l’âge de 25 a n s, de requérir par écrit l’avis et le conseil
de| leurs^ père et m ère, pour contracter mariage , sous peine d’être
exhérédés par eux.
L a loi nouvelle exig e , pour la validité du mariage , que les enfans
de famille demandent le conseil de leurs père .et mère par trois actes
formels et respectueux jusqu’à 25 et 3o a n s, et par un seul acte
depuis a 5 et 5o a n s, pour les filles et fils de fam ille, à peine de
nullité, du m ariage, qui peut être demandée ipar le père, suivant l ’ar
ticle 182 du Code civil , èt de 3oo fr. d’amende et un mois d’em
prisonnement contre l’officier civil qui aurait célébré le m ariage,
suivant l’article iSy du Code civil.
(
« I l nous a paru utile aux m œurs, dit M . Portails , de fa ire
i> revivre cette espèce de culte rendu par la piété f i l i a l e , au carac~
» tère'\de) dignité , et j'o se dire de m ajesté, continue M . Portalis,
» que la nature elle-même semble avoir imprimé sur ceux qui
F
�( 4 * ')
» sont pour n o u s, sur la te r r e , l'im age et même les m inistres dit
7> Créateur. »
L a loi nouvelle est plus favorable à l’autorité des pères j à la
solennité du m ariage, à l’observation rigoureuse .des formes ; elle
n’a retranché que la peine d ’exljérédation, comme contraire à la
nature.
L a loi ancienne ne prononçait pas la nullité du
l’omission de cette formalité.'
mariage pour
L a loi nouvelle regarde , au contraire, la formalité de l ’acte respec
tueux pour demander' le conseil des père et m ere, comme nécessaire
à la validité du. mariaige.
L a loi ancienne exigeait que le consentement fut lib re ; elle déter
minait plusieurs cas où le .consentement ne pouvait pas elre libre.
C ’était une loi im m u a b le ., . commune à tous les contrats, et plus
particulièrement au contrat de, mariage j qui est le premier et le plus
essentiel des contrats. . > b
.i
L a loi n o u v e lle
co n sen tem en t. L a
prononce qu’il ne peut pas y avoir de mariage sans
liberté du consentement est également nécessaire
sous la nouvelle.'législation.
'
,..
, .
Ce principe si11naturel est exprimé d’une manière précise par M .
Portalis. « L e mariage-, dit-il , quels que soient les contractons ,
» mineurs ou m ajeurs, suppose leur consentement ; o r , point de
» consentement proprepiçrit d i t , sans liberté : requise dans tous les
»' contrats , elle doit être sur-tout parfaite et entière dans le
ty mariage. L e cœur doit pour ainsi dire respirer sans g ê n e , dons
» une action ci laquelle il a tant de part : ainsi l'acte le plus
» doux doit être encore l ’acte le plus libre. »
L a loi nouvelle est claire dans ses principes, mais elle es,t toujours
laconique et elle ne précise aucuns faits.
L a liberté du consentement est une question de fa it; la détermi
nation des faits , depuis le Code c iv il, est laissée , dans toutes le s.1
affaires, avec une grande latitude à la sagesse des Juges. Le Codé
civil ne détermine rien en général sur les questions de fait. C ’efct donc "
aux Juges à prononcer s i , d’après la gravité des faits constans de
su^estion en minorité , çt continuée en majorité , le consentefuent
peut être libre.
'
’\
L a liberté du consentement est donc , dans la loi nouvelle,, ce. qu’elle
a été dans la loi ancienne. .
'
�( 43 )
Il résulte du parallèle que je viens de tracer entre la législation
ancienne et les dispositions du Code c iv il, qui même laisse plus do
latitude aux Juges sur les questions de fait t que la liberté du con
sentement est une condition nécessaire et morale dans le nouveau
Code comme dans celui qui l’a précédé ; la seule différence est dana
le rapprochement de l’âge ; et j’en tire la conséquence que , dans lea
questions do fa it, la jurisprudence ancienne doit avoir de l ’influence
sur la décision des tribunaux.
L e nouveau Code n’a pu être assez médité sur lès questions de
mariage. O n a répandu une espèce de croyance, qu’un majeur étant
maître de sa destinée, pouvait contracter mariage malgré l’opposition
du père ; que cette opposition pouvait bien le retarder, mais ne pouvait
en aucun cas l’einpêcher. E t c’est cette assertion fausse et erronée ,
qui. a sans doute entraîné M . de Fontsalive à tout oser, à tout entre
prendre, dans la persuasion où il est et qu’il a manifestée, que l’op
position d’un père ne peut produire, dans aucun cas, aucun efiet pour
empêcher le mariage d’un en fan t, aussitôt qu’il est parvenu à l ’âge
de majorité.
L ’autorité des pères est absolue pendant la minorité des enfans ;
mais , à la majorité d’un en fan t, leur autorité est remplacée par l'au
torité des juges. L ’enfant reste toujours sous la surveillance de son
père par rapport aux mariages. L e père a le droit de stipuler l’in
térêt de son enfant devenu majeur. Il peut invoquer le secours do
la Justice et son appui tutélaire , pour empêcher un en fan t, comme
l’observe M . Portalis, de se précipiter dans des engagemens honteux
ou inconsidérés. Son espoir ne peut être trompé dans le temple des
mœurs.
L e père exerce devant les tribunaux une fonction de magistrature,
semblable à celle qu’exercent les procureurs impériaux dans les affaires
qui intéressent leur ministère. Le père n’a plus le droit de prononcer
lorsque son enfant est devenu majeur; ce droit appartien t aux Juges,
qui deviennent les arbitres souverains du mariage des enfans. Ces
principes ont été adoptés par le Code civil.
L e père est autorisé par la l o i , de former opposition au mariage
de ses enfans; c ’est la disposition précise de l’article 173 du Code
civil. L e père n’est dans le cas d’exercer ce droit , qu’à la majorité
de ses enfans. Ce droit n’est pas accordé à la puissance paternelle ,
à 1autorité paternelle; il est accordé à la tendresse paternelle, à la
sollicitude paternelle. L e père n’a plus d’autorité à exercer sur ses
enfans à leur majorité ; sa puissance est alors finie : M a is leur amour
F
2
�( 44)
et leur sollicitude ne finissent, p a s , dit M . Portalis. Pourrai t-on raisonnoblem ent, dit aussi M . Portalis, refuser aux pères et aux m ères,
a u x aïeuls et. a ïe u le s, le droit de veiller sur l'intérêt de leurs
enfans même m ajeurs, lorsque la crainte de les voir se préci
piter dans des engagemens honteux ou inconsidérés , donne l'éveil
il leur sollicitude 7
' L e droit du père est fondé sur l’intérêt des..enfans. L ’opposition du
père ou autres ascendans, n’est pas limitée à certains cas, comme l’op
position des collatéraux; elle n’est pas limitée à la simple observation
des formes. Les vues du Législateur sont plus ^étendues : le père est le
seul qui puisse faire valoir en son nom l’intérêt de ses enfans devenus
m ajeurs, pour empêcher un mariage honteux ou inconsidéré.
Les lois anciennes au torisaien t les oppositions des pères au mariage
de leurs enfans, mais elles exprimaient les cas qui pouvaient motiver
leur opposition.
L a loi nouvelle autorise également l ’opposition des pères, art.
mais elle n’exprime à leur égard seulement, aucun des cas qui peuvent
motiver leur opposition.
O n prétend tirer du silence de la lo i, là conséquence que l ’oppo
sition d’un père ne peut dans aucun cas empêcher le mariage de
son enfant devenu majeur. Le silence de la loi ne peut pas rendre
sans effet le droit qui est conféré au père , de former opposition au
mariage de son enfant. Ce droit donne nécessairement lieu à former
une action en justice contre le père. O r , si le droit accordé au père
de former opposition à un mariage honteux ou inconsidéré , ne
devait produire aucun e ffe t, ce droit serait alors un présent bien:
funeste ; il ne pourrait qu’indiquer le m a l, sans pouvoir jamais en
obtenir le remède.
Ce droit reste dans toute sa force. L’enfant même majeur est dans
une espèce de tutelle , par rapport au m ariage, tant qu'il a son père
ou autre ascendant; mais il est entièrement maître de sa destinée
lorsqu’il n’a ni père ni ascendant. L e père fait un acte de magis
trature , lorsqu’il stipule les intérêts de son enfant. Le3 Juges sont
investis par la loi du droit de prononcer dans toutes les aflaires sur
les questions de fait. La loi s’en rapporte à leur sagesse; leur pouvoir
n'est pas limité ; et ils sont absolument les maîtres de rejeter ou
d'admettre les oppositions . comme ne pouvant être fondées (pie sur
des faitr. Cependant nous
rechercher dans la pensée
Légis
lateur, ].C3 motifs de la loi.
devons
du
�( 45 )
M on opinion se trouve conforme au rapport fait le 22 mars
dernier , au Corps législatif, par M . N ogarède, d’un ouvrage intitulé,
l’Esprit du Code Napoléon , par M . Locrée , secrétaire général du
Conseil d’Etat.
L ’objet de cet ouvrage, dit M . N ogarède, rapporteur, est d ’ex,
pliquer le sens des nouvelles lois c iv ile s, non par des commen
taires dont on a trop abusé pour soutenir des sy stèm es, mais par
le sim ple développement des intentions du Législateur. L e rapporteur
ajoute : L e nouveau Code c iv il sera compté parmi les causes les
plus puissantes de la gloire et de la prospérité de la France.
T ous les développernens et toutes les applications des lois qu'il
renferm e, se trouvent réunis dans les nombreux élémens qui ont
servi à le fo rm er, et sur-tout dans les discussions dont il a été
l'objet....
C ’est la pensée du Législateur qui doit éclairer la conscience des
Magistrats. La pensée du Législateur est dans le rapport fait de la l o i ,
au nom du Gouvernement, par M . Portalis.
L e s pères et les a ïe u ls, dit M . Portalis, sont toujours magistrats
dans leurs fam illes , lors même que , vis-h-vis de leurs enfans , ils
paraissent ne se montrer que comme parties dans les tribunaux.
Leur tendresse présumée écarte d ’eu x tout soupçon de mauvaise
f u i , et elle fait excuser leur erreur.
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
»
v
»
»
« Il a ex isté un tem p s, dit encore M . Portalis, et ce temps
n’est pas loin de n ous, où, sous le prétexte de la plus légère
inégalité dans la fortune ou la condition, on osait form er opposition à un mariage honnête et raisonnable. M a is aujourd'hui où
l'égalité est établie par nos lo i s , deux époux pourront céder aux
douces inspirai ions de la nature, et n’auront plus h lutter contre
les préjugés de l'o r g u e il, contre toutes ces vanités sociales qui
mettaient dans les mariages la gêne , la nécessité, e t, nous osons
le dire , la fa ta lité du destin même. On a moins à craindre ces
oppositions bizarres qui étaient inspirées par l ’ambition , ou commandées par l'avarice. On ne craint plus ces spéculations combinées avec tant d 'a rt, dans lesq u elles, en fa it de m ariage, on
s’occupait de to u t, excepté du bonheur. Toutes les classes de la
société étaient plus ou moins dominées par les mêmes préjugés.
L e s vanités étaient graduées, comme les conditions : un carac/ère s u r , dos vertus éprouvées ,J les grâces de la jeunesse , les
charmes de la beauté , tout était sacrifié a des idées ridicules et
m isérables, qui faisaient le malheur des générations présentes ,
et qui étouffaient d'avance les générations il venir, »
�( 40
Vous voyez , Messieurs , que la pensée du Législateur est de repousser
ces oppositions bizarres qui étaient inspirées par l ’ambition ou commandées
par l’avarice ; ces oppositions à un mariage honnête et raisonnable sous
prétexte de la plus légère inégalité dans la fortune ; ces oppositions
où l’on sacrifiait un caractère sûr, des vertus éprouvées , les grâces de
la jeunesse , les charmes mêmes de la beauté, à des idées ridicules qui
étoüffaient d’avance les générations à venir ; ces oppositions où l’on
s’occupait de tout, excepté du bonheur. Deux époux pourront céder
aux douces inspirations de la nature. Voilà les oppositions que le L égis
lateur a voulu rejeter.
Mais suivons M . Portalis ; vous allez connaître la pensée du L égis
lateur toute entière.
D ans le système de notre législation , dit M . Portalis , nous ne
sommes plus exposés aux m ê m e s dangers ; chacun est devenu plus
maître de sa destinée : mais il ne jo u i pas tomber dans l extrém ité
contraire. L e s o u v e n ir de l ’abus que l ’on fa isa it des oppositions aux
mariages des f ils de fa m ille ou des citoj/ ens , n a pas du nous déter
miner à proscrire toute opposition ; nous eussions favorisé le je u
des passions et la licence des moeurs, en croyant ne protéger que
la liberté des mariages.
L e Législateur autorise l’opposition des pères, pour ne pas favoriser
le je u des passions et la licence des mœurs ; pour que les enfans,
comme l’a observé M . Portalis , ne soient pas précipités dans des
engagemens honteux ou inconsidérés. Voilà l’objet que le Législateur
s’est proposé. L e magistrat doit donc recevoir l ’opposition d’un père ,
toutes les fois que les bonnes mœurs sont blessées , toutes les fois qu’un
enfant peut être, victime du jeu des passions, toutes les fois qu’un
mariage est honteux ou inconsidéré.
L es lois reposent sur les mœurs. P lu s boni mores qucim bonce leges.
L e dépôt des lois est confié aux magistrats. L e cœur des magistrats est
le sanctuaire des bonnes mœurs ; le magistrat doit suivre le mouvement
de sa conscience.
Vous ne recevriez pas l’opposition d’un père k un mariage honnête
et raisonnable, sous le prétexte de la plus légère inégalité. Si un père
n'avait aucune raison décisive, vous ne recevriez pas son opposition,
même pour empêcher u n mauvais m ariage, c’est-à-dire, un mariage
où se trouverait la jeunesse sans la fortune, ou la fortune sans la jeu
nesse.
Mais le magistrat recevrait l’opposition d’un père à un mariage
honteux. O r , un mariage serait honteux, si un enfant voulait épouser
�r
( 47 )
quelqu'un qui aurait été flétri ; un mariage serait honteux, si un enfant
voulait épouser celui qui aurait attenté aux jours de son père; un mariage
serait honteux, si un enfant voulait épouser celui qui aurait dénoncé son
père, ou attenté à son honneur par quelqu’injure atroce.
L a novelle 1 1 5 , rapportée par Rousseau-Lacombe et par M . D om al,
autorisait l’exhérédation d’un enfant , si l ’enfant avait attenté à la vie
de ses parens ; s’il avait battu ses parens ; s’il leur avait dit quelque
injure atroce ; s’il leur avait fait quelque outrage ou quelque griève
offense ; s’il les avait accusés crim inellement, et qu’il leur eût occasionné
de grosses dépenses par sa dénonciation ; s’il ne les avait pas secourus,
et notamment en maladie ; s’il ne les avait pas délivrés de prison ; s’il
avait habité avec sa belle-mère.
R suffisait au .père qui avait exprimé plusieurs causes, d’en prouver
une , suivant la même novelle , chapitre 3.
Ce que la loi ancienne permettait au père contre des enfans rebelles
ou ingrats, balanceriez-vous de l’appliquer à un étranger! ne le repous
seriez-vous p a s, sur la demande du père , du sein d’une famille où il ne
s'efforcerait d’entrer que par des moyens aussi criminels? Vous ne voudriez
pas favoriser le je u des passions et la licence des mœurs ; vous ne
laisseriez pas un enfant se précipiter dans des engagernens qui seraient
honteux.
Ces principes trouvent leur application dans la conduite de M . de
Fontsalive, dont je vous ai fait le tableau.
L e magistrat recevrait encore l’opposition d’un père à un mariage
inconsidéré.
L e Législateur donne au père le droit d’empêcher un enfant de se
précipiter dans des engagernens inconsidérés : o r , peut-il y avoir un
engagement plus inconsidéré que celui où la jeunesse d’un enfant serait,
à-la fois sacrifiée à un homme âgé, valétudinaire, sans état et sans fortune ?.
L e Législateur vous dit que ce serait favoriser le jeu des passions et
la licence des m œurs, en croj ant ne protéger que la liberté du mariage.
U n jeune homme dépourvu de fortune, laisse au moins l’espoir
se procurer de l’aisance par un travail assidu ; mais au déclin de la
et avec des infirmités, on ne commence pas un apprentissage,
ii’acquiert pas des ta le n s ;o n reste ce qu’on est; toute espérance
perdue : cest le temps de jouir des tiavaux de sa jeunesse; c’est
temps de se réunir au conseil des sages.
de
vie
on
est
le
Ce mariage est inconsidéré , parce qu’il intervertit les lois de la
�( 48 )
nature ; ce mariage est inconsidéré, parce qu’il est contre nature ; ce
mariage est inconsidéré, parce qu’il répugne à la conscience du père de
fam ille; et j’ose dire que ce mariage est inconsidéré, parce qu’il répugne
à la conscience publique.
L ’opposition du père est recevable non seulement sous le rapport
de la loi ; mais encore elle est nécessaire, dans la pensée du Législateur,
sous le rapport des moeurs, sous le rapport de la société.
T o u t me paraît développé dans les principes de la législation nouvelle
sur les mariages des enfans de famille. Il ne^ peut plus exister de doute
que les pères n’aient le droit de veiller à l’intérêt de leurs enfans
même majeurs , pour les empêcher , suivant les expressions de M . Portalis, de se précipiter dans des engagemens honleuoc ou inconsidérés.
L e Législateur s’est prononcé ; il ne
passions et la licence des mœurs. Les
se rassurer ; ils auront moins à craindre
de leurs conseils et méconnaître l ’utilité
veut pas favoriser le je u des
pères de famille peuvent donc
de voir leurs enfans s’éloigner
de leurs avis.
L a Dlle. d’Albiat ma fille , naturellement timide et réservée, sans
désir comme sans expérience, a resté dans la maison Fonghasse à la
disposition de sa mère. Elle n’a eu d’autre volonté que la volonté de sa •
m ère, d’autres-sociétés que les sociétés de sa m ère, d’autres conseils que
les conseils de sa mère; elle n’a rien calculé, elle était à son âge hors
d’état de calculer ; c’est sa mère qui a tout calculé pendant sa minorité ;
c’est sa mère qui lui a donné les principes qui doivent la diriger; c’est
sa mère qui a conduit ses pas.
M a fille , sans visite préalable, et sans me faire prévenir, se rend
chez m oi, le lundi a 3 décembre, premier jour de sa majorité, à sept
heures et demie du matin, avec un notaire et deux témoins : il faisait
un froid rigoureux ; le soleil n’était pas encore levé ; le temps était'
obscur.
Ce jour mémorable pour elle , et qui lui sera toujours fa ta l, fut flétri
par un acte de violence et d’irrévérence. Il sem ble, par les coups re
doublés qu’on donnait à la porte de mon appartement, qu’elle venait
insulter, le premier jour de sa majorité, à la douleur d’un père.' Elle ne
put entrer chez moi à une heuré aussi indue. Elle revint, le 5 nivôse
ou le 26 décembre dernier, à onze heures du matin, avec M . Chevalier,
notaire, M M . Besseire de Dianne du P uget, et Boubon comme témoins.
M.
�( 49 )
M . Chevalier me remit l ’expédition d’une requête et d’une ordonnance
du Tribunal, du 24 décembre, dont je vais vous faire lecture.....
M . Chevalier, notaire 3 me présenta, au nom de ma fille , un prétendu
acte de respect tout rédigé et écrit par une main étrangère , que je n’ai
point signé, et contre lequel j’ai protesté : je vais vous en faire lecture......
J’ai fait signifier, lçr lendemain 27 décembre , à M . Chevalier, un
acte de protestation contre les deux témoins : je vais aussi vous en faire
lecture..... (1)
Les démarches de la Dlle. d’Albiat ont un caractère d’irrévérence ,
d'égarement, de faiblesse, d’abnégation d’elle-même; elle est absolu
ment subjuguée, elle n’a plus de volonté.
O n a tracé, dans la requête présentée au nom de ma fille, un men
songe avéré. Si ma fille avait cette indépendance que la majorité devrait
donner , aurait-elle signé que je ne donne aucune raison de mon refus
à son mariage ? Q uel que soit le rédacteur de cette requête , elle n ’en
contient pas moins une fausseté, de dire que je ne donne aucune raison
de mon refus. Je 11’ai cessé de donner à ma fille des raisons pour la
détourner de ce mariage, depuis que j’en suis instruit; j’en avais de
trop bonnes pour vouloir les dissimuler, et je n’avais pas intérêt de les
cacher à ma fille. M ais c’est une mauvaise ruse pour chercher à me
donner de la défaveur. Je ne puis que plaindre ma fille d’être trompée
par un entourage aussi perfide.
L e Dlle. d’Albiat se borne à me demander mon consentement, qui
lui devenait nécessaire pour abréger les délais; mais elle ne me demande
aucun conseil ; elle ne se conforme même pas à la requête et à l’ordondance des premiers juges, qui lui prescrivait, suivant ses conclusions, de
me demander conseil. Elle a contrevenu à l ’article 1 5 1 du Code civil.
Cet article s’explique ainsi : « L e s en/ans de fam ille ayant atteint la
» majorité fix é e par l ’art. 148 , sont ten u s, avant de contracter 111a» riage , de demander par un acte respectueujc et form el, le conseil
» de leur père et de leur mère , ou celu i de leurs aïeuls et aïeules,
» lorsque leur père ou leur mère sont d écéd és, ou dans l'impossi» b ilité de manifester leur volonté. »
La loi est précise , elle n’admet aucune équivoque ; le conseil doit
être demandé par un acte, et cet acte doit être formel; il doit en être dressé
procès-verbal, suivant l’article 154, ainsi conçu : « L ’acte respectueux
» sera notifié à celu i ou ceu x des ascendans désignés en l'article 1 5 1,
» par deux notaires, ou par un notaire et deux témoins; et dans le
( 1 ) Les Pièces sont imprimées à la fin.
G
�( 5o )
)) procès-verbal qui doit en être d ressé, il sera fait mention de la
» réponse. »
C ’est le conseil de leur père et de leur mère que les enfans doivent
demander, et non un simple consentement ; ils ont besoin d’élre éclairés,
et ils ne peuvent être éclairés que par le conseil de leur père et de leur
mère.
L a demande d’un conseil tient à l’essence de l’acte; les autres ex
pressions tiennent seulement à la forme de l’acte. La demande du conseil
est commandée p a rla loi; cette demande est de rigueur; cette omission
ne peut pas être réparée.
O n ne peut pas assimiler la demande d un consentement avec c
demande d’un conseil. Les expressions et les eiïets de l ’une ne sont
pas les expressions et les effets de 1 autre. L a demande d’un conseil
tend à éclairer pour parvenir
une détermination ; la demande d’un
consentement suppose au contraire une resolution déjà prise«
L ’une est un acte d’honnêtete , de déférence et d’égards ; l’autre est
un acte de grossièreté, de manquement et d’irrévérence.
Il n’est pas permis de juger la loi ; on doit se renfermer dans ses
propres expressions. Je m’appuie de l’autorité d’un arrêt de la Cour de
cassation, section des requêtes, du 19 frimaire an 14, à l’occasion d ’un
testament déclaré nul. Attendu , dit cet arrêt, que la lo i et la raison
ji admettent d’expressions équivalentes que celles qui sont synonymes
et identiques avec celles ex ig ées par la lo i , qu’ainsi la Cour de
Br(xxellt'sa p u , dans l'espèce, appliquer rigoureusement les dispositions
de l'article 10001 du Code civ il ; re jette, etc.
Je ferai une dernière réflexion. L e conseil ne doit être demandé que
sur le refus de donner un consentement ; et en effet
sur le refus
de donner ce consentement qu’il faut demander ce consèil, qu’il faut
renouveler cette dem ande, est-il dit formellement par l’article i5 a :
donc conseil et consentement n’ont pas la même signification.
Est-ce inadvertance, est-ce oubli de la part de la Dlle. d’Albiat ? Je
vois au contraire qu’elle ne perd pas de vue qu’elle a besoin de conseils,
et qu’elle doit en demander. Elle proteste au sieur d’Albiat son père,
qu’elle se pourvoira par les voies et moyens de droit pour parvenir à
son mariage, d ’après les conseils de la dame Dupuy sa mère et du
surplus de sa fam ille.
L a Dlle. d’Albiat proteste donc à son père qu’elle veut se diriger
d’après les conseils de sa mère , quelle appelle jusqu’à deux fois la dame
Dupuy y et les conseils du surplus de sa famille.
�( 5i )
T oute protestation est une irrévérence de la part d’un enfant qui
doit se borner à demander le conseil de son père, qui doit le méditer,
et attendre le délai de trois mois pour manifester sa résolution. Mais
la Dlle. d’Albiat renonce aux conseils de son p è re , aux conseils des
parens de son père qui n’ont pas voulu donner leur approbation à ce
mariage. Sa résolution est prise ; sa démarche n’est qu’une communication
irrévérencielle de mariage ; elle ne veut se décider que d’après les conseils
de la dame Dupuy sa mère , et du surplus de sa famille : aucun de
ses parens n’approuve ce mariage. Elle n’appelle plus sa mère par le
nom de son père ; elle préjuge d’avance la séparation de corps, qui est
une ouverture au divorce.
Ce n’est pas ici une simple irrévérence ; c’est une révolte audacieuse ,
conseillée par l’immoralité la plus profonde , par ces dévastateurs de
la fortune des familles , par ces amphibies domestiques , ascendans et
descendans , pères et époux, et tout cela à-la-fois.
L a Dlle. d’A lbiat fait l’aveu qu’elle est subjuguée , lorsqu’elle dit
qu’elle se trouve forcée de faire cette démarche ; mais que les avan
tages bien calculés et appréciés par la darne Dupuy sa mère et le
surplus de sa fam ille, sont impérieux dans cette circonstance , et ne lui
permettent point d’abandonner un projet mûri et approuvé par toutes
les personnes qui prennent intérêt à son mariage.
L a Dlle. d’Albiat s’est présentée chez son p è re , le 29 janvier dernier ,
avec M. Chevalier , notaire , Joseph M albet , menuisier , et Etienne
Bezombre , cabaretier , tous les deux comme tém oins, pour faire pro
céder à un second acte de respect dont il m’a été remis un double du
procès-verbal que je n’ai pas signé. Ce procès-verbal était encore en
partie tout rédigé d’avance , et il est en partie écrit par une main
étrangère : en voici la lecture . . . .
L a Dlle. d’Albiat suit dans ce second acte la même marche que dan3
le premier. Elle adhère aux mêmes raisons et motifs exprimés au pre
mier acte du 5 nivôse précédent. Elle ne demande point le conseil
de son p è re , comme la loi l’y oblige ; sa démarche 11’a d’autre objet
que de notifier à son père qu’elle est dans la ferme résolution de
ne point abandonner son projet de mariage.
Ce second acte n’est point conforme à l’art. i 5 i du Code civil. L a
D lle. d’Albiat devait encore se borner à demander le conseil de son
père. Il est irrévérenciel qu’une fille ne se présente devant son père
que pour lui notifier qu’elle est dans la ferm e résolution de 11e point
abandonner son projet de mariage , sur-tout d’après les raisons et motifs
G a
�( 5 2 }
exprimés au premier acte , et de dire encore qu’elle ne veut autrement
se soustraire à l'autorité paternelle, que dans le cas où il apporterait un
plus long refus de se rendre à ses instances ; et enfin , elle déclare
11’elle persiste dans les mêmes intentions. Cet acte est plutôt rédigé
ans la forme d’une lutte d’un enfant avec son père , que dans la
forme respectueuse d’un enfant qui doit demander le conseil de son
p ère, et ne se décider qu’après l’expiration des délais exigés par la
loi.
3
L a D lle. d’Albiat donne encore une nouvelle preuve quelle est subjugée , lorsqu’elle fait l ’aveu qu’il n’est point en sa puissance de renoncer
à cette union.
L a D lle. d’Albiat est revenue le 4 mars dernier chez son père , avec
M M . Chevalier et Chassaigne , notaires. Il m’a également été remis
un double du procès-verbal dressé par les notaires ; je l’ai signé, mais
avec protestation. Ce procès-verbal était en partie rédige d avance , et
il est écrit d’une main étrangère : en voici la lecture.....
L a Dlle. d’Albiat a fini par où elle aurait dû commencer. L e temps
ramène le calme , la réflexion donne un esprit de modération ; et la
D lle. d’Albiat aurait mieux connu ses intérêts, si elle n’avait pas été
retenue dans une maison sous l’influence de M . Fontsalive, et de ses
amis envoyés chez moi avec le notaire pour gêner la liberté réciproque
des communications entre ma fille et moi.
Ce troisième acte est rédigé dans des termes modérés. L a Dlle.
d’Albiat demande les conseils de son père; elle s’est conformée à l’art.
i 5i
du Code civil , elle en reconnaît la nécessité ; mais cet acte est
frappé d’un vice qui doit le rendre nul. L a Dlle. d’Albiat aurait dû
rétracter les deux actes des 2 nivôse et 29 janvier dernier , comme
n ’étant pas respectueux : elle n’en fait rien ; elle déclare au contraire ,
que par les mêmes motifs exprimés aux actes des 5 nivôse an 14 et
2Q janvier dernier , elle persiste à réaliser son projet de mariage avec
ledit sieur Dufreisse de Fontsalive. L ’acte n’est donc pas respectueux ,
puisque la Dlle. d'Albiat adopte les motifs des actes précedens qui
ne sont pas respectueux, et auxquels elle devait renoncer. Sa réponse
à mes observations 11 est pas îespectueuse , lorsque la Dlle. d A lb ia t dit
qu’elle prendra les moyens que kla loi lui indique pour parvenir à son
mariage : c’est vouloir anticiper le temps des épreuves , et annoncer
d’avance qu’on n’aura aucun égard au conseil qui doit être mûrement
médité par un enfant , et la loi prescrit le délai d’un mois. Ce troi
sième acte doit donc subir le sort des deux premiers.
Il semble qu’on cherche à étouffer dès sa naissance les sages dispo
�( 53 )
mettre
sitions d’une loi consacrée à la piété et au respect filial. O n veut
en parallèle avec la loi , des formules praticiennes rédigées depuis
plus de 3o ans.
Les lois de 3o ans ne sont pas les lois d’aujourd’hui. Les somma
tions respectueuses n’étaient pas nécessaires pour la validité des mariages;
elles n’élaient nécessaires que pour garantir les enfans de l’exhérédation.
Elles n’étaient devenues qu’une simple formalité , et un acte pour
ainsi dire conservatoire. Les juges évitaient d’ailleurs de prononcer
l ’exhérédation , comme contraire à la nature. Les pères n’avaient pas
intérêt de contester contre ces sommations.
M ais aujourd’hui l’acte respectueux a un but plus m oral, plus direct
au père , plus essentiel au mariage. L ’acte respectueux a un but d’utilité
pour l’enfant, qui doit demander le conseil de son père. L ’acte respec
tueux ne peut plus être éludé ; il ne doit donc pas être assimilé aux
sommations respectueuses prescrites par les anciennes lois. N e cherchons
donc pas à ternir la moralité conservée dans nos lois nouvelles, par des
formes usées sous les lois anciennes. Il faut savoir marcher en juris
consulte , c’est-à-dire en homme éclairé , et non en simple praticien
ou en homme qui ne connaît que la routine des formes.
Il a été rendu par la Cour de Bordeaux , le i 3 frnctidor
an i 5 , un arrêt rapporté dans le Journal de Sirey ( i ) , au sujet
d’un acte irrévérenciel ; je vais vous donner lecture de l’extrait
que j’en ai fa it ............. L ’acte fait par la fille à ses père et mère
est ainsi conçu : Laquelle adressant le présent acte à sesdits père et
m ère, leur a dit qu'étant dans la ferme résolution de devenir l'épouse
du sieur l Jierre-3ia rc B ....... et ne pouvant y parvenir sans au préa
lable leur fa ir e des actes respectueux , conformément à ce qui est
prescrit par le nouveau Code , lu i ayant constamment refusé leur
consentement ; elle les prie , les requiert avec tout le respect qui leur
est du , et les somme en tant que de besoin, de vouloir bien consentir
qu'elle s'unisse avec led it sieur B . . . . . , leur déclarant que dans le
cas où ils persisteraient dans leur refus , elle agira de même et
comme s’ils lu i avaient donné leur consentement ; pour quoi elle pro
teste de tout ce q u e lle peut et doit protester de ja it et de droit.
Réponse du p è re , qui ne veut pas de ce mariage déshonorant, avec
un homme qui a abusé d’un caractère sacré pour séduire sa fille.
Dires du défenseur d es’ père et mère : E lle les a sommés de con-
5
(i) An i , tome
4 > décisions diverses ,
page i
85.
�( 54 )
sentir a son mariage ; elle leur a annoncé qu'elle, était résolue a
le contracter , et qu'elle passerait outre nonobstant leur refus;
e lle s'est permis de faire contre eu x des protestations ; loin d ’avoir
demandé des conseils , elle leur a implicitement déclaré qu’elle saurait
§’en passer, ou quelle était résolue à n ’y avoir aucun égard. Ainsi la
puissance paternelle , les égards que la nature et la loi commandaient,
ont été méconnus.... L ’arrêt rendu , considérant que l’art. 1 5 1 n’autorise
pas les enfans à dresser des sommations........ déclare les actes dits
respectueux , nuls.
U n arrêt rendu par la Cour d’appel de Rouen, du G mars 1806, déclare
des actes de respect suffisans et respectueux,. quoique le mot sommé se
trouvât dans les actes ; mais M . Bnère , s u b s titu t du procureur-général,
qui a pris des conclusions conformes à l’arrêt,.a observe que dans l’espèce
de l’arrêt de Bordeaux, on voit une filie rebelle aux douces insinua
tions de l’amitié paternelle, qui refuse de voir son père avant les actes
respectueux, quoiqu’il l’en ait tendrement soilicitee. D ailleurs, les actes
de cette fille n ’é t a i e n t rien moins que respectueux ; ils contenaient des
expressions a n n o n ç a n t du dédain pour son père , et de l ’affectation
à le braver.
Vous devez vpir , M essieurs, par l’ensemble de ces actes , combien
ma fille est subjuguée, combien elle est trompée.
L e langage , le style des conseils de la Dlle. d’A lb ia t, prouve qu’on
veut exercer la persécution sur ma fille comme sur m o i, et qu’on veut
la sacrifier. Il semble même qu’on ne la dirige que pour la précipiter dans
un abyme de maux.
O n a la noirceur de lui faire déclarer dans un acte public , qu’elle se
trouve forcée de faire cette démarche ; que les avantages sont impérieux
dans cette circonstance , et ne lui permettent pas d’abandonner ce
projet. O n lui fait encore répéter , dans le second acte, qu’il n’est point
en sa puissunce de renoncer à celte union.
M a fille est donc forcée , elle est subjuguée , puisqu’il n’est pas en
sa puissance de renoncer à cette union. Sa volonté 11’est donc pas libre.
Il est vrai qu’elle est retenue en chartre privée depuis trois ans ; qu’on
l ’a éloignée de mes conseils et de ceux de mes parens. Cette décla
ration commandée est d’une impudeur réfléchie et atiectée. Les perfides
conseils de ma fille sont moins occupés de ménager son honneur, que
d ’assurer à M . de Fontsalive une possession qui ne puisse pas lui
échapper.
Je trouve encore dans ces actes prétendus respectueux , une preuve
que M . de Fontsalive a fréquenté la société de la dame d’A lbiat et
�( 55 )
de sa fille. O n Fait déclarer à m t file , dans le premier acte , que les
rapports du caractère de M . de Fontsalive avec le sien, et sa délica
tesse et honnêteté , qui lui sont bien connus, ne peuvent que la fortifier
dans ses premières intentions ; dans le second acte , qu’elle croyait
trouver dans cette union son bonheur, par une sympathie d’humeur et
de caractère. L a Dlle. d’Albiat n’a pu acquérir cette connaissance de
caraclère et de sympathie, que par une fréquentation ancienne et habi
tuelle. T o u te preuve testimoniale me devient inutile.
Je vois encore la preuve que cet arrangement s’est depuis long-temps
concerté avec la mère , puisqu’on fait dire à ma fille que les avantages
im périeux, dans cette circonstance, ont été calcules par la dame D u p u j
sa m ère, et qu’elle se pourvoira par les voies et moyens de droit, d’apres
les conseils de sa mère. E t en effet, M . Dufreisse l’aîné avait été chargé
en mon absence , il y a un a n , ma fille étant encore mineure, de parler
à M . Chabrol de Iliom , de ce projet de mariage , pour en obtenir son
approbation.
Vous voyez actuellement, M essieurs, que M . de Fontsalive n’a
répandu contre moi la diffamation , que pour me repousser de la
maison Fonghasse, moi qui suis le père de famille ; pour ravir ma fille
à ma surveillance qui lui était incommode , pour la fréquenter contre
mon gré , contre ma volonté expresse , pour la tromper , la réduire à
un état de langueur , de misère , et en faire sa garde-malade. Une
mort prochaine sera la plus belle perspective qu’elle puisse attendre.
Fille malheureuse et trompée , ô ma fille ! j’ai voulu garantir ta jeu
nesse des écueils qui te menaçaient. J’ai réclamé la sûreté de ta
personne ; pouvais-je développer un caractère plus honnête ? pouvais-je
taire un acte plus moral ? Je remplissais un devoir religieux ; j’en ai
été puni. J. u as ete livrée contre ma volonté paternelle ; tu as été
laissée a la disposition de celui qui subjugue ton esprit, tu es menacée
de devenir sa victime; et pour que tu n ’échappes pas à ses intrigues ,
des conseils perfides et complices veulent te iaire dire qu’il n’est pas
en ta puissance d ’y renoncer.
L a conduite de la Dlle. d’Albiat deit vous paraître bien répréhen
sible , d’après les actes que je viens de vous analyser ; rassurez-vous ,
Messieurs; rassurez-vous, pères de fam ille; la Dlle. d’Albiat s’est bornée
me demander mon consentement
son mariage , mais pour le sur
p lu s, elle ne m’a rien dit de tout ce qu’on lui fait dire, elle n’a rien
observe de tout^ ce qu’on lui fait observer. C ’est une énonciation con
traire à la vérité. L a preuve de ce que j’avance est consignée dans ces
M.
a
actes mêmes.
à
Chevalier , notaire ? s’est présenté chez moi avec des
�( 56 )
actes écrits , et ces actes ne sont pas même écrits par M . Chevalier ;
il est donc prouvé qu’il n’est point le rédacteur des observations que l’on
prétend que la Dlle. d’Albiat m’a faites. Ces actes ne sont pas de simples
actes recordés ; c’est un procès-verbal que le notaire doit rédiger , suivant
l ’article i /j . du Code civil.
5
Q u ’est-ce qu’un procès-verbal ? U n procès - verbal est un écrit qui
contient l’exposé fidelle de tout ce qu’un fonctionnaire public a vu ou
entendu. U n procès-verbiil devient alors le miroir de la vérité, qui doit
réfléchir sur tous ceux qui veulent s’en servir , de la même manière
que sur l'officier public qui a tout vu ou tout entendu. Ce ne sont pas là des
idées métaphysiques , ce sont des idées simples et claires. O r, un juge
ne dresse procès-verbal d’un corps de d é lit, que parce qu’il l’a vu ;
un iu^e ne dresse procès-verbal de la déposition des témoins, que parce
qu’il a entendu la déposition des témoins : il no dresse procès-verbal
que de ce qu’il a vu ou entendu. Q uelle confiance auriez-vous à un
fonctionnaire public qui doit vous attester par son écrit ce qu’il a vu ou
entendu, et q u i c ep en d a n t n’a rien écrit ni rien fait ecrire en sa présence
au m o m e n t de ce qu’il a pu avoir vu ou entendu ? L a signature du témoin
sera it insuffisante , puisque le fonctionnaire public doit transmettre par
son procès-verbal la vérité comme il l ’a vu ou entendu.
O n ne doit pas confondre, dans un procès-verbal , ce qui tient à la
forme avec ce qui tient à l’essence de l’acte. Ce qui tient à la forme
est du fait du notaire ; ce qui tient à l’essence de l ’acte est du fait
des parties. O r , il est indiffèrent d’écrire d’avance et hors de la présence
des parties, tout ce qui tient à la forme ou au préambule de l ’acte. J’ajou
terai encore que tout ce qui est du fait d’une des parties seulement, pourrait
encore être écrit d’avance ; cela pourrait être une irrégularité , cela
pourrait être une preuve de suggestion, mais ne serait pas un faux.
A u m o m e n t où les deux parties sont en présence; au moment où un
enfant fait à son père ou un exposé ou des observations , pour me
servir des termes mêmes de ces actes ; au moment où commence la
conférence entre le père et l’enfant, le fonctionnaire public écoute ,
le fonctionnaire public constate par son écrit ce qu’il a entendu, ou
plutôt il en dresse procès-verbal , et son procès-verbal doit faire foi :
il ne peut pas lui être permis d’écrire au - delà de ce qui a été dit.
JVL. Chevalier , notaire , a
écouté , a-t-il entendu , a-t-il écrit ou fait
écrire en ma présence le procès-verbal qu’il devait dresser? M . Chevalier »
notaire , n’a point écoute , puisque ma fille n’a rien dit ; M . Chevalier
n’a rien entendu, puisque ma fille a gardé le silence ; M . Chevalier n’a
rien écrit ni fait écrire eu ma présence , puisque son procès - verbal était
écrit par une main étrangère , et avant d’arriver chez moi.
M.
�( 57 )
M . Chevalier n’a rien entendu, M . Chevalier n’a rien écrit; et il est
absurde qu’il veuille attester par sa signature que le procès-verbal des
actes dits respectueux est son ouvrage , qu’il a entendu, qu’il a dressé
procès-verbal, ou écrit avoir entendu. 11 ne peut pas y avoir procèsverbal de la main d’un notaire qui n’a pas écrit. 3YI. Chevalier a donc
faussement certifié avoir dressé procès-verbal, puisqu’il n’a pas écrit la
partie du procès-verbal que j’atlaque comme contraire à la vérité.
On a dicté et écrit d’avance ce que la Dlle. d ’Albiat devait dire à son
père; et ma fille n’a pas eu l’impudeur de me le dire; M. Chevalier n’a
pas eu la peine de l’écrire : ce n’est donc qu’un procès-verbal fait sous la
cheminée.
U n pareil procès-verbal ne pèut pas être considéré comme un procèsverbal de forme, qui reçoit une authenticité suffisante par la signature
de la partie requérante et du notaire.
U n pareil procès-verbal est de rigueur. Il doit recueillir scrupuleux
sement les paroles d’un enfant , afin que la Justice puisse avoir la
certitude que la démarche de l'enfant a été respectueuse.
U n conseil peut bien sans doute régler d’avance ce qu’un enfant doit
dire à son père ; mais il est dangereux d’en préparer d’avance l’acte ,
dans l’incertitude si l ’enfant osera s’exprimer de la même manière ; parce
que l’acte devenant l ’ouvrage du notaire, ne doit attester que la vérité de
ce qui se dit et nondeeequi doit se dire. Mais ne serait-il pas plus simple
de laisser à un enfant la liberté de s’exprimer naturellement ? Son cœur,
son éducation son habitude le porteront toujours à parler avec respect;
et il écoutera avec plus de confiance les conseils de son père. U n
conseil étranger gale tout ; un conseil inspire quelquefois à un enfant
la révolté , flatte ses passions , entretient ses erreurs, et ne conserve la
confiance que par la défiance qu’il donne.Quoique cet inconvénient n’existe
pas toujours , il s’est réalisé dans cette circonstance. M a fille dirigée
par elle-même a été réservée et décente ; ma fille dirigée par ces actes
qui étaient l’ouvrage de ses mauvais conseils , a été irrespectueuse.
U n énoncé faux n’est pas toujours criminel.. Il n’est pas criminel
lorsqu’il est matériel ; il est simplement matériel lorsqu’il ne peut pas
nuire à un tiers. Cette fausse énonciation est nuisible. lille prépare ma
fille a commettre une action mal-honnête et irrévérencielle envers son
père ; elle est donc nuisible. Cette fausse énonciation prouve la sug
gestion ; M . Chevalier s’en rend complice ; elle est donc nuisible. Cette
Fausse énonciation suppose l’irrévérence commise par un enfant envers
son père ; l’irrévérence d'un enfant envers son père est contraire à la
nature t est contraire a l lionnetete publique ; cette fausse énonciation est
H
�< 58 > _
donc nuisible. Celte fausse énonciation arrête 1élan du sentiment ,
étouffe la pensée , gêne la liberté de s’exprimer naturellement , détruit
les heureux effets d’une communication entre le père et l ’enfant ; cette
fausse énonciation est une fraude aux dispositions de la loi; elle est
donc nuisible. T o u t ce qui est nuisible doit être réparé : ces actes
doivent donc être rejetés.
Ces actes sont nuls dans la forme ; ils n’ont point ce caractère suffisant
d’authenticité, comme ayant été rédigés d’avance , et par une écriture
étrangère à celle du notaire.
L es actes des 5 nivôse et 29 janvier derniers sont nuls au fonds ; ils
ne font aucune mention de la demande que devait faire la Dlle. d’Albiat
du conseil de son père , conformément au texte formel de l’art. i 5 i du
Code civil.
Les actes des 5 nivôse , 29 janvier et 4 mars derniers sont encore
nuls au fonds, comme n ’étant pas respectueux , et ne contenant que
des protestations ou renonciations de la Dlle. d’Albiat aux conseils de
son père , pour s’en tenir à ceux de sa mère, qu’elle appelle la dame
D upuy. Ces actes n ont d’autre effet que de prouver que la Dlle. d’Albiat
est subjuguée, et qu’elle n’a pas une volonté libre.
Les moyens de captation ont été préparés d’avance, et sont prouvés
par les actes mêmes.
L e projet de mariage était arrêté depuis trois ans , et lorsque ma
fille n’avait que dix-huit ans ; ce fait est constaté par le jugement dont
est appel. Je n’en ai été instruit que deux ans après , et postérieu
rement a l’arrêt du 11 fructidor an 12. Le père a été éloigné ; la fille
a été laissée a la disposition de sa mère dans la même maison où M.
de Fontsalive avait fixé sonlogement. Si vous aviez pu connaître cet état de
choses qui est aujourd’hui avoué , vous 11'eussiez pas rendu l’arrêt du
11 fructidor, surpris à votre justice par une mère qui vous laissait ignorer
ses secrètes intentions.
Ce mystère ténébreux a fait le malheur d’un père qui doit actuellement
vous être mieux connu. C elle intrigue sourde prouve jusqu'à quel point
la captation a été préméditée.
Cette captation résulte de la précipitation qui a été mise à faire ces
actes , sans en prévenir le père , sans prendre l’avis d’une famille, sans
mettre aucun intervalle entre la minorité et le temps de la majorité , sans
laisser quelques inslans à la méditation , sur-tout dans un moment
où la dame d ’Albiat djvait recueillir une succesiion de plus de soixante
mille francs.
�( 59 )
L a captation est prouvée par la précautiori qu’on a prit d’envoyer
pour témoins M M . de Dianne du ro u g e t, et Bouben , intimes amis
de M . de Fontsalive, et qui paraissent n’avoir été choisis que pour
circonvenir la Dlle. d’Albiat et violenter son père , dans le moment
même où il devait exister une grande indépendance. Cependant la
D lle. d’Albiat aurait dû çtre éloignée de l’influence de M . de Font
salive, au moment d’un acte qui devait être libre et respectueux*
L a captation résulte de l’acte que j’ai fait signifier à M . Chevalier,
notaire, le lendemain 6 nivôse , contenant mes protestations contre le
choix de ces deux témoins, comme intimes amis de M . de Fontsalive,
et notamment contre M . de Dianne du Pouget, un des habitués de la
maison F on g ha sse, pour avoir fait des interruptions désagréables audit
d ’A lb ia t, et avoir manifesté une contradiction sur des ïaits positifs ,
avancés par ledit d’Albiat à sa fille; attendu qu’il ne pouvait exister
de communication libre entre ledit d’Albiat et sa fille , en présence
de témoins intimes amis de M . de Fontsalive.
L a captation est prouvée par la précaution qu’on a prit d’écrire
d ’avance ce qu’on voulait faire dire à ma fille.
L a captation est prouvée par. le silence de la D lle. d’Albiat en pré
sence de son père.
L a captation est prouvée par les actes mêmes , où il est dit que
la Dlle. d’Albiat est forcée de [faire une démarche qui porte avec
elle le caractère d ’une désobéissance, mais que les avantages bien
calculés et appréciés par sa mère , et qui sont impérieux dans cette
circonstance, ne lui permettent pas d’abandonner ce projet ; qu’elle
regrettait de ne pouvoir se rendre aux vœux de son p e re , mais qu’il
n’etait pas en sa puissance de renoncer à cette union.
L a captation est prouvée, lorsqu’on fait dire dans ces actes, contre
les règles immuables de la nature, que la Dlle. d’Albiat croit trouver
dans cette union son bonheur, par une sympathie d ’humeur et de
caractère, malgré que les goûts et les jouissances des jeunes per
sonnes sympathisent peu avec ceux des gens âgés et valétudinaires.
L a captation est prouvée par la continuité de co-habitation de M . de
Fontsalive dans la même maison , par la fréquentation habituelle de
M . de Fontsalive avec la D lle. d’Albiat.
Cette captation est attentatoire à l’arrêt du n fructidor an 12,'
puisque M . de Fontsalive n’a pas respecté l’asile de la fam ille, contre
la volonté du père de fam ille, exprimée publiquement à votre audience
comme devant les premiers Juges.
H a
�( 6o )
Cette captation est encore une violation manifeste à l’arrêt du n
fructidor an 12 , puisque M . de Fontsalive a interrompu l’éducation
que la Cour avait commandé à la dame d’A lbiat de donner à sa
fille.
Cette captation n’a laissé à la Dlle. d’Albiat aucune faculté à la
réflexion , aucune liberté pour faire des actes respectueux. Cette cap
tation serait seule un m otif suffisant pour annuller les actes qui m’ont
été faits.
O n a employé des moyens violens pour parvenir à la captation.
a bravé la puissance paternelle en tr o m p a n t votre justice. O n a
bravé la Justice en abusant de votre arrêt. M . de Fontsalive a bravé
l ’honnêteté publique en se fixant dans la même maison , sous le meme
to it, et à la suite de l ’a p p a r t e m e n t quoccupait la Dlle. d’Albiat. L a
décence et l’honnêteté publique ne lui permettaient pas de fréquenter
l ’habitation où la Dlle. d’Albiat avait été mise en dépôt par autorité
de justice, s u iv a n t la disposition des arrêts , et les maximes établies
par M . l’Avocat-général Gilbert de V oisins, portant la parole lors
d ’un arrêt du 8 mai 1 7 4 1 , cité par D en isart, au mot m a ria g e,
N .a 190. Ce Magistrat requit d'office la défense aux parties de se
fréquenler , malgré que le mariage déclaré nul par défaut de form e,
parût sortable.
On
L a pensée se reporte naturellement sur la dame d’Albiat. Je voudrais,
M essieurs, pouvoir vous dissimuler , je voudrais me dissimuler à moimême les reproches bien plus réels que j’ai le droit de lui faire ,
que la Justice doit lui faire. Sa fille était confiée à sa garde ; elle
l ’ava it obtenue contre la volonté du père de famille , contre la décision
des premiers Juges. Seule et unique régulatrice des pensées, des
v o lo n té s de sa fille qui lui était soumise , dévouée et assujettie par
la nature de son caractère et de sa position, elle d evait, suivant les.
expressions de l’Edit de 1 56o , lui rendre le double office de père et
de mère ; et cependant elle l’abandonne , elle néglige de la surveiller ,
elle souffre des assiduités, des fréquentations continuelles. ÜYlais }
Messieurs , ce qui vous paraîtra incroyable et ce qui est peut-être
sans exemple , 011 ne cherche pas même à recouvrir la dame d A lb ia t
du voile du mystère, à la soustraire aux soupçons qui peuvent s’élever
contre e lle , à l’excuser sur les présomptions et les probabilités qui
sont constantes ; on l ’associe , contre l ’usage reçu , à ce projet de
mariage et aux moyens d’exécution. On a fait enfin l’aveu à l’audience
du Tribunal de' Clerm ont, que ce projet de mariage était arrêté
par la 'dame d’AIbiat depuis trois ans , et avant la moit de M me.
�( 61 ? ,
de Vernines la m ère, qui en avait été instruite et avait donné son
consentement.
Q uelle étrange révélation ! Je l ’ai appris pour la première fois à
l ’audience du Tribunal de Clermont. Q uel mystère ténébreux ! J'ai
vécu dans la maison Fonghasse plus d’un a n , et la dame d’Albiat
ne m’en a jamais rien dit. Q uel concert affreux ! M . de Fontsalive
qui déjà était adopté par la dame d’A lbiat, méditait ma ruine. Q uel
aveuglement ! La dame d’Albiat demandait à la Justice que sa fille
lui lut confiée , et elle ne voulait que préparer les liens d’un mariage
déjà arrêté. Q uel égarement ! L a dame d’Albiat éloigne la défiance
que j’élevais contre M . de Fontsalive , en le désignant en la Cour
sous un âge avancé : elle ne voulait que ravir sa fille à la surveillance
de son m ari, la laisser sans conseil comme sans appui, sous l’influence
d ’un homme qui doit faire son malheur.
Les droits d ’un père ont été méconnus ; un enfant est clandestine
ment sacrifié ; la Justice est trompée. Je ne vois pas , M essieurs, qu’il
soit possible d’imaginer une combinaison plus outrageante pour un
p ère, plus désastreuse pour un enfant ; et on ose venir à une audience"
en faire l’aveu. Q ue de réflexions ne pourrais-je pas faire ! mais j’ai
le cœur trop serré.
C ’est la mère qui a m édité, réfléchi et calculé, pendant la mino
rité de sa fille , les avantages impérieux de cette union. C'est la mère’
qui a donné des conseils ; c’est la mère qui , pendant la minorité a
donné son consentement, malgré le refus du père de donner le sien.
L a dame d’Albiat devait préalablement en délibérer avec moi, puisque"
j ’habitais alors avec elle. L a loi lui imposait l’obligation de concerter
avec son mari le consentement qu’elle voulait donner à ce mariage,
et qui aurait dû être produit avant les actes de respect ; c ’est ce qui
résulte de l’article 148 du C o d e, qui porte qu’en cas de dissentiment,
le consentement du père suffit.
Si la dame d’Albiat avait eu les ménagemens que sa position et la
mienne semblaient commander ; si elle avait voulu connaître l’opinion
du père de famille , et de la famille entière, avant de se d écid er,
elle aurait mieux calculé, et elle ne se croirait pas forcée de conduire
sa fille , comme une victim e, à l’autel.
C ’est daiis l’âge de la faiblesse, c’est dans lage de l ’inexpérience,
c’est pendant sa minorité que ma fille a été égarée par les faux
calculs de sa mère; c’est pendant sa minorité et depuis l ’âge de dixliuit a n s, qu’elle est trompée par les conseils de sa mère ; et on ose
en faire l’aveu.
U ne mère révoltée contre la puissance m aritale, même dans le
moment le plus important de la v ie , ne peut que faire de mauvais
calculs, et ne donner que des conseils irréfléchis à ses enfans.
�( 62 )
T o u t est donc éclairci dans cette cause , sans avoir recours à des
témoignages timides ou suspects. On n’a donné l’épouvantail de crimes
im aginaires, invraisemblables , que pour exécuter des crimes trop
réels , des crimes prouvés. Je me plais à répéter , que Dieu ne
permet pas toujours que le crime puisse long-temps triompher. L e
complot est à la fin découvert , même lorsqu’on peut encore le
réparer.
Dans quelle situation ne me jettent pas les agens de la dame d’A lbiat,
lorsqu’ils réduisent un père malheureux à la cruelle nécessité de
confier au public l’histoire des malheurs de sa famille , pour sauver
sa fille de malheurs qui seraient irréparables ! La dame d’Albiat est
dans leurs mains un instrument^ qu’ils tournent à leur fantaisie ,
suivant leurs caprices, leur in teiêt, leurs passions. L a conduite de
toute ma vie est le reproche de la leur. Ils veulent envelopper et
anéantir une famille qui a une antique possession d é ta t, une antique
possession d’honneur et de probité qui ne se sont jamais altérés.
Epouse faible et trompee , mère credule et im prudente, dis donc
où t’ont c o n d u it jusqua présent les conseils, tes agens, ton entourage
et tes éclats. Vois la position où tu places ton mari, vois celle que tu
destines à ta fille, vois ta position même. Q ue penses-tu? quel est ton
bu t ? C ’est en t’éloignant de ton m ari, c’est en te privant de ses conseils
que tu as ouvert cet abyme de maux. 11 en est temps encore , reprends
le rang qui convient à ton époux, à ta famille , à tes enfans, au nom
que tu portes. Songe que la qualité d ’épouse est s i honorable, dit
M . Fortalis, q u e , suivant l'expression des anciens , ce n'est point la
volupté , mais la verlu , l'honneur même qui la fo n t appeler de ce
nom. .
i
JJxorem digm talis nomen e s s e , non voluptatis.
Messieurs , la loi vous a revêtus d’un grand pouvoir ; vous allez
donner un exemple mémorable qui va influer sur la morale publique.
Chaque père de famille attend avec une inquiète sollicitude votre dé
cision. Vous ne favoriserez point le je u des passions et la licen ce
des mœurs; vous ne souffrirez pas que des hommes sans fortune s’in
troduisent impunément dans les ménagés pour y porter le trouble et la
désolation; vous resserrerez davantage le lien des familles; vous proté
gerez l'esprit de fam ille contre l'esprit de so ciété, contre les calculs
de la séduction, contre les intrigues ourdies dans l’ombre d’une société
mal assortie. L/outrage préparé avec art sera vengé ; vous maintiendrez
les bonnes m œurs, et l ’autorite paternelle qui les défend.
S ig n é
d’
A l b ia t .
�( 63 )
COPIES
DES
ACTES.
Aujourd’hui cinq nivôse an quatorze , vingt-six décembre dix huit cent
cinq , heure de onze du matin ; en conséquence de l’ordonnance de
M . le Président du Tribunal civil de Clermont-Ferrant, du trois du
présent, étant au bas de la requête à lui présentée le môme jo u r,
et annexée à la minute des présentes, en la présence et assisté de
M .e C hevalier, notaire en ladite v ille , commis par ladite ordonnance,
et des témoins ci-après nommés, soussignés, la Dlle. Claire-Joséphine
d ’A lb ia t, fille m ajeure, habitante de ladite ville de Clermont, s’est
transportée en la demeure de M . Jacques-Pierre-Marie-Anne d ’A lbiat
son père , ancien Procureur du Roi en la ci-devant sénéchaussée de
ladite ville , y habitant; où étant, et parlant à sa personne,
Ladite Dlle. d’Albiat a exposé qu’elle se propose de contracter ma
riage avec M . Joseph-Guillaume Dufreissede Vernines-Fontsalive, majeur,
habitant de la même ville; que le refus de son père d’y ‘consentir lui
devient d’autant plus pénible, qu’elle se trouve forcée de faire une dé
marche qui porte aven elle le caractère d’une désobéissance; qu’elle eût
bien désiré tenir de lui la faveur que lui accorde la loi du a 6 ventôse
au i i , articles i 5 r et 1 5a ; il lui eût épargné le désagrément d ’un acte
qu’elle craint autant cpi’il répugne à son cœur ; mais que les avantages
bien calculés et appréciés par la dame D u p u j sa mère et le surplus
de sa famille , sont impérieux dans cette circonstance , et ne lui per
mettent point d abandonner un projet'm ûri et approuvé par toutes les
personnes qui prennent interet à son mariage : en conséquence, qu’elle
priait et suppliait respectueusement sondit père de se rendre à ses ins
tances , et de joindre son consentement à celui dp ladite dame Dupuy
sa m ère, nécessaires à son mariage avec ledit sieur Dufreisse de Vernines.
( ci-dessus écrit d'avance et non par le notaire) (i). Ladite Dlle. d ’Albiat
a signé, avec les sieurs Jean-Baptiste de Dianne du P ouget, et Antoine
Bonbon, tous propriétaires liabitans de cette ville, témoins présens au
présent acte ; avec nous Chevalier , notaire, qui avons donné lecture
d ’icelui.
d ’A l b i a t , d e
D ia n n e
du
P o u g e t , B oubon.
C H E V A L IE R .
(i)'Voyez, pages 55 et suivantes.
�( 64 )
L e sieur d’Albiat a observé que l’acte est incom plet, puisqu’on no
lui donne pas l’âge précis de M . Dufreisse-Fontsalive, qu’il lui est essentiel de connaître ; et au surplus, sous toutes réserves quelconques,
il a répondu qu’ayant consulté sa fam ille, et conformément à sou avis
unanime, il ne p e u t, ne d o it, ni ne veut donner son consentement à
ce mariage : d’ailleurs il observe qu’il ne peut y avoir de mariage lorsqu’il
n’y a pas de consentéftient; qu’il ne peut y avoir de consentement libre
lorsqu’il y a séduction ; qu’on ne peut pas vouloir ce qui est essentiel
lement nuisible.
« E t attendu que ladite Claire-Joséphine d’Albiat sa fille, est depuis long
temps subjuguée par des péfrsonnes qui ont abusé de sa faiblesse pour prendra
et'exercer sur elle un ascendant et une domination qui l'empêchent
d ’avoir d ’autre volonté que la l e u r , ledit sieur d’Albiat se réserve de
former opposition audit m a r i a g e , et de fahe valoir ses causes et m oyens,
ûvec protestation contre ca qui peut et doit être protesté. Et a déclaré
ne vouloir signer sa réponse, de ce enquis et interpelle.
Ladite D lle. d’Albiat proteste audit sieur d’Albiat son p ère, que sans
avoir dessein de manquer au profond respect et à la reconnaissance
qu’elle lui d oit, elle se pourvoira par les voies et moyens de druit pour
parvenir à son mariage , d'après les conseils de sa mère et du surplus
de sa famille; attendu qu’elle n’ignore pas que M . Duireisse-Fontsalivo
est plus âgé qu’elle , mais que les rapports de son caractère avec le
sien, et sa délicatesse et honnêteté, qui lui sont bien connus, ne peuvent
que la fortifier dans ses premières intentions. Desquelles sommations ,
réponses , déclarations et protestations, elle nous a requis a cte , que lui
avons octroyé lesdits jour et an. E t a été laissé audit sieur d A lbiat
copie çollationnée de la requête et ordonnance sus-énoncées, et des
présentes signées de nous et des témoins. Fait et clos et passé en la
maison dudit sieur d ’A lb ia t, à l’heure dç m id i, après avoir donnô
lecture des présentes.
d ’A l b ia t
,
de
D ia n n e
du
P o u g e t , B oubon.
CHEVALIER.
L ’AN quatorze, et le six nivose, à la requête de M . Jacques-PierreM arie-Anne d’A lb ia t, habitant de cette ville de Clermont-Ferrant, dé
partement du Puy-de-D ôm e, rue de l’Eclache, où il fait élection de
domicile ; je , Claude Vidalein, huissier patenté N .° 6 1 , reçu au Tribunal
civil de l’arrondissement de Clermont-Ferrant, résidant à Clerm ont,
soussigné, me suis transporté au domicile de M . Chevalier , notaire
en
�( 65 )
en cettedite v ille , rue des Carm es, où étant, et en parlant à sa do
mestique, je lui ai audit nom déclaré, que le jour d’h ie r, heure do
onze du m atin, lui Chevalier s’est transporté subitement chez moridit
sieur d’Albiat avec la Dlle. d’Albiat sa fille , assisté de M M . de Dianne
et Boubon comme témoins choisis par lui Chevalier, pour être présens
à la rédaction d’un acte fait au nom de ladite Dlle. d’A lb ia t. relative
ment à un projet de mariage entre ladite Dlle. d’Albiat et M . Dufreisse
de Fontsalive ; et comme lesdits deux témoins se sont déclarés être amis
particuliers de M . Dufreisse de Fontsalive, et qu’ils le sont en e ffe t, et
que mondil sieur de Dianne a fait plusieurs interruptions désagréables
audit d’A lbiat, et même manifesté une contradiction sur des laits positifs
avancés par ledit d’Albiat à sa fille , et qu’il ne peut exister de commu
nication libre entre ledit d’Albiat et sa fille en présence de témoins
intimes amis de M . Dufreisse de Fontsalive ; ledit sieur d 'A lb ia t, sans
aucune approbation dudit acte du jour d’hier, somme M .e Chevalier de
faire choix d’autres témoins qui ne soient point de la connaissance
intime de M . Dufreisse de Fontsalive, sinon il le rendra personnellement
garant et responsable de la violation qui serait faite de son domicile et
du trouble qui serait apporté à sa tranquillité ; sous toutes réserves et
protestations quelconques.Et a ledit d’Albiat signé avec nous huissier,
tant sur l’original que sur la co pie, lesdits jour et an.
d ’A lb ia t.
V i d a l e in.
Enregistré à Clerm ont, le i o nivôse an 14 , fol. 134 ; reçu un franc
dix cent, dixième compris.
n-,
L
T R U N E L.
Aujourd’hui vingt-neuf janvier dix huit cent s ix , heure de onze du
matin ; en conséquence de l’ordonnance de M . le Président du Tribunal
civil de Clermont-Ferrant , du trois nivôse an quatorze , étant au bas
de la requête <1 lui présentée le même jo u r, et annexée à la minute
du premier acte de respect fait le cinq dudit mois de nivôse, en la
présence et assistée de M .e Chevalier, notaire en ladite ville, commis
par ladite ordonnance , et des témoins ci-après nommés , soussignés,
ladite Dlle. Claire-Joséphine d’A lb ia t, fille majeure, habitante de la
même ville , s’est derechef transportée en la demeure de M . JacquesPierre-Marie-Anne d’Albiat son père, ancien Procureur du Roi en la
sénéchaussée de ladite ville, y habitant; où étant , et parlant à sa
personne, ladite Dlle. d’Albiat a réitéré l’intention où elle était de
contracter mariage avec M . Joseph - Guillaume Dufreisse de VerninesFontsalive, majeur, habitant de la même ville, et lui a observé que par
les memes raisons et motifs exprimés au premier acte dudit jour cinq
nivôse an quatorze, elle était dans la ferme résolution de ne point
/
I
�( 66 )
qu’elle
abandonner son projet de mariage, avec ledit sieur Fontsalive ;
re g re tta it infiniment de ne pouvoir se rendre aux vœux de son père ,
mais qu’il n’était point en sa puissance de renoncer à une union dans
laquelle elle croyait trouver son bonheur, par une sympathie d’humeur
et de caractère ; qu’elle espérait que l’avenir justifierait aux yeux de son
père toutes les considérations qu’elle a pu faire valoir pour se refuser à
ses désirs; et qu’elle lui renouvelait en conséquence sa prière de lui
donner son consentement, avec toute la soumission et tout le respect dû
à l’autorité paternelle , à laquelle elle ne voulait autrement se soustraire
que dans le cas où il apporterait un plus long refus à se rendre à ses
instances.
( Ci-dessus écrit d ’avance, et non par le notaire. )
( i)
Ledit sieur d'Albiat déclare qu’il persiste dans son refus, et par les
mêmes motifs , attendu qu il voit avec peine que sa fille est subjuguée
par un homme sans fortune , ayant près de quarante-quatre ans , étant
accablé d’infirmités, étant dans un état d’épuisement, ayant des maladies,
réitérées et continuelles, de catarres, d’humeurs, qui lui donnent une
figure blanche et alternativement rouge ; ce qui annonce l’humeur,
l ’épuisement, et une tendance à la dissolution prochaine du sang. Le
sieur d’Albiat persiste d’ailleurs à protester tant contre les actes précédens
que contre le présent acte; et déclare au surplus qu’il ne peut reconnaître
dans sa fille une volonté libre, lorsqu’elle manifeste en apparence le
désir d’épouser un homme aussi âgé , un homme valétudinaire , un
homme sans fortune pour exister. E t il déclare, en outre , qu’il ne
cessera de lui témoigner, tant qu’il pourra, des marques de son attache
ment et de sa tendresse paternelle, en lui accordant son assistance et
sa protection pour l’empêcher d’être une victime malheureuse dans un
mariage qui ne peut que lui être funeste. E t a déclaré ne vouloir signer,
de ce°enquis et interpellé.
Ladite D lle. d’A lb ia t, toujours avec la soumission et le respect
qu’elle porte à M . son père, persiste dans les mêmes intentions de s’unir
avcc M . Dufreisse-Fontsalive , espérant que M . d’Albiat se rendra à se3
prières et sollicitations.
D e tout quoi nous avoirs dressé le présent a cte, pour valoir et servir
ce que de raison, en présence de Joseph M albel, menuisier , et d’Etienne
(i) Voyez pages 55 et suivantes.
�( 6/ )
BesonVbe, cabaretier, tous deux habilans de cette v ille , soussignés avec
la Dlle. d’Albiat et Nous notaire, après lecture faite, tant à l’original
qu’à la copie laissée audit sieur d’Albiat: lesdits jour et an.
°
d 'A l b ia t .
M
albet,
B eso m b e . C h e v a l ie r .
Aujourd’hui quatre de mars mil huit cent six, heure de quatre trois quarts
du soir; en conséquence de l’ordonnance de M . le Président du Tribunal
civil de Clermont-Ferrant, du trois nivôse an quatorze, étant au bas de la
requête à lui présentée le même jour, et annexée à la minute du
premier acte de soumission et respect fait le cinq du même mois de
nivôse, en la présence et assistée de M .e Chevalier, notaire en ladite
v ille , commis par ladite ordonnance , et de son confrère Chassaigne ,
soussignés, la Dlle. Claire-Joséphine d’A lbiat, fille majeure, habitante
de la même ville , s’est derechef, et pour la troisième fois, transportée
en la demeure de M . Jacques-Pierre-Marie-Anne d’Albiat son père ,
ancien Procureur du Roi en la sénéchaussée de ladite v ille , y habitant;
où éta n t, et parlant à sa personne , la Dlle. d’Albiat s’est de nouveau
prononcée pour l’exécution de son mariage avec M . Joseph-Guillaume
Dufreisse de Vernines-Fontsalive , majeur, habitant de la même ville; en
observant à M . son père , que bien loin que le temps ait pu apporter
du changement à sa volonté première , il n’a fait que l’affermir dans sa
résolution, et que par les mêmes motifs exprimés aux actes des cinq
nivôse an quatorze et vingt - neuf janvier dernier, elle persiste à
réaliser son projet de mariage avec ledit sieur Dufreisse-Fontsalive ; que
si dans toutes ses démarches quelque chose peut lui donner des regrets,
c’est la dure nécessité où elle se trouve de lutter contre les ordres°et la
volonté de son père ; qu’elle espère néanmoins qu’il voudra bien se
rendre sur ses nouvelles instances. Elle lui a en conséquence renouvelé
sa prière, et l’a supplié, avec toute la soumission et le respect dus à
l ’autorité paternelle , de ne plus mettre d’obstacle à l’exécution de son
m ariage, de lui donner ses conseils et son consentement, pour lequel
sa reconnaissance sera d’autant plus grande , que cet acte lui donnera
de' nouvelles preuves de toute sa bonté. E t a signé. d ’A l b ia t .
( Ci-dessus écrit d'avance, et non par le notaire.)
(i)
Ledit sieur d ’Albiat a dit : M a fille , vous êtes trompée ; ce mariage
vous sera funeste. Vous avez vingt-un an s, et M . de Fontsalive après de
quarante-quatre ans ; il y a vingt-deux ans et six mois de différence.
( 0 Voyez pages 55 et suivantes.
�( 68 )
M . de Fontsalive a une vieillesse anticipée ; son sang est appauvri, son
sang est. vicié; il est dans un état d’épuisement complet; il a des infirmités
habituelles; il a des maladies périodiques d ’étisie et d’humeurs conta
gieuses; elles'se sont renouvelées trois fois depuis l’automne, et il a été à
chaque fois en danger; son teint est périodiquement pâle et cadavéreux,
ou ondulé par des rougeurs : toute sa constitution est attaquée. Ce
mariage répugne à la nature ; M . de Fontsalive n’a pas la capacité qu’exige
la nature pour contracter mariage. T o u t est fini pour lui , et rien ne
pourra jamais y suppléer. — Ce mariage vous menace d’une mort
prochaine , ou vous réduira à traîner une vie languissante et misérable.
Votre lit nuptial où vous entrerez toute vivante , deviendra votre
tombeau. Pourquoi vous obstinez-vous , maigre les conseils de votre
père? F u ye z, il en est temps encore, fuyez une union qui ferait votre
désespoir. — IVI. de Fontsalive est dans la pauvreté ; je doute qu’il puisse
avoir conservé la modique somme de six a sept mille francs qui pouvait
lui rester à la mort de sa mène, puisqu’il avait des dettes, attendu l’intérêt
excessif de l’argent. M . de Fontsalive n’a aucun état; il n’a aucun talent
pour s’en procurer. M. Dufreisse de Fontsalive ne peut pas même espérer
d ’obtenir une ambulance dans les Octrois ou dans les Droits réunis ; il
n’aurait pas assez de vigueur pour en soutenir la fatigue. Q uel est donc
votre aveuglement, ma fille, pour vous obstiner à votre perte? T o u t prouve,
ma fille, que vous êtes trompée; tout prouve que vous êtes subjuguée depuis
le temps de votre minorité ; tout prouve que vous ne pouvez pas
avoir une volonté libre. T o u s mes parens ont frémi à la nouvelle de
ce mariage ; tous mes parens ont refusé de donner leur approbation ;
ils n’o n t, comme moi , d’autre intérêt que de vous sauver du malheur
qui vous menace. Vous me laissez depuis long-temps dans l'affliction;
depuis long-temps le chagrin me dévore. Je 11e m’occupe pas de moi;
c ’est vous, c’est votre sort qui excite toute ma sollicitude. Vous le
savez, mon langage a toujours été franc et droit. J’ai voulu mettre
votre jeunesse à l’abri; j’ai voulu vous éloigner de la maison Fonghasse
où je voyais des dangers pour vous, où je voyais que la discorde était
excitée contre moi. J’ai fait des dépenses inévitables, mais nécessaires;
je remplissais les devoirs de père : je ne m’en répens pas. Je n’ai
pas réussi. E t j’en ai été puni, puisqu’il m’a été impossible de vous
surveiller ; le coup m’a accablé : vous en serez bien plus punie , si
je ne puis vous soustraire à votre malheureuse destinée. Les circons
tances qui ont amené ces événemens, sont bien aggravantes. M .
Dufreisse de Fontsalive rie pouvait vous captiver que par des chimères ;
il avait besoin d’écarter les surveillans qui lui étaient incommodes. 11
a écarté de vous le surveillant naturel, le surveillant légal, le surveillant
nécessaire ; il a éloigné le père de famille ; il a éloigné votre père.
C ’est lui qui a préparé la discorde dans mon m énage, c’est lui qui a
�.
.
C 69 )
excité la discorde , c’est lui qui a été l’agent de la discorde, c’est lui qui
dans ce moment même sollicite contre moi dans le procès en séparation
de corps c’est lui qui attendait le moment de la mort de sa m ère, pour
séparer l’épouse de l’époux, et se rendre par son influence maître de
ma famille. M .ma Dufreisse de Vernines sa mère est morte le dix-sept
prairial; elle a été enterrée le dix-huit. Votre mère a cessé de manger
avec moi le dix-neuf. Votre mère s’est évadée avec vous le vingt-un
prairial , après neuf heures du s o ir , lorsque j’étais couché. C ’est
M . Dufreisse de Fontsalive qui a favorisé cette évasion. C ’est M . Dufreisse
de Fontsalive qui a reçu chez lui, à neuf heures du soir, ceux qui vinrent
secrètement vous chercher avec votre mère. C ’est M . Dufreisse de Font
salive q u i, le lendemain vingt-deux prairial, a entraîné M .ra®Fonghasse
chez le Juge-de-paix, pour me dénoncer, sans me prévenir, parce qu(^
j ’avais exprimé trop vivement, dans l’intérieur de mon habitation, ma juste
douleur au moment de votre fuite nocturne avec votre mère. M . de
Fontsalive se plaignait de ce que j’avais troublé son sommeil, tandis qu’il
m ’écoutait avec tranquillité derrière les planches qui séparent son appar
tement de l’appartement de votre mère. Il dénonçait votre père, le père
de celle qu’il voulait tromper; et cependant ma douleur était son ouvrage,
ma douleur était son triom phe, ma douleur était sa jouissance. Il répand
et fait répandre les calomnies les plus atroces contre moi, pour surprendre
et tromper les Juges de la Cour d’appel. Il est crim inel, pour vous avoir
ravi à ma surveillance, en trompant la Justice. 11 est une seconde fois
crim inel, en vous ravissant à la Justice même , qui vous avait mise en
dépôt chez votre mère. Vous a vez, il est vrai, continué de me rendre
visite chez m oi, depuis le mois de frimaire an treize. Je ne dois ce retour
vers moi qu’à la division qui a existé à cette époque entre M . de Font
salive et votre mère. M ais je restais dans l’impossibilité de vous éloigner
de la maison Fonghasse. M . de Fontsalive a resté seul, après la mort de
sa mère , dans l’appartement qu’elle occupait avec ses enfans. 11 en a
éloigné ses frères. 11 continue depuis celte époque de pi>yer à lui seul
quatre cents francs de loyer, malgré la modicité de ses facultés. C ’est par
l ’influence d eM .d e Fontsalive que vous êtes venue, sans me faire prévenir,
le premier jour de votre majorité, lundi vingt-trois décembre dernier, à
sept heures et demie du m alin, frapper à coups redoublés à ma porte,
que je ne pus vous ouvrir. Vous étiez accompagnée des intimes amis de
M . de Fontsalive , qui assistaient votre notaire. Si vous n’étiez pas
subjuguée, vous seriez incapable de venir insulter à la douleur de votre
père. Je ne vous donnerai pas ici le détail de toutes les forfanteries
impudentes de M . de Fontsalive , lorsqu’il m’a fait demander mon
consentement à votre mariage. Mais je vous observe que plus je m’oppose
à votre mariage, plus la vengeance me poursuit. M a réponse au second
acte de respect, a excité contre moi de nouvelles fureurs, dont votre
�( 70 )
mère serait incapable , si M . de Fontsalive n’habitait pas la même
maison. — On a l’horreur de me déchirer jusque dans la personne de mes
enfans qui sont innocens , qui devraient être étrangers à ces débats
domestiques, et que l’honnêteté publique demandait de recouvrir d’un
voile. Ma fille , je ne puis vous dissimuler tout l ’excès de ma douleur.
C'est lorsque je veux m’opposer à votre malheur, c’est lorsque je combats
pour l’honneur et la dignité du mariage , que l’on veut accabler votre
p ère qui fut toujours probe. — M . Dutreisse de Fontsalive, entraîné par
la perspective d’une misère inévitable, s’est rendu criminel envers toute
ma famille qu’il enveloppe; il s’est rendu indigne d'y entrer. Je persiste à
refuser mon consentement; et je réitère mes protestations tant contre le
présent acte que contre les deux actes qui ont précédé, me réservant
de me pourvoir pour en faire p ro n o n c e r la nullité, et de m’opposer à ce
mariage. E t a signé , d’après lecture faite.
d
’A
lbiat
. •
L a D lle. d’Albiat voit avec douleur que M . son père est sans doute
induit en erreur sur le compte de M . de Fontsalive ; qu’elle le supplie de
nouveau de donner son consentement à son mariage avec ledit de Font
salive, dont les mœurs et la probité lui sont connues ; et que ce n’est qu’à
son grand regret qu’elle prendra les moyens que la loi lui indique pour
parvenir à son mariage, toujours en conservant le respect filial.
D e tout quoi avons donné acte , pour valoir et servir ce que de raison ;
et icelui fait sceller. A Clermont-Ferrant, dans la maison dudit sieur
d’A lb ia t, lesdits jour et a n , heure de six du soir. E t avons signé avec la
D lle. d’A lb ia t, après lecture faite, tant à la minute du présent qu'à la
copie laissée audit sieur d 'A lbiat, icelle sur trois rôles, le présent compris.
d ’A l b ia t .
C h a s s a ig n e , C h e v a l ie r .
F I N.
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Albiat, Jacques-Pierre-Marie-Anne. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Albiat
Subject
The topic of the resource
rapt de séduction
mariage
émigrés
actes respectueux
abus de faiblesse
bonnes mœurs
Description
An account of the resource
Mémoire en réponse pour Jacques-Pierre-Marie-Anne d'Albiat, ancien magistrat ; en présence de Claire-Joséphine d'Albiat sa fille.
Table des matières
copie des actes.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
s.n.
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
Circa 1776-Circa 1806
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
70 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0534
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Clermont-Ferrand (63113)
Riom (63300)
Rights
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Domaine public
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abus de faiblesse
actes respectueux
bonnes mœurs
émigrés
mariage
Rapt de séduction
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Text
CONSULTATION.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a vu l’acte de déclaratio
n
de mariage, fait en exécution d e l’é d it du mois d e novem bre 17 8 7 ,
par A m a b le -G ilb e rt D u fra isse et F élic ité -A n to in e tte -M a g d e leine Guyot de Saint-Armand, devant le juge de paix de la section
de la Place-Royale, à Paris, le 3 mai 1 7 9 1 ; et sur ce qui lui a été
verbalement exposé;
que le cit. Dufraisse est aussi bien fondé à soutenir
la validité de l'inscription qu’il a faite sur les biens de la défunte
dame Guyot de Sain t-A mand, son é p o u s e , pour la sûreté des
gains et avantages matrimoniaux à lui acquis par son prédécès,
et à attaquer, pour cela, de nullité le divorce que ladite dame
Guyot avoit fait prononcer contre lui; que le cit. G eorges-Fran çois D u pleix, avec lequel ladite dame de Saint-Amand a convolé
à de troisièmes noces à la suite d ’un second mariage contracté
E
st im e
A
�( 2 ) .
en conséquence de ce divorce, scroit peu recevable et fonde a
attaquer de nullité le mariage dudit cit. Dufraisse avcc la demoi
selle Guyot de Saint-Amand.
E n effet, s’il est vrai que le divorce que la demoiselle Guyot
de Saint-Amand avoit fait prononcer contre le cit. Dufraisse soit
nul et irrégu lier, il en résulte, par une conséquence nécessaire,
tirée de l’art. X du tit. I V de la loi du 20 septembre 1 7 9 2 , quelle
n’a pu contracter de nouveaux liens, d’abord avec le cit. de Bèze,
e t, après le décès de celui-ci, avec le cit. Dupleix. Il en résulte
également qu’elle n’a pas cessé, jusqu a 1 époque de son décès,
d’être femme du cil. D uf r a is se je t , pai une dei nieie conséquence,
que les gains et avantages matrimoniaux , stipulés par le contrat
de mariage en faveur du survivant des deux époux , ont été
acquis au citoyen Dufraisse par le prédécès de ladite demoiselle
G uyot de Saint-Am and.
O r , il ne peut s’élever un doute sérieux sur la nullité du
divorce obtenu par la demoiselle Guyot de Saint-A m and contre
le cit. Dufraisse. Ce divorce étoit fondé sur l’inscription du cit.
Dufraisse sur la liste des ém igrés, qui est l’un des sept motifs
déterminés dans l’art. I V du paragraphe premier de la loi du 20
septembre 179 2. Il ne pouvoit donc, aux termes des art. X V I
et X I X du paragraphe II de la même l o i , être prononcé que
par l’officier civil du domicile du cit. Dufraisse, c’est-à-dire, par
celui de la ville de Lliom , dont le cit. Dufraisse a toujours été
habitant, et où la dame Dufraisse habitoit elle-même peu de
temps avant son divorce.
D e ce que la demoiselle Guyot de S a in t-A m a n d , au lieu de
se pourvoir devant la municipalité de R io m , pour oMeuir ce
divorce, comme le lui prescrivoient ces articles, l’a au contraire
demandé à la mun icipa lité de Sam t-A m an d, à laquelle son mari
étoit absolument étranger, il s’ensuit que ce divorce est absolu
ment nul et irrégulier, et que, pur cette raison, il n’a pu avoir
�( 3 ).
l’effet de dissoudre les liens qui unissoient la demoiselle Guyot
de Saint-Amand au cit. D ufraisse, ni de l'autoriser à en contrac
ter de nouveaux.
Cette loi n’excepte qu’ un seul cas où le d ivorce, pour cause
déterm inée, puisse être demandé ailleurs que devant l'officier
public du domicile du mari ; c’est celui de l’absence d'un des
époux depuis cinq ans, sans nouvelles : dans ce cas, elle autorise
l’époux demandeur en divorce à se p ou rvoir devant l’officier
public de son domicile. Mais la dame Dufraisse ne se trouvoit
pas dans ce cas, puisque la cause du divorce étoit, suivant elle,
l’émigration de son mari ; et q u e , dans ce cas, l’article X I X cidessus cité la renvoyoit expressément au domicile du m ari, et
devant l’officier public de ce domicile.
E u vain, pour échapper à la nullité évidente de ce divorce,
nullité qui entraîne celle du mariage que la demoiselle Guyot
a contracté depuis avec le cit. D u p le ix c e lu i-c i entreprendroit-il
de contester lui-même les qualités du cit. D ufraisse, et d’atta
quer ;\ cet effet la validité du mariage de ce dernier avec la
demoiselle G uyot de Saint-Amand : le cit. D upleix seroit tout
à la fois non recevable et mal fondé à faire usage d’un moyen
aussi odieux.
I
Non recevable, d’abord, parce qu’ il ne peut avoir plus de
droits que la demoiselle Guyot de Sa in t-A m an d , à laquelle il
a su ex to rq u er, en l’épousant, la donation de ses biens; et que
celle-ci a recon n u, de la manière la plus formelle, la validité
de son mariage avec le citoyen Dufraisse, en recourant à la voie
honteuse du d iv o rc e , comme au seul moyen de rom pre des
nœuds indissolubles.
Cette reconnoissance de la validité du mariage du citoyen
D ufraisse, quoiqu’elle fut seule suffisante pour opérer une fin
de non recevoir insurmontable contre l’objection du citoyen
D u p le ix , n’est pas au surplus la seule dont le cit. D u fra ’s e
A a
�(4),
puisse cxciper. L a demande en séparation de biens contre lui
formée par la demoiselle G uyot de Sain t-A m an d, le jugement
par lequel elle l’avoit fait p ro n o n ce r, l’acte de naissance et l’acte
mortuaire d’un enfant né de son mariage avec le cit. Dufraisse,
la qualité d’enfant légitime qui lui a été donnée, la possession
publique qu’elle a eue de l’ état de femme du cit. Dufraisse, la
qualité qu’elle en a prise dans tous ses actes, la reclusion qu’ elle
a éprouvée en cette qualité par suite de 1 inscription de son
mari sur la liste des é m ig ré s, sont autant de îeconnoissances
non équivoques, de sa p a r t , de la validité de son mariage avec
le cit. Dufraisse, et par conséquent autant de fins de non rece
voir qui s’éleveroient contr’e lle, si elle ,venoit, après c o u p ,
révo qu er en doute la validité de ce même mariage.
Si donc il est v r a i, comme on ne sauroit en douter, qu’à
supposer la demoiselle G uyot de Saint-Amand encore vivante,
elle ne pourroit être admise à attaquer un mariage qu’elle a
tant de fois reconnu valable, et plus formellement encore par
sa demande en d iv o rc e , à combien plus forte raison le citoyen
D u pleix ne peut-il y être re ç u , lui q u i, au moyen de la nul
lité du divorce, nullité qui entraîne avec elle celle de son ma
ria g e , devient aussi étranger à la famille Guyot de Saint-Amand
qu’ à celle du cit. Dufiaisse.
M a is, quelque victorieuse que soit cette fin de non recevoir
contre le cit. D u p le ix , le cit. Dufraisse pourroit sans danger lui
en faire le s a c r i f i c e , parce que les m o yen s, au fo n d , ne sont pas
moins t r a n c h a n s pour établn la régulaiîte de son mariage avec
la demoiselle Guyot de S a in t - A m a n d , et pour repousser la
critique que le cit. D upleix pourroit se permettre à cet égard.
A vant d’entrer en matière sur ce p o in t, il n’est pas inutile
de commencer par observer qu’à l’assemblée constituante , le
cit. Dufraisse avoit été l’un des principaux opposons à la loi
qui fut qualifiée de constitution civile du clergé; qu ’après même
�(5)
que cette loi eût été ad op tée, il alla jusqu’à protester contre.
D e là il est aisé de juger que le cit. D u fraisse,. dans son
opinion religieuse, ne rêgardoit pas comme catholique la nou
velle église qui fut établie en vertu de cette constitution3 qu’il
regardoit, au contraire, comme seuls et véritables pasteurs, les
ministres, q u i, faute de prestation de.serm en t, avoient.été dé
pouillés de leurs bénéfices >, et m,êin,e déportés ou reclus.
* Cependant, cette église constitutionnelle étoit la seule qui fût
réputée catholique aux yeu x de la l o i , la seule devant laquelle
des catholiques pussent contracter mariage. L e cit. Dufraisse
s’en regardant. comme sép&ré , •et* ne.voulant pas reconnoitre
ses ministres, voulant cependant donner une iorine légale au
mariage qui avoit été arrêté entre lui et la demoiselle Guyot
de S:iint-Arnaud , il eut recours au je /‘o rmes qui ayp.ient été
introduites par. l’édit du mois .de novem bre 1 7 8 7 ? alors en
pleine vigu eu r, pour assurer .l’état civil xk; ceux qui ne faisoient
pas profession de la religion alors, doniûfante en France.
Il fit en conséquence publier ses )}ùns-(Jan.s la. forme prescrite
par cet édit, tant dans la paroisse du ..domicile qu’iLa voit a lo rs,
comme représentant de la nation', que dans.çelle, où habitpit la
demoiselle Guyot de Saint-Aiuand , et même dans -celle^de sçs
tuteurs. A la suite de ces publications', et d’ une dispense par jui
obtenue dans la forme de cel édit, il se transporta le 3 mai J.791 >
avec la demoiselle Guyot de SaintrAmand, et ses tuteurs, assisté
de quatre témoins, devant le juge de pqix de la section de la
P la ce -R o y a le , pour y déclarer leur mariage , conformément à
Particle X V I de cet édit.
Ce juge reçut leur déclaration *i e t , sur le vu des publica
tions et dispenses de bans, du consentement de la mere du cit.
Dufraisse , et de celui des tuteurs de la demoiselle G uyot de
Saint-Amand , il déclara aux parties jr.aù nom de la lo i, co-n-
A3
�(6)
form ém ent à l’art. X V I I I du même é d it, quelles étoient unies
en légitime et indissoluble mariage ; inscrivit cette déclaration
jsur deux feuilles de papier destinées à servir de registre , les
signa, et les fit signer par les parties et par les témoins.
Toutes les formes, prescrites par l’édit de novembre 1 7 8 7 ,
ayant été scrupuleusement observées , voilà donc un mariage
légalement c o n t r a c t é , un mariage qui ne peut etre raisonna
blement critiqué par ceux même qui aui oient qualité sullisante pour cela.
Vainement v o u d r o i t - on se faire un m o y e n , de ce qu’aux
termes de l’ ar tic le I er- de cet é d i t , la naissance , le mariage et
la mort de c e u x des Français qui faisoient profession de la reli
gion c a t h o l i q u e , ne pouvoient être constatés que suivant les
rites et les usages de ladite religion, autorisés par les ordonnances,
p ou r en conclure que le cit. Dufraisse et sa fem m e, qui faisoient
profession de cette religion , ne pouvoient emprunter pour leur
mariage les formes de Tédit de 1 7 8 7 , et voudroit-on opposer
au cit. Dufraisse, et la déclaration de catholicité, laite par sa
femme et l u i par devant notaire , le même jour 3 mai 1 7 9 1 ,
et la bénédiction nuptiale q u ’ils se firent donner le même jo u r ,
par un pretre.
Oui le cit. Dufraisse étoit catholique. O u i , la demoiselle
G ivot d e S a i n t - A m a n d l’étoit au ssi, du moins à cette époque.
Mais il faut le dire , ils ne l’étoient pas dan» le sens que les
lois at t a c h o ie n t alors à ce mot. Ils ne regardoient pas comme
catholiques les ministres de l’église constitutionnelle; ils les
regardoient , au c o n t r a i r e , comme séparés de l’église; ils ne'
pouvoient donc être obligés de recevoir de leurs mains le sacre
ment de mariage. Ils étoient donc obligés de recourir aux formes
introduites par l’edit de 17 8 7 : et ils le pouvoient d’autant mieux,
qu’ils étoient ou croyoient etre d une religion différente de celle
�t7)
qui jouîssoît du culte public en F ra n c e ; et que cet éclit embras
sent évidemment dans ses dispositions tous ceux q u i professeroient une l’eligion autre que la religion nationale.
Peu importe donc qu’à la suite de leur mariage , le cit.
Dufraisse et sa femme aient fait, par devant notaire, une décla
ration de catholicité : cette déclaration n’avoit pour objet que
de prévenir le do u te, que la forme de leur mariage auroit pii
faire naître dans la suite sur leur orthodoxie ; mais elle ne peut
porter la plus légère atteinte à la validité de leur mariage, quant
au c iv il, dès que toutes les formes prescrites par l’édit de 17 8 7
y ont été observées ; de là surtout qu’il est manifeste que la
religion catholique, dont les époux déclaroient faire profession ,
n’étoit pas la même que celle à laquelle la loi donnoit cette
qualification en France.
L a bénédiction nuptiale, que se firent donner le cit. Dufraisse
et sa fem m e, par un p rê tre , est encore plus indifférente. E lle
ne prouve pas davantage qu ’ils fussent de la religion nationale,
elle prouve même le contraire, puisque ce p rê tre , le célèbre
abbé M aury , aujourd’hui cardinal , n’a fait ce mariage qu’en
vertu de la permission du cit. V e y t a r d , curé de St. G e r v a is ,
qui étoit alors devenu victime de son refus de prestation de
serment.
Il est vi’ai que de là même que ce mariage a été fait eri vertu
de la permission du cit. V e y t a r d , q u i, suivant l u i , avoit perdu
la qualité de curé de St. G e r v a is , le cit. D upleix pouri-oit e n
faire résulter une autre nullité du m ariage, c o m m e non fait
coram proprio parocho; mais cette nullité, à la supposer aussi
réelle qu’ elle est chimérique et même dérisoire, ne frapperoit
que sur le sacrem ent, tandis qu’il ne s'agit, dans l’espèce, de les
envisager que du côté c iv il; et qu e, sous ce point de v u e , l a
parfaite observation des formes prescrites par fé d it de 17 8 7 ,
le rend à l'abri de toute atteinte.
�C8) .
Aussi la dernière ressource du cil. D upleix-paroit être de
soutenir, qu’à supposer même que le mariage du cit. Duiraisse
eût été légitimement contracté, il auroit perdu son effet, faute
par le cit. Duiraisse de s’être conformé à Tari. I X de la sec
tion I V de la loi du 20 septembre 1 7 9 2 , sur le mode de cons
tater l’état civil des citoyens; article qui vouloit que si anté
rieurement à la publication de cette loi quelques personnes
s'étoient mariées devant des officiers civils, elles fussent tenues
d’en faire la déclaration , dans la huitaine , devant 1 olficier civil
de la municipalité de leur domicile, qui en dresseroit acte sur
les registres , dans les formes prescrites par celte loi.
' Mais, q u a n d cette loi pourvoit s’appliquer au cit. Dufraisse,
au moins est-il v r a i que le délai de îiuitaine, qu’elle accordoit
pour faire c e ll e déclaration, n’étoit pas fatal, et que cette loi
ne p r o n o n ç o i t pas la peine de nullité.
M a is, d’un autre côté, ce qui est plus tranchant et plus décisif,
c’est que cet article ne pouvoit avoir en vue que les mariages qui
avoient pu se faire devant des officiers civils, sans avoir préa
lablement observé les formes légales, les mariages qui n’étoient
pas déjà consignés dans les registres destinés à constater l’ élat
ci vil des citoyens.
O r , le mariage du cit. Dufraisse n’ étoit pas dans ce cas, puis
qu e, d’ une p art, il avoit été fait avec toutes les formes légales
prescrites par l’édit de novembre 1 7 8 7 , puisque, d ’un autre
c ô lé , le registre sur lequel il avoit été inscrit, avoit déjà été
ou dû être r a p p o r t é dans le dépôt public destiné à recevoir les
registres de l’état civil- A quoi bon auroit-il donc été nécessaire
de réitérer la déclaration d’un mariage déjà consigné dans ces
registres, d’un mariage d’ailleurs précédé de publications et de
toutes les formes requises par la loi ?
On ne se permettra à cet égard qu’une seule observation qui
paroît décisive; c’esl que de même que le cit. Dufraissè et sa
�(9)
femme n'auroient pas élé obligés de réitérer la déclaration de
leur m ariage, en vertu d e là loi du 20 septembre 1 7 9 2 , s'ils
l’eussent fait devant le curé ou le vicaire de la paroisse, quoi
qu’ en exécution de l’ édit de 1 7 8 7 , de même aussi n’ont^ils pu
y être obligés pour s’ être adressés au juge, parce que cette loi
leur laissoit l’option ou de s’adresser au juge ou aux curés et
vicaires, et donnoit le même effet aux déclarations de mariage
reçues par les uns et par les autres, relativement à l’état civil des
citoyens.
On croit donc avoir établi jusqu’à la démonstration les propo*
sitions qui ont été annoncées en commençant, et par cette raison
on passera sous silence les moyens de défaveur qui s élèvent en
foule contre le cit. D upleix. Ce n’ étoit pas assez pour lui d avo ir
épousé la femme du cit. Dufraisse, sans que le premier mariage
fût valablement dissout. Il lui restoit encore à dénoncer le cit.
Dufraisse pour l’empêcher de recouvrer son état c iv il; et il n’a
pas resté en arrière d’ un si beau rôle. L ’odieux d’une pareille
conduite, développé lors de la plaidoierie, doit ajouter le plus
grand poids aux moyens de droit dans lesquels 011 a cru devoir
se renfermer.
D é l i b é r é à Hiom par l’ancien jurisconsulte soussigné, le
28 ventôse an 1 1 de la république.
TO UTTÉE.
L e c o n s e i l SOUSSIGNÉ, qui a vu la consultation ci-dessus
et des autres parts, les actes sur lesquels cette consultation est
fondée, et qui s’est assuré que la contestation à laquelle donnent
lieu les questions résolues par ladite consultation, est pendante
dans les tribunaux du département de la N iè v re ;
E st
e n t iè r e m e n t de
l ’a v i s énoncé en lad. consultation,
�C10 )
et par les mêmes raisons. L ’in térêt, qui ose to ut, a pu faire
élever les questions que D upleix paroît vouloir agiter. Mais la
raison , la loi et la justice concourent pour les décider contre lui.
D é l i b é r é à Riom. le 29 ventôse an 1 1 .
REDON.
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a pris lecture de la consultation
ci-dessus, de tous les actes qui lui servent de base, du mémoire
à consulter, et qui s’est" procuré la certitude que la cause étoit
de la compétence des tribunaux de la N ievre et du C h er,
' A d o t t e absolument les moyens développés par cette consul
tation, en faveur du cit. Dufraisse. Ils démontrent que le divorce
q u ’a fait prononcer la dame Duiraisse, née Guyot Saint-Am and,
est n u l, et que le mariage par elle contracté précédemment est
valable; quainsi le cit. Dufraisse doit obtenir la maintenue de
son inscription au bureau dos hypothèques, et le payement de
tous les gains et avantages stipulés par son contrat de mariage.
Indépendamment des moyens de droit sur la validité du ma
riage, et sur la pleine conservation des gains assurés au citoyen
Duiraisse , les fins de non recevoir à proposer contre son adver
saire sont déterminantes, et 11e permettent pas à D u pleix d’élever
mêm e des doutes sur la validité du mariage de la dame Guyot
Saint-Amand avec le cit. Dufraisse.
D é l i b é r é à R io m , le 29 ventôse an u .
.
VE11NY.
L e C o n s e i l , (pii a vu tous les actes énoncés dans les con
sultations ci-dessus, et pris une lecture attentive de ces consul
tations,
�C 11 )
de toutes les résolutions qui y sont
prises, et en adopte tous les principes et lqs moyens. Il croit
seulement devoir ajouter une observation sur une objection qui
ne paroît pas avoir été prévue.
On opposera p e u t - ê t r e , pour écarter la nullité du divorce
fondée sur ce qu’ il n’a voit pas été prononcé par l’officier public
du domicile du ma r i , mais seulement pour ém igration, l’un
des motifs déterminés par la loi du 20 septembre 1 7 9 2 , que
l’on doit juger de ce cas déterminé comme de celui où le divorce
est demandé pour cause d’absence depuis cinq ans sans nou
velles; cas auquel le divorce peut être prononcé par l’officier
public du domicile actuel de l’époux qui le demande.
Mais, i ° . il y a une exception particulière dans l’article X V I I
du paragraphe II de la loi du 20 septembre. 17 9 2 , qui, dans
le cas de l'absence, attribue la prononciation du divorce à l’of
ficier public du domicile de l’époux qui le demande; au lieu
qu e , pour toutes les autres causes déterminées du d iv o rc e , la
loi exige généralement le ministère de l’officier public du do
micile du mari ; et l’exception ne peut pas être étendue d'un
cas à l’autre.
E
st
FERM EM ENT
d ’a v i s
20. P û t - o n même étendre l’exception d’ un cas à l’autre, il
iaudroit au moins que Témigralion se trouvât dans les mêmes
circonstances où la loi admet Je divorce pour cause d’absence.
O r , en ce dernier cas, le divorce ne peut pas être demandé
simplement pour l’absence de cinq ans; il faut encore que ces
cinq ans d’absence aient duré sans qu’on ait reçu des nouvelles
de l’absent. M a is, dans le fait particulier, le cit. Dufraissc se
dit êLre en état de rapporter des lettres de sa fem m e, qu’il en
«voit reçues en réponse à celles qu’il lui avoit écrites , mais
dont les dates ne remontent pas à cinq ans avant le d iv o rc e ;
par conséquent il n’y avoit pas eu ouverture au divorce pour
cause d’absence. A in s i, de toute manière, le divorce dont il s’agit
�( 12 )
est nul , pour n’avoir pas été prononcé par l'officier public du
domicile du mari.
D ÉLIBÉRÉ par le jurisconsulte soussigné, doyen des avocats.
A R i o m , le premier germinal an 1 1 .
’
1
Le
c o n se il
A N D R A U D.
SO U SSIG N É , q u i a v u de nouveau les pièces
énoncées en la prem ière consultation ci-co n tre ,
P
er sist e
dans la r é s o l u t i o n q u ’ il avoit déj à p ris e , et adopte
entièrement l'o pinio n des jurisconsultes qui ont délibéré p ré—
cédem m ent.
N u l d o u t e que le divorce est nul et irrégulier ; il ne pou-
vo it être prononcé que devant l'officier public du domicile du
m ari. L ’ état des hommes est sacré aux y eu x de la loi; e t, dans
cette matière où tout est de rig u eu r, on ne peut raisonner d’un
cas à un autre.
2°, L e mariage du cit. Dufraisse est valable ; il s’est conformé
en tous points à l’édit de 17 8 7 . D upleix n’a pas de qualité pour
le contester , e t , s’il n’y avoit pas eu de m a riag e, il eût été
inutile de recourir au divorce.
par l’ancien jurisconsulte soussigné. A Riom ,
le 3 germinal an 1 1 .
PAGES.
D ÉL IB ÉR É
L e c o n s e i l s o u s s i g n é , qui a vu la consultation délibérée
le 28 ventôse dernier, en adoptant les moyens qui y sont discutés,,
E S T A BSO LUM EN T DU MEME A V IS ,
D
é l ib é r é
à R i o m , ce 4 ventôse an 1 1 ,
C A T H O L.
l
1■
------------------------------------------
-------------------------------------- ------------------------------------------------
»
A R IOM , de l'imprimerie de L a n d r io t- , seul imprimeur du tribunal d ’appel,
�
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The Dublin Core metadata element set is common to all Omeka records, including items, files, and collections. For more information see, http://dublincore.org/documents/dces/.
Title
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Factums Marie
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Description
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Title
A name given to the resource
[Factum. Dufraisse, Amable-Gilbert. An 11?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Toutée
Redon
Verny
Andraud
Pagès
Cathol
Subject
The topic of the resource
divorces
nullité
nullité du mariage
constitution civile du clergé
émigrés
Description
An account of the resource
Consultation [Dufraisse, Amable-Gilbert]
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 11
1787-Circa An 11
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
12 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0533
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Riom (63300)
Saint-Ammand
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
Relation
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constitution civile du Clergé
divorces
émigrés
nullité
nullité du mariage
-
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c7e3a251e4012a24d08c3ca083bcd33e
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Text
MEMO
•H*-
POUR
f
/
E lé a z a r d - R o s ta n g - E t ie n n e
D A U D IN ,
propriétaire ;
CONTRE
,
C A P E L L E ci-devant conseiller au
bailliage et siège présidial d’Aurillac ;
F r a n ç o is
EN
D ’A n t o i n e
P R É S E N C E
D ESPRATS
,
E t de dame M a r g u e r i t e SO B R IE R , veuve
de. Jean D a u b i n ,
EU à I38cses méritent autant l’attention de la
cour
Quels que soient les faits qui y ont donné lie u
A
m m
••
s, -— -h»
ÿ-j-
\j
fir.
Mi
�( 2)
le sieur Daudin ne se permettra aucun écart ; il n’aura
garde d’oublier qu’il plaide contre un ancien magis
trat ; il respectera, dans son adversaire, et la charge
dont il a été revêtu , et le tribunal dont il a été membre.
F A I T S .
: , dont il s’a g it , a appartenu
L e domaine de
Descaffres.
originairement à 3
L e 3 avi’il 1773 > Etienne Descaffres fit son testament,
par leq u el, après différens legs
différens n eveux, il
légua à la dame Sobrier, veuve D audin, sa nièce, tout
son mobilier , et l’usufruit de tous ses immeubles, jus
qu’à la majorité de Daudin son fils, et institua ce der
nier pour son héritier général et universel ; et attendu,
est-il dit, que l’héritier ne peut actuellement recueillir
l’hérédité , le testateur nomme pour exécutrice testa
mentaire la dame Sobrier, à laquelle, est-il ajouté, il
donne plein et entier pouvoir de vendre ou délaisser
des biens immeubles de son hérédité pour le payement
des legs et des dettes passives.
L e premier mars 1782 , la dame Sobrier, veuve D audin , simple usufruitière, a vendu au sieur Capelle le
domaine de V e r n e t, dépendant de la succession. C’est
ce domaine que fait l’objet de la contestation.
Rien de plus simple que les termes de la vente. La
dame veuve Daudin vend purement et simplement, en
son nom et comme chose à elle appartei
vec toute
garantie, ce domaine, moyennant la somme
j. i 600 fr .,
dont le contrat porte quittance.
�(3)
Mais comment cette vente a - t - e l l e étc consentie?
C ’est ce qui reste à développer; ce qu’il a fallu enfia
dévoiler, puisque Capolle en a imposé la nécessité. , , ■
L e jeune D au d in , héritier institu é , âgé alors seule- *
ment de 19 ans, avoit conçu__la^passion la plus violente j
pour celle qui est aujourd’hui son épouse.» Cette p a s - •
sion fut encore irritée par l’opposition d’une mère ,
qui ne désiroit pas voir sitôt l’établissement de son,
fils. Il résolut de vaincre tous lqft..obstacles , et de con
tracter, en pays étranger, un mariage auquel il ne
voyoit point de possibilité en France. Pour exécuter
ce projet, il falloit des ressources pécuniaires : il s’adressa __
au sieur Capelle.
'Xe hasard lVvoit mieux servi qu’il ne pouvoit espérer.
L a dame veuve D aud in , dans un moment où ses infir
mités ne lui permettoient pas d’a g ir, pleine de con
fiance dans un fils unique qu’elle aimoit aveuglém ent,
lui avoit confié des signatures en blanc. M uni de ces
signatures, ïl en fit confidence au sieur Capelle , et lui
proposa en môme temps de lui vendre le domaine de
V e rn e t, domaine contigu à une autre de ses propriétés,
et par conséquent singulièrement à sa bienséance.
Capelle n’eut garde de laisser échapper une si belle
occasion.
Il fut d’abord incertain s’il prendroit un acte de locaterie perpétuelle pour éviter le droit de lods , ou s’il
prendroit un acte de vente : il s’arrêta à ce dernier parti.
O n fut bientôt d’accord sur le prix ; C apelle le fixa
lui-meme à* 13800 f i\ , cheptel et grains tout com pris.
A a
�C'4 )
' Mais commènt; rédiger l’acte- de vente ?
j II ne pouvoit acheter du fils, parce qu’il étoit mineur.
L a mère avo it, à la v é r ité , pouvoir par le testament
de vendre ; mais le pouvoir n’étoit donné qu’à la charge
de l’emploi.
Î
/’ Capelle ne trouva d’autre expédient, que de faire
/ consentir la vente purement et simplement par la m ère,
et en son nom.
Ce point arrêté, il ¿élibéra s’il prendroit une vente
sous seing p r iv é , à l’aîde d’une des signatures en blanc.
Il y trouva trop d’inconvéniens ; la vente sous seing privé
.ne lui donnoit ni hypothèque ni date contre des tiers.
Il pensa qu’il ne pouvoit contracter avec sûreté que
par acte devant notaire.
Mais ici même les obstacles augmentoient. Comment
parvenir à une vente pardevant notaire ? Il falloit que
1a mère comparût elle-même. On ne pouvoit la sup
pléer par l’inteçposjtion^d’une autre personne : les suites
en auroient été trop dangereuses. On n e'p ouvoit la
suppléer non plus par les signatures en blanc ; le notaire
ne s’y seroit pas prêté. Il falloit donc que la mère se
présentât. Maisïcomment l’y déterminer ? Comment la
déterminer à vendre ce qu’elle savoit ne pas lui appar
tenir? à vendre 13800 fr. , cheptel et grains, un domaine
qui valoit près du double ?
D ’un autre c ô té , la vente, même consentie p a rla
mère en son n o m , pouvoit assurer les deniers, mais
n^ssuroijL Jp^s la propriété : nonobstant cette vente ,
Capelle n’étoit pas moins exposé à j t r c évincé un jour
par le fils. -
�( 5 )
Toutes ces difficultés furent aplanies.
Il fut convenu qu’on feindroit de porter le prix à
une somme beaucoup, plus considérable-, dont le contrat
porteroit quittance ; que Capelle 1er oit des billets ou
lettres de ch ange, pour Pentier montant de la somme
qui seroit énoncée en l’acte de vente : mais qu’en même
temps , et à l’instant de l’açteTle sieur ijaudin remettroit
secrètement une quittance de l’excédant, et qu’il rempliroit à cet eifet une des signatures en blanc étant en
ses mains. A u moyen de cette quittance, Capelle ne demeuroit effectivement oblige que pour 1,3800 fr.
La quittance délivrée , les billets représentatifs de
l’entier prix devoient être remis à la mère , des mains
de laquelle le fils se promettoit bien de les enlever ; ce
qui étoit facile par la confiance sans bornes de la dame*
Daudin , qui n’avoit ricô_dé* reSCT^e ni de secret pour
lui. Les billets enlevés , Capelle devoit les acquitter ju s - ^
qu’à concurrence du prix convenu.
j
Il restoit une dernière précaution. Capelle n’enten- \
doit avancer les deniers qu’autant qu’il auroit la pro
priété incommutable du domaine. Pour se mettre à
l’abri de toutes recherches de la part du fils , il falloit
imaginer encore un moyen.
Ce moyen fut de faire, remettre , avant tout , par
le sieur Daudin ,_une ratilication , avec la date en blan c ,
qu’il rempliroit comme bon lui sembleroit, à l’époque
de la majorité : et comme il étoit encore indécis s’il
prendroit une vente pour un prix fixe et déterminé ,
ou une lôcaterie perpétuelle , il ' la fit générale. Elle est
conçue
» en ces termes ;
•**
�( M
k .Te soussigné approuve et ratifie les actes que ma
« mère a consentis en faveur de M . Capelle , con« seiller , du domaine du Vernct et tout ce qui £n
« dépend , et promet le faire jouir en vrai propriétaire.
« Fait le
Signé Daudin d e là
cc Fabrie. » Il n’est pas indifférent d’observer qu’il n’est
.pas dit , F a it doubla ____
L a date a été.depuis remplie. X>a ratification est rap
portée aujourd’hui , à la date du 21 mars 1788. Il paroît
encore qu’il a été fait des altérations et des surcharges
sur plusieurs lettres du' corps de l’acte.
/ • j L e plan ainsi concerté et préparé , la mère se rendit
/ h Aurillac , et là elle consentit la vente dont il s’agit.
V
Par cette vente , elle vend en son nom , arec pro
messe de garantir , fo u r n ir et f a ir e v a lo ir, au sieur
Capelle , acceptant, J e Jdomajiie de V e r n e t, tel q iiil
se poursuit et com porte, arec les bestiaux et outils
d’agriculture , ensemble , sur la récolte pendante par
racines , la quantité de 5o setiers de blé seigle , et le
quart de ce que la récolte pourra produire en sus des 5o
setiers , moyennantla somme de 21600 f r . , dont le con
tr a t porte quittance. En représentation du pi’ix , Capelle
délivra des billets ou lettres de change fe t'D aü d in , de son
côté , lui remit, en particulier, et à l’insu de la mère, la
quittance conven ue, dont il avoit rempli une des signa
Y
^
tures en blanc.
Il ne s’asîissoit plus que d’enlever les billets ou lettres
de change. DaudîïTn'eut pas de peine i y parvenir ;
e t , au moyen de co , il eüectua le~projet qù’il avoit
�( 7 )
conçu d’aller en Italie contracter l’union dont il faisoît
dépendre son bonheur.
11 partit effectivement le n mai 1782.
L a mère s’aperçut bientôt de l’enlèvement dis effets.
E lle rendit plainte devant le sieur Sistrières , lieute
nant général civil et criminel au ci-devant bailliage
de V ie. Il y eut des témoins entendus. L e fils ayant
ensuite fait la paix avec sa mère . cette procédure n’eut
pas d’autres suites.
E lle fit naîtx*e cependant un autre procès.
L e sieur Sistrières , seigneur ou se prétendant seigneur
du domaine de Y e r n e t, éclairé par l’information sur
le véritable prix de la vente , voulut exercer le retirait
féodal. Capelle craignant que Daudin ne fît une décla
ration contraire à ses intérêts , lui fit parler par un de
ses parens ; et ce fut à cette occasion que celui-ci lui
écrivit la lettre du 10 août 1783 , lettre dont Capelle a
cru pouvoir faire usage , et qu’on transcrira plus bas.
Cette instance a été pareillement terminée à l’amiable
p arun acte du 5 mai 1789 , passé entre le sieur Sistrières
et Capelle. Il paroît que par cet acte Sistrières s’est
départi de sa demande.
Daudin , à l’époque de la vente , étoit, comme on l’a
déjà dit , âgé seulement de 19 ans.
L e temps a amené la réflexion. Il n’a pas tardé à
reconnoitre combien il avoit été lésé , combien on avoit
abusé de son inexpérience.
Après avoir cherché inutilement à terminer a l’amia
ble avec le sieur Capelle, il a pris le parti de céder au
�( 8 )'
sieur Desprats, par acte du 2 vendémiaire an 8 , tous
les droits qu’il pouvoit avoir résultuns du testament
d’Etienne DescaiFres , même les actions rescindantes et
rescisoires, m©yennant le prix convenu entre eux , porté
dans l’acte à la somme de\6ooo fr. seulement , et sous
la condition d’acquitter toutes les dettes et charges de
la succession. Par -une clause particulière , il est dit qu’il
demeure convenu que Desprats pourra agir et exercer
les droits et actions cédés, au nom du cédant;.à l’effet de
quoi le présent acte lui tiendra lieu de procuration pour
intenter audit nom toutes demandes , sans que ladite
procuration puisse être révoquée par le vendeur, comme
faisant partie de l’acte.
Cette vente et cession a été enregistrée le même jour,
2 vendémiaire , et transcrite au bureau des hypothèques
le i 5 du même mois,
En cédant ses droits , le sieur Daudin croyoit se
rédimer de tout procès : on va voir le contraire,
Desprats ne tarda point à agir.
E e 4 du même mois de vendémiaire , et avant la
transcription, il fit citer Capelle, sous le nom de Daudin ,
comme il en avoit le pouvoir par l’acte , en conciliation
sur la demande qu’il se proposoit de former en désis
tement dudit domaine dont il jouissoit, est-il dit , eu
vertu d’une vente surprise à la dame veuve Daudin,
Capelle comparut sur cette citation, par son fils , qui
répondit qu’il étoit d’autant plus étonnant que Daudin
l’accusât d’avoir usé de surprise, qu’il avoit lui-rinême
approuvé et ratifié la vente,
�( 9 )
L a conciliation n’ayant pas eu lieu , Capelle crut
devoir agir de vitesse. Il actionna, le prem ier, Daudin ,
sous le nom duquel il avoit été cité au bureau de paix ,
devant les juges du tribunal de Saint-Flour, par exploit
du 8 brumaire suivant, pour voir dire qu’il seroit gardé
et maintenu dans la propriété et possession dudit do
maine , se voir faire défenses de l’y tro u b ler, et se voir
condamner aux dépens.
X/e 9 du même m ois, Desprats obtint une nouvelle
cédule du juge de paix. Dans cette cédule , après avoir
rappelé la cession qui lui avoit été consentie par Daudin ,
il exposa qu’il avoit été convenu par ledit acte qu’il
pourroit agir au nom de son cédant, à l’effet de quoi
l’acte lui tiendroit lieu de procuration ; qu’il avoit en
conséquence c ité , sous le nom dudit D aud in , Capelle ;
mais que celui-ci ayant excipé d’une prétendue ratifica
tion , qui pouvoit faire naître des discussions entre e u x ,
il entendoit agir en son n om , et se subroger aux pour
suites encommencées.
La conciliation ne réussit pas plus cette seconde fois
que la première.
L e procès verbal de non-conciliation est du 16 bru
maire. Dès le lendemain .17 , Desprats fit assigner Capelle
au tribunal civil de Saint-Flour, et conclut par l’assigna
tion au désistement du domaine, avec restitution des jouis
sances et dégradations depuis l’indue détention.
L e i 5 floréal, jugement contradictoire intervint, qui,
sans préjudice du droit et des moyens r e s p e c tifs des par
ties , ordonna , avant faire d r o it, que dans la décade
Capelle seroit tenu do déposer au greffe du tribunal civil
B
�( 10 )
Ja ratification du contrat de vente consentie'par D audin,
dont il avoit excipé à l’audience , sinon qu’il seroit fait
droit.
Capelle ne se pressa pas d’exécuter le jugement.
Les tribunaux civils ayant bientôt après cessé d’être
en activité, Daudin le fit assigner, par exploit du 23
thermidor an 8 , au tribunal d’arrondissement d’A u rillac , p o u r, faute par lui d’avoir déposé la ratification
soit au greffe du tribunal civil de S ain t-F lo u r, soit à
celui du tribunal d’Aui'illae, conformément au jugement
rendu entre les parties, se voir condamner à se désister
du domaine, avec restitution des jouissances et des dé
gradations, à compter de l’indue détention ; sauf, est-il
d i t , audit D au d in , à s’arranger avec celui auquel il
avoit vendu ses droits, c’est-à-dire, avec Desprats.
Par le môme ex p lo it, il fit citer Desprats pour assister
en la cause , et prendre telles conclusions qu’il aviseroit.
L e 7 fructidor, Capclle prit enfin le parti de dépo
ser l’acte ; il fut dressé procès verbal du dépôt , lors ■
duquel procès verbal, le greffier, qui avoit le plus grand
intérêt, pour ne pas s’exposera être compromis lui-mêm e,
de constater l’état de la pièce, telle qu’elle lui étoit re
m ise, vérifia et constata que dans le corps de l’acte, et
sur plusieurs lettres, il paroissoit qu’on avoit passé la
plume avec nne encre plus noire.
L e 9 vendémiaire an 9, nouvelle citation, aux mêmes .
fins, par Daudin, tant i\ Capelle qu’à Desprats; citation
nécessitée par le rétablissement des avoués.
L e 9 frimaire, demande en recours de Capelle contre
la veuve D audin, demande qui a ensuite été renouve-
�(
II
)
lée par autre citation du 29 messidor an 9 , après avoir
essayé la voie de conciliation ; formalité qui avoit été
omsse lors de la prem ière citation.
L e 25 ventôse an 9 , Capelle a présenté requête à
l ’effet de faire interroger sur faits et articles, et D audin,
et D esprats, et la dame veuve Daudin.
Gomme il a cherché à tirer avantage de ces interro
gatoires , il est nécessaire de les mettre en partie sous
les yeu x du tribunal.
I
n t e r r o g a t o i r e
de
D
a u d i n
.
S’il connoît des dettes actuellement existantes de la
f
succession d’Etienne Descaffres ?
. A répondu en con n oître, sans pou voir dire à quelle
somme elles peuvent se monter.
D ’où provient sa créance sur sa m ère , à raison de
laquelle il lui a fait souscrire des engagemens pour
une somme considérable , par actes des 7 octobre 1790
et 28 novem bre 1792 ?
A répondu que les différens actes souscrits par sa
•mère, en sa faveu r, jusqu’à concurrence de 47 à 48000 fr.,
eurent pour motifs des arrangemens de fam ille, étrangers
au sieur Capcllo.
Pourquoi il n’a vendu que 6000 fr. l’entière succession
de Dosçaiïres ?
A répondu que l ’événem ent de l ’acquisition dont se
chargeoit Desprats étant très-incertain , il n’en voulu t
pas donner une plus forto somme ; que le répondant fut
E 2
�( 12 )
obligé d’accepter à cause des besoins où il étoit en ce
moment, et qu’il seroit inutile de détailler ici.
P ou rqu oi, malgré les ventes consenties par sa m ère,
il n’a pas été payé des sommes qu’elle lui doit?
A répondu que ces ventes n’avoient pour objet que
des arrangemens de fam ille, et que ces ventes n’avoient
pas été faites dans l’intention de les opposer au sieur
Capelle.
Pourquoi il a vendu à Chaunac pour iooo fr. ses
créances m obilières, dont celles sur sa mère montent à
48000 fr. ?
A répondu que c’étoit pour des motifs d’arrangemens de famille, étrangers au sieur Capelle, et au procès
dont il s’agit.
S’il a payé les frais des ventes consenties à Desprats
et à Chaunac ?
. .
A répondu que oui-, mais qu’il avoit fait ces avances
pour leur compte.
Si le 2 vendémiaire an 2 il n’étoit pas créancier
du sieur Desprats d’une somme considérable ?
A répondu que depuis plus de 10 ans il a fait des
affaires avec le sieur Desprats; qu’ils ont été débi
teurs et créanciers mutuels ; mais qu’il ne se rappelle
pas si à cette époque il étoit créancier ou débiteur.
I
n t e r r o g a t o i r e
de
D
e s p r a t s
.
Si h l’époque de la vente qui lui fut consentie par
Daudin , il n’avoit pas connoissance que Capelle avoit
acheté depuis long-temps le domaine de Vernet ?
�C *3 3
À répondu avoir ouï dire que Capelle jouissoit de
ce bien en vertu d’un acte n u l, comme ne l’ayant pas
(acquis du véritable propriétaire.
S’il connoissoit quelques dettes passives de la succes
sion d’Étienne Descaffres ?
A répondu avoir ouï dii-e qu’il y avoit des dettes
passives -, mais qu’il n’en avoit point de connoissance
parfaite.
S’il avoit payé les frais de vente?
A répondu que Daudin en avoit fait les avances, et
qu’il les lui avoit remboursées.
Si ci cette époque il ne devoitpas à Daudin une somme
considérable ?
A répondu qu’il ne lui devoit pas grand’chose ;
qu’ayant des comptes courans avec lui depuis longues
années , et se trouvant tantôt débiteur , tantôt créancier ,
il ne pouvoit fixer de combien il étoit débiteur.
Pourquoi il avoit tardé jusqu’au i 5 vendémiaire à'
faire transcrire la cession ?
A répondu qu’il est libre à tout acquéreur de faire
transcrire quand il le juge à propos.
In t e r r o g a t o ir e
de
la
dame
veuve
D
a u d in
.
P o u rq u o i, à différentes ép oqu es, elle a souscrit des
actes qui la constituent débitrice de son fils de sommes
considérables?
A repondu que c’est pour certains arrangemens et
conventions de famille y dont elle ne doit compte & per
sonne.
�( *4 )
Si elle sait que son fils a vendu à Desprats la suc
cession dont dépend le domaine de Vernet qu’elle vendit
au sieur Capelle le i«1-. mars 1782?
A répondu qu’elle n’a aucune connoissance des affaires
que fait son fils.
Si elle sait qu’il a vendu ses créances mobilières à
Cliaunac ?
A répondu de môme.
Si elle a payé des legs portés au testament d’Ëtienne
Descaifres? si elle a payé des dettes pour la succession de
son mari ?
A répondu que oui,
A quelles sommes peuvent se monter les différens
payemens?
’
' ■
A répondu que les ayant faits à différens termes et
époques, elle n’en a pas conservé la mémoire.
Si Cliaunac lui a fait notifier la vente que son fils lui
a faite de ses créances mobilières?
A répondu que oui,
Pourquoi, après avoir vendu ses biens, elle doit encoro
des sommes considérables à son fils et à d’autres personnes ?
A répondu que les circonstances de la révolution lui
ayant occasioné des dépenses et des sacrifices considé
rables , elles ont absorbé les fon d s, et l’on]; mise dans
l ’ i m p o s s i b i l i t é d’acquitter sa dette,
A la suite de ces interrogatoires, et le 8 floréal an 9 ,
Capell e a présenté une requête contenant ses premières
défenses. Dans cette requête- il commence par rendre
poinpte du testament d étien n e Descaifres. Il rappelle
�( i 5 )
le pouvoir donné par ce testament à la mère de vendre.
11 explique après comment la vente a eu lieu.
« Les le g s , dit-il , ou les dettes reconnues par le
« testament , montant à i 58oo f r . , en ce non compris
« les autres dettes et charges de la succession , tout le
« mobilier étant légué à la veuve >il étoit indispensable
« de vendre des immeubles pour liquider l’hérédité ;
« c’est sans doute ce qui détermina celle-ci à vendre.
« Daudin devoit connoître la destination nécessaire de
« cette vente dont il f u t un des négociateurs. Devenu
« majeur il ratifia volontairement la ven te, par acte du
« 21 mars 1788 ; d’autre part, la veuve Daudin paya
« les legs et dettes d’Etienne Descaffres.
« A u ssi, ajoute-t-il, rassuré par le pouvoir que le
« testament, dont il avoit la connoissance, donnoit à
« la veuve Daudin , par l’emploi utile du prix de la
« vente , et par une ratification que rien ne rendait
« nécessaire, il se croyoit propriétaire irrévocable du
« dom aine, lorsqu’il s’est vu citer en désistement. »
Il expose ¡ensuite que Daudin , Desprats et la veuve
Daudin ont concerté ensemble le projet de lui enlever
une propriété qu’il avoit payée le double de sa valeur;
qu’ ils ont concerté le projet de lui enlever môme tout
espoir et toute ressource de garantie sur les biens de la
dame Daudin , en simulant une infinité d’actes pour
faire disparoître sa fortune.
D e là il passe au récit de la procédure.
Venant aux m oyens, il a soutenu d ’a b o rd que la m ère
avoit pouvoir de vendre , que le testateur avoit pu va
lablement donner ce pouvoir.
�( 16 )
V oîci comment il s’exprime :
a II est constant aujourd’h u i, par le rapport du tes
te tament d’Etienne D escaflïcs, du 3 avril 1773 , que
« le sieur Daudin est son h éritier} et conséquemment
« que le domaine de Vernet lui a appartenu. Mais le
cc même testament ne lui a fait passer la succession que
« sous la condition expresse portant plein et entier pou« voir à la veuve de vendre pour le payement des dettes
« et legs : la clause est conçue uno contextu avec cello
« qui renferme l’institution ; elles sont indivisibles. Ce
« pouvoir , ordinaire dans les testamens, n’a rien de
« contraire ni aux bonnes mœurs, ni aux bonnes lois.
« Les lois i re. et 3e. au Code, Quando decreto opus non
« e s t, le consacrent d’une manière expresse.
« La mère Daudin n’a pas mésusé de ce pouvoir : elle
« vendit 21000 fr. un domaine qui ne valoit que les
« deux tiers; elle fit payer la convenance et la fantai-*
« sie : elle a employé le prix à l’acquit des dettes et
« des legs. »
Il ajoute qu’on le dispensera, sans doute, de rapporter
les quittances des créanciers et légataires : la collusion
de toute la famille Daudin étant trop évidente, pour ne
pas croire qu’on a cherché, par toutes les précautions
imaginables, à lui en derober la connoissance ; que dans
le fait on ne connoît aucun créancier; que le conserva
teur des hypothèques a constaté, par son certificat du
1 1 pluviôse an 9 , qu’il n’y avoit aucune inscription sur
les biens d’Etienne Dcscaifres ; qu’il y en a uno, à la v é rité ,
de 10000 francs sur les biens do la dame Daudin par
Gabriel Chaunac, eu vertu du testament du 3 avril 17 7 3 ,
qui
�( 17 )
qui paroîtêtre celui d’Etienne Descaffres ;, mais qu'indé
pendamment qu’on ne voit pas qu’il soit rappelé dans le
testament, on voit encore moins ce qu’il auroit à de
mander à la veuve Daudin , q u i ri étoit pas héritière
d1Etienne Descaffres.
-• Il a soutenu que la vente étoit encore irrévocable
comme ayant été ratifiée par le fils.
. } Défendant particulièrement à la demande de Desprats,
il a dit que la cession à lui consentie , datée du 2
vendémiaire an 8 , étoit nulle , comme frauduleuse et
simulée ; qu’au surplus cette cession n’avoit pu lui trans
mettre plus de droits que n’en avoit son cédant.
Il ne s’est pas borné là : il a soutenu que la ratification
faite par Daudin , en majorité , ne le rendoit pas seule
ment personnellement non-recevable à provoquer le dé
sistement , mais le rendoit encore garant de la demande
de Despi’ats ; qu’il n’avoit p u , au mépris de cette rati
fication , vendre le môme objet à un autre , et qu’il
devoit être condamné , même par corps , comme stellionataire , à faire cesser la demande de Desprats , ou en
ses dommages-intérêts.
Il a insisté sur la demande en recours par lui formée
contre la veuve Daudin , qu’il a dit dans tous les cas ne
pouvoir être contestée.
Il a soutenu enfin que tous les actes passés , soit par
D audin , soit par la dame veuve D audin, et par eux si
mules , en fraude de la garantie, actes dont il a fait
l’énumération , étoient nuls.
Il a conclu , en conséquence, à ce que , joignant tou-«
tes les demandes , faisant droit sur le tout par même
G
�,( i8 )
jugement : en ce qui touchoit Daudin , il fût déclaré
purementetsimplementnon-recevabledanssa demande*, en
ce qui touche Desprats , que la vente du 2 vendémiaire an
8 fût déclarée nulle , frauduleuse et simulée ; subsidiairement que Desprats fût déclaré purement et simplement
non*recevable dans sa demande ; et où , soit Daudin , soit
Desprats parviendroient à leurs fins , faisant droit sur la
demande en garantie formée contre la dame S obrier, et
sur celle qu’il formoit présentement contre Daudin ,
ils fussent condamnés , et Daudin par corps , comme
stellionataire , à le faire jouir du dom aine, sinon à. lui
en payer la valeur , ainsi que le montant des construc
tions et améliorations qu’il y avoit faites , à dire d’ex
perts , à lui rembourser les irais et loyaux coûts de la
vente , et aux dommages-intérêts résultans de l’éviction ,
suivant l’estimation qui en seroit faite par les mêmes
experts , et en tous les dépens.
Desprats , Daudin et la dame veuve Daudin ont ré
pondu chacun à cette écriture.
Desprats a soutenu ïa sincérité de la cession. Il a d i t ,
au surplus, que Capelle la contestoit sans objet ; qu’en
effet , ou la vente consentie à Capelle étoit valable ,
ou elle ne l’étoit pas. Que si elle étoit valable , peu
importoit que Daudin eût revendu ou n o n , et que la
seconde vente eut été transcrite ou non ; que Capelle
n’en conserveroit pas moins la propriété , en vertu de
la pi’emière vente q u i, étant antérieure à la loi de bru
maire an 7 , n’étoit point sujette îi la transcription pour
la transmission de la propriété : que si , au contraire ,
la vente faite ù Capèlle n’étoit point valable , peu lui
�( i9 )
importoit d’être obligé de se désister envers Daudin ,
ou envers celui à qui Daudin avoit vendu.
Daudin a répondu qu’on ne pouvoit lui opposer la
vente consentie par sa mère ; que cet acte lui étoit étran
ger : qu’à la vérité elle avoit , par le testament , pou
voir de vendre ; mais que , d’une p a rt, le testateur n’avoit
pu donner ce pouvoir ; e t , d’autre p a rt, que le pouvoir
avoit été donné à la charge de l’em p loi, et que Capelle
étoit loin d’établir, ou de pouvoir établir que le prix
eût été employé conformément à1la volonté du testateur:
Qu’on ne pouvoit lui opposer davantage la ratification :
qu’à la vérité elle paroissoit aujourd’hui- à la date du 2
mars 1788 , époque à laquelle il avoit atteint la majo
rité ; mais qu’il avoit été facile à Capelle de remplir
comme il avoit voulu la date qu’il avoit eu soin de
laisser en blanc ; date si visiblement remplie après coup ,
que les chiffres et m o t, 21 mars 1788 , étaient écrits
d’une plume , d’une encre et d’une main différentes ;
que pour affoiblir le contraste on avoit eu la précaution
de repasser la plume sur les lettres du corps de l’acte ,
et de leur donner la teinte de l’encre de la date ; mais
que malheureusement la plume de la date s’étant trouvée
plus fine que celle qui avoit servi à écrire le corps de l’acte,
avoit laissé à découvert une partie de l’ancienne écriture,
en sorte que sur la même lettre il paroissoit deux encres :
Que cette ratification étoit nulle à tous égards ;
Comme donné« en minorité ;
Comme vague te gén érale, s’étendant indistinctement
à tous actes quelconques que la dame Daudin auroit pu
souscrire ; tandis qu’il est de principe que toute approC 2
�( 20 )
foation, pour être valable, doit être faite en connoissance
de cause , avec la connoissance du contenu en l’acte que
l’on entend approuver et confirmer ;
Comme n’ayant pas été faitç double.,
Quant ù la demande en reqours et dommages-intérêts
que Capelle avoit imaginé de former contre lu i, il a dit
qu’il n’y -e n avoit jamais eu de plus ridicule ; qu’il n’y
avoit de sa part ni stellionàt, ni fraude; que c’étoit lui
au contraire qui réclamoit contre la fraude. Il a au sur
plus offert, comme ilT a v o it toujours fait, de faire rai
son de la somme de 13800 f r . , payée effectivement par
le sieur Capelle, ou de la compenser, ensemble les in
térêts , avec la restitution des fruits ou dégradations.
• L a veuve Daudin a défendu aussi de son côté à la de
mande en garantie dirigée[contre: elle. Sa défense a été
sim ple;'elle a soutçnu Capelle non - recevable, comme
ayant eu connoissance du vice de l’acte, et non-seule
ment comme eu ayant eu connoissance , mais comme
ayant coopéré à la fraude.
- Le' y ventôse an 10 , nouvelle écriture de Capelle^
' Dans cette écriture, il a commencé, comme de rai
son , par son apologie ; il s’est efforcé d’écarter les faits
de dol et de surprise qu’on lui imputoit.
S’il faut l’en croire , il ignoroit par quel motif la
dame Daudin s etoit déterminée a lui vendre le domaine *
dont il s’agit. 11 n assure qu’il avoit acquis, parce que
cette acquisition lui convenoit; qu’il s’étoitpou inquiété
de savoir quels étôient les titres de propriété de celle
qui lui vendoit, parce qu’elle avoit une fortune suffi
sante pour le garantir \ que le prix avoit été fixé à
�( 21 )
21600 fr. , et payé comptant. Il a dit qu’il falloit toute
l’imagination do JDaudin pour jeter de l’odieux sur une
négociation aussi simple ; que Daudin avoit cru se ren
dre intéressant en s’accusant d’avoir surpris à sa mère
des blancs seings, pour donner le moyen de réduire la
vente au prix seulement convenu, mais que le fait est
invraisemblable ; que s’ il avoit eu des blancs seings, il
11’auroit pas eu besoin de combiner une intrigue aussi
compliquée ; qu’il auroit eu sur les billets de la mère
tout l’argent nécessaire à son projet de voyage; que
d’ailleurs, dès que le prix de la vente étoit payé comp
tant , que le contrat même portoit quittance, une quit
tance séparée, adaptée à l’ un des blancs seings , n’auroit pu avoir aucun effet ; que pour parer à cette ob
jection, Daudin avoit supposé que le prix avoit été
payé en billets , mais que pour éviter une invraisem
blance il étoit tombé dans une autre ; que cette quit
tance,auroit été datée et donnée avant ou après la vente ;
qiie.jçffflpnée avant, elle n’auroit été d’aucune valeur,
puisque les billets auroient été postérieurs; que si elle
eût été post-datée, l’acquéreur ne se seroit pas mis à la
merci du vendeur q u i, après s’être emparé du billet,
auroit pu protester contre la quittance, et la faire annuller ; que l’on ne pouvoit pas supposer une pareille
imprudence; que l’embarras ,de Daudin pour donner uu,
emploi à ces blancs seings, étoit tel, qu’il ne savoit pas
dire s’il en avoit fait un billet, une quittance ou une
•contre-lettre ; que le seul lait qui p a r o is s o it être vrai y
étoit celui de l’enlèvement commis par Daudin de l’ar
gent que sa mère avoit reçu du prix de la v e n t e ;
�( 2i. /
que la mère avoit aussitôt porté plainte qui n’avoit
pas eu de suites, Daudin ayant su à son retour dés
armer sa m ère; mais que la plainte et la réconciliation
étoient étrangères à celui qui avoit acquis de bonne foi et
payé comptant le domaine ; qu’il étoit vrai encore que
le sieur Sistrières, lieutenant généi*al civil et crim inel,
devant qui la plainte avoit été portée, et les témoins
entendus , avoit pris occasion de là pour former une
demande en retrait, mais qu’il s’étoit désisté par traité
du 5 mai 1789; qu’il étoit étonnant que Daudin cher
chât à l’inculper, après avoir été le premier à lui ren
dre , à l’occasion de ce même p rocès, toute la justice
q u i lu i étoit due. Ce sont ses expressions.
A l’appui de cette dernière assertion, il a produit et
fait signifier trois lettres.
Une première du 28 mars 1782, une seconde du 10
août 1783, dont on a parlé plus haut, sans songer aux
inductions qui en résulteroient contre lui-même. *
T>
• •
«H»*»-''
.hn voici les termes : « M onsieur, le curé de £ya<»>m’a
« marqué que je ne m’étois pas assez expliqué au sujet
« des affaires : voici plus clairement ce qui en est. Lors« que je fus arrive, je subis interrogatoire pou?'savoir
« ce que f a i reçu de vous. Sistrières croyoit et ci’oit
« encore que vous n’aviez fait de billets que pour
« 14000 fr. J ’ai repondu que vous en aviez fait pour
« le contenu au contrat, ce qui l’interloqua fort dans
« ce temps. Quoi qu’il en soit, je ne vous nuirai jamais,
« parce que vous rn’avez payé ce que vous m’avez promis,
« Si Sistrières fait travailler à Riom celte affaire au nom
« de ma m ère, elle l’ignore. Je vous prie de me mar-
�( 23 )
« quer ce qu’il faut que je lui fasse faire pour ne pas
t< être compromis dans les discussions que Sistrières
« a avec v o u s , et que je crois très-mauvaises. A u prê
te m ier jo u r, j’aurai l’honneur de vous voir y et nous con« férerons plus librement. »
Et une troisième, du 26 mars 1785, à l’occasion d’une'
censive que le seigneur de Yaladi réclamoit sur partie
du même domaine de V e rn e t, ainsi conçue :
« M onsieur, je n’ai reçu votre lettre que ces jours
« derniers. Je me hâte de vous marquer que j’ai demandé
« à ma mère si elle a jamais payé de la rente à M . de
« Yaladi. Elle m’a dit qu’elle avoit entendu dire que
« M . Descaffres lui en donnoit ; mais qu’elle ne sait
« pas si c’est du domaine de Vernet ou de R aulhac,
« car on nous en demande aussi pour Raulhac. Nous
« n’avons jamais vu de reçu dans les papiers de mon
« oncle pour l’objet dont il s’agit. Tâchez de terminer
« cela à votre profit : je serai dispensé par là de payer
« une vingtaine d’ écus d’arrérages. Je n’ai pas trouvé
« l’échange des héritages appartenans à mon oncle et
« à M . de Sistrieres. Vous ne devez pas douter que
« je ne voulusse vous obliger ; mais ce papier - là
« s’est sans doute perdu à la mort de mon oncle.
« L ’oncle Sobrier doit arriver dans peu du Querci;
« peut-être me donnera-t-il des renseiguemens : je vous
r en ferai part. »
Il a prétendu qu’il résultoit de ces lettres , et une
nouvelle approbation de la vente, et la preuve que
Daudin n’avoit imaginé qu’après coup, et pour le besoin
de la cause, toutes les imputations qu’il s’est permises.
�CM )
D e là passant à la discussion, il a développé, et les
moyens qu’il avoit déjà fait v a lo ir , et ceux que son
imagination lui avoit suggérés depuis.
Après a vo ir, dans sa requête du 8 floréal an 9 , prin
cipalement insisté sur le lesta m en t, il a imaginé tout à
coup de prétendre qu’il étoit nul.
Il a inféré de cette nullité que la propriété du
domaine avoit passé , après la mort de Descaffres, non
sur "la tête de D audin , mais sur celle de la m ère, plus
proche d’un degré ; que celle-ci avoit vendu sa propre
chose *, qu’elle seule pourroit réclam er, et qu’elle 11e
réclamoit pas ; que Daudin et Desprats étoient sans
qualité.
Il a fondé la nullité sur ce que de dix témoins , y
compris le notaire, qui yavoient assisté, il falloit retran
cher les deux derniers surnuméraires, ces deux témoins
n’ayant assisté qu’à la lectu re, et non à la rédaction ;
qu’il falloit encore retrancher Etienne Terissc , comme
n’ayant signé ni été requis do ce faire : ce' qui réduisoit le nombre à sept, y compris le notaire, tandis
qu’il en falloit un de p lu s, le testateur étant privé de
la vue.
Il a insisté avec complaisance sur cette nullité.
Revenant ensuite subsidiairement à ses premières
défenses, il a dit ; Qu’en supposant même la validité
du testament, la vente ne seroit pas moins inattaquable
d’après le pouvoir donné à la mère de vendre : qu’à
ja vérité il 11e • rapportait pas les quittances des créan
ciers et des légataires constatant l’em ploi, conformément
au vœu du testateur ; mais qu’il étoit d’abord trop év i
dent
�( *5 )
dent qu’on avoit pris dans la famille Daudin toutes
les précautions imaginables pour lui en dérober la connoissance, et q u e , d’un autre côté, il étoit hors de doute,
et prouvé par les réponses mêmes consignées dans les
interrogatoires, que les dettes et les legs avoient été acquit
tés ; que l’emploi étoit ainsi justifié par le fait.
Il a dit que dans tous les cas la ratification auroit cou
vert le vice de l’acte ; que cette ratification opéroit
seule une fin de n on -recevoir invincible contre la 'r é
clamation de Daudin ; qu’en vain on cherclioit à en
faier rapporter la date à la date même de la vente,
c’est-à-dire du I er. mars 178 2, pour en induire qu’elle
avoit été souscrite en minorité ; que quand cela seroit,
il n’en seroit pas plus avancé } qu’il auroit dû toujours
se faire relever dans les dix ans de la majorité ; qu’en
vain on objectoit encore qu’elle étoit conçue en termes
généraux ; qu’aucune loi n’exigeoit qu’elle fût spéciale ;
qu’il suifisoit qu’il lût constant que celui qui ratifioit
avoit eu connoissance de l’acte ; qu’aucune loi n’exi
geo it, non plus, que la ratification fût faite double ; que
Daudin n’avoit pas fait un nouveau contrat, qu’il avoit
consenti simplement que le premier eût son effet; qu’une
pareille approbation pouvoit être faite de toutes sortes
de manières , même par une simple lettre ou une
quittance.
A ces deux moyens résultans, et du pouvoir donne
par le testament , et de la ratification , il en a ajoute un
troisième : la prescription. Il a dit qu’en pays de droit
écrit il étoit constant qu’on prescrivoit avec titre , par
dix ans entre présens , et vingt ans entre absens ; qu’ici
D
�( 2 6 )
•
il avoit titre et possession de plus de dix ans , déduction
faite même du temps de l’absence de Daudin ; qu’ainsi
sous cet autre rapport Daudin étoit encore non-recevable.
Relativement à Desprats , il a soutenu que toutes les
cii’constances concouroient. à prouver la simulation de
la cession du 2 vendémiaire an 8.
i°. L ’antidate évidente. Com ment, a-t-il d it , si la cession.avoit été véritablement à la date du 2 vendémiaire,
le premier acte hostile , la citation devant le juge de p aix,
qui est du 6 vendém iaire, postérieure de 4 ¡ours, au1-oit-elle été au nom de Daudin ? Comment cette cession ,
qu’on a été si pressé de faire enregistrer , puisqu’elle
est enregistrée du même jour , n’a-t-elle été transcrite
que le 1 5 ? N ’est-il pas évident qu’on a profité de la
communication donnée au bureau de paix de la ratifi
cation , de la remarque qu’on a faite qu’elle n’étoit point
enregistrée , pour aviser au moyen de la rendre sans
effet ; qu’on a alors imaginé la cession ; qu’on a profité
du délai que la loi donne pour l’enregistrement des actes,
pour en faire remonter la date au 2 vendémiaire ,
et qu’en même temps, pour obvier à l’objection résultante
de la citation donnée, postérieurement à la cession , au
nom de Daudin , on a inséré dans l’acte la clause que le
cessionnaire pourroit agir au nom du cédant?
2°. lia qualité des parties. Daudin créancier de
Desprats , et par là ayant un empire absolu pour le faire
condescendre à cc qu’il désireroit.
30. La succession entière vendue 6000 fr. , tandis que
le domaine de Vernet avoit été vendu, seul, 21600 fr. ,
et de l’aveu même de Daudin , au moins 13800 fr. ,
�( 27 )
e lle domaine de Raulliac, vendu auparavant, 10177 fr*
40. La multiplicité des actes passés par la mère , par
le fils, pour dérober le gage de la garantie ;
5°. L ’impossibilité d’alléguer la moindre cause de celte
vente précipitée , autre que celle de rendre sans eifet
la ratification ;
6°. L ’avance faite par le vendeur des frais de cette
cession, ainsi que d’autre vente , consentie à Chaunac
à la date du même jour 2 vendémiaire.
Il a conclu de la réunion de toutes ces circonstances ,
qu’il ne pouvoit y avoir de doute sur le concert de
fraude.
Il a observé , au surplus , que les mêmes moyens qui
militoient contre la réclamation de Daudin , militoient
contre celle de Desprats.
Quant à la demande en gai’antie , par lui formée ,
contre Daudin comme stellionataire , et encore quant
à la demande en garantie solidaire formée , tant contre
la dame Daudin , que contre Daudin lui-même , et sur
la nullité des actes par eux passés en fraude de cette
même garantie , il s’est borné à persister dans ce qu’il
avoit précédemment dit.
Tels sont en analise les moyens que Capelle a fait
valoir dans sa requête du 7 ventôse an 10 , et auxquels
il a donné le plus grand développement.
Daudin et Desprats y ont répondu. Ils ont établi
quant au testament, d’une p art, qu’il étoit valable, et
de l’autre , que Capelle n’étoit pas r e c e v a b le à l’attaquer ;
qu’il ne pouvoit l’attaquer, ni comme exerçant les droits
de la veuve Daudin sa venderesse , puisque celle - ci
D 2
�(2S)
l’avoit approuvé et exécuté , ni de son propre ch e f,
puisqu’il l’avoit approuvé lui-même.
Quant à la prescription de dix ans, qu’il ne suflisoit
pas d’avoir titre; qu’il falloit encore titre et bonne foi ;
que de plus, si l’on déduisoit, et le temps de l’absence ,
et le temps pendant lequel la prescription avoit été
suspendue par les nouvelles lois , il ne s’étoit pas écoulé
le temps requis pour cette espèce de prescription ; qu’enfin
l’usure ne se p r C s c r iv o it pas.
La cause en cet état portée à l’audience du 25 thermi
dor an 10 , est intervenu, sür les plaidoiries respectives
des parties, un jugement qui a ordonné qu’il en seroit
délibéré.
A vant le jugement sur délibéré , et le z 5 brumaire
an i i , Daudin présenta requête par laquelle il de-4
inanda , sous réserve de ses moyens de nullité contre la
ratification , et subsidiairement seulem ent, qu’il lui fût
donné acte de ce qu’il reconnoissoit l’écriture du corps
de la pièce , ainsi que la signature , pour être de sa
m ain, et désavouoit avoir écrit le mot et les chiffres 21
mars 1788; qu’en conséquence il fût procédé à la véri
fication de la date de l’acte.
* L e 4 pluviôse, autre requête aux mêmes fins.
Daudin conclut de nouveau à ce qu’il soit ordonné
que par experts convenus ou nommés d’office il soit
procédé à ladite vérification ; lors de laquelle opération
ils vérifieront et constateront,
i°. Si le caractère de l’écrilurc du corps de la pièce
et de la signature D a u d in , étoit conforme à la manière
dont il écrivoit en 1788 , ou si au contraire il étoit plus
�( 29 )
analogue a la manière dont étoit formé le caractère de
son écriture vers 1782 , et à laquelle de ces deux épo
ques paroissoit se référer davantage l’écriture du corps
de la pièce et de la signature ;
20. Si lors de la confection et rédaction de la ratifi
cation , la place destinée à recevoir la date ne paroissoit
pas avoir été laissée en blan c, et si ce blanc 11’avoit pas
été rempli après coup des mot et chiffres 21 mars 1788,
et si ces mot et chiffres n’avoient pas été tracé^avec
Une plume , iule encre et une main différentes ;
30. Si pour faire illusion à la vue on n’avoit pas
fessayé de repeindre les lettres du corps de la pièce et de
la signature Daudin , avec la même encre dont on
s’ étoit servi pour tracer les mot et chiffres 21 /»an? 1788,
et si cette encre n’étoit pas plus noire , et ne tranchoit
pas sur celle plus terne et plus ancienne du Corps de la
pièce et de la signature.
Capelle ne manqua pas de combattre cette demande.
Xl soutint qu’elle étoit nulle et contraire aux règles de
l’ordre judiciaire; d’une part, les juges ne pouvant sta
tuer que sur les fins et conclusions qui avoient été prises
lors du jugement qui avoit ordonné le délibéré ; e t ,
d’autre part, parce que Daudin reconnoissant la signature,
prétendant seulement que la date avoit été remplie après
cou p , et d’une autre m ain, il n’avoit que la ressource
de l’inscription de faux.
Il a ajouté que de plus elle étoit frustratoire ; que le
premier fait tenoit à une infinité de causes et de nuances
trop impossibles à vérifier , et ne pouvoit présenter un
motif assez certain de décision ; que le second et troi
sième fuit étoient également inutiles à vérifier.
�( 3° )
Il importe de mettre sous les yeux du tribunal cette
dernière^ partie de la requête en date du u pluviôse:
voici.com m e il s’exprim e, ou son défenseur pour lui :
« Il est fort inutile de faire vérifier si la date 21 mars
*■
« 1788 est de la main de Daudin , si elle est écrite de
« la même main et encre que le corps de la pièce. L e
« contraire a été constamment avoué. Daudin n’avoit qu’à
k en demander acte.
c«iiPuisqu’il est constant qu’elle n’a pas été écrite par
cc Daudin , mais par une autre main , avec une encre
« et une plume différentes , il est bien constant aussi
« que la date ne fut pas mise au même instant que
« Daudin écrivoit la pièce : deux mains_ ne pouvoient
« écrire à la fois sur le même papier. Il est donc encore
« fort inutile de faire vérifier un fait reconnu et physi« quement constaté. Mais de tout cela il ne résulte aucun
« moyen de faux. Il n’y a que Daudin qui puisse expli« quer comment cette pièce a été écrite, puisqu’elle est
« de son fait. Il suffit à Capelle do dire qu’elle lui a été
« remise telle qu’elle est : il faudroit que Daudin prouvât
« que l’acte a été romis, ou v u , sans date, ou qu’il l’a signé
« en 1782.
« L e troisième fait est encore inutile à vérifier , et le
« résultat en est indifférent, puisqu’il est impossible de
« dire par qui, et quand, ces prétendues surcharges ont
« été fa ites. La pièce étant du fait de Daudin , il est
« présumé l’avoir remise telle qu’elle est présentée, tant
« qu’il ne prouvera pas le contraire. Cette pièce lui a
« été communiquée à Saint-Flour du temps que la cause
« étoit pendante au tribunal civil. Le procès verbal du
« greffier à qui elle a été déposée , dit bien que dans le
�(3 0
« corps de l’acte, et sur certaines'lettres il parbît que
« l’on a repassé la plume d’une encre plus noire. Mais
« ce procès verbal ne constate pas le nombre de ces
« prétendues surcharges , ni l’identité de cette encre
« avec celle de sa date, ni môme qu’il y en eût sur la
« signature Daudin. C’est cependant alors que cela auroit
« dû être constaté , puisque la pièce cessoit d’être au
« pouvoir du sieur Cnpelle. »
• A la suite de cette requête il a conclu à ce que Daudin
fût déclaré non-recevable dans sa demande en vérification;
et, faisant droit sur les nouvelles demandes qu’il formoit
par la présente requête , dans le cas où les conclusions
précédemment prises contre Daudin ne lui seroient point
adjugées , attendu que par l’effet des fraudes par lui pra
tiquées et par la dame Daudin sa mère , il étoit nanti
de tous les biens affectés à sa garantie, sans s’arrêter ù ses
offres, lesquelles seroient déclarées courtes et insuilisantes,
il fû t condamné solidairement avec la dame Daudin à lui
de 21600 fr . , prix principal ,
^ensemble les frais et loyaux coûts; 20. p ré p a ra tio n s et
améliorations; 3°. les dommages résultans dft fa vente
par lui faite de la maison de son ancien domaine de
V e rn ct, ceux qui pourroient être dûs au fe r m ie r pour
la résiliation du bail , et ceux résultans de l’éviction.
Sur cet incident les parties furent renvoyées à l’au
dience ; et le i 5 du même mois de pluviôse, jugement
contradictoire in tervin t, q u i joignit au délibéré.
IjC délibéré a ensuite été prononcé le i 5 germinal.
V oici les dispositions du jugement :
L e tribunal, jugeant ù la charge de l’appel, sans s’ar-
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( 32 )'
rêter ni avoir égard a la demande fotmée par Capelle en
nullité de la procédure faite- postérieurement au jugement de délibéré du 25 termidor an 1 0 , non plus
qu’à la demande de Daudin en vérification de la ratifi
cation dont il s’agit, déboute les parties de leurs demandes î, dépens entre elles compensés à cet égai’d. Sans
s’arrêter pareillement aux demandes de Capelle en nul
lité du testament d’Etienne Descaffres , et de la vente
du 2 vendémiaire an 8 , consentie par Daudin à Despi-ats, dont il est débouté , non plus qu’à la vente du
ier. mars 178 2 , et à la ratification du 21 mars 1788 ,
lesquels deux actes sont déclarés nuls et de nul effet,
oi’donne que le testament dudit Etienne Descaffres , ainsi
que la vente faite à Desprats le 2 vendémiaire an 8 ,
seront exécutés suivant leur forme et teneur en consé
quence condamne le sieur Capelle à se désister, en faveur
dudit Desprats, du domaine du V ern et, dont il s’agit,
comme faisant partie de la succession dudit Descaffres,
dont ledit Daudin est héritier , avec restitution des fruits
,ei intérêts d’iceux , ù compter du jour de la demande ju-^
diciaire ,î^rinsi que des dégradations , s’il y en a , et condamne" le sieur Capelle aux dépens envers les sieurs
Daudin et Desprats.
e
même jugement, faisant droit sur les demandes en
recours et garantie formées de la part de Capelle, tant
contre la daine Daudin que contre son fils : en ce qui
touche la dame D au d in , la condamne à relever et ga
ra n tir ledit Capelle des condamnations contre lui prononcées , avec intérêts et dépens; en conséquence, à
rendre et rembourser audit Capelle la somme de 2 i6 o o f,,
prix
�( 33 ) '
prix principal de ladite vente par elle consentie, fraiset\
loyaux coûts d’icelle, av^c intérêts- du tout à compter
^u jo u r de la demande f ia conclamne , en outre: ,' au£
dommages-mtérêts résultans de l’éviction, et à ceux ré- i
sultans aussi de la vente faite par Capelle de la maison qu’il avoit ù son domaine de V ern et, comme aussi à
ceux qui seront dûs au fermier pour la résiliation de son
^............
b a il, le tout „avec intérêts légitimement dûs; et ce suivant l’estimation qui en sera faite par experts pris ou
nommés d’oilice, lesquels experts estimeront en même'
temps les dégradations, réparations et améliorations qui
peuvent avoir été faites par Capelle dans ledit domaine,
p ou r, après leur rapport fait et rapporté, être ordonné
ce qu’il appartiendra ; dépens , quant à ce, réservés.
En ce qui touche ledit Daudin ; le même jugement le
Gondamne , suivant ses offres, à rendre et rembourser
au sieur Capelle , sur et eji^gnt_moins du prix de la.
ven te, la somme de i38oôlTrancs, ainsi que les ré -. M
parafions et améliorations suivant l’estimation qui en
sera faite par lesdits experts, avec les intérêts du tout
légitimement dûs sauf à lui à se régler avec Desprats,
h qui il a ven d u , pour la valeur des améliorations dont
ce dernier doit profiter. Il ordonne ensuite q u e , sur
la demande en garantie solidaire parformée Capelle
contre la dame Daudin et. son fils , les parties con
testeront plus amplement pour leur être fait droit ,
ainsi qu’il appartiendra ; dépens, q u a n t i ce, réserves:
déclare l’assignation donnée par Capelle à là dame Daudin,
^
le 9 frimaire an 9, ensemble la procédure qui en a été
¿4_
la suite , nulle et de nul effet ; en conséquence , con-
éyJitcfUA
cjZi crtan.ci.fi.
�>. *
( 34 )
damne Capelle aux dépens faits à cet égard, et condamne
la dame veu ve D audin aux dépens envers toutes les
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î:
\ y fÿ à r * '
«--- .................. ..... .
;•
:- . v ^ )art,es,
. ■. .
.............
\ ¡ v * l D audin a interjete appel le p re m ie r, par acte du i 5
messidor , en ce q u e , sur la demande en garantie soli
daire , il a été ox-donné une plus ample contestation.
Capelle a interjeté appel indéfiniment aux chefs qui
>*** lui étoient g r é v e u x , par acte du 27 messidor.
Q uoique cet appel soit postérieur , et que sous ce
rapport il puisse être c o n s id é r é comme appel in ciden t,
x
néanmoins Capelle doit être regardé comme principal
appelant, puisqu’il a succombé sur tous les points d elà
contestation, à l’exception de celui h l’égard duquel il
a été ordonné que les parties contesteroient plus am
plement.
*
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v > . •*YvV..*'*
.
^ y ' k >’•
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a
L a dame Daudin et Desprats se sont aussi rendus ap.jpelans.
Desprats, en^ce que Capelle, condamné envers lui au
désistement, n’a été condamné à la restitution des jouis£anç£s et des dégradations, qu’à compter du jour de la
demande, et non depuis'l’entrée en pggseçsÀon*.. ^
Et la dame D audin , en ce qu’elle a été condamnée
à relever et garantir Capelle de toutes les condamnations
contre lui prononcées envers Daudin et Desprats , et en
tous les dommages et intérêts résultans de l’éviction.
' C’est sur ces appels que la contestation a été portée
en la cour.
j| s’agit maintenant de développer les moyens, et
d’abord de justifier le jugement en ce qu’il a condamné
le sieur Capelle à se désister du domaine qui fuit l’objet
V%
�( 35)
du litige, Il ne sera pas difficile, malgré tous ses efforts,
d’y parvenir,
M O Y E N S .
Il ne peut déjà exister de doute sur les faits : le sieuu
Capelle a pris soin de se condamner lui-même.
Il a désavoué d’avoir traité avec le fils, d’avoir acheté
du fils,
>
Il a désavoué que le fils lui ait fait confidence des blancs
seings, et encore plus qu’il lui ait donné, à l’instant de
la vente, quittance d’une partie du prix , à l’aide de l’un
de ces blancs seings,
Il a désavoué que le prix ait été payé en billets, et
que ces billets , après l’enlèvement, aient été acquittés
au fils jusqu’à concurrence de la somme de 13800 fr.,
montant du prix convenu.
V oici comme il s’exprime , o u , si l’on v e u t, son dé
fenseur , bien avoué par lu i, dans sa requête du 7 ven
tôse an 10.
a L e sieur Capelle ignore pour quels motifs la dame
« Daudin se résolut à lui proposer la vente du domaine
« de Vernet. Cette acquisition lui convenoit, parce qu’il
« avoit un autre domaine dans ce village. 11 s’inquiéta
« peu de savoir quels étoient ses titres de propriété;
« elle avoit une fortune capable de garantir et de rassu« rer l’acquéreur. L e prix fut convenuet arrêté à 21600 ftJ
« et payé comptant. Il étoit exorbitant, mais il étoit
« celui de la convenance.
Plus bas : « Pour se prêter aux arrangemens de D au« d i n , il faut supposer que le prix fût payé en billets, et
E a
�•f qu’avant la vente Daudin avoit donné quittance de
«( partie au moyen d’un des blancs seings....... Sur ce
« premier poin t, il; faut se référer à la vente authenti« que du I er. mars 1782, d’après laquelle les 21600 fr.
'« ont été payés comptant à la dame Daudin. Rien ne
« peut détruire cette clause de la vente.
' Quelques lignes plus bas : « Daudin poursuit son
« con te, et dit qu’il enleva les billets. Il est en con« tradiction avec la vente, qui fait foi que les 21600 f.
« ont été' payés c o m p ta n t ; ce qui exclut toute idée de
soustraction d’effets. »
Et il a l’imprudence de produire lui-même parmi les
lettres du sieur D audin , une du 10 août 178 3, qui le
confond.
• Que dit cette lettre?
« Sistrières croyoit et croit encore que vous n’aviez
« fait de billets que pour 14000 fr. J ’ai répondu que vous
« en aviez fait pour le contenu du contrat. »
Donc il avoit fait des billets ! donc il n’avoit pas payé
comptant en numéraire ! donc il en a déjà imposé sur ce
premier point !
Suivons toujours la lettre.
* cc Je ne vous nuirai jamais. »
Donc il craignoit que Daudin ne lui nuisît ! et celuici ne pouvoit lui nuire qu’en déclarant la vérité. S’il
avoit fait des billets pour l’entière somme de 21600 fr .,
ou qu’il eût véritablement payé celte somme, auroit-il
eu cette crainte ?
« Je ne vous nuirai jamais, parce que vous m’avez
« payé ce que vous m’avez promis. »
�( 37 )
Donc c’est au fils que les deniers ont été comptés
après l’enlèvement des billets!
« Vous m’avez payé ce que vous m’avez promis. »
Donc il n’a pas payé l’entier prix porté au contrat!
donc il y a eu concert de fraude entre lui et le fils,
pour tromper la mère !
Comment échappera-t-il à ces conséquences ?
Comment n’a-t-il pas réfléchi qu’il produisoit contre
lui-même l’arme la plus victorieuse?
Se retranchera-t-il dans la vente? D ira-t-il que contre
un acte authentique on n’admet point de preuve testi
moniale , encore moins de simples allégations, qu’il
n’y a que l’inscription de fau x?
Il ne s’agit point ici d’allégations ; il ne s’agit point
ici de preuve testimoniale.
Il y a preuve écrite , et preuve du fait même de l’ad
versaire , puisqu’elle émane d’une pièce par lui produite.
La ratilication n’est-elle pas une nouvelle preuve, et
qu’il a traité avec le fils, et qu’il connoissoit le vice de
la vente?
Il a désavoué , et il le falloit bien pour la cause,
qu’elle lui ait été remise à l’époque de la ven te, et que
la date ait été laissée en blanc. Il a soutenu que c’est en
m ajorité, et à l’époque du 21 mars 1788, que Daudin
a lib rem en t, et en pleine connoissance de cause, ratifie
la vente.
Et sur la vérification demandée , il a été oblige d’a
vouer que la d ate, les mot et c h iff r e s 2 1 Jiu irs 1788,
étoient écrits d’une autre main , d’une autre plume et
d’une autre encre.
�13- ,
Il a été obligé d’avouer que ces mot et chiffres n’avoient pas été écrits au même instant que le corps de
la pièce.
( Il a été obligé d’avouer plus ; que les lettres du corps
de l’apte avaient été surchargées.
Ces aveux ont été acceptés. .
D e ces aveux ne ré s u lte -t-il pas la preuve la plus
évidente des faits avancés p{ir le sieur D audin, du fait
principal, que la date a été laissée en blanc ?
Indépendamment de ces aveu x, l’inspection seule de
la pièce su ffis a it pour le prouver.
Une remarque essentielle , c’est que l’écriture et l’encre
de la signature , en même temps qu’elles diffèrent de
1’écriture et de J’encre de la date, concordent parfaite
ment avec celles du corps de l’acte.
La concordance avec le corps de l’acte prouve que
le corps de l’acte a été écrit et qu’il a été signé uno
çontextu.
L a différence avec la date prouve qu’elle a été mise
ex intervallo , et lorsque l’acte étoit déjà signé.
O n d i t , lorsque l’acte étoit déjà signé : e t , en effet,
si la signature qvoit été mise après l’insertion de la date,
de deux choses l’une -, ou elle auroit été mise au môme
moment que la d a te, et alors l’encre de la signature
auroit concordé avec celle de la d ate, ce qui n’est pas;
ou quelque temps après, et alors on conçoit qup l’encre
de la signature auroit pu être différente de celle de la
date , mais elle auroit été plus différente encore de çelle
du corps de l’acte, avec laquelle cependant elle cpncorde.
�( 39)
Î1 est donc évident, par riiispection de la pièce, indé
pendamment des aveux arrachés au sieur Capelle par la
crainte de la vérification , que la date a été mise après
coup ; que lorsque l’acte a été sign é, il n’étoit point
revêtu de sa date ; que par conséquent la date a été
laissée en blanc.
Ce fait une fois constant, il doit demeurer également
pour constant, que la ratification a été consentie, non
en majorité , mais en minorité.
Que Capelle explique autrement à quelles fins la date
auroit été ainsi laissée en blanc ! qu’il explique com
ment D audin, après avoir écrit le corps de l’acte , n’aul'oit pas écrit en même temps la date! n’avoit-il pas
la force d’écrire quelques caractères de plus ?
Dira-t-on qu’après avoir écrit l’acte , et avant de lui
donner son complément par la d a te , il a voulu prendre
encore le temps de réfléchir; q u’en conséquence l’acte
a demeuré en simple projet ; que s’étant ensuite déter
miné , on a mis la date ?
Mais alors auroit-il signé ? Signe-t-on iîn acte avant
qu’il soit parfait? N*au roi t-il pas remis à signer, comme
il remettoità écrire la date? o u , s’il vouloit tant signer,
ne pouvoit-il pas écrire , dater et signer, sauf à remettre
l’acte quand bon lui sembleroit?
Comment ensuite la date se rencontrei'oit-elle, nonseulement d’une autre plume et d’une autre en cre,
x mais encore d’une autre main ?
Capelle n’a garde de dire que la ratification lui a été
remise sans date : il comprend qu’il se condamneroit
trop lu i-m êm e. Son système est, au contraire, de dire
�îa o y
'
que la ratification lui a été remise avec la date. Mais
alors comment cette date seroit-elle d’une autre m ain?.
Daudin ayant écrit le corps de l’acte, n’auroit^pas écrit
aussi la date ! Gomment concevoir qu’il eût présenté au
sieur Capelle un acte é c rit, partie de sa m ain, partie
d’une main étrangère? et Capelle l’auroit-il accepté?
.. Comment encore expliquer les surcharges?
Vaines difficultés ! Capelle écarte toutes ces objec
tions d’un mot.
Rien de plus simple que sa réponse.
Est-ce à m o i, d it-il, qu’il faut demander pourquoi,
comment? C’est Daudin seul qui peut le savoir; c’est
lui seul qui peut l’expliquer; c’est lui qui m’a remis
la pièce telle qu’elle est : je n’en sais pas davantage.'
Que Daudin prouve qu’il me l’a remise autrement : s’il
ne le prouve pas } s’il ne prouve pas qu’il me l’a remise
avec la date en blan c, l’acte doit faire foi.
Et vite il a recours à ce brocard de d r o it, que l’acte
fait foi jusqu’à inscription de faux.
Il est bien ici effectivement question de preuve et
d’inscription de faux , lorsque le fait est avoué , lorsque
l’adversaire est obligé de reconnoîlre que la date est
d’une auti’e p lu m e, d’une autre encre et d’une autre
main!
Cette réponse ne satisfaisoit cependant pas à tout; il
restoit encore les surcharges. Capelle ne pouvoit pas
dire qu’il avoit reçu l’acte ainsi surchargé ; ilauroit donné
une trop singulière opinion de sa dextérité et de son
intelligence en alïaires : il falloit imaginer une autre
raison. Convenir que les surcharges ayoient été coinr
�. ( 4M)
mises depuis ? Mais comment faire cet aveu ? Il ne pouvoit dire qu’elles avoient été commises depuis le dépôt
au greffe. L e greffier avoit eu la précaution de constater
l ’état de loLpièce, et elles existaient déjà. A vant le dépôt?
A utre embarras : il falloit supposer que l’acte étoit revenu
au pouvoir de Daudin ; autrement c’étoit se reconnoître
soi-même l’auteur des altérations, c’étoit s’avouer c o u
pable. Et comment mettre en avant une pareille pro
position ? comment lui donner une couleur ?
Capelle n’a point été en peine : il a dit que la piece
avoit été communiquée à Daudin , à Saint-Flour , dans
•le temps que la cause étoit pendante au tribunal civil.
C’est dans la même requête du n pluviôse : on en a
transcrit plus haut les termes ; et alors tout s’explique.
On pourroit cependant demander au sieur Capelle
comment il ne s’est pas plaint, à l’instant ? comment il a
r eu cette pièce ainsi surchargée, sans réclamation ? com
ment , en remettant la pièce au greffier, il n’a pas pro
testé contre les surcharges, surtout dès que le greffier
les constatoit ?
Est-ce devant des juges éclairés , devant un tribunal
renommé par ses lum ières, qu’on propose de pareils
moyens !
Il importoït de commencer par fixer l’opinion du
tribunal sur les faits : l’honneur, l’intérêt de la cause
en faisoient un devoir au sieur Daudin. Il s’agit main
tenant dentrer dans la discussion des moyens-de droit:
nous suivrons le sieur Capelle dans les diverses objec
tions qu’il a faites.
_*
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�•y,-.-- - . .
1
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( 4* )
p r e m i è r e
' •
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o b j e c t i o n
.
-
'Nullité du testament d’Etienne Descaff'res ^qu&Ut est
cetio 'nullité ?‘ '
!
f
pelle a prétendu qu’il falloit retrancher du nombre
'des témoins instrumentaires les deux témoins surnu
méraires , comme n ’a y a n t assisté qu’à la lecture, et
Etienne Térisse , comme n’ayant ni signé , ni été requis
de signer; que, ces témoins retranchés, il n’en restoit
que sept , y compris le notaire, et que le testateur
étant privé de la v u e , il en falloit h uit, aux termes de
l’article 7 de l’ordonnance de 1735.
On a vu quelle est la conséquence qu’il a tirée ensuite
de cette nullité.
f
>
Sans le suivre dans la discussion à laquelle il s’est
'liv r é , il en resteroit toujours, de son propre aveu, sept,
y compris le notaire ; ce qui suiïiroit pour la validité
du testament.
A la vérité , l’article 7 de l’ordonnance des testnmens,
'porte que si le testateur est aveugle , ou si , dans le
temps du testament , il n’a pas l’usage de la vue , il sera
appelé un tém oin , outre le nombre porté par l’article
5. Mais le testateur étoit-il aveugle ? savoit-il perdu
‘ l ’u sa g e d e là v u e ? Il est dit : A cause de laJoiblcsse
’ de sa vue. A v o ir la vue foib le, est-ce être aveugle ? est-*
ce être privé de l’usage de la vue ? A v o ir la vue foible ,
r’est y voir foiblement ; c’est ne pas avoir la vue excel
lente ; mais c’est y voir.
�( 43)
L ’adversaire a donc fait une fausse application de cet
article. L ’intérêt l’a aveuglé.
? •
Il auroit encore moins fait cette objection , s’il avoit
réiléclii sur la disposition de l’art. 45 de la même ordon
nance. Cet article, en exigeant qu’i l ’ne puisse être admis
que des témoins signataires , 'fait exception à l’égard des
testamens passés ailleurs que dans les villes ou bourgs
fermés. Il suffit pour ceux-ci qu’il y ait deux témoins
signataires. Peu importe donc que Terisse ait signé ou
non , puisque , indépendamment de Terisse ,• il y a tou
jours le nombre de témoins signataires suffisant.
J >
En supposant le testament nul*^ poul’roit-il s’en pré
valoir ? Il ne pourront, sans doute , avoir plus ‘ de droits
que la dame Daudin, sa venderesse; ét celle-ci seroitelle recevable à attaquer le testament, après l’avoir ap
prouvé et exécuté?
' - i :s ■.
n
Elle l’a approuve et exécuté , eh s’emparant , aussi-*
tôt après le décès' } de tous les meubles , en vertu du
legs à elle fait, en propriété,' du mobilier.
Elle l’a approuvé et exécuté , en se mettant en pos
session de tous les immeubles , en vertu *du legs d’u
sufruit,
’
'■
>- . . .
' Elle l’a approuvé* et' exécuté *yv eü’Vacquittant partie
des legs.
'■
’
Dans un acte du 20 janvier 1774 , on voit qu’elle a
pris expressément la qualité d’exécutrice testamentaire.
Par cet acte , un>nommé* Etienne Rame laboureur j
en qualité d’héritier de Catherine Dèscnffres , sa m ère,
transige avec là daine veuve D a u d in , en qualité , est-il
d it, (Cexécutrice testamentaire $ E tienne D escajjres
�Ç44)
et comme mère et- tutrice d E tien n e D audin , -son
fils , ce dernier héritier dudit Descaffres ¡ sur la de
mande en entérinement des lettres de rescision prises par
Catherine Descaffres , contre la renonciation faite aux
successions échues et à échoir de,Pierre Descaffres et
Marguerite Déconquans , et sur la demande en payement de la somme de 800 fr. , pour legs à lu i f a i t par
E tienn e D esca ffres, par son testament du 3 avril 17 7 3 ,
desquelles demandes il se départ , moyennant la somme
de 1620 fr. , en sus de celle de 300 fr. , qu’il devoit au
dit Descaffres, et q u i lui a é t é , est-il,ajouté , pareillement léguée par ce dernier.
......
C a p e lle lui-méme en a excipé et argumenté dans sa
requête du 8 floréal an 9 contenant ses premières dé
fenses ; il s’en est fait un principal moyen , il en a ré
clamé l’exécution. Il û insisté sur le pouvoir donné , par
ce testament, à la mère de vendre.; il va même jusques à dire qu’il n’a acheté qu’en conséquence de c©
pouvoir. I l emploie plusieurs pages à prouver la légiti
mité d’une pareille clause. Dans un endroit il s’exprime
ainsi : R assuré par, le pouvoir que le testam ent, dont
il avoit connoissance , donnoit à la veuve IDaudin........
il s e proyoit propriétaire irrévocable. Dans un autre
endroit , il dit : I l est constant aujourd’h u i , par le
rapport du testament £ Etienne Descaffres „ d u 3 avril
1773 j que le sieur ¡Daudin. est son héritier , .et que la
propriété du domaine{ lui appartenQit^ mais le testa
teur' .ne lu i a \fa it passer sa succession que sofif, lat
condit on expresse de plein et entier pouvoir à la mère
ede r e n d r e lus bas \Oti(ne vu itp a s ce que C/iaunac,
�C 45 )
mtroil pu demander à la veuve. D audin , q u i n étoit
pas héritière d? Etienne Descaffres.
C ’est après s’être exprimé ainsi , et dans la requête
du 7 ventôse an 10 , qu’il a changé tout d’un coup de
langage , et qu’il a imaginé cette prétendue nullité.
Il ne peut pas dire qu’il ne connoissoit pas le testa
ment. Il dit lui-m êm e, dans sa requête du 8 floréal, qu'il
en avoit la connoissance ; et on voit qu’il lui en avoit
été de nouveau justifié, puisqu’il dit : I l est constant
par le rapport du testam ent, etc.
Il excipe de la nullité ; et il.fait , d’un autre côté ,
tous scs efforts pour prouver que les legs ont été payés.
Il assure, que le prix de la vente a été employé à l’acquit
tement des legs. Il a fait interroger , principalement sur
ce fa it, et le sieur Daudin , et la dame Daudin. Com
ment n’a-t-il pas vu qu’il étoit en opposition avec luimême : qu’il impliquoit de soutenir le testament n u l,
et d’argumenter en même temps de son exécution ?
Il faut donc écarter ce moyen , fruit tardif de son
imagination.
Passons aux antres objections qu’il ne propose, dans son
nouveau système, quesubsidiairement.
SECONDE
-, - *
'
OBJECTION.
1 / j
■■<!
Pouvoir donné à la mère par le, testament.
Déjà elle n’a point fait usage de ce pouvoir. Ce n’est
point en vertu de ço pouvoir q u ’e lle a vendu. Elle a
vendu en son .propre et privé nom ; et c’est, sur ce qu’elle
�(
46
\
a vendu en son propre et prive nom , que le sieur
Capelle fonde la demande en garantie , qui ne pouvoit
avoir lie u , si elle avoit vendu en vertu du pouvoir.
L e testateur a donné pouvoir à la mère de vendre ;
mais ce pouvoir n’a pas été donné indéfiniment; il a été
grevé de la condition , de la clïarge de l’emploi en
acquittement des dettes et des legs.
Capelle se donne beaucoup de tourment pour prouver
que les dettes et les legs ont été acquittés. On l’accor
dera, s’il veut : mais Font-ils été des deniers de la vente?
C ’est ce qu’il est loin d’établir. '
'J
Q u’il n’attribue pas l’impuissance où il est de rapporter
cette preuve au peu de bonne foi de Daudin et de la
dame sa m ère, qui retiennent les quittances. On pourroit d’abord lui dire qu’il dévoit veiller lui-même à
l’emploi , et se munir des actes qui poiivoient servir à
le constater. Mais ici non-seulement il'n e prouve _pas
l’em ploi, mais il a fourni lui-même la1preuve de noneinploi. La lettre du 10 août 1783 , qu’il a prod uite,
prouve que le prix a été payé en billets , 'lesquels ont
été ensuite enlevés par le fils , et par uüé suite nécessairepayés au fils.
■
■
11:1 • '
J
r
L e testateur a donné pouvoir de vendre ; mais ce
pouvoir doit s’entendre civilement dans le cas o ù ily auroit
nécessité, dans le cas où les créanciers et les légataires
feroient des poursuites.1Il y avoit si peu nécessité , que
le prix , comme on vient de le voir , a été payé en
biHets.
‘
: ! :
'
IiC testateur a donné pouvoir de vendre ; mais pour
l'acquit(ement'dcâ déttes'ét1dûs leg*s‘; et',°par 'conséquent'
�'(
47 5
%/
jusqu’à la concurrence seulement de ce qui étoit néces
saire pour les acquitter. L a mère ne pouvoit pas vendre
au delà. Elle avoit précédemment vendu le domaine de
Raulhac et autres héritages" dont le prix avoit été em
ployé. Il faudroit donc prouver que ces premiers deniers
ont été insuffisans. IL faudroit prouver qu’il restoil encore
des dettes et des legs assez pour absorber l’entier prix
du domaine de Vernet , c’est-à-dire , que la succession
étoit plus onéreuse que profitable , puisqu’il n’y avoit
point d’autres immeubles.
L e testateur avoit donné pouvoir de vendre ; mais
avoit-il dispensé, avoit-il pu dispenser des formalités
nécessaires pour l’aliénation des biens des mineurs ? S’il
s’agissoit d’entrer dans cette question , il ne seroit pas
‘difficile d’établir que les biens des mineurs sont sous
la surveillance des lois , et que nul ne peut déroger à
ce qu’elles prescrivent , suivant cette maxime : Nerno
potest cavere testamento ne leges valeant.
On ne inanqueroit pas d’autorités à l’appui de ce
sentiment.
L ou et, dans son Recueil d’arrêts, au mot A liénation ,
tome i , page 19 , sommaire 5 , rapporte un ari’êt qui
l’a jugé ainsi :
« L e bien , dit-il , que le père avoit ordonné de
« vendre par son testament, est aliéné par le fils même
« sans solennité. On a demandé si cette aliénation
« pouvoit subsister. Jugé au. contraire; et que la volonté
« du testateur dispense seulement de discussion et de la
« vente du mobilier. V oluntas testatoris excusât à
« discussione mobilium.
�U 8 )
« Mais pour faire vendre l’héritage , il faut que ce
« soit au plus offrant et dernier, enchérisseur, ut justo
« pretio alienetur. Et le père ou a u tre, par son testa« ment, ne peut dispenser de cette solennité, ut illœsum
a minorum servetur patrirnonium , qui ne peut se
« vendre , spretâ juris solennitate.
Brodeau , son commentateur , ajoute : « C’est une
« règle et maxime certaine, que l’immeuble du m ineur,
« qui est sous la protection de la loi et de la justice,
« ne peut être v e n d u , soit en pays coutum ier, soit en
« pays de droit é c r it, que sous les formes et formalités
« publiques; et la disposition d’un particulier, par tes« tam ent, qui ordonne la vente et l’aliénation , ne peut
« déroger au droit p u b lic, et empêcher que les lois et
« ordonnances aient lie u , ce qui a été souvent jugé par
« les arrêts. On ne suit point les lois contraires au Code:
« Quandô decreto opus non sit. »
Meslé , Traité des minorités , chapitre 8 , pose éga
lement pour principe que le fonds que le testateur a
ordonné être vendu , ne peut l’être sans affiche, estima
tion , publication et enchère,
From ental, la Peyrère , page 5 i 8 , enseignent la même
doctrine. Ils disent qi^e le bien du mineur ne peut être
vendu sans formalités , lesquelles, ce sont les expressions
du premier , doivent être observées , dans le cas même
oit le testateur, qui a institué héritier un m in eu r,
auroit ordonné la vente pour le payement de ses dettes,
et quoique le p rix eût été employé au payement de ces
mêmes dettes, u ivant l'intention du testateur.
Mais cette question est njiôinc indiiTérente. Quel que
fû t
�( 49 )
fût le p o u vo ir, il ne pouvoit être séparé de la condition
de l’emploi qui y étoit attachée , et il 11’a pas été satis
fait à cette condition ; quel que fût le p o u vo ir, le testa
teur a entendu autoriser une vente dont le prix seroit
sincère, et non une vente dont le prix seroit simulé ,
une vente qui ne seroit que l’eiTet de la circonventioa
et du dol.
T R O I S I È M E
O B J E C T I O N .
R atification du 21 mars 1788.
L e sieur Capelle a-t-il osé produire cette ratification ?
o s e -t-il encore y insister? a - t - i l pensé qu’il pouvoit
se faire un titre à lui-même en remplissant à son gré
la date ?
La ratification auroit-elle été consentie en m ajorité,
elle ne seroit pas moins sans effet.
Elle est triplement nulle : et comme n’ayant point
été faite double ; et comme ne contenant point de prix ;
et comme vague et générale, ne s’appliquant pas plus à
la vente dont il s’agit qu’a tout autre acte.
C ’est î\ la discussion de ces trois propositions qu’on
va se livrer. Ces trois propositions établies, il ne res
tera sans doute à l’adversaire aucune espérance.
Et d’abord , la ratification n’a pas été faite double.
Ici le sieur Capelle a crié à l’erreur. Ou a-t-on v u ,
a-t-il d it , qu’il soit nécessaire qu’une ratification doive
être faite double? est-il une loi qui l’exige?
G
�( 5o )
C’est dan» sa requête du 7 ventôse an 10 , qu’il s’est
attaché à combattre cette proposition. Il n’est pas indif
férent de mettre sous les yeux du tribunal une partie
de ses raisonnemens.
« La première id é e , d it-il, qui se présente naturel« lem ent, est que la ratification n’est que l’approba« tion de ce qui a été fait ; o r , l’approbation peut être
« faite de,toutes sortes de m anières, même par une
« simple lettre, par une quittance.........Celui qui ratifie,
« qui consent que tel acte soit exécuté , ne consent
« pas cet acte déjà subsistant, il n’en change ni n’en
« altère les clauses......... On ne peut appliquer ici les
« principes concernant les actes synallagmatiques. Il est
« évident qu’en ce cas il faut une preuve réciproque
« de ces obligations. Mais ici il y a un acte préexistant y
« une convention réd igée, qui contient les obligations
« du vendeur et de l’acquéreur. Si l’on vouloit y déroger,
« faire un nouvel acte, il est clair qu’il faudroit lui
« donner la forme du contrat de vente , et par consé« quent la fa ire double. Mais on n’a pas voulu cela;
« on a voulu seulement que le premier conti’at fût
« exécuté : celui qui ratifioit n’a eu besoin que de
f< renoncer au droit qu’il avoit d’attaquer l’acte, et
cc l’autre, dont le droit et les obligations restoient les
« m êm es, a dû par conséquent ne rien faire, si ce
« n’est recevoir la ratification............. On ne peut pas
« dire non plus que dans cet état de choses une partie
« ne puisse fo r c e r l’autre à exécuter l ’acte........... Elle
« est liée par le précédent contrat.........On défie Daudin
« de r a p p o r te r un seul préjugé qui ait la moindre ana-
�( 5i )
« logie avec l’espèce dans laquelle il se tro u v a Daus
« toutes celles-là il n'y avoit pas de co n tra t, et ces
« actes informes ont dû être annullés. » Il faut d o n c, suivant le sieur Capelle lui-m êm e, que
la ratification soit faite d ou b le, lorsqu'il n y a pas de
contrat préexistant, parce qu’alors la ratification est
moins une ratification qu’une vente.
En avouant ces principes, enseignés d’ailleurs par
tous les auteurs, il s’est jugé lui-même.
Qu’entendons-nous, en disant, lorsqu'il n'y a pas de
contrat préexistant ? Toute ratification suppose néces
sairement un contrat antécédent.
Nous entendons un contrat qui ait pu produire quelque
engagement.
,
Nous entendons un contrat fait par celui même qui
ratifie , ou au moins au nom de celui qui ratifie.
Si le contrat est absolument n u l, s’il n’a pu produire
aucun engagem ent, s’il est nul dans le principe, et ab
initio , pour se servir de l’expression des auteurs, l’acte
par lequel on ratifie n’est point une ratification ; c’est
un nouveau contrat : il n’y a point deux contrats, il
•n’y en a qu’un. Tune e s t , pour se servir des expres
sions énergiques de Dumoulin , nova et principalis
dispositio.
Si l’acte est étranger, à celui qui ratifie, s’il n’a été
fait ni par l u i , ni en son n o m , c’est encore impro
prement une ratification.
, 11 faut éclaircir ceci par des exemples, r
Un mineur devenu majeur ratifie l’acte qu’il a sous
crit en minorité. Il y a un contrat préexistant. A vant
G '2
�(5 0
la ratification , le mineur étoit déjà lié. On sait que
l’engagement du mineur subsiste tant qu’il ne sc fait pas
restituer. L ’acte n’est pas n u l, il est seulement sujet à
être rescindé ; venit annullandus. Il n’est pas nul de nul
lité absolue, il n’est nul que d’une nullité relative. Il
n’est pas même besoin d’une ratification expresse, la
ratification tacite par le laps de dix an s, sans réclama
tion , suffit: et la ratification , soit expresse, soit tacite,
remonte pour l’hypothèque, et a un effet rétroactif au
premier contrat.
Une femme en puissance de mari contracte une obli
gation sans le consentement de son m a ri, ou vend
■sans son autorisation, ou , si l’on veut, avec son autori
sation, une partie de ses biens dotaux. L ’obligation et la
Tente sont absolument nulles , elles n’ont produit aucun
engagement. Si la femme, après la dissolution du mariage,
ratifie, c’est un contrat entièrement indépendant. C ’est
un nouveau contrat dont l’effet ne remonte point au
premier contrat.
Exemple du second cas. Un m ineur, parvenu à la
majorité , ratifie un contrat qu’il a souscrit en mino
rité. Il ratifie un acte de son fait. Un commettant ratifie
ce qui a été fait par son mandataire , quoique hors des
bornes de son contrat. Un particulier dont on a fait l’affaire
à son insu , se portant fort pour lui , ratifie ce qui a été
-fait pour lui. L ’un et l’autre ratifient un acte fait en
leur nom. Dans tous ces cas, même dans les deux der
n iers, il y a un contrat préexistant. Le commettant,
le particulier dont on a fait l’affaire à son insu , en rati
fian t, sont censés avoir contracté.eux-mêmes les enga-
�( 53 )
gcmens qui ont été contractés en leur nom. C’est le cas
de la maxime , R atihabitio mandato comparalur. La
ratification a alors un effet rétroactif, parcequ’elle n’est que
l’accessoire et le complément des actes qui ont été ratifiés.
Mais un tiers vend la propriété d’un particulier. 11
la vend non au nom de ce particulier, mais en son propre et
privé nom ; le particulier ratifie ensuite : la ratification
n ’aura effet que du jour même , et non du jour de la
vente faite par ce tiers. Il n’y a point dans cette espèce
de contrat préexistant. O n ne peut pas appliquer la
maxime , R atihabitio mandata comparatur. On ne
peut pas feindre un m andat, là où le mandataire a
contracté, non au nom de celui q u i ratifie , comme dans
l’espèce précédente , mais en son nom propre et privé ;
non pour l’affaire de celui qui ratifie, mais pour sa
propre affaire : le contrat résiste dans ce cas à la fiction.
Ce que l’on vient de dire est la doctrine de tous les
auteurs.
C ’est principalement à l’occasion du retrait féodal et
d u retrait lignager, qu’ils ont traité la question de savoir
de quel jour la ratification devoit avoir effet pour faire
courir l’an du retrait; et ils la décident par les distinctions
q u ’on vient d’exposer.
Qu’on lise tous ceux qui ont écrit sur cette matière,
ils sont unanimes.
Pour ne pas s’étendre, on se bornera à citer Pothier,
traité des Retraits.
« Lorsqu’un m in eu r, dît - il , part. i erc. ch ap. 4 ,
« n. 124 , a vendu son héritage propre, et que devenu
* majeur il ratifie, c’est du jour du contrat do vente
« que le retrait lignagel* est 'ouvert ; ,caiv>la nullité de
�( 54)
l'aliénation des mineurs n’est pas une nullité absolue,
mais relative , et en faveur du mineur seulement.
L ’acte n’est nul que dans le cas auquel le m ineur, ou
ceux qui succèdent à ses droits , jugeroient à propos
de s’en plaindre. L ’acte par lequel il ratifie en majori té , est un acte par lequel il renonce à s’en plaindre; mais ce n’est pas par cet acte, c’est par la vente
qu’il a faite de son héritage, qu’il l’a mis hors de
sa famille , et c’est cette vente qui donne ouverture
au retrait, et non sa ratification.
et 11 semble , ajou te-t-il, nombre 12 , qu’il en doit
« être autrement d’une vente qu’une femme sous puis« sance de mari auroit faite sans être autorisée , et
« qu’elle auroit ratifiée en viduité. L ’acte qu’elle a fait
« en la puissance du mari est absolument nul. La rati« fication qu’elle a faite en viduité n’est pas proprement
« une ratification , ce q u i est nul ne pouvant être con« Jîrmé. C’est un vrai contrat de vente qu’elle a fait de
« nouveau, par lequel elle a mis son héritage propre
« hors de sa famille. La vente qu’elle en avoit faite
« sous la puissance du m a ri, ne l’en a pas fait sortir
« puisque cette vente étant un acte absolument n u l, ne
« pouvoit avoir aucun effet. 3)
V oilà pour la première distinction entre le cas où l’acte
est nul par lui-meme , et le cas où il est simplement
sujet à être rescindé ; ce que les auteurs expriment par
nullité absolue , et par nullité relative.
V oici pour la seconde distinction entre le cas où celui
qui ratifie , confirme un acte fait par lui , ou par un
tiers pour lui et eu son nom , et le cas où au contraire il
ratifié un acte qui lui est totalement étranger.
o
«
«
«
«
«
«
«
«
«
�( 55 )
« Lorsque la ven te, dit le même auteur au même
« endroit, nombre 1 23, a été faite par un autre que
« par le propriétaire, quoique la tradition soit inter« venue ; ce n’est que du jour du consentement donné
« a la vente par ce propriétaire , qu’il y a ouverture
« au retrait ; car ce n’est que par ce consentement qu’il est
« censé vendre. »
C’est l’espèce dans laquelle se rencontre le sieur Daudin.
La vente a été consentie par la m ère, non comme
tu trice, non en qualité d’exécutrice testamentaire, non
pour les affaires du mineur , puisque l’acte ne constate
aucun emploi ; mais en son nom propre et privé , comme
de chose à elle appartenante. La ratification que le sieur
Daudin en a faite, n’est point une ratification : il n’y a
point de contrat préexistant, e t , de l’aveu même du
sieur Capelle, elle devoit alors être conçue en forme
de vente et être faite double.
Pour prouver qu’il n’y avoit pas de contrat préexis
tant, que la vente faite par la m ère, non en sa qualité,
de tutrice, mais en son nom propre et privé , étoit
entièrement étrangère au m ineur, on ne fera qu'une
question au sieur Cnpelle. La ratification tacite par le
laps.de dix ans, sans réclamation, auroit-elle dépouillé
le sieur D audin? N o n , sans doute..
Il y a p lu s, il n’y a de contrat préexistant, ni de la
part du fils, ni même de la part de la mère.
Il n’y en a pas de la part du f i l s , p u is q u ’ il n’existe
aucun acte de sa p a r t , et que le sieur Capelle n’a pas
môme voulu qu’il entrât dans la vente, pour qu’on ne
pût lui dire qu’il avoit eu connoissance du vice de l’acte.
�( 56 )
Et il n’y en a pas non plus de la part de la mère.
Ceci, sieur Capelle, va vous surprendre ; mais écoutez :
Vous sa v e z qu’il faut trois choses pour constituer la
vente ; la chose, le prix et le consentement : res , pre
tium et consensus. Il faut que le consentement porte
sur la chose et sur le p r ix , sans quoi il n’y a point de
vente. C’est la disposition de plusieurs lois.
Si je compte vendre une chose, et que vous comp
tiez en acheter une autre ; il n’y a point de vente.
Si je compte vendre pour un p rix , et vous acheter
pour un autre moindre; il n y a pas de vente.
Pour quel prix la mère a-t-elle entendu vendre? Pour
la somme de 21600 f r . , puisque c’est le prix porté au
contrat. Pour quel prix Capelle a-t-il entendu acheter?
Pour la somme de ig S o o fr. ; et il n’a effectivement payé
que ce prix. La lettre fatale du 10 août 1783 le prouve.
S istrières, dit Daudin dans.cette lettre, croit encore que
vous n a v e z f a i t de billets que pour 14000 f r . Q uoi
qu'il en s o i t , je ne vous n uirai jamais. V ou s rtCavez
payé ce que vous in a vez promis,
Si la dame Daudin a entendu vendre pour 21600 f r . ,
s’il est constant que Capelle n’a payé et n’a voulu payer
que 13800 f r . , il n’y a donc pas eu de vente. La vente
pèche par une de ses qualités constitutives, par le con
sentement.
Il n’y a donc pas de contrat préexistant, même d elà
part de la mère. C ’est donc mal. à propos qu’on veut
qualifier l’acte du 21 mars 1788 de ratification. On ne
peut confirmer ce qui est n u l, et non-seulement ce qui
edt n u l,• mais ce qui u’existe pas, puisque, par défaut de
consentement,
�C 57 )
consentement, il n’y a pas de vente, même de la part de
la mère.
Ce seroit donc une vente, et non une ratification que
le sieur Daudin auroit souscrite , et elle devoit être faite
double.
L e sieur Capelle veut faire regarder la vente consen
tie par la mère comme un contrat préexistant. Ce contrat
'porte i i 600 f r . , et il n’a payé que 13800 fr. ; il devroit
donc t)ifrir les 7800 fr. restans, puisqu’il demande l’exé
cution de ce contrat. M ais, n o n , il veut retenir, et cet
excédent de prix et le domaine.
L a ratification est nulle en second lieu comme ne con
tenant pas de prix.
L e p rix, dira l’adversaire , n’est-il pas dans le contrat?
O u i, s’il étoit sincère ; mais on a v u , et il est prouvé
qu’il étoit simulé.
M aintenant, quelle est la convention que le sieur
Daudin a ratifiée ? Il a consenti, si l’on v e u t, que le
sieur Capelle demeurât propriétaire; mais est-ce moyen
nant le prix réel qu’il a donné, ou moyennant le prix
simulé? E st-ce moyennant la somme de 13800fr ., ou
moyennant celle de 21600 fr. ? C’est ce que la ratification
11e dit pas , et ce qu’elle devoit dire. Il y avoit d’autant
moins d’inconvénient, que la ratification ne devoit pas
paroître aux yeux de la m ère, qu’elle devoit demeurer
entre les mains de Capelle.
- Enfin la ratification est n u lle, comme étant vague et
générale. Il faut encore développer les principes à cet
II
�, ( 58 3
égard. Ils sont consacrés dans la loi m êm e, dans la loi
nu Gode, S i m ajorjfactus alienationem Jactam ratam
h a b u erit, livre 5 , titre 74 : voici les termes de cette
loi.
S i sine decreto prœsidis prœdia tua à tutore tuo
alienata s w i t , nec speciali conjirmatione, vel ( si bonâ
Jîde p ossessorfuisset) statuti temporis excursu id quod
perperàm est actum , fu era t stabilitum , prœses provinciœ possessionem in ju s tuum retrahet.
La ratification doit donc être spéciale. Une ratifica
tion en termes vagues et généraux, qui ne désigne pas
même l’acte qu’on ratifie, ne suffit pas.
L a ratification doit être expresse et faite nom matïm ,
dit Pérésius, sur le titre 46 , au Code, livre 2 : S i major
jfactus ratum habuerit. Car si l’on confirme un acta
ou des actes en gén éral, sans exprim er, ni leur objet,
ni leurs clauses principales, ni le temps où ils ont été
passés, la convention est radicalement nulle par la seule
indétermination des choses qui en font la matière , et
par l’impossibilité d’assigner, d’une manière fixe et cer
taine , l’objet sur lequel a porté le consentement des par
ties contractantes.
L ’adversaire ne peut se dissimuler les termes de la loi ;
il cherche à les interpréter. Suivant l u i , si la loi exige
que la ratification soit spéciale, c’est en ce sens, qu’il faut
qu’il paroisse que celui qui a ratifié a eu connoissance
de l’acte ; mais en induire qu’il faut spécifier la nature,
les clauses, la date, le nom du notaire qui l’a reçu, c’est
une puérilité qui n’a été ni pu être dans l’esprit du
législateur,
�( % )
O r , ajoute-t-il, le sieur Daudin peut-il dire qu’i l n ’a
pas eu connoissance de l’acte, tandis que d’un autre côté
il soutient que c’est lui qui a traité, que c’est lui qui
a reçu le p rix?
D ’abord , on pourroit répondre, en admettant la res
triction que l’adversaire veut donner aux termes de la '
loi , qu’il ne suffirait pas qu’il fût constant d’ailleürs
que celui qui ratifie a eu connoissance de l’acte ; qu’il
faut que l’acte en renferme lui-même la preuve, probationem probatam ; qu’un acte doit contenir par lui-même
tout ce qui sert à en constituer la valid ité, toutes les
formes essentielles.
Mais l’adversaire interprète encore mal la loi. Lors
que la loi exige que la ratification soit spéciale , ce n’est
pas seulement afin qu’il soit établi que celui qui ratifie
a eu connoissance de l’acte ; il faut non-seulement qu’il
soit établi qu’il a eu cette connoissance, mais encore qu’il
a eu intention de réparer le vice de l’acte. C’«st prin
cipalement celte intention , et la manifestation de cette
intention , que la loi requiert.
Les interprètes ne l’ont jamais entendu différemment.
On a déjà cité Pérésius ; on pourroit citer Dum oulin,
l’Epine de G rainville; mais une autorité plus remarqua
ble, est ce qu’on lit dans le Projet du Code civil, art.
229 du livre 2, qui n’est que la transcription de ce que
Dumoulin avoit enseigné. « L ’acte confii’matif, dit cet
« article, suppose un contrat antérieur, et un contrat
« valable. Si l’acte confirmé est radicalement nul, il n’est
« point validé par la simple confirmation, à moins qu’elle
« n’éaonce la connoissance de la nullité du prem ier, avec''
II 2
�('6°)
« rintention de la réparer, qu’il n’en rapporte la sub
it stance, et ne contienne la déclaration de la volonté de
« lui donner l’exécution. »
L e sieur Daudin ne désavoue pas avoir eu connoissance de la vente ; mais il faut que l’acte porte la ma
nifestation de l’intention de lui donner l’exécution.
E t comment supposer cette intention, si le vice n’est
pas énoncé, si l’acte n’est pas même rappelé? C’est pour
que cette intention ne pût être équivoque , que la loi
a voulu que la x'atification fût spéciale.
On ne peut pas môme dire quel est l’acte que le sieur
Daudin a voulu ratifier. La ratification, pour s’étendre
à to u t, né s’applique à rien ; pour trop signifier, elle
est insignifiante.
On a vu comment elle est conçue : Je soussigné , est« il d it, approuve et ratifie les actes que ma mère a
« consentis en faveur de M . Capelle, conseiller, du do« maine de Yernet et tout ce qui en dépend, et pro« mets de l’en faire jouir en vrai propriétaire. »
Quels sont ces actes qu’il approuve et ratifie? Sont-ce
des contrats de vente , des baux emphytéotiques , des
échanges, des donations même ?
O n a cru écarter cette objection en disant que le sieur
Daudin Fa suffisamment expliqué en ajoutant, promets
Ten fa ire jo u ir en vrai propriétaire. Mais c’est rentrer
dans la difficulté ; car tous les actes qu’on vient d’énon
cer sont translatifs de propriété.
11 n’est pas dit Tacte, il est dit les actes ; ce qui em
brasse, par la généralité de l’expression, les actes au
thentiques, les actes sous signature p riv ée, les contre-
�( <5i ).
lettres, les quittances, les décharges et toutes les con
ventions quelconques qui pourroient être intervenues
entre la dame Daudin et le sieur Capelle.
Il est dit,.Zw actes, et cependant il n’en paroît qu’un.
L e sieur Daudin convient bien avoir eu connoissance
de la vente •, mais il ne convient pas avoir eu connois
sance d’autres actes, et on ne prouvera pas qu’il en a eu
connoissance. La ratification s’étend à tous ; elle est donc
n u lle, de l’aveu même du sieur Capelle, et d’après l’in
terprétation qu’il donne lui-même aux termes de la l o i ,
relativement à ces actes dont il n’a pas eu connoissance.
Si elle est nulle pour les un s, elle est nulle pour l’autre.
Il n’y a pas deux ratifications, il n’y en a qu’une: on ne
peut pas la diviser : on ne peut pas la déchii'er en partie.
Mais toute ratification doit au moins être postérieure
à l’acte qui est ratifié. O r, qui ne voit qu’elle a précédé,
qu'elle a été remise à l’avance ?
Capelle, ainsi que nous l’avons d it, étoit incertain s’il
prendroit un bail à locaterie perpétuelle pour éviter le
droit de lo d s, ou s’il prendroit une vente. Dans cette in
certitude, il se fit remettre une ratification en termes gé
néraux et à toutes fins.
T e l est l’acte qu’il oppose. T e l est l ’a cte qu’il produit
avec confiance, dont il fait le principal moyen de sa
défense.
*
Il argumente des lettres ù lui écrites par Daudin. Dans
l’uue, ce sont des renscignemens sur la forme-: dans
�^ (62)
l’autre, celle du 10 août 1783, Daudin dit qu’il ne lui
nuira jamais auprès de Sistrières: dans une autre, il parle
d’une rente réclamée par le seigneur de Valadi ; il ter
mine par lui faire des complixnens -, car l’adversaire a été
jusqu’à relever cette circonstance.
Que signifient ces lettres, écrites toutes en m inorité,
puisque Daudin n’a été majeur que le 2 septembre 1787?
Ces lettres seraient tout au plus une suite de la vente.
Mais qui sait mieux que le sieur Capelle que ce qui n’est
que la suite, l’exécution d’un acte, n’en est pas la ra
tification ?
Il fa u d r o it un engagement form el, une intention bien
manifeste de ratifier; et quand les lettres contiendroientcet
engagement, il resteroit à opposer ce qu’on a opposé
contre la ratification du i ei\. mars 1788, que l’acte devoit être fait double.
Q U A T R I È M E
O B J E C T I O N .
Prescription de 10 a n s , avec titre.
On sait qu’en pays de' droit écrit on prescrit nonseulemcnt l’hypothèque, mais encore, si l’on veu t, la
propriété , avec titre et bonne foi, par dix ans entre pré
sens , et vingt ans entre absens. L e sieur Capelle a cru
pouvoir invoquer cette espèce de prescription, admise
en pays de droit écrit, et rejetée par plusieurs Coutumes,
notamment par celle d’Auvergne. Il a soutenu que si la
vente consentie par la m ère, en son propre et privé nom,
ne lui avoit pas transféré la propriété, elle étoit au moins
�( 63 )
un titre apparent, suffisant pour prescrire; qu’au titre
il joignoit la possession pendant le temps requis par la
loi ; qu’ainsi, dans tous les cas, la réclamation du sieur
Daudin seroit tardive.
On prescrit par dix ans, avec titre; il faut ajouter,
et avec bonne f o i . Il ne suffit pas d’un titre apparent,
il faut encore la bonne foi. Qu’entend-on par bonne
foi? L ’opinion d’avoir acheté du véritable propriétaire,
opinio quœ siti dominii.
L e sieur Capelle avoit-il cette opinion? A - t - il cru
avoir acheté du véritable propi*iétaire ? Il a pris soin
encore de fournir des armes contre lui. Qu’on lise sa
requête du 6 floréal an 9 , il y fait lui-même l’aveu du
contraire. On n’en rappellera que ces expressions qu’on
a déjà citées : « Rassuré , est-il d it, p arle pouvoir que le
« testament, dont il avoit connoissance , avoit donné à
« la veuve D audin, par l’emploi utile du p rix , il se
« croyoit propriétaire irrévocable. »
A v o it-il la bonne foi lorsqu’il a pris la ratification ?
Est-ce pour prouver qu’il avoit acquis de bonne foi ,
qu’il a produit la lettre du 10 août 178 3 ?
A u titre et à la bonne foi il faut joindre la posses
sion de dix ans utiles ; e t , d’après le calcul même de
l ’ adversaire, il ne s’est point écoulé ce temps.
Il convient qu’il ne faut compter que pour moitié le
temps de l’absence de Daudin ; et par absens on sait qu’il
faut entendre, en cette m atière, n o n -seulement ceux
qui sont véritablement absens, qui sont hors du terri
toire français , mais même ceux qui sont domiciliés dans
des ressorts différens ; non-seulement ceux qui étoient
�...
(64)
alors domiciliés dans des parlemens , mais même dans
des bailliages diiFérens. Il ne faut donc compter que pour
moitié le temps qui s^est écoulé depuis le 2 septembre
1787 , date de la majorité de Daudin , jusqu’au 11 dé
cembre 1790., date de la suppression du bailliage de
V ie , lieu du domicile de Daudin , et de l’installation
du tribunal de district d’Aurillac , au ressort duquel il
a été réuni ; ce qui présente 1 an 7 mois et 24 jours
seulement de temps utile; à quoi ajoutant 8 ans îô
mois et 24 jours écoulés depuis , jusqu’au 4 vendémiaire
an 8 , date de la réclamation de Daudin , correspondant
au 26 septembre 1799 , il s’est écoulé 10 ans 6 mois et
18 jours : mais on connoît la disposition de la loi du i5
germinal an 3 , qui a relevé de la prescription et de
tout autre délai emportant j i n de non-recevoir tous les
détenus à l’occasion de la révolution , pendant le temps
de leur détention, et même j u s q u à la publication du
décret. Le sieur Daudin.a été reclus le 24 messidor an 2.
L ’arrêté du comité de sûreté générale qui l’a rendu h
la liberté , est du 17 pluviôse an 3. Si on déduit ce
temps de sa réclusion on. verra qu’il ne s’est pas écoulé les
dix ans utiles. Ainsi disparoît cette quatrième objection.
Tels sont les moyens que le sieur Capelle a fait valoir
pour, se maintenir dans son injuste possession. On croit
les a v o i r suffisamment combattus. O n croit avoir démontré
le bien jugé, du jugem ent, en ce qu’il l’a condamné à
se désister d’un domaine aussi illégalement acquis.
L ’ a p p e l qu’il a interjeté ne porte pas seulement sur
cette disposition.
il est appelant , en second lieu , en ce que le sieur
Daudin
�( 65)
Daudin n’a pas été condam né, comme stellionataire, ^
le faire jouir , sinon à lui rembourser l’entier prix porté
au contrat de vente , frais et loyaux coûts, et dommogesintérôts ; qu’il n’a été condamné qu’à lui payer la somme
de 1 3800 f r . , pour le prix de la vente. Cette seconde
disposition n’est qu’une suite de la précédente. Le bienjugé de l’une entraîne nécessairement le bien-jugé de
l’autre. Il est inutile de s’arrêter davantage sur ce se
cond clief.
O n ne dira qu’un mot sur la qualification de stellio
nataire. Qu’est-ce que le stellionat ? c’est le délit de celui
qui vend la même chose à deux , qui , après avoir vendu
à un , vend à un autre. Pour qu’il y eût stellionat ,
il faudroit qu’il y eût une première vente consentie à
Capelle par Daudin ; il faudroit que Capelle eût acheté
valablement , ou de la m ère, ou du fils. E s t - il dans
cette position ? On a vu comment il a surpris le consen
tement de l’une , comment il a abusé du délire de l’autre.
Est - ce le sieur Capelle qui inculpe Daudin de fraude ?
Q u is tulerit Gracchos de seditione querentes!
Il est appelant , en troisième lieu , en ce que sur la
demande en garantie solidaire il a été ordonné une plus
ample contestation.
Ici le sieur Daudin est loin de s’opposer à l’infirmation
de celte partie du jugement. Il est lui-inême appelant en
cc chef. Il a le même intérêt que le sieur Capelle, celui
d’éviter, et les frais, et les longueurs d’un nouveau procès.
lie tribunal n’hésitera sans doute point a accueillir leur
appel, à les sortir d’affaire par un seul et même jugement.
�(66)
La loi qui veut que dans toute cause il y ait deux
degrés de juridiction , ne s’y oppose point. On connoît
le jugement du tribunal de cassation, d u ...........................
qui a jugé que lorsque le tribunal de première instance
a jjrononcé sur certains chefs et ordonné une plus
ample contestation à l’égard des autres , le tribunal
supérieur , saisi par appel de la connoissance de ceux
sur lesquels il a été fait droit définitivement, peut statuer
sur le tout ; que ce n’est point là 1 évocation défendue
par les nouvelles lois ; et cela, pour que les parties ne
soient pas exposées à subir autant d’appels qu’il y a de
chefs de demande.
Ceci n é cessite d’entrer dans le mérite de la demande
même. Il sera facile d’établir qu’elle ne peut épouvanter
le sieur Daudin.
Garantie solidaire.
L ’adversaire commence par faire rémunération des
actes préparés, médités, concertés entre le fils et la mère
et Desprats, pour lui enlever tout à la fo is, et sa pro
priété et le gage dé sa garantie.
7 octobre 1790 , et 28 novembre 1792 , actes par
lesquels la dame Daudin se reconnoît débitrice envers
son fils de 47660 f r . , inscrits le 3 messidor an 7.
7,8,9
11 nivôse an 6 , ventes par la dame
D audin, à différens particuliers , pour plus de 40000 fr .,
toutes tra n sc rite s le 4 vendémiaire an 8.
6
c o m p lé m e n ta ir e an 7 , inscription par Louise et
Elizabetli Sobrier , sœurs do la dame D audin, pour
�( 67 )
1200 fr. , en vertu d’un testament du 30 septembre 1778.
D u même jour , inscription de 3000 fr. dûs à AnneRose A b eil, belle-sœur de Daudin, sur la dame sa m ère,
en vertu d’un acte du 2 complémentaire an 7.
7
brumaire an 8 , inscription de i 5ooo fr. par Gabriel
Cliaunac, beau-frère de D au d in , sur la dame Daudin ,
sa belle-mère, en vertu de deux testamens du i 5 février
1766, et 3 avril 1773.
2 vendémiaire an 8 , vente par Daudin audit Gabriel
Cliaunac, de ses créances mobilières, moyennant 10000 fr.
i 5 vendémiaire an 8 , transcription de la vente passée
entre Daudin etDesprats , sous la date du 2 vendémiaire,
même jour de la vente consentie à Chaunac.
Ne voit-on p a s, s’écrie le sieur Capelle , le concert
de fraude ? Ne voit - on pas que l’on a cherché par
tous ces actes à mettre à couvert la fortune de la mère ;
qu’on a voulu la constituer en faillite frauduleuse ?
O r , a jo u t e - t - il, ceux qui coopèrent à la fraude ,
ceux qui sont complices d’une faillite frauduleuse , sont
personnellement responsables , et responsables par corps.
Ce n’est pas dans l’espoir du succès, c’est dans l’intention
de jeter de la défaveur sur le sieur D audin , qu’on a élevéune prétention aussi chimérique.
Il n’y a point de com plicité, là où il u’y a point de
fraude. Il n’y a point de fraude : on n’a pas cherché y
comme il s’en plaint, à lui enlever le gage de la garantie,
s’il n’y a point de garantie, s’il n’a aucune action en ga
rantie à exercer, 011 ne dit pas contre le fils , mais meme
contre la mère.
Il 11’y a point de garantie , là où il n’existe point d’engaI 2
�C68)
gement : or il n’en existe point. On a prouvé plus haut
que le contrat de vente ne peut produire aucun enga
gement , même de la part de la mère. E t , en effe t,
moyennant quel prix a-t-elle entendu vendre ? Elle a
entendu vendre moyennant la somme de 21600 francs.
Capelle n’a entendu acheter et n’a acheté que 13800 fr.
Les parties ont donc été divisées sur le prix. Il n’y a
donc point eu de consentement. S’il n’y a point eu de
consentement, il n’y a point de vente. Il ne s’agit pas
ici de restitution , il ne s’ a g it pas de nullité : c’est plus.
I/acte n’est pas seulement n u l, il n’a pas existé; il n’y a
point de vente. L e prix est de l’essence de la vente : il
n’y a point de ven te, si les parties ne sont pas d’accord
du prix.
. Secondement, il n’y a pas lieu ù garantie, c’est-à-dire ,
à dommnges-intérêts , lorsque l’acquéreur a connu le
vice de la vente *, l’acquéreur ne peut en ce cas prétendre
que la restitution du prix. La loi dernière, C. Em ptor
conimunia de h g a tis, en a une disposition précise.
E m ptor sciens rei graçam en, adçersus venditorem
actianern habeat tantùni ad restitutionem p r e tii, nec
ex duplœ stipulatione locum haheat, cùm sufficiat ei
yro preiio quod sciens dédit pro re aliéna satisjieri.
. 'O n sait que ceux qui sont d’une opinion contraire,
qui pensent que la pleine garantie est due lorsqu’elle a
été stipulée , soit que l’acquéreur ait connu ou non le
yice de la ven te, prétendent que cette loi Ernptor est
-uue loi particulière pour les choses comprises au legs
et lidéicominis, par la grande faveur que les legs et les
üdéicommis, et généralement les dispositions des mou-
�( 6 9 }
rans, avoient chez les.Romains. M ais, en admettant cette
interprétation., le sieur Capelle se rencontreroit précisé
ment dans l’espèce de cette loi. Le fils avoit été institué
h éritier, la mère avoit été nommée exécutrice testamen
taire. Elle devoit en conséquence veiller davantage à la
conservation de l’h éréd ité, à la conservation des biens
compris dans l’institution , au lieu de les aliéner*. D ’un
autre côté, l’adversaire n’a point dissimulé avoir connu
le testament ; il auroit donc sciemment concouru avec ln
mère à l’inexécution de la volonté du testateur -, il seroit
donc dans le cas de la loi j e t, aux-termes de cette l o i ,
quelque cia use, qu’il ait stipulée, nec ex duplüü stipulatio n e , il ne peut exiger que la restitution du pri*.
Il
ne peut donc prétendre qu’on a cherché à frauder
la garantie quant aux dommages-intérêts, et il ne peut
dire que les actes dont il a fait l’énumération ont été
consentis en fraude de la garantie , quant au p r i x , puis
que le sieur Daudin a toujours offert, et par conclusions
précises, de lui faire raison de la somme de 13800 f r . ,
prix réel de la vente.
; Ces offres prouvent sa franchise et sa loyauté.
lie sieur Capelle, qui a exercé pendant plusieurs années
les fonctions honorables de la magistrature, n’ignore pas
que le mineur n’est tenu de rendre les deniers qu’il a
perçus, qu’autant qu’il en a profité par un emploi utile
et avoué par les lois : Qttatenùs in rem vers uni.
Daudin pouvoit donc se dispenser-de faire ces offreè;
il les a faites : il n’a donc point colludé pour faire perdre
le sieur Capelle ï
Et le sieur Capelle, qui l’accuse de fraude , réclame ce
�/
(
)
qu’il n’a même pas payé. Il réclame la somme de 21600 fr.
indépendamment de ses dommages-intérèts, tandis qu’il
est prouvé qu’il n’a payé que 13800 fr.
Et quels sont les actes sur lesquels il fonde la preuve
de collusion et de fraude ?
L a vente consentie à Desprats ! Mais cette vente doit
lui être indifférente ; il doit lui être indifférent d’être
condamné à se désister d’un domaine envers l’un ou
envers l’autre.
Les deux actes par lesquels la mère s’est reconnue
débitrice envers lui d’environ 48000 fr. ! Mais le sieur
Daudin lui a d it, dans son interrogatoire, que ces actes
avoient.eu pour motif des arrangemens de fam ille; que
loi’squ’ils avoient été souscrits , ils ne l’avoient point été
en vue de les lui opposer,
Les inscriptions faites par les créanciers, parens, si
l’on veu t, ou alliés de Daudin ! Mais elles ont été faites
en vertu de titres anciens qui ne sont du fait, ni de la
dame D audin, ni de son fils.
L a vente faite par Daudin à Clxaunac de ses créances
mobilières ! Mais Daudin n’a-t-il pas pu disposer de sa
chose propre? Est^il, a-t-il jamais été le débiteur du
sieur Capelle ? Quel titre le sieur Capelle a-t-il pour
être le scrutateur des spéculations qu’il a pu faire ?
Enfin on va plus loin. Auroit-il colludé ; il auroit
colludé , non pour commettre une fraude , mais pour
s’en rédimer, Seroit-il repréhensible?
Que voit-on dans cette cause ? D ’une p a r t, tin jeune
homme sans expérience, livré ù la fougue de l’â g e , et
�(
71
)
emporté par une passion ardente ; de l’autre, un ju g e ,
un ancien magistrat , faisant céder ses devoirs à son
ambition.
C’est entre eux que la cour a à prononcer. Est-ce le
sieur Daudin qui doit redouter le jugement?
P A G È S - M E I M A C j jurisconsulte.
M A L L E T , avoué.
A R I O M , de l'im prim erie de L a n d r i o t ,
la C o u r d ’appel. — A n 12.
seul im prim eur de
�
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Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Daudin, Eléazard-Rostang-Etienne. An 12?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Pagès-Meymac
Mallet
Subject
The topic of the resource
ventes
abus de confiance
abus de faiblesse
Description
An account of the resource
Mémoire pour Eléazard-Rostang-Etienne Daudin, propriétaire ; contre François Capelle, ci-devant conseiller au bailliage et siège présidial d'Aurillac ; en présence d'Antoine Desprats, et de dame Marguerite Sobrier, veuve de Jean Daudin.
Annotations manuscrites.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa An 12
1773-Circa An 12
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
71 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0532
Source
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
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Aurillac (15014)
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Rights
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M EM OIRE
P OUR
Sieurs Jean-François D E L S O L aîné, habitant
de la ville d' Aurillac, et Gabriel-Barthélemy
D E L S O L - V O L P IL H A C
habitant de la
ville de Paris.
C O N T R E
Dame Jeanne - Marie D E L S O L ,
Vigier-D orcet.
veuve
En présence du sieur D E S P R A T S ., habitant
de la ville d’Aurillac.
L
A
dam e V i g i e r - D o r c e t ,
propriétaire sous une condition
résolutoire, d 'u ne fortune très-considérable, traduit aujourd’hui
ses freres devan t les T r ib u n a u x , et les oblige à p r o u v e r , a v a n t
l’événement de la condition; qu’ils ont un droit incontestable,
A
�si cette condition se purifie, aux Liens que le sieur Delsol,'
leur p è r e , lui a donné par le contrat de son mariage , avec
stipulation de retour, en cas qn'elle mourût sans enfans, ou_ses
eiifans sans descendans.
Cette dem ande prém aturée, dont les annales de la juris
prudence n’offrent aucun exemple , a sa source dans l’éloignement où l’on a toujours tenu la dame Dorcet de sa famille , et
dans l’impatience où sont les personnes qui l’entourent, de s’as
surer , par des voies indirectes , avant son décès , un patrimoine
que les liens du sang , l’ordre établi par les lois et le vœu de
la nature lui prescrivaient de conserver intact a ses proches.
Les premières règles-du d ro it, les maximes de la jurispru
dence , sur la stabilité de laquelle portent l’ordre public et la
tranquillité des citoyens, les décisions de tous les auteurs , ré
sistent avec tant de force et de clarté aux volontés de la dame
D o rce t, que tout esprit raisonnable n’hésitera pas à prononcer
en faveur des sieurs Delsol.
Cette manière d’envisager une cau se, cette précision qui en
écarte tout ce qui y est étranger, l’babitude de ne voir qu’avec
les yeu x de la l o i , de ne parler et de ne juger que comme
elle , sont ordinairement le partage des Magistrats et des Juris
consultes. Le Public, aussi juste sans doute, mais nécessairement
moins éclairé , a souvent des opinions qui l’entraînent, des
préjugés qui le subjuguent ; les égards qui lui sont dûs exigent,
dans des affaires d’une importance aussi majeure que celle qu’on
v a faire connaître , une discussion détaillée , sans laquelle la
vérité ne pourrait percer jusqu’à lui.
Les sieurs Delsol n’ont besoin, pour dissiper toutes les illusions,
que de rendre compte des dispositions du père com m un, et
d’observer que , dans tous les actes* l’intention où il était de
conserver à sa famille une fortune qu’il avait acquise en grande
p a rtie , se manifeste ouvertem ent, et perce même dans une
foule de circonstances dont il est inutile de rendre compte
pour le moment.
�m
■’
'FAIT.
•■
Des deux mariages du sieur Delsol étaient issus plusieurs
enfans.
/
La demoiselle Marie D elso l, aujourd’hui veuve D orcet, fut
l’unique fruit de son premier mariage avec la demoiselle Thomas.
■ Le 2 Juin 1760 , la demoiselle Delsol contracta mariage avec
le sieur V ig ie r-D o rce t, receveur des tailles de l’élection de
Mauriac.
L e sieur V ig ie r épousait la iille d’un homme qui avait acquis
ùne fortune immense ; aussi les libéralités qu’il lit en sa faveur
répondirent-elles à la réputation dont il jouissait.
Il lui donna d’abord, par donation entre-vif, en propriété
et jouissance, la terre du Claux et une somme de 10,000liv.
et par une seconde disposition, il s’engageait de 11e point ins
tituer d’autre lieritière qu’elle.
Mais il porta en même tems ses vues sur sa postérité ; il
prévit le cas où sa lille n’aurait pas d’enfans , et celui où ses
enfans mourraient sans descendans, et dans ces deux hypo
thèses , il apposa à ses libéralités une clause de retour qu’il est
essentiel de mettre sous les yeu x des M agistrats, avec l’ensemble
de la clause qui renferme toutes ses dispositions.
» Ledit S .r Delsol ayant le mariage pour a g réab le, et ayant for>» mé la demande en délaissement, aux requêtes du palais à Paris,'
» de la terre et seigneurie du Claux et autres biens situés en
« cette province d’A u v e rg n e , dépendans de la succession de
» défunt sieur de Fortisson , et par lui abandonnés à ses créan» cie rs, faute de paiement des sommes dues au sieur D elsol,
» comme subrogé au lieu et place du marquis de Montlezun et
» de la dame de Fortisson, son épouse ; et cette demande en
» délaissement venant à lui être a d ju g ée, donne, audit c a s ,
» par donation entre-vif pure et simple , à la demoiselle Delsol,
» sa fille , ci-présente et acceptante , et autorisée, en tant que
» de besoin, par ledit sieur de Y i g ie r , son futur ép o u x, par
A 2i
�( 4 )
» avancem ent d’iioirie , le domaine , terre et seigneurie du
» C la u x , paroisse de Naucelles , en quoi que ladite terre et
j> domaine du Claux puissent consister, aux mêmes charges et
» conditions que le délaissement lui en sera fait et adju gé,
» conformément à la demande qu’il a formée aux requêtes du
» p a la is, sous la réserve des autrçs biens dont la demande a
» été formée par la même requête ; et au cas où ladite demande
» en délaissement desdits Liens ne lui serait pas ad ju gée, ledit
» sieur Delsol, pour dédommager sadite fille dudit domaine et terre
» du C la u x , lui donne et délaisse toutes les créances qui lui
» sont dues sur lesdits biens . en capital et accessoires, avec
» pouvoir audit sieur futur époux d’en exiger le paiem ent, et
» d’en fournir toutes quittances et décharges valables, à la charge
» par lai de le reconnaître, comme il s’y o b lig e, sur tous et
» clia cu n s ses biens présens et à v e n ir , pour rendre et restituer
» le tout à qui de di’oit appartiendra, le cas de restitution arrivant.
» Ledit sieur Delsol a aussi donné, par même donation entre» v i f , à ladite demoiselle D elsol, sa fille, acceptante et auto» risée comme dessus , la somme de 10,000 liv . , qu’il a tout
» présentement comptée et délivrée audit sieur de V ig ier ,
» futur époux , lequel comme content, en a quitté et quitte
» ledit sieur D elsol, et a reconnu ladite somme sur tous ses
y biens et ceux de la dame de Moissier sa mère , présens et à
» v e n ir , pour la rendre et restituer, le cas de restitution arri» v a n t, à qui il appartiendra.
» Et à l’égard du surplus des autres biens qui se trouve* ront rester audit sieur Delsol lors de son décès , icelui a
» promis de n'instituer d'autre héritière que ladite demoiselle
» D elsol, sa f i l l e , sous la. réserve de l’usufruit de tous lesdits
1» biens institués , et de pouvoir vendre et engager lesdits
>» b ien s, ainsi qu’il trouvera à propos , tant à la vie qu’à la
» mort, et encore de pouvoir disposer d’une somme de 10,0001.,
» et n’en d isp o san t p a s , ladite réserve tournera au proiit d<? '
» sadite fille,
�( 5 )
» Et enfin, à la charge de payer à la demoiselle L a g a rd e ,
» sa belle-m ère , au cas où elle survive audit sieur B e ls o l, une
» pension annuelle et viagère de 600 l i v . , payable de six en
» six m ois, et d’avance ; et au cas ou ladite demoiselle D e lso l,
» future épouse, viendrait à décé.der sans enfa n s, ou ses enfans
» sans descendons, ou sans disposer valablement, ledit sieur
d Delsol se réserve expressément le droit de réversion et de retour,
» tant des biens donnés que réservés, sans qu’il puisse êtva
» dérogé, par sa dite fille , future épouse , audit droit dô
» réversion, par aucune disposition ni autres actes à ce contraires*
L e sieur D elso l, donateur, qui avait passé à de secondes
noces avec la demoiselle Dubois de Fontenilles , est décédé en
1780, laissant plusieurs enfans de ce mariage.
Peu de jours avant son décès , il avait fait un testament dans
lequel il instituait son fils aîné , et successivement ses autres
enfans , par ordre de primogéniture , ses héritiers universels ,
voulant expressément q u e, dans le cas où la dame Jeanne-Maria
D e lso l, épouse du sieur de V ig ier , viendrait à décéder sans enfa n s ou descendons , son héritier recueille et profite du droit de
réversion stipulé par le testateur dans le contrat de mariage da
sa fille avec le dit sieur de Vigier, etc.
Ce testam ent, qui fut déclaré nul pour vice de forme seu
lem ent , expliquerait suffisamment, s’il en était besoin , les
intentions du sieur Delsol; il y manifeste formellement la volonté
de transmettre à ses enfans , en vertu de la clause du retour
qu’il s’était réservé , la condition a rriv a n t, les biens qu’il avait
donnés à sa fille du premier lit. Cette réflexion , qu’on pou rrait
regarder peut-être comme indifférente , est c e p e n d a n t trèsim p o rta n te , ainsi que les sieurs Delsol le dém ontreront dans
le cours de leurs moyens.
Q uoiquil en soit, après le décès du père commun , la dame
D o rcet, en sa qualité de donataire un iverselle, s est mise en
possession d’une fortune qu’on peut évalu er, sans exagération,
�( 6 )
à, tin million , 'valeur de ce tems ; ( l ’actif mobilier'montait- à
plus de 709200 liv. )
.
• *.-c
. La majeure partie de cette fortune a été engloutie en peu
d’années. L a dame D o rcet, après avoir épuisé les créances
mobilières, a vendu tôus les immeubles qu’elle a trouvés à vendre*
et cependant elle n’ignorait pas que son père l’avait grevée d’un
droit de retour transmissible à ses héritiers : elle n’ignorait pas que
le donataire, possédant à charge d’un retour conventionnel, ne
pouvait disposer des biens donnés, au préjudice du droit de
retour; m ais, quoique devenue veu ve depuis 1785, quoiqu’elle
soit dans un âge très-avance , au lieu de jouir tranquillement
des débris d’un patrimoine im m ense, pour cette p ro v in ce,
elle a manifesté ouvertement la volonté de faire passer dans
des mains étrangères, des biens que les lois lui commandaient
de co n s e r v e r dans sa famille. E lle 'a vendu au sieur Desprats,
par acte du i 5 A v ril 1806, un pré appelé de Concourt, situé
dans les environs d A u rillac, moyennant le prix et sommé de
¡quarante et quelques mille francs.
L e sieur Desprats n’a pas été aussi confiant que les autres
¡acquéreurs de la dame Dorcet; il paraît, qu’ayant eu connaissance
du contrat de mariage du 2 Juin 1760, et de la clause particulière
du retour que le sieur Delsol père s’était réservé, il a refusé de
payer le prix de l’acquisition qu’il avait faite, à moins que la
dame Dorcet ne lui fournît caution, et il a , en effet, m otivé
son refus , sur ce que la dame Dorcet ne possédait le pré d<3
Cancourt, qu’en vertu des dispositions que le sieur Delsol avait
faites, dans son contrat de m ariage, avecjle sieur D orcet; que
d’après ces dispositions, elle n’avait pas une pleine et entière
p rop riété, mais seulement une propriété conditionnelle et réso
luble , la condition arrivant, parce que feu sieur Delsol s’était
réservé le droit de retour, dans le cas ou elle mourrait sans
enfans, ou scs enfans sans descendans, en lui interdisant toutes
dispositions ; que ce droit subsistait malgré son prédécès , en
faveur de ses autres enfans, d’où il suivait que le sieur Desprats
�était en danger cTéviction, et partant fondé à faire résoudre la
v e n te , ou à ne payer que sous caution.
T el fut le langage que tint le sieur Desprats à la dame D orcet,’
lorqu’elle voulut obtenir le paiement du prix d e là vente.
L a dame D o rcet, offensée d ’un refus aussi extraordinaire,
a voulu en rendre les sieurs Delsol , ses frères, responsables :
et comme ils sont appelés par les liens du sang à recueillir les
biens sujets au droit de retour, après son d écès, elle les a
traduits devant vous, en même tenis que le sieur Desprats; ce
d ern ier, pour voir ordonner l’exécution de l’acte de vente du
pré de C an court ;
Et les sieurs D elso l, pour voir dire que la clause de son
contrat de mariage avec le sieur Dorcet, en date du 2 Juin
1760, relative au droit de retour qui y est stipulé, est éteinte
par le prédécès du sieur Delsol p è r e , ou que ce droit a été
recueilli par elle , en sa qualité d’héritière instituée, et, dans
aucun cas, ne pouvait l'empêcher de disposer; que d’ailleurs ce
droit de retour était une substitution fidci-commissaire, abolie
par les lois des 25 Octobre et 14 Novembre 1792; qu’ain si,
sous tous les rapports, la clause était caduque et nulle.
Les sieurs Delsol, voulant rester étrangers aux démêlés survenus
entre Desprats et leur sœur, avaient d’abord formé la résolution
de ne pas discuter, du vivan t de la dame D orcet, un droit qui
n’est pas encore ouvert; aussi opposèrent-ils, contre leur mise
en cause, une exception aussi simple que péremptoire ; ils dirent
que la stipulation dont il s’agit, n’ était qu’une clause condition
nelle , dans le cas où leur sœur viendrait à décéder sans enfans,
et que, jusqu’à ce que cette condition fût accom plie, ils ne
pouvaient avoir qu’une simple espérance, mais non pas UT1
droit ouvert,* qu’ils ne pouvaient exercer aucune action, puis
que leur droit n’était pas ouvert ; qu’ils ne pouvaient non plus
renoncer a ce droit , puisque toutes les lois défendent de
renoncer, ou se départir des espérances acquises, lorsque les
droits ne.sont pas encore ouverts; qu’au surplus, la renonciation
�.
( 8 )
serait encore illusoire , puisque , dans le cas ou ils viendraient
à prédécéder leur sœur, cette espérance serait transmise à leurs
enlans , indépendamment de leur volonté et de tout acte qu’ils
pourraient consentir ; qu’en conséquence , ils ne pouvaient
<]¿fendre à l’action qu’on[intentait contr’eux, et qui était prématurée,
mais qu’ils se réservaient de poursuivre tous les elîèts de là
stipulation qui pourraient tourner en leur la veu r, lorsque les
conventions insérées dans ladite stipulation seraient accomplies )
et que leurs droits seraient ouverts.
Il était donc Lien évident qu’aucun Tribunal, où la cause eût
été discutée, ne pouvait forcer les sieurs Delsol à s’expliquer
sur les prétentions qu’on leur supposait, comme héritiers naturels de leur p è r e , à un droit non encore ouvert.
Mais ils n’opposaient cette exception que pour l'honneur des
r è g le s ,
pour ne pas plaider avec leur sœ ur, et pour son seul
in térêt, car ils ne peuvent être effrayés sur l’événement d’une
cause, jugée d’avance en leur faveur, par les lois les plus
Tonnelles, par les décisions les plus respectables. A u ssi, vont*ls proposer avec la plus aveugle confiance, les moyens qui
doivent faire proscrire une prétention qui choque ouvertement
les principes généraux sur la transmission de toutes les stipula
tions conditionnelles en gén éral, les lois et les opinions des
auteurs, la jurisprudence unanime sur la transmission du droit
de retour conventionnel, en particulier; qui dénature cette espèce
de stipulation , jusqu’à lui supposer des effets diamétralement
opposés à ceux qu’elle produit dans son exécution.
MOYENS.
Les sieurs Delsol vont donc établir, en suivant le plan que
paraît avoir adopté la dame D o rce t, i.° qu’en p rin cipe, la
stipulation du droit de retour, faite par le donateur, au cas où
le donataire décéderait sans enfans, ou ses enfans sans descen
d a is , est, de sa nature, transmissible aux héritiers du stipulant,
nonobstant
�( 9 )
>
nonobstant le décès du donateur avant le donataire; qu'ainsi/
dans l’espèce particulière de la cause , la dame Dorcet n’ayant
pas d’en fans, les sieurs D elsol, héritiers naturels du donateur,
ont été subrogés en son lieu et p la c e , et ont continué en leur
personne, la saisine dont il était revêtu ;
2.° Que les lois nouvelles abolitives des substitutions, n’ont
pas atteint le droit de retour t qui n’a aucune ressemblance avec
une substitution , soit dans sa nature , soit dans son caractère,
soit dans ses effets-
3 .° Que la qualité (l’héritière instituée de son p è r e , n’a pas
donné à la dame Dorcet le droit de recueillir , à ce titre , l’efièt
d’une stipulation faite contr’elle.
4 .0 Et enfin, qu’en aucun c a s, elle n’a pas le droit de dis
poser des objets soumis au droit de retour.
I.re
L a première proposition ne présente , les sieurs Delsol ne
craignent pas de le dire , aucune difficulté.
Il n’en est pas de la réversion conventionnelle comme de la
réversion légale ; dans celle-ci, c’est la loi qui vient au secours
d’un père qui a négligé de stipuler le retour de ce qu'il a donné ;
elle ne veut pas qu’il souffre à-la-fois une double p e rte , celle
de sa fille et celle du bien qu’il lui avait donné : Ne et Jilicc
annssœ et dotis damnum seniiret. Tout est personnel dans le
m otif de la loi ; elle n’a que le père seul en vue. A in s i, lorsque
1 ordre de la nature n’a point été troublé, que le père est mort
avant la fille, quand, par la suite, celle-ci mourrait sans enfans , la réversion légale ne s’étend pas aux héritiers du père.
Mais lorsqu’il s’agit d’une stipulation de réversion, on doit,
se decider par d autres règles. Il est de principe, que le droit
de retour stipulé par le donateur, même pour lui seul, se transïUCt
ses iieiit,içrs ; Içs héritiers n’ont pas besoin de la vocation
P roposition
�( 10 )
de l’homme pour profiter des droits dont leur auteur est décédé
saisi ; ils n’ont besoin que de celle de la loi qui les saisit de tous
les droits du défunt, qui les subroge à sa saisine , en la conti
nuant en leur personne.
Il leur suffit donc que celui auquel ils sont appelés à succéder
ait été vraim ent saisi du droit qu’ils réclam ent, et que ce droit
ait fait partie de ses biens.
O r, Jes contrats, même conditionnels, saisissent toujours à
l’instant m êm e, sans attendre l’événement de la condition; les
actions qui en résultent, quoique non encoi’e ouvertes , sont in
bonis du stipulant. Contractus et si concütionalis , tamen ex prœr
senti vires accipit, dit Vinnius. In contraclibus , id tempus spectatur quo contrahimus, dit la loi 18, dig. de verb. oblig.
De l à , cette règle générale qu’on trouve écrite dans tous les
livres élémentaires , et notamment dans les Instituts : que les
stipulations conditionnellès se transmettent aux héritiers, quoique
le stipulant soit décédé avant l’événement de la condition, quoi
que l’expression n’en soit pas dans l’a c te , par la raison qu’on
11’est jamais censé stipuler pour soi uniquement, mais aussi pour
ses successeurs. E x stipulatione conditionali tantum spes est debiturn ir i, camque ipsam spem in hœredem transmittimus, si priùs
cjuàni conditio extet , mors nobis contingat. L iv . 3 , tit 16 ,
p. 4. Cum qui sub aliquâ conditione stipulatus fu e rit, posteà,
existente conditione, hœres ejus agerepotest: même liv, tit. 20, § 24.
Qui paciscitur sibi hccredi que suo pacisci intelligitur, dit aussi
une règle de droit bien connue.
Et cette rè g le , qui est posée aussi par le Gode N ap o léo n ,’
s’ applique aux stipulations conditionnelles , comme à toutes le§
autres : les lois sont expresses. Envain voudrait-on apporter
quelque e x c e p tio n à cette règle ; elles décident qu’on doit n’en
admettre aucune , et par conséquent que les stipulations condi
tionnelles se transmettent, soit qu’011 ait fait mention des héri
tiers, soit qu’on n’en ait pas fait mention : generaliter sancinuis
omnem s tip u la tioncm, sWc in dando, sivc infacicndo, stvc mixte.\
�( 11 }
ex dànda et faclcndo viveniatur, et ad liŒTedes et contrh hceredes
transmit t i , sive specialis liæredum liât mentio, sive non : 1. i3,
cod. de contract et comm. stipul.
On ne peut donc* pas prétendre, d’ après un texte aussi général,
aussi absolu, que le stipulant, qui n’a voulu parler que de luimême , qui n’a pas nommé ses héritiers , ait entendu restreindre
la stipulation à sa personne ; car la loi Utrum , dig. de pactis ,
répond que la stipulation n’en est pas moins réelle. Plerumque
enim , ut Pedins a ït , persona pacto inseritur, non est personale
p actu m fiat, sed ut démonstretur cum quo pactum factum est.
Charondas , dans ses pandectes , nous donne ce principe
comme une véritable règle du droit français , q u il a placé
_ parmi les autres règles, en ces ternies :
» A u x contrats, on regarde le tems qu’on contracte ».
» Cette rè g le , dit Charondas , appartient principalement aux
contrats conditionnels, car de ceux qui sont purement faits,
» n’y a doute ».
» Tout contrat conditionnel, si au tems que nous contrac» tons, il est valable , a effet et exécution quand la condition
» est ad ven u e, encore que celui qui a promis soit mort............
» Aussi /’héritier du stipulâteur décédé auparavant l’événem ent
» de la condition, peut agir incontinent ex conditionali, parce
» que pendant la condition , celui qui a stipulé est réputé avoir
y> été créancier ».
Il n’y a donc pas la moindre difficulté sur ce p rin cip e, qui_
ne s’applique pas seulement aux conditions stipulées dans les
contrats intéressés , mais aussi à celles qui sont renfermées dans
les contrats bienfaisans ; et pour l’établir, il s u f f i r a i t d ’observer
que llicard et une foule d’autres auteurs le d é cid e n t très-posi
tivem ent ; mais cette question est traitée par un des plus profonds
Jurisconsultes de nos jours , avec une profondeur remarquable.
)» I l est fau x, cli 1- i l, que les contrats intéresses soient les
seuls dans lesquels le stipulant est censé avoir parlé pour ses
héritiers la règle est générale pour toute espèce de contrais,
B3
�( "
5
puisque les lois n’ont fait aucune exception puis qu’au contraire
elles ont exclu toute exception par la généralité et l’universalité
absolue de leurs expressions : generalifer sancimus omnent
stipulationem................. iransmitti, sive specialis hœredum liât
inentio, sive non ».
» L e sens de la règle n’est pas précisément que nous sommes
présumés avoir pensé à nos héritiers et ayant-cause , et avoir
positivement voulu stipuler pour e u x , car il est Lien rare que
les contractans y pensent positivem ent, et on ne présume pas
ce qui arrive rarement. L e vrai sens de la réglé est seulement
que le stipulant qui n’a pas formellement restreint la stipulation a sa
personne , ne peut pas etre suppose avoir voulu exclure ses
héritiers. Or , cette présom ption, nécessairement applicable
ii toute espèce de stipulation, suffit toute seu le, non pour en
opérer la transmission, car c’ est la saisine seule qui l’opère ,
mais pour écarter les obstacles qui pouiTaient l’arrêter ou la
rendre inefficace ».
« Que le contrat soit intéressé ou bienfaisant, il n’im porte,
puisque dans l’un et dans l’autre, la saisine y a lieu de plein
droit; il faut bien qu’elle soit continuée dans la personne des
transmissionnaires. On ne peut pas les supposer exclus par le
stipulant, lorsque celui-ci n’a pas prononcé leur exclusion ; o r ,
s’ils ne sont pas exclu s, il est dans l’ordre des choses que,
comme successeurs universels ou singuliers du transmettant, ils
succedent a la saisine commencée en sa personne, comme à
tous ses autres droits, quand même il n’aurait point du tout
pensé à eux ».
« En d e u x mots , toute stipulation conditionnelle est nécessai
rement transmissible à 1 héritier du stipulant, si la condition peut
encore recevoir son accomplissement, parce qu’au m oyen de
la saisine attachée aux actes entre-vifs , le droit qui en résulte
a fait partie des biens du transm ettant, dès le tems même de
l’acle. 11 n’est pas nécessaire, pour cela , de donner à la clause
aucune extension, parce que c’est la loi seule, la force de la saisine,
�( >3 )
et non pas l’intention positive de transmettre, qui opère la
transmission. Il est vrai que la saisine elle-même dépend, en
quelque sorte , de l’intention du stipulant ; mais c’est seulement
en ce sens qu’elle ne s’applique qu’aux droits que les parties
ont eu en v u e , et pour les cas qu’elles ont exprimés ; du
reste, une fois que la condition prévue par les parties, est
a rriv é e , il devient constant que la saisine a eu lieu ab in itio,
et que la transmission s’en est su ivie, sans que les stipulans y
aient seulement pensé ».
Ainsi s’exprimait M. L ’-esparat, lors de l’arrêt célèbre de 1767,’
et l’on verra bientôt que sa doctrine prévalut sans aucune
difficulté.
Il ne peut donc pas s’élever aujourd’hui la moindre controverse
raisonnable sur ces principes appliqués, soit aux contrats inté
ressés , soit aux contrats bienfaisans.
Mais appliqués au droit de retour conventionnel, en particulier,
il y a , s’il est possible, bien moins de difficulté encore.
Deux fameuses lois romaines décident très-formellement la
question, en faveur des héritiers du stipulant, c’est la loi Caius
et la loi Avia.
L a loi Caius avait pour objet une dot donnée au mari par
l’aïeul maternel de la fem m e, et réversible à cette femme
en cas de divorce, intervenu sans sa faute; le divorce arriva.'
mais le donateur, qui s’était réservé le retour, était prédécédé:
nonobstant ce prédécès, le Jurisconsulte décide que les héritiers
du donateur doivent proiiter du reto u r, en qualité de transmissionnaires, comme aurait fait le donateur lui-même.
Respondi in persond quidem neptis videri inutiliter stipuhitioncm
esse conceptam , quoniàm açus malernus ci stipulalus proponitur;
quod cùm ùa est, hœredi stipulatoris, quandocumque divcrtcnt
niulicr, cictio compctcrc vidcluv.
L a loi ydvia n est pas moins expresse. L a question était de
savoir si le retour de la dot, n’ayant été r é se rv é que par un
simple p acte, et non par une stipulation en forme , il était
�( *4 )
transmissible aux héritiers du donateur ? La loi la résout en ces
termes :
A sia tua earinn qucc profil'nî tua in dotcm dédit, et si verborum
obligatio non intercessit, actionem ex Jide convention is ad te , si
hœres ex titisti, transmittere potuit. Voilà donc deux textes Lien*
précis , qui décident q u e l e retour conventionnel est transmissible
aux héritiers du donateur, quoique celui-ci soit décédé avant
l ’événement de la condition, sous laquelle il avait stipulé' le
retour à son profit.
Et ces décisions des lois romaines , sont devenues aussi celles
de tous les arrêts et de tous les auteurs, depuis les plus anciens
jusqu’aux plus modernes.
Papon, dans son recueil d’arrêts notables, au titre des dona
tions, art. 38 , dit qu’il a été jugé que « la retention faite par
un donateur, si le donataire meurt sans enfans, la chose
» donnée retournera au donateur, sans faire mention des siens,
» est réelle et non personnelle, par ainsi transmissible à l’héritier
» du donateur, s’il se trouve m ort, lorsque la condition d’icelle
» retention advient »;
M. M ayn ard , L iv . 8, Chap. 3 3 , dit que , par sentence de
la sénéchaussée de L au zerte, le retour stipulé par un oncle
donateur, au pays de Querci, pour le cas du décès de son neveu
donataire, sans enfans, ledit cas étant a rriv é , quoique après
le décès du donateur , fut jugé transmissible aux héritiers du
donateur, nonobstant le défaut de ce mot sien, ou autre équipollent.
M . M aynard ajoute que, sur l’appel de cette sentence, par arrêt
rendu à son rapport, au mois de Janvier 1674, conlirmatif de
la sentence, le retour fut adjugé aux héritiers du donateur.
Cette jurisprudence a été lixee irrévocablem ent par un arrêt
récent, qui a jugé en faveur des héritiers du donateur, contre
l’héritier de la donataire, par contrat de mariage.
Eu voici l’espèce , telle qu’elle est rapportée dans la dernière
collection de jurisprudence. V . Retour.
« L e sieur L h é ritier, par le contrat d.ç m ariage de demoiselle
�( '5 )
Marie Albertine-Racine , sa belle-nièce, avec le marquis de
R a v ig n a n , du 18 Mars 17 12 , lui avait donné 3o,ooo//, avec
la clause que ladite somme retournerait audit sieur Lheritier, au
cas de décès de la demoiselle future épouse, sans enfan s , et encore
qu'il y eût d&s enfans, et qu'ils vinssent à décéder avant leur majorité.
L e donateur est décédé en iy 3o ; le 20 Novembre 1764, la
demoiselle Racine , donataire , est décédée sans avoir laissé
d’cnfans, ni de son premier mariage avec le marquis de R avign an ,
* ni de son second mariage avec le comte de Dampus.
Après son décès, les enfans du donateur demandèrent au
marquis de Mesmes, donataire universel de la demoiselle Racine,
veu ve Dampus, la restitution des 3o, 000//, données p arleu r père,
conformément à la réserve stipulée p a rle contrat de 1712.
La cause portée au châtelet de Paris, il y intervint, le 29
Juillet 1766, sur les plaidoiries respectives des parties, pendant
cinq audiences, sentence par laquelle, attendu le décès de la demoi
selle Racine, veuve Dampus, sans enfans, le marquis de Mesmes
est condamné à restituer aux enfans du sieur Lhéritier, les 3o, 000,7
dont il avait stipulé la réversion. L e marquis de Mesmes interjeta
appel de la sentence du châtelet; mais par arrêt du mardi 17 Février
1767, rendu en la grand-chambre, conformément aux conclusions
de M. l’avocat-général, Barentin, la sentence fut unanimement
confirm ée, après des plaidoieries très-solennelles ».
« L ’appelant, dit l’additionnaire de Lebrun, invoquait en sa
faveur plusieurs lois m alentendues, un arrêt du 6 Mai 1614
rapporté par M ornac, ( où il s’agissait d’un retour stipulé par un
pere naturel, dotant sa fille qui laissa des enfans, au cas que celle-ci
décédât sans enfans); l’avis de Boucheul, de Bretonier sur Henrys,
et de Larouvière, en son traité du retour ;| mais M. L’esparrat,’
avocat des intimés héritiers du donateur, dans un mémoire où
il a traite a fond la matière , développa les lois , invoqua les
suffrages des plus savans auteurs et de la jurisprudence , et
éta b lit, sans réplique , que le droit de retour, ainsi que les
stipulations conditionnelles, se transmettent à l’héritier du stipu,-
�( 16 )
lant , nonobstant le prédécès de celui-ci ; que les actes entrevifs , même conditionnels, opèrent la saisine in instanti ; que
les conditions y ont un efïèt rétroactif; que , suivant la règle, le
mort saisit le vif, les héritiers succèdent à tous les droits dont
leur auteur est décédé saisi ; qu’ils n’en pourraient être p riv és,
que par une volonté expresse du stipulant, qui aurait fôrmellement
restreint la stipulation à sa personne; que c’est à celui qui les
prétend exclus, à p r o u v e r leur exclusion; que les conventions
sont toujours censées réelles ; que la personnalité ne s’y suppose
jamais,* q u elle doit être prouvée par des expressions qui la '
nécessitent ».
Cependant, comme le dit M . L ’esparat en rendant compte de
cet arrêt, la cause avait ete plaidée tant au châtelet qu’au
- parlem ent, par M. T ro n cliet, et c’était bien le cas de lui
appliquer ce que V irgile avait dit d’Hector: Si Pergama dextra
defendí potuissent, etiàm hác defensa fuissent ; mais malgré les
grands talens et les prodigieux efforts du défenseur, qui passait,
d ès-lors , à bien juste titre, pour un des plus profonds Juris
consultes de ce tem s, tous les Magistrats , ainsi -que l’avocatgénéral, Barentin, qui portait la parole, reconnurent facilem ent,
comme avaient fait les premiers Juges , que pour cette fo is,
M . Tronchet s’était trom pé; qu’en effet, la prétention de son
client qu’il avait défendu avec tant de z è le , était évidemment
subversive des principes gén éraux, sur la transmisión de toutes
stipulations conditionnelles ; qu’elle était contraire à toutes les
décisions des docteurs et des lo is, sur la transmission du retour
conventionnel en particu lier, et qu’eniin elle était également
contraire à-la jurisprudence établie par tous les jugemens rendus
sur cette question.
Si des arrêts on passe au suffrage des auteurs, on verra que
la question y est toujours décidée uniformément, en faveur des
transmissionriaircs , notamment lorsque le donateur, étant plus
âgé que le donataire, a cependant p réyu ? non-seulement le
décès
�( ' 7 ') '
décès du donateur sans enfans, mais encore le ‘décès de ses
enfans sans descendans.
» La réversion conventionnelle, Mit Lebrun, traité des succès» sions, L iv. i.,C h a p . 5 , Sect. 2, passe à nos héritiers, si nous ne
» l’avons limitée , ce qui se iait quelquefois , en 11e la stipulant (
qu’au cas du prédécès du donataire ; mais quand nous l’avons
» stipulée simplement, au cas du décès du donataire sans enfans,
» alors nous avons parlé pour nos héritiers ou ayant-cause ».
« Quant à la réversion conventionnelle, dit Lacombe , au mot» réversion, elle ne concerne pas moins les héritiers du donateur.
» qui l’a stipulée, que sa personne même. JSam plerumque tain
» Jiœredibus nostris quàm nobismetipsis caçemus. Loi 9, dig. deprob.
» A in s i, si un ascendant fait donation à son fils ou à sa lille ,
» à condition de réversion , si le donateur meurt sans enfans,
» les choses données passent aux héritiers du donateur prédécedé,
» si elle n’a été limitée ».
Suivant M. Henrys, quoiqu’en général l’ascendant donateur
qui se réserve le retour, soit censé le faire tant pour lui que
pour ses héritiers, cette présomption légale devient bien plus
forte encore , lorsque j e donateur a p r é v u , non-seulement le
décès du donataire sans enfans , mais encore le décès de ses
enfans sans descendans : « En e ife t, d it-il, quoique le père
» survivant , l’ordre de la nature en soit troublé, c’est pourtant
» chose assez commune; mais qu’un père pense survivre à sa
» iille et aux enfans quelle peut laisser; qu’il étende si loin
» sa pensée , c’est ce qu’on ne peut pas présumer. Donc, a jo u te * t-il, quand le père a stipulé que la dot serait r é v e r s ib le , si
* la lille décédait sans enfans , ou ses enfans sans enfans, il
» ne s’est pas persuadé que tout cela pût a rriv e r, lui v iv a n t,
» et par conséquent il a bien entendu que cette stipulation fût
» aussi bien profitable à ses héritiers qu’à lui-même ; autrement
» il n aurait pas eu une visée si longue; et s’il n’avait cru stipuler
» le retour que pour lu i, il en aurait restreint la condition
i et les termes ; il se serait contenté de parler du prédécès
�( .1 8 ,3
» de sa fille sans enfans, et il n’aurait pas ajouté : et de ses
» enfans sans enfans.
L ’opinion de cet auteur , qui marche toujours dans ses
décisions, à la lumière des vrais principes , mérite ici d’autant
plus de considération, qu’independamment de son mérite per
sonnel , il nous apprend lu i-m e m e qu il a d’abord balancé sur
la question ; mais c’est ce qui donne un plus grand poids à
sa décision. Un avis qui est le fruit d’une longue et mûre
réflexion, est bien plus respectable qu’un jugement précipité,
donné sur la première idée dont on est saisi.
A la vérité , B o u ch e u il dans son traité des conventions de
succéder, Bretonnier sur H enrys, et M.e L arouvière, avocat
au p a r le m e n t de Provence , paraissent etre d’un sentiment
co n tra ire ,' mais Boucheuil ne se décide" que d’après l’arrêt de
M o rn ac, qui n’a pas de rapport à l’espèce. Bretonuier a fondé
pareillement son sentiment sur l’arrêt de Mornac et sur celui
rapporté au journal du p alais, sous la date du 26 août 1682.
M a is, outre que Bretonnior n’a pas bien connu l’espèce et les
circonstances de cet a rrê t, puisqu’il dit que les Juges de Riom
avaient jugé contre la réversion, et que l’arrêt confirma leur
sentence, tandis que c’est précisément tout le contraire , les
Juges de Riom ayant ordonné la restitution en faveur du frère
donateur, cet arrêt n’a pas jugé la question agitée et résolue
par M. Ilenrys,
M. Henrys donnait son avis sur une question pareille à cello
qui nous occupe en ce moment : il se demandait si la stipulation
de réversion, en cas du décès du donataire sans enfans, ou
de ses enfans sans descendans, était transmissible aux héritiers
du donateur, au cas que celui-ci vint a prédécéder ses enfans,
et l’on vient de voir que sa décision ne laisse rien à désirer*
L ’arrêt de 1682 a jugé , mais n’a ]?as jugé antre chose, qu’un
frère ayant doté sa sœur, avec stipulation de retour, au cas
qu’elle mourût avant lu i, sans enfans, ne pouvait pas J'airo
uçage de cette clause , pour répéter la dot dans la succession
�( >9 )
du fils de la donataire, qui avait vécu six ans après elle /
parce que la condition sous laquelle le retour était stip u lé,
n’était pas a rriv é e , et que la donataire avait laissé un enfant
qui avait recueilli.
Ainsi donc , il faut écarter de la cause l’opinion de Bretonnier :
soit parce que c’est une opinion solitaii’e , qui a été proscrite par
tout ce qu’il y a de plus respectable en autorités , soit parce qu’elle
n’avait pas en vue la question de cette cause , et qu’en l’examinaut
de près , on voit qu’il a voulu dire uniquement qu’il ne faut
pas trop étendre les stipulations de retour, et qu’ainsi le retour
étant stipulé pour le décès du donataire sans enfans, il ne faut
pas l’étendrc au cas du décès de ses enfans sans enfans.
Par rapport à M .' Larouviere, on n’en parle i c i , que parce
que probablement la dame Dorcet voudra s’aider de son opinion;
mais il suffit, pour donner une idée du poids qu’elle m érite, de
dire, qu’il fut prouvé lors de l’arrêt de 1767; que les Jurisconsultes
même les plus m édiocres, ont reconnu très-facilement depuis
que cet auteur n’avait pas connu les premiers principes de la
matière , et qu’il n’avait pas entendu les auteurs par lui cités.
A in s i, il n’y a pas une seule l o i , pas un seul auteur, pas
un arrêt qui favorise la prétention de la dame Dorcet ; tout
co n co u rt pour établir la proposition des sieurs D elsol, que le
droit de retour, stipulé par leur père lors du mariage de la '
dame D o rcet, e s t, de sa nature , transmissible , le cas prévu
arrivant ,■il n’y a peut-être pas un seul point de droit sur lequel
les lois soient plus précises, les suffrages des auteurs plus unanimes,
et la jurisprudence plus ancienne, plus uniforme et plus con stan te.
L ’espèce particulière de cette cause facilite l’ap p lica tio n de
ces principes ; le sieur Delsol père a stipulé, lors du contrat
de mariage de sa fille avec le sieur D o rce t, le droit de retour
de tous les biens dont il la gratifiait, dans le cas où elle décé
derait sans enfans , ou ses enfans sans descendons. La dame
Dorcet n’a pas eu d’enfans de son mariage ; son âge la met
dans l'impuissance d’en avoir aujourd’h u i, quand elle passerait à
G 'Z
�( 20 )
de secondes noces ; ses frc re s, héritiers naturels du donateur?
doivent donc profiter, après son décès, des biens grevés du
droit de retou r, c ’est-à -d ire , de l’universalité des biens laissés
par le sieur Delsol à sa fille aînée.
L e sieur Delsol n’avait pas besoin, pour leur transmettre ce
droit , de stipuler expressément pour lui et pour les siens ,
puisqu’en p rin cip e, le droit de retour stipulé par le donateu^
se transmet toujours à ses héritiers.
L e redoublement seul de la clause , qui. est un m otif détermi
nant pour tous les auteurs, et notamment pour M. H en rys,
établirait clairement l ’intention du donateur, quand elle ne
serait pas m an ifeste d après les en constances de cette cause ;
d ’ a p r è s
c e l l e
surtout que , par son testament de l’année 1 7 8 0 ,
annullé pour vice de forme , cette clause de retour est renou
velée , le cas prévu par la stipulation arrivant.
I l n’y a donc plus de doute sur le m otif, sur l’objet de cette
stipulation ; c’était pour ses héritiers, et non pour l u i , que le
sieur D elsol, père commun, se réservait le droit de retour';
cette convention eût été fort inutile pour lu i, puisqu’il aurait
eu le droit de retour sans stipulation, en vertu des lois romaines I
qui régissaient notre p rovin ce, et par exprès , en vertu de lq.
loi Jure siiccursum.
C’est donc aux sieurs D elsol, transmissionnaires et ayant-cause
de leur p è re , que les biens sujets au droit de retour doivent
appartenir après le décès de la dame Dorcet.
Dira-t-on, comme on l’a annoncé, qu’en supposant, en thèse
gén érale, qu’un droit de retour conventionnel, soit de sa nature
transmissible , il faudrait, dans l’espèce particulière de cette
cause, restreindre l’application de ce principe aux objets com
posant la donation entrcrvifs, faite par contrat’ de mariage ;
mais qu’en ce qui concerne lp$ biens dont le sieur Delsol
gratifiait la dame D orcet, sa fille, a titre d’institution contrac
tuelle, cette institution n’ayant, de sa nature, effet qu’après le
décès de l’instituant, elle n’est pas susceptible de réversion à
son profit, et ù plus forte raison, au profit de scs héritiers.
�C elle objection peul paraître spécieuse au premier coup-d’œil ;
mais un moment d’attention suffit pour se convaincre qu’elle
n’est pas Solide.
I l est essentiel d’abord d’observer, d’après tous les auteurs, et
particulièrement d’après R icard , Furgole et Potliiér, que l’on
peut apposer un droit de retour à toute espèce de libéralités, et
par exprès, qu’on peut l’apposer à une institution contractuelle.
Ce principe ne peut éprouver aucune difficulté. Mais le droit
de retour, apposé à une institution, est-il de sa nature transmis
sible aux héritiers de l’instituant ?
L'affirmative de cet te question est également incontestable.
L ’institution contractuelle, est comme la donation entre-vifs, un
contrat, une obligation que contracte l’inlituant envers l’institué,
de lui laisser tous ses biens; elle ne diffère de la donation entre-vifs,
qu’en ce qu’elle est faite sous la condition particulière d elà survie
du donataire. Mais cette condition particulière n’empêche, pas
que l’instituant contractuel ne puisse faire résilier ou révoquer
la libéralité , si telle ou telle condition a r r iv e , n’importe en
quel tems , et que cependant elle puisse avoir jusques-hi tout
son e/Ièt,* en ce cas , les biens qui en sont l’objet, comme étant
retournés à la masse de l’hérédité et réunis au patrimoine du
donateur, appartiennent à ceux q u i, lors de l’arrivée de la
condition résolutoire , se trouvent représenter le donateur ou
instituant ; ces représentons ne reprennent pas les biens eu
question , en qualité de substitués au donataire ; c’est le donateur
lui-même, toujours existant dans leur personne, qui reprend sa
chose, comme ayant cessé d’appartenir à l’institué, au moyeu
de la résolution de l’institution qui a eu lieu par 1 événem ent,
comme le donateur ou ses représentons reprennent la choçe
donnée, lorsqu’il y a survenance d’enfant, même posthume,,
quoique le posthume ne soit né que depuis son décès.
Ainsi donc, que le sieur Delsol donateur fût ou non desaisi,
an moyen de l’institution contractuelle qu’il f a i s a i t en faveur
tle sa ¿Ile, sous une condition résolutoire, cela serait fort iudij>
�( 22 )
ïl.e
J 'K O P O S IT IO :*.
férent, et la résolution de cette convention serait évidemment
opérée , le cas arrivant.
En un m ot, le retour qui s’est fait ex causa antiquâ et inherenle
contractui donationis, doit avoir son eïïèt, tant pour l’institution
que pour la donation; la condition, lorsqu’elle est accom plie,
a un effet rétroactif au jour auquel l’engagement a été contracté ;
les effets de la stipulation, le cas arrivant, sont donc transmissibles,
soit que la condition soit apposée a une institution, soit qu’il
s’agisse d ’une donation entre-vifs, pure et simple.
Mais le droit de retour n’a-t-il pas éle aboli par les lois de
la révolution, et notamment par les lois des 25 Octobre et 14
Novem bre 1792 ?
C ’est la seco n d e question que présente cette cause, question,
qui véritablement 11’en est pas une.
Et d’ab o rd , deux lois de la révolution se sont occupées du
droit de retour; la prem ière, c’est la loi du 17 Nivôse an 2}
la deuxièm e, c’est la loi du 22 Ventôse suivant.
Mais que portent ces lois ?
L a loi du 17 Nivôse an 2 , a posé dans le titre intitulé de
la succession des ascendans , des règles pour établir q u e,
dans tous les cas , les ascendans étaient toujours exclus par
les héritiers collatéraux qui descendaient d’éux ou d’autres
ascendans au même degré ; et c’est après avoir développé
ces règles dans quelques articles , que la loi dit à l’article 74 :
» Les biens donnés par les ascendans à leurs descendans avec
» stipulation de retour, ne sont pas compris dans les règles ci5) dessus , ils ne font pas partie de la succession des descendans
» tant qu’il y a b RU au droit de retour ».
Cet article n introduit donc aucun changement dans l’ancienne
législation, relative au droit de retour ; il déclare même que
cette législation doit toujours être suivie, pour tout ce qui s’était
fait sous son empire , car c’est le déclarer positivem ent, que
¿ ’affranchir le droit de retour des règles nouvelles que la loi
établissait, et de décider que tant qu’il y a y ait lieu à ce droit,
�(» 3 )
les Liens donnés ne faisaient pas partie de la succesion des
descendans.
»
»
»
»
»
»
A l’égard de la loi du 23 Ventôse , l’article 5 porte « qu’il
n’est rien innové par l’art. 74 du décret du 17 Nivôse , à
l’égard des donations antérieures, au 5 Rrumaire, aux effets
du droit de retour lég a l, dans les pays et pour les cas où ce
droit avait lieu ; que néanmoins il 11e pourrait être exercé
sur les Liens du donataire acquis à la République, par droit
de confiscation, ou autrement ».
Cet article conserve les effets du retour lé g a l, pour tous les
pays où il avait lieu , relativement aux donations antérieures
au 5 Brum aire, comme l’article 74 de la loi du 17 Nivose ,
conserve l'effet du droit de retour conventionnel, relative
ment aux mêmes actes.
On ne peut donc pas dire que l’une ou l’autre des lois qui
viennent d ’être citées , ait apporté le moindre changement au
droit de retour, consacré jusqu’alors par l’ancienne législation,
ni qu’elle lui ait porté la moindre atteinte. Il ne faut donc
pas parler de ces deux lois, qu’on invoqua sans aucun succès,
lors de l’arrêt célèbre rendu dans l’affaire de la dame de
N availles, ,dont on parlera tout à l’heure.
Mais peut-on opposer avec plus de succès les lois de 1792
qui ont aboli les substitutions ?
Remarquons d’abord , que les lois du 17 Nivôse et du 23
Ventôse an 2 , postérieures aux lois de 1792, abolitives des
substitutions, ont con servé, comme nous, venons de l’établir,
les effets des stipulations de retour, et ceux du retour lé g a l,
dans les pays et pour les cas où ce droit avait lieu , à 1 égard
des donations antérieures au 5 Brumaire an 2 , et c’est deju
une preuve positive que. les lois,- qui ont aboli les substitutions,
n’avaient pas eu en vue les stipulations de reLour.
Mais peut-on même trouver quelque ressemblance entre uno
�( 24 )
stipulation, de retour et une substitution, soit dans la nature, soit
dans le caractère'et les effets de ces deux espèces d’actes ?
Quest - c e , d’abord, qu’ une substitution?
« C’est une disposition par laquelle le donataire, l’iiéritier
» institué ou le légataire , est chargé de. conserver et de
rendre à un tiers ».
Telle est la définition qu’en donne le code c iv il, à l’art. 896,
et c ’est aussi celle des anciennes lois et des auteurs qui ont
traité de cette matière.
« Il y a substitution , dit M. Merlin , toutes les fois que
dans un acte de libéralité, la personne gratifiée est chargée de
rendre à une personne gratifiée en second ordre, la chose qui
lui a été donnée ; il y a substitution, toutes les fois qu’il y a
deux donataires ou légataires apelés successivem ent, l’un qui
reçoit directement de la main du donateur, l’autre qui ne reçoit
de la main du donateur, que par le canal du premier donataire;
il y a substitution, toutes les fois que le donataire direct sert en
quelque sorte d’entrepôt, pour faire arriver l’objet de la donation
-au donataire substitué; en un m o t, il y a substitutions toutes
les fois que le donateur a voulu que le second donataire n’ari’ivât
à la chose donnée, qu’après qu’elle aurait été possédée , pendant
1111 teins quelconque, par le prem ier; dès que ce vœu p araît, il
y a charge de rendre , et. par conséquent substitution Jidei
commissaire ».
Ainsi , d’après cette doctrine , dans une substitution Jidei
commissaire, il entre nécessairement trois personnes; celle qui
donne, celle qui est gratifiés à la charge de rendre, et celle
à qui l’on doit rendre.
L a substitution fidei commissaire renferme donc, à proprement
parler, deux donations; lu n e au profit de celui qui doit rendre,
l ’autre au profit de celui à qui doit être rendu l’objet donné.
Mais le second donataire 11e devant recueillir qu’après le
prem ier, ces donations doivent être successives. « Il fau t, dit
l'eregrinus ( de Jidei commissionis, art. 17 , n,° x. ) que les deux
gratifiés
�( 25 )
gratifiés soient appelés à recueillir successivement et non pas
concurremment, ordi-nesuccess'wo et non conjunclivo seusimultaneo».
Dans le droit de retour, au contraire, au lieu que le donateur
soit chargé de rendre à des tiers, c’est, le donateur lui-même qui,
en supposant la condition apposée par le contrat, intervenue,
reprend lui-même la chose qu’il avait donnée, et en redevient
le propriétaire , comme il l’était avant la donation, et avec
les mêmes droits qu’il avait avant.
A u ssi, M. Merlin prévoit-il cette question dans le répertoire
de jurisprudence ,
Substitution, et il la résout en peu de mots.
« La clause de retour au profit du donateur, constitue-t-elle
un fidci commis ? N on, parce q u ’ on n ’y trouve point une cliai’ge
de rendre à un tiers, gratifié en second ordre; on ne peut donc
la considérer que comme une donation à tem s, et c’est ainsi
que les lois la caractérisent.
A la vérité, le donateur meurt quelquefois avant l’événement
de la condition , et ce sont ses héritiers q u i, une fois que la
condition est arrivée, prennent sa place, et se saisissent des choses
qui étaient l’objet de sa donation; mais les héritiers du donateur
ne sont pas des tiers , ils ne sont pas gratifiés en second ordre ; ce
sont des représentons du donateur, qui continuent, pour ainsi
dire, sa personne, deviennent les maîtres de toutes les propriétés
qui lui appartenaient, exercent tous les droits qui étaient en sa
puissance, sont soumis aux mêmes charges auxquelles il était
o b lig é, en un m ot, sont absolument à sa p la c e , et sont, en
quelque sorte , ce qu’il était lui-même.
C ’est là la décision des lois, et c’était même une règle de droit.
Jlœredcm ejusdem potestatis jurisque esse cujus Jiat defunctus
constat, dit la loi 69, dig. de regulis juris.
L a loi 12, Cod. de acquir. velamitt. hcered. dit aussi: hœrcsin oninc
jus mortui non tantum in singularum rerum dominium succedit.
Ce principe est écrit aussi dans tous les auteurs.
« L ’héritier succédant aux biens et aux c h a r g e s , dit Dom at,
se met en la place du défunt, et sa condition est
raême »,
�. {aG 5
Les héritiers diffèrent même si peu du défunt, en matière de
stipulations , et sont, au contraire , tellement identifiés avec lu i,
qu’ils entrent par la force de la loi dans ces stipulations, pour
ainsi d ire , malgré lui ; qu’ils y entrent sans qu’il les nom m e,
sans qu’il s’occupe de leur intérêt, sans qu’il le prévoie , et qu’il
suffit qu’il ait stipulé pour lu i, et qu’il n’ait pas formellement
déclaré qu’il n’entendait stipuler, que pour lui-m êm e, pour qu’il
ait dans le même tein s, et par cela seu l, stipulé pour eux.
Les héritiers ne sont donc pas des tiers à l’égard du défunt ; ils
sont le défunt lui-m êm e, et dès - lors la stipulation de retour
dont ils sont dans le cas de jirofiter, n’a rien de commun avec
les substitutions qui ne regardaient jamais que des tiers.
C e p e n d a n t , ce sont les substitutions ét uniquement les substi
tutions, que les lois de 1792 ont entendu abolir, c’ est-à-dire, les
actes connus pour te ls , les dispositions qui portent ce titre , et
non pas des actes o ù , par des interprétations subtiles , on
prétendrait trouver un caractère ou un résultat analogue à celui
des substitutions , ce qui n’a pas été l’intention de ces lois.
Deux espèces de motifs ont déterminé les Législateurs à abolir
les substitutions.
D’abord, le m otif politique, qui a été de détruire le préjugé,
d’après lequel les biens n’étaient conservés dans une famille ,
qu’en sacrifiant tous ses membres , pour réserver à un seul l’éclat
de la fortune, ce qui était inalliable avec les principes que la
révolution avait introduits.
Et ensuite, le motif de l’égalité, qu’011 avait commencé à
établir entre les enfans, pour les successions , et qu’on avait lo
projet de rendre absolue, comme otil’a exécuté, en effet, depuis.
O r, aucun de ces deux motifs n’existait pour le droit de retour,
et au contraire, le droit de retour, envisagé sous le rapport des
enfans, héritiers de leur père donateur, rentrait même parfai
tement dans les vues des Législateurs d’alor6 ; car il avait pour
çflèt de faire revenir dans les mains de tous les enfans, ce qui
�t 27 )
était sorti de celles du père , pour appartenir à un seul ; ce'qui
était précisément l’opposé des substitutions, qui attribuaient à
lin seu l, ce qui naturellement aurait dû appartenir à tous.
Mais indépendamment de ces puissantes considérations , il est
impossible même de tro u ver, entre le droit de retour et une
substitution, la plus légére ressemblance.
Tout le monde sait que les substitutions étaient des disposi
tions émanées uniquement de la volonté d’un seu l, et qui se
passaient dans l’absence et sans le concours de ceux qui
pouvaient en être l’o b jet, comme dans les testamens ou même
dans les contrats de m ariage, où les substitués n’intervenaient
pas ; ( e t on sait qu’il était bien rare qu’ils y intervinssent ,
puisque la plupart du tems même ils n’étaient pas nés).
A u lieu que le droit de retour n’était pas une disposition,
un acte émané de la pure volonté du donateur ; c’était une
convention, un p a c te , un contrat qui était fait entre le do
nateur et le donataire, et qui supposait nécessairement le concours
et la réunion des deux volontés.
Les principes à cet égard sont connus , et les effets d’une
disposition conditionnelle sont bien difïérens de ceux d’ une
stipulation.
Les dispositions conditionnelles de l’iiomme ou de la loi ne
se transmettent pas à l’héritier de l’appelé décédé avant l’évé
nement de la condition. ( Et voilà pourquoi le retour lé g a l,
les jid ei commis ne sont pas transmissibles). Mais, c’est parce que
les héritiers ne recueillent du chef de leur auteur que le droit
dont il est décédé saisi. Or , les dispositions -conditionnelles ne
saisissent qu’au moment de leur ouverture ; jusques-là, elles ne
sont point in bonis de l’appelé. Si donc , à la différence des stipu
lations conditionnelles, et notamment des stipulations de retour,
qui, comme on l’a établi , sont transmissibles, et ont un effet
rétroactif au jour auquel la convention a été contractée, les dis*
D a
�( »8 )
positions conditionnelles ne saisissent qu’au moment, de leur ou
verture, les substitutions qui ne sont évidemment que de pures
dispositions, ne peuvent être régies par les mêmes règles que
les stipulations conditionnelles , et par exprès , que les règles
applicables au droit de retour conventionnel.
Sous aucun rapport d o n c, la stipulation de retour n’a rien de
commun avec les substitutions , qui ne regardaient jamais que
des tiers, tandis qu’encore une fois, les héritiers du donateur ne
sont pas des tiers, puisqu’ils ne sont pas gratifiés en second ordre.
On ne peut donc pas pretendre, de bonne fo i, que les lois
abolitives des substitutions ,•aient atteint les stipulations de retour.
Cette question n'est cependant pas nouvelle,* elle a été jugée
en Thèse par la Cour de Cassation dans l’affaire de N availles,
où le sieur Larregoyen, qui s’opposait au droit de retour, argu
mentait aussi des lois de 1792, qui abolissent toutes les substi
tutions non ouvertes de l’art. 896 du Code N a p o l é o n qui les
prohibe pour l’a v en ir, et de l’art. g 5 i du même Code qui prohibe
toute stipulationconditionnelle de retour des choses données,au pro
fit d’autres que le donateur personnellement, et survivant à l’événe
ment de la condition qui doit donner ouverture au droit de retour.
En effet , a-t-on dit , nul doute que l’on doit regarder
comme une véritable substitution la stipulation expresse ou tacite
du droit de retour au profit d’autres que le donateur vivan t, lors
de son ouverture : o r , les substitutions non encore ouvertes lors
de la publication des lois des 25 Octobre et 14 Novembre 1792,
sont abolies par ces lois ; d o n c, toutes les stipulations de retour
au profit d’autres que le donateur , qui n’étaient pas encore
ouvertes à cette époque, sont pareillement abolies; et c’est p a r T
cette raison, a-t-on ajouté, que l’art. y 5 i du Code civil défend
de stipuler le retour au profit d’autres que le donateur survivant
à son ouverture.
^
O11 faisait aussi beaucoup va lo ir, pour le sieur Larregoyen,
ja circonstance particulière qu e, dans le fait, il s’était éçoul^
�(» 0 )
plus d’un siècle d’in tervalle, entre la stipulation de retour et
l’ouverture de ce droit au profit de la dame de N a va illes, re
présentant ceux qui avaient constitué la dot ; que pendant ce
tems , la dot donnée à la charge de retou r, avait passé succes
sivement dans sa descendance , par plusieurs inains , sans pou
voir être aliénée au préjudice du droit de retour qui pourrait
s’ ouvrir un jour, ce qui, suivant le défenseur de M. Larregoyen,
présentait tous les caractères d’une véritable substitution graduelle
dans la descendance de la donataire, et ensuite , en cas d’ex
tinction de celte descendance , en faveur de ceux q u i, pour
lors, représenteraient les donateurs.
M ais, M. D aniels, substitut de M. le Procureur - g én é ra l,
portant la p aro le, combattit fortement ce système ; il professa
le principe que le caractère du droit de retou r, qu’il considéra
sans aucune difficulté comme trausmissible aux héritiers du
donateur, était absolument étranger à celui des substitutions,
et que les stipulations qui le renfermaient n’avaient pas été
abolies par les lois de 1792.
» De ce que les substitutions testamentaires, et même celles
» abolies par contrat de mariage , disait ce M agistrat,' ont été
v abolies, il ne faut pas conclure qu’il en est la même chose du
» droit de retour. La disposition textuelle des lois ( celles du 17
» Nivôse an 2, art. 74, et du 23Ventôse suivant, art. 5 ) s’éléve» raient contre cette conséquence , puisqu’elles conservent le droit
» de retour ( en faveur d’autres que le donateur ) , lorsque les
» substitutions étaient déjà abolies.
*
>?
»
»
» D ’ailleurs, ajoutait-il, le droit de retour ne peut être assim ilé
à une substitution, lorsque le donateur exerce lu i-m êm e ce
droit; ce n'est donc pas non plus une substitution, quand ¡1
est exercéspar ses héritiers, qui ne représentent avec lui que
la même personne ».
Cette doctrine fut consacrée par la cour de cassation, par
i*rrût du 11 Frimaire an 14 , rendu en la section des requêtes,
�(30)
rapport de M. B o rel, sous la présidence de M. Muraire , eî
qui est rapporté au Journal des audiences d elà cour de cassation,
pour l’année 1 4 — 1806. La cour rejeta le pourvoi du sieur
Larregoye’n contre l’arrêt de la cour d’appel de P a u , qui avait
accordé le droit de retour.
« A ttendu, portent les motifs des Juges suprêmes, que les
lois du 17 Nivôse an 2 , art. 7 4 , et 23 Yentôse suivant,
art. 5 , ont conservé les effets des stipulations de retour, et
3> ceux du retour légal dans les pays et pour les cas où ce
a> droit avait lie u , à l’égard des donations antérieures au 5
» Brumaire an 2, et que, d’après les lois et d’après les différences
» qui ex isten t entre les droits de réversibilité conventionnels
3> et légau x, et les substitutions , on ne peut appliquer au droit
d> de retour, l’abolition prononcée par les lois des 25 Octobre
» et 14 Novembre 1792 ».
Cet arrêt qui a retenti dans toute la France pour avertir
les personnes q u i, comme la dame Dorcet, auraient pu croire
<[ue les lois de la révolution avaient assimilé les stipulations
■de retour aux substitutions, et les avaient abolies comme
e lle s , ne permet plus aujourd’hui d’établir une controverse
raisonnable sur ce point de droit , et de le faire revivre
«ivec le plus léger espoir de succès.
Aussi les sieurs Delsol ne pousseront-ils pas plus loin leurs
réflexions sur une question aussi solennellement a g ité e, et qui
a été jugée., après que tous les m oyens, pour ceux qui s’oppo
saient à la réversion , ont été discutés , avec une méthode ,
une profondeur et une sagacité remarquables.
Et envain la dame Dorcet dirait-elle , que dans cette espèce,'
il ne s’agissait que dune donation entre-vifs ,• mais que s’il
s’ était agi d’un di'oit de retour apposé à une institution contrac
tuelle , on aurait jugé qu’une telle stipulation était une véritable
substitution, abolie par les lois nouvelles.
Cette objection ne peut pas résister aux principes qu’on a
�(3 0
développés sur la différence qui existe entre la nature , le
caractère et les effets d’un droit de retour , et ceux d’une
substitution.
Qu’importe, en effet, que le 'd ro it de retour soit apposé à
une donation ou à une institution,' ce droit n’est toujours qu’une
condition casuelle , résolutoire ; il n’est toujours qu’une c o n v e n
tion ' entre le donateur et le donataire, qu’un droit que se
réserve le donateur de résoudre la donation ou institution, si
la condition arrive ; niais dans ce cas-la même , les héritiers du
donateur ne recueillent pas comme appelés en deuxième ordre ;
ils ne so n t, comme on l ’a v u , que les représentais du donateur ;
ils sont le donateur lui-m êm e, selon la belle fiction de la loi.
Dès-lors , toute idée de substitution s'efface d’elle-même, et
le donateur, en stipulant pour lui et non pour les tiers, n’a
pu faire une substitution.
Encore une fo is, il n’existe pas , il ne peut pas exister
de substitution dans une stipulation de droit de retour, quelle
que soit la nature de l’acte qui renferme cette stipulation; et
par une conséquence nécessaire, il ne peut pas en exister daus
l’espèce particulière de cette cause, où l’on a apposé un droit
de retour à des contrats , à des pactes qui saisissent les héritiers
du stipulant de tous ses droits, et qui les continuent en leur
personne.
M ais, dit la dam eD orcet, et c ’est là la troisième proposition
n exam iner, quand le droit de retour serait transmissible aux
héritiers du donateur, je ne serais pas moins propriétaire des
biens qui eu sont grévés, puisque je suis appelée comme héritière
de mon p ère, à recueillir sa succession, et qu’à ce titre, les
éflèts du droit de retour doivent me revenir.
Cette objection, dont il est impossible de pénétrer le sens, a moins
qu’on suppose qu’elle est d’une absurdité difficile à q u a lifie r , ne
repose, dans l'interprétation la plus favorable qu’on veuille lui
donner, que sur une confusion d’idées.
rri.e
P R O P O S IT IO N
�( 3a )
En eïïet, pour que la dame Dorcet piit s’accorder avec ellemême , il faudrait le concours de plusieurs choses. Il faudrait
d’abord, commencer par effacer du contrat de mariage de 1760,
la clause du retour que se réserva le sieur D elsol, donateur ; il
faudrait ensuite que le sieur Delsol fût mort sans représentans
au degré successible, autres que la dame Dorcet; il faudrait
enfin supposer que la stipulation de retour est, de sa nature,
personnelle, et par conséquent incommunicable aux héritiers
du donateur, nonobstant son prédécès.
O r , aucune de ces circonstances ne sé rencontre ic.û
I l existe dans le contrat de mariage de la dame D orcet, une
stipulation de retour, de la part du sieur D elsol, donateur, qui
ju i interdisait la disposition des biens dont il la gratifiait, qui les
réservait pour lu i, si elle n’avait pas d’enfans de son m ariage;
et ce droit de retour existe encore incertain, puisque la condition
n ’est pas purifiée par le décès de la dame Dorcet ; il existe,
•puisque l ’effet de la stipulation ne doit s’ouvrir qu’après le
décès de la ' donataire, cette stipulation étant, de sa nature',
transmissible aux héritiers du stipulant.
Mais , par cela seul que le droit de retour existe encore, et
qu’il n est pas ouvert, qu’il ne peut l’être même qu'au décès
de la dame D o rcet, il est évident, il est plus clair que le jo u r,
qu’elle n’a pas recueilli avant l’événement de la condition, un
droit qui ne doit s’ouvrir qu’après que cette condition se sera
purifiée , et qu’ainsi sa qualité d’héritière universelle , à la charge
du droit de retour, ne lui a pas conféré celui de profiter d’une
convention dirigée expressément contre elle.
Autrem ent, il faudrait dire qu’un droit stipulé contre la dame
D orcet, par son contrat de m ariage, avait été stipulé en sa
faveur ; il faudrait dire que la dame Dorcet s’est succédée à ellemême , de son v iv a n t, ou en d’autres term es, qu’elle doit
aujourd’hui recueillir comme héritière universelle de son père,
par son, contrat de m ariage, ù la charge d’une stipulation de
retour,
�( 33 )
t e t o u r e n cas de décès sans enfans, les Mens sujets à ce droit
d e retour, avant le terme apposé à la stipulation.
I l est facife de voir que cela ne peut pas être ainsi.
En deux m ots, le contrat de mariage donnait tout à la dame
Dorcet, excepté le droit de retour ; sa qualité de donataire et
d’héritière universelle, ne lui a donc assuré l’espoir de recueillir
les biens de son père , qu’à la charge du droit de retour ; mais
encore une fo is, elle n’a pas recueilli dans la succcession de
son p è re , les biens dégagés de la condition de retour , ( et cela
est impossible, puisque cette condition est subordonnée à son
décès, qui n’est pas encore arrivé ). Sa prétention manque
donc de toute justesse ; elle ne serait tout au plus qu’une pure
pétition de principes ; ce qui nous ramène nécessairement et
dans tous les cas, à la question de savoir si la clause de
retour était réelle ou personnelle, et si par conséquent, elle
est devenue caduque par le prédécès du sieur Delsol père, ou si
l'elfet en a été transmis à ses héritiers, autres que la dame Dorcet.
Or , les sieurs Delsol- ont établi qjLie la clause était réelle et
transmissible aux héritiers du donateur.
Ils sont donc, comme héritiers naturels de leur p ère, appelés
à recueillir l'elfet de la stipulation de retour, à l’exclusion de la
dame Dorcet contre laquelle a.été dirigée cette stipulation.
lleste à savoir maintenant, si elle a pu disposer des objets soumis
au droit de retour.
L a discussion sur cette question ne peut être ni longue ni
difficile.
C’est un principe certain, et qui n ’a même jamais été le sujet
d’aucune controverse, que le donataire ne peut rien faire qui
puisse anéantir ou dim inuer, de quelque m a n i è r e q u e ce soit,
le droit de retour, car autrement il serait bien inutile de le
stipuler, si le donataire pouvait y porter atteinte.
A u ssi, tous les auteurs, et notamment M. D o live, en ses ques
tions de droit, Ily. 4? cliap, 8 , nous apprennent-ils que
fàyeur
E
�(34 y
du di’oit de retour a été poussée si loin , que les choses données-,
retournent e x e m p t e s de toutes charges et hypothèques qui yv
avaient.été imposées p a r le donataire, et même que les aliéna
tions qu’il en avait faites sont cassées en faveur du donateur au
quel ce di’oit de retour est adjugé ; il n’y. a : d’exception à ’ cette
règle , dit D olive , que pour les biens donnés par les père et mère,
à leurs fils :en faveur du mariage , lesquels,. nonobstant le droit
de retour , sont hypothéqués subsidiairement à la restitution)
de la dot.
M. M erlin, dans le répertoire de jurisprudence, V . Réversion,'
se demande si le donataire peut aliener et disposer au préjudice
du droit de retour, et il s’explique en ces termes.
« Il n’y a aucune difficulté sur la n ég a tive, par rapport au
» r e t o u r conventionnel; comme il affecte les biens donnés par.
une clause expresse qui. fait ^partie de la donation m êm e, il
» est clair qu’il doit avoir son effet contre tous ceux qui les
» possèdent, n’importe à quel titre ; et c’est ainsi'qu’on le juge
x dans tous les Pplem ens. ».
Ces principes ont été consacrés par le Code N a p o l é o n . L ’art, 953 porfe : « L ’effet du droit de retour sera de résoudre
3> toutes les aliénations des biens donnés, et de faire reyenir ces
3> biens au donateur, francs et quittes de toutes charges et hypo3? thèques , sauf néanmoins l’hypothèque de la dot et des conven3» tions matrimoniales, si les autres biens de l’époux donataire ne
» suffisent p a s, et dans le cas seulement où la donation lui aura
3) été faite par le mémo contrat de mariage duquel résultent ces
» droits et hypothèques. »
C ’est donc une vérité incontestable , que la stipulation du droit
de retour lie les mains au donataire, et que celui-ci ne peut dis
poser à titre onéreux ou gratuit des biens qui y sont sujets ; o u ,
ce qui est la même chose, que les dispositions qu’il peut en avoir
faites ne préjudicient pas à ceux qui doivent profiter de.cette
stipulation , lorsque l'événement qui y a donné lieu est arrivé.
Mais- indépendamment du poiut de. d ro it, il existe-dans lo
�( 35 )
contrat de mariage de la dame D o r c e t une prohibition for
melle de la part du donateur, de porter atteinte, en aucune
manière , au droit de retour qu’il stipulait.
» Sans qu’il puisse être dérogé, par sadite fille , future épouse,
» audit droit de réversion , par aucune disposition ni autres
» actes à ce contraires. »
V o ilà une clause p roh ibitive, s’il en fut jam ais; elle interdit
à la dame D orcet, donataire , toutes dispositions des biens dont
la réversion est réservée. C’est là une des conditions de la
donation ; elle en fait p a rtie, et dès-lors point de doute qu’elle
ne doive avoir l'effet le plus rigoureux, puisqu’elle ajoute
encore, s’il est possible, à la sévérité des lois et des auteurs
qui mettent les personnes grévées du droit de retour, dans
une interdiction absolue de disposer.
Que reste-t-il maintenant à la dame Dorcet pour appuyer
sa demande ? Rien , absolument rien. Les dispositions des lois,
la jurisprudence , le sentiment de tous les auteurs , l’intention
manifeste du donateur, concourent unanimement pour écarter
dans tous les sens , l’idée même qu’elle puisse porter la plus
légère atteinte au droit que doivent recueillir les sieurs Delsol,
comme héritiers de leur p è r e , la condition prévue par le
contrat de mariage de leur sœur arrivant.
Les Magistrats, chargés par les lo is, de veiller à la conser
vation des patrimoines dans les familles , s’empresseront donc
de proscrire une démarche dont le but ( avoué publiquement)
est de dépouiller les héritiers naturels, malgré la volonté form elle de l’auteur com m un, pour enrichir des étrangers.
M . e B A S T I D , Avocat.
Me R A M P O N Avoué licencié.
1
M.e B O N N E F O N S , Avoué.
de
A
l ’imp r i m e r i e
A U R I L L A C ,
C A L D A G U É S et
PELLISSON,
IMPRIM EURS DE L A PRÉFECTURE DU CAN TA L.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
<a href="/exhibits/show/factums/thesaurus">En savoir plus sur les factums</a>
Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
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Title
A name given to the resource
[Factum. Delsol, Jean-François. 1806?]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Bastid
Rampon
Bonnefons
Subject
The topic of the resource
successions
nullité du testament
fideicommis
avancement d'hoirie
contrats de mariage
substitution
droit de retour
Description
An account of the resource
Mémoire pour Sieurs Jean-François Delsol aîné, habitant de la ville d'Aurillac, et Gabriel-Bartélémy Delsol-Volpilhac, habitant de la ville de Paris. Contre Dame Jeanne-Marie Delsol, veuve Vigier-Dorcet. En présence du sieur Desprats, habitant de la ville d'Aurillac.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
de l'imprimerie de Caldagués et Pellisson (Aurillac)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
Circa 1806
1760-Circa 1806
1716-1774 : Règne de Louis XV
1774-1789 : Règne de Louis XVI -Fin de l’Ancien Régime
1789-1799 : Révolution
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
35 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0531
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
A related resource
BCU_Factums_M0629
vignette : https://bibliotheque-virtuelle.bu.uca.fr/files/thumbnails/5/53842/BCU_Factums_M0531.jpg
Coverage
The spatial or temporal topic of the resource, the spatial applicability of the resource, or the jurisdiction under which the resource is relevant
Aurillac (15014)
Paris (75056)
Claud (seigneurie du)
Rights
Information about rights held in and over the resource
Domaine public
avancement d'hoirie
contrats de mariage
droit de retour
fideicommis
nullité du testament
substitution
Successions
-
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008d14819e85b7cd3403f65669a67781
PDF Text
Text
REQUETE
A
M E S S IE U R S
>
D U T R IB U N A L D E P R E M IÈ R E IN ST A N C E
S E A N T A RI OM;
Pour J e a n D E B A S , J e a n et H Y P P O L I T E
J U L I E N , Jean V A L E IX , M ichel
DOMAS, V i n c e n t L O N C H A M B O N ,
P i e r r e et A m a b l e S O U L F O U R , de
mandeurs et défendeurs;
Contre
N E IR O N -D E S A U L N A T S ,
défendeur et demandeur.
J oseph
.un mémoire du sieur Neiron : c’est bien le
cinquième depuis le 21 décembre 1806, veille de son
indécente et calomnieuse révocation.
Fidèle au plan qu’il s’est tracé,dès l’origine, et qu’il
a constamment suivi,, il commence par s’écrier avec un
ton d’hypocrisie : A p rès bien des incidens, la cause
se présente donc au fo n d ! I l peut s’ap pl au di r de cet
exorde, qui semble attribuer a Jean Debas les nombreux
incidens qu’il a successivement créés. E h ! quelle pudeur
pourroit l’empecher d’ajouter cette odieuse accusation à
tant d’a u tre s,p u is q u ’il a eu l’audac e , p o u r se faire un
moyen dans la plus détestable des causes , de présenter
E
ncore
A
�( 2 )
Jean Débits comme l ’auteur de la déloyale révocation qui
étoit son ouvrage, qu’il avoit écrite et signée de sa main?
Il essaye ensuite de tracer quelques faits, ou plutôt
de dénaturer ceux de la cause; il' établit une discussion
sur quelques expressions équivoques du rapport de
L c g a y , mais évite avec grand soin les points constans
de localité , qui résultent soit de l’applicntiou de dif
férons titres, soit de la vérification des experts. Il glisse
bien1plus vite encore sur les faits de possession resultans
de l’enquête; il a senti combien il eût été téméraire de
s’y engager; combien scs citations eussent paru déplacées
à côté de Fanalise de ces faits.; il a trouvé plus facile
de dire : Debas n’a ni titre précis, ni titre m uet, n i
■possession q u i puisse suppléer au titre.
O n ne rappelle pas cette évasive défense pour y ré
pondre : les moyens de Jean Débits et consorts sont dans
toute leur force; on n’a pas môme essayé de les combattre.
Il faut bien être le sieur Neiron pour persévérer, depuis
l ’enquête, à soutenir cet indigne procès.
lie mémoire est termine par de nouvelles conclusions.
L e sieur Neiron demande qu’on supprime, comme d iffiam ans et calomnieux , deux mémoii'es (q u i-n e sont
qu’ un ) signés V ï s s a c , avocat, et R o u h e r , avoue.
Cet écrit ? dit le sieur N e iro n , est diffam ant et ca
lom nieux .
Diffamant! Si cela est ainsi, qu’il s’en accuse lui-même.
T an t pis pour le sieur Neiron s’il se trouve diffamé par
des faits dont aucun, n’a été avancé sans preuve et sans
utilité.
Calomnieux ! Mais cette seule expression est une vé
ritable calomnie.
�(3)
Qn’a-t-on dit qui ne fût une vérité bien constante?
Q u’a-t-on môme avancé qui ne fût delà cause, que la con
duite tortueuse du sieur Neiron n’ait obligé de révéler?
On sait qu’en général une partie doit non-seulement
s ’abstenir de toute calom nie, mais encore éviter toute
^espèce d’injures de fait ou d’expression étrangères à la
cause.
Mais elle n’est pas obligée-, pour ménager la répu
tation de son adversaire, de taire des faits qui établissent
sa mauvaise fo i, de négliger certains de ses moyens, ou
de ne les présenter que foiblement. Ecoutons les règles
que nous traçoit à cet égard M . l’avocat général Portail,
à une audience du parlement. Ce qu’il disoit des avocats
s’applique aussi-bien à la partie.
« A u milieu de ces règles de bienséance, leur ministère
« deviendroit souvent inu tile, s’il ne leur étoit permis
te d’employer les termes les plus propres à combattre
« l ’iniquité.... Il est, même emmatière civile, des espèces
« où on ne peut défendre la cause sans offenser la per
te
«
«
«
«
«
«
cc
sonne, attaquer l’injustice sans déshonorer la partie,
expliquer les faits sans se servir de termes durs, seuls
capables de les faire sentir et de les représenter aux
yeux des juges. Dans ces cas, les faits in jurieux, dès
qu’ils sont exempts de calom nie, sont la cause même,
bien loin d’en être les dehors ; et la partie qui s’en
plaint doit .plutôt accuser le dérèglement de sa conduite que l’indiscrétion de l’avocat. »
L e sieur Neiron persuadera-t-il qu’on a pris plaisir à.
le dechircr par d’inutiles injures, pour servir un res
sentim ent in ju ste , une haine im p la c a b le ? Mais que lui
a-t-on représenté que sa conduite dans cette môme cause?
A z
�•( 4 )
est-ce la faute de Jean Debas si elle le déshonore ? est-ce
sa faute si le public l’avoit ainsi jugée? Car bien avant
que Debas eût rien écrit, le sieur Neiron se plaignoit de
Vidée peu avantageuse que le public avoit conçue de son
procès. O r , ce public ne juge pas du droit, mais du iait:
c’est donc de la conduite du sieur Neiron qu’il avoit conçu,
d’après lui-meme , une idée peu avantageuse • c’est donc
au public, et non à Jean Debas, qu’il doit s’en pvendi’e.
L u i s e u l, o u i , lui seul a encouru la peine due à la
calomnie. Si Jean Debas et consorts rappellent ici une
partie de celles qu’il a proférées, que le sieur Neiron ne
s’en p r e n n e qu’à lui-même et à son imprudente provo
cation.
lo r s q u e Jean Debas, pour établir son droit, articula
qu’il avoit en son pouvoir une clef de la petite porte
du parc, le sieur N eiro n , qui conçut toute l’importance
d’un fait qu’il ne pouvoit n ie r , l'épondit par l’accusation
la plus grave et la plus fausse.
Il osa dire que Robert D ebas, père de Jean , s’en étoit
saisi dans le château de Saint-Genest, pendant q u ilé to it
gardien des scellés , lors du séquestre de ses biens, et
de l’incarcération de lui Desaulnats.
Il osa l’accuser ouvertement de ce vol.
Il se soumit à en faire la preuve.
L e jugement interlocutoire lui en accorda la faculté.
O r , non-seulement il ne l’a pas faite, mais il a p r o u v é ,
par sa propre domestique , assignée par lu i-m em e , que
jle fait étoit impossible. Accablé par ce témoignage qu’il
ne pouvoit récuser, il a été obligé de convenir qu’en diri
geant contre Jean Debas une accusation aussi grave, il en
eonnoissoit l’insigne fausseté ; car il dit aujourd’hui que
�(5).
Debas n’avoit cette clef qu’;\ titre de bon voisinage et
fa m ilia r ité , et parce qu'avant de V aloir, lui ou ses do
mestiques passoient par-dessus les m u rs , etc.
O r , quelle calomnie plus noire qu’ une fausse imputation
de v o l, à jamais gravée dans un registre public?
Bientôt il accusa Jean Julien et consorts d’une falsifica
tion d’exploit'; il vient de rendi’e cette accusation publique
dans son dernier mémoire, signé P agès-M eim ac , pag. 6
et 7.
Dans une signification du 5 septembre 1806, entiè
rement écrite de sa m ain , il renouvelle cette accusation,
et la rend commune au juge lui-m em e, en imputant à.
M . Conclion d'avoir ( comme juge de paix ) gardé lô
silence sur une altération d'exploit. , pour donner à
Julien et consorts l'avantage d'un débouté d'opposition
contre lui.
Y eut-il jamais de plus infâme délation ?
Dans le même acte il accuse M. Tou rn adre, magistrat
respectable , du plus indigne abus de confiance.
Et ces reproches faits aux témoins sont autant d’impu
tations aux parties pour qui ils ont déposé.
Enfin il récuse tous les témoins comme subornés à prix
d’ai’gent, et il ose élever le soupçon qu’on ait détourné
pour cet objet le produit des charités publiques.
Y eut-il jamais d’homme à qui tous les moyens fussent
bons jusqu’à ce point ? Y eut-il jamais tentative de diiïamation plus odieuse et plus inutile?
Sa révocation n’eût été qu’ une insulte pour le jugearbitre, et une perfidie pour les parties, s’il eut gardé le
silence sur les prétendus motifs qu’il y apportait.
« Mais le besoin d’ une mauvaise cause lui fournit matière
�( 6)
à do nouvelles .calomnies, i l osa d’abord imputer à Dcbns
une supercherie ; et-coin nie il a voit accusé un .juge.de
paix d’avoir favorisé une altération d'exploit , il osa écrire
et publier que M . le premier président, son arbitre,¡pour
faciliter sans doute celte supercherie, avoit commis une
/erreur grossière et un excès de pouvoir.
, Il osa, dans un écrit, et au bureau ,de conciliation.,
outrager publiquement M . Soalhat , juge de paix de
cette ville, qu’il ne trouva pas assez complaisant.
Il se répandit en invectives, dans une foule d’actes,
contre ses parties, leur expert, l’arbitre, les juges; et en se
prétondant Flionnête homme exclusif, il versa le poison de
la c a l o m n i e sur les hommes les plus respectables par leurs
dignités et leurs vertus.
T o u t cela n’étoit que des mots; il falloit des faits. A
une fausse accusation de v o l , il joignit line aussi fuusss
imputation de faux.
Il la répandit d’abord sourdement dans le public ; il
s’en expliqua ensuite ouvertement dans le cabinet de
M . le président du trib u n al, en présence de deux avoués
et de l’avocat de Jean Debas. O n m’a tro m p é, d it-il; on a
présenté une requête à l’arbitre, et 011 m’en a donné une
fausse copie : il fa u d ra que tout le inonde sache que
m on antagoniste est u n fa u ssa ire. Ce furent ses propres
expressions.
Il a renouvelé ensuite cette accusation dans un mémoire
im p rim é, sans avoir jamais pu en rapporter ni preuve
ni indices.
E t Jean Debas, plongé par ses mains dans une misère
profonde, dans un état de dépérissement aggravé par le
chagrin, auroit dû courber lâchei.icnl la tete, et souffrir,
�(
7
)
parce qu’il ¿toit pauvre, d’être attaqué clans son honneur,
le seul bien qu’on ne lui eût pas encore ravi !
II eut été contraint de se taire sur la conduite astu
cieuse et perfide du sieur Desaulnats!
D e ne pas révéler, quelques diffamans qu’ils pussent être,
des faits constans, des moyens honteux qu’on avoit mis
en œuvre pour lui enlever tout à la fois sa fortune et la
protection des lois, et se soustraire à l’autorité de la justice!
Il auroit fallu enfin n’en parler qu’avec ménagement,
et sembler reconnoître, par une lâclie timidité, la vérité
des assertions du sieur Desaulnats !
Il n’a* pu ni dû en être ainsi : ces faits étoient de la
cause; ils étoient établis; et si Jean Debas avoit em ployé,
pour les rendre, quelque expression trop d u re , elle ne
seroit que le fruit d’une juste et profonde indignation;
elle seroit plus que justifiée par les imputations graves
et calomnieuses qui lui étoient faites, et le sentiment de
son innocence.
Si la cause du sieur Neiron étoit si bonne, pourquoi
employoit-il d’autres armes que celles de la vérité ?
Pourquoi ne conservoit-il pas la posture d’un homme
loyal j en convenant des faits, sauf à en combattre les
inductions ?
v
Pourquoi clierchoit-il à nuire à ses adversaires par de
fausses imputations dont il sej'a iso it autant de m oyens,
par une diffamation d’autant plus à craindre qu’elle est
couverte par des expressions doucereuses, et le voile de
l ’h yp o crite ?
Quel est donc celui qui a employé une honteuse dé
fe n s e ?
Quel est le
calom niateur
?
�(8)
Quel est celui contre lequel on a fait usage d'une atroce
diffamation, sans preuve comme sans utilité?
Quel est celui qui est fondé à en demander vengeance ?
Par ces raisons, et autres qui seront déduites en plaidant -,
E t en persistant dans les conclusions prises par les re
quêtes des 29 ju in , 8 juillet et 18 novembre 1807;
Les exposans concluent à ce qu’il plaise au tribunal
leur donner acte de ce qu’ils ajoutent à leurs conclusions ;
et y faisant d ro it,
Sans s’arrêter ni avoir égard à la demande en suppres
sion formée par le sieur Neiron , dans laquelle il sera
déclaré, non recevable , ou dont il sera débouté ,
O r d o n n e r que les divers écrits du sieur Neironcontenant, contre Jean Debas et consorts,
des accusations de vol d’une clef, de falsification de pièces,
de supercheries, de subornation de témoins à prix d’ar
gent, seront et demeureront supprimés, comme portant
des imputations fausses et calomnieuses; condamner ledit
sieur Neiron , par forme de réparation, à six mille francs
de dommages-intérêts envers les exposans, applicables,
de leur consentement , aux pauvres des hospices de cette
ville ; ordonner que votre jugement à intervenir sera
transcrit sur les registres du tribunal, en marge du juge
ment interlocutoire qui contient l’accusation de v o l , et
Desaulnats,
affiché au nombre de cinquante exemplaires ; sous la
réserve de toutes autres fins et conclusions.
M °. V I S S A C , avocat .
M e. R O U H E R , avoué licencié .
A RIOM, de l'imprimerie de THIBAUD-LANDRIOT, imprimeur de la Cour d’.Appel.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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A name given to the resource
[Factum. Debas, Jean. 1807?]
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Vissac
Rouher
Subject
The topic of the resource
diffamation
Description
An account of the resource
Requête à messieurs du Tribunal de première instance séant à Riom ; pour Jean Debas, jean et Hyppolite Julien, Jean Valeix, Michel Domas, Vincent Lonchambon, Pierre et Amable Soulfour, demandeurs et défendeurs ; contre Joseph Neiron-Desaulnats.
Publisher
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De l'imprimerie de Thibaud-Landriot (Riom)
Date
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Circa 1807
Circa An 11-1807
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
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The nature or genre of the resource
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BCU_Factums_M0530
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Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
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MEMOIRE
POUR
Jean D E B A S , meunier, habitant du lieu de
S a in t - G e n e st ;
CONTRE
Le sieur N E IR O N -D E S A U L N A T S , proprié
taire, habitant de la ville de Riom.
D a n s son dernier mémoire intitulé Résultat.... le sieur
Neiron a glissé quelques pages relatives à la révocation
du compromis, c’e s t - à - d ir e , à la cause du billet de
3000 francs.
S’il l’avoit fait pour l’instruction de ses juges, il auroit
manqué son b ut. Mais sa tactique n’est pas de parler
A
\
�( *}'
toujours le langage de la vérité; il lui importe souvent
de la déguiser ou de la taire ; de se plaindre amèrement
de ses adversaires, lorsqu’il craint les reproches ; de les
dénoncer comme des imposteurs,lorsqu’il lés trompe; de
se fâcher bien haut pour qu’on ne les entende pas..
Il ne faut donc pas s’étonner de l’entendre crier.au
voleur > accuser Jean Debas de supercherie, de mau
vaise f o i , d’en impose?'à la ju stice et au public; impu
ter à l’arbitre une erreur grossière, un excès de pou
voir bien caractérisé ; dénoncer comme coupable de la
plus indécente partialité, parce qu’il n’a pas menti à sa
c o n s c ie n c e , un expert qui mérite et possède la confiance
publique; se plaindre enfin de Vidée peu avantageuse
qu’on a conçue de son procès : tout cela est dans son rôle ,
et jamais rôle ne fut mieux rempli*
Mais peut-on se défendre d’un sentiment d’indignation,
lorsqu’après avoir, à force d’artifices, réduit Jean Debas
aux plus dures extrémités , l’avoir plongé dans la misère,
ne trouvant plus rien à lui enlever > il ose encore lui en
vier jusqu’il l’intérêt que le public lui témoigne, et aux
charités qui le font vivre? Nouveau Protée, il a eu l’art
d’échapper jusqu’ici aux plus légitimes poursuites : par
v i e n d r a i t -il encore h tromper ses juges? N on , n on, la
vérité triomphera de l’injustice!
Sans eau pour son moulin , sans pain pour sa fam ille,
consumé de misère et de chagrins, conduit enfin aux
portes du tombeau par une main perfide, l’infortuné
Debas réclame aujourd’hui la protection de la justice; il
l’obtiendra.
E t c o m m e n t lui seroit-ellc refusée, puisqu’il ne demande
�( 3
)
rien qui ne soit rigoureusement juste •, puisque pour l’éta
blir , il n’a besoin ni d’une astuce qu’il ne sauroit em
ployer, ni même de ces moyens que le talent sait ména
ger avec adresse , dès qu’il n’a rien à dire, et qu’il lui
suffit du langage des faits ? Il est temps sans doute que la
justice et le public les connoissent et les apprécient ;
mais ce n’est ni le lieu, ni l’occasion de tout dire; on se
retranchera dans ceux qui ont un i*apport direct à la
cause actuelle, qui n’en est une que parce queDebasplaide
avec le sieur Neiron.
F A I T S .
Jean Debas est propriétaire du moulin du B re u il,
qui existe depuis quatre siècles : placé près du ruisseau
de S;iint-Genest, il reçoit conséquemment, depuis quatre
siècles, l’eau de ce ruisseau par un béai qui la détourne et
l’y conduit.
Ce béai, creusé entre diverses propriétés particulières,
a été enfermé depuis dans l’enclos du sieur Desaulnats,
fo rm é, comme le dit fort bien l’expert C aillie, de pièces
et de m orceaux; mais on a conservé soigneusement les
intérêts des propriétaires du moulin du B re u il, et des
moulins inférieurs, en prenant dans l’intérieur de l’enclos
des précautions pour que l’eau leur fût toujours trans- m ise, et principalement en leur donnant une porte dont
le propriétaire du moulin du Breuil avoit la clef, et par
laquelle il entroità toute heure du jour et de la nuit dans
l’enclos du sieur N eiron, pour surveiller son b é a i, et y
diriger l’eau par des ouvrages, lorsqu’elle y manquoit. Ce
A 2
�( 4 )
droit lui étoit commun avec les propriétaires des mou
lins inférieurs et ceux d’un p r é , dit du Revivre : la jouis
sance n’en avoit jamais été troublée.
Cette porte fut murée dans les premiers jours de plu
viôse an 11. Le 22 du même m ois, Debas intenta au sieur
Desaulnats une action possessoire.
L e sieur Neiron accourut; avec son ton de bonhomie
ordinaire , i l se défendit de v o u l o i r faire au meunier le
moindre tort ; il offrit de s’en remettre à. la décision du
juge de paix.
Debas é t o i t sans défiance; il -accepta. L e juge de paix
é c r i v i t s u r l’original d’exploit que les parties se départ o i e n t de l’instance, et le nommoient arbitre: il n’y eut
ni procès verbal, ni compromis.
De long-temps le sieur Desaulnats n’eut le loisir d’ac
compagner le juge de paix sur les lieux ; l’action posses
soire s’éteignit, et il ne se souvint plus alors des pouvoirs
qu’il n’avoit donnés que verbalement. On aperçut le
piégc; mais il n’étoit plus temps; et avec la possession la
plus constante, Debas fut obligé de passer à une action
pétitoire. L ’exploit fut donné le 9 pluviôse an 12.
Pendant ce temps le moulin avoit continué d’aller :
l’eau du ruisseanu de Saint-Genest lui avoit été continuel
lement t r a n s m is e par son béai ordinaire : bientôt après
elle en fut détournée, et jetée dans un lit plus bas.
A lo rs, demande en réintégrande, sur laquelle le meu
nier succomba; il fut réduit à suivre son action pétitoirc.
On proposa u n compromis qui fut accepté. L e sieur
Neir on indiqua M . Redon, premier président, comme
�(5 )
possédant toute sa confiance. Debas lui donna volontiers
la sienne, et ne voulut point d’autre arbitre.
Mais il avoit appris à se défier, et l’avoit, certes, bien
appris à ses dépens; il voulut un compromis : il fit plus;
et craignant qu’avec le sieur Neiron cette précaution ne
fût pas suffisante, il exigea un dédit de 3000 francs ù la
charge de celui qui révoqueroit les pouvoirs de l’arbitre.
T out cela fut convenu le 28 prairial au 12. M e. Bonville , notaire, fut Je ministre de l’acte.
D e leur c ô té , les propriétaires du pré du R e v iv re ,
privés de l’eau comme Jean D ebas, avoient demandé
leur maintenue, et, plus heureux, l’avoient obtenue par
deux jugemens par d éfau t, du juge de paix : le sieur
Desaulnats étoit condamné à la leur laisser, suivant leur
possession, tous les samedis, depuis midi jusqu’au coucher
du soleil, entre Notre-Dam e de mars et celle de sep
tembre.
Ils s’empressèrent, en signifiant ces jugemens, de som
mer le sieur Neiron de les exécuter -, mais il eut encox-e
le talent d’obtenir de leur bêtise un consentement de
cumuler le pétitoire et le possessoire, et de faire dili
gences pour faire statuer sur le tout, quoique le posses
soire fût ju gé, sous l’offre qu’il voulut faire croire gra
tuite, de leur donner l’eau pendant douze sam edis,
tandis que le jugement la leur donnoit sans restriction.
Les simples ! ils crurent que le sieur Neiron laisseroit
juger le pétitoire quand on voudroit; ils penserent avoir
tout gagné , en obtenant son consentement d’executer,
pendant douze sam edis, deux ju g e m e n s passés en force
�( V
A ,
de chose jugée : ils furent bientôt désabusés, et se joi
gnirent à Debas pour l’arbitrage.
On voit dans le compromis, que les parties sont en
instance sur la privation de la p o r t e ;......... « que Debas
« étoit prêt à demander que le sieur Neiron fût tenu de
a rendre au ruisseau qui prend sa sourcë dans son enclos,
« le même cours qu’il avoit avant le 24 ventôse 'précé« d en t, etc. »
Ces ternies : Qui p r e n d sa source dans son enclos, sont
glissés lù fugitivement j et appartiennent plus à la rédaction
du notaire q u ’à un aveu d’un fait, émané de Jean Debas:
la construction de la phrase l’annonce , et la suite le
prouve.
On voit en effet que bien loin d’accepter cet aveu
prétendu, pour le rendre irrévocable, le sieur Neiron
dit en réponse : Q u i l entend -protester contre toutes
les demandes et fa its ci-dessus. Et plus bas il ajoute
encore : Q u'il renouvelle toutes ses protestations contre
toutes les demandes c i-d e s s u s , tant dans le fa it que
dans le droit. D ’où il faut conclure au moins que le
sieur Desaulnats, bien loin de regarder ces expressions
comme l’aveu d’un fait, et de le rendre irrévocable en
l ’ a c c e p t a n t , les a considérées lui-même comme des termes
indifférens, nppartenans au style du notaire, et unique
ment destinés à rendie son idee.
C’est après cet exposé que les parties compromettent,
« pour mettre fin à ces contestations, ainsi q u à toutes
« celles qu i pourraient naître, et à tous les dommages« intérêts demandés, ou qui pourroient l’être...... pour
�( 7 )
être jugées en rigueur de droit......... par M . R ed o n ,
premier président de la cour d’appel.........., consen
tant qu’il s’adjoigne telles personnes qui lui conviendront. »
Quant à la peine de 3000 francs, elle ne fut point in
sérée dans le compromis -, mais pour mieux en assurer
l’exécution, il fut consenti deux billets de 3000 francs
chaque : l’un souscrit par le sieur Desaulnats; l’autre, par
Jean Julien, pour Debas qui ne sait pas éci'ire. Ces deux
billets furent déposés entre les mains de M e. B on ville,
sous l’unique condition de les r e m e t t r e à l’une des parties,
dans le cas où les pouvoirs de l’arbitre seroient révoqués
par l’autre.
Après ce compromis, et une année d’absence de l’ar
bitre , le sieur Desaulnats employa deux mortelles années
à élever desincidens, et à fournir six énormes mémoires,
dont l’objet unique et constant fut de rendre inintelligi
ble la cause la plus simple et la plus claire.
Dans ces mémoires, auxquels on se crut pendant quel
que temps obligé de répondre , la question relative à la
propriété de la grande source, élevée par Debas, fut
constamment discutée par le sieur Desaulnats, sans faire
usage une seule fois de l’aveu prétendu porté au com
promis, ni d’aucune fin de non-recevoir ; il produisit an
contraire, devant l’arbitre, tous les titres qu’il crut ca
pables de démontrer sa propriété.
Enfin , le 29 juillet 1806, l’arbitre r e n d it un jugement
interlocutoire, par lequel il ordonna tout à la fois une
enquete pour connoître la vérité de la possession pré
tendue par Debas, et une vérification par experts, dont
«
«
te
«
�C 8 )
l'un des principaux objets est de savoir si la grande source
de Saint-Genest naît dans l'enclos du sieur Desaulnats,
ou bien dans une enceinte particulière et indépendante
de l’enclos. L ’arbitre ne l’a pas rendu seul ; il étoit au
torisé par le compromis à s’adjoindre telles personnes qui
lui conviendroient; il a eu la délicate attention de s’ad
joindre un conseil : c’est ce qu’on voit dans le jugement
par ces termes usités : E u avis au conseil. Sans doute ce
conseil, qui n’est pas nom m é, a été bien choisi et bien
digne de l’être.
Ce jugem ent, rendu exécutoire par M. le président
du tribunal c iv il, a été signifié au sieur Desaulnats le
18 août. Les experts ont été respectivement nommés sans
aucunes réserves; le sieur Desaulnats a ensuite exécuté le
jugement dans tous les points de vérification : il a discuté
devant les experts, comme devant l’arbitre, la question
de propriété de la source, sans élever aucune espèce de
fin de non-recevoir contre D ebas, ni se faire aucune
réserve. Il a fourni aux experts, non-seulement les titres
qu’il avoit produits devant l’arbitre, mais encore ceux
qu’il ne lui avoit pas présentés; et ce qui est remarquable,
c’est q u e de. tous ces titres est sortie précisément la preuve
la plus complète que jamais la source n’avoit appartenu
au sieur D e s a u l n a t s , qu’il p’avoit jamais pu la posséder
un seul instant.
Bientôt après le dépôt du rapport des experts, qui ont
été d’accord sur le p la n , le nivellement, et Inapplication
de tous les titres, et divisés seulement sur quelques
inductions, le sieur Desaulnats.a requis le transport de
l’arbitre ; et la descente a eu lien le samedi 20 décembre
dernier,
�(9 )
dernier, plutôt sans doute pour ne rien refuser au sieur
Neiron, que parce qu’elle pouvoit être utile. Elle étoit
achevée, et l’arbitre repartoit, lorsque le sieur Néiron
lui dit qu’on avoit surpris sa religion, en lui faisant or
donner la vérification d’un fait avoué dans le compromis;
qu’il lui remettra le lendemain un mémoire pour le prou
ve r; qu’il n’entend point être jugé sur cette question.
L ’arbitre lui répond qu’il lira attentivement ce mémoire,
aussitôt qu’il l’aura reçu.
L e dimanche 2 1 , le sieur Desaulnats lui fait remettre
(on ne dit pas par qui) ce mémoire, dans leq u el, pour
la première fois, il parle de l’aveu prétendu fait par
Debas dans le compromis ; se plaint de ce que la ques
tion relative à la propriété de la source a été insérée dans
le jugement intevlocutiore, et dit qu’il ne doit pas être
« jugé sur cette question ; que vraisemblablement il ne
« le sera point ; qu’il en a pour garant Tim partialité,
« la justice, qui président à toutes les décisions de M . le
« juge-arbitre, et sa délicatesse. »
Dans ce même m ém oire, il prend des conclusions
devant l’arbitre.
Il n’est pas hors de propos d’observer ici qu’en en
voyant ce m ém oire, il osa faire proposer à l’arbitre de
se départir de la connoissance de l’affaire, à peine de
révocation : c’est lui qui l’a d it; et ceux devant qui
il l’a dit savent si Debas en impose.
Quel talent prodigieux ! s’il eût réussi, il eut rempli
un triple b u t;
i° . D e faire cesser l’arbitrage, e t d’éviter le jugement
prochain de l’affaire ;
f
B
�( 10 )
2°. D e s’exempter de la peine compromissoire ;
3°. D e rejeter sur l’arbitre tout l’odieux de son pro
cédé ; et c’est toujours en quoi il brille.
On pense que la réponse de l’arbitre fut sèche. Ce
fut alors qu’il répondit qu’on lui proposoit une lâcheté :
expression que le sieur Neiron a si indécemment et
maladroitement relevée dans son mémoire.
L e lendemain 2 2 , il lui signifie, par le ministère de
M orand, huissier, « qu’ il révoque les pouvoirs qu’il lui
« a donnés -par le com prom is ; q u en conséquence, il
« ait à s’abstenir de la connoissance des contestations
« soum ises à son arbitrage, » Et pour que l’arbitre ne
d o u t â t pas des pouvoirs de l’huissier, la copie est écrite
de la main du sieur Neiron.
L e même jour, il fait signifier un acte au greffe du
tribunal c iv il, par lequel, en dénonçant la révocation,
il fait défenses de recevoir le dépôt d’aucun jugement
arbitral.
Pourquoi ces excessives et insultantes précautions? Estce que par hasard les prétentions du sieur Neiron n’auroient pu s’accorder avec ïim p a rtia lité, la ju stic e , la
délicatesse du juge-arbitre, qu’il reconnoissoit encore la
veille?
Quoi qu’il en so it, cette révocation fut promptement
connue de Debas. .P riv é , après trois ans d’espérance,
d’une décision qu’il avoit le droit d’attendre; replongé
dans les longueurs d’un procès à poursuivre en justice
réglée, il eut recours au seul remède, à l’unique res
source qui lui restoit, pour avoir moyen de se remettre
en lice contre un redoutable adversaire , et le forcer
�(il )
enfin à lui rendre le bien qu’il a ravi ; il reclama de
M e. Bonville la remise des deux billets.
Suivant la loi de son dépôt, M e. Bonville les lui livra,
après s'être assuré chez l’arbitre de l’existence de la ré
vocation.
L e 5 janvier dernier, le sieur Desaulnats fut cité en
conciliation devant le juge de paix de l’E st, sur la demande
en payement de son billet; il y répondit par cinq ques
tions, et fit une scène indécente au juge de paix.
On s’attendoit à une foule de difficultés et d’incidens;
le sieur Desaulnats en est si fertile ! mais on étoit loin de
prévoir toutes les ressources de son imagination. Debas
ne savoit pas encore que le sieur Neiron avoit pu se
faire contre lui une créance de 3000 f r . , en le privant
d’une décision arbitrale, en révoquant le compromis.
Cependant Julien et lui reçurent, le 13 j a n v i e r , une
citation en conciliation devant le juge de paix de l’Ouest
sur la demande du sieur Desaulnats, en payement de ces
3000 fr.
Dans cette citation, le sieur Desaulnats expose « que
cc Jean Julien et Debas ont seuls encouru la peine con
te ven u e, en cas de refus de se soumettre au jugement
« que rendroit l’arbitre, pour avoir d it, après le com« prom is, le contraire de ce qu’ils avoient dit avant;
« savoir, etc. . . . . . que les conséquences qui en pou« voient résulter contre lu i, s’il ne se fût pas opposé à
« ce que l’ax*bitre en fît un des o b j e t s de son jugement,
« l’ont mis dans la nécessité de révoquer les pouvoirs
a qu’il lu i avoit donnés,* que cette l’évocation ayant été
a nécessitée par le fait desdits Julien et D eb as, c’est la
B 2
�( 12 )
« même chose que s'ils Vavoient révoqué eux-m êm es,
« et par là ils ont encouru la ’p eine du dédit. »
Debas et Julien, qui avoient souscrit le billet, conçu
rent de la méfiance en recevant une citation de ce genre;
Debas étoit d’ailleurs en trop mauvais état pour faire le
voyage; ils donnèrent de concert une procuration , sans
autre pouvoir que celui de déclarer qu’ils n’entendoient
pas se concilier.
A lors, grand bruit à l’audience de conciliation. L e sieur
Desaulnats requiert la comparution des parties en per
sonne ; le juge de paix déclare qu’il y est personnellement
intéressé , parce qu’on a voulu le récuser ( quoique la
procuration n’en dise pas un mot ) ; il remet la concilia
tion de huitaine, et ordonne que les cités y comparoitront en personne»
A la huitaine personne ne parut ; la loi n’exige nulle
part qu’on comparoisse en personne, ni qu’on se concilie
deux fo is, et ne donne pas au médiateur le pouvoir d’y
contraindre.
Cependant Debas assigna le sieur Neiron; et, dans son
e x p lo it, il accepta les aveux et reconnoissances faites par
le sieur Desaulnats, dans sa citation du 13 janvier, qu’il
avoit consenti le b illet, et que la peine compromissoire
étoit due par celui qui avoit révoqué le compromis.
D epuis, le sieur Desaulnats a fourni des défenses qu’on
ne lui demandoit pas ; il a obtenu un jugement par défaut
qui joint les deux demandes, et partout il reconnoîtencore
que les 3000 fr. sont dus par celui qui a révoqué le com
promis et trompé Vautre.
C’est en cet état que la cause se présente.
�( r3 )
‘ A n premier aperçu , on est teoté de demander où est la
question ; et en effet il n’y en a pas. L ’esprit le plus simple
sait dire que la peine est due par le sieur Desaulnats,
parce qu’ il a révoqué les pouvoirs de Varbitre ,* qu’il l’a
d o it, parce que le dépositaire, suivant la loi de son dépôt,
dont on n’a pas le di’oit de lui demander compte, a remis
les deux billets à Debas; qu’ainsi il est démontré que
telle étoit la condition que les parties lui avoient prescrite.
Mais ce n’est pas là le compte du sieur Neiron ; il con
vient qu’il a révoqué, maisiil prétend ne pas devoir la
peine. Vous m’avez trom pé, dit-il à Debas , et vous avez
surpris la religion de [l’arbitre. Vous avez, par super
cherie, mis en question ce qui étoit avoué par vousm em e; et l’arbitre, plutôt que de se renfermer dans les
termes de sa mission, et au mépris du compromis qu’il
n’a pas voulu lir e , a commis un excès de pouvoir en
adoptant ce système , et en soumettant à la vérification
d’experts, à mon insçu, un point de fait constant et reconnu
par le compromis.
D e l à , de cette erreur grossière, de cet excès de pou
voir de l’arbitre, s’écrie le sieur Neiron ( car c’est ainsi
qu’il s’est exprimé dans ses écrits, ou à l’audience par
l’organe de son avoué ); de là résultoit nécessairement la
perte de mon procès. J ’ai donc été forcé à la révocation;
elle est donc de votre fait plutôt que du mien : je ne dois
donc pas la peine. C’est là dans toute sa force l’argument,
le seul argument du sieur Neiron.
S’il en étoit ainsi ; si Debas eût usé de supercherie,
•l’arbitre d’excès de pouvoir; s’il en eût résulté un dom-
�( H )
mage pour le sieur Desaulnats, notamment la perte de
son procès ; si enfin le seul remède à ce mal eût été la
révocation, on convient facilement qu’il auroit eu un
I
prétexte.
11 s’agit donc uniquement d’exam iner,
i°. Si, à supposer que le sieur Desaulnats ait été trompé,
comme il le prétend, sa révocation seroit légitime dans
le droit ;
2°. Si dans le fait il y a eu supercherie, excès de pou
voir qui eût c o m p r o m i s ses interets.
Si le sieur Neiron alloit jusqu’à prétendre que la peine
compromissoire n’est pas due, qu’elle n’est que commi
natoire , on n’auroit besoin, pour lui répondre , ni des
anciennes ordonnances sur les arbitres, ni de la jurispru
dence des arrets, ni de la doctrine des auteurs, qui Pauroient bientôt confondu ; il suffiroit de lui opposer cet
éternel principe, si fortement exprimé dans le Gode civil,
que toutes les conventions qui ne sont pas contraires aux
bonnes mœurs doivent être rigoureusement et littérale^ment exécutées, et de l’opposer lui-même à sa prétention,
Rien de plus positif en effet que les dispositions du
Code c iv il, soit sur les conventions en gén éral, soit sur
les cas particuliers, Arrêtons-nous à ces dernières,
L ’article i iÔ2 s’exprime ainsi : « Lorsque la convention
« porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une
« certaine somme, à titre de dommages-inférêts , il ne
« peut être alloué, à l’autre partie une somme ni plus
« forte n i moindre*
Et c’est après cette disposition, que l’artiete 1175 ajoute :
�( i5 )
t< Toute condition doit être accomplie de la manière
« que les parties ont vraisemblablement voulu et entendu
« qu’elle le fût. »
O r , il est reconnu, d’une part, que les billets sont une
peine compromissoire; conséquemment une condition du
compromis.
E t il est constant, de l’autre, que les parties ont voulu
et entendu qu’elle fûtjexécutée intégralement, puisqu’au
lieu de l’insérer dans le compromis, elles en ont con
senti des billets causés valeur reçue, et qu’il sufïisoit alors
à Debas, sans même qu’on pût l’accuser de mauvaise foi,
de présenter au sieur Neii’on sa signature, et de lui dire:
Je n’ai pas autre chose à vous opposer, pas d’autre
explication à vous donner, que votre écriture et votre
billet.
Enfin le sieur Desaulnats n’a-t-il pas dit dans tous les
actes du procès « que Debas a nécessité par son fait la
cc révocation ; que c’est la même chose que s’il avoit
« révoqué lui-même -, et par là il a encouru la peine
« du dédit ? » Ailleurs : « Que D ebas a encouru la peine
« compromissoire ? » Ailleurs encore : ce Qu’il a été sous« crit deux billets de trois mille livres chaque, causés
« en cas de révocation de Varbitre, pour être remis à
« la partie qu i auroit été trompée par Vautre ; et que
« Debas, par sa'supercherie, . . . . a encouru la peine? »
N ’a-t-il pas enfin demandé lui-même, contre Debas, une
condamnation de trois mille livres, toujours pour la peine
convenue ?
.
Il y a donc une peine convenue j elle est donc irré
vocablement de trois mille livres ; le sieur Neirou seroit
�r
( 16
)
donc non recevable à prétendre le contraire; il ne s’agit
donc enfin que de juger une-simple question de fait, de
savoir de quel côté est la supercherie , quelle est celle des
parties qui a trompé Vautre. O r , jamais fait ne fut plus
facile à vérifier; jamais il n’y eut de vérité plus claire et
plus évidente que les mensonges du sieur Neiron.
C’est ce qu’on verra bientôt. Mais pour achever d’écarter d’abord ce qui peut être indépendant du fait, sup
posons-le établi , et voyons »quels en eussent été les
e iF e ts , les c o n s é q u e n c e s .
C
Que d it le s ie u r Desaulnats?
Que la invocation a été nécessitée ,* qu’elle étoit son
seul remède ; qu’il a été fo r c é d’y recourir.
Il est écrit dans le Code judiciaire, dans les anciennes
ordonnances, dans les lois même des Romains, que le
sieur Neiron a citées, que les arbitres ne peuvent rien
faire ni juger hors des termes du compromis.
Toutes ces lois, dont l’article 1028 du Code de pro
cédure n’est que le résum é, prononcent la nullité des
jugemens par lesquels les arbitres auroient prononcé
hors des termes du compromis ou sur choses non de
m andées. Elles permettent aux parties de la demander
et de la faire prononcer.
D ’où il fautconclure, sans contredit,qu’en ouvrant cette
v o ie , et en n ’ o u v r a n t que cette vo ie, la loi avoit réservé
au sieur Neiron un remède pour le mal dont il se p lain t,
et ne lui avoit conséquemment pas permis de trahir la
confiance de son adversaire, et de faire une insulte pu
blique à son juge, avant de savoir ce qu’il jugeroit, et sur
quoi il jugeroit.
A in si,
�C *7 )
A in s i, à supposer le mal existant, il n’étoit pas sans
remède. La révocation n’étoit donc n ijforcée ni néces
saire : elle n’étoit donc pas légitime sous ce point de vue.
Mais le sieur Neiron avoit-il dans le fait éprouvé, ou
devoit-il nécessairement éprouver quelque tort du juge
ment de l’arbitre ? Il est encore facile de démontrer
que non.
Q u’avoit jugé l’arbitre au sujet de la grande source ?
rien. Qu’avoit-il à juger sur ce même objet? i-ien. Enfin,
que devoit-il juger ? personne n’en sait rien.
Les parties avoient compromis sur plusieurs chefs de
demande , dont l’unique objet étoit de faire rendre à
Debas sa p o rte, son b é a i, et l’eau de son moulin. Il n’a
jamais demandé, il ne demande encore aujourd’hui rien
autre chose.
Pour parvenir à connoître les droits des parties, l’ar
bitre non-seulement avoit le droit, mais étoit s t r ic t e m e n t
obligé de prendre tous les éclaircissemens secondaires
qu’il pou voit se procurer ; il n’avoit même pas besoin
rigoureusement de conclusions précises des parties à cet
égard.
Debas demande la vérification d’un point de fait : l’ar
bitre croit ce fait instructif ; il ordonne la véi’ification
avant fa ir e d r o it, et sans préjudice desjins. Ce n’est
là qu’une instruction , qu’un interlocutoire dont le juge
pouvoit s’écarter, même de son propre mouvement, dans
son jugement définitif.
L e sieur Desaulnats avoit-il à s’en plaindre? Il pouvoit
ne pas l^exécuter, se faire des réserves, requérir de l’ar
bitre qu’il s’abstînt de juger cette question en définitif:
C
�( i8 )
l ’arbitre se seroit sans doute empressé d’accéder à ses
réquisitions, s’il l’eût dû. L e sieur Desaulnats l’a reconnu
lui-même dans le mémoire qu’il lui avoit annoncé le 20
décem bre, qu’il lui fit remettre le 2 1 , veille de la révo
cation, et dans le q u e l, entraîné par la force de la vérité,
il vantoit si fort Vim partialité, la ju stice, la délicatesse
du juge-arbitre.
Il n’y avoit donc rien de jugé ; mais il n’y avoit de plus
rien à juger sur la propriété de la gi-ande source. L e juge
ment définitif ne pouvoit priver le sieur Neiron de la
propriété de cette source pour 1 adjuger a Debas , qui n’y
a jamais p r é t e n d u , et qui n’a réclamé que sa prise d ’e a u :
t o u t au plus le juge eût-il pu faire un motif de son juge
ment , de ce que le sieur Neiron n’en a pas la propriété,
si ce point de fait eût été démontré à ses yeux : c’étoit le
pis aller. O r , en supposant que l’arbitre l’eût fait ainsi,
ce que personne ne pouvoit savoir, et ce que le sieur
Neiron pouvoit facilement em pêcher, si la question étoit
indue , il n ’y auroit eu dans le fait ni un tort réel, ni un
m otif légitime de révocation sous ce second rapport.
E n fin , et c’est ici qu’il faut achever de confondre le
sieur N eiron, toujours en lui opposant des faits, ses pro
pres faits, qu’on suppose, si l’on v e u t, que le mal pré
tendu existant eût été sans remède , qu’il y eût eu même
un mal réel, inévitable, et déjà résultant du jugement
interlocutoire; qu’on suppose tout ce qu’on voudra ; qu’on
aille même jusqu’à dire que le sieur Desaulnats étoit à la
veille de voir nécessairement juger que la grande source
de Saint-Genest n’étoit pas sa p ropriété, il resteroit à
examiner si réellement c’est par supercherie , erreur,
�( *9 )
excès de pouvoir, et à son insçu> que la vérification de
ce point de fait a été ordonnée.
« Ces questions étant hors du compromis, s’écrie le
« sieur N eiron , page 14 de son résultat, elles ne de voient
« pas être soumises à l’examen des experts. Gomment se
« sont-elles glissées dans le jugement interlocutoire? Il ne
« paroît pas que la vérification en ait été demandée. M ais
« ce qui ri est pas douteux, c’est que par les conclu« sions relatées dans le jugem ent, et par la signification
« qui m’a été faite par G lavel, huissier, il « y en a pas
« qu i tendissent à f a ir e vérifier si les eaux en quesa tion naissent dans mon enclos ou dans une enceinte
« indépendante. »
Eh bien! ouvrons le jugement ; voyons les conclusions
qu i y sont relatées , et ce jugement lui-même va dire au
sieur Neiron , mentiris impudentissiniè ; à qui ? à la
justice.
D ’après les qualités et l’exposé des faits, il est dit :
« Debas et consorts nous ont répété ce qu’ils avoient dit
« devant le juge de p a ix , ou au tribunal c iv il, etc.
« L e sieur Desaulnats, de son côté, n o u s a d it.........
« que des sources abondantes naissent dans son enclos,
« dont la plus fo rte , dite la source de Saint-G enest,
« fournit dès son origine aux fontaines de la ville de
« R io m , et au jeu du moulin de l u i , Desaulnats, etc.
« Il conclut au débouté de toutes les demandes péti« toires, etc.
« Debas et consorts ont répondu qu’ils désavouent
« form ellem ent que la plus fo r te des sources, celle du
« ruisseau de Saint-G enest, prenne sa naissance dans
G 2
♦
�(2 0 )
« Venclos du sieur D esaulnats ; que le contraire est
« évidemment p ro u vé, etc. »
Ils prennent ensuite leurs conclusions principales, telles
qu’elles avoient été signifiées au sieur Neiron ; puis ils
ajoutent :
« P o u r parvenir à Vadjudication de ces conclusions,
« ils demandent d’être autorisés à p ro u ver, etc. ( C’est
« une preuve de possession de la porte et de leur prise
« d’eau, dont ils articulent les faits.) Ils ont demandé aussi,
« que pour plus grand éclaircissement, si nous le ju-~
« geons nécessaire, nous ordonnassions une vérification
« des lieux par experts, à Veffet de constater s i la source
« de Saint-Genest ne naît pas dans une enceinte par« ticulière et indépendante de Vençlos ; s’il n’y a pas deux
« écussons de la maison de Lugbeac sur le regard ou
« chapelle du fond ; et s’il n’y a pas une autre chapelle
« ou regard en avant, appartenant à la ville de Riom. »
Suit une série de détails sur le même objet.
V oilà sans doute la question posée, sans détour ni équi
voque , et de manière à ce que le sieur Neiron ne s’y mé
prenne pas. Cette question, qui n’est ni une extension de
demandes, ni un nouveau chef de conclusions , mais
seulement un éclarcissem ent, vin moyen de parvenir à
f adjudication des conclusions qu’on propose, et seule
ment dans le cas où l’arbitre le jugera nécessaire.
Et cependant on a osé dire et imprimer que dans les
conclusions relatées dans le jugement, il n y en avoit
pas qu i tendissent (ïtfait'e vérifier si les eaux en ques
tion naissent dans Venclos. Ne semble-t-il pas qu’on sc
fait un jeu d’insulter tout ù la fois à la justice, pour qui
�(
21
)
l’on écrit, et à son chef, qu’on avoit indiqué et choisi pour
arbitre, peut-être et vraisemblablement, afin de priver
Jean Debas de l’avoir pour juge?
Mais continuons , et voyons si l’arbitre a ordonné cet
éclaircissem ent, cette vérification , sans la participation,
et à l’insçu du sieur Neiron ; car on le diroit encore à
l ’entendre. L e jugement ajoute immédiatement :
« L e sieur N eiron, au contraire, s’est opposé à la preuve
« offerte par Debas ; soutenant qu’on ne pouvoit ad« mettre une preuve aussi dangereuse..............................
« Q iî’à Tégard de Vexpérience demandée, cétoit une
« proposition aussi raisonnable que tardive, et à la« quelle il s’étoit toujours offert; seulement il désireroit,
« pour éviter les incidens, que nous nommassions nous« mêmes les experts, et que nous assistassions, s’il étoitpos« sib le, h leurs opérations. En conséquence, il a conclu
« à ce que, sans nous arrêter à aucune autre demande in« terlocutoire formée ou à former par Debas et con« sorts, nous ordonnions, avant faire droit définitif aux
« parties , que des experts par nous exclusivement
« choisis visiteront les lieux contentieux, et y feront
« l’application du bail à cens de i y 56 , et de ses confins,
« même en notre présence, si nous l’approuvons. »
L e sieur Neiron dira-t-il encore qu’il n’a pas connu la
demande en vérification ? qu’il ne l’a pas connue telle
qu’elle a été formée ? Mais poursuivons ; car il semble
craindre ensuite de n’avoir pas donné au juge des pou
voirs assez étendus, parce qu’il n’a parlé que de l’appli
cation du bail de i y 56 , sans cependant faire la moindre
�( 22 )
réclamation sur les autres vérifications demandées par
D ebas, ni faire mine de s ’ y opposer. L e jugement continue :
« D epuis, et le 13 de ce mois de juillet, le sieur Desaul« nats craignant les dangers d’une expertise qui se feroit
a hors notre présence, et sous des influences étrangères,
« s’autorisant du titre 21 de l’ordonnance de 1667, et
« de la clause du compromis qui nous permet de nous
« adjoindre telles personnes qui nous conviendront, est
« venu nous dire qu’il demandoit expressément que nous« mêmes vérifiassions les lieux en question ^ que nous
« y fission s commencer, compléter et rédiger en notre
« présence, par telles personnes de notre choix q iiil
« appartiendrait, toutes les applications de titres , et
« autres opérations q iîïln o u s plairoit ordonner; il nous
« a même dit qu’il protestoit et avoit toujours entendu
« protester d’infraction au compromis contre tout trans« port d’experts ou gens à ce connoissant, s i ce n’ étoit
« sous nos y e u x , notre surveillance , et notre particia pation immédiate. »
Il consentoit donc à tout transport d’experts et gens
à ce connoissant ,* à toutes les applications de titres et
autres opérations qu'il plairoit à Varbitre ordonner,
sous la seule condition que ce seroit sous ses y e u x , et
avec sa participation immédiate. Lisons encore :
« Mais il est revenu le dix-septièm e, nous déclarer
« qu’il se départoit quant à présent des réquisitions et
« protestations ci-dessus, relatives à la demande de notre
« transport sur les lie u x , se réservant de faire la même
« demande avant le jugement définitif. »
�( 23 )
w En cet état, il s’agit de savoir, etc.»
On le demande; quand bien même Debas n’auroit pas
conclu à la vérification du point de fait dont il s’a g it,
l’arbitre n’auroit-il pas été autorisé à l’ordonner de luimême , pour éclairer sa religion ? ce pouvoir ne faisoitil pas partie nécessaire de sa mission ? n’y avoit-il|pas
d’ailleurs un consentement formel ?
Mais puisque les deux parties y avoient si positivement
conclu l’une et l’autre, l ’arbitre nommé pour juger en
rigueur de d roit, non-seulement les contestations expli
quées au compromis, mais encore toutes celles qu i pour
raient naître, pouvoit-il se dispenser de satisfaire les par
ties, et d’interloquer sur ce point? le pouvoit-il surtout
sans s’exposer à un l’eproclie que le sieur Neiron n’au
roit pas manqué de lui faire? a-t-il fait, a-t-il pu faire en
cela quelque tort à l’une ou à l’autre ? a-t-il excédé ses
pouvoirs? Quelle est donc la partie qui a usé de super
cherie , qui a trompé fa u tre, qui en impose à la justice?
On se tait : il seroit impossible, en se renfermant le
plus strictement possible dans son sujet, de faire une
réflexion qui ne fût pas une injure, qui ne portât l’em
preinte d’une juste indignation. Il faut encoi’e ajouter
quelques faits.
Si le sieur Desaulnats avoit eu quelque sujet de plainte
contre le jugement interlocutoire, et le narré de ce juge
ment, il l’auroit fait connoître, sans doute, lorsque ce
jugement a été signifié, et avant de l’exécuter : comment
s’est-il conduit sur ce dernier chapitre ?
Non-seulement il a exécuté le jugement interlocutoire
�( M )
sans se plaindre-ni de sa rédaction ni de ses dispositions;
non-seulement il s’est abstenu d’opposer comme fin de nonrecevoir les expressions du com prom is, dans lesquelles
il a cru depuis pouvoir trouver un aveu; mais il a été
le premier à fournir des titi'es, des documens relatifs à
la question de propriété , toujours sans aucune réserve
ni restriction ; mais encore on voit dans une réquisition
qu’il fit aux experts, après leur visite terminée, des ex
pressions bien précieuses.
Après leur a v o i r demandé diverses vérifications que
n ’ o r d o n n o it pas le jugement, il ajoute : « D ’ailleurs, je
« n’ai fait aucunes réquisitions à M M . les experts, n i
« relativement à la source q u i naît sous un rocher
« dans mon ja r d in , à la téte de ladite vergnière ( c’est
« celle delà pom pe), n i relativement aux autres moin« dres sources qu i se montrent dans ladite vergnière '
« attendu que la propriété desdites sources, et le droit
« d’en user à ma volonté, n’ont point été mis en ques
ea tion, ni dans le compromis qui énonce les questions
» à juger, n i dans le jugement interlocutoire qui a
« suivi* »
Faut-il une reconnoissance plus formelle que les ques
tions qui ne sont pas énoncées dans le compromis, l’ont
été régulièrement dans le jugement interlocutoire qui a
suivi ? un aveu plus positif que le sieur Neiron a volon
tairement e x é c u t é cette partie de l’interlocutoire?
Enfin il nous apprend lui-même, dans son résultat,
pourquoi il l’a exécutée ; car il faut toujours que le petit
bout d’oreille se montre. C ’est lui qui parle, pag. 9.
« On
�C afi )
« O n me conseilla .d’attendre le résultat de l’exper« tise, qui dey oit, disoit-on, résoudre en m a fa veur la
« question. »
Apprçne^-rnous, sieur Desaujna ts, comment vous n’étiez
p;js obligé d’attendre le résultat de l’expertise, et de vous
y soumettra, quel qu’il fût, puisque vous comptiez vous'
en servir, dans le cas où il seroit en votre faveur ?
Ce n’est donc que parce q ue, grâces à vos titres, les
deux experts ont décidé la question contre vous, que vous
avez cru n’êfrç plus obligé de vous soumettre au résultat
de l’expertise.
O u bien, si le rapport de Cailhe étoit si fort concluant;
si celui de Legay étoit si partial et si absurde ; si dès-lors
le résultat de l’expertise étoit en votre fa v e u r , ce qui
devoit faire cesser vos prétendues craintes, vous avez donc
r é v o q u é l’arbitre sans intérêt, sans m otif, et pour le seul
plaisir de lui faire une insulte ?
Et pourquoi, après le rapport d’experts exécuté et
signifié, avoir, par une requête, demandé le transport
de l’arbitre pour achever la vérification, si réellement
il y avoit eu excès de .pouvoir à l’ordonner?
C ’en est trop. O n voit que quand on réduiroit la cause
a ce seul point de fa it, en écartant même les moyens pré
liminaires que Debas oppose avec tant d’avantage, le sieur
Neiron n’en seroit pas plus avancé : la cause alors se ré
duiroit, comme il le dit, à la simple question de fait, de
savoir quelle est celle .des parties qui a trompé Vautre,
et usé de supercherie. ]Vlais la question n’est pas difficile à
résoudre. Debas Rajoutera rien aux faits qu’il vient de
�(26)
tracer : tout cela parle, et parle éloquemment. Il ne ré
pondra même rien à la ridicule demande, à la fausse at
taque du sieur Neiron; il croit avoir établi la sienne,
justifié sa conduite et le jugement de l’arbitre, s’il pouvoit en être besoin : il laisse à la justice le soin de le
venger, et au public à décider quel est le fourbe.
P a r conseil, V I S S A C , avocat.
ROUHER,
A R I O M , de l'im prim erie de L
,
a n d r io t ,
avoué.
seul im prim eur de la
C o u r d ’appel. — M ars 1807.
�
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Title
A name given to the resource
Factums Marie
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Description
An account of the resource
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Text
A resource consisting primarily of words for reading. Examples include books, letters, dissertations, poems, newspapers, articles, archives of mailing lists. Note that facsimiles or images of texts are still of the genre Text.
Dublin Core
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Title
A name given to the resource
[Factum. Debas, Jean. 1807]
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Vissac
Rouher
Subject
The topic of the resource
servitude d'eau
jouissance des eaux
moulins
Description
An account of the resource
Mémoire pour Jean Debas, meunier, habitant du lieu de Saint-Genest ; contre le sieur Neiron-Desaulnats, propriétaire, habitant de la ville de Riom.
Publisher
An entity responsible for making the resource available
De l'imprimerie de Landriot (Riom)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1807
Circa An 11-1807
1799-1804 : Consulat
1804-1814 : 1er Empire
Type
The nature or genre of the resource
text
Format
The file format, physical medium, or dimensions of the resource
application/pdf
26 p.
Identifier
An unambiguous reference to the resource within a given context
BCU_Factums_M0529
Source
A related resource from which the described resource is derived
Bibliothèque Université Clermont Auvergne
Cour d'Appel de Riom, Collection Marie
Language
A language of the resource
fre
Relation
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BCU_Factums_M0525
BCU_Factums_M0530
BCU_Factums_M0540
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Jouissance des eaux
moulins
servitude d'eau